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L'économie de la connaissance.
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All content following this page was uploaded by Agnès Festré on 14 February 2022.
Chapeau de présentation : Quelles sont les caractéristiques des économies fondées sur la
connaissance ? Quels en sont les enjeux théoriques et empiriques ? L’économie de la
connaissance apporte un éclairage spécifique sur les questions relatives à la création,
l’utilisation et la diffusion des connaissances dans nos sociétés.
*
Maître de Conférences, Université de Nice – Sophia Antipolis / GREDEG / CNRS, UMR 6227.
E-mail : festre@gredeg.cnrs.fr. Page web : http://hp.gredeg.cnrs.fr/festre/index.htm.
**
Chargée de Recherche CNRS, Université de Nice – Sophia Antipolis / GREDEG / CNRS, UMR 6227.
E-mail : lazaric@gredeg.cnrs.fr. Page web : http://hp.gredeg.cnrs.fr/lazaric/acc.php.
1
Cf. rapport de l’OCDE (1996)
1.1. Economie de l’information vs. économie de la connaissance
Deux formes « d’invention collective » sont généralement distinguées dans la littérature : les
formes spontanées et les formes collusives.
Les premières prennent naissance dans un cadre professionnel (réseau d’échange de
connaissance entre ingénieurs et firmes rivales ou entre producteurs et utilisateurs) ou dans un
cadre territorial (district industriel, parc scientifique). Leur activité concerne plutôt des
innovations de type incrémental fondées sur la diffusion et la réutilisation de connaissances
déjà existantes mais localisées et repose sur la libre participation (non encadrée) spontanée
des membres de la communauté.
Le secteur de la sidérurgie est un exemple célèbre « d’invention collective » de ce type qui a
eu lieu avant la grande période de concentration industrielle du 20ième siècle (Lazaric,
Mangolte, Massue 2002). En effet, au 19ième siècle et tout au début de la production de
l’acier, les firmes anglaises ont travaillé de concert pour faire avancer l’état de l’art. On a
assisté à une véritable « invention collective » car les firmes échangeaient librement des
informations et des connaissances pour que le bénéfice de la collectivité (échanges de
pratiques de tour de mains, discussion sur les phénomènes nouveaux liés à la fonte et sur la
construction des hauts fourneaux…). Il n’y avait pas « d’appropriabilité » de ces
connaissances vers un producteur en particulier mais la mise en place d’un principe d’entraide
et de réciprocité. Cette période fut propice à de nombreuses inventions techniques liées aux
échanges spontanés entre ingénieurs et inventeurs.
Les formes collusives au contraire créent le cadre institutionnel permettant le partage des
connaissances ou renforcent un cadre existant pour faire émerger des contextes de
socialisation des connaissances et d’apprentissage collectif, de manière concertée, ainsi que
pour contrôler des externalités engendrées par les activités d’innovation. L’objectif visé
consiste davantage en la production de nouvelles connaissances qui requiert des mécanismes
de coordination explicites ainsi que la formalisation d’accords, tant sur la division du travail
que sur l’attribution des résultats. C’est le cas des « districts italiens » conçus comme des
espaces localisés d’échanges intenses entre producteurs à des fins d’innovation et
d’amélioration des connaissances et plus récemment des logiciels libres avec l’exemple
illustre de « Linux ». Dans ce dernier exemple, la connaissance est produite au sein d’une
myriade de concepteurs (« la communauté Linux ») qui régulent les améliorations des
logiciels, l’accès à la communauté, et les modalités de diffusion (accès libre, sous forme de
licence …). La connaissance est à la fois dispersée selon les circuits relationnels et s’enrichit
selon les contacts plus ou moins formels entre ces participants. Les formes d'organisation et
de coordination de ces projets reposent alors sur la modularité, une certaine division du travail
et un contrôle sélectif et hiérarchisé des différentes contributions. Ils s'inscrivent dans un
schéma où le libre partage et usage du code permet la production et l'évolution incrémentale
des programmes.
Dans le cas Linux, on assiste à une forme organisée d’ « invention collective », ce qui n’était
pas le cas dans la sidérurgie. Ces deux exemples, distants dans le temps, soulignent donc que
le lieu où est produite la connaissance reste crucial, ainsi que ses modalités d’organisation et
ses supports de diffusion. Ils mettent en évidence également le caractère vulnérable de la
connaissance lorsque celle-ci est dispersée. La recherche de stratégies de protection de ces
connaissances sous des formes institutionnelles, technologiques ou organisationnelles s’en
trouve justifiée. Dans cette perspective, la codification peut être conçue comme une forme
alternative de régulation et de gestion des connaissances.
1.4. La codification de la connaissance
Ce travail de codification sur plus de huit années a suscité des investissements considérables
du groupe Usinor ; investissements motivés essentiellement par le vieillissement de la
population d’experts, dont la connaissance tacite, pouvait s’éteindre si elle ne trouvait pas de
nouveaux supports de mémorisation. Ce programme a aussi montré les limites de la démarche
de codification. En effet, la connaissance codifiée est inerte et peu utile si on ignore comment
le processus de codification a vu le jour. Les connaissances tacites, loin d’être écartées, ont
donc suivi en permanence les connaissances codifiées pour donner du sens à ces dernières et
comprendre leurs limites. Par ce biais SACHEM, a été mis à jour et redéployé dans de
nouveaux contextes organisationnels notamment dans le nouveau groupe ACERLOR.
Par ailleurs, un brevet à portée internationale a été déposé pour protéger la méthodologie
SACHEM. On comprend bien ici que l’ère de « l’invention collective » qui prévalait
auparavant, est belle est bien finie car avec SACHEM, la connaissance est devenue du capital,
au sens d’un actif qui peut rapporter à son propriétaire. Le programme de codification est
donc à la fois un processus d’extraction et de reformulation des connaissances mais aussi une
valorisation sous forme marchande. En effet, le coût engendré implique un retour sur
investissement pour éviter que la connaissance sorte des frontières de son lieu initial de
production. La codification n’est donc pas forcément synonyme de divulgation des
connaissances mais peut impliquer aussi une meilleure protection de ces dernières en
circonscrivant les lieux de diffusion et d’émission.
Néanmoins, ce problème de bien public doit être atténué en raison de la dimension tacite de la
connaissance. En effet, les externalités sont d’autant plus fortes et le dilemme de la
connaissance d’autant plus saillant que l’on se situe dans un cas limite où la connaissance peut
être facilement exprimée sous une forme propice à sa diffusion (logiciels informatiques,
image numérique…). Or l’ensemble de la connaissance ne se réduit pas à la connaissance
codifiée. Elle est aussi composée de connaissances tacites (savoir-faire, savoirs pratiques …)
qui sont plus aisément contrôlables. Il y a donc une forme d’excluabilité naturelle conférée à
la connaissance par sa dimension tacite. Celle-ci est source de capital humain et de croissance
et génère des rentes transitoires pour les agents qui détiennent ces savoir-faire.
D’autre part, l’existence de coûts liés à la transmission et à l’acquisition de la connaissance
permet également de relativiser le problème de bien public Le fait que la valeur d’usage de la
connaissance soit nulle n’implique pas l’absence de coûts (coûts de mise en forme, coûts
d’acquisition, coûts d’accès). Si la diffusion des nouvelles technologies de l’information et de
la communication peut permettre la diminution des coûts de transmission de la connaissance,
ce sont l’éducation et la formation qui peuvent limiter les coûts qu’implique son acquisition.
La première étape de cette réflexion consiste à envisager les deux formes traditionnelles
alternatives d’allocation des ressources que sont le marché privé et l’organisation publique. Le
premier système de coordination et d’incitation qui corrige à la source le problème de bien
public revient à créer un marché pour restaurer l’initiative privée. Il s’agit fondamentalement
de restreindre l’accès à la connaissance, en accordant des droits exclusifs temporaires sur la
nouvelle connaissance, ce qui permet à l’inventeur de fixer un prix pour l’usage de celle-ci.
Le brevet et le droit d’auteur sont les principaux droits de propriété intellectuelle qui
permettent d’assurer une certaine exclusivité sur la connaissance. Le plus souvent, on
combine la création et l’usage de droits de propriété intellectuelle avec des dispositifs de
subventions publiques destinés à couvrir les coûts de l’innovation. L’ensemble de ces
dispositifs caractérise notamment l’activité de R&D privée menée au sein des laboratoires de
recherche des firmes.
Le second système consiste à substituer une initiative publique à l’initiative privée. La
collectivité se voit ainsi conférer le soin de couvrir les coûts des ressources nécessaires à la
production de connaissance. Mais ceci implique que les firmes privées renoncent à leurs
droits exclusifs. Ce dispositif dit de savoir ouvert caractérise les activités de recherche
publiques menées dans les institutions publiques (CNRS, Université) où la plupart des
connaissances ne peuvent être rendues exclusives et où les salaires et équipements sont payés
sur fonds publics.
Ces deux grandes formes d’organisation de la production et de distribution des connaissances
déterminent des logiques de comportement différentes car les objectifs ne sont pas les mêmes.
Alors que dans le secteur privé, c’est la maximisation des rentes de l’innovation qui est visée,
dans le secteur public, l’objectif est d’accroître le stock de connaissance au niveau des espaces
de solidarité, que ces derniers soient régionaux, nationaux, européens, etc.
Conclusion
Références
Lazaric, N., Mangolte, P-A. et Massue M-L. (2002), ‘Capitalisation des connaissances et
transformation de la routine organisationnelle : le cas SACHEM’, Revue d’Economie
Industrielle 101(4) : 65-86.
Simon, H.A (1999), ‘The many shapes of knowledge’, Revue d’Economie Industrielle 89(2):
23-41.
Rapport OCDE (1996), L’économie fondée sur le savoir, Paris (consultable sur
www.oecd.org/dataoecd/51/48/1913029.pdf).
PROCESSUS SACHEM
Adaptation de la méthode KADS (Knowledge Acquisition and Documentation System)