Vous êtes sur la page 1sur 18

¶ 26-454-B-10

Évaluation des fonctions supérieures


E. Eusop-Roussel, F. Rhein, P. Vassel, P. Colliot

Au même titre que les incapacités motrices et/ou sensorielles consécutives à une atteinte cérébrale, les
déficits cognitifs constituent une réelle entrave à la récupération fonctionnelle et limitent
considérablement les possibilités de réinsertion socioprofessionnelle. Le bilan neuropsychologique permet
non seulement d’évaluer ces troubles, leur sévérité et la nature des sous-systèmes de traitement de
l’information défectueux, mais il permet également de mettre en évidence les capacités préservées afin
d’orienter la prise en charge et d’optimiser la revalidation des fonctions déficitaires. Ce chapitre sur
l’évaluation des fonctions supérieures permet d’aborder des notions importantes en neuropsychologie. Il
ne s’agit pas de présenter un bilan neuropsychologique exhaustif car chaque évaluation est spécifique,
mais cet exposé vise, pour chaque grand système du fonctionnement cognitif (langage, mémoire,
fonctions exécutives, etc.), à donner des éléments fondamentaux et des principes généraux d’évaluation.
Ce chapitre insiste notamment sur la démarche spécifique du clinicien qui conduit, à la manière d’un
chercheur, un examen motivé sur le plan théorique. Afin de mieux appréhender la logique de l’évaluation
pour chacune des facultés cognitives présentées, quelques éléments théoriques sont rappelés et un ou
plusieurs modèles cognitifs de référence sont exposés. L’objectif ne consiste pas à établir un catalogue des
différents tests neuropsychologiques mais seulement à évoquer les principaux outils d’évaluation sans
entrer dans les détails méthodologiques mais en insistant davantage sur les spécificités et les limites de
chaque test.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Bilan neuropsychologique ; Cognition ; Fonctions mentales supérieures ;


Tests neuropsychologiques

Plan encore de son entourage. Elle s’inscrit donc dans une démarche
clinique et apporte une contribution majeure à l’établissement
¶ Introduction générale 1 d’un diagnostic de pathologie acquise, développementale,
dégénérative ou psychiatrique.
¶ Échelles d’évaluation du fonctionnement cognitif global 3
Grâce à une méthode rigoureuse issue de la psychologie
Ce qu’il est utile de comprendre 3
cognitive et expérimentale, l’examen a pour objet la détermina-
Exploration 3
tion d’un profil de fonctionnement cognitivocomportemental.
¶ Exploration des secteurs cognitifs spécifiques 4 Il permet de confirmer ou non la réalité d’un déficit, d’en
Sphère linguistique 4 évaluer la nature, d’en estimer l’intensité ainsi que l’évolution
Traitement visuel et spatial 6 (afin d’apprécier l’efficacité d’une thérapeutique ou d’affiner un
Praxies 8 diagnostic). L’établissement d’un profil cognitivocomportemen-
Sphère mnésique 9 tal précis apporte une contribution importante à la mise en
Fonctions exécutives 13 œuvre d’un programme de prise en charge. Les stratégies de
¶ Conclusion générale 17 rééducation dépendent en effet de la nature des perturbations
et des composantes de traitement demeurées intactes.
L’examen des fonctions supérieures est soumis à la coopéra-
■ Introduction générale tion du patient, et il n’est abordable que si la détérioration n’est
pas trop sévère et que la maîtrise de la langue est suffisante. De
La réalisation d’une évaluation des fonctions supérieures chez fait, l’examen offre des difficultés variables et donner un plan
l’adulte n’est pas une démarche anodine pour le patient, standard est toujours quelque peu artificiel. Il se trouvera en
comme pour le psychologue-neuropsychologue. Il s’agit en effet effet bouleversé en présence d’un patient présentant une
de comprendre la nature et l’expression de comportements et de pathologie manifeste comme une aphasie jargonnante ou une
tenter de faire le lien avec des substrats neurologiques. Cette cécité corticale.
démarche nécessite une approche spécifique et rigoureuse, Même si l’examen doit en principe concerner tous les secteurs
répondant à plusieurs caractéristiques. cognitifs (Tableau 1), la conduite de l’évaluation et le choix des
L’évaluation doit permettre de répondre à une demande tests sont régis par des hypothèses précises. Celles-ci sont
précise émanant soit du corps médical, soit du patient ou élaborées à la lumière de modèles de fonctionnement cognitif

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 1
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

Tableau 1.
Démarche d’évaluation des fonctions supérieures et choix des secteurs cognitifs explorés.
Plainte TC AVC gauche AVC droit Pathologie psychiatrique Diagnostic différentiel
mnésique (aphasie) (schizophrénie) de démence
Efficience intellectuelle
Mesure rapide + +
Mesure complète + +
Fonctions de base
Vitesse + + + + + +
Attention + + + + + +
Mémoire de travail + + Si possible + + +
Mémoires
Épisodique + + Si possible + + +
À court terme + + + + + +
Sémantique + + + +
Procédurale + Si possible
Prospective + +
Langage
Compréhension + + + +
Expression + + +
Phonologie +
Grammaire. Syntaxe +
Axe supralinguistique + + Si possible + + +
Calcul + + +
Praxies
Productions gestuelles + + +
Connaissances gestuelles +
Traitement visuospatial
Exploration + + + +
Coordination visuomotrice + + +
Attention visuospatiale + + + +
Gnosies visuelles + + +
Construction + + + +
Fonctions exécutives
Raisonnement + + Si possible + + +
Élaboration- abstraction + + + +
Planification + + + Si possible
Classement + + + Si possible
Inhibition + + + + +
Flexibilité + + + + +
Particularités I II III IV V VI
I. L’anamnèse est source d’informations précieuses concernant l’origine des difficultés - évaluer la sphère thymique – suivre l’évolution du profil ; II. Pas d’évaluation formelle
valide avant la fin de la période d’amnésie post-traumatique – évaluer le comportement et la conscience des troubles – favoriser les épreuves écologiques – passation souvent très
longue en lien avec le ralentissement global - tenir compte du niveau socioculturel dans l’interprétation des performances ; III. Examen formel pas toujours abordable,
notamment en cas d’aphasie sévère – À distance, intérêt d’apprécier le retentissement des troubles phasiques sur la mémoire épisodique et le raisonnement ; IV. Coopération
parfois difficile en lien avec l’anosognosie ; V. Importance du choix du moment de la passation suivant l’état psychiatrique du patient – évaluer l’intelligence sociale, l’état
d’anxiété et de dépression - tenir compte des traitements dans l’interprétation des performances ; VI. Évaluer la sphère thymique pour écarter le syndrome dépressif – distinguer
les profils de démence corticale des démences sous-corticofrontales – tenir compte du niveau socioculturel – proposer une évaluation comparative à 6 mois pour vérifier le
diagnostic ; TC : traumatisme crânien ; AVC : accident vasculaire cérébral.

du sujet normal et de corrélations anatomocliniques connues. les prédispositions du patient devant la démarche d’évaluation.
Ces hypothèses sont formulées selon l’objectif de l’examen, Ainsi, il obtient une première indication concernant ses
mais aussi à partir des éléments issus de l’imagerie cérébrale et capacités de jugement critique et sa conscience des troubles. Par
de la neurophysiologie (lorsque le clinicien en dispose), en exemple, un patient anosognosique n’exprimera pas spécifique-
fonction de l’histoire de la maladie et suivant les données ment de plainte, formulera des projets en inadéquation avec
recueillies lors de l’entretien clinique, préambule indispensable son état, cherchera à rationaliser ses difficultés ou affirmera
à toute passation. même que tout va bien et que l’examen n’est pas utile même si
Prendre le temps de mener un entretien clinique préalable- des perturbations sont déjà clairement identifiables au niveau
ment à une passation permet d’établir une relation avec le du discours.
patient et apporte de nombreuses informations cliniquement L’entretien est une phase essentielle de l’examen des fonc-
utiles. Les principaux objectifs sont de signifier au patient le tions supérieures. Il permet souvent, mais pas inéluctablement,
contexte de l’examen, de recueillir les éléments anamnestiques d’apprécier la faisabilité de la passation et l’existence de
(son mode de vie, son niveau scolaire, son parcours profession- perturbations, le plus souvent de nature mnésique (l’efficience
nel, l’histoire de la maladie, etc.), d’écouter ses plaintes, de de la mémoire rétrograde et antérograde, l’orientation tempo-
mesurer l’étendue du handicap et l’utilisation de moyens relle, l’organisation des événements dans le temps, les capacités
compensatoires, d’évaluer le contexte thymique, etc. Le clini- d’évocation, mais aussi l’existence de fabulations), phasique
cien peut aussi apprécier le niveau d’élaboration, les attentes et (cohérence et informativité du discours, compréhension et

2 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

ajustement conversationnel, prosodie, articulation, etc.),


exécutive et comportementale (inertie, désinhibition, discours
familier, etc.). Le choix des tests peut ainsi s’en trouver facilité.
Il arrive aussi qu’aucune perturbation ne transparaisse lors de
“ Point important
cet échange. La mise en situation du patient à travers les tests Une évaluation du fonctionnement cognitif global peut
permet alors de recueillir des données quantitatives (scores de être réalisée avant le bilan neuropsychologique à
réalisation, vitesse, etc.) et qualitatives (type d’erreurs, compor-
proprement dit pour :
tement durant la tâche), de pointer les secteurs cognitifs
• avoir un premier aperçu des déficits les plus marqués ;
déficitaires et ceux qui seraient mieux préservés.
L’utilisation de tests psychométriques, issus de la psychologie • situer globalement les performances du patient par
expérimentale, requiert une rigueur importante et nécessite une rapport à son niveau antérieur présumé ;
parfaite maîtrise de leur contenu, de leur procédure, de leurs • guider la suite du bilan.
objectifs et de leurs limites. Il est primordial d’avoir une
utilisation adéquate des consignes et de la procédure puisque
celles-ci vont offrir au patient une situation standardisée qui
l’asymétrie hémisphérique fonctionnelle en lien avec la préfé-
permettra de comparer ses performances aux normes recueillies
rence manuelle, la latéralité du patient est un élément impor-
dans les mêmes conditions. Les données sont exploitées à la
tant pour la réalisation et l’interprétation de l’examen
lumière de critères psychométriques notamment statistiques
neuropsychologique. Au-delà de l’entretien anamnestique, il
(moyennes, écarts-types, centiles, notes brutes/standards) et en
sera souvent utile de procéder à un interrogatoire plus précis. Le
fonction de critères de qualité (fidélité, représentativité,
questionnaire de latéralité le plus couramment utilisé est le
sensibilité, validité). Elles sont interprétées en référence à des
questionnaire d’Edinburgh [1] qui comporte dix questions se
modèles de fonctionnement cognitif (psychologie cognitive)
rapportant à la préférence manuelle (Quelle main utilisez-vous
élaborés chez le sujet normal.
pour : écrire, lancer, utiliser un ciseau, allumer une allumette,
L’établissement d’un profil cognitif demande un recueil de
etc. ?).
données suffisamment étayé. En effet, un seul test ne permet
Concernant le niveau culturel, sa connaissance est capitale
pas à lui seul de vérifier l’existence et la nature d’un déficit. Une
car l’évaluation d’un déficit se fait en référence à un ensemble
performance se situant dans les normes pour la tranche d’âge
d’hypothèses sur le fonctionnement cognitif antérieur du
n’exclut pas non plus l’existence d’un déficit qui peut se
patient et sur ces domaines particuliers d’expertise. Il est donc
manifester dans une autre situation. Le test reste une situation
primordial d’obtenir des informations sur le passé scolaire et
de laboratoire qui « épure » la complexité de l’interaction entre
professionnel du patient. L’idéal est de procéder à un entretien
plusieurs fonctions cognitives. Il réduit les interférences, limite
précis et d’essayer d’obtenir un descriptif détaillé des trajectoires
la prise d’initiatives, le caractère inhabituel ou imprévu, ainsi
scolaires (redoublement, matières dans lesquelles le patient était
que les dimensions temporelles (pourtant importantes dans
bon élève et celles où il se trouvait plus en difficulté, éventuels
l’estimation de la fatigabilité).
retards d’apprentissage, etc.) et professionnelles du patient
L’évaluation des fonctions supérieures permet de signaler
(trajectoire professionnelle, progressions, niveau de responsabi-
l’existence d’un déficit cognitif, mais ne permet pas de se
lités, etc.). Il reste néanmoins souvent difficile d’estimer, sur la
prononcer sur le handicap qui en découle. À ce titre, il convient
base des seules informations anamnestiques, le niveau d’effi-
réellement de connaître ces outils et de rester prudent quant à
cience intellectuelle prémorbide présumée. Dans de rares cas, on
l’utilisation des informations qu’ils fournissent.
dispose d’informations antérieures extraites d’un examen
En somme, l’évaluation des fonctions supérieures est une
neuropsychologique précédent et l’évaluation du déficit se fait
démarche spécifique répondant à une demande précise traduite
alors par une comparaison entre la performance actuelle et les
sous la forme d’hypothèses à vérifier. Cela demande de la part
performances antérieures. Cependant, le plus souvent, on ne
du clinicien une bonne connaissance de la pathologie et des
dispose pas de telles données. Quelques tests sont néanmoins
outils ainsi qu’une extrême prudence quant à l’utilisation des
régulièrement utilisés pour procéder à l’évaluation du niveau
données recueillies, notamment dans leur analyse et leur
prémorbide des patients. On considère habituellement que
interprétation.
certains tests de langage peuvent donner une idée du niveau
On distingue généralement deux grands types d’épreuves : les
antérieur car ils sont bien corrélés au niveau d’éducation et
échelles de fonctionnement cognitif global et les épreuves
qu’ils résistent assez bien aux effets des atteintes cérébrales
spécifiques explorant un secteur cognitif particulier : la
(exemple : vocabulaire, niveau de lecture, questionnaires de
mémoire, le langage, les fonctions exécutives, etc. Lors des
culture générale).
premières tentatives de rééducations neuropsychologiques, seule
la fonction linguistique fut prise en compte dans la mesure où
elle constituait un pôle d’intérêt multidisciplinaire. Puis, Exploration
progressivement, les praticiens ont été confrontés à des cas
cliniques qui cumulaient aphasie et altération d’une ou de Évaluation de l’efficience intellectuelle actuelle
plusieurs autres fonctions supérieures et ont ainsi été amenés à Les tests d’intelligence sont des procédés psychométriques,
envisager non seulement leur évaluation sémiologique mais c’est-à-dire des ensembles de questions et de tâches standardi-
également certaines formes de thérapie. Parmi ces fonctions, le sées destinées à évaluer le potentiel de l’individu à se comporter
traitement visuel et spatial fait désormais partie intégrante de de façon efficace et adaptée. Le terme de QI (quotient intellec-
l’évaluation neuropsychologique. tuel) a été initialement employé pour décrire une méthode
Actuellement émerge un champ d’évaluation fondé sur des permettant de comparer le score d’un enfant à l’échelle d’intelli-
situations proches de la vie quotidienne mais l’utilisation de ces gence de Binet, aux résultats d’enfant du même âge.
tests écologiques reste assez marginale en pratique clinique L’échelle d’intelligence globale de Wechsler (WAIS) [2-4] utilise le
courante. même procédé pour l’appréciation de l’intelligence en compa-
rant la performance d’un individu d’un âge donné avec les
■ Échelles d’évaluation résultats obtenus par un groupe d’individus de même âge. La
WAIS-R (version révisée [3]), comme la WAIS III (version la plus
du fonctionnement cognitif global récente [4]), sont divisées en différents subtests, faisant appel à
des habiletés verbales (questions de vocabulaire, compréhension
etc.) et visuospatiales (cubes, assemblage d’objets, etc.). L’échelle
Ce qu’il est utile de comprendre verbale et l’échelle de performance ainsi définies peuvent être
Tout examen neuropsychologique nécessite au préalable une administrées séparément ou ensemble et donnent respective-
évaluation de la latéralité et une connaissance du niveau ment un QI verbal, un QI de performance, et un QI total
culturel ou du niveau antérieur présumé. En effet, au regard de lorsqu’elles sont regroupées. Bien entendu, l’application de

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 3
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

l’échelle dans sa totalité est recommandée pour tout sujet ne C la place du sujet, suivant qu’il produit (versant expressif),
souffrant pas de troubles du langage qui limiteraient les transcode (transfert d’une modalité à l’autre) ou encore
possibilités de passation de l’échelle verbale et/ou de troubles décode du langage (versant impressif) ;
visuels ou moteurs qui ne permettraient pas la réalisation des C la modalité, qui peut être orale ou écrite ;
épreuves de performance. L’échelle réalisée dans sa totalité C les aspects automaticovolontaires et contraints ;
fournit alors un éventail complet des capacités des sujets à C la grammaire et la syntaxe ;
travers la variété des tâches proposées. Au début de l’évaluation C la sémantique (connaissances conceptuelles du sens et de
neuropsychologique, cette échelle permet souvent d’orienter la l’utilisation des « choses », dont les mots, stockées en
suite du bilan. En effet, non seulement cet outil permet de mémoire sémantique) ;
situer le sujet du point de vue de son efficience intellectuelle,
C la phonologie (traitement de l’information sonore verbale).
mais pour chaque subtest utilisé, on dispose de notes standards
Les désorganisations du langage sont désignées par les
qui permettent de comparer directement les performances du
aphasies. Les caractères sémiologiques des aphasies sont
sujet à une épreuve spécifique, à celle du groupe de référence
constitué de sujets du même âge. définis suivant les perturbations d’un ou de plusieurs
En revanche, cette échelle d’intelligence est peu appropriée aspects ci-dessus. L’examen comporte une analyse de
aux personnes de petit niveau socioculturel, aux patients chacun ;
présentant de gros déficits cognitifs et aux personnes dont le • le discours, axe supralinguistique tributaire de l’état mental, du
français n’est pas la langue maternelle. Pour ces derniers, niveau d’élaboration, de la fluidité de la pensée, des fonctions
d’autres mesures du niveau intellectuel global peuvent être exécutives.
utilisées.
Les matrices progressives de Raven (PM38) [5] permettent, par Exploration
exemple, sur la base de tests non verbaux, d’obtenir un score L’examen du langage doit être réalisé après le contrôle de
convertible en QI. certains facteurs propres au sujet : le sexe, l’âge, la latéralité
manuelle, les origines et le niveau socioculturels, la langue
Échelles d’évaluation rapide des fonctions maternelle, les habitudes de lecture (illettrisme, analphabé-
cognitives tisme), l’audition et la vision, ainsi que la motivation et le
stress.
Les outils d’évaluation rapide des fonctions cognitives ne
Il comporte une analyse du langage oral, puis de la lecture et
constituent pas à eux seuls le bilan neuropsychologique mais ils
de l’écriture et est aussi bien abordé dans des conditions de
permettent très rapidement (en quelques minutes) de cibler les
langage spontané (lors de l’entretien, le premier contact avec le
déficits les plus marqués et d’orienter le bilan neuropsychologi-
patient permet souvent de repérer quelques grands traits de
que à l’aide d’épreuves plus spécifiques.
perturbations) que dans des conditions dites « contraintes »,
Le Mini Mental State (MMS) [6], sans doute le plus utilisé,
permettant une analyse des différents aspects cités
donne une évaluation de l’orientation spatiotemporelle, de
précédemment.
l’apprentissage, du contrôle mental, de la compréhension, etc.
Il existe des échelles standardisées, utilisées dans la pratique
Néanmoins, ce test reste très sensible au niveau culturel avec un
clinique courante : test pour l’examen de l’aphasie de Blanche
effet « plafond » pour les personnes de haut niveau. De plus, il
Ducarne [8], l’échelle de Goodglass et Kaplan [9], le protocole de
ne permet pas de préciser l’étiologie des troubles car il est trop
Montréal-Toulouse [10] , l’échelle de compréhension verbale de
succinct.
Bordeaux (ECVB) [11]. Elles offrent un certain classement de
Le test d’évaluation rapide des fonctions cognitives (L’ERFC) [7],
l’aphasie et une quantification des performances.
est hautement corrélé avec le MMS. Il permet, en moins d’un
La conduite de l’examen du langage s’inspire aussi de modè-
quart d’heure, un mini-examen neuropsychologique étudiant
les cognitifs de traitement de l’information, modèles en cons-
l’orientation, l’apprentissage, la mémoire immédiate, le raison-
tante évolution. Selon l’approche cognitive, une tâche de
nement, etc.
langage est décomposable en plusieurs étapes. Par exemple, la
Ces évaluations rapides ne nécessitent pas de matériel
lecture d’un mot à haute voix nécessite de manière séquen-
particulier et peuvent être réalisées au lit du patient afin
tielle :
d’obtenir un profil neuropsychologique succinct qui devra être
• une analyse visuelle ;
affiné à l’aide d’un bilan standardisé plus approfondi.
• un traitement de cette information dans le lexique orthogra-
phique ;
• puis dans le lexique phonologique via ou non le système
■ Exploration des secteurs sémantique ;
cognitifs spécifiques • l’information est ensuite provisoirement stockée en mémoire
tampon phonologique le temps de la réalisation des gestes
moteurs pour la production articulatoire. Le principe est de
Sphère linguistique tester chacune des étapes du modèle afin d’identifier la
nature du déficit.
Ce qu’il est utile de comprendre
Expression
La sphère linguistique comprend plusieurs axes :
• l’axe moteur, régi par l’appareil buccophonatoire, produisant : Pour la modalité orale, le principe de l’évaluation de l’expres-
C la parole, dont les perturbations sont à l’origine des sion est d’écouter le patient dans un certain nombre de situa-
dysarthries (elles correspondent à une articulation défec- tions. L’association des tâches proposées doit permettre
tueuse). On distingue principalement les dysarthries d’apprécier la fluence (débit) et la fluidité du discours, la
richesse syntaxique, idéique et sémantique, la structure de
cérébelleuses, parkinsoniennes en lien avec une atteinte du
l’énoncé mais aussi de repérer des erreurs de langage (parapha-
système pyramidal, les dysarthries paralytiques du syn-
sies, manque du mot, agrammatisme, dyssyntaxie...) et des
drome bulbaire et pseudobulbaire... ;
erreurs supralinguistiques (des productions verbales prolixes,
C la voix ; les anomalies résultant de lésions des organes extravagantes ou persévératives, les digressions...). Parmi les
phonatoires (laryngite, tumeur du larynx, dystonie des tâches les plus courantes, on relève :
cordes vocales) produisent les dysphonies alors qu’une • la narration (récit d’une histoire connue ou du vécu proche
perturbation des variations acoustiques (rythme, timbre et du patient, description d’une scène visuelle). Cette épreuve
inflexion de la voix), permettant de moduler la voix, induit complexe offre une approche assez globale des différents
une dysprosodie ; aspects du langage ;
• le langage, instrument de communication. Il se définit suivant • la dénomination d’objets ou d’images ;
plusieurs aspects : • la répétition de syllabes, de mots, de non-mots et de phrases ;

4 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

• la fluence verbale et catégorielle (évoquer le plus de mots La référence aux modèles cognitivistes est assez timide dans
possible commençant par une lettre ou appartenant à une la démarche d’évaluation des capacités de compréhension. Il
catégorie sémantique en un temps limité) ; existe plutôt une approche assez globale qui consiste à proposer
• la concaténation de phrases (construire une phrase à partir de des épreuves de type :
deux ou plusieurs mots). • exécution d’ordres simples (montrez-moi votre nez... prenez
Pour la modalité écrite, il s’agit également d’analyser les ce crayon et touchez votre joue...) ou, à choix multiple
productions du patient tout en sachant que l’écriture est un (épreuve connue des trois papiers de Pierre Marie « voici trois
geste moteur impliquant des compétences praxiques et visuo- papiers, un petit, un moyen et un grand. Le petit, vous le
spatiales (on écrit de gauche à droite, et de haut en bas), associé jetez par terre, vous gardez le moyen et vous me remettez le
aux aspects langagiers (la connaissance du code graphique, les grand »), the Token test [13] ;
connaissances lexicosémantiques, les connaissances phonologi- • désignations (images, figures géométriques, couleurs...) ;
ques). L’examen doit permettre de repérer une agraphie dont la • appariement de mots ou phrases (lus par l’examinateur/par le
nature dépendra donc de la compétence touchée. C’est pour- sujet) avec des images ;
quoi on distingue : • compréhension de textes (lus par l’examinateur/par le sujet) ;
• les agraphies de nature langagière (on relève alors des signes • définition de mots suivant une présentation auditive/écrite.
de dysorthographie, dyssyntaxie, agrammatisme, mais aussi Les épreuves ci-dessus permettent surtout de vérifier l’exis-
un appauvrissement de la production, des omissions de lettres tence d’un trouble de la compréhension, mais elles ne sont pas
ou syllabes, voire de la jargonagraphie, de la paragraphie ou suffisantes pour définir la nature de la perturbation, d’où
même des néologismes ...) ; l’intérêt d’analyser finement les erreurs avec des épreuves moins
• l’agraphie apraxique (il s’agit d’une atteinte du savoir-faire complexes et de tester les capacités en interaction avec la
gestuel, pouvant être à l’origine d’une déformation des lettres compréhension comme les systèmes phonologique et sémanti-
jusqu’à une impossibilité totale d’écrire et cela, indépendam- que, mais aussi la mémoire à court terme.
ment d’une paralysie) ; La compréhension écrite est évaluée de manière générale avec
• l’agraphie spatiale liée à une négligence spatiale unilatérale le même type d’épreuves que pour la compréhension orale tout
(on remarque alors des omissions de lettres et/ou syllabes, en faisant référence également au traitement cognitif sous-
une réduction de l’écriture dans l’hémi-espace droit). jacent à la lecture.
Dans la perspective cognitiviste, on peut écrire un mot en La lecture dépend avant tout des capacités de balayage visuel.
accédant directement à sa forme orthographique stockée dans Une hémianopsie latérale homonyme ou une négligence
un lexique (voie lexicosémantique) ou en se fondant sur la spatiale unilatérale peuvent altérer la prise d’informations
prononciation (voie phonologique) (c’est le modèle à double visuelles, c’est pourquoi ces signes doivent être recherchés. En
voie de McCarthy et Warrington [12]). On parle alors de dysor- outre, comme l’écriture, la lecture d’un mot peut se faire grâce
thographie lexicale ou de surface lorsque l’accès à l’écrit ne se à la voie phonologique (à partir de la prononciation) ou par la
fait que par la voie phonologique. Les logatomes et les mots voie lexicale (la forme du mot est stockée dans un lexique
réguliers (quelle que soit leur fréquence) sont ainsi bien visuel). Une perturbation de la voie phonologique (dyslexie
orthographiés, contrairement aux mots irréguliers avec souvent phonologique) rend inaccessible la lecture de non-mots, alors
un effet de fréquence des mots (les mots les plus fréquents sont que celle des mots est mieux préservée. Une altération de la
plus accessibles). On parle de dysorthographie phonologique voie lexicale (dyslexie de surface) donne l’impression d’un
lorsque les mots sont écrits uniquement grâce à la voie lexico- lecteur débutant parce que seule la lecture par le déchiffrage
sémantique. Les logatomes (suite de syllabes ne constituant pas syllabique est conservée, les mots réguliers et les logatomes sont
un mot) sont ainsi mal orthographiés mais les mots réguliers et bien déchiffrés alors que les mots irréguliers sont lus difficile-
irréguliers sont dans l’ensemble bien orthographiés, avec parfois ment, en particulier s’il s’agit de mots peu fréquents. L’examen
un effet de concrétude des mots (les mots les plus concrets sont précis de la lecture consiste à proposer des épreuves de lecture
mieux orthographiés). La dysorthographie profonde est liée à de complexité croissante (mots, non-mots, phrases, textes) dans
une perturbation des deux voies, entraînant une incapacité à le respect d’un contrôle strict des facteurs psycholinguistiques.
écrire les non-mots, des erreurs concernant les mots réguliers et
irréguliers, en particulier les moins fréquents et ceux apparte- Système phonologique
nant à une certaine classe (verbes, adjectifs). Les troubles phonologiques [14] sont souvent moins bien
Les épreuves utilisées pour l’expression écrite sont superposa- explorés car l’intérêt du traitement du son n’a pris un essor que
bles à celles de la modalité orale : la production spontanée (la plus récemment, comparativement aux autres aspects du
manière la plus simple est de demander au patient d’écrire une langage. Pourtant, un déficit dans le traitement des informa-
phrase de son choix), la description d’une scène visuelle ou la tions sonores induit des paraphasies phonémiques et des
narration, la dictée et la copie de lettres, syllabes, mots, non- néologismes avec un retentissement réel sur le discours, la
mots, phrases et paragraphes de complexité croissante, la lecture à haute voix, la répétition, l’écriture sous dictée, etc.
concaténation de phrases (à partir de deux ou plusieurs mots). L’évaluation doit comprendre des tâches impliquant une
Le respect scrupuleux des variables psycholinguistiques (la production verbale à la suite d’une entrée dans des modalités
lexicalité, la régularité orthographique, le voisinage orthogra- diverses (mot écrit, mot entendu, image) mais aussi des tâches
phique, la classe grammaticale, la longueur, la concrétude, etc.) impliquant la forme sonore des mots sans production orale, et
permettra de déterminer la nature du déficit. cela, dans le respect du contrôle de la complexité syllabique,
métrique et phonologique. L’examen consiste à répondre aux
Compréhension objectifs suivants :
La notion de compréhension orale recouvre plusieurs capacités • déterminer si le patient éprouve des difficultés dans le
qui correspondent à des étapes de traitement du langage : la traitement des informations acoustiques (audiogramme,
perception des sons, le décodage phonémique, le traitement tâches de discrimination phonémique, évaluation des gnosies
sémantique des mots, la compréhension de l’ordonnancement auditives) ;
syntaxique des mots, la mémoire de travail, etc., comme en • déterminer s’il existe une difficulté pour accéder aux repré-
réfèrent les modèles cognitivistes. Les capacités de compréhen- sentations phonologiques (tâches de décision lexicale ou dire
sion orale dépendent également des capacités supralinguistiques si les formes sonores de mots correspondant à des images
(fonctions exécutives notamment) dont les perturbations sont homophones) ;
peuvent être à l’origine d’erreurs de type difficultés d’accès au • déterminer si le patient est gêné dans le transfert des infor-
second degré, d’adhésion au sens littéral, de difficultés de mations en vue de la production orale (répétition de mots,
compréhension des inférences, etc. dénomination orale, lecture à haute voix de mots irréguliers) ;

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 5
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

• vérifier les capacités métaphonologiques (capacité à découper Ces tâches offrent des mises en situation qui permettent le
une forme sonore en sous-unités) (tâches de jugement de contrôle des aspects syntaxiques et grammaticaux, l’idée étant
rimes, segmentation d’un non-mot, jugement du nombre de de déterminer le profil des erreurs.
syllabes) ;
• vérifier l’efficience de la mémoire à court terme verbale
(empan de chiffres, répétition de listes de mots).
Système sémantique “ Conduite à tenir
Le système sémantique contient notre lexique (voir le
chapitre sur l’exploration de la mémoire). C’est un élément Les items utilisés dans les épreuves de langage doivent
central dans le fonctionnement langagier [15]. Il est principale- respecter les variables psycholinguistiques :
ment impliqué dans les processus de lecture, de compréhension, • la lexicalité ;
de dénomination. Attention, une paraphasie sémantique • la régularité orthographique ;
(utilisation d’un mot pour un autre de la même catégorie), • le voisinage orthographique ;
souvent observée dans les épreuves de dénomination d’images, • la classe grammaticale ;
ne traduit pas toujours une atteinte du système sémantique. On • la longueur du mot ;
peut considérer qu’il n’y a atteinte du concept que si l’erreur • la concrétude du mot...
persiste avec d’autres modalités d’entrée (tâche d’identification Les effets de ces variables sur les performances
tactile ou auditive par exemple). Dans le cadre de l’examen du
permettront d’identifier la nature des perturbations.
langage, le clinicien utilise des épreuves verbales (voir le
chapitre sur l’exploration de la mémoire). Il existe entre autres
une batterie « The pyramide and palm trees » (1992).
En conclusion, le langage offre de multiples facettes qu’il
Grammaire et syntaxe
convient d’explorer minutieusement si l’on veut avoir une idée
Produire une phrase relève d’un processus complexe [16] qui suffisamment précise de son efficience. Ainsi, évaluer l’expres-
nécessite de sélectionner dans notre mémoire les items lexicaux sion orale sans aborder spécifiquement la phonologie ou la
pertinents, leur mode d’utilisation, ainsi que leur ordonnance- sémantique (et réciproquement) n’a pas de sens. Cela nous
ment dans la production envisagée suivant les règles structurales renvoie bien évidemment à la complexité du fonctionnement
appropriées (par exemple : sujet – verbe – complément). En langagier et en particulier à la notion d’interaction entre les
français, tout verbe doit aussi comporter des marques flexion- fonctions, ce qui rend leur expertise extrêmement délicate.
nelles exprimant l’attitude du sujet (mode indicatif, impératif,
conditionnel, etc.) et sa position au moment de l’énonciation Traitement visuel et spatial
(temps présent, passé, futur). Pour que la phrase ait du sens, et
ne soit pas simplement correcte sur le plan syntaxique, il existe Ce qu’il est utile de comprendre
un mécanisme de transposition qui relie chaque composant du
message (sujet – thème – prédicat) à une fonction syntaxique La vision n’implique pas seulement les yeux mais tout un
(sujet, verbe, complément d’objet direct/indirect, etc.). (Par ensemble de circuits destinés à percevoir, reconnaître, identifier,
exemple les deux phrases suivantes sont correctes sur le plan situer, repérer, caractériser ce que l’on voit.
syntaxique mais ne véhiculent pas le même message : (a) Paul/a Parmi les déficits consécutifs à une atteinte du système visuel,
offert/des livres/à/ses enfants (b) Des livres/ont offert/ses on distingue les troubles périphériques qui concernent l’œil, la
enfants/à/Paul). Ce processus de transposition reste actuellement rétine et le nerf optique (c’est le domaine de l’ophtalmologie et
mal connu. de l’orthoptie) et les troubles centraux qui concernent les zones
situées le long des voies visuelles, après le chiasma optique et
Cette description de la construction de la phrase est large-
jusqu’au cortex (c’est le domaine de la neurologie et de la
ment simplifiée. Classiquement, le clinicien fait une distinction
neuropsychologie).
entre la grammaire et la syntaxe car leurs perturbations offrent
On sait aujourd’hui que les structures impliquées dans les
un profil clinique bien distinct. L’agrammatisme se caractérise
processus visuels ne se limitent pas aux lobes occipitaux mais
par la réduction de l’utilisation des mots grammaticaux et par
s’étendent dans des zones des lobes temporaux et pariétaux. Ces
l’emploi des verbes à l’infinitif, ce qui se traduit par un discours
multiples aires visuelles sont organisées hiérarchiquement sous
de style « télégraphique » (matin... acheter monsieur... ballon
la forme de deux voies corticales, l’une spécialisée pour la vision
rouge... sortir puis regarde ciel ...). Parallèlement, dans les
des objets et leur reconnaissance (la voie ventrale, ou occipito-
énoncés dyssyntaxiques, l’emploi des mots grammaticaux est
temporale) et l’autre pour la vision spatiale et la localisation (la
inapproprié. Il existe une mauvaise gestion de l’ordonnance-
voie dorsale, ou occipitopariétale).
ment des mots dans la phrase. Le patient est souvent fluent, et Ainsi l’évaluation neuropsychologique vise globalement à
son discours comporte de nombreuses erreurs. Il peut employer explorer :
un substantif en lieu et place d’un adjectif (on n’est pas • l’intégrité du champ visuel à la recherche d’une amputation
autorité), ou un adverbe au lieu d’un adjectif (c’est la bien totale (cécité corticale) ou partielle (hémianopsie, quadrano-
conception de vacances). L’erreur peut aussi porter sur les mots psie, vision tubulaire...) en lien avec une destruction du
fonctionnels (nous allons à Suisse), etc. cortex visuel occipital et, plus généralement, des radiations
Parmi les épreuves les plus courantes, il existe : optiques ;
• la production spontanée (situation permettant de relever les • la vision des couleurs ou la perception du mouvement qui
erreurs telles que les omissions et les substitutions de mots peuvent être déficitaires après lésion des cortex spécifiques ;
grammaticaux, les simplifications et les incohérences syntaxi- • l’utilisation du regard : contrôle volontaire des mouvements
ques, etc.) ; des yeux, exploration visuelle, coordination visuomotrice
• la concaténation de phrases (à partir de deux ou plusieurs (aptitude à guider un mouvement de préhension ou de
mots) ; pointage vers un objet sous le guidage de la vision) et
• la complétion de phrases avec des cibles diverses (verbe capacité à identifier plusieurs objets simultanément (dénom-
conjugué, adjectif, accord de genre ou de nombre, concor- brement, interprétation de scènes visuelles...). Ces habiletés
dance des temps, etc.) ; sont par exemple fortement perturbées après une atteinte
• la détection d’erreurs grammaticales/syntaxiques ; pariéto-occipitale bilatérale (syndrome de Balint) ;
• l’appariement phrase – image ; • la localisation des objets dans l’espace, c’est-à-dire l’aptitude à
• la transformation de phrases (changer de temps, de mode, de traiter et répondre à des stimuli présentés dans l’espace
genre, de nombre) ; corporel et extracorporel ainsi que la capacité à agir et à
• la répétition de mots grammaticaux et de phrases. s’orienter dans ces espaces. Une perturbation de ces fonctions

6 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

est le plus souvent consécutive à une lésion pariétale droite Lors de l’examen neuropsychologique, le clinicien va ainsi
entraînant une négligence spatiale unilatérale (NSU). Les évaluer :
patients héminégligents (présentant une NSU) se comportent • la vision des afférences élémentaires (différenciation lumière-
« comme si » l’hémi-espace gauche controlésionnel n’existait obscurité, perception du mouvement, vision des couleurs) ;
plus : ils peuvent ignorer les personnes qui se situent de ce • la motricité oculaire (capacité à déplacer le regard sur
côté, ne manger que la moitié droite de leur assiette, ne se consigne verbale, en direction de clicks auditifs, de stimula-
raser ou se maquiller que la moitié du visage etc. ; tions somesthésiques et de stimuli visuels : mouvements de
• l’identification visuelle d’objets, c’est-à-dire la capacité à poursuite) ;
reconnaître, sous le seul contrôle de la vue, des informations • l’appréciation du volume et des distances (différenciation de
visuelles antérieurement connues (objets, images, symboles formes en deux et en trois dimensions comme un carré et un
graphiques...). Cette fonction est largement perturbée après cube, un rond et une sphère..., reproduction de distances
une atteinte occipitotemporale (agnosie visuelle). relatives, etc.) ;
Le modèle d’Humphreys et Riddoch (1987) [17] constitue l’un • la vision simultanée de plusieurs stimuli (détecter deux
des modèles de référence les plus connus et les plus exploités stimuli présentés en hémichamps visuels divisés ou dans un
dans une perspective d’évaluation et de classification des même hémichamp) ;
troubles de l’identification visuelle des objets. Ce modèle • la stratégie visuelle exploratoire (dénombrement, recherche de
suppose l’existence de deux grandes étapes de traitement dans cibles, exploration de scènes visuelles) ;
l’identification d’objets : • la coordination visuomotrice (préhension, pointage de cibles
• une étape « perceptive » au cours de laquelle l’image rétinienne sous guidage de la vision, etc.) ;
est traitée pour aboutir à une description structurée de la • les capacités d’attention visuospatiale analysées à l’aide de
forme de l’objet (le percept). Cette étape se divise en trois différentes épreuves désormais regroupées dans une batterie :
niveaux : la batterie d’évaluation de la négligence (BEN, Greco, 2002) [18]
C les processus perceptifs précoces permettent d’extraire de qui comprend notamment :
l’image rétinienne les composantes élémentaires de la C la copie de la scène d’Ogden (paysage) ;
forme (parfois appelées primitives visuelles) tels que les C le test des cloches (épreuve de détection de cibles visuelles
bords, les coins, les courbes, présents dans l’image ; parmi des distracteurs) ;
C les processus perceptifs intermédiaires permettent l’intégra- C l’identification de figures enchevêtrées ;
tion des informations extraites lors de l’étape précédente. C une épreuve de bissection de lignes lors de laquelle on
Il s’agit de mécanismes de regroupements qui aboutissent demande au patient de placer le milieu d’une ligne perçue
à une représentation grossière de la forme globale. Lors de visuellement ;
cette étape, le système permet de distinguer un objet parmi C un test de lecture à haute voix intitulé « le vernis à
d’autres dans une scène visuelle ; ongles » ;
C les processus perceptifs tardifs réalisent la mise en correspon- C une épreuve d’écriture ;
dance entre le produit des traitements antérieurs et une C une complétion d’horloge qui consiste à replacer les
représentation de la forme des objets stockée en mémoire. chiffres à l’intérieur du cadran d’une horloge ;
Le succès de l’appariement percept/représentation mnési- • et la capacité à reconnaître visuellement des objets familiers.
que se traduit par un sentiment de familiarité c’est-à-dire Deux batteries de tests élaborées sont désormais couramment
par l’impression d’avoir déjà vu l’objet, sans pour autant en utilisées en neuropsychologie :
connaître la signification ; C le protocole d’évaluation des gnosies visuelles (PEGV [19]) qui se
• une étape « mnésique » au cours de laquelle le percept, ainsi divise en deux parties et permet d’évaluer les versants
apparié à une représentation stockée en mémoire, permettra disciminatif/perceptif et associatif/sémantique de la recon-
l’accès aux connaissances sémantiques. La représentation qui naissance visuelle d’objets. Cette épreuve permet un
vient d’être activée va, à son tour, activer les connaissances diagnostic rapide et peut être utilisée auprès des patients
sémantiques correspondant à l’objet perçu : son nom, sa aphasiques du fait du caractère non verbal des différents
fonction, sa catégorie, son contexte d’usage, etc. Il s’agit de tests qui la constituent ;
l’étape d’attribution d’une signification, la phase d’identi- C la Birmingham Object Recognition Battery (BORB [20]) qui
fication. constitue une batterie d’évaluation de la reconnaissance
visuelle d’objets directement issue du modèle cognitif
Exploration développé par les auteurs.
En référence au modèle d’Humphreys et Riddoch [14], l’éva-
L’examen neurovisuel doit comporter des épreuves capables luation de l’identification visuelle d’objet peut être réalisée en
d’étudier l’ensemble des fonctions visuelles et spatiales mais suivant chacune des étapes décrites dans ce modèle. La première
aussi un large éventail d’épreuves capables de s’adapter aux étape de l’évaluation consiste ainsi à mesurer la capacité du
déficits les plus variés. L’examen des fonctions visuelles com- patient à extraire les caractéristiques élémentaires de la forme.
prend des examens préliminaires et l’examen visuel proprement Le principe général de ces épreuves consiste à comparer des
dit. formes qui se distinguent sur une caractéristique élémentaire.
Lors des examens préliminaires, il s’agit de s’assurer, préalable- Par exemple la détection d’une cible parmi des distracteurs : la cible
ment à l’examen neurovisuel, de l’intégrité de certains processus et les distracteurs ne diffèrent que par une unique primitive
« top-down » élaborés au cours du développement et indispensa- visuelle : la cible peut être une oblique parmi des barres
bles à tous les niveaux de traitement visuel. Il s’agit de : verticales, les distracteurs. Un déficit pourra se manifester, soit
• l’intégration des composantes spatiales (devant, derrière, en par un échec, soit par une augmentation du temps de détection
haut, en bas, à gauche, à droite...) ; d’une cible avec le nombre de distracteurs, indiquant un
• l’intégration des composantes sémantiques (identification des traitement anormalement coûteux de ce type d’informations.
objets par la palpation, imagerie mentale d’objets...). Lors de l’évaluation des processus perceptifs intermédiaires, il
L’examen neurovisuel proprement dit se fait à la lumière des s’agit de discriminer des formes qui se distinguent, non plus par
modèles cognitifs issus de la psychologie cognitive. En effet, la nature des traits élémentaires qu’elles contiennent, mais par
selon la psychologie cognitive, la perception n’est pas un une organisation différente de ces traits. On peut par exemple
phénomène immédiat. C’est un processus de traitement de utiliser un paradigme de détection de cibles parmi des distracteurs :
l’information sensorielle en plusieurs étapes. Le principe du les distracteurs diffèrent de la cible, non plus par un trait
bilan neurovisuel consiste à tester chacune des étapes du élémentaire, mais par une conjonction différente des mêmes
modèle du niveau le plus élémentaire à celui le plus complexe, traits : deux traits rectilignes (L), orientés de la même manière
afin d’identifier la nature et le niveau du déficit. mais organisés spatialement de manière différente (T). Un échec

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 7
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

dans ce type de tâche révélerait donc une incapacité ou une Ce qu’il est utile de comprendre
difficulté à intégrer des traits élémentaires en une seule unité,
La réalisation des gestes implique de multiples aptitudes,
autrement dit à percevoir une forme comme un tout.
notamment :
L’analyse des processus perceptifs tardifs passe par l’évalua- • des capacités sensitives et motrices ;
tion de l’intégrité des représentations stockées. Les connaissan- • des connaissances et une aptitude à manipuler les coordon-
ces du patient sur les caractéristiques visuelles des objets sont nées visuospatiales corporelles et extracorporelles (haut/bas,
ainsi évaluées à travers des tâches comme : gauche/droite...) ;
• la décision d’objets : il s’agit ici de juger de la familiarité de • des connaissances sémantiques sur les objets (nom, utilité,
stimuli visuels représentant, soit de vrais objets, soit des manipulation...) ;
« non-objets ». En effet, décider qu’un stimulus correspond à • et des capacités de planification, d’organisation d’actions.
une forme déjà vue nécessite seulement l’accès au « lexi- L’examen des praxies gestuelles est réalisé sur la base de
que des représentations stockées en mémoire » ; modèles théoriques de l’activité gestuelle élaborés à partir de
• des dessins de mémoire ; l’étude des sujets sains. Parmi ces modèles, celui de Roy et
• la description détaillée d’objets ; Square [22] propose deux systèmes à la base de l’action :
• des questionnaires dans lequel les réponses nécessitent l’évoca- • un système conceptuel qui fournit une représentation abstraite
de l’action et repose sur différentes connaissances concernant
tion de l’image mentale des objets, etc.
les objets (leur fonction, leur utilisation) et relatives aux
La représentation de l’objet en trois dimensions, c’est-à-dire actions et à la sériation des divers mouvements nécessaires à
une représentation volumétrique de l’objet, qui permet de leur réalisation ;
retrouver ses différentes apparences sous n’importe quel point • un système de production qui permet de réaliser l’action dans
de vue, constitue une étape supplémentaire du traitement l’environnement. Il s’agit de la composante sensorimotrice de
perceptif évaluée grâce à un test de « catégorisation percep- la connaissance, le programme qui permet d’organiser et
tive » [21] : les sujets doivent décider si deux photographies, d’exécuter les actions à réaliser. La réalisation de ces actions
l’une prise sous un angle canonique et l’autre sous un angle nécessite l’organisation des postures à chaque temps et
inhabituel, représentent le même objet ou deux objets l’intégration des mouvements par rapport au corps et à
différents. l’espace.
Pour l’étape « mnésique », deux raisons peuvent être à On désigne sous le terme d’apraxie gestuelle tout déficit
l’origine d’un échec à évoquer les connaissances sémantiques : caractérisé par l’incapacité à effectuer des gestes volontaires
un trouble d’accès au système sémantique ou une dégradation coordonnés alors que les fonctions musculaires et sensorielles
des connaissances elles-mêmes (voir infra, chapitre sur la sont conservées.
Mémoire sémantique). Si un patient ne présente aucun déficit
dans les épreuves évaluant les connaissances sémantiques, on Exploration
évoquera un déficit d’accès au système sémantique, sous réserve La mise au point des protocoles d’évaluation de l’apraxie
que l’évaluation ait montré que le traitement perceptif était repose sur les différentes propositions faites par les modèles.
entièrement normal. L’objectif vise ainsi à construire un ensemble de situations
L’intégrité de chaque niveau de traitement du modèle qui cliniques qui, comparées les unes aux autres, peuvent rendre
vient d’être présenté est ainsi évaluée grâce à différentes compte d’un déficit touchant l’une ou l’autre des dimensions.
épreuves. Il est important de noter qu’une performance défici- Un bilan préalable à l’évaluation de l’apraxie est primordial.
taire dans des tests évaluant un niveau de traitement donné ne Il s’agit :
doit être interprétée comme témoignant d’un dysfonctionne- • d’un bilan moteur et sensitif ;
ment spécifique à ce niveau que dans le cas où les processus • d’une évaluation des facultés de compréhension du langage ;
appartenant à des niveaux antérieurs de traitement sont • d’une évaluation des fonctions exécutives ;
• d’une évaluation des connaissances concernant les coordon-
clairement préservés. Compte tenu du caractère séquentiel du
nées visuospatiales et le schéma corporel ;
modèle de référence, il va de soi qu’un déficit à une étape
• et d’une appréciation des connaissances sémantiques (appa-
donnée du traitement de l’objet aura des répercussions sur
riement fonctionnel, appariement catégoriel).
l’ensemble des étapes ultérieures. L’évaluation des praxies a pour objectif d’établir un diagnos-
En conclusion, évaluer les aptitudes visuospatiales constitue tic, de décrire les troubles en fonction du type de geste altéré,
aujourd’hui une étape incontournable du bilan neuropsycholo- de la consigne verbale ou non, du type d’erreur et en fonction
gique car un déficit à ce niveau aura des répercussions sur de la nature du déficit : trouble conceptuel ou trouble
différentes sphères de la cognition. Évaluer ces capacités permet d’exécution.
ainsi de mieux appréhender certaines difficultés rencontrées L’évaluation praxique proprement dite concerne générale-
dans d’autres domaines cognitifs. Par exemple, un patient ment :
atteint de NSU présentera des troubles de la lecture (pseudoa- • l’utilisation d’objets (utilisation d’objets pris isolément testés
lexie) et des troubles de l’écriture (agraphie spatiale) qui devront sans, puis avec leur cible ; utilisation d’objets dans un
être interprétés à la lumière des difficultés visuospatiales. Les contexte précis de vie quotidienne, lors de la toilette par
capacités de lecture et d’écriture de ces patients ne pourront être exemple ; utilisation séquentielle d’objets, par exemple
améliorées que dans le cadre d’une prise en charge plus globale allumer une bougie ou préparer du café) ;
des troubles visuospatiaux (revalidation de la NSU). Par ailleurs, • la réalisation de pantomimes d’utilisation d’objets (ex. :
lors d’un bilan neuropsychologique, attester de l’intégrité des montrez-moi quel geste fait-on pour jouer du piano, se
facultés visuospatiales peut constituer un élément de base pour brosser les dents, etc. ?) ;
organiser la prise en charge et la revalidation d’autres troubles. • la réalisation de gestes symboliques (ex. : un pied de nez, un
Par exemple, des capacités d’imagerie mentale visuelle préser- signe de croix, etc.) ;
• l’imitation de gestes avec ou sans signification (postures
vées peuvent servir de base à la revalidation de certains déficits
monomanuelles ou bimanuelles) ;
mnésiques. En effet, certaines techniques mnémotechniques ont
• la reconnaissance de gestes.
recours à l’imagerie mentale et donnent des résultats positifs.
Pour évaluer la praxie constructive, qui correspond à la
capacité à réaliser des constructions en deux ou trois dimen-
Praxies sions, on propose également :
• la réalisation de dessins spontanés et en copie (ex : figure
Les praxies désignent la capacité à réaliser des gestes. Il peut complexe de Rey [23]) ;
s’agir de mouvements adaptés à un but ou de la manipulation • la réalisation de construction bi- ou tridimensionnelles
réelle ou mimée d’objets. (assemblage d’objets, agencement de cubes, puzzles...).

8 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

Les critères d’analyse des gestes sont précis. Si le geste est À partir des années 1980 sont apparus des modèles de la
inexact, il faut évaluer le type d’erreurs (erreurs de préhension mémoire humaine qui ont marqué un changement radical de
de l’objet, erreurs d’orientation du geste, substitutions, absence perspective par rapport aux modèles abstractionnistes dévelop-
de mouvement ou mouvement non reconnaissable, etc.). Plus pés jusqu’alors. Ces modèles, appelés épisodiques ou à traces
globalement, on distingue différents types d’erreurs : multiples [27, 28] sont centrés sur la notion de traces : la mémoire
• des erreurs dans l’exécution de la séquence d’actions (omis- à long terme conserverait une trace de toutes les expériences
sions, répétition, trouble de l’ordre des mouvements de la auxquelles l’individu est confronté. Les enjeux majeurs des
séquence) ; travaux situés dans ce cadre théorique sont alors de définir
• des difficultés à déterminer et à coordonner le mouvement l’organisation et le contenu de ces traces, leur construction et
dans le temps et dans l’espace ; le type d’architecture susceptible de les conserver. Dans les
• une exécution correcte des actions, mais inappropriée au travaux effectués ces dernières années, le cerveau peut être
contexte ; considéré dans sa totalité comme un système mnésique com-
• une perte de l’action (le sujet oublie en quoi consiste l’action prenant de multiples composants interconnectés dans une
ou sait ce qu’il doit faire mais ne peut l’exécuter). architecture spécifique [29] (Versace et al., 2001, 2002). Dans une
Concernant l’apraxie constructive, on distingue classique- telle architecture distribuée, la trace est définie comme une
ment : synchronisation d’activations au sein de multiples structures.
• un déficit de la conduite d’actions complexes impliquant Cette accumulation de traces modifie la mémoire de façon
l’activité de construction (juxtaposition de détails sans continue. Les connaissances susceptibles d’être générées par un
élaboration d’un plan d’ensemble, difficultés dans la réalisa- tel système ne sont que l’émergence d’une interaction entre
tion des détails alors que la forme globale est mieux appré- l’environnement présent et les propriétés du système nerveux,
hendée, etc.) ; elles-mêmes dépendantes des expériences antérieures.
• ou un déficit de la capacité d’analyse spatiale (omission La démarche d’évaluation de la mémoire repose donc encore
d’éléments par négligence visuospatiale, absence de la sur des modèles classiques qui décomposent la mémoire en
troisième dimension, défaut d’orientation, etc.). différents systèmes. Le principe général consiste à aborder les
différents systèmes mnésiques et à explorer leur fonctionnement
afin de mesurer leur efficience. La pratique clinique courante
utilise des tests anciens, construits à partir des modèles assez
“ Mise au point dépassés. Les informations recueillies sont donc souvent limitées
et ne permettent en général pas de déterminer précisément la
nature des processus perturbés alors que l’on sait que les
En somme, les travaux récents sur la question des praxies troubles peuvent être très variés et qu’une lésion cérébrale peut
ont fait progresser nos connaissances sur ce qui pourrait affecter plusieurs composantes de traitement. Nous allons donc
constituer un modèle cognitif du geste avec différents aborder l’exploration des facultés mnésiques en procédant par
niveaux qui vont de l’encodage des informations visuelles systèmes indépendants, tel qu’on le pratique usuellement.
et verbales à la sélection des réponses au sein d’un
répertoire d’actions et aux procédures d’exécutions [24]. Mémoire de travail
Mais ces modèles restent encore insuffisants pour La mémoire de travail est définie comme un système de
interpréter les troubles observés en pathologie et les capacité limitée capable de stocker mais aussi de manipuler les
résultats obtenus en imagerie cérébrale. Les problèmes informations. Ce système mnésique permet l’accomplissement
rencontrés par les malades sont encore plus complexes de tâches cognitives complexes. Cette aptitude est fondamentale
que les réponses qu’on peut leur apporter actuellement. pour la plupart des activités de la vie quotidienne (suivre une
conversation, retenir un numéro de téléphone, etc.).
Ce qu’il est utile de comprendre
Sphère mnésique Le terme de mémoire de travail a été initialement proposé par
Baddeley et Hitch [30] et a été conceptualisé en un modèle
Les troubles de la mémoire constituent l’une des séquelles les célèbre en neuropsychologie [31]. Ce modèle représente toujours
plus fréquentes après une atteinte cérébrale et sont souvent à actuellement une des propositions théoriques les plus influen-
l’origine des plaintes formulées par les patients ou leur entou- tes. Il fait état de plusieurs composants nécessaires au bon
rage. Ces troubles constituent par ailleurs une entrave considé- fonctionnement de la mémoire de travail :
rable aux possibilités de réinsertion socioprofessionnelle et/ou
• une boucle phonologique spécialisée dans le stockage temporaire
familiale en limitant nettement les possibilités d’autonomie. De
de l’information verbale. Elle est composée d’un stock
ce fait, l’évaluation des troubles de la mémoire reste une étape
phonologique qui reçoit et maintient l’information verbale
cruciale dans le bilan neuropsychologique. La démarche repose
présentée auditivement, et d’un processus de récapitulation
sur des modèles traditionnels qui décrivent la mémoire comme
articulatoire. En effet, l’information ne peut être maintenue
une suite d’étapes dont les traitements sont autonomes et
dans le stock phonologique que durant une brève période de
spécialisés. Ce sont des systèmes de mémoire indépendants les
temps (de l’ordre de 1 seconde et demie à 2 secondes), mais
uns des autres et séquentiels [25, 26].
elle peut y être continuellement réintroduite par l’intermé-
diaire du processus de récapitulation articulatoire ;
• un registre visuospatial impliqué dans le maintien temporaire
de l’information visuospatiale. Il stocke l’information ali-
“ Point important mentée soit par la perception visuelle, soit par l’imagerie
mentale ;
• un administrateur central défini comme un système de contrôle
On distingue ainsi classiquement différents systèmes de de l’attention permettant l’allocation des ressources atten-
mémoire, chacun spécialisé dans le stockage d’un type tionnelles pendant une tâche donnée. Il intervient ainsi dans
particulier d’information : la plupart des activités cognitives.
• la mémoire de travail
Exploration
• la mémoire épisodique
• la mémoire sémantique Les troubles de la mémoire de travail sont fréquents et
• la mémoire procédurale peuvent entraver le fonctionnement d’un certain nombre
• et plus récemment la mémoire prospective d’activités de la vie quotidienne tels que le raisonnement, la
compréhension du langage, les apprentissages ou encore la

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 9
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

lecture. Dans la démarche neuropsychologique, la mémoire de • la tâche de mise à jour [34] consiste à présenter au sujet des
travail est évaluée en référence au modèle de Baddeley [31] et des séquences de lettres (des consonnes) de différentes longueurs
différents sous-composants de ce modèle. sans que le sujet soit prévenu à l’avance de la longueur des
Évaluation de la boucle phonologique. Un déficit de la séquences. La tâche du sujet consiste alors à rappeler dans
boucle phonologique est généralement mis en évidence par des l’ordre les quatre dernières consonnes de chaque série (si la
performances fortement réduites dans des tâches classiques séquence présentée correspond à « R-G-L-N-P », le sujet doit
permettant d’évaluer la quantité d’informations pouvant être rappeler « G-L-N-P »).
stockée à court terme, ainsi que le rythme d’oubli de cette
information : Mémoire épisodique
• la tâche d’empan de chiffres ou de mots : des séries croissantes
de chiffres ou de mots sont présentées au sujet qui doit les La mémoire épisodique permet le stockage des événements
rappeler immédiatement après dans l’ordre de présentation. personnellement vécus qui sont inscrits dans un registre
Notons, cependant, qu’une réduction de l’empan ne nous temporel et spatial. Les troubles de la mémoire épisodique
renseigne pas sur le composant exact de la boucle phonolo- motivent de nombreuses consultations neuropsychologiques. En
gique qui est déficitaire (stock phonologique ou boucle de effet, ils constituent les séquelles les plus fréquentes des
récapitulation articulatoire ?) ; atteintes neurologiques, ce sont les principaux symptômes de la
• la tâche de Brown-Peterson [32] : une liste d’items est présentée maladie d’Alzheimer et ils surviennent aussi, à un moindre
(par exemple, trois consonnes) et le sujet doit la rappeler degré, au cours du vieillissement normal.
dans l’ordre après un délai variable allant par exemple de 0 à Ce qu’il est utile de comprendre
20 secondes. Durant le délai, on empêche la répétition en
demandant au sujet d’effectuer une tâche « distractrice » L’examen neuropsychologique doit permettre de répondre à
comme par exemple compter en arrière à partir de 396. Dans un certain nombre de questions. Tout d’abord, il s’agit de
cette condition, on observe un oubli rapide des trois conson- confirmer ou d’infirmer une perturbation mnésique, de spécifier
nes ; si ces déficits s’intègrent dans un tableau plus complexe ou s’ils
• l’intégrité du stock phonologique est évaluée par l’étude de sont isolés, puis déterminer la nature de ces troubles. Les tâches
l’effet de similitude phonologique caractérisé par le fait classiquement utilisées comportent deux phases : une phase
d’obtenir de meilleures performances de rappel pour des d’apprentissage (ou encodage) et une phase de récupération de
informations dissimilaires d’un point de vue phonologique l’information. La phase d’apprentissage consiste à présenter au
(ex. : camp, pied, clou, etc.) par rapport à des informations sujet une série d’items avec des consignes d’encodage incidentes
phonologiquement semblables (ex. : doigt, poids, bois, etc.). ou intentionnelles, et la phase de récupération consiste à
Une atteinte du stock phonologique se traduit par une demander explicitement de restituer ces items. Il s’agit, à partir
diminution, voire par la disparition de cet effet et sera ainsi de ces deux phases, de déterminer si les troubles mnésiques sont
évaluée par le rappel de séquences de mots comportant des items dus à des perturbations de l’encodage, du stockage ou de la
phonologiquement semblables ou non. Les items sont appariés récupération des informations en mémoire. L’examen mnésique
sur tous les paramètres (fréquence lexicale, degré d’imagerie), permettra également d’apprécier les troubles dans leur dimen-
excepté la variable « similitude phonologique » ; sion antérograde, c’est-à-dire affectant les connaissances et les
• l’intégrité du mécanisme de récapitulation articulatoire est souvenirs récents, acquis après la survenue de la lésion cérébrale
évaluée à l’aide d’une procédure similaire à celle décrite et/ou rétrograde, c’est-à-dire en lien avec des souvenirs plus
précédemment, en alternant, dans des tâches d’empan de anciens acquis avant la pathologie cérébrale.
mots, des listes de mots longs (ex. : bibliothèque, kilomètre, Exploration
escalier) et des listes de mots courts (ex. : sol, mur, bec).
L’effet de longueur des mots se manifeste habituellement par La plupart des épreuves utilisées en neuropsychologie pour
un empan pour les mots courts plus élevé que celui pour les évaluer la mémoire épisodique reposent sur une procédure
mots longs. Une atteinte de la récapitulation articulatoire se mettant en jeu différents modes de récupération de l’informa-
traduira par une diminution nette, voire une disparition de tion en mémoire :
cet effet. • le rappel libre (aucun indice spécifique n’est fourni, le sujet
Évaluation du registre visuospatial. Les épreuves permettant doit rappeler librement les items appris) ;
d’évaluer l’intégrité du registre visuospatial sont en nombre • le rappel indicé (on fournit des indices de récupération
beaucoup plus restreint que celles dédiées à la boucle phonolo- spécifiquement reliés aux items cibles : indices phonologi-
gique. Parmi ces épreuves : ques, indices sémantiques, etc.) ;
• la planche de Corsi (Block-tapping test) : il s’agit d’un test • et/ou la reconnaissance d’un matériel présenté antérieurement
courant et classique permettant une évaluation rapide de (on présente une série d’items dans laquelle se trouvent les
l’empan visuospatial séquentiel. Il consiste à montrer un items-cibles appris et de nouveaux items appelés distracteurs.
certain nombre d’items disposés spatialement sur une plan- La tâche du sujet consiste à indiquer les items préalablement
che et, tout de suite après la démonstration, le sujet doit à présentés).
son tour montrer les mêmes items dans le même ordre. Le En fonction de la nature des troubles de la mémoire, des
nombre d’items augmente progressivement ; patterns de performances différents sont attendus selon le mode
• l’empan visuospatial [33] : il consiste à montrer brièvement une de récupération. Par exemple, un trouble spécifique de l’accès
grille dont la moitié des carrés sont noircis et forment un aux informations en mémoire (trouble affectant l’étape de
pattern visuel non significatif. Directement après la présenta- récupération) sera caractérisé par un déficit important lors du
tion, le sujet doit reproduire le pattern sur une grille vierge. rappel libre, alors que l’indiçage et la reconnaissance seront
La taille de la grille, et donc le nombre de carrés noircis, est bénéfiques au recouvrement des informations.
progressivement augmentée si le rappel est correct. Échelles de mémoire épisodique. Les batteries, regroupant
Évaluation de l’administrateur central. L’administrateur différentes tâches destinées à l’évaluation de l’efficience
central est un composant complexe et il est assez peu réaliste mnésique, ont été longtemps des épreuves centrales dans
d’espérer en évaluer toutes les facettes lors d’une évaluation l’examen de la mémoire. Les plus connues sont :
neuropsychologique de routine. Le principe d’évaluation repose • la batterie d’efficience mnésique de Signoret (BEM 144 [35]) ;
néanmoins sur différentes tâches mettant en jeu le maintien • l’échelle clinique de mémoire de Wechsler (MEM [36]).
temporaire et la manipulation d’informations telles que : En revanche, le temps de passation total de ces batteries est
• l’épreuve d’empan de chiffres à l’envers qui consiste à maintenir relativement important (environ 1 heure 30) au regard du
une série de chiffres en mémoire et de la restituer dans l’ordre temps dont dispose le neuropsychologue pour réaliser l’ensem-
inverse par rapport à l’ordre de présentation préalable (si la ble du bilan neuropsychologique. Il reste néanmoins possible de
série présentée est « 4-7-1 » le sujet doit répéter « 1-7-4 ») ; n’administrer qu’une partie de l’échelle.

10 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

Échelles d’apprentissage de mots. Dans la pratique clinique Mémoire des récits. Alors qu’il existe plusieurs épreuves
courante, les neuropsychologues disposent d’épreuves standar- proposant l’apprentissage de série de mots, il existe peu
disées anciennes pour lesquelles on dispose de données norma- d’épreuves de mémoire d’un récit. Or, les processus requis pour
tives, essentielles pour déterminer le caractère pathologique des mémoriser une série de mots sans lien évident ou un récit
performances du patient, mais qui s’inscrivent mal dans les organisé ne sont pas les mêmes.
modèles théoriques actuels. Parmi celles-ci : les 15 mots de Par ailleurs, le rappel d’une histoire est une tâche plus
Rey [37] qui est l’apprentissage d’une liste de 15 mots en cinq écologique que l’apprentissage de mots, qui nécessite vraisem-
essais consécutifs. Épreuve célèbre qui renseigne peu sur la blablement une importante activité organisatrice. En langue
nature des déficits à l’origine des mauvaises performances. française, les récits les plus connus sont :
Inspirée du test de mémorisation des 15 mots de Rey, de • les récits de la batterie de Signoret (BEM, 144 [35]) ;
nouveaux outils ont été mis à disposition des cliniciens : le • les récits des échelles de Wechsler (MEM, Wechsler [36]).
California Verbal Learning Test (CVLT [38]), adapté en langue Cependant, les critères qui ont guidé la construction de ces
française, est constitué de deux listes de 16 mots appartenant à histoires ne sont pas connus, elles semblent avoir été construites
quatre catégories sémantiques : sans tenir compte de la dimension linguistique, tant au niveau
• la liste du lundi constituée d’outils, de fruits, de vêtements et de la structure de surface (vocabulaire, syntaxe...) qu’au niveau
d’épices ; de la structure interne (thème, schéma narratif...) (voir [41]). Des
• et celle du mardi, composée de fruits, d’épices, de poissons et récits moins connus mais rigoureusement contrôlés sur le plan
d’ustensiles de cuisine. linguistique permettent une évaluation plus fine, ce sont les
La liste du lundi fait l’objet d’un apprentissage en cinq essais mémo-textes [41] : le principe consiste à rappeler les textes en
en situation de rappel libre. La liste du mardi est, quant à elle, rappel libre, en rappel indicé pour les éléments omis et en
reconnaissance.
présentée une seule fois et suivie d’un rappel libre, on parle de
liste interférente. Immédiatement après, la liste du lundi est à Mémoire visuospatiale. La mémoire est le plus souvent
nouveau demandée en rappel libre puis en rappel indicé. Les évaluée à l’aide de tests verbaux (listes de mots, mémoire de
récits etc.), mais elle peut être altérée de manière spécifique
indices fournis aux sujets sont les noms des catégories séman-
dans la modalité visuelle. Afin d’évaluer cette aptitude particu-
tiques des mots : quels étaient les outils ? les vêtements ? etc.
lière, certaines épreuves requièrent la mémorisation d’items non
Après 20 minutes, on propose à nouveau un rappel libre de la
verbaux. Ces outils s’avèrent par ailleurs particulièrement utiles
liste du lundi, suivi d’un rappel indicé et d’une épreuve de
pour évaluer les capacités mnésiques chez des patients aphasi-
reconnaissance (44 mots sont proposés dont 16 sont ceux de la
ques. Pour n’en citer que quelques-unes, les épreuves les plus
liste du lundi et 28 sont des distracteurs sémantiques, phono-
fréquemment référencées sont :
logiques ou neutres). Cette épreuve permet d’obtenir différents
• la figure de Rey [42] : il s’agit d’une épreuve de référence lors de
scores dans différentes conditions de récupération. Elle permet laquelle le sujet doit, dans un premier temps, recopier et
également d’évaluer l’aspect qualitatif de l’apprentissage : la ensuite reproduire de mémoire une figure géométrique
progression d’un essai à l’autre, la constance du rappel, la complexe. Les erreurs sont analysées d’un point de vue
stratégie de rappel (tendance à donner les réponses en les quantitatif et qualitatif ;
regroupant par catégories ou en respectant l’ordre de présenta- • le test de rétention visuelle de Benton [43] est inspiré de
tion) et la sensibilité à l’interférence proactive (influence l’épreuve précédente et consiste à présenter une figure
négative de l’apprentissage de la liste du lundi sur celui de la pendant 10 secondes puis le sujet est invité à la reproduire de
liste du mardi) et/ou rétroactive (influence négative de mémoire ;
l’apprentissage de la liste du mardi sur le rappel de la liste du • le test de la ruche [44] est une tâche d’apprentissage en cinq
lundi). essais d’une matrice de dix cases noircies parmi 25 (la ruche).
Malgré la richesse de cette épreuve, il reste difficile de On présente cinq fois le même pattern pendant 45 secondes
déterminer avec confiance si le déficit provient d’un trouble de et le sujet doit effectuer cinq rappels libres à l’aide une grille
l’encodage ou de la récupération, dans la mesure où l’absence vierge. Après cette phase d’apprentissage, le sujet effectue une
de bénéfice en rappel indicé peut provenir du fait que les tâche de reconnaissance immédiate du pattern parmi neuf
indices ne sont pas appropriés (ils peuvent ne pas avoir été (les distracteurs varient de une à quatre cases) et un rappel
encodés). L’efficacité des indices en rappel dépend des condi- différé libre à 10 minutes ;
tions dans lesquelles l’information a été encodée, d’où l’impor- • le test des portes [45] : après une phase d’encodage de 12 pho-
tance cruciale du type d’indice utilisé et du contrôle de tographies de portes (chacune présentée pendant 3 secondes),
l’encodage des stimuli [39] . Ce contrôle est effectué dans deux modes de récupérations sont proposés au sujet : un
certaines épreuves dont la plus célèbre reste l’épreuve de Grober rappel libre et une épreuve de reconnaissance.
et Buschke [40]. Le principe est le suivant : on présente une liste Approche écologique de la mémoire épisodique. L’évalua-
de 16 mots appartenant à 16 catégories sémantiques différentes. tion des capacités mnésiques passe nécessairement par des
Ces mots sont présentés quatre par quatre sur des fiches situations de vie quotidienne car si, dans certains cas, les
subdivisées en cadrans. Dès la phase d’encodage, on propose des performances restent correctes dans des conditions d’évaluation
indices qui vont aider à la mémorisation (avec la fiche sous les standardisées, il n’en est pas toujours de même dès que le
yeux, puis sans la fiche, on demande au sujet : quelle est la patient se trouve confronté aux multiples activités de la vie
fleur ? quel est le poisson ?...) et on s’assure, pour chaque quotidienne lors de laquelle les interférences sont nombreuses.
groupe de quatre mots, que l’encodage est efficient. Si un des De plus, si l’on veut évaluer le retentissement des troubles
items n’est pas rappelé, on montre à nouveau la fiche et on mnésiques sur les activités journalières du patient (notamment
recommence. On ne passe à la planche suivante que lorsque les dans le cadre d’une expertise médicolégale), une évaluation
quatre mots sont correctement rappelés lors du questionne- écologique semble indispensable. À cet effet, le neuropsycholo-
ment. Toute cette première phase permet de s’assurer que gue dispose depuis quelques années de plusieurs méthodes
l’ensemble des 16 mots a donné lieu à un encodage profond. À d’investigation du fonctionnement mnésique pour les situations
l’issue de cette phase d’encodage, on procède à un rappel libre de la vie quotidienne :
des 16 mots appris et un rappel indicé pour chaque mot omis • l’observation directe : cette méthode consiste à accompagner le
(rappel sélectif). L’indiçage correspond au nom de la catégorie patient dans son environnement habituel et à observer ses
sémantique utilisée lors de la phase d’encodage. On fait cela déficits mnésiques. Cette méthode est parfois difficilement
trois fois de suite (trois rappels libres suivis à chaque fois de applicable et comporte certaines limites dans la mesure où
trois rappels indicés). On propose ensuite une épreuve de des déficits pourtant gênants peuvent être rares et leur
reconnaissance où le sujet est invité à reconnaître les 16 mots observation exiger beaucoup de temps. De même, d’autres
de la liste apprise parmi des distracteurs sémantiques, phonolo- déficits pourtant invalidants ne se révèlent que dans des
giques et neutres. Après un délai de 20 minutes, on propose à situations autres que celles que l’on observe actuellement (par
nouveau un rappel libre et un rappel indicé. exemple en situation professionnelle). Par ailleurs, des

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 11
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

informations importantes, telles que le mode de récupération Ce qu’il est utile de comprendre
ou les stratégies d’encodage, ne sont pas faciles à identifier Les connaissances conceptuelles renvoient à des domaines
dans l’observation directe. Enfin, l’introduction d’un obser- différents, ce qui pose la question de leur organisation en
vateur dans la vie quotidienne peut gêner et/ou modifier le mémoire. On peut les classer selon qu’elles portent sur le
comportement du patient et de ses proches ; monde animal, végétal, les lois physiques, les croyances, ou
• le questionnaire d’auto-évaluation de la mémoire (QAM [46]) : il encore suivant la concrétude des concepts, tout comme nous
s’agit d’une liste de questions décrivant des situations de vie avons des connaissances sur des entités précises (exemple :
quotidienne prototypiques où la mémoire est mise à contri- « igloo ») ou sur des actions (« vendange »). Tout dépend du
bution. Le patient est alors invité à porter un jugement sur référent. La littérature pose également la question de l’organi-
l’efficacité de sa mémoire dans ces différentes situations. sation d’un concept. Est-il représenté en mémoire de manière
Cette méthode peu objective renseigne néanmoins sur la holistique (c’est-à-dire non décomposable en traits) ou peut-il
façon dont le patient perçoit le fonctionnement de sa être décomposé ? Les modèles actuels postulent plutôt qu’un
mémoire (métamémoire) ; concept est décomposé en traits qui représentent des propriétés.
• l’agenda : pendant une période de temps définie, le patient est Par exemple, l’activation du concept « cheval » correspondrait à
invité à noter librement les problèmes mnésiques qu’il l’activation de traits tels que « est un animal », « est un
rencontre dans ses activités journalières. On peut faire mammifère », « a une crinière », « a des sabots », « tiercé », etc.
préciser le moment ou les circonstances de l’oubli, l’état Certains traits réfèrent à des propriétés partagées par plusieurs
physique et psychologique du moment etc. ; animaux (« zèbre », « chat », etc.).
• la check-list : le patient doit cocher, sur une liste de déficits Ces aspects théoriques ont des implications sur l’évalua-
préalablement établie, ceux qu’il a constatés à différents tion [48], en particulier sur le choix du matériel. Premièrement,
moments de la journée. il apparaît totalement illusoire de penser qu’un petit nombre de
Les données recueillies au moment de l’entretien clinique, à tests permet de déterminer tous les aspects de cette mémoire.
l’aide des questionnaires et des check-lists, peuvent nous Deuxièmement, il est primordial de choisir un échantillon
renseigner sur l’existence et, dans une moindre mesure, sur la d’items appartenant à différentes classes conceptuelles en tenant
fréquence de certains déficits mnésiques. Elles peuvent égale- compte de la familiarité conceptuelle, de la fréquence lexicale,
ment apporter des éléments relatifs à la conscience qu’a le de la complexité visuelle de l’image, de la complexité morpho-
patient de ses troubles mais cette approche reste peu valide car logique du mot (facteurs souvent confondus avec l’appartenance
on ne peut être assuré de l’exactitude des difficultés mnésiques à une catégorie et pouvant à eux seuls expliquer des profils de
fournies par cette évaluation. Il existe néanmoins une manière dissociation). Troisièmement, il est important de tester différents
plus directe pour évaluer les troubles mnésiques dans des niveaux de propriétés (propriétés partagées/propriétés spécifi-
situations de vie quotidienne : la simulation d’activités mnési- ques). Quatrièmement, il est indiqué de comparer les perfor-
ques quotidiennes. Il s’agit d’amener le patient à mémoriser des mances à une même épreuve en faisant varier les modalités de
informations dans des situations proches de celles de la vie présentation (un échec dans toutes les modalités évoquera une
quotidienne. Le Rivermead Behavioural Memory Test (RBMT [47]) perte du concept, sinon, on parlera d’un trouble sélectif à une
est composé de différents sous-tests impliquant de se souvenir modalité).
de certaines tâches à réaliser ultérieurement (mémoire prospec-
tive) et des tâches nécessitant de retenir une information Exploration
habituellement indispensable à un fonctionnement mnésique De manière générale, les cliniciens utilisent les épreuves
quotidien comme se souvenir d’un nom et d’un prénom, d’un suivantes :
objet caché, d’un rendez-vous, d’un trajet, etc. Pour une • épreuves verbales :
évaluation plus fine, des indices de récupération sont prévus en C définition de mots et vérification d’énoncés (une lionne a
cas d’échec. une crinière, un cube a six faces) ;
C dénomination orale et écrite ;
C fluence verbale et catégorielle ;

“ En résumé
C appariement catégoriel (à partir d’images ou de mots),
tâches de catégorisation sémantique (PEGV) [19] ;
C appariement mot/image ;
Évaluation de la mémoire épisodique. C questionnaire de culture générale ;
Objectifs : • autres modalités :
• vérifier l’existence et l’importance du déficit, son C identification visuelle, tactile, auditive (et, dans certains
caractère isolé ou non, ainsi que son évolution ; cas, gustative et olfactive) ;
• déterminer la nature du trouble (perturbation des C production de dessins d’objets ;
C pantomimes et production de gestes symboliques.
processus d’encodage, de stockage ou de récupération).
Par exemple, pour vérifier le concept « violon », on deman-
Principes :
dera au sujet d’en identifier le son, de le dessiner, de le
• proposer des épreuves verbales et non verbales afin reconnaître visuellement et de le dénommer (à partir d’un
d’identifier d’éventuelles dissociations ; dessin et de l’objet), de le définir (catégorie, utilisation, couleur,
• diversifier le matériel (liste de mots, récits, figures taille, etc.), de mimer son utilisation et de l’utiliser (on regardera
géométriques, visages, trajets...) ; uniquement la posture !).
• tester différents modes de récupération des
informations : rappel libre, rappel indicé, reconnaissance, Mémoire prospective
amorçage... ; Il s’agit de la capacité à se souvenir de choses que l’on a prévu
• inclure des épreuves « écologiques ». de faire (comme penser à acheter du café, transmettre un
message, sortir la tarte du four, prendre ses médicaments, etc.)
dans un futur plus ou moins proche (il y a systématiquement un
délai entre la formulation de l’intention et la possibilité de la
Mémoire sémantique réaliser). La récupération de l’intention est possible à partir
On définit classiquement la mémoire sémantique comme un « d’indices de récupération ». Ces indices sont basés sur le temps
système de connaissances générales du monde. On peut distin- (time-based) (dans 3 jours, dans 30 minutes, etc.) ou sur un
guer les connaissances lexicosémantiques (c’est-à-dire les connais- événement précis (event-based) (en sortant du travail, après avoir
sances spécifiques à l’usage du langage ou le sens des mots) et terminé la vaisselle, quand je verrai Paul, etc.).
les connaissances conceptuelles (à savoir les connaissances À l’heure actuelle, l’exploration de la mémoire prospective
encyclopédiques ou croyances). n’est que marginale dans la démarche clinique classique car il

12 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

est difficile de contrôler le sujet et la manière dont il s’y prend • tâches perceptivomotrices : tâche d’écriture en miroir, tâche de
pour penser à faire ce qu’il a prévu durant le délai qui sépare la poursuite de cible rotative [52] (à l’aide d’un stylet, le sujet doit
formulation de l’intention de sa réalisation (recours à un tiers, suivre une cible sur un disque en rotation. La performance est
utilisation d’un post-it ou d’un agenda, absence de moyen, etc.). mesurée par le temps où la cible reste en contact avec le
L’interprétation des performances est par ailleurs malaisée du stylet. L’apprentissage se traduit par une augmentation de ce
fait des nombreux processus cognitifs impliqués (l’initiative de temps au fil des essais) ;
formuler l’intention, la mémoire épisodique, la planification, la • tâches cognitives : la tour de Hanoï (il s’agit d’une variante de
flexibilité et l’inhibition, l’estimation temporelle, la motivation). la tour de Londres – voir infra Fonctions exécutives – on
Les travaux dans ce domaine ont utilisé des méthodes telles considère que la mémoire procédurale est impliquée du fait
que : des nombreux essais impartis).
• les questionnaires : ils renseignent sur la présence ou non de L’exploration de la mémoire procédurale n’a qu’un intérêt
difficultés dans la vie quotidienne avec le risque de non- très réduit en termes de diagnostic mais est essentielle à des fins
exhaustivité du pointage des erreurs (liée à l’oubli de la noter de prise en charge. Une réinsertion professionnelle peut par
ou à l’absence d’identification de l’erreur) ; exemple être envisagée chez des patients capables de nouvelles
• les procédures fondées sur des situations dites « naturelles » habiletés.
(comme téléphoner à l’expérimentateur, envoyer un ques-
tionnaire...) avec des fenêtres temporelles précises (date et
heure prédéterminées). Wilson, Cockburn et Baddeley [47]
développent la RBMT (Rivermead Behavioral Memory Test) qui
comprend deux items impliquant la mémoire prospective (le
“ Mise au point
clinicien emprunte un objet personnel au patient qui a pour
consigne de le récupérer à un moment précis de la passation, En somme, l’avancée des travaux en psychologie
il doit se souvenir également d’un message à redire plus tard cognitive et l’intérêt croissant pour la rééducation
durant la séance) ; suscitent de profonds changements dans les pratiques et
• les procédures de « laboratoire » (voir [49]). Leur principe est de les outils d’évaluation de la mémoire. De nouveaux outils
proposer une tâche à réaliser (tâche en cours) au cours de élaborés à partir d’un cadre théorique précis sont
laquelle les sujets ont des choses à faire à des moments désormais à la disposition des praticiens, mais peu d’entre
spécifiques (time-based) ou à la survenue d’un indice prédé- eux bénéficient d’une normalisation, même si de gros
terminé (event-based). On propose par exemple une série de efforts sont actuellement fournis dans ce sens. Il est
mots aux sujets en leur demandant de les rappeler ensuite.
important par ailleurs de rappeler que l’objectif majeur de
Au début de l’expérience, les sujets reçoivent des consignes
« prospectives », par exemple, d’appuyer sur un bouton l’évaluation mnésique est de comprendre les troubles que
chaque fois qu’ils rencontrent un mot précis (mot-cible). Ces présentent les patients afin de réduire leur retentissement
paradigmes utilisent des délais assez courts mais le contrôle dans la vie quotidienne. L’évaluation des troubles ne peut
du sujet et de nombreux facteurs (la complexité de la tâche donc se limiter à la passation d’épreuves dites « de
en cours, le nombre de consignes prospectives, les intervalles laboratoire » et doit nécessairement inclure des méthodes
temporels, etc.) est meilleur. La variabilité d’une performance, d’évaluation plus proches de la réalité et plus pertinentes
telle qu’on peut l’observer en milieu naturel, ne transparaît du point de vue écologique. Le développement de
pas dans ce type de tâche. nouveaux modèles capables de rendre compte des
Dans la pratique courante, le clinicien va proposer au patient aptitudes mnésiques journalières semble désormais crucial
de penser à récupérer un objet en fin de séance, de poser une tout comme le développement de nouveaux outils
question à un certain moment. Il vérifiera également la gestion
d’évaluation plus écologiques conçus sur la base de ces
des rendez-vous. Dans des tâches plus complexes, telle que la
réalisation d’un repas, le thérapeute vérifiera si le sujet pense à modèles.
sortir le plat du four, à rajouter un ingrédient en cours de
cuisson, etc., soit autant de tâches bien peu satisfaisantes en
regard du poids de la mémoire prospective sur l’autonomie.
Fonctions exécutives
Mémoire procédurale Ce qu’il est utile de comprendre
Cette mémoire est classiquement considérée comme celle des La définition des fonctions exécutives est une question
habiletés [50]. Ces habiletés peuvent être perceptives (surveillance difficile. Ces fonctions ont initialement été abordées dans les
d’écran), perceptivomotrices (comme manipuler une souris années 1850 notamment grâce à Gall, Harlow et Oppenheim
d’ordinateur), motrices (faire du vélo, nager, tricoter, etc.), mais avec une approche descriptive de patients présentant une lésion
aussi cognitives (maîtrise d’une langue étrangère, d’un logiciel, cérébrale au niveau des lobes frontaux. On décrivait alors des
etc.). La mémoire procédurale est relativement préservée des comportements irrationnels, des troubles affectifs et cognitifs
atteintes dues au vieillissement normal ou à la pathologie. Elle ainsi qu’une distractibilité. L’observation de blessés de guerre au
s’exprime selon deux modes principaux : l’existence d’habiletés début du XXe siècle (Hebb, Goldstein), a permis d’ajouter la
maîtrisées par le sujet et la capacité à en acquérir de nouvelles. notion de perturbation dans les activités nécessitant un dérou-
L’acquisition d’habiletés demande du temps, le principe lement sériel d’actions intermédiaires.
d’apprentissage est la répétition dans des conditions invariables. C’est Luria, en 1969 [53] , qui fut le premier à tenter de
L’administration d’un grand nombre d’essais est en effet modéliser et de définir les fonctions exécutives. Il parle alors
nécessaire à la mise en place de processus de traitements d’un comportement déclenché par un obstacle. Le détour de
automatiques, rapides et procéduralisés. Cette exigence en l’obstacle nécessiterait :
termes de temps limite considérablement l’exploration en • une analyse des données ;
pratique clinique courante. Signalons également qu’il n’existe • l’élaboration d’un plan ;
pas de d’épreuves étalonnées ni de normes. • la réalisation (séquences d’opérations) ;
L’évaluation de la mémoire procédurale peut être abordée à • la production du résultat ;
partir de : • l’évaluation du résultat.
• tâches perceptives : la tâche de lecture en miroir [51] (on Norman et Shallice en 1980 [54] modernisent cette conception
demande au sujet de lire des mots présentés comme s’ils en y ajoutant la notion de contrôle attentionnel. L’idée fonda-
étaient vus en miroir. Sa performance est mesurée par la mentale est que nous sommes capables de réaliser un grand
vitesse de lecture. L’apprentissage se traduit pas une diminu- nombre d’actions quotidiennes sans y prêter attention (comme
tion du temps de lecture au fil des essais) ; réaliser quotidiennement le trajet entre notre domicile et notre

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 13
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

travail), alors qu’un contrôle attentionnel est nécessaire pour exécutif à un patient mais pas à l’autre) mais aussi d’être
faire face aux situations inhabituelles (par exemple une modifi- attentif aux effets test-retest qui réduisent le caractère de
cation exceptionnelle du trajet domicile–travail suite à une nouveauté. Il s’agit pour le clinicien de faire appel à des
déviation ou une course à effectuer), c’est-à-dire impliquant situations complexes impliquant la recherche et l’analyse
l’inhibition d’actions non pertinentes (comme prendre le d’informations pertinentes, la prise de décision devant plusieurs
chemin habituel). Notre comportement serait régi par des acceptions, la correction d’erreurs, la résistance à des réponses
schémas d’actions (connaissances des séquences d’actions habituelles, etc., à l’image des situations de la vie quotidienne.
surapprises) qui seraient activés suivant la situation. Il arrive Sur le plan clinique, on utilise surtout des épreuves censées
toutefois que plusieurs schémas soient en compétition (comme isoler un aspect ou un autre du système exécutif. Le fait de
être à l’heure au travail en ayant déposé les enfants à l’école car scinder les différents aspects du système exécutif permet d’avoir
il n’y a pas de ramassage scolaire ce jour), ce qui implique un une idée de la nature d’un déficit mais réduit en contrepartie la
choix de priorité (dans notre exemple : la contrainte horaire) possibilité de mettre en évidence des troubles. Il arrive en effet
géré par le SAS (système superviseur attentionnel suivant le qu’un handicap réel s’exprime dans la vie quotidienne lors de
modèle de Norman et Shallice). En somme, la fonction princi- situations plus complexes que ce que l’on propose à l’examen
pale du système « exécutif » est de s’adapter à la nouveauté, aux alors que les tests, volontairement simplifiés, sont réalisés
situations non routinières (dans notre exemple : le nouveau correctement. L’inverse existe aussi, d’où l’alternative de
trajet), ce qui renvoie à un ensemble de processus tels que le l’approche « écologique », de plus en plus proposée dans la
raisonnement, la planification (s’organiser pour partir plus tôt), démarche d’évaluation.
la flexibilité (passer d’un trajet habituel à un trajet incluant
l’école), les capacités d’inhibition (inhiber le trajet habituel), Évaluation des capacités de résolution de problèmes
mais aussi de jugement et d’abstraction (capacité à aller à La capacité de résolution de problèmes pourrait, à elle seule,
l’essentiel) ainsi que les ressources attentionnelles. Un certain résumer les fonctions exécutives, mais on a vu dans la défini-
nombre de chercheurs [55-58] pour ne citer que les principaux) tion que le concept est bien plus complexe. La résolution de
ont apporté des nuances à ce modèle, Damasio [59] propose une problèmes est omniprésente dans la vie quotidienne. Elle est
autre conception des fonctions exécutives avec la notion des nécessaire pour des tâches en apparence simples telles que se
marqueurs somatiques (voir [60] pour une revue). Notre connais- rendre au restaurant, régler un thermostat de chauffage, etc.
sance de ces fonctions reste aujourd’hui encore bien imparfaite. (autant de situations variées qui vont rendre difficile l’explora-
Les structures du cortex préfrontal (cortex préfrontal interne, tion de cette capacité). Le mode de résolution du problème
cortex orbitofrontal, cortex dorsolatéral) sont classiquement rencontré dépendra fortement de son encodage (de la manière
considérées comme le soubassement du système exécutif. On dont il est perçu) et de l’expertise du sujet. Les « experts »
peut fréquemment observer un syndrome dysexécutif dans un semblent disposer de schémas ou de « scripts » très complets
certain nombre de pathologies (traumatisme crânien, démences d’une situation de problèmes, alors que les débutants fondent
sous-corticales, syndrome de Korsakoff...) du fait des nombreu- leur procédure de résolution sur des informations plus
ses connexions avec d’autres régions cérébrales. Il peut se fragmentaires.
manifester sur les plans :
En pathologie, en particulier chez les sujets frontaux, les
• cognitif, avec comme principales perturbations : la distractibi-
difficultés de résolution de problèmes semblent compatibles (au
lité, le manque de flexibilité (nécessaire pour changer d’idée,
moins en partie) avec une mauvaise compréhension des don-
de stratégie, d’activité), un trouble de la planification des
nées du problème et de ses objectifs et/ou un trouble de
actions et du discours, des troubles de la mémoire (altération
l’organisation séquentielle des scripts. Ainsi, le patient sera
du rappel des informations plus ou moins compensable par
capable de résoudre des problèmes de routine tout en n’étant
l’indiçage et la reconnaissance, altération des capacités
pas en mesure de résoudre les problèmes dans leur totalité
d’encodage stratégique, trouble du jugement de récence et de
(notamment lorsque le SAS est impliqué).
la chronologie des événements, perturbation de la mémoire
prospective), une altération de la compréhension des inféren- Concernant l’évaluation, la plupart des épreuves neuropsy-
ces et du second degré, une baisse de la fluence et des chologiques effleurent la notion de résolution de problèmes car
difficultés d’évocation, une réduction des capacités d’abstrac- elles demandent d’analyser des données, de les manipuler
tion, des troubles du raisonnement logique, une altération du suivant un plan et de vérifier le résultat. Classiquement, les
niveau d’élaboration, un jugement erroné, un défaut de cliniciens utilisent :
stratégie exploratoire, des difficultés de gestion de doubles • les problèmes arithmétiques (sub-test de la WAIS-III [4], problè-
tâches (comme conduire en téléphonant), etc. ; mes de Luria) ;
• comportemental, dont les troubles sont principalement liés à • le raisonnement non verbal type matrices de Raven [5] (voir supra
un défaut de contrôle et se manifestent principalement sur le chapitre concernant l’efficience intellectuelle) ;
deux versants (la désinhibition et l’inertie comportementale) • la tour de Londres [61] : elle propose au sujet des problèmes de
pouvant s’exprimer en alternance chez un même patient. On complexité croissante. Le matériel est constitué de deux
observera : une euphorie/moria, une irritabilité, une impulsi- supports comportant chacun trois tiges de différentes lon-
vité, un état maniaque, un comportement d’utilisation et gueurs et de trois perles de couleurs différentes. La plus petite
d’imitation, un défaut de contrôle émotionnel (pleurs ou rires tige ne peut recevoir qu’une seule perle, la moyenne peut en
intempestifs, inappropriés), un discours ou une attitude recevoir deux et la grande trois. L’examinateur montre le
familiers avec rupture des conventions sociales etc. ; support modèle avec la configuration d’arrivée que le sujet
• et/ou moteur, et plus spécifiquement, un trouble de l’organi- devra atteindre en déplaçant les perles de son propre support
sation dynamique des actes moteurs (persévérations, échola- et cela, en effectuant un minimum de mouvements et en ne
lies, échopraxies). déplaçant qu’une seule perle à la fois.
Un syndrome dysexécutif se révèle particulièrement invali- • Le Brixton [62] est une tâche de détection de règles. Le test se
dant dans la vie quotidienne et a fortiori sur le plan de l’adap- compose de 56 fiches comprenant chacune dix cercles (dont
tation sociale et professionnelle. un est noirci), aligné en deux files. Le cercle noir n’est pas au
même endroit d’une fiche à l’autre, son changement répond
à une règle que le sujet doit déduire. Lorsqu’on présente une
Exploration
fiche, la tâche du sujet est de prédire l’emplacement du cercle
Aborder les fonctions exécutives et, qui plus est, les évaluer, noir. Pour y parvenir, il doit appliquer une règle qu’il aura
n’est pas simple du fait du caractère inhabituel que doivent déduite en se référant aux déplacements précédents. Un sujet
prendre les tâches si l’on se réfère à la définition. Cela nécessite présentant un trouble du raisonnement hypothéticodéductif
donc de vérifier le niveau d’expertise du patient devant la tâche ou une altération de l’efficience de la mémoire de travail sera
proposée (car une même tâche peut demander un contrôle en difficultés dans cette tâche.

14 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

Évaluation des capacités d’organisation réponses à d’autres stimuli distracteurs. Il existe de nombreu-
Les épreuves impliquant une planification de l’action ne ses variantes de cette tâche en neuropsychologie. Le plus
peuvent être réalisées de manière automatique, elles font appel couramment, on demande au sujet de taper une fois sur la
au système exécutif. Parmi les plus utilisées dans la pratique table lorsque l’examinateur tape une fois et deux fois lorsqu’il
clinique, on note : tape deux fois, puis, inversement, on lui demande de taper
• la copie de la figure complexe de Rey [23] (voir chapitre concer- deux fois lorsque l’examinateur tape une fois, etc. ;
nant les praxies constructives), la planification est impliquée • le test de Hayling [68] : il s’agit de mesurer la capacité d’inhibi-
dans cette activité visuoconstructive ; tion d’une réponse dominante en proposant des phrases dont
• le test des commissions de Martin [63], il s’agit d’une épreuve il manque le dernier mot (exemple : pour mieux voir de près
papier-crayon où l’on demande au sujet d’organiser un trajet, il doit porter des...). On demande au sujet de compléter
à partir d’un plan, permettant de faire la totalité des 11 cour- chacune d’entre elles le plus rapidement possible en propo-
ses (reprendre une machine à écrire, acheter du pain à partir sant un mot non congruent. Les patients présentant un
de 11 h, payer une taxe à l’hôtel de ville ouvert de 8 h à défaut d’inhibition obtiennent des temps de latence accrus
10 h, déposer un paquet de 5 kg à la poste...) et cela, en et/ou produisent des réponses en accord avec la phrase cible
fonction de consignes concurrentes telles que : ne pas avoir (dans notre exemple : lunettes). Il arrive que certains d’entre
trop de choses à porter en même temps, respecter les horaires eux ne comprennent pas les attentes de la tâche, ce qui
d’ouverture et de fermeture des magasins, ne pas faire trop de allonge considérablement les temps de réponse.
détours, ne pas attendre trop longtemps à certains endroits. Évaluation de la flexibilité
Un échec à cette épreuve est difficile à interpréter car il peut
s’agir d’un trouble de la compréhension ou de la rétention L’évaluation de la flexibilité mentale est la suite logique de
des consignes, d’une difficulté à générer ou à maintenir un l’examen des capacités d’inhibition puisqu’elle est sous sa
plan d’actions, ou encore d’un défaut de ressources atten- dépendance. La flexibilité fait référence à un déplacement du
tionnelle, etc. ; focus attentionnel d’un stimuli à l’autre, d’une tâche à l’autre,
• la tour de Londres [61] (voir ci-dessus). d’une idée à l’autre, d’où l’utilisation d’épreuves impliquant des
À noter que ces tâches sont assez complexes et demandent changements de logique, ou des processus d’alternance tels
une analyse pertinente des données. Elles se superposent que :
largement à la notion de résolution de problèmes. • le trail making test [69] : ce test (un des plus anciens) comprend
deux parties. Dans la partie A, le sujet doit relier, à l’aide d’un
Évaluation des capacités de classement crayon, et dans l’ordre numérique croissant, des nombres (de
On utilise essentiellement des épreuves nécessitant une 1 à 25) disposés pseudo-aléatoirement sur une feuille de
catégorisation du matériel, la plus connue étant le Wisconsin format A4. Dans la partie B, la flexibilité est mise en jeu : le
Sorting Card Test. Dans cette épreuve [64], on demande au patient sujet doit relier alternativement et dans l’ordre croissant des
de classer 128 cartes suivant quatre cartes stimuli (représentant nombres et des lettres (1-A-2-B-3-C...). On recueille le temps
respectivement un triangle rouge, deux étoiles vertes, trois croix de réalisation ;
jaunes et quatre cercles bleus), en fonction de règles qu’il doit • la variante de la fluence verbale catégorielle [70], qui consiste à
déduire. Le patient place en effet chacune des 128 cartes sous alterner deux catégories sémantiques ;
la carte stimuli qu’il pense être la bonne et c’est l’expérimenta- • le test de flexibilité de Stroop [71], qui est une variante du test
teur qui lui indique si son choix est correct ou non. Le patient d’inhibition présenté ci-dessus. Dans cette condition, la
doit obtenir le maximum de réponses correctes sachant qu’on plupart des mots sont présentés dans la condition habituelle
lui demande implicitement de changer de règle de classement d’interférence et le sujet doit dénommer la couleur de l’encre.
après dix classements consécutifs corrects. Il doit ainsi aboutir Certains stimuli sont cependant encadrés et, dans ce cas, le
à la découverte de trois critères de classement : la couleur, la sujet doit lire le mot écrit. Il doit donc alterner entre deux
forme et le nombre. L’interprétation de difficultés rencontrées types de traitement (lecture versus dénomination), ce qui
dans ce type d’épreuve est malaisée ; il pourrait s’agir en effet nécessite des capacités de flexibilité mentale.
d’un manque de compréhension des exigences de la tâche, d’un Évaluation des capacités attentionnelles
défaut de flexibilité, de difficultés de compréhension des
consignes, d’une difficulté à utiliser les feedbacks de l’expéri- La notion d’attention est complexe et recouvre plusieurs
mentateur, d’une difficulté de conceptualisation des critères de processus : la vigilance, l’orientation, le maintien (attention
classement, etc. soutenue), la sélectivité et la division. Il s’agit d’une fonction de
base, impliquée dans toute performance intellectuelle. Sur le
Évaluation des capacités d’inhibition plan clinique, les troubles sont fréquents chez les patients
Les mécanismes inhibiteurs sont centraux dans les processus cérébrolésés et peuvent prendre des formes assez variées : le
cognitifs, ils peuvent rendre compte de la distractibilité, des patient peut être assez peu vigile, ralenti ou présenter des
troubles de la sélectivité et des erreurs persévératives. Leur difficultés pour se maintenir sur une tâche ; il peut être
examen consiste à proposer des tâches qui demandent au sujet facilement distractible ou débordé, n’arrivant pas à mener à
de résister à une réponse habituellement automatique ou non bien une tâche de longue durée, etc.
pertinente. Les épreuves les plus utilisées sont : Les mesures sont fondées sur les temps de réaction ou de
• le stroop [65], l’effet stroop renvoie au fait que si l’on demande réalisation recueillis à partir de tâches simples (détection de
à un sujet de nommer la couleur de l’encre dans laquelle est signal, barrage de cibles) dans des conditions de complexité
écrit un mot, il mettra beaucoup plus de temps si ce mot est variable (amorçage de la cible ou non, condition de double
un nom de couleur différent de la couleur de l’encre que s’il tâche, cibles multiples, complexité morphologique et nombre de
s’agit d’un stimulus neutre comme « XXXX ». Il doit ainsi distracteurs). Les épreuves proposées sont plutôt de durée courte
« inhiber » le mécanisme de lecture (processus automatique) dans la pratique clinique (souvent pas plus de quelques minu-
au profit de la dénomination de couleur moins automatique ; tes), ce qui ne permet pas toujours d’objectiver une gêne
• la fluence verbale [66] on demande au sujet de produire en un manifeste dans la vie quotidienne.
temps donné le plus de mots possible appartenant à une L’attention soutenue peut être évaluée dans toutes les épreuves
catégorie sémantique (fluence sémantique) ou commençant permettant l’enregistrement continu et prolongé de la qualité et
par une même lettre (fluence lexicale). Cette tâche est une de la rapidité des performances. Le niveau d’exigence doit être
excellente tâche de résolution de problème puisque le sujet élevé sur le plan cognitif. La fatigabilité se manifeste par un
doit trouver une stratégie de recherche afin d’optimiser ses allongement des temps de réponse au fil de la tâche et/ou par
performances mais aussi inhiber les items non pertinents ou une détérioration des réponses. Parmi les épreuves utilisées dans
ceux déjà mentionnés ; la pratique clinique, on trouve par exemple le PASAT (Paced
• le test Go/no-go (voir batterie TEA [67]) : le principe est que le Auditory Serial Addition Test, épreuve informatisée) [72] : on présente
sujet doit répondre à certains stimuli tout en inhibant ses au sujet, dans un ordre pseudoaléatoire, des chiffres allant de 1

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 15
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

à 9. Sa tâche consiste à additionner chacun des chiffres proposés un environnement (un quartier, la maison du sujet, etc.) et des
avec celui qui le précède dans la série et à formuler sa réponse tâches (organiser un déplacement, planifier un repas, etc.) les
à haute voix. On augmente le niveau d’exigence de la tâche en plus proches possible de la vie quotidienne, ce qui peut s’avérer
augmentant la vitesse de présentation des chiffres d’une compliqué dans la pratique clinique courante (faute souvent de
passation à l’autre. moyen et de temps). L’autre particularité de ce type de démar-
La vigilance est la capacité à augmenter le niveau d’attention che est que les problèmes de la vie quotidienne sont plus
lorsque l’on attend la survenue d’un stimulus dans un futur ouverts que les tests et donc peuvent être abordés de différentes
proche. On l’évalue lors de la réalisation de tâches qui se façons suivant l’expertise, les habitudes et la motivation du
prolongent dans le temps et en faisant varier l’intervalle de sujet ; ces facteurs sont difficiles à contrôler. La démarche
temps qui sépare la cible d’un signal. La vigilance, rarement « écologique » permettra surtout de vérifier une capacité mais pas de
étudiée dans la pratique clinique courante, doit donc être déterminer la nature d’un déficit ou d’un processus demeuré intact car
abordée avec des épreuves plus longues (minimum plusieurs les processus cognitifs impliqués sont assurément nombreux.
dizaines de minutes) nécessitant une surveillance continue de la Toutefois, si l’approche écologique signifie stricto sensu d’aller
part du sujet. On relève le taux de détection de cibles, le dans l’environnement du sujet, les cliniciens utilisent des
nombre d’omissions et de fausses alarmes au fil du temps, épreuves écologiques « de laboratoire » qui permettent de
sachant que les caractéristiques de la tâche (nombre de cibles et
contourner cet aspect. Parmi les plus courantes, il existe :
de distracteurs, durée de la tâche, durées des intervalles inters-
• la tâche des six éléments [77] : les sujets doivent réaliser en
timuli) influent sur le niveau de vigilance. Un faible nombre de
15 minutes un total de six tâches simples (en fait trois tâches
cibles réparties sur une longue durée aura par exemple un effet
divisées en deux parties équivalentes A et B) : dicter des
délétère sur la vigilance. Parmi les tests les plus couramment
trajets, dénommer par écrit des dessins, réaliser une série de
utilisés figure la batterie TEA [73] : le sujet est placé dans la
situation d’une personne vérifiant des billets de loterie. En problèmes arithmétiques. La réalisation des six tâches
écoutant une bande enregistrée, il doit déterminer si le billet est demande en fait plus de temps que la durée impartie. Le sujet
gagnant ou non en comparant les références de chaque billet doit obtenir le meilleur score possible dans le respect de
(comprenant deux lettres et trois chiffres) avec le numéro certaines contraintes : (1) il ne doit pas réaliser deux sous-
gagnant comprenant deux chiffres. L’épreuve dure 10 minutes tâches A et B d’un même type l’une après l’autre (2) les
et comprend 10 billets gagnants. 15 premiers items des tâches de dénomination et d’arithmé-
L’attention sélective est souvent la plus étudiée dans le cadre de tique bénéficient d’un bonus de points et (3) toutes les sous-
l’examen neuropsychologique. Dans la vie quotidienne, nous tâches doivent être abordées au moins une fois. Pour
sommes sans cesse amenés à sélectionner l’information perti- optimiser leurs performances, les patients doivent estimer la
nente. Nous sommes distractibles lorsque nous n’y parvenons durée qu’ils peuvent consacrer à chaque sous-tâche ;
pas. L’attention sélective est donc abordée avec des tâches où • le test des commissions multiples (Multiple Errands Test) [77] se
l’on demande au sujet de « filtrer » l’information et de se déroule dans une rue piétonne non connue des patients. On
« focaliser » sur un aspect de l’information, tout en se « désoli- leur demande de réaliser huit tâches simples (acheter une
darisant » des distracteurs. Les outils les plus fréquemment salade, se rendre à un endroit déterminé à un moment précis,
utilisés sont des tâches de discrimination visuelle comme : etc.) dans le respect de certaines contraintes (aller le plus
• les figures enchevrêtrées [74] ; rapidement possible, ne pas entrer inutilement dans un
• le barrage de cibles (d2 [75], test des cloches [76]). magasin, communiquer à l’expérimentateur tout achat
L’attention divisée est abordée à l’aide de tâches nécessitant le effectué) ;
traitement d’informations provenant de sources différentes. Cela • le behavioral assessment of the dysexecutive syndrome (BADS) [78]
implique pour le sujet d’être capable à la fois de distribuer son est actuellement la seule échelle clinique ayant pour objectif
attention mais aussi de traiter plusieurs informations simulta- de prédire les problèmes de la vie quotidienne pouvant se
nément. La performance dépendra du degré d’expertise du manifester suite à une perturbation des fonctions exécutives.
sujet : une tâche automatisée pourra être exécutée en concur- Elle se compose d’un autoquestionnaire et de six tests
rence avec une autre sans difficulté particulière (comme par permettant d’évaluer différentes composantes : la planifica-
exemple discuter en marchant, sauf chez les personnes présen- tion, le changement et le maintien d’une règle, l’estimation
tant un trouble de la marche ou si la discussion a lieu dans une temporelle, la gestion du temps, la prise d’initiative. La
langue peu maîtrisée). Actuellement, seule une épreuve de la traduction française est tout juste disponible actuellement.
batterie informatisée TEA [73] est une épreuve de double tâche On a par ailleurs observé une grande hétérogénéité des
standardisée. On demande au sujet de barrer des paires de
symboles sur des pages simulant un annuaire téléphonique tout
en dénombrant des sons au sein de séquences enregistrées. On
compare les performances de cette épreuve à celles obtenues
dans les tâches réalisées séparément.
La vitesse de traitement de l’information constitue aussi une
“ Mise au point
fonction de base. Une lésion cérébrale occasionne fréquemment
une lenteur de traitement de l’information à distinguer du En somme, la complexité du concept de fonctions
ralentissement idéatoire. Le ralentissement du traitement de exécutives appelle à la prudence quant à la démarche
l’information est global et retentit sur toutes les tâches quel que d’évaluation et davantage encore concernant
soit leur niveau d’exigence cognitive. En pratique clinique, on l’interprétation des performances. Compte tenu de l’état
aborde souvent ce point à l’aide du sub-test des codes de la WAIS- actuel de nos connaissances, l’existence de déficits à des
III. Le sujet a à sa disposition une série de dix chiffres (de 0 à épreuves censées impliquer les fonctions exécutives peut
9), chacun est apparié à un symbole. On demande au sujet de
être considérée comme un indice ambigu d’une
reporter le plus possible de codes correspondant à chacun des
pathologie. Il est en effet plutôt de règle d’obtenir des
chiffres, dans l’ordre de présentation de ceux-ci et en 90 secon-
des. Cette tâche implique une compétence graphomotrice. La performances hétérogènes entre les différentes tâches
dextérité et la vitesse peuvent être altérées par une hémiparésie impliquant les fonctions exécutives et le clinicien doit
ou une hémiplégie ou par tout autre trouble orthopédique du s’acquitter d’observations directes dans la vie quotidienne
membre supérieur dominant. avant de conclure à un profil déficitaire. Aussi, compte
tenu du nombre de processus impliqués dans ce type
Approche écologique de l’évaluation des fonctions exécutives
d’épreuve, l’interprétation d’un déficit nécessite toujours
Cette approche prend tout son sens en regard de la définition sa mise en relation avec les performances obtenues à des
des fonctions exécutives, mais sa mise en œuvre est soumise à tâches non exécutives.
certaines difficultés. Les épreuves à visée écologique nécessitent

16 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation
Évaluation des fonctions supérieures ¶ 26-454-B-10

performances des patients, et en particulier des dissociations [14] Buttet Sovilla J, Laganaro M. Troubles phonologiques : rééducation du
entre les performances aux tests et le score obtenu au versant expressif. In: Aubin G, Belin C, David D, De Partz MP, editors.
questionnaire. Actualités en pathologie du langage. Marseille: Solal; 2001.
[15] Samson D. Évaluation et rééducation des troubles sémantiques. In:
Aubin G, Belin C, David D, De Partz MP, editors. Actualités en patho-
■ Conclusion générale logie du langage. Marseille: Solal; 2001.
[16] Pillon. Les troubles aphasiques de la production des phrases : théorie,
évaluation et rééducation. In: Aubin G, Belin C, David D, De Partz MP,
Tout au long de ce chapitre non exhaustif sur l’évaluation des editors. Actualités en pathologie du langage. Marseille: Solal; 2001.
fonctions supérieures, nous avons abordé un nombre important [17] Humphreys GW, Riddoch MJ. The fractionation of visual agnosia. In:
de notions aussi bien théoriques que cliniques qu’il est bien Humphreys GW, Riddoch MJ, editors. Visuel object processing: a
difficile de résumer. Nous avons surtout souhaité insister sur la cognitive neuropsychological approach. London: Lawrence Erlbaum;
démarche, les principes et les écueils d’une évaluation bien 1987. p. 281-306.
conduite. Il est essentiel de souligner un certain nombre de [18] Azouvi P, Samuel C, Louis-Dreyfus A, Bernati T, Bartolomeo P,
points. Beis JM, et al. (GRECO). Sensitivity of clinical and behavioural tests of
L’évaluation des fonctions supérieures est toujours motivée spatial neglect after right hemisphere stroke. J Neurol Neurosurg
par un intérêt clinique. Psychiatry 2002;73:160-6.
Il s’agit une démarche scientifique, fondée sur les principes de [19] Agniel A, Joanette Y, Doyon B, Duchein C. Protocole Montréal-
la psychologie cognitive (d’où sont issus les modèles) et de la Toulouse. Évaluation des gnosies visuelles et auditives. Paris: L’Ortho
psychologie expérimentale (qui apporte la méthodologie et les édition; 1992.
tests) ; les cadres théoriques élaborés en psychologie cognitive et [20] Riddoch MJ, Humphreys GW. Birmingham Object Recognition Battery
à partir desquels se construit le bilan neuropsychologique sont (BORB). Hove: Lawrence Erlbaum; 1993.
en constante évolution. Certains se complètent ou au contraire [21] Warrington EK, Taylor AM. Contribution of the right parietal lobe to
s’opposent et le clinicien doit choisir le modèle qui lui semble object recognition. Cortex 1973;9:152-64.
le plus adéquat pour adapter ses outils, conduire son évaluation [22] Roy EA, Square PA. Common considerations in the study of limb,
et interpréter les données ainsi obtenues. verbal and oral apraxia. In: Roy EA, editor. Neuropsychological studies
Il existe un décalage réel entre nos connaissances théoriques, of apraxia and related disorders. Amsterdam: Elsevier; 1985.
les paradigmes de recherche et la pratique clinique courante, ce p. 111-56.
qui rend parfois l’exploration peu satisfaisante. [23] Rey A. Test de copie d’une figure complexe : manuel. Paris: Les Édi-
L’évaluation d’une fonction ne peut être résumée à un seul tions du Centre de Psychologie Appliquée; 1959.
test. Le test peut soit « épurer » une fonction, soit au contraire [24] Rothi LJ, Raymer AM, Heilman KM. Limb praxis assessement. In:
impliquer de nombreuses fonctions cognitives. Il ne correspond Rothi LJ, Heilman KM, editors. Apraxia, the neuropsychology of
jamais stricto sensu à une fonction. action. Hove: Psychology Press; 1997. p. 61-73.
Le clinicien compose avec les réalités du terrain. Il doit [25] Atkinson RC, Schiffrin RM. Human memory: a proposed system an
dits control processes. In: Spence KW, editor. The psychology of
notamment prendre en considération le temps dont il dispose,
learning and motivation. New York: Academic Press; 1968. p. 89-195.
l’état cognitif et psychologique du patient ainsi que sa
[26] Squire LR. The organization and neural substrates of human memory.
demande, l’origine et la nature de la demande d’examen, le
Int J Neurol 1987–1988;21-22:218-22.
contexte dans lequel il travaille (la démarche et les conditions
[27] Hintzman DL. “Shema abstraction” in a multiple-trace memory model.
d’examen ne sont généralement pas les mêmes dans un centre
Psychol Rev 1986;93:411-28.
de rééducation et au sein d’une consultation mémoire en
[28] Logan GD. Automaticity, resources, and memory: theoretical
gérontologie).
controversies and practical implications. Hum Factors 1988;30:
583-98.
.

■ Références [29] Versace R, Nevers B, Padovan C. La mémoire dans tous ses états.
Marseille: Solal; 2002.
[1] Oldfield RC. The assessment and analysis of handedness: The [30] Baddeley AD, Hitch G. Working memory. In: Bower G, editor. The
Edinburgh Inventory. Neuropsychologia 1971;9:97-113. psychology of learning and motivation. New York: Academic Press;
[2] Wechsler DA. Échelle d’intelligence de Wechsler pour adultes. WAI.S. 1974. p. 47-90.
Paris: Les Éditions du Centre de Psychologie Appliquée; 1970. [31] Baddeley AD. Working memory. Oxford: Clarendon Press; 1986.
[3] Wechsler DA. Échelle d’intelligence de Wechsler pour adultes forme [32] Peterson LR, Peterson MJ. Short-term retention of individual verbal
révisée WAIS-R. Paris: Les Éditions du Centre de Psychologie items. J Exp Psychol 1959;58:93-108.
Appliquée; 1989. [33] Wilson JT. Visual short-term memory. In: Stachowiack FJ, editor.
[4] Wechsler DA. Échelle d’Intelligence de Wechsler pour Adultes – 3e Development in the assessment and rehabilitation of brain damaged
édition WAIS III. Paris: Les éditions du Centre de Psychologie patients. Tübingen: Gunter Narr Verlag;; 1993.
Appliquée; 2000. [34] Morris N, Jones DM. Memory updating in working memory: the role of
[5] Raven JC. Advanced progressive matrices. Oxford: Oxford the central executive. Br J Psychol 1990;81:111-21.
Psychologists; 1976. [35] Signoret JL. Batterie d’effıcience mnésique BEM, 144. Amstersdam:
[6] Folstein MF, Folstein SE, McHugh PR. “Mini Mental State”: a practical Elsevier Science Publishers; 1991.
method for grading the cognitive state of patients for the clinican. [36] Wechsler DA. Échelle clinique de mémoire de Wechsler révisée.
J Psychiatr Res 1975;12:189-98. Manuel. Paris: Les Éditions du Centre de PsychologieAppliquée; 1991.
[7] Gil R, Toullat G, Pluchon C. Une méthode d’évaluation rapide des [37] Rey A. Test de mémorisation d’une série de 15 mots. L’examen clinique
fonctions cognitives (ERFEC). Son application dans la démence sénile en psychologie. Paris: PUF; 1970.
de type Alzheimer. Sem Hop Paris 1986;62:2127-33. [38] Delis DC, Kramer JH, Kaplan E, Ober BA. California verbal learning
[8] Ducarne de Ribaucourt B. Rééducation sémiologique de l’aphasie.
test manual. San Antonio: Psychological Corporation; 1987 (TX).
Paris: Masson; 1986.
[39] Tulving E, Thomson DM. Encoding specificity and retrieval processes
[9] Goodglass H, Kaplan E. Échelle de Goodglass et Kaplan. Paris: ECPA
éditions; 2005. in episodic memory. Psychol Rev 1973;80:352-73.
[10] Nespoulous JL, Lecours AR, Lafond D, Lemay A, Puel M, Joanette Y, [40] Grober E, Buschke H. Genuine memory deficits in dementia. Dev
et al. Protocole Montréal Toulouse d’examen linguistique de l’aphasie Neuropsychol 1987;3:13-36.
MT 86. Isbergues: Ortho édition; 1986. [41] Gély-Nargeot MC, Cadilhac C, Touchon J, Nespoulous JL. La mémoire
[11] Darrigrad JP, Mazaux M. Échelle de compréhension verbale de Bor- des textes chez les sujets âgés sains et déments.Application d’un nouvel
deaux. Isbergues: Ortho édition; 1986. outil d’évaluation pour les (neuro)psychologues : mémo-textes. In:
[12] McCarthy RA, Warrington EK. A two route model of speech Lambert J, Nespoulous JL, editors. Perception auditive et compréhen-
production: evidence from aphasia. Brain 1984;107:463-5. sion du langage. Marseille: Solal; 1997. p. 273-93.
[13] De Renzi E, Vignolo LA. The Token Test: a sensitive test to detect [42] Rey A. Les troubles de la mémoire et leur examen psychométrique.
receptive disturbances in aphasics. Brain 1962;85:665-78. Bruxelles: Charles Dessart; 1966.

Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation 17
26-454-B-10 ¶ Évaluation des fonctions supérieures

[43] BentonAL. Revised visual retention test. New York: The Psychological [61] Shallice T. Specific impairments of planning. In: Broadbent DE,
Corporation; 1974. Weiskrantz L, editors. The neuropsychology of cognitive function.
[44] Violon A, Wijns C. Le test de la Ruche. Test de perception et d’appren- London: The Royal Society; 1982. p. 199-209.
tissage progressif en mémoire visuelle. Braine le Château, Belgique: [62] Burgess PW, Shallice T. Bizarre responses, rule detection and frontal
L’application des techniques modernes; 1984. lobe lesions. Cortex 1996;32:241-59.
[45] Baddeley AD, Emslie H, Nimmo-Smith I. Doors and people: a test of [63] Martin J. Test des commissions. Paris: ECPA; 1973.
visual and verball recall and recognition. Suffolk: Thames Valley Test [64] Milner B. Effects of different brain lesions on card sorting. Arch Neurol
Compagny; 1994. 1963;9:100-10.
[46] Van der Linden M, Wyns C, Coyette F, Von Frenckell R, Seron X. [65] Milner B. Some effects of frontal lobectomy in man. In: Warren JM,
Questionnaire d’auto-évaluation de la mémoire. Bruxelles: Éditest; Akert K, editors. The frontal ganular cortex and behavior. New York:
1989. McGraw-Hill; 1964.
[47] Wilson B, Cockburn J, Baddeley AD. Le Rivermead Behavioural [66] Stroop JR. Studies of interference in serial verbal reaction. J Exp
Memory Test. Version française de Bury St Edmunds: Thames Valley Psychol 1935;18:643-62.
Test; 1994. [67] Zimmerman P, Fimm B. Tests d’évaluation de l’attention (TEA).
[48] Samson D. La mémoire sémantique : modèles et évaluation. In: Wurselen: Psytest; 1994.
Meulemans T, Desgranges B, Adam S, Eustache F, editors. Évaluation [68] Burgess PW, Shallice T. Response suppression, initiation and strategy
et prise en charge des troubles mnésiques. Marseille: Solal; 2003. use following frontal lobe lesions. Neuropsychologia 1996;34:263-73.
[49] Einstein GO, McDaniel MA. Normal aging and prospective memory. [69] Reitan RM. Trail making test results for normal and brain damage
J Exp Psychol Learn Mem Cogn 1990;16:717-26. children. Percept Mot Skills 1971;33:575-81.
[50] Beaunieux H, Lebreton K, Giffard B. L’évaluation des capacités de [70] Gurd JM, Ward CD. Retrieval fron semantic and letter-initial category
mémoire implicite : enjeux et limites. In: Meulemans T, Desgranges B, in patients ith parkinson’s disease. Neuropsychologia 1989;27:743-6.
Adam S, Eustache F, editors. Évaluation et prise en charge des troubles [71] Bohnen N, Jolles J, Twijnstra A. Modification of the stroop color word
mnésiques. Marseille: Solal; 2003. test improves differencation between patients with mild head injury and
[51] Cohen NJ, Squire LR. Preserved learning and retention of pattern- matched controls. Clin Neuropsychol 1992;6:178-84.
analysis skill in amnesia: dissociation of knowing how and knowing [72] Gronwall D. The Paced Auditory serial addition test: a mesure of
that. Science 1980;210:207-10. recovery from concussion. Percept Mot Skills 1977;44:367-73.
[52] Heindel WC, Butters N, Salmon DP. Impaired learning of a motor skill [73] Robertson IH, Ward T, Ridgeway V, Nimmo-Smith I. The test of
in patients with Huntington’s disease. Behav Neurosci 1988;102:141-7. everyday attention. Flempton: Thames Valley Test Company; 1994.
[53] Luria AR. Frontal lobe syndromes. In: Vinken PJ, Bruyn GW, editors. [74] Pillon B, Dubois B, BonnetAM, Esteguy M, Guimaraes J, Vigouret JM,
Handbook of clinical neurology. Vol. 3. Amsterdam: North-Holland et al. Cognitive slowing in Parkinson’s disease fails to respond to
Publishing; 1980. p. 725-75. levodopa treatment: the 15 objects test. Neurology 1989;39:762-8.
[54] Norman DA, Shallice T. In: Attention to action: willed and automatic [75] Brikenkamp R. Le test d2 d’attention concentrée. Paris: Editest; 1966.
control of behavior. Center for human information processing. New [76] Gauthier L, Dehaut F, Joannette Y. The bells test: a quantative and
York: Plenum Press; 1980. p. 1-8. qualitative test for visual neglect. Int J Neuropsychol 1989;11:49-54.
[55] Stuss DT, Benson DF. The frontal lobes. New York: Raven Press; 1986. [77] Shallice T, Burgess P. Deficits in strategy application following frontal
[56] Schwartz MF, Montgomery MW. Fitzpatrick DeSalme EJ, Ochipa C, lobe damage in man. Brain 1991;114:727-41.
Coslett HB, Mayer NH.Analysis of a disorder of everyday action. Cogn [78] Wilson BA, Alderman N, Burgess P, Emslie H, Evans J. Behavioural
Neuropsychol 1995;12:863-92. assessment of the dysexecutive syndrome (BADS). Bury St Edmunds:
[57] Dehaene S. Changeux. JP. Neuronal models of prefrontal cortical Thames Valley Test Company; 1996.
functions. Ann N Y Acad Sci 1995;769:305-19.
[58] SiriguA, Zalla T, Pillon B,Agid Y, Dubois B. Encoding of sequence and
boundaries of scripts following prefrontal lesions. Cortex 1996;32: Pour en savoir plus
297-310.
[59] Damasio AR. L’erreur de Descartes. La raison des émotions. Paris: Pradat Diehl P, PeskineA. Évaluation des troubles neuropsychologiques dans
Odile Jacob; 1994. la vie quotidienne. Ouvrage édité dans le cadre de la journée de
[60] Seron X, Van Der Linden M, Andrès P. Le lobe frontal : à la recherche l’ANMSR du 6 juin 2006. Paris: Springer; 2006.
de ses spécificités fonctionnelles. In: Van der Linden M, Seron X, Le Seron X, Jeannerod M. Neuropsychologie humaine. Liège: Mardaga; 1994.
Gall D, Andrès P, editors. Neuropsychologie des lobes frontaux. Seron X, Van der Linden M. Traité de neuropsychologie clinique. Tome 1
Marseille: Solal; 1999. Évaluation. Marseille: Solal; 2000.

E. Eusop-Roussel (eroussel@ugecamidf.fr).
F. Rhein.
P. Vassel.
Centre de réadaptation de Coubert, département Évaluation-Orientation, CD 96, 77170 Coubert, France.
P. Colliot.
Laboratoire d’étude des mécanismes cognitifs, université Lyon 2, Bron, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Eusop-Roussel E., Rhein F., Vassel P., Colliot P. Évaluation des fonctions supérieures. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-454-B-10, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

18 Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation

Vous aimerez peut-être aussi