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Commentaire de Texte 

: «Mémoire pure et mémoire habitude » de H. Bergson

Les êtres humains sont naturellement attirés par ce qu’ils ne comprennent pas, les concepts qui
dépasse les humains tels que la spiritualité, l’art, l’infini, la religion, la vie et la mort ont longtemps
fascinés ces derniers. Mais parmi ces concepts, un se démarque particulièrement, le temps. En effet, ce
concept à été défini et redéfini à travers l’histoire car extrêmement complexe et difficile à manipuler,
utiliser et démontrer tant scientifiquement que philosophiquement. Dans le texte que nous allons étudier,
«Mémoire pure et mémoire habitude » de H. Bergson, issu de Matière et mémoire, 1896, Bergson tisse
un lien entre le temps et sa perception et la conscience. Pour cela, il va distinguer deux types de
mémoire : la mémoire-habitude, utile à l’action, et la mémoire intégrale qui détient l’ensemble de notre
passé. Bergson pose le problème suivant : dans quel mesure notre mémoire intégrale est elle compatible
avec notre capacité à l’action ? Pour répondre à ce problème il soutient la thèse selon laquelle nous
n’avons pas directement accès à notre mémoire intégrale parce que nous sommes d’abord orientés par
l’action dans la vie ordinaire, de tout les jours. Néanmoins, la mémoire habitude est la preuve de la
mémoire intégrale. Tout d’abord, nous définirons les termes mémoire habitude et mémoire intégrale,
ensuite nous étudierons comment ses deux types de mémoires intéragissent entre elles et enfin nous
verrons quelle est la qualité d’un homme d’action.

Premièrement, dans le premier paragraphe, Bergson va tâcher de définir la mémoire-habitude :


« La conscience éclaire donc de sa lueur, à tout moment, cette partie immédiate du passé qui, penchée
sur l’avenir, travaille à le réaliser et à se l’adjoindre. » Le passé proche, immédiat, doit être utilisable et
analysable pour la prévision, pour la préparation de l’action future. Bergson définit donc d’abord une
conscience concrète, pragmatique. « Uniquement préoccupée de déterminer ainsi un avenir indéterminé,
elle pourra répandre un peu de sa lumière sur ceux de nos états plus reculés dans le passé qui
s’organiseraient utilement avec notre état présent, c’est-à-dire avec notre passé immédiat ; le reste
demeure obscur. » La mémoire-habitude sélectionne les souvenirs qui sont utiles à l’action. C’est là
même l’opération de sélection qui permets de s’adapter à son environnement. « C’est dans cette partie
éclairée de notre histoire que nous restons placés, en vertu de la loi fondamentale de la vie, qui est une
loi d’action : de là la difficulté que nous éprouvons à concevoir des souvenirs qui se conserveraient dans
l’ombre. » La loi fondamentale de la vie, la loi de l’action nous empêche d’accéder à des souvenirs
enfouies dans les ténèbres de notre esprit car cette loi est une loi sélective. Cependant, ces ténèbres, qui
sont bien là, sont notre mémoire intégrale, la totalité de notre passé conservée et présente dans chacun
de nos états de conscience. « Notre répugnance à admettre la survivance intégrale du passé tient donc à
l’orientation même de notre vie psychologique, véritable déroulement d’états où nous avons intérêt à
regarder ce qui se déroule, et non pas ce qui est entièrement déroulé. » Nous ne voulons pas admettre
l’existence de la mémoire intégrale, et donc la possibilité d’y accéder, puisque notre conscience et le
plus souvent tournée vers l’action.

Après cela, dans un second paragraphe, il explique le concept de mémoire intégrale plus
précisément : « Mais si nous ne percevons jamais autre chose que notre passé immédiat, si notre
conscience du présent est déjà mémoire, les deux termes que nous avions séparés d’abord vont se souder
intimement ensemble. Envisagé de ce nouveau point de vue, en effet, notre corps n’est point autre chose
que la partie invariablement renaissante de notre représentation, la partie toujours présente, ou plutôt
celle qui vient à tout moment de passer. Image lui-même, ce corps ne peut emmagasiner les images,
puisqu’il fait partie des images ; et c’est pourquoi l’entreprise est chimérique de vouloir localiser les
perceptions passées, ou même présentes, dans le cerveau : elles ne sont pas en lui ; c’est lui qui est en
elles. » Comme l’enveloppe qui contient une lettre bien plus puissante qu’elle, le corps ne fait que
contenir l’esprit, il n’est pas l’esprit. L’action est possible, mais l’esprit ne se limite pas qu’à l’action.
Lorsqu’on observe le cerveau en mouvement, nous apercevons ce qui est propre à l’action, mais pas la
mémoire intégrale, qui, elle, est propre à l’esprit. « Mais cette image toute particulière, qui persiste au
milieu des autres et que j’appelle mon corps, constitue à chaque instant, comme nous le disions, une
coupe transversale de l’universel devenir. C’est donc le lieu de passage des mouvements reçus et
renvoyés, le trait d’union entre les choses qui agissent sur moi et les choses sur lesquelles j’agis, le
siège, en un mot, des phénomènes sensori-moteurs. » Le sensori-moteur est la capacité sensible, qui
relève des sens. Ici encore, Bergson démontre que l’esprit est plus grand que le corps car ce dernier se
limite à l’action et au sensible, ce qui n’est pas le cas du premier.
« Si je représente par un cône SAB la totalité des souvenirs accumulés dans ma mémoire, la base AB,
assise dans le passé, demeure immobile, tandis que le sommet S, qui figure à tout moment mon présent,
avance sans cesse, et sans cesse aussi touche le plan mobile P de ma représentation actuelle de l’univers.
En S se concentre l’image du corps ; et, faisant partie du plan P, cette image se borne à recevoir et à
rendre les actions émanées de toutes les images dont le plan se compose. » La base AB représente la
mémoire intégrale : peu importe les actions qui sélectionnent les souvenirs mobilisés, le passé intégral
est présent, dans chacun des états de conscience. S est mobile, il dépend de l’action en cours tandis que
AB est constant et reste toujours présent.

Ensuite lors du troisième paragraphe, Bergson montre comment ces deux types de mémoires
s’articulent. « La mémoire du corps, constituée par l’ensemble des systèmes sensori-moteurs que
l’habitude a organisés, est donc une mémoire quasi instantanée à laquelle la véritable mémoire du passé
sert de base. » La mémoire intégrale représente une sorte de base de donnée dans laquelle la mémoire va
chercher afin de préparer l’action. La mémoire intégrale est donc indispensable à la seconde. « Comme
elles ne constituent pas deux choses séparées, comme la première n’est, disions-nous, que la pointe
mobile insérée par la seconde dans le plan mouvant de l’expérience, il est naturel que ces deux fonctions
se prêtent un mutuel appui. D’un côté, en effet, la mémoire du passé présente aux mécanismes sensori-
moteurs tous les souvenirs capables de les guider dans leur tâche et de diriger la réaction motrice dans le
sens suggéré par les leçons de l’expériencef : en cela consistent précisément les associations par
contiguïté et par similitude. Mais d’autre part les appareils sensori-moteurs fournissent aux souvenirs
impuissants, c’est-à-dire inconscients, le moyen de prendre un corps, de se matérialiser, enfin de devenir
présents. » La prévision et l’anticipation de l’action nécessite la sélection des souvenirs utiles à l’action.
Sans mémoire intégrale, pas d’accès à ses souvenirs et donc pas de sélection possible. « Il faut en effet,
pour qu’un souvenir reparaisse à la conscience, qu’il descende des hauteurs de la mémoire pure jusqu’au
point précis où s’accomplit l’action. En d’autres termes, c’est du présent que part l’appel auquel le
souvenir répond, et c’est aux éléments sensori-moteurs de l’action présente que le souvenir emprunte la
chaleur qui donne la vie. » La mémoire-habitude rends la mémoire intégrale plus concrète et plus
pragmatique.

Enfin, Bergson donne un sens très concret à cette analyse dans un quatrième et dernier
paragraphe en décrivant la qualité de l’homme d’action. « N’est-ce pas à la solidité de cet accord, à la
précision avec laquelle ces deux mémoires complémentaires s’insèrent l’une dans l’autre, que nous
reconnaissons les esprits « bien équilibrés », c’est-à-dire, au fond, les hommes parfaitement adaptés à la
vie ? Ce qui caractérise l’homme d’action, c’est la promptitude avec laquelle il appelle au secours d’une
situation donnée tous les souvenirs qui s’y rapportent ; mais c’est aussi la barrière insurmontable que
rencontrent chez lui, en se présentant au seuil de la conscience, les souvenirs inutiles ou indifférents. »
L’homme adapté à la vie, l’homme d’action est capable de se servir de sa mémoire intégrale afin
d’accéder aux souvenirs les plus pertinents dans la situation présente, il ne s’embarrasse pas des
souvenirs inutiles ou arrivant au mauvais moment. Les rouages de la mémoire intégrale et de la
mémoire-habitude s’intègrent parfaitement dans la machinerie de sa conscience.

Dans cet extrait, Bergson va d’abord distinguer deux types de mémoires : la mémoire intégrale,
toujours présente mais inaccessible, et la mémoire-habitude, qui sélectionne les souvenirs utiles à
l’action présente. Il va ensuite montrer comment ses deux types de mémoires s’articulent, comment
l’une et l’autre sont interdépendante, bien que la mémoire-habitude occulte la mémoire intégrale au
premier abord. Il montre aussi que l’existence de la première et la preuve de l’existence de l’autre.
Cependant, si notre mémoire intégrale nous est inaccessible, peut-on réellement affirmer qu’elle relève
plus de la conscience et non pas de l’inconscient ? Un schéma Freudien légèrement modifié pourrait
correspondre, avec un Moi représentant la mémoire-habitude, où seuls les souvenirs utiles à l’action
sont présents ; Un Ça représentant les souvenirs désordonnés jaillissant de la mémoire intégrale et le
Surmoi représentant la sélection effectué afin de ne garder que les souvenirs pertinents.

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