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Les indicateurs de la précarité énergétique en France

Dorothée Charlier, Anna Risch, Claire Salmon


Dans Revue française d'économie 2015/4 (Volume XXX), pages 187 à 230
Éditions Revue française d’économie
ISSN 0769-0479
DOI 10.3917/rfe.154.0187
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Dorothée CHARLIER
Anna RISCH
Claire SALMON
Les indicateurs
de la précarité énergétique
en France
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S elon l’Observatoire national de la précarité


énergique ou ONPE [2014], un ménage sur cinq éprouve-
rait des difficultés économiques et/ou matérielles à chauffer
son logement pour atteindre un niveau acceptable de confort.
Devalière ([2007] pp. 137-138) met en évidence que la précarité

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énergétique fait référence à trois notions imbriquées : la situation


sociale et économique d’un ménage (conjoncturelle ou structu-
relle), l’état de son logement et de sa qualité thermique, et sa
fourniture d’énergie (accès, coût, qualité). Parmi ces ménages,
nous retrouvons souvent les ménages les plus vulnérables comme
les personnes âgées, les familles à bas revenu ou encore les per-
sonnes en situation de handicap. Ces ménages à faibles ressources
vivent dans des logements caractérisés par de mauvaises perfor-
mances énergétiques et sont donc plus vulnérables à la hausse
des coûts de l’énergie. On dit aujourd’hui que ces ménages sont
en situation de précarité énergétique. Si le Royaume-Uni a été
le premier pays à définir la précarité énergétique, ce phénomène
s’est imposé depuis comme un sujet de préoccupation majeur
dans de nombreux pays européens. La France a intégré dans la
loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’envi-
ronnement la définition suivante : « Est en situation de préca-
rité énergétique une personne qui éprouve dans son logement
des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie
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nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de
l’inadaptation de ses ressources ou conditions d’habitat ». Face à
ce constat, un « engagement national contre la précarité énergé-
tique » a été lancé par les pouvoirs publics en janvier 2010. A la
croisée de la politique sociale et de la politique environnemen-
tale, la précarité énergétique est devenue progressivement une
problématique importante (Brunner et al. [2012] p.53) de plus
en plus prise en compte par les gouvernements (Moore [2012]
p.19). Cette étude poursuit un double objectif : fournir des élé-
ments généraux de définition du phénomène de précarité énergé-
tique et les appliquer au cas français à partir des données de l’En-
quête logement 2006 de l’Insee ; estimer économétriquement le
profil moyen d’un ménage précaire énergétiquement en se focali-
sant sur les indicateurs monétaires de cette forme de vulnérabilité.
Schématiquement, ce travail permet de répondre aux questions
suivantes : quelle est l’ampleur du phénomène de précarité énergé-
tique en France selon l’indicateur utilisé ? Quelles sont les zones de
recouvrement et de différenciation entre les différents indicateurs ?
Quels sont les facteurs de risque de la précarité énergétique, tant

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en termes de caractéristiques sociodémographiques du ménage


qu’en termes de caractéristiques du logement ?
Nous montrons que les indicateurs qui sont aujourd’hui
le plus couramment utilisés, comme le taux d’effort ou l’indi-
cateur BRDE (bas revenu, dépenses élevées), sont des indica-
teurs monétaires qui ne permettent pas de considérer toutes les
dimensions de la précarité énergétique. En effet, ces indicateurs
ne tiennent pas compte de la dimension qualitative de la préca-
rité, c’est-à-dire du ressenti d’inconfort des ménages. Nous sou-
lignons qu’il est nécessaire de recentrer l’analyse intégrant cette
dimension afin d’identifier au mieux les ménages les plus vul-
nérables. Nous mettons en évidence que de nombreux ménages
forment un «  halo  » autour de la précarité. En effet, il peut
résulter certaines interactions entre les différentes définitions de
la précarité. Nous fournissons ainsi une échelle de mesure de la
précarité afin d’identifier les facteurs de risque.
Après avoir détaillé les différentes mesures existantes de
la précarité énergétique, nous présentons les données et les sta-
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tistiques descriptives. Puis nous estimons la probabilité d’être
pauvre énergétiquement, d’après deux indicateurs monétaires, et
discutons les résultats obtenus. Enfin nous concluons.

Définir et mesurer la précarité


énergétique

Le concept de précarité énergétique

La question de la précarité énergétique a émergé de manière rela-


tivement récente dans le débat politique. Dans une acceptation
assez large du concept étudié, Reddy [2000] définit la pauvreté
énergétique comme « the absence of sufficient choice in accessing
adequate, affordable, reliable, high-quality, safe and environmen-
tally benign energy services to support economic and human

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development  ». Cette définition lie de manière extrêmement


forte l’accès à l’énergie et le développement économique au
sens de Sen [1999] : l’accès limité à l’énergie prive les individus
de possibilités d’accès aux autres biens fondamentaux tels que
l’éducation, la santé, la participation à la vie politique et sociale,
etc. C’est dans cette dimension élargie qu’est généralement trai-
tée la question de la pauvreté énergétique dans la littérature
appliquée aux pays en développement (voir Barnes et al. [2011]
au Bangladesh, Bhide et Monroe [2011] en Inde ; Treiber et al.
[2015] au Kenya, pour ne citer que quelques exemples d’études
empiriques). L’étude de Gonzales-Eguino [2015] propose une
analyse approfondie des relations entre la pauvreté énergétique
et le développement économique et social dans un contexte de
pays pauvres.
Dans les pays industrialisés, le concept de pauvreté éner-
gétique se concentre plutôt sur le domaine de la consommation
énergétique dans l’habitat. Manifestation d’une forme de mal
logement, de vulnérabilité sociale, voire d’exclusion, la précarité
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énergétique s’est imposée progressivement comme une question
prioritaire de politique publique en Europe, notamment avec
le développement du projet EPEE 2006-2009 (European Fuel
Poverty and Energy Efficiency). La littérature sur le concept de
pauvreté énergétique et ses mesures associées a dès lors connu
un véritable essor (Hills [2012], Boardman [2012], Brunner
et al. [2012] p.53  ; Moore [2012] p.19). L’intérêt pour cette
question sociale s’est développé dans un contexte de sensibilité
accrue aux questions environnementales, et notamment aux
problématiques d’efficience énergétique du bâti.
Devalière ([2007] pp. 137-138) met en évidence que la
précarité énergétique fait référence à trois notions imbriquées :
la situation sociale et économique d’un ménage, l’état général de
son logement et de sa qualité thermique, et enfin sa fourniture
d’énergie. C’est la combinaison des trois qui, à divers degrés,
provoque la situation de précarité énergétique. Les conséquences
pour les ménages sont multiples, allant de l’inconfort à la mar-
ginalisation passant par la précarité financière, l’endettement, la
détérioration du bâti, la multiplication des risques sanitaires liés

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au sous-chauffage ou à l’usage de systèmes d’appoint déficients


et aux dégradations des relations entre propriétaires et locataires.
Si l’existence des logements sociaux permet, en France,
de limiter de manière significative le mal-logement, l’insuffi-
sance de l’offre d’habitats à loyer modéré relativement à la
demande laisse toutefois une partie des ménages en situation
délicate pour accéder à un logement décent ou pour faire face
aux charges de leur domicile, et en particulier aux charges de
chauffage. Les mal-logés, estimés à 3,5 millions de personnes
en France par la fondation Abbé Pierre [2014], regroupent à
la fois des personnes sans domicile personnel (sans abri, loge-
ment précaire, logement d’urgence, hébergement contraint),
les personnes vivant dans des conditions de logement difficiles
(faible confort - notamment thermique -, surpeuplement), et
les personnes vivant dans des habitats mobiles.
La précarité énergétique est l’une des nombreuses formes
que peut prendre le mal-logement. Vivant plus fréquemment
que la moyenne dans des logements à faibles performances
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énergétiques, la population vulnérable économiquement est
plus exposée à l’inconfort thermique, aux difficultés monétaires
liées à l’effort financier conséquent à consentir pour chauffer
son habitat et aux variations du coût de l’énergie (Bouzarovsky
[2012]). Trop pauvre pour accéder à des logements de qualité et
trop pauvre pour réaliser des travaux de rénovation thermique,
le ménage économiquement défavorisé est contraint de dépen-
ser des sommes importantes pour tenter d’atteindre, avec plus
ou moins de succès, un niveau de confort minimal. Le recouvre-
ment entre pauvreté monétaire et pauvreté énergétique est donc
particulièrement fort (voir Palmer et al. [2008] pour l’Angle-
terre, Legendre et Ricci [2015] pour la France et Fabbri [2015]
pour l’Italie). Pour autant, l’inconfort thermique et l’excès de
charges financières liées au chauffage ne sauraient être des mani-
festations particulières et exclusives de la seule pauvreté écono-
mique. Ces phénomènes touchent certes plus fréquemment les
populations économiques vulnérables, mais ils concernent aussi
des populations qui n’appartiennent pas au cœur de cible de
l’action sociale.

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Indicateurs de précarité énergétique

La mesure de la précarité énergétique est polymorphe et les appré-


ciations chiffrées de son étendue varient en conséquence. L’ONPE
[2014] propose une typologie permettant de classer les indica-
teurs de précarité en fonction de trois approches  : i) l’approche
par l’économie de la consommation, qui identifie les ménages
consacrant une part jugée trop importante de leur revenu dans
les dépenses d’énergie destinées à l’habitat ; ii) l’approche par le
ressenti d’inconfort des ménages dans leur logement, qui identi-
fie les ménages déclarant souffrir du froid et/ou d’humidité dans
leur habitat ; iii) l’approche par la privation qui comptabilise les
ménages ayant des dépenses réelles d’énergie significativement
inférieures aux dépenses théoriques pour accéder à un confort
standard dans leur logement. Une dernière approche pourrait
être ajoutée aux précédentes consistant à appréhender la pauvreté
énergétique par iv) des indicateurs synthétiques.
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Indicateurs monétaires
La première approche, dite par l’économie de la consommation,
se concentre sur l’effort financier consenti par le ménage pour se
chauffer. Trois indicateurs principaux relèvent de cette logique
monétaire : le taux d’effort, le « After Fuel Poverty Approach »,
le BRDE (bas revenu, dépenses élevées).
Le calcul du taux d’effort énergétique s’obtient en divi-
sant les dépenses consacrées à l’énergie dans le logement par le
revenu. En France, en moyenne, les ménages consacrent environ
5 % de leur revenu aux dépenses énergétiques (ONPE [2014]
p.4). Il est généralement estimé que les ménages sont en situa-
tion de précarité énergétique lorsqu’ils consacrent plus de 10 %
de leurs ressources aux dépenses énergétiques pour leur habita-
tion. Ce seuil théorique a été fixé en 1988 par les Britanniques.
Il correspondait alors au double de la médiane des dépenses de
chauffage du Royaume-Uni.
Selon cette première approche (retenue notamment par
le groupe de travail du plan Bâtiment Grenelle en 2010), près de

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13 % des ménages français, soit 3,4 millions de ménages, seraient


en situation de précarité énergétique d’après l’ONPE avec une
facture énergétique dépassant 10 % de leurs revenus. Cet indi-
cateur est celui utilisé par l’Union européenne depuis plusieurs
années pour estimer la précarité énergétique et réaliser des com-
paraisons internationales. Cependant, cette approche, relative-
ment simple à estimer, fait l’objet de critiques dans la littérature.
La première relève d’un biais d’observation, dans la mesure où
cet indicateur peut écarter des ménages qui restreignent volontai-
rement leurs factures d’énergie en se chauffant le moins possible.
La fondation Abbé Pierre qui étudie le mal-logement en France
souligne en effet que cette pratique de restriction du chauffage
est extrêmement fréquente parmi les plus vulnérables. A contra-
rio, l’indicateur de taux d’effort peut intégrer des ménages qui
ont une plus faible contrainte de dépenses et qui surconsomment
de l’énergie. Certains auteurs proposent de corriger ces biais en
ayant recours aux dépenses requises pour atteindre un niveau de
confort adéquat à la place des dépenses réelles (Dubois [2012] ;
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Fahmy [2011]). Cette adaptation de l’indicateur, qui suppose
avoir des données précises sur les caractéristiques thermiques du
logement occupé et la situation climatique, permettrait d’élimi-
ner le biais lié à l’auto-privation ou à la surconsommation.
Un deuxième indicateur relevant de cette approche éco-
nomique  consiste à étudier la population qui, pour atteindre
un niveau de confort thermique acceptable, doit engager des
dépenses d’énergie qui la font basculer sous le seuil de pauvreté
monétaire. Cet indicateur revient à mesurer l’incidence des
dépenses énergétiques sur le revenu résiduel du ménage et sur
son positionnement relativement au seuil de pauvreté (calculé
à 60 % du revenu médian). Cette méthode globale (After Fuel
Cost Poverty Approach) s’appuie sur les travaux de Hills [2011]
et Moore [2012]. Les travaux de Legendre et Ricci [2015] ont
proposé une application au cas français de cette approche afin de
caractériser les ménages les plus vulnérables au risque de pauvreté
énergétique et monétaire. Leur analyse montre que les ménages
retraités, vivant seuls, locataires de leur logement, se chauffant
avec un chauffage individuel, sont les plus exposés à ce risque.

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En s’appuyant sur les travaux de Hills [2011, 2012],


un troisième indicateur monétaire a également été développé  :
le BRDE (bas revenus, dépenses élevées). Selon cet indica-
teur, un ménage est considéré en situation de précarité énergé-
tique sous une double condition : son revenu disponible après
impôt et charges du logement est faible (inférieur au seuil de
pauvreté mesuré par unité de consommation) et ses dépenses
énergétiques élevées (supérieures à un seuil défini relativement
à la médiane nationale pondérée par mètre carré ou par unité
de consommation). La spécificité de la démarche est qu’elle
conduit à l’identification de deux seuils  pour caractériser les
ménages en précarité énergétique  : l’un en termes de revenus
résiduels disponibles et l’autre en termes de dépenses d’énergie
nécessaires pour atteindre un confort thermique adéquat. Selon
ce critère, les données fournies par l’ONPE [2014] indiquent
que 5 millions des ménages français sont victimes de précarité
énergétique (soit 11,5 millions de personnes).
Malheureusement, ces deux derniers indicateurs peuvent
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faire l’objet de critiques similaires à celles formulées au taux
d’effort. En effet, sont toujours exclus de la mesure les ménages
qui restreignent volontairement leurs factures d’énergie en se
chauffant le moins possible. Par ailleurs, ces indicateurs moné-
taires, dans leur définition, ne semblent pas tenir compte de la
dimension qualitative de la précarité énergétique  : l’inconfort
thermique. Si l’ONPE [2014] considère les ménages déclarant
souffrir du froid et/ou d’humidité dans leur habitat comme des
ménages précaires, pour autant, l’indicateur BRDE ne semble
pas prendre en compte cette dimension ainsi que les besoins
réels des ménages en fonction, par exemple, des zones clima-
tiques. De plus, Makdissi et Wodon [2006] soulignent la néces-
sité qu’il y a à estimer précisément la diversité des besoins des
ménages dans un contexte de comparaison régionale ou inter-
nationale. Il faudrait alors prendre en considération un certain
nombre de contraintes territoriales d’accès au logement et le
coût de la mobilité résidentielle (Maresca [2013]) pour saisir le
phénomène dans sa globalité.

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Indicateurs subjectifs
La deuxième approche, dite par le ressenti des ménages de
leur niveau d’inconfort dans leur logement, permet d’appré-
hender la précarité énergétique via un indicateur subjectif ou
une approche qualitative. Cette approche est assez régulière-
ment utilisée par les acteurs agissant dans le domaine de la
lutte contre le mal-logement. Il s’agit par exemple d’appré-
cier le pourcentage de la population se déclarant vivre avec un
confort thermique insuffisant (EPEE [2006] p.8  ; Waddams
et al. [2012]). C’est l’un des indicateurs retenus par Thomson
[2013] dans une étude comparative de la pauvreté énergétique
au sein de vingt-cinq pays membres de l’UE (l’étude n’inclut
pas la France). Cet inconfort peut être saisi au travers d’une
température jugée inadéquate (moins de 19°C en moyenne
si l’on retient la définition du code de la Construction et de
l’habitat)1 ou éventuellement d’une impression de froid et/ou
d’humidité. Toutefois, pour des raisons très pragmatiques d’ac-
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cès aux données, cet indicateur peut exclure selon les enquêtes
les habitations atypiques (caravane, mobile-home, habitation
de fortune …) qui sont potentiellement plus exposées que la
moyenne à ce type d’inconfort.
Le calcul d’indicateur stricto sensu peut aussi être com-
plété par des enquêtes qualitatives auprès des ménages suscep-
tibles d’être en situation précaire. C’est le cas de l’étude de
Brunner et al. [2012] conduite en Autriche qui interroge un
panel de ménages sur les stratégies qu’ils déploient pour lutter
contre leur précarité énergétique. L’étude montre notamment le
faible niveau d’information des ménages sur les consommations
réelles des appareils utilisés et l’intérêt qu’il pourrait y avoir à
investir dans de nouveaux équipements.

Indicateurs de privation
La troisième approche, dite par la privation ou par la restriction,
revient à comptabiliser les ménages ayant des dépenses d’éner-
gie significativement inférieures aux dépenses théoriques pour

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accéder à un confort standard. Il s’agit alors de mesurer l’écart


entre la dépense réelle, observable, et une dépense normative.
Cette approche diffère des deux autres dans la mesure où elle sup-
pose l’accès aux caractéristiques précises du logement en termes
techniques (surface, type de chauffage, qualité du bâti, nature
de l’isolation ...) et l’existence d’un modèle de référence permet-
tant d’évaluer les dépenses théoriques. Charlier [2013  ; 2014]
a utilisé des données de consommation énergétique théorique
dans ses travaux. A partir de données du modèle Promodul2,
l’auteur a calculé les consommations requises compte tenu des
caractéristiques du logement (les consommations théoriques ne
prennent pas en compte les comportements des ménages). Ces
données ont notamment été utilisées pour identifier les ménages
français qui avaient une analyse coût favorable à l’investissement
énergétique.

Indicateurs synthétiques
Compte tenu du caractère multidimensionnel du phéno-
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mène de pauvreté, la plupart des études consacrées à la préca-
rité énergétique insistent sur l’intérêt qu’il y a à travailler avec
une combinaison d’indicateurs plutôt qu’un seul. Scott et al.
[2008] estiment dans leur travail l’ampleur de la précarité éner-
gétique en Irlande en utilisant deux indicateurs  : un premier
fondé sur le rapport entre les dépenses et le revenu (c’est-à-dire
le taux d’effort), un second se fondant sur la privation décla-
rée par les ménages. Ils obtiennent que si 16 % des ménages
en 2006 sont définis comme précaires énergétiquement en uti-
lisant la mesure du taux d’effort, cette part diminue à 8,1  %
en utilisant l’indicateur de privation. Ils trouvent aussi une cor-
rélation positive forte entre la précarité énergétique et le fait
d’être locataire, sans emploi et avec peu de qualification (Scott
et al. [2008] p.62). Thomson [2013] propose, quant à lui, une
mesure composite de trois indicateurs pour évaluer la pauvreté
énergétique sur un panel de vingt-cinq pays européens  : un
indicateur subjectif (incapacité à atteindre un certain confort
thermique), un indicateur monétaire (l’existence d’arriérés de

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Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   197

paiements), un indicateur objectif (l’existence d’humidité dans


le logement). La combinaison variable de ces trois indicateurs
modifie de manière significative sa comparaison internationale
du phénomène. Legendre et Ricci [2015] proposent également
une évaluation de la précarité énergétique en travaillant sur les
trois types d’indicateurs monétaires précédemment présentés.
De manière générale, les indicateurs monétaires ont tendance à
recentrer davantage la précarité énergétique sur les occupants de
maisons individuelles antérieures aux années 1970, chauffées au
fioul et occupées par des personnes retraitées.
Un autre exemple de synthèse d’indicateurs est le
travail réalisé par Fabbri [2015] sur des données italiennes.
Son étude consiste à concentrer les efforts de mesure de la
pauvreté énergétique sur le bâti lui-même. Partant de l’obser-
vation que les ménages les plus pauvres et vulnérables sont
nettement surreprésentés dans les logements à faible perfor-
mance énergétique, une identification des logements ineffi-
cients permet de repérer ceux qui sont susceptibles de plonger
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leurs occupants dans une situation de pauvreté énergétique.
Cette approche permet de relier de manière relativement effi-
cace, d’un point de vue politique et pratique, la question de
la lutte contre la pauvreté énergétique et la lutte contre l’inef-
ficacité thermique. Le building fuel poverty index synthétise
des informations sur la qualité du bâti, le niveau de revenu et
la tendance des prix de l’énergie.
Dans la plupart des études précédentes, les auteurs
ne prennent pas en considération les indicateurs de ressenti
d’inconfort, qui peuvent toutefois venir nuancer les résultats
obtenus et permettre d’identifier le profil des ménages les plus
vulnérables. Waddams et al. [2012] explorent toutefois la cor-
rélation entre les indicateurs objectifs et subjectifs dans une
étude sur données britanniques. Ils montrent notamment que
leur combinaison est nécessaire pour développer des outils de
politiques efficaces.

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Analyse descriptive de la précarité


énergétique sur données françaises

Les données

Le travail effectué s’appuie sur les données de l’Enquête loge-


ment 2006 de l’Insee. Cette base de données renseigne sur
les caractéristiques socio-démographiques des ménages (leur
revenu, le nombre de personnes dans le ménage, la présence ou
non d’enfants, etc.), sur les caractéristiques de leur logement
(localisation, taille, mode de chauffage principal, etc.) et sur les
énergies utilisées (pour le chauffage, la cuisson, etc.) ainsi que
les dépenses énergétiques déclarées.
Pour construire les indicateurs de précarité énergétique,
et prendre en compte les situations dans lesquelles le ménage
contraint sa consommation d’énergie et son confort thermique,
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nous complétons la base de données de l’Insee par des données
sur les dépenses énergétiques théoriques. Ces dépenses théo-
riques mesurent la consommation d’énergie que les ménages
devraient avoir, compte tenu de la qualité de leur logement et
du coût de l’énergie, telle qu’elle est calculée lors des diagnos-
tics de performance énergétique (cette variable exclut donc la
variation d’énergie liée au comportement du consommateur).
Ces données sur les dépenses énergétiques théoriques ne sont
pas disponibles dans l’enquête logement et nous devons donc
les simuler. Le calcul de ces dépenses « normatives » est obtenu
grâce au logiciel Promodul, qui estime la dépense théorique
pour différentes catégories de logement en fonction de leurs
caractéristiques. Le logiciel utilise la méthode 3CL3 et permet
d’enrichir la base de données avec de nouvelles informations.
Afin de simuler avec le plus d’exactitude possible la consom-
mation énergétique des logements, le parc de logements est
divisé en fonction de ses caractéristiques. Nous classons le parc
de logements selon le type de logements (individuel ou collec-
tif ), la zone climatique (quatre grandes zones climatiques sont

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Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   199

retenues), la période de construction (cinq grandes périodes


sont retenues), le type de vitrage (double vitrage ou non), l’iso-
lation du toit (bonne, moyenne, mauvaise), le système de venti-
lation (ventilation mécanique ou non) et le type de combustible
principalement utilisé (électricité, gaz, fioul). Les catégories sont
résumées dans le tableau suivant (tableau n°1). Les mêmes caté-
gories de logements sont disponibles dans l’enquête logement.

Tableau 1
Les catégories de logements
Logements individuels Logements collectifs
Combustible principal Electricité, gaz, fioul Electricité, gaz, fioul
Zone climatique Quatre zones climatiques Quatre zones climatiques
(1 est la zone la plus (1 est la zone la plus
froide) froide)
Périodes de construction Cinq périodes (avant Cinq périodes (avant
1974, de 1975 à 1981, de 1974, de 1975 à 1981, de
1982 à 1989, de 1990 à 1982 à 1989, de 1990 à
2001, après 2002) 2001, après 2002)
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Type de vitrage Double ou simple vitrage Double ou simple vitrage
Ventilation VMC ou non VMC ou non
Isolation du toit Bon, intermédiaire, Bon, intermédiaire,
mauvais mauvais
Type de chauffage Individuel Individuel ou collectif
Nombre total de catégories 720 1 440
Nombre total de catégories 2160

Finalement, nous disposons de 2 160 catégories de loge-


ments pour lesquelles sont réalisées 2 160 simulations. Ainsi,
à titre d’exemple, pour une maison individuelle utilisant de
l’électricité, construite avant 1974, avec une surface moyenne
de 110 m² située en zone climatique 1, avec une mauvaise iso-
lation du toit, sans double vitrage ni VMC, le logiciel Promodul
indique, après simulation, une consommation théorique de
747 kWh/m2/an et des émissions de GES de 48 kg C02 pour
une dépense totale annuelle de 33,80 €/m². Une fois les simula-
tions réalisées, nous fusionnons les données obtenues avec celles

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


200   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

de l’enquête logement en nous fondant sur les caractéristiques


des logements. Cette étape conduit à éliminer une partie de
l’échantillon puisque de nombreux ménages n’ont pas renseigné
l’enquête sur les caractéristiques de leur logement. Ce sont en
particulier les ménages qui vivent dans des logements collectifs
avec un chauffage collectif et pour lesquels l’asymétrie informa-
tionnelle sur les coûts réels du chauffage est patente.
L’échantillon final est composé de 25 872 ménages. Il
reste représentatif par rapport à l’échantillon initial. Nous pou-
vons cependant noter que, malgré un revenu médian très simi-
laire à celui calculé par l’Insee, l’enquête logement sous-estime le
taux de pauvreté monétaire (nous obtenons un taux de pauvreté
de 17,6 % contre 13,1 %, calculé par l’Insee cette même année).

Les mesures alternatives de la précarité énergétique

Comme vu précédemment, plusieurs indicateurs s’intéressent à


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différents aspects de la précarité énergétique : deux indicateurs
monétaires (le taux d’effort et l’indicateur BRDE), un indi-
cateur subjectif (sensation générale d’inconfort) et un indica-
teur de privation (ratio des dépenses observées sur les dépenses
théoriques). Dans un premier temps, nous nous intéressons à
l’ampleur de la précarité énergétique, calculée à l’aide des diffé-
rents indicateurs. Nous les déclinons sur la population totale et
la population pauvre monétairement (revenu par u.c. inférieur
à 60 % du revenu médian). Le tableau AI en annexe permet
d’avoir une vision globale des indicateurs et de l’étendue de la
précarité énergétique selon le choix de mesure qui est opéré.
Dans un second temps, nous concentrerons notre discussion sur
les deux indicateurs monétaires, soit le taux d’effort et l’indica-
teur BRDE. Ce sont les deux indicateurs communément utilisés
en France par les pouvoirs publics pour mesurer ce phénomène.
Le taux d’effort permet de réaliser également des comparai-
sons internationales, puisqu’il est utilisé depuis de nombreuses
années par l’Union européenne. Il convient donc de leur porter
une attention particulière.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   201

Le taux d’effort
Le taux d’effort est défini de manière classique comme le rap-
port entre les dépenses en énergie (quel que soit l’usage dans
l’habitat  : chauffage, cuisson, froid, éclairage, utilisation des
appareils électriques) et le revenu total du ménage. En moyenne
le taux d’effort énergétique est de 6,8 % dans l’ensemble des
ménages de l’échantillon. La population située en dessous du
seuil de pauvreté monétaire a un taux d’effort plus important,
puisque ses dépenses énergétiques représentent 12,9 % de son
revenu. La figure ci-dessous présente la distribution du taux
d’effort dans la population totale.

Figure 1a
Distribution du taux d’effort
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Source : Insee - 2006. Enquête logement - échantillon final.

Les ménages ayant un taux d’effort supérieur à 10  %


sont considérés en situation de précarité énergétique, et cela
concerne 18,2 % des ménages (contre 13 % calculé par l’ONPE
[2014]). La figure n°1b illustre la forte corrélation existant entre
le niveau de vie et le taux d’effort. Comme nous l’avons vu pré-

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


202   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

cédemment, le taux d’effort est parfois critiqué pour inclure des


ménages à haut niveau de revenu dans les ménages en situation
de précarité énergétique, mais il semble que ce biais soit relati-
vement minime. L’inscription dans un double état de pauvreté,
monétaire et énergétique, touche près de 45 % de la population
située en dessous du seuil de pauvreté monétaire. Ce taux est
même largement supérieur à 50 % au sein du premier décile
(voir tableau AI en annexe). Ces résultats, confortant l’idée que
les pauvres monétaires subissent en grande partie aussi une peine
de pauvreté énergétique, sont dans la lignée de ceux publiés par
Pelletier et al. [2010] et Legendre et Ricci [2015].

Figure 1b
Lien revenu et taux d’effort
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Source : Insee - 2006. Enquête logement - échantillon final.

L’indicateur BRDE par m2


Le deuxième indicateur monétaire proposé repose sur le calcul
aménagé du BRDE (bas revenu, dépenses élevées). Les ménages
sont considérés en situation de précarité énergétique sous deux
conditions  : i) leurs dépenses d’énergie sont supérieures à la
médiane nationale pondérée par unité de consommation (u.c.)
ou par m2 (ce sont donc des ménages ayant des dépenses éner-
gétiques élevées), ii) leur revenu, hors impôts et charges liées
au logement, est inférieur au seuil de pauvreté pondéré par u.c.
(ce sont donc des ménages à faible niveau de vie). En raison

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   203

de contraintes liées aux données, le calcul effectivement retenu


dans cet article est le suivant : identification des ménages écono-
miquement pauvres (niveau de vie < au seuil de pauvreté) dont
les dépenses d’énergie sont supérieures à la médiane par mètre
carré. D’après cette définition, 8,7 % des ménages sont consi-
dérés en situation de précarité énergétique. Ce taux est évidem-
ment plus faible que celui obtenu grâce au taux d’effort car il
exclut les ménages précaires d’un point de vue énergétique mais
situés au-dessus du seuil de pauvreté monétaire.
Ces deux indicateurs, qui proposent une définition prin-
cipalement monétaire de la précarité énergétique se recoupent
seulement en partie : 5,67 % des ménages sont considérés être
dans une situation de précarité énergétique d’après les deux
indicateurs. C’est-à-dire qu’ils ont des dépenses d’énergie par
mètre carré supérieures à la médiane nationale, que ces dépenses
d’énergie représentent plus de 10 % de leur revenu, et qu’ils
sont également dans une situation de pauvreté monétaire.
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L’indicateur d’inconfort
Le troisième indicateur relève d’une approche subjective. Il
mesure la fréquence de la population exprimant une sensation
générale d’inconfort dans son logement. La figure n°2 montre
que l’indicateur global d’inconfort est également sensible au
niveau de revenu ou au positionnement face au seuil de pau-
vreté. Si près de 39 % de la population expriment une sensa-
tion d’inconfort, ce taux atteint 51 % parmi les 10 % les plus
pauvres de l’échantillon. Le sentiment d’inconfort est décrois-
sant avec le niveau de vie bien qu’il reste paradoxalement élevé
même parmi les plus riches. L’indicateur est subjectif et dépend
de l’exigence du ménage en termes de confort thermique et de
température intérieure souhaitée. Des ménages peuvent avoir
un ressenti d’inconfort quand la température est de 19°C tandis
que d’autres auront ce ressenti à 21°C.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


204   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

Figure 2 
Pourcentage des ménages concernés par des problèmes
d’inconfort

Source : Insee - 2006. Enquête logement - échantillon final.

L’indicateur d’auto-privation
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Le dernier indicateur relève de l’analyse de l’auto-privation qui
consiste à comparer la consommation d’énergie déclarée et la
consommation d’énergie théorique. Dès lors que la consom-
mation d’énergie déclarée est plus faible que la consommation
théorique, le ménage est supposé contraindre son utilisation
d’énergie pour maîtriser sa facture, en particulier lorsqu’il s’agit
de ménages vulnérables. Le ratio calculé rapporte les dépenses
énergétiques déclarées aux dépenses énergétiques théoriques,
résultant de la simulation opérée via le logiciel Promodul. Les
diagnostics de performance énergétique nous permettent en
effet d’estimer les consommations et les dépenses théoriques
d’un logement.
La figure n°3 permet de constater que si les distribu-
tions des dépenses théoriques et réelles sont assez similaires, les
niveaux diffèrent. Il apparaît, par exemple, que parmi la popu-
lation économiquement pauvre près de 68 % des ménages ont
des dépenses effectives inférieures aux dépenses théoriques.
Ce taux passe à 71 % au sein du premier décile de niveau

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   205

de vie (figure n°4). Les dépenses théoriques font l’hypothèse


qu’un logement est chauffé à 19°C, et l’Ademe estime que les
dépenses diminuent de 7 % pour chaque degré en moins. On
pourrait, dès lors, supposer que la sous-consommation s’opère
pour des raisons économiques. Dans les faits, l’interprétation
de la différence entre dépenses théoriques et dépenses réelles
est délicate en l’absence de données sur la température exté-
rieure. Il semble difficile de considérer que tout ménage qui
sous-consomme est en situation d’auto-privation. Les données
obtenues semblent en effet exacerber le phénomène. Hormis
l’auto-privation, la sous-consommation calculée pourrait pro-
venir, par exemple, d’un climat exceptionnellement doux rela-
tivement aux valeurs moyennes, d’un taux d’occupation du
logement anormalement faible, d’une mauvaise observation
de certaines caractéristiques du bâti… De la même manière,
une sur-consommation pourrait provenir d’une préférence du
ménage pour des températures élevées, de températures exté-
rieures anormalement élevées l’année d’observation, de défauts
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d’installation par les professionnels du bâtiment ou encore de
l’effet rebond. Cet effet se réfère à une modification du com-
portement des ménages en matière de consommation d’énergie
suite à l’utilisation d’une nouvelle technologie qui augmente
l’efficacité énergétique du système de chauffage. La modifi-
cation de comportement tend à modérer les effets bénéfiques
de l’introduction de cette nouvelle technologie. Les ménages
peuvent ainsi choisir de vivre à une température plus élevée
(Kazzhoom [1980] ; Sorrell [2007, 2009] et Alibe [2012] pour
une illustration dans le cas français).
Compte tenu des limites évoquées ci-dessus, dans la
suite de notre étude, les dépenses théoriques seront interprétées
comme une proxy de la qualité énergétique et du coût éner-
gétique du logement. L’auto-privation demeure un indicateur
intéressant mais dont la qualité de mesure devra être éprouvée
dans des recherches futures.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


206   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

Figure 3 
Dépenses d’énergie théoriques et réelles

Source : Insee - 2006. Enquête logement - échantillon final.


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Figure 4 
Pourcentage des ménages ayant des dépenses d’énergie
réelles < aux dépenses théoriques

Source : Insee - 2006. Enquête logement - échantillon final.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   207

Profil des ménages en situation de précarité énergétique

L’analyse statistique du profil des ménages en situation de


précarité énergétique diffère quelque peu selon l’indica-
teur retenu. Toutefois on note certaines similitudes (voir en
annexe le tableau AII). Quel que soit l’indicateur, la faiblesse
du revenu apparaît systématiquement comme un facteur de
risque de précarité énergétique. Les ménages en situation de
précarité énergétique sont des ménages dont le revenu total
est trois fois plus faible que celui des non précaires selon les
indicateurs monétaires (l’écart étant plus faible si l’on consi-
dère les autres indicateurs). Si l’on étudie le chevauchement
entre la précarité énergétique et la pauvreté monétaire, nous
observons que, d’après l’indicateur de taux d’effort, plus de
la moitié des pauvres monétaires ne subissent pas le phéno-
mène de précarité énergétique (tableau AIII en annexe). De
même, l’indicateur subjectif d’inconfort révèle que plus des
trois quarts des ménages se plaignant d’inconfort ne sont pas
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pauvres monétairement. Même si le revenu semble être un
déterminant important de la précarité énergétique, être pré-
caire énergétique ne signifie pas systématiquement être pauvre
monétaire. Il pourrait être intéressant à cet égard d’étudier la
manière dont les logements sociaux jouent, en France, un rôle
protecteur de la population économiquement modeste contre
le phénomène de précarité énergétique.
Quel que soit l’indicateur utilisé, les ménages énergéti-
quement vulnérables sont également plus souvent au chômage
et locataires que les non précaires. Ils ont des dépenses éner-
gétiques réelles et théoriques, par mètre carré et par u.c, net-
tement plus importantes que le reste de l’échantillon (tableau
AII en annexe). Le combustible utilisé pour l’énergie ne
semble pas être une variable déterminante dans le fait d’être
en situation de précarité énergétique. Les dépenses théoriques,
qui proviennent des informations sur les caractéristiques des
logements et sur les coûts de l’énergie, sont plus fortes pour
les ménages vivant en situation de précarité énergétique. Ce
résultat laisse entendre que le logement porte intrinsèquement

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


208   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

des caractéristiques de dégradation des conditions thermiques


conditionnant en grande partie le risque de pauvreté énergé-
tique des ménages l’occupant. Enfin, les ménages précaires sont
plus nombreux à vivre dans des logements antérieurs à 1948,
l’année de construction pouvant être une proxy de la qualité
thermique du logement.
Au-delà de ces premiers facteurs de risque constants
selon les mesures, l’indicateur de taux d’effort ajoute le fait
d’être isolé, retraité et occupant d’une maison individuelle alors
que l’indicateur subjectif considère à l’inverse comme plus fra-
gilisant le fait d’occuper plutôt un appartement. Enfin, l’indice
BRDE, qui se concentre seulement sur les pauvres monétaires,
voit dans le nombre important d’enfants un facteur de risque
additionnel, alors que ce n’est pas le cas pour les autres indica-
teurs. Ces résultats sont, dans leur ensemble, communs à ceux
obtenus par Legendre et Ricci [2015].
Les mesures de la prévalence du phénomène de pau-
vreté énergétique parmi la population étudiée sont nettement
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plus sensibles à l’indicateur retenu que ne le sont les facteurs
de risque (voir tableau AI en annexe pour une synthèse). Les
indicateurs monétaires ont tendance à proposer des fourchettes
basses d’évaluation de l’étendue de la précarité énergétique
alors que les indicateurs subjectifs et d’auto-privation ont ten-
dance à proposer des évaluations nettement plus hautes. Dans
l’ensemble de la population, l’ampleur de la précarité énergé-
tique varie de 8,7 % selon l’indicateur BRDE, à 52,7 % si on
considère l’auto-privation, en passant par 38,9 % si l’on prend
uniquement en compte la sensation d’inconfort. La population
pauvre monétairement est plus vulnérable puisque la prévalence
de la précarité énergétique y varie de 44,8 % (selon le taux
d’effort) à 67,9 % (si on considère l’auto-privation) en passant
par 48,0 % (sensation générale d’inconfort) et 49,5 % (d’après
l’indicateur BRDE).

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   209

L’étude du profil des ménages en


situation de précarité énergétique :
indicateurs monétaires vs. indicateurs
multidimensionnels
Le modèle estimé

Au vu des informations présentées par les quatre indicateurs


précédents, nous cherchons désormais à déterminer le profil
des ménages qui apparaissent en situation de précarité énergé-
tique au titre des mesures monétaires, toutes choses égales par
ailleurs. Nous voulons savoir si les indicateurs couramment uti-
lisés, comme le taux d’effort ou l’indicateur BRDE, permettent
de prendre en considération toutes les dimensions de la précarité
énergétique et d’établir le profil des ménages les plus vulnérables.
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Nous nous focaliserons notamment sur l’inter-relation entre les
indicateurs monétaires et les indicateurs de ressenti. Compte
tenu des limites exposées plus haut, l’indicateur d’auto-privation
n’est pas inséré en tant que tel dans l’analyse. Nous allons donc,
dans un premier temps, estimer la probabilité i) d’avoir un taux
d’effort supérieur à 10 % et ii) d’être considéré comme étant
pauvre énergétique d’après l’indicateur BRDE (par mètre carré).
Nous avons donc :
1 si le ménage vit en situation de précarité énergétique
Yi =
  0 sinon
avec i le ménage.
Nous estimons Pr(Yi  =  1|Xi) avec X les caractéristiques
du ménage et de son logement. Pour cela, nous utilisons un
modèle binaire de choix discret Logit (voir annexe B pour plus
de détails).
Les sections précédentes nous indiquent que plusieurs
facteurs explicatifs sont susceptibles d’avoir un effet sur la pro-
babilité d’être précaire énergétiquement. Comme nous l’avons

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


210   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

vu lors de l’analyse statistique, le revenu semble un facteur pri-


mordial pour expliquer la précarité énergétique. Toutefois, il
peut exister un problème d’endogénéité entre les variables de
revenu et la probabilité d’être pauvre énergétiquement (puisque
la variable de taux d’effort et la variable BRDE sont construites
à partir du revenu). Le niveau de vie sera donc appréhendé par
le niveau d’éducation (Becker [1964]) compte tenu de leur cor-
rélation positive (le coefficient de corrélation est de 0,3215).
Sont introduites également dans l’estimation des caractéris-
tiques socio-démographiques des ménages. Le nombre d’enfants
à charge peut avoir un impact sur le besoin en énergie (notam-
ment via le nombre total d’appareils électriques utilisés par le
ménage), ainsi que le fait d’être retraité, femme au foyer ou chô-
meur qui sont des variables supposées influencer le temps passé
dans le logement et donc la consommation d’énergie au mètre
carré. Nous prenons également en compte le fait d’être proprié-
taire ou locataire. Un propriétaire, ayant plus de latitude pour
réaliser des travaux en vue d’améliorer l’efficacité énergétique
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de son propre logement, est supposé avoir un bâti de meilleure
qualité énergétique.
En France, le prix du kWh d’énergie est fonction du
combustible utilisé et est donc stable entre les ménages. Les
différences de coût de l’énergie entre les ménages proviennent
des différences de besoins en énergie et du mode énergétique
en vigueur dans leur logement. Nous introduisons alors dans
l’estimation l’énergie principale utilisée pour le chauffage. Afin
de saisir les besoins en énergie, nous introduisons par ailleurs
les dépenses théoriques d’énergie, calculées à partir des simu-
lations réalisées sur Promodul. Celles-ci nous indiquent les
dépenses que le ménage devrait théoriquement avoir, compte
tenu des caractéristiques moyennes du logement et des usages.
Cette information sur le bâti est complétée par l’introduction
de variables décrivant les caractéristiques du logement  : type
(maison individuelle ou non, année de construction du bâti-
ment, surface totale) et de variables de ressenti sur l’inconfort
(problème de froid ressenti dans le logement, problèmes d’étan-
chéité, mauvaise isolation…). L’impact des réglementations

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   211

thermiques mises en place en France régulièrement depuis 1974


afin de garantir une certaine qualité thermique des logements est
indirectement saisi par les données sur la période de construc-
tion. Les bâtiments les plus anciens sont supposés plus éner-
givores. Cinquante-quatre pour cent des logements de la base
de données sont antérieurs à 1974  : la consommation d’éner-
gie réelle dans ces logements est d’environ 13,8 euros par mètre
carré contre 11,8  euros pour les logements construits après
1974. Pour finir, nous introduisons dans le modèle des variables
climatiques saisissant les différences de températures extérieures
et donc de besoin de chauffage. Les résultats sont présentés dans
le tableau suivant (voir tableau n°2).

Tableau 2
Probabilité d’être en situation de précarité énergétique
Taux d’effort > 10 % Pauvres BRDE
VARIABLES Effets Ecart- Effets Ecart-
marginaux types marginaux types
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Caractéristiques des ménages
Propriétaire -0.141*** (0.0229) -0.0806*** (0.0159)
Pas de diplôme réf réf
Bac ou diplôme inférieur au bac -0.0568*** (0.00576) -0.0167*** (0.00340)
Diplôme équivalent à bac+2 -0.0653*** (0.00547) -0.0226*** (0.00385)
Diplôme supérieur à bac+2 -0.0703*** (0.00527) -0.0278*** (0.00353)
Nombre d’enfants -0.0271*** (0.00200) 0.0112*** (0.000998)
Retraité ou femme au foyer 0.0646*** (0.00948) 0.00918* (0.00509)
Chômeur 0.188*** (0.0127) 0.0719*** (0.00729)
Zone géographique
Zone climatique méditéranéenne réf réf
Zone climatique océanique 0.0317*** (0.00405) 0.0121*** (0.00266)
Zone climatique semi-continentale 0.0513*** (0.00974) 0.0269*** (0.00673)
zone climatique montagnarde 0.0544*** (0.0112) 0.0259*** (0.00772)
Caractéristiques des bâtiments
Logement construit avant 1948 réf réf
Logement construit entre 1949 et 1974 0.00867 (0.0509) 0.0409 (0.0331)
Logement constuit entre 1975 et 1989 -0.0496*** (0.00802) -0.0226*** (0.00440)
Logement construit après 1990 -0.0409*** (0.00441) -0.0132*** (0.00295)

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


212   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

Taux d’effort > 10 % Pauvres BRDE


VARIABLES Effets Ecart- Effets Ecart-
marginaux types marginaux types
Maison individuelle 0.0897*** (0.0248) 0.00438 (0.0142)
Log de la surface 0.0817*** (0.0261) -0.0353*** (0.0131)
Problème d’étanchéité 0.00442 (0.00853) 0.00337 (0.00528)
Mauvais état des fenêtres 0.00740 (0.00679) 0.00108 (0.00394)
Problème de chaud ou de froid 0.0250*** (0.00607) 0.00452 (0.00346)
Problème d’insonorisation 0.0128*** (0.00479) 0.00995*** (0.00296)
Log des dépenses théoriques 0.00858 (0.0391) 0.00149 (0.0181)
Observations 25,872 25,872
Pseudo R² de McFadden 0,225 0,146

Note : ***Significatif à 1 %. ** Significatif à 5 %. * Significatif à 10 %.

Les résultats

Comme attendu, les niveaux de diplôme, proxy du niveau de vie,


ont un effet significatif et négatif  : si le niveau de diplôme aug-
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mente, relativement à un individu non diplômé, la probabilité
d’être pauvre énergétiquement diminue ceteris paribus. Ainsi, le fait
d’avoir un diplôme supérieur à bac plus deux, diminue de 7,03 %
la probabilité d’être pauvre énergétique par rapport au fait de ne
pas avoir de diplôme selon la mesure taux d’effort, et diminue de
2,78 % la probabilité d’être pauvre selon la définition BRDE.
L’introduction des dépenses théoriques dans l’estima-
tion permet a priori de saisir en partie la qualité du bâti. Cette
variable est non significative, une fois que nous introduisons les
variables multiplicatives afin de contrôler de la multi-colinéarité.
Le statut d’occupation du logement, le statut sur le mar-
ché du travail ou encore la localisation sont des variables qui
expliquent, quant à elles, la pauvreté énergétique dans le sens
attendu par la littérature appliquée (Legendre et Ricci [2015]).
Le fait de vivre dans une zone montagnarde par rapport à une
zone méditerranéenne augmente la probabilité d’être pauvre de
5,44 % selon la définition taux d’effort et de 2,59 % selon la défi-
nition BRDE. Les périodes de construction du logement sont

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   213

significatives alors que les variables de qualité du bâti (mauvais


état des fenêtres par exemple) ne le sont pas. Ces variables sont
colinéaires aux périodes de construction et aux dépenses théo-
riques. Une fois les régressions corrigées de la multi-colinéarité
en introduisant les variables multiplicatives, seules les périodes
de construction sont significatives  : les logements les plus mal
isolés sont les plus anciens. Ce résultat souligne la nécessité
d’axer les politiques publiques en faveur de la rénovation éner-
gétique des logements les plus anciens, susceptibles de plonger
plus fortement leurs occupants en situation de précarité que les
logements récents. Ce résultat conforte les politiques actuelle-
ment menées en France dans le cadre de l’Anah notamment. Les
travaux de Fabbri [2015] vont également dans ce sens.
La seule variable déclarative de ressenti significative
dans le cas de la première régression est le fait d’avoir un pro-
blème thermique dans le logement. Déclarer avoir un problème
de froid ou de chaud dans son logement peut avoir des causes
très variables  a priori : mauvaise isolation, forte sensibilité aux
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variations thermiques, auto-privation, panne des équipements.
Dans la base de données de l’Enquête logement, il est possible
de connaître la source du problème et l’une des modalités de
réponse possible est la limitation de son système de chauffage
(en limitant la température dans le logement ou en ne chauf-
fant que certaines pièces). Or, quand nous introduisons comme
explication à ce problème de froid ou de chaud la limitation du
chauffage, cette variable n’est pas significative. La notion de res-
triction dans ce cas est aussi très subjective et l’absence de signi-
ficativité peut venir d’un biais dans la déclaration. Finalement,
ces indicateurs, très subjectifs, ne peuvent pas mesurer avec pré-
cision la notion d’inconfort et la notion d’auto-privation distinc-
tement. Il convient donc de trouver des mesures plus objectives
et distinctes pour la notion d’inconfort (qui peut être liée aux
caractéristiques énergétiques du bâti) et la notion d’auto-priva-
tion. A ce jour, seul l’écart entre les dépenses théoriques et les
dépenses réelles semble être une mesure objective convenable,
mais les biais existant dans l’estimation des dépenses théoriques
rendent cette mesure difficilement utilisable.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


214   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

La notion de halo

D’une manière générale, les résultats montrent que les deux


indicateurs monétaires, taux d’effort et BRDE, ne prennent pas
en compte les autres dimensions de la précarité énergétique que
sont le ressenti d’inconfort (ou l’efficacité énergétique du bâti)
et l’auto-privation. Le BRDE, proposé par l’ONPE comme
mesure alternative au taux d’effort, ne semble pas mieux consi-
dérer tous les éléments de la précarité énergétique.
En croisant les différents indicateurs, nous proposons
une échelle de la précarité qui souligne le degré de vulnérabi-
lité des ménages. Nous tenons compte des trois dimensions  :
i) les ménages précaires monétairement (taux d’effort supérieur
à 10  %), ii) les ménages qui déclarent se restreindre et iii) les
ménages qui ont un ressenti d’inconfort ou qui vivent dans un
logement de mauvaise efficacité énergétique. Les ménages en
situation d’inconfort sont ceux qui déclarent avoir des fenêtres
en mauvais état, un problème d’étanchéité, d’humidité et d’in-
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sonorisation. Nous utilisons ces variables comme des proxys de
la qualité énergétique subjective du bâti. Nous ne prenons pas
en compte la variable de problème de chaud ou de froid dans
le logement, car nous aurions des difficultés à distinguer cette
mesure de celle de l’auto-privation. En effet, rappelons que le
fait de limiter son chauffage est l’une des sources du problème
de froid ou de chaud ressenti.
Si les ménages appartiennent aux trois indicateurs, nous
pouvons les considérer comme « des précaires extrêmes » (figure
n°6). Ces individus seront alors particulièrement vulnérables à
une hausse des prix de l’énergie ou à une baisse du revenu et les
pouvoirs publics doivent orienter leurs mesures en priorité sur
ces ménages. En revanche, si les ménages ne cumulent que deux
dimensions, nous les considérons comme des ménages «  pré-
caires modérés ». Ils pourront basculer dans la précarité extrême
s’ils cumulent une dimension supplémentaire. Ces ménages
doivent faire l’objet d’une vigilance particulière des pouvoirs
publics. Finalement, les ménages précaires avec un seul indica-
teur sont considérés comme « faiblement précaires ».

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   215

Cette analyse par palier conforte l’idée qu’il existerait un


halo autour de la précarité énergétique : une zone floue entre les
précaires énergétiques et les non-précaires énergétiques. Cette
zone floue peut s’accroître suite à une hausse des prix de l’éner-
gie, à une baisse du revenu ou encore aux aléas de la météo.
L’ampleur de cette zone floue va largement dépendre des critères
utilisés, subjectifs ou objectifs, pour mesurer la précarité énergé-
tique. Il faudra donc être particulièrement vigilant sur la qualité
des indicateurs utilisés. Aujourd’hui, en l’absence d’indicateurs
objectifs sur la restriction ou la qualité du bâti nous proposons
une échelle construite à l’aide de ces indicateurs subjectifs. Il
conviendra de l’améliorer à l’avenir en utilisant des mesures
objectives de l’auto-privation et du ressenti d’inconfort.

Figure 6
Le « halo » de la précarité énergétique
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A titre illustratif, en utilisant les données de l’enquête loge-


ment, nous enregistrons 0,43 % de précaires extrêmes, 9,73  %

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


216   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

de précaires modérés et 44,48 % de faiblement précaires. Le


pourcentage de ménages faiblement précaires est très élevé. Cela
nous donne une indication des ménages vulnérables, mais ces
résultats sont dépendants des indicateurs utilisés. La mesure du
ressenti d’inconfort mérite d’être améliorée car elle est soumise à
un biais déclaratif. La qualité du calcul des dépenses théoriques,
dont est fonction l’indicateur de privation, est également criti-
quable car dépendant d’hypothèses réalisées sur la température
intérieure du logement (supposé être chauffé à 19°C) et sur la
qualité de l’isolation du logement. Ce résultat souligne donc que
le choix de la mesure est déterminant pour savoir quel ménage
peut être défini comme précaire. En fonction du critère de pré-
carité retenu et du type d’indicateur considéré, le nombre mais
aussi le profil des ménages peuvent être très sensiblement diffé-
rents. Il faut donc être très vigilant sur la qualité des indicateurs
retenus pour orienter le mieux possible les décideurs publics.
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La question de la précarité énergétique a émergé de
manière relativement récente dans le débat politique. Elle est
usuellement définie comme l’absence d’accès normal et régulier
à une source d’énergie permettant de répondre à ses besoins.
De manière plus précise, la loi du 12 juillet 2010 (dite loi
Grenelle  2) indique qu’une personne en situation de précarité
énergétique « éprouve dans son logement des difficultés particu-
lières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satis-
faction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation
de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Nous avons
montré que les indicateurs les plus couramment utilisés ne per-
mettaient pas de prendre en considération toutes les dimensions
de la précarité énergétique. Pour faire face à cette limite, nous
proposons de prendre en compte ces différents aspects - moné-
taires et subjectifs - dans le cadre d’une échelle de précarité,

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   217

combinant l’exposition des ménages à chacune des dimensions


de la pauvreté énergétique. Cette approche permet de sou-
ligner l’existence d’un halo autour de la précarité énergétique
extrême. Nous avons identifié que les ménages les plus vulné-
rables sont pauvres monétairement (ils ont un faible revenu),
souvent locataires, sans emploi et vivent dans des logements
inefficaces énergétiquement. Ce résultat souligne que pour lut-
ter contre la précarité énergétique, il faut surtout lutter contre
les causes du phénomène : la précarité sur le marché du travail,
l’inefficacité énergétique des logements, les difficultés d’accès à
la propriété. Dans cette étude, nous nous sommes aussi intéres-
sées à la question de l’auto-privation. Nous constatons que les
ménages les plus pauvres, qui font souvent face aux dépenses
les plus élevées, ont tendance à restreindre leur consommation.
Malheureusement, ces indicateurs de ressenti d’inconfort et
d’auto-privation sont encore assez imparfaits dans leur mesure.
A l’avenir, afin d’orienter les pouvoirs publics et d’identifier
les ménages les plus vulnérables ou en situation de «  préca-
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rité extrême  », il serait nécessaire d’améliorer la saisie de cette
dimension comportementale. L’enquête Phébus, qui couple une
enquête de ménage avec un diagnostic de performance éner-
gétique, pourrait à l’avenir être utilisée pour approfondir ce
résultat. L’inefficience du logement lui-même d’un point de vue
thermique est sans nul doute prédominante dans le risque de
pauvreté énergétique de ses occupants.
Finalement, au-delà de l’inscription de la lutte contre la
précarité énergétique comme objectif affirmé dans les textes et
de la création d’un observatoire de la précarité énergétique, un
certain nombre de mesures ont été envisagées en France depuis
2010 pour limiter son étendue. Certaines des mesures, en cours
ou futures, sont d’ordre réglementaire, telles que la diffusion au
locataire ou à l’acquéreur des informations sur le diagnostic de
performance énergétique du bien au moment de la contractua-
lisation ou l’interdiction de la mise en location sur le marché
de logements indécents du point de vue thermique. D’autres
mesures sont d’ordre fiscal ou financier, telles que l’aide au paie-
ment des factures énergétiques et la mise en place d’un tarif

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


218   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

spécial de solidarité. En effet, afin d’atténuer l’impact des prix


de l’énergie sur les ménages modestes, ont été mis en place à
compter de 2005 des aides sous condition de ressources, le tarif
de première nécessité (TPN) pour l’électricité et, à compter de
2008, le tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz. Il existe
aussi des aides à l’investissement pour les propriétaires aux reve-
nus modestes et le développement du micro-crédit. Afin d’éviter
les effets d’aubaine, les subventions sont en grande partie réser-
vées aux ménages les plus modestes, qui n’auraient pas fait de
travaux en l’absence de ces aides. Il conviendra donc à l’avenir
d’évaluer l’efficacité de ces différentes mesures sur la précarité
énergétique extrême mais aussi sur l’ensemble des ménages qui
sont potentiellement concernés.

Les auteures remercient l’ANR pour son soutien dans le financement de leurs recherches.
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Dorothée Charlier est maître de conférences à l’université de Montpellier.
Adresse : université de Montpellier 1, UFR Science économique, site Richter, rue Raymond
Dugrand, CS 79606, 34960 Montpellier cedex  2. Email  : dorothee.charlier@univ-
montp1.fr
Anna Risch est chercheure post-doctorale à l’université Savoie Mont-Blanc.
Adresse : université Savoie Mont-Blanc - LOCIE, 60 rue du lac Leman, 72736 Le Bourget
du Lac. Email : anna.risch@univ-savoie.fr
Claire Salmon est maître de conférences à l’université Savoie Mont-Blanc.
Adresse : université Savoie Mont-Blanc – IREGE, 4 chemin de Bellevue, 74940 Annecy-
le-Vieux. Email : claire.salmon@univ-smb.fr

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   219

Annexes

Annexe A
Analyse descriptive de la précarité
énergétique sur données françaises

Tableau AI
Les différentes approches de la précarité énergétique
INDICATEUR Définition Valeur
MONETAIRE TAUX EFFORT
Taux d’effort de la population totale 6,8 %
Taux d’effort des pauvres monétaires 12,9 %
Taux d’effort des trois premiers déciles : Décile 1 16,2 %
Décile 2 9,7 %
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Décile 3 7,9 %
% de la population dont le taux d’effort >10 % 18,2 %
% de la population pauvre monétaire dont le taux d’effort
>10 % 44,8 %
% de la population des 3 premiers déciles dont le taux
d’effort >10 % : Décile 1 56,3 %
Décile 2 33,7 %
Décile 3 24,4 %
% de la population totale avec un taux d’effort >10 %
réduit aux trois premiers déciles (1)
9,9 %
MONETAIRE BRDE par mètre carré
Médiane des dépenses d’énergie par mètre carré en
euros/an sur la population totale 11,18 €
% de la population totale étant pauvre monétaire et
ayant des dépenses énergétiques supérieures à la
médiane par mètre carré 8,7 %
% de la population pauvre monétaire ayant des dépenses
énergétiques supérieures à la médiane par mètre carré 49,5 %
% de la population totale des trois premiers déciles
et ayant des dépenses énergétiques supérieures à la
médiane par mètre carré :
Décile 1 47,6 %
Décile 2 51,5 %
Décile 3 1,3 %

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


220   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

INDICATEUR Définition Valeur


MONETAIRE BRDE par u.c
Médiane des dépenses d’énergie par u.c. en euros/an
sur la population totale 550 €

% de la population totale étant pauvre monétaire et


ayant des dépenses énergétiques supérieures à la
médiane par u.c. 8,7 %
% de la population pauvre monétaire ayant des dépenses
énergétiques supérieures à la médiane par u.c. 49,1 %
% de la population des trois premiers déciles ayant des
dépenses énergétiques supérieures à la médiane par u.c.:
Décile 1 48,1 %
Décile 2 50,2 %
Décile 3 1,2 %
SUBJECTIF INDICATEUR D’INCONFORT
% de la population totale ayant une sensation d’inconfort. 38,9 %
% de la population des pauvres monétaires ayant une
sensation générale d’inconfort. 48,0 %
% de la population des 3 premiers déciles ayant une
sensation générale d’inconfort :
Décile 1 51,3 %
Décile 2 44,5 %
Décile 3 43,1 %
% de la population totale ayant une sensation générale
d’inconfort réduite aux trois premiers déciles. 12,1 %
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COMPORTE- INDICATEUR D’AUTO-PRIVATION
MENTAL
Ratio des dépenses énergétiques déclarées sur les
dépenses théoriques dans la population totale (+/- 7 %) (2) [1,23 ; 1,42]
Ratio des dépenses énergétiques déclarées sur les
dépenses théoriques chez les pauvres monétaires (+/- 7 %) [1,04 ; 1,20]
Ratio des dépenses énergétiques déclarées sur les
dépenses théoriques chez les trois premiers déciles
(+/- 7 %) : Décile 1 [0,90 ; 1,04]
Décile 2 [1,18 ; 1,35]
Décile 3 [1,20 ; 1,38]

% de la population totale dont les dépenses énergétiques


réelles sont < aux dépenses théoriques (ratio<1) (+/- 7 %) . [49,8% ; 55,6%]
% de la population pauvre monétaire dont les dépenses
énergétiques réelles sont < aux dépenses théoriques
(ratio<1) (+/- 7 %). [64,8% ; 70,9%]
% de la population des trois premiers déciles dont les
dépenses énergétiques réelles sont < aux dépenses
théoriques (ratio<1) (+/- 7%) : Décile 1 [68,1,% ; 74,4,%]
Décile 2 [61,8,% ; 67,6,%]
Décile 3 [57,2,% ; 63,1,%]
% de la population dont les dépenses énergétiques
réelles sont < aux dépenses théoriques (ratio < 1),
indicateur réduit aux trois premiers déciles (+/- 7 %) [16,2,% ; 17,8,%]

Lecture :
1) 9,9 % des ménages ont un taux d’effort supérieur à 10 % et appartiennent aux trois
premiers déciles de niveau de vie. L’observatoire de la précarité énergétique recommande

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   221

d’estimer la précarité énergétique en appliquant un seuil de revenu maximal. Cela revient à


calculer la fréquence dans la population totale du phénomène de précarité énergétique réduite
à une population donnée, qui ici est définie par les trois premiers déciles de niveau de vie.
2) Nous prenons une fourchette à plus ou moins 7 % pour les dépenses théoriques car
l’Ademe estime qu’augmenter la température intérieure d’un logement d’un degré entraîne
une hausse des dépenses de 7 % et inversement. Les dépenses théoriques sont calculées sur
la base d’une température intérieure de 19°C, la fourchette permet de considérer une tem-
pérature intérieure comprise entre 18°C et 20°C.

Tableau AII
Profil des ménages en situation de précarité énergétique

Pauvre énergétique Pauvre énergétique


selon le taux d’effort selon l’indicateur BRDE
non oui diff non oui diff
Revenu
Revenu par unité de
19960 (1) 9736 *** 19559 6561 ***
consommation
Pauvreté monétaire 11,9 % 43,3 % *** 9,7 % 100 % ***
Caractéristiques des ménages
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Dépenses réelles (par m2) 11,7 18.1 *** 12.3 18,6 ***
Dépenses théoriques (par m2) 14,0 20.2 *** 14.6 20,0 ***
Maison 48,5 % 75,3 % *** 52,7 % 60,7 % ***
Période de construction avant 1948 20,3 % 27,3 % *** 20,8 % 29,8 % ***
Période de construction de 1949
33,9 % 26,6 % *** 33,1 % 27,1 % ***
à 1974
Période de construction de 1975
22,1 % 23,1 % ns 22,4 % 21,1 % ns
à 1989
Période de construction
23,7 %(2) 23,0 % ns 23,7 % 22,0 % *
après1990
Caractéristiques des ménages
Propriétaires 56,7 % 33,4 % *** 55,3 % 22,8 % ***
Nombre d’enfants dans le
0,88 0,59 *** 0,80 1,13 ***
ménage
Chef de famille au chômage 5,6 % 18,5 % *** 6,6 % 22,9 % ***
Chef de famille à la retraite ou
26,2 % 36,3 % *** 28,4 % 24,8 % ***
au foyer
Energie utilisée (combustible
principal)
Electricité 35,3 % 35,2 % ns 35,3 % 34,8 % ns
Gaz 45,4 % 45,9 % ns 45,4 % 46,2 % ns
Fioul 15,5 % 15,2 % ns 15,5 % 15,3 % ns

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


222   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

Pauvre énergétique Pauvre énergétique


selon l’indicateur selon l’indicateur
subjectif de privation
non oui diff non oui diff
Revenu
Revenu par unité de consommation 19189 16763 *** 20786 15918 ***
Pauvreté monétaire 15,0 % 21,7 % *** 12,0 % 22,7 % ***
Caractéristiques des ménages
Dépenses réelles (par mètre
12,5 13,5 *** 17,2 9,0 ***
carré)
Dépenses théoriques (par mètre
14,6 15,8 *** 9,9 19,8 ***
carré)
Maison 57,8 % 46,5 % *** 58,7 % 48,6 % ***
Période de construction avant 1948 19,0 % 25,5 % *** 27,1 % 16,7 % ***
Période de construction de 1949
30,4 % 35,9 % *** 29,1 % 35,7 % ***
à 1974
Période de construction de 1975
23,2 % 20,8 % *** 21,4 % 23,1 % ***
à 1989
Période de construction
27,3 % 17,7 % *** 22,5 % 24,5 % ***
après1990
Caractéristiques des ménages
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Propriétaires 59,3 % 41,7 % *** 64,7 % 41,5 % ***
Nombre d’enfants dans le ménage 0,81 0,85 *** 0,88 0,78 ***
Chef de famille au chômage 6,2 % 10,8 % *** 5,6 % 10,1 % ***
Chef de famille à la retraite ou
29,8 % 25,3 % *** 27,4 % 28,7 % **
au foyer
Energie utilisée (combustible
principal)
Electricité 35,0 % 35,7 % ns 35,3 % 35,2 % ns
Gaz 45,7 % ns 44,8 % 46,1 % **
Fuel 15,6 % 15,2 % ns 15,4 % 15,5 % ns
Source : Enquête logement - échantillon final.
Note : *** statistiquement significatif au seuil de 1%, ** statistiquement significatif au seuil
de 5%, statistiquement significatif au seuil de 10 %.
Lecture :
1) Les ménages considérés comme précaires énergétiques avec l’indicateur de taux d’ef-
fort ont un revenu annuel moyen de 9 736 euros par unité de consommation, contre
19 960 euros pour les ménages non-précaires. Cette différence est statistiquement signifi-
cative au seuil de 1 %.
2) 23,0 % des logements habités par des ménages en situation de précarité énergétique
(avec l’indicateur de taux d’effort) ont été construits après les années 1990, contre 23,7 %
des logements habités par les ménages non précaires. Cette différence est statistiquement
non significative.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   223

Tableau AIII
Pauvreté monétaire et précarité énergétique
Non-précarité Précarité
Taux d’effort énergétique Total
énergétique énergétique
Non-pauvreté monétaire 72,0 % 10,4 % 82,4 %
Pauvreté monétaire 9,7 % 7,9 %* 17,6 %
Total 81,7 % 18,3 % 100 %
Non précarité Précarité
Indicateur BRDE* Total
énergétique énergétique
Non-pauvreté monétaire 82,4 % - 82,4 %
Pauvreté monétaire 8,9 % 8,7 % 17,6 %
Total 91,3 % 8,7 % 100 %
Non-précarité Précarité
Indicateur de privation Total
énergétique énergétique
Non-pauvreté monétaire 41,6 % 40,8 % 82,4 %
Pauvreté monétaire 5,7 % 11,9 % 17,6 %
Total 47,3 % 52,7 % 100 %
Non précarité Précarité
Indicateur d’inconfort Total
énergétique énergétique
Non-pauvreté monétaire 51,9 % 30,5 % 82,4 %
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Pauvreté monétaire 9,1 % 8,5 % 17,6 %
Total 61,0 % 39,0 % 100 %

Source : Enquête logement - échantillon final.


Lecture : * 7,9 % des ménages sont non seulement pauvres monétaires mais ont également
un taux d’effort énergétique supérieur à 10 %. Cela signifie que 10,4 % des ménages ayant
un taux d’effort supérieur à 10% ne sont pas pauvres monétaires.

Annexe B
Analyse économétrique de la précarité
énergétique
Sachant que la variable à expliquer est une variable discrète
binaire et que l’on veut estimer des probabilités de choix, nous
ne pouvons recourir à la technique des moindres carrés ordi-
naires. Nous allons adopter un modèle Probit ou un modèle

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


224   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

Logit. Afin de choisir le modèle approprié, nous comparons le


critère d’information d’Akaike (AIC) et le critère d’informa-
tion de Schwartz (BIC) entre les régressions probit et logit. La
régression est de meilleure qualité quand le critère d’informa-
tion est faible et la valeur du log de vraisemblance la plus éle-
vée. Si dans la première estimation nous préférons la régression
logistique, dans le deuxième cas ces indicateurs montreraient
une légère préférence pour la régression Probit. Cependant, un
modèle probit est sans biais si les résidus de la régression suivent
une loi normale. Nous procédons à un test de normalité des
résidus. Nous avons pour les deux régressions des résidus en
double pic. Ainsi, les résidus ne suivent pas une loi normale et
une régression logistique va être préférée dans les deux cas (voir
figures BI et BII).

Figure BI
Analyse graphique des résidus de la régression 1
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Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   225

Figure BII
Analyse graphique des résidus de la régression 2
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Plusieurs tests ont été réalisés pour s’assurer de la qualité
de la régression logistique. Premièrement, afin de contrôler que
l’estimation était sans biais, nous avons testé la multi-colinéarité
entre les variables explicatives, à l’aide d’un test de Wald. Les
résultats nous ont amenées à introduire plusieurs variables mul-
tiplicatives dans la régression (12 au total) afin de corriger ce
problème. Dans un souci de lisibilité, les résultats sont toutefois
présentés sans ces dernières (tableau n°2).
Deuxièmement, une série de différents tests a été effec-
tuée pour éprouver la qualité de la régression. Le pseudo-R2
de Mc Fadden donne, comme le R2 classique, une première
indication de la qualité de la régression. Ici, le pseudo-R2 est
de 0,225 (régression taux effort > 0,1) et de 0,146 (régression
BRDE). D’autres mesures existent comme le R2 de Cragg et
Uhler (respectivement 0,318 et 0,191 pour les régressions
1 et 2) ou le R2 d’ Efron (respectivement 0,23 et 0,103 pour les

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


226   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

régressions 1 et 2). Il est difficile a priori de déterminer si cette


valeur est suffisamment élevée pour conclure que la régression
est de bonne qualité. La réalisation d’un test du ratio de vrai-
semblance permet de comparer le modèle présent (H1) et un
modèle qui ne comporterait que la constante (H0). Ici, on ne
prend aucun risque à préférer le modèle complet dans les deux
régressions. Donc, le modèle estimé est globalement explicatif.
Pour affiner le diagnostic, nous pouvons également réaliser un
tableau de contingence qui met en parallèle les observations et
les prédictions (tableaux nos BIII et BIV). Ce tableau de contin-
gence nous indique les cas concordants et les cas discordants
entre les observations et les prédictions. Le modèle Logit per-
mettant d’avoir plus de 84 % de prédictions correctes (large-
ment supérieur au taux de prédiction « naïf » de 50 %) dans la
régression 1 et 91,23 % dans la régression 2. Nos modèles sont
donc a priori de très bonne qualité.

Tableau BIII
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Tableau de contingence de la régression 1
Valeur prédite Valeur prédite
Total
taux effort > 0,1 taux effort < 0,1
Valeur observée taux effort > 0,1 1 344 744 2 088
Valeur observée taux effort < 0,1 3 374 20 410 23 784
Total 4 718 21 154 25 872
Taux de prédiction correct : 84,08 %.

Tableau BIV
Tableau de contingence de la régression 2
Valeur prédite
Valeur prédite
non-pauvre Total
pauvre BRDE
BRDE
Valeur observée pauvre BRDE 75 85 160
Valeur observée non-pauvre BRDE 2 184 23 528 25 712
Total 2 259 23 613 25 872
Taux de prédiction correct : 91,23 %.

Le test de Hosmer-Lemeshow consiste, quant à lui, à


évaluer la concordance entre les valeurs prédites et observées

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon   227

des observations regroupées en quantiles, typiquement des


déciles. Ce test dépend du nombre de groupes fixés a priori, et
même s’il est peu puissant, il donne une idée de la qualité de
l’ajustement. Dans notre étude, nous fixons tout d’abord cinq
groupes, puis dix groupes d’individus. Les résultats du test nous
indiquent que le modèle est globalement bien spécifié pour les
deux régressions.
Le score de Brier est également une mesure de discor-
dance entre le résultat observé et le résultat prédit. Plus le score
est proche de 0, meilleure est la qualité de la régression. Pour la
régression 1, nous avons un score de 0,1148 et pour la régres-
sion 2, un score de 0,0715.
Enfin, pour déterminer si les deux modèles ne souffrent
pas d’un problème de spécification (comme le fait de préférer
un modèle Logit généralisé) et d’un problème lié aux variables
omises, un test du multiplicateur de Lagrange est effectué. Dans
les deux cas, les régressions logistiques sont préférées et nos
modèles sont globalement de bonne qualité.
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Finalement, suite aux résultats obtenus à l’aide des diffé-
rents tests, nous concluons que les estimations sont globalement
de bonne qualité et qu’il n’existe pas de problème de spécification.

Revue française d’économie, n°4/vol XXX


228   Dorothée Charlier, Anna Risch et Claire Salmon

Notes

1. Articles R. 131-19, R. 131-20, R. 131- 2006). Celle-ci fait l’hypothèse d’une tempé-
21, R. 131-22 et R.131-23 du code de la rature de 19°C dans le logement.
Construction.
3. La méthode de calcul 3CL appliquée
2. Le logiciel Promodul utilise la méthode pour la réalisation des diagnostics de
3CL pour estimer la consommation d’énergie performance énergétique est définie par
théorique (décrite par le décret de septembre l’arrêté du 15 septembre 2006.
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