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Point de vue

L’ALENA fête ses 20 ans : fondement de l’intégration


économique nord-américaine ou victime du repli
national ?
Earl Fry, Texte traduit de l’anglais (américain) par Laure Géant
Dans Politique américaine 2015/1 (N° 25), pages 19 à 35
Éditions L'Harmattan
ISSN 1771-8848
ISBN 9782343065410
DOI 10.3917/polam.025.0019
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Point de vue :
L’ALENA fête ses 20 ans : fondement
de l’intégration économique
nord-américaine ou victime
du repli national ?

Earl Fry1*

Résumé un frein à l’intégration. Une mentalité de


Il y a eu historiquement beaucoup de résis- forteresse continue de régner aux États-Unis
tance, au Canada et au Mexique, à l’idée vis-à-vis des voisins. Afin d’être à la hauteur
d’un accord de libre-échange avec les des défis dans un monde toujours plus
États-Unis. L’entrée en vigueur de l’ALENA complexe et compétitif, les trois pays ont
a donc constitué un saut important pour la besoin de promouvoir plus d’intégration
région. Grâce à l’ALENA le commerce et les régionale, plus de mobilité des personnes,
investissements se sont multipliés au sein de plus d’autonomie des régions au sein des
la région et ont ouvert la voie à une forme États, un plus grand rôle pour les acteurs
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approfondie d’intégration, bien que le vo- de la société civile. Une grande initiative en
lume des voyages entre les pays n’ait pas faveur de l’«  ALENA-Plus  » s’impose pour
augmenté au même rythme. Les mesures lancer un tel processus. Contrairement à ce
sécuritaires prises après le 11 septembre que pensait Robert Pastor, il n’y aura pas de
2001 ont eu pour résultat une « décennie monnaie commune et la perspective d’une
perdue » de régression pour le commerce identité collective régionale reste lointaine,
et de stagnation de l’intégration régionale. mais les possibilités de décloisonnement
L’appareil de sécurité territoriale étatsunien économique restent immenses.
(Homeland Security) agit toujours comme

L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est entré en vigueur le


1er janvier 1994 et fut mis en œuvre par étapes durant les quinze années qui sui-
virent. Ce traité signé entre le Canada, le Mexique et les États-Unis a permis de
céer la zone de libre-échange de biens et services la plus importante du monde.
Les relations économiques entre les trois principaux États d’Amérique du Nord
*1 Earl Fry est professeur de science politique, titulaire de la Chaire d’Études Canadiennes à
Brigham Young University (Provo, Utah).

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L’Amérique du Nord, versant sud

devraient continuer de s’intensifier, créant ainsi un espace continental plus


prospère et plus compétitif sur le plan international. Cependant, l’ALENA doit
faire face à l’heure actuelle à des difficultés qui pourraient remettre en cause
l’expansion du développement économique transfrontalier et de la coopération
entre les États.
L’ALENA sera donc abordé d’un point de vue historique, en se concentrant
d’abord sur les développements majeurs de la fin des années 1990, puis sur sa
fragilisation à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Différentes options
pour sortir l’ALENA de sa paralysie actuelle et lui permettre de retrouver
une coopération économique nord-américaine dynamique seront par ailleurs
évoquées.

Naissance et construction de l’ALENA


Le processus de création de l’ALENA fut extrêmement long et laborieux. Les
territoires aujourd’hui occupés par les États-Unis et le Canada étaient aupara-
vant unis au sein de l’Empire britannique. La reconnaissance officielle de l’in-
dépendance des États-Unis par la Grande-Bretagne en 1783 fut une rupture.
Les colons américains loyaux à la Couronne britannique et qui n’avaient pas
pris part à la rébellion s’exilèrent dans les territoires nord-américains encore
dans le giron britannique. Échaudés par les persécutions subies et par la confis-
cation de leurs biens par la jeune République américaine, ces loyalistes exilés
devinrent les piliers de la résistance à toute future coopération entre les États-
Unis et les colonies britanniques voisines. Dans la première constitution amé-
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ricaine, les Articles de la Confédération en 1781, il était prévu que les colo-
nies britanniques d’Amérique du Nord puissent rejoindre immédiatement la
Confédération si elles le désiraient. Aucune n’accepta la proposition.
Plus d’un demi-siècle plus tard, le traité Elgin-Marcy de 1854 permit le
libre-échange des matières premières entre les États-Unis et les colonies bri-
tanniques d’Amérique du Nord. Ce pacte fut cependant de courte durée  : le
Congrès américain l’abrogea en 1866 car l’opinion était de plus en plus persua-
dée que le traité privilégiait les seuls intérêts économiques canadiens. De plus,
une hostilité générale envers la Grande-Bretagne, qui avait soutenu les États
sécessionnistes au début de la guerre de Sécession, était grandissante. Un an
plus tard, le Canada devint une nation indépendante ; son Premier ministre,
Sir John A. Macdonald, leader du Parti conservateur, demanda à Washington
de restaurer le libre-échange entre leurs deux pays. Cette tentative se solda par
un échec. John A. Macdonald décida alors d’instaurer son propre programme,
la «  Politique Nationale  » (National Policy), qui renforça les barrières protec-
tionnistes entre le Canada et les États-Unis. Par la suite, le puissant Parti libéral
canadien tenta pendant plusieurs dizaines d’années de rétablir des accords de

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commerce bilatéraux avec les États-Unis. En 1911, le gouvernement libéral de


Sir Wilfried Laurier parvint finalement à négocier un accord de ce type avec
l’administration américaine de William Howard Taft. Cependant, le parti de
Wilfrid Laurier connut une défaite cuisante contre le Parti conservateur lors
des élections de la même année, qui se concentraient principalement sur les
enjeux de libre-échange.
Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement libéral mené par
William Lyon Mackenzie King essaya une fois de plus d’établir un accord de
libre-échange avec les États-Unis, mais alors qu’il était sur le point d’y parve-
nir, il se ravisa et mit fin soudainement aux discussions. Ce fut finalement à
la fin des années  1980 que le gouvernement «  conservateur- progressiste  »
(Progressive Conservative) de Brian Mulroney reçut un soutien électoral suf-
fisant pour mettre en place un accord de libre-échange entre les deux pays.
Sans même attendre l’accord du Sénat canadien généralement conciliant et peu
regardant, le gouvernement de Mulroney fut obligé d’organiser une élection sur
le thème du libre-échange en 1988. L’Accord de libre-échange canado-améri-
cain (ALE) entra en vigueur en 1989 et fut remplacé cinq ans plus tard par la
ratification de l’ALENA.
La perspective d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et le
Mexique a été considérée totalement inenvisageable durant les deux siècles
d’une histoire commune marquée par des hauts et des bas. Pour de nom-
breux Mexicains, la relation bilatérale que les États-Unis entretenaient avec le
Mexique pouvait se résumer à la complainte populaire datant du 19e siècle  :
« Pauvre Mexique, si loin de Dieu et si près des États-Unis. » Les Américains
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qui s’étaient installés au Texas, appartenant alors au Mexique, se rebellèrent et
déclarèrent leur indépendance vis-à-vis du Mexique en 1836, acceptant finale-
ment leur intégration au sein des États-Unis en décembre 1845. Peu après, le
Mexique fut embourbé dans une guerre contre les États-Unis que le président
d’alors, James K. Polk, considérait comme une étape cruciale dans la réalisation
de la « Destinée Manifeste » (Manifest Destiny) du pays. L’annexion du Texas,
la victoire américaine lors du conflit américano-mexicain et l’achat d’une par-
tie des territoires à la frontière mexicaine en 1853 (The Gadsden Purchase) per-
mirent aux États-Unis de faire l’acquisition définitive de plus de la moitié du
territoire mexicain d’alors. Ces succès représentent aujourd’hui approxima-
tivement l’équivalent de l’Arizona, de la Californie, du Nevada, du Nouveau
Mexico, du Texas et de l’Utah.
Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement mexicain a appliqué
obstinément une stratégie de substitution à l’importation. L’objectif était alors
de limiter les échanges économiques avec les États-Unis et de favoriser la pro-
duction nationale. Cependant, lorsque le traité canado-américain, l’ALE, entra
en vigueur en 1989, le président Carlos Salinas demanda à l’administration

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L’Amérique du Nord, versant sud

George H.W. Bush d’envisager un nouvel accord de libre-échange avec le


Mexique. De prime abord, cette demande était surprenante au vu de la précari-
té des relations économique et politique entre le Mexique, pays en voie de déve-
loppement, et les États-Unis, superpuissance mondiale leur ayant déjà subtilisé
tant de territoires. D’un autre côté, cette demande faisait suite à l’entrée réussie
du Mexique dans l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce
(AGETAC) en 1986, orchestrée par le président Miguel de la Madrid. Ce dernier,
tout comme Salinas, était convaincu que le Mexique était enfin prêt à libéraliser
ses politiques économiques intérieures et extérieures, et ainsi à entreprendre la
transition du statut de pays en développement vers celui de marché émergeant,
pour finalement devenir un pays développé. Le PIB (Produit Intérieur Brut) du
Mexique le place aujourd’hui au 15e rang des pays riches et lui permet de faire
partie intégrante du G20, ce groupe qui rassemble les plus grandes économies
mondiales et prend petit à petit le pas sur le traditionnel G7, exclusivement
dominé par les pays occidentaux.
Au lieu de négocier un traité de libre-échange bilatéral, Washington et
Mexico acceptèrent tous deux de s’associer directement avec Ottawa pour un
accord trilatéral, l’ALENA, fondé en grande partie sur le modèle de l’ALE cana-
do-américain. Pourtant, l’histoire des tentatives de libre-échange entre les trois
pays illustre la difficulté qu’il y a à établir les bases d’un accord tant bilatéral que
trilatéral. Les responsables canadiens ont toujours voulu garder un accès illimi-
té à l’important marché de consommation américain, sans pour autant tourner
le dos à leur ancienne métropole, la Grande-Bretagne. L’histoire du Mexique fut
marquée quant à elle par un désir de la part de ses dirigeants de se tenir à dis-
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tance des États-Unis afin de préserver le mode de vie mexicain. Au cours de ces
dernières décennies, le Canada et le Mexique semblent avoir partagé la même
ambivalence envers les États-Unis. Ils ont d’une part tenté de protéger leur éco-
nomie nationale contre des mesures protectionnistes qui émaneraient à l’avenir
de la Maison-Blanche ou du Congrès. D’autre part, ils sont restés méfiants face
au danger que représenteraient de vastes accords commerciaux, qui les aspire-
raient de façon incontrôlable dans l’orbite américaine et mettraient en danger
leur souveraineté économique et politique. Aujourd’hui, quel bilan, avec 20 ans
de recul, les trois pays membres de l’ALENA peuvent-ils établir ?

Bilan de l’ALENA : 1994-2014


En chiffres globaux, l’ALENA semble être une vraie réussite. Le commerce
trilatéral se montait à 289 milliards de dollars en 1993, soit un an avant la mise
en place de l’ALENA. Fin 2013, il avait atteint 1,1 billion (trillion) de dollars2,

2 NdT – un « trillion » en anglais représente 1 billion en français (mille milliards).

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autrement dit, une hausse de 400  % en dollars nominaux. Les flux d’IDE
(Investissements Directs à l’Étranger), permettant à un investisseur d’obtenir
une participation de contrôle dans une entreprise étrangère et facilitant la créa-
tion ainsi que l’expansion de chaînes d’approvisionnement transfrontalières,
ont quintuplé entre les trois pays, passant du niveau historique de 128 milliards
en 1993 à 697 milliards de dollars en 2012. Les IDE étatsuniens au Canada sont
passés de 70 à 351 milliards de dollars tandis que les IDE canadiens aux États-
Unis ont augmenté encore plus, passant de 40 à 225 milliards de dollars3. Les
investissements étatsuniens au Mexique ont été multipliés par sept, passant de
15 à 101 milliards de dollars, et les investissements mexicains aux États-Unis
sont passés d’un milliard de dollars à la somme nettement plus conséquente
de 15 milliards de dollars4. Pour les États-Unis, le commerce bilatéral avec le
Canada a augmenté de 200 % entre 1993 et 2013, avec le Mexique de 522 % et
avec le reste du monde de 279 %5. Les échanges de biens entre le Canada et le
Mexique étaient certes très bas à l’origine, mais ils ont tout de même augmenté
de 800 % sur la même période6.
De nombreuses filiales peu rentables, qui avaient été créées sur la base des
barrières tarifaires et non tarifaires datant de la période pré-ALE et pré-ALE-
NA, furent démantelées et remplacées par des chaînes d’approvisionnement et
des mandats de production mondiaux bien plus compétitifs. En 2011, plus d’un
million de travailleurs mexicains et canadiens étaient employés par des filiales
à participation majoritaire étatsunienne et 547 000 travailleurs sur le sol état-
sunien étaient employés par des filiales à participation majoritaire canadienne7.
On estime que 8 millions d’emplois seraient liés directement ou indirectement
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au commerce et aux flux d’investissements entre les États-Unis et le Canada8.

3 Les différentes données sur le commerce et les investissements proviennent du Bureau


of Economic Analysis faisant partie du U.S. Department of Commerce et de Statistics
Canada. Voir également l’ouvrage de M. Angeles Villarreal et Ian F. Fergusson, NAFTA
at  20  : Overview and Trade Effects (Washington, D.C.: Congressional Research
Service, 2014).
4 Villarreal et Fergusson, NAFTA at 20, 27-30.
5 Ibid., 10.
6 Laura Dawson, Canada’s Trade with Mexico : Where We’ve Been, Where We’re Going
and Why It Matters (Ottawa: Canadian Council of Chief Executives, 2014), 5. La
hausse est calculée en dollars américains.
7 Kevin B. Barefoot, « U.S. Multinational Companies : Operations of U.S. Parents and
Foreign Affiliates in 2011 », Survey of Current Business, novembre 2013, 43, et Thomas
Anderson, « U.S. Affiliates of Foreign Companies: Operations in 2011 », Survey of
Current Business, août 2013, p. 87.
8 Laura M.  Baughman et Joseph François, U.S.-Canada Trade and U.S. State-Level
Production and Employment, 2008 (Ottawa  : Her Majesty the Queen in Right of
Canada, 2010), et Government of Canada, « Canada and the United States: Trade and

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L’Amérique du Nord, versant sud

Les résultats sont nettement moins positifs en matière de tourisme et de


mobilité des personnes au sein de l’espace nord-américain. Le Canada et le
Mexique se placent respectivement aux 1er et 2e rangs du nombre de visiteurs
étrangers aux États-Unis, et les Américains sont de loin la population qui visite
le plus le Canada et le Mexique. Cependant, en 1989, 12,2 millions d’Améri-
cains étaient allés au Canada contre seulement 12 millions en 20139. Force est
donc de constater que le nombre d’Américains visitant le Canada a en réali-
té diminué ces vingt-cinq dernières années, alors que dans le même temps
les États-Unis ont vu leur population augmenter de 70 millions d’habitants.
Pendant cette même période, le nombre de visiteurs canadiens aux États-Unis a
augmenté modestement, passant de 17 millions à un peu plus de 23 millions10.
Bien que le Canada ne possède qu’une population de 35 millions d’habitants et
que celle des États-Unis soit neuf fois plus importante, le nombre de Canadiens
visitant les États-Unis a largement dépassé le nombre de visites américaines au
Canada. Quant aux États-Unis et au Mexique, le nombre de visiteurs mexicains
sur le sol étatsunien s’élevait à 9 millions en 1993 contre 14 millions en 2013,
et les visiteurs étatsuniens au Mexique à 15 millions en 1993 contre plus de 20
millions en 2013. On comptabilise également une baisse du nombre total de
véhicules personnels entrant sur le sol américain passant de 129 millions de
voitures en 2000 à 95 millions en 2012, ainsi qu’une diminution du « nombre
total de passagers de 329 millions à 117 millions »11. Ces résultats très modestes
en terme de mobilité des personnes entre les trois pays de l’ALENA seront ana-
lysés plus en détail un peu plus loin.
L’ALENA a également connu des échecs dans d’autres domaines. Certains
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secteurs de l’agriculture mexicaine n’ont pas survécu à des concurrents cana-
diens et étatsuniens bien plus compétitifs. La part que représente le commerce
régional dans le commerce mondial de l’Amérique du Nord est bien inférieure
à celle de l’Union européenne et a même été dépassée par certaines régions
d’Asie. Chacun des trois pays membres de l’ALENA possède un système fédé-
ral, mais la plupart des administrations locales et régionales n’ont pas réelle-
ment eu voix au chapitre lors des débats préparant l’ALENA. De plus, certaines
administrations locales ont probablement été ralenties dans l’application de leur

Investment », mis à jour le 17 avril 2014 et consultable à: http://canam.gc.ca/relations/


commercial_relations_commerciales.aspx?lang=eng.
9 U.S. Department of Commerce, International Trade Administration, Office of Trade
and Tourism Industries, U.S. Citizens Traffic to Overseas Regions, Canada and Mexico
2013, publié en 2014.
10 U.S. Department of Commerce, International Trade Administration, National Travel
and Tourism Office, Top 10 International Markets: 2013 Visitation and Spending,
publié en 2014.
11 Council on Foreign Relations Independent Task Force, North America: Time for a
New Focus (New York: Council on Foreign Relations Press, 2014), p.46.

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politique de protection de l’environnement ou de santé publique en raison du


très polémique chapitre 11 de l’ALENA. Ce dernier permet en effet à une socié-
té de porter plainte devant les tribunaux si elle considère que les administra-
tions locales empiètent sur le commerce transfrontalier ou perturbent les flux
d’investissements directs. À cela est venue s’ajouter la lenteur de Washington
lorsqu’il s’est agi de faire appliquer une disposition de l’ALENA permettant aux
camions mexicains de transiter par les autoroutes étatsuniennes.
En résumé, même si l’ALENA a rencontré de sérieux obstacles, cet accord a
entraîné un véritable essor des échanges économiques transfrontaliers jusqu’au
tout début des années 2000. Depuis lors, ce bilan positif a été terni par la perte
de dynamisme ayant suivi les attentats du 11 septembre 2001. Ces dix dernières
années, peu de projets cherchant à rendre l’économie de l’Amérique du Nord
plus compétitive et à améliorer la coordination économique de la zone ont
abouti12.

Quels défis après le 11 septembre ?


Le potentiel de l’ALENA fut sérieusement compromis par les mesures prises
en grande partie par Washington suite au 11 septembre 2001. En effet, les fron-
tières des États-Unis avec le Mexique et avec le Canada ont été renforcées radi-
calement. Le Canada et les États-Unis partagent la plus longue frontière du
monde. Washington a actuellement l’ambition irréaliste de construire une nou-
velle ligne Maginot entre les deux pays, ponctuée d’avant-postes répartis le long
des 8890 kilomètres de frontière, dont la première section longe le 49e paral-
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lèle et la deuxième sépare l’Alaska de la Colombie-Britannique et du Yukon au
nord-ouest. Le nombre d’agents frontaliers a déjà été multiplié par six depuis le
11 septembre 2001 et leurs équipements ont été renforcés par des drones, des
hélicoptères Blackhawk, des détecteurs de mouvement, des appareils à rayons
X, des robots et nombre d’appareils en tout genre13. Malgré les dizaines de mil-
liards de dollars dépensés par Washington après le 11 septembre pour protéger
la frontière nord du pays, l’audit remis par le Government Accountability Office

12 Earl H. Fry, «  The Development of Sub-State Cross-Border Interactions in North


America, 1994-2012: The Impact of NAFTA and Post-9/11 Security Policies », dans The
External Relations of Local Governments in North America after NAFTA: Trends and
Perspectives, Rafael Velazquez Flores, Earl H. Fry et Stéphane Paquin dir. (Mexicali:
Autonomous University of Baja California, 2014), p.13-49.
13 Todd Miller, Border Patrol Nation  : Dispatches from the Front Lines of Homeland Security
(San Francisco: City Lights Books, 2014), et Barry McKenna, « As Border Beefs Up, Security
‘Perimeter’ Remains a Dream », Globe and Mail, 13 décembre 2010. Disponible à:
http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/rob-commentary/as-border-beefs-up-se-
curity-perimeter-remains-a-dream/article4082680/ (consulté en février 2015).

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L’Amérique du Nord, versant sud

(GAO) a récemment conclu que moins d’1 % de la frontière peut être considéré
comme raisonnablement sûre14.
Pour protéger leurs 3154 kilomètres de frontière avec le Mexique, les États-
Unis emploient environ 20 000 personnes au sein du Service de douanes et de
protection des frontières (U.S. Customs and Border Protection), soit plus du
double de 200515. Un projet de loi proposé par le Sénat en 2013, mais qui n’a
heureusement pas été adopté, envisageait de dédier 46 milliards de dollars de
plus à la protection de la frontière et de multiplier une nouvelle fois par deux
le nombre d’agents frontaliers16. Le gouvernement étatsunien est également en
train de construire une réplique miniature de la Grande Muraille de Chine, en
bâtissant un haut mur qui s’étend de l’océan Pacifique à l’ouest jusqu’au golfe
du Mexique, délimitant ainsi la frontière terrestre entre le Texas et le Mexique17.
Avant le 11 septembre 2001, plus de la moitié des postes de surveillance de
la frontière avec le Canada fermaient la nuit, et de simples signaux lumineux,
des cônes orange le long de la route, indiquaient à un voyageur qu’il traver-
sait la frontière18. Il n’était pas nécessaire pour les Américains, les Canadiens,
les Mexicains et la plupart des citoyens des Caraïbes de posséder un passeport
pour entrer ou sortir des États-Unis. Cependant, avec la mise en application
de l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental (Western
Hemisphere Travel Initiative) en décembre 2004, tout changea. À partir de 2008,
tous les Américains devaient avoir un passeport biométrique ou un permis de
conduire amélioré pour retourner aux États-Unis après un séjour au Canada ou
au Mexique. En 2013, seulement 37 % des Américains possédaient un passeport
biométrique, ce qui explique en partie pourquoi les Américains ne voyagent
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pas davantage dans les pays voisins, ne serait-ce que pour un séjour rapide
d’une journée entre Seattle et Vancouver ou entre San Diego et Tijuana. Les
contrôles de marchandises sont devenus extrêmement fréquents, augmentant
de fait le coût des échanges commerciaux en Amérique du Nord. Par exemple,
un véhicule lambda fabriqué par General Motors, Ford ou Chrysler traversera

14 U.S. Government Accountability Office, Border Security : Enhanced DHS Oversight


and Assessment of Interagency Coordination Is Needed for the Northern Border
(Washington, D.C.: Government Printing Office, 2010), p.1.
15 The White House, « Statement by the President on Immigration », Dallas Love Field,
Dallas, Texas, 9 juillet 2014 ; et « Is ISIS Poised to Infiltrate Through the U.S.-Mexico
Border? » Washington Office on Latin America Border Fact Check, 22 septembre 2014.
16 Seung Min Kim, « Immigration Reform Bill 2013: Senate Passes Legislation 68-32 »,
Politico, 27 juin 2013.
17 Ibid.  ; «  U.S.-Mexico Border Fence/ Great Wall of Mexico Secure Fence  », Global
Security, 28 juin 2013, consultable à www.globalsecurity.org ; et Alan Taylor, « On the
Border », The Atlantic, 6 mai 2013.
18 Todd Miller, « U.S. Quietly Ramps Up Security along the Canadian Border », Mother
Jones, 7 février 2013.

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probablement la frontière à cinq ou six reprises avant d’être entièrement assem-


blé dans leurs usines du Michigan ou de l’Ontario. Les retards et les frais occa-
sionnés sont importants et nuisent aux entreprises nord-américaines. Elles
sont alors pénalisées par rapport à leurs concurrents européens ou asiatiques,
contrôlés quant à eux une seule fois à leur entrée sur le marché nord-américain.
Le Congrès et la Maison-Blanche se sont en quelque sorte détournés de
l’ALENA et, plus globalement, des enjeux économiques nord-américains. Après
le 11 septembre, les États-Unis sont intervenus à l’étranger à deux reprises,
d’abord en Afghanistan puis en Irak, pour se battre contre des moulins à vent.
En conséquence, le montant de la dette de l’État fédéral américain a pratique-
ment triplé entre fin 2001 et début 2015. Les rencontres entre les trois dirigeants
d’Amérique du Nord sont devenues plus rares et peu de décisions marquantes
ont été prises après les attentats terroristes à New York et à Washington DC.
Le Partenariat pour la sécurité et la prospérité (The Security and Prosperity
Partnership of North America) soutenu en 2005 par George W. Bush, Paul
Martin et Vicente Fox peut être considéré comme un échec. L’initiative actuelle,
Beyond the Border, acceptée par le Canada et les États-Unis en février 2011, a
eu pour conséquence une petite amélioration de la sécurité aux frontières et
une meilleure coopération économique, mais aucune mesure fondamentale n’a
réellement été prise19.
Plus d’une décennie après les attentats du 11 septembre 2001, les autorités
étatsuniennes continuent de nourrir l’idéal d’une forteresse des États-Unis
qui resterait, tel un bunker, inviolable. Les deux frontières étatsuniennes sont
toujours très hermétiques, de nombreuses lois et des réglementations lourdes
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continuent de s’appliquer tandis que de nouveaux agents frontaliers sont recru-
tés régulièrement. Des responsables politiques de tout premier plan comme
Hillary Clinton, John McCain, Newt Gingrich et Janet Napolitano (alors secré-
taire à la Sécurité intérieure) ont affirmé publiquement que certains des terro-
ristes qui étaient à l’origine des attentats du 11 septembre 2001 étaient passés
par la frontière canadienne pour entrer aux États-Unis, ce qui est totalement
faux. Cette obsession pour la sécurité, associée à des épisodes de recul de la
croissance, a par moments sérieusement fragilisé l’économie de l’Amérique du
Nord. Les exportations de marchandises canadiennes vers les États-Unis affi-
chaient une baisse de 50 milliards de dollars (canadiens) entre 2000 et 2010, soit
un recul colossal des ventes pour les entreprises basées au Canada. La part des

19 Beyond the Border Executive Steering Committee, Canada-United States Beyond the
Border Action Plan Implementation Report, December 2013 (Ottawa: Government
of Canada, 2013).

Politique Américaine n° 25 27


L’Amérique du Nord, versant sud

biens et des services canadiens exportés vers les États-Unis a elle aussi chuté,
passant de plus de 80 % à 70 % entre 2000 et 201220.
De toute évidence, l’ALENA vient de vivre une décennie perdue, surtout en
comparaison avec ce qui avait été réalisé par le Canada et les États-Unis après
la création de l’ALE en 1989, ou encore avec la collaboration des trois pays pen-
dant les neuf années qui ont suivi l’entrée en vigueur de l’ALENA en 1994.
L’ALENA souffre d’une paralysie alors qu’aucune négociation ne semble pré-
vue pour résoudre les problèmes qu’il rencontre, ni même pour renforcer ou
étendre les liens économiques entre les pays membres. La dernière partie de
ce texte présente des mesures qui permettraient à l’ALENA de retrouver son
dynamisme et de repenser complètement les relations économiques et commer-
ciales en Amérique du Nord.

Comment améliorer la compétitivité économique et énergétique


de l’Amérique du Nord ?
L’ALENA, en tant qu’entité régionale, occupe indubitablement une place
majeure dans l’économie mondiale. Son marché de consommation regroupe
475 millions de personnes alors que les 28 nations de l’Union européenne ne
représentent au total qu’un marché de 506 millions de personnes. L’ALENA
rassemble la 1ère économie mondiale, la 11e ainsi que la 15e, représentant un
PIB annuel total de 20 billions (trillions) de dollars, dépassant de loin le PIB de
l’Union européenne21. Les entreprises des pays membres de l’ALENA ont seule-
ment à prendre en compte trois langues officielles et deux frontières nationales
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communes, alors que l’Union européenne, en comparaison, doit jongler avec
ses 24 langues officielles utilisées et sa trentaine de frontières. Les trois pays
membres de l’ALENA peuvent se réjouir de leur rebond économique actuel
et des nouveaux emplois créés après la récession de 2007-2008. Le commerce
transfrontalier, les investissements ainsi que la mobilité des personnes se sont
également accrus. De plus, l’Amérique du Nord possède l’une des princi-
pales réserves de ressources naturelles et énergétiques de la planète et devrait
atteindre sa quasi-autonomie énergétique à court ou moyen terme.
Afin de maintenir cette dynamique positive, il serait bon de mener plu-
sieurs projets visant à «  assouplir  » les deux frontières communes avec les

20 TD Economics, «  Canada’s Declining Reliance on the U.S.—Where to Grow from


Here? », 1er février 2012, et Canadian Trade Commissioner Service, « Canada’s Exports
Diversify beyond the U.S. », 10 mars 2014, consultable à :
http://www.tradecommissioner.gc.ca
21 Ces statistiques sont basées sur le classement des PIB réalisé par la Banque mondiale
pour l’année 2013, consultable à :
http://databank.worldbank.org/data/download/GDP.pdf.

28 Politique Américaine n° 25


1PJOUEFWVFø-"-&/"GÐUFTFTBOTøtøE. Fry

États-Unis et à encourager la compétitivité nord-américaine 22. Pour ce faire,


il faudrait tout d’abord s’assurer que les élus à Washington cessent de nour-
rir les clichés dépeignant le Canada comme une paisible vallée endormie et le
Mexique comme un vaste cimetière. Si chacune de ces deux nations doit faire
face à certaines difficultés, il n’en reste pas moins que ce sont de sérieux concur-
rents, à la fois dynamiques et influents, qui se classent parmi les plus grandes
économies du monde. Ensuite, le Département de la Sécurité du Territoire
(Department of Homeland Security), créé à la hâte au lendemain des attentats
du 11 septembre 2001, est devenu un véritable cauchemar administratif avec
ses 240 000 employés et son budget annuel de 60 milliards de dollars. Celui-ci
devrait donc être supprimé et remplacé par une entité bien plus modeste, qui
serait directement sous la supervision et l’autorité de la Maison-Blanche. Enfin,
la gestion des frontières doit être à la hauteur des défis mondiaux pour rendre
le transit des biens et des personnes plus rapide et plus efficace. Par exemple,
les premiers contrôles des camions devraient avoir lieu dans des zones de tran-
sit éloignées de la frontière pour que le trafic puisse s’écouler rapidement lors
du passage d’un pays à l’autre. La priorité doit être donnée au désengorgement
des quelques points de passage qui drainent la majeure partie du trafic de véhi-
cules, avec pour priorité la construction d’un deuxième pont entre Détroit et
Windsor. L’actuel pont, pourtant très vétuste, est emprunté par près de trois
millions de camions commerciaux chaque année, soit un quart des échanges
de marchandises entre les États-Unis et le Canada. La valeur des exportations
étatsuniennes transitant par ce vieux pont dépasse le montant total des expé-
ditions étatsuniennes vers le Japon ou l’Allemagne. Néanmoins, les autorités
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fédérales étatsuniennes et l’État du Michigan sont tous deux réticents devant les
sommes nécessaires à la construction d’un nouveau pont et d’un nouveau poste
de douane étatsunien ultra moderne23. Une quatrième mesure serait de réduire
radicalement le nombre d’agents frontaliers ainsi que les équipements de sur-
veillance et de protection répartis le long de la frontière depuis 2001. Enfin,
les Américains et surtout leurs responsables politiques doivent renoncer à leur
idéal d’une forteresse des États-Unis ; Washington devrait mettre un terme à la
construction vaine et inutile de la Ligne Maginot ou de la Grande Muraille de
Chine du 21e siècle.
En parallèle, les trois États partenaires doivent avoir pour objectif d’at-
teindre une quasi-autonomie énergétique en Amérique du Nord. En 2014, les
États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole brut et de

22 Earl H. Fry, « Seven Ways to Solve U.S. Border Problems », Canadian Defence and
Foreign Affairs Institute Occasional Paper, janvier 2014, p. 1-4.
23 Steve Chase, « Canada Could Foot the Bill for U.S. Customs Plaza », Globe and Mail, 6 mai 2014.
Disponible à: http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/canada-could-foot-the-bill-
for-us-customs-plaza/article18476264/ (consulté en février 2015).

Politique Américaine n° 25 29


L’Amérique du Nord, versant sud

gaz naturel, devant l’Arabie Saoudite et la Russie respectivement. Les États-


Unis sont encore obligés d’importer ces deux produits, mais le Canada est leur
principal fournisseur étranger avec 28  % des importations totales de pétrole
et 85 % des importations totales de gaz utilisés sur le marché étatsuniens24. Si
Washington donnait finalement son accord pour le projet d’extension de l’oléo-
duc, le Keystone XL pipeline, partant du nord de l’Alberta et rejoignant les côtes
texanes du golfe du Mexique, cela renforcerait à la fois l’économie étatsunienne
et l’économie canadienne. De même, si le président du Mexique, Enrique Peña
Nieto, mène à bien le projet de modernisation du secteur de l’énergie de son
pays, les trois États auront largement restructuré ce secteur de l’économie si
vital qu’est l’énergie. De plus, la chute du prix du gaz naturel étatsunien, désor-
mais au tiers du prix du gaz européen, et les importantes réserves de gaz et de
pétrole disponibles en Amérique du Nord, permettront à la région d’attirer d’ici
peu de nouvelles industries manufacturières étrangères à haute consommation
d’énergie. Ainsi, la hausse des investissements directs étrangers participera à
la création de nouveaux emplois bien rémunérés. Planifier conjointement la
modernisation énergétique des infrastructures transfrontalières et de leurs sec-
teurs connexes sera une source supplémentaire de croissance pour toute l’Amé-
rique du Nord.
La création d’une union douanière nord-américaine devrait également être
un objectif politique majeur. Elle concernerait dans un premier temps les États-
Unis et le Canada, puis s’étendrait rapidement au Mexique25. Le Canada et les
États-Unis pourraient également trouver un accord permettant une libre mobi-
lité professionnelle et par la suite mettre en place un accord similaire à Schengen
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incluant l’ensemble des citoyens. Toutefois, l’intégration du Mexique dans ce
cadre sera plus longue en raison des problèmes de trafic de drogues et d’immi-
gration irrégulière qui perdurent. Ottawa devrait dès à présent lever l’obligation
de visa imposée à tous les ressortissants mexicains depuis 2010. De même, les
autorités étatsuniennes devraient, avec les dirigeants mexicains, réévaluer plus
régulièrement la question de l’immigration irrégulière. Comme l’a démontré
le Pew Hispanic Project, l’immigration irrégulière mexicaine aux États-Unis
entre 2005 et 2010 n’a pas augmenté26. Les Mexicains seront de moins en moins
incités à émigrer illégalement aux États-Unis, parce que les familles mexicaines

24 Ambassade des États-Unis d’Amérique à Ottawa, « U.S.-Canada Economic Relations »,


consultable à : Canada.USEmbassy.gov.
25 Danielle Goldfarb, « The Road to a Canada-U.S. Customs Union: Step-by-Step or in a
Single Bound ? » C.D. Howe Institute Commentary: The Border Papers, juin 2013; ainsi
que Robert Kunimoto et Gary Sawchuk, « Feature Article—Moving Toward a Customs
Union: A Review of the Evidence », Policy Horizons Canada Paper, 2004.
26 Jeffrey S. Passell, D’Vera Cohn et Ana Gonzalez-Barrera, « Net Migration from Mexico
Falls to Zero—and Perhaps Less  », Pew Research Hispanic Trends Project, 23 avril
2012.

30 Politique Américaine n° 25


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sont de moins en moins nombreuses et que la forte croissance économique pré-


vue devrait permettre à leur pays de devenir la 8e puissance économique mon-
diale en 203027.
Davantage de liberté et un pouvoir de décision plus important permet-
traient aux États fédérés étatsuniens, mexicains, ainsi qu’aux provinces cana-
diennes de gérer et de résoudre plus facilement les différents problèmes fron-
taliers. De nombreux États étatsuniens se réunissent régionalement au moins
une fois par an avec la quasi-totalité des provinces du Canada, tout comme avec
les gouvernements les États mexicains frontaliers. Pour au moins neuf des dix
provinces canadiennes, les États-Unis sont la principale destination des expor-
tations. Leurs entreprises expédient généralement plus de marchandises vers les
États-Unis que vers le reste du Canada. À l’heure actuelle, six des dix plus gros
marchés d’exportation pour les entreprises canadiennes sont des États étatsu-
niens. Le reste des États-Unis, la Chine, le Mexique et l’Allemagne viennent
compléter ce classement28. Réciproquement, le Canada, juste avant le Mexique,
est la première destination des exportations de 34 des 50 États étatsuniens29.
Une collaboration plus étroite entre les gouvernements d’État et les autorités
nationales de chacun des trois pays membres doit s’accompagner d’une plus
grande écoute des représentants des entreprises, des syndicats, de la socié-
té civile et de toutes les autres parties prenantes. Les élus doivent surtout res-
ter attentifs aux méthodes les plus efficaces pratiquées dans le secteur privé et
public de chaque pays, aussi bien en Amérique du Nord qu’à travers le monde.
C’est en généralisant les meilleures pratiques de chaque pays et en abandonnant
le « narcissisme des petites différences » liées aux réglementations, aux frais et
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à la gestion administrative, que les difficultés transfrontalières se résorberont le
plus rapidement30.
Il y a toutes les raisons de penser que les responsables politiques à la Maison-
Blanche ou au Congrès ne sont pas anti-Mexicains ou anti-Canadiens. Mais
quand ils ne nient pas complètement les difficultés actuelles de l’ALENA ou de

27 La projection du Mexique comme 8e puissance économique du monde provient de


l’ouvrage de Dawson, Canada’s Trade, p.3.
28 Industry Canada, « International Trade, 2013 » consultable à : http://www.gc.ca/eic/
site/cis-sic.nsf/eng/h_00029.html, et U.S. Census Bureau, Foreign Trade, «  Top U.S.
Imports by State, 2013 » consultable à : http://www.census.gov/foreign-trade/statistics/
state/data/index/html.
29 U.S. Census Bureau, Foreign Trade, « Top U.S. Exports by State (Origin of Movement),
2013 » consultable à : http://www.census.gov/foreign-trade/statistics/data/index/html.
30 Un débat très pertinent autour des meilleures stratégies mises en place pour accélérer
les échanges transfrontaliers se trouve dans « Suggestions for Improving Cross-Border
Mobility and North American Competitiveness  », Border Policy Research Institute
Special Report, Western Washington University, juin 2014.

Politique Américaine n° 25 31


L’Amérique du Nord, versant sud

l’Amérique du Nord, ils préférèrent les ignorer31. Cela fait désormais plusieurs
années que l’ALENA est entré en vigueur et pourtant aucune discussion offi-
cielle bilatérale ou trilatérale n’a évoqué la création éventuelle d’une union doua-
nière ou même plus modestement d’une intégration renforcée en un « ALENA-
Plus ». Dans la capitale étatsunienne, les priorités officieuses sont « pas d’autre
11 septembre tant que je suis aux manettes » et « l’ALENA et les affaires après
la sécurité ». La pérennisation de ces attitudes ne peut mener qu’au déclin et
à une position franchement anachronique dans un environnement régional et
mondial qui est toujours plus complexe, plus compétitif et plus interdépendant.
Le problème est de taille : la part des États-Unis dans le PIB mondial a baissé
de 28 % entre 2000 et 2013. De plus, lorsque l’on se base sur la parité de pou-
voir d’achat, elle est à son plus bas niveau dans l’économie mondiale depuis
la fin de la Seconde Guerre mondiale, ayant dégringolé à 16,5 % fin 201332. Au
niveau national, de nombreuses réformes peuvent être lancées pour doper la
performance économique et politique des États-Unis, mais il reste beaucoup à
faire au sein de l’ALENA pour retrouver la prospérité du début du 21e siècle. Le
Council on Foreign Relations Task Force on North America l’a d’ailleurs noté :
« Aujourd’hui, l’Amérique du Nord regroupe 500 millions d’habitants répar-
tis dans trois démocraties dynamiques. Si ces trois pays d’Amérique du Nord
renforcent leur intégration et leur coopération, ils ont le potentiel de redéfinir
l’échiquier économique mondial pour les générations à venir »33.
Après vingt ans de pratique concrète au sein de l’ALE et de l’ALENA, Ottawa
et Mexico ne craignent désormais plus de perdre leur souveraineté nationale
s’ils signent un nouvel accord régional avec les États-Unis. Le Canada est écono-
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miquement moins dépendant des États-Unis qu’il ne l’était il y a une décennie.
Il a préservé son indépendance politique de l’emprise étatsunienne. En huit ans,
il a également conclu des alliances de libre-échange avec neuf autres pays ainsi
qu’un accord provisoire avec l’Union européenne34. Le Mexique, quant à lui, a
signé des alliances de libre-échange avec quarante-deux pays, sans compter ses
partenaires de l’ALENA, et possède un accord de libre-échange avec l’Union
européenne depuis plus de dix ans. Si les conditions s’y prêtent un jour, il se

31 Dans le rapport du Council on Foreign Relations Independent Task Force, North


America, dirigé par David Petraeus, Robert Zoellick et Shannon O’Neil, il est fait ré-
férence à la page 11 à l’Amérique du Nord comme étant « un sujet de second ordre
pour les législateurs américains » (an afterthought for U.S. policymakers).
32 Ces deux statistiques proviennent des estimations annuelles publiées par la Banque
mondiale sur le PIB en dollar américain nominal et en parité de pouvoir d’achat.
33 Council on Foreign Relations Independent Task Force, North America, 3.
34 Foreign Affairs, Trade and Development Canada, State of Trade: Trade and Investment
Update—2013, vi, consultable à :
http://www.international.gc/ca/economist-economiste/assets/pdfs/
performance/state_2013_point/SoT_PsC-2013-Eng.pdf.

32 Politique Américaine n° 25


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pourrait que les pays membres de l’ALENA rejoignent le projet de Partenariat


Trans-Pacifique et le projet de Traité de libre-échange transatlantique avec
l’Union européenne ; il est même probable qu’ils trouvent des partenariats avec
d’autres ensembles régionaux.
Les États-Unis, le Canada et le Mexique doivent avant tout redoubler d’ef-
forts pour promouvoir une collaboration économique continentale, indispen-
sable dans le contexte économique international actuel. Celui-ci est en effet en
constante évolution : il est caractérisé par une mondialisation accrue, par une
interdépendance prononcée, par des changements technologiques sans précé-
dent et par la « destruction créatrice » de Schumpeter35. Les États-Unis doivent
mettre fin à la polarisation extrême de leur vie politique, que ce soit au sein des
deux principaux partis politiques ou entre eux. Washington doit résoudre les
blocages institutionnels et améliorer les relations peu productives qui existent
entre le Congrès et la Maison-Blanche. Il doit également cesser d’être obnubilé
par la surveillance des frontières, notamment depuis les attentats du 11 sep-
tembre 2001, et mettre en place des mesures raisonnables prenant en compte
le besoin de sécurité nationale sans fragiliser les conditions propices au déve-
loppement de la croissance économique et des relations commerciales avec les
deux principales destinations de ses exportations : le Canada et le Mexique.
Robert Pastor, qui fut sans doute un des plus grands spécialistes américains
de l’ALENA, pensait qu’une identité nord-américaine finirait par apparaître
notamment grâce à l’introduction d’une monnaie commune, l’Améro, et à une
collaboration transfrontalière de plus en plus poussée à tous les niveaux de gou-
vernement, mais aussi au sein du monde des affaires et de la société civile36.
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La vision de Robert Pastor est loin d’être devenue réalité  : il n’y aura pas de
monnaie commune et une identité commune à toute l’Amérique du Nord en
est encore à ses prémices. Cependant, il aspirait à une plus grande coopéra-
tion nord-sud dans de multiples secteurs, rendant sa vision très pertinente
aujourd’hui.
Ce sont Ottawa et Mexico qui devraient impulser le renforcement de la col-
laboration nord-sud grâce à de nouvelles initiatives. Comme le Canada béné-
ficie d’une opinion très favorable des Américains, Ottawa peut d’autant plus
facilement tirer profit de son influence à Washington DC après des décennies

35 Ces évolutions majeures sont évoquées plus en détails, dans l’ouvrage d’Earl H. Fry,
Revitalizing Governance, Restoring Prosperity, and Restructuring Foreign Affairs: The
Pathway to Renaissance America (Lanham, MD: Lexington Books, 2014), chapitre 6.
36 Robert A. Pastor, The North American Idea: A Vision of a Continental Future (New
York: Oxford University Press, 2011), et Robert A. Pastor, Toward A North American
Community: Lessons from the Old World for the New (Washington, D.C.: Institute for
International Economics, 2001).

Politique Américaine n° 25 33


L’Amérique du Nord, versant sud

de liens étroits37. Le Mexique ne bénéficie malheureusement pas d’une image


aussi positive, en partie à cause des stéréotypes mentionnés précédemment.
Néanmoins, l’influence du Mexique à Washington est potentiellement plus
déterminante que celle du Canada, si l’on considère le poids des 34 millions de
personnes d’origine mexicaine résidant aux États-Unis, dont 35 % sont nées au
Mexique38.
La majorité du travail préparatoire aux négociations bilatérales nécessaires à
la mise en place de l’ALE fut réalisée par Ottawa et quelques provinces comme le
Québec, l’Ontario et l’Alberta. Ottawa et Mexico furent également moteurs pour
faire entrer l’ALENA dans le débat public. Ce modèle résulte du vif intérêt expri-
mé par le Canada et le Mexique pour les discussions bi- et trilatérales avec les
États-Unis. De plus, en permettant à ses voisins de mener le projet, Washington
ne peut pas être accusé de tenter d’usurper officieusement leur souveraineté.
Dans la perspective de nouvelles négociations, les autorités étatsuniennes pour-
raient aisément se positionner par rapport aux propositions faites par le Canada
et le Mexique, ce qui permettrait aux États-Unis de s’extirper de la morosité et
d’enrayer la paralysie installée depuis les attentats de 2001. Si l’issue de ces négo-
ciations s’avérait fructueuse, la décennie perdue se transformerait alors en une
période de collaboration dynamique et améliorerait la compétitivité de toute la
zone.

Texte traduit de l’anglais (américain) par Laure Géant



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37 Dans un important sondage réalisé en 2013, 81% des Américains déclaraient avoir une opinion
favorable du Canada, hissant donc celui-ci en tête de tous les pays présents dans le sondage.
Voir Michael Dimock et al., Public Sees U.S. Power Declining as Support for Global Engagement
Slips : America’s Place in the World 2013 (New York: Pew Research Center and the Council on
Foreign Relations, 2013), 35.
38 Les opinions favorables envers le Mexique dans le sondage mentionné précédemment ne
s’élevaient qu’à 39 %. Voir ibid., ainsi qu’Ana Gonzalez-Barrera et Mark Hugo Lopez, «  A
Demographic Portrait of Mexican-Origin Hispanics in the United States », Pew Research Hispanic
Trends Project, 1er mai 2013. Les estimations démographiques prises en compte étaient celles de
2012.

34 Politique Américaine n° 25


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