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Gaz parfait, gaz réel 10/2018

Gaz parfait, gaz réel


Ces notes de cours, directement inspirées de la leçon "gaz réel, gaz parfait" de l’agrégation externe de physique-
chimie option physique, visent à éclairer la lectrice ou le lecteur sur la manière dont on décrit les gaz en physique.
Elles ne se prétendent ni exhaustives ni exemptes d’erreurs. J’espère que mon approche permettra d’aider cu-
rieuses et curieux en quête de compréhension, et je renvoie toute personne désireuse d’aller plus loin à la
bibliographie détaillée en fin de document.

Niveau et prérequis : Pour aborder ce document, destiné à un public niveau L2, il est nécessaire d’avoir
des bases de thermodynamique (notions de fonction d’état, d’énergie interne, premier et second principes).
Des connaissances sur les fonctions de plusieurs variables sont également utiles. Avoir eu un cours sur les
fonctions thermodynamiques est recommandé mais pas indispensable. Si certaines notions peuvent avoir été
abordées lors d’un cours antérieur, l’approche dont j’ai voulu rendre compte ici vise à utiliser des notions
thermodynamiques de base afin de les remettre en perspective à travers l’exemple de la modélisation des gaz.
J’ai souhaité rendre le plan suffisamment logique pour que la thermodynamique perde cet aspect flou plein
de formules et de définitions qu’on lui prête parfois pour former en fait un ensemble cohérent visant à rendre
compte des observations expérimentales.

Sommaire
Introduction 2

I. Approche macroscopique : le modèle du gaz parfait 2


1. Notion d’équation d’état et présentation du système . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
2. Le gaz parfait : première approche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
3. Quelques propriétés des gaz parfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
a. Masse volumique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
b. Coefficients thermoélastiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
c. Capacités thermiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

II. Approche microscopique 6


1. Vers une expression de l’énergie interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
a. Énergie interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
b. Pression cinétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2. Retour au gaz parfait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
3. Gaz : parfait ou non ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
a. Prendre en compte les interactions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
b. Tests expérimentaux caractéristiques des gaz parfaits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

III. Vers un gaz réel 12


1. Gaz de Van der Waals . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2. Développement du Viriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Conclusion 14

Bibliographie 15

Charlie Leprince 1
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

Introduction
On a tous une idée plus ou moins intuitive de ce qu’est un gaz. L’air qu’on respire est un gaz, et l’eau qu’on
boit est un liquide. On sait aussi qu’en chauffant de l’eau liquide, on forme de la vapeur d’eau (c’est-à-dire la
forme gazeuse de l’eau). Ces deux états (liquide et gaz) constituent ce qu’on appelle communément les fluides.
En réalité, la frontière entre gaz et liquide n’est pas si clairement définie, on peut même passer continûment de
l’un à l’autre dans certaines conditions (on parle alors d’état de fluide supercritique).

On va différencier ici l’état liquide de l’état gazeux comme cela se fait usuellement. Les gaz et les liquides ont
des propriétés incontestablement différentes. Un gaz a tendance à occuper tout l’espace qui lui est offert, tandis
qu’un liquide a un volume propre. Le volume molaire d’un gaz (c’est-à-dire le volume occupé par une mole de
gaz) diffère de plusieurs ordres de grandeur de celui d’un liquide. Cela est dû aux interactions moléculaires dans
le fluide : l’attraction entre molécules est beaucoup plus forte dans un liquide que dans un gaz. Un liquide est
plus dense, les molécules sont plus proches les unes des autres, et a fortiori un liquide est très peu compressible,
en comparaison avec un gaz. Intéressons-nous à ces derniers.

La thermodynamique est le domaine de la physique qui consiste à décrire un système composé d’un grand
nombre de molécules par des variables macroscopiques, telles que la pression, le volume, la température, qui
constituent ses variables d’état. On va voir dans ce document comment modéliser le comportement d’un gaz en
fonction des conditions expérimentales. Comment les variables d’état sont-elles liées ? Comment s’ajustent-elles
suite à une contrainte extérieure pour que le système retrouve un état d’équilibre thermodynamique ? Peut-on
comprendre son comportement à l’aide d’un modèle théorique ? Peut-on affiner ce modèle pour reproduire fi-
dèlement les mesures expérimentales ? Autant de questions auxquelles on va s’efforcer de répondre, en utilisant
les outils de la thermodynamique. On va voir que ces questions, d’apparence assez simples, mènent à des rai-
sonnements intéressants qui témoignent du lien fort entre observations expérimentales et prédictions théoriques
en physique.

I. Approche macroscopique : le modèle du gaz parfait


1. Notion d’équation d’état et présentation du système
Expérimentalement, étudier un système consiste à trouver les relations existant entre les diverses variables le
caractérisant. Par exemple, lorsqu’on étudie un ressort, on observe expérimentalement que sa longueur l dépend
de la force F appliquée suivant la loi F = k(l − l0 ) appelée loi de Hooke. Cette loi est une équation reliant les
différentes grandeurs qui servent à caractériser le système, en l’occurrence F et l, ses variables d’état. On dit
que la loi de Hooke est l’équation d’état du ressort. Les variables d’état ne sont pas indépendantes : il suffit de
fixer la force F appliquée sur le ressort pour fixer sa longueur l.

Dans ce cas simple, fixer une seule variable indépendante permet de connaître l’état du système, mais ce
n’est pas toujours le cas puisque souvent celui-ci dépend de nombreux autres paramètres. De manière générale,
on appelle équation d’état toute relation entre des variables et grandeurs définies pour un système à l’équilibre,
de la forme f (x1 , x2 , ...) = 0. Cette relation fondamentale pour caractériser l’état d’un système n’est connue sous
forme explicite que dans des cas simples. Néanmoins, il est parfois possible d’y avoir accès grâce aux prédictions
d’un modèle théorique, à une loi phénoménologique, ou à des observations expérimentales.

Définissons le système auquel on va s’intéresser dans toute la suite. On considère un gaz à l’équilibre (donc
homogène et isotrope), définissant un système fermé, caractérisé par les variables d’état P (sa pression), V (son
volume), T (sa température), n (sa quantité de matière). Ces grandeurs sont liées : par exemple si V , T et n sont
fixées, alors la pression P du gaz est fixée également et dépend de ces trois variables. Il existe donc une équation
d’état reliant chacun de ces paramètres du type f (P, V, T, n). On va chercher dans la suite à déterminer cette
équation qui donne énormément d’informations sur le système.

Pour en revenir une dernière fois à notre ressort, notons toutefois que si on le met en contact avec une flamme,
ou si on applique une force vraiment trop importante, alors la loi de Hooke n’est plus vérifiée. Cette équation
d’état est donc définie dans certaines conditions expérimentales et dans une certaine gamme de variation des
variables d’état, et constitue en fait un modèle valable dans la plupart des cas usuels. De même pour les gaz,
si la quête de l’équation d’état absolue est vaine, on peut toutefois espérer pouvoir en trouver une formulation
correcte sous certaines conditions pas trop restrictives.

Charlie Leprince 2
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2. Le gaz parfait : première approche


Des lois empiriques sur les gaz ont été établies dès le XVIIème siècle à partir d’observations expérimentales.
Robert Boyle (en 1662) et Edme Mariotte (en 1676) ont ainsi constaté que le produit P V d’un gaz était constant
à une température donnée (c’est la loi de Boyle - Mariotte). La loi de Gay-Lussac (1802) stipule qu’à pression
constante, le volume d’un gaz est proportionnel à la température (exprimée en Kelvin), et la loi de Charles
(1802) qu’à volume constant, sa pression est proportionnelle à la température. Amedeo Avogadro suggère en
1811 que pour des mêmes conditions de pression et température, des volumes égaux de gaz différents contiennent
le même nombre de molécules (et ce quelle que soit la nature du gaz, ce qui est assez remarquable). C’est la loi
d’Avogadro).

Boyle - Mariotte P V = cte à T constante


Gay-Lussac V ∝ T à P constante
Charles P ∝ T à V constante
Avogadro V /n = cte à T et P constantes

Table 1 – Lois historiques sur les gaz

Ces lois, bien vérifiées expérimentalement (notamment à basse pression, un peu moins à haute pression)
amènent Émile Clapeyron à formuler en 1834 une équation d’état générale décrivant dans une bonne approxi-
mation le comportement des gaz, c’est ce qu’on appelle la loi des gaz parfaits :

P V = nRT .

Définissons donc dans un premier temps un gaz parfait comme un gaz dont l’équation d’état s’écrit sous la
forme P V = nRT , où R est la constante des gaz parfaits : R = 8.314513 J.K−1 . On peut aussi l’écrire :
P V = N kB T

où N est le nombre de molécules et kB la constante de Boltzmann (avec R = kB NA et n = N/NA où NA la


constante d’Avogadro).

Insistons sur le fait qu’il s’agit d’une loi empirique bien vérifiée mais dont les résultats expérimentaux
s’écartent parfois, notamment à haute pression. L’équation d’état des gaz parfaits, remarquablement simple,
décrit le comportement d’un gaz idéal (on verra un peu plus tard les raisons de cette appellation de gaz "parfait").
Retenons pour l’instant qu’on a obtenu expérimentalement une expression liant les variables d’état du système,
et que tout gaz qui se comporte selon cette loi est appelé un gaz parfait. Comme pour la loi de Hooke, l’équation
obtenue décrit un comportement modèle, pas toujours valable, mais suffisamment souvent pour qu’on puisse
l’utiliser dans bon nombre de cas usuels. On précisera les limites de cette loi dans la suite. Remarquons enfin
que la relation ne dépend pas de la nature du gaz considéré (c’est-à-dire de sa composition chimique), ce qui ne
va pas de soi.

3. Quelques propriétés des gaz parfaits


a. Masse volumique
L’équation d’état du gaz parfait permet de calculer la masse volumique ρ du système. En notant m sa masse
totale et M la masse molaire du gaz considéré, on a :
m nM PM
ρ= = = .
V V RT
Dans les conditions standard de température et de pression, on trouve pour l’air (avec M = 28.96 g.mol−1 ) une
masse volumique ρ0 = 1.29 kg.m−3 , valeur bien vérifiée expérimentalement.

On peut en déduire une équation différentielle caractérisant l’évolution de la pression avec l’altitude, à
température constante : c’est ce qu’on appelle le modèle de l’atmosphère isotherme, qui ne sera pas développé
ici 1 .
1. Il suffit d’écrire l’équation de l’équilibre hydrostatique et d’exprimer la masse volumique du gaz en fonction de la pression, à
partir de l’équation des gaz parfaits. On obtient alors une équation différentielle qui permet d’établir le profil de pression du gaz
en fonction de l’altitude.

Charlie Leprince 3
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b. Coefficients thermoélastiques
Les coefficients de réponse d’un système caractérisent la façon dont il réagit à une modification des conditions
extérieures qui lui sont imposées (c’est-à-dire comment varient ses variables d’état). L’équation des gaz parfaits
permet de calculer immédiatement des coefficients de réponse caractéristiques des gaz appelés coefficients ther-
moélastiques.

On a en effet, par définition, le coefficient de dilatation à pression constante (qui décrit l’augmentation
relative du volume du système suite à une augmentation de température à pression constante) :
 
1 ∂V
α= ,
V ∂T P
le coefficient d’augmentation de pression à volume constant (qui décrit comment l’augmentation relative de la
pression du système suite à une augmentation de température à volume constant) :
 
1 ∂P
β= ,
P ∂T V
et le coefficient de compressibilité isotherme (qui décrit la diminution relative du volume du système suite à une
augmentation de pression à température constante) :
 
1 ∂V
χT = − .
V ∂P T
La définition de ces coefficients ne faisant intervenir que les grandeurs apparaissant dans l’équation d’état, on
peut les calculer directement. Les connaître apporte une information importante sur le système. Tels qu’ils sont
définis, ils ne font pas intervenir la quantité de matière considérée, si bien qu’on peut les tabuler pour différents
matériaux, à des températures et des pression données.
1 1
Pour un gaz parfait, caractérisé par P V = nRT , on obtient ainsi α = β = , et χT = . Comme l’équation
T P
d’état, ils ne dépendent pas de la nature du gaz considéré. On peut donc prédire l’effet d’une variation de
température ou de pression sur le volume et la pression d’un système de gaz parfait quelconque rien qu’à partir
de l’équation d’état.

c. Capacités thermiques
Demandons-nous maintenant comment varie la température du système lorsqu’on modifie la température
extérieure, ou plus précisément lorsqu’il y a un transfert thermique avec l’extérieur 2 . Pour connaître les ef-
fets d’un apport de chaleur 3 par exemple, on définit également des coefficients de réponse appelés capacités
thermiques : la capacité thermique à volume constant
 
∂U
CV (T, V ) = ,
∂T V
et la capacité thermique à pression constante
 
∂H
CP (T, P ) = .
∂T P

où U et H sont respectivement l’énergie interne et l’enthalpie du système.

Notons qu’on peut également définir les capacités thermiques sous la forme
   
∂S ∂S
CV (T, V ) = T et CP (T, P ) = T
∂T V ∂T P
où S est l’entropie du système (les deux formulations étant équivalentes). D’autre part, comme le transfert
thermique infinitésimal s’écrit δQ = T dS d’après le second principe de la thermodynamique, alors on peut
montrer que pour une transformation réversible isochore allant d’un état i à un état f , le transfert thermique
s’écrit en fonction de la capacité CV :
2. Comme cela se fait usuellement, on peut étendre la définition des variables d’état (valable uniquement à l’équilibre ther-
modynamique) à un état d’équilibre thermodynamique local, qui permet de décrire l’évolution globale d’un système soumis à une
transformation quasi-statique. Voir référence [1]
3. Le terme de "chaleur" - ambigu car pouvant être confondu avec la température - a tendance à être de plus en plus proscrit au
profit de "transfert thermique". Un transfert thermique décrit un échange d’énergie, qui peut être dû à une différence de température
entre deux récipients séparés par une paroi non calorifugée.

Charlie Leprince 4
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

Z f
Qi→f = CV (T, V )dT .
i

De même, pour une transformation réversible isobare allant d’un état i à un état f :
Z f
Qi→f = CP (T, P )dT .
i

Ce petit développement mathématique permet de se rendre compte que les capacités thermiques mesurent
la réponse du système à un transfert thermique : elles représentent l’énergie thermique à fournir au système
pour modifier sa température d’un degré Kelvin (respectivement à volume et pression constants 4 ). Les capaci-
tés thermiques - si toutefois on les divise par la masse du système - sont elles aussi tabulées (elles se mesures
expérimentalement, c’est ce qu’on appelle la calorimétrie) et dépendent de la composition chimique du système.

Peut-on calculer ces capacités à partir de l’équation d’état ? Contrairement aux coefficients thermoélastiques,
leurs définitions font intervenir des grandeurs qui n’apparaissent pas dans l’équation d’état : l’énergie interne,
l’enthalpie, ou l’entropie. L’équation d’état ne donne donc pas accès directement aux capacités thermiques, il
faudrait connaître précisément l’expression de ces grandeurs énergétiques !

Il existe toutefois des relations thermodynamiques qui permettent de connaître les dérivées de CV et CP .
On a en effet :
   2     2 
∂CV ∂ P ∂CP ∂ V
=T et = −T .
∂V T ∂T 2 V ∂P T ∂T 2 P
À partir de ces relations 5 et de l’équation d’état, on en déduit que pour un gaz parfait :
   
∂CV ∂CP
= 0 et = 0.
∂V T ∂P T
Cela signifie que les capacités thermiques d’un gaz parfait ne dépendent que de la température, et pas de la
pression ou du volume du système, ce qui n’est pas évident a priori. Encore une fois, on voit que le comportement
d’un gaz parfait ne dépend pas de beaucoup de paramètres et est donc relativement simple. Rien n’indique en
revanche que les capacités thermiques sont les mêmes d’un gaz à l’autre.

Enfin, on peut obtenir un autre résultat sur les capacités thermiques des gaz parfaits à partir de la relation
de Mayer 6 :
α2 T V
CP − CV = ,
χT
où α et χT sont les coefficients thermoélastiques définis précédemment. Comme ces coefficients sont connus pour
un gaz parfait, on peut directement en déduire :
CP − CV = nR.
On peut faire des mesures expérimentales afin de déterminer les valeurs des capacités thermiques, dont
l’expression n’est pas connue exactement, du moins pas à partir de l’équation d’état. On observe que pour
les gaz monoatomiques, les capacités thermiques massiques sont identiques quelle que soit la nature du gaz et
constantes quelle que soit la température. Pour les gaz polyatomiques, les capacités thermiques dépendent de
la température.

L’équation d’état ne contient donc pas toute l’information thermodynamique 7 . Elle ne suffit pas à déterminer
toutes les caractéristiques d’un gaz. Pour obtenir une expression des capacités thermiques, et plus largement
4. En effet la variation de température du système pour une transformation quelconque est moins facile à déterminer, et il n’est
pas garanti qu’un apport de chaleur engendre une augmentation de la température du système, mais on peut toutefois exprimer la
variation de température en fonction des capacités thermiques.
5. Ces relations s’obtiennent en exprimant les capacités thermiques en fonction de l’énergie libre F et de l’enthalpie libre G.À
∂F
partir des identités thermiques dF = −P dV − SdT et dG = V dP − SdT on obtient les expressions de l’entropie S = −
    ∂T V
∂G ∂2F ∂2G
 
et S = − , d’où on en déduit CV = −T et CP = −T . En dérivant respectivement par rapport au
∂T P ∂T 2 ∂T 2
V P
∂F ∂G
   
volume et à la pression (à T constante), et en utilisant le fait que = −P et = V , on obtient les formules données.
∂V T ∂P T
6. La relation de Mayer s’obtient par des raisonnements similaires utilisant des relations aux dérivées partielles, voir la référence
[1].
7. On pourrait montrer qu’à partir de l’équation d’état seule, toute fonction thermodynamique du système (U , H, F ou G) ne
peut être déterminée qu’à une variable dépendant de la température près, cf [1].

Charlie Leprince 5
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pour déterminer l’énergie interne du système 8 en fonction des variables d’état, on va aborder le problème avec
une approche complémentaire en raisonnant dans la suite à une échelle microscopique.

II. Approche microscopique


1. Vers une expression de l’énergie interne
a. Énergie interne
On raisonnait précédemment sur des grandeurs macroscopiques comme la température, la pression, c’est-à-
dire des grandeurs moyennes qui décrivent le comportement global du système à l’équilibre. On a vu que cette
approche, bien qu’elle permette d’aboutir à des résultats importants sur le système, ne suffit pas à connaître
toutes ses propriétés si l’on s’en tient à l’équation d’état. Remarquons que jusque-là nous n’avons à aucun
moment décrit le système à un niveau moléculaire.

Nous avons défini le gaz considéré (nous parlons ici du gaz quelconque choisi comme système, qui n’est pas
nécessairement parfait) comme un ensemble de N molécules en équilibre. Il ne s’agit pas d’un équilibre sta-
tique (les molécules ne sont pas immobiles), mais d’un équilibre dynamique, on parle d’équilibre statistique. Les
molécules sont constamment en mouvement, c’est ce qu’on appelle l’agitation thermique. Elles s’entrechoquent
et rebondissent sur les parois du récipient. On peut considérer, en négligeant le poids, que les trajectoires des
particules sont des portions de droite à vitesse constante (puisque les molécules ne sont soumises à aucune
force). Pour décrire le mouvement des particules, il est inutile d’espérer appliquer les équations de la mécanique
car le trop grand nombre de molécules (de l’ordre du nombre d’Avogadro 1023 ) rend la résolution impossible.
C’est pourquoi il est nécessaire d’adopter un point de vue statistique.

Intéressons-nous à l’énergie interne U du système. Pour rappel, on peut définir cette énergie comme la somme
des énergies de toutes les particules du système mesurées dans le référentiel du centre de masse. On ne consi-
dèrera pas ici les énergies de liaisons entre atomes et autres particules, ni de l’énergie de masse des particules.
Ces énergies ne varient pas au cours des transformations thermodynamiques considérées dans le cadre de ce
document (on aborde un point de vue non relativiste, et on ne décrira pas les transitions de phase ni les réactions
chimiques, pour lesquelles les énergies de liaison entre particules varient). L’énergie interne est donc composée
de l’énergie due au mouvement des particules, ainsi que d’une énergie d’interaction à distance entre ces parti-
cules. Il est d’usage de décomposer n’importe quel mouvement des molécules comme la somme de mouvements
élémentaires dont l’énergie se met sous une forme simple. On décompose alors l’énergie interne d’une particule
comme la somme d’une énergie cinétique de translation, d’une énergie cinétique de rotation (pour les particules
non ponctuelles qui peuvent tourner autour de leur centre de masse), d’une énergie de vibration 9 (pour les
molécules polyatomiques), et d’une énergie potentielle d’interaction à distance avec les autres particules. En
sommant sur toutes les particules du système, on peut alors écrire U = Ut + Ur + Uv + Uint .

Exprimons cette énergie interne dans le cas (le plus simple) d’un gaz monoatomique. On néglige l’énergie de
rotation des atomes sur eux-mêmes, si bien que l’on a uniquement U = Ut + Uint .

L’expression du second terme est difficile à déterminer. Il s’agit d’une énergie potentielle d’interaction qui
dépend de la position de chacune des N particules ainsi que de la nature de l’interaction. Par convention, on
choisit comme référence d’énergie potentielle une valeur nulle quand la distance entre les particules est infinie.
On verra dans la suite des méthodes permettant d’exprimer cette énergie d’interaction simplement.

Le premier terme en revanche est plus facile à calculer analytiquement. Il s’agit de l’énergie cinétique de
translation du système, c’est-à-dire la somme des énergies cinétiques de translation de chacune des particules le
constituant. On a donc :
N N
X 1 1 X 2
Ut = m~vk2 = m ~vk .
2 2
k=1 k=1

Les molécules étant toutes identiques de masse m, on peut alors écrire, en regroupant dans le même terme
de la somme les Nk particules ayant la vitesse vk :
8. En réalité il suffit de connaître l’expression d’une fonction thermodynamique du système pour en déduire chacune des autres
et ainsi avoir toute l’information pour le décrire.
9. Les liaisons chimiques entre atomes d’une molécule polyatomique peuvent être représentées par des petits ressorts qui pro-
voquent la vibration des atomes. En modélisant ainsi ces liaisons par des oscillateurs harmoniques, on obtient une énergie de
vibration comprenant un terme d’énergie cinétique et un terme d’énergie potentielle.

Charlie Leprince 6
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

1 X
Ut = m Nk vk2 .
2 v
k

On définit alors la vitesse quadratique moyenne u telle que :


X
N u2 = Nk vk2
vk

(attention on note parfois u l’énergie interne massique du système, ce n’est pas le cas ici). Il s’agit de la racine
carrée de la moyenne du carré de la vitesse. La vitesse moyenne du gaz étant nulle à l’équilibre, c’est la vitesse
quadratique moyenne qui caractérise la propension des molécules à se déplacer plus ou moins vite au cours de
cet équilibre dynamique de molécules.

On a donc finalement :
1
Ut = mN u2 .
2
On a donc obtenu une expression de l’énergie cinétique de translation du gaz monoatomique considéré, en
fonction de la vitesse quadratique moyenne du gaz.

D’après le premier principe de la thermodynamique, l’énergie interne d’un système thermodynamique est
une fonction d’état extensive 10 . On va donc chercher à exprimer U à partir de variables d’état. En mettant de
côté l’expression de Uint sur laquelle on reviendra plus tard, il nous reste donc à faire le lien entre la vitesse
quadratique moyenne et les variables d’état du système. Pour cela, on va déterminer l’expression de la pression
P en fonction de la vitesse des molécules.

b. Pression cinétique
Qu’est-ce que la pression ? C’est le résultat de chocs de particules sur toute surface matérielle en contact
avec le gaz. Ces chocs sont si nombreux que la force macroscopique qui en résulte semble constante en moyenne.
On peut montrer que les forces exercées par les particules sur la paroi sont normales en tout point à la paroi 11 .
Pour faire le lien avec la vitesse des molécules, on va exprimer la composante normale de la force exercée en
moyenne sur la paroi par l’ensemble des particules.

v +∆
t

M ~v
dS

~ey

~ex

Figure 1 – Molécules incidentes

La force de pression résulte du transfert de quantité de mouvement lors des impacts entre les molécules et la
surface. On va supposer dans un premier temps que les molécules incidentes ont toutes le même vecteur vitesse
~v + (hypothèse sur laquelle on reviendra plus tard en moyennant le résultat sur toutes les vitesses possibles).
Calculons le nombre de molécules qui vont taper sur un élément de surface dS pendant un intervalle de temps
∆t (choisi suffisamment long pour que beaucoup de chocs se produisent). Les molécules qui vont atteindre dS
pendant ∆t sont comprises dans le cylindre oblique de base dS et de longueur v + ∆t (voir Figure 1). Le volume
de ce cylindre est dSvx+ ∆t. En notant n+ le nombre de molécules par unité de volume ayant la vitesse v+ , alors
le nombre de molécules arrivant sur dS pendant ∆t est :
dN+ = n+ dSvx+ ∆t.
10. Il n’est pas du tout évident que l’énergie interne s’exprime en fonction des variables d’état du système, et c’est d’ailleurs pour
cela que le premier principe est un principe qui ne se démontre pas à partir d’un raisonnement mécanique.
11. Et ce en appliquant le principe fondamental de la dynamique à des particules ayant une répartition uniforme : il y a en
moyenne autant de particules qui vont dans un sens que dans l’autre si bien que la composante tangentielle moyenne de la force
totale est nulle.

Charlie Leprince 7
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

Calculons la variation de quantité de mouvement des molécules lors de cette phase d’approche. Avant le choc,
la composante normale de la vitesse des particules est vx+ , et immédiatement au moment du choc la composante
normale de la vitesse est nulle, si bien que la quantité de mouvement varie de :
2
∆1 px = n+ dSvx+ ∆t(0 − mvx+ ) = −mn+ dS (vx+ ) ∆t.
La vitesse de la molécule qui s’éloigne n’est a priori pas la même que celle de la molécule qui s’approche de la
paroi. De même on va considérer que le nombre de molécules qui s’éloignent peut différer du nombre de molécules
en approche pendant l’intervalle de temps ∆t considéré (en moyenne il y a évidemment autant de particules
incidentes que de particules renvoyées). En supposant que les molécules qui s’éloignent ont toutes le même vecteur
vitesse ~v− (hypothèse aberrante mais dont on s’affranchira en sommant sur toutes les vitesses possibles), on
peut définir un deuxième cylindre contenant n− dS|vx− |∆t molécules. Juste après le choc, la composante normale
de la vitesse des particules passe de 0 à mvx− , d’où une variation de quantité de mouvement pour toutes ces
molécules :
2
∆2 px = n− dS|vx− |∆t(mvx− − 0) = −mn− dS (vx− ) ∆t.
Finalement, la variation de quantité de mouvement totale durant ∆t s’écrit
 
2 2
∆px = −mdS∆t (n+ (vx+ ) + n− (vx− ) .

Nous allons désormais sommer cette expression sur toutes les vitesses possibles 12 , en utilisant le fait que
X 2
nk (vx,k ) = ntot vx2
k
N
est le nombre total de molécules par unité de volume 13 et vx2 est la valeur moyenne du
P
où ntot = nk = V
carré de la composante normale du vecteur vitesse. On obtient donc l’expression de la valeur moyenne de la
variation de quantité de mouvement totale des molécules rencontrant dS pendant ∆t :
∆px = −mntot dS∆t vx2 .
Le gaz est homogène et isotrope, si bien que la norme des composantes de la vitesse est, en moyenne, la
même dans toutes les directions :
1 1 1 1
vx2 = vy2 = vz2 = (vx2 + vy2 + vz2 ) = (vx2 + vy2 + vz2 ) = v 2 = u2 ,
3 3 3 3
où u est la vitesse quadratique moyenne définie précédemment. On a donc
1
∆px = − mntot dS∆t u2 .
3
D’après le principe fondamental de la dynamique appliqué aux molécules qui heurtent la paroi pendant ∆t,
la variation de quantité de mouvement par unité de temps est égale à la somme des forces exercées sur les
particules. Il y a bien sûr la réaction de la paroi, mais également la résultante des forces exercées par les autres
particules sur les particules qui heurtent la paroi. Comme l’opposé des forces de pression est par définition égale
à la réaction du support, on a :
1
−P dS + dFm = − mntot dS u2 .
3
On peut ainsi décomposer la pression en deux termes :
P = Pc + Pmol
1 dFm
avec Pc = mntot u2 et Pm = .
3 dS
On appelle Pc la pression cinétique puisqu’elle est due à la vitesse des particules, et Pmol la pression mo-
léculaire (ou pression interne), due aux interactions entre les particules. Notons que la pression moléculaire
est négative : en effet les forces intermoléculaires sont attractives et, contrairement à la pression cinétique (qui
correspond à l’idée intuitive que l’on se fait de la pression) qui "repousse" la paroi du récipient, la pression
moléculaire induit une force orientée vers le barycentre du système. En pratique, comme on le verra plus tard,
cette pression moléculaire est beaucoup plus faible que la pression cinétique.

Résumons à ce stade. Nous avons déterminé dans la partie précédente une expression de l’énergie interne
du système qui dépend de la vitesse quadratique moyenne du gaz et d’un terme dû aux interactions entre
molécules. Puis nous avons calculé la pression en fonction de la même vitesse quadratique moyenne et d’une
pression due aux interactions. Dans la suite, on va combiner les deux résultats dans le cas simple où l’on néglige
les interactions entre molécules.
12. On considère ici que la vitesse des particule ne peut prendre que des valeurs discrètes, ce qui n’est pas le cas en réalité, mais
la démonstration est presque identique en considérant des valeurs continues de la vitesse, et le résultat est le même.
13. Attention, ntot est une densité de molécules, à ne pas confondre avec la quantité de matière n.

Charlie Leprince 8
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

2. Retour au gaz parfait


Reprenons les résultats précédents en négligeant les interactions entre molécules. La pression moléculaire est
1
donc nulle, si bien que la pression s’exprime uniquement sous la forme de pression cinétique : P = mntot u2 .
3
N
Comme ntot = , réécrivons le résultat sous la forme :
V
1
PV = N mu2 .
3
Cette expression résulte des seules lois de la mécanique. Pour faire intervenir des grandeurs thermodyna-
miques, on doit définir une grandeur supplémentaire : la température cinétique T . Posons donc T telle que
1
mu2 = kB T , on obtient alors :
3
P V = N kB T = nRT .
C’est l’équation d’état du gaz parfait ! Deux remarques importantes s’ensuivent : d’une part la température
cinétique correspond bien à la température que l’on connaît et que l’on a déterminée expérimentalement (c’est
justement pour retrouver cette température qu’on a défini la température cinétique de la sorte 14 ), d’autre part
on peut donner une deuxième définition du gaz parfait : il s’agit d’un ensemble de particules ponctuelles qui
n’ont pas d’interaction mutuelle à distance. C’est en cela que le gaz est parfait.

Armés de ce lien entre température et vitesse quadratique moyenne, on peut alors exprimer de façon simple
l’énergie interne du système (monoatomique, rappelons-le). On a en effet :
1 3 3
U = Ut = mN u2 = N kB T = nRT .
2 2 2
Ce résultat constitue la première loi de Joule : l’énergie interne d’un gaz parfait ne dépend que de sa tem-
pérature 15 . S’il y avait des interactions à distance entre molécules, alors l’énergie interne dépendrait également
du volume du gaz (puisque la force des interactions dépend de la distance entre molécules).

On a ainsi obtenu une expression de l’énergie interne d’un gaz parfait monoatomique, si bien qu’on peut
3
calculer les capacités thermiques du système. On a donc, pour un gaz parfait monoatomique, CV = nR et
2
5
CP = nR : les capacités thermiques sont indépendantes de la température et constantes.
2
L’expression de l’énergie interne d’un gaz parfait polyatomique s’obtient en prenant en compte les degrés
de liberté de rotation et de vibration de chaque molécule. On peut montrer 16 qu’elle se met sous la forme
j
U (t) = nRT où j est un entier naturel qui reste fixe dans une certaine gamme de température. Par exemple,
2
les capacités thermiques des gaz diatomiques sont constantes par paliers.

Le calcul des capacités thermiques des gaz polyatomiques est un sujet à lui seul, qui utilise des arguments in-
téressants de physique statistique, mais n’est pas l’objet de ce cours (l’expression de l’énergie interne est d’autant
plus dure à calculer que la structure moléculaire se complexifie). Retenons simplement que ces considérations
microscopiques, complémentaires de l’approche macroscopique via l’équation d’état, nous on permis d’obtenir
toute l’information suffisante pour déterminer les propriétés d’un gaz parfait : son énergie interne, ses capacités
thermiques. Rappelons que le gaz parfait n’est qu’un gaz modèle, qui décrit convenablement la plupart des gaz
dans les conditions usuelles de température et de pression, mais n’est pas toujours valable. Nous allons voir
dans la suite dans quelles conditions on peut considérer qu’un gaz est parfait, et donner des pistes pour décrire
le comportement d’un gaz réel.

3. Gaz : parfait ou non ?


a. Prendre en compte les interactions
Expérimentalement, les observations (et notamment les lois historiques évoquées plus haut) correspondent
plutôt bien au modèle du gaz parfait, toutefois dans certaines conditions. En fait on a déjà donné des éléments
14. On parle de température cinétique car il existe d’autres manières de la définir, notamment à partir de l’entropie - on parle
alors de température thermodynamique, les deux grandeurs étant égales.
15. On ne l’a montré que dans le cas du gaz parfait monoatomique mais cela se prouve également pour un gaz parfait polyatomique
à partir de la définition thermodynamique de la température.
16. Grâce au théorème d’équipartition de l’énergie.

Charlie Leprince 9
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

de réponse plus haut lorsqu’on a évoqué les interactions dans les gaz : la force des interactions dépend de la
distance entre molécules, elle est d’autant plus grande que la distance entre molécules est faible. Un gaz est
considéré comme parfait lorsque les interactions sont négligeables 17 , c’est-à-dire lorsque la distance entre mo-
lécules en grande. On parle alors de gaz dilué : tout gaz peut être modélisé par un gaz parfait s’il est contenu
dans un volume suffisamment grand (à température fixée), c’est-à-dire si le rapport n/V entre la quantité de
matière et le volume est suffisamment petit. À n/V fixé, un gaz est parfait lorsque sa température est assez élevée.

Détaillons un peu la teneur de ces interactions. L’énergie potentielle d’interaction dépend de la position de
chacune des molécules du gaz. Si l’on se limite à étudier l’interaction entre deux molécules en fonction de la
distance r entre ces deux molécules, alors le profil de l’énergie potentielle d’interaction Eint est modélisable,
en première approche, par un potentiel de Lennard-Jones (Figure 2). Ce profil s’explique par le fait que deux
molécules (même si elles sont neutres électriquement et ne possèdent pas nécessairement de moment dipolaire)
ont tendance à s’attirer (c’est ce qu’on appelle les interactions de Van der Waals, et plus particulièrement
la force de London 18 ). Mais lorsque la distance est inférieure à une certaine valeur r0 , alors une force répul-
sive très importante s’exerce entre les deux molécules, due à la proximité de leurs nuages électroniques respectifs.

Eint

0 r0 r

E0

Figure 2 – Énergie potentielle d’interaction entre deux molécules

Évaluons les ordres de grandeurs respectifs de l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle d’interaction
du gaz considéré. D’une part, l’énergie cinétique d’un gaz, comme on l’a vu précédemment, est de l’ordre de
Ecin ∼ nRT . D’autre part, en notant E0 la profondeur du minimum de l’énergie potentielle d’interaction (de
l’ordre de quelques centièmes d’électron-volts) et en considérant que la portée de l’interaction est de l’ordre de
r0 (quelques dixièmes de nanomètres), on peut calculer le nombre de molécules qui se trouvent à une distance
de l’ordre de r0 (c’est le nombre de molécules qui va interagir avec une molécule donnée) :
n4 3
πr NA .
Nint =
V 3 0
On en déduit l’énergie d’interaction d’une molécule avec ses voisines int = E0 Nint puis l’énergie potentielle
d’interaction totale des nNA molécules du gaz, en laissant de côté les facteurs numériques :
n2 2
Eint ∼ nNA int ∼ N E0 r03 .
V A
n
Un gaz est considéré comme parfait si Ecin  Eint soit RT  NA2 E0 r03 . En ordre de grandeur on peut
V
nRT
remplacer V par , et la condition s’écrit alors 19 :
P
T2 N 2 E0 r 3
 A 2 0.
P R
17. Plus précisément lorsque l’énergie potentielle d’interaction est négligeable devant la somme des énergies cinétiques.
18. Sur une échelle de temps très courte, la densité électronique des molécules peut être inégalement répartie (la répartition des
charges étant intrinsèquement probabiliste) et ainsi créer un dipôle électrique susceptible d’interagir avec ceux des autres molécules.
En moyenne cela se traduit par une interaction résiduelle attractive entre les molécules.
19. Il serait plus élégant de comparer un rapport de grandeurs à un nombre adimensionné, néanmoins cette formulation insiste
sur l’impact de la pression et de la température sur l’approximation de gaz parfait.

Charlie Leprince 10
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

On voit bien que plus la température est basse ou plus la pression est élevée, moins l’approximation des
gaz parfait est bien vérifiée. Le terme de droite vaut de l’ordre de 10−5 K2 .Pa−1 , tandis que dans les conditions
standard de température et de pression, le terme de gauche vaut environ 1 K2 .Pa−1 . Ainsi l’air qui nous entoure
est un bon gaz parfait.

b. Tests expérimentaux caractéristiques des gaz parfaits


C’est expérimentalement qu’on a constaté des écarts au modèle du gaz parfait. Par exemple, l’expérience
de Boyle-Mariotte consistant à mesurer le produit P V à température constante en faisant varier P ou V a été
reprise et affinée, et l’on constate qu’il existe à haute pression (10 MPa), un écart - faible mais significatif - à la
loi des gaz parfaits, de l’ordre de 5 %. Notons qu’à basse pression (voire même à très basse pression), la limite
du produit P V à T fixée et pour une quantité de matière donnée est toujours la même, quel que soit le gaz
considéré (c’est comme cela que l’on définit la constante R).

Il existe d’autres expériences consistant à tester si un gaz est parfait ou non. On teste pour cela les pro-
priétés du gaz pour des transformations particulières, les résultats permettant d’affirmer si oui ou non le gaz a
le comportement attendu pour un gaz parfait. Détaillons par exemple le cas de la détente de Joule et Gay-Lussac.

gaz vide

(A) 1. (B)

(A) 2. (B)

Figure 3 – Détente de Joule - Gay-Lussac

Le gaz à étudier est contenu dans un récipient (A) (Figure 3.1.), relié à un récipient (B) via un robinet. On
fait le vide dans ce deuxième récipient. Les parois des récipients sont rigides et calorifugées (n’échangent pas
d’énergie avec l’extérieur). Dans le récipient (A), on mesure la température initiale T1 . Puis on ouvre le robinet,
et le gaz s’engouffre dans le récipient B (Figure 3.2.) et très rapidement on parvient à un état d’équilibre. On
mesure alors la température T2 .

Le bilan d’énergie est simple à effectuer. D’après le premier principe, la variation d’énergie interne est égale
à la somme du travail et du transfert thermique échangés par le système avec l’extérieur. Comme les récipients
sont calorifugées, il n’y a pas d’échange thermique avec l’extérieur. D’autre part, on considère qu’en tournant
le robinet on fournit au système un travail négligeable. Les parois du récipient ne se déforment pas lors de la
transformation (elles sont rigides), si bien que le travail échangé avec l’extérieur est nul. La variation d’énergie
interne est donc nulle au cours de cette expérience 20 .

Si le gaz considéré se comporte comme un gaz parfait, alors on a vu précédemment qu’il vérifie la première
loi de Joule : son énergie interne ne dépend que de la température. Donc si l’énergie interne ne varie pas,
alors la température ne varie pas. Finalement, on a obtenu un test pour vérifier si le gaz a les propriétés d’un
gaz parfait : on lui fait subir la détente de Joule - Gay-Lussac, et si sa température varie, ce n’est pas un
gaz parfait ! Si sa température reste identique, alors il y a de bonnes chances pour que dans les gammes de
20. En réalité il n’est pas tout à fait correct de parler de travail négligeable devant zéro. Il subsiste toujours un travail résiduel
(ainsi qu’un transfert thermique résiduel, les parois n’étant jamais calorifugées parfaitement), mais la variation de température
engendrée doit être très faible - et n’est pas toujours détectable selon la précision du capteur de température utilisé.

Charlie Leprince 11
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

température et de pression considérées on puisse modéliser le gaz comme un gaz parfait. Pour s’en assurer expé-
rimentalement, on peut réaliser une mesure du produit P V pour vérifier la loi de Boyle-Mariotte par exemple 21 .

Résumons : un gaz parfait est un gaz qui suit un comportement modèle relativement simple. Tout gaz, s’il est
suffisamment dilué, peut être modélisé par un gaz parfait. Au niveau microscopique, cela se traduit par le fait
que l’on ne prend pas en compte les interactions entre les molécules du gaz. Nous allons voir à présent comme
déterminer les caractéristiques d’un gaz qui n’est pas parfait, et notamment comment modifier l’équation d’état
pour tenir compte des interactions.

III. Vers un gaz réel


Lorsque l’on s’éloigne des conditions expérimentales nécessaires pour décrire le gaz comme un gaz parfait,
c’est-à-dire pour des pressions élevées ou des basses températures, on observe que le comportement du gaz
dépend de sa nature. Il est alors illusoire de chercher à obtenir, dans ces conditions, une équation d’état qui
décrive correctement tous les gaz. Pour connaître la relation entre les variables d’état pour un gaz donné et
dans des conditions données, on présente les résultats expérimentaux sous forme de graphiques. On trace par
exemple ce qu’on appelle des réseaux d’isothermes : P en fonction de V pour différentes valeurs de T (isothermes
d’Andrews), P V en fonction de P pour différentes valeurs de T (isothermes d’Amagat). On peut également tra-
cer P Vm /RT (où Vm est le volume molaire du gaz) en fonction de P dans ce qu’on appelle un diagramme de
compressibilité.

Il est toutefois plus pratique de décrire un gaz par une équation d’état. On va regarder dans la suite différentes
manières d’écrire l’équation d’état d’un gaz réel. Notons bien que là encore il s’agira d’un comportement modèle,
un peu plus complexe que celui du gaz parfait, mais valable uniquement dans une certaine gamme de température
et de pression.

1. Gaz de Van der Waals


On cherche à établir un modèle prenant en compte les interactions entre molécules. On va donc reprendre
le développement précédent, mais cette fois sans négliger les termes introduits correspondant aux interactions.
Les termes qu’on a négligé sont l’énergie potentielle d’interaction Uint , et la pression moléculaire Pmol . En réa-
lité, il s’agit d’un seul et même terme, puisque si l’on continue à mener le calcul de l’énergie interne du gaz
en conservant la pression moléculaire, alors on obtient un terme supplémentaire dans l’expression de l’énergie
interne totale, et ce terme est la partie de l’énergie interne qui prend en compte les interactions.

Pour calculer Uint , une idée de départ pourrait consister à partir du potentiel de Lennard-Jones évoqué
précédemment, et de le prendre en compte, non plus pour une molécule, mais pour chacune des molécules
du gaz. En fait une somme avec un si grand nombre de termes (autant de termes que de molécules, soit de
l’ordre du nombre d’Avogadro 1023 ) est impossible à calculer en pratique (on obtiendrait une équation hybride
mi-mécanique mi-thermodynamique inutilisable). Pour tenir compte des interactions, on a recours à d’autres
méthodes.

Raisonnons dans un premier temps sur une mole de gaz. On a dit que l’énergie interne d’un gaz réel doit
nécessairement dépendre de son volume. Si l’on note UGP l’énergie interne du gaz parfait (qui correspond à son
énergie cinétique), on peut alors écrire U = UGP + Uint (V ), où Uint est une fonction (à déterminer) qui dépend
du volume. Cherchons à caractériser cette fonction. Plus le volume du gaz est important, plus il est dilué, et
plus on sait que les interactions sont négligeables. Ainsi Uint doit tendre vers zéro lorsque le volume augmente.
Pour tenir compte du fait qu’une force attractive à distance s’exerce entre les molécules et avec les conventions
d’énergie potentielle détaillées précédemment, alors la fonction Uint est négative (comme la partie attractive du
a
potentiel de Lennard-Jones). Finalement, on va écrire Uint = − , où a est une constante positive qui dépend
V
de la nature du gaz considéré.

De cette expression, on peut en déduire une forme corrigée de la pression prenant en compte les interac-
a
tions 22 : P = PGP + Pmol , avec Pmol = − 2 .
V
21. On peut également réaliser une détente de Joule-Kelvin (ou Joule-Thomson) : cette expérience est conçue pour être isenthal-
pique et on teste de cette façon la deuxième loi de Joule, selon laquelle l’enthalpie d’un gaz parfait ne dépend que de la température.
On peut montrer que si un gaz respecte les deux lois de Joule alors son équation d’état est nécessairement celle d’un gaz parfait.
22. Et ce à partir de la définition thermodynamique de la pression
  par exemple (voir référence [2]), ou bien en utilisant l’identité
∂U
thermodynamique dU = T dS − P dV d’où on tire que −P = .
∂V S

Charlie Leprince 12
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

On n’a pris en compte que la partie attractive du potentiel. Pour prendre en compte la forte répulsion que
l’on observe lorsque deux molécules entre en collision, ce n’est pas la pression qu’on va corriger mais le volume.
On retranche au volume total un certain volume inaccessible appelé covolume b, dû au fait que les molécules ont
une certaine extension spatiale et ne peuvent pas s’interpénétrer. On ne prend donc en compte que le volume
accessible au molécules V − b.

En tenant compte de ces corrections sur les variables d’état et en partant de l’équation d’état des gaz parfait
PGP VGP = RT (pour une mole de gaz), on obtient alors une équation d’état modifiée qui prend compte les
interactions entre molécules au sein du système : (P −Pmol )(V −b) = RT . Pour n moles 23 , on aboutit finalement
à l’équation de Van der Waals, du nom du physicien néerlandais qui l’a proposée en 1873 :
n2 a
 
P + 2 (V − nb) = nRT .
V
Cette équation s’écrit en fonction de paramètres a et b qui dépendent de la nature du gaz. On peut les
déterminer expérimentalement. a reflète ainsi la partie attractive de l’énergie d’interaction, et b la partie ré-
pulsive. À partir de cette équation d’état, il est possible de déterminer les expressions de différents paramètres
caractéristiques du gaz (les coefficients thermoélastiques par exemple).

Expérimentalement, on constate que la capacité thermique molaire d’un gaz (même réel) dépend peu du
volume et de la pression. On peut alors la considérer comme constante. Si on la mesure expérimentalement
pour un gaz donné et qu’ensuite on lui applique une détente de Joule et Gay-Lussac 24 , alors on peut relier la
variation de température relevée au cours de l’expérience au paramètre a et à la variation de volume du gaz, ce
qui donne une mesure de a 25 .

On pourrait croire à un léger changement de philosophie par rapport aux parties précédentes. Auparavant,
on a utilisé des considérations théoriques (un modèle microscopique notamment) pour en déduire les expressions
(théoriques donc) des capacités thermiques afin de prédire le comportement des gaz. Ici on se sert des résultats
expérimentaux (et notamment des capacités thermiques) pour en déduire les valeurs de a et b nécessaires pour
déterminer l’équation d’état d’un gaz donné. En fait, l’objectif reste de pouvoir caractériser au mieux le com-
portement d’un gaz, et si le modèle théorique initial permettait de prévoir les valeurs des capacités dans des
cas simples (et par là de s’assurer que les considérations théoriques tiennent la route en comparant ses résultats
avec les données expérimentales), ce sont les expériences qui permettent de construire puis affiner les modèles.

L’équation de Van der Waals, aussi maniable que l’équation des gaz parfaits à laquelle elle ressemble beau-
coup, rend bien compte des écarts au modèle parfait, et ce particulièrement à basse température 26 . Toutefois,
le nombre de paramètres sur lesquels on peut "jouer" pour ajuster l’équation d’état aux données expérimentales
reste faible. Comme on va le voir, il existe d’autres manières d’obtenir des formules du même type permettant
de réaliser des corrections fines au modèle du gaz parfait.

2. Développement du Viriel
Le modèle du gaz parfait est d’autant mieux vérifié que la densité du gaz est faible. C’est le rapport n/V
qui quantifie la densité d’un gaz. Comment corriger l’équation des gaz parfait lorsque cette densité devient
importante ? Une idée consiste à développer l’équation d’état en puissances successives du rapport n/V :
 n  n 2 
P V = nRT 1 + B2 (T ) + B3 (T ) + · · · .
V V
On appelle ce développement le développement du Viriel. Lorsque le rapport n/V devient très faible (gaz
dilué), alors on retrouve la loi des gaz parfaits. Pour des densités plus élevées en revanche, alors le gaz a un com-
portement qui diffère du gaz parfait. Les corrections successives apportées, de plus en plus petites, dépendent de
facteurs appelés coefficients du Viriel (B2 est appelé le premier coefficient du Viriel, B3 le deuxième, et ainsi de
23. On obtient l’expression voulue en substituant V /n à V dans les équations précédentes.
24. Le gaz réel ne vérifiant plus la première loi de Joule, l’énergie interne ne dépend plus que de la température mais aussi du
volume. Ainsi, au cours de la détente de Joule et Gay-Lussac, l’énergie interne ne varie mais pas la température, elle, varie.
25. Voir la référence [3].
26. Cette équation est même fondamentale pour décrire les fluides (gaz comme liquides) puisqu’elle modifie complètement la
forme des isothermes dans le diagramme de Clapeyron P en fonction de Vm : alors que l’équation des gaz parfaits décrit des
isothermes toujours décroissantes où P varie comme 1/V , la forme plus complexe de l’équation de Van der Waals induit l’existence
d’isothermes possédant un minimum et un maximum (locaux) à partir d’une certaine température appelée température critique.
Ce comportement différent permet de construire un modèle de transition de phase décrivant le passage de l’état gazeux à l’état
liquide. Voir référence [1].

Charlie Leprince 13
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

suite), qui dépendent eux-même de la nature du gaz considéré et de la température. Le nombre de coefficients
à utiliser diffère selon le degré de précision choisi et l’étendue du domaine de température et de pression dans
lequel on veut rendre compte du comportement du gaz.

On peut alors déterminer expérimentalement les valeurs des coefficients du Viriel et les représenter, pour
un gaz donné, en fonction de la température. Les courbes de ces coefficients sont ainsi consignées dans des
tables afin de savoir comment ajuster correctement l’équation d’état du gaz pour prédire correctement son
comportement. Il est à noter qu’au-delà de l’aspect "pratique" de ce développement utilisé pour "recoller" aux
données expérimentales, les coefficients du Viriel ont une véritable signification physique basée sur un modèle
microscopique prenant en compte les interactions moléculaires 27 .

Conclusion
Le développement présenté dans ce document nous a permis de modéliser le comportement d’un gaz, tant à
partir d’observations expérimentales que d’arguments théoriques. On a vu que le modèle du gaz parfait est un
modèle qui fonctionnement bien dans les gammes usuelles de température et de pression, mais que dès qu’un
gaz commence à avoir une densité importante, les interactions entre molécules ne sont plus négligeables, et il
faut alors corriger l’équation d’état pour rendre compte fidèlement des observations.

L’étude des gaz a eu un intérêt historique considérable et a permis l’essor de modèles théoriques fondamen-
taux en physique (thermodynamique, théorie cinétique des gaz, physique statistique). Connaître les propriétés
des gaz est essentiel, et notamment en industrie, où il arrive que les réactions chimiques mises en jeu pour
produire des ressources libèrent des gaz qu’il faut éventuellement pouvoir stocker, traiter ou réutiliser.

Ce document n’est pas parfait et manque d’ordres de grandeur et de données expérimentales. Je renvoie
à la bibliographie utilisée pour plus de détails. J’espère toutefois avoir réussi à présenter comment utiliser les
concepts thermodynamiques de base dans le but de parvenir à une description physique précise des gaz, en
insistant sur le dialogue entre les observations expérimentales et les modèles théoriques pour rendre compte au
mieux de leur comportement.

Les résultats présentés ici, bien qu’incomplets 28 , ouvrent la porte à des domaines de la physique tout aussi
vastes et intéressants. Mentionnons-en trois en particulier.

— Comme évoqué dans le paragraphe correspondant, l’équation de Van der Waals permet de construire
un modèle thermodynamique des transitions de phase. Cette équation décrit en effet correctement les
gaz, mais aussi les liquides. En détaillant ses caractéristiques, on peut se rendre compte que pour une
isotherme donnée en dessous de la température critique, certains domaines du diagramme de Clapeyron
P en fonction de Vm sont interdits. Les variables d’état du système effectuent alors une transition qui
change beaucoup les paramètres macroscopiques du fluide : c’est une transition de phase, qui témoigne
du passage de l’état gazeux à l’état liquide, ou inversement. Remarquons la grande richesse de cette
équation, qui, bien au-delà d’une simple correction à l’équation du gaz parfait, permet d’étudier un phé-
nomène aussi complexe que la transition de phase et de comprendre le passage continu de liquide à gaz
au-delà de la température critique.

— On a évoqué évasivement que dans le cas d’un gaz parfait diatomique, les capacités thermiques sont
constantes par palier en fonction de la température. En fait, cela est dû à un effet intrinsèquement
quantique que le développement thermodynamique présenté ne permet pas de rendre compte. C’est ce
qu’on appelle le gel des degrés de liberté : en-dessous d’une certaine température, les degrés de liberté
associés à la vibration et à la rotation de la molécule sont gelés et n’interviennent pas dans le calcul
de l’énergie interne. En fait, les états d’énergie accessibles au système sont quantifiés, et dans le cas des
basses températures l’énergie thermique n’est pas suffisante pour exciter les niveaux d’énergie associés à
la vibration et la rotation. En augmentant progressivement la température on va exciter peu à peu ces
27. Il s’agit en fait de calculer la pression du système avec un formalisme de physique statistique, en incluant dans la fonction
de partition un Hamiltonien d’interaction. Chaque terme du développement du Viriel est ainsi relié à un terme de ce Hamiltonien
d’interaction, que l’on peut écrire dans le cas d’un modèle de sphères dures (on a alors une expression analytique calculable via
simulation informatique) ou bien dans le cas du potentiel de Lennard-Jones (ce qui permet de remonter aux valeurs de r0 et V0 à
partir de mesures expérimentales).
28. On aurait pu par exemple calculer la fonction de distribution des vitesses du gaz à l’équilibre (distribution de Maxwell),
évoquer plus profondément le théorème d’équipartition de l’énergie, ou bien détailler la détente de Joule-Kelvin et les mesures
expérimentales de capacités thermiques (calorimétrie).

Charlie Leprince 14
Gaz parfait, gaz réel 10/2018

états, d’où les trois paliers observés expérimentalement. On peut comprendre ce phénomène grâce à un
modèle de physique statistique quantique prenant en compte cette quantification des niveaux d’énergie,
ce qui met en évidence des température caractéristiques à partir desquelles les énergies de rotation et de
vibration ne sont plus négligeables.

— Il existe des conditions dans lesquelles le gaz présente un comportement intrinsèquement quantique (où
il est nécessaire de traiter la particule comme un objet quantique, et non plus uniquement comme un
objet classique aux états d’énergie quantifiés). Une particule peut en effet présenter un comportement
ondulatoire dans un certain domaine de l’espace (c’est la fameuse dualité onde-corpuscule), on parle de
paquet d’onde. On peut définir une quantité appelée longueur d’onde thermique de de Broglie, définie
par : r
2π~
λdB = ,
mkB T
qui correspond à l’extension spatiale associée au paquet d’onde considéré (m est la masse de la particule,
et ~ est une constante appelée constante de Planck réduite). Lorsque la distance moyenne entre deux
molécules a le même ordre de grandeur que la longueur d’onde thermique (ce qui se produit à très basse
température, on parle d’ailleurs souvent d’atomes froids ou ultra-froids), alors il faut prendre en compte le
caractère quantique de la molécule en utilisant un formalisme quantique. Le gaz a alors un comportement
tout à fait inhabituel et incompréhensible en mécanique classique. Dans le cas où il s’agit d’un gaz de
bosons, c’est comme si le gaz formait une onde cohérente de matière : c’est ce qu’on appelle un condensat
de Bose-Einstein. Les propriétés de tels systèmes sont complexes et peu intuitives. Notons d’ailleurs
que comme dans le cas classique, on réalise des modèles, et il est également possible de prendre en
compte ou non les interactions entre molécules selon le phénomène que l’on veut étudier et les conditions
dans lesquelles se trouve le système. L’étude de tels gaz est essentielle pour comprendre bon nombre de
phénomènes, comme le comportement thermique des métaux, les propriétés de l’hélium aux très basses
températures, et le rayonnement électromagnétique émis par les corps.

Bibliographie commentée subjectivement


[1] Thermodynamique, B. Diu, C. Guthmann, D. Lederer, B. Roulet. Ouvrage de référence, rigoureux,
pertinent et exhaustif. L’approche (parfois un peu abrupte) de la thermodynamique est très différente de celle
adoptée en CPGE. Incontournable pour prendre du recul sur les notions évoquées et le cadre mathématique de
la thermodynamique.

[2] Comprendre la thermodynamique, G. Gonczi. Ouvrage récent et bien expliqué qui donne une bonne vue
d’ensemble de la thermodynamique en restant accessible.

[3] Thermodynamique, M. Bertin, J.P. Faroux, J. Renault. Ouvrage destiné à des étudiants de classes
préparatoires ou de licence il y a 25 ans. Approche détaillée et narrative très agréable et pédagogique, avec les
descriptions des expériences historiques.

[4] Thermodynamique, fondements et applications, J.-P. Pérez. Ressource complémentaire, ouvrage com-
plet mais les résultats sont parfois donnés avec peu de commentaires physiques.

Pour toute question, remarque, suggestion, critique : charlie.leprince@ens-cachan.fr

Charlie Leprince 15

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