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LA CRÉOLITÉ CONTRE L'ENFERMEMENT IDENTITAIRE

Raphaël Confiant

Assoc. Multitudes | « Multitudes »

2005/3 no 22 | pages 179 à 185


ISSN 0292-0107
Article disponible en ligne à l'adresse :
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Pour citer cet article :
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Raphaël Confiant, « La créolité contre l'enfermement identitaire », Multitudes
2005/3 (no 22), p. 179-185.
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DOI 10.3917/mult.022.0179
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l’enfermement
identitaire
la créo lité

Confiant
Raphaël
contre
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Si la notion de « créolité » est apparue à la Martinique entre la fin


des années 80 et le début de la décennie suivante, c’est parce qu’en trois
siècles et demi d’existence, ce pays a connu tous les positionnements
identitaires possibles et imaginables : d’abord, la suprématie des va l e u rs
européennes, ce qu’on pourrait appeler la « Blanchitude », pendant deux
siècles et demi, puis la Négritude entre les années 30 et 60 du XX e siècle,
enfin l’Indianité, dans les années 70-90, mouvement de revendication
culturelle des descendants des Indiens de l’ Inde arrivés comme trava i l-
leurs sous contrat après l’abolition définitive de l’esclavage des Nègres
en 1848.Blanchitude, Négritude et Indianité, si elles procèdent d’hori-

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zons idéologiques fort différents et si, socio-historiquement parlant, elles
ne sauraient en aucun cas être mises sur le même plan, possèdent au
moins un point commun, lequel est fondamental : elles véhiculent l’idée
de la racine unique, de l’ancêtre unique sans jamais l’avouer ouverte-
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ment (Blanchitude et Indianité) ou même en affectant dans le cas de


la Négritude, non sans brio sous la plume d’un Aimé Césaire, d’aller
à son encontre. Or, jamais, l’idéologie n’a été autant un art du men-
songe qu’à la Martinique et dans les Antilles françaises en général. Jamais
elle n’a autant servi à masquer la réalité et à en donner une vision tan-
tôt fausse tantôt tronquée. Blanchitude, Négritude et Indianité sont des
idéologies d’affirmation identitaire qui renvoient aux rapports de race
et de classe qui ont structuré la société créole au cours de ces trois siè-
cles et demi. En effet, celles-ci ont, dès le départ (c’est-à-dire dès le dé-
but du XVII e siècle) nié la nouvelle réalité — la réalité créole — qui
était en train de se mettre en place. Les colons blancs se sont longtemps
vécu comme des Européens de passage, venus faire fortune aux « Isles
d’Amérique », et pressés d’en repartir une fois leur but atteint. Beau-
coup de grands planteurs étaient absentéistes et vivaient de leurs ren-
tes d’abord à la cour des rois, puis dans la haute bourgeoisie sous le ré-
gime républicain, groupes sociaux au sein desquels ils étaient appelés,
à tort, les « Amériquains ». À tort, parce que contrairement à leurs cou-
sins anglais, espagnols et portugais, ils ne se sont jamais sentis améri-
cains, ni même simplement antillais. On n’a pas suffisamment souligné
le fait qu’hormis le cas d’Haïti — exemplaire quant à notre démons-
tration — la totalité des indépendances américaines ont été obtenues
par des fils de colons devenus au fil du temps des « Américains ».
Thomas Jefferson, Simon Bolivar, Jose Marti et bien d’autres n’étaient
ni des Amérindiens, ni des Noirs, ni des Métis, mais des Blancs. Ni à
Saint-Domingue (devenue dès 1804 Haïti) ni en Martinique ni en
Guadeloupe ni en Guyane française ne sont apparus des personnages
de cette trempe, porteurs d’un projet d’émancipation totale par rap-
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port à la métropole européenne. Les Békés ou « Blancs créoles » ne sont


devenus martiniquais qu’à la fin du XIX e siècle, après l’abolition de
l’esclavage donc, au moment où ils sentirent que leur suprématie sé-
culaire allait être remise en question par les idéologies républicaines,
puis socialistes, importées de France, idéologies dont s’emparèrent
fort habilement les Mulâtres, puis les Noirs. Dès cet instant, ils vont se
proclamer « Créoles » c’est-à-dire seuls propriétaires légitimes des îles
suite à l’exterm i n ation des autochtones caraïbes, et les Noirs seront qua-
lifiés d’ « Africains ». Certains Békés réclameront même le rapat riement
de ces derniers dans leur continent d’origine !

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Quant aux Nègres, écrasés par le système esclavagiste, il était nor-
mal qu’ils ne considérassent pas la Martinique comme leur vrai pays,
et cela même après deux siècles et demi de présence sur son sol. On
connaît les suicides répétés d’esclaves, les infanticides commis par les
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mères « pour ne pas faire d’enfants pour l’esclavage » ou la croyance


qu’avaient les combattants révolutionnaires de Saint-Domingue dans
le fait que leur âme retournerait d’un battement d’aile en Afrique s’ils
mouraient au combat. Ceci explique qu’ils aient si facilement permis
aux Békés d’opérer l’espèce de rapt sémantique qui faisaient de ces der-
niers les seuls et uniques « Créoles », niant du même coup le rôle consi-
dérable qu’ils avaient joué, eux les Noirs, dans la formation de la langue
et de la culture créoles. Qu’ils aient si facilement acceptés les deux an-
tiennes du groupe blanc : d’une part, « nous sommes arrivés avant vous
dans ce pays » ; d’autre part, « c’est nous qui vous avons emmenés ici ».
D’où le sentiment dans le groupe noir de se sentir comme des (éternels ?)
locataires d’une terre qu’ils avaient pourtant fécondé de leur sueur et
de leur sang. D’une langue créole, d’une musique créole, d’une phar-
macopée créole, d’un imaginaire créole, etc. qu’ils avaient pourtant lar-
gement contribué à créer, sans doute même davantage que les Blancs !
Joséphine Bonaparte, « la belle créole », pouvait continuer à trôner sur
son socle en marbre de Carrare au mitan de la Savane, la place centra-
le de Fort-de-France, capitale de la Martinique. Et si le groupe blanc
a commencé à se sentir martiniquais à la fin du XIX e siècle, comme
nous l’avons vu, il faudra bien attendre encore un bon siècle (fin des
années 60 du XX e) pour que « les gens de couleur » en fassent de même
et commencent peu à peu à revendiquer leur « créolité », même si le
terme lui-même apparaîtra plus tard.
S’agissant des Indiens, exploités férocement dans les plantat i o n s
des Blancs et méprisés par les Noirs, récemment libérés des chaînes de
l’esclavage, il était là encore normal qu’ils aient mis du temps à se sen-
tir fils et filles de la Martinique. D’abord, ils venaient avec un contrat
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de travail d’une durée de 5 ans au terme desquels ils devaient norma-


lement être rapatriés en Inde, ensuite, ils n’avaient pas la nationalité
française (qu’ils n’obtiendront que dans les années 30 du XX e siècle).
Le rêve du retour en Inde a longtemps perduré dans le groupe indien
bien qu’année après année, il devînt pour une bonne moitié des im-
migrants une pure chimère. La revendication de l’Indianité va donc se
construire à la fois contre la blanchitude et contre la Négritude, les In-
diens désignant d’ailleurs uniformément les Blancs et les Noirs sous le
vocables de... « Créoles » c’est-à-dire « natifs de la Martinique » par op-
position à eux, immigrants provisoires. C’était nier, une fois de plus,

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l’immense apport indien à la culture créole, le nouveau souffle qu’ils
ont apporté à une langue et à une culture qui s’étaient déjà constituées
avant leur arrivée. Apport spectaculaire puisque le « plat nat i o n a l » mar-
tiniquais est devenu le... « colombo » et la « coiffe nationale » martini-
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quaise...le « madras ».

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Aucune de ces trois idéologies, Blanchitude, Négritude, Indianité,
n’a donc su (ou pu) penser la nouvelle réalité qui se mettait inexorable-
ment en place et qui faisait des trois groupes ethniques fondateurs du
peuple créole des néo-autochtones, les remplaçants des Caraïbes en
quelque sorte. Qui coupait les liens avec les pays d’Ava n t , avec l’Ancien
Monde, à tout le moins au plan de la vie quotidienne. Le Béké peut
toujours se réclamer de ses ancêtres poitevins ou vendéens, il n’en res-
te pas moins que vivre sur une plantation de canne à sucre en terre an-
tillaise et la diriger n’a rien à voir avec l’administration d’une ferme ou
d’un vignoble en terre française. Le Nègre peut toujours se réclamer
de sa lignée bambara ou bantoue, son quotidien de déraciné qui s’est
reconstruit a peu de rapports avec celui d’Africains qui n’ont jamais
quitté leurs terres et qui n’ont perdu ni leurs langues, ni leur cuisine,
ni leurs religions, ni leurs vêtements, e t c.Le Noir antillais est au contact
du Blanc depuis le début du XVII e siècle alors que beaucoup de ses
cousins d’Afrique n’ont vraiment senti le poids du colonialisme euro-
péen qu’à compter du congrès de Berlin (1885) et donc du partage de
l ’ A f rique entre les différentes puissances européennes de la fin du XIX e
siècle. L’Indien peut toujours fantasmer sur le Tamil-Nadu, il a défi-
nitivement perdu le système de castes, il a oublié à tout jamais la langue
tamoul, il ne peut plus incinérer ses morts comme l’exige la religion
hindoue et est obligé de les inhumer selon les règlements européens.
Et le Mulâtre, dira-t-on, et plus généralement le Métis ? N’est-il pas
le mieux placé pour revendiquer sa créolité, lui qui ne possède pas de
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p ays d’Avant ou qui ne peut pas sérieusement se réclamer de l’Afrique,


de l’Europe ou de l’Inde. Ici encore, on n’a pas suffisamment souligné
la différence radicale entre les Antilles et la Guyane françaises d’un côté
et l’Amérique latine de l’autre. Très vite, dans cette dernière, le « mes-
tizo » est devenu l’archétype de l’autochtone (au détriment il est vrai
des A m é rindiens) et l’idéologie du « mestizaje » est posée comme fonda-
trice de l’identité latino-américaine. Rien de tel dans les territoires sous
domination française. Les métis, qui pouvaient « passer pour blancs »
n’avaient de cesse de se considérer soit comme Békés soit, le plus sou-
vent, comme métis français, s’appuyant sur l’idéologie républicaine, puis

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socialiste venue de France. Ceux qui choisissaient d’être du côté des
Noirs se ralliaient à l’idéologie de la Négritude, ce qui fait qu’hormis
Césaire lui-même, la quasi-totalité des dirigeants du PPM (Pa rti
Progressiste Martiniquais), dont la Négritude est l’idéologie officielle,
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furent des...Mulâtres. Quant aux métis indiens, chinois ou syro-liba-


nais, ils n’avaient le choix que de rallier les groupes indien, chinois et
syro-libanais. Le métissage est donc l’impensé de la société martiniquaise
alors même que 90 % des Martiniquais sont des métis, à des degrés di-
vers. C’est dire que le métis antillais a lui aussi, longtemps fantasmé
sur la France, l’Afrique, l’Inde, la Chine ou le Moyen-Orient, sans ja-
mais comprendre ou admettre qu’il constituait une réalité autre, dif-
férente, nouvelle. Sans réaliser qu’il était le symbole même de cette langue
et de cette culture créoles qui se mettaient en place.

***
Les Martiniquais, de toutes races, ont été, jusqu’à la fin du XX e siècle,
incapables de penser l’autochtonie. Sans doute parce que cette autoch-
tonie n’a rien à voir avec celle de l’Ancien Monde, qu’elle n’est pas at a-
vique (Edouard Glissant), qu’elle est ouverte, multiple, imprévisible,
en perpétuel remodelage. Car la Créolité n’est pas une idéologie : c’est
une réalité anthropologique et historique. Une réalité de trois siècles
et demi de brassages et de « partage des ancêtres » (Jean Bernabé). Il
faut, en effet, se garder de confondre, comme on le fait trop souvent,
le phénomène anthropo-historique qu’est la Créolité et l’idéologie de
la Créolité telle qu’elle a été définie, en 1991, par Patrick Chamoiseau,
Jean Bernabé et Raphaël Confiant. Cette réalité incontournable peut
être pensée de diverses manières, elle peut être pensée différemment
de ces trois auteurs, mais nul ne saurait en nier l’existence. Cette créo-
lité anthropo-historique est un fait brut, massif. C’est le magma civi-
lisationnel à partir duquel a jailli l’homme martiniquais d’aujourd’hui.
Cela est si vrai que notre histoire est parsemée de velléités de Créolités,
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ou plus exactement de penser et de vivre la Créolité : ce sont les révo-


lutionnaires nègres de Saint-Domingue qui, hardiment, rompent avec
l’Afrique, en rebaptisant Saint-Domingue, non pas Nouveau-Sénégal
ou Nouveau-Congo (sur le modèle blanc de Nouvelle-Angleterre ou
de Nouvelle-Espagne), mais en renouant avec le passé amérindien de
leur île : « Haïti » signifie, en effet, « pays de hautes montagnes », en langue
taïno. Personne n’a relevé la puissance symbolique d’une telle déno-
mination, sa charge de créolité, sa revendication d’une nouvelle au-
tochtonie. C’est encore Victor Schœlcher exhortant « Créoles blancs »
et « Créoles noirs » à s’unir au sortir de l’esclavage, cela dans plusieurs

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de ses écri t s. C’est encore la publication, en 1885, d’A t i p a,premier roman
entièrement écrit en langue créole par le Guyanais Alfred Parépou. C’est
encore, au mitan du XX e siècle, la création de l’Académie Créole An-
tillaise par des intellectuels guadeloupéens tels que Rémy Nainsouta
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et Bettino Lara. On pourrait multiplier les exemples de ce type, exemples


qui démontrent qu’à diverses époques, des Antillais et des Guyanais
ont éprouvé le besoin de rompre avec les pays d’Avant, avec l’Ancien
Monde, pour penser, enfin, leur autochtonie. Le problème est que ces
tentatives sont restées lettre morte à cause, spécificité française là en-
core, du formidable mouvement d’assimilation culturelle et politique
mis en œuvre par la métropole française, y compris dans un pays com-
me Haïti où en 1925, soit près de cent trente ans après une indépen-
dance arrachée de haute lutte, Jean-Price Mars se voyait obligé de dé-
noncer le « bova rysme des élites », c’est-à-dire leur attachement viscéral
à la langue et à la culture françaises. C’est qu’il y a bien une spécificité
de la colonisation française et que celle-ci est paradoxalement liée à la...
Révolution française de 1789. En coupant la tête à leur roi et en abolis-
sant définitivement le système monarchique, en proclamant la Décla-
ration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, en affichant
à la face du monde entier les idéaux de liberté et d’égalité de tous les
hommes, les Français ont coupé l’herbe sous le pied à toute revendi-
cation de rupture d’avec la métropole chez leurs sujets des « Isles
d’Amérique » et de la Guyane. C’est ainsi que jusqu’au bout même le
grand Toussaint Louverture a cru au maintien des liens avec la France
dans le cadre d’une autonomie élargie, chose qui a causé sa perte, et
n’eût été l’entêtement aveugle et le racisme de Napoléon Bonaparte,
il y a gros à parier que des radicaux, tels que Jean-Jacques Dessalines,
n’auraient jamais pu prendre le contrôle de la rébellion et ainsi conduire
le pays à l’indépendance.
La Révolution française et ses idéaux démocratiques et universels res-
ponsables de l’incapacité des Antillais « français » à penser leur propre
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réalité et à l’assumer ? Quelle grossièreté idéologique, pensera-t-on ?


Pourtant, l’histoire a ses ruses, auxquels les esprits les plus brillants ne
peuvent échapper, et les faits sont là. Aimé Césaire, en digne succes-
seur de Toussaint Louverture, un siècle et demi plus tard, a été incapa-
ble d’envisager l’indépendance de la Martinique : il a été le rapporteur,
à l’assemblée Nationale, de la loi qui, en 1946, transforma les « vieilles
colonies d’Amérique » en « départements français d’Outre-Mer », c’est-
à-dire en monstruosités politico-administratives et en catastrophes éco-
nomiques.

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La Créolité est une réalité anthropologique tri-séculaire. Le Mou-
vement de la Créolité est une tentative, à la fin du XX e siècle, de pen-
ser cette réalité. La première vraie tentative. Loin des fantasmes et des
nostalgies d’Europe, d’Afrique et d’Asie. Il a, ce mouvement, l’avan-
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tage de sortir des modes de pensée raciologique et de l’identité unique


tout en permettant de penser l’actuel phénomène de mondialisation ou
globalisation. Les Antilles ont été, en effet, le lieu d’une première glo-
balisation, entre le XVII e et le XIX e siècles, et sont sans doute la par-
tie du monde la mieux placée pour en percevoir les enjeux c’est-à-dire
à la fois les dangers et les formidables avancées.

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