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ISSN 1631-0438
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Résumé
Abstract
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Après son indépendance, la communauté maçonnique haïtienne déve-
loppe des liens avec ses homologues de la France, des États-Unis
d’Amérique, de l’Angleterre et de la Suisse. C’est ainsi qu’en 1835, « la
grande loge Nationale suisse a reçu les premières ouvertures du Grand
Orient d’Haïti, qui ont eu pour résultat un échange de communications
fraternelles entre ces deux autorités maçonniques » 3. Hauts lieux de
sociabilité et espace de pouvoir, les loges maçonniques se multiplient
à travers Haïti. En 1866, par exemple, Armand Neut constate que « les
grandes Antilles, Cuba, Porto-Rico et la Jamaïque ont chacune quel-
ques loges, et Haïti possède une Grande Loge de laquelle relèvent
18 ateliers. Des petites Antilles, il en est peu qui n’aient une ou
plusieurs loges » 4.
1. Durant le xixe siècle, il est coutume que les loges se définissent par un titre distinctif,
mais aussi un numéro d’ordre (#) dans la chronologie de l’obédience.
2. Étienne-François Bazot (F:.), Tableau historique, philosophique et moral de la franche-
maçonnerie en France ; divisée en trois parties, Paris, Chez le F :. Michallet, 1836, p. 43.
3. Anonyme, « Supplément aux fragments pour une Histoire de la Franc-Maçonnerie en
Suisse » Le Globe.Archives des Initiations anciennes et modernes, 5e livraison, mai 1841, p. 196.
4. Armand Neut, La franc-maçonnerie soumise au grand jour de la publicité à l’aide de
documents authentiques, Deuxième édition, t. 1, Gand, Armand Neut/ Bruges, Edouard
Neut, 1866, p. 317-318. Le développement de la franc-maçonnerie dominicaine a connu
quelques difficultés. « Le Magasin de la franc-maçonnerie donne les détails suivants sur la
franc-maçonnerie dans la république de Saint-Domingue : Il y a plusieurs années,
surtout entre 1830 et 1844, plusieurs loges travaillaient ici sous le Grand-Orient de Haïti,
à Port-au-Prince, ainsi qu’à Saint-Domingue, Anna (Santiago), Seybo (Plata), etc. Mais
lorsque, en 1844, la partie espagnole opéra sa séparation, pour former une république
indépendante, les loges tombèrent dans l’inaction, tous les travaux cessèrent : en 1847
seulement, le Suprême Conseil de Paris présida à la fondation de la loge Primatiale des
Grand Élus écossais. Deux ans plus tard, cette loge, forcée par les circonstances politi-
ques, dut suspendre ses travaux. En 1858, plusieurs frères de Saint-Domingue formèrent
une grande loge, et firent part de cette fondation à toutes les grandes loges d’Europe, en
les priant de la reconnaître. En 1859, une nouvelle loge naquit à Anna, et, depuis lors, la
maçonnerie est rentrée dans la voie du progrès. Les membres de la confrérie sont entre
autres : le Fr. Pedro Santana, président de la république, le Fr. Thomas Bobadilla,
président du sénat, Léon, consul d’Angleterre, José Dios, fonctionnaire à la haute cour de
justice, Man. Delmant, sénateur, etc. Naturellement, les hauts grades y sont aussi très en
honneur ». Joseph Gabriel Findel, Histoire de la franc-maçonnerie depuis son origine jusqu’à
nos jours, Traduit de l’Allemand par E. Tandel, t. 2, Paris/Bruxelles/Livournes/Leipzig,
Librairie Internationale/ A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, Éditeurs, 1866, p. 390.
la franc-maçonnerie en haïti 185
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l’abolition de l’esclavage, que des officiers noirs et de couleur intègrent
en grand nombre les loges. Aussi remarque-t-on, par exemple, que la
plupart des dignitaires de l’entourage du général Toussaint Louverture
sont francs-maçons 7.
Il reste évidemment à produire sur l’évolution de la franc-
maçonnerie haïtienne au xixe siècle. Le présent article s’intéresse parti-
culièrement à ses rapports avec le champ politique. Il s’agit de voir
comment cette association a influencé le jeu politique haïtien et quels
sont les courants idéologiques qui l’ont alimentée.
5. Tout le débat tourne précisément sur les possibles attaches maçonniques du général
Toussaint Louverture. Voir Jacques de Cauna, Haïti. L’éternelle révolution. Histoire de sa
décolonisation, Monein, Éditions Pyremonde/PRNG, 2009, p. 275-277. Voir aussi l’entrée
« Toussaint Louverture », dans Marc de Jode, Monique Cara et Jean-Marc Cara, Diction-
naire universel de la Franc-Maçonnerie, Paris, Larousse, 2011 ; Gaétan Mentor, Les fils noirs
de la veuve. Histoire de la franc-maçonnerie en Haïti, Port-au-Prince, Imprimerie Le Natal,
2003 ; Jacques de Cauna, « Autour de la thèse du complot : franc-maçonnerie, révolution
et contre-révolution à Saint-Domingue, 1789-1791 », Lumières : Europe-Amérique, no 7,
2006, p. 289-310.
6. Jacques de Cauna, « Quelques Aperçus sur l’Histoire de la Franc-Maçonnerie en
Haïti », Revue de la Société Haïtienne d’Histoire et de Géographie, vol. 52, no 189-190,
septembre-décembre 1996, p. 20-33. Jacques de Cauna, « Jean-Baptiste Charlestéguy,
fondateur de la Franc-Maçonnerie haïtienne », Bulletin du Centre Généalogique du Pays-
Basque et du Bas-Adour, no 12, 1992, p. 2-5. Jacques de Cauna, « Loges, réseaux et
personnalités maçonniques, de Saint-Domingue à Haïti (xviiie-xxe s.) », in Jean-Paul
Révauger (dir.), Villes de la Caraïbe. Réalités sociales et productions culturelles, Université
de Bordeaux 3, Cahiers Caraïbe Plurielle 1, 2005, p. 37-54. James E. McClellan III,
« L’historiographie d’une académie coloniale : le Cercle des Philadelphes (1784-1793) »,
Annales historiques de la Révolution française, no 320, avril-juin 2000, p. 77-88. Élisabeth
Escalle et Mariel Gouyon Guillaume, Francs-maçons des loges françaises aux Amériques
(1770-1850). Contribution à l’étude de la société créole, Paris, E. Escalle, 1993. Juan Blázquez
Miguel, « La masonería en Haití. Esbozo histórico », in José Antonio Ferrer Benimeli,
Masonería española y americana, Zaragoza, Centro de Estudios Históricos de la Masonería
Española, 1993, vol. 1, p. 163-174.
7. Revue de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie, no 122, avril
1979, p. 57-58.
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Lespinasse, Auguste Nau, etc. 8.
Le maçonnologue Gaétan Mentor a dressé une longue liste d’hom-
mes d’État haïtiens initiés à la franc-maçonnerie, parmi lesquels on
retrouve de nombreux présidents, des ministres et des généraux 9. C’est
surtout à partir de la présidence de Jean-Pierre Boyer (1818-1843) que
le mouvement maçonnique s’épanouit et s’impose désormais dans la
vie politique haïtienne 10. Alexis-Beaubrun Ardouin mentionne aussi
une anecdote très significative témoignant du poids politique de cette
franc-maçonnerie. Il s’agit d’une accolade donnée par Lafargue, repré-
sentant de la ville des Cayes à la Chambre des députés dont il est le
président, au chef de l’État pour sa conduite au moment de l’unifica-
tion territoriale nationale.
Ce baiser échangé entre les deux présidents tenait aussi aux usages entre
francs-maçons. Boyer étant le Grand-Protecteur de l’Ordre maçonnique en
Haïti, le président de la Chambre étant presque toujours franc-maçon
comme lui, on agissait ainsi dans le but de rappeler ces relations fraternelles
qui étaient propres à entretenir l’harmonie entre les deux pouvoirs 11.
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Aussi, de manière ouverte, différents présidents haïtiens ont mani-
festé leur attachement à la franc-maçonnerie. Le cas le plus illustre est
12. L’Étoile d’Haïti, no 5, Tableau des Officiers et Membres de la R :. L :. de S :. J :. de J :.,
régulièrement constituée à l’O :. du Port-au-Prince, sous le titre distinctif de l’Étoile d’Haïti, no 5,
à l’époque du 24e :. Jour du 4e :. Mois 5828, Port-au-Prince, 1828, p. 1. Cette loge compre-
nait, à l’époque, plusieurs grandes personnalités politiques, tels les sénateurs Jacques-
Ignace Fresnel et Jean Thézan, ainsi que de hauts fonctionnaires publics (juges, représen-
tants communaux, haut-gradés militaires, etc.). C’est au sein de cette même loge qu’on
rencontre également plusieurs personnalités intellectuelles et de la haute société haï-
tienne : le général de brigade Joseph-Balthazar Inginac, les sénateurs Alexis-Beaubrun
Ardouin, Marie-Eustache Frémont et Charles Bazelais, les juges Jean-François Acloque
et Jean-Michel Duval, le grand artiste Colbert Lochard, etc.
13. « En 1809, se creó otra Gran Logia Provincial pero esta vez dependiente de la Gran
Logia de Inglaterra que contó con la protección del presidente de la República de Haití,
Jean-Pierre Boyer, y que en 1823 se hizo independiente de Londres y se convirtió en el
Gran Oriente de Haití, adoptando un específico y nacionalista rito haitiano. El Gran
Oriente de Francia, mientras, intentó mantener su presencia en la isla con la creación en
Nueva York de un Supremo Consejo para el Hemisferio Occidental, que emitió algunas
patentes a logias haitianas en los años treinta del siglo XIX. En la parte hispana de Santo
Domingo, la presencia masónica fue mucho más débil y apenas testimonial. Al igual que
en la metrópoli la masonería seguía prohibida, y hasta 1853 se puede decir que no pudo
organizarse bien. En esta ocasión los protagonistas fueron un grupo de masones proce-
dentes de los Estados Unidos », José Antonio Ferrer Benimeli, « Vías de penetración de la
masonería en el Caribe », Revista de Estudios Históricos de la Masonería, vol. 1, no 1,
mai-novembre 2009, p. 6.
14. Paul Dhormoys, Une visite chez Soulouque. Souvenirs d’un voyage dans l’île d’Haïti,
Paris, Librairie Nouvelle, 1859. Léon-François Hoffmann et Carl Hermann Middelanis,
Faustin Soulouque d’Haïti dans l’histoire et la littérature, Paris, Éditions L’Harmattan, 2007.
15. L’Étoile d’Haïti, no 5, Tableau des Membres de la R :. L :. de St.-Jean de Jérus :.
L’Étoile d’Haïti, régulièrement constituée sous le no 5, à l’O :. du Port-au-Prince (Empire
d’Haïti), par le G :. O :. d’Haïti, no 5, Pour l’an de la V :. L :. 5857 (24 juin 1857), è :. v :.,
Port-au-Prince, 1857, p. 1. En 1855, un observateur fait savoir qu’« à la suite du traité
conclu avec la France relativement à la dette haïtienne, l’empereur Faustin songea à se
faire représenter régulièrement à Paris et à Londres. Il nomma pour son plénipotentiaire
auprès du gouvernement anglais M. Jean-Paul, duc de Morin, lieutenant-général, grand
chambellan, décoré des deux grands cordons des ordres haïtiens et grand-orient des loges
maçonniques », Anonyme, « Haïti », in Annuaire des deux mondes. Histoire générale des divers
États. 1854-1855, Paris, Bureau de la Revue des deux mondes, 1855, p. 853.
16. Lewis Ampidu Clorméus, « À propos de la seconde campagne antisuperstitieuse
en Haïti (1911-1912). Contribution à une historiographie », Histoire et Missions Chrétiennes,
no 24, décembre 1912, p. 108.
17. Anonyme, « Fête au Grand Orient », Le Nouvelliste, no 1563, samedi 7 novembre
1903, p. 3.
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d’une relation très cordiale entre l’État et la franc-maçonnerie. Cette
dernière, dans son discours, fut présentée comme un vecteur du « prin-
cipe du bien moral et la sève de la prospérité matérielle » et « la véritable
sauvegarde des nations après Dieu » 19. Ce qui expliquerait, d’après lui,
son succès auprès de certaines puissances étatiques. Le président Salo-
mon rappela, à son tour, la pertinence du principe de la fraternité sans
laquelle persistera le dogme de la « la suprématie de l’homme sur
l’homme » et déclara : « la maçonnerie est appelée à jouer un grand rôle
dans le mouvement de l’esprit humain, et c’est parce que j’en ai l’intime
conviction qu’après avoir accepté d’être le premier Magistrat de mon
pays, j’ai consenti à être le grand Protecteur de notre Ordre » 20.
En définitive, l’attribution de ce titre honorifique semble une forme
de légitimation du pouvoir politique par la franc-maçonnerie haïtienne.
Cette dernière, en contrepartie, s’assure de la protection de l’État
haïtien qui appuie ses activités.
banquet, pour porter la joie et l’effusion dans les cœurs » 21.Y prit part
notamment l’abbé Leloup (curé de Gros-Morne et de Plaisance),
lui-même franc-maçon, aux côtés du vénérable Richard Dauphin. Ce
dernier dédicaça l’événement à la gloire du chef de l’État. « À ce digne
maçon, a-t-il dit, qu’il vive longtemps pour le bonheur de ses conci-
toyens et la prospérité de son pays » 22.
Deux ans plus tard, Boyer prend le chemin de l’exil. Cet événement
occasionne une crise politique qui génère une succession de gouver-
nements éphémères entre 1843 et 1847. Dans ces conditions, les grou-
pes d’influence identifient leurs ennemis potentiels et les persécutent.
Toutefois, plusieurs individus sont sauvés de la potence en raison de
leur appartenance à une quelconque loge maçonnique. En témoigne
le récit suivant :
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Lors de la révolution qui, il y a quelques mois, éclata dans la république
d’Haïti, un créole espagnol, nommé Eugène-Marie Lagratia, était cité
comme un des plus riches et des plus recommandables négociants du Port-
au-Prince. Bien que complètement étranger à toutes les agitations politiques,
il devint suspect d’être révolutionnaire, et craignant les suites de cette suspi-
cion, il songea à fuir ; mais il fut arrêté avant d’avoir pu y parvenir. Ce simple
projet de fuite fut jugé digne d’être puni de mort, et on le condamna à être
immédiatement exécuté. Le fatal piquet qui devait le fusiller était prêt. Le
malheureux, à genoux auprès de son cercueil, priait avant d’avoir les yeux
bandés. À ce moment suprême, hors celle du ciel, il sentit tout-à-coup des
bras l’étreindre, et il s’évanouit. En revenant à lui, il se trouva dans un
corps-de-garde, en face de l’officier haïtien chargé de commander le piquet
d’exécution. Ce dernier avait reconnu dans l’infortuné patient, implorant le
ciel à l’heure de son agonie, un frère qu’il se rappelait avoir vu naguère dans
une loge maçonnique. En conséquence, il avait cru devoir prendre sur lui de
suspendre le supplice 23.
Cet humanisme des « fils de la veuve » 24 est aussi relaté par l’his-
torien Thomas Madiou fils, lui-même franc-maçon, lorsqu’il traite de
l’épisode du massacre des Français sur l’ordre de Jean-Jacques Dessalines
(1804). « On vit des Haïtiens, francs-maçons, sauver des Français de la
même congrégation qu’eux. D’autres hommes également francs-
maçons profitèrent de la confiance que leurs frères devaient naturel-
lement avoir en eux, pour mieux les trahir. Il faut dire, à la gloire
de l’institution toute philanthropique de la Franc-Maçonnerie, que
21. Feuille du Commerce, no 50, 12 décembre 1841, p. 3.
22. Ibid., p. 3. Parmi les assistants, citons : Jean P. A. Dauphin, Michel Corvoisier,
B. Dumont, André Lapalanche, Joseph Denys, Roch Aigron, Benite Venture, Louis
Sterling, Philémon Baron, A. Corvoisier, A. Saint Aude, J. B. Dupuy, J. Jauffret, J. Osler,
Joseph Beaussé, Jean F. Gardel, L. P. A. Lagerois, Z. Jean, Sully Dubreuil, Jean Baptiste
Simon, le colonel Cupidon, etc.
23. Anonyme, « Épisode de la dernière révolution d’Haïti », L’Orient, revue universelle
de la franc-maçonnerie, 1844-1845, p. 118-119. L’information est tirée de la Freemason’s
Quaterly Review.
24. Expression désignant la franc-maçonnerie et ses initiés.
ces cas d’infâme trahison ont été rares, et ont excité alors une
horreur générale » 25.
De même, un franc-maçon français, ayant séjourné durant six années
en Haïti, affirme être témoin de la solidarité maçonnique :
Un des devoirs principaux de la Franc-maçonnerie d’Haïti est de porter
aide et secours à son Fr:. Combien de vies, notre Institution n’a-t-elle pas
sauvées ? Vous savez comme les Révolutions y sont fréquentes : il n’y a que
quelques semaines encore que nos Journaux nous racontaient les combats
ensanglantant le Nord de l’île. Dans ces moments, la vie d’aucun Haïtien
n’est sûre, car tous sont politiciens et une dénonciation vous a bien vite
conduit à l’échafaud ou au gibet. C’est alors qu’un Fr:. aide son Fr:., en lui
fournissant les moyens de fuir. Pendant mon séjour à Haïti, j’ai vu faire à
plusieurs reprises le signe de détresse : « À moi, les enfants de la Veuve », qui
n’est connu là que des Maîtres, et plusieurs ont été sauvés ! En ce qui
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concerne les secours financiers, il est très rare que la Loge, comme telle, y
participe. La raison du procédé doit être cherchée peut-être dans le fait que
les Haïtiens en général, qu’ils soient Maçons ou non, sont très hospitaliers,
que les Indigènes ont très peu de besoins et que les blancs étrangers trouvent,
le cas échéant, des secours financiers ou les moyens de se rapatrier soit chez
leurs compatriotes, soit dans leurs consulats 26.
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autres, des FF :. Honoré Féry, Antoine Laforest, François Élie Dubois,
Sémexant Rouzier, Blanchet, Lhérisson, etc. Nous ignorons si Margon,
Vice-Président de la société était franc-maçon. Nous croyons fort possible
que Cadet Fouchard et Philibert Laraque furent membres de l’Institution 29.
29. Gaétan Mentor, Les fils noirs de la veuve, op. cit., p. 71.
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le parti libéral au parti national durant les années 1880. D’après
Jean Price-Mars, le général Jean-Pierre Boyer Bazelais (1833-
1883) appartient à une famille doublement historique. « Il était
le petit fils de Louis Laurent Bazelais, le Chef d’État Major de
Jean Jacques Dessalines (...) et également le petit-fils de Jean
Pierre Boyer, le Président de la République qui succéda à Pétion » 31.
Il est le fils d’Azéma Boyer (fille du président Boyer) 32 et du
sénateur Charles Bazelais, Grand Maître de l’Ordre 33. Ce dernier fut
aide de camp du président Fabre Nicolas Geffrard (1859-1867) qui
renversa l’Empire de Faustin 1er (1849-1859) 34. L’annuaire de la loge
du Mont-Liban # 22, pour l’année 1857, comporte le nom de « S. G.
Mgr Louis-Étienne-Félicité de Salomon jeune, duc de St.-Louis du
Sud, ministre des finances et du commerce » 35 durant l’Empire de
30. Ibid., p. 25-26.
31. Jean Price-Mars, Jean-Pierre Boyer Bazelais et le drame de Miragoâne (à propos d’un
lot d’autographes) 1883-1884, Port-au-Prince, Imprimerie de l’État, 1948, p. 15-16.
32. Pierre-Eugène de Lespinasse, Gens d’Autrefois...Vieux Souvenirs, Paris, Collection
Haïtienne d’Expression Française, Édition de la Revue Mondiale, 1926, t. 1, p. 13.
33. Tableau de la Resp. Loge écossaise Le Mont-Liban constituée, sous le no 22, à l’O :. du
Port-au-Prince, (République d’Haïti), par le G :. O :. d’Haïti, le 1er j :. de la lune de Thamouz,
l’an de la V :. L :. 5838 (22 juin 1838, è :. v :.) pour l’an de la V:. L :. 5842, Port-au-Prince,
Imprimé par le F :. Pinard, 1841, p. 3. D’après les registres de cette loge, en 1841, âgé de
47 ans, il était déjà chevalier du templier Kadosh et grade de 33e.
34. On retrouve le nom de « Fabre Nicolas Geffrard, ancien Président d’Haïti, né à
l’Anse-à-Veau, âgé de 65 ans, Ch :. T :. K :., 33e » sur le tableau des membres honoraires
de la loge Le Mont-Liban # 22. Annuaire de la Respectable Loge Le Mont-Liban, no 22. Pour
l’an de laV :. L :. 5872, Port-au-Prince, Imprimerie du F :. E. Robin, 1874, p. 10. Notons
que Geffrard meurt en exil à Kingston (Jamaïque) en 1878.
35. Tableau annuaire de la R :. Loge écossaise constituée à l’O :. du Port-au-Prince (Empire
d’Haïti), sous le titre distinctif de Mont-Liban, no 22,, par le G :. O :. d’Haïti, le 1er jour lunaire
du mois appelé Tammuz, l’an de la V :. L :. 5838 (22 juin 1838, st :. et è :. v :.) ; Époque de
St-Jean Évang :. (27 déc :. 5856), Port-au-Prince, Imprimé par le F :. J. B. de Pinard, 1857,
p. 2. Plus loin, cet annuaire informe qu’il était, à l’époque, un lieutenant-général de
l’armée âgé de 41 ans et membre du Grand Orient d’Haïti (32e degré). Charles Bazelais
fut aussi un membre actif de la loge maçonnique L’Amitié des Frères Réunis # 1. Son nom
est ainsi signalé dans l’annuaire de 1832 de ladite loge : « Charles Bazelais, Chef de
bataillon au Génie Militaire, né au Port-au-Prince, âgé de 38 ans, R :. A :. R :. +:. Ch :.
T :. K :., Membre du G :. O :., ex-Vénérable ». Tableau des FF :. qui composent l’Atelier
la franc-maçonnerie en haïti 193
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la « révolution de 1888 ». Rédigé par Fénelon Duplessis, Grand Maître
de l’ordre maçonnique d’Haïti et adressé aux 35 respectables loges
symboliques et 65 souverains chapitres supérieurs de son obédience,
ce document souligne clairement que cette révolution est « une reven-
dication politique et maçonnique » 38. Duplessis revient sur les crises
internes à la franc-maçonnerie qu’il impute au président Salomon.
Il fait aussi l’éloge du général franc-maçon Séide Thélémaque, une
grande figure de l’insurrection, qui mobilisa les forces du nord du pays
contre Salomon 39.
Mais c’est un autre franc-maçon qui succède au président Salomon :
le général François-Denis Légitime. Nous retrouvons son nom dans
l’annuaire de la loge Les Cœurs-Unis # 24 40. Ancien ministre, puis
sénateur de la république, Légitime incarne à l’époque l’intelligence au
pouvoir. Mais son mandat présidentiel est perturbé par des conflits
de la R :. L :. de S :. J :. de J :., régulièrement constituée par la G :. O :. d’Haïti, sous le titre
distinctif de l’Amitié des FF :. Réunis, No 1er, à l’époque de St.-Jean Baptiste, 24 Juin 1832, A :.
L :. 5832, Port-au-Prince, Imprimé par le F :. Pinard, 1832, p. 5.
36. Notons que Salomon connut l’exil à la chute de l’Empire de Faustin 1er (1859).
37. D’après des recherches de Gaétan Mentor, qui a bien voulu nous en informer,
Charles Bazelais fut aussi un Vénérable de la loge de l’Amitié des Frères Réunis # 1 et un
Grand Maître du Grand Orient. Jean-Pierre Boyer Bazelais fut, quant à lui, surveillant à
la Respectable Loge L’Amitié des Frères Réunis # 1. Nous savons qu’Edmond Paul, une
autre icône du Parti Libéral, fut aussi franc-maçon. Nous retrouvons son nom, ainsi que
ceux d’autres hommes politiques comme Cadet Jérémie, Labbé Barbancourt, Alexis
Pierre-André, etc. dans les registres de la loge maçonnique L’Étoile d’Haïti # 5. Annuaire
de la Respectable Loge L’Étoile d’Haïti, no 5. Époques du 24 juin 1872 et 1873, E:. V:.,
Port-au-Prince, Imprimerie du Civilisateur, 1873, p. 12-13.
38. La Fraternité, no 1, 2e série, 1er octobre 1889, p. 6, 11-12.
39. Séide Thélémaque fut, en qualité de « général de division, commandant l’arrondis-
sement de la Grande-Rivière du Nord, 32e », membre de la loge Les Cœurs-Unis # 24.
Voir : Annuaire de la Resp :. Loge Les Cœurs-Unis no 24. Année 1880-1881, Port-au-Prince,
Imprimerie du Peuple, 1881, p. 25. Je remercie Gaétan Mentor d’avoir attiré mon atten-
tion sur ce texte.
40. Annuaire de la Resp. Loge Les Cœurs-Unis no 24. Année 1880-1881, Port-au-Prince,
Imprimerie du Peuple, 1881, p. 32. L’annuaire précise : « Déus LÉGITIME, âgé de
37 ans, ex-directeur de la douane de ce port [Port-au-Prince], Secrétaire d’État de
l’Agriculture. T :. K :. »
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Ces éléments laissent supposer que les hautes instances de la franc-
maçonnerie haïtienne n’ont pas toujours la capacité ou la volonté
d’assurer la médiation lors des conflits politiques mettant aux prises des
« fils de la veuve ». Leur neutralité et leur passivité seraient-elles, durant
ces moments difficiles, la garantie de la pérennisation de l’institution
maçonnique ? Des recherches complémentaires méritent d’approfon-
dir cette question.
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figure également le nom de Lusimon Hayson, directeur de l’école
wesleyenne des Gonaïves.
En Haïti, la franc-maçonnerie a attiré maints intellectuels et politi-
ciens protestants désireux d’intégrer les réseaux de sociabilité et de
pouvoir. Mais il ne fait aucun doute que les loges sont constituées
majoritairement de catholiques. Il est difficile de déceler, à cause de
l’indisponibilité des minutes des réunions maçonniques, un quelcon-
que conflit inter-religieux dans le fonctionnement des loges. Toutefois,
au cours de la seconde moitié du xixe siècle, des protestants francs-
maçons alimentent des polémiques avec le clergé catholique et récla-
ment l’indigénisation de l’épiscopat et sa neutralité politique.
Dans un livre publié en 1886, le diplomate britannique Spenser
Saint-John estime que le protestantisme haïtien n’est pas assez puissant
pour contrecarrer l’hégémonie catholique. Ce protestant franc-maçon
confie avoir « émis l’opinion que le clergé protestant aurait dû s’enten-
dre avec les loges des francs-maçons et accepter de se charger de toutes
les cérémonies funèbres qu’on lui aurait demandées. Sa popularité et
son influence y eussent beaucoup gagné : je crains que mes avis n’aient
paru trop profanes » 46.
Pourtant, Spenser Saint-John rapporte que lors des funérailles d’un
franc-maçon, le président Michel Domingue (1874-1876) décide de
participer à une importante procession maçonnique devant s’achever à
la cathédrale de Port-au-Prince. Contre toute attente, le défilé est
contrarié par un messager du vicaire qui tenait à annoncer que « le
43. L’historien Roger Gaillard a publié deux lettres signées d’Etzer Vilaire, signant
comme membre d’une loge maçonnique, dans un livre intitulé : Etzer Vilaire. Témoin de
nos malheurs, Port-au-Prince, Les Presses Nationales d’Haïti, 1972.
44. Loge maçonnique fondée par Jacques Ignace Fresnel, Joseph Fontaine, Louis
Barabé, Charéron, Ferret, Bonnet, Juste Pijol, Lespès jeune, Marie-Louis Thézan, Milien
et Grellier jeune. Le premier vénérable à présider à cette loge fut Louis Barabé en 1816.
45. L’Étoile d’Haïti, no 5, Annuaire de la Respectable Loge L’Étoile d’Haïti, no 5. Époque
du 24 juin 1872 et 1873, E :.V :., Port-au-Prince, Imprimerie du Civilisateur, 1873, p. 11.
46. Spenser Saint-John, Haïti ou la République Noire, Paris, E. Plon, Nourrit et Cie,
Imprimeurs-Éditeurs, 1886, p. 248.
service ne se ferait pas tant que l’on n’aurait pas renoncé à la procession
maçonnique. Le président devint furieux, et, comme il était extrême-
ment violent, il allait donner ordre à un bataillon de vaincre cette
opposition » 47, mais un conseiller lui rappela que « les protestants ne
sont pas opposés à la franc-maçonnerie » 48. C’est ainsi que la proces-
sion maçonnique fut réorientée vers la « cathédrale protestante » dirigée
par l’évêque épiscopalien James-Augustin-Théodore Holly. « Presque
toute l’assistance était catholique ; c’était probablement la première
fois que le président, avec ses aides de camp et ses ministres, et toute
leur suite, se trouvaient réunis dans un temple protestant » 49.
Au plus fort des tensions entre la franc-maçonnerie haïtienne et le
clergé concordataire, composé essentiellement de Bretons, les écrits de
Louis-Joseph Janvier ont eu une réception favorable dans les milieux
anticléricaux et maçonniques 50. Ce protestant, connu pour son
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dévouement patriotique et ses qualités intellectuelles, propose la « pro-
testantisation » du pays pour finir avec les conséquences du concordat
du 28 mars 1860 51. L’interprétation de ce traité, aux yeux de ses
détracteurs, est la source des conflits entre le temporel et le spirituel.
De plus, il constitue une base légale qui favorise le catholicisme au
détriment des courants religieux concurrents.
La position politique de Louis-Joseph Janvier rejoint-elle les aspira-
tions des cultes réformés qui, à cette époque, ne regroupent qu’une
infime minorité de la population haïtienne ? Il nous paraît plutôt la
formulation d’un idéal politique porté par une minorité protestante en
quête de visibilité et de reconnaissance au sein d’une franc-maçonnerie
à dominante catholique. En fait, l’option de la « protestantisation »
indique clairement une voie alternative aux décideurs politiques anti-
cléricaux et nationalistes qui hésitent à laïciser l’espace public 52.
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esclavagiste tandis que de nombreux intellectuels du pays développent
et défendent des thèses anti-racistes dans des sociétés savantes
françaises. En 1832, preuve que les élites haïtiennes réprouvent
l’idée même de l’esclavage, le Grand Orient se fixe ainsi sur une affaire
concernant l’esclavage. Voici le contenu de l’acte d’accusation
reproduit dans le journal officiel de l’État haïtien :
Le Grand-Orient des anciens, francs et acceptés Maçons d’Haïti, somme
le nommé Louis Glandon, demeurant à l’Île Sainte Lucie, membre de la
Respectable Loge, No. 11, séante à l’O :. de S.to-Domingo, de comparaître à
la grande chambre symbolique, dans sa tenue du 29 janvier 1833, pour
répondre à l’accusation portée contre lui, pour le fait d’avoir replongé dans
l’esclavage, neuf infortunés, qui, s’étant échappés de Puerto-Rico, se diri-
geaient à Haïti, et ont été pris en mer et remis à leur ancien maître par ledit
Glandon ; et faute par ce maçon de se soumettre à la présente sommation,
il sera jugé par contumace conformément aux statuts généraux de l’ordre.
O :. du Port-au-Prince, 29 juillet 1832.
Par décision de la G :. Cham :. Symbolique,
C. Ardouin, Adj :. au Gd :. Sec :. 53
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publiques ? (...) Et parce que Haïti s’émancipant d’un affreux esclavage, a
imité l’exemple de la France, vous Mr., vous appelez ses lois et ses insti-
tutions illégitimes, en opposition à l’esprit de la Législation haïtienne et inappli-
cables en Haïti : Nos pères ont été donc, selon vous, des imbéciles qui se sont
fait des lois contraires à leurs vrais intérêts ? Et tous les Gouvernements qui,
après eux, les ont défendues, ne sont pas plus intelligents ? Mais quel est,
quel doit être l’esprit de la Législation haïtienne ? N’est-ce pas l’esprit de ces
mêmes principes qui inspiraient les constituants français de 1791 ! Comme la
France, Haïti, au jour où elle se créait des lois et des institutions ne sortait-
elle pas, par un héroïque effort, des fers de l’esclavage physique et moral,
sous le fouet du maître et sous l’enseignement du prêtre, son complice ?
N’avait-elle pas, comme la France, à inaugurer un nouvel avenir (sic) ? 55
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que, dans vingt ans, le rôle temporel soit prépondérant en tout partout et sur
tout. S’il n’en était point ainsi, avant un demi-siècle et malgré la libre-pensée
qui subsiste encore en Haïti grâce aux sociétés maçonniques, les gouvernants
haïtiens seront complètement à la merci des prêtres étrangers et il n’y aura
aucun gouvernement haïtien, aucun gouvernement national possible 58.
Conclusion
Il est évident qu’on ne peut appréhender la franc-maçonnerie
haïtienne comme un monolithe, c’est-à-dire un mouvement où les
58. Louis-Joseph Janvier, La république d’Haïti et ses visiteurs (1840-1882), op. cit.,
p. 374-375. Ce point de vue est à comparer à la réaction de l’anti-maçon français Oscar
Harvard qui, en 1911, dresse un bilan politique chaotique de la société haïtienne après un
siècle d’indépendance. C’est, d’après lui, le sort qui est réservé à toute société qui ne se fie
qu’à « la seule Raison ». Cette affirmation est un détour qui permet de juger la France
après les luttes pour imposer le principe de la laïcité de l’État en 1905 : « Vides de l’idée
divine, les nations tombent dans le chaos. Si barbare qu’il soit, le nègre vaut encore mieux
que le syndicaliste athée de nos grandes villes. Plusieurs corporations religieuses
(les Pères du Saint-Esprit, les Religieuses de Cluny, etc.) veillent sur son hygiène morale
et préservent Saint-Domingue de la dégradation et de la mort. Mais imaginons-nous
ce que sera une France gouvernée par les agnostiques de la C. G. T », Oscar Harvard, o
« Les premiers troubles de la Révolution en Bretagne », Revue anti-maçonnique, n 10,
août 1911, p. 281.
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un clergé concordataire composé essentiellement de Français. Elle
réclamait, de manière précise et avec l’appui ouvert de certains leaders
protestants, un désengagement de ces prêtres étrangers à l’égard des
affaires politiques du pays.
En définitive, des investigations plus poussées doivent être menées
pour mieux comprendre les rapports entre la franc-maçonnerie haï-
tienne et le domaine du politique au regard des pratiques régionales du
xixe siècle 59. De même, quand on sait que les élites nationales étaient
majoritairement francophiles, il convient aussi de développer des étu-
des approfondies pour mieux saisir les modalités de circulation et
d’adaptation des idéaux importées de la franc-maçonnerie française
dans les loges haïtiennes.
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Tableau des FF :. qui composent l’Atelier de la R :. L :. de S :. J :. de J :., régulièrement
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no 1er, à l’époque de St.-Jean Baptiste, 24 Juin 1832,A :. L :. 5832, Port-au-Prince,
Imprimé par le F :. Pinard, ,1832.
Tableau des membres de la Respectable Loge L’Amitié des Frères-Réunis, no 1, O :. de
Port-au-Prince, Époque du 24 Juin 1881 (E :.V :.), Époque du 24 Juin 1882 (E :.
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