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LA VRAIE VIE

. A.
DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE

©H
« Je me déshabille, docteur ? »
Par Hélène André, médecin généraliste, Issy-Les-Moulineaux, lavraieviedemg@gmail.com

L’
un des piliers de la formation en Le déshabillage, justement, est un autre Cependant, le risque de glissement vers
médecine en France est la «  cli- frein : le patient vient rarement avec l’idée un examen de plus en plus pauvre est réel ;
nique » (qui recouvre interrogatoire de se mettre d’office en sous-vêtements la tentation de le remplacer par des pres-
et examen). Concentrons-nous ce quand il consulte son médecin généraliste. criptions d’examens complémentaires me
mois-ci sur l’examen physique au On peut aussi manquer d’un espace suffi- paraît encore plus dangereuse.
cabinet. samment dissimulé : un accompagnant
est parfois présent, or il n’est pas forcément Or tout geste pratiqué de façon irrégu-
La part prépondérante des stages hos- judicieux de systématiquement l’exclure, lière perd en efficience (je plaide coupable,
pitaliers permet (en tout cas, en théorie) même si le secret médical l’impose en théo- notamment pour le toucher rectal chez
un apprentissage qualitatif de l’examen rie (futur sujet pour cette rubrique ?). Il y a l’homme de plus de 50 ans, très souvent
physique – en espérant d’ailleurs que la donc un compromis à trouver entre un exa- remplacé par un courrier à destination de
technicisation exponentielle de la méde- men de qualité (pas de « stétho » posé sur l’urologue...).
cine hospitalière et l’augmentation du des couches de vêtements…) et le respect
nombre d’étudiants ne l’entravent pas de la pudeur du patient. Un effort permanent est donc nécessaire
dans le futur… pour continuer à réaliser des examens
Heureusement, l’expérience et la physiques pertinents. Il serait d’ailleurs
Nous avons tous croisé, dans notre connaissance de sa patientèle (bien très bienvenu que les programmes de forma-
cursus, des médecins qui nous ont ex- précieux, mal connu du monde hospi- tion continue proposent davantage d’en-
pliqué – et souvent démontré, preuve talier) permettent un examen ciblé et traînement à l’examen clinique, car il n’est
à l’appui – l’intérêt d’un bon examen justement dosé pour éviter au maxi- jamais délétère d’y revenir...
« au lit du malade » – comme on dit à mum les erreurs diagnostiques. Certains
l’hôpital –, avant toute investigation gestes sont indispensables : palpation
complémentaire. pour toute douleur abdominale (même
dans une population très touchée par les
Tout ce que vous avez
Cependant, au cabinet, l’examen phy- syndromes de l’intestin irritable), aus-
sique exhaustif est quasi utopique (alors cultation cardiopulmonaire pour toute toujours voulu savoir sur
qu’avec l’expérience, on peut mener un in- symptomatologie infectieuse, examen la pratique de la médecine
terrogatoire très complet, me semble-t-il). complet en pédiatrie, etc. Une impasse générale sans jamais oser
est cependant possible (certains lecteurs le demander... à la fac !
Le premier frein est la durée des consul- vont peut-être avaler de travers) : la me-
tations : même en s’organisant le mieux sure de la pression artérielle ! En dehors Le mois prochain :
possible, les conditions actuelles d’exer- du certificat de sport, de la grossesse et
« La connexion est mauvaise,
cice ne permettent pas de réaliser des de symptômes d’appel, ce geste – toujours
consultations de plus de vingt minutes très prisé des patients – a un intérêt cli- docteur ! »
en moyenne. Ce temps doit, de mon nique très limité. Que le premier qui n’a
point de vue, laisser une part importante pas annoncé au patient des chiffres revus
à l’écoute du patient puis à un interroga- à la baisse par rapport à la réalité se mani-
toire semi-dirigé. S’ajoutent les banalités feste ! Que celui qui adapte systématique-
d’usage de début et de fin de consultation, ment la taille du brassard à la corpulence
la rédaction des ordonnances et le paie- du patient lève la main ! L’auto­mesure
ment… Il ne reste donc environ que cinq tensionnelle prend une place prépon-
à sept minutes pour le déshabillage et dérante dans le diagnostic et le suivi de
l’examen physique. l’hypertension – à juste titre.

482 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1071 - NOVEMBRE 2022

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