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UNIVERSITÉ BORDEAUX MONTAIGNE

UFR Langues et Civilisations


Département des Sciences du langage

LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES ENDOGÈNES DE L’IDENTITÉ


ET DE LA LANGUE PORTUGAISE À BORDEAUX

Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master « Plurilinguisme et contact


de langues »

Réalisé par
Juliana DE ARAUJO

Sous la direction de
Monsieur Giovanni AGRESTI

Année universitaire 2021-2022


1
À mes origines parfois déracinées,

2
REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement tous les enquêtés lusophones de Bordeaux qui
ont pu croiser ma route et qui ont eut l'immense gentillesse de répondre à la pré-enquête et aux deux
questionnaires finaux. Sans eux, ce projet de mémoire n'aurait pas pu voir le jour. Une pensée tout
particulière au responsable de la pâtisserie dans le centre de Bordeaux, qui a pris le temps de m’ac-
cueillir dans sa boutique et de me raconter son récit de vie poignant.

Je remercie énormément mon directeur de mémoire, M. Giovanni Agresti pour la direction


de ce mémoire, pour sa patience, ses conseils précieux mais aussi pour m'avoir donné ce goût pour
la linguistique de terrain durant ces deux années. Un grand remerciement pour tous les graphes qu’il
a pu me transmettre à partir de mes résultats obtenus.

Je remercie également l’ensemble de l'équipe pédagogique du département des Sciences du


langage qui a pu m’encourager et me donner des conseils sur cette étude.

Je remercie tout particulièrement mon compagnon Anthony Martin pour son aide précieuse
au quotidien, pour son soutien et ses encouragements tout au long de cette année.

Une attention toute particulière pour Justine Duchier pour la relecture de ce mémoire et pour
cette entraide durant ces deux années en parallèle faites à ses côtés.

Un grand merci à ma mère, à Jeanne, à mes amis et à ma famille d'être là.

Enfin, je tiens à remercier infiniment mon père Delfim d’être présent et de me soutenir que
cela soit en France, ou dans un petit coin du Portugal. Je le remercie de m'avoir transmis cette
langue qu'est le portugais, mais aussi toutes les traditions dans lesquelles je suis bercée depuis ma
naissance.

3
SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................................................6

PREMIÈRE PARTIE : REPÈRES THÉORIQUES ET TERMINOLOGIQUES .....................12

CHAPITRE 1 : L’IMMIGRATION PORTUGAISE EN FRANCE (1916 À NOS JOURS) ....13

1.1 Données diachroniques et synchroniques ......................................................................13


1.2 La première vague d’immigration (1917-1956) ............................................................14
1.3 La deuxième vague d’immigration (1956-1974) ...........................................................15
1.4 La troisième vague d’immigration (1974 à nos jours) ...................................................18
1.5 Les Portugais en France aujourd’hui .............................................................................19
1.6 Les sous-populations de Portugais immigrant en France ..............................................21
CHAPITRE 2 : LA NOTION DE REPRÉSENTATION SOCIALE EN CONTEXTE............24

2.1 La notion de représentation sociale................................................................................24


2.2 La notion de représentation linguistique ........................................................................29
2.3 La relation entre représentation sociale et représentation linguistique ..........................30
SECONDE PARTIE : L’ENQUÊTE DE TERRAIN ................................................................32

CHAPITRE 3 : THÉORIES GÉNÉRALES .................................................................................33

3.1 Le choix de la méthode d’enquête de terrain .................................................................33


3.2 Application de la méthode MAC à travers une pré-enquête sur des sujets portugais et franco-
portugais à Bordeaux ................................................................................................................36
CHAPITRE 4 : QUESTIONNAIRES SUR LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES ENDOGÈNES
DE L’IDENTITÉ ET SUR LA LANGUE PORTUGAISE À BORDEAUX ...................................62

4.1 Présentation des questionnaires et de l’échantillon répondant aux questionnaires........62


4.2 Déroulement de l’enquête ..............................................................................................63
4.3 Observations et résultats de l’enquête............................................................................65
4.4 Synthèse du chapitre .....................................................................................................100
CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................................102

ANNEXES ............................................................................................................................................104

BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................................................114

TABLE DES MATIÈRES ...................................................................................................................118

4
LISTE DES ABRÉVIATIONS

BEP Brevet d’Études Professionnelles


BTP Bâtiment et Travaux Publics
CAP Certificat d’Aptitude Professionnelle
Coll. Collection.
CUB Communauté Urbaine de Bordeaux
Dir. Direction
INED Institut National d’Études Démographiques
INSEE Institut National de la Statistique et des Études Économiques
MAC Méthode de l’Analyse Combinée
TeO Trajectoires et Origines
Trad. Traduction
Vol. Volume

5
INTRODUCTION

La recherche qui est présentée pour ce mémoire s’inscrit dans le domaine de la sociolinguis-
tique. À travers cet exercice, nous avons pu dégager plusieurs objectifs. Tout d’abord, le premier but
est de rendre compte des représentations qu’ont les Portugais‧es et Franco-Portugais‧es à Bordeaux,
à propos de leur langue, leur identité et de leur culture. Par la suite, il est intéressant d’observer et
d’analyser les liens à la langue, l’identité et à la culture chez la communauté portugaise à Bordeaux,
à travers l’analyse des représentations sociales. Enfin, le dernier but de cette recherche en sociolin-
guistique concerne la nouvelle génération de lusophones1. En effet, nous avons voulu mettre en lu-
mière cette génération car nous pensons que les jeunes portugais‧es et franco-portugais‧es peuvent
avoir un regard différent sur les éléments que nous allons analyser en comparaison avec l’ancienne
génération de lusophones2. Il serait donc intéressant de voir si la jeune génération détient des repré-
sentations sociales similaires à l’ancienne génération ou si, au contraire, elle s’inscrit dans la conti-
nuité des « Anciens » au travers de leurs représentations et de leurs idéaux.
Afin d’atteindre ces objectifs, il faut dans un premier temps élaborer des hypothèses de dé-
part qui seront analysées tout au long de cette recherche. L’hypothèse de départ consiste à dire que
les populations portugais à Bordeaux qui ont vécu l’expérience de mobilité migratoire, ont assisté à
des formes de loyauté ou de rejet linguistique envers leur langue, culture et identité, en raison de
différents facteurs. Ainsi, l’expérience migratoire individuelle ou collective représente une césure
dans la vie des individus lusophones de Bordeaux. Dans ce cas, il faut mesurer l’impact de cette
migration en terme de représentation sociale.

Bien entendu, ces hypothèses ne peuvent être réfutées, infirmées ou confirmées que par le
biais de méthodes et d’outils que nous utilisons tout au long de cette recherche. Afin de donner des
réponses aux hypothèses mentionnées précédemment, nous avons décidé d’utiliser divers outils.
Tout d’abord, un questionnaire de pré-enquête issu de la méthode MAC de Bruno Maurer (2016) est
donné à un échantillon de Portugais‧es et Franco-portugais‧es de Bordeaux que nous avons sélec-
tionné. Les réponses qui nous sont adressées permettent d’établir deux questionnaires finaux. En
effet, les réponses les plus clivantes dans la pré-enquête sont retenues et modifiées. Elle forment des

—————————————
1 La nouvelle génération de lusophones : les descendants portugais et/ou franco-portugais de l’ancienne génération.
2 L’ancienne génération de lusophones : individu portugais et/ou franco-portugais né sur le sol portugais issu de la
deuxième vague d’immigration en France (cf. Chapitre 1 : 3.1 La deuxième vague d’immigration).

6
affirmations dans les deux questionnaires qui s’intègrent dans la phase d’enquête finale.
Le premier questionnaire porte sur des affirmations concernant la langue ainsi que la culture portu-
gaise. Le second questionnaire, lui, est composé d’items relatifs à l’identité mais aussi à la culture
portugaise. Nous avons voulu mêler la culture aux deux questionnaires car nous pensons que cette
notion est intimement rattachée à une langue mais aussi à une identité d’un individu. Enfin, ces
deux questionnaires sont distribués aux mêmes personnes qui ont répondu à la pré-enquête, ainsi
qu’à d’autres répondants portugais et franco-portugais, afin d’ élargir notre éventail de réponses.
Si cette recherche a pu voir le jour, cela est en majeur partie grâce à certaines motivations
personnelles. En effet, étant Portugaise née sur le sol portugais et ayant immigré à Bordeaux à l’âge
de quatre ans, il nous semblait intéressant d’observer comment les Portugais‧es et Franco-portu-
gais‧es de Bordeaux se perçoivent dans leur communauté et comment ils se représentent leur identi-
té ainsi que leur langue. De plus, la ville de Bordeaux a été choisie pour une raison stratégique. En
effet, nous l’observerons dans le premier chapitre3. Les immigrés portugais se sont principalement
réfugiés à Bordeaux, car il désigne le premier point d’ancrage de ces individus. Elle constitue aussi
le premier point d’arrivée pour ces ressortissants. Ainsi, cette recherche paraissait limpide considé-
rant ma connaissance accrue sur ce sujet. Pourtant, l’enjeu est double et s’est avéré plus complexe
qu’il n’en avait l’air : être à la fois enquêtrice et objet de sa propre recherche. C’est pour cette raison
que ce mémoire porte aussi sur la notion de réflexivité. Il s’agit avant tout de se remettre en perpé-
tuel doute et ne pas tomber dans une certaine subjectivité où la recherche ne montrerait que le reflet
de la pensée du chercheur.
Le peu de recherches que nous avons pu rencontrer sur la quête identitaire des descendants luso-
phones mais aussi concernant les représentations sociales, n’ont fait que confirmer le terrain de re-
cherche sur lequel nous souhaitons travailler. Hormis le travail de Dos Santos (2010) qui se
concentre sur la quête identitaire des descendants des Portugais‧es de France, la plupart des travaux
des chercheurs se basent essentiellement autour de l’immigration des Portugais‧es en France. En
revanche, de nombreuses recherches ont été mises en avant et nous ont permis de comprendre la
raison de la venue des immigrés portugais sur le sol français. Volovitch-Tavares (2001, 2006), spé-
cialiste de la communauté lusophone, met en lumière le paradoxe de l’immigration portugaise. De
plus, le travail complet qu’est Trajectoires et Origines (2016) nous a permis de dresser tous les por-
traits des immigrés portugais ainsi que leur statut socio-professionnel. Du coté de Cabral (2003),

—————————————
3 Chapitre 1 : L’immigration portugaise en France de 1916 à nos jours : 1.3.2 Le régime dictatorial de Salazar : une issue
vers la France.
7
c’est les descendants portugais qui sont observés du côté de leur représentation de leur communau-
té. Néanmoins, les travaux restent centrés autour de la sociologie mais apportent peu de réponses et
d’analyses dans le domaine de la linguistique en elle-même et de la sociolinguistique. De plus, les
recherches sur la population lusophone paraissent légèrement datées. Ainsi, aucun renouvellement
semble avoir été fait sur ce terrain-ci. Il nous est donc important de rafraichir et de donner de nou-
velles données en rapport avec la population portugaise à Bordeaux, qui elle, n’a jamais été étudiée.

Ainsi, la problématique tourne autour de deux interrogations qui se découpent chacune en


deux questions : Quelles sont les représentations sociales que se font les Portugais‧es et Franco-por-
tugais‧es d’eux-mêmes ? Quelle(s) est/sont l’identité(s) linguistique(s) qui prédomine(nt) chez les
Portugais‧es et Franco-portugais‧es de Bordeaux ?
Enfin, la seconde interrogation se base sur l’ancienne et la nouvelle génération lusophone à Bor-
deaux : Il y a-t-il l’existence d’une perception différente des représentations sociales de la langue,
de l’identité et de la culture portugaise chez l’ancienne et la nouvelle génération de portugais ?

Une synthèse portant sur les travaux similaires des représentations sociales qu’ont les Portu-
gais‧es et Franco-portugais‧es à Bordeaux sur leur identité, leur langue et leur culture permet d’une
part, de rendre compte de sa diversité à travers les recherches des linguistes et sociolinguistiques.
D’autre part, cet état de l’art permet de mettre en évidence les différents problèmes qu’ont pu ren-
contrer les chercheurs au cours de leurs travaux. Ainsi, cette synthèse témoigne des interrogations,
des discussions et des dichotomies que peuvent susciter cette étude sur ces représentations-ci.
Néanmoins, les travaux sur lesquels nous discutons ne se centrent pas essentiellement sur les repré-
sentations sociales endogènes de l’identité et de la langue portugaise à Bordeaux mais en font
seulement écho. La majorité porte davantage sur la représentation de l’identité des Portugais mi-
grants, de « la mémoire identitaire » des Portugais ou bien la question de la langue portugaise
comme langue identitaire pour les luso-descendants4. Cependant, aucune étude ne combine les trois
notions que nous traitons dans ce mémoire. La langue et l’identité ont ainsi tendance à mieux être
étudiées du point de vue des Portugais‧es plutôt que la notion de culture. Il y a à cela des ouvrages
qui parcourent en revue toutes les notions importantes dans le domaine qu’est la sociolinguistique5.
Les travaux que nous avons trouvé en parallèle de notre recherche font ainsi plus écho à la sociolo-
gie qu’à la sociolinguistique et mettent souvent en lumière les descendants des immigrés portugais
—————————————
4 Luso-descendants : considérés comme les descendants directs de Portugais immigrés ou de Franco-Portugais. Les
luso-descendants ont au moins un parent portugais.

8
ou bien la deuxième génération de lusophones.

En ce qui concerne la notion de représentation sociale, ce concept voit le jour avec Dur-
kheim (1898) qui la nomme dans un premier temps comme « une représentation collective ». Il part
du postulat suivant : chaque personne détient des représentations propre à chacune ; ce sont les re-
présentations individuelles. Si cela est le cas, alors il existerait aussi des représentations partagées et
communes à plusieurs individus. Cela peut être le cas avec plusieurs concepts fondamentaux
comme le Père Noël, l’été ou l’école. Les individus ont alors des représentations en commun avec
d’autres personnes pour se représenter ces notions. Il les qualifie comme étant la « pensée sociale »
où il souligne la primauté du social par rapport à l’individuel. Moscovici (1961) reprend le parallèle
de l’individuel et du social, en ajoutant que ces représentations forment un ensemble d’échanges où
une population s’identifie. C’est avec Moscovici que nous passons du concept de représentation col-
lective aux représentations sociales. Il s’intéresse alors aux représentations selon le milieu de vie, le
sexe, l’âge et la profession des individus. En effet, des individus venant d’un milieu et ayant une
profession différente vont avoir des représentations hétérogènes et forment des groupes où vont se
rejoindre leurs opinions et leurs croyances communes. Selon lui, il pourrait y avoir plusieurs repré-
sentations sociales pour un seul et même objet. De plus et en comparaison avec Durkheim, les re-
présentations sociales changent, évoluent dans le temps et disparaissent. Pour lui et Jodelet (1989 :
49), les représentations sociales se définissent comme un « savoir de sens commun ».
Pour Abric (1989 : 226), une représentation sociale détient un noyau central ainsi que des éléments
périphériques6. Le noyau central est l’essence même de la représentation sociale et autour duquel
les individus se réunissent. Il est alors stable, cohérent et ne change pas à travers le temps. En re-
vanche, les éléments périphériques d’une représentation sociale peuvent se caractériser comme in-
stables, modulables avec le temps et ne sont pas toujours partagés par tous les individus d’un seul et
même groupe. Pour les deux chercheurs, les représentations sociales sont avant tout des croyances
« naïves ». C’est en d’autre terme, une manière de se ré-approprier le monde, de mieux le com-
prendre et le lire.
Enfin, Rouquette (1997), perçoit la représentation sociale d’un autre sens ; elle sert à théoriser le
monde afin de savoir comment agir et comment se comporter vis-à-vis de l’objet en question. Ainsi,
tout objet peut être objet de représentation sociale. Pourtant, Moliner (1993) explique qu’il y a une
—————————————
5 L’ouvrage de MOREAU M-L intitulé Sociolinguistique : concepts de base, 1997, Sprimont : Mardaga, 324 p. reprend
toutes les notions essentielles qui s’inscrivent dans la continuité de la sociolinguistique, dont les représentations so-
ciales, l’identité, la culture, la langue mais aussi plus généralement la sociolinguistique.
6 Se référer à la page 26 : schéma d’une représentation sociale.

9
représentation d’un objet seulement s’il y a un groupe social qui existe dans lequel il y a des pra-
tiques et des échanges identiques et des enjeux de l’objet pour le groupe. Il faut donc que l’objet
soit un enjeu d’identité ou de cohésion sociale. L’objet doit aussi être une dynamique sociale. En
d’autre terme, il faut qu’il y ait des échanges et des interactions par rapport à l’objet en question.
L’absence d’orthodoxie doit aussi être importante. En effet, il ne faut pas qu’il y ait une certaine re-
présentation qui soit meilleure que d’autre ou de penser l’objet d’une certaine façon. Si cela était le
cas, alors la caractéristique de la dynamique sociale serait annulée. Enfin, la dernière caractéristique
concerne le fait qu’il faut avoir des pratiques sociales vis-à-vis de l’objet en question.
En revanche, Doise (1986) s’inscrit directement dans la lignée de Bourdieu et définit une représen-
tation sociale comme « un principe générateur » de prises de position qui permet des insertions spé-
cifiques dans un ensemble de rapports sociaux. Il ne s’intéresse pas à l’objet de représentation so-
ciale mais plutôt aux rapports sociaux qui vont déterminer les pratiques liées à cet objet, qui vont
déterminer les représentations sociales de cet objet. Il s’agit de déterminer la position sociale qu’oc-
cupe les individus.
En ce qui concerne Moliner, Abric et Rouquette, ces derniers font parti du mouvement du
structuralisme dans les représentations sociales. Ils s’intéressent à l’organisation même des repré-
sentations sociales, c’est-à-dire, comment elles se créent et comment elles évoluent. La représenta-
tion sociale ne peut être définie simplement par son contenu. Ainsi, il est nécessaire de prendre en
compte son organisation et de chercher les éléments noyaux, c’est-à-dire les éléments dans une re-
présentation sociale qui ne changent pas, qui ne sont pas impactés par le temps.
Enfin, la distance à l’objet de représentation est aussi capitale entre l’individu et l’objet de
représentation en question. La distance peut être évaluée sous trois angles. Le premier élément est le
rôle du niveau de connaissance. En effet, chaque individu franco-portugais - par exemple - n’a pas
la même connaissance de la culture portugaise qu’un Portugais natif. Le deuxième point est celui du
rôle du niveau de pratique. Ainsi, les pratiques sociales sont essentielles pour qu’il y ait l’existence
des représentations sociales. Elles jouent un rôle essentiel pour l’élaboration des représentations so-
ciales. Le terme de pratique peut renvoyer à la manière de pratiquer la langue portugaise ou de ne
pas la pratiquer. De plus, elle peut être considérée comme le fait qu’un individu perçoit ou non la
culture et l’identité portugaise. Il s’agit aussi de la pratique de la langue ou de la culture portugaise :
il y a certains individus portugais et franco-portugais qui peuvent détenir une pratique courante, no-
vice ou experte ou non de la culture et de la langue portugaise.
De cette manière, les représentations sociales forment un moyen de comprendre les groupes
d’individus grâce aux analyses qui permettent de voir la façon dont ils se représentent eux-mêmes.
10
Afin de mener à bien l’étude sur les représentations sociales endogènes sur la langue et
l’identité portugaise à Bordeaux, cette recherche propose quatre chapitres organisés dans deux par-
ties bien distinctes l’une de l’autre. Les deux premiers mettent en lumière les repères théoriques et
les terminologies linguistiques. Pour cela, un premier chapitre est entièrement consacré à l’immigra-
tion des Portugais‧es en France de 1916 jusqu’à nos jours, englobant leur arrivée sur le territoire
français jusqu’à la ville de Bordeaux, ainsi que les facteurs qui les ont poussé à quitter le Portugal.
Il reprend tous les éléments clefs de cette immigration, dont la dictature salazariste qui participe
massivement à l’expatriation de ces Portugais‧es vers la France.
Le second chapitre reprend toutes les notions relatives dont la notion de représentation sociale et de
représentation linguistique. Une attention particulière est accordée à la notion de représentation so-
ciale, car c’est elle qui détermine en quoi la langue, l’identité et la culture sont des objets de repré-
sentation sociale pour les Portugais‧es et Franco-portugais‧es de Bordeaux. Diverses études y sont
analysées comme celles de Jodelet et Abric, où ce dernier élabore la structure d’une représentation
sociale.
La seconde partie est consacrée à l’étude de ces représentations sociales par l’intermédiaire
du terrain d’enquête que nous étudions qui est celui de la ville de Bordeaux. Le troisième chapitre
reprend la Méthode de l’Analyse Combinée qui est l’outil sur lequel nous nous basons dans le but
de proposer deux questionnaires finaux. Ainsi, cette méthode est utilisée dans un premier temps
pour construire un questionnaire de pré-enquête, afin de collecter toutes les informations et items
nécessaires pour élaborer les deux questionnaires.
Le dernier chapitre met en lumière le chronoprogramme ainsi que l’analyse et les résultats des deux
questionnaires dans sa globalité, par tranche d’âge, par sexe, par profession et prend en considéra-
tion le niveau de la langue portugaise de l’enquêté.
Ainsi, ce travail n’a pas pour but de pointer du doigt les représentations sociales qu’ont les
Portugais‧es et Franco-portugais‧es sur leur langue, leur identité et leur culture, mais plutôt d’étu-
dier leur lien à ces trois objets de représentation. Il a aussi pour objectif de voir si les luso-descen-
dant‧e‧s semblent avoir un attachement plus fort à ces objets que les Anciens.

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PREMIÈRE PARTIE : REPÈRES THÉO-
RIQUES ET TERMINOLOGIQUES

12
CHAPITRE 1 : L’IMMIGRATION PORTUGAISE EN FRANCE
(1916 À NOS JOURS)

« Le drame national de l’ migration est l’une des d terminantes de


la transformation socio- conomique du Portugal contemporain, pour
le moins partir des ann es 1830. »
(SERR O, 1982 ; trad. du portugais)

1.1 Données diachroniques et synchroniques

Pour étudier les représentations sociales de l’identité et de la langue portugaise d’un point de
vue endogène, il semble intéressant d’établir une définition de la diachronie et de la synchronie afin
de voir si l’analyse tend plus à avoir une portée diachronique ou synchronique.
Tout d’abord, l’étude diachronique traite d’un fait linguistique qui évolue à travers le temps. La dia-
chronie englobe toutes les étapes d’évolution du développement d’un phénomème linguistique et de
ses variations dans le temps ; c’est une linguistique historique. Cette notion est corrélée avec le
concept de synchronie qui, elle, étudie l’objet linguistique comme un système fermé. L’étude syn-
chronique ne considère pas le fait linguistique dans son évolution, mais plutôt à un moment donné
et précis ; c’est une linguistique descriptive. L’étude des représentations sociales endogènes de
l’identité et de la langue portugaise semble davantage se tourner vers une analyse synchronique. En
effet, ce sont les représentations à un moment précis dans la ville de Bordeaux qui vont être intéres-
santes à observer. Cette communauté portugaise visible et invisible, qui a toujours été présente sur
le sol français, va être sous observation dans le but de voir si elle détient des représentations posi-
tives et/ou négatives de sa langue et de son identité. Les immigrés portugais constituent l’une des
communautés en France qui se sont le mieux intégrés à la population majoritaire. Même encore au-
jourd’hui, les Portugais‧es qui viennent s’installer en France, et plus particulièrement à Bordeaux,
multiplient leur effort pour parler la langue française et s’accoutument à cette culture voisine. En
2020 et selon l'INSEE, les Portugais‧es représentaient 1,5 millions des immigrés en France sur 6,8
millions d’immigrés. Sur la même année, on comptabilise environ 10 000 Portugais à Bordeaux.
Cette diaspora s’est récemment installée en France au début du XXème siècle pour cause de divers
facteurs. Ce premier chapitre étudie l’entrée des Portugais‧es en France à partir de 1916 jusqu’à nos
13






jours. Il a pour but d’observer dans son intégralité, l’arrivée des Portugais‧es, les raisons de leur ve-
nue en France ainsi que les différents profils d’immigrés portugais.

1.2 La première vague d’immigration (1917-1956)

L’immigration portugaise rend compte de trois principales vagues marquées par des évène-
ments tous différents les uns des autres. La première vague d’immigration portugaise, qui est de
type transocéanique, nait pendant la Première Guerre Mondiale en 1917 et s’estompe en 1956. Les
Portugais constituent la dernière immigration du XXème siècle à s’installer en France. Cette pre-
mière venue timide de cette communauté venant principalement soutenir le territoire français en
temps de guerre devient année après année familière avec la France et auprès des Français‧es. Elle
s’installe par ailleurs de manière temporaire, prolongée ou de manière définitive chez cette terre
voisine.

1.2.1 Les Portugais en France : des travailleurs pour la guerre

La première raison de la venue des Portugais‧es en France se manifeste par la signature d’un
accord de main-d’oeuvre en octobre 1916 par les autorités françaises qui prévoient le recrutement
de 10 000 travailleurs portugais pour l’agriculture et les usines. Ces travailleurs pour la guerre sont
constitués d’hommes de tout âge. Leurs postes consistent en la fabrication d’obus dans les usines et
le travail des terres, tel que le labourage. Durant cette première vague d’immigration, les hommes
portugais amènent avec eux leur famille en France.

1.2.2 Le déclin de l’immigration à la fin de la guerre

À la fin de la Première Guerre Mondiale, la première vague connait un déclin avec les an-
nées creuses de l’immigration portugaise entre 1930 et 1956. La crise des années trente est un fac-
teur qui provoque alors le retour des Portugais au Portugal. Ces derniers n’ayant plus de travail en
France après la Première Guerre Mondiale, préfèrent revenir sur leur terre d’origine.
Par ailleurs, le Portugal subit en 1926 un coup d’État militaire, ce qui oblige de nombreux exilés
politiques à être contraints de partir se réfugier en France. Ces exilés, qui décident souvent de rester

14
de manière plus durable en France, participent à la Résistance durant la Seconde Guerre Mondiale.
De plus, il est à noter que la période de l’Estado Novo7 est l’une des raisons pour laquelle les Portu-
gais‧es décident de quitter le pays pour repartir en France. Élu en tant que Président du Conseil des
ministres en 1932, Oliveira Salazar décide de créer le parti de l’Union nationale qui est caractéris-
tique de l’Estado Novo, aux côtés du président Carmona. La Constitution, qui est approuvée par ce
dernier, constitue un régime répressif et personnel. Ce parti justifie donc la dictature salazariste.
Ainsi, cette première vague reste modeste, même si la France déploie des moyens suffisants
pour amplifier cette immigration. Elle reste le déclenchement de la venue des familles portugaises
qui se font plus nombreuses durant les années suivantes. En France, on comptabilise seulement
20,000 immigrés portugais à la fin de la première vague.

1.3 La deuxième vague d’immigration (1956-1974)

1.3.1 L’apogée de l’immigration portugaise

Après cette première vague qui semble timide, l’immigration portugaise en France est parti-
culièrement caractérisée par cette deuxième venue et constitue l’explosion de cette diaspora dans
tout l’hexagone. La deuxième vague intra-européenne de cette immigration en France prend racine
en 1956 et se termine en 1974, marquée par la révolution portugaise. Durant ces années, cette vague
représente l’une des plus importantes migrations intra-européennes du XXème siècle. La France
devient alors le territoire privilégié qui est visé par les Portugais émigrants. Le développement fer-
roviaire ainsi que celui des chemins de fer ont favorisé cette immigration vers la France. Les immi-
grés portugais qui au XIXème siècle utilisaient les bateaux pour aller vers les Amériques du Sud,
utilisent le train au XXème siècle pour aller en France. Ainsi, au mirage américain a succédé le mi-
rage européen dont fait partie la France. Les Portugais‧es se sont regroupés en France, car l’État
français avait besoin de main-d’oeuvre avec le départ des travailleurs algériens du BTP. Le but pre-
mier des immigrés portugais était d’amasser assez d’argent pour construire une maison, une vie de

—————————————
7 Estado Novo : l’état nouveau. Ensemble de la période du coup d’état de mai 1926 (prise du pouvoir par le général
Carmona) à la révolution de 1974.

15
famille et revenir au Portugal. C’est pour cette raison que la venue des familles portugaises est da-
vantage importante en comparaison avec la première vague d’immigration portugaise.

1.3.2 Le régime dictatorial de Salazar : une issue vers la France

Comme nous l’avons vu plus haut, les débuts de l’Estado Novo ont insufflé au Portugal une
nouvelle figure autoritaire, réduisant alors les libertés individuelles des habitants du Portugal.
À partir de 1961, des mouvements anticoloniaux initient une lutte armée en Angola, au Mozam-
bique et en Guinée-Bissau. Ces guerres contraignent le Premier Ministre Salazar à accélérer le pro-
cessus de modernisation de l’économie en ouvrant le Portugal aux capitaux étrangers et en favori-
sant la productivité dans l’industrie. De plus, les guerres des colonies entraînent le départ de milliers
de jeunes refusant de faire leur service militaire. Le régime dictatorial du Portugal de Salazar allant
de 1926 jusqu’au 25 avril 1974 favorise le départ de nombreux Portugais. Ce régime se rapproche
du fascisme de par l’usage que cette dictature fait du culte de la personnalité. Ainsi, le cardinal Ce-
rejeira, ami de Salazar, qualifie ce dernier d’ « homme de gel ».
De ce fait et selon l’enquête Trajectoires et Origines (TeO), Ined-Insee, 2008, on estime à un 1,5
million le nombre de départ de Portugais‧es entre 1960 et 1973. La France reçoit alors 75% des
émigrés officiels en 1970. On fait ainsi une distinction entre les « Portugais‧es du Portugal » et les
« Portugais‧es de France ». Les « Portugais du Portugal » sont les Portugais qui ont préféré rester
vivre dans leur terre natale malgré la dictature et la prise de pouvoir répressive de Salazar. Les
« Portugais de France » sont en réalité les Portugais‧es ayant été contraints de partir et surtout ayant
préféré construire leur avenir en France. Ces derniers sont d’ailleurs souvent pointé du doigt par les
Portugais‧es issus du Portugal. On ne les associe plus à des Portugais‧es de leur terre natale, mais
plutôt à des Portugais‧es devenus Français. Ils sont alors, aux yeux des Portugais‧es du Portugal,
des Franco-portugais‧es. Pourtant, et à partir de 1977, la journée du 10 juin devient la journée des
Camões et des communautés portugaises8.
En 1968, on passe de 300 00 Portugais‧es en France, à 750 000 qui sont recensés en 1975. En 1969,
C’est 110 614 Portugais‧es qui entrent en France. Cette venue massive de Portugais‧es se traduit par
—————————————
8 La journée des Camões et des communautés portugaises : à l’initiative du Président de la République portugaise, Ra-
malho Eanes décide de célébrer les populations portugaises qui résident à l’étranger. Ce 10 juin devient ainsi un jour
férié national. Paradoxalement, cette journée a toujours été célébrée au Portugal jusqu’en 2016 (discours prononcés par
des hommes politiques et manifestations culturelles). Ce n’est que l’année suivante que le Président de la République et
le Premier Ministre ont commémoré le 10 juin avec les Portugais à l’étranger, à Paris.

16
ce graphique ci-dessous, tiré de l’enquête Trajectoires et Origines (TeO), Ined-Insee, 2008 :

Image 1 : Diagramme de Lexis représentant les années et âges de première entrée en France des
immigrés portugais.

Sur ce diagramme, il est évident que le départ des Portugais‧es se concentre essentiellement
sur la période de la deuxième vague. Dans l’enquête TeO en 2008, les immigrés interrogés ont entre
18 et 60 ans, ce qui explique pourquoi aucune donnée n’est attribuée avant 1950. La venue des Por-
tugais‧es durant cette deuxième vague se fait à partir de la naissance et même avant. Cela montre
que ces immigrés sont venus avec leur famille afin de construire une nouvelle vie en France.
Cette augmentation d’immigrés portugais est provoquée par différents facteurs. Tout d’abord, une
majeure partie de la population portugaise vit dans une situation misérable car le pays est à domi-
nante rurale. De plus, le Portugal est en difficulté ; le pays a du mal à se construire économiquement
et peine à se dynamiser dans le but de rentrer dans une perspective de modernisation, malgré les ef-
forts de Salazar en ouvrant le Portugal à des capitaux étrangers. D’un point de vue social, l’émigra-
tion est même perçue comme étant une conséquence directe de la pauvreté ainsi que de l’arriération
du pays. Financièrement, le Portugal étant instable durant la deuxième vague d’immigration, ce
dernier devient par conséquence dépendant des autres pays pour survivre. En effet, plusieurs pays
viennent en aide au Portugal dont l’Angleterre, la Belgique et la France, en contribuant grâce à des

17
investissements financiers. Ainsi, cela engendre aux yeux des Portugais‧es très peu de perspectives
d’avenir, qui eux, souhaitent quitter - malgré tout - ce pays devenu autoritaire. Plus généralement, la
répression, l’investissement faible dans l’éducation et le manque des libertés favorisent le départ des
Portugais‧es en France. Pour la population rurale, l’immigration représente l’un des moyens d’amé-
liorer sa condition de vie pour connaître une ascension sociale à l’étranger. Pourtant, le Portugal est
symbolisé comme le lieu d’origine des aînés. Il y est aussi idéalisé. Ainsi, le retour des Portugais‧es
constitue une finalit dans des projets de vie professionnels et cela m me chez les jeunes luso-des-
cendants.

1.4 La troisième vague d’immigration (1974 à nos jours)

La troisième vague d’immigration portugaise commence en 1974 et perdure jusqu’à nos


jours. La venue des Portugais‧es en France connait un fort ralentissement mais reste stable en com-
paraison avec la deuxième vague d’immigration qui, elle, reste la plus importante.
Durant l’année 1974, le Portugal connait un évènement important, permettant d’accéder à la
liberté ; celui de la disparition de l’Estado Novo et donc, déclenche la chute de la dictature salaza-
riste. Plus précisément, le 25 avril 1974 est une date importante dans la mémoire des Portugais‧es.
Durant ce jour, des foules d’habitants portugais envahissent les grandes villes du Portugal dont Lis-
bonne ; c’est a Revolu ao dos Cravos9. Les foules sortent des rues pour fraterniser avec les mili-
taires portugais qui, peu à peu, se rebellent contre les mouvements coloniaux. Les militaires portu-
gais acceptent alors cette fraternisation en fleurissant leurs fusils avec des oeillets. Cet emblème
d’une révolution pacifique symbolise avant tout les espoirs d’une nation entière et non fracturée. Ce
coup d’État de l’armée soutenu par le mouvement populaire de la révolution des Oeillets construit
un processus démocratique sous la présidence du socialiste Mario Soares. On y organise des élec-
tions libres afin que les Portugais‧es de toute région puissent choisir un régime « conforme à leurs
voeux » (Durand 1992). On discute alors de libertés fondamentales telles que la liberté d’expres-
sion. De cette manière, le 25 avril devient un jour férié ainsi que le jour des premières élection
libres un an plus tard, en 1975. C’est à partir de ce moment que le Portugal devient un pays démo-
cratique. Antonio Ramalho Eanes est d’ailleurs le premier Président de la République à être élu en
—————————————
9 A Revoluçao dos Cravos : la Révolution des Oeillets.

18



1976 démocratiquement après la révolution de 1974.
Durant cette vague d’immigration, peu de Portugais‧es décident de revenir en France. Ainsi
selon l'enquête TeO, 42 600 Portugais‧es émigrent entre 1980 et 1984. Ces émigrations ont été prin-
cipalement composées de regroupements familiaux. De plus, nous rencontrons aussi des profils plus
jeunes d’immigrés. Les mineurs, durant cette troisième vague, partent du Portugal pour deux objec-
tifs : trouver du travail en France et/ou continuer leurs études. En règle générale, ces jeunes portu-
gais viennent en France et à Bordeaux tout en sachant qu’ils sont accueillis par des membres de la
famille tels que des cousins ou des tantes.
De plus, le Portugal entre dans l’Union européenne en 1986. Les Portugais‧es, qui avaient immigré
en toute illégalité, ont la possibilité de s’installer durablement et légalement en France et à Bor-
deaux.
Enfin une crise frappe le Portugal en 2008, entraînant une nouvelle émigration massive qui
se dirige vers la France, et plus globalement vers l’Europe.

1.5 Les Portugais en France aujourd’hui

1.5.1 La place géographique des Portugais en France

La communauté portugaise à Bordeaux et plus généralement en France est assez invisible et


discrète bien qu’il y ait plus d’un million et demi de Portugais‧es dans tout l’hexagone. Avec la fin
de la dictature salazariste, la diaspora portugaise a pu prendre place peu à peu en France dans tous
les domaines socio-professionnels. Ainsi, les épiceries portugaises, les associations culturelles et
sportives ont fleuri, permettant aux Français‧es d’en découvrir davantage sur cette culture voisine.
De plus, ces lieux bien précis sont aussi des lieux où les Portugais‧es peuvent se regrouper entre
eux, échanger et créer ainsi un petit coin de chez eux, du Portugal. C’est entre-autre une réduction
de son chez soi. Cette vie associative pour les Portugais‧es est conçue comme un apprentissage de
la relation entre le dehors et le dedans.

19
1.5.2 Le nombre de Portugais en France

Depuis le début des années 80, le nombre d’immigrés portugais déménageant en France n’a
cessé d’augmenter. Ainsi selon l’INED, au 1er janvier 1986, le nombre total de Portugais‧es avoi-
sine les 751 000 soit 20% de la population étrangère en France.
Aujourd’hui, l'INED déclare que les Portugais‧es sont au nombre de 1,5 million en France et consti-
tuent l’une des migrations les plus importantes du pays. En prenant la communauté portugaise
comme une communauté d’étrangers vivant en France, les Portugais‧es constituent 33% des étran-
gers en France. En revanche, sur la part de tous les immigrés de toutes les nationalités en France, les
Portugais‧es représentent seulement 10,5% des immigrés.

1.5.3 Le nombre de Portugais de la Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux

La région de la Nouvelle-Aquitaine et plus précisément la ville de Bordeaux sont les deux


premiers points d’ancrage et d’entrée pour les immigrés portugais. Plus généralement, c’est du fait
de sa situation géographique que la Nouvelle-Aquitaine et Bordeaux, ville la plus importante et la
plus attractive d’Aquitaine, que les Portugais‧es y viennent pour y travailler et pour s’y installer.
Bordeaux devient ainsi une terre d'accueil pour la diaspora lusitanienne.
En ce qui concerne le nombre de Portugais‧es de la Nouvelle-Aquitaine jusqu’à Bordeaux,
on en compte environ 29 000 en Nouvelle-Aquitaine. Il y aurait par ailleurs 11 000 Portugais‧es en
Gironde, 7 000 dans la CUB et 2 000 Portugais‧es à Bordeaux en 2014 (Pascaud, 2014 : 62 ; 66 ; 70
; 73).
En 2009, la communauté portugaise avoisine les 35,5% d’immigrés en Nouvelle-Aquitaine. En Gi-
ronde, les Portugais représentent 45,5% en tant qu’étrangers. Dans Bordeaux Métropole, ils corres-
pondent à 44% des étrangers. Enfin à Bordeaux, les Portugais représentent 31% des étrangers. En
2014, on estime qu’il y a 35 000 Portugais en Nouvelle-Aquitaine et 10 000 à Bordeaux. En Nou-
velle-Aquitaine, les Portugais représentent 19% des immigrés. En Gironde, ils représentent 16% des
immigrés. Dans Bordeaux Métropole, les Portugais représentent 14% des immigrés. Enfin à Bor-
deaux, les Portugais représentent 9,5% des immigrés. (Pascaud, 2014 : 77 ; 78).

20
1.6 Les sous-populations de Portugais immigrant en France

Afin d'établir un portrait du type de Portugais‧es qui partent pour la France, il faut savoir
que généralement, la plupart des immigrés portugais sont des hommes dans la tranche d’âge entre
20 et 30 ans ayant des enfants et venant d’un milieu rural. Les femmes portugaises ainsi que les en-
fants viennent plus particulièrement à la fin de la deuxième vague et durant la troisième vague
d’immigration.
Les différents métiers et leurs pourcentages sont les suivants, d'après l'enquête TeO, pour les deux
sexes : 0,1% d’agriculteurs, 1,3% d’artisans et commerçants, 0,3% de cadres, 2,4% dans des profes-
sions intermédiaires, 19,6% d’employés, 74,8% d’ouvriers et seulement 1,5% de chômeurs. Nous
pouvons noter le pourcentage écrasant de Portugais ouvriers. Notons que la présence de Portu-
gais‧es issus de milieux aisés de commerçants et d’artisans sont peu nombreux. À travers l’enquête
TeO, la catégorie socioprofessionnelle des parents immigrés portugais en 2008 se traduit par ce dia-
gramme en radar :

Image 2 : Origine sociale des immigrés portugais (catégorie socioprofessionnelle des parents).

À travers ce diagramme, nous pouvons constater que la profession des parents immigrés
portugais se focalise sur deux professions : 40% des parents immigrés portugais sont employés-ou-
21
vriers qualifiés et 33% sont des employés-ouvriers non qualifiés. En comparaison avec la popula-
tion majoritaire - les Français‧es - délimitée par la zone grise, les parents immigrés portugais sont
moins rattachés aux professions d’artisans-commerçants ou de cadres. En ce qui concerne la ville de
départ des Portugais‧es, ces derniers sont principalement issus de Porto et des districts du nord du
Tage avec Alentejo et Algarve10. Ces districts sont les premières régions d’émigration au Portugal et
le sont encore aujourd’hui. Tardivement, les émigrés portugais viennent de la région de Lisbonne.
Jusqu’au milieu des années 70, ces Portugais‧es se concentrent principalement dans des régions in-
dustrielles en France et dans la région parisienne. Peu de temps après, ils s’installent dans des villes
comme Bordeaux, Grenoble, Clermont-Ferrand et Lyon.

1.6.1 Les hommes

La deuxième génération des immigrés portugais travaille en tant qu’ouvriers et souvent dans
le BTP. Selon l’INSEE, il y aurait en 1986, un total de 88,5% d’ouvriers chez les hommes portu-
gais.

1.6.2 Les femmes

En reprenant la deuxième génération des femmes immigrées portugais, l’arrivée des femmes
se voit massive dans les années 60. Ces dernières sont la plupart du temps des employées, des
femmes de ménage, des domestiques, des ouvrières ou bien des concierges. 45,8% des femmes por-
tugais en 1986 sont des employées selon l’INSEE. À partir de 1974, ces femmes ne viennent plus
en France pour des raisons familiales, mais plus pour un travail ou des études.

1.6.3 Les descendants d’immigrés portugais

Concernant les descendants d’immigrés portugais, ces derniers semblent avoir fait évoluer
leur statut par rapport à leurs pères. De cette manière, les fils descendants d’immigrés portugais en-
tament souvent des études dans des filières professionnelles. 40% d’entre eux possèdent un CAP ou
un BEP (Beauchemin et Hamel, 2016 : 36 ; 37 ; 38). Ainsi dans la population masculine, l’orienta-
tion secondaire des descendants
—————————————
10 Se référer à l’annexe 1.

22
d’immigrés portugais se révèle conforme au modèle traditionnel de reproduction ouvrière par la
voie secondaire professionnelle. Les filles portugaises d’immigrés se tournent, elles, vers des fi-
lières générales et technologiques.

1.6.4 Les exilés

Avec la dictature de Salazar, un autre groupe de Portugais se dessine ; celui d’étudiants exi-
lés. Ils choisissent l’exil au moment de l’incorporation militaire. Ces Portugais‧es ne souhaitent pas
avoir le statut de réfugié politique, de peur de se faire repérer par les polices françaises et portu-
gaises. Ainsi, ils se mêlent aux immigrés illégaux, régularisés comme travailleurs. À partir de 1972,
la situation change avec les circulaires Marcellin-Fontanet11. Elles ont pour objectif de diminuer les
entrées des travailleurs étrangers en France, dont font partie les Portugais‧es.

De cette manière, la red finition permanente des projets migratoires que montrent les retours
familiaux au Portugal, mais aussi le fait d’y laisser les enfants aux grands-parents, ont eu des r per-
cussions sur les parcours de vie de ces individus. Cette situation soul ve la question de « l’ volution
et de l’ laboration collective des projets migratoires au fil du temps et des liens interg n rationnels
qui s’y font et d font. » (Dos Santos 2013). Ainsi, l’immigration des Portugais‧es, en tant que pro-
cessus social générateur de revendications identitaires, pourrait fonder des identités générationnelles
grâce à la langue et à la culture des migrants.
Le fait que les immigrés portugais se construisent à travers des projets migratoires entre leur terre et
leur pays d’accueil, cela créé des images, des stéréotypes et ainsi, des représentations positives, ou
parfois erronées, de cette communauté lusophone.

—————————————
11 Les circulaires Marcellin-Fontanet : signées par deux ministres du gouvernement de Chaban-Delmas en 1972. Elles
ont pour but de diminuer la migration de travail en France.

23








CHAPITRE 2 : LA NOTION DE REPRÉSENTATION SOCIALE EN
CONTEXTE

« Les représentations se situent […] à un niveau cognitif élevé, cir-


culant dans la société au moyen du langage et des discours. […]
elles constituent des produits culturels qui naissent et se déve-
loppent dans les conversations quotidiennes et par rapport à des cir-
constances culturelles et historiques. »
(BERGAMASCHI, 2011 : 95)

Dans le cadre de ce mémoire, expliquer les mots clefs du titre et en donner un état de l’art
permet d’expliciter un peu plus le terrain de recherche sur lequel on travaille. Les concepts qui sont
traités révèlent à la fois des obstacles et des interrogations à propos de ce sujet. À travers cette re-
cherche, nous tentons de répondre aux questionnements que soulève chaque notion.

2.1 La notion de représentation sociale

Les représentations sociales se trouve être la première notion et l’une des plus centrales que
nous abordons. Tout d’abord, ce concept est employé pour la première fois par Moscovici en 1961.
Ce dernier fait un parallèle entre l’individuel et le social. Selon lui, les représentations sociales
constituent un ensemble d’interactions et d’échanges entre l’individu et son environnement. Plus
communément, elles permettent de guider un individus ou groupe d’individus dans la façon de défi-
nir et de nommer les différents aspects de la réalité, ainsi que leur comportement. Elles se défi-
nissent comme un « savoir de sens commun » (Jodelet, 1989 : 49).
Ainsi, les représentations sociales interviennent dans le processus de la définition de l’identité indi-
viduelle et collective. On s’intéresse alors à une modalité de pensée qui est aussi par rapport à un
objet donné. De cette manière, se représenter quelque chose constitue un acte de pensée par lequel
un sujet se représente en rapport avec l’objet en question. Cet objet interrogé peut se modéliser en
un évènement social, un sentiment ou une idée. En d’autres termes, il ne peut pas exister de repré-
sentation sans objet.

24
Selon Doise (1986), les représentations sociales représentent des structures mentales qui
sont stockées dans la mémoire et qui sont formées d’« un ensemble d’informations, de croyances,
d’opinions et d’attitudes à propos d’un objet donné ». Elles se bâtissent durant des interactions quo-
tidiennes entre deux ou plusieurs personnes, au moyen de l’objectivation et de l’ancrage.

L’objectivation entraîne le passage de l’abstrait vers le concret, alors que l’ancrage permet
de rendre quelque chose qui est étrange en un objet familier. En d’autres termes, il y aurait l’idée
qu’il existe dans l’esprit de chaque sujet un ensemble de représentations, de croyances qui condi-
tionnent son rapport à un objet donné.
Plusieurs années après, Charaudeau (2009) parle des représentations sociales comme « des imagi-
naires collectifs » qui se produisent par des individus vivant en société qui déterminent des valeurs
dans lesquelles ils se reconnaissent et en constituent leur « mémoire identitaire ». Le sociolinguiste
intègre donc, dans la notion de représentation sociale, le concept de mémoire identitaire autour du-
quel des sujets se reconnaissent. Il est vrai que la représentation sociale est tributaire du caractère
social dans le sens où elle dépend avant tout d’un contexte social et d’un objet qui est socialement
partagé et qui construit « une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet 1989 : 36). Pour une
société donnée, la représentation sociale est importante car elle conduit les attitudes et les commu-
nications sociales, elle construit l’identité sociale du groupe ainsi que le développement individuel
et collectif. La représentation sociale est alors à la fois un objet du devenir et un objet en devenir.

Pour qu’il y ait une représentation sociale, il faut en plus de l’objet donné, la supposition
forte d’une adhésion ou une participation qui rapproche des groupes d’individus de la croyance.
Pourtant, les représentations sociales ne peuvent pas tout le temps être partagées par des individus.
Elles le sont seulement par les groupes d’individus qui adhèrent aux représentations sociales qu’ils
considèrent.
En effet, partager des idées, des représentations sociales ou des opinions par rapport à ces dernières,
c’est aussi affirmer un lien social et une identité forte. C’est pour cette raison que le partage symbo-
lise avant tout un lien d’unité et d’appartenance. De plus, partager une même condition sociale qui
s’accompagne d’une certaine relation au monde, de modèles de vies, cela « produit des effets sur la
façon de concevoir la culture » (Jodelet, 1989 : 63). Ainsi, nous pouvons schématiser l’organisation
d’une représentation sociale de cette sorte :

25
Image 3 : Organisation d’une représentation sociale.

Ce schéma reprend les idées d’Abric (1994 : 19) et de Doise (1986) qui perçoivent les repré-
sentations sociales comme des structures mentales. Ainsi, les représentations sociales se façonnent
à partir d’un contenu et d’un processus d’élaboration. Le contenu se forme à partir d’images, d’in-
formations et d’attitudes. Prenons la représentation sociale suivante en rapport avec cette
recherche : l’identité portugaise c’est le fait d’avoir la réputation d’être un bon travailleur. Les
Portugais‧es et Franco-portugais‧es vont détenir et s’ancrer cette représentation par rapport à l’iden-
tité portugaise pour plusieurs raisons.
Commençons par la construction du contenu de cette représentation. Cette image est ancrée dans
l’identité des Portugais‧es et Franco-portugais‧es à Bordeaux car cette communauté a l’image d’un
individu qui se présente comme assez « manuel » et « touche-à-tout ». Afin que cette image se cris-
tallise dans le temps, il faut alors des interactions fréquentes entre deux ou plusieurs personnes. En-
fin, le fait que la communauté lusophone ait une réputation d’être de bons travailleurs se crée aussi
par l’attitude. Les Portugais‧es et Franco-portugais‧es ont la réputation d’être « débrouillard ». De
plus, nous pouvons observer une entraide entre cette population de travailleurs, que cela dans n’im-
porte quel milieu professionnel tel que dans le bâtiment et dans le commerce.
Cette représentation s’ancre par ailleurs grâce à un processus d’élaboration qui se scinde en
deux : l’objectivation et l’ancrage. L’objectivation de cette représentation va se faire par le passage
de l’abstrait vers le concret. De plus, l’adhésion de cette représentation va permettre à de plus en
plus de lusophones de se considérer comme de bons travailleurs et en faire alors, leur identité. En ce
qui concerne l’ancrage, celui-ci se fait à travers le temps. En effet, c’est à travers les siècles qu’une
représentation sociale se cristallise au sein d’un groupe d’individus ou d’une société. Comme nous
l’avons vu dans le premier chapitre, les immigrés portugais ont été une main d’oeuvre importante
pour le territoire français. Cette identité forte d’avoir la réputation d’être un bon travailleur fait ainsi

26
partie de l’histoire de la communauté lusophone. L’ancrage permet alors de rendre une représenta-
tion sociale plus familière pour un groupes d’individus. Comme cette représentation détient une
forte adhésion chez la communauté lusophone, alors elle se cristallise et reste une forte représenta-
tion pour les Portugais‧es et Franco-portugais‧es de Bordeaux.

Si une représentation sociale est l’image mentale que se fait un tiers d’un objet quelconque
comme nous l’avons vu plus haut, alors une représentation sociale n’est jamais objective. C’est pour
cette raison que nous ne pouvons pas considérer que certaines représentations sociales soient
meilleures que d’autres. En revanche, elles restent changeantes dans le sens où elles peuvent évo-
luer à travers le temps.
La représentation sociale est toujours représentation de quelque chose pour quelqu’un. Cette
notion n’existe que pour et dans la société qui véhicule ces images mentales-ci. De plus, les repré-
sentations sociales impactent l’individu ou groupes d’individus dans la société dans laquelle ils se
situent. À l’intérieur d’une représentation existe plusieurs éléments qui sont hiérarchisés et organi-
sés comme sur le schéma ci-contre :

Image 4 : Structure d’une représentation sociale.

Le schéma se découpe en deux parties bien distinctes : il existe un noyau central et une zone
périphérique au sein d’une représentation sociale. Ce noyau central constitue en tout point l’élément
fondamental de la représentation. En effet, il détermine « […] la signification et l’organisation de la
représentation » en question (Abric, 1989 : 226). Sa fonction organisatrice a pour but de déterminer
les liens « qui unissent entre eux les éléments de la représentation » (Abric, 1989 : 226). Ces élé-

27
ments donnent à « […] la représentation, sa signification » (Petitjean, 2009). Comme nous le sa-
vons, une représentation sociale ne cesse de changer et de se transformer au fur et à mesure du
temps. En revanche, le noyau central est celui qui se trouve être le moins impacté par ces change-
ments. Il est l’élément le plus stable de la représentation ; il joue un rôle structurant.
Cependant, les éléments périphériques de la représentation sont différents des éléments cen-
traux d’une représentation sociale. Ce sont des éléments contextuels qui dépendent de l’environne-
ment de l’objet de la représentation sociale. Ils ne définissent pas l’objet de la représentation sociale
; ce sont des éléments annexes. Ils jouent le rôle de « zone tampon », de protection du noyau central
afin que ce dernier ne disparaisse pas ou ne soit pas remis en cause.

De ce fait, une représentation sociale ne se voue pas à être vraie ou fausse. Elle n’est ni
fausse, ni biaisée. C’est une connaissance « autre » (Jodelet, 1989 : 58) que celle connue de la
science. Cette connaissance dite « autre » est adaptée à l’action sur le monde. Les représentations
sociales se présentent comme non-scientifique car elles n’énoncent pas réellement ce qu’est l’objet.
En revanche, la réalité scientifique est vraie dans le sens où la représentation sociale constitue pour
le sujet « […] un savoir lui permettant de construire, de s’approprier une réalité sociale » (Petitjean
2009).
De cette manière, les représentations sociales aident avant tout à comprendre et à expliquer
la réalité de l’identité d’un groupe social.
Si l’on veut en faire une analyse, les représentations sociales peuvent seulement se comprendre à
travers une analyse combinée des éléments principaux et périphériques ainsi qu’à partir de produc-
tions verbales. C’est la raison pour laquelle les représentations sociales que détiennent les diffé-
rentes générations de portugais et franco-portugais sur leur langue et leur identité seront analysées
grâce à la méthode MAC de Bruno Maurer.

En somme, nous pouvons avoir des représentations sociales sur tout. Elles s’appliquent à
n’importe quel objet à partir du moment où une représentation sociale existe pour quelqu’un. Les
représentations sociales sont omniprésentes dans chaque société et dans chaque culture à partir du
moment où un groupe d’individus partagent les mêmes représentations sociales et y adhèrent. Ici,
elles s’appliquent aux langues, aux identités et aux cultures. Il est donc essentiel de spécifier de
quelle langue l’on parle dans cette recherche.

28
Tout d’abord, nous devons distinguer plusieurs langues : l’organe (langue) qui s’inscrit dans
la linguistique générale ; les langues qui s’ancrent dans la géographie des langues et enfin une
langue, qui regroupe les domaines de la dialectologie et de la sociolinguistique.
Dans le premier cas, nous parlons de la langue en tant qu’organe faisant partie du corps humain qui
produit des sons et qui permet la communication entre plusieurs individus. Les études sur la langue
se fait par la linguistique générale en comprenant la phonologie, la pragmatique, la syntaxe, la mor-
phologie, la phonétique mais aussi la sémantique.
Les langues s’inscrivent donc dans la géographie des langues - ou géographie linguistique -. Pour
les étudier, des cartes thématiques des aires linguistiques sont utilisées pour observer par exemple
des chevauchements entre les langues et permettre d’observer et d’analyser des groupements hu-
mains.
Enfin, une langue fait partie du domaine de la sociolinguistique et de la dialectologie. Étudier une
langue prend toujours en compte une communauté linguistique, une identité et une culture. Au sein
d’une langue, les dialectes et les variations linguistiques vont aussi être pris en compte et susciter
des observations. C’est pour cette raison que notre étude s’inscrit dans l’observation des représenta-
tions sociales d’une langue en particulière, en prenant en compte l’analyse d’une identité et d’une
culture. Cette langue, qu’est le portugais, va donc permettre de savoir quelles représentations so-
ciales ont des Portugais et Franco-portugais de Bordeaux sur leur langue. Il s’agit aussi d’étudier
cette communauté linguistique, leur lien à la langue à travers des récits de vie et des questionnaires.

2.2 La notion de représentation linguistique

Avant de donner une définition de ce qu’est une représentation linguistique, il faut tout
d’abord faire une distinction entre une représentation sociale et une représentation linguistique.
Cette notion qui paraît trop usitée manque parfois de transparence. Une représentation linguistique,
c’est l’objet de représentation pour un individu ou un groupe d’individus dans une société. Les locu-
teurs élaborent une construction particulière de leur environnement linguistique. La représentation
linguistique, c’est avoir une réalité, une façon de penser sur la langue ou sur les pratiques linguis-
tiques. Cela prend en compte l’insécurité linguistique du locuteur et la qualité de leur relation des
langues employées.

29
Pour Calvet (1998 : 17) dans un article intitulé « Insécurité linguistique et représentations, approche
historique », ce dernier développe la notion de représentation linguistique : « du côté des représenta-
tions se trouve la façon dont les locuteurs pensent les usages, comment ils se situent par rapport aux
autres locuteurs, aux autres usages, et comment ils situent leur langue par rapport aux autres langues
en présence ». Les représentations linguistiques sont alors des connaissances non-scientifiques qui
sont socialement élaborées et partagées par un groupe d’individus.
Pour ce concept, nous nous basons sur les définitions qu’en donne Maurer (2016). En effet, le so-
ciolinguiste distingue quatre types de représentation : celles qui sont relatives au répertoire linguis-
tique d’un locuteur ; les représentations sur les situations d’usage social des langues dans la vie quo-
tidienne ; les représentations concernant les modes d’acquisition des langues, les compétences à
l’oral et à l’écrit et les représentations que se construisent les enquêtés : Comment perçoivent-ils
leur langue ? Y’a-t-il une hiérarchisation ? Sont-elles vues de manière positive ou négative ?

Si nous rapprochons cette notion au sujet de ce mémoire, les représentations linguistiques


peuvent amener des attitudes ethnocentrées sur les lusophones à propos du portugais. Certains indi-
vidus portugais ou franco-portugais peuvent avoir des attitudes positives et/ou négatives vis-à-vis de
leur langue. Par exemple, en ce qui concerne la représentation sociale du portugais, des enquêtés
peuvent penser que le portugais n’a pas le même potentiel que l’anglais ou bien que le portugais
n’est pas considéré pour eux comme une langue d’avenir.
Pour ce qui est des représentations linguistiques du portugais, si un individu pense que sa
langue n’est pas une langue d’avenir, alors il peut avoir une pratique moins régulière du portugais et
développer une insécurité linguistique et/ou une honte vis-à-vis de cette langue. L’individu peut
alors - par exemple - avoir cette insécurité à propos de l’usage et de la fréquence de la langue dans
des situations diglossiques. Si un individu, au sein de sa famille, ne pratique pas régulièrement le
portugais et n’en a qu’une connaissance et une pratique sommaire, alors il peut comparer de ma-
nière négative sa pratique linguistique en comparaison aux pratiques des individus de sa famille.

Ainsi, et tout comme la notion de représentation sociale, celle de la représentation linguis-


tique ne cesse de changer au fil du temps pour devenir un « objet multiforme » (Petitjean, 2009), qui
prend différents aspects selon les situations dans lesquelles l’individu utilise sa langue.

2.3 La relation entre représentation sociale et représentation linguistique


30
La représentation linguistique fait partie intégrante de la représentation sociale. En effet, les
deux notions sont en lien l’une avec l’autre. Comme nous l’avons vu précédemment, la représenta-
tion sociale c’est l’ensemble de croyances, d’idées ou de stéréotypes par rapport à un objet donné.
Cet objet donné peut se caractériser comme un sentiment, une émotion, un évènement ou une idée.
Une représentation linguistique c’est l’idée qu’un individu peut se faire d’une langue et de tout ce
qui l’englobe, c’est-à-dire ses variations.
En d’autres termes si nous pouvons prendre l’image d’un grand cercle avec à l’intérieur de ce der-
nier, plein de petits cercles, alors le grand cercle peut représenter les représentations sociales. L’un
des petits cercles qu’on pourrait appeler « langue » à l’intérieur des représentations sociales, repré-
senterait la représentation linguistique. Ainsi, la représentation linguistique se situe à l’intérieur des
représentations sociales.
De cette manière, si nous pouvons décrire plus en détail la relation entre représentation sociale et
représentation linguistique, nous pouvons dire qu’il existe une relation qui part du général pour aller
vers le particulier. Les représentations sociales doivent être considérées comme l’ensemble de
croyances et d’attitudes envers un objet du point de vue d’un ou de plusieurs individus. Alors, le
terme de représentation sociale est une notion assez générale qui englobe les représentations lin-
guistiques, qui elles, représentent une notion plutôt particulière ; c’est-à-dire des attitudes, des
croyances envers une langue ou bien des pratiques langagières. Pour revenir à la notion de repré-
sentation sociale, cette dernière est générale car elle englobe toutes les représentations particulières
que peuvent se faire des individus dans une société.
Ainsi, les représentations sociales qui peuvent être composées de représentations linguis-
tiques mais aussi culturelles, identitaires constituent avec ces micro-représentations une paire dis-
jonctive, fonctionnant dans une relation qui est indissociable. Il est alors impensable de parler des
représentations sociales sans faire allusion aux représentations linguistiques. Les représentations
sociales peuvent procéder à partir des représentations linguistiques et inversement : les représenta-
tions linguistiques peuvent agir à partir des représentations sociales.
Ces représentations et les représentations plus globalement sont constitutives de la construction
identitaire d’un individu ou groupe d’individus ainsi que du rapport entre soi et les autres.

31
SECONDE PARTIE : L’ENQUÊTE DE TER-
RAIN

32
CHAPITRE 3 : THÉORIES GÉNÉRALES

« La sociolinguistique est une science de terrain : c’est du moins


ainsi qu’elle s’est plu depuis ses premiers développement à se diffé-
rencier de la linguistique générale […]. Ce terrain, il s’agit de trou-
ver des moyens […] pour observer […] la réalité des phénomènes
linguistiques […] »
(MAURER, CALVET, 1999 : 167).

3.1 Le choix de la méthode d’enquête de terrain

La théorie des représentations sociales est l’une des études les plus représentatives de la so-
ciolinguistique. Pour observer les représentations endogènes de la langue et de l’identité portugaise,
il est intéressant de se baser sur l’une des questions que se pose la sociolinguistique : que pensent
les locuteurs de leur langue et comment se la représentent-ils ? Si l’on veut obtenir des réponses, il
faut alors mettre en place des méthodes d’enquête et des principes d’analyse des données fournies
par les sujets observés.
De cette manière, l’enquête par questionnaire est un des outils en sociolinguistique qui permet de
cerner une pratique à la fois sociale et linguistique. On obtient alors des données « […] de façon
systématique et se prêtant à une analyse quantitative » (Calvet, 1999 : 15). Le but premier du ques-
tionnaire est de confronter les données empiriques de départ avec la pertinence des questions que le
chercheur se propose d’élucider et ainsi, confirmer la validité des hypothèses.
Le questionnaire d’enquête de terrain, qui repose sur la méthode MAC, a pour but de faire
émerger et nuancer les représentations endogènes de la langue et de l’identité portugaise tout en ob-
tenant des résultats directement lisibles et faciles à traiter. À travers l’utilisation de la méthode
MAC, le but est de voir la manière dont le portugais, étudié comme langue, ainsi que l’identité por-
tugaise font l’objet de représentations sociales. C’est un processus d’auto-représentation pour les
répondants. De plus, l’attribution du questionnaire peut se faire rapidement et ainsi toucher une
large partie de l’échantillon observé.

33
3.1.1 Présentation de la Méthode d’Analyse Combinée de Bruno Maurer

Dans l’objectif d’observer de plus près les représentations de la langue et de l’identité qu’ont
les Portugais‧es et Franco-portugais‧es sur eux-même, l’utilisation de la Méthode de l’Analyse
Combinée (MAC) semble la plus appropriée pour cette recherche.
Avec cet outil linguistique, on se base principalement sur la manière dont la langue et la population
portugaise à Bordeaux font l’objet de représentations sociales afin de définir les composantes d’une
idéologie linguistique.
La méthode MAC se fonde sur une hiérarchisation des différentes composantes de la repré-
sentation que cela soit un discours, des cognèmes ou des items. Le sociolinguiste Maurer estime que
ces représentations n’ont pas toutes la même importance aux yeux d’un sujet qui lui, va complète-
ment adhérer à certains items et dans d’autres cas, va totalement en réfuter d’autres. Pour ces items,
le point de départ est de partir de données endogènes pour cette recherche ; c’est-à-dire, ce qui se
passe au sein de la communauté portugaise à Bordeaux. Chaque item doit être différent et porter sur
une idée12 concernant la recherche. Ils sont élaborés à partir de la phase de pré-enquête13 que nous
verrons dans la prochaine sous-partie. Tous les énoncés doivent rester clairs et compréhensibles
pour chaque sujet répondant à cette enquête. Ils ne doivent pas contenir des constructions négatives,
ce qui pourrait nuire à la compréhension du répondant. Par ailleurs, l’équilibre entre les items posi-
tifs, négatifs et neutres est aussi un point à prendre en compte.
Le regroupement d’items font l’objet d’un degré d’adhésion ou de rejet, plus ou moins im-
portant, ce qui est le fondement de la Méthode d’Analyse Combinée. Le trait d’adhésion et de rejet
s’effectuent par un calcul de moyenne des réponses des différents sujets répondant pour chacun des
items. À cela s’établit un consens ; c’est le degré de « […] maturation sur la représentation » (Mau-
rer, 2016) au sein du groupe et sous quelles formes le groupe l’intègre et sur quels ensembles
d’items il s’ancre. Cette méthode a plus précisément pour but de déterminer des ensembles perti-
nents en terme de centralité et de périphérie de l’ensemble des cognèmes. Le point le plus important
sur cette méthode d’analyse est qu’elle donne une grande importance au degré d’adhésion ou de re-
jet à l’égard des items.
L’enquête avec la méthode MAC doit contenir entre dix et vingt items dont chacun est un
pas du tout d’accord / peu d’accord / neutre / plutôt d'accord et tout à fait d’accord. Ce type d’outil
—————————————
12 Celacorrespond aux représentations liées à la langue, à la culture et à l’identité portugaise.
13Cf. Chapitre 3 : Théories générales ; 3.2 : Application de la méthode MAC à travers une pré-enquête sur des sujets
portugais et franco-portugais à Bordeaux.

34
détient des choix multiples de réponses préétablies.
Chaque item est noté de -214 à +215. Il est important qu’un sujet n’adhère pas à tous les énoncés
produits dans le questionnaire en mettant une note +2 aux vingt items ou les rejette tous en les no-
tant avec -2 ; ce qui biaiserait totalement l’étude de recherche. C’est pour cette raison que chaque
note de -2 à +2 doit être sélectionnée deux fois au minimum selon le nombre d’items proposé pour
équilibrer les résultats.
De cette manière, ces résultats sont traduits par plusieurs graphes qui mesurent trois traitements sta-
tistiques : l’importance relative aux yeux des membres du groupe des différents cognèmes16 ; le fait
que les membres du groupe effectuent des rapprochements entre certains items17 ; le degré de
consensus qui se manifeste entre les membres du groupe sur les différents items18.
Le degré du consensus est donné par le rayon du cercle. En effet, plus le rayon est grand, plus les
membres du groupe ont tendance à attribuer la même note pour avoir la note moyenne d’adhésion.

3.1.2 L’utilité de la méthode MAC

Comme mentionné précédemment, cet outil à la fois quantitatif et qualitatif touche un


échantillon qui peut être considérable et avantageux pour la recherche. Ainsi, cela constitue un
avantage à prendre en compte. De plus, aucune subjectivité (préférence ou personnalité) de l’enquê-
teur ne peut entacher les questionnaires et de cette manière, ainsi que les observations et résultats.
Ces derniers sont d’ailleurs immédiats et permettent une analyse facile à traiter.

3.1.3 Les limites de la méthode MAC

La Méthode d’Analyse Combinée ainsi que son utilisé ont de nombreux points positifs vu
dans les sous-parties précédentes. Cependant, cet outil présente quelques failles qui en constituent
des limites.
Tout d’abord, ce genre de questionnaire impose au sujet répondant, un choix limité de réponses qui
correspondent seulement à des degrés d’adhésion. De plus, si le questionnaire comprend au total
vingt items, sans oublier de les hiérarchiser, cela peut devenir très fastidieux pour le sujet et même
—————————————
14 L’item ne correspond pas du tout à la langue ou la population étudiée ; ici la population portugaise et franco-portu-
gaise à Bordeaux.
15 L’item correspond totalement à la langue ou la population portugaise.
16 Étude de l’adhésion ou rejet du cognème.
17 Étude des distances entre les cognèmes.
18 Étude du consensus.

35
long.
Enfin, cette méthode pourrait sans doute créer chez certains sujets une perte de concentration du fait
de la longueur du questionnaire.

3.2 Application de la méthode MAC à travers une pré-enquête sur des sujets portugais et
franco-portugais à Bordeaux

« L’enquête de terrain et les récits de vie sont en sociolinguistique


ce que les carnets sont à l’écrivain. Ils sont indispensables ».
(WEBER, BEAUD, 2010 : 102).

Effectuer sa première pré-enquête en se rendant sur le terrain seule en vue de discuter et de


questionner des enquêtés ; cela constitue une expérience nouvelle, enrichissante - parfois stressante
- et formatrice en tant que jeune étudiante. C’est à la fois une occasion de sortir de sa zone de
confort ainsi que de se confronter aux difficultés et aux problèmes rencontrés durant tout le long de
la phase de pré-enquête. La pré-enquête est utilisée ici dans le but de voir les liens qu’ont les Portu-
gais‧es et les Franco-portugais‧es à leur langue, leur identité et leur culture. C’est pouvoir laisser la
communauté portugaise s’exprimer pour en faire émerger les représentations sociales qu’ils ont de
leur identité, de leur culture et de leur langue. Cette partie est donc une première fenêtre d’observa-
tion de la communauté lusophone à Bordeaux. C’est pour cette raison qu’un journal de bord paraît
être la meilleure des solutions pour rédiger ses réussites, mais aussi ses échecs dans cette recherche.
Ainsi, le journal de terrain doit être considéré comme un système de notations transparent et rédigé
sans aucune ambiguïté. Il permet d’écrire tout ce qui est observé de l’enquêteur sur l’enquêté, mais
aussi d’observer les analyses et les réflexions de l’enquêteur.
À l’intérieur de ce journal, ce dernier décrit plus simplement les rencontres avec les enquêtés et de
quelles manières elles se font. Un carnet a donc écrit sur la page de droite la date, le lieu, la descrip-
tion, les impressions ainsi que le récit de vie de l’enquêté. Sur la page de gauche, les questions, les
hypothèses et les doutes sont écrits en rapport avec le questionnaire (annexe 4) que rend le répon-
dant à l’enquêteur. Ce journal de bord sert à laisser une trace du travail qui est effectué sur le ter-
rain, des questions que l’enquêteur se pose ; cela constitue une archive de soi-même et donc, une
auto-analyse de ses recherches.

36
Tout d’abord, il est important de mentionner que cette pré-enquête ne s’est pas établie sans
embûche, lorsqu’il s’agit de sa première venue sur un terrain.
La phase de prise de contact - qui s’est étendue du 24 septembre au 1er octobre 2021 - avec les en-
quêtés portugais et franco-portugais s’est effectuée de manière assez naturelle durant les premiers
jours. En effet, faire passer le questionnaire à des Portugais‧es et Franco-portugais‧es à Bordeaux de
tout âge, de tout milieu social et de tout sexe, ne semblait pas constituer un réel problème, surtout
lorsqu’on fait soi-même partie de cette communauté lusophone. Ce sont tout d’abord des proches
avec qui nous avons pris contact pour leur demander s’ils souhaitaient participer à ce questionnaire
anonyme en vue de cette étude sur les représentations de la langue et de l’identité qu’ont les Portu-
gais‧es sur eux-mêmes. Ces enquêtés prenaient en règle générale cinq à dix minutes pour répondre
aux questions posées dans le questionnaire. On y voyait souvent de la bonne volonté à pouvoir
rendre service, mais aussi à discuter de la langue, de l’identité et de la culture portugaise.

En parallèle de cette première semaine de prise de contact, nous nous sommes tournés vers
des sujets portugais‧es et franco-portugais‧es qui nous étaient inconnus à compter du 4 octobre. La
première cible était donc de prendre contact avec des enseignants et maîtres de conférence portugais
à l’Université de Bordeaux Montaigne, considérant notre statut d’étudiant comme étant favorable.
Ne sachant pas comment les rencontrer, il nous a paru alors évident de rentrer en contact avec eux
par courrier électronique et de leur suggérer leur participation à cette pré-enquête. Sur toutes les
personnes contactées, aucune n’a refusé d’y participer - ce qui constituait déjà un très bon point -.
En revanche, le délai de réponse était assez hétérogène et chronophage pour l’ensemble des répon-
dants portugais. Les réponses des répondants par courrier électronique pouvaient prendre de trois à
plus de dix jours. De ce fait, cela ne faisait que ralentir la progression de la pré-enquête ; c’est ainsi
le premier inconvénient observé de faire circuler ce questionnaire à distance. Pour surmonter ce
premier obstacle, recontacter les enquêtés par mail pour leur demander s’ils éprouvaient des diffi-
cultés à répondre était sans doute, la meilleure solution pour obtenir par la suite le reste des ré-
ponses aux questionnaires.
Enfin, le second obstacle rencontré durant cette prise de contact en distantiel était le fait de ne pas
pouvoir directement rencontrer les sujets portugais et franco-portugais afin de discuter avec eux
mais aussi de les mettre en confiance. C’est pour cette raison que le fait de distribuer cette pré-en-
quête en main propre et aller à la rencontre des enquêtés reste l’option idéale pour observer le ter-
rain des représentations sociales sur la langue et l’identité portugaise à Bordeaux.

37
À compter du 7 octobre, le choix de distribuer le questionnaire de pré-enquête s’est élargi en
dehors de la sphère familiale et de la sphère universitaire. Nous nous sommes tout d’abord dirigés
vers une épicerie portugaise où la prise de contact s’est faite de manière spontanée. La responsable
de la boutique, qui s’occupait du magasin seule à ce moment de la journée, nous a proposé lors de
l’échange du questionnaire d’en distribuer aussi un à son mari pour contribuer à cette étude.
Durant cette même journée, nous nous sommes attelés à une nouvelle manière de récolter des ques-
tionnaires de Portugais vivant à Bordeaux : le porte-à-porte. Après avoir toqué à quelques apparte-
ments sans réponse dans un quartier portugais à Bordeaux nommé le Cours de l’Yser, un couple
d’une trentaine d’années a bien voulu nous laisser entrer chez eux afin de leur expliquer la dé-
marche de cette recherche. Nous avons alors commencé à discuter de leur lien avec la langue portu-
gaise ainsi que de leur arrivée en France. N’étant pas disponible pour répondre au questionnaire
dans l’immédiat, nous leur avons donné des questionnaires pour répondre ainsi que notre adresse
mail pour qu’ils puissent nous faire un retour sur leurs réponses et leurs ressentis sur le question-
naire. Pourtant, aucune réponse ne nous a été transmise en retour. Nous pouvons noter ici un obs-
tacle, le fait de - possiblement - importuner des enquêtés dans leur lieu de résidence. De plus, laisser
un inconnu entrer dans sa sphère intime sans savoir réellement qui est l’individu peut très vite
s’avérer déroutant et gênant. C’est pour cette raison que le porte-à-porte ne semble pas non plus être
une solution idéale pour cette enquête.

Durant cette même semaine jusqu’au 13 octobre, de nombreux doutes se sont installés quant
à la pertinence du questionnaire et de la qualité des questions. Il était compliqué au début de la
phase de pré-enquête d’obtenir une quantité de réponses suffisantes ; nous avons donc opté pour un
tout autre questionnaire en expliquant en en-tête l’objet de recherche, les objectifs afin de rassurer
l’enquêté. De plus, certains indicateurs comme l’âge, le sexe, la nationalité et le pays de naissance
ont disparu. C’est lors de la fin du questionnaire que ces indicateurs sont demandés au répondant de
façon spontanée. Enfin, une feuille de consentement était adressée aux enquêtés, avec à l’intérieur,
l’objectif de la démarche scientifique, ainsi qu’une demande de signature.
Cette seconde ébauche de questionnaire pour la pré-enquête fût distribuée à deux binômes portu-
gais. Malheureusement, ce nouveau questionnaire ne nous a jamais été retourné, sans doute par peur
de la fiche de consentement qui nécessitait une signature. On attribue souvent cet acte comme le fait
de s’engager dans quelque chose, ce qui peut parfois repousser certaines personnes. C’est pour cette
raison que le premier questionnaire pour la pré-enquête a été maintenu ; il ne contient pas de
consentement spécifique et renseigne tous les indicateurs nécessaires mentionnés précédemment.
38
Les derniers questionnaires ont été distribués au patron d’une pâtisserie portugaise, d’une co-gé-
rante d’une épicerie portugaise et d’une connaissance d’une étudiante de la promotion. Les ques-
tionnaires ont été distribués entre le 22 jusqu’au 31 octobre.
La discussion avec le patron de la pâtisserie s’est faite de façon naturelle. Nous avons pris
environ un peu plus d’une heure pour discuter autour de ce qu’il entendait par langue et identité
portugaise, ainsi que de son propre récit de vie.
La prise de contact avec une co-gérante d’une épicerie portugaise s’est aussi fait de manière
fluide. Étonnamment, la discussion autour de son récit de vie s’est faite dans un portugais dont elle
parle couramment alors que le questionnaire s’est fait en français car elle disait faire « trop de
fautes » en portugais. De la part de cette enquêtée, il y avait une volonté de bien faire mais aussi
sans doute une insécurité linguistique au niveau de l’écrit et sûrement une peur du jugement.
Enfin, le dernier questionnaire a été proposé à distance avec une prise de contact qui s’est établie
via un échange de messages par téléphone car l’enquêtée n’était pas disponible pour répondre au
questionnaire et discuter de son récit de vie en face à face. Cependant, ses réponses au questionnaire
nous ont été retournées très rapidement, avec une aisance à échanger par message.

Dans la dernière partie de ce journal de bord, nous aimerions établir et discuter du statut de
l’enquêteur au sein de cette étude. Comme nous le voyons depuis le début, cette recherche est foca-
lisée sur la population lusophone à Bordeaux, et plus particulièrement sur les représentations qu’ont
ces derniers sur leur culture, leur identité et leur langue. Comme nous l’avons mentionné au tout
début de ce travail, cette étude a été choisie par motivation personnelle. De ce fait, notre statut dans
cette recherche est assez particulier, puisque nous nous apparentons à la fois comme enquêtrice
mais aussi comme le propre objet et sujet de notre enquête.
Au début des recherches, le fait de pouvoir connaître le terrain sur lequel on travaille peut
s’avérer être un avantage considérable. Il est vrai qu’il est plus facile de s’informer par rapport à
l’Histoire du Portugal quand on la connaît. De plus, la langue portugaise nous est tout à fait fami-
lière lorsqu’il s’agissait de prendre contact avec des Franco-portugais‧es et Portugais‧es ne parlant
pas un mot de français. La possibilité de pouvoir « switcher » du français au portugais et inverse-
ment avec des enquêtés parlant les deux langues était aussi un moyen de voir si les sujets étaient à
l’aise avec les deux langues ou éprouvaient des insécurités linguistiques envers l’une des deux
langues. De ce fait, être Portugaise pour cette étude et avoir une connaissance primaire de la culture
et de la langue reste un avantage pour discuter des récits de vie des enquêtés ; cela reste indéniable.
39
Pourtant, être objet de sa propre recherche ne relève pas seulement que d’avantages. En ef-
fet, il est vrai qu’en tant que Portugaise, étant déjà exposée à cette langue, à cette identité et à cette
culture, notre propre vision de tous ces éléments peut aussi être biaisée. Du moins, notre représenta-
tion de la langue, de l’identité et de la culture portugaise est subjective. Ainsi, il était parfois délicat
de ne pas diriger les discussions avec certains sujets en ma faveur, sans être trop subjective. C’est
pour cette raison que prendre du recul et rester objective sur les questionnaires que nous délivrent
les sujets reste une tâche assez compliquée où cette prise de recul doit être constante. Ainsi, tra-
vailler sur un sujet qui nous concerne, qui nous est familier consiste en un réel défi où l’objectivité
est le maître mot de cette étude. En dehors de l’objectif d’observer les liens à la langue, à l’identité
et à la culture qu’ont les Portugais‧es et Franco-portugais‧es, un autre objectif sous-jacent consiste à
étudier sa propre réflexivité sur cette recherche.

3.2.1 Élaboration des questions et de l’échantillon de la pré-enquête

3.2.1.1 Le chronoprogramme de pré-enquête

En ce qui concerne la pré-enquête, cette dernière a été élaborée à partir de trois questions
ouvertes qui portent chacune sur une représentation sociale en particulier.
Avant cela, une consigne est donnée aux répondants. Elle consiste en écrire sur une feuille qui leur
est fournie quelques lignes en réponse à ces questions : Que représente pour toi la langue portu-
gaise ? / O que a língua portuguesa significa para ti ? ; Que représente pour toi l’identité portu-
gaise ? / O que a identidade portuguesa significa para ti ? ; Que représente pour toi la culture por-
tugaise ? / O que a cultura portuguesa significa para ti ?. Le questionnaire de pré-enquête se pré-
sente comme anonyme, mais reste accompagné de certains indicateurs comme l’âge, le sexe, ainsi
que la nationalité et le pays de naissance. La consigne ainsi que les questions proposées sont rédi-
gées en français et en portugais. De cette manière, les répondants ont l’opportunité de pouvoir s’ex-
primer dans la langue de leur choix.
Étant donné que le questionnaire de pré-enquête est non-structuré, les individus portugais et franco-
portugais sont amenés à donner des détails, à nuancer leur pensée et à donner leur propre jugement
sur les questions posées. Ces dernières sont des questions d’opinion car elles portent sur les repré-
sentations des sujets, sur des attitudes ou des opinions. Le fait d’avoir choisi de proposer ces ques-

40
tions ouvertes pour la pré-enquête permet pour les sujets, une totale liberté de leurs réponses. Ils
peuvent exprimer ce qu’ils souhaitent faire véhiculer.
L’échantillon pour cette pré-enquête se compose de quinze individus âgés de 22 à 73 ans.
Parmi ces individus, huit sont des femmes et sept sont des hommes. On y comptabilise huit Portu-
gais‧es et sept Franco-portugais‧es. Ainsi, huit de ces individus sont nés au Portugal et sept en
France. Les quinze sujets n’ont omis aucune des trois questions et ont renseigné tous les éléments
demandés dont le sexe, l’âge, le pays de naissance et la nationalité tout en gardant leur anonymat.
Toutes les informations concernant les quinze enquêtés se retrouvent dans ce tableau ci-dessous :

Témoins Âge Emploi Nationalité

A 22 Hôtesse de l’air Portugaise

B 22 Étudiante Portugaise

C 26 Courtier en assurance Franco-portugais

D 36 Enseignante Portugaise

E 37 Responsable d’une pâ- Portugais


tisserie portugaise

F 41 Maître de conférence Franco-portugaise

G 41 Cuisinier Portugais

H 45 Enseignante Franco-portugaise

I 48 Comptable Portugais

J 48 Responsable d'une épi- Franco-portugais


cerie portugaise

K 49 Vendeuse dans un atelier Portugaise


de réparation automo-
bile

L 51 Enseignante de portu- Franco-portugaise


gaise

M 53 Plombier Portugais

N 67 Dessinatrice Franco-portugaise

O 73 Retraité Franco-portugais

Tableau 1 : Résumé des enquêtés lusophones de la pré-enquête.

41
Ainsi, les enquêtés lusophones de cette pré-enquête ont été interrogés selon une trame pré-
cise et ce, pendant un peu plus d’un mois. Cette période s’étend entre le 24 septembre et le 31 oc-
tobre 2021. Cette durée d’enquête se traduit par ce chronoprogramme de pré-enquête qui se trouve
ci-dessous :

Dates →
Sept 2021 Oct 2021 Nov 2021 Dec 2021
Lettres

A 27

B 24

C 30

D 6

E 26

F 3

G 21

H 2

I 24

J 16

K 29

L 5

M 30

N 31

O 9

Tableau 2 : Le chronoprogramme de pré-enquête.

Le chronoprogramme de pré-enquête ci-contre fait émerger trois groupes bien distincts que
nous avons décidé de différencier grâce à un code couleur. Les six enquêtés en rouge ont été soumis
en premier au questionnaire de pré-enquête et représentent des proches de l’enquêteur. Les luso-
phones ont donc à cette enquête entre le 24 et le 30 septembre 2021. Le choix d’interroger des
proches est tout d’abord un choix qui permet de voir si le questionnaire de pré-enquête semblait co-
hérent mais aussi réalisable. De plus, cela a pu permettre de récolter quelques questionnaires assez
rapidement.

42
Le questionnaire a été distribué du 2 au 6 octobre 2021 pour les enquêtés portugais et franco-portu-
gais en bleu. Ces individus représentent des enseignants et des maîtres de conférence situés à l’uni-
versité de Bordeaux Montaigne. Le choix de vouloir questionner des enseignants de sa propre facul-
té nous a permis de discuter et d’échanger avec des enquêtés qui ont comme profession de faire dé-
couvrir la terre portugaise mais aussi de transmettre la langue portugaise.
Enfin, cette enquête se termine avec des individus lusophones en orange qui ont répondu au ques-
tionnaire entre la période du 9 au 31 octobre 2021. Ces derniers enquêtés constituent un cercle plus
large ; ce sont des lusophones qui nous étaient étrangers et avec qui nous avions aucune affiliation
et relation particulière.
Ainsi, cette pré-enquête se dessine autour de trois groupes : un groupe familial et amical, un
groupe un peu plus large avec des individus faisant partie de la profession de l’enseignement. Enfin,
le dernier cercle regroupe des Portugais et des Franco-portugais de Bordeaux avec qui nous avons
pu prendre contact en se rendant sur leur lieu de travail ou par le biais de connaissances.

3.2.2 Première question : qu’est-ce que vous évoque la langue portugaise ?

Au sein de cette première partie, les divers items concernant ce que représente la langue por-
tugaise pour les Portugais‧es et Franco-portugais‧es vont être exposés. Nous parlerons des items qui
reviennent le plus et pourquoi ces derniers reviennent le plus. Les trois parties qui vont suivre
concernant les questions de la pré-enquête, constituent une première fenêtre d’observation de
l’échantillon concerné.
La première question a été celle dont les quinze participants ont eu le plus de facilité à ré-
pondre. Pour beaucoup d’entre eux, la langue portugaise représente leur langue maternelle. Huit in-
dividus, donc plus de la moitié des interrogés, ont attribué ce statut au portugais en début de ré-
ponse. Elle est autant la langue maternelle pour les Portugais‧es que pour les Franco-portugais‧es.
Trois Portugais‧es la considère comme leur langue maternelle alors que cinq Franco-portugais‧es
rattache le portugais à leur langue maternelle.
Pour rester dans le registre de la sphère intime et familiale, six individus considèrent la langue por-
tugaise comme une langue employée dans le cercle familial et amical. Deux Portugais‧es et quatre
Franco-portugais‧es la voit comme une langue utilisée dans la sphère familiale et amicale.
En contrepartie, le portugais a été mentionné peu de fois comme une langue employée dans
un contexte professionnel. Parmi cinq répondants, un seul sujet portugais et quatre Franco-portu-

43
gais‧es ont répondu avoir déjà utilisé le portugais ou utilisant de manière récurrente cette langue
dans le contexte du travail.

Par la suite, de nombreux répondants ont donné à la langue portugais des caractéristiques.
Elle a été décrite comme une langue étant vecteur de socialisation par six sujets dont pour quatre
Franco-portugais‧es et deux répondants portugais. Le trait de sociabilisation est marqué par le fait
que le portugais est une langue utile pour communiquer avec d’autres Portugais‧es mais aussi pour
voyager dans des pays lusophones comme l’Angola, le Mozambique ou le Brésil. Plus générale-
ment, beaucoup de Portugais‧es ont mentionné que cette langue permet la sociabilisation avec
d’autres immigrés portugais.
La langue portugaise a aussi été caractérisée de « jolie » par plusieurs répondants durant cette pré-
enquête dont trois Portugais‧es et aucun‧e‧s Franco-portugais‧e. C’est donc une caractéristique que
les Franco-portugais‧es n’associent pas au portugais.

Cette langue a aussi, selon les différents répondants, des statuts bien définis. Si elle est la
langue maternelle pour certains et la langue utilisée dans le cercle familial et amical, elle est aussi
une langue avec laquelle pensent certains sujets mais aussi la langue avec laquelle ils se sentent la
plus à l’aise. Ainsi, certains sujets portugais et franco-portugais ont une aisance à parler en portu-
gais et détiennent une insécurité linguistique en français, même si cette dernière n’est pas explicitée,
nous pouvons tout de même le supposer. Enfin, certains sujets rapportent leurs émotions en portu-
gais. C’est-à-dire que le portugais est la langue avec laquelle ils expriment leurs émotions et leurs
sentiments.

À la question « Que représente pour toi la langue portugaise ? », les éléments de réponse
n’ont pas été négatifs. Du moins, la langue portugais n’a a aucun moment été perçue ou représentée
de manière négative. Elle a plutôt été qualifiée de « complexe » pour les personnes non-natifs por-
tugais ou n’étant pas familiers avec cette langue. Enfin, la langue portugaise a été mise en parallèle
de maintes fois avec le français. D’après un répondant franco-portugais, la langue portugaise est
compliquée à utiliser lorsque l’on est scolarisé en France. Nous pouvons alors nous questionner sur
le statut de la langue portugaise dans les études lorsque le sujet est en France.

44
Enfin, la langue portugaise a été qualifiée de langue à « préserver » par un sujet franco-por-
tugais né en France. La personne dit vouloir « enseigner et transmettre [la langue portugaise] afin de
préserver [sa] diversité linguistique (notamment face à l’hégémonie de l’Anglais) ». Il y a donc une
volonté de diffuser le portugais ainsi que de l’apprendre à des Portugais‧es, Franco-portugais‧es ou
à des non-natifs de cette langue.
Ce souhait est sans doute évoqué du fait que de plus en plus de Portugais‧es et Franco-portugais‧es
ne transmettent pas la richesse de la langue portugaise aux futures générations. Ce refus de trans-
mission peut parfois apparaître car la langue peut être jugée inutile à l’usage pour la génération fu-
ture ou inutile d’un point de vue économique ; l’anglais peut être perçu comme une langue plus
utile mais aussi universelle en comparaison avec le portugais.

3.2.3 Deuxième question : qu’est-ce que vous évoque l'identité portugaise ?

Dans cette deuxième fenêtre d’observation, les items concernant l’identité portugaise vont
être présentés. Comme pour la première question concernant la langue portugaise, nous retiendrons
les éléments les plus clivants afin de les utiliser pour notre enquête finale.
Pour la plupart des répondants portugais et franco-portugais, la deuxième question est l’une des
questions qui a été perçue comme la plus complexe car la notion d’identité semblait pour eux vague
et difficile à définir. C’est pour cette raison que les réponses se trouvent être assez disparates et hé-
térogènes. Aucune réponse n’a été similaire pour cette deuxième réponse, c’est pour cela que nous
prenons celles qui ont été les plus pertinentes.
Pour un sujet franco-portugais, l’identité portugaise représente des odeurs, des souvenirs et
des images. Nous pouvons imaginer que ce répondant décrit ce qu’est l’identité portugaise aux tra-
vers de ses expériences et de ses séjours au Portugal. De ce fait, l’identité portugaise même ne se
décrierait pas en mots, mais plutôt en terme de sensations.
Ce même sujet associe l’identité portugaise à la notion de saudade. Il explique plus loin que cela
représente un amour fort pour sa terre, tiraillé entre la proximité et la souffrance liée à la séparation
de la terre portugaise.

Par la suite, un autre répondant franco-portugais se représente l’identité portugaise comme


le fait d’appartenir et de se reconnaître comme membre de la communauté lusophone. Selon ce su-

45
jet, l’identité portugaise c’est aussi se sentir portugais‧e lorsque le pays participe à des compétitions
ou à des évènements internationaux.

Pour un autre sujet portugais, l’identité portugaise concerne le fait d’avoir la réputation
d’être un bon travailleur. Pour lui, l’identité portugaise représente le fait d’être un travailleur. Il est
vrai que les Portugais‧es et les Franco-portugais‧es sont considérés en règle générale comme de
bons travailleurs. Cette représentation positive peut aussi se transformer en représentation neutre à
négative, celle que les Portugais‧es et Franco-portugais‧es travaillent que dans le domaine de l’in-
dustrie et du bâtiment. C’est d’ailleurs cette représentation concernant leur profession qui a par la
suite engendrée celle concernant leur réputation comme bon travailleur.

Enfin, un répondant franco-portugais se représente l’identité portugaise comme le fait d’être


trop fiers et de trop revendiquer ses origines. Le fait de revendiquer ses origines, l’individu portu-
gais l’explique avec la notion d’orgulho. Ce concept renvoie à un excès de confiance où à une trop
grande fierté pour un sujet. Pour lui, les Portugais‧es et les Franco-portugais‧se ont un besoin de
montrer leur appartenance au Portugal et donc à cette communauté lusophone. Nous avons ici un
autre stéréotype lié à l’identité portugaise et de comment se perçoit cette population.
Selon ce même individu franco-portugais, l’identité portugaise se rapporte aussi au fait de souffrir
d’un certain fanatisme, notamment face aux évènements qui inhibe les mouvements de rébellion de
la population qui la pousse à accepter avec résignation ce qu’on lui impose. Ce sujet parle ici du fait
que les Portugais‧es et Franco-portugais‧es se retrouvent parfois enfermés dans un système poli-
tique qu’ils n’ont malheureusement pas choisi. Ils le subissent. Ici, cela fait référence au système de
Salazar dont la communauté lusophone a énormément souffert durant de nombreuses années. Le
caractère répressif de cette dictature a poussé de nombreux Portugais‧es et Franco-portugais‧es à
quitter le territoire portugais pour vivre d’une manière plus juste, sans oppression et répression.
De cette manière, l’identité portugaise serait aussi le fait d’accepter son Histoire, et donc son passé.

3.2.4 Troisième question : qu’est-ce que vous évoque la culture portugaise ?

Dans cette troisième et dernière fenêtre d’observation, les items les plus clivants concernant
la culture portugaise vont être présentés. En comparaison avec la présentation des items de l’identité
portugaise, les éléments comprenant ce que pensent la communauté lusophone de la culture portu-

46
gaise à Bordeaux sont plus importants. En effet, les Portugais‧es et Franco-portugais‧es ont éprouvé
moins de difficulté à répondre aux questions : « Que représente pour toi la langue portugaise » et
« Que représente pour toi la culture portugaise ». Il est vrai que la définition de langue et de culture
peut paraître plus parlante pour les répondants. Bien qu’une définition simple de ce qu’est l’identité
ait été stipulée en bas du questionnaire dans les deux langues, il n’en reste pas moins que les ré-
ponses ont été moins pertinentes en rapport avec l’identité portugaise plutôt qu’avec la langue et la
culture portugaise.
Les réponses en rapport avec ce qu’exprime la culture portugaise pour la communauté luso-
phone évoquent une chose en particulier : ce qui rapproche les Portugais‧es et Franco-portugais‧es.
En dehors de cela, beaucoup de réponses des répondants se retrouvent aux antipodes. Certains sujets
ont décrit la culture portugaise de manière très positive alors que d’autres l’ont au contraire, présen-
tée de façon très négative.

Selon trois répondants dont trois répondants Portugais‧es, la culture portugaise représente la
religion chrétienne. Cet élément est celui qui revient le plus dans cette réponse-ci. Cela peut paraître
étonnant que la religion en général soit tout de suite associée à une culture en particulier. Cepen-
dant, il ne faut pas perdre de vue que la communauté lusophone reste une population très croyante.
C’est d’ailleurs une des représentations et stéréotypes qui est la plus vraie et qui perdure dans le
temps. La communauté lusophone est très attachée aux rites religieux.
Un autre élément clivant concernant ce que représente la culture portugaise est celui men-
tionné par un sujet Franco-portugais. Selon lui, la culture portugaise représente la joie de vivre et le
fait de vivre ensemble qui se traduisent par le verbe conviver en portugais. Cette fois-ci, la culture
portugaise est représentée par un verbe qui caractérise le regroupement de plusieurs individus ainsi
qu’une émotion très positive qu’est la joie de vivre.

Par la suite, de nombreux répondants lusophones dont quatre Portugais‧es et un seul Franco-
portugais se représentent la culture portugaise comme un regroupement de manifestations popu-
laires et folkloriques. On parle souvent de ces manifestations comme « les fêtes du village » ou
« fêtes traditionnelles ». Encore une fois, nous avons à faire ici à une très bonne représentation de la
culture portugaise qui existe encore aujourd’hui. Ces fêtes regroupent plusieurs générations dans
une même famille. Elles se font en règle générale en période estivale et sont de très bons moyens
pour faire découvrir la culture portugaise à la plus jeune des générations.

47
L’idée que la culture portugaise représente la littérature revient à de nombreuses reprises
pour un seul sujet portugais et deux répondants franco-portugais. Ainsi, très peu d’enquêtés parlent
de la littérature portugaise. Seulement un sujet franco-portugais a cité quelques noms de la littéra-
ture comme Luís de Camões, Fernando Pessoa ou encore Saramago.

En ce qui concerne les points clivants un peu plus négatifs concernant la culture portugaise,
les répondants sont des Portugais‧es et Franco-portugais‧es et font partie de la tranche d’âge moyen
de l’échantillon : ils ont entre 30 et 51 ans.
Le premier élément est intéressant dans le fait que le répondant portugais mentionne la culture por-
tugaise comme étant paradoxale. Selon lui, cette dernière s’inspire de plusieurs cultures pour fabri-
quer la sienne. Du moins, il décrit la culture portugaise à Bordeaux comme un mélange entre la
culture française et la culture portugaise du Portugal. La culture portugaise à Bordeaux s’imprégne-
rait donc des différentes autres cultures avec lesquelles elle se trouve en contact. Pour caractériser
ce mélange de cultures, il perçoit la culture portugaise comme étant « un caméléon ». Ainsi, il
n’existerait pas à Bordeaux la culture portugaise du Portugal, mais plutôt une imprégnation de la
culture française mélangée avec celle que véhiculent les Portugais‧es et Franco-portugais‧es de
Bordeaux.
Un autre élément de la part d’un sujet franco-portugais fait référence à cette représentation de la
culture portugaise. En effet, l’enquêté perçoit la culture portugaise comme paradoxale « qui cultive
l’attachement à la terre mais en même temps, [c’est] une population qui agit en […] globe-trotter,
n’hésitant jamais à aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs ! ». Ici, il fait intimement référence au
fait que la culture portugaise est un mélange entre la culture portugaise et celle dont la population
lusophone s’imprègne. Le fait que les Portugais‧es et Franco-portugais‧es n’hésitent pas à aller voir
« si l’herbe est plus verte ailleurs ! », cela apporte un aspect d’opportunisme à cette communauté
qui fait évoluer sa culture grâce aux autres cultures avec lesquelles ils se trouvent en contact.

Le deuxième élément négatif clivant concerne une remarque faite par un Portugais, celle que
la culture portugaise est une culture arriérée et qualifiée de très conservatrice. Dans ce cas-ci, la
culture portugaise à Bordeaux ne serait alors pas moderne. Si nous devons l’interpréter de cette ma-
nière, cette culture n’aurait dans ce cas pas évolué. La culture portugaise serait perçue comme une
culture avec des moeurs et des idées arrêtées ou du moins, qui n’ont pas évolué avec leur époque.

48
Enfin, le dernier item clivant est celui d’un Franco-portugais. Selon lui, la culture portugaise
ainsi que sa communauté ont une propension à ne pas apprendre de leurs erreurs, ou du moins tardi-
vement. Ici, cet élément de réponse fait référence aux épisodes de répression en rapport avec la dic-
tature de Salazar. Ce personnage a laissé de nombreuses séquelles pour le pays, ainsi que chez la
population portugaise.
De cette manière, les réponses concernant ce que représente la culture portugaise pour les Portu-
gais‧es et Franco-portugais‧es à Bordeaux sont assez diversifiées allant d’un pôle positif à un pôle
assez négatif. Ces éléments constituent les éléments les plus représentatifs de l’échantillon interrogé
mais aussi les plus intéressants à analyser. Ils dépeignent une culture portugaise paradoxale et diver-
sifiée.

3.2.5 Analyses et résultats de la pré-enquête

L’analyse et les résultats concernant la pré-enquête ouvrent une nouvelle fenêtre d’observa-
tion et montrent déjà ce que pensent la communauté lusophone à Bordeaux de la langue, de la
culture et de l’identité portugaise. Cette partie se décompose en quatre parties : l’analyse et les ré-
sultats au niveau des représentations de la langue, de la culture et de l’identité. Chaque analyse
contient un tableau récapitulatif à chaque fin d’analyse. En dernier temps, une partie est consacrée à
l’analyse linguistique en ce qui concerne les réponses des enquêtés.

Dans un premier temps, il faut souligner qu’aucun enquêté n’a omis la première question de
la pré-enquête. C’est d’ailleurs celle qui a nécessité le moins d’efforts pour y répondre. Cependant,
trop peu de fois elle a été sujet de représentation. Pour la plupart des répondants, la langue portu-
gaise est celle qu’ils utilisent dans le cercle familial et amical. Il y a donc une situation de diglossie
pour plusieurs sujets dans le sens où cette langue est utilisée pour des situations et des besoins bien
précis. À aucun moment la langue portugaise a été associée au français ou du moins, que les répon-
dants utilisent le portugais en présence de personnes françaises. D’ailleurs, les langue portugaise et
française ont été jugées incompatibles pour certains répondants. De cette manière, la pratique du
portugais se révèle difficile avec la langue française pour la plupart des sujets de l’échantillon.
En revanche, un besoin de transmission a été mentionné par un sujet portugais concernant la
langue portugaise. Selon lui, la langue est trop peu transmise aux jeunes franco-portugais‧es, ce qui
peut ralentir la transmission de la langue portugaise dans le futur. En effet, tous les jeunes répon-

49
dants qui ont été questionnés sont des Portugaise‧s et parlent tous la langue couramment. Il est vrai
que le phénomène de non-transmission du portugais est récurrent chez les enquêtés franco-portu-
gais, sans doute du fait que la langue maternelle du franco-portugais ne soit pas la langue portu-
gaise.
Nous pouvons ainsi nous questionner sur l’état de la langue portugaise et de son niveau de trans-
mission en comparaison avec le niveau européen mais aussi au niveau mondial. En comparaison à
d’autres langues, elle n’est pas une langue en danger. En revanche, nous pouvons aussi nous inter-
roger sur l’avenir de cette langue pour les sujets franco-portugais en particulier. Il est possible qu’un
mélange entre le portugais et un portugais des Franco-portugais puisse être parlé dans les pro-
chaines années sur le territoire français.

LANGUE La langue portugaise est utilisée Elle doit être transmise à la La langue portugaise permet la
dans le cercle familial/amical future génération de Portugais - socialisation entre Portugais de
Franco-Portugais France

HOMME PORTUGAIS 1 — 1

HOMME FRANCO-PORTUGAIS 2 — 1

FEMME PORTUGAISE 2 — —

FEMME FRANCO-PORTUGAISE 4 1 —

22-39 ANS 3 — 1

40-73 ANS 6 1 1

Tableau 3 : Les représentations clivantes sur la langue portugaise.

Concernant la deuxième question, cette dernière a été la plus complexe à répondre pour tous
les enquêtés. Beaucoup d’entre eux ce sont référés à la définition de l’identité19 donnée en bas du
questionnaire pour se donner une idée de ce que peut être la notion d’identité. Comme pour la pre-
mière question, aucun sujet n’a omis de répondre à la question correspondant à « Que représente
pour toi l’identité portugaise ? ». Elle est même la question qui a suscité le plus de représentations
sociales de la part des répondants.
La première représentation est celle que l’identité portugaise représente pour un Franco-portugais
des souvenirs, des odeurs et des images. Le fait que le sujet ne définisse pas l’identité portugaise
avec des mots, mais plutôt avec des sensations rend l’identité portugaise comme quelque chose qui
—————————————
19 identité: Ce qui te caractérise, ce qui te fait sentir comme un individu portugais / identidade : o que te caracteriza, o
que te faz sentir uma pessoa portuguesa.

50
représente l’exotisme ainsi qu’à des souvenirs de jeunesse qui marquent les esprits.

Les sensations comme les odeurs plus particulièrement, si elles se décrivent comme faisant partie de
la représentation de l’identité portugaise, elles sont sans doute marquées, fortes et puissantes pour
que le sujet en ait de clairs souvenirs. De plus, les odeurs font souvent écho à des choses, à des
images rassurantes et réconfortantes.

Les représentations les plus marquantes concernant ce que représente l’identité portugaise
sont le fait d’avoir la réputation d’être un bon travailleur. Cela a été évoqué par deux sujets portu-
gais et aucun franco-portugais. Il est vrai que les Portugais‧es et Franco-portugais‧es ont la réputa-
tion de faire leur travail correctement et d’être très efficace dans le milieu professionnel. Que cela
soit des individus portugais ou franco-portugais, ils ont la réputation d’être des personnes qui tra-
vaillent beaucoup.
Outre la réputation d’être un bon travailleur, les Franco-portugais‧es et les Portugais‧es voient
l’identité portugaise comme le fait d’être trop fiers et de trop revendiquer leurs origines. Le fait
d’être fiers et de revendiquer ses origines est dans la plupart du temps quelque chose qui est perçu
comme positif.
Le fait d’être fiers de son identité incite l’individu à partager ses coutumes et les traditions de son
pays. En revanche, l’adverbe trop marque la surexposition des origines des Portugais‧es et des
Franco-portugais‧es. Ainsi, le fait de montrer avec exagération ses origines et le fait d’en être fiers
peut être perçu de manière négative. Cette représentation-ci de l’identité portugaise a beaucoup été
mentionnée par des Franco-portugais‧se mais par aucun sujet portugais. Nous pouvons donc nous
questionner sur la prise de recul concernant le rapport qu’ont les Portugais‧es et les Franco-portu-
gais‧es avec leurs origines. Aux premiers abords, les Franco-portugais‧es ont tendance à détenir plus
de recul sur leurs origines et ont un oeil critique vis-à-vis de leurs origines. De l’autre côté, les Por-
tugais‧es qui ont répondu être nés au Portugal et être arrivés un peu plus tardivement sur le sol fran-
çais, détiennent moins de recul. Ils sont par conséquent moins objectifs par rapport à la question
concernant ce que représente pour eux l’identité portugaise. De cette manière, les Portugais‧es vont
émettre moins de jugements négatifs que les Franco-portugais‧es.
Enfin, la dernière représentation concerne le fait que l’identité portugaise, c’est la représentation des
traits caractéristiques des Franco-portugais‧es et des Portugais‧es c’est-à-dire selon certains sujets ;
aller à la messe, parler fort et se réunir en famille. L’identité portugaise représenterait dans un pre-
mier temps le fait d’être très croyant en y associant le fait d’aller à la messe. Par la suite, le regrou-

51
pement entre famille et plus particulièrement entre plusieurs générations d’une même famille est
caractéristique de l’identité portugaise. Pour finir, l’identité portugaise représente un élément assez
original et très stéréotype de la communauté lusophone, celui de parler assez fort. Cette
représentation est davantage marquée en comparaison avec les autres et selon les Portugais‧es et
Franco-portugais‧es, c’est ce qui fait partie intégrante le plus de l’identité portugaise.
Si nous faisons référence à l’âge des répondants, il faut dire que la tranche des 22-39 ans ne
semblent pas avoir assez de recul pour émettre des représentations sur l’identité portugaise. En
comparaison, les répondants entre 40 et 73 ans sont ceux qui ont proposé le plus de représentations
sur l’identité portugaise. De cette manière, nous pouvons en déduire que les individus entre 40 et 73
ans détiennent sans doute plus de recul et ont un oeil critique sur leurs origines en comparaison avec
les 22-39 ans.
Ainsi, il ne faut pas oublier avant toute chose que les représentations ne sont que des images
qui reflètent une réalité pour une communauté. C’est à partir de ces représentations que la popula-
tion se construit sa culture qu’ils ont le choix de transmettre à la génération future.

IDENTITÉ L’identité portugaise C’est le fait d’avoir la Les Portugais sont trop L’identité portugaise
représente des odeurs, réputation d’être un bon fiers de leurs origines c’est aller à la messe,
images, souvenirs travailleur parler fort et se réunir en
famille

HOMME PORTUGAIS — 2 — —

HOMME FRANCO-POR- 1 — 1 1
TUGAIS

FEMME PORTUGAISE — — 2 —

FEMME FRANCO-POR- 1 — 1 2
TUGAISE

22-39 ANS — — 3 —

40-73 ANS 2 2 1 3

Tableau 4 : Les représentations clivantes sur l’identité portugaise.

Concernant la culture qui est l’objet de la dernière question, cette dernière a connu des ré-
ponses similaires à la question concernant ce que peut représenter l’identité portugaise pour les su-
jets interrogés. Malgré cela, certaines représentations de la culture portugaise ont émergé, et c’est
ces éléments là que nous prenons en compte dans cette analyse.

52
La première représentation la plus frappante serait que la culture portugaise est liée à la reli-
gion chrétienne. Comme nous l’avons mentionné un peu plus haut, le Portugal reste un pays très
croyant et attaché aux rites autour de la religion chrétienne. En effet, et même encore aujourd’hui,
beaucoup de familles se réunissent et partent à la messe tous ensemble. La religion chrétienne a,
pour de nombreux sujets, une part importante dans la conception de la culture portugaise et repré-
sente un des piliers majeurs de cette dernière. D’ailleurs, parmi les enquêtés qui ont cité la religion
chrétienne comme représentante de la culture portugaise, la tranche des 22-39 ans a été la plus
nombreuse. Ce sont d’ailleurs les répondants les plus jeunes, dont deux âgés de 22 ans qui ont men-
tionné cet élément comme représentatif de la culture portugaise. Seulement un sujet de 52 ans parmi
la tranche des 40-73 ans a mentionné cet élément. Ainsi, nous pouvons voir que la jeune génération
de Portugais‧es et Franco-Portugais‧es détient un certain attachement envers la religion chrétienne.
La deuxième représentation avec laquelle nous associons deux items de réponse est que la
culture portugaise représente des fêtes populaires comme le folklore et des fêtes de village. Par ex-
tension, la culture portugaise représente la joie de vivre, qui se traduit par un verbe en portugais ;
conviver. Ainsi, nous pouvons en déduire que la culture portugaise se caractérise par ses fêtes tradi-
tionnelles et ses rassemblements entre familles. Les fêtes de village qui mélangent des danses lo-
cales comme le folklore portugais et la musique fado sont des traditions qui existent depuis de très
nombreuses années.
Enfin, la culture portugaise a été soumise à deux représentations plutôt négatives que nous
avons vu précédemment. Il s’agit que cette dernière est paradoxale et s’inspire de plusieurs cultures.
De plus, la culture portugaise serait une culture qualifiée de conservatrice et patriarcale. Cela peut
paraître étonnant, cet élément a été mentionné seulement une fois par un homme portugais faisant
partie de la tranche d’âge des 40-73 ans. En effet, une telle réponse de la part d’un sujet de la
tranche des 22-39 ans n’aurait sans doute pas suscité autant d’étonnement. Nous avons l’habitude à
entendre ce genre de réponse de la part de la jeune génération qui aurait tendance à trouver la
culture portugaise d’arriérée et de conservatrice dont les moeurs seraient anciennes et
« démodées ».
Concernant l’élément qui caractérise la culture portugaise de « caméléon » et s’imprégnant de diffé-
rentes cultures, cela peut s’expliquer par le contact entre le français et le portugais. Les Portugais‧es
et Franco-portugais‧s à Bordeaux sont en contact permanent avec des Français‧es dans leur quoti-
dien. Il est donc évident que la communauté partage des éléments communs de leur culture. À Bor-
deaux, il existe d’ailleurs de nombreuses épiceries et restaurants qui proposent à la fois des produits

53
typiques français et des mets portugais. Selon le point de vue, cet item peut être perçu à la fois
comme quelque chose de positif et/ou de négatif. Cela peut être vu positivement car il y a un mé-
lange ainsi qu’un échange entre deux cultures. A contrario, cela peut s’avérer être négatif car beau-
coup de Portugais‧es et Franco-Portugais‧es voient cela comme une dénaturation de leur culture
d’origine et éprouvent sans doute la crainte de perdre cette dernière en la mélangeant avec d’autres
cultures voisines.

CULTURE La culture portugaise est La culture portugaise La culture portugaise est La culture portugaise est
liée à la religion chré- représente des fêtes po- un caméléon, elle s’ins- arriérée et patriarcale
tienne pulaires pire de plusieurs cultures

HOMME PORTUGAIS 1 2 2 —

HOMME FRANCO-POR- — 1 — —
TUGAIS

FEMME PORTUGAISE 2 3 — —

FEMME FRANCO-POR- — — 2 1
TUGAISE

22-39 ANS 2 1 1 —

40-73 ANS 1 4 3 1

Tableau 5 : Les représentations clivantes sur la culture portugaise.

Ainsi, nous avons pu analyser et donner quelques interprétations vis-à-vis de toutes les ré-
ponses clivantes que nous avons reçu en rapport avec le questionnaire de la pré-enquête. Peu de re-
présentations de la langue portugaise ont été données. En revanche, des réponses plus intéressantes
ont été montrées en ce qui concerne l’identité et la culture portugaise où ces deux derniers éléments
ont été sujets de nombreuses représentations.

L’analyse linguistique dans le questionnaire de la pré-enquête peut être un bon moyen de


voir combien de répondants ont répondu en portugais. Parmi les quinze enquêtés, seulement trois
sujets portugais ont utilisé la langue portugaise. Ainsi, tous les enquêtés franco-portugais ont choisi
de faire la rédaction en français. Parmi les trois Portugais‧es, un seul a utilisé un élément de l’alter-
nance codique ; celui du code-switching20, que nous pouvons apercevoir sur l’image ci-dessous :
—————————————
20 code-switching : dans une conversation, l’usage alterné et fluide de deux langues par un ou plusieurs locuteurs bi-
lingues. On peut switcher d’une langue à une autre pour différentes raisons. Le sujet peut vouloir exprimer son identité,
censurer ses propos, utiliser le code-switching pour ne pas se faire comprendre des non-locuteurs de sa langue.

54
Image 5 : Enquêtée lusophone A utilisant le code-switching.

Sur cette image ci-contre qui reprend le questionnaire de pré-enquête, nous pouvons voir
l’enquêtée A qui commence à rédiger en portugais durant les premières lignes concernant la ques-
tion « Que représente pour toi la langue portugaise ? ». Puis, l’individu a finalement conclu sa ré-
daction en français. « [Portugais] C’est ma langue maternelle. C’est la langue avec laquelle je peux
communiquer avec toute ma famille. [Français] Beaucoup de personnes la confondent avec du
Russe, de l’Allemand… donc c’est une langue complexe pour les non-natifs. […] ». Cela peut être
dû au fait que le répondant se sentait plus à l’aise à exprimer ses pensées en français. Ayant discuté
avec cet enquêté, il s’avère que ce dernier détient une compétence orale en portugais plus dévelop-
pée qu’à l’écrit. Cela pourrait expliquer ce soudain changement.
Outre ce code-switching de la part d’un des enquêtés faisant partie de la tranche d’âge des
22-39 ans, de nombreux répondants portugais et franco-portugais ont utilisé le code-mixing21 afin
d’exprimer certaines idées et éléments de réponse qu’ils ne pouvaient expliquer en français. Nous
pouvons compter en tout dix code-mixing dont un élément qui est revenu à deux reprises. Il s’agit
de la notion de saudade22 qui a été mentionné par un sujet portugais et un Franco-portugais.

—————————————
21 code-mixing : Dans une conversation, le fait d’insérer un mot dans une langue autre que la langue de la conversation
ou de la phrase.
22 saudade : Sentiment de mélancolie, du mal du pays mais aussi du désir d’ailleurs et d’espoir.

55
Image 6 : Enquêtée lusophone K utilisant le code-mixing.

La notion de saudade est énoncée dans l’image ci-dessus. Ce concept intraduisible en fran-
çais renvoie à une souffrance et un manque du pays qui se caractérise aussi par de la joie lorsqu’un
individu lusophone se met à avoir une conversation avec un autre individu de la même communauté
ou que quelque chose lui évoque le Portugal. L’enquêtée portugaise l’interprète d’ailleurs comme
une « nostalgie ».
Ainsi, tous les code-mixing en portugais sont des éléments ou des notions en rapport avec la langue,
la culture et l’identité portugaise. Voici les notions employées par les sujets franco-portugais : Ben-
fica, conviver23 et saudade. Les notions utilisées par les Portugais‧es sont les suivantes : azuléjos24,
vinho verde45, pastéis de nata26, fado27, orgulho28, matar as saudades29 et saudade. Tous ces élé-
ments sont caractéristiques de la culture portugaise comme les pastéis de nata, Benfica, la fado,
vinho verde ou même les bâtiments typiques portugais recouverts de ces petites facettes que les Por-
tugais‧es appellent azuléjos.
Les sujets lusophones expriment d’ailleurs leur identité avec l’adjectif orgulho, mais aussi leur
langue avec l’expression portugaise matar as saudades et le verbe conviver.

—————————————
23 conviver : Fréquenter, se rapporte à la notion de « joie de vivre ».
24 azuléjos : Ensemble de carreaux géométriques de faïence décorés.
25 vinho verde : Vin vert, typique de la gastronomie du Nord du Portugal.
26 pastéis de nata : Flan pâtissier typique de la cuisine portugaise.
27 fado : Genre musical qui se traduit par des chants traditionnels mélancoliques.
28 orgulho : Fierté.
29 matar as saudades : Rattraper le temps perdu.

56
Image 7 : Enquêté lusophone E utilisant le code-mixing.

La notion de matar as saudades est d’ailleurs clairement évoquée par un des enquêtés por-
tugais qui ne souhaite pas traduire cette expression par « rattraper le temps perdu » mais utilise sa
langue natale pour exprimer ce que représente pour lui la langue portugaise. Comme il le mentionne
un peu plus bas, la langue portugaise est, pour lui, un moyen de rattraper le temps perdu. Cela peut
renvoyer à des émotions, à des sentiments. Ainsi, ses émotions sont souvent exprimées en portugais,
alors que son « […] quotidien est en français ».
En prenant en compte les réponses entièrement rédigées en portugais, le code-switching de
la part d’un sujet et tous les codes-mixing provenant des autres enquêtés, nous récoltons en tout
treize alternances codiques en portugais pour huit répondants portugais et franco-portugais. De cette
manière, plus de la moitié des enquêtés lusophones ont utilisé des éléments en langue portugaise
pour répondre à cette pré-enquête, que cela soit en rédigeant leurs réponses rédaction complète ou
même en utilisant du code-switching et code-mixing. Ainsi, parmi les huit répondants qui ont inclus
du code-switching, du code-mixing et des réponses entièrement rédigées dans la langue portugaise,
deux sont des Franco-portugais‧es et six sont des Portugais‧es. Il y a une aisance et une compétence
linguistique écrite beaucoup plus élevée et utilisée chez les enquêtes portugais. Cela peut être du au
fait que les individus portugais ait été bien plus exposés à la langue en comparaison aux Franco-
57
Portugais‧es. De plus, certains Franco-portugais ne parlent pas non plus portugais et ne connaissent
que certaines notions typiques du pays comme celles que nous avons mentionné. En ce qui concerne
l’âge, cinq sujets de la tranche des 22-39 ans ont utilisé des éléments en langue portugaise, alors que
trois sujets de la tranche d’âge des 40-73 ans ont utilisé la langue portugaise pour exprimer leurs
idées. Ici, nous pouvons voir que les plus jeunes lusophones entre 22 et 39 ans sont d’autant plus
imprégnés de la langue portugaise que les 40-73 ans. Pourtant, et parmi les récits de vie que j’ai pu
recevoir de ces lusophones-ci, la jeune génération de Portugais‧es et Franco-portugais‧es est moins
intéressée à recevoir l’héritage linguistique de leurs parents ou grands-parents. Néanmoins, ce sont
ceux qui ont tout d’abord rédigé leurs réponses dans un portugais qui est authentique mais aussi
fourni de code-mixing en portugais.
En ce qui concerne le sexe et parmi les huit enquêtés qui ont utilisé la langue portugaise
dans le questionnaire, cinq sont des femmes et huit sont des hommes. Dans la tranche d’âge des 22-
39 ans, quatre femmes ont utilisé des éléments de la langue portugaise alors que seulement deux
hommes ont utilisé des éléments de code-mixing. Pour les 41-73 ans, un homme et une femme ont
évoqué des notions portugaises. De cette manière, les femmes portugaises de la jeune génération
semblent avoir des compétences linguistiques plus élevées et développées que les femmes mais aus-
si les hommes de la tranche d’âge des 41-73 ans. Cela peut être sans doute dû au fait que l’ancienne
génération est confrontée à une insécurité linguistique, une certaine peur de se tromper et de faire
des néologismes en portugais.
De cette manière, l’analyse linguistique a permis de voir quels éléments en langue portu-
gaise revenaient le plus fréquemment et surtout de la part de quel type d’enquêté. Les éléments de
code-mixing qui sont les plus redondants sont finalement des notions types et des représentations de
la langue, de l’identité et de la culture que se font les Portugais‧es et Franco-Portugais‧es.

Enfin, les résultats de la phase de pré-enquête nous ont permis de faire émerger les items les
plus intéressants afin de constituer deux questionnaires qui se basent sur la Méthode de l’Analyse
Combinée de Bruno Maurer. En analysant toutes les réponses, nous avons décidé de rédiger deux
questionnaires : un qui se base sur la langue et la culture portugaise à Bordeaux et un autre qui traite
et de l’identité et qui reprend des éléments de la culture portugaise à Bordeaux. Le premier ques-
tionnaire30 comporte dix items qui sont les suivants :
- Le portugais est une langue très musicale.
—————————————
30 le premier questionnaire : Se référer à l’annexe 6. Le portugais est une langue très pauvre.

58
- Le portugais est une langue très pauvre.
- Le portugais est une langue des affaires et de la diplomatie.
- La langue-culture portugaise représente la joie de vivre (conviver).
- La langue-culture portugaise est intimement liée à la religion chrétienne.
- Le portugais est une langue qui favorise énormément la socialisation entre Portugais‧es de
France.
- Le portugais est une langue qu’il faut transmettre aux nouvelles générations.
- Les jeunes Portugais‧es de France ne souhaitent pas recevoir la langue portugaise de leurs pa-
rents.
- La langue portugaise des Franco-Portugais‧es est très différente du portugais du Portugal.
- La langue portugaise est marginalisée dans le système scolaire français.
Enfin, nous avons décidé d’y ajouter en bas de ces dix items, une question complémentaire
qui nous semble essentielle pour les enquêtés lusophones : « Selon vous, la langue portugaise est-
elle une langue inutile ? Pourquoi ? ». Pour cette question, les sujets ont libre choix de répondre en
français ou en portugais. De cette manière, cela est pour nous un moyen de voir quel statut à la
langue portugaise pour les interrogés et voir quel point de vue ils adoptent face à cette question vis-
à-vis de l’importance du portugais.

Le second questionnaire31 comporte, comme le premier, dix items concernant l’identité et reprend
certains éléments de la culture portugaise que nous avons déjà mentionné dans le premier question-
naire. Ces dix items sont les suivants :
- L’identité portugaise, c’est le fait d’avoir la réputation d’être un bon travailleur.
- La culture portugaise représente la joie de vivre (conviver).
- Les Portugais‧es apprennent tardivement de leurs erreurs.
- La culture portugaise représente la religion chrétienne.
- On peut résumer l’identité portugaise en trois mots : aller à la messe, parler fort et se réunir en fa-
mille.
- L’identité portugaise, c’est la souffrance liée à la séparation de sa terre natale (Portugal).
- La culture portugaise est formée par plusieurs cultures, c’est un caméléon.
- L’identité portugaise, c’est d’abord être membre de la communauté lusophone.
- La culture portugaise est conservatrice et arriérée.
- Les Portugais‧es sont de véritables globe-trotters parce qu’ils n’hésitent pas à aller voir si l’herbe
—————————————
31 le second questionnaire : Se référer à l’annexe 7.
59
est plus verte ailleurs.
Tout comme le premier questionnaire, nous avons rajouté une question supplémentaire qui
se centre autour de l’idée de saudade : « Comment interprétez-vous la notion de saudade ? ». Cette
question ouverte est directement liée à l’item numéro 2 : « L’identité portugaise, c’est la souffrance
liée à la séparation de sa terre natale (Portugal) ». C’est à la fois pour nous un moyen de savoir
comment ils se représentent cette notion si paradoxale et comment ils se situent par rapport à ce
concept. En répondant à cette question, cela nous permet de voir si les individus lusophones se
sentent proches de leur terre et surtout, voir s’ils sont réceptifs et s’identifient à cette notion qui fait
grandement partie de l’identité portugaise.

3.2.6 Échecs et difficultés de la pré-enquête

La phase de pré-enquête ne s’est pas faite, bien sûr, sans obstacles et difficultés. En effet, de
nombreux obstacles nous ont fait face dans cette phase et plusieurs solutions ont été mises en place
afin de les surmonter. Dans cette partie-ci, nous évoquons toutes les difficultés rencontrées, mais
aussi les solutions déployées pour les résoudre. Cette phase où nous expliquons tous les échecs et
difficultés semblent importantes. De cette manière, cela nous permet d’offrir une transparence totale
sur cette pré-enquête, mais nous a aussi servi à avancer, à prendre des initiatives et aussi du recul
sur cette recherche.

Le premier obstacle auquel nous avons été confronté a été la structure et la mise en page du
questionnaire pour la pré-enquête. Sa première version32 - et la définitive - comprend en en-tête
l’âge, le sexe, la nationalité ainsi que le pays de naissance de l’enquête. Il en suit la consigne rédi-
gée en français et en portugais et chaque question espacée par un blanc, afin que le sujet puisse
soumettre ses propositions. Pour certains enseignants qui avaient déjà vu la première version du
questionnaire, ce dernier paraissait un peu trop scolaire. Selon eux, l’âge qui apparaît en premier sur
la liste des items à remplir semblait personnel. Nous avons donc soumis une autre version du ques-
tionnaire33 qui a été distribuée à trois personnes, qui à ce jour, nous n’ont pas remis le questionnaire
de pré-enquête. Après la soumission des deux questionnaires à M. Agresti, ce dernier a préféré gar-
der le premier, expliquant que la seconde version ne possédait pas tous les éléments importants que
les sujets doivent renseigner (âge, nationalité, sexe, pays de naissance). Avec la diffusion du premier
—————————————
32 la première version de la pré-enquête : Se référer à l’annexe 4.
33 Une autre version du questionnaire : Se référer à l’annexe 5.
60
questionnaire auprès de l’échantillon sélectionné, aucun d’entre eux n’ont omis les éléments de-
mandés en en-tête du questionnaire.
Le deuxième obstacle concerne celui de l’enquêteur et de sa manière de se présenter aux enquêtés.
En effet et lorsqu’il fallait se présenter face aux sujets en leur expliquant le projet de recherche, cela
s’avérait complexe. Choisir les bons mots, ne pas employer de formes négatives sont des éléments
qui sont venus en interrogeant avec le temps plusieurs enquêtés, sans les effrayer afin qu’ils ne de-
viennent pas hostiles pour répondre au questionnaire.
De plus, lorsqu’il était impossible d’avoir un rendez-vous avec l’un des sujets, alors la dis-
cussion par courrier électronique a aussi été une des difficultés à surmonter. Le fait de ne pas pou-
voir se présenter en face de la personne ne faisait que renforcer la difficulté de la prise de contact à
distance. À cela, les échanges à distance ne semblent pas être l’un des moyens les plus fiables pour
faire circuler le questionnaire. Tout d’abord, le rendu de chaque questionnaire se faisait parfois at-
tendre. De plus, certains questionnaires sont restés à ce jour sans réponse. En fin de compte, cela ne
faisait que ralentir la progression ainsi que l’analyse de cette phase de pré-enquête.
Enfin, la dernière difficulté - qui s’est avérée être en réalité un échec - est celle du porte-à-porte.
Cette méthode pour enquêter sur le terrain a été choisie pour aller directement à la rencontre des
futurs sujets et ainsi, faciliter la prise de contact et s’assurer d’avoir un échantillon suffisant afin
d’avoir des résultats représentatifs et qualitatifs. Cependant, cette méthode d’enquête n’a pas été
une réussite. En effet, nous avons effectué l’opération auprès de plusieurs familles. Certaines ont
refusé de nous ouvrir leur porte, d’autres ne répondaient tout simplement pas et une des familles a
bien voulu nous laisser entrer chez eux. Malgré que la prise de contact ainsi que l’explication pour
remplir le questionnaire se sont bien déroulées, la famille composée de deux parents portugais n’ont
pourtant pas souhaité nous rendre leur réponse au questionnaire. Cela est peut-être dû au fait qu’il
se sentaient sûrement dans l’embarras. C’est en essayant la prise de contact en face-à-face, à dis-
tance et le porte-à-porte que nous nous sommes vite rendus compte que la première méthode reste la
plus fonctionnelle et la plus efficace des trois. Cette première méthode nous a d’abord permis de
rencontrer les enquêtés et de pouvoir discuter avec eux, de se présenter et mettre en avant le projet
de recherche sur lequel nous travaillons. Enfin, le fait de pouvoir prendre le temps de discuter avec
eux nous apporte des éléments de récit de vie concernant les enquêtés qui sont essentiels à la com-
préhension de leur rédaction dans le questionnaire, du choix de certains mots plutôt que d’autres.

61
CHAPITRE 4 : QUESTIONNAIRES SUR LES REPRÉSENTA-
TIONS SOCIALES ENDOGÈNES DE L’IDENTITÉ ET SUR LA
LANGUE PORTUGAISE À BORDEAUX

« Être portugaise, signifie m’identifier à une manière d’être, de pen-


ser et d’être en relation avec les autres. La langue et l’histoire por-
tugaise contribuent à cette identité et c’est cela qui vous fait appar-
tenir à un groupe et une nation. Je pense qu’il n’y a pas qu’une iden-
tité portugaise mais plusieurs, selon les générations, le groupe social
et le caractère individuel de chaque Portugais. »
(Enquêtée D, 2021 (lors de la pré-enquête), trad. du portugais.

4.1 Présentation des questionnaires et de l’échantillon répondant aux questionnaires

Les deux questionnaires finaux dans cette recherche se veulent dans un premier temps limi-
tés, étroitement circonscrits et spécifiques. Ils n’ont pas pour vocation de donner des résultats géné-
raux mais plutôt de localiser et de spécifier les représentations sociales les plus marquantes en rap-
port avec l’identité, la culture et la langue portugaise. Cette dernière enquête dans ce mémoire se
veut à la fois quantitative et qualitative. Elle se présente comme quantitative car nous regroupons en
tout un échantillon de quarante-deux enquêtés franco-portugais et portugais de 22 à 68 ans. On y
regroupe vingt-deux femmes et vingt hommes. Parmi les femmes, sept sont des Portugaises, qua-
torze sont des Franco-portugaises et une femme détient la double nationalité. Parmi les hommes,
douze sont des Portugais, sept sont Franco-portugais et un seul détient la double nationalité. L’é-
chantillon, un peu plus réduit que celui de la pré-enquête, regroupe majoritairement ceux qui ont
répondu à la phase de pré-enquête et d’autres individus n’ayant pas connu cette dernière phase. De
cette manière, le but est de recevoir le plus de réponses possibles afin d’en faire émerger des statis-
tiques en fonction de l’âge, du sexe, de la nationalité, du niveau de langue oral et écrit, de la langue
des parents et de la catégorie socio-professionnelle de chaque individu.
En revanche, cette enquête se veut aussi qualitative. En effet, chaque sujet doit hiérarchiser
les dix items par questionnaire en les sélectionnant de cette manière : à chaque fois, les enquêtés
doivent prendre en compte deux items avec lesquels ils sont pas du tout d’accord, peu d’accord,
neutre, plutôt d’accord et tout à fait d’accord. La partie qualitative se retrouve aussi dans les ques-
tions complémentaires qui se retrouve en bas des deux questionnaires. Ces questions sont les sui-
vantes : « Selon vous, la langue portugaise est-elle inutile ? Pourquoi ? » et « Selon vous, comment
interprétez-vous la notion de saudade ? ». Les questions complémentaires permettent d’avoir une
62
rédaction de qualité et complètent ainsi les deux questionnaires en laissant le libre choix aux enquê-
tés lusophones de pouvoir laisser une dernière trace de leurs idées ainsi qu’une dernière impression
concernant leurs représentations vis-à-vis de ces questionnaires. Enfin, cela permet aux enquêtés
n’ayant pas pu répondre au questionnaire de pré-enquête de s’exprimer en quelques lignes.

4.2 Déroulement de l’enquête

4.2.1 Le chronoprogramme

Le déroulement de l’enquête s’est étendue sur quatre mois, en essayant de laisser des se-
maines espacées entre chaque groupe d’enquêtés portugais et franco-portugais. La rencontre avec
les individus lusophones s’est faite de la manière suivante : le premier groupe que nous allons appe-
ler groupe A représente le cercle de familles et d’amis proches lusophones de l’enquêtés. Ce sont
souvent des connaissances proches avec lesquelles nous avons plus de facilité à recevoir les ques-
tionnaires dans une courte période. Le groupe B est celui dont font partie les participants situés à
l’Université de Bordeaux Montaigne, principalement composés d’enseignants et de maîtres de
conférence. Le groupe C sont des individus avec lesquels nous avons aucune connaissance. Ils ne
font ni partie du cercle familial, ni partie du groupe d’enseignants et de maîtres de conférence. Nous
reprenons alors la même combinaison que la phase de pré-enquête.

En ce qui concerne le chronoprogramme de l’enquête finale, ce dernier se présente comme


similaire à celui de la pré-enquête. Le but est avant tout de voir à quel moment les groupes ont ré-
pondu aux questionnaires et étudier quelle organisation nous avons pu adopter pour rencontrer
chaque groupe à la suite de la rédaction des deux questionnaires de l’enquête.

63
Dates →
Janv 2022 Fev 2022 Mars 2022 Avril 2022 Mai 2022 Juin 2022 Juil 2022
Groupes

A 9 ; 11 ; 30 ; 5

B 1;2;3;7

C 9 ; 12 ; 27 ; 1;2
29

Tableau 7 : Le chronoprogramme de l'enquête sur les représentations sociales de la langue, l’identité et la culture portu-
gaise à Bordeaux.

De cette manière, l’enquête finale a débuté le 9 janvier 2022 et a pris fin le 2 avril 2022.
Tout en suivant la trame de la pré-enquête, le premier groupe a pu être interrogé du 9 janvier au 5
février. S’en est suivi du groupe B qui a répondu sur une période plus restreinte du 1er au 7 février.
Enfin, le groupe C termine la phase de l’enquête entre la période du 29 mars au 2 avril 2022.
La période concernant l’enquête finale s’avère plus étendue sur plusieurs mois en comparaison avec
la phase de la pré-enquête. En effet, cela semblait aussi important de pouvoir prendre le temps
d’analyser chaque questionnaire mais aussi d’observer si chacun d’entre eux était correctement
rempli. Si cela n’était pas le cas, alors il fallait que l’enquêté lusophone puisse en remplir un autre
en veillant à respecter la consigne.

4.2.2 Choix de l’échantillon portugais dans les quartiers de Bordeaux

Le choix de l’échantillon sélectionné s’est fait de manière stratégique. Comme nous l’avons
mentionné un peu plus haut, questionner des enquêtés faisant partie du cercle familial et amical
dans un premier temps permettait de pouvoir récolter des questionnaires de manière rapide et effi-
cace. De plus, ce cercle représente une phase de test, dans la mesure où ils ont été les premiers à
être confrontés aux questionnaires. Cela était un moyen de savoir si cette enquête était réalisable.
Par la suite, le questionnaire s’est tourné vers des enquêtés faisant partie du cercle universitaire,
pour finalement se tourner vers un panel plus large de lusophones de Bordeaux, dont nous n’avons
pas de contacts.
Le choix de l’échantillon portugais dans les quartiers de Bordeaux représente dans un pre-
mier temps un cadre d’analyse privilégié de part son caractère plurilingue. Dans le premier chapitre
que nous avons rédigé, nous avons mentionné la part de Portugais‧es et Franco-portugais‧es à Bor-
64
deaux. On en regroupe environ 10 000. Bordeaux a toujours été considéré comme un lieu de ras-
semblement et un lieu de vie pour les Portugais‧es et Franco-portugais‧es en rapport avec leur his-
toire migratoire. Ainsi, nous pouvons en déduire que Bordeaux représente un espace d’interactions
et d’échanges pour ces enquêtés lusophones. C’est une ville cosmopolite qui ne cesse d’accueillir
des immigrés depuis déjà plusieurs siècles, dont font partie les Portugais‧es.
Ce lieu privilégié où les Portugais‧es ont pu prendre racine se trouve être notre terrain d’analyse.
Les enquêtés lusophones se situent principalement dans Bordeaux et dans des quartiers bien précis
et délimités34. Nous pensons au quartier de l’Yser et au quartier Saint-Michel qui forment, deux
quartiers populaires de Bordeaux, où la population lusophone a su très rapidement trouver ses
marques. Outre les quartiers de Bordeaux centre, les Portugais‧es sont majoritairement présents à
Bordeaux Bastide, mais aussi dans la rue Saint Rémi. Le regroupement de plusieurs groupes de Por-
tugais à Bordeaux se manifeste souvent par des constructions de restaurants, épiceries, pâtisseries et
même associations culturelles où tous les lusophones peuvent se retrouver et faire partager la langue
mais aussi la culture portugaise.

4.3 Observations et résultats de l’enquête

Cette dernière enquête composée de deux questionnaires détient deux objectifs : confirmer
ou réfuter nos hypothèses ainsi que nos problématiques de mémoire. L’objectif est avant tout de
rendre compte des représentations positives et/ou négatives qu'ont les Portugais‧es et les Franco-
portugais‧es sur les différents objets de représentation. De plus, la difficulté est de savoir s’il y a une
différence de représentation sociale entre la nouvelle et l’ancienne génération de lusophones. Enfin,
le dernier but ramène à se demander si les représentations sociales de ces enquêtés-ci ont une in-
fluence dûs aux facteurs suivants : l’âge, le sexe, la nationalité, le sentiment d’appartenance à la
communauté ainsi que la classe socio-professionnelle. Cette étude se base donc sur une analyse
émique et non étique. En d’autres termes, elle se base sur la perception de la réalité. Ici, nous obser-
vons les représentations sociales de la langue, de la culture et de l’identité du point de vue des Lu-
sophones situés dans la ville de Bordeaux.

—————————————
34 Se référer à l’annexe 8.

65
4.3.1 D'un point de vue général

À partir des questionnaires qui ont été distribués, des résultats ont pu émerger grâce au site
linguiste.iutbziers.fr qui génère des graphes, ainsi que des schémas en couronne. Le premier graphe
qui reprend les représentations autour de la langue et de la culture portugaise est le suivant :

Graphe de la représentation : culture et langue portugaise

Graphe 1 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise pour les Portugais et Franco-portugais
(Bordeaux, France).

Sur ce graphe ci-contre, nous pouvons voir que les items sont répartis uniformément sur
l'axe des abscisses. Le premier graphe, lisible, révèle tout de suite des items qui sont à des extrêmes
opposés : « le portugais est une langue pauvre » est situé à -1,76 sur l’axe des abscisses alors que
« le portugais est une langue qu'il faut transmettre aux nouvelles générations » se situe à l’opposé de
l'item négatif. Voici les affirmations qui sont représentées comme positives pour la communauté
lusophone à Bordeaux :
- le portugais est une langue qu'il faut transmettre aux nouvelles générations.
- la langue-culture portugaise représente la joie de vivre (conviver).
- le portugais est une langue qui favorise énormément la socialisation entre Portugais‧es de France.
De cette manière, ces items obtiennent alors dans l’ordre un score d’adhésion positif égal à +1,74,
+1,19 et +0,67. Pour le premier item « transmettre » qui constitue un cercle imposant dans le pre-
mier graphe démontre un indice de consensus égal à 0,126. Il correspond ainsi au fait que les

66
membres du groupe ont attribué la même note à cette affirmation, ce qui lui a ainsi donné la note
moyenne de l’adhésion.
Selon l'échantillon de lusophones sélectionné, la langue portugaise doit être transmise aux
nouvelles générations. Nous retrouvons chez cette communauté, une volonté de véhiculer la langue
afin qu'elle soit parlée par la nouvelle génération. De plus, la communauté lusophone semble former
une population soudée avec l’item qu'ils ont considéré positif : « le portugais est une langue qui fa-
vorise énormément la socialisation entre Portugais‧es de France ». Enfin, cela est naturellement que
les Portugais‧es et Franco-portugais‧es ont considéré positif le fait que la langue et la culture portu-
gaise représentent toutes deux la joie de vivre.

En ce qui concerne les affirmations neutres, les lusophones de Bordeaux en ont relevé deux :
- le portugais est une langue très musicale.
- la langue portugaise est marginalisée dans le système scolaire français.
Pour ces deux éléments-ci contre, le premier item révèle un score d’adhésion égal à +0,24
alors que le second obtient un score de +0,07. Ils détiennent tout deux un indice de consensus res-
pectif de 0,078 et 0,072, ce qui explique pourquoi les rayons de ces deux cercles sont moins impor-
tants que celui qui représente la transmission de la langue, et celui qui reprend la pauvreté de la
langue portugaise.
Ainsi, les lusophones ne rejettent et n’adhèrent pas non plus à ces deux items-ci. Le fait qu'une
langue soit considérée comme musicale peut être vue comme quelque chose de péjoratif ou relever
d'une dimension folklorique. C'est sans doute pour cela que l'item devient donc neutre. Pour ce qui
est de la marginalisation de la langue portugaise dans le système scolaire français, les réponses
semblent assez partagées dans l'ensemble, ce qui explique la neutralité de cette affirmation.

Enfin, les items négatifs concernant la langue et la culture portugaise se regroupent au


nombre de cinq items :
- la langue-culture portugaise est intimement liée à la religion chrétienne.
- la langue portugaise des Franco-portugais est très différente du portugais du Portugal.
- le portugais est la langue des affaires et de la diplomatie.
- les jeunes portugais de France ne souhaitent pas recevoir la langue portugaise de leurs parents.
- le portugais est une langue très pauvre.
Le score d’adhésion de -0,02 correspond au fait que la population lusophone rejette la
langue et culture portugaise comme étant rattachée à la religion chrétienne. Les Portugais‧es et
67
Franco-portugais‧es rejettent aussi l’item relatant le portugais du Portugal comme différent du por-
tugais parlé par les Franco-portugais. En effet, ce score est égal à -0,45 qui correspond aussi à l’af-
firmation « le portugais est la langue des affaires et de la diplomatie ». Le quatrième item détient un
score de -1,19 alors que le plus fort score d’adhésion qui est rejeté est de -1,76 avec l'affirmation
concernant la pauvreté de la langue portugaise. En effet, l’indice de consensus s’élève à 0,134,
c’est-à-dire plus élevé que l'indice d’adhésion de l'item qui a été le plus partagé par la communauté
portugaise. Selon eux, la langue portugaise ne fait pas partie des langues considérées comme
pauvre, et pourtant, cette communauté détient un fort besoin de transmettre cette langue aux généra-
tions futures.

Le schéma en couronnes de l’adhésion-consensus pour la culture et la langue portugaise vue


par la population lusophone à Bordeaux se présente de cette manière-ci :

Schéma 1 : Schéma en couronnes de la structure de la représentation sociale de la langue et de la culture portugaise.

68
Sur le schéma en couronnes-ci contre, nous pouvons apercevoir aux extrémités de chaque
pôle les deux items qui ont reçu le score d'adhésion le plus élevé (4 et 7) et de l'autre côté, les affir-
mations qui ont eut le score de rejet le plus fort (2 et 8). Pour tous les autres items (1-3-5-6-9-10),
ces derniers se rapprochent davantage du score d'adhésion neutre que du rejet, même si nous avons
pu voir que certains items ont obtenu un score négatif (3-5-8-9).
Ainsi, et pour le premier questionnaire correspondant aux représentations sociales de la
culture et de la langue portugaise, l'ensemble des Portugais‧es et Franco-portugais‧es de Bordeaux
estiment que la culture et la langue de leur pays représentent la joie de vivre. De plus, ils consi-
dèrent que leur langue doit être transmise aux jeunes générations. Enfin, la langue portugaise per-
mettrait de se socialiser avec d'autres membres lusophones, ce qui renforcerait la communauté por-
tugaise, population qui comme nous le savons, est considérée comme une des plus soudées et fière
de ses origines. En revanche, les enquêtés lusophones ont rejeté le fait que la langue portugaise soit
très pauvre, mais détient un indice de consensus plus faible pour l'item correspondant au fait que les
jeunes portugais ne souhaitent pas recevoir la langue de leurs parents.
Paradoxalement, les interrogés représentent la langue portugaise comme une langue qui n'est
pas pauvre, et pourtant ils considèrent que cette dernière est considérablement marginalisée dans le
système français. Du moins, les lusophones ne rejettent pas totalement l'affirmation, puisqu’elle ob-
tient un score d'adhésion de +0,07. Cela expliquerait alors pourquoi les lusophones tiennent tant à
ce que le portugais soit transmis à la génération suivante, si cette langue est, en effet pas suffisam-
ment apprises par des élèves dans les écoles françaises.

L'observation et les résultats du second questionnaire concernant l'identité et la culture por-


tugaise, étaient, comme nous l’avait rappelé la phase de pré-enquête, plus dense. De plus, elles
semblaient moins évidentes à analyser que le premier questionnaire qui tourne autour de la langue
et de la culture portugaise. De cette manière, la différence entre le premier et le second question-
naire de cette enquête finale persiste bel et bien, comme nous le traduit ce second graphe ci-
dessous :

69
Graphe de la représentation : identité et culture portugaise

Graphe 2 : Les représentations sociales de l'identité et de la culture portugaise pour les Portugais et Franco-portugais
(Bordeaux, France).

Comme nous venons de le préciser pour ce second graphe, les résultats semblent moins évi-
dents à analyser pour cause de la proximité plus réduite de chacun des items. Les affirmations ont
l'air de se regrouper par petits paquets et quasiment aucune ne se détache sur le graphe ci-dessus.
Nous avons pourtant trois groupes bien distincts qui se dessinent sur le graphe. Le premier groupe
d’items regroupe les affirmations suivantes :
- l'identité portugaise, c'est d'abord être membre de la communauté lusophone.
- la culture portugaise représente la joie de vivre (conviver).
- l'identité portugaise, c'est le fait d'avoir la réputation d'être un bon travailleur.
- les Portugais sont de véritables globe-trotters parce qu’ils n'hésitent pas à voir si l'herbe est plus
verte ailleurs.
Ces quatre affirmations se regroupent comme les items qui ont reçu le score d'adhésion positif le
plus élevé. Soulignons par ailleurs que ce score d'adhésion reste tout de même inférieur au premier
graphe, car aucun des items positifs ne dépasse le score de +1 sur l’axe des abscisses. En effet, l’af-
firmation « membre » obtient un résultat de +0,93, ce qui fait de lui l’item le plus positif de ce se-
cond questionnaire. « Joie de vivre » et « bon travailleur » le suivent de très près avec un score
d'adhésion égal à +0,88 pour le deuxième et +0,86 pour le troisième. Enfin, l’affirmation « globe-
trotters » affiche un score de +0,76 et clôt le premier groupe d'items positifs. Ces affirmations posi-
70
tives n’ont pas un indices consensus aussi élevé que le premier graphe qui se détache du second.
Pour le premier groupe d’items, « membre » détient un indice de consensus le plus élevé avec un
score égal à +0,9.
Comme pour le premier graphe, les enquêtés lusophones ont repris l'item « joie de vivre »
comme quelque chose de positif, même s’il détient un score d’adhésion différent pour le premier et
le second graphe35. Ainsi, les lusophones considèrent que le fait d’être considéré comme un bon tra-
vailleur fait partie intégrante de la représentation de l'identité portugaise. De plus, ils se considèrent
comme des globe-trotters qui n'hésitent pas à aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. En d'autres
termes, cela pourrait se traduire par le fait de ne pas avoir peur d’aller vers un autre pays d’accueil,
si ce dernier semble plus profitable pour la communauté portugaise. Paradoxalement à cela, ils re-
présentent pour eux-mêmes l'identité portugaise comme le fait d'être avant tout membre de la com-
munauté lusophone. Pourtant, ils se représentent comme des globe-trotters, donc se nourrissent sans
doute d'autres identités et cultures. Nous pouvons ainsi nous questionner sur la réelle nature de la
communauté lusophone, de son identité et de sa culture si nous considérons que ces derniers sont
des globe-trotters.

Le deuxième groupe d’items est plus neutre que le premier et regroupe les affirmations suivantes :
- la culture portugaise est formée par plusieurs cultures, c'est un caméléon.
- la culture portugaise représente la religion chrétienne.
Ces items ont un score d’adhésion qui est égal à +0,24 pour l'item « culture caméléon » et de 0 pour
« religion ». L’indice de consensus est égal à 0,066 pour le premier et 0,083 pour le second, ce qui
explique pourquoi le rayon de ces deux cercles restent moins opposants en comparaison avec les
autres cercles du graphe. Tout comme dans le premier questionnaire, l’item « religion » se situe sur
l’axe des abscisses proche de zéro, bien que ce dernier soit négatif avec un score de rejet égal à
-0,02. Les résultats concernant la religion dans les deux graphes paraissent étonnants. En effet, il
faut savoir que de nombreux sujets lors de la phase de pré-enquête avaient insisté sur le fait que la
religion chrétienne fait partie intégrante de la culture portugaise à Bordeaux. Pourtant, cet item de
« religion figure sur l'axe des abscisses comme égal à 0 et respectivement -0,02 pour le second
graphe.
Le dernier groupe d’items regroupe toutes les affirmations qui ont obtenu un score de rejet
le plus élevé qui sont les suivantes :
—————————————
35Pour le premier graphe : « joie de vivre », score d’adhésion : 1,19. Pour le second graphe : « joie de vivre », score
d’adhésion : 0,88.
71
- les Portugais apprennent tardivement de leurs erreurs.
- la culture portugaise est conservatrice et arriérée.
- l'identité portugaise, c'est la souffrance liée à la séparation de sa terre natale (Portugal).
- on peut résumer l'identité portugaise en trois mots : aller à la messe, parler fort et se réunir en
famille.
Pour ce dernier groupe d’items, ces dernières sont négatives mais ne se situent pas à l’extrême
gauche sur l'axe des abscisses, comme par exemple l'item « pauvre » dans le premier graphe qui a
obtenu un score de rejet égal à -1,75. L’item considéré comme le plus négatif est celui qui corres-
pond à « erreurs » avec un score de -1,53. Puis, vient l'item « culture conservatrice » avec un résul-
tat de -1,02. La troisième et quatrième affirmation restent négatives avec un score de -0,86 et -0,31.
Le premier item le plus négatif « erreurs » détient un indice de consensus le plus fort qui est de
0,109, ce qui explique la largeur du rayon de son cercle. L’affirmation « culture conservatrice » dé-
tient aussi un cercle plus volumineux que les autres items, avec un indice de consensus de 0,1.
Ainsi, les quatre éléments négatifs mentionnés ci-dessus sont les items que les Portugais‧es
et Franco-portugais‧es de Bordeaux rejettent totalement. Paradoxalement, l’élément « souffrance »
est vue de manière négative alors qu’elle fait intimement écho à la notion de saudade qui définit
exactement la souffrance liée à la séparation de la terre natale d'un individu. En effet, cette notion de
saudade a été de nombreuses fois mentionnée par les enquêtés portugais et franco-portugais. Selon
eux, cette notion fait partie intégrante et est aussi représentative de l'identité portugaise. Enfin, le
dernier élément « trois mots » a surement été rejeté par le fait que « parler fort » puisse être perçu
comme quelque chose de négatif.
Pour résumer les observations et les résultats d'un point de vue général que nous avons obtenu, le
schéma en couronnes sur les représentations de l'identité et de la culture portugaise reprend tous les
éléments que nous avons déjà mentionné avec le second graphe :

72
Schéma 2 : Schéma en couronnes de la structure de la représentation sociale de l’identité et de la culture portugaise.

Sur le second schéma ci-contre, nous pouvons spontanément voir qu’aucun élément n'a
complètement été adhéré par les enquêtés lusophones pour ce second questionnaire. Ceux qui ont
reçu un indice de consensus faible se trouvent dans la deuxième couronne en partant du haut (1-2-3-
4-5-6). Cela regroupe des items positifs : « joie de vive », « membre », « bon travailleur », des items
neutres : « religion » et des éléments négatifs : « souffrance » et « trois mots ». Comme l’indice de
consensus est faible pour ces six éléments-ci, alors ils ont la possibilité d’évaluer pour devenir posi-
tif ou négatif. Les affirmations 8 et 10 restent dans une zone de périphérie qui semble incertaine.
Enfin, les éléments 7 et 9 appartiennent à la zone marginale, où la majorité des enquêtés repré-
sentent ces items comme un rejet.
De cette manière, le second graphe est perçu comme moins hétérogène que le premier
graphe qui semble plus différent avec des opinions et des représentations plus marquées. Cela est
alors représenté par les schéma en couronnes qui démontrent la zone marginale avec les éléments
qui ont une fonction de repoussoir, la zone centrale avec un maximum d'adhésion, et les deux zones
incertaines, où les items sont capables de changer et d'évoluer dans le temps.
Ainsi, il existe des représentations sociales à propos de la langue, de l'identité et de la
culture portugaise à Bordeaux. De plus, ces représentations peuvent autant être positives et néga-
tives. Nous avons pu démontrer que la langue portugaise n’est pas vue comme très pauvre, n'est pas
considérée comme la langue de la diplomatie et des affaires. De plus, les lusophones de Bordeaux
73
ne se représente pas le portugais comme une langue dont les jeunes portugais ne souhaitent pas re-
cevoir de leurs parents. Au contraire, il est nécessaire pour les enquêtés de transmettre cette langue
aux générations futures. La langue portugaise est aussi représentée comme la joie de vivre et
comme un moyen de se socialiser avec les autres Portugais et Franco-portugais de Bordeaux. La
culture portugaise, elle, n'est pas considérée comme conservatrice et arriérée mais semble en re-
vanche être représentée comme un mélange de cultures. Elle est le fait que les Portugais sont des
globe-trotters qui n’hésitent pas à voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Quant à l'identité portugaise,
cette dernière est représentée comme le fait d'avoir la réputation d'être de bons travailleurs et de
faire tout d'abord partie de la communauté portugaise. En revanche, l'identité portugaise n'est pas le
fait de parler fort, de se réunir en famille et d'aller à la messe. De plus, la notion de saudade ne fe-
rait pas partie intégrante de l'identité portugaise, même si cette communauté semble attachée à cette
notion. Cela est sans doute dû au fait que la saudade a une part plus importante de nostalgie et de
souffrance pour cette population.

4.3.2 Par sexe

Nous avons pu étudier dans un premier temps les résultats globaux des représentations sociales que
détiennent Franco-portugais. Par la suite, il s'agit de montrer s’il existe une différence de ces repré-
sentations entre les hommes et entre les femmes. Voici le graphe suivant qui reprend le résultat cor-
respondant au sexe masculin pour le premier questionnaire :

Graphe 3 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les hommes portugais et franco-
portugais (Bordeaux, France).

74
D’un point de vue d’ensemble, le résultat pour les hommes portugais et franco-portugais
semble similaire que les résultats vus plus haut qui étudiaient les représentations d’un point de vue
général. Nous retrouvons alors aux antipodes l’élément « pauvre » qui obtient un résultat de -1,8 et
« transmettre » qui lui, détient un score égal à +1,7. Nous avons par ailleurs les mêmes items plutôt
neutres qui se regroupent au milieu de l'axe des abscisses. Cependant, une légère différence s'ob-
serve pour les éléments « langue différence » et « religion » qui finalement ont tendance à se che-
vaucher avec des résultats égaux à -0,25 pour le premier et -0,1 pour le second. Il y a, par ailleurs,
une très légère différence pour l’item « joie de vivre » qui se situe plus vers la droite de l’axe des
abscisses avec un score de +1,35 contre +1,19 du point de vue général.
Notons aussi un indice de consensus plus élevé pour l'élément « diplomatie » avec un résul-
tat de 0,108 mais aussi pour celui de « socialisation » qui est de 0,112. Afin de mieux illustrer nos
propos sur ces résultats du premier questionnaire pour la population masculine lusophone, voici le
schéma en couronnes reprenant tous les éléments mentionnés ci-dessus :

Schéma 3 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de la langue portugaise
chez les hommes portugais et franco-portugais.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, les résultats concernant les hommes sont sem-
blables aux résultats généraux étudiés au début de ce dernier chapitre. Nous retrouvons alors nos
éléments marqués comme « pauvre » dans la zone marginale et « transmettre » dans la zone de cen-
tralité. Ce schéma en couronnes se révèle donc identique à celui portant sur les résultats globaux.

75
De cette manière, les hommes détiennent des représentations sociales proches de l’ensemble
des lusophones de Bordeaux, sur leur culture et leur langue.

Étudions maintenant ce que pensent les femmes portugaises et franco-portugaises de leurs


représentations sociales sur la langue et la culture portugaise. Il s’agit de voir s'il existe des diffé-
rences entre les hommes et les femmes lusophones.

Graphe 4 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les femmes portugaises et franco-
portugaises (Bordeaux, France).

Dans ce graphe ci-joint, les mêmes éléments sont placés au même endroit en comparaison
avec le graphe de l'ensemble des répondants et même de la population masculine. On retrouve
d’ailleurs les éléments « pauvre » et « transmettre » qui se situent toujours aux mêmes extrémités.
Cependant, nous pouvons noter quelques différences qui sont présentes entre les hommes et les
femmes lusophones. Tout d'abord, l'item « transmettre » se trouve un peu plus à droite sur l’axe des
abscisses que pour les hommes. Son score, égal à +1,77, est légèrement élevé en comparaison à ce-
lui des hommes qui se trouve à +1,7. Cette légère différence peut se traduire par le fait que la langue
portugaise est généralement apprise au sein du cercle familial, et bien souvent, se sont les femmes
qui s’occupent de la transmission de la langue pour les enfants. De plus, l’élément « socialisation »
se trouve être plus faible chez les femmes lusophones (+0,59) alors qu'il est de +0,75 chez les
hommes. Nous pouvons ainsi en déduire que les hommes portugais se représentent leur langue
76
comme un moyen de se socialiser avec d’autres membres de la communauté portugaise. Il existe
aussi une claire différence sur l'item « langue différente », avec un résultat de -0,64 pour les femmes
contre -0,25 pour les hommes.
En ce qui concerne l'indice de consensus des items, nous pouvons remarquer que le rayon du
cercle « recevoir langue » est nettement plus important que celui des hommes. Le score des femmes
est de 0,093 et donc proche de 0,1 alors que celui des hommes avoisine les 0,077.
Ainsi, le graphe des représentations de la culture et de la langue pour les femmes peut se traduire
par le schéma en couronnes ci-dessous :

Schéma 4 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de la langue portugaise
chez les femmes portugaises et franco-portugaises.

Le schéma en couronnes ci-contre ne démonter pas, à première vue, de réelles différences


entre les hommes et les femmes lusophones par rapport au premier questionnaire de l'enquête finale.
Pourtant, nous pouvons remarquer que l'item « marginalisée » s’est déplacé de zone dans le schéma
en couronnes en comparaison avec celui des hommes portugais. Ainsi, l'élément « marginalisée »
est dans la zone périphérique alors qu'il se situait chez les hommes dans la zone de la couronne cen-
trale. Ainsi, l'item de langue « marginalisée » détient un score de +0,18 chez les femmes et de -0,05
chez les hommes. L’indice de consensus pour les femmes obtient un résultat de 0,07 alors que chez

77
les hommes, ce dernier est à 0,076. Étant donné le rayon du cercle plus restreint pour les femmes,
alors cela expliquerait ce changement soudain de zone pour cet élément du premier questionnaire.

Pour ce premier questionnaire, nous pouvons en conclure que les résultats entre les hommes
et les femmes lusophones sont sensiblement les mêmes. Pourtant, nous pouvons noter des diffé-
rences, notamment pour les éléments « marginalisée » et « transmettre ». Les femmes ont tendance
à se représenter la langue portugaise comme une langue à transmettre absolument à la nouvelle gé-
nération. En effet, ce sont souvent elles qui s’occupent de la transmission de la langue portugaise
pour les enfants et jeunes adolescents. De même, la langue portugaise est représentée comme une
langue marginalisée dans le système scolaire en comparaison aux hommes lusophones. En re-
vanche, l'élément de « socialisation » est plus important chez les hommes que chez les femmes. En-
fin, le portugais serait différent de la langue que parlent les Franco-portugais de Bordeaux. Les
hommes adhèrent à cet item avec un score de -0,25 alors que les femmes le rejettent un peu plus
avec un résultat de -0,64.
Ainsi, l’observation de la différence des représentations entre les hommes et les femmes
pour le second questionnaire nous aiderait à savoir s’il existe une plus grande différence au niveau
des représentations de la culture et de l'identité portugaise. Pour cela, voici le graphe des hommes
concernant leurs représentations en rapport avec le second questionnaire :

Graphe 5 : Les représentations sociales de la culture et de l'identité portugaise chez les hommes portugais et
franco-portugais (Bordeaux, France).

78
D’un point de vue global, nous retrouvons les mêmes items les plus importants disposés au
même endroit. D'un point de vue général, nous retrouvons les éléments « erreurs » et « culture
conservatrice » qui sont rejetés. Tout à droite sur l'axe des abscisses, nous observons les quatre
items qui détiennent un score d'adhésion assez élevé : « membre », « bon travailleur », « joie de
vivre » et « globe-trotters ».

En revanche, nous pouvons noter des différences par rapport à certains éléments. Tout d’abord,
« bon travailleur » reçoit un score d'adhésion de +0,91 pour les hommes alors que d'une façon géné-
rale, les enquêtés lusophones adhèrent cet élément avec un résultat de +0,88. L’item de « religion »
passe aussi d’une zone à une autre. Il est pour les hommes, vu comme quelque chose de position
(+0,18) alors que globalement, les enquêtés interrogés l’ont placé en zone neutre avec un résultat de
0. Enfin, les hommes lusophones ont tendance à avoir rejeté l’élément de « culture caméléon » avec
un score de -0,09 alors que ce dernier obtient un résultat positif de +0,24 pour l’ensemble des ré-
pondants.
Si des différences sont démontrées et notables entre le graphe de l'ensemble des enquêtés luso-
phones et celui des hommes lusophones, alors, ces écarts vont surement se révéler dans le schéma
en couronnes ci-dessous :

Schéma 5 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de l'identité portugaise
chez les hommes portugais et franco-portugais.

79
En effet, le schéma en couronnes concernant les représentations sociales de la culture et de
l'identité pour les hommes lusophones de Bordeaux sont exactement les mêmes que celles des qua-
rante-deux enquêtés lusophones interrogés. Nous retrouvons alors tous les éléments dans la même
zone que cela soit dans la zone périphérique, dans la zone marginale ou dans la zone de la couronne
centrale. Bien que les deux schémas soient identiques, il n'en reste pas moins que certains éléments
de réponse divergent. De cette manière, les éléments de la zone périphérique sont bien changeants,
en comparaison avec la zone marginale ou la zone de la couronne centrale.
Afin de confirmer ou de réfuter l’hypothèse selon laquelle les représentations sont modifiées
selon le sexe des enquêtés, nous allons pouvoir étudier les réponses des femmes lusophones concer-
nant le second questionnaire.

Graphe 6 : Les représentations sociales de la culture et de l'identité portugaise chez les femmes portugaises et franco-
portugaises (Bordeaux, France).

Ce sixième graphe portant sur les représentations sociales de l'identité et de la culture pour
les enquêtées lusophones est particulièrement étonnant du fait de sa similarité parfaite avec celui
concernant les hommes lusophones. La ressemblance est d’autant plus frappante que cela soit pour
le score d’adhésion ou pour l'indice de consensus de chaque item pour ce second questionnaire.
Ainsi, voici le schéma en couronnes des représentations sociales concernant les femmes :

80
Schéma 6 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de l'identité portugaise
chez les femmes portugaises et franco-portugaises.

Ce schéma ci-contre reprend en effet les mêmes éléments vus que pour les hommes luso-
phones à un détail près. En effet, il ne reste plus qu'un seul item situé dans la zone marginale, et ce-
lui-ci correspond au neuvième élément du questionnaire (« erreurs »). Le fait que la culture portu-
gaise soient considérée comme conservatrice (7) se déplace ainsi de la zone marginale à zone de la
couronne centrale. Cela peut sans doute s’expliquer par le fait que l’indice de consensus pour cet
item s'élève à un score de 0,099, c’est-à-dire proche de 1. Cela explique par ailleurs le rayon de son
cercle qui est proéminent et ressemble d'ailleurs aux autres cercles situés dans la couronne centrale.

En somme, le sexe n'est pas un facteur qui rendrait les représentations sociales de l'identité
et de la culture portugaise différentes. Cependant et concernant la langue portugaise, nous avons pu
observer des divergences, notamment au niveau de la transmission où les femmes auraient plus ten-
dance à transmettre cette langue à la jeune génération. La langue est vue comme un outil de sociali-
sation entre les Portugais et Franco-portugais de Bordeaux, beaucoup plus pour les hommes que
pour les femmes. Enfin, le portugais, qui est considéré comme différent du portugais que parlent les
Franco-portugais est une représentation que les femmes lusophones adhèrent davantage en compa-
raison avec les hommes. Ainsi, nous pouvons en conclure que la langue portugaise est d'autant plus
un objet de représentation que l'identité et la culture portugaise.

81
4.3.3 Par tranche d’âge

Après notre étude portant sur les représentations sociales par sexe sur les Portugais et Fran-
co-portugais de Bordeaux, l’un des facteurs qui semble pertinent est celui de la tranche d’âge. En
effet, des différences peuvent sans doute se manifester sur ce facteur-ci. Pour étudier les représenta-
tions sociales de la langue, de la culture et de l’identité, nous avons séparé les répondants en trois
groupes : ceux qui ont moins de trente, ceux de la tranche des trente ans et cinquante ans, et le der-
nier groupe ; celui des plus de cinquante ans. Les résultats ci-dessous par tranche d’âge concernent
tout d’abord le premier questionnaire portant sur la culture et la langue portugaise.
Tout d’abord, voici le graphe reprenant les réponses du plus jeune groupe :

Graphe 7 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les moins de trente ans (Bordeaux,
France).

Pour le premier groupe regroupant les moins de trente ans, nous pouvons voir l’avis radical
concernant l’élément « pauvre » et « transmettre ». En effet, ces deux éléments ont obtenu les
mêmes scores respectifs égal à -1,91 et +1,91. Ainsi, « pauvre » a été l’item le plus rejeté alors que
« transmettre » a été celui qui a suscité la plus forte adhérence de la part des lusophones de moins
de trente ans. Ce sont d’ailleurs les deux cercles qui obtiennent un rayon imposant avec un consen-
sus de 0,218. L’élément le plus positif après « transmettre » est « joie de vivre » avec un résultat se

82
détachant des autres items avec +0,82. Les deux affirmations les plus rejetées renvoient à « langue
différente » avec un score de -0,91 et « recevoir langue » qui est égal à -0,64. En comparaison avec
les six précédents graphes que nous avons observé, il est intéressant de souligner que l’élément
« recevoir langue » n’est pas entièrement rejeté mais fait davantage parti de la zone périphérique.
Ainsi, ils sont peu d’accord avec le fait que la jeune génération ne souhaite pas recevoir la langue
portugaise, alors que dans les autres graphes, les répondants n’étaient pas du tout d’accord avec cet
item. Si cet item est rejeté, alors cela peut se justifier en rapport avec l’âge du groupe, sans doute
moins proche de la langue portugaise que le groupe entre trente et cinquante ans, et celui de plus de
cinquante ans.
Ainsi, voici le schéma en couronnes reprenant les derniers résultats sur le septième graphe :

Schéma 7 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de la langue portugaise
chez les moins de trente ans.

Le schéma ci-contre reprend les deux éléments qui ont eu le taux de consensus le plus fort.
L’item 7 est le seul élément présent dans la zone de centralité alors que l’item 2 est celui qui se situe
dans la zone marginale. Les affirmations numérotées 8 et 10 se situent dans la zone périphérique et
représentent respectivement les éléments « recevoir langue » et « marginalisée ». Ainsi, l’informa-
tion la plus importante à retenir pour ce premier groupe est la forte adhésion pour l’élément
« transmettre » et le rejet catégorique pour caractériser le portugais comme étant « pauvre ». Ces

83
éléments numérotés 2 et 7 ont alors un score presque égal à -2 pour l’un et +2 pour l’autre. Ce pre-
mier groupe semble en total accord et harmonie avec leurs réponses.

Le deuxième groupe est constitué des répondants lusophones entre trente et cinquante ans :
observons et comparons leurs résultats avec le premier groupe.

Graphe 8 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise les répondants entre trente et cinquante
ans (Bordeaux, France).

Du côté du groupe de la tranche d’âge entre trente et cinquante ans, nous pouvons voir que
certains éléments ont évolué en comparaison au premier groupe de moins de trente ans. Tout
d’abord, nous pouvons retrouver les éléments « pauvre » et « transmettre » qui se retrouvent tout
deux aux antipodes sur l’axe des abscisses. En revanche, le score ne semble pas égal au premier
groupe. Pour l’item « pauvre », le score de rejet est de -1,74 avec un consensus de 0,119. L’affirma-
tion « transmettre » obtient un résultat de +1,79 et un indice de consensus de 0,149. Ici, nous pou-
vons observer le degré de consensus faible en rapport avec celui du premier groupe pour ces deux
éléments. En revanche, le deuxième item rejeté « recevoir langue » détient un indice de consensus
plus élevé que l’élément « pauvre », avec un score de 0,155. En contrepartie, le score de rejet
s’élève seulement à -1,58. De cette manière, le premier et le deuxième groupe n’ont pas rejeté cet
élément au même degré. La deuxième groupe semble plus attaché à ce que la jeune génération re-

84
çoive le portugais des parents, alors que le groupe le plus jeune semble y être moins attaché. L’élé-
ment « joie de vivre » est l’item qui est davantage adhéré du côté du deuxième que du premier. Le
deuxième groupe adhère cet élément avec un score de +1,32 alors que chez le premier groupe, cette
affirmation peine à dépasser le résultat de 1. Par la suite, l’affirmation « langue différente » est plus
marquée chez le premier groupe que le deuxième groupe. Le rejet est plus important pour affirmer
que le portugais n’est pas différent du portugais que parlent les Franco-portugais, avec un résultat
de -0,91 alors qu’il se rapproche plus de la neutralité avec le deuxième groupe (-0,21). Enfin, la
langue portugaise, comme langue de la « diplomatie » est relativement adhérée par le premier
groupe alors que cette affirmation est rejetée du côté du deuxième groupe avec un score de -0,84 et
un indice de consensus élevé, égal à 0,125.
Voici comment peut se résumer le huitième graphe avec le schéma en couronnes ci-dessous :

Schéma 8 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de la langue portugaise
chez les répondants entre trente et cinquante ans.

À travers ce schéma concernant le deuxième groupe, nous pouvons observer les affirmations
2 et 8 en zone marginale. Rappelons-nous que le premier groupe n’avait retenu que le deuxième
item dans cette zone. Pour les affirmations 4 et 7, qui appartiennent à la zone de centralité, seule-
ment la numéro 7 avait été retenue pour les moins de trente ans. Pour ce qui est de l’élément « di-
plomatie », nous pouvons nous apercevoir que ce dernier se rapproche davantage de la zone de neu-
tralité que de la zone périphérique, notamment dû à son important indice de consensus. De cette
85
manière, les deux premiers groupes détiennent des représentations sociales similaires pour ce qui est
des éléments de langue se rapportant à « pauvre » et à la transmission. En revanche, une dichotomie
se créé en ce qui concerne la « diplomatie », la « joie de vivre », la différence de langue entre le
portugais des Lusophones du Portugal et celui des Franco-portugais. Paradoxalement, les moins de
trente ans semblent plus rattachés à leur langue, à la transmission de cette langue et détiennent des
représentations nettes et claires.

Après avoir étudié les représentations sociales qui semblent se différencier entre les deux
premiers groupes, nous allons nous focaliser sur le dernier groupe qui rassemble tous les répondants
de plus de cinquante ans. Voici le graphe concernant leurs représentations sociales de la langue,
culture et identité portugaise :

Graphe 9 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les plus de cinquante ans (Bor-
deaux, France).

Pour les plus de cinquante ans, nous pouvons tout de même apercevoir la même harmonie et
similitude concernant les éléments « pauvre » et « transmettre ». Parmi les trois groupes, celui-ci est
le seul à avoir donné des scores légèrement faibles en comparaison aux éléments « pauvre » et
« transmettre » des deux autres groupes. On regroupe alors l’affirmation « pauvre » avec un score
de rejet de -1,67 et +1,5, qui est le score d’adhésion de « transmettre ». À l’intérieur de ce graphe,
d’autres éléments ont évolué, notamment en ce qui concerne la religion. Les deux premiers groupes
86
ont situé cet item comme neutre ou dans la zone périphérique. On voit ici que la religion fait preuve
d’un rejet légèrement timide, avec un score de rejet de -0,33. À droite de l’axe des abscisses, la
« socialisation » semble détenir une position plus positive en comparaison avec les deux autres
groupes, qui l’ont situé dans la couronne centrale. Ici, cette affirmation se situerait davantage dans
la zone de centralité, au même titre que les éléments se rapportant à la langue comme la transmis-
sion et la culture avec la « joie de vivre ».
Pour résumer notre observation sur le groupe de plus de cinquante ans, nous avons effectué un
schéma en couronnes :

Schéma 9 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de la langue portugaise
chez les plus de cinquante ans.

Le dernier schéma en couronnes montre une similitude avec les deux autres schémas, no-
tamment au niveau de la zone marginale et de centralité. Dans ces zones-ci, le deuxième et le troi-
sième groupe ont adhéré et ont rejeté les mêmes éléments, alors que le groupe le plus jeune détient
qu’un seul élément dans la zone de centralité (7) et dans la zone marginale (2). Pour les plus de cin-
quante ans, l’item qui, dans l’éventualité, pourrait évoluer est le numéro 10, qui correspond au fait
que la langue portugaise soit marginalisé dans le système scolaire français.

De cette manière, le facteur concernant la tranche d’âge des répondants lusophones à Bor-
deaux détient bien une incidence sur leurs représentations sociales. Pour les plus jeunes, nous avons

87
pu voir que leur avis est net, tranché. Ils ne perçoivent pas du tout le portugais comme pauvre, et
adhèrent totalement au fait que cette langue doit être transmise à leur génération. À côté de cela, ils
ont moins rejeté le fait que leur génération ne souhaite pas recevoir le portugais de la part de leurs
parents, en comparaison aux deux autres groupes. Là aussi, les plus de cinquante ans et les répon-
dants entre trente et cinquante ans ont majoritairement rejeté cet élément avec un indice de consen-
sus à chaque fois, assez élevé. La religion, qui ferait parti intégrante de la culture portugaise est une
affirmation qui a été rejeté de la part des plus de cinquante ans, et non des autres groupes. Nous
pouvons donc en déduire que les deux plus jeunes groupes sont intimement rattachés à la religion
chrétienne. Enfin, la « joie de vivre » semble avoir une part plus importante pour les plus de cin-
quante ans que pour les moins de trente ans. Le mot conviver, qui se traduit donc par la joie de
vivre, peut faire penser aux plus de cinquante ans à une forme de nostalgie de la culture portugaise.
Ce mot peut faire référence à la convivialité et donc, aux réunions en famille et à des moments par-
tagés dans le passé.

Après avoir analysé les résultats du premier questionnaire, le même procédé est choisi pour
étudier les observations du second questionnaire concernant la culture et l’identité portugaise. Nous
reprenons l’ordre dans lequel nous avons étudié les résultats du premier questionnaire. Ainsi, voici
le graphe qui reprend les réponses du groupe de moins de trente ans :

Graphe 10 : Les représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise chez les moins de trente ans (Bordeaux,
France).

88
Le premier groupe de moins de trente ans ne semble pas détenir un avis clair et tranché
comme lors du premier questionnaire où nous avions eu un élément totalement rejeté quasiment
égal à -2 et un autre qui a été totalement adhéré, non loin d’être égal à +2 sur l’axe des abscisses.
Ici, nous pouvons distinguer trois groupes d’items : le premier allant du score d’adhésion de +0,09
(trois mots) jusqu’à +1 (globe-trotters). Le deuxième groupe d’éléments concentre une seule affir-
mation qui est légèrement rejetée et qui correspond à la « religion » avec un résultat de -0,09. Enfin,
le groupe qui a suscité le plus de rejet part du sport de -0,82 (souffrance) jusqu’à -1,64 (erreurs). Ici,
le fait que les Portugais apprennent tardivement de leurs erreurs, est l’affirmation la plus marginali-
sée, avec un indice de consensus égal à 0,112. Les plus jeunes lusophones se représentent ainsi
l’identité portugaise comme avant tout être membre de la communauté lusophone et comme être
considéré comme un bon travailleur. Ces résultats reprennent alors les mêmes concernant les obser-
vations d’un point de vue général. Le fait que les moins de trente ans rejettent le fait que la culture
portugaise soit conservatrice mais que l’identité portugaise puisse se résumer en trois mots : parler
fort, se réunir en famille et aller à la messe semble paradoxal. En effet, cette dernière affirmation
regroupe tous les codes d’une culture conservatrice. Pourtant, elle n’est pas totalement rejetée. De
cette manière, nous pensons que les moins de trente ans peuvent détenir une vision toute autre et
donc, moderne mais semblent se rattacher aux valeurs traditionnelles des Anciens concernant la
langue et la culture portugaise.
Voici le schéma en couronnes reprenant les observations pour les Lusophones de moins de trente
ans :

Schéma 10 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise
chez les moins de trente ans.

89
Dans ce schéma ci-contre, l’item 9 conserve sa place dans la zone marginale, alors que les
autres éléments qui ont été rejetés (7 et 2) se situent dans la couronne centrale, zone où les affirma-
tions sont susceptibles d’évoluer et donc, de changer. Avec son faible indice de consensus (0,067),
l’item 8 se place dans la périphérie incertaine. Il est possible que cet élément change de zone, bien
qu’il se situe relativement à droite, et donc en position d’adhésion sur l’axe des abscisses. Ce que
nous pouvons retenir chez les moins de trente ans, c’est l’absence totale d’affirmations présentes
dans la zone de centralité maximum. De cette manière, aucun item n’offre une totale adhésion pour
ce premier groupe.

Pour le groupe reprenant les répondants entre trente et cinquante ans, le graphe se présente
de cette manière-ci :

Graphe 11 : Les représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise les répondants entre trente et cinquante
ans (Bordeaux, France).

Ce graphe révèle trois groupes d’items bien distincts : les affirmations marginalisées en
bleu, les affirmations relativement neutres en rose et les items faisant preuve d’une adhésion en
rouge. Pour les éléments rejetés, nous retrouvons la « culture conservatrice », la « souffrance » et
« erreurs » que les moins de trente ans avaient déjà mentionné. Cependant, le groupe de trente à
cinquante ans semble rejeter le fait que l’identité portugais peut se résumer en trois mots : se réunir
en famille, parler fort et aller à la messe. Ce rejet se manifeste avec un résultat de -0,75 en compa-

90
raison avec les plus jeunes qui le considèrent comme un élément neutre (+0,09). De ce point de vue,
ce groupe de répondants détient une vision différente des moins de trente ans comme nous l’avons
étudié plus haut. Les Lusophones entre trente et cinquante ont tendance à rejeter tous les éléments
qui semblent négatifs mais a contrario, adhèrent à tous ceux qui sont positifs.
De cette manière, voici le schéma de ce groupe concernant le questionnaire des représentations so-
ciales sur la culture et l’identité portugaise :

Schéma 11 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise
chez les répondants entre trente et cinquante ans.

Ce schéma des enquêtés entre trente et cinquante démontre une absence de similitude avec
celui des moins de trente ans. Tout d’abord, nous pouvons relever l’élément 3 (membre) présent
dans la zone de centralité maximum, item le plus clivant et positif pour ce groupe avec un score
d’adhésion de +1,11. Se reconnaître et s’identifier avant tout comme membre de la communauté
portugaise est un élément constitutif de l’identité portugaise. Par la suite, les éléments 2 et 9 (souf-
france et erreurs) font parti de la zone marginale alors que les deux autres affirmations qui sem-
blaient être rejetées (« culture conservatrice » et « trois mots ») restent dans la zone de la couronne
centrale et pourraient être susceptibles d’évoluer. Nous pouvons tout de même souligner l’ambiguïté
de l’item 2 qui est très souvent rejeté. En effet, cette affirmation relate le fait que l’identité portu-
gaise, c’est la souffrance liée à la séparation de sa terre natale. Rappelons-nous que cet énoncé fait
écho à la notion de saudade, mot clef qui a été mentionné à de nombreuses reprises lorsque les ré-
91
pondants parlaient d’identité portugaise. Ils faisaient en effet mention de ce mot comme représen-
tant l’identité portugaise. Lors de la réception du second questionnaire, la majorité ont décidé de
rejeter cet élément qu’ils considéraient pourtant comme un pilier de l’identité portugaise. Ce choix
est sans doute dû à une certaine nostalgie du pays, une volonté d’y retourner ou simplement vouloir
dissimuler une souffrance et un mal-être liés à l’histoire du pays et à l’épisode douloureux de sa dic-
tature.

Ainsi, étudier le groupe de plus de cinquante permettrait de voir si leur avis diverge en com-
paraison des deux autres, mais aussi de démontrer s’il existe réellement une fracture des représenta-
tions sociales entre l’ancienne et la nouvelle génération. Voici donc le graphe concernant les repré-
sentations sociales de l’identité et de la culture portugaise des plus de cinquante ans :

Graphe 12 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les plus de cinquante ans (Bor-
deaux, France).

Du côté des plus de cinquante ans, nous pouvons observer que tous les éléments semblent
un peu plus disparates et ne forment pas de groupes prédéfinis. Il ne semble pas y avoir des affirma-
tions qui relèvent d’une adhésion forte ou d’un refus catégorique, hormis pour les items « erreurs »
et « culture conservatrice » qui ont des résultats respectifs égaux à -1,5 pour l’un et -1,17 pour
l’autre. Il existe tout de même des affirmations qui relèvent de l’adhésion comme « joie de vivre »

92
avec un score de +1,08, « bon travailleur » avec 1 et « membre » avec +0,83. Nous pouvons obser-
ver un rejet un peu plus important de la part des plus de cinquante ans en comparaison avec les deux
autres groupes. Ainsi, l’ancienne génération serait donc moins attachée à la religion et la considére-
raient pas comme élément fondamental de la culture et de l’identité portugaise. En revanche, nous
pouvons dénoter une légère différence quant à l’élément « bon travailleur » qui est davantage
considéré comme intégrant de l’identité portugaise avec un score de 1. Ce score est de +0,79 chez
les répondants entre trente et cinquante ans, et remporte un résultat de +0,82 chez les moins de
trente ans. Ainsi, nous pouvons voir que cet item semble important chez les plus de cinquante ans.
Cette légère différence entre les trois groupes peut se démontrer du fait que l’ancienne génération
détient une connaissance des conséquences de la dictature de Salazar et du statut du Portugal,
considéré comme un pays rural. De cette manière, le travail manuel était omniprésent. Les répon-
dants de plus de cinquante ans ont majoritairement une profession manuelle. Ce sont essentielle-
ment des plombiers, des caristes, des cordonniers et des retraités auparavant chef dans le bâtiment.
Ainsi, être un bon travailleur semble plus gratifiant pour des enquêtés ayant une profession ma-
nuelle.
Voici le schéma en couronnes des réponses des répondants de plus de cinquante ans :

Schéma 12 : Schéma en couronnes de la structure des représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise
chez les plus de cinquante ans.

93
Comme pour les deux groupes précédents, le schéma en couronnes des plus de cinquante
reste différent. Nous retrouvons l’élément 7 et 9 en zone marginale et l’élément 4 en zone de centra-
lité maximum. Notons tout de même une restriction de nombreux éléments dans la couronne cen-
trale, en comparaison avec le plus jeune groupe qui compte huit éléments dans cette zone. Par la
suite, la religion (1) est le seul élément parmi les trois groupes à se placer dans la périphérie incer-
taine. Ainsi, il fait office d’élément de rejet avec un résultat de -0,25.

De cette manière, il existe une différence des représentations sociales de la culture, de la


langue et de l’identité portugaise entre les tranches d’âge des répondants lusophones. Cette diffé-
rence est d’autant plus importante entre les moins de trente ans et les enquêtés entre trente et cin-
quante ans. Nous avons pu le souligner avec l’élément « trois mots » qui est rejeté par les Luso-
phones entre trente et cinquante ans, alors que ce dernier semble être adhéré par les moins de trente
ans. Il reste néanmoins des dichotomies entre les trente et cinquante avec les plus de cinquante ans.
Là où la religion est rejetée chez le plus de cinquante ans (-0,25) et chez les moins de trente ans
(-0,09), elle reste un élément positif de façon timide (+0,21) chez les enquêtés entre trente et cin-
quante ans. En revanche, nous ne notons pas de différences et de fractures entre l’ancienne et la
nouvelle génération sur ce second questionnaire. Il semble d’ailleurs que les représentations so-
ciales aient une continuité entre l’ancienne et la nouvelle génération.

4.3.4 Par catégorie socio-professionnelle

Le dernier facteur que nous avons choisi d’étudier pour faire émerger les représentations
sociales déjà énoncées, est celui de la catégorie socio-professionnelle des répondants. Considérant
l’hétérogénéité des professions de tous les enquêtés, nous avons pour cela, organisé notre analyse en
deux groupes. Le premier groupe est celui des travailleurs faisant partie du secteur public. Le se-
cond groupe comprend tous les travailleurs du secteur privé. Ainsi, notre étude s’organise selon ce
même ordre prédéfini. Tout d’abord, ce sont les résultats du premier questionnaire autour de la
culture et de la langue portugaise qui seront présentés. Enfin, nous finirons par ceux du second
questionnaire qui se centre autour de l’identité et de la culture portugaise.
Tout d’abord, voici le graphe des travailleurs du secteur public pour le premier questionnaire :

94
Graphe 13 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les travailleurs du secteur public
(Bordeaux, France).

Dans ce graphe-ci, l’élément le plus frappant et le plus notable peut être l’adhésion écrasante
de la part des travailleurs du secteur public pour l’item « transmettre », relevant donc du fait que la
langue portugaise doit être transmise à la nouvelle génération. Cet item obtient un résultat de +2 sur
l’axe des abscisses. De plus, il est le seul à détenir un indice de consensus élevé. En effet, tous les
autres éléments confondus ne forment que de très petits cercles parfois imperceptibles. Cette netteté
et cette forte adhésion peut se traduire par le fait que de nombreux répondants travaillant dans le
secteur public sont un bon nombre d’enseignants venant d’universités mais aussi des maîtres de
conférence. Certains professeurs enseignent d’ailleurs le portugais en tant que matière et langue
d’enseignement. Il est donc évident que l’élément « transmettre » se hisse à la première place en
terme d’adhésion. De plus, l’item de marginalisation reste positif malgré un score faible de +0,31.
Les travailleurs du secteur public pensent donc que la langue portugaise est marginalisée dans le
système scolaire français. Encore une fois, cette affirmation touche toutes les professions de l’en-
seignement, et d’autant plus lorsque les enseignants apprennent à leurs élèves et étudiants le portu-
gais. Dans ce groupe, aucune affirmation n’est considérée comme neutre. Elles sont soit timidement
adhérées comme par exemple les deux éléments concernant la « socialisation » ou encore la musica-
lité de la langue. D’autres, sont timidement rejetées comme l’élément de « religion » ou encore ce-
lui de différence de langue entre le portugais des Franco-portugais et le portugais des Portugais.

95
Le deuxième groupe, qui encadre tous les travailleurs du secteur privé, ont des professions
plus variées. Ces enquêtés regroupent des plombiers, des électriciens, des cuisiniers, des salariés
dans l’immobilier mais aussi des routiers, des comptables, des techniciens ou même encore des ré-
ceptionnistes. Ainsi, le graphe de ces travailleurs se dessine de la façon suivante :

Graphe 14 : Les représentations sociales de la culture et de la langue portugaise chez les travailleurs du secteur privé
(Bordeaux, France).

Pour ce groupe, tous les items détiennent un rayon de cercle beaucoup plus important que le
graphe des travailleurs du secteur public. À cela, l’élément « transmettre » n’obtient qu’un score de
+1,54 en comparaison avec le score écrasant de ce même item de +2 pour les travailleurs du secteur
public. Par ailleurs, l’indice de consensus pour les travailleurs du secteur privé est de 0,107. Nous
retrouvons en revanche la « joie de vivre » qui semble être un élément important pour les tra-
vailleurs du secteur privé, avec un résultat égal à +1,21. Ces Lusophones accordent en revanche une
attention moins particulière au fait que les jeunes portugais et franco-portugais ne souhaitent pas
recevoir la langue portugaise, avec un score de -1,04. L’item de « religion » semble aussi différent
d’un groupe à l’autre. Le premier groupe situe la religion à gauche sur l’axe des abscisses avec un
résultat de -0,38 alors que le groupe des travailleurs du secteur privé adhère à cette affirmation

96
(+0,17). Bien que cette différence ne soit pas flagrante, nous notons un attachement plus fort et an-
cré de la part du second groupe.
De cette manière, il existe des avis qui divergent concernant ces représentations sociales, en
fonction de la catégorie socio-professionnelle des répondants. Ces dichotomies se manifestent par la
différence des professions où certains opinions et représentations semblent plus tranchées que
d’autres. Nous pouvons reprendre l’écrasante adhésion de la part des travailleurs du secteur public
pour l’élément « transmettre » avec un score de +2, alors que le groupe des travailleurs du secteur
privé ne l’ont qu’adhéré à +1,54.

Pour cette dernière analyse de cette recherche, nous reprenons les deux groupes précédents
et les avons confronté au second questionnaire concernant l’identité et la culture. La première étude
reprend donc les réponses et les résultats des travailleurs du secteur public. L’analyse des tra-
vailleurs du secteur privé clôturera ce quatrième et dernier chapitre.
Voici le graphe des travailleurs du secteur public concernant le second questionnaire qui leur a été
proposé :

Graphe 15 : Les représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise chez les travailleurs du secteur public
(Bordeaux, France).

97
La première remarque que nous pouvons faire sur ce graphe est l’absence de rejet ou
d’adhésion totale d’affirmations. En effet, le rejet qui figure le plus à gauche a un score de -1,23
alors que l’adhésion la plus forte est égale à +1,08. Ainsi, il semble que les représentations sur la
culture et l’identité portugaise soient moins évidentes et plus complexes à évaluer pour les répon-
dants.
En revanche, l’indice de consensus est élevé pour certaines affirmations. Tout d’abord, la « joie de
vivre », item le plus adhéré, détient un indice de consensus de 0,117. Les travailleurs du secteur pu-
blic semblent attachés à cette valeur qui caractérise la culture portugaise. Par la suite, l’affirmation
d’avoir la réputation d’être un « bon travailleur » atteint un score de +0,77 mais un indice de
consensus de 0,109. Ainsi, une majeur partie des répondants estiment que les Portugais et Franco-
portugais ont la réputation d’être de bons travailleurs. Enfin, la place de la religion comme pilier de
la culture portugaise est timidement rejetée par les enquêtés avec un score de -0,23 et un indice de
consensus proche de 0,100 avec un résultat égal à 0,093.
De cette manière, les travailleurs du secteur public accordent une grande importance à la
joie de vivre comme moteur de la culture portugaise et au fait que les Lusophones soient considérés
comme de bons travailleurs. En revanche, la religion qui a été souvent placée dans les précédents
graphes comme un élément neutre, se trouve ici rejeté, bien que cela reste timide.

Pour cette dernière étude, le graphe illustre les représentations sociales de l’identité et de la
culture portugaise des travailleurs du secteur privé :

Graphe 16 : Les représentations sociales de la culture et de l’identité portugaise chez les travailleurs du secteur privé
(Bordeaux, France).
98
À première vue, le graphe des travailleurs du secteur privé a l’air similaire que celui des tra-
vailleurs du secteur privé. Nous retrouvons certains éléments semblables comme les éléments « er-
reurs » et « culture conservatrice » qui conservent à eux deux un score négatif, ce qui constitue le
rejet de ces deux affirmations. Pourtant, le fait que les Portugais n’apprennent pas de leurs erreurs
est un item plus rejeté de la part des travailleurs du secteur privé, avec un résultat de -1,67, alors que
celui des travailleurs du secteur public est de -1,23.
En ce qui concerne les affirmations qui sont adhérées, l’item « bon travailleur » est considéré
comme davantage positif de la part des travailleurs du secteur privé (+0,92) que des travailleurs du
secteur public (+0,77). Pourtant, l’indice de consensus est plus élevé du côté du premier groupe
(0,109 pour le secteur public et 0,083 pour le secteur privé). L’affirmation « bon travailleur » déte-
nait une certaine attente dans l’enquête finale et particulièrement du côté des travailleurs du secteur
privé. En effet, nous pensions que cette catégorie allait profondément adhérer cette affirmation qui
est souvent relative aux métiers manuels et industriels. En effet, lorsqu’une personne n’appartenant
pas à la communauté portugaise décrit une personne lusophone comme ayant la réputation d’être un
bon travailleur, cela félicite les travailleurs dans le bâtiment et dans l’industrie. Pourtant, cette caté-
gorie a moins adhéré à cette affirmation. En revanche, les travailleurs du secteur public ont adhéré à
cet item en grand nombre, justifiant alors l’importance du rayon du cercle « bon travailleur ».
La religion est vue comme positive, bien que se rapprochant de la zone neutre, alors qu’elle est reje-
tée pour le secteur public. Enfin, nous pouvons noter une différence entre les secteurs publics et pri-
vés au niveau de l’élément « culture caméléon ». Les travailleurs du secteur privé le perçoit comme
quelque chose de positif (+0,58) alors que les travailleurs du secteur public l’ont rejeté (-0,08). Cela
témoigne que les deux groupes détiennent une approche différente de la culture portugaise. Là où
les travailleurs du secteur privé voient cette culture construite à partir de plusieurs valeurs, plusieurs
traditions et cultures venant de différents pays et/ou régions, les travailleurs du secteur public
pensent que la culture portugaise est uniforme et homogène.

À la fin de chaque questionnaire, deux questions ont été proposées à chaque enquêté, leur
permettant de répondre de manière un peu plus libre et dans la langue qu’il souhaitait. Les deux
questions sont les suivantes : « Selon vous, la langue portugaise est-elle une langue inutile ? Pour-
quoi » et « Comment interprétez-vous la notion de saudade ? ». Ces deux dernières interrogations
permettent de comprendre le lien des interrogés à leur langue et de comprendre comment ils inter-
prètent la notion de saudade.
99
Pour la première question, la plupart des répondants considèrent la langue portugaise comme utile
car elle est leur langue natale et que c’est avant tout un héritage de leurs parents et grands-parents.
Ils évoquent aussi son importance dans des échanges internationaux mais aussi car elle est parlée
dans plusieurs pays du monde. Enfin, d’autres répondants affirment que le portugais peut servir plus
tard pour la nouvelle génération. Très peu de Lusophones parlent de la langue portugaise comme
inutile. Les seuls ayant mentionné le portugais comme tel ont expliqué utiliser d’autant plus l’an-
glais que le portugais, de part son hégémonie.
Pour la seconde question, la notion de saudade a là aussi, rassemblé de nombreux Lusophones. La
notion de saudade renvoie pour la plupart d’entres eux à une nostalgie, un manque et au mal du
pays où il n’existe aucune traduction littérale. Elle renvoie à l’envie de revoir quelqu’un mais une
incapacité de combler ce désir. Un autre enquêté a évoqué cette notion comme une difficulté d’être
dans le moment présent ; c’est une nostalgie du passé mais aussi une projection du futur qui res-
semble à ce passé. Elle est ancrée dans la culture portugaise dans différents domaines comme la
musique, la littérature et le cinéma. La saudade est aussi liée à de bons souvenirs du pays natal ou
encore à un appel de ce pays. Cette notion qui renvoie à une profonde mélancolie se vit par déraci-
nement, où chacun la vit de manière différente avec souvent beaucoup de tristesse et un retour au
Portugal durant des vacances afin de pouvoir exorciser cette mélancolie et retrouver sa joie de vivre.
C’est finalement un mot qui résonne dans le coeur de tous les immigrés portugais. Enfin, la notion
de saudade serait d’après le philosophe Eduardo Lourenço, une mythologie nationale comme l’a
mentionné une enquêtée portugaise.
Finalement, la saudade est ancrée dans les mémoires des Lusophones de Bordeaux et constitue pour
certains une mélancolie, une tristesse et un manque, alors que pour d’autres elle évoque de bons
souvenirs du pays.

4.4 Synthèse du chapitre

Ces dernières observations qui clôturent ce mémoire nous rappellent à quel point le poids
parfois crucial des représentations sociales peuvent avoir une incidence sur des enquêtés, en fonc-
tion des différents facteurs que nous avons établi. Ces analyses nous ont permis d’ouvrir une fenêtre
d’observation sur ces Portugais à Bordeaux et voir leur lien à une langue, une culture et une identité
en particulière. Bien que les graphes ont pu se ressembler à certains moments, ils n’en restent pas
100
moins différents de part les avis qui divergent et de part les facteurs qui n’ont fait que modifier ces
graphes et analyses. En effet, l’élément de « transmission », bien qu’il ait été totalement adhéré la
plupart du temps, a tout de même connu des variations d’un groupe à un autre, en passant par
l’adhésion la plus totale (+2) à une adhésion un peu plus restreinte (+1). Dans la même lignée,
l’item « pauvre » du premier questionnaire n’a cessé d’être rejeté, mais cela s’est fait sur des degrés
différents : l’item a été tantôt totalement rejeté, comme très peu vu de manière négatif.
Ces représentations sociales, qu’importe les degrés d’adhésion ou de rejet que les enquêtés leur ont
donné, ne cessent de montrer l’importance de leurs liens à ces représentations et de la manière dont
ils les perçoivent, les cernent et les considèrent. Les représentations que nous avons étudié tout au
long n’ont pas eu pour but de catégoriser le portugais, l’identité et la culture portugaise mais plutôt
d’observer et d’analyser les représentations sociales qu’ont les Portugais sur eux-mêmes, une ana-
lyse endogène, à propos de leur langue, culture et identité. La finalité est de cerner pourquoi ces re-
présentations existent au sein de cette communauté et comment elles évoluent au sein des diffé-
rentes générations.

101
CONCLUSION GÉNÉRALE

Les représentations sociales, d’une manière générale, varient en fonction d’un groupe d’in-
dividus à un autre, en fonction du lien social au groupe et de la manière dont les individus
conçoivent ici la langue, l’identité et la culture portugaise. Cette recherche s’inscrit donc dans le
domaine de la sociolinguistique et plus précisément la linguistique de terrain. Ces représentations
qui ont pu être analysées grâce à la Méthode d’Analyse Combinée de Bruno Maurer (2016), ont
servi à comprendre la réalité de l’identité du groupe social des Portugais et Franco-portugais de
Bordeaux. Des résultats ont pu voir le jour à l’aide d’un questionnaire de pré-enquête, mais aussi
grâce à des questionnaires finaux.
En somme, et pour répondre aux différentes questions qui ont été posées au début de cette
recherche, les Portugais et Franco-portugais de Bordeaux se font des représentations sociales posi-
tives de leur langue, de leur culture et de leur identité. En effet, ils ont un désir profond de trans-
mettre leur langue à la jeune génération afin que ces derniers puissent profiter et partager aux côtés
des Anciens cette culture et cette langue. De plus, ils considèrent que l’identité portugaise, c’est
avant tout avoir la réputation d’être de bons travailleurs et que la langue portugaise aide en majeur
partie à la socialisation entre Portugais et Franco-portugais. A contrario, les enquêtés ne se repré-
sentent pas leur langue comme pauvre. De plus, ils rejettent de manière générale le fait que les Por-
tugais apprennent tardivement de leurs erreurs et que la jeune génération ne souhaite pas recevoir le
portugais comme langue, de la part de leurs parents. Enfin, les Lusophones ne considèrent pas leur
culture comme conservatrice, chose qui a été pourtant de nombreuses fois mentionnée dans la pé-
riode de pré-enquête. Enfin, ils ne considèrent pas leur identité comme le fait que cette dernière soit
liée à une souffrance de la terre natale. Pourtant, cette affirmation est étroitement liée à la notion de
saudade, notion que nous avons déjà vu auparavant et qui a été à de multiples reprises été pointée
comme pilier de l’identité portugaise.
Par la suite, il ne semble pas y avoir l’existence d’une perception différente de ces représentations
sociales entre l’ancienne et la nouvelle génération lusophone. En effet, il existe une différence de
ces représentations, mais celle-ci est visible entre le groupe de moins de trente ans et celui entre
trente et cinquante ans. De plus, les différences vont se percevoir entre les plus de cinquante ans et
le groupe entre trente et cinquante ans. Pour reprendre un de nos exemples, la religion avait été reje-
tée chez les plus de cinquante ans, ce qui peut paraître étonnant du fait que c’est par l’ancienne gé-
nération que la religion est souvent véhiculée, apprise et partagée. Par ailleurs, les moins de trente
102
ans avait aussi rejeté l’élément, mais de façon plus timide, rapprochant davantage la « religion » de
la zone neutre que de la zone de rejet. En revanche, le groupe entre trente et cinquante avait pris la
décision d’adhérer à cette affirmation.
Bien qu’il n’existe pas de différences notables entre l’ancienne et la nouvelle génération de luso-
phones, nous avons pu noter des différences de représentations au niveau du sexe, notamment au
niveau de la transmission, où les femmes portugaises ont davantage adhéré à cet item que les
hommes portugais. Des dichotomies se créent enfin entre les catégories socio-professionnelles des
répondants. Les travailleurs du secteur public ont, par exemple, adhéré de manière écrasante pour
l’item « transmettre » (+2) alors que les travailleurs du secteur privé ont eu un accord différent, no-
tant alors cette affirmation à un score de +1,54. Comme nous l’avons expliqué cette forte adhésion
est sans doute présente de part le nombre important d’enseignants appartenant au secteur public. Le
fait que les Portugais soient considérés comme de bons travailleurs est un élément qui a été d’autant
plus apprécié de la part du secteur privé que du public. Comme cela a été analysé auparavant, cette
affirmation prend souvent en considération les professions manuelles et industrielles, ce qui justifie
une plus forte adhésion de la part des travailleurs du secteur privé.
Nous constatons par ailleurs des limites à cette étude. En effet, nous pouvons constater que
notre échantillon égal à quarante-deux participants nous a offert un large choix de réponses mais ces
dernières auraient sans doute pu être élargies avec un échantillon plus important. Cependant, il faut
noter que si nous avions souhaité questionner toute la population portugaise à Bordeaux, nous au-
rions été confrontés à différents obstacles. Le premier reste la légitimité des réponses des enquêtés.
En effet, en rien nous pouvons confirmer le fait qu’un individu peut être portugais, si ce n’est que
de nous partager son récit de vie et des échanges dans la langue. Enfin, la communauté portugaise
reste une communauté discrète à la fois visible et invisible et parfois difficile à aborder bien que
cette dernière se soit parfaitement intégrée à la communauté française.
Pour finir, cette recherche qui s’inscrit dans la linguistique de terrain pourrait s’appliquer outre le
territoire français pour se diriger vers le territoire portugais. Il serait alors intéressant d’étudier ces
mêmes représentations sociales endogènes, mais du point de vue des Portugais habitant sur le sol
portugais, et pouvoir différencier nos actuels résultats avec ceux des Portugais résidant au Portugal.
Comme nous savons qu’une représentation sociale est une notion mouvante et changeante, nous
pourrons aussi attribuer le même questionnaire dans quelques années à de nouveaux Portugais et
Franco-portugais de Bordeaux et observer si leurs représentations sociales ont été modifiées ou si
ces dernières restent inchangées.

103
ANNEXES

Annexe 1 : Carte du Portugal.


Annexe 2 : Salazar : l’image de l’autorité, de la justice et du désintéressement.
Annexe 3 : 1er mai 1974, la révolution portugaise.
Annexe 4 : Questionnaire vierge dans la phase de la pré-enquête.
Annexe 5 : Seconde version vierge non-sélectionnée dans la phase de la pré-enquête.
Annexe 6 : Questionnaire vierge dans la phase de l’enquête (questionnaire sur la langue et la culture
portugaise).
Annexe 7 : Questionnaire vierge dans la phase de l’enquête (questionnaire sur l’identité et la culture
portugaise).
Annexe 8 : Carte de Bordeaux.
Annexe 9 : Résumé des enquêtés lusophones de l’enquête finale.

104
Annexe 1 : Carte du Portugal.

105
Annexe 2 : Salazar : l’image de l’autorité, de la justice et du désintéressement.

Annexe 3 : 1er mai 1974, la révolution portugaise.

—————————————
« Salvador da Patria » : « Sauveur de la patrie ».
« Tudo pela Naçaõ. Nada contra a Naçaõ » : « Tout pour la Nation. Rien contre la Nation ».
« Ditosa Patria que tais filhos tems » : « Bienheureuse Patrie, que de tels enfants vous avez ».
106
Annexe 4 : Questionnaire vierge dans la phase de la pré-enquête.

107
Annexe 5 : Seconde version vierge non-sélectionnée de la pré-enquête.

108
Annexe 6 : Questionnaire vierge dans la phase de l’enquête (questionnaire sur la langue et la culture portugaise).

109
Annexe 7 : Questionnaire vierge dans la phase de l’enquête (questionnaire sur l’identité et la culture portugaise).

110
Annexe 8 : Carte de Bordeaux.

111
Témoins Âge Emploi Nationalité

A 22 Hôtesse de l’air Portugaise

B 22 Étudiante Portugaise
C 22 Réceptionniste Franco-portugais
D 24 Étudiante en psychologie Franco-portugaise

E 25 Caissière dans un hyper- Franco-portugaise


marché

F 26 Responsable d'exploitation Franco-portugais


commerciale
G 27 Aide à domicile Franco-portugais
H 28 Assistante commerciale Franco-portugaise
dans l’automobile
I 28 Menuisier Portugais
J 29 Électricien Portugais
K 29 Responsable dans un ma- Franco-portugaise
gasin de chaussures
L 30 Secrétaire à la mairie de Portugaise
Cenon
M 30 Serveur Franco-portugais
N 31 Conseillère dans l’immo- Portugaise
bilier
O 32 Salariée dans l’immobilier Franco-portugaise
P 33 Assistante maternelle Franco-portugaise
Q 34 Mère au foyer Franco-portugaise
R 35 Cadre Français et Portugais
S 36 Enseignante Portugaise
T 37 Cuisinier Portugais
U 38 Assistante Franco-portugaise
V 41 Puéricultrice Portugaise
W 41 Enseignante Franco-portugaise
X 41 Enseignante Française et Portugaise
Y 43 Assistante maternelle Portugaise
Z 45 Maitre de conférences Franco-portugaise
A bis 46 Technicien Portugais
B bis 48 Infirmière libérale Franco-portugaise
C bis 48 Routier Portugais
D bis 48 Comptable Portugais

112
E bis 49 Vendeuse dans un atelier Portugaise
de réparation automobile
F bis 52 Enseignante Franco-portugaise
G bis 53 Plombier Portugais
H bis 54 Gestionnaire Portugais
I bis 55 Cordonnière multi-service Franco-portugaise
J bis 55 Enseignant Franco-portugais
K bis 56 Cariste Portugais
L bis 59 Plombier Portugais
M bis 60 CAP cuisinier serveur Franco-portugais
N bis 61 Chef de partie Franco-portugais
O bis 64 Retraité Portugais
P bis 68 Retraité Portugais

Annexe 9 : Résumé des enquêtés lusophones de l’enquête finale.

113
BIBLIOGRAPHIE

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117





TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ..................................................................................................................6

PREMIÈRE PARTIE : REPÈRES THÉORIQUES ET TERMINOLOGIQUES ...................12

CHAPITRE 1 : L’IMMIGRATION PORTUGAISE EN FRANCE (1916 À NOS JOURS) ..13

1.1 Données diachroniques et synchroniques .........................................................................13

1.2 La première vague d’immigration (1917-1956) ...............................................................14

1.2.1 Les Portugais en France : des travailleurs pour la guerre ....................................14

1.2.2 Le déclin de l’immigration à la fin de la guerre ...................................................14

1.3 La deuxième vague d’immigration (1956-1974) ..............................................................15

1.3.1 L’apogée de l’immigration portugaise .................................................................15

1.3.2 Le régime dictatorial de Salazar : une issue vers la France .................................16

1.4 La troisième vague d’immigration (1974 à nos jours)......................................................18

1.5 Les Portugais en France aujourd’hui ................................................................................19

1.5.1 La place géographique des Portugais en France ..................................................19

1.5.2 Le nombre de Portugais en France .......................................................................20

1.5.3 Le nombre de Portugais de la Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux ...........................20

1.6 Les sous-populations de Portugais immigrant en France .................................................21

1.6.1 Les hommes..........................................................................................................22

1.6.2 Les femmes ..........................................................................................................22

1.6.3 Les descendants d’immigrés portugais ................................................................22

1.6.4 Les exilés ..............................................................................................................23

CHAPITRE 2 : LA NOTION DE REPRÉSENTATION SOCIALE EN CONTEXTE..........24

2.1 La notion de représentation sociale ..................................................................................24

2.2 La notion de représentation linguistique...........................................................................29

2.3 La relation entre représentation sociale et représentation linguistique .............................30


118
SECONDE PARTIE : L’ENQUÊTE DE TERRAIN ..............................................................32

CHAPITRE 3 : THÉORIES GÉNÉRALES ...............................................................................33

3.1 Le choix de la méthode d’enquête de terrain ....................................................................33

3.1.1 Présentation de la Méthode d’Analyse Combinée de Bruno Maurer ...................34

3.1.2 L’utilité de la méthode MAC................................................................................35

3.1.3 Les limites de la méthode MAC ...........................................................................35

3.2 Application de la méthode MAC à travers une pré-enquête sur des sujets portugais et fran-
co-portugais à Bordeaux .........................................................................................................36

3.2.1 Élaboration des questions et de l’échantillon de la pré-enquête ..........................40

3.2.1.1 Le chronoprogramme de pré-enquête ......................................................40


3.2.2 Première question : qu’est-ce que vous évoque la langue portugaise ? ...............43
3.2.3 Deuxième question : qu’est-ce que vous évoque l'identité portugaise ? ..............45

3.2.4 Troisième question : qu’est-ce que vous évoque la culture portugaise ? .............46

3.2.5 Analyses et résultats de la pré-enquête .................................................................49

3.2.6 Échecs et difficultés de la pré-enquête .................................................................60

CHAPITRE 4 : QUESTIONNAIRES SUR LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES ENDO-


GÈNES DE L’IDENTITÉ ET SUR LA LANGUE PORTUGAISE À BORDEAUX ...................62

4.1 Présentation des questionnaires et de l’échantillon répondant aux questionnaires ..........62

4.2 Déroulement de l’enquête .................................................................................................63

4.2.1 Le chronoprogramme ...........................................................................................63

4.2.2 Choix de l’échantillon portugais dans les quartiers de Bordeaux ........................64

4.3 Observations et résultats de l’enquête ..............................................................................65

4.3.1 D'un point de vue général .....................................................................................66

4.3.2 Par sexe ................................................................................................................74

4.3.3 Par tranche d’âge ..................................................................................................82

4.3.4 Par catégorie socio-professionnelle ......................................................................94

4.4 Synthèse du chapitre .......................................................................................................100

CONCLUSION GÉNÉRALE ............................................................................................102

ANNEXES ...........................................................................................................................104
119
Annexe 1 : Carte du Portugal. .....................................................................................105

Annexe 2 : Salazar : l’image de l’autorité, de la justice et du désintéressement. .......106

Annexe 3 : 1er mai 1974, la révolution portugaise. ....................................................106

Annexe 4 : Questionnaire vierge dans la phase de la pré-enquête. .............................107

Annexe 5 : Seconde version vierge non-sélectionnée de la pré-enquête. ...................108

Annexe 6 : Questionnaire vierge dans la phase de l’enquête (questionnaire sur la langue


et la culture portugaise). ..............................................................................................109

Annexe 7 : Questionnaire vierge dans la phase de l’enquête (questionnaire sur l’identité


et la culture portugaise). ..............................................................................................110

Annexe 8 : Carte de Bordeaux. ....................................................................................111

BIBLIOGRAPHIE ..............................................................................................................114

TABLE DES MATIÈRES ..................................................................................................118

120

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