¶ 28-610-G-10

Diagnostic orthodontique
E. Lejoyeux

La plupart des patients consultent pour des raisons esthétiques. Tous les praticiens sont devenus
conscients de l’environnement parodontal, musculaire et articulaire de la denture. Ils disposent des
ressources quasi illimitées offertes par la conjonction de techniques orthodontiques, orthopédiques et
chirurgicales diverses et performantes. Si, comme nous le croyons actuellement, 75 % du succès d’un
traitement orthodontique repose sur la qualité du diagnostic, une large part de leur temps doit être
consacrée à l’étude des cas. L’idée d’une telle primauté n’est pas nouvelle puisqu’on peut en retrouver la
trace dès les années 1950 dans les publications orthodontiques françaises. Qu’est donc devenu le
diagnostic orthodontique ? Il a connu une évolution profonde, tout en conservant une base traditionnelle
incontournable. Après avoir réfléchi à sa nature, il est intéressant d’en parcourir les principales étapes,
d’évoquer les domaines où il s’applique, les moyens dont il dispose pour reconnaître et identifier les
anomalies, et les buts qu’on peut lui assigner. Quels sont les référentiels utilisables ? Existe-t-il un langage
particulier pour formaliser les conclusions ? Qu’appelle-t-on aujourd’hui un « bon diagnostic » ?
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Diagnostic ; Orthodontique ; Examen clinique ; Denture ; Dysharmonie ; Sourire ;

Analyse céphalométrique

Plan processus d’intégration logique d’informations, qui sont

interprétées à travers les connaissances et l’expérience, pour
¶ Nature du diagnostic orthodontique 1 constituer une « hypothèse de travail » permettant de prendre
certaines décisions. Cette démarche requiert des qualités
¶ Étapes du diagnostic 2
d’analyse, d’imagination et de perspicacité.
Ce que nous apprend le patient 2
Le praticien se fait détective : à l’aide de son jugement, des
Ce que révèle le dossier 2
facultés qui lui sont propres, il accumule des indices qui
¶ Expression du diagnostic 7 permettront d’arriver à la « connaissance » du problème réelle-
Référentiels 7 ment posé par son patient. Un fait important n’est jamais
Terminologie 8
signifié par un indice isolé. Le diagnostic orthodontique
Classifications 9
s’appuie donc sur une véritable enquête où se mêlent des
¶ Domaines du diagnostic 11 éléments qualitatifs, issus de la clinique, et des éléments
¶ Buts du diagnostic orthodontique 11 quantitatifs, obtenus à partir du dossier, lui-même constitué sur
¶ Conclusion 11 les bases de l’examen initial.
Deux points sont fondamentaux :
• la collecte des faits observés doit s’effectuer selon une
méthode précise, car, selon Ricketts [2], « l’observation qui
.

■ Nature du diagnostic
orthodontique
Le mot « diagnostic » est d’origine grecque. Il signifie connaî-
tre (gnôsko) à travers (dia).
Pour Château [1], c’est « une opération mentale qui consiste à
grouper les symptômes témoignant d’une déformation particu-
lière fréquente, pouvant relever de plusieurs causes ».
Pour Ricketts [2] , s’interroger sur les bases du diagnostic
revient à poser les rapports qui lient en général « faits d’obser-
vation et idées abstraites » et conduit à rapprocher diagnostic
orthodontique et méthode scientifique.
Comme l’expliquent Horowitz et Hixon [3], dans un ouvrage
intitulé La nature du diagnostic orthodontique, il existe de
nombreux aspects communs au travail du praticien et du
chercheur. Dans les deux cas, il s’agit de mettre en place un
n’est pas guidée par des idées est aveugle », ce qu’il explicite
en disant « le praticien a tendance à ne voir que ce qu’il a été
formé à voir et s’il n’a pas été formé, les vues sont très
limitées » [4] ;
• la nature de l’expérience acquise par le praticien sert de filtre
à la signification qu’il leur donne, car « l’individu interprète
ou élabore des hypothèses à propos d’observations inhabi-
tuelles en les confrontant à l’expérience stockée dans sa
mémoire. C’est ainsi que la connaissance antérieure de
chacun exerce une influence déterminante sur ce qui va être
appris ultérieurement. Les nouvelles données activent le
savoir acquis, même s’il est erroné. »(Gugino [5]).
Ainsi se trouve confirmée l’intuition d’Izard [6], qui écrivait :
« À l’époque, déjà lointaine, où l’on se contentait de traiter, et
par des moyens de fortune, les malpositions des incisives, il
n’était pas nécessaire d’étudier longuement le cas à traiter. À
mesure que progressa l’orthodontie, le diagnostic dut se préciser

Médecine buccale 1
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 28-610-G-10 ¶ Diagnostic orthodontique
davantage. Son importance est capitale ; il est bien évident que
sans un diagnostic complet et précis, il ne saurait exister de
bonne thérapeutique. »
■ Étapes du diagnostic
Le bilan orthodontique, puisque tel est le nom que donnent
la plupart des auteurs à cet « état des lieux », résulte d’une
enquête sémiologique qui comporte deux grandes parties :
l’examen du patient et l’étude du dossier.
Ce que nous apprend le patient
Examen général
Il débute dès la première consultation, par le choix des
questions qui doit permettre d’appréhender le contexte général
dans lequel évolue le patient et de commencer à se familiariser
avec sa personnalité :
• le motif de la visite doit être clairement précisé par le patient
lui-même s’il s’agit d’un adolescent ou d’un adulte, par les
parents dans le cas d’un enfant ;
• les antécédents familiaux : pathologies héréditaires, anomalies
dentaires, maladies parodontales ;
• l’état de santé passé et présent doit être précisé par la
communication du carnet de santé, s’il s’agit d’un enfant ;
• le niveau scolaire ou la vie professionnelle doivent être
évoqués.
Avant même que le patient ne s’installe sur le fauteuil,
posture et démarche révèlent certains traits de personnalité et
complètent l’appréciation du contexte de la consultation :
imposée par l’entourage, acceptée de bonne grâce ou mal vécue,
attendue avec crainte ou optimisme... Tous ces éléments
définissent la capacité de coopération du patient et donc le
niveau possible des objectifs de traitement.
L’examen clinique proprement dit débute alors. Tous les
auteurs accordent une importance primordiale à cette étape et
insistent sur la nécessité de recourir à une méthode. Château [1]
évoque l’examen neurologique comme modèle idéal, « car il est
systématique et toujours mené dans le même ordre ».
Examen exobuccal
Regard posé sur le visage, tantôt de face, tantôt de profil, qui
analyse les formes et au-delà, le praticien tente d’attribuer aux
structures faciales qu’il examine une valeur fonctionnelle et
plastique en considérant :
• leurs rapports généraux : symétrie des structures bilatérales,
proportions verticales et sagittales, forme générale du profil ;
• leurs caractères propres : longueur et épaisseur des lèvres,
forme du nez et des narines, développement des muscles
élévateurs, etc. ;
• leur tonus, en s’aidant d’une palpation complémentaire ;
• leur posture habituelle au repos, avec une attention particu-
lière portée à l’inocclusion labiale. Les lèvres sont-elles
courtes ? La denture est-elle sujette aux risques de traumatis-
mes ? Le mode ventilatoire est-il nasal, buccal ou mixte ?
(Fig. 1) ;
• leur mode fonctionnel, en particulier les mimiques, en
essayant de discerner ce qui se maintiendra parce que d’ori-
gine structurelle, donc génétique, et ce qui pourra évoluer car
secondaire aux dysharmonies squelettiques et occlusales qui
seront corrigées, aux obstacles ventilatoires ou aux forces
déformantes qui seront supprimés (Fig. 2).
On doit s’attacher principalement à l’évaluation esthétique
qui est l’élément clé dans le choix des objectifs de traitement.
La bouche est-elle protrusive ? Les lèvres se ferment-elles avec
effort ? La nécessité de faire reculer la denture s’impose à l’esprit
et avec elle surgissent ses éventuels moyens, dont la décision
d’extractions qui oriente tout le plan de traitement. Est-elle
rétrusive ? On pense alors repositionnement vestibulaire des
2 Médecine buccale
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
incisives et préparation par une éducation fonctionnelle pour
neutraliser l’enveloppe musculaire, en particulier labiale.
Traditionnellement, l’examen du visage de face a été plutôt
sous-estimé. Seul Ricketts [7] avait développé une mise en
relation de la largeur de la bouche avec celle du nez (Fig. 3).
La codification s’étend des bouches étroites, dont la largeur
est presque identique à la distance internarinaire, aux bouches
larges indiquant un traitement sans extractions pour éviter des
angles vides au niveau des commissures. Nanda [8], dans son
dernier ouvrage, complète l’étude en faisant intervenir la largeur
des yeux. La dimension transversale du visage est divisée en six
parties par le tracé de plans verticaux passant par les angles
externes des yeux, les commissures de la bouche et les ailes du
nez (Fig. 4).
L’équilibre du sourire dépend de la position de la denture par
rapport aux lèvres. Même non exposée, la denture contribue à
l’aspect (statique), à l’expression (dynamique) du visage par son
volume et sa position (3D).
Elle « remplit » un sourire, mais peut l’appauvrir lorsqu’elle
est mal placée ou n’a pas un volume en adéquation avec celui
de la face. Les repères pour le positionnement de la denture
sont tridimensionnels. Cette fonction primordiale de la denture
ne peut pas être idéalisée en fin de traitement si elle n’a pas été
prise en compte dès le départ. Il faut noter la valeur du corridor
buccal, la visibilité des incisives maxillaires et mandibulaires,
l’orientation du plan occlusal et l’exposition de la gencive
(Fig. 5).
Examen endobuccal
Là encore, l’œil enregistre des observations allant du général
au spécifique, tandis que la palpation précise certaines particu-
larités (voussures gingivales ou palatines, épaisseur et tonicité
linguale et jugale) :
• chemin d’ouverture : forme et amplitude ;
• état buccodentaire (hygiène, état gingival, présence de caries
soignées ou non, etc.) ;
• stade de dentition ;
• formule dentaire ;
• forme générale des arcades et signes d’encombrement ;
• insertion des freins : lèvres, langue, muscles des joues ;
• rapports d’occlusion
Ces éléments sont ainsi successivement évalués et les appré-
ciations sont notées sur la fiche d’examen.
C’est l’examen de la fonction occlusale dans sa dimension
cinétique qui domine cette phase. Les rapports interdentaires
sont évalués dans leur double rôle de « centrage » et de « gui-
dage ». On commence par les deux positions mandibulaires de
référence : intercuspidation maximale et relation « centrée ». Où
se situent les contacts ? Comment passe-t-on d’une position à
l’autre ? Le décalage est-il uniquement sagittal ou incorpore-t-il
une composante transversale ? Quelle est son amplitude ? Quels
sont les versants cuspidiens impliqués ?
Dans un second temps, on étudie les déplacements mandibu-
laires antérieur et latéraux. Qui prend en charge le guidage ? Le
groupe incisivocanin ou les dents cuspidées ? La fonction
repose-t-elle sur une ou plusieurs unités ? Les trajectoires sont-
elles régulières, symétriques ? Les questions s’enchaînent. Les
réponses déterminent certaines priorités dans les objectifs du
traitement et font varier le degré de difficulté réel de la
malocclusion anatomique.
Ce que révèle le dossier
Le dossier orthodontique est constitué de documents systé-
matiquement enregistrés auxquels doivent s’ajouter des docu-
ments complémentaires choisis selon l’âge du patient et les
besoins particuliers mis en évidence par l’examen clinique.
Documents incontournables
Ce sont les modèles d’étude, les photographies du visage face
et profil auxquelles s’ajoute maintenant une vue souriante de
 Diagnostic orthodontique ¶ 28-610-G-10

Figure 1. Inocclusion labiale chez deux patients

présentant une malocclusion de classe II division
1 comparable.
A, B. La longueur des lèvres et la ventilation sont
normales. La malocclusion est à l’origine de la
posture de repos.
C, D. Une lèvre supérieure courte et la ventilation
orale compliquent le tableau clinique.

A B

C D

Figure 2. Occlusion labiale avec participation

périorale totale comme le montrent la tension des
sillons nasogéniens et la contracture de la houppe
du menton (A, B).

A B

Médecine buccale 3
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 28-610-G-10 ¶ Diagnostic orthodontique
A B
Figure 4. Étude de la symétrie du visage et de la largeur de la bouche
selon Nanda.
trois-quarts, la radiographie panoramique des mâchoires, ainsi
que les téléradiographies de profil et de face prises en occlusion.
Un cas sert d’exemple.
Modèles d’étude
Ils sont exécutés au laboratoire à partir d’empreintes suffisam-
ment complètes pour permettre la reproduction de toutes les
dents présentes sur les arcades, mais aussi des procès alvéolaires
et des principaux freins et insertions musculaires. Les socles sont
taillés parallèlement au plan d’occlusion mandibulaire et fixent
les rapports d’occlusion habituelle en intercuspidation maximale.
Ils complètent l’examen endobuccal – forme des arcades et leur
symétrie – et permettent d’effectuer certaines mensurations
indispensables mais irréalisables directement en bouche – distan-
ces intercanine et intermolaire, périmètre de l’arcade et volume
de la denture – pour quantifier l’encombrement dentaire et
mettre en évidence une éventuelle dysharmonie dentodentaire
(Fig. 6).
Les rapports d’occlusion en vue palatine deviennent accessi-
bles. Une classe II molaire n’existe que confirmée par la relation
4 Médecine buccale
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
Figure 3.
A. Étude de la largeur de la bouche selon Ricketts.
B. Les commissures sont plus proches de la largeur des ailes du nez,
ce qui indique une bouche étroite.
de la cuspide mésiopalatine à la fosse centrale mandibulaire.
Très souvent, celle-ci est normale, et l’anomalie se limite à une
rotation distovestibulaire des molaires maxillaires beaucoup plus
facile à corriger.
Photographies
Elles complètent l’examen clinique pour apprécier les facteurs
de l’harmonie faciale [9] :
• les proportions : symétrie frontale, hauteur des étages et
rapport maxillomandibulaire ;
• le modelé du profil avec l’équilibre des saillies et des dépres-
sions, la valeur relative de ces éléments, les zones de jonction
nasolabiale et labiomentonnière ;
• la souplesse des contours labiaux qui témoigne de l’équilibre
fonctionnel des lèvres, dans leur capacité à permettre la
fermeture de la bouche sans effort ;
• la position de la denture par rapport aux lèvres qui détermine
l’équilibre du sourire (Fig. 7).
Radiographie panoramique
Elle est un document essentiel. Prise en occlusion ou en bout
à bout incisif, elle donne rapidement une idée générale des
pathologies dentaires et squelettiques, et permet de prescrire des
documents complémentaires spécifiques. Même sommaire, il
s’agit d’une image tomographique et la comparaison des deux
clichés (occlusion et propulsion) peut se révéler utile pour
apprécier la symétrie des structures condyliennes, de leurs
positions et de leurs déplacements (Fig. 8).
Téléradiographies de profil et de face en occlusion
Elles confirment et précisent les informations fournies par les
examens exo- et endobuccaux réalisés précédemment. Ces
clichés recèlent une telle mine de renseignements, et ils peuvent
être exploités de tant de manières, de l’inspection directe à
l’analyse informatisée, qu’il est impossible de toutes les énumé-
rer. On se contentera donc d’en évoquer certaines, qui nous
semblent irremplaçables. Ce jugement, que notre expérience n’a
cessé de confirmer, repose sur une proposition de Ricketts et
al. [10] , qui attribuent à la céphalométrie quatre fonctions
principales.
La première fonction est de nature qualitative. Elle fait appel
au sens de l’observation du praticien. Il s’agit d’inspecter pour
comprendre, c’est-à-dire d’apprécier la morphologie, de recher-
cher d’éventuelles pathologies et d’interpréter les conditions
physiologiques. Ainsi, de profil, l’inspection des structures
squelettiques et en particulier celles de mandibule, telle que la
 Diagnostic orthodontique ¶ 28-610-G-10

A B C D

E F

G H I J
Figure 5. Différents cas illustrant les principaux défauts de sourire et leur correction orthodontique.
A à D. Exposition de gencive.
E, F. Retrait des incisives maxillaires.
G, H. Malpositions des incisives latérales maxillaires.
I, J. Corridors buccaux larges.

A B
Figure 6. Évaluation de la forme de l’arcade et de sa symétrie (A), de la profondeur de la courbe de Spee (B).

propose l’analyse de Bjork [11] permet d’évaluer la typologie relative du maxillaire et de la mandibule, la forme de la cloison
faciale, indiquant simultanément mode de développement mais nasale et le développement des cornets (Fig. 9).
aussi équilibre musculaire et résistance osseuse. De face, on L’étude des tissus mous muqueux du couloir aérien postérieur
apprécie la symétrie des structures craniofaciales, la largeur permet d’apprécier le volume des végétations adénoïdes, des

Médecine buccale 5
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 28-610-G-10 ¶ Diagnostic orthodontique

A B C D
Figure 7. Analyse esthétique et fonctionnelle du visage (A à D).

wamygdales palatines, la position du voile du palais ainsi que

Figure 8. Symétrie de la mandibule, stade de denture adolescente,
position atypique des germes des dents de sagesse indiquant un fort
encombrement postérieur avec risque d’inclusion des 37-47.
celle de la langue, établissant le mode probable d’exécution de
deux fonctions dont les contraintes se cumulent : l’une primor-
diale, la ventilation, imposant ses conditions à l’autre, haute-
ment adaptative, la déglutition (Fig. 10).
Les trois autres fonctions sont de nature quantitative. Il s’agit
de mesurer pour décrire une condition initiale, des change-
ments intervenus et un projet thérapeutique. Analyse
céphalométrique [12], superpositions [13] et visualisation des
objectifs de traitement [14] se complètent et sont exécutées à
partir du tracé initial sur papier acétate. Cependant, l’influence
des techniques céphalométriques au moment des choix théra-
peutiques doit être relativisée. Une étude récente [15] montre que
les plans de traitement établis par dix cliniciens pour un groupe
de 48 patients présentant une malocclusion de la classe II
division 1 ne diffèrent pas significativement lorsque seuls des

A B
Figure 9.
A. Téléradiographie de profil montrant une typologie brachyfaciale modérée de la mandibule, un carrefour aérien postérieur largement ouvert et une
inocclusion labiale avec interposition de la lèvre inférieure et projection de la lèvre supérieure. Les lèvres apparaissent longues et hypotoniques.
B. Téléradiographie de face du même patient montrant des fosses nasales encombrées avec déviation de la cloison et hypertrophie des cornets du côté gauche
favorisant la ventilation orale.

6 Médecine buccale

© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 Diagnostic orthodontique ¶ 28-610-G-10

A B

C D
Figure 10.
A, B. Diagnostic téléradiographique et clinique d’amygdales volumineuses entraînant une obstruction basse pharyngée.
C, D. Projection antérieure de la langue dans un cas de biproalvéolie avec infraclusion antérieure.

moulages sont fournis, et/ou qu’on ajoute téléradiographies et

analyses céphalométriques. Deux groupes de patients ayant été
constitués, on procède à quatre évaluations à 1 mois d’intervalle
avec inversion des documents. On teste la différence entre les
combinaisons des trois modalités de traitement proposées :
fonctionnel, disjonction maxillaire et extractions. « Les déci-
sions pour l’établissement du plan de traitement sont entière-
ment basées sur les préférences du clinicien, elles-mêmes
fondées sur leur formation et des impressions cliniques subjec-
tives. L’apport de la céphalométrie en tant que document
diagnostique ne semble pas influencer le choix du plan de
traitement d’adolescents présentant une malocclusion de classe
II division 1 ».
D’autres documents complètent utilement le bilan déjà établi,
confirmant ou infirmant les hypothèses préliminaires. Il s’agit
• de radiographies :
C bilan rétroalvéolaire ;
C examen Cone Beam, qui remplace avantageusement clichés
occlusaux, tomographies et scanner ;
C main et poignet pour la maturation squelettique ;
• de l’analyse occlusale approfondie avec mise en articulateur
des modèles d’étude et enregistrement axiographique ;
• des observations effectuées par un oto-rhino-laryngologiste,
un pédiatre, un orthophoniste ou un psychologue.
■ Expression du diagnostic
Poser un diagnostic d’anomalie implique une comparaison
avec une situation de référence, un langage approprié et un
système de classifications adapté.
Référentiels
L’orthodontie du début du siècle s’appuie avec Angle [16], son
maître, sur l’idéal que représente The Old Glory, le crâne proposé
comme modèle de toutes les perfections. Margolis [17], avec les
possibilités nouvelles qu’ouvre la céphalométrie, le remet en
question : son occlusion apparaît certes toujours excellente,
mais sa denture est « prognathique comparée à celle des enfants
de la population blanche contemporaine ».
Il va jusqu’à ébranler la notion même de perfection comme
référence possible. « Il est temps pour l’orthodontiste d’éviter
l’emploi de l’expression face idéale car elle ne présente aucun
intérêt tant sur le plan scientifique que clinique. Un tel concept
ne peut être défini, car il n’existe pas. Sa signification varie
complètement selon les populations. Ce qui existe, par contre,
dans la face bien développée de l’être humain primitif ou
moderne, c’est l’équilibre. »

Médecine buccale 7
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 28-610-G-10 ¶ Diagnostic orthodontique
α = 2,5 %
m
1δ 1δ
–2δ ± 66 % 2δ
95 %
Figure 11. Distribution des probabilités selon la loi normale (courbe de
Gauss).
C’est cette valeur nouvelle, née du sentiment de la diversité
biologique, qui va être recherchée à travers le développement de
la biométrie. Ce qui apparaîtra, en fait, sera la normalité. Des
échantillons de populations non traitées, présentant naturelle-
ment une bonne occlusion dentaire et un équilibre esthétique
satisfaisant, provenant d’ethnies différentes, regroupées par âge
ou en fonction du sexe, vont être « réduits » à l’état de chiffres
par la grâce des analyses céphalométriques et seront passés au
moule de la courbe de Gauss ou « courbe en cloche » (Fig. 11).
Le normal s’exprime en termes de moyenne, centre de
distribution, entourée d’une marge de variation représentée par
le double écart-type, à l’intérieur duquel se situent 95 % des
sujets d’une population. Il se substitue à l’idéal comme système
de référence. L’intervention de l’ordinateur permet d’exploiter
des milliers de fichiers et d’intégrer de multiples facteurs,
enrichissant la connaissance descriptive mais essayant surtout
d’ouvrir la voie à l’explicatif par la recherche des liaisons entre
facteurs, telles qu’on peut les faire apparaître à travers les
corrélations et régressions multiples.
La méthode scientifique a remplacé le pragmatisme de
Schange [18] qui se contentait de noter à propos des anomalies
de la dentition : « l’opinion qu’on s’est formée à ce sujet est
basée sur un trop grand nombre de faits pour qu’on puisse la
contester, aussi est-elle généralement admise. »
Mais la simple détermination d’une moyenne et d’un écart-
type ne suffisent pas à l’interprétation clinique. Horowitz et
Hixon [3] font observer qu’« une norme ne peut servir, ni
d’objectif de traitement, ni d’outil pour distinguer le normal de
l’anormal, l’idéal de l’acceptable, l’acceptable du non-acceptable.
Dans toutes ces décisions doit intervenir le jugement
individuel. »
Chez Ricketts [2], la conception du normal est plus complexe.
Elle se forge à travers une quadruple approche : le pragmatisme
relevant de l’expérience clinique, complété par l’étude des
pathologies, l’analyse statistique de populations définies et la
connaissance des lois naturelles qui régissent les phénomènes
biologiques. Émergent de cette réflexion une norme clinique qui
représente un idéal conçu comme une moyenne et surtout une
déviation clinique qui indique la variation individuelle accep-
table par rapport à cet idéal. Elle est, dit Ricketts : « une
représentation artificielle de l’objectivité clinique et une
description du degré de difficulté ». En réduisant la « normalité
biologique » à la « normalité clinique » comprise entre un écart-
type de part d’autre de la norme, il précise le domaine de
l’intervention thérapeutique (Fig. 12).
Cette argumentation subtile ne change pas fondamentale-
ment le recours à un référentiel biométrique qui ne peut plus
nous satisfaire à une époque où le champ de l’orthodontie a été
élargi considérablement par la demande de patients de plus en
plus nombreux en quête de beauté, et de bien-être psychologi-
que et social. Toutes ces notions tendent à être balayées par la
8 Médecine buccale
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
68,26 %
0,3413 0,3413
0,0215 0,0215
0,1359 0,1359
α = 2,5 % –3 –2 –1 0 +1 +2 +3
Norme clinique
Norme biologique
A
Anomalie clinique
y
A B C D E F G x
X = Norme clinique
B
Figure 12. Utilisation clinique de la courbe de Gauss selon Ricketts [19].
A. Définition des normes.
B. Application à l’évaluation esthétique.
nécessité de traiter les patients en vue d’un optimum esthétique
et fonctionnel individuel. L’orthodontie a cessé d’être « norma-
tive ». Comme l’écrit Philippe [20] « l’orthodontie ne peut se
réduire à corriger ce qui est anormal, c’est-à-dire les situations les
plus extrêmes et les moins nombreuses. Cela ne correspond pas
à la réalité d’aujourd’hui, car, à côté des cas sévères, nous
traitons aussi des cas modérés, ce sont même, par définition, les
plus nombreux. »
En effet, la définition biométrique de la normalité inclut la
plupart des variations morphologiques que traite l’orthodontie
et qui pourtant font partie du normal.
Comment résoudre cette équation ? Peut-être en renonçant à
l’idée d’une « normalité morphologique » comme le conseille
Philippe. Conduisant son raisonnement au bout, il écrit
« l’orthodontie concerne donc les variations morphologiques
normales et anormales, non en fonction de leur importance, mais
en fonction des conséquences que peuvent provoquer des
variations même minimes, sur la santé, l’esthétique ou le
déroulement des fonctions. » [20].
Terminologie
« Le début de la sagesse est de nommer les choses en termes
appropriés » dit un proverbe chinois.
La description des anomalies observées s’effectue à l’aide d’un
langage spécifique, qui sert de moyen de communication à tous
les praticiens. Il est ainsi possible d’indiquer simultanément le
siège de l’anomalie, et la direction de l’espace dans laquelle elle
est observée, de préciser son niveau, son intensité et son sens.
Par convention, l’espace est divisé selon trois plans orthogonaux
de référence : le plan sagittal médian, le plan frontal et le plan
horizontal (Fig. 13).
La terminologie s’applique à l’ensemble des anomalies des
tissus mous, des mâchoires, des procès alvéolaires et des dents.
Elle distingue les dysmorphoses des anomalies cinétiques qui
concernent le chemin de fermeture de la mandibule. Pour le
système dentaire, on différencie les anomalies de forme, de
nombre, de position (rapports intra-arcades) des malocclusions
(rapports interarcades). Comme l’écrit Bassigny [21] : « elle
 Diagnostic orthodontique ¶ 28-610-G-10

Ils sont définis dans un dictionnaire publié par la Société

2 française d’orthopédie dentofaciale [22] qui résume les travaux de
sa commission créée en 1996 et dans lequel on trouve « la
définition des termes qu’elle a sélectionnés, des plus usuels aux
1 plus complexes, qui présentent un intérêt à la fois pour le
spécialiste qualifié et pour le praticien généraliste ».

3 a déjà observé qu’il existe « de fort nombreuses anomalies et
Figure 13. Les trois plans d’orientation.
n’évoque en principe, aucune idée d’étiologie, de pathogénie ou
de traitement ». Les termes les plus couramment utilisés sont
constitués :
• de préfixes : pro-rétro, endo-exo, infra-supra, auxquels on
peut ajouter micro-macro, dolicho-brachy pour la description
des anomalies de volume ;
• de radicaux d’origine grecque ou latine : chéilie, génie, glossie
pour les tissus mous, gnathie et alvéolie pour les mâchoires,
position et clusion pour les dents.
• de qualificatifs : maxillaire-mandibulaire, supérieur-inférieur
pour le siège, modéré et sévère pour l’intensité.
Classifications
« Sans classification, seul le chaos » écrivent Horowitz et
Hixon [3]. Une fois encore, l’idée n’est pas nouvelle. Schange [23]
variétés du système dentaire » et que « pour les saisir plus
aisément, et les rendre plus applicables » au traitement ortho-
dontique, il est nécessaire de les regrouper par genres. Les
classifications modernes sont construites autour des variations
situées en deçà et au-delà d’une situation d’équilibre considérée
comme idéale. Elles comportent donc en général trois classes
principales qui sont subdivisées en fonction de l’intensité de la
déviation par rapport à la classe centrale.
La plus ancienne et la plus universelle est, sans contestation
possible, celle d’Angle [16] qui codifie « les relations mésiodista-
les des dents, des arcades et des mâchoires » qui s’expriment par
le rapport entre les premières molaires maxillaires et mandibu-
laires (Fig. 14). La classe I représente la normalité. « La cuspide
mésiovestibulaire de la première molaire maxillaire est reçue
dans le sillon vestibulaire de la première molaire mandibu-
laire. ». Les dents antérieures et postérieures aux premières
molaires présentent les mêmes relations. La classe II caractérise
l’inversion progressive de cette relation de la forme « modérée »
ou « pointe à pointe » à la forme « sévère » ou « totale » et se
trouve divisée selon que les incisives maxillaires sont vestibulo-
versées (division 1) ou linguoversées (division 2). La classe III est
celle de l’exagération des rapports avec perte progressive du
surplomb incisif maxillaire qui passe du « bout à bout » dans la
forme « modérée » à l’inversion dans la forme « sévère ». Le
caractère asymétrique d’une malocclusion s’exprime en ajoutant
la mention « subdivision ».

l ll A

ll B lll
Figure 14. Classification d’Angle.

Médecine buccale 9
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 28-610-G-10 ¶ Diagnostic orthodontique
Figure 15.
A B
Figure 16. Classification simplifiée des anomalies fonctionnelles du comportement labial selon Ricketts
A. Inocclusion labiale.
B. Tension labiale.
C. Contraction mentonnière.
D. Succion de la lèvre inférieure.
E. Contraction sous-labiale.
Le profil squelettique est décrit, selon un modèle équivalent,
par Ballard [24]. Le décalage des bases maxillomandibulaires est
évalué en fonction des variations de l’angle ANB établies par les
travaux de la Northwestern University de Chicago. La classe I
est celle du profil normal, légèrement convexe, avec une valeur
moyenne de l’angle de 2°77 chez les enfants et 2°04 chez les
adultes, la classe II correspond à l’exagération de la convexité et
la classe III à l’inversion de la tendance en direction de la
concavité.
De nombreuses classifications très utilisées actuellement
concernent la typologie squelettique, élément de pronostic et
d’évaluation du degré de difficulté. La face est jugée « courte »
ou « longue », selon l’évaluation du rapport variable des
composantes verticale et horizontale de sa croissance. Le
vocabulaire varie selon les auteurs qui parlent d’hypo- ou
hyperdivergence [19], de type brachy- ou dolichofacial [25], de
deep-bite ou d’open-bite [26], mais toutes dérivent des travaux de
Bjork [27] qui décrit, autour d’un type équilibré, des « rotations »
antérieure et postérieure de la face et de la mandibule par
rapport au crâne (Fig. 15).
L’équilibre fonctionnel a fait lui aussi l’objet de recherches,
parmi lesquelles on peut citer celles de Ricketts [28, 29] qui s’est
10
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
Typologie faciale et mandibulaire selon Bjork [27].
C D E
[28].
concentré sur les dysfonctions labiomentonnières (Fig. 16). Les
sujets sont regroupés en trois grandes catégories selon :
• que la dysfonction est limitée aux lèvres (classe 1) :
C (A) lèvres courtes ;
C (B) prochéilie supérieure ;
C (C) éversion de la lèvre inférieure ;
• qu’elle s’accompagne d’une hyperactivité de la musculature
mentonnière (classe 2), en rapport :
C (A) avec une protrusion dentaire ;
C (B) avec une augmentation de la HEI ;
C (C) avec une protrusion dentaire et une augmentation de
la HEI ;
• ou qu’elle met en jeu des contractions péribuccales (classe 3) :
C (A) hyperactivité des fibres du dépresseur du menton (carré
inférieur) d’origine génétique ;
C (B) aspiration de la lèvre inférieure sous les incisives
maxillaires ;
C (C) contraction périorale associée à une déglutition
atypique.
Si les classifications demeurent un outil utile de description et
de communication en orthodontie, elles ont des limites que
Médecine buccale

souligne Moyers [30] sans indulgence. Il les décrit « toujours
incomplètes, toutes statiques par nature, étriquées dans leur point
de vue la plupart du temps, et mal appliquées, en général ».
■ Domaines du diagnostic
Dysharmonies esthétiques, dentosquelettiques, fonctionnelles,
anomalies dentaires et occlusales, pathologies dentoparodonta-
les, dysfonctions de l’appareil manducateur, ont été identifiées,
évaluées dans leur sévérité au cours du bilan orthodontique. Si
les bases du diagnostic positif sont maintenant disponibles, le
travail d’évaluation du cas est loin d’être terminé et de nom-
breux éléments manquent pour que puissent être fixés les
objectifs du traitement et ses moyens.
Tout d’abord, il faut examiner, parmi les symptômes observés,
ceux pouvant relever de plusieurs tableaux cliniques, afin
d’établir un diagnostic différentiel.
Toujours évident dans le cas d’anomalies dentaires, où le
document radiologique lève toute ambiguïté, il n’en ira pas de
même en ce qui concerne les dysharmonies occlusales, squelet-
tiques et dentosquelettiques.
Face à un profil convexe, comment conclure entre la progna-
thie maxillaire et la rétrognathie mandibulaire ?
Face à une biproalvéolie, comment choisir avec la dysharmo-
nie dentomaxillaire ?
Face à une déviation des médianes incisives, comment choisir
entre dysmorphoses asymétriques maxillaires et/ou mandibulai-
res, anomalie cinétique ou combinaison complexe des deux ?
Toutes ces questions s’éclaircissent parfois, grâce au diagnostic
étiologique et pathogénique : recherche des causes des maladies
(étiologie) et de leurs mécanismes d’action (pathogénie).
Il s’agit de comprendre par quel mécanisme ou quelle succes-
sion de mécanismes un état donné a pris naissance et est
éventuellement entretenu. Le diagnostic étiologique et pathogé-
nique confère aux symptômes une signification particulière qui
les inclut dans un tout au lieu de les considérer isolément. Il
apparaît comme le prolongement naturel du diagnostic
morphologique.
Il se fonde sur un principe général : toute morphologie est
l’expression d’un type particulier de développement dont le
contrôle est assuré par l’existence d’un programme génétique
dans l’exécution duquel interviennent des facteurs acquis pour
permettre des compensations ou pour créer des anomalies.
« La face est le résultat du transmis et du vécu. » [31].
Les mécanismes sont généralement complexes. Pour une
même déformation, il est rare que l’on ait à incriminer une
seule cause, et déceler la lésion initiale est souvent difficile. Pour
Moyers [32], « les anomalies orthodontiques correspondent à la
combinaison de variations mineures de la croissance et des
formes normales qui considérées séparément ne seraient pas
retenues comme anomalies. » Elles n’ont donc pas de causes
spécifiques comme certaines maladies. C’est en partant des sites
qui semblent impliqués de manière primaire que la réflexion
s’organise. On doit garder présent à l’esprit que ces sites
étiologiques disposent d’une capacité d’adaptation éminemment
variable et que le même facteur étiologique a donc des effets
différents en fonction des sujets. Enfin, on doit considérer qu’il
existe une hiérarchisation de la valeur des causes. Elles exercent
une influence différente sur le développement de la face suivant
leur époque d’apparition (héréditaire, congénitale, ou acquise
précocement ou tardivement), leur mode d’action (prédisposant,
adjuvant ou déterminant) et l’étendue de leur rayon d’action
(générale, régionale ou locale). Dans tous les cas sans exception,
la recherche des causes est indispensable, afin de provoquer ou
de vérifier leur disparition, car toute étiologie persistante
provoque, sauf compensation rarissime, l’échec thérapeutique
ou la récidive [33].
Médecine buccale
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
Diagnostic orthodontique ¶ 28-610-G-10
■ Buts du diagnostic
orthodontique
Selon Horowitz et Hixon [3], le but primordial du diagnostic
est de conduire à la prise de décision thérapeutique. Face à un
patient donné, quel que soit son âge ou son sexe, trois ques-
tions se posent :
• Doit-on le traiter ?
• Doit-on le traiter immédiatement ?
• Faut-il attendre pour prendre la décision ?
Dans le cas où on a répondu positivement à la première
question, il existe :
• une finalité secondaire : l’élaboration du plan de traitement ;
• une finalité tertiaire : l’estimation du pronostic.
Mais, comme l’explique Fontenelle [34], à la différence du
diagnostic médical, la description de la situation clinique
initiale n’induit pas automatiquement celle de fin de traite-
ment, ni les moyens thérapeutiques nécessaires pour y parvenir.
Entre la décision d’intervenir et le projet thérapeutique, il existe
une étape intermédiaire incontournable : le choix des objectifs
du traitement qui dépend de nombreux paramètres. Certains
sont liés au praticien, telles ses possibilités techniques, d’autres
sont liés au patient, tels les limites de sa coopération et le risque
de récidive. C’est ainsi, que par « provocation utile », il déclare :
« Il n’y a pas de diagnostic en orthodontie, mais seulement des
plans de traitement. »
■ Conclusion
Le diagnostic orthodontique apparaît donc comme une
démarche intellectuelle qui dépasse largement l’idée de classifi-
cation. L’esprit d’observation permet la collecte d’informations
si nombreuses qu’elles forment une matière brute d’apparence
disloquée. L’esprit de synthèse les organise en un ensemble de
faisceaux cohérents qui forme le corps du diagnostic positif.
Au-delà des formes, on cherche toujours à appréhender la
fonction, car l’une est le reflet de l’autre. Si dysharmonieuse
qu’apparaisse la denture d’un sujet, elle entretient avec son
environnement squelettique et musculaire une relation d’équi-
libre qui lui confère sa relative stabilité. Les changements
envisagés doivent s’inscrire à l’intérieur d’une enveloppe
fonctionnelle neutralisée, s’ils veulent être conservés au-delà du
temps relativement court du traitement.
C’est au cours de ce processus accumulatif de données qui
sont globalisées que naît l’appréciation du degré de difficulté et
du pronostic, sans lesquels aucun projet de traitement raison-
nable ne peut être établi.
Finalement, seule l’imagination permet d’extraire des objectifs
de traitement adaptés à la demande du patient, mais tenant
compte de son âge, des limites de sa coopération et des possi-
bilités techniques du praticien. Il reste donc toujours une part
intuitive dans les choix, qu’on essaie de limiter, en objectivant
le plus possible les effets escomptés de la thérapeutique. Le
praticien ne fonctionne pas uniquement comme un scientifi-
que. Une part artistique, car créatrice dans une mesure, existe
dans son travail. À partir d’un sujet donné, il participe à la
naissance d’un sujet nouveau, pas seulement grandi mais
transformé.
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
.
■ Références
[1] Chateau M. Méthode d’établissement du diagnostic morphologique.
In: Orthopédie dento-faciale(2) Clinique. Paris: CDP; 1993. p. 63-74.
[2] Ricketts RM. The scientific method and the concept of normality. In:
Provocations and perceptions in cranio-facial orthopedics.1(1). RMO;
1989. p. 73-93.
11
 28-610-G-10 ¶ Diagnostic orthodontique

[3] Horowitz SL, Hixon EH. The nature of orthodontic diagnosis. St Louis: [19] Schudy FF. The rotation of the mandible resulting from growth: its
CV Mosby; 1966. implications in orthodontic treatment. Angle Orthod 1965;35:36-50.
[4] Ricketts RM. The evolution of diagnosis to computerized [20] Philippe J. L’orthodontie vit et change. In: Convictions orthodontiques.
cephalometrics. Am J Orthod 1969;55:795-803. Paris: SID; 2006. p. 12-5.
[5] Lejoyeux E. Une philosophie orthodontique. Entretien avec Carl F. [21] Bassigny F. Le bilan orthodontique. In: Manuel d’orthopédie dento-
Gugino. Rev Orthop Dento Faciale 1991;25:137-46. faciale. Paris: Masson; 1991. p. 31-8.
[6] Izard G. Le diagnostic. In: Orthodontie (orthopédie dento-faciale). [22] Dictionnaire : Orthognathodontie (Orthopédie Dento-Faciale).
Paris: Masson; 1950 (p. 191-3). SFODF; 2007.
[7] Ricketts RM. Esthetics, environment and the law of lip relation. Am [23] Schange JMA. Des principaux vices de conformation de l’appareil den-
J Orthod 1968;54:272-89. taire. In: Précis sur le redressement des dents ou exposé des moyens
[8] Nanda R. Individualized orthodontic diagnosis. In: Biomechanics and rationnels de prévenir et corriger les déviations des dents; suivi de
esthetics strategies in clinical orthodontics. St Louis: Elsevier; 2005. quelques réflexions sur les obturateurs du palais. Paris: Béchet
p. 38-73. libraries; 1841. p. 60-71.
[9] Philippe J. Esthétique du visage. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), [24] Ballard CF. Recent work in North America as it affects orthodontic
Odontologie, 23-460-C-20, 1995 : 6p. diagnosis and treatment. Dent Record 1951.
[10] Ricketts RM, Bench RW, Hilgers JJ, Schulhof R. An overview of [25] Ricketts RM. Facial characteristics. In: Orthodontic diagnosis and
computerized cephalometrics. Am J Orthod 1972;61:1-28. planning (1). RMO; 1982. p. 31-3.
[26] Sassouni VA. Classification of skeletal facial types. Am J Orthod 1969;
[11] Bjork A. Prédiction de la rotation mandibulaire au cours de la crois-
55:109-24.
sance. Inf Dent 1971;50:4516-28.
[27] BjorkA. Facial growth in man, studies with the aid of metallic implants.
[12] Lejoyeux E. L’analyse céphalométrique. EMC (Elsevier Masson SAS,
Acta Odontol Scand 1955;13:9-34.
Paris), Odontologie, 23-455 E-20, 1987.
[28] Ricketts RM. The functional diagnosis of malocclusion. Trans Eur
[13] Lejoyeux E. Les techniques de superpositions en céphalométrie. EMC
Orthod Soc 195842-67.
(Elsevier Masson SAS, Paris), Odontologie, 23-455-E-30, 1988. [29] Ricketts RM. Facial art, the divine proportion and the science of
[14] Lejoyeux E. L’objectif visualisé de traitement. EMC (Elsevier Masson esthetics. In: Provocations and perceptions in cranio-facial
SAS, Paris), Odontologie, 23-455-E-60, 1988. orthopedics.1(1). RMO; 1989. p. 149-202.
[15] Nijkamp PG, Habets LL, Aartman IH, Zentner A. The influence of [30] Moyers RE. Classification and terminology of malocclusion. In:
cephalometrics on orthodontic treatment planning. Eur J Orthod 2008; Handbook of orthodontics. Chicago: Year Book Medical Publishers;
30:630-5. 1988. p. 183-95.
[16] Angle EH. Classification of malocclusion. Dent Cosmos 1899;41: [31] Delaire J. Les mécanismes de la croissance du squelette facial. In:
248-64. Chateau M, editor. Orthopédie dento faciale (1). Paris: CDP; 1975. p.
[17] Margolis HI. A basic facial pattern and its application in clinical 73.
orthodontics. The maxillofacial triangle. Am J Orthod 1947;33:631-41. [32] Moyers RE. Etiology of malocclusion. In: Handbook of orthodontics.
[18] Schange JM. Des vices de conformation provenant des dents en parti- Chicago: Year Book Medical Publishers; 1988. p. 147-63.
culier. In: Précis sur le redressement des dents ou exposé des moyens [33] Chateau M. Diagnostic et traitement étiologique. In: Orthopédie dento-
rationnels de prévenir et corriger les déviations des dents; suivi de faciale(2) Clinique. Paris: CDP; 1993. p. 107-23.
quelques réflexions sur les obturateurs du palais. Paris: Béchet [34] Terk B. Entretien avec Alain Fontenelle. Rev Orthop Dento Faciale
libraires; 1841 (p. 88). 1994;28:25-41.

E. Lejoyeux, Professeur à la faculté chirurgie dentaire, Paris VII (edith.lejoyeux@orange.fr).

32, boulevard de Courcelles, 75017 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lejoyeux E. Diagnostic orthodontique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine buccale,
28-610-G-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com

Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Au
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations quotidien

12 Médecine buccale

© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)
 Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et
em-premium.com :

1 autoévaluation
Cliquez ici

1 « Au quotidien »
Cliquez ici

© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 18/07/2011 par SCD UNIVERSITE D'ANGERS - (99124)