Vous êtes sur la page 1sur 102

UNIVERSITE PARIS 3 – SORBONNE NOUVELLE

UFR Littérature, Linguistique, Didactique

La fondation d’un Institut Brésilien à Paris

Mémoire présenté par


Alice Ferreira Fernandes ép. Lescat

Directeur de mémoire :
Monsieur Stéphane Lopez

Jury : Madame Mariella Causa

Année Universitaire : 2011/2012

Master 2 Professionnel
Didactique du français et des langues.
Parcours 3 : Ingénierie de formation pour les enseignements de
français langue étrangère et des langues

1
« J’ai deux amours, mon pays et Paris »
Josephine Baker

2
Remerciements

Nous souhaiterions tout d’abord remercier notre directeur de mémoire Monsieur


Stéphane Lopez d’avoir accepté notre projet et de nous avoir guidée minutieusement à chaque
étape de la construction de ce travail.

Nous sommes très reconnaissante envers les enseignants de l’Université Sorbonne-


Nouvelle Paris 3, en particulier Madame Jacqueline Penjon, Monsieur Godofredo de Oliveira
Neto et Monsieur Jean-Louis Chiss pour le temps accordé lors des entretiens et pour les
informations très enrichissantes fournies.

Un grand merci aussi à l’association Bião, qui dès le début de notre travail nous a
reçus à « portes ouvertes » et s’est toujours montrée désireuse de nous apporter de l’aide.

Nos remercions également Monsieur Alex Giacomelli, Ministre conseiller à


l’Ambassade du Brésil en France, sa secrétaire Madame Rafaela Vincensini et Monsieur
Bruno Zétola, diplomate responsable du centre culturel Brésil-Pérou pour l’attention accordée
à notre mémoire et pour l’intérêt porté à notre travail.

Mes plus sincères remerciements à tous ceux qui nous ont soutenue et encouragée dès
le début de nos recherches, en relisant des chapitres, en nous donnant des conseils et en
faisant des commentaires dans le but de voir notre projet aboutir

3
Sommaire

Introduction………………………………………………………………………………….. 5

Chapitre 1 – Représenter le Brésil………………………………………………………….. 8

1.1 Les représentations sociales………………………………………………………………. 8

1.2 Les représentations de la langue et de la culture brésiliennes en France....…...……...…. 30

Chapitre 2 – Etats des lieux………………………………………………………………... 48

2.1 Les Instituts dans le monde……………………………………………………………… 48

2.2 Le portugais langue étrangère…………………………………………………………… 61

Chapitre 3 – La fondation d’un institut brésilien à Paris…………………..…………….67

3.1 Les missions…………………………………………………………………..………......67

3.2 L’organisation…………………………………………………………………...………. 81

Conclusion…………………………………………………………………………..………. 88

Bibliographie………………………………………………………………………….……. 91

Sitographie…………………………………………………………………………….……. 91

Table des matières……………………………………………………………………..…… 95

Annexes……………………………………………………………………………………... 97

4
«(...) nous pouvons fonder sur le Brésil (…) nos meilleurs espoirs (...)
Lorsque, dans notre temps bouleversé, nous voyons encore des
zones d'espoir pour un nouvel avenir, c'est notre devoir d'attirer
l'attention sur ce pays, sur ces possibilités »

Stefan Zweig, « Brésil, terre d'avenir » (1925, p.27)

Introduction

Les relations culturelles entre le Brésil et la France remontent à des siècles, et plus
récemment, cela est également notable dans d'autres domaines, tels que l'économie,
l'éducation, etc. Les deux dernières décennies, en particulier, montrent un nombre significatif
d'échanges de manifestations culturelles, motivées par le renforcement des liens entre les deux
pays et par la mise en valeur de leur image à l'étranger.

L'image du Brésil en France fut ainsi perçue, au fil du temps, sous le prisme des
médias compte tenu de la distance géographique très importante entre les continents
américain et européen. Si cette image évolue - de l'univers exotique, de la nature sauvage, en
passant par la violence des favelas, les corps des sportifs, les fêtes et la libération sexuelle -
cela se fait par l'usage d’images fortement stéréotypées. En effet, les représentations sur le
Brésil en France s'inscrivent à la fois dans une logique commerciale et dans un imaginaire
européen issu de la confrontation avec l'Autre.

De ce fait, avons-nous décidé de nous pencher sur ces représentations afin de dégager
leur évolution à la suite des deux importants événements franco-brésiliens : les Réciproques
du Brésil et de la France1 et la saison culturelle Brésil-Brésils2. L'analyse documentaire des
principaux ouvrages sur ce sujet, révèle que, malgré la place croissante accordée au Brésil au
sein des actions culturelles en France, l’évolution des stéréotypes s’est avérée encore
insuffisante.

1 PARVAUX, S. & REVEL-MOUROZ, J. et al. (1991) : Images réciproques du Brésil et de la France.


Actes du Colloque organisé dans le cadre du projet France-Brésil. Collection Travaux et Mémoires de l'IHEAL,
n° 46.

2 Brésil, Brésil : Année du Brésil en France – Éphéméride. Ministère des Affaires Étrangères et
européennes et Ministère de la Culture et de la Communication (France), Ministério da Cultura (Brésil), AFAA.
Paris, 2006.

5
Dans cette perspective, nous envisageons de décrire dans le cadre de cette étude la
fondation d’un Institut Brésilien. En effet, une institution de ce type nous semble la plus à
même de tenir compte de l'évolution de l'image du Brésil en France. L'institut aura pour
mission d'assurer des actions permanentes pour la promotion de la langue et de la culture
brésiliennes et de favoriser les échanges culturels franco-brésiliens.

De par son concept, l'institut visera à mettre en place des activités, dans divers
domaines, notamment l'art, la musique, la danse, la langue et la littérature, tout en tenant
compte de la diversité culturelle brésilienne.

Parallèlement, notre expérience dans l'enseignement du portugais brésilien en France


et notre parcours universitaire en master 2, nous ont fortement encouragée à l'élaboration de
cet ambitieux projet. En effet, les motivations personnelles et professionnelles se rejoignent
pour mettre l'accent sur l'importance de l'expansion du réseau culturel brésilien à travers des
solutions qui prennent en compte les enjeux politiques et économiques actuels.

Ainsi, nous avons pris en considération les principaux mécanismes en vigueur offert
par le gouvernement brésilien, pour la diffusion de la langue et de la culture brésiliennes à
l'étranger : les centres culturels, les instituts et les lectorats. Il est apparu qu'il n'existe aucune
initiative gouvernementale pour l'implantation d'un centre ou d'un institut culturel brésilien en
France, de par le fait que sa politique culturelle extérieure ne privilégie pas la France parmi
les pays où le Brésil souhaite élargir son champ d'influence. Les lectorats révèlent ainsi le seul
mécanisme exprimant la volonté brésilienne de marquer sa présence en France, en sachant
que ce réseau cible un public presque exclusivement universitaire.

Ce constat nous a amenée à envisager un modèle de dispositif capable d'élargir le


public - et, par conséquent, le réseau - en permettant que les connaissances de l'université
soient plus largement partagées. L'institut favorisera également la centralisation de différentes
activités actuellement isolée, qui nuisent à la visibilité de l'action culturelle brésilienne.

En ce sens, nous nous sommes interrogés sur les démarches possibles pour envisager
la fondation d’un Institut Brésilien à Paris. Nous avons donc analysé l’action d'autres pays tels
que la France, l'Allemagne, l'Espagne, la Chine et le Portugal. De cette étude des réseaux

6
existants, il ressort différentes propositions pour l'élaboration de notre projet : à ce titre,
l'Institut Confucius est apparu comme une source d’inspiration très intéressante.

A l'instar des modèles étrangers, nous avons dégagé bases de la fondation de l'Institut
Brésilien. Nous avons considéré le travail des associations, de l'Ambassade, des institutions
privées et des universités, puisque notre proposition repose également sur une démarche de
coopération et de rassemblement de ces dispositifs, d'ores et déjà, opérationnels en France.

Pour ce faire, la réalisation d'entretiens s'est avérée essentielle auprès de quelques


principaux responsables du réseau culturel brésilien à Paris, notamment des présidents
d'associations, des enseignants d'université et du responsable du département culturel de
l'Ambassade du Brésil.

Dans cette optique, notre projet s'inscrit dans une logique de rapprochement entre la
France et le Brésil de manière à minimiser la distance géographique et à favoriser leurs
relations culturelles. Il semble évident que ce travail sera fondé sur une démarche
interculturelle impérativement nécessaire pour ne pas effectuer seulement la valorisation de la
culture et de la langue brésiliennes, mais aussi afin de favoriser de vrais échanges entre les
deux cultures.

Ainsi, nous présentons un travail en trois parties : dans un premier temps, nous nous
pencherons sur la notion de représentation et sur l’image du Brésil en France depuis les plus
importantes manifestations culturelles des dernières décennies. Dans un deuxième temps,
notre travail sera consacré à l’analyse des réseaux culturels, tels que l'Institut Français, le
Goethe Institut, l'Institut Cervantès, l'Institut Confucius, mais aussi des dispositifs de
promotion de la langue portugaise, notamment l'Institut Camões et les centres culturels
brésiliens. Enfin, nous présenterons le projet pilote tel qu’il pourrait être envisagé, dans une
perspective initiale, en tenant en compte des partenaires potentiels et des enjeux économiques
et politiques, sans négliger le contexte dans lequel il sera inséré.

7
1. Représenter le Brésil

Les images du Brésil en France à la fin des années quatre-vingts dix, selon une étude
réalisée par Ana Maria Montenegro (1991), se résumaient au « carnaval, ensuite, la pauvreté,
puis le football, le café, le soleil, Rio de Janeiro, le sous-développement »3.

Une décennie après, le Brésil a été l'invité d'honneur en France pour une saison
culturelle d'une année (2005) afin de diffuser la culture brésilienne. L'une des motivations
majeures du projet partait de l'idée que « les Français connaissaient très mal la réalité de la
grande culture brésilienne »4.

Des travaux5 postérieurs à l'Année du Brésil en France montrent que l'image du Brésil
n'a pas tellement changé en dépit de tous ces événements. Au contraire, les études récentes
insistent sur le fait que les représentations stéréotypées du Brésil ont gagné en force pendant
ces manifestations culturelles car les images diffusées s'appuyaient elles-mêmes sur des
stéréotypes. Nous nous demanderons ainsi quelles seraient les démarches les plus efficaces
pour un travail sur l’image du Brésil. Pour cela, nous formulerons certaines questions, qui
pourront nous guider tout au long de ce travail : quelles représentations les Français ont du
Brésil ? D’où viennent-elles ? Comment les observer ? Qu’a-t-on fait jusqu’à présent pour
favoriser de vrais échanges entre ces deux pays, en ce qui concerne son image ?

Pour répondre à toutes ces questions, il convient de préciser quelle sera la base
théorique de notre analyse. Ainsi, dans un premier temps, nous aborderons la notion
théorique des représentations sociales, puis dans un deuxième temps, notre travail reposera
sur l’analyse documentaire des travaux portant sur l'image du Brésil en France.

1. 1. Les représentations sociales

Les représentations sociales s’avèrent une voie pertinente pour notre travail par son
aspect, entre autres, complexe. La complexité est la base de l’étude des représentations car

3 Images réciproques du Brésil et de la France. Actes du Colloque organisé dans le cadre du projet France-
Brésil (1991) sous la direction de PARVAUX, S. & REVEL-MOUROZ, J., Collection Travaux et Mémoires
de l'IHEAL, n° 46, p. 80.
4 Citation catalogue « Brésil-Brésils », Ephéméride, 2005.
5 Thèses, mémoires et articles cf. bibliographie

8
elle rend compte du contexte et des conditions dans lesquelles les représentations se
produisent et circulent.
Pour cerner cette notion, il convient d’évoquer les principaux auteurs de l’étude des
représentations et leur regard. C’est, en effet, grâce aux études en psychologie sociale
effectuées par Serge Moscovici que les représentations prennent de l’ampleur, du moins, en
France, et à partir des années soixante. Ses ouvrages influencent de nombreux travaux ces
dernières décennies, notamment dans le domaine des sciences humaines (anthropologie,
langues, littérature, etc.).

S’ajoutent, entre autres, à la génération des psychologues sociaux dont fait partie
Serge Moscovici, les auteurs Jean-Claude Abric, Willem Doise, Claude Flament et Denise
Jodelet. Nous leur emprunterons donc quelques réflexions sur les représentations, qui nous
guideront tout au long de notre étude sur l’image franco-brésilienne.

Aussi peut-on évoquer une première définition des représentations sociales, élaborée
par Denise Jodelet. L’auteure les définit en ces termes :

« une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée


pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble »
(Jodelet 1989, p.37).

En ce sens, nous pouvons dire que la « visée pratique » des représentations est la
tentative d'un individu d’appréhender la réalité, et que ce savoir est nécessairement concerté
avec d’autres individus. Autrement dit, la réalité est co-construite dans un processus de
négociation avec d'autres membres d’une communauté.

Les représentations jouent, ainsi, un rôle déterminant dans la façon dont l’individu se
positionne face à la réalité. A ce sujet, Denise Jodelet (1989) précise que les représentations :
« nous guident dans la façon de nommer et de définir ensemble les différentes aspects de notre
réalité de tous les jours » (Denise Jodelet 1989, p. 31). Il est important de noter que la
représentation est toujours la représentation de quelque chose et de quelqu'un, elle n'existe pas
sans la mise en relation de ces éléments. De plus, on élabore les représentations sociales d'une
culture, d'un pays, d'un objet, d'un individu, en tenant compte du rapport que l'on entretient
avec cet objet et notre vécu.

9
Jean-Claude Abric (1989) explicite les facteurs en jeu dans l'élaboration des
représentations sociales en ces termes :

« La représentation est donc un ensemble organisé d’opinions, d’attitudes, de


croyances et d’informations se référant à un objet ou à une situation. Elle est
déterminée à la fois par le sujet lui-même (son histoire, son vécu), par le système
social et idéologique, dans lequel il est inséré, et par la nature des liens que le sujet
entretient avec ce système social. » (Jean-Claude Abric 1989, p. 188)

Cet ensemble de connaissances est présenté comme du « savoir naïf » ou « savoir du


sens commun » (Denise Jodelet 1989), car, dans l'appréhension et la compréhension du
monde, l'individu est amené à simplifier les informations de l'univers de l'objet auquel il est
confronté, pour mieux les agencer. Ainsi, si la représentation sociale est une forme de
connaissance, elle a tendance à réduire et à vulgariser les connaissances scientifiques.

Denise Jodelet (1989) met l'accent sur le fait que cette connaissance ne doit pas être
perçue comme fausse ou erronée : il s'agit du produit d’un processus naturel d’appréhension
du monde. Dans ce processus, l’auteure observe que dans la formation d’une connaissance
dite « populaire », les représentations jouent un rôle important en tant que : « système
d’accueil pouvant faire obstacle ou servir de point d’appui à l’assimilation du savoir
scientifique et technique. » (Denise Jodelet 1989, p. 46). De ce fait, le processus d'élaboration
des représentations a sa légitimité en ce qui concerne l'analyse des mécanismes de la pensée.

Il est possible d'affirmer, ainsi, que la représentation sociale est à la fois un processus
d’interprétation et d’appropriation de la réalité, et un produit d’une activité mentale. Si d'une
part, le processus permet de mettre en lumière les fonctions de la représentation, d'autre part,
la représentation sociale en tant que produit met en valeur son importance sociale dans les
rapports entre groupes et individus.

Il convient aussi de mettre l'accent sur l'une des fonctions majeures de la


représentation sociale : sa capacité de rendre présent l’objet quand il est lointain ou absent.
Comme le souligne Denise Jodelet (1989), les représentations ont leur part de « re-
construction, d’interprétation de l’objet et d’expression du sujet ». La représentation a pour

10
fonction de reconstruire et d'interpréter la réalité, ainsi que de permettre à l'individu de
s'exprimer selon les rapports qu'il entretient avec l'objet.

Serge Moscovici (in Danièle Moore 2001) définit deux processus dans l'élaboration
des représentations sociales : l’objectivation et l’ancrage. L'individu, confronté à une
situation ou bien à un objet est amené à saisir les informations dont il dispose sur cet élément
nouveau. Ce processus d'objectivation permet de transformer ces informations en images
signifiantes : ces images moins riches en informations facilitent la compréhension de la
situation. Le deuxième processus - celui de l’ancrage - fonctionne comme un mécanisme
d’accrochage de nouvelles informations à celles qui appartiennent à un univers déjà familier.
Véronique Castellotti et Danièle Moore (2002) le définissent comme suit :

« il s'agit de rendre intelligible ce qui est nouveau ou étranger et de permettre une


meilleure communication, en offrant des outils communs d'analyse des
événements » (Castellotti & Moore, 2002, p. 9)

L’ancrage succède, selon Denise Jodelet (1989), à une nouveauté incontournable qui
ne peut pas recourir à l’évitement. Ainsi, cette nouvelle information est traitée en visant
l’intégration dans l’univers de pensée préexistant et familier.

Ces deux mécanismes nous permettent de constater d'autres fonctions attribuées à la


représentation sociale : le maintien de l'identité sociale et l'équilibre sociocognitif des
nouvelles informations. Denise Jodelet (1989) affirme ainsi que ces fonctions ne font que
démontrer un système de défense, mobilisé dans la confrontation avec une nouveauté.

Selon Nathalie Müller et Jean-François De Pietro (2001), c’est grâce à la richesse, à la


souplesse et à la polyvalence des représentations que celles-ci peuvent être observées, entre
autres fonctions, en tant que supports aux échanges interpersonnels, qu'outils de cognition et
d’appréhension du monde et que marqueurs d’identité. Geneviève Zarate (1986), dans son
ouvrage : Enseigner une culture étrangère, observe que les rapports entre groupes et
individus, entraînent nécessairement des problématiques liées à l'identité. A ce propos,
l'auteure affirme que « l'organisation du monde est directement liée aux problèmes
d'identité »6 et, plus loin, que : « la confrontation avec l'Autre, c'est une définition de soi qui

6 Geneviève Zarate 1986, p. 35.

11
se construit »7 . L'individu face à une culture étrangère met en valeur les traits qui permettent
de le distinguer de ce nouvel élément.

Deux autres fonctions s’ajoutent à celles-ci : les fonctions de protection et de


légitimation (Denise Jodelet, 1989). Pour illustrer ce propos, Denise Jodelet (1989) choisit
l'analyse d'une situation pratique où les habitants d'une communauté vivent en liberté avec des
malades mentaux, dans un milieu rural. Pour gérer les rapports avec ces malades, les habitants
construisent des représentations de la maladie de façon à faciliter leur coexistence quotidienne
sans pour autant être confondus avec eux. C'est-à-dire que la représentation est produite dans
des conditions et des finalités spécifiques.

Si les représentations sociales sont observables dans les comportements, comme


Denise Jodelet a pu l'illustrer antérieurement, elles sont appréhendées également dans
d'autres contextes. A ce sujet, elle précise :

« elles [les représentations sociales] circulent dans les discours, sont portées par les
mots, véhiculées dans les messages et images médiatiques, cristallisées dans les
conduites et les agencements matériels ou spatiaux » (Denise Jodelet 1989, p. 32).

Les représentations circulent dans divers formes d’expression et dans les


comportements, qui résultent de ce processus. Il est important de noter que la construction des
représentations sociales est produite par des réseaux de communication institutionnels ou
informels. A ce propos, Denise Jodelet évoque l’origine des théories nommées « spontanées »
qui ajoutent à la définition des représentations l’idée de : « versions de la réalité qu’incarnent
des images ou que condensent des mots, les uns et les autres chargés de significations »
(Denise Jodelet 1989, p. 35).

Ainsi, les groupes partagent une vision consensuelle de la réalité, qui n’est pas
nécessairement la même version de la réalité, perçue par d’autres groupes. Cela relève du
caractère dynamique de la représentation sociale et met en exergue les fonctions sociales des
représentations. Comme nous avons pu le constater précédemment, l'une des fonctions

7 Geneviève Zarate 1986, p. 39.

12
principales de la représentation est de mettre les groupes en rapport. Ceci peut être conflictuel
si les groupes ne partagent pas la même vision du monde.
Cet aspect social est mis en lumière par Nathalie Müller et Jean-François De Pietro
(2001), lorsqu'ils définissent deux positions dans l’appréhension des représentations :
l’objectivante et la constructionniste. La première considère que les représentations sont
indépendantes des situations d’interlocution, tandis que dans la conception constructionniste,
les représentations sont actualisées par les acteurs sociaux dans et par la communication.

Il s'agit des deux positions complémentaires dans le processus de genèse des


représentations, en écho à la théorie de l'ancrage et de l'objectivation proposée par Jean-
Claude Abric. Si les représentations peuvent être indépendantes, cela veut dire qu’elles
s’appuient sur des « cadres de pensée préexistants » de l’individu ou du groupe, pour tirer des
significations d’une situation sociale. Toutefois, ce n’est que dans la confrontation à la
nouveauté que ces représentations objectivantes sont observables à travers leur rôle de
familiarisation et d’intégration de cette nouvelle connaissance dans l’univers de pensée
préexistant.

En ce sens, on observe que la communication sociale joue un rôle très important dans
les conditions de détermination des représentations en raison de « ses aspects interindividuels,
institutionnels et médiatiques » (Denise Jodelet 1989, p. 47). L'aspect interindividuel
s'explique par le fait que tous les groupes ne sont pas exposés de manière égale aux
informations, celles-ci pouvant être dispersées ou décalées de la réalité selon l'effet souhaité
par celui qui les diffuse. La communication relève de l'institutionnel car elle est capable
d'influer sur les échanges et les interactions dans la recherche d'un univers consensuel. Et le
caractère médiatique suppose l'influence de la communication sociale sur les opinions, les
stéréotypes et les attitudes, tous les trois modulés selon l'effet recherché par l'émetteur de
l'information.8

Ainsi, le sort de la représentation dépend, la plupart du temps, de ce que l'on fait de


cette connaissance au travers de la communication sociale. Denise Jodelet explique que « la
peur, le rejet de l'altérité entre autres suscitent des échanges qui donnent corps à des
informations ou événements fictifs » (Denise Jodelet 1989, p. 48). Le collectif peut donc

8 Serge Moscovici in Denise Jodelet, 1989.

13
« fabriquer » des faits à partir des sentiments partagés au sein d'une même communauté,
même s'il s'agit au départ d'une rumeur ou d'une légende.

Cela nous renvoie à une caractéristique primordiale de la représentation sociale : sa


dimension symbolique. Jean-Claude Abric (1989) souligne que les représentations sociales
sont appréhendées dans leur dimension symbolique, c'est-à-dire qu'il est question de tenir
compte de l’image que l’on a de tel objet et non de l’objet lui-même. C'est pourquoi les
représentations d'une situation ne relèvent pas nécessairement des faits, qui constituent cette
situation, car eux-mêmes sont une construction sociale.

Nous avons pu, jusqu'à présent, mettre en valeur les principales caractéristiques de la
représentation sociale. Cela nous permet d'observer l'importance de ce champ d'étude pour la
compréhension de l'image que l'on se fait de l'Autre. Denise Jodelet (1989) souligne, dans son
article : Représentations sociales : un domaine en expansion, l’importance de ce champ, en
tenant compte de trois de ses particularités : la vitalité, la transversalité et la complexité.

La notion de représentations, telle qu’elle est réactualisée par Serge Moscovici (1961)
à partir de la notion d’Emile Durkheim9, a connu une période très riche dans le champ de la
psychologie et des sciences sociales. L’ouvrage de Denise Jodelet (1989) présente une vaste
bibliographie mettant en valeur les premières recherches à propos de la notion. L’auteure
insiste sur le fait que ce n’est pas seulement le nombre de publications qui révèle le caractère
fondamental de la représentation sociale, mais plutôt la diversité des champs où la notion est
convoquée. Son dynamique explique qu’elle dépasse les limites de la psychosociologie. A ce
propos, Denise Jodelet mentionne :

« Située à l’interface du psychologique et du social, la notion a vocation pour


intéresser toutes les sciences humaines. On la retrouve à l’œuvre en sociologie,
anthropologie et histoire : étudiée dans ses rapports à l’idéologie, aux systèmes
symboliques et aux attitudes sociales que reflètent les mentalités » (Denise Jodelet
1989, p. 40)

9 Emile Durkheim (1898) est le premier à cerner la notion des représentations. Toutefois, son concept tenait
compte des représentations individuelles et collectives séparément. Tandis que chez Serge Moscovici (1961)
les représentations sociales relèvent à la fois l'individuel et le social.

14
Si d’une part, la notion de représentation sociale a permis de nouvelles et fécondes
perspectives dans différents champs, d’autre part, elle dépend de la coordination de ces divers
champs pour tenir compte de sa complexité. Denise Jodelet explique que c’est dans la
transversalité et la complexité de la représentation sociale que réside l’un des apports les plus
importants de ce champ d’étude.

La complexité est due également à la position mixte de la représentation sociale, qui


croise des concepts sociologiques avec des concepts psychologiques (Serge Moscovici 1976
in Denise Jodelet). La représentation sociale rend compte ainsi de la complexité du rapport
qu’entretiennent l’objet et le sujet. Comme nous l'avons souligné antérieurement, les
caractéristiques de l’objet et de l’individu influent sur l’élaboration de la représentation
sociale.

Ainsi, l’étude des représentations sociales doit respecter la complexité en jeu. A ce


sujet, Denise Jodelet propose:
« Les représentations doivent être étudiées en articulant éléments affectifs, mentaux et
sociaux et en intégrant à côté de la cognition, du langage et de la communication, la
prise en compte des rapports sociaux qui affectent les représentations et la
réalité matérielle, sociale et idéelle» (Denise Jodelet 1989, p.41).

Si la théorie de Serge Moscovici (in Denise Jodelet 1989) explore les pôles
psychologiques et sociaux, elle prend en compte à la fois les événements intra-individuels et
les processus idéologiques et culturels.
En somme, les représentations sociales peuvent être considérées sur la base de trois
champs d’études, comme le définit François Laplantine (in Denise Jodelet, 1989) : le champ
de la connaissance, le champ de la valeur et le domaine de l’action. Le premier champ
considère la représentation sociale en tant que savoir, elle est « une forme de connaissance »,
comme l’affirmait Denise Jodelet (1989). Le domaine de la valeur prend en compte le
caractère évaluatif des représentations, l’individu attribue à l’objet des jugements, qui lui
permettront d’agir face à l’objet. L’individu est donc amené à saisir les connaissances qu’il a
de tel objet avant de l’appréhender mais, aussi, avant de passer à l’action. Le domaine de
l'action stipule que la représentation a une incidence sur l'action car elle précède les
comportements.

15
Nous avons pu souligner, jusqu'à présent, quelques points importants pour définir la
représentation sociale et comprendre son fonctionnement, il convient désormais de nous
pencher sur les éléments, qui la constituent et l’organisent.

1.1.1 Le noyau central

Si les représentations sociales sont socialement partagées comme nous l’avons montré
auparavant, elles sont difficilement malléables une fois élaborées par un groupe déterminé.
Ceci est dû à une caractéristique particulière des représentations, qui fait l’objet d’une étude
très rigoureuse chez Jean-Claude Abric (1988).

Selon l’auteur, toute représentation est organisée autour d’un noyau central. Cette
partie est considérée comme l'élément le plus stable de la représentation et celui qui résiste le
plus au changement (Jean-Claude Abric, 1989).

En contrepartie, autour du noyau central, il existe ce que l’on nomme des schèmes
périphériques, partie plus malléable des représentations. Ceci dit, on distingue d’une part le
rôle d’élément unificateur, stabilisateur et organisateur (Danièle Moore, 2001) du noyau
central, et d’autre part, les schèmes périphériques, qui permettent des modulations
individualisées, première étape vers la transformation effective d’une représentation.

Les deux fonctions majeures du noyau central, au sein de la représentation sociale,


sont la fonction génératrice - c’est par le noyau central que les éléments constitutifs de la
représentation gagnent en signification - et la fonction organisatrice, « le noyau central
détermine la nature des liens, qui unissent entre eux les éléments de la représentation »
comme l’affirme Jean-Claude Abric (1989, p. 197).

C’est-à-dire qu’il est possible d’envisager un changement dans les schèmes sans pour
autant changer la signification centrale. Le changement dans les schèmes périphériques peut
donc relever d’une position individuelle, qui s’oppose à celle du groupe : cela n’implique
pourtant pas que l’individu ne partage plus les représentations du groupe.

Ces éléments centraux dépendent de différents aspects, notamment de la nature de


l’objet, des rapports que le sujet entretient avec cet objet, mais surtout de la finalité de la
situation dans laquelle la représentation est construite (Jean-Claude Abric, 1989). Comme

16
nous avons pu l'observer précédemment dans la situation évoquée par Denise Jodelet (1989),
les représentations sont construites selon les critères stipulés par les acteurs sociaux (les
habitants de la communauté se représentent la maladie de manière à favoriser la vie
quotidienne avec les malades).

Malgré son caractère stable, il est possible de faire évoluer ou transformer le noyau
central d’une représentation, ce qui impliquerait directement un changement de sa partie
significative, c'est-à-dire, de la représentation elle-même. De plus, la transformation du noyau
central n’est envisageable qu’à travers un désaccord significatif entre la réalité et la
représentation. A ce propos, Claude Flament affirme en ces termes :

«S’il y a contradiction entre réalité et représentation, on voit apparaître des schèmes


périphériques étranges, puis une désintégration de la représentation. Si la réalité
entraîne simplement une modification de l’activité des schèmes périphériques, il peut
s’ensuivre une transformation progressive, mais néanmoins structurale, du noyau
central » (Claude Flament, 1989, p. 218)

Si nous envisageons la transformation des représentations, cela n’est possible qu’à la


condition de mettre en cause au moins un élément du noyau central (Pascal Moliner, 1988).
Pour cela, les nouvelles pratiques sociales doivent s’opposer radicalement au sens de la
représentation. Claude Flament explique qu'au sein d'une population, on peut partager une
même représentation sur un objet, par exemple l'étude de Chauvet (1988 in Claude
Flament), qui montre que la bibliothèque représente une « culture-savoir » pour des lecteurs
de différentes classes sociales. Néanmoins, chaque individu ayant des pratiques plus ou moins
intenses par rapport à l'objet « culture-savoir », les discours sur l'objet peuvent changer. Ainsi,
les schèmes de la représentation peuvent être activés par les pratiques et le changement des
schèmes peut impliquer une transformation du noyau central, en l'occurrence la représentation
« culture-savoir ».

Claude Flament ne souligne pas seulement l'importance des schèmes périphériques dans
la transformation de la représentation, mais aussi dans son fonctionnement. Les schèmes
normaux, comme il les nomme (1989), permettent le fonctionnement quasi-instantané de la
représentation : l’individu analyse une situation sans remettre en cause le principe
organisateur de la représentation, dont le noyau central est responsable.

17
En ce sens, Pascal Moliner (in Claude Flament, 1989) propose d’appréhender les
schèmes en tant que caractéristiques de l’objet de représentation, tandis que le noyau central
représente une partie abstraite par rapport aux autres éléments de la représentation. Pour
illustrer ce constat, Claude Flament propose de comparer les termes « égalité » et l'idée de
« convergence d’opinion » au sein d'un même groupe. L'idée de « convergence d'opinion »
veut dire que tous les membres d'un groupe déterminé s'attendent à partager un avis sur un
même thème car ils partent du principe d'égalité entre eux. Ainsi, la « convergence d'opinion »
n’est que la conséquence du premier terme, « l'égalité », le noyau central de la représentation.

Le noyau central représente donc une partie abstraite de la représentation sociale,


capable d'orienter les autres éléments appuyés sur des notions stabilisées. Afin de comprendre
les moyens par lesquels on peut, dans un premier temps, appréhender les représentations et,
dans un deuxième temps, les faire évoluer, il convient de distinguer les représentations
sociales en tant que processus naturel des représentations stéréotypées.

1.1.2 Le stéréotype

« (…) un degré d’aveuglement et de surdité à l’altérité »


(Castellotti & Moore 2002, p.15)

Il est important d’observer que si les représentations peuvent être perçues en tant que
processus de reconstruction et d’interprétation de l’objet, ainsi que de l’expression du sujet,
on observe différents effets qui résultent de ce processus. A ce sujet, Denise Jodelet (1989)
précise :

« Ce décalage peut être dû également à l'intervention spécifiante des valeurs et codes


collectifs, des implications personnelles et des engagements sociaux des individus »
(Jodelet 1989, p. 53)

L'auteure distingue trois types d'effets : les distorsions, les supplémentations et les
défalcations (Ibidem 1989, p. 53). Le phénomène de distorsion tend soit à réduire, soit à
inverser les attributs d’une représentation. Il s'agit de garder les mêmes caractéristiques de la
représentation, tout en accentuant d'autres valeurs. Pour illustrer ce phénomène, elle cite Paul-
Henry Chombart de Lauwe (1984, in Denise Jodelet), qui prend le cas de représentations de la
catégorie sociale dominée, les enfants et les femmes, en rapport avec la catégorie dominante,

18
les adultes et les hommes. Si ces deux catégories partagent certaines caractéristiques - les
filles peuvent se comporter comme des garçons - pour les distinguer, on peut « réduire » cette
catégorie dominée en affirmant que les filles sont plus faibles. On peut également affirmer, à
travers l'inversion des valeurs, que les enfants sont le reflet inversé de la représentation de
l'adulte. Ainsi, l'individu, dans une tentative de réduire les dissonances cognitives avec l'objet
évalue différemment ses qualités.

Denise Jodelet (1989) souligne que l’effet de supplémentation, comme son nom
l'indique, ajoute des attributs et des connotations à la représentation. L'individu crée donc des
significations à l'aide de son propre imaginaire. Il est courant, dans une confrontation avec
l'autre d'attribuer des traits, qui appartiennent à soi. Elle explique que : « la projection sur
autrui sert à respecter l'estime de soi, une représentation d'autrui conforme à soi valorise sa
propre image construite eu égard à des groupes de référence » (Ibidem, 1989, p. 54). A ce
propos, l'auteure cite l'étude de Françoise Lugassy (1970, in Denise Jodelet) : « la nature » et
« la forêt » peuvent s'opposer à partir du moment où l'on affirme que la première est contraire
à « la ville », et que la seconde peut être la connotation de l'image du corps et de la sexualité –
on ajoute dans ce cas une valeur à « la forêt », pour la distinguer de la nature.

Le troisième effet, celui de défalcations, est caractérisé par les suppressions d’attributs
de la représentation. De ce fait, il résulte d'une action répressive et inconsciente, comme
l'explique Denise Jodelet dans l'exemple des malades mentaux. Les parents et les éducateurs
des handicapés mentaux ont des représentations différentes de leur sexualité, car chacun
occupe un rôle différent dans la relation avec le malade. Les parents le voient désexualisé et
affectif, tandis que les éducateurs le prennent pour un enfant à la sexualité sauvage. Ainsi, la
libido, dans ce contexte précis, est un tabou et cet attribut tend à être supprimé chez les
malades mentaux.

Quel que soit l’effet, il s’agit de nous pencher sur toutes les sortes de représentations,
qui puissent impliquer de la simplification ou de la généralisation d’un groupe ou d’un
individu donné. Pour cela, il convient d’évoquer quelques précisions sur ce que l’on nomme
le stéréotype.

Pour Maddalena De Carlo (1998), il existe un lien étroit entre production de


stéréotypes et formation de l’identité. Ainsi, il est tout d’abord nécessaire de comprendre les

19
points communs et divergents entre le stéréotype et les représentations. L. Bardin a choisi de
définir le stéréotype dans les termes suivants :

« c’est la représentation d’un objet (choses, gens, idées) plus au moins détachée de sa
réalité objective, partagée par les membres d’un groupe social avec une certaine
stabilité. » (Laurence Bardin, in Geneviève Zarate 1987, p. 64)

On constate que le stéréotype implique un détachement de la réalité objective, mais il


est également un savoir socialement partagé, résultat d'un processus d'appréhension du
monde. Toutefois, ce qui caractérise un stéréotype c’est sa façon de produire les
connaissances au travers de deux processus, celui de simplification et de généralisation.

Cela signifie que l’individu applique une spécificité d’un groupe culturel ou d’un pays
à tous les membres, qui en font partie en respectant un nombre fermé d’attributs. L’individu
choisit, parmi une gamme d’images et de descriptions qu’il a de l’autre, celles qui lui
conviennent le mieux pour le représenter. Selon Maddalena De Carlo, c’est dans ce choix que
le stéréotype se produit car l'individu saisit : « une vision du monde qui considère comme
pertinent de distinguer les hommes selon certains éléments plutôt que d’autres » (Maddalena
De Carlo 1998, p. 86). A ce propos, Geneviève Zarate (1987) stipule que le stéréotype, dès le
premier contact entre deux cultures différentes, entraîne les comportements suivants :

« la redéfinition de l’identité maternelle, la reconnaissance positive ou négative des


différences, la production de jugements de valeur qui impliquent, dans la diversité des
pratiques, la supériorité ou l’infériorité d’une culture par rapport à une
autre. » (Geneviève Zarate 1987, p. 37).

Ainsi, l’auteure constate qu'un processus de simplification a lieu lorsque l’individu


doit s’affirmer devant l’autre. Même s'il s’agit d’un processus naturel d'appréhension de la
réalité et de construction identitaire, la simplification de la réalité est particulière à la
représentation stéréotypée.

Au-delà des deux processus, cités précédemment, le phénomène de simplification


s’explique d'une part, par la difficulté que l’individu éprouve devant une réalité trop complexe
pour être appréhendée dans sa totalité (Maddalena De Carlo, 1998) ; d'autre part, comme le

20
constate Henry Moniot (1991) « l'Autre dérange, puisque différent, il faut le réduire, le
domestiquer, lui trouver une place, un rôle, on le déchiffre à travers l'image idéale de soi »10.

Si l’Autre se définit sur la base de sa diversité, Maddalena de Carlo (1998) constate


deux formes d’appréhension de l’autre, selon la distance qui les sépare. Pour ceux, qui sont
proches de nous, nous avons plutôt tendance à élaborer des stéréotypes nommés « stéréotypes
dévalorisants », tandis que pour les cultures lointaines, il s'agit du stéréotype de l’exotisme.

La distance influe donc sur la formation des stéréotypes : soit les voisins sont trop
proches et cela entraîne l'élaboration de stéréotypes dévalorisants pour s'affirmer devant
l'autre ; soit la distance complète la réalité en donnant place à l'imaginaire. Le stéréotype
englobe donc certains effets que nous avons cités auparavant, notamment l'effet de
supplémentation.

Or, si les membres d'une communauté construisent des stéréotypes sur une autre
communauté, ils sont capables d'élaborer également des représentations stéréotypées sur leur
propre culture. De ce fait, Geneviève Zarate (1987) distingue les stéréotypes construits au sein
d'une même communauté, l'autostéréotype, de ceux que l'on fait d'une communauté à laquelle
on n'appartient pas, l'hétérostéréotype. Ces deux phénomènes soulignent le fait que le
stéréotype n'est pas une construction totalement étrangère. C'est-à-dire qu'il est possible
d'avoir une image de sa propre culture plus ou moins écartée de la réalité.

Il est important de souligner que les représentations stéréotypées ne sont pas des
connaissances sans histoire. En effet, les stéréotypes ont fréquemment un fondement ancré
dans l'histoire que l'individu partage avec d'autres individus (ou groupes). Leur formation et
circulation dépendent également de cette histoire.

En ce sens, Maddalena De Carlo souligne l’importance de la dimension narrative de


l'identité des groupes ou des individus, c’est-à-dire, la capacité que nous avons de nous
raconter nous-mêmes. Cet élément influe directement sur les représentations que les autres se
font de nous. A ce propos, l’auteure explique en ces termes :

« (…) la narrativité se présente comme un espace privilégié de rencontre et d'écoute


réciproque, de fragments de vie, dans lesquels se reconnaître, se refléter, découvrir

10 Henri Moniot (1991) article paru dans Les Réciproques du Brésil et de la France. Cf. Bibliographie.

21
analogie et pluralité de sensibilités et de comportements ; surtout elle implique, par sa
propre nature, une attitude historique, transformatrice, donc opposé à toute rigidité»
(De Carlo 1998, p. 90)

Ainsi Maddalena de Carlo (1998) insiste sur le fait que la narrativité permet à
l'individu de regrouper des caractéristiques de sa propre culture, en plaçant sa communauté
dans le monde. Il s’agit d’une construction culturelle, dont le but principal est de définir les
frontières entre sa propre culture et la culture de l’autre. Cela explique pourquoi le discours
que nous faisons de lui n'est qu'une constante tentative de construction de soi-même (Clara
Gallini in Maddalena De Carlo).

Toutefois, si la confrontation entre cultures peut générer des stéréotypes, elle est, avant
d'être une inclinaison vers une appréciation ou une dépréciation, la base de la construction des
représentations.

Nous disposons, ainsi, de nombreux éléments à saisir pour effectuer l’analyse des
représentations. Néanmoins, il convient de mettre en lumière les principales méthodes existant
dans le champ des représentations sociales et de tenir compte de leur espace d'étude. Serge
Moscovici (1961) met évidence deux méthodes : la méthode d’observation et la méthode
expérimentale. La première consiste en un travail réalisé par des enquêtes et des
questionnaires. Il convient de préciser que cette méthode prend en compte les représentations
que l’individu affirme avoir. Tandis que dans la méthode expérimentale, consiste plutôt à
insérer l’individu dans une mise en scène, afin de vérifier les comportements liés à des
représentations présupposées.

La méthode expérimentale semble avoir du succès parmi les chercheurs en


psychologie sociale, car les acteurs sociaux, qui ne maîtrisant pas toute la situation dans
laquelle ils se retrouvent, seraient amenés à agir de manière plus naturelle. Jacqueline Billiez
et Agnès Millet (2002), dans une étude des représentations des langues, et notamment les
pratiques langagières, observent qu’il existe souvent une confusion entre ce que les personnes
disent qu’elles font et ce qu’elles font réellement, lors de l’application de la méthode
d’observation (enquête, sondages, interviews).

22
Pour cerner l'espace d'analyse lors d'une étude des représentations, nous nous
penchons sur le schéma nommé : L’espace d’étude des représentations sociales, et proposé
par Denise Jodelet (1989).
Il s'agit pour l’auteure de synthétiser les problématiques et les axes de développement
d'un espace d'étude considéré comme multidimensionnel, car il existe une multiplicité de
perspectives, selon les aspects mis en évidence. C'est à partir des définitions, abordées tout au
long de ce chapitre, que Denise Jodelet met en lumière, au travers de ce tableau, les conditions
de production et de circulation, les processus et les états des représentations sociales, et leur
statut épistémologique.

Nous pouvons donc appréhender la représentation sociale en tant que forme de savoir
pratique puisque la représentation sociale est une forme de connaissance, qui permet d'agir
sur le monde ou sur autrui. De plus, la représentation sociale permet la modélisation de l'objet
car celui-ci n'est pas directement observable : c'est la dimension symbolique, qui est prise en
compte dans une étude des représentations sociales. Le sujet et l'objet étant donc reliés par la
représentation, il est important de noter que : « la particularité de l'étude des représentations
sociales est d'intégrer, dans l'analyse de ces processus, l'appartenance et la participation
sociales et culturelles du sujet » (Denise Jodelet 1989, p. 43).

Dans cette optique, le schéma, proposé ci-dessous, par cette auteure explicite les
déclinaisons possibles du sujet : épistémique, psychologique, social ou collectif. Il en est de
même pour l'objet, qui peut être cerné en tant qu'objet humain, social, idéel ou matériel. La
lecture du tableau nous permet d’appréhender la représentation sociale en tant que processus
et produit, ceci comprenant les effets et les valeurs de la réalité.

Parallèlement, Denise Jodelet propose trois questions qui ressortent de l'articulation de


ces éléments, pour mieux comprendre l'espace d'études des représentations sociales. L'auteure
l'exprime en ces termes:

- « Qui sait et d’où sait-on ? »


- « Que et comment sait-on ? »
- « Sur quoi sait-on et avec quel effet ? »

23
Conditions de Statut épistémologique
production et de des RS
circulation des RS Processus et états des RS
Culture (collective de Supports Valeur de vérité
groupe) contenus  rapports entre
 valeurs structure pensée
 modèles processus scientifique
 invariants logique  diffusion des
connaissances
 transformation
FORME DE SAVOIR d'un savoir dans
un autre
 épistémologie du
Langage et
modélisation sens commun
Communication
 interindividuelle
 institutionnelle construction interprétation
 médiatique
SUJET REPRESENTATION OBJET Représentation et
Science
Épistémique Humain
psychologique social
social idéel
collectif matériel
Société Expression Symbolisation
 partage et lien
social
 contexte
idéologique, Compromis psycho-social Représentation et Réel
historique
 inscription
sociale
 position PRATIQUE Décalage
 place et  distorsion
fonction  défalcation
sociales  supplémentation
 appartenanc Expérience Action
e de groupe
 organisation
sociale Fonction des RS
Valeur de réalité
Efficacité des RS

« Qui sait et d'où ? Que et comment sait-on ? Sur quoi et avec quel effet ? »

L'espace d'étude des représentations sociales

Tableau proposé par Denise Jodelet (1989)

24
Dans cette perspective, l'auteure insiste sur l’importance de cerner les sujets ou les
groupes impliqués dans l’étude, ainsi que sur les sources de leurs connaissances. Il est
également pertinent d’aborder le savoir lui-même, en tenant compte des moyens déployés
pour les appréhender (savoir quels mécanismes sont mobilisés dans le processus).

Enfin, dans une étude des représentations, il est important de ne pas mettre seulement
en évidence les connaissances élaborées, mais aussi les effets conséquents de ce savoir. Ceci
dit, nous avons pu constater le caractère complexe des représentations en ajoutant à l'étude
quelques pistes pour l'appréhension des mécanismes, qui permettent une meilleure
compréhension de la représentation.

Il convient désormais d'aborder l'incidence des représentations sociales dans


l'apprentissage d'une langue étrangère afin de dégager quelques pistes de travail pour
envisager l'évolution de la représentation stéréotypée.

1.1.3 Évolution de la représentation sociale stéréotypée à travers l'apprentissage d'une


langue étrangère

Si les représentations sociales traversent différents champs d'étude, cela est


particulièrement vrai pour la didactique des langues étrangères. Les représentations des
langues jouent un rôle déterminant dans leur apprentissage car, comme nous l'avons constaté
précédemment, les représentations sociales ont une incidence importante sur les
comportements.

Ainsi, l'intérêt pour une langue dépend de la représentation que l'on se fait de cette
langue. Lorsqu’il se décide à apprendre une langue, un apprenant ne choisit pas celle-ci au
hasard, bien au contraire : c'est bien parce qu'il pense que cette langue est en mesure de lui
apporter certaines valeurs économiques, sociales ou culturelles.

Si les représentations langagières consistent à dégager l'image que l'on fait sur les
langues, ainsi que sur leur apprentissage et leurs usages, il est possible d'affirmer qu'il existe
un univers relativement consensuel par rapport à ces représentations. C'est-à-dire que les
représentations sociales peuvent être partagées par un même groupe en engendrant des
comportements similaires vis-à-vis des langues. Danièle Moore (2001) observe que, dans le
domaine des langues, les représentations : « ne portent pas seulement sur les langues et les

25
usages linguistiques « en général », mais bien aussi sur les relations entre soi et les autres,
ceux dont on fait partie ou dont on se rapproche, aussi bien que ceux qui sont autres ou que
l'on met à distance » 11

Ces relations sont formulées selon certains critères qui peuvent se montrer favorables
ou non à l'apprentissage. Louise Dabène aborde, dans son ouvrage : « Repères
sociolinguistiques pour l'enseignement des langues », le statut que les langues peuvent
évoquer chez l'apprenant d'une langue étrangère. Ainsi, le statut formel d'une langue révèle
son rôle au sein d'une nation, c'est le cas des langues officielles. Si on considère que le statut
formel intervient directement sur le choix de l'apprentissage d'une langue étrangère - les
attributs de la langue étant mis en évidence par leur importance indiscutable dans la société -
il en est de même pour le statut informel. A ce propos, l'auteure affirme : « [le statut informel
des langues] exerce également une influence non négligeable sur les conduites mises en jeu
lors de l'apprentissage » (Louise Dabène 1994, p. 53).

Ainsi, l’auteure définit le statut informel des langues comme « l'ensemble des
représentations qu'une collectivité attache à une langue donnée » (Ibidem 1994, p. 50).
Toutefois, il est important de noter que ces représentations sont, assez souvent, fortement
stéréotypées car elles sont plus subjectives que celles évoquées par le statut formel. Pour
appréhender ces représentations, nous rejoignons les cinq critères, tels qu’elle les définit, et
qui interviennent selon elle lors de l'apprentissage d'une langue : critères économique, social,
épistémique, affectif et culturel.

Le critère économique relève de la possibilité pour l'apprenant d'accéder à un pouvoir


économique à travers l'apprentissage de la langue étrangère. Il s'agit assez souvent d'une
perspective d'intégration à un monde de travail dans lequel la langue envisagée circule. Ainsi,
la langue d'un pays développé est naturellement plus cotée sur le « marché aux langues »12
que la langue d'un pays moins puissant économiquement.

Les locuteurs de la langue sont aussi un facteur important. En effet, l'apprenant les
analyse ainsi que leur niveau social afin de vérifier le prestige de cette langue. Cela montre
que le critère social guide les individus à identifier si une langue est parlée par des élites

11Danièle Moore 2001, p.9.


12 Louis-Jean Calvet (2002) : Le marché aux langues. Les effets linguistiques de la mondialisation. Paris : Plon.

26
sociales ou par des minorités (en particulier dans les contextes d’immigration où l’image de la
langue est contaminée par celle de la communauté défavorisée qui la parle).

Le troisième critère établi par Louise Dabène prend en compte la valeur en soi de
l'objet de savoir. Autrement dit, le critère épistémique de la langue permet à l'apprenant (ou
futur apprenant) de déterminer si cette langue est difficile ou facile à apprendre selon les
représentations qu'il a de sa morphologie, de sa phonétique ou de sa syntaxe. Une langue peut
ainsi être plus valorisée qu'une autre car on lui attribue plus de complexité. Cet aspect est
évalué sur la perspective de la langue maternelle de l'apprenant ou vis-à-vis de celle -
l’anglais international - la plus répandues, et de la proximité existant entre les langues
(familles linguistiques romanes, slaves, etc.). A titre illustratif, nous pouvons évoquer l'idée de
facilité que les francophones se font de l'apprentissage des langues latines, tel que l'italien, le
portugais et l'espagnol. A ce propos, Louise Dabène analyse l'incidence du critère épistémique
sur le travail en classe :

« (…) la part de l'attention en situation pédagogique et du travail personnel réalisé en


dehors varie selon l'image que l'on se fait des difficultés de l'apprentissage » (Louise
Dabène 1994, p. 53)

En ce sens, l'auteure stipule que ce n'est pas la langue elle-même, qui pose des
obstacles à l'apprenant, mais plutôt les représentations qu'il se fait des difficultés de la langue.
Nous rappelons que si les représentations relèvent d'un univers symbolique, cela s'applique
donc au critère épistémique.

Par ailleurs, le critère affectif prend, lui, en considération les relations qu’entretiennent
les pays et leurs langues respectives : il est évident que l'on privilégie l'apprentissage de la
langue d'un pays avec lequel on a des relations amicales et dont l’image est formulée sous une
perception positive. Cela est également vrai pour les langues jouant un rôle important sur la
scène internationale, elles sont valorisées selon leur importance à l’échelle mondiale. Il est
impossible de ne pas penser à l'exemple de l'anglais, langue dite internationale, depuis que les

27
pays anglophones se sont imposés en tant que puissances économiques, militaires et
finalement culturelles13.

L'apprentissage d'une langue étrangère dépend également des représentations que l'on
a de sa richesse culturelle. On attribue une valeur esthétique à la langue selon ses aspects
artistiques et littéraires. C'est le cas de l'apprentissage de la langue française, considérée
comme un symbole, dans divers pays, de prestige et d'appartenance à une élite culturelle.

Enfin, les cinq critères proposés par Louise Dabène sont importants dans la mesure où
nous pouvons comprendre l'importance des représentations des langues sur le choix des
individus pour l'apprentissage d'une langue plutôt qu'une autre. De même, ces représentations,
partagées par les membres d'une même communauté, ont également une incidence sur le
processus de l'apprentissage.

Ceci dit, il est urgent de centrer notre travail sur les démarches didactiques pour
l'appréhension des représentations des langues ainsi que d'envisager la rupture de
l'enseignement/apprentissage des représentations stéréotypées. Pour cela, nous rejoignons la
proposition de travail de Jacqueline Billiez et Agnès Millet (2002). Les auteures précisent les
objectifs de cette approche:

« (…) essayer de faire émerger les représentations pour comprendre le système


d'organisation du monde linguistique que les individus se sont forgés, par des moyens
divers de communication, les connaissances scolaires, leurs expériences familiales et
sociales, etc. » (Jacqueline Billiez et Agnès Millet, 2002, p.32)

Ainsi, la classe de langue s'avère un espace privilégié pour un travail effectif de


compréhension des représentations tout en envisageant leur évolution. Dans une étude des
représentations des élèves Suisses romands sur la langue allemande, Nathalie Müller et Jean-
François de Pietro (2002) privilégient deux voies pour un travail sur les représentations : la
comparaison et la discussion réflexive. La première insiste sur la mise en évidence de la
variété des réalités entre la langue de l'apprenant et la langue en apprentissage. La seconde
amène l'élève à réfléchir sur ses propres modes de perception du monde et de l'autre.

13 A ce sujet, nous conseillons la consultation de l'ouvrage suivant : Hagège, C. (2012) : Contre la pensée
unique. Paris : Éditions Odile Jacob.

28
Nathalie Müller et Jean-François De Pietro montrent ainsi que ces deux manières de
faire émerger les représentations en classe de langue permettent aux élèves de « connaître la
nature, la relativité, la contextualité » de ces images qu'ils ont de l'autre. De plus, il s'agit,
toujours selon les auteurs, de les faire « devenir plus conscients de leurs propres modes de
représentation de soi, de l'altérité et du monde » (Nathalie Müller et Jean-François De Pietro
2002, p. 57).

Cela nous renvoie à une caractéristique fondamentale des représentations sociales,


comme nous l'avons déjà cité auparavant : la construction identitaire. Geneviève Zarate
(1995) constate que la prise en compte de l'identité de l'élève, ainsi que celle de la complexité
d'interprétation et d'appréhension de l'autre contribuent à la qualité de la description scolaire.
A ce propos, Geneviève Zarate précise que le concept de représentation « problématise
l'espace entre deux cultures nationales et œuvre des perspectives de travail dans une classe de
langue en mettant l'identité social de l'élève au cœur de la dimension éducative » (Geneviève
Zarate 1995, p.28).

Contrairement à une description objective, Geneviève Zarate propose un travail de


mise en relation de différentes représentations pour construire l'image de la langue et de la
culture étrangères. Ainsi, le savoir n’est plus un objet indiscutable puisque l’on considère que
les connaissances et les individus font partie d'un tissu social en constante transformation
(Geneviève Zarate, 1995). Par conséquent, l'évolution des représentations sociales
stéréotypées n'est envisageable que dans une perspective d'un travail complexe, qui tient
compte de sa part subjective.

Au-delà du travail réalisé en classe, Geneviève Zarate explique qu'il est important
d'insister sur les rapports que l'élève entretient avec la culture étrangère. Comme nous l'avons
évoqué précédemment, l'apprenant analyse son apprentissage selon certains critères, mais cela
ne relève pas nécessairement des images élaborées par lui-même. C'est pourquoi exposer
l'apprenant au plus grand nombre de variété des contacts avec la langue et la culture étudiées
lui donnent plus de « chances d'établir une relation originale et personnelle avec la réalité
étrangère » (Geneviève Zarate 1986, p. 38).

De cette première partie découlent quelques traits significatifs des représentations


sociales nécessaires pour un travail d'analyse. Toutefois, il est important de rappeler que si,

29
d'une part, la complexité de ce champ d'étude nous permet une prise de conscience des
éléments en jeu et des effets constitutifs de ce phénomène, d'autre part, tout travail sur les
représentations demeure incomplet et inépuisable étant donné sa complexité.

1.2 Les représentations de la langue et de la culture brésilienne en France

L'idée que le Brésil fait l'objet de représentations stéréotypées en France n'est pas
nouvelle. Plusieurs travaux montrent que : « les relations entre la France et le Brésil souffrent
des idées reçues, des stéréotypes où les réalités contemporaines respectives sont exagérément
simplifiées ou déformées »14.

Dans cette perspective, notre travail tentera de constater si cette formulation est
toujours vraie de nos jours, en explicitant quelles sont les conditions de production des
représentations sur le Brésil, ainsi que les effets provoqués par ces représentations. Ainsi, il
conviendra d'analyser différents moments de l'histoire franco-brésilienne, ainsi que les actions
qui ont tenté de promouvoir l'évolution de l'image de ce pays.

Pour cela, nous aborderons deux moments importants et récents dans l'histoire de la
France et du Brésil, où l'image a joué un rôle principal. Dans un premier temps, nous
évoquerons le projet Brésil-France puisqu'il constitue une source très riche en recherches sur
les représentations de la culture brésilienne de la fin des années quatre-vingts en France. Dans
un deuxième temps, il s'agira de vérifier l'évolution de ces représentations après un événement
très particulier : « l'Année du Brésil en France » (2005).

1.2.1 Les idées reçues du Brésil

C'était dans le but de faire évoluer les images sur le Brésil en France et d'enrichir la
coopération entre ces deux pays, à court et long terme, qu'une table ronde a vu le jour en
1987, à Paris, avec de nombreux invités, venus de différents domaines (littérature, politique,
économie). Cet événement a débouché sur un ouvrage intitulé : Les Réciproques du Brésil et

14 Les Réciproques du Brésil et de la France (1991). p.2

30
de la France, sous la direction de Solange Parvaux et Jean Revel-Mouroz15. Divisé en trois
commissions (pédagogie, médias et sciences, et technologie), ce colloque a traité des aspects
liés à toute sorte de diffusion et d'appréhension de la culture brésiliennes sur le sol français,
durant une année. Le projet comptait également analyser quantitativement et qualitativement
la place du Brésil dans plusieurs disciplines (histoire, géographie, portugais et français), au
sein des programmes scolaires français. Afin de compléter les thèmes abordés par cette année,
relevant essentiellement des aspects des sciences humaines et plutôt de l'image du Brésil en
France, l'organisation du projet Brésil-France prévoyait un colloque au Brésil, afin d’évoque,
cette fois-ci, l'image de la France au Brésil et les aspects des sciences dures (technologiques et
économiques).

A l'occasion de la table ronde « Réciproques du Brésil et de la France », il s'agissait de


mettre en lumière les trois problématiques suivantes :

1- « l'image du Brésil au quotidien. L'impact des médias (presse et télévision) » ;


2- « la construction de l'image du Brésil dans l'héritage culturel français » ;
3 - « l'émergence du Brésil : une nouvelle image ? ».

Ces problématiques représentent ainsi le point de départ de notre travail. Il est


important de noter qu'il ne s'agit pas seulement de la réalisation d'une synthèse, mais plutôt
d'évoquer les principales représentations du Brésil, en tenant compte de son histoire et des
perspectives d'évolution de l'image brésilienne en France. De plus, les réflexions évoquées par
les auteurs de « Réciproques du Brésil et de la France » nous renvoient en écho aux principes
théoriques abordés dans le premier chapitre tout en contextualisant notre problématique.

Dès lors, il convient de souligner que notre travail d'analyse documentaire prend en
compte divers moyens de communication pouvant intervenir sur les représentations, tels que
la presse écrite, la littérature, la télévision et le cinéma.

En ce sens, l'étude « Le Brésil à travers la presse quotidienne et la télévision


françaises - étude sur la création de l'actualité », publiée par Ana Maria Montenegro (1991),
l'étude d’Édouard Balby : « L'opinion publique en France a une image confuse du Brésil »

15 Solange Parvaux occupait, en 1991, le poste d'inspecteur général de portugais au Ministère de l’Éducation
Nationale et Jean Revel-Mouroz était le directeur de recherche au CNRS et directeur du CREDAL (Institut
des Hautes Etudes d'Amérique Latine, Université Paris III).

31
(1991) et le travail d'André Séguin : « L'impossible objectivité »16 nous présentent les résultats
de différentes enquêtes élaborées à la fin des années quatre-vingts auprès des Français sur
l'image du Brésil.

Ces trois travaux montrent, dans un premier temps, que si pour beaucoup de Français
l'Amérique Latine était dans les années quatre-vingts une « nébuleuse assez vague, aux
composants imprécis » (André Séguin, 1991), l'image du Brésil était la plus précise parmi
tous les pays d'Amérique latine. Cela ne veut pas dire pour autant que ces images ne
présentent pas des insuffisances et des déformations.

D'une part, Ana Maria Montenegro observe que la source déterminante de l'image du
pays est la communication, notamment les reportages et les documentaires diffusés en France.
D'autre part, André Séguin (1991) constate que les médias interviennent, bien évidemment,
dans la formation de l'image, mais « la nature de cette image dépasse largement leur cadre »
(p. 93).

Certes, les titres, tels que « Libération », « Le Monde », « Géo », « Le Figaro


Magazine » et « Paris Match », jouent un rôle fondamental dans la construction de l'image du
pays. Néanmoins, cela dépend des finalités que ces titres déterminent dans leurs reportages.
Ainsi, le magazine « Géo » insiste plutôt sur des aspects touristiques, tandis que le journal
« Le Monde » tente d'appréhender les problématiques du quotidien brésilien. Édouard Balby
(1991) insiste sur le fait que, au moment où il a publié sa recherche, il n'existait aucun
magazine capable de rendre compte de la diversité des caractéristiques du Brésil. En
revanche, des magazines internationaux comme « France Presse » et « Associated Presse »,
qui constituent, selon l'auteur, des modèles de presse nous proposent « une communication
moderne et démocratique » et contribuent à « multiplier les images de sa réalité sociologique,
culturelle, artistique et économique » (Édouard Balby 1991, p. 87).

Ana Maria Montenegro rappelle l'importance d'avoir un correspondant sur place dans
son analyse des cinq titres de la presse : La Croix, Le Figaro, L'Humanité, Libération et Le
Monde. L'auteure observe que Le Monde et Libération, en ayant des correspondants au Brésil,
ne publient pas seulement un plus grand nombre d'articles et de dépêches, mais que leurs
sujets relèvent des problématiques liées à la réalité brésilienne, tandis que les autres titres

16 Ces trois articles font partie de l'ouvrage Réciproques du Brésil et de la France, 1991.Cf. Bibliographie.

32
insistent plus souvent sur « l'insolite, l'étrange » (rubrique de l'analyse d’Ana Maria
Montenegro).

L'auteure met l'accent sur le fait qu'il existe des priorités de la diffusion d'articles sur
l'étranger en France, notamment le Brésil. A ce sujet, elle explique :

«Deux types d'arguments justifient l'ordre de priorités donné aux nouvelles en


provenance de l'étranger : les intérêts de l’État français - en termes de politique
étrangère, de commerce extérieur ou de sport et donc d'industrie automobile - et
l'intérêt du public » (Ana Maria Montenegro 1991, p. 43)

Il convient de noter que les moyens de communication, qui véhiculent les images du
Brésil suivent divers principes logiques par rapport à cette pratique. Si, d'une part, Ana Maria
Montenegro met en évidence les principaux titres de la presse française, qui présentent le
Brésil à travers des événements factuels - même si cela implique l'interprétation et le choix
des informations - d'autre part, il faut prendre en compte les images du Brésil, qui ont fait
l’objet d'étude par les médias français. Son étude nous montre que la place accordée au Brésil
dans les médias français est importante et que cela est « toujours teinté de sympathie » (Ana
Maria Montenegro 1991, p. 48). Toutefois, l'auteure constate que les aspects privilégiés de la
réalité brésilienne par la presse française s'appuient sur des stéréotypes.

Nous rejoignons l'étude élaborée par Philippe Henriot (1991) pour comprendre l'aspect
politique de l'image. Il s'agit d'analyser, selon l'auteur, les enjeux qui déterminent la diffusion
des programmes télévisés brésiliens en France, notamment les feuilletons brésiliens
(telenovelas). Si la diffusion dépend, bien évidemment, de la demande du public français, les
représentations sociales jouent un rôle majeur car « l'exotisme et l'étrangeté du rythme visuel,
de la gestualité et de la narration deviennent difficiles à saisir » (Philippe Henriot 1991, p.
580). Les images non conformes aux représentations habituelles peuvent ainsi constituer un
obstacle à la diffusion de la culture brésilienne une fois que ces émissions sont rangées dans la
catégorie du culturel ou du documentaire, les images du Brésil se définissent sous le prisme
de l'exotisme dans ce cas spécifique.

Henriot rappelle que « la politique de l'image et l'image de la politique se confondent


alors pour survivre dans les subtilités du décalage appelé ici ou là changement, rupture ou

33
innovation » (Henriot 1991, p. 581). C'est-à-dire que si l'on envisage d'aborder des images
différentes de celles auxquelles on est habituées, il faudrait être subtile et cibler une rupture en
se rapprochant ainsi plus fidèlement des cultures brésilienne et française.

En ce sens, nous rejoignons la réflexion de Ligia Fonseca Ferreira (1991) à propos de


la consommation littéraire française au Brésil car cela relève d’un aspect particulier de la
relation culturelle franco-brésilienne. L'auteure dénote l’existence d’une consommation
culturelle à sens unique : le Brésil consomme beaucoup plus de produits culturels français que
la France des produits brésiliens. Cela, selon Ferreira, empêche la dynamique des
connaissances et l'évolution de ce que l’auteure nomme les « avenues du savoir ». En
employant cette métaphore, l'auteure propose ainsi l'expansion à deux, voire à quatre voies
des relations qu'entretiennent la littérature brésilienne et la littérature française. Autrement dit,
les quatre voies relèvent de l'importance de la diffusion de la littérature brésilienne en France
pour ne pas envisager seulement la promotion de la culture brésilienne, mais pour ce que cette
littérature porte en soi la notion de lusophonie. Ainsi, Ferreira (1991) l'exprime comme suit :

« (…) littérature française et littérature brésilienne sont respectivement embrassées


par les notions amplificatrices de francophonie et lusophonie, lesquelles relient les
quatre continents » (Ligia Fonseca Ferreira 1991, p. 647)

Dans ce cas, on note que la langue portugaise joue un rôle important dans la diffusion
de la culture brésilienne car elle implique d'une part, la traduction des ouvrages brésiliens en
français, d'autre part, l'apprentissage de la langue.

Au niveau de l'édition et de la traduction des ouvrages brésiliens, Clélia Pisa (1991)


explique que, grâce à l'ouverture de la France à l'étranger à partir des années quatre-vingts, le
Brésil a pu gagner sa place dans la littérature étrangère. L'édition des livres de littérature
étrangère représentait, à cette époque, un marché très limité et peu rentable car comme elle
l'explique (1991) : « vendre la moitié du tirage initial d'un livre de portugais est considéré
comme un résultat très favorable. Cela n'arrive pas souvent » (Clélia Pisa 1991, p. 625).

Néanmoins, Pisa met en valeur quelques initiatives, qui tentent de favoriser l'évolution
de la littérature brésilienne en France, telles que les aides du CNL (Centre National des
Lettres- France), de l'UNESCO (aide aux traducteurs), de VITAE (fondation privée

34
brésilienne) et d'INL (Institut National du Livre - Ministère de la Culture Brésilien). Ces
opérateurs intervenaient pour répondre aux problèmes de diffusion de la littérature brésilienne
sur le sol français à travers des aides financières, surtout confiées aux traducteurs.

Au niveau de l'apprentissage de la langue, Édouard Balby constate que, au moment de


son analyse, le portugais à l'extérieur des frontières brésiliennes représentait un « handicap à
la connaissance de sa réalité » (Édouard Balby 1991, p. 88). Cela révèle un aspect important
de notre analyse : le lien entre langue et culture. Le concept langue-culture (Henri
Meschonnic, 1973, mis en évidence par Jean-Louis Cordonnier 1995), qui affirme : « qu’une
langue et sa culture forment un tout indissociable »17. Si cet auteur insiste sur l'importance du
rapport entre langue et culture, dans la traduction, la chose est également transposable dans le
cadre de la diffusion de la culture.

Certes, la langue portugaise représente un obstacle à la diffusion de la culture


brésilienne en France, étant donné son statut non-officiel18. Ainsi, l'évolution de l'image du
Brésil se fait à travers les traductions de sa littérature, comme l'affirme Georges Boisvert.
L'auteur précise ce constat en ces termes :

« (…) on peut inférer que l'image du Brésil en France au travers des traductions s'est
progressivement enrichie et diversifiée, qu'elle a gagné en netteté et en fidélité »
(Georges Boivert 1991, p. 612)

Pour Georges Boisvert, cette évolution s'explique par le biais de l'histoire brésilienne.
C'est-à-dire que, si avant la Deuxième guerre mondiale, le Brésil était marqué par des
représentations liées à l'exotisme, au primitif, au tropical, à la nature et au pittoresque, après
cette date, les images relevaient plutôt des enjeux économiques et sociaux brésiliens. Ainsi, la
faim, le chômage, l'analphabétisme et la violence, occupaient la place principale parmi les
représentations françaises du Brésil.

Georges Boisvert explique que les représentations s'enrichissent encore plus après les
années soixante, années marquées par la dictature militaire au Brésil, avec l'idée du « miracle

17 Jean-Louis Cordonnier, 1995. in http://www.erudit.org/revue/meta/2002/v47/n1/007990ar.pdf

18 Le portugais n'est pas considéré comme une langue de France car, selon le principe établi par la DGLF/lf
(Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France), la langue portugaise est déjà une langue
officielle ailleurs. In : http://www.dglflf.culture.gouv.fr/lgfrance/lgfrance_presentation.htm

35
brésilien » (p. 613). Tous ces événements, selon l'auteur, ont contribué à la construction d'une
image complexe et contrastée du Brésil.

Jacqueline Penjon19 et Anne-Marie Quint (1991) partagent ce même regard sur la


littérature brésilienne en France. Les auteures l'expriment dans les termes suivants :

« (…) les œuvres traduites autour des quinze dernières années rendent-elles mieux
compte de la complexité et de la diversité de la littérature brésilienne. L'image qui
semble dégager n'est plus seulement celle d'un monde tropical exotique, ou d'un
contexte tiers-mondiste marqué par les conflits sociaux avec, il est vrai, quelques
aperçus plus esthétiques » (Jacqueline Penjon et Anne-Marie Quint, 1991, p. 632)

Or Anne-Marie Metaillé20 remet en question cette complexité. L'auteure explique que


les chiffres de vente des livres brésiliens montrent l'intérêt constant des représentations liées à
l'exotisme. De plus, la littérature la plus vendable exposant les images du Brésil ne sont pas
écrites par des Brésiliens, mais plutôt par des étrangers ! C'est le cas du best-seller américain
« La Forteresse verte », qui a été vendue à quarante mille exemplaires en France, en ne
s’appuyant que sur des stéréotypes du Brésil.

Anne-Marie Metaillé ne nie pas l'existence d'un travail progressif sur le changement de
l'image du Brésil, qui est plutôt effectué par les journalistes. Toutefois, l'auteure souligne
l'importance de la commercialisation des œuvres littéraires, car elle représente également un
facteur déterminant de la diffusion des images du Brésil.

Par ailleurs, le stéréotype de l'exotisme, tel qu'il est préconisé par Maddalena De Carlo
(1998), est centré sur la généralisation des aspects d'une culture lointaine. Cela est mis en
évidence dans de nombreux travaux sur les cultures des pays lointains, notamment le Brésil.
L'histoire entre la France et le Brésil constitue également un élément clé de la compréhension
de la naissance des stéréotypes que l'on observe jusqu'à nos jours.

Roberto Pontual (1991) présente les principaux aspects qui composent cette histoire
franco-brésilienne, en mettant en valeur les stéréotypes d'exotisme. Dès les premiers voyages

19 Jacqueline Penjon est directrice du CREPAL et professeur de littérature à la Sorbonne-Nouvelle Paris 3.

20 Anne-Marie Métaillé est responsable de l'une de plus importantes maisons d'édition de diffusion de littérature
étrangère en France.

36
de Français au Brésil, on constate que toutes sortes de tentatives de représenter la culture et la
géographie brésiliennes se sont appuyées sur des stéréotypes. Il s'agit des constructions d'une
image plus au moins naïve, comme l'observe Roberto Pontual (1991) car, en effet, André
Thevet et Jean-Baptiste Debret ont interprété la réalité brésilienne à travers un regard
européen et donc l'opposition civilisation/sauvage en ressort naturellement.

Ces deux Français ont publié différents ouvrages sur le Brésil : la principale
publication d'André Thevet étant « Singularités de la France Antarctique » (1557) et celle de
Jean-Baptiste Debret étant « Voyage Pittoresque et Historique au Brésil » (1839). Il s'agit de
comprendre que certains stéréotypes sur le Brésil sont nés de ces expériences et de la façon
dont elles ont été racontées. A ce sujet, Roberto Pontual constate :

« Une myriade de petites et grandes déformations, plus au moins innocentes,


accumulés dans ce miroir inéluctable, a bâti, au fil de presque cinq siècles, l'image du
Brésil en France ». (Pontual 1991, p. 599)

Des expériences assez particulières puisqu'en sachant qu'André Thevet, franciscain au


couvent d'Angoulême, est tombé malade en partant au Brésil, ses récits ne sont que la
reconstruction des ouï-dire sur le Brésil. Roberto Pontual nous rappelle que l’œuvre d’André
Thevet est le résultat d'une confrontation avec l'autre assez intimidante, comme toutes sortes
de constructions identitaires peuvent l'être.

Différemment d’André Thevet, Jean-Baptiste Debret a vécu au Brésil pendant


quelques années et a pu représenter ce pays dans des aspects autres que celui de l'exotisme.
Toutefois, ces représentations ont résisté au fil des années malgré l'évolution de la réalité. A ce
propos, Roberto Pontual constate en ces termes :

« malgré la croissance, le développement, la maturation et la première impulsion


d'autonomie administrative, le pays, devant ses yeux de peintre et ses mots de
documentaliste, demeurait emprisonné dans les mailles envoûtantes des visions
inaugurées par Thevet » (1991, p. 601)

De ce fait, on observe que les images du Brésil en France ne se substituent pas les unes
aux autres, mais qu’elles se reconstruisent au fil des années à partir des faits concrets et de
l'imaginaire français. Cela dépend également des enjeux économiques, comme nous avons pu

37
le constater auparavant, dans l'univers de l'édition, mais aussi dans d'autres domaines, tels
que la presse, le cinéma et la télévision.

Les représentations sont perçues dans le cadre de la diffusion de l'image de l'Autre soit
comme une entrave, soit comme un élément favorable. A ce sujet, Clélia Pisa (1991) souligne
que beaucoup d'écrivains brésiliens, qui ont du succès au Brésil, ne sont pas nécessairement
traduits en France en fonction de ce que leurs ouvrages montrent au niveau des
représentations. L'auteure stipule que cela s'explique : « peut-être parce qu'ils sont
exclusivement brésiliens ou, au contraire, parce qu'ils ne le sont pas du tout ». (1991, p. 624).

A la fin de la table ronde « Réciproques du Brésil et de la France », l'Ambassadeur de


France de l'époque, Robert Richard, résume les suggestions essentielles, présentées par les
auteurs invités, principaux acteurs de la diffusion et du rayonnement de la culture brésilienne
en France. Parmi ces propositions, il est intéressant de noter, celles d'une fondation pour
faciliter les échanges et favoriser : « une connaissance plus équilibrée et plus complète à tous
les niveaux »21. A ce sujet, l'Ambassadeur ajoute le fait que : « souvent, dans les colloques, on
dit des choses de premier ordre, on dit des choses, qui sont des vérités, on les répète,
d'ailleurs, de colloque en colloque, alors peut-être cette fois-ci faudrait-il en assurer le
suivi »22.

Cela n'a pas débouché pour autant sur la création d'un opérateur permanent de
diffusion des langue et culture brésiliennes en France, mais plutôt sur une saison culturelle
plus d'une décennie après.

1.2.2 L'Année du Brésil en France

De mars à décembre 2005, la France a connu un événement très important pour


l'image du Brésil : Brésil-Brésils, l'Année du Brésil en France. Il s'agissait d'une saison
culturelle, organisée par l'Association française pour les échanges artistiques, en partenariat
avec le Ministère brésilien de la culture. Leur but étant de mettre en valeur la diversité et la
richesse de la culture brésilienne.

21 Discours de l'Ambassadeur Robert Richard 1991, p. 1022.


22 Idem, discours.

38
Le Brésil en fut l'invité d'honneur, précédant en cela l'Algérie, la Chine, la Pologne : il
fut suivi de nombreux autres pays. Cette année consacrée à « la diversité et la modernité de
cet immense pays de plus de 180 millions d'habitants »23 a obtenu de très bons résultats en ce
qui concerne les relations entre le Brésil et la France, au niveau culturel, économique, social
et touristique.

Jean Gautier, commissaire de l'Année du Brésil en France, constate un « véritable


phénomène de société »24 : 2 400 manifestations culturelles ont eu lieu dans 161 villes de
France et ont attiré l'attention de plus de 15 millions de personnes. Jean Gautier remarque que
la presse a également joué un rôle important dans la diffusion de l'événement, en publiant
15.000 milles articles sur le Brésil.

Dans les années quatre-vingts, si le Brésil fait l'objet d'étude des représentations
sociales stéréotypées, comme nous avons pu le constater précédemment, le projet Brésil-
Brésils, est très certainement une réponse à ce constat et une tentative de mettre en lumière
des aspects plus approfondis de la culture brésilienne.

A ce propos, André Midani l'explique en ces termes :

« L'objectif de la Saison Culturelle est d'enrichir l'image du Brésil, et ce en la


détachant des trop présents clichés, qu'ils soient d'ailleurs positifs ou négatifs ».25

L'image du Brésil est donc associée à des aspects positifs et négatifs de sa culture, il
s'agit de vérifier quels éléments ont pu être approfondis pendant la saison culturelle. Pour
cela, nous nous penchons sur les résultats d'un bilan d'évaluation de la programmation en
termes d'image de l'année du Brésil en France26, coordonné par l'Association française
d'action artistique (AFAA).

En partenariat avec Sciences Po Paris, l'AFAA, responsable de la saison culturelle, a


souhaité mesurer à travers une analyse qualitative, l'évolution de l'image que se font les

23 Catalogue Brésil-Brésils, 2005.


24 Idem, 2005.
25 André Midani, 2005. L'année du Brésil en France : évaluation de la programmation en termes d'image. IEP
de Paris, Sciences Po.
26 L'Année du Brésil: évaluation de la programmation en termes d'image. Rapport première étape (février à juin
2005). IEP, Sciences Po, Paris, 2005.

39
Français sur le Brésil après l'Année du Brésil en France. Ainsi, des entretiens, des enquêtes et
des sondages téléphoniques ont été réalisés auprès des visiteurs.

Dans un premier temps, l'AFAA a interrogé des visiteurs de six manifestations


culturelles, qui faisaient partie de la programmation officielle. Il s'agissait de mettre en valeur
les motivations des visiteurs et les images qu'ils se font après avoir assisté, entre autres, à des
expositions, des concerts et des séances de cinéma brésilien.

Le premier constat, qui ressort des entretiens, confirme que les stéréotypes,
normalement attribués à la culture brésilienne, ont été renforcés par la saison culturelle : le
Brésil est toujours le pays du carnaval, de la samba, de la plage, du football, de la violence,
des favelas, des inégalités, de la fête et de la pauvreté. Toutefois, les visiteurs affirment avoir
connu de nouvelles facettes du Brésil, telle que la richesse des cultures et la diversité
musicale.

Les 332 questionnaires complétés par les visiteurs des événements de la


programmation officielle et les 87 questionnaires distribués à des visiteurs de passage dans les
lieux des manifestations culturelles, montrent que 29% des personnes interrogées n'ont pas
changé les images qu'ils se faisaient du Brésil après l'expérience de l'Année du Brésil en
France. C'est-à-dire que la grande majorité des visiteurs n'ont pas seulement gardé les
stéréotypes, liés à la culture brésilienne, mais ont pu les confirmer à travers ces événements.

Toutefois, les entretiens téléphoniques permettent d'observer que 83% des Français, la
plupart étant des jeunes Français, ont une image positive du Brésil malgré la connaissance des
aspects négatifs, tel que la violence, les favelas et les inégalités. De plus, 67% affirment que la
saison culturelle a contribué à renforcer une image positive du pays, cette image motive 71%
des Français, qui déclarent vouloir partir au Brésil, à la suite des événements vécus en France.
Il ressort également de ce sondage téléphonique, l'intention de 62% des enquêtés de connaître
plus le Brésil, la saison culturelle étant l'élément déclencheur de cette motivation.

De ce fait, les résultats exposés par l'AFAA nous permettent d'affirmer que l'Année du
Brésil en France a, d'une part, contribué à la connaissance des aspects plus diversifiés de la
culture brésilienne, et d'autre part, cela a été organisée en s'appuyant sur des stéréotypes

40
brésiliens déjà ancrés. Ainsi, on n'observe pas un changement effectif de l'image du Brésil en
France, mais plutôt à un investissement de la diffusion de la culture brésilienne à l'étranger.

Cela est vérifiable dans les répercussions économiques de l'événement : les échanges
commerciaux entre la France et le Brésil ont eu une hausse de 17%, le Brésil est devenu ainsi
le premier partenaire de la France en Amérique Latine. En outre, on constate une
augmentation de plus de 20% des inscriptions en France dans des cours de portugais brésilien
(vs lusitanien). Mais, c'est dans le domaine du tourisme qu'a eu lieu la plus grande
augmentation : 27% ; ce qui a amené des compagnies aériennes à ouvrir de nouvelles lignes
pour répondre à cette demande27.

Ces résultats ne sont pas si étonnants puisque l'on constate actuellement que le
tourisme est considéré, à côte des médias internationaux, comme l'une de deux principales
sources de productions des stéréotypes brésiliens (Machado in Angela Beatriz de Oliveira
Roman 2007)28.

Même si l'image du Brésil, qui ressort après les événements culturels de 2005, est
plutôt positive, l'usage des stéréotypes pour la promotion du pays s'est avéré une voie non
pertinente, surtout si l'on considère que le but de la saison culturelle était, selon les
organisateurs de la saison, de dépasser les clichés !

Nous observons donc la réaction de beaucoup de Brésiliens (et Brésiliennes) devant la


diffusion des images stéréotypés pendant l'Année du Brésil en France. Le mémoire d'Angela
Beatriz de Oliveira Roman nommé : « Les femmes brésiliennes dans la presse féminine
française, durant l'Année du Brésil en France : une représentation sexiste et stéréotypée »
(2007) montre, comme son titre l'indique, que la promotion de la culture brésilienne en France
pendant la saison culturelle a été fait au détriment de l'image de la femme brésilienne. A ce
sujet, elle écrit :

« (…) le regard européen enferme les Brésiliennes dans une quête éperdue du
physique parfait qui fait d'elles des modèles et des esclaves de la beauté. Il convient
de rappeler que la dictature de la beauté auxquelles les Brésiliennes sont soumises est

27 Bilan positif pour l'Année du Brésil en France. Article publié le 17 décembre 2005 in www.lemonde.fr.
Consulté le 25 mars 2012.
28 MACHADO (in Roman, 2007), p. 67.

41
légitimée et renforcée par l'image qu'elles ont à l'étranger, image que la presse
féminine - et les médias en général - aident à diffuser. » (Angela Beatriz de Oliveira
Roman 2007, p. 144).

Elle analyse 130 éditions de 16 magazines féminins français afin de montrer que la
presse contribue à la construction, diffusion et renforcement de l'image stéréotypée de la
femme brésilienne en France. Ce travail s'inscrit dans le cadre d'une analyse postérieure à
l'Année du Brésil en France et nous permet de confirmer les résultats présentés par
l'Association française de l'action artistique (AFAA).

La diffusion médiatique de l'événement constitue une partie très importante de la


construction des stéréotypes car, dans la communication, il faut s'appuyer sur des éléments
familiers avant d'introduire la nouveauté. Il s'agit du même phénomène observé
précédemment par les travaux à l'occasion du projet France-Brésil à la fin des années quatre-
vingts, la non-conformité de l'image implique la perpétuation des stéréotypes. A ce propos,
Angela Beatriz de Oliveira Roman indique :

« Dans le discours détourné du réel des magazines, la conformité à la réalité est


assurée par les stéréotypes et clichés qui sont utilisés comme facteur de crédibilité et
de cohérence. La réalité est souvent laissée de côté en faveur d'une conformité aux
attentes d’un imaginaire collectif peuplé de stéréotypes. »29

Maranubia Barbosa30, qui aborde cette problématique sous le prisme des publicités
réalisées en France pendant la saison culturelle brésilienne, observe que malgré les efforts
déployés par l'organisation de Brésil-Brésils, les images utilisées en France pour faire de la
publicité sur l'Année du Brésil relevaient essentiellement des clichés brésiliens : le carnaval,
le football et les belles femmes. De plus, Maranubia Barbosa rappelle qu'il s'agit d'omettre
une partie de la réalité pour faire plaisir au public français : c'est le cas de la représentation du
Brésilien. Les Français connaissent des Brésiliens et des Brésiliennes, tels que Gustavo
Küerten et Gisele Bündchen (respectivement, sportif et mannequin - Bündchen est l'une des
brésiliennes les plus citées dans la rubrique mode de la presse française féminine, selon

29 Mémoire de Angela Beatriz de Oliveira Roman, A., p. 144


30 Maranubia Barbosa, publie l'article Brazil is a country of balangandas (swayin ornaments) in French
imaginary (2006) in Discursos Fotograficos (Brésil).

42
l'analyse de Angela Beatriz de Oliveira Roman31), qui ont des origines allemandes en sachant
que dans l'histoire du Brésil le mélange de races est une réalité.

Toutefois, Maranubia Barbosa souligne que c'est l'image du mulâtre, celui de la peau
mate d'origine africaine, qui ressort de la plupart de publicités françaises sur le Brésil. A ce
sujet, il mentionne :

« O brasileiro, pois, no imaginário francês, é o fruto de uma mestiçagem que se deu


desde os primórdios da colonização. E é esse tipo humano que ilustra, na maior parte
das vezes, as publicações que tratam do Brasil » (Barbosa 2006, p. 81)32

Ainsi, on préfère une image à l'autre, pour satisfaire l'imaginaire de l'exotisme, pour
garder cette image, qui oppose Européens et Brésiliens, même si elle ne rend pas compte de la
réalité brésilienne actuelle. Il est important de rappeler que c'est dans la définition de l'autre
que l'on construit l'image de soi-même (De Carlo, 1998). Si l'image du Brésilien n'a pas été
réactualisée dans la diffusion de l'Année du Brésil en France, il en est de même pour les
aspects économiques.

Maranubia Barbosa souligne que le Brésil pourrait être mieux perçu dans son
évolution, notamment dans son progrès économique. A ce sujet, nous rejoignons la réflexion
de Paul Claval (2009), responsable de l'ouvrage Le Brésil – idées reçues :

« Le Brésil, pays du tiers-monde ? De toutes les idées reçues que nous évoquons, c'est
la plus fausse – et l'une de celles qui a la vie la plus dure ! (…) Le vrai problème du
pays n'est pas d'être sous-développé : c'est d'être inégalement développé, ce qui est
tout à fait différent » (Paul Claval 2009, p. 84).

Dans le but d'actualiser les idées reçues du Brésil, Paul Claval fait état de nombreuses
représentations sur le Brésil et montre que les connaissances qu'ont les Français sur le Brésil
ne sont pas si limitées, comme on pouvait le croire. L'auteur a l'intention de vérifier si
certaines idées élaborées sur le Brésil sont fausses ou non, citons quelques exemples abordés
dans son ouvrage : « Le Brésil est un pays neuf », « Le Brésil est un mélange de races et de

31 Roman, p. 123. Cf. Bibliographie.


32 Notre traduction : « Le Brésilien, ainsi, dans l'imaginaire français, est le fruit d'un métissage, qui a eu lieu aux
origines de la colonisation. Et c'est ce type humain qui est mis en évidence, la plupart du temps, dans les
publications sur le Brésil ». Article - Barbosa, p. 81.

43
cultures », « Le Brésil est le pays du football », « Le Brésil est le leader des bio-carburants »,
« Le Brésil est le berceau de l'altermondialisme », etc.

Ne serait-ce qu'en observant ces deux derniers thèmes, abordés par Paul Claval, nous
pouvons affirmer que les représentations sur le Brésil changent, car elles dépassent les
domaines culturels, pour toucher des problématiques économiques et politiques. Le Brésil
occupe désormais un rôle croissant sur la scène diplomatico-politique.

De ce fait, nous nous demandons pourquoi le Brésil fait toujours l'objet des
représentations stéréotypées en France s'il gagne progressivement une nouvelle place sur la
scène internationale. L'étude de Grégoire Nieuhaus (2009)33 : « Les représentations du Brésil
en France ou l'interaction de deux cultures à travers le prisme des médias », répond en partie
à cette interrogation. Elle s'inscrit, en effet, dans le cadre d'une recherche sociologique sur
l'influence des médias dans la construction des représentations sociales stéréotypées au sein
de la société française. L'auteur défend l'idée que le Brésil est : « bien plus qu'un autre pays
l'illustration la plus adaptée pour l'étude des représentations sociales », car l'image de ce
pays en France représente un pôle d'attraction de l'imaginaire collectif avec des
représentations positives et utopiques.

De plus, Grégoire Nieuhaus observe que « tout objet lié au Brésil est transformé pour
répondre à une logique de consommation », cela expliquerait le succès, en 2005, de la saison
culturelle. L'auteur tente de prouver l'existence des images déformées du Brésil en France, à
l'heure actuelle, à travers l'observation des manifestations culturelles brésiliennes existantes
en France, ainsi que de l'analyse médiatique des événements survenus au Brésil. Ainsi, son
analyse aborde des documents évoquant le Brésil depuis l'Année du Brésil en France jusqu'à
nos jours, en mettant en exergue le rôle joué par la saison culturelle dans la construction des
images stéréotypées.

En effet, on constate que pendant la saison culturelle, le Brésil a subi une


« surmédiatisation » que, selon Grégoire Nieuhaus, « l'a transformé en effet de mode » (2009,
p. 255). Dans un but majoritairement commercial, les images véhiculées cherchaient à
simplifier la réalité brésilienne afin d'atteindre le grand public. Les recherches menées par

33 Thèse doctorat - Université Paul Valéry - Montpellier III. Cf. Bibliographie

44
Nieuhaus permettent de dégager cinq principaux axes thématiques relevant de l'image du
Brésil en France :

- les musiques, danses et Carnaval ;


- paysages ;
- corps ;
- sports ;
- violence et pauvreté.

Il est donc possible d'affirmer que ces thématiques vont à la rencontre des résultats
exposés antérieurement lors du projet Brésil-France et du rapport de l'AFAA. A ce sujet,
Juremir Machado da Silva, auteur de « Le Brésil, pays du présent » constate :

« Le Brésil est représenté par le foot, la musique, la plage, la nature, la violence


(inégalité, misère, exploitation). C'est un pays qui ne sort pas de ses contradictions
sociales ». 34

Ainsi, si d'une part, la saison culturelle « Brésil-Brésils » a permis le rapprochement


entre la France et le Brésil sur le plan économique, d'autre part, l'image du Brésil a été
surexploitée, en perpétuant les stéréotypes. En outre, Grégoire Nieuhaus observe une chute
considérable du nombre de documents évoquant le Brésil dans les années, qui suivent la
saison culturelle, en raison d'une logique propre aux médias : la recherche des phénomènes.

L'auteur distingue trois phases dans la construction des représentations sur le Brésil en
s'appuyant sur les principes théoriques de Pascal Moliner : la phase de dispersion, de
focalisation et de discussion. La première consiste à élaborer de multiples reportages et
références liés au Brésil afin de diffuser le plus grand nombre d'informations sur ce pays.
Ensuite, la phase de focalisation est la conséquence de la première phase et permet aux
médias de s'emparer de l'image du pays. Enfin, lorsque l'on a l'illusion de bien connaître notre
objet, on évoque la troisième phase que relève de « la discussion sur un sujet que les individus
connaissent mal » (2009, p. 255). Ce dernier aspect tient en compte le fait que les médias ne
présentent qu'une partie de la réalité en fonction des objectifs, assez souvent, commerciaux.

Les images émergées du travail de Grégoire Nieuhaus montrent que les aspects
politiques et économiques, tels que la bio énergie, l'altermondialisme, etc., ne sont pas des

34 Juremir Machado da Da Silva in Grégoire Nieuhaus (2009). Cf. Bibliographie.

45
éléments consolidés, parmi les représentations sociales les plus courants du Brésil en France.
Au contraire, les individus, selon l'étude de Grégoire Nieuhaus, suivent la logique imposée
par une société de consommation et du spectacle en cherchant « essentiellement de la détente
et de la distraction » (2009, p. 255).

En revanche, il convient de noter que ce ne sont pas tous les médias qui diffusent des
images positives sur le Brésil : si d'une part, la télévision s’appuie sur des stéréotypes évoqués
dans des documentaires, élaborés, quasi exclusivement, par des Européens, d'autre part, le
cinéma transmet une image plus proche de la réalité, notamment celle de la violence. En effet,
le cinéma brésilien aborde, assez souvent, des sujets fort présents dans la société brésilienne
même si cela contribue à l'élaboration d'une image plutôt négative du pays.

En somme, nous avons tenté de montrer, à travers l'analyse documentaire, que l'image
du Brésil en France fait l'objet de nombreuses recherches, dans différents domaines, tels que
le journalisme, la sociologie et la littérature. De ce fait, nous avons voulu nous appuyer sur les
résultats des recherches effectuées, qui diffèrent très peu, pour privilégier les perspectives de
travail dans le but faire évoluer les représentations, plutôt que de développer un long travail
descriptif. Nous allons désormais tenter de dégager les principaux dispositifs qui interviennent
pour l'évolution de l'image du Brésil à l'étranger. Ainsi, le site du Ministère des Affaires
Étrangères Brésilien évoque le rôle des publications des ouvrages brésiliens, dans différents
domaines, à l'étranger :

« A imagem do Brasil no exterior mudou sensivelmente de 2003 a 2010. Por meio de


diversas publicações editadas em pelo menos quatro idiomas (português, espanhol,
francês e inglês), foi possível divulgar de forma ampla não somente aspectos
fundamentais da cultura brasileira – relativos à culinária, às festas populares, ao
teatro,à música – como também avanços na área de biocombustíveis, no campo de
ciência, tecnologia e inovação »35

35 Notre traduction: « L'image du Brésil à l'étranger a sensiblement changé, de 2003 à 2010. Par le biais des
diverses publications en, au moins, quatre langues (portugais, espagnol, français et l'anglais), il a été possible
de ne pas seulement diffuser les aspects fondamentaux de la culture brésilienne - relatifs à la gastronomie,
aux fêtes populaires, au théâtre et à la musique - mais aussi aux évolutions dans les domaines de
biocombustibles, des sciences, de technologies et d'innovation ». In www.itamaraty.gov.br. Consulté le 13
avril 2012.

46
Certes, les publications plus récentes sur le Brésil rendent compte d'une image plus
moderne de ce pays, en abordant des thématiques plus variées, qui dépassent les idées reçues
évoquées auparavant. Si on se dirige vers une évolution des représentations, cela ne représente
qu'une partie du travail car, comme on l’affirme ci-dessus, les changements demeurent
sensibles. Afin d'assurer un travail plus solide sur les représentations sociales de la langue et
de la culture d'un pays, il convient d'évoquer le rôle des centres culturels.

2. ETATS DES LIEUX DES RESEAUX DE CENTRES CULTURELS

2.1 Les Instituts dans le monde

Nous avons abordé précédemment les principales actions, qui ont eu lieu en France ces
dernières décennies concernant la diffusion de l'image du Brésil : le colloque Réciproques du
Brésil et de la France (1991) et le projet Brésil-Brésils (2005). Nous avons constaté
également que de nombreux ouvrages abordant la culture brésilienne ont permis l'évolution de
l'image du Brésil en France.

Il est désormais temps de nous demander quelles pourraient être les prochaines actions
pour la diffusion de la langue et de la culture brésilienne sur le sol français. Il convient de
préciser que notre proposition vise des mesures à long terme et de manière continue pour
assurer la qualité de ce travail.

En ce sens, la fondation d'un institut culturel brésilien en France nous semble être
l’instrument de promotion le plus efficace car il a l’avantage de la durée. Un institut
représente un lieu riche en échanges interculturels, qui se font à travers l'apprentissage d'une
langue étrangère et la croisée de différents regards sur une culture.

Afin de justifier notre proposition, nous nous proposons, dans ce chapitre, d'analyser
les grands réseaux d’instituts culturels européens, mais non exclusivement, qui nous
paraissent pertinents en tant que source d’inspiration pour notre projet. Cette analyse nous
permettra de comprendre le système d'organisation d'autres pays dans la diffusion de leurs
langue et culture, et de dégager les principales bases pour la fondation d'un institut brésilien.

Ainsi, nous allons tout d’abord présenter l’Institut Français, qui mérite notre attention,
pour son engagement pour la promotion du français et reflète un système très complexe de

47
politique culturelle à l'étranger. Ensuite, nous nous pencherons sur d’autres cas, comme celui
de l’Institut Cervantès, du Goethe Institut et de l’Institut Confucius, pour montrer comment
ces centres, respectivement espagnol, allemand et chinois, se construisent selon leurs missions
vis-à-vis de la politique culturelle étrangère de leur pays. Enfin, en dernier ressort, l’analyse
de l’Institut Camões et des Centres culturels brésiliens nous révélera l’état actuel du portugais
en tant que langue étrangère et de la place accordée à la diffusion de la culture brésilienne au
sein de ces centres.

2.1.1 Institut Français : un réseau exceptionnel

L'Institut Français36 est désormais le principal opérateur de l'action culturelle


extérieure de la France. Son inspiration remonte au XIXème siècle, lorsque des personnalités
françaises, s'engagèrent dans le développement d'une politique de diffusion de la langue et de
la culture à l'étranger. On fait référence ici à l’Alliance française, fondée en 1883, par les
membres d’un Cercle saint-simonien afin de créer un nouvel instrument d’influence après la
défaire militaire de 1871. Mais, cette institution avait une nature spécifiquement associative et
elle l’a conservée en dépit d’un contrôle exercé par le Ministère des Affaires étrangères et
européennes français, par le truchement de subventions et du financement des salaires des
cadres.

En 1922, après les déconvenues de la victoire ardue remportée sur l’Allemagne, lors
de la Première guerre mondiale, et la conscience renforcée d’un affaiblissement de la France
dans ce champ, est créée l'Association française d'expansion et d’échanges artistiques dans le
but de promouvoir la culture française dans différents pays dans le monde.

Idem et selon la même logique, au terme de la Seconde guerre mondiale, le ministre


des Affaires étrangères de l’époque, Georges Bidault écrit :

« Actuellement, la culture est, dans le domaine de l'expansion française, la carte maîtresse


de notre jeu. Je pense que, particulièrement dans le domaine des échanges d'hommes

36 Site de l'Institut Français : www.institutfrancais.com. Consulté le 14 avril 201.

48
(notamment par la venue de boursiers étrangers en France), les décisions que nous
prendrons auront une influence décisive dans l'avenir proche et lointain sur la place de la
culture française dans le monde, et indirectement sur l'influence politique et commerciale
de la France. »37

Si la France avait eu l’occasion de fonder quelques institutions de promotion de sa


culture ou de son expertise bien avant : l'Académie de France à Rome (1666), l'École
française d'Athènes (1864), l'École française de Rome (1874), l'Institut français d'archéologie
orientale du Caire (1880), c’est surtout au XXème siècle qu’elles se développent
parallèlement aux alliances françaises : l'Institut français de Florence (1908), l’Institut
français de Madrid (1909), l'Institut français de Londres (1910), la Maison franco-japonaise
(1924), l'Institut français de Lisbonne (1928), l'Institut français d'archéologie d'Istanbul
(1930), la Maison Descartes d'Amsterdam (1933) et l'Institut français de Stockholm (1937),
celui de Saint Petersbourg, etc.

Quant à l'Association française d'expansion et d’échanges artistiques, elle est


rebaptisée : Association française d'action artistique (AFAA), puis Culturesfrance (2006), puis
enfin Institut Français (2011), avec le format juridique d'un établissement public à caractère
industriel et commercial (EPIC).
Les objectifs de l'Institut Français se sont développés et ne visent pas seulement la
diffusion de l’action artistique, mais de la langue française et en général la promotion de
l’expertise française : seule l’Aide au développement lui échappe, confiée à l’Agence
française de développement (AFD).

Jean-François Raymond (2000) explique que la France a finalement construit un


réseau exceptionnel, comparé à d'autres pays dans le monde. Cela s'explique par son ambition
d'une action culturelle « permanente et multiforme », ainsi que par son rapport avec la culture,
qui « jouit en France d'une considération officielle reconnue comme d'intérêt public »38. Cela
s’explique aussi peut-être, en cohérence, par les représentations éminemment culturelles
attachées à la France et à la langue française par tous les peuples du monde.

37 G. Bidault (1946), discours à l'occasion de la présentation du budget de la Direction générale des


relations culturelles et des oeuvres françaises à l'étranger (créée le 13 avril 1945).
38 Jean-François Raymond 2000, p. 12. Cf. Bibliographie.

49
Dans son ouvrage « L'action culturelle extérieure de la France », Jean-François
Raymond explique que le rayonnement international d'un État ne dépend pas seulement de sa
puissance économique et commerciale, de sa géographie et de sa force militaire, mais aussi de
son volontarisme pour favoriser les relations culturelles. A ce propos, l'auteur s'exprime en
ces termes :

« [L'action et la politique culturelles françaises] ont un caractère volontariste et


reposent sur une organisation rationnelle s'articulant entre autres à travers la
francophonie et ses institutions ».39

Ceci dit, nous constatons que la France accorde effectivement, dans ses relations
internationales, une place particulière aux échanges culturels. Cela s'exprime à travers les
nombreux dispositifs de diffusion et de rayonnement de la langue, de sa culture, de son
expertise, dans le monde, et notamment donc l'Institut Français.

Les missions de l'Institut s'inscrivent donc cette logique, comme nous pouvons
l'observer à travers l'analyse de son catalogue et de son site internet. Parmi les dix principaux
objectifs présentés, nous pouvons souligner l'importance des échanges artistiques, culturels et
intellectuels. Il s'agit de « promouvoir les échanges artistiques internationaux », « développer
le dialogue des cultures via l’organisation de « saisons », « années », ou « festivals » en
France et à l’étranger » et « agir pour la diversité culturelle à l’échelle européenne via des
partenariats européens et multilatéraux ».

Dès lors, il convient de préciser ce que l'on veut dire avec le mot « échange » puisqu'il
est fortement présent dans les missions de l'Institut Français et dans d’autres instituts. Pour
cela, nous nous tournons vers Jean-François Raymond (2000), qui distingue trois types
d'échanges dans les relations culturelles internationales : l'échange lors d'une relation de
coopération, de diffusion ou d'aide et d'assistance.

Le premier type d'échange évoque la conception classique d'échange. C'est-à-dire qu'il


existe de la réciprocité, lors des échanges culturels et scientifiques, en impliquant les deux
pays dans les décisions et dans les coûts des projets d'intérêt commun. Lors d'une relation de
diffusion, Raymond précise : « les pays font connaître l'un chez l'autre leurs réalisations et la

39 Idem, p. 7. Cf. Bibliographie

50
réalité de leur identité » (2000, p. 10). Cette modalité d'échange est souvent utilisée par des
pays économiquement puissants, mais, de par son concept, l'échange permet le rayonnement
de deux pays concernés dans l'action culturelle.

Enfin, le dernier type d'échange, définit par Raymond, montre que, dans les relations
d'aide et d'assistance, l'action culturelle est conduite entre deux pays de niveau de
développement inégal. L'auteur rappelle que cette relation est souvent observée entre les pays
du « Sud » et les pays « du Nord » ; cela se déroule pourtant dans un intérêt mutuel. En
illustration, l'auteur cite les situations d'accueil des étudiants des pays « du Sud » dans les
établissements universitaires des pays plus développés. Ces derniers, en offrant la possibilité
aux étudiants de faire leurs études dans des universités des pays plus développés, créent des
liens susceptibles de favoriser de futures relations culturelles postérieures.

En ce sens, l'Institut Français vise divers types d'échanges dans son programme,
notamment l'engagement social vis-à-vis des pays « du Sud ». Ainsi, la proposition d'un
« développement culturel des pays du sud » révèle l'intérêt français pour le développement des
échanges des relations culturelles d'aide et d'assistance.

De plus, les relations de diffusion sont également présentes, comme pouvons constater
à travers les formules suivantes : « partager la création intellectuelle française », « diffuser le
patrimoine cinématographique et audiovisuel français », « encourager la diffusion et
l’apprentissage de la langue française », « favoriser la mobilité internationale des créateurs,
avec des programmes de résidences », et « coordonner et favoriser les actions avec les
collectivités territoriales françaises à l’international ».

Le rôle de la langue est primordial dans les relations culturelles internationales. A ce


sujet, Jean-François Raymond explique : « la politique qui entend sauvegarder et promouvoir
l'usage de la langue française constitue la base de l'action culturelle extérieure de la
France » (2000, p. 60). Cela est particulièrement vrai si on considère l’institution très
particulière soutenue par le Ministère des Affaires Étrangères et Européennes et que constitue
l'Organisation International de la Francophonie (OIF).

Notre but étant celui de mettre en évidence les principes fondateurs de l'Institut
Français, il ne s'agit pas ici d'approfondir les connaissances sur l'OIF. En revanche, il est

51
important de préciser que la Francophonie multilatérale représente, dans le cadre de l'action
culturelle internationale française, un élément central car elle favorise les échanges simultanés
de divers pays et agit ainsi en tant qu’agent d’influence politique sans mettre en avant son
caractère bilatéral. Comme Jean-François Raymond (2000) l'affirme, « la francophonie
s'organise pour assurer une présence active sur de nombreux fronts et favoriser les échanges
(…) et milite pour la diversité culturelle et linguistique » (2000, p. 68).

Pour que tout cela soit possible, il convient d'observer le dernier objectif cité dans le
catalogue de l'Institut Français, celui d’« assurer la formation et le suivi de carrière des
agents du réseau culturel dans le monde »40. Cet objectif met en évidence l'importance
accordée à la qualité du dispositif car s'il représente un moyen de favoriser les relations
culturelles, ainsi que la construction de l'image du pays, la formation et le suivi du personnel
est un critère important. A ce sujet, il convient d'évoquer une dernière réflexion de Jean-
François Raymond (2000) à propos du réseau culturel français. L'auteur affirme que l'on
envisage « une politique lisible et continue en s'appuyant sur un réseau cohérent, des
personnels compétents pour engager des actions volontaires et constructives » (2000, p. 115).

En somme, les missions de l'Institut Français reposent, bien évidemment, sur les
principes de la politique culturelle internationale française, mais aussi sur un travail de fond
qui vise l’établissement de relations culturelles durables. Pour comprendre le processus
d'élaboration de ce programme d'action vaste et complexe, il convient d'analyser les bases de
sa fondation, ainsi que de son organisation.

Avec un budget estimé à 52,5 millions d'euros en 2010, le Ministère des Affaires
Étrangères et Européennes gère un réseau de 101 Instituts Français dans le monde et une part
de ce budget est également consacrée au soutien des 400 Alliances françaises. Afin de mettre
en lumière les dimensions organisationnelles de ce grand réseau, nous nous pencherons sur
l'analyse du décret du 31 décembre 2011 de l'Institut Français41.

Dès lors, il convient d'insister sur le statut juridique de l'Institut Français, celui d'un
dispositif à but social et non-lucratif. L'établissement est responsable de la gestion et de
l'animation du réseau culturel à l'étranger : cela implique un travail de coopération avec les

40 In : http://www.institutfrancais.com/faites-notre-connaissance. Site consulté le 16 avril 2012.


41 In : www.juridique.fr. Site consulté le 16 avril 2012.

52
ambassadeurs et aussi avec les différentes collectivités publiques et privées. Toutefois, même
si l'Institut est amené à travailler avec des organismes privés, il demeure un établissement
public sous l'autorité des ministères des Affaires Étrangères et européennes, de la Culture, de
l’Éducation et de l'Enseignement Supérieur et, quelque part, du Budget.

Ainsi, on observe la présence des représentants de chaque ministère dans la


constitution des conseils. Le décret définit deux axes d'organisation : le conseil
d'administration et le conseil d'orientation stratégique. Le premier conseil est chargé de
l'organisation générale de l'établissement, des programmes généraux d'activité et
d'investissement, de la partie financière (dépenses et recettes), du personnel (recrutement,
emploi, rémunération) et de l'élaboration du règlement intérieur du centre.

La gestion du conseil d'administration est assurée par le président, chargé de


l’exécution des missions, et par le directeur général délégué, responsable de l'administration et
de la gestion de l'établissement. Il existe une possibilité pour qu'un directeur en charge de la
politique culturelle du Ministère des Affaires Étrangères (MAE) intervienne en tant que
commissaire du gouvernement dans le conseil d'administration.

Dirigé par les Ministres des Affaires Étrangères et européennes et de la Culture, le


conseil d'orientation stratégiques compte de nombreux partenaires. Nous pouvons observer la
présence, entre autres, des députés, des sénateurs, des représentants de l'Assemblé, de l’État,
de l'enseignement supérieur et de la recherche, et aussi celle du délégué général de la langue
française, du président de la fondation Alliance Française, des représentants de Campus
France, du Centre International d’Études Pédagogiques (CIEP), du Centre National
d'Enseignement à Distance (CNED) et des chargés de missions diplomatiques. Cela montre
bien l'amplitude et l’ambition du réseau de la politique culturelle française et l'importance des
partenaires dans la définition des stratégies pour la mise en œuvre de son programme.

L'Institut Français joue un rôle donc fondamentalement centralisateur. En regroupant


les différents dispositifs existant à l'étranger et en France, l'Institut donne ampleur aux
objectifs promus par la politique culturelle extérieure française car il partage ses stratégies
avec ses partenaires. François Chaubet et Laurent Martin (2011) constatent que, contrairement
à ce qui se fait dans les autres pays, dont les agences culturelles extérieures sont autonomes
vis-à-vis de l’Etat (c'est le cas du Goethe Institut et du British Council, par exemple), le Quai

53
d'Orsay continue finalement de jouer un rôle principal en tant que protagoniste de l'action
culturelle française, et ce en dépit des discours et du format l’EPIC. Cela ne veut pas dire que
les instituts ne jouissent pas d’une certaine autonomie malgré le système français fortement
centralisateur. François Chaubet et Laurent Martin (2011) montrent que les initiatives locales
sont de plus en plus nombreuses et enrichissantes pour le réseau culturel français.

Il convient de préciser que l'Alliance Française joue un rôle également très important
dans la diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde, à savoir que le réseau
d'associations représente près de deux tiers du dispositif culturel de la France 42. Néanmoins,
l'Institut Français occupe une place privilégiée dans l’action culturelle extérieure, celle du
pivot, comme l'affirme sa brochure :

« La mise en place d'une marque commune « Institut Français » regroupant


l'établissement parisien et les instituts français à l'étranger donne à la diplomatie
culturelle publique cohérence et visibilité ».43

Parmi ce réseau exceptionnel, l'Institut Français semble se distinguer en tant que


modèle d'opérateur d'action culturelle extérieure car il réunit dans sa conception deux
caractéristiques fondamentales de travail : l'organisation et la coopération. Ce dispositif
semble gérer les actions culturelles à travers une mise en place des démarches permettant
l'autonomie et la diversification du réseau tout en les rattachant à un pôle centralisateur.

Ainsi, si l'expérience française dans le domaine des politiques culturelles nous guide
vers des modèles de référence, il est difficilement possible d'appréhender ici toutes ses
stratégies de travail.

Toutefois, il convient de nous pencher sur un dernier aspect organisationnel de


l'Institut très important pour son aspect évaluatif. L'Institut Français a mis en place le 1er
janvier 2012 un programme nommé « Expérimentation » à travers lequel il vise le
« recentrage » de ses activités. Cela exprime la volonté d'assurer « la diversité du réseau
culturel en termes d'effectifs, de moyens et d'implantation géographique », comme l’affirme le
site internet. Il s'agit d'une stratégie mise en œuvre pour évaluer la pertinence de la présence

42 Catalogue Institut Français, p. 6.


43 Idem, p. 6

54
du réseau dans certaines localités, ainsi que celle du public visé, tout en évaluant son propre
travail sur le terrain.

De ce fait, la phase d’expérimentation représente une constante reformulation de son


mode d'organisation qui, aux yeux du président de l'Institut Français, Xavier Darcos, permet
« une meilleure visibilité et une plus grande lisibilité à l'action culturelle publique », ainsi
qu'« un nouveau souffle à la promotion de son action culturelle extérieure »44.

En somme, nous pouvons conclure que le plus grand opérateur de la diplomatie


culturelle française tient à se renouveler afin d'assurer toujours sa place sur la scène
internationale. Son mode d'organisation et ses stratégies nous permettent d’affirmer que
l’Institut Français ne vise pas seulement la diffusion unidimensionnelle de la culture et de la
langue française, mais aussi la mise en place d’échanges interculturels. Cela s’exprime par le
désir de rendre son réseau plus autonome et plus indépendant du Ministère des Affaires
etrangères et européennes.

2.1.2 Les autres instituts : Goethe, Cervantès et Confucius

Si la France propose un dispositif complexe de diffusion de la langue et de la culture


française, d'autres pays, dans le monde, investissent également dans des systèmes différents,
mais tout aussi intéressants pour notre étude. Ainsi, nous avons choisi d'aborder les instituts
allemands, espagnols et chinois car ces trois pays nous montrent un éventail de propositions à
différentes échelles. Il est important de noter que notre étude n'épuise pas, pour autant, la
diversité des modèles existant dans le monde, notamment le British Council, dispositif du
gouvernement anglais, qui développe une activité tout aussi importante.

Dès lors, il s'agit d'observer que, si les instituts Goethe et Cervantès s'inscrivent dans
un cadre plus large et complexe de système de diffusion de la langue et de la culture, l'Institut
Confucius présente des dimensions plus modestes (pour l’instant : il est en développement
rapide) et c'est la raison pour laquelle, il figure parmi les modèles dont s’inspirer.

44 Idem, p. 4.

55
Ces trois dispositifs ont pour mission de faire rayonner leur langue et leur culture sur
la scène internationale, ainsi que d'encourager la coopération culturelle internationale.
Cependant, chaque institut dispose de différents moyens et stratégies pour mise en œuvre, en
sachant que cela dépend également de l’engagement de chaque pays vis-à-vis de sa politique
culturelle.

De ce fait, les premiers instituts de langue allemande ont été fondés dans les années
vingt45, tandis que l'Espagne a investi pour la première fois dans un institut culturel en 1991 46
et la Chine en 200447. L'expérience allemande dans les actions culturelles internationales nous
permet de constater un modèle très solide, dont les activités jouent un rôle déterminant dans la
coopération à l'étranger. Ainsi, l'Institut Goethe n'offre pas seulement l'enseignement de la
langue allemande, mais propose aussi de nombreux évènements artistiques. Toutefois, la
complexité du modèle allemand ne peut pas être comparée pour autant avec celle du modèle
français car il s'agit d'actions plus ponctuelles, limitées à des rapports exclusivement
bilatéraux.

En parallèle, le cas hispanophone nous révèle une conception plus large puisqu'elle
englobe à la fois, dans ses missions, la diffusion de la culture espagnole et hispano-
américaine. En outre, le réseau hispanophone constitue le deuxième plus important à une
échelle internationale. En termes de moyens, l'Espagne déploie un budget assez considérable
pour l'action culturelle à travers, entre autres, les formations linguistiques, les bibliothèques,
les formations à distance, le soutien à l'élaboration des méthodes exclusives du réseau, les
nombreuses manifestations culturelles et la mise en place d'une chaîne de télévision
hispanophone.

L'Institut Cervantès, soutenu par le gouvernement espagnol, propose donc un vrai


investissement au niveau du réseau culturel. La richesse linguistique, comme nous avons pu
l’observer auparavant, constitue un facteur important au sein de l'institut en sachant que,
contrairement à la France, les langues officielles d'Espagne sont également visées et diffusées.

A noter la présence assez forte de l’institut espagnol au Brésil. Tania Regina Martins
Machado (2010) explique que la présence non négligeable de la langue espagnole au Brésil

45 Site internet: www.goethe.de. Consulté 17 avril 2012.


46 Site internet: http://www.cervantes.es. Consulté le 14 avril 2012.
47 Site internet : www.confucius.univ-paris7.fr. Consulté le 14 avril 2012.

56
est le résultat d'un travail acharné du gouvernement espagnol, qui a réussi à imposer cette
langue en tant que produit de consommation. Il est évident que les relations économiques
qu'entretiennent le Brésil et l'Espagne (et avec les autres pays, tous hispanophones, de
l'Amérique latine) contribuent à la mise en place de ce système complexe de diffusion de la
langue et de la culture espagnoles. A ce propos, Tania Regina Martins Machado (2010) écrit :

« É representativa a atuação da Espanha no modo de gerir os negócios estabelecidos


a partir da divulgação da língua espanhola, ou seja, explora seu produto linguístico
associado à cultura e ao turismo »48 (Machado 2010, p.72)

En ce sens, nous pouvons affirmer que l’expansion de la langue espagnole sur le


territoire brésilien s’appuie sur sa diffusion de la langue en tant que produit. De plus, la
coopération des autorités espagnoles avec les pays de l’Amérique Latine permet la
construction de l'unité hispanophone. Même si, comme Tania Regina Martins Machado a pu
le constater, l'Espagne demeure le pôle centralisateur de la gestion des activités des instituts.

Si la diversité culturelle peut être considérée comme un obstacle pour la mise en place
d'un réseau culturel, elle recèle également une certaine richesse. Nous rappelons les concepts
théoriques, évoqués précédemment, à propos de la richesse culturelle d'un pays, qui constitue
un critère important lors du choix de l'apprentissage d’une langue étrangère (Louise Dabène,
1994).

Malgré l'écart d'expérience entre l'Espagne et l'Allemagne dans le domaine de l'action


culturelle internationale, les deux modèles s'avèrent pertinents car tous les deux semblent
effectuer un travail concret sur l'image de leur pays à l’étranger. A ce propos, nous rejoignons
le constat de l'Institut Cervantès mis en ligne sur son site Internet :

« Autores, conferencias, exposiciones y diversas publicaciones muestran los distintos


puntos de vista de historiadores y personalidades sobre la evolución de un país cuya
proyección en el exterior ha dejado de ser folclórica y estereotipada.»49

48 Notre traduction : « Il est remarquable la manière dont l'Espagne gère ses affaires dans le cadre de la
diffusion de la langue espagnole, c'est-à-dire qu'elle prend en compte son produit linguistique en l'associant à
la culture et au tourisme ». Machado (2010), article. Cf. Bibliographie.
49 Notre traduction : « Auteurs, conférences, expositions et nombreuses publications montrent de différents
points de vue des historiens et personnalités sur l'évolution du pays dont la projection à l'étranger n'est plus
folklorique et stéréotypée ». Site internet Cervantes : www.cervantes.es. Consulté le 14 avril 2012.

57
L'image moins folklorique et stéréotypée du pays reflète ainsi les résultats du travail
effectué par l'action culturelle espagnole depuis sa naissance. Certes, les dispositifs espagnol
et allemand révèlent des politiques culturelles extérieures bien menées par leurs instituts dans
le monde. Cependant, il est important de préciser que l'Espagne, l'Allemagne et la France
s'inscrivent dans la catégorie des pays « du Nord », c'est-à-dire que les relations culturelles
internationales qu'ils entretiennent entre eux ou avec des pays moins développés ne
s’apparentent pas aux initiatives des pays « du Sud ». C'est pourquoi, nous avons décidé
d'aborder le cas chinois afin de mettre en lumière des actions qui relèvent de la réalité des
pays dont l’économie et les politiques culturelles sont en plein développement.

A l'instar des modèles espagnols et allemands, l'Institut Confucius propose, depuis huit
ans, la diffusion de la langue et de la culture chinoises sur les cinq continents par le
truchement des formations linguistiques et la promotion des activités culturelles. Toutefois,
l'Institut Confucius, qui est sous la direction du Centre Culturel Chinois, a été fondé dans une
perspective particulière, car il vise à répondre à la demande d'expansion économique et
politique chinoise. En d'autres termes, cela implique l'intérêt croissant de divers pays pour la
langue chinoise dans le monde des affaires. La Chine s'ouvre sur le monde, comme on peut
l'observer sur le site Internet de l'Institut Confucius, dans le but d'élargir les échanges non pas
seulement sur le plan économique et industriel, mais aussi dans le domaine de l'enseignement
supérieur et de la recherche.

Ainsi, nous dégageons un élément primordial de l'Institut chinois : l'implication de


l'université dans sa composition. En effet, l'Institut Confucius de Paris est le fruit d'un
partenariat entre l'université Diderot (Paris 7) et celle de Wuhan50. Le public visé est constitué
d'étudiants, en échange universitaire ou bien directement de l'université Paris Diderot, mais
aussi de professionnels, car les formations proposées par l'institut sont majoritairement en
langue chinois sur des objectifs spécifiques.

Nous remarquons que l'Institut Confucius met en place un dispositif de diffusion de la


langue et de la culture chinoises, assez riche en moyens et bien structuré, grâce au soutien des
universités. De ce fait, le gouvernement chinois assure le développement des actions

50 L'université de Wuhan est une université prestigieuse de Chine, située à Wuhan, capitale de la province de
Hubei. In : http://www.whu.edu.cn/index.html. Site consulté le 25 avril 2012.

58
culturelles internationales dans des dimensions plus modestes sans pour autant négliger la
qualité des services assurée par une équipe d’enseignants expérimentés.

Afin de comprendre les modes d'organisation des centres culturels allemands,


espagnols et chinois, nous nous pencherons sur l'organigramme proposé par leurs sites
internet.

Un réseau culturel complexe, comme ceux des instituts Goethe et Cervantès, présente
un système fortement soutenu par les représentants des différents gouvernements. Pour le cas
espagnol, les autorités les plus hautes sont concernées par le projet d'action culturelle
extérieure puisque le Roi d'Espagne agit en tant que Président d'honneur. Néanmoins, nous
nous recentrons sur l'organigramme des instituts dans le but de nous rendre compte du nombre
d'effectifs nécessaire pour l'accomplissement de leurs missions ainsi que de comprendre la
gestion du centre.

Aussi avons-nous pris en considération les centres Goethe, Cervantès et Confucius,


installés à Paris puisqu'ils s'inscrivent dans le lieu pressenti pour la fondation de notre projet,
en l'occurrence celui d'un institut brésilien. En suivant toujours les informations mises en
ligne sur leurs sites Internet, il est évident que l'équipe de l'institut chinois se distingue, dans
sa simplicité, des modèles espagnols et allemands. Le personnel révèle la philosophie de
chaque centre culturel car si d'une part, l'Institut Confucius est composé majoritairement
d’enseignants des universités - conformément à sa conception - d'autre part, les instituts
Cervantès et Goethe respectent une division du personnel quasi similaire à celle des écoles de
langues.

En général, il ressort de l’analyse des organigrammes, surtout de ceux des instituts


allemands et espagnols, qu’ils disposent d’un conseil administratif, d’une section culturelle et
d’un conseil pédagogique. Mais, les instituts Cervantès semblent pourtant être plus grands que
les Goethe instituts. Le premier compte une équipe d'environ vingt-quatre personnes, dont les
fonctions sont distribuées selon l'organigramme suivant :

59
Directeur Secrétaire de direction

Administrateur Responsable culturel Responsable pédagogique


Agent comptable Département culturel Professeurs
Secrétaire administratif Directrice de la
Bibliothèque
Réceptionniste Assistante de
Bibliothèque
Personnel de l'Institut Cervantès de Paris

Il est important de noter que la bibliothèque est un espace très largement ouvert, y
compris à ceux qui suivent des cours d'espagnol à distance ou au grand public. Il est important
de préciser que si les instituts culturels ressemblent, en général, à des écoles de langues, leurs
missions dépassent largement ce cadre et en conséquence, les services proposés au sein du
centre ne se limitent pas aux apprenants.

Sur son site Internet, le Goethe Institut fait apparaître les services suivants :

- Direction de l'Institut
- Programmation culturelle
- Information & Bibliothèque
- Section pédagogique
- Cours de langue
- Examens
- Administration

Il ressort de l’analyse du Goethe Institut de Paris, l'importance consacrée au service


des examens, celui-ci étant non explicitement mentionné dans l'organigramme de l'Institut
Cervantès. En effet, tous les dispositifs analysés au cours de ce chapitre proposent une
certification en langue : le français (DELF/DALF ou TCF), l'espagnol (DELE), le chinois
(HSK) et l'allemand (« Zertifikat Deutsch »). La langue, placée au cœur de l'action culturelle
extérieure, est solidement assise sur un système de certification officielle c’est en particulier
le cas au sein du Goethe Institut.

Enfin, l'Institut Confucius, fruit d’un riche partenariat universitaire, en porte la marque
dans son organigramme : deux directeurs, qui sont, à l’origine, maîtres de conférence dans les
universités française et chinoise, et quatre enseignants en formation en master ou en doctorat,
tous avec une expérience confirmée dans le domaine de l'enseignement/apprentissage du
chinois. Le service administratif, ainsi que celui chargée des activités culturelles ne figurent

60
pas sur le site : il est fort probable que ces services soient intégrées à ceux de l'université Paris
Diderot (Paris 7) puisque le système de communication (adresses électroniques des
enseignants, lien pour l'inscription, etc.) sont partagés. Cela nous montre que malgré les
dimensions assez modestes de l'Institut Confucius de Paris, il assure un rôle majeur : celui de
diffusion et de coopération culturelles internationales.

2.2 Le portugais langue étrangère

Si l'on considère que la fondation d'un institut vise le rayonnement de la langue et de


la culture d'un pays, ainsi que la coopération culturelle internationale, nous sommes donc
amenés à nous demander quel est l'état actuel de la promotion de la langue et de la culture
brésiliennes puisque le portugais fait l'objet d'actions partagées entre le Brésil et le Portugal.

Pour mieux comprendre la situation actuelle du portugais langue étrangère sur la scène
internationale, il convient d'abord de mettre en lumière les missions et l'organisation de
l'Institut portugais Camões, puis de nous centrer sur l'exemple du plus grand centre culturel
brésilien d'Amérique Latine, situé au Pérou : le Centre culturel Brésil-Pérou.

2.2.1 L'Institut Camões

Fondé en 1992, l'Institut Camões, tel qu'on le connaît aujourd'hui, est le principal
dispositif de diffusion de la langue et de la culture portugaises. Il s'agit d'une institution
autonome, sur les plans financier et administratif, du gouvernement portugais, qui agit en
coopération avec les Ministères de l’Éducation, de la Culture et de la Sciences et de la
Technologie et de l'Enseignement Supérieur. L'Institut gère un réseau présent dans 72 pays, en
intervenant dans divers domaines : dans l'enseignement de la langue, dans l'enseignement
primaire, secondaire et supérieur, ainsi que dans la promotion des manifestations culturelles.
A cela s'ajoute la formation continue des enseignants du réseau, l'enseignement à distance sur
Internet et le soutien à la recherche.

Certes, le réseau culturel portugais présente une complexité comparable à celle du


modèle espagnol, l'Institut Cervantès. Toutefois, il nous semble que le modèle portugais serait
plus centré sur une politique dirigée vers le maintien de la culture portugaise chez les
expatriés que sur le rayonnement de la langue portugaise à l'étranger. Le travail pour
l'intégration du portugais au sein des Institutions internationales européennes n'est pourtant

61
pas négligeable. Le Portugal, comme tous les pays faisant partie de l'Union Européenne,
œuvre pour que le portugais devienne une langue de communication internationale et se fasse
une place surtout en Europe.

En effet, l'Institut Camões est fortement impliqué dans la diffusion du portugais langue
étrangère à travers de nombreuses actions, notamment sa participation active à l’organisation
de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP) et dans l'Institut International de
Langue Portugaise (IILP).

Si, d'une part, le réseau portugais s'engage dans un ample projet de promotion de la
langue portugaise, d'autre part, et contrairement à l'Institut Cervantès, il n’est pas tellement
impliqué dans la diffusion des cultures des autres pays lusophones. Cela constitue pourtant
l’une des voies parmi les plus pertinentes pour une projection plus importante à l'étranger.
L’Institut Camões semble pourtant être désormais conscient de cette lacune, comme le montre
son site Internet :

« É uma ponte que se constrói, uma ponte que une as margens distintas das
identidades culturais de cada um dos países de língua oficial portuguesa » 51

La construction d'un pont entre les cultures des pays lusophones est donc récente.
Autrement dit, les cultures africaines et brésiliennes sont à peine citées dans le programme
d'action de diffusion de la langue portugaise de l’Institut Camões, qui néglige ainsi la partie
majoritaire de la communauté lusophone, notamment les 190 millions de Brésiliens. Ce
constat nous amène à l'idée, défendue par Tânia Machado52, que la somme de pays lusophones
étant un facteur essentiel pour la représentativité de la communauté portugaise à l'étranger.
Pour cela, l’auteure affirme qu’il est inévitable que le Brésil commence à s’imposer dans la
promotion de la langue portugaise et l’unification des pays lusophones.

Les relations luso-brésiliennes, au sein de la communauté lusophone, font l'objet de


nombreux débats, car on remet en question les rôles de chaque pays, ainsi que leur influence
sur les autres pays lusophones et sur la scène internationale. Cependant, cette problématique,
étant un vaste sujet, elle ne pourra pas être abordée dans notre analyse. Il convient plutôt de

51 Notre traduction : « C'est un pont qui se construit, un pont qui unit les marges distinctes des identités
culturelles de chaque pays de langue officielle portugaise » Cf. Sitographie.

52 Tânia Regina Martins Machado (2010), article en ligne. cf. Sitographie.

62
mettre l’accent sur le fait que l’élaboration d’un dispositif de la langue portugaise est
imminent : d'un côté, l'Institut Camões cherche de nouvelles stratégies pour moderniser son
réseau culturel portugais, en se voulant plus « multiculturel » ; de l'autre côté, on observe
qu'un modèle de culture brésilienne s'intensifie et gagne de plus en plus de place sur le plan
international.

Dans cette perspective, nous nous pencherons sur les dispositifs de diffusion de la
langue portugaise du Brésil, qui se résument, essentiellement, soit aux centres culturels du
Ministère des Affaires Étrangères brésilien rattachés aux ambassades, soit à des instituts
culturels d’initiative privée.

2.2.2 Les opérateurs brésiliens

A la fin des années quatre-vingts, la publication de l'ouvrage d'Edgar Telles Ribeiro


«Diplomacia Cultural : seu papel na política externa brasileira »53 deviendra un instrument
très important pour le développement de la politique culturelle extérieure brésilienne. Cet
auteur défend l’idée que le pays, qui envisageait jusqu’à là d’entretenir des relations purement
économiques et politiques sur la scène internationale, négligeait les bénéfices de la politique
culturelle, pour son développement. Ribeiro insistait ainsi sur l'importance d'établir des
relations culturelles internationales à travers la mise en place de dispositifs de diffusion de la
langue et de la culture brésiliennes à l’étranger.

Ces dispositifs existent pourtant depuis les années soixante : il s'agit des centres
culturels brésiliens rattachés à l’ambassade, responsables de l’animation des manifestations
culturelles, de l'enseignement du portugais et de la littérature brésilienne. C’est le cas du
Centre culturel Brésil-Pérou, fondé en 1962, qui est ainsi le plus ancien au sein du réseau du
Ministère des Relations Extérieures brésilien. En parallèle, d'autres dispositifs ont été mis en
œuvre, tels que les lectorats et, plus récemment, les instituts culturels brésiliens.

Les centres culturels, les instituts et les lectorats constituent l’ensemble des opérateurs
responsables de la formulation de la politique culturelle brésilienne à l’étranger. Il est
important de souligner que la politique culturelle, au sein des institutions gouvernementales

53 Ribeiro, E. (1989), Diplomacia cultural : seu papel na política externa brasileira, Brasilia, Fundação
Alexandre Gusmão, Instituto de Pesquisa de Relações Internacionais.

63
au Brésil, fait l’objet de divers débats, car d'une part, dans un pays en développement, les
politiques culturelles semblent moins prioritaires que les politiques économiques - ceci est le
débat mené par Ribeiro - et d'autre part, on constate une difficulté d’appréhension de la
diversité culturelle brésilienne (Edgar Telles Ribeiro, 1989).

En revanche, Aline Carvalho et Constance Tabary constatent que la politique culturelle


brésilienne à l’étranger semble évoluer sans négliger la complexité de son objet. A ce sujet, les
auteurs affirment :

« Le Brésil est un pays en développement qui est en train de prendre place sur la scène
internationale ces dernières années, et nous voyons une expérience réussie de la
politique culturelle pour la diversité. (…) on voit la mise en œuvre d'une politique
visant à comprendre la portée de la « culture » dans la même mesure que Jack Lang
en 1981 en France. »54

Si le gouvernement brésilien semble investir progressivement dans des politiques


culturelles extérieures, on peut se demander comment ce travail est effectué et quels sont les
moyens déployés pour ses développement et suivi. Il faut ainsi se pencher sur l'analyse des
principaux opérateurs de diffusion de la langue et de la culture du Brésil à l'étranger.

Pour ce faire, nous avons choisi le Centre culturel Brésil-Pérou car, étant le plus ancien
centre culturel du réseau et le plus grand de l'Amérique Latine, il constitue un modèle
d'analyse intéressant. De plus, les pays de l'Amérique du Sud sont placés au centre des actions
du réseau culturel brésilien, qui compte vingt-et-un centres culturels, dont douze en Amérique,
six en Afrique et trois en Europe.

Ainsi, le Centre Culturel Brésil-Pérou propose à la communauté de Lima, sous la


tutelle du chef de mission diplomatique, l'enseignement du portugais et de la littérature
brésilienne, ainsi que des informations sur le Brésil et des activités culturelles, telles que des
expositions, des concerts, des séminaires, etc. Bruno Zétola55, diplomate responsable de la

54 Aline Carvalho et Constance Tabary, Une politique publique pour la diversité culturelle : Les « Points de
Culture » au Brésil, in http://www.scribd.com/doc/62154628/Une-Politique-Publique-Pour-La-Diversite-
Culturelle. Consulté le 19 avril 2012.

55 Bruno Zétola nous a accordé un entretien téléphonique le 13 avril 2012. Cf. Annexe 01

64
coopération entre le centre culturel et l'ambassade, explique que l'image positive que l'on se
fait du Brésil au Pérou, favorise les échanges et l'intérêt croissant pour la culture brésilienne.

Avec dix fonctionnaires au sein de son conseil administratif et neuf enseignants


rattachés à l'Ambassade du Brésil, le Centre Culturel Brésil-Pérou, ne peut répondre à la
demande démesurée pour les formations en portugais langue étrangère. On estime qu'environ
trois milles personnes par an56 cherchent à s'inscrire dans les formations linguistiques du
centre alors qu'il ne forme que six cents élèves. Cela s'explique par le manque d'enseignants
qualifiés résidant dans le pays ainsi que par l'absence de moyens pour faire venir du Brésil de
nouveaux professionnels.

En outre, la directrice du centre, Rosa Falcão, insiste sur la difficulté de proposer des
formations continues aux enseignants du Centre culturel Brésil-Pérou, même si, depuis
l'implantation de l'examen CELPE-BRAS, les perspectives de développement du personnel
s'accroissent.

En effet, la certification en portugais brésilien (CELPE-BRAS), une fois intégrée en


tant que dispositif évaluatif officiel, au sein du centre, a permis de repositionner les pratiques
didactiques des enseignants vers une approche communicative, comme l'affirme Rosa Falcão.
Les enseignants sont donc invités à préparer les apprenants afin de leur faire passer les
certifications dans le centre culturel.

De la même manière, on observe d'autres initiatives pour former les enseignants de ce


réseau. C'est le cas de la première rencontre internationale des professeurs et des spécialistes
de portugais langue étrangère, qui aura lieu en juillet 2012 au centre culturel brésilien de
Lima. Il est important de considérer qu'au Pérou, le centre culturel brésilien est le seul
opérateur de diffusion de la langue portugaise - l'Institut Camões n'ayant aucun centre situé
dans ce pays.

Malgré les conditions favorables aux actions culturelles au Pérou, le centre culturel
brésilien rencontre de nombreuses difficultés sur le plan budgétaire. Les responsables du
centre mettent l'accent sur la précarité des outils informatiques, dont le développement
pourrait représenter une solution à la forte demande pour des formations linguistiques

56 Des données fournies par M. Bruno Zétola lors de l'entretien téléphonique. Cf. Annexe 01.

65
dépassant la capacité physique actuelle du centre. De plus, de futurs projets sont dans l'attente,
tel que la mise en place d'une bibliothèque virtuelle, proposant un accès ouvert à huit mille
ouvrages brésiliens, projet qui dépend des subventions de l'Itamaraty (Ministère des Relations
Extérieures).

Or Monsieur Bruno Zétola rappelle que le développement d'un centre culturel du


réseau brésilien ne dépend pas du succès qu'il déclenche dans son lieu d'implantation, mais
des priorités du plan d'expansion définies par le Ministère des Relations Extérieures brésilien
(MRE). Autrement dit, le centre ne suit pas la logique du marché, mais plutôt celle imposée
par l’Itamaraty.

En somme, le plus important dispositif de diffusion de la langue et de la culture


brésiliennes en Amérique latine présente des dimensions assez modestes, mais respecte tout
de même une structure de base, comme observé dans d'autres réseaux culturels (espagnol,
portugais, allemand), avec un conseil d'administratif, un conseil pédagogique et une
bibliothèque. Son organisation, son fonctionnement et son évolution dépendent du MRE
brésilien, il a pourtant la possibilité de devenir un institut s'il se veut plus autonome.

De fait, les instituts et les centres culturels brésiliens ne se distinguent que par leur
degré d'autonomie vis-à-vis du MRE. A l'instar des centres culturels, les instituts n'ont pas de
but lucratif et répondent aux missions culturelles brésiliennes à l'étranger dans le but de faire
rayonner la langue et la culture brésiliennes, ainsi que de faciliter la coopération entre les
pays.

Toutefois, les instituts comptent sur des initiatives privées pour la mise en œuvre de
leur travail. Actuellement, il existe sept instituts culturels dans le monde : Institut de Culture
Brésil-Colombie (Bogotá), Fondation Centre d’Études Brésiliennes (Buenos Aires), Fondation
Centre d’Études Brésiliennes (São José), Institut Culturel Brésil- Venezuela (Caracas), Institut
Brésil-Italie (Milan), Institut Culturel Uruguaio-Brésilien (Montevidéu) et l'Institut Brésilien-
Équatorien de Culture (Quito).

Si on considère qu'en Europe, il n'existe qu'un seul institut et trois centres culturels,
situés en Italie, en Espagne et en Finlande, on peu1t se demander alors quels opérateurs

66
interviennent en France, pays marqué par la présence brésilienne, comme nous avons pu le
constater dans le chapitre précédent.

Pour ce faire, nous évoquerons le système de lectorats, mis en place par le MRE
brésilien, dans divers pays développés, en visant majoritairement le public universitaire. Il
s'agit d'échanges d'enseignants spécialistes de la langue et de la littérature brésiliennes dans
des universités et des institutions dans le monde, notamment en France. Ce sont soixante-
quatre lectorats dans quarante et un pays, dont huit sont situés dans des universités françaises.
On constate que ce système est privilégié en Europe en dépit des centres ou des instituts
culturels.

De plus, cette division, gérée également par la Cordenação de Aperfeiçoamento de


Pessoal de Nível Superior (CAPES) et par les institutions étrangères, est en pleine croissance,
depuis 2004. Certes, cela représente une part importante du rayonnement de la langue et de la
culture brésiliennes en France, mais on se demande à quel point cela ne se limite pas aux
frontières universitaires. Autrement dit, l'image du Brésil en France ne dépend pas
exclusivement de ce que l'on étudie à l'université, mais elle est également le fruit du travail
des nombreuses associations et institutions.

3. LA FONDATION D'UN INSTITUT BRESILIEN A PARIS

Notre dernière partie prend en compte les défis et enjeux pour la fondation d’un
institut brésilien, à savoir le contexte dans lequel ce projet se déroulera et les acteurs
concernés par l'action culturelle. Il s'agira d’évoquer ainsi les principaux dispositifs de
diffusion de la langue et de la culture brésiliennes existant à Paris tout en mettant en évidence
le rôle non négligeable des associations, de certaines universités et de l'Ambassade.

Il conviendra également de préciser comment notre travail s'inscrit dans le cadre des
missions culturelles extérieures brésiliennes en vigueur, en sachant que la réalisation de notre
projet dépend, essentiellement, du soutien du MRE brésilien.

3.1 Les missions

En 2005, l'Année du Brésil en France a contribué au renforcement de l'amitié entre ces


deux pays en suscitant le lancement de nouvelles actions. Cet événement a marqué l'histoire

67
des actions culturelles extérieures brésiliennes pour deux raisons : si d'une part, les
investissements du gouvernement ont pu être largement remboursés - on présente des résultats
très satisfaisants suite à la dernière saison culturelle57 - d'autre part, un nombre considérable
d'associations a désormais gagné en l'ampleur sur le marché culturel en assurant, en partie, la
promotion de la langue et de la culture brésiliennes en France.

En revanche, à la suite de ces événements, le Brésil s’est consolidé en tant que


« produit de consommation » en France, comme l'affirme Grégoire Nieuhaus58. Un produit,
inséré dans le marché culturel, qui doit, après la période effervescente de la saison culturelle,
faire face à une situation précaire des moyens, mais aussi d'une absence de soutiens. Les
associations brésiliennes en France sont pourtant fort nombreuses : on en compte environ
quatre-vingts, selon le site Internet de l’Ambassade du Brésil, présentes dans différents
domaines - entre autres humanitaire, sportif, artistique, linguistique et littéraire.

Interrogé sur la situation actuelle de ces associations, Lamartine Bião, président de


l’association Bião59, qui se consacre à la diffusion de la langue et de la culture brésiliennes,
nous révèle que l’absence de soutien de la part du gouvernement engendre l’échec de
nombreuses associations tous les ans. De plus, les actions isolées de chaque association, ainsi
que le manque d’articulation entre elles, ne permettent pas une grande visibilité de l’action
culturelle brésilienne. En effet, la présence brésilienne n'est perceptible que lors de
manifestations ponctuelles, notamment pendant des fêtes, comme le Carnaval.

Ce constat nous amène à formuler la mission majeure de notre projet : rassembler les
acteurs de différentes actions, liées à la diffusion de la langue et de la culture brésiliennes en
France, tout en respectant leurs particularités et leurs modes de travail. Aussi nous avons pris
en considération que la construction des images sur le Brésil sera le fruit de ces nombreux
échanges et que la coopération permettra l'élaboration d'un dispositif capable de centraliser les
actions culturelles afin de mieux les organiser.

57 Ribeiro (2011, p.41) affirme que l'Année du Brésil constitue la première action culturelle à l'étranger à
apporter des résultats économiques et culturels concrets au gouvernement Brésilien (cf. bibliographie).

58 Cf. Bibliographie
59 Cf. Annexe 02.

68
Nous avons choisi d’entendre la voix de ceux qui œuvrent, d'ores et déjà, pour le
rayonnement du portugais et de la culture brésilienne en France. Ces entretiens sur le terrain
nous ont permis de mieux comprendre la situation actuelle de la politique culturelle
brésilienne et ses enjeux. Initialement, nous avons pris en compte le regard de Lamartine Bião
car étant le président d'une des principales associations brésiliennes à Paris, l'association Bião,
son expérience dans l’enseignement du portugais en tant que langue étrangère est très vaste.

Le département d’Études Ibériques et Latino-américains de l'université Paris III


Sorbonne-Nouvelle a également retenu notre attention de par son rôle essentiel dans
l'organisation des manifestations culturelles liées à la littérature et à l'apprentissage du
portugais. Jacqueline Penjon, enseignante et directrice du Centre de Recherches sur les Pays
Lusophones (CREPAL) a contribué en nous donnant son avis sur l'état actuel de l'image du
Brésil en France. Enfin, nous avons eu l'opportunité de connaître le point de vue du Ministre
Conseiller, Alex Giacomelli da Silva, coordinateur des services administratifs et des thèmes
culturels de l'Ambassade du Brésil en France.

Si les entretiens confirment l'intérêt croissant pour la langue et la culture brésiliennes


en France, on constate, par ailleurs, que le manque d'articulation entre les institutions entraîne
l’affaiblissement du réseau culturel brésilien. De ce fait, les institutions non-subventionnées
par le gouvernement sont celles qui rencontrent le plus de difficultés pour survivre.

L'Ambassade du Brésil en France affirme ainsi que, les liens entre la France et le
Brésil évoluant rapidement, il serait bienvenu d'envisager de nouveaux dispositifs. Toutefois,
le Ministre rappelle que l'obstacle majeur, aujourd'hui, pour la mise en place d'un institut
culturel en France est purement politique. Cela s'explique par le fait que le MRE brésilien
applique différentes stratégies de promotion de la langue et de la culture selon le niveau de
développement du pays en question.

Ainsi, comme nous avons pu le constater dans le chapitre précédent, les pays moins
développés, comme les pays latino-américains et africains, disposent d'instituts ou de centres
culturels, comme moyen de diffusion de la langue et de la culture brésiliennes, tandis que
dans les pays plus riches, c'est le cas des pays européens, on privilégie les lectorats, système
d'échanges des enseignants français et brésiliens, issus de l'enseignement supérieur.

69
Aussi, peut-on déduire, qu'en France, les lectorats, gérés par le gouvernement
brésilien, en partenariat avec les institutions françaises, constituent l'un de plus importants
dispositifs pour le rayonnement de la langue et de la culture brésiliennes. Cela nous amène à
observer que si le système de lectorats vise majoritairement le public universitaire, son action
est donc limitée aux frontières de l'université. Pour faire évoluer ce système, nous estimons
que cet espace doit être ouvert au grand public par le biais d'un institut, qui serait placé au
sein de l'université.

A l'instar de l'institut chinois Confucius, notre projet vise à se mettre en partenariat


avec l'université, car nous croyons que cela nous permettra à la fois de minimiser les coûts, de
promouvoir des échanges et d'assurer la qualité de l’enseignement, mené par des professeurs
qualifiés. Il convient de noter que notre mission majeure s'appuie sur le développement du
réseau culturel brésilien en France, et non pas seulement sur la fondation d'un dispositif
d'enseignement du portugais.

Certes, il s'agit de créer un espace consacré à la langue et la culturelle brésiliennes,


mais cela doit également aller au-delà de la commercialisation du produit « Brésil » en
favorisant la diversité culturelle locale au travers de sa propre diversité. A ce propos, nous
rejoignons la réflexion évoquée par Grégoire Nieuhaus (2009) sur la « brésilianisation » de la
société française d’aujourd’hui.

Ce phénomène observé par G. da Empoli (in Grégoire Nieuhaus, 2009) défend l'idée
que l'on vit, en France, un processus de démocratisation des rituels, inspiré de la société
brésilienne. En d'autres termes, ce travail sociologique stipule que les Français se sont inspirés
de la culture brésilienne pour promouvoir, au sein de la société française, la diversité
culturelle. En effet, au Brésil, la culture étant, majoritairement issue des élites, elle fût
assimilée, ultérieurement, par les masses populaires, à l'instar du carnaval, la plus importante
fête populaire brésilienne, originaire d'Europe.

Ce postulat est intéressant dans la mesure où on peut considérer que la culture


brésilienne apporte à la culture française l'acceptation et l'assimilation de la diversité.
L'empathie éprouvée par les Français vis-à-vis de la culture brésilienne est, en partie, due à
cet imaginaire d'un pays riche en diversité naturelle et culturelle, comme l'affirme Grégoire
Nieuhaus (2009).

70
La démocratisation des savoirs sur les cultures brésiliennes est urgente. Il est ainsi
indispensable de penser à créer, au sein de l'Institut, une médiathèque animée par des
professionnels qualifiés afin que le savoir soit partagé et dépasse ainsi le public, quasi
exclusif, des universitaires.

De plus, la promotion des connaissances, moins stéréotypées et commerciales, est


clairement l’un de nos objectifs. Autrement dit, il s'agit de créer un pont entre les associations,
détenant des matériaux plus accessibles au grand public, et les universités qui donnent la
possibilité d'approfondir les connaissances dans différents domaines.

Si nous souhaitons donner plus de visibilité à la culture brésilienne, il faut établir des
relations plus solides entre la France et le Brésil et ce sur un plan d'égalité. A ce sujet, nous
évoquerons la réflexion d’André Klingebiel, qui envisageait, déjà dans les années quatre-
vingts dix lors du projet Brésil-France, un travail coopératif avec le Brésil. A ce sujet, l’auteur
affirme :

« Désormais, nous ne pouvons plus travailler sur le Brésil, mais œuvrer avec les
Brésiliens » (André Klingebiel 1991, p. 985).

Ainsi, nous comptons donner suite à l’histoire d’amitié que la France et le Brésil
entretiennent depuis des siècles en proposant, cette fois-ci, un travail durable. La France s’est
déjà ouverte lors de l’Année du Brésil en France (2005), et le Brésil l’a également effectué,
lors de l’Année de la France au Brésil (2009). Il convient désormais de consolider ces liens
par le biais d’un institut.

La ville de Paris est ainsi le lieu pressenti pour la fondation de cet institut car si d’une
part, on y constate une importante concentration de manifestations culturelles, liées à
l’univers brésilien, d’autre part, notre but étant la centralisation des actions culturelles, il
semble pertinent que l'Institut soit placé dans la même ville que l’Ambassade du Brésil.

En outre, nous considérons qu'un institut doit communiquer avec les autres instituts
afin de ne pas seulement envisager la promotion de la langue et de la culture de son pays,
mais de favoriser aussi les multiples échanges interculturels. C'est la raison pour laquelle Paris
constitue le vivier le plus prospère pour le développement de ce projet puisque, avec un grand

71
nombre d'instituts, de centres, de fondations et d'associations, « Paris est la capitale qui réunit
le plus grand nombre d'instituts culturels étrangers »60.

3.1.1 L'état actuel des actions culturelles brésiliennes

Si le gouvernement brésilien dispose de divers dispositifs déjà en vigueur et œuvrant


pour la promotion de la langue et de la culture brésiliennes, notamment les centres culturels
brésiliens (CEB), les instituts culturels et les lectorats, ce dernier existant en France, ces
mécanismes demeurent très modestes, si on les compare aux actions des réseaux culturels, par
exemple, français ou allemand. En revanche, on ne peut pas nier que la politique culturelle
brésilienne occupe un rôle croissant à l'échelle mondiale.

Le Brésil souhaite ainsi « cesser d'être le grand inconnu du monde moderne et exister
enfin sur la scène internationale »61. Juliette Dumont (2008) explique que cette ambition
remonte aux années 1920 lors de la participation active du Brésil au sein de l'Institut
International de Coopération Intellectuelle (IICI), ancêtre de l'UNESCO. A cela s'ajoute la
particularité brésilienne face à ses voisins sud-américains. En effet, le Brésil est « l'un des
rares États du sous-continent qui se sont dotés d'une véritable politique étrangère, et non
simplement de relations extérieures protocolaires et normatives » (Rouquié in Juliette
Dumont 2008).

Nous ne comptons pas esquisser ici l'histoire de la diplomatie culturelle, il s'agit plutôt
de mettre en évidence le rôle déterminant occupé par le Brésil actuellement, et de faire
comprendre que le Brésil envisage d’aller au-delà des relations culturelles internationales.
C'est-à-dire que l'on peut affirmer que la culture gagne une place prioritaire au sein de la
politique extérieure brésilienne.

Ceci dit, nous nous pencherons sur quelques exemples d'actions pour la diffusion de la
langue et de la culture brésiliennes, qui mettent en évidence l'intérêt du Brésil pour une
politique culturelle extérieure plus solide. C'est le cas de nombreuses mesures prises par les
gouvernements portugais et brésilien, en coopération avec d'autres pays lusophones (Angola,

60 Site « Forum des Instituts Culturels Étrangers de Paris », Cf. Sitographie. Consulté le 17 avril 2012
61 Olivier Compagnon in Dumont, J. (2008): L’Institut de Coopération Intellectuelle et le Brésil (1924 –
1946). Le pari de la diplomatie culturelle, IHEAL, Chrysalides.

72
Guinée-Bissau, Cap-Vert, Saint Tomé et Prince, Timor Leste), telles que la fondation de
l'Institut International de la Langue Portugaise (IILP).

Situé à Cidade da Praia, au Cap-Vert, l'IILP établit trois objectifs principaux : fortifier
la langue portugaise, surtout dans les pays où le portugais est en concurrence avec des langues
régionales, assurer l'identité culturelle et linguistique des expatriés, et diffuser le portugais en
tant que langue véhiculaire de culture, d'éducation, d'information, d'accès aux connaissances
scientifiques et technologiques, ainsi que de communication au sein des colloques
internationaux.

L'IILP représente ainsi l'une des premières actions de la Communauté des Pays de
Langue Portugaise (CPLP) qui, depuis sa constitution, rencontre des difficultés pour mettre en
œuvre ses projets, en fonction de l'état financier précaire des pays qui en font partie. Ainsi,
Brésil et Portugal, le premier en plein développement économique et le deuxième fort en
tradition, gagnent un rôle important au sein de la communauté et réussissent à obtenir
quelques résultats positifs. A ce sujet, nous citerons M. Brito-Semedo, directeur de l'IILP :

« A situação actual é animadora já que o domínio da língua vem crescendo de forma


exponencial, graças ao apoio de Portugal e do Brasil. »62

Même s'il ne s'agit que d'un début d’organisation, susceptible d'être assujettie à des
améliorations pour une visibilité internationale plus importante, le Brésil se positionne
impérativement face aux actions promouvant la langue portugaise. Cela est également
observable, comme nous l’avons signalé précédemment, au sein d'autres institutions comme à
l'UNESCO, qui soutient des projets visant la promotion de la diversité culturelle, notamment
celle de la langue et de la culture brésiliennes. Depuis la fondation de l'UNESCO, le Brésil
dispose d'une délégation permanente.

Ce partenariat a favorisé l'insertion de la langue portugaise en tant que langue de


travail au sein de l'institution, et en même temps, le Brésil a gagné progressivement une place
importante dans le développement et le suivi des projets visant la diversité culturelle63. Pour

62 Notre traduction : « La situation actuelle est plutôt encourageante puisque la maîtrise de la langue est en
pleine croissance grâce au soutien de Portugal et Brésil ». Site de l'IILP : www.iilp.cplp.cv. Consulté le 17
mars 2012.
63 Site Internet du MRE Brésilien : www.mre.gov. Rubrique Promoçao Cultural. Consulté le 11 avril 2012.

73
illustrer l'un des rôles majeurs du Brésil dans le champ des actions culturelles de l'UNESCO,
nous évoquons la « Convention pour la Protection et la Promotion de la Diversité des
Expression Culturelles », qui défend la liberté de chaque pays de mettre en place des mesures
visant la protection de sa culture. Cette convention s'appuyait sur l'idée que « cultura não é
uma mercadoria qualquer »64, et comptait sur la participation active du Brésil, qui a créé,
récemment, au sein du MRE, un sous-département destiné à la diversité culturelle.

Le Département culturel du MRE brésilien est réparti en six divisions : celle destinée à
la langue, la « Divisão de Promoção da Língua Portuguesa” (DPLP) ; celle qui traite des
actions de diffusion culturelle, la “Divisão de Operações de Difusão Cultural” (DODC) ; le
sous-département, qui s'occupe des accords et des sujets multilatéraux, la “Divisão de
Acordos e Assuntos Multilaterais” (DAMC) ; le sous-département pour les sujets concernant
l'éducation, la “Divisão de Temas Educacionais” (DCE) ; la répartition pour la divulgation, la
“Coordenação de Divulgação” (DIVULG) ; et enfin, celle qui traite de la promotion de
l'audiovisuel, la “Divisão de Promoção do Audiovisual” (DAV) ».

En tenant compte de l'importance de l'image du pays à l'étranger, nous avons choisi de


nous pencher sur le service responsable de la divulgation de l'image du Brésil (DIVULG).
Pour ce faire, il convient de considérer les moyens grâce auxquels l'image du pays est
véhiculée à l'étranger. On en dégage cinq : les publications, les expositions, le programme des
échanges de « formateurs d'opinion », les émissions de radio et Internet.

Ainsi, la DIVULG peut à la fois soutenir la publication des ouvrages de divers


domaines écrits en portugais et les expositions des artistes brésiliens. Cette répartition du
MRE a également pour mission de faire venir des journalistes étrangers au Brésil afin de faire
connaître, dans le monde, les projets brésiliens en développement dans plusieurs domaines,
notamment scientifiques, culturels, etc. De plus, on vise à diffuser l'image du Brésil à travers
les émissions radiophoniques, qui aborde des aspects divers de la société brésilienne, ainsi
qu'à promouvoir les musiques du pays, considérées comme un patrimoine incontestable au
Brésil. Il en est de même pour Internet : la DIVULG est chargée de mettre à jour le site du
MRE, contenant des informations sur les actualités de l'univers, entre autres, culturel et
scientifique brésilien.

64 Notre traduction : « Culture n'est pas une marchandise quelconque ».Idem.

74
En somme, la DIVULG est le résultat de la dernière reformulation de l'organigramme
de l'Itamaraty (MRE) pour l'amélioration du service responsable de diffuser l'image de la
réalité brésilienne à l'étranger. Si cela met en évidence l'intérêt croissant du pays pour une
politique culturelle étrangère plus efficace, le projet de fondation d’un Institut semble
représenter ce qui pourrait constituer la dernière et la plus importante initiative pour la
diffusion de la langue et de la culture brésiliennes. Il s'agit d'un institut qui n'a jamais vu le
jour : l'Institut Machado de Assis (IMA). Pour mieux comprendre les motivations de ce projet
et les raisons pour lesquelles il n'a jamais abouti, nous avons eu le privilège de rencontrer son
responsable, Monsieur Godofredo de Oliveira Neto65.

En 2005, le gouvernement Brésilien a déclaré, lors du VIII Colloque Luso-brésilien,


son intention de mettre en œuvre un institut à l'instar de l'Institut Camões, l'Institut Cervantes,
l'Institut Dante Aligueri et le British Council. Au delà de la diffusion de la langue et de la
culture brésiliennes à l'étranger, cet institut visait également le public brésilien à travers des
activités d’ateliers de lecture et d'écriture en portugais destinés aux citoyens brésiliens, et en
particulier, aux analphabètes ou à ceux qui ont des difficultés d'apprentissage.66

Ainsi, le projet présentait des dimensions très vastes car d'une part, il s’agissait de
mobiliser le Ministère de l’Éducation brésilien (MEC) pour mettre en place les actions sur le
territoire brésilien, et d'autre part, d’obtenir le soutien du MRE brésilien et de la Communauté
de Pays de Langues Portugaise (CPLP) pour l'implantation des instituts dans des pays,
majoritairement, non-lusophones ou avec des minorités brésiliennes.

L'amplitude du projet a paradoxalement engendré son échec. Godofredo de Oliveira


Neto, responsable du projet, comptait pourtant sur une expérience confirmée dans le
domaine : il a présidé quatre fois l'Institut International de la Langue Portugaise (IILP), une
fois la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP) et a travaillé au Ministère de
l’Éducation brésilien (MEC). L'Institut Machado de Assis (IMA) a été perçu par le MRE
comme susceptible de concurrencer les Centres culturels brésiliens (CEB), rattachés aux
consulats et ambassades. C'est la raison pour laquelle le projet n'a pas pu être mis en place.

65 Entretien du 29 novembre 2011, à Paris. CF. Annexe 03


66 Site MRE : www.mre.gov, rubrique machadodeassis. Consulté le 29 novembre 2011.

75
En conséquence, Godofredo de Oliveira Neto constate que, depuis l'échec, de son
projet, aucun dispositif, ayant le même statut, n'a été développé, ni en France, ni ailleurs. Cela
dépend, comme nous l'avons signalé à maintes reprises, de considérations politiques car la
France ne figure pas parmi le cercle de pays prioritaires pour une action culturelle
permanente. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant que les autorités ne sont pas
intéressées par de nouvelles propositions.

Par ailleurs, l'analyse du projet Institut Machado de Assis a mis à jour que si, d'une
part, le projet devait présenter des dimensions plus modestes pour favoriser son acceptation,
d'autre part, l'Institut devait tenir également compte de tous les dispositifs déjà existants en les
intégrant à son réseau plutôt que les mettre en situation de concurrence. Il faut ainsi
s’interroger sur l'importance de la coopération et de l’intégration des acteurs responsables de
la promotion de la langue et culture brésiliennes en France.

3.1.2 Plan de coopération entre les associations, l’université et l’Ambassade

La constitution d'un réseau culturel brésilien à Paris est à la fois une condition de
réalisation du projet, mais aussi une conséquence. Pour que la mise en œuvre de l'Institut
brésilien intervienne, il est essentiel d'obtenir le soutien et la coopération des principaux
dispositifs existant déjà à Paris : les associations, les universités et l'Ambassade. Pour ce faire,
un plan de coopération, qui consiste à rassembler ces différents dispositifs responsables de la
diffusion de la langue et la culture du Brésil, voire également ceux des pays lusophones, doit
être établi.

Le nombre d'associations brésiliennes en France étant très important, il convient de


sélectionner celles qui nous semblent partager des missions en rapport avec la culture
brésilienne. Ainsi, nous avons décidé de répertorier les associations situées à Paris afin de
mettre en exergue les potentiels partenaires. Selon le site de l'Ambassade du Brésil 67 , nous
pouvons citer les associations suivantes, dont les activités se déroulent exclusivement à Paris :

- Allez Samba, Alter'Brasilis, Arara, Amitié Franco-brésilienne, Bem Te Vi, Bião, Brésil
sur Seine, Canto do Rio, Alliance Brésilienne, Gol de Letra, Henri Ballot, Jangada,

67 Site de l'Ambassade du Brésil en France : http://paris.itamaraty.gov.br/fr/associations.xml. Consulté le 5


avril 2012.

76
Longue Distance, Musicadanse, ADEPBA (Association pour le Développement des
Études Portugaises, Brésiliennes, d'Afrique et d'Asie Lusophones), Trait d'Union,
Autres Brésils, Bonjour Brasil, Brésil Passion, CENA (Centre des Rencontres des Arts
Brésil-France), Centre Social et Culturel Franco-brésilien, Centro Cultural de
Capoeira Angoleiros do Mar, Cercle Agua de Coco, Culture Métisse, Iemanja, La
maison du Pife, Le Bateau Brésil, OBA (Organisation Brésilienne Artistiques), Saci
Pererê, Sol do Sul, Studio Olinda, Vive Madeleine.

La liste n'est pas exhaustive car nous ne prenons pas en compte les associations situées
en banlieue parisienne. Toutefois, nous avons choisi de citer les noms de ces associations afin
de montrer le nombre signifiant de futurs partenaires, ainsi que l’effectif du personnel
potentiel pour assurer les activités de l'Institut Brésilien. En effet, la présence brésilienne à
Paris, dans plusieurs domaines, constitue un pilier important pour la construction d'un réseau
culturel solide.

Il s'agit de mobiliser les responsables de ces associations en les intégrant à notre réseau
et en les plaçant au cœur des actions : cela pourrait s'exprimer par l'alternance des associations
dans l'animation des activités culturelles. Cette démarche permettrait de mettre en valeur
différents domaines et associations à travers des tâches régulières. Par exemple, l'association
« Jangada », spécialiste dans la promotion du cinéma brésilien, pourrait être chargée, une fois
par mois, d'animer la diffusion d'un film brésilien à l'Institut.

Par ailleurs, il convient de noter que si notre projet vise l'intégration des associations
dans sa programmation culturelle, cela n'entraîne pas leur participation dans les décisions de
l'administration de l'Institut. Il est indispensable que l'Institut brésilien dispose d'autonomie et
de dynamisme dans sa gestion puisque, comme nous avons pu l'observer précédemment,
l'envergure du projet Institut Machado de Assis ne l'a pas avantagé, bien au contraire.

En revanche, les universités, étant l'espace pressenti pour la mise en place de notre
projet, elles participeront activement à l’organisation de l'Institut. Avant de détailler le rôle des
universités dans l'Institut, il convient tout d'abord de dégager les universités susceptibles
d’accueillir ce projet. Trois principales semblent plus particulièrement adaptées : l'université
Paris III-Sorbonne-Nouvelle, l'université Paris IV-Sorbonne et l'université Paris Ouest

77
Nanterre la Défense. Ces trois universités disposent de formations en langue portugaise et en
cultures lusophones, mais chacune d'elles est centrée sur des aspects distincts.

Au sein de l'université Paris III, les études luso-brésiliennes sont intégrées à l'UFR
EILA (« Études Ibériques et Latino-américaines »). L'accent est donc mis sur les cultures
latino-américaines ; cela s'exprime, notamment, par la création de l'IHEAL (« Institut des
Hautes Études de l'Amérique Latine ») et le CREDAL (« Centre de Recherche et de
Documentation sur l'Amérique Latine »). Aussi, ces deux institutions en partenariat ont
élaboré en partenariat l'Institut des Amériques, centré sur l'expertise scientifique et l'échange
international des savoirs sur l'Amérique latine. La place accordée au Brésil, parmi les
nombreux pays latino-américains, n’est pas négligeable parmi les manifestations culturelles
de ces institutions.

Cela est particulièrement observable dans les activités culturelles dirigées par
Jacqueline Penjon68, enseignante à Paris III-Sorbonne-Nouvelle et responsable du Centre de
recherches sur les pays lusophones (CREPAL), ayant pour objectif de « stimuler la recherche
dans tous les domaines relevant de la langue, de la littérature et de la civilisation des pays
d'expression portugaise »69. Le nombre d'actions portant sur l'expression de la littérature
brésilienne, organisé par le CREPAL, avec le soutien de l'EILA, nous a amené à penser que
l'université Paris III est un espace riche et compétent pour la mise en place d'un Institut
brésilien.

Jacqueline Penjon observe que le seul dispositif existant à Paris, dans la promotion des
actions culturelles lusophones, en dehors de l'espace universitaire, est l'Institut Camões. Dans
l'enseignement supérieur, elle pense que les étudiants inscrits dans les formations misant sur
les études luso-brésiliennes, sont, dans leur majorité, des descendants de familles portugaises.
C'est-à-dire que si les formations de niveau supérieur accueillent des étudiants natifs ou
originaires de familles lusophones, et que l'Institut Camões, comme nous l'avons vu
précédemment, a pour priorité la préservation de la culture portugaise chez les expatriés, nous
sommes donc en mesure d'affirmer que la promotion du portugais et de la culture brésilienne,
à Paris, auprès des étrangers, est très faible.

68 Cet entretien a lieu le 29 novembre 2011. Cf. Annexe 03


69 Site de l'université Paris III-Sorbonne-Nouvelle : www.univ-paris3.fr. Consulté le 8 mai 2012.

78
Néanmoins, cela nous conduit à un autre dispositif, en l’occurrence, celui des
formations continues au sein des trois universités abordées dans ce chapitre : chacune propose
au grand public de se former en portugais du Brésil. A l'instar de l'université Paris III, les
autres universités proposent des formations en Licence ou Master, ayant pour spécialité les
études lusophones : on observe, à l'université Paris IV, les « Études Ibériques et Latino-
américaines », et le « Centre d’Études Ibériques et Latino-américaines Appliquées »
(CEILA) ; et à l'université Paris Ouest Nanterre la Défense, on propose la formation
« Langues, Littératures et Civilisations Étrangères Spécialité : Portugais » du département
d’ « Études Lusophones ». Si toutes les trois sont impliquées en tant que dispositifs de
formation en langue et culture lusophones, il convient de noter le rôle majeur de l'université
Paris Ouest Nanterre la Défense et l'université Paris III car celles-ci sont, en même temps, des
centres officiels de passation de l'examen de langue portugaise du gouvernement brésilien : le
CELPE-Bras70.

En outre, l'université Paris Ouest Nanterre la Défense propose des formations


préparatoires gratuites à ceux en s'inscrivant au test. Ces formations sont prises en charge par
le gouvernement brésilien, qui montre, ainsi, son intérêt pour le développement du dispositif
et la diffusion des langue et culture brésiliennes en France.

Il semble difficile d'ignorer le rôle inévitablement central du gouvernement pour la


consolidation d'un réseau culturel. C'est pourquoi le soutien de l'Ambassade du Brésil en
France, ainsi que son implication dans le projet constituent des aspects incontournables. D'un
côté, nous ne souhaitons pas répéter les mêmes erreurs que dans les projets précédents, telles
que la mise en concurrence des dispositifs, et d'un autre côté, nous sommes conscients qu'une
proposition extérieure au gouvernement est plus difficile à prendre en compte que s'il
s'agissait d'une initiative interne, comme l'a fait remarquer Monsieur Godofredo de Oliveira
Neto, qui occupait un poste au MEC, au moment de la proposition de création de l'Institut
Machado de Assis.

Au vu de ces questions, nous avons élaboré notre projet sur les fondements de l'Institut
Machado de Assis, en proposant des formations en langue et des activités culturelles, tout en
sachant que notre proposition ne comptera pas exclusivement sur les intervenants publics.

70 « CELPE-BRAS : Certificado de Proficiência em Língua Portuguesa para Estrangeiros ». Pour plus de


détail, voir site : http://portal.mec.gov.br. Consulté le 16 mars 2012.

79
Cela veut dire que nous souhaitons développer un modèle ouvert à toute coopération, soit-elle
publique ou privée. De plus, il nous semble que cela sera l’une des conditions majeures pour
que le projet puisse être effectivement concrétisé, étant donné que la France ne représente pas,
actuellement, un pays prioritaire dans la politique culturelle extérieure brésilienne.

De ce fait, le soutien de l'Ambassade devient nécessaire, bien évidemment, pour


l'autorisation de la mise en place du projet car si nous proposons le rassemblement des
dispositifs, les autorités brésiliennes en feront certainement partie. En outre, il est fondamental
de recourir à l'Ambassade du Brésil à Paris pour la prise en charge de la communication et de
la divulgation des manifestations culturelles afin d'attribuer à l'Institut des dimensions plus
larges auprès de la communauté.

En parallèle, nous évoquons d'autres partenaires susceptibles de participer et d'enrichir


le futur réseau. Ainsi, nous pouvons citer la Maison du Brésil (située à la Cité Internationale
Universitaire de Paris), gérée par l'Ambassadeur brésilien, mais plus indépendante
financièrement. Sa structure est, relativement, intéressante car elle dispose d'un « conseil
d'administration », d'un « comité culturel » et d'une bibliothèque, dont une partie appartient à
l'Ambassade. On compte dix membres parmi le « Conseil d'administration »71 :
l'Ambassadeur du Brésil en France, le Recteur-Chancelier de l'Académie de Paris, le Président
de la Fondation Nationale de la Cité Internationale Universitaire de Paris, le Délégué général
de la Cité Internationale Universitaire de Paris, le président de la CAPES (MEC), le président
du CNPq (MCT), deux membres invités de nationalité française et deux membres invités de
nationalité brésilienne.

Son mode d'organisation nous révèle l'implication de différents acteurs du secteur de


l'éducation, c'est le cas des membres du CNPq (Conselho Nacional de Desenvolvimento
Científico e Tecnológico) et du CAPES (Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de
Nível Superior rattaché au Ministère de l’Éducation Brésilien), mais aussi des partenaires
locaux, comme les membres de l'Académie de Paris et ceux de la Cité Internationale. En
outre, le « comité culturel » est formé d'un membre du « conseil d'administration », un
conseiller culturel de l'Ambassade du Brésil, un représentant de la Cité Internationale
Universitaire de Paris et du directeur de la Maison du Brésil. Il est important de noter que la

71 Site de la Maison du Brésil : http://www.maisondubresil.org/Structure. Consulté le 10 avril 2012.

80
Maison du Brésil collabore pour la promotion des manifestations culturelles, à travers un
espace consacré aux expositions et loue ses locaux à l'association Bião, évoquée
précédemment, pour des formations en portugais du Brésil.

Cet espace, malgré sa constitution privilégiée, n'est pourtant pas devenu lui-même un
institut car avant de promouvoir des activités culturelles et d'établir des partenariats, la
Maison du Brésil n'est qu'une résidence universitaire. Si les raisons pour lesquelles cet espace
n'a toujours pas évolué vers un dispositif plus complexe ne peuvent pas être creusées dans
notre travail, nous présumons pouvoir compter sur ce dispositif parmi nos partenaires. Il en
est de même pour l'Institut Itaú Cultural, créé par la Banque Itaú SA, l'une des institutions les
plus importantes au monde.

L'Institut Itaú Cultural gagne progressivement sa place dans la promotion de la culture


brésilienne à l'étranger ou sur le territoire brésilien à travers des expositions d'art brésilien.
Récemment, une partie de sa collection comprenant douze mille œuvres a été exposée à Paris,
il s'agissait de nombreuses photographies d'artistes brésiliens72 de ces soixante dernières
années. En parallèle à cette l'exposition, Institut Itaú Cultural a également mis à disposition
du public francophone une version française de son encyclopédie sur l'art brésilien, mise à
disposition sur leur site Internet, contenant plus de trois mille articles sur des artistes et
œuvres73.

Aussi, avons-nous considéré que la Maison de l'Amérique Latine74, située à Paris,


pourrait également constituer un partenaire privilégié pour l'Institut Brésilien. Née d'une
initiative du gouvernement français et avec le soutien du MAEE, et dans le souci d'entretenir
des relations avec les pays latino-américains, la Maison de l'Amérique Latine est un espace
dédié à différents événements. C'est un espace consacré, non seulement, aux réunions de la
communauté diplomatique latino-américaine à Paris, mais aussi aux activités culturelles liées
à l'art, la littérature, la politique, la philosophie et les musiques latino-américaines. De plus,

72 Site de la « Maison Européenne de la Photographie » : http://www.mep-fr.org/actu/expo-h2012_1.htm.


Rubrique « Éloge du Vertige », exposition soutenue par l'Itaú Cultural. Consulté le 8 mai 2012.
73 Site en français de l'Itau Cultural : http://www.itaucultural.org.br. Consulté le 8 mai 2012.
74 Site de la Maison de l'Amérique Latine : http://www.mal217.org/index.php. Consulté le 17 mars 2012.

81
cette institution est dirigée, depuis 2003, par Alain Rouquié, important acteur de promotion de
la culture brésilienne et auteur d'importants ouvrages sur la réalité contemporaine du Brésil 75.

Dans cette perspective, nous avons pu définir trois axes principaux pour notre plan
d'action : tout d'abord, le personnel, qui peut provenir des associations et des universités, avec
des experts en langue et culture brésiliennes ; puis, l'espace de l'Institut, pressenti dans les
locaux de l'une des trois universités abordées (Paris III, Paris IV ou Paris Ouest Nanterre la
Défense) ; et enfin, les actions, conçues par l'équipe de l'Institut, mais dont la communication
sera prise en charge par l'Ambassade. Il est question désormais de déterminer la philosophie
du projet ainsi que la constitution de l'équipe permanente.

3.2 Organisation

3.2.1 Statut
« Instituer (latin instruire, de statuere, établir) :
Instituer une chose, l'établir, la fonder d'une
manière permanente dans l'intention de la voir
durer »76

Comme nous l'avons constaté précédemment, un institut brésilien semble concurrencer


un centre culturel Brésilien car le premier, plus indépendant, peut être subventionné à la fois
par des fonds privés et publics, tandis que le second est soumis entièrement aux autorités
gouvernementales, notamment à l'Ambassade et/ou aux services consulaires77. Cela nous
amène à affirmer que la fondation d'un Institut s'avère le choix plus pertinent car d'une part,
les centres culturels dépendant exclusivement des moyens déployés par les autorités
gouvernementales ne s'inscrivent pas dans le cadre des priorités de la politique culturelle
extérieure brésilienne, et d'autre part, afin de gagner plus de visibilité, l'établissement
envisagé doit être capable de rassembler les dispositifs dans un modèle plus englobant.

75 Cf. Bibliographie.
76 Dictionnaire de la langue française – Lexis/Larousse, 1994.
77 Entretien avec Monsieur Bruno Zétola, diplomate en charge du Centre Culturel Brésil-Pérou. Cf. Annexe 01.

82
A l'instar de l'Institut Confucius, l'Institut Brésilien vise la création d'un réseau
d'influence potentielle en France. Pour ce faire, un accord entre les gouvernements brésilien et
français est incontournable, comme nous pouvons le noter lors de l'analyse du document qui
rend officiel la mise en place des centres culturels chinois en France78. Différemment de la
Chine, le Brésil, malgré les relations d'amitié avec la France, n'a jamais formalisé son
intention de fonder un centre culturel sur le sol français. Ainsi, notre projet s'appuie sur deux
propositions destinées au MRE brésilien : son accord autorisant la fondation d'un Institut
brésilien à Paris et son soutien dans les négociations avec des institutions françaises et
brésiliennes pour son effective mise en place.

Si les relations bilatérales permettent aux pays d'entretenir des projets sur le plan
culturel, nous signalons l'importance des partenariats avec des institutions françaises,
notamment la Maison de France79, au Brésil. Depuis 1922, cette institution française œuvre
pour des actions culturelles sur le sol brésilien et représente ainsi, non seulement, un modèle
d'inspiration pour notre projet, mais aussi un partenaire potentiel. Le dialogue entre le futur
Institut Brésilien et la Maison de France pourrait apporter de nouvelles dimensions aux
relations bilatérales entre la France et le Brésil. L'absence de dispositif brésilien en France
représente un handicap dans les rapports entretenus entre ces deux pays.

Par ailleurs, nous avons choisi de nous engager dans la conception d'un Institut au
détriment de la création d'une association loi 190180, car celle-ci ne répond pas aux
problématiques mises en évidence tout au long de notre travail, dont la visibilité du réseau
culturel brésilien en France constitue l'une des priorités. De plus, le nombre conséquent
d'associations existant à Paris et dans les autres régions de France, ne nous amène pas à croire
que la fondation d'une nouvelle association permettra le développement du réseau.

En revanche, notre projet, en s’inscrivant dans une perceptive d'amélioration et


d'évolution des actions culturelles brésiliennes en France, n'exclut pas la possibilité de
changement de son statut si les autorités brésiliennes le souhaitent. Or, nous tenons à

78 Site du Sénat: http://www.senat.fr/leg/pjl03-081.html. Consulté le 8 mai 2012.


79 Site de la Maison de France au Brésil: http://www.maisondefrance.org.br/#. Consulté le 8 mai 2012.
80 Lartigue, M. : « 100 conseils pour créer une association », Studyrama Poche, 2010.

83
confirmer que la fondation d'un Institut, établissement indépendant à but non lucratif, est la
principale voie pour la construction d'un dispositif solide, permanent et de haut niveau.

De même, le lieu d'implantation pressenti étant les universités, c'est le statut d'institut
qui répond le mieux à ce contexte. Celui-ci est tout à fait envisageable au sein d'une
université, comme le prouve l'Institut Confucius qui, depuis la création de son premier
institut, n'a plus cessé d'accroître son réseau. Laurent Martin (2011) observe, dans son
ouvrage co-écrit avec François Chaubet sur les relations culturelles dans le monde
contemporain81, que « les instituts Confucius construisent un capital de sympathie à
l'étranger» (Laurent Martin 2011, p.258). Cela est dû à un investissement important du
gouvernement chinois pour améliorer son image à l'étranger, notamment à travers les instituts.

S'il existe un intérêt croissant des Chinois dans la promotion de leur langue et de leur
culture à l'étranger, il est intéressant de noter le rôle des saisons culturelles dans l'ouverture de
son premier centre culturel en France. A ce propos, nous citerons le site du Sénat français :

« L'ouverture de ce centre se situe dans un contexte de relance et d'approfondissement


des relations culturelles entre les deux pays avec le lancement prochain, en octobre
2003, des années culturelles croisées franco-chinoises (...) »82

Nous constatons ainsi que, malgré les saisons culturelles croisées entre le Brésil et la
France, il n'existe, malheureusement, aucune initiative, comme l'a fait la Chine, pour assurer
les relations culturelles franco-brésiliennes. La comparaison avec la Chine n'est pas due au
hasard car le Brésil et la Chine occupent, actuellement, des places tout aussi importantes au
rang des puissances économiques - ce qui influe, directement, sur le plan culturel et également
sur l'apprentissage de la langue83 par les futurs investisseurs.

3.2.2 Organigramme

Afin d’aboutir à un modèle de dispositif, nous proposons, dans cette dernière partie,
une ébauche d’organigramme du personnel permanent de l'Institut brésilien, ainsi que le rôle

81 Cf. Bibliographie
82 In : http://www.senat.fr/leg/pjl03-081.html. Consulté le 11 mai 2012.
83 A ce sujet, voir article : http://moreintelligentlife.com/content/ideas/helen-joyce/brazilian-portuguese-best-
language. Consulté le 16 mars 2012.

84
de chaque agent. Cela nous permettra de mettre en évidence les dimensions du projet et de
présenter ainsi des pistes pour sa concrétisation effective.

A l'instar des instituts examinés auparavant, nous suggérons, tout d'abord, de désigner
la Présidente du Brésil Dilma Roussef en tant que présidente d'honneur de l'Institut brésilien.
Cette proposition s'inscrit dans la volonté de donner une assise politique au projet et
d’impliquer le gouvernement dans une initiative d'ouverture et d'expansion envers l'étranger.

Ensuite, nous pouvons distinguer les trois divisons principales de l'Institut : le conseil
administratif, le conseil culturel et le conseil pédagogique. Il s'agit de suivre la logique
organisationnelle d'un institut sans négliger pour autant les dimensions, a priori, plus
modestes de notre projet. Le conseil administratif sera donc constitué des membres
majoritairement issus de l'université, qui accueillera l'institut - les maîtres de conférence ou
les enseignants ayant de l'expérience dans le domaine de l'enseignement des langue et culture
brésiliennes. Il faut aussi prévoir un directeur et un assistant pour assurer les missions de
l'institut : le rassemblement des dispositifs de promotion de la culture brésilienne au travers
des négociations et de la mise en place des accords, qui permettront ensuite le bon
fonctionnement du centre.

Le conseil culturel sera chargé de l'organisation et de la conception des activités


culturelles au sein de l'Institut. Cela implique l'élaboration d'une programmation culturelle en
accord avec les associations et les autres institutions, telles que la Maison de l'Amérique
Latine et l’Institut Itaú Cultural. De par son concept, le conseil culturel définit les artistes, les
œuvres et les actions, en respectant l'une des missions principales de ce projet, celle de faire
évoluer les représentations sur le Brésil en France. Ainsi, il sera question d'aborder, non
seulement, les œuvres classiques de la culture brésilienne, mais aussi les nouveautés qui sont
représentatives également de la société brésilienne.

Pour ce faire, l'équipe devra assurer un travail acharné de recherche et de


communication avec les autres dispositifs afin de faire connaître une plus grande variété
d'artistes et d'intellectuels brésiliens. Les membres du conseil culturel pourront être recrutés
auprès du personnel des associations ayant de l'expérience dans le domaine de la promotion
artistique. Ce service peut être effectué par deux personnes, en sachant que l'on préconise que
l'une soit de nationalité brésilienne et l'autre de nationalité française car il s'agit de favoriser

85
l'échange entre les cultures sur un plan d'égalité, comme nous l'avons déjà évoqué
précédemment.

Quant au conseil pédagogique, il est envisageable de constituer une équipe


d'enseignants sous la direction d'un conseiller, qui sera en charge d'organiser, non seulement,
les formations linguistiques, mais aussi de désigner un responsable de la passation de
l'examen CELPE-Bras. En effet, notre projet vise à obtenir l'autorisation du gouvernement
brésilien pour devenir un centre d'application de cet examen puisque cela constitue un facteur
primordial pour sa légitimation. Pour cela, nous proposons soit l'intégration d'un centre
existant, comme celui de l'université Sorbonne-Nouvelle Paris 3 ou celui de l'université Paris
Ouest Nanterre la Défense, soit la création d'un nouveau poste en occupant ainsi la place de
troisième centre officiel des épreuves CELPE-Bras à Paris.

En outre, l'équipe du conseil pédagogique sera constituée d'enseignants expérimentés


dans l'enseignement du portugais du Brésil en bénéficiant des formations continues dans le
but de les former selon le Cadre Européen Commun de Référence (CECR). Aussi, nous
envisageons que ces formations continues soient ouvertes également au grand public afin de
permettre aux enseignants brésiliens demeurant en France, éloignés donc de leur pays, d'en
bénéficier. Cela pourrait être mis en place grâce à des accords passés avec l'université-
partenaire, dont les formations seraient proposées par les enseignants brésiliens de l'Institut.
Cette initiative s'inscrit dans la volonté d'assurer la qualité du réseau ainsi que sa légitimation
auprès des autres instituts.

Nous remarquons que la formation des enseignants en portugais du Brésil croît


désormais dans divers pays du monde. Il existe un nombre non négligeable de communautés
d'enseignants et de chercheurs brésiliens se rassemblant afin de partager leurs expériences à
l'étranger et promouvoir ainsi des débats concernant leurs pratiques didactiques et
pédagogiques. Pour illustrer ce fait, nous évoquons le site Internet « Fale Português »84 dont
le but principal est de mettre en relation tous ceux qui s'intéressent à la promotion de la langue
portugaise du Brésil dans le monde. Grâce au succès du site, les responsables organisent déjà
des événements hors de l'espace virtuel, comme des colloques et des séminaires dont les
sujets abordés traitent des nouvelles méthodes, adaptées désormais à la réalité brésilienne. On

84 Site Internet: http://faleportugues.ning.com/. Consulté le 10 mars 2012.

86
assiste donc à la construction d'un réseau, qui se veut solide pour assurer le rayonnement de la
langue et de la culture brésiliennes à l'étranger.

Dans cette optique, il est important que le conseiller pédagogique, étant chargé du
suivi des enseignants, organise également des formations d'actualisation sur l'univers culturel
et didactique du portugais du Brésil, en invitant, par exemple, des enseignants d'universités
brésiliennes. En effet, le partenariat avec les universités brésiliennes peut représenter une voie
très pertinente pour favoriser à la fois les échanges des enseignants et ceux des étudiants en
permettant ainsi l'apport constant de nouveaux savoirs au sein de l'Institut brésilien.

Par ailleurs, nous préconisons la constitution d'une médiathèque, qui pourrait être le
fruit d'un rassemblement des supports existant d'ores et déjà dans les divers dispositifs, tels
que ceux de la bibliothèque de la Maison du Brésil. Il est essentiel de pouvoir réunir, dans un
seul lieu, une source documentaire de supports concernant le Brésil pour pallier le problème,
exposé auparavant, de la dispersion de l’action conduite par les différents acteurs.

Il s'agit de construire un lieu de rencontres et d'ouverture dédié à ceux, qui s'intéressent


à la culture brésilienne sans pour autant vouloir s'engager formellement dans une formation. Il
en est de même pour les Brésiliens expatriés, les amateurs de la culture lusophone et les
chercheurs.

Nous constatons donc que si nos propositions ne répondent qu'aux besoins constatés
tout au long de notre travail, nous respectons pourtant un principe majeur, celui de la
faisabilité du projet. C'est la raison pour laquelle nous suggérons un organigramme, ci-
dessous, comportant deux membres au conseil administratif, deux membres au conseil
culturel, deux responsables du conseil pédagogique et cinq enseignants seulement dans un
premier temps.

A cela s'ajoute les services du responsable de la médiathèque, qui a pour mission


l'accueil et l'organisation des documents, et le chargé de la communication, poste pressenti
pour un membre de l'Ambassade. Ce dernier représentant l'opérateur officiel du gouvernement
permettra que l'Institut gagne en visibilité auprès de la communauté brésilienne de France,
ainsi qu'au sein de la société française.

87
Conseil Administratif

Directeur

Assistant de direction

Conseil Culturel Conseil pédagogique

Conseiller Culturel Conseiller Pédagogique

Secrétaire Secrétaire

Équipe d'enseignants

Chargé de la communication Bibliothèque

Responsable

Tableau 01: Organigramme de l'Institut Brésilien

88
Conclusion

Le projet décrit ici s'inscrivant dans le cadre d'une recherche universitaire, il convient
de s'interroger sur les perspectives de sa mise en œuvre et de son rôle dans l'articulation du
réseau culturel brésilien en France. Avant de nous pencher sur ces points, il est important tout
d'abord de prendre du recul vis-à-vis des stratégies choisies, tout au long de ce travail, pour
mieux comprendre les apports de différentes disciplines tout en dégageant le rôle de chaque
domaine.
De ce fait, il est évident que la nature de ce projet émane, surtout, des réflexions issues
de la politique linguistique. En tant qu'enseignante de portugais du Brésil, à Paris, nous nous
sommes rendue compte très vite du rôle croissant de cette langue et du manque de dispositifs
capables de répondre à cette demande sur le plan linguistique et culturel. Ainsi, les premières
recherches ont pris en considération les choix politiques du gouvernement brésilien ainsi que
l'histoire du pays dans le domaine de la politique culturelle. En effet, nous avons pu constater
que malgré le nombre assez faible d'ouvrages concernant les politiques linguistiques
brésiliennes, de nouvelles initiatives montrent qu'il existe un intérêt croissant pour occuper
une place plus importante sur la scène internationale. C'est le cas de certaines institutions
créés par la Communauté de Pays de Langue Portugaise (CPLP), telles que l'Institut
International de la Langue Portugaise (IILP), il en est de même pour les nouvelles divisions
élaborées au sein du MRE.
Nous avons analysé les dispositifs brésiliens plus représentatifs de la promotion de la
langue et de la culture brésiliennes en France et dans le monde. Le réseau brésilien face à
d'autres modèles, notamment le réseau français, nous a permis de cerner les éléments dont
tenir en compte, ainsi que ceux à écarter. Nous avons compris que si le réseau culturel devait
s'appuyer sur la coopération et sur le rassemblement de tous les dispositifs œuvrant pour la
promotion de la langue et de la culture, en lui donnant plus de visibilité, cela ne devait pas
pour autant priver les institutions d’autonomie.
L'initiative pour fonder l'Institut brésilien doit s'articuler d'abord en France, pour
ensuite, mobiliser les autorités au Brésil, et enfin, une fois obtenu le soutien officiel, tendre
sur une structure indépendante.
Par ailleurs, la recherche documentaire sur les relations culturelles franco-brésiliennes
nous ont amenées à un constat paradoxal : si d'une part, les Français se montrent fort

89
intéressés par la culture et, plus récemment, par la langue portugaise du Brésil - nous avons
montré que cela pouvait également être considéré comme un effet de mode. D'autre part, nous
avons observé que la majorité des manifestations liées à la diffusion des langue et culture
brésiliennes en France faisaient appel à des représentations stéréotypées. Cela a été mis en
exergue lors de nos analyses documentaires des deux plus importants événements des
dernières décennies, notamment la table-ronde France-Brésil, en 1991, et la saison culturelle
Brésil-Brésils, en 2005. De nombreuses publications analysées nous ont montré l'évolution de
l'image du Brésil tout en dégageant les nuances portées non seulement par les manifestations
culturelles, mais aussi par le rôle non négligeable des maisons d'édition françaises, des
journalistes, des interventions du gouvernement et de l'UNESCO, ainsi que par les
enseignants et les lectorats des universités.
En ce sens, nous nous sommes penchée sur les représentations sociales afin
d'appréhender le processus de construction de l'image que l'on se fait de l'autre, en mettant en
valeur la complexité de ces images. Nous nous sommes rendue compte de notre part de
responsabilité dans la construction des représentations élaborées sur nous, et que pour faire
évoluer ces images, il faut privilégier la qualité des rapports avec l'autre. La fondation d'un
dispositif permanent s'est avérée indispensable en tant que réponse à la problématique des
représentations stéréotypées sur le Brésil en France.
Pour ce faire, nous avons fait appel à l'ingénierie de formation en traitant les structures
des instituts et leurs modes d'organisation et de fonctionnement. Ce travail a fait émerger de
nombreuses idées dans le cadre d'un institut dédié à la langue et à la culture brésiliennes et
lusophones. Toutefois, nous avons tenté de respecter les conditions et les contraintes, mises en
exergue par l'analyse de la politique culturelle extérieure brésilienne, qui est centrée sur le
développement de son champ d'influence culturelle dans d'autres pays.
Ayant pris conscience de cette situation, notre projet se révèle un élément
potentiellement déclencheur pour l'implantation d'un institut brésilien à Paris. Cela est
particulièrement vrai si on considère que les opérateurs brésiliens se sont montrés davantage
favorables, lors des entretiens, à un réseau plus articulé. En conséquence, notre modèle a été
proposé dans le but d'assurer les missions du réseau culturel tout en privilégiant la coopération
avec ces dispositifs qui sont, d'ores et déjà, opérationnels.
Dans cette optique, les recherches sur le terrain se sont avérées plus efficaces que
celles privilégiant le questionnaire ou l’enquête puisque nous nous sommes confrontée à la

90
difficulté de cibler un public spécifique : les étudiants et les enseignants, lesquels, occupant
une place privilégiée en ce qui concerne les représentations, à l’université ou à l’école, ne
constituent donc pas un public idéal pour nos recherches.
Ainsi, nous avons tenu compte des travaux de longue haleine, relativement récents,
dans les domaines, entre autres, de la sociologie, du journalisme et de la didactique. Nous
avons choisi d'entendre les voix à la fois des autorités, comme l'Ambassade, et des
associations, en dégageant le panorama actuel de ce que l'on fait et de ce que l'on pense du
réseau culturel brésilien à l'étranger. Cela nous a offert l'opportunité d'observer également les
modes d'organisation des institutions ainsi que les perspectives de travail des enseignants, des
étudiants et des employés de diverses institutions à Paris.
A l'instar de l'Institut Confucius, nous avons pu observer que si l'implication du
gouvernement est, dans un premier temps, essentielle sur le plan politique, cela n'intervient
pas, obligatoirement, dans le fonctionnement de l'Institut. Bien au contraire, l'Institut
Confucius s'est montré un modèle très cohérent, indépendant et autonome, en ce qui concerne
sa gestion et ses actions, sans négliger pour autant les missions du réseau culturel chinois,
telles que définies par le gouvernement.
En somme, nous avons tenté de montrer que, par la coopération des gouvernements
brésiliens et français, ainsi que par le rassemblement des institutions privées et publiques, un
dispositif de référence peut être fondé en contribuant à la formation d'un réseau solide. A ce
sujet, nous rejoignons la réflexion du Ministre Celso Furtado, lors de sa participation à la
table-ronde France-Brésil : « c'est par la coopération qu'on peut arriver vraiment à l'image
85

réciproque, à améliorer, à perfectionner, à approfondir l'image qu'on a de l'autre » .

Enfin, l'image du Brésil en France dépend d'un travail fondé sur différentes voix et de
nombreux échanges afin de mettre en valeur la diversité culturelle brésilienne. Nous ne
cherchons pas pour autant à briser entièrement l’imaginaire français, habité par de belles
plages, une nature exotique, la musique, les corps métissés. Il s’agit plutôt de construire un
nouveau regard sur le Brésil, car, comme l’affirme André Gide, « que l'importance soit dans
ton regard, non dans la chose regardée ! »86.

85 Celso Furtado in Parvaux & Revel-Mouroz et al. p.1034. Cf. Bibliographie.


86 André Gide in Robert Richard. Article paru in Réciproques du Brésil et de la France. Cf. Bibliographie.

91
BIBLIOGRAPHIE

CLAVAL, P. (2009), Le Brésil, Histoire et Civilisations, Idées reçues, Le Cavalier Bleu, Paris.

DABENE L., (1990), Variations et rituels en classe de langue, Paris, Didier – CREDIF.

DE CARLO, M. (1998), L’interculturel. Didactiques des langues étrangères, Clé


International, Paris.

GRANDIERE, M. & MOLIN, M. (2003), Le stéréotype outil de régulations sociales. Presses


Universitaires de Rennes.

MOORE, D. (éd) (2001), Les représentations des langues et de leur apprentissage, Didier.

PARVAUX, S. & REVEL-MOUROZ, J. et al. (1991) : Images réciproques du Brésil et de la


France. Actes du Colloque organisé dans le cadre du projet France-Brésil. Collection
Travaux et Mémoires de l'IHEAL, n° 46.

JODELET, D. (1989), Les représentations Sociales. Paris : PUF.

RIBEIRO, E. (1989) : Diplomacia cultural : seu papel na política exterior brasileira,


Brasilia, Fundação Alexandre de Gusmão Instituto de Pesquisa de Relações Internacionais.

ROUQUIE, A. (2006), Le Brésil au XXIe siècle, Ed. Fayard.

ZARATE G. (1986) : Enseigner une culture en langue étrangère, Paris, Hachette.

ZARATE G. (1993) : Représentations de l’étranger et didactique des langues, Paris, Didier-


CREDIF.

SITOGRAPHIE

BARBOSA, M., “O Brasil é um país de “balangandãs” no imaginário francês” – 2006


consulté le 5 février 2012.

CASTELLOTTI, V. & MOORE, D. (2002). Social Representations of Languages and


Teaching/ Représentations sociales des langues et enseignements, Guide for the development
of language education policies in Europe: from linguistic diversity to plurilingual education.
Language Policy Division, Council of Europe, Strasbourg (publié en français et en anglais).
Consulté le 12 mars 2012.

LIMA-PEREIRA, R. (2010) : Les médias et les clichés sur le Brésil: entre synthèse culturelle
e et sirène d’appel aux études universitaires en Franc,
http://www.periodicoseletronicos.ufma.br/index.php/rpcsoc/article/viewFile/571/325.
Consulté le 30 mars 2012.

92
MACHADO, T., http://periodicos.uesb.br/index.php/folio/article/viewFile/235/498. Consulté
le 16 janvier 2012.

Les Instituts Culturels

http://www.confucius.univ-paris7.fr/. Consulté le 14 avril 2012.

http://paris.cervantes.es/fr. Consulté le 4 avril 2012.

http://www.instituto-camoes.pt/. Consulté le 10 avril 2012.

http://www.goethe.de/ins/fr/par/frindex.htm. Consulté le 12 avril 2012.

http://www.goethe.de/ins/enindex.htm. Consulté le 12 avril 2012.

http://www.ficep.info/. Consulté le 12 avril 2012.

Articles

Documents

Brésil, Brésil : Année du Brésil en France – Éphéméride. Ministère des Affaires étrangères et
Ministère de la Culture et de la Communication (France), Ministério da Cultura (Brésil),
AFAA. Paris, 2006.

L'Année du Brésil en France: perceptions et répercussions. Rapport remis à l'AFAA. Institut


LH2 - Louis Harris, Paris, décembre 2005.

L'Année du Brésil: évaluation de la programmation en termes d'image. Rapport première


étape (février à juin 2005). IEP, Sciences Po. Paris, 2005.

Décret n° 2010-1695 du 30 décembre 2010 relatif à l'Institut français in


www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023332301 consulté le 4
avril 2012.

Thèses et mémoire

DE OLIVEIRA ROMAN, Angela Beatriz (2007) : « Les femmes brésiliennes dans la presse
féminine française durant l’Année du Brésil en France : une représentation stéréotypée et
sexiste ». Mémoire de Master 2 à l'Université Paris VIII – Vincennes – Saint-Denis.

NIEUHAUS, Grégoire (2009) : « Les représentations du Brésil en France ou l'interaction de


deux cultures à travers le prisme des médias » thèse de doctorat sous la direction de
XIBERAS, Martine, Montpellier.

93
Table des matières

Introduction……………………………………………………………………………..…… 5

CHAPITRE 1 - Représenter le Brésil………………………………………………….….. 8

1.1 Les représentations sociales ………………………………………………….………… 8

1.1.1 Le noyau central…………………………………………………………………… 16

1.1.2 Le stéréotype ………………………………………………………..…………….. 18

1.1.3 Évolution de la représentation sociale stéréotypée à travers l'apprentissage d'une


langue étrangère ………………………………………………………………………… 25

1.2 Les représentations de la langue et de la culture brésiliennes en France…………... 30

1.2.1 Les idées reçues du Brésil …………………………………………………….. 30

1.2.2 L'Année du Brésil en France ………………………………………………….. 39

CHAPITRE 2 - Etats des lieux…………………………………………………………..... 48

2.1 Les Instituts dans le monde………………………………………………………...….. 48

2.1.1 Institut Français : le réseau exceptionnel ……………………………….…….. 49

2.1.2 Modèles d'instituts : Goethe, Cervantes et Confucius …………………..……. 55

2.2 Le portugais langue étrangère…………………………………………………….……61

2.2.1 L'institut Camões ……………………………………………………….……... 61

2.2.2 Les opérateurs brésiliens ……………………………………………….……... 63

CHAPITRE 3 – La fondation d’un institut brésilien à Paris……………………………..67

3.1 Les missions………………………………………………………………………….......67

3.1.1 L'état actuel des actions culturelles brésiliennes ……………………………… 71

94
3.1.2 Plan de coopération entre les associations, l’université et l’Ambassade ……... 75

3.2 Organisation……………………………………..……………………………………... 81

3.2.1 Statut ………………………………….………………………………………. 81

3.2.2 Organigramme ………………………………………………………………… 83

Conclusion…………………………………………………………………………..………. 88

Bibliographie………………………………………………………………………….……. 91

Sitographie………………………………………………………………………………….. 91

Table des matières…………………………………………………………………….……. 95

Annexes………………………………………………………………………………..……. 97

95
Annexe 01 : Entretien téléphonique avec Monsieur Bruno Miranda Zétola, diplomate en
mission auprès de l’Ambassade du Brésil au Pérou, et Madame Rosa Falcão, directrice du
centre culturel Brésil-Pérou. L’entretien a eu lieu le 13 avril 2012.

1. Pourriez-vous présenter le centre culturel Brésil-Pérou ?

M. Zétola : Le centre culturel brésilien de Lima est le plus grand centre du réseau de
l’Itamaraty, avec dix fonctionnaires dans l’administratif et une équipe de neuf
enseignants. Le centre a pour mission l’enseignement de la langue portugaise et de la
littérature brésilienne. Notre centre s’inscrit dans le cadre d’une politique d’expansion
d’influence culturelle en Amérique Latine, mis en place par le gouvernement brésilien
dans les années soixante.

Aujourd’hui, la culture brésilienne bénéficie d’une image très positive au Pérou. Ainsi,
il existe une demande très importante pour des formations en portugais du Brésil :
parmi 3.000 personnes qui souhaitent s’inscrire au centre, nous ne pouvons qu’en
accepter 600, faute d’enseignants qualifiés. La communauté brésilienne au Pérou est
très faible, environ 8.000 personnes, et nous n’avons pas assez de budget pour faire
venir des enseignants du Brésil.

Mme Falcão : Au sein du centre, nous avons donc la direction, composée de deux
membres, le diplomate en mission et moi, la directrice. La coordination administrative
qui gère le budget, recettes, loyer, etc. Enfin, la coordination pédagogique qui est
responsable de l’organisation et de la gestion des formations linguistiques, et aussi de
la formation continue des professeurs. Depuis l’adoption de l’examen CELPE-Bras,
nous avons constaté un fort besoin de former les enseignants selon la méthode
communicative. Nous disposons d’une bibliothèque de 8000 titres que nous
souhaitons bientôt mettre en ligne et ainsi créer une bibliothèque virtuelle. Nous avons
également le projet de développer des formations à distance, dans le cadre des
formations en portugais sur objectif spécifique (pour les diplomates, pour la police
frontalière, etc.).

96
2. Quelle la différence entre un centre culturel et un institut ?

M. Zétola : Le centre culturel est rattaché à l’Ambassade tandis que l’institut jouit
d’une certaine autonomie car il ne dépend pas entièrement du gouvernement, il s’agit
plutôt d’une initiative privée. Dans les années quatre-vingts, on a pu observer un
phénomène de privatisation de plusieurs centres culturels - ce n’est pas notre cas, mais
cela pourrait l’être un jour.

3. Connaissez-vous les priorités du gouvernement en ce qui concerne la politique


culturelle externe?

M. Zétola : Le Ministère des Relations Extérieures a subi des transformations


importantes ces dernières années, notamment avec la création de nouvelles divisions
au sein du MRE. Prenons, par exemple, le département destiné aux expatriés. Les
Brésiliens vivant à l’étranger auront bientôt leurs droits reconnus, cela est tout à fait
nouveau. Aux Etats-Unis, où se trouve la plus importante communauté brésilienne à
l’étranger, le MRE a créé récemment une formation continue pour les enseignants de
portugais afin d’accroître encore plus le réseau. En revanche, le Brésil se dirige vers
l’Asie, la Chine, et le Moyen Orient, après avoir installé des centres en Amérique du
Sud et en Afrique. L’Europe ne fait pas partie, pour l’instant, des priorités du MRE.

4. Travaillez-vous en partenariat avec les universités, les associations locales ou


d’autres instituts, notamment l’Institut Camões?

M. Zétola : Il n’y a aucun institut portugais au Pérou car le portugais du Brésil occupe
une place majeure dans les pays de l’Amérique Latine. Parfois, nous soutenons
quelques événements, tels que les dates commémoratives, mais il est très rare que nous
travaillions avec d’autres organismes. Comme je vous l’avais dit auparavant, la
communauté brésilienne, à Lima, est petite et peu articulée.

97
Annexe 02 : Entretien téléphonique avec Monsieur Lamartine Bião, président et fondateur de
l’Association Bião pour la diffusion de la langue et de la culture brésiliennes, à Paris.

L’entretien a eu lieu le 5 décembre 2011, à Paris.

1. Votre association cible l’enseignement du portugais du Brésil, le brésilien, et la


diffusion de la culture brésilienne. Quelles sont les différences entre le portugais
européen et le portugais américain ?

A mon avis, il s’agit d’une nomination commerciale car depuis un certain temps, on
cherche, de plus en plus, à apprendre plutôt le brésilien que le portugais européen. La
présence du portugais américain a aussi connu une hausse importante, notamment
dans les lycées en France. Toutefois, il s’agit bien de la même langue, c’est quasiment
la même structure, la même grammaire, il n’y a pas de polémique là-dessus. Ce que
l’on pourrait affirmer, c’est que le brésilien a subi des changements que le portugais
n’a pas connu, les Portugais ont un rapport différent avec la langue, ils sont beaucoup
plus stricts. Cela peut faire l’objet de conflits. C’est la raison pour laquelle, la
lusophonie, par rapport à la francophonie, n’en est qu’à ses premiers pas…

2. La présence brésilienne en France a-t-elle augmenté ces dernières années ?

Oui, la communauté brésilienne en France est très importante aujourd’hui. En


revanche, le profil du Brésilien a changé, ce ne sont plus les intellectuels qui viennent
étudier en France, maintenant la communauté est très variée. Le gouvernement
brésilien commence désormais à s’intéresser à ses expatriés dans un souci de les faire
intégrer dans de bonnes conditions et de leur donner plus de voix. Par conséquent, la
diffusion de la culture brésilienne en France prend de l’ampleur.

3. Les mesures du gouvernement brésilien vis-à-vis de la diffusion de la langue et


culture brésiliennes sont-elles efficaces ?

Je suis en France depuis plus de 40 ans et je n’ai jamais pu observer d’actions


concrètes pour la promotion de notre langue et de notre culture. Ce sont les
associations qui organisent, la plupart du temps, les événements. Malheureusement,

98
beaucoup d’entre elles ne tiennent pas plus d’un an, faute de soutien. Toutefois, les
autorités se réveillent et on observe de nouvelles initiatives et quelques projets
destinés à la communauté. C’est le cas, par exemple, de l’assistance juridique, des
ateliers pour les analphabètes d’origine lusophone, etc.

4. Quelles relations entretiennent le Portugal et le Brésil afin de donner plus de


visibilité à la présence lusophone en France ?

Dans la mesure du possible, on travaille avec des organismes portugais. C’est le cas de
la banque portugaise Caixa Geral de Depósitos qui fournit à l’association Bião du
matériel pédagogique, du soutien à l’organisation d’événements concernant la
communauté lusophone, etc. Ce n’est pas toujours facile car nous avons des rapports
différents avec la langue portugaise. Un exemple illustre bien cela : la version
brésilienne de la grammaire portugaise Gramática Ativa que nous avons élaborée en
début d’année. Les auteurs portugais n’étaient jamais d’accord avec les modifications
que nous avons effectuées, il en est de même pour la réforme de l’orthographe qui
depuis des années met du temps à être acceptée par nos amis Portugais.

99
Annexe 03 : Entretien avec Monsieur le Ministre Alex Giacomelli, coordinateur des services
administratifs et des thèmes culturels de l'Ambassade du Brésil en France
L’entretien a eu lieu le 12 décembre 2011, à Paris.

1. Monsieur Christian Vargas, Conseiller politique de l’Ambassade du Brésil à Paris


a affirmé, lors d’une conférence à la Maison de L’Amérique Latine (le 18
novembre 2011), que le Brésil entretient avec la France de très bonnes relations et
ce, sur différents domaines. Que fait le Brésil, sur le plan culturel, pour entretenir
cela ?

C’est tout à fait vrai, le Brésil et la France sont des pays amis et entretiennent de très
bonnes relations, non seulement sur le plan culturel, mais aussi sur le plan économique
et, plus récemment, militaire. Le réseau culturel brésilien s’articule à travers les
centres culturels, les instituts culturels et les lectorats.

2. N’y-a-t-il jamais eu de Centre culturel brésilien en France?

Non, il n’y en a jamais eu. Nous n’avons ni de centres, ni d’instituts culturels. En


France, nous disposons de lectorats dans les universités, les échanges universitaires
entre la France et le Brésil sont très importants et tendent à s’accroître. Il est rare que
le gouvernement investisse dans des centres culturels dans les pays développés.

3. Croyez-vous que la mise en place d’un Institut Brésilien à Paris soit nécessaire ?

Oui, il faudrait bien analyser les enjeux et les conditions. Mais, il est indéniable qu’il
existe un fort intérêt pour la promotion de la langue portugaise. Cela est observable à
travers certains dispositifs, notamment la CPLP (Communauté des Pays de Langue
Portugaise) et le CELPE-Bras (l’examen officiel de la langue portugaise du Brésil).

100
Annexe 04 : Entretien avec Madame Jacqueline Penjon, enseignante de langue, littérature et
civilisation brésilienne à l’université de la Sorbonne Nouvelle- Paris III, et directrice du
CREPAL (Centre de recherches sur les pays lusophones), et avec Monsieur Godofredo da
Silva Neto, responsable du projet d’Institut Machado de Assis.

L’entretien a eu lieu le 29 novembre 2011, à Paris.

1. Actuellement, comment voyez-vous la promotion de la langue et de la culture


brésiliennes à Paris ?

Mme Penjon : En ce qui concerne la langue portugaise, je dirais que l’Institut Camões
joue un rôle central. Puis, dans l’enseignement supérieur, on organise beaucoup
d’évènements pour la diffusion de la culture brésilienne, en partenariat avec
l’Ambassade et les associations. Nous accueillons pourtant une majorité d’étudiants
d’origine lusophone, il s’agit plutôt d’enfants d’expatriés qui veulent préserver ou
mieux connaître la langue et la culture de leurs parents que d’étrangers découvrant une
nouvelle culture.

2. L’Année du Brésil en France, a-t-elle contribué à la diffusion de l’image du


Brésil en France ?

Mme Penjon : Nous avons beaucoup travaillé avant et pendant cette année-là. Il y a eu
beaucoup de manifestations et je crois que cela a été très important pour l’image du
Brésil. En effet, il y a eu une hausse importante dans la recherche pour l’examen
CELPE-BRAS et aussi une ouverture plus grande pour les boursiers Brésiliens
désirant venir en France.

3. Croyez-vous nécessaire la fondation d’un Institut Brésilien à Paris ?

M. Godofredo da Silva Neto : Bien sûr. Il faudrait avoir un dispositif destiné à la


diffusion de la langue et de la littérature brésiliennes. Mais il existe toujours des
entraves politiques…

101
4. Pouvez-vous nous présenter l’Institut Machado de Assis et nous expliquer les
raisons pour lesquelles il n’a jamais été concrétisé ?

M. Godofredo da Silva Neto : Nous avions élaboré un projet d’un institut pour
intervenir à la fois sur le territoire brésilien et à l’étranger. Au Brésil, nous avions
envisagé de mettre en place des dispositifs pour l’enseignement du portugais à des
Brésiliens en difficulté, voire analphabètes. A l’étranger, nous souhaitions que le MEC
(Ministère de l’Education Brésilien) et le MRE puissent travailler ensemble pour la
promotion de la langue portugaise du Brésil dans des pays non-lusophones, à travers
des échanges d’enseignants du réseau de l’Education Nationale à l’étranger. Le but
était également de pouvoir fonder des projets et des accords avec les pays de la CPLP
au sein de l’Institut. Cela n’a pas été possible car le MRE a crû que l’Institut Machado
de Assis pourrait être en concurrence avec les Centres Culturels du réseau de
l’Itamaraty. Ainsi, le gouvernement a approuvé le projet dans un premier temps, mais
malheureusement, il n’a jamais vu le jour compte tenu de ce conflit purement
politique.

102

Vous aimerez peut-être aussi