Le
seuil
ischémique
est
atteint
lorsque
les
apports
en
oxygène
ne
couvrent
plus
les
besoins
du
tissu
cérébral.
Le
déterminant
essentiel
de
cet
équilibre
chez
un
patient
sous
sédation,
à
PaO2
et
hémoglobine
constantes,
est
le
débit
sanguin
cérébral
(DSC),
global
et
local.
L’ischémie
cellulaire
survient
lorsque
le
DSC
devient
inférieur
à
20–25
ml/min
mais
ce
seuil
est
probablement
différent
selon
les
individus
et
au
sein
du
parenchyme
sain
ou
en
périlésionnel.
Ainsi,
le
niveau
de
pression
de
perfusion
cérébrale
(PPC)
recommandé
à
60
mmHg
pour
permettre
un
DSC
suffisant
au
niveau
du
cerveau
sain,
est
probablement
variable
d’une
zone
à
l’autre
et
n’évite
pas
la
survenue
d’une
ischémie
tissulaire.
Le
monitorage
visant
à
surveiller
les
paramètres
du
métabolisme
aérobie
(PtiO2,
SjO2
ou
microdialyse)
et
à
détecter
une
ischémie
tissulaire,
permet
d’adapter
la
PPC,
la
PaCO2
et
éventuellement
la
FiO2
à
chaque
patient
et
en
continu.
Introduction
Le
pronostic
fonctionnel
et
vital
des
patients
qui
présentent
une
agression
cérébrale
aiguë
est
conditionné
par
l’étendue
des
lésions
dites
primaires
et
par
la
survenue
d’épisodes
secondaires
d’ischémie
tissulaire.
Le
métabolisme
cellulaire
cérébral
est
maintenu
tant
que
les
apports
sanguins
couvrent
les
besoins
énergétiques
nécessaires
à
son
fonctionnement.
Lorsqu’un
déséquilibre
entre
le
débit
sanguin
cérébral
(DSC)
et
la
consommation
cérébrale
en
oxygène
(CMRO2)
survient,
une
souffrance
cellulaire
peut
apparaître.
Le
seuil
ischémique
peut
donc
être
défini
comme
la
valeur
du
rapport
DSC/CMRO2
en
dessous
duquel
le
métabolisme
aérobie
ne
peut
pas
être
maintenu.
Mais
la
notion
de
seuil
ischémique
n’est
pas
univoque
et
il
faut
différencier:
✤ le
seuil
global
variable
d’un
patient
à
l’autre
et
pouvant
être
défini
par
le
seuil
en
dessous
duquel
le
tissu
sain
est
en
ischémie,
✤ des
seuils
ischémiques
locaux
fortement
dépendants
de
l’état
du
tissu
lésé
et
variables
d’une
zone
à
l’autre
chez
le
même
patient.
Les
méthodes
actuelles
de
détection
du
seuil
ischémique
ont
deux
objectifs
:
-‐ évaluer
l’oxygénation
du
tissu
sain
lorsque
l’hypertension
intracrânienne
est
responsable
d’une
pression
de
perfusion
cérébrale
trop
basse
pour
répondre
aux
besoins,
et
-‐ surveiller
les
zones
où
le
débit
sanguin
local
est
insuffisant
alors
que
le
cerveau
sain
est
correctement
oxygéné.
débit
cérébral_notions.doc_ferron
fred
1
Seuil
ischémique
et
débit
sanguin
cérébral:
Grâce
à
différentes
techniques
de
mesure
comme
la
clairance
du
Xénon
en
tomoscintigraphie,
le
DSC
du
cerveau
sain
a
été
mesuré
.
Sa
valeur
normale
globale
chez
l’homme
est
de
55
±
5
ml/
min
par
100
g
de
tissu
cérébral
frais,
des
valeurs
différentes
étant
observées
en
fonction
des
zones
fonctionnelles
:
-‐ au
niveau
de
la
substance
grise
normale
75
±
10
ml/min
par
100
g
dont
:
thalamus
:
86
±
13
ml/min
par
100
g;
-‐ cortex
temporosylvien
:
80
±
7
ml/min
par
100
g
;
-‐ cortex
frontolatérodorsal
:
64
±
4
ml/min
par
100
g
;
-‐ au
niveau
de
la
substance
blanche
normale
30
±
3
ml/min
par
100
g.
Les
fonctions
cérébrales
et
la
consommation
d’oxygène
(CMRO2)
sont
conservées
tant
que
le
DSC
global
reste
supérieur
ou
égal
à
25–30
ml/min
par
100
g,
car
le
défaut
de
perfusion
tissulaire
est
alors
compensé
par
une
augmentation
de
l’extraction
d’oxygène.
Des
lésions
cérébrales
irréversibles
peuvent
apparaître
dès
que
le
DSC
devient
inférieur
à
20–
25
ml/min
par
100
g
.
Le
risque
de
nécrose
est
alors
directement
corrélé
à
la
profondeur
et
à
la
durée
de
l’hypoperfusion
tissulaire.
Le
seuil
critique
d’ischémie
entraînant
assurément
la
mort
neuronale
est
de
l’ordre
de
15
ml/min
par
100
g
et
en
dessous
de
6
ml/min
par
100
g,
les
destructions
cellulaires
sont
rapides.
Bien
sûr,
ces
valeurs
moyennes
de
seuils
de
débit,
donc
d’apport
en
O2,
peuvent
varier
en
fonction
de
l’augmentation
ou
de
la
diminution
d’activité
et
de
consommation
du
cerveau
en
O2.
Régulation
du
débit
sanguin
cérébral
L’ischémie
cérébrale
résulte
d’un
déséquilibre
entre
le
transport
et
la
consommation
d’oxygène
(CMRO2).
Les
situations
ischémiques
sont
donc
de
deux
types
:
-‐ celles
au
cours
desquelles
le
transport
est
diminué
en
raison
d’une
diminution
du
DSC,
de
la
pression
artérielle
en
O2
(PaO2)
ou
de
l’hémoglobine
(Hb),
et
-‐ celles
où
l’augmentation
de
la
consommation
dépasse
les
mécanismes
d’adaptation
d’apports
en
O2.
Dans
les
deux
cas,
l’ischémie
traduit
une
mise
en
défaut
des
mécanismes
physiologiques
de
régulation
dont
le
rôle
est
de
garantir
l’apport
tissulaire
en
O2,
notamment
par
adaptation
du
DSC.
À
PaO2
et
Hb
constantes,
le
DSC
est
donc
le
principal
déterminant
de
l’ischémie.
Le
DSC
varie
localement
et
globalement
par
modification
des
résistances
vasculaires
cérébrales,
en
réponse
aux
variations
de
besoins
(activité
cérébrale,
coma,
épilepsie)
ou
en
réponse
aux
variations
d’apports
en
oxygène
(anémie,
hypoxémie,
pression
de
perfusion
cérébrale).
Ainsi,
si
la
PaO2,
l’Hb,
et
la
volémie
sont
constantes,
trois
mécanismes
de
régulation
du
DSC
sont
classiquement
décrits
:
débit
cérébral_notions.doc_ferron
fred
2
-‐ DSC
et
PPC
:
la
régulation
du
DSC
en
réponse
aux
variations
de
pression
de
perfusion
cérébrale
(PPC)
a
pour
but
de
maintenir
le
débit
constant
malgré
des
variations
physiologiques
de
pression
artérielle.
Il
s’agit
de
l’autorégulation
;
-‐ DSC
et
CMRO2
:
la
régulation
du
DSC
en
réponse
aux
variations
de
consommation
a
pour
but
d’adapter
le
DSC
aux
variations
de
CMRO2,
et
aux
variations
de
consommation
en
glucose.
Il
s’agit
du
couplage
métabolique
;
-‐ DSC
et
CO2
:
la
vasoréactivité
au
CO2
a
pour
but
d’augmenter
le
débit
en
cas
d’augmentation
du
métabolisme
aérobie
et
donc
de
la
production
de
CO2,
et
de
réduire
le
débit
si
la
production
de
CO2
diminue.
Autorégulation
du
DSC
et
variations
de
PPC:
Chez
le
sujet
sain,
le
DSC
est
généralement
constant
pour
des
pressions
de
perfusion
cérébrale
comprises
entre
50
et
150
mmHg,
grâce
aux
modifications
de
résistances
vasculaires
cérébrales
par
vasodilatation
ou
vasoconstriction.
En
théorie,
les
modifications
de
PPC
induites
par
des
variations
de
pression
artérielle
moyenne
ou
de
pression
intracrânienne,
n’entraînent
donc
pas
de
situation
ischémique
pour
des
valeurs
supérieures
au
point
d’inflexion
du
plateau.
Pourtant,
s’il
semble
certain
que
le
risque
d’ischémie
du
tissu
sain
est
important
pour
des
PPC
inférieures
à
60
mmHg
,
ce
risque
persiste
pour
des
valeurs
de
PPC
plus
importantes
pour
quatre
raisons
:
-‐ tout
d’abord
la
position
du
point
d’inflexion
est
variable.
En
effet,
la
PPC
permettant
de
se
situer
sur
le
plateau
d’autorégulation
est
variable
d’un
sujet
à
l’autre
en
fonction
du
terrain
et
en
fonction
de
l’atteinte
cérébrale.
Ainsi,
chez
le
sujet
hypertendu,
le
point
d’inflexion
est
dévié
à
droite
en
cas
d’agression
cérébrale
aiguë.
La
PPC
nécessaire
au
maintien
d’un
DSC
global
suffisant
pour
éviter
l’ischémie
du
tissu
sain
est
donc
variable
d’un
sujet
à
l’autre
et
probablement
dans
le
temps
;
-‐ la
valeur
de
PPC
nécessaire
au
maintien
d’une
perfusion
tissulaire
adéquate
peut
être
variable
d’une
zone
à
l’autre
notamment
en
cas
de
lésions
intraparenchymateuses
et
de
modification
des
conditions
locales
de
circulation
du
sang.
La
position
du
point
d’inflexion
est
donc
probablement
variable
d’une
zone
à
l’autre
chez
le
même
sujet
comme
en
témoignent
les
asymétries
mises
en
évidence
entre
les
deux
hémisphères
chez
le
traumatisé
crânien.
L’ischémie
focale
de
zones
lésées
(zones
de
pénombres
périlésionnelles)
peut
donc
survenir
pour
des
valeurs
de
PPC
qui
permettent
le
maintien
d’un
DSC
global
adéquat
pour
le
tissu
sain
;
-‐ l’autorégulation
peut
être
perturbée
de
façon
focale
ou
globale,
le
DSC
est
alors
directement
fonction
de
la
PPC.
Les
baisses
de
PPC
exposent
au
risque
ischémique
et
les
augmentations
au
risque
d’oedème
vasogénique
qui
conduit
à
l’augmentation
de
la
PIC
;
débit
cérébral_notions.doc_ferron
fred
3
-‐ pour
une
PPC
donnée
et
considérée
comme
satisfaisante,
le
DSC
peut
diminuer
en
réponse
à
d’autres
paramètres
comme
la
PaCO2.
Couplage
métabolique
du
débit
sanguin
cérébral
La
perfusion
et
le
métabolisme
cérébral
sont
intimement
liés.
Le
métabolisme
cérébral
et
ses
besoins
en
oxygène
et
en
glucose
sont
directement
déterminés
par
l’intensité
de
l’activité
neuronale.
L’apport
est
adapté
en
permanence
à
la
demande,
par
variations
adéquates
du
DSC
.
La
CMRO2
et
la
CMRglucose
sont
donc
des
déterminants
importants
de
l’ischémie
cérébrale,
notamment
dans
les
contextes
où
l’augmentation
de
DSC
est
limitée
par
la
pathologie
ou
préjudiciable.
En
cas
d’agression
cérébrale,
la
diminution
de
la
pression
intracrânienne
est
en
partie
obtenue
par
la
sédation
qui
diminue
la
CMRO2
et
ainsi
le
DSC
et
le
volume
sanguin
cérébral.
La
sédation
des
patients
joue
donc
un
double
rôle;
-‐ elle
diminue
la
pression
intracrânienne
(PIC)
par
une
diminution
du
DSC
qui
reste
adapté
aux
besoins,
-‐ elle
limite
le
risque
d’ischémie
que
constituerait
une
augmentation
importante
de
la
CMRO2
dans
un
contexte
où
l’augmentation
de
DSC
ne
peut
être
garantie.
La
sédation
ne
protège
le
tissu
cérébral
ni
par
une
diminution
du
seuil
ischémique,
ni
par
un
déplacement
du
point
d’inflexion
du
plateau
d’autorégulation,
mais
en
limitant
les
risques
de
diminution
du
rapport
DSC/CMRO2.
Enfin,
le
risque
ischémique
est
d’autant
plus
important
en
cas
d’activité
neuronale
intense,
qu’il
semble
apparaître
un
découplage
entre
la
perfusion
et
le
métabolisme
dans
ces
situations.
Une
augmentation
non
adaptée
du
DSC
peut
survenir,
l’apport
sanguin
dépassant
alors
largement
les
besoins
métaboliques
de
la
région
cérébrale
activée
ce
qui
peut
conduire
à
une
augmentation
de
la
PIC
et
à
une
réduction
de
la
PPC.
Débit
sanguin
cérébral
et
vasoréactivité
au
CO2
et
à
l’O2
Pour
une
pression
de
perfusion
cérébrale
donnée
et
pour
une
CMRO2
constante,
l’amélioration
du
transport
et
de
la
délivrance
distale
en
oxygène
soit
par
augmentation
de
la
PaO2,
soit
par
hémodilution
normovolémique,
entraîne
logiquement
une
diminution
du
DSC.
L’augmentation
de
la
PaO2
réduit
jusqu’à
20
%
le
DSC,
ce
dernier
restant
adapté
aux
besoins.
Inversement,
les
situations
d’hypoxémie
qui
entraînent
une
désaturation
de
l’hémoglobine
(PaO2
<
60
mmHg)
conduisent
à
une
augmentation
compensatrice
importante
du
DSC
par
vasodilatation
artérielle
cérébrale.
débit
cérébral_notions.doc_ferron
fred
4
Le
risque
d’ischémie
dû
à
une
diminution
de
la
PaO2
est
alors
majoré
par
le
risque
d’augmentation
de
la
PIC
et
de
réduction
de
la
PPC.
La
pression
artérielle
en
CO2
(PaCO2)
entraîne
également
des
modifications
importantes
du
DSC
par
l’intermédiaire
des
modifications
de
pH
extracellulaire
et
de
synthèse
de
monoxyde
d’azote
(NO).
Les
variations
de
DSC
sont
linéaires
pour
des
valeurs
de
PaCO2
comprises
entre
20
et
80
mmHg.
Ces
variations
sont
transitoires
et
un
équilibre
se
crée
autour
de
la
valeur
de
PaCO2
du
sujet.
Ainsi,
une
normocapnie
chez
un
patient
habituellement
hypercapnique
réduit
le
DSC.
De
même,
la
réduction
du
DSC
induite
par
une
hyperventilation
qui
diminue
la
PaCO2
n’est
que
temporaire
(six
à
huit
heures),
et
le
débit
retrouve
ensuite
progressivement
sa
valeur
initiale.
Ainsi,
après
adaptation,
le
retour
à
une
normocapnie
entraîne
une
augmentation
transitoire
du
DSC.
Plus
qu’une
valeur
de
PaCO2,
ce
sont
les
variations
de
ce
paramètre
qui
sont
susceptibles
de
modifier
le
DSC.
Or,
contrairement
aux
variations
de
PaO2,
l’hyper-‐
et
l’hypocapnie
sous
ventilation
mécanique
augmentent
le
risque
ischémique.
En
effet,
l’hypercapnie
augmente
le
DSC
par
vasodilatation
et
augmente
donc
le
VSC
et
la
PIC
pouvant
ainsi
réduire
la
PPC,
alors
que
l’hypocapnie
réduit
le
DSC
par
vasoconstriction
sans
modifier
la
CMRO2
et
diminue
donc
le
rapport
DSC/CMRO2.
Les
variations
de
PaCO2,
majorent
le
risque
ischémique
parce
qu’elles
modifient
le
DSC
indépendamment
des
besoins
cérébraux
en
O2.
Ainsi,
pour
une
PPC
censée
maintenir
le
DSC
adapté
aux
besoins
car
située
sur
le
plateau
d’autorégulation,
le
DSC
peut
être
réduit
de
40
à
50
%
en
cas
d’hypocapnie
profonde
(PaCO2
<
25
mmHg)
et
entraîner
une
ischémie
tissulaire
.