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roman, art

1 PRÉSENTATION

Église Saint-Philibert (Tournus)


Ancienne abbatiale reconstruite au xi e siècle, l'église Saint-Philibert de Tournus est un modèle de l'art roman bourguignon. Elle est l'une des
premières églises à présenter un déambulatoire à chapelles rayonnantes et possède une antéglise et un narthex à deux tours (fin x e siècle). La
région, longtemps centre d'importants pélerinages — Vézelay, Cluny, Tournus —, a permis le rayonnement de l'église Saint-Philibert.
Jean-luc Barde/Scope

roman, art, production artistique de l’Occident médiéval s’étendant de la fin du Xe siècle au milieu du XIIe siècle.

La principale caractéristique de l’art roman — précurseur de l’art gothique — est que toute sa créativité et son originalité
subissent l’influence de la religion chrétienne par le biais des ordres monastiques (Cluny puis Cîteaux).

2 L’ARCHITECTURE ROMANE
2.1 La genèse ou le premier art roman
La fin du Xe siècle et le premier tiers du XIe siècle sont principalement caractérisés par une intense phase de recherches
aboutissant à une nouvelle définition de l’architecture, à partir de l’héritage paléochrétien et carolingien, après transformation
de chacun des éléments constituant le monument.

2.1.1 Plan basilical des églises


Plan d’une église romane
La principale caractéristique de l’architecture romane, qui s’est développée entre la fin du x e et le milieu du xii e siècle, est l’arc en berceau.
On le retrouve dans la voûte et les ouvertures (portes et fenêtres) des églises.
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Les églises romanes adoptent le plan basilical, une nef — flanquée ou non de bas-côtés — et un transept, que termine une
abside (appelée chevet de l’extérieur). À partir des expériences menées précédemment dans les cryptes carolingiennes
(comme celle de Saint-Germain d’Auxerre), les architectes romans élaborent essentiellement deux nouveaux types de plans
de chevet : le chevet à chapelles échelonnées et le chevet à déambulatoire à chapelles rayonnantes.

Le plus ancien des chevets à chapelles échelonnées semble être celui de l’abbatiale de Cluny II, dans la seconde moitié du
Xe siècle. Il comprend un long chœur flanqué de cinq chapelles, de taille décroissante, et de deux annexes. Ce type de plan se
retrouve dans de nombreux édifices des environs de l’an mil (abbatiale de Bernay en Normandie), mais souvent simplifié et
ne comprenant plus, à de rares exceptions, que trois chapelles. Il connaît une très grande fortune dans la première moitié du
XIe siècle, pour se raréfier par la suite, même s’il se maintient jusqu’au XIIe siècle dans le Berry (La Charité-sur-Loire,
vers 1100, édifice présentant sept chapelles échelonnées) et surtout en Normandie.

Parmi les premiers chevets à déambulatoire et à chapelles rayonnantes, aux environs de l’an mil, figurent ceux de la
cathédrale de Clermont (seulement connus par les fouilles) et de Saint-Philibert de Tournus. Dans les deux cas, un couloir
semi-circulaire relie des chapelles de plan carré. Ce plan s’impose également rapidement, avec une préférence pour les
chapelles semi-circulaires. À partir de la seconde moitié du XIe siècle, le chevet à chapelles rayonnantes devient la formule la
plus répandue dans le monde roman (abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire, v. 1080).

2.1.2 Usage de la voûte


Église de la Madeleine (Vézelay, Yonne)
Réalisée en 1120, la nef de l'église abbatiale de la Madeleine à Vézelay est dotée d'une voûte en berceau d'arcs doubleaux blancs et noirs en
plein cintre. Elle se démarque des orientations architecturales développées à Cluny en adoptant notamment une élévation à deux niveaux qui
lui confère un aspect quelque peu trapu.
Gianni Dagli Orti/Corbis

Remplaçant la colonne ou le pilier de tradition antique, la pile composée représente l’une des grandes inventions de
l’architecture romane. Sa naissance ne semble pas être liée à l’adoption de la voûte. Effectivement, dans un premier temps, on
la rencontre aussi bien dans des édifices voûtés (crypte de la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre, v. 1030) que charpentés
(nef de Saint-Remi de Reims, entre 1039 et 1049).

Avec la généralisation de la voûte dans la seconde moitié du XIe siècle, les colonnes ou pilastres engagés dans le noyau de
pile composé permettent de canaliser jusqu’au sol les différents arcs. Pour l’élévation, la pile composée implique une
nouvelle conception de l’espace, puisque la colonne montant de fond du côté du haut vaisseau permet de diviser le mur en
travées clairement matérialisées (nef charpentée de Saint-Germain-des-Prés à Paris, milieu du XIe siècle). Dans les édifices
voûtés, la colonne divisant la paroi en travées correspond aux arcs doubleaux soutenant le berceau, conférant alors à l’édifice
une division cellulaire, caractéristique de la conception spatiale romane.
Basilique Saint-Sernin (Toulouse)
Plan de la basilique Saint-Sernin à Toulouse, France (v. 1080-1120).
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Une autre innovation dans la plastique romane est l’adoption d’un niveau supplémentaire entre les grandes arcades et les
fenêtres hautes. Celui-ci peut avoir uniquement un rôle plastique, comme les ouvertures sous comble et les arcatures aveugles
(nef de l’abbatiale de Bernay, première moitié du XIe siècle), ou structurel, avec des tribunes voûtées permettant de
contrebuter la voûte du vaisseau central de la nef (Saint-Étienne de Nevers, v. 1070-1080). Un autre des grands apports de
l’architecture romane est, à l’intersection des bras du transept et de la nef, la croisée régulière, limitée par quatre puissants
piliers cruciformes et voûtée d’une coupole sur trompe (Romainmôtier dans le Jura suisse, première moitié du XIe siècle).

Dans la première moitié du XIe siècle, rares sont les églises entièrement voûtées et, quand elles le sont, leurs dimensions
demeurent restreintes (abbatiale de Saint-Martin-du-Canigou, v. l’an mil). Le plus souvent, seul le chevet est voûté, alors que
la nef demeure charpentée (Romainmôtier). C’est essentiellement dans la seconde moitié du siècle que le voûtement s’étend à
l’ensemble du monument. Pour la nef centrale, à part quelques expériences sans lendemain comme à Saint-Philibert de
Tournus (milieu du XIe siècle) où l’architecte utilise une série de berceaux transversaux par rapport aux murs, la solution la
plus fréquemment utilisée est le berceau continu, parfois épaulé par des collatéraux montant pratiquement aussi haut
(abbatiale de Saint-Savin, v. 1070) ou, le plus souvent, contrebuté par des tribunes voûtées en demi-berceau (Saint-Étienne de
Nevers).

2.1.3 Façade
Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret)
Édifiée aux xi e et xii e siècles dans le Loiret, l’église abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire abrite les reliques de saint Benoît. Comptant parmi
les plus beaux édifices romans, elle illustre l’affirmation de ce style et la diffusion de l’usage de la pierre taillée : son clocher-porche
témoigne de la diversité des façades romanes.
Karl Bürgel

Pour les façades, les architectes romans continuent parfois la tradition paléochrétienne en utilisant un simple mur écran, mais
réalisent également de nouveaux types en simplifiant les massifs occidentaux des édifices carolingiens. L’un des plus
fréquents, surtout dans le centre de la France et au nord de la Loire, est la tour-porche (ou clocher-porche). Assez réduite au
sol, elle superpose plusieurs étages. Certaines tours-porches, très simples, ne possèdent qu’un espace unique à chaque niveau
(Saint-Pierre de Chartres et Saint-Germain-des-Prés à Paris, fin du Xe-début du XIe siècle), alors que d’autres, à l’architecture
plus ambitieuse, comportent plusieurs travées (Saint-Benoît-sur-Loire, v. 1025). La Bourgogne opte plus généralement pour
la solution de l’avant-nef, beaucoup plus développée au sol et de structure souvent complexe, comme à Saint-Philibert de
Tournus, comprenant une chapelle haute à deux niveaux au-dessus d’un rez-de-chaussée ouvrant sur la nef. Mais la solution
promue au plus bel avenir est la façade à deux tours (ou façade harmonique), dont la Normandie élabore très tôt le modèle
(Saint-Pierre de Jumièges, v. 1060 ; Saint-Étienne de Caen, fin du XIe siècle), et qui est ensuite abondamment reprise par les
grandes cathédrales de style gothique.
Abbatiale Sainte-Foy de Conques (Aveyron)
Située dans l'Aveyron, l'église abbatiale romane de Conques, édifiée aux xi e et xii e siècles, constitue une importante étape sur la route du
pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Chris Hellier /Corbis

Dans le dernier tiers du XIe siècle, on assiste à une phase de stabilité et d’exploitation des recherches menées précédemment
(les églises dites de pèlerinage, Saint-Martin de Tours, Saint-Martial de Limoges, Sainte-Foy de Conques, Saint-Sernin de
Toulouse, Saint-Jacques de Compostelle) : le déambulatoire à chapelles rayonnantes s’impose ; l’édifice est entièrement
voûté et divisé en cellules nettement individualisées à la fois sur la voûte, grâce aux arcs doubleaux, et par les colonnes
engagées sur les parois. En outre, à chaque espace correspond un type de voûte déterminé : voûtes en berceau pour la nef
centrale, les bras du transept et le déambulatoire ; voûtes d’arêtes pour les bas-côtés ; demi-berceau pour les tribunes ; cul-de-
four pour l’abside et les absidioles et coupole sur trompe à la croisée du transept. Extérieurement, la silhouette du monument
se caractérise par un étagement des masses que domine la tour de croisée.

2.2 La maturité ou le second art roman

Un peu avant 1100, l’architecture romane entre dans une nouvelle phase, marquée essentiellement par des innovations
techniques, les réflexions se concentrant plus particulièrement sur la recherche de nouveaux types de voûtement et sur
l’allégement du mur. En outre, on assiste à l’émergence de véritables groupes régionaux.

2.2.1 Le roman bourguignon


Cloître de l'abbaye de Fontenay (Côte-d'Or)
L'abbaye de Fontenay — un des plus anciens monastères cisterciens d'Europe — a été fondée par saint Bernard de Clairvaux en 1118. Le
cloître, que l'on voit ici, est un modèle d'architecture romane.L'abbaye de Fontenay a été inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco en 1981.
Vanni Archive/Corbis

En Bourgogne, nombre de monuments subissent l’attrait du modèle imposé par l’abbatiale de Cluny III, élevée à partir de la
fin du XIe siècle. L’élévation comprend trois niveaux : grandes arcades en arc brisé et piles composées pourvues de pilastres
cannelés ; ouvertures sous comble ; fenêtres hautes. Une voûte en berceau brisé couvre le vaisseau central. Ces principaux
traits se retrouvent à la basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial (v. 1100) et à la cathédrale Saint-Lazare d’Autun
(v. 1110). Toutefois, l’abbatiale de la Madeleine à Vézelay est conçue sur un parti différent, avec une élévation à deux
niveaux et une voûte en berceau à pénétration.

2.2.2 Le roman tourangeau et poitevin

Les grands édifices de la vallée de la Loire sont caractérisés par l’allègement de la structure et les nombreux percements
réduisant pratiquement le mur à un simple squelette (Fontgombault, v. 1120). Dans le chevet de Fontevraud (v. 1110-1120),
les grandes arcades occupent les deux tiers de l’élévation, tandis qu’à Cunault (v. 1110-1120), elles montent jusqu’à la
naissance de la voûte.

2.2.3 Le roman auvergnat


Abbatiale Saint-Austremoine (Issoire)
Dotée d'un chevet caractéristique de l'art roman auvergnat, l'église abbatiale Saint-Austremoine (dans le Puy-de-Dôme) a été édifiée au xii
e siècle et en partie refaite au xix e siècle. L'intérieur de l'édifice révèle une abondante polychromie (à dominante rouge, ocre et or), qui se
déploie sur les parois et les chapiteaux historiés.
R. Matina/age fotostock

L’Auvergne offre une série de monuments extrêmement proches les uns des autres jusque dans le détail (Notre-Dame
d’Orcival, Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand, Sainte-Austremoine à Issoire). Tous possèdent une structure
parfaitement contrebutée, permettant un très grand allégement de l’édifice. La nef est à deux niveaux : grandes arcades et
tribunes voûtées. Les supports sont très minces, même pour la croisée du transept. L’élévation du chevet — à
déambulatoire — comprend des grandes arcades surhaussées, surmontées d’arcatures aveugles et de fenêtres hautes. Quant à
la tour de la croisée transept, elle est contrebutée par un massif barlong. Ces monuments cultivent aussi certains archaïsmes :
goût pour les espaces inarticulés (berceaux sans doubleaux), colonnettes en délit contre le mur extérieur du déambulatoire et,
à l’extérieur, emploi d’un appareil décoratif inspiré du haut Moyen Âge.

2.2.4 Le roman normand

Dans les régions normandes, il n’existe pas de rupture profonde entre les deux phases de l’architecture romane, certains traits
apparus tôt au XIe siècle se poursuivant dans la première moitié du siècle suivant. Les nefs sont le plus souvent charpentées,
alors que les bas-côtés sont voûtés (Notre-Dame de Jumièges, fin du XIe siècle). Le type de chevet le plus courant reste celui à
chapelles échelonnées (Boscherville, v. 1120). L’élévation est à trois niveaux, avec au centre soit des tribunes (Saint-Étienne
de Caen, seconde moitié du XIe siècle), soit des arcatures aveugles ou ouvrant sous les combles (abbatiale du Mont-Saint-
Michel), le mur étant dédoublé au niveau des fenêtres hautes afin de créer des jeux de transparence lumineuse (mur ouest du
transept de Bernay, v. 1040 ; nef de Cerisy-la-Forêt, fin du XIe siècle). Le seul changement notable des architectes normands
autour de 1100 est l’adoption de la voûte d’ogives pour couvrir le vaisseau central, sans que cela modifie la structure générale
de l’édifice.

2.2.5 Le roman en Aquitaine


Cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême (Charente)
La cathédrale Saint-Pierre d'Angoulême a été construite au XII e siècle. La façade est un bel exemple du style roman poitevin.
Giraudon/Art Resource, NY

Dans le sud-ouest de la France, la solution la plus couramment adoptée consiste à couvrir le vaisseau unique de la nef par une
file de coupoles sur pendentifs ; elles reposent sur des arcs très larges, légèrement brisés et portés par de puissantes piles
(Saint-Étienne de Cahors et Saint-Pierre d’Angoulême, v. 1110).

2.2.6 Le roman dans la vallée du Rhin

Dans les régions du Rhin et de la Meuse, le poids de la tradition ottonienne est encore très présent (voir art ottonien).

2.2.7 Le roman dans le reste de l’Europe


Cloître du monastère de Ripoll (Espagne)
Situé dans les Pyrénées espagnoles et consacré à la Vierge Marie, le monastère de Ripoll est considéré comme l'un des édifices les plus
représentatifs du début de l'art roman catalan. Son cloître, réalisé à partir du xii e siècle, comporte deux niveaux de galeries ouvertes par
252 colonnes, aux chapiteaux sculptés.
Luis Castañeda/age fotostock

Les pays germaniques sont très imprégnés de l’art ottonien. Ainsi, à Maria Laach (en Rhénanie), l’abbatiale bénédictine est
dotée de deux sanctuaires opposés.

Plan de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle


Édifice roman, la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle présente un plan en croix latine, avec nef à trois vaisseaux, transept doté de
collatéraux et chœur ceint de cinq chapelles radiales. La tombe de l'apôtre saint Jacques le Majeur est située dans la crypte placée sous le
maître-autel.
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L’Angleterre subit quant à elle la même évolution architecturale que les régions normandes. Caractéristique de ce style anglo-
normand, la cathédrale de Durham (édifiée à partir de 1093) est l’un des premiers exemples de voûtes en ogives surmontant
la nef.

Église Saint-Michel (Hildesheim, Allemagne)


Splendide illustration de l'architecture ottonienne, l'église Saint-Michel d'Hildesheim (Basse-Saxe, Allemagne) a été consacrée en 1033.
L'édifice, construit selon un plan symétrique à deux absides, a été inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco en 1985.
Erich Lessing/Art Resource, NY

Durant la période romane, l’Espagne revient au christianisme après la conquête de Tolède (1085). C’est avec le pèlerinage de
Saint-Jacques-de-Compostelle que l’art espagnol va prendre de l’ampleur. Si elle est achevée durant la période suivante du
gothique, la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle est dotée de trois portails de style roman.
Campo dei Miracoli (Pise, Italie)
Le Campo dei Miracoli (place des Miracles) groupe quatre édifices romans, de style « pisan » : le baptistère (sur la gauche), qui date du XII
e siècle, la cathédrale (au centre) érigée au XI e siècle, la Tour penchée, célèbre campanile (XII e-XIII e siècle) et le cimetière ou camposanto
(XIII e-XV e siècle), aux galeries décorées de fresques, qui abritent de nombreux sarcophages gréco-romains.
Scala/Art Resource, NY

L’Italie du Nord utilise la voûte d’ogives, comme en atteste la basilique Saint-Ambroise de Milan (fin du XIe siècle). En Italie
centrale, l’héritage paléochrétien se maintient fortement dans la structure des églises, avec des nefs charpentées et deux
niveaux (San Miniato al Monte à Florence, XIIe siècle). Toutefois, en Toscane, les façades plates reçoivent un traitement
particulier : plusieurs niveaux d’arcatures et utilisation de marbres bicolores (façade de la cathédrale de Pise, sur le Campo
dei Miracoli). La Sicile enfin, carrefour de civilisations, subit de multiples influences, plus particulièrement normande et
byzantine, conférant de très forts particularismes à l’architecture, comme en témoigne la chapelle palatine de Palerme (1132-
1140) au chœur surélevé couvert d’une vaste coupole.

3 LA SCULPTURE ROMANE
3.1 Sculpture des chapiteaux
Cloître de l'abbatiale Saint-Pierre (Moissac)
Rythmé par une alternance de colonnettes simples et doubles supportant les arcades de ses quatre galeries, le cloître de Saint-Pierre de
Moissac a été réalisé vers 1100. Ses chapiteaux, véritables chefs-d'œuvre de la sculpture romane, sont particulièrement renommés pour la
richesse des thèmes qu'ils illustrent (Genèse, Enfance du Christ, Miracles de saint Benoît, etc.).
Archivo Iconografico, S.A./Corbis

Dès les environs de l’an mil, l’attention des sculpteurs se porte sur les chapiteaux. Toutefois, manquant de modèles, ils
doivent reconstituer un répertoire. On copie des chapiteaux du haut Moyen Âge dérivés du type corinthien antique (Saint-
Aignan d’Orléans) ou de la tradition byzantine (chapiteau à têtes de bélier de la nef de Saint-Germain-des-Prés à Paris). On
assiste également à une véritable redécouverte du chapiteau corinthien antique (tour-porche de Saint-Benoît-sur-Loire ;
Bernay). On emprunte aussi aux autres arts, dont on transpose les motifs sur la corbeille du chapiteau : tissus orientaux à
Vignory (chapiteau avec des lions affrontés de part et d’autre d’un arbre palmette) ; motifs empruntés à l’orfèvrerie
ottonienne à Bernay ou à l’enluminure du style de Winchester à Jumièges ; scène de jeux du cirque issus d’un diptyque
consulaire byzantin en ivoire (Méobecq) ; entrelacs de tradition du haut Moyen Âge (cloître de Tournus), motif qui se
maintient dans le centre de la France beaucoup plus tard qu’ailleurs, jusque vers la fin du XIe siècle (abbaye de Conques). La
première sculpture romane crée aussi des œuvres plus originales, comme des chapiteaux figurés (homme-chapiteau de Saint-
Bénigne de Dijon) ou associant des êtres humains avec des créatures chimériques.
Le Doute de saint Thomas
Le Doute de saint Thomas illustre l'épisode du Nouveau Testament rapporté dans l'Évangile selon saint Jean (XX, 19-29). Absent lors de la
Résurrection, l'apôtre Thomas, en proie au doute, a besoin de toucher les plaies de Jésus pour croire.Sculpté au xii e siècle, ce relief orne l'un
des angles du cloître du monastère de Santo Domingo de Silos, près de Burgos (Espagne), l'un des plus importants ensembles sculpturaux de
l'art roman espagnol.
Manuel Bellver/Corbis

L’une des inventions majeures de l’art roman est celle du chapiteau historié. Celui-ci pose d’importants problèmes aux
sculpteurs, qui doivent disposer des personnages sur un cadre aussi contraignant que la corbeille d’un chapiteau. Au départ, la
scène éprouve des difficultés à tourner autour de la corbeille, les personnages subissant fortement l’attraction des angles
(chapiteau de la seconde Théophanie de l’Apocalypse de la tour-porche de Saint-Benoît-sur-Loire). Les compositions se
déroulent avec plus de liberté à partir du dernier tiers du XIe siècle, l’attitude des protagonistes demeurant toutefois encore
statique et peu expressive (chapiteaux de Saint-Sernin de Toulouse). C’est seulement à partir de 1100 que les personnages
aux attitudes souples évoluent en parfaite liberté sur le chapiteau (chapiteaux de la nef de l’abbatiale de la Madeleine à
Vézelay). Des plaques sculptées peuvent parfois être incrustées, sans ordre véritable, dans les murs extérieurs (Lapidation de
saint Étienne sur la façade nord de la tour-porche de Saint-Benoît-sur-Loire). Cependant, l’essentiel du message
iconographique roman doit se concentrer autour des tympans et des temps forts de la façade.

3.2 Sculpture du portail


Tympan de l'abbatiale Sainte-Foy (Conques) : œuvre à la loupe
Le portail occidental de l'église abbatiale Sainte-Foy de Conques (Aveyron) est surmonté d'un majestueux tympan du xii e siècle.
Représentant le Jugement dernier, celui-ci est composé de 124 sculptures de personnages polychromes, dont il subsiste encore quelques
pigments de couleur.
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Dans ce domaine, une première expérience, sans descendance immédiate, est menée dans le Roussillon, dans le deuxième
quart du XIe siècle. Un linteau sculpté est placé au-dessus des portails. Ce sont pour la plupart des blocs de marbre de remploi,
sculptés en faible relief et au traitement précieux, sans guère de modelé (Saint-Génis-des-Fontaines, Saint-André de Sorède et
Arles-sur-Tech). Il faut ensuite attendre 1100 environ pour voir apparaître de nouveau, mais de façon cette fois continue et
dans tout le monde roman, des portails sculptés (porte des Comtes à Saint-Sernin de Toulouse ; porte méridionale de la
cathédrale de Jaca en Espagne). Les programmes iconographiques vont prendre de plus en plus d’importance et s’étendre sur
le tympan, les voussures, le trumeau, les ébrasements, l’ensemble pouvant être complété à l’intérieur du porche situé en avant
du portail (abbatiale Saint-Pierre de Moissac, v. 1120-1130). À Notre-Dame-la-Grande de Poitiers et au monastère de Ripoll
(Espagne), les façades (milieu du XIIe siècle) sont entièrement recouvertes de sculptures s’étageant sur plusieurs niveaux.

Tympan de l'église de la Madeleine (Vézelay)


La basilique de la Madeleine à Vézelay constitue l'une des plus belles illustrations de l'architecture romane française. Son tympan représente
le Christ envoyant ses apôtres en mission à travers le monde prêcher sa Parole.
Tabuteau/The Image Works

D’un point de vue stylistique, on constate un certain nombre de traits communs à l’ensemble de cette sculpture romane de la
première moitié du XIIe siècle : attitude agitée et presque dansante des personnages, schématisation anti-naturaliste du drapé,
rendu par de nombreux traits incisés ; déformation des personnages pour s’adapter au cadre et le remplir au maximum. Cela
n’empêche pas une grande diversité de traitement, style très graphique et nerveux en Bourgogne (tympan de la cathédrale
d’Autun sculpté par Gislebert, v. 1130), formes beaucoup plus pleines en Auvergne (Sainte-Foy de Conques, v. 1120) et
influences antiques en Provence (Saint-Trophime d’Arles). En France, dans les derniers grands édifices romans, le
programme va parfois s’étendre sur plusieurs portails, accompagnés de grandes figures de taille jusqu’alors inédites (la
Madeleine de Vézelay, v. 1140 ; Saint-Gilles-du-Gard, v. 1150-1160).

3.3 Autres œuvres sculpturales

Williglielmo, l'Assassinat d'Abel


L'Assassinat d'Abel fait partie du groupe des quatre bas-reliefs illustrant la Genèse, qui ornent la façade de la cathédrale romane de Modène,
il Duomo. Sculptés par Williglielmo (XII e siècle), ils relèvent de la première période de la sculpture romane.
John Heseltine/Corbis

À côté de ses grands ensembles, il existe aussi une production de petites sculptures nobiliaires : autel de marbre signé
Bernard Gilduin et sept plaques sculptées en marbre de Saint-Sernin de Toulouse (peu avant 1100) ; trône de marbre dit « de
l’archevêque Elie » de la cathédrale de Bari en Italie (v. 1100) ; lutrin en bois provenant de l’église d’Alpirsbach en
Allemagne (deuxième moitié du XIIe siècle) ; fonts baptismaux en bronze de Renier de Huy, représentant le baptême du
Christ, de l’église Saint-Barthélemy de Liège (av. 1118, Belgique).

Vierge noire de Montserrat


Également appelée « la Moreneta » (« la brunette »), la Vierge noire de Montserrat est une sculpture romane. Parée comme les autres vierges
noires (dont une quarantaine est dénombrée en Europe) de vertus relatives à la fertilité et à la guérison, elle a été l'objet d'un culte séculaire
et, depuis 1881, est la patronne de la Catalogne.Vierge noire de Montserrat, fin du xii e siècle. Bois polychrome. Basilique du monastère de
Montserrat (Catalogne, Espagne).
Archivo Fotografico Oronoz

Si la plupart des œuvres de l’époque romane demeurent anonymes, nous connaissons toutefois le nom et la carrière de
plusieurs sculpteurs, comme Williglielmo et son élève Niccolo, actifs en Italie du Nord dans la première moitié du XIIe siècle,
ou encore Benedetto Antelami, dont les préoccupations annoncent un renouvellement formel proche des recherches de la
première sculpture gothique (Déposition de la Croix, transept de la cathédrale de Parme, 1178).

4 LA PEINTURE ET LES ARTS DE LA COULEUR

Bible de Bury : frontispice du Deutéronome


Le frontispice du Deutéronome de la Bible de Bury est daté du début du xii e siècle. La scène supérieure figure Moïse et Aaron délivrant la
Loi (Décalogue) aux Israélites. La scène inférieure représente Moïse distinguant les bons des mauvais.Enluminure de Maître Hugo ornant le
frontispice du Deutéronome de la Bible de Bury, début du xii e siècle. Abbaye de Bury Saint Edmunds (Suffolk, Angleterre, Royaume-Uni).
Bridgeman Art Library, London/New York

La peinture murale exerce un rôle de premier plan dans la perception du monument. Les éléments architecturaux et les
chapiteaux sont dans la plupart des cas complétés par des motifs ornementaux peints (chapiteaux peints du rond-point de
Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers). Mais, surtout, l’essentiel du message iconographique se trouve peint sur les parois et la
voûte de l’édifice. Pour la première moitié du XIe siècle, les ensembles conservés sont rares. Les sources mentionnent un
cycle de l’Apocalypse et un Jugement dernier — aujourd’hui disparus — exécutés vers 1020-1030 par Odolricus, moine de
Saint-Martin de Tours, au revers de la façade de l’église de Saint-Benoît-sur-Loire. En Italie, l’église de Galliano (au sud de
Côme) possède une représentation du Jugement dernier des environs de l’an mil encore tributaire des solutions du passé. Il en
va de même pour la chapelle d’axe de la crypte de la cathédrale d’Auxerre où figure sur la voûte une croix avec le Christ à
cheval entouré d’anges. Le style et la palette restreinte des couleurs poursuivent encore la tradition carolingienne.
Tapisserie de Bayeux (scène 10)
Également connue sous le nom de broderie de la reine Mathilde, la tapisserie de Bayeux a été réalisée sur une toile longue de 70 m. Elle
relate en cinquante-huit scènes la conquête de l'Angleterre par les Normands, remportée par Guillaume le Conquérant en 1066. Dans cette
scène (la 10e), les envoyés du duc Guillaume sont chez Guy.Tapisserie de Bayeux, scène 10 : Ubi nuntii Willelmi ducis venerunt ad
Widonem, 1092. Musée de la Tapisserie de la reine Mathilde, Bayeux.
Bridgeman Art Library, London/New York

En revanche, les ensembles — ou les vestiges — de peintures murales sont beaucoup plus nombreux pour la fin du XIe siècle
et le début du siècle suivant. L’Italie, en étroite relation avec l’empire chrétien d’Orient, reste encore influencée par les
modèles byzantins (mosaïques de Saint-Marc de Venise ; peintures de Sant’Angelo in Formis, en Campanie). En France, à
partir de la fin du XIe siècle, on élabore un style plus autonome, comme Saint-Savin, dont le berceau de la nef centrale
comporte une peinture représentant un cycle de l’Ancien Testament. Selon des principes pleinement romans, les couleurs
offrent d’importants jeux de contrastes, les personnages sont en perpétuel mouvement et les drapés schématisés sont
parcourus de nombreux petits plis serrés et agités. Cette stylisation des formes, les effets de contraste des couleurs et le
dynamisme des formes se retrouvent également dans les quelques vitraux romans du XIIe siècle encore conservés (Vierge à
l’Enfant de l’église de la Trinité à Vendôme ; vitrail de la Crucifixion de la cathédrale de Poitiers).

5 LES ARTS SOMPTUAIRES

À l’époque romane, la production d’objets en matériaux précieux pour les trésors d’églises, afin de glorifier le monde divin,
est aussi importante qu’aux époques précédentes. Les ateliers de sculpture sur ivoire restent très actifs en Italie. Quant à la
statue-reliquaire de sainte Foy à Conques, confectionnée à partir d’une âme de bois recouverte de feuilles d’or ornées de
gemmes, elle témoigne de la grande maîtrise des orfèvres aux environs de l’an mil.

L’importance accordée aux matières qui, par leur éclat, peuvent évoquer la lumière divine fait que, dans les principaux foyers
artistiques, on porte un intérêt tout particulier à l’émail, notamment dans la région de la Meuse, en Espagne et en Aquitaine.
Antérieurement, cet art était surtout pratiqué à Byzance. Mais au lieu d’utiliser l’or, l’émail translucide et la technique du
cloisonné, les orfèvres romans préfèrent utiliser les fonds de cuivre, l’émail opaque et le champlevé (technique consistant à
creuser de petites cuvettes pour y déposer les émaux). À la fin du XIIe siècle, la ville de Limoges devient l’un des principaux
centres de production d’œuvres en émail, notamment des reliquaires (châsse reliquaire de sainte Valérie, v. 1170-1180,
musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg), exportés dans toute l’Europe. Un ciboire réalisé à la fin du XIIe siècle, conservé au
musée du Louvre, porte le nom de l’artisan qui l’a réalisé : maître Alpais, de Limoges.

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