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Article de synthèse

Rev Neuropsychol

2013 ; 5 (2) : 69-81 La prise de décision : aspects


théoriques, neuro-anatomie
et évaluation
Decision-making: theoretical aspects,
neuroanatomy and assessment

Résumé Prendre des décisions allant dans le sens de nos intérêts


Philippe Allain1,2
propres ou de ceux de nos proches constitue une faculté
1
Université d’Angers, complexe, indispensable à l’adaptation et à l’autonomie. Nous exerçons quotidiennement
Maison des sciences humaines,
laboratoire de psychologie des cette faculté dans de nombreux domaines de la vie quotidienne, tels ceux des finances,
Pays-de-la-Loire (EA 4638), des soins, de l’habitat ou encore du travail. Dans cet article, nous proposons une synthèse
5 bis, boulevard Lavoisier,
49045 Angers cedex 01, des connaissances sur la prise de décision reposant, pour une large part, sur les travaux
France récents effectués dans le domaine. Après quelques rappels conceptuels brefs s’appuyant
2
CHU d’Angers, essentiellement sur des travaux de psychologie cognitive, nous nous arrêtons sur les apports
département de neurologie,
unité de neuropsychologie,
des neurosciences à notre compréhension des mécanismes de prise de décision. L’accent
49933, Angers, France est mis sur le rôle de la cognition et des émotions dans la prise de décision, sur les structures
<Philippe.Allain@univ-angers.fr> cérébrales impliquées dans la prise de décision, ainsi que sur les paradigmes d’évaluation
de la prise de décision accessibles. Nous espérons que cette synthèse apportera un éclairage
Pour citer cet article : Allain P. La utile sur un domaine encore très peu exploré en neuropsychologie humaine.
prise de décision : aspects théoriques,
Mots clés : décision · risque · incertitude · ambiguïté · processus de prise de décision · substrats
neuro-anatomie et évaluation. Rev
Neuropsychol 2013 ; 5 (2) : 69-81 cérébraux
doi:10.1684/nrp.2013.0257

Abstract Making decisions going to the sense of our own interests or


those of our relatives constitutes a complex faculty indis-
pensable for adaptation and autonomy. We daily exercise this faculty in many areas of
everyday life such as finance, health care, housing or employment. In this article, we
propose a synthesis of the knowledge on decision-making, mostly leaning on the current
studies made in this domain. After a few conceptual reminders, primarily based on work
done in the field of cognitive psychology, we stop on the contributions of neurosciences
to our understanding of the mechanisms of decision-making. The emphasis is put on the
role of cognition and emotions in decision-making, on the brain structures involved in
decision-making as well as on the accessible assessment paradigms of decision-making.
This overview shows that if the psychological mechanisms and the brain regions invol-
ved in decision-making are numerous and better known today, many uncertainties remain
concerning the tools useful to understand decision-making impairments in brain-damaged
patients. An important experimental work should be done in this field, given that it is essen-
tial, in terms of research, in order to refine, validate or invalidate the available theoretical
doi: 10.1684/nrp.2013.0257

propositions on decision-making and, clinically, to better understand the difficulties for


brain-damaged patients in a critical area for daily autonomy. We hope that this over-
view will provide a useful insight into an area that is still largely unexplored in human
neuropsychology.

Key words: decision · risk · uncertainty · ambiguity · decision-making processes · cerebral substrata
Correspondance :
P. Allain

REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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Article de synthèse
Définition et aspects théoriques des ambiguïtés sont distinctes de celles comportant des
risques sur deux points. Tout d’abord, dans les décisions
Chacun d’entre nous prend quotidiennement de nom- ambiguës, la probabilité d’obtenir un résultat spécifique est
breuses décisions. La prise de décision correspond au fait soit inconnue, soit elle relève du hasard. Par ailleurs, le
d’effectuer un choix entre plusieurs modalités d’actions choix possible (sécuritaire versus risqué) ne diffère pas en
possibles lors de la confrontation à un problème, le but termes de valeur de la récompense. Ici, par exemple, dans
étant de le résoudre en traduisant le choix fait en un une tâche de prédiction à deux choix, la probabilité de faire
comportement (en une séquence d’action). Elle implique un bon choix est identique à celle de faire un mauvais choix
un certain nombre d’opérations distinctes : la définition de et il n’y a pas plus de risque à faire l’un ou l’autre choix.
l’objet (ce sur quoi porte la réflexion et portera la décision), Nous en reparlerons plus loin dans cette synthèse.
la recherche, l’analyse et l’organisation des informations Pour en revenir à l’approche cognitive de la prise de
utiles, l’élaboration et l’évaluation d’hypothèses de déci- décision, la valeur que nous attribuons aux conséquences
sions en prenant en particulier appui sur des connaissances de nos décisions constitue, pour Lemaire [1], le second
et/ou des expériences antérieures, le choix d’une hypothèse paramètre essentiel à prendre en compte dans toutes déci-
de décision et sa mise en œuvre. Certaines décisions sont sions. Cette valeur peut, selon lui, avoir plusieurs origines.
simples à prendre, alors que d’autres sont beaucoup plus Le plaisir escompté et/ou l’émotion attendue peuvent être
complexes, en ce sens qu’elles engagent un nombre de suffisants pour justifier une décision. De la même façon,
variables plus ou moins important (choisir entre pile ou la nécessité que représente une option (pour un équilibre
face versus choisir des placements pour ses économies) personnel, familial, professionnel, financier, etc.) peut être
et qu’elles peuvent avoir des conséquences plus ou moins déterminante dans le processus de prise de décision, sans
lourdes (perdre par exemple un euro versus perdre plusieurs qu’elle soit nécessairement source de plaisir.
milliers d’euros). La psychologie a décrit de nombreux modèles théo-
L’action retenue peut ou non avoir des conséquences, riques de la prise de décision (voir notamment [3]), en
lesquelles auront ou non une certaine valeur pour nous. se centrant essentiellement sur la prise de décision sous
Sur la base de la certitude des conséquences d’une déci- incertitude et/ou sous risque. Nous nous contenterons ici
sion, Lemaire [1] distingue trois types de situations de prise d’évoquer certains des aspects mis en avant dans le champ
de décision : les situations de décision sous certitude, sous de la psychologie cognitive à propos de la prise de décision.
incertitude ou à risque. Les décisions sous certitudes sont La psychologie cognitive a montré que l’approche
des décisions dont nous connaissons et sommes absolu- rationnelle de la prise de décision était insuffisante pour
ment certains des conséquences. Lemaire [1] illustre de expliquer nos prises de décision. Selon cette approche,
la façon suivante : si nous décidons de ne pas prendre de dite classique, nous déciderions sur la base d’une analyse
parapluie en sortant, nous savons que nous serons mouillés rationnelle de la situation, en nous livrant à des calculs de
en cas de pluie. Les décisions sous incertitudes sont des probabilités à la recherche d’une combinaison alliant au
décisions dont nous ignorons la probabilité du résultat. Par mieux les conséquences d’un choix et notre intérêt pour ces
exemple, travailler plus augmente nos chances de réussite conséquences. Cette approche a été développée, pour une
aux examens sans que nous sachions si travailler trois fois large part, sur la base du théorème de Bayes qui, rappelons-
plus augmente par trois nos chances de réussite. Les déci- le, propose de formuler des jugements probabilistes en
sions à risque sont des décisions dont les conséquences sont appliquant des règles simples de calcul des probabilités
connues ainsi que les probabilités de ces conséquences. À (une probabilité est un nombre allant de 0 à 1, 0 signifiant
titre d’illustration, et pour reprendre Lemaire [1], dans la que l’évènement n’arrivera jamais, 1 qu’il arrivera toujours
situation où nous avons 30 % de chance de doubler notre et 0,5 qu’il y a une chance sur deux qu’il se produise, etc. ;
mise, nous connaissons la conséquence possible de la mise pour plus de détails, voir [1]). En fait, les travaux empi-
(la doubler) et la probabilité de cette conséquence (environ riques réalisés autour de cette approche ont montré que
une chance sur trois). nous avions beaucoup de difficultés à traiter les probabilités.
Dans le champ des neurosciences, Bechara et al. [2] ont Nous commettons beaucoup d’erreurs dans nos jugements
proposé une classification quelque peu différente des situa- [4, 5] dont des erreurs de représentativité, de conjonction
tions de prise de décision sous incertitude. Ainsi, ces auteurs ou encore sur la taille de l’échantillon, sans nécessaire-
ont proposé de distinguer les décisions comportant des ment en prendre conscience (biais de confiance en soi ;
risques et les décisions comportant des ambiguïtés. Dans les voir notamment [6]).
décisions comportant des risques, la probabilité de chaque Ces erreurs seraient, pour une large part, liées aux limites
résultat est connue et le participant doit trancher entre un de notre système cognitif. Simon est probablement l’un des
choix sûr et un choix risqué. Ici, le choix sécuritaire est premiers chercheurs à avoir souligné ces limites en prise de
associé à une forte probabilité d’obtenir une récompense, décision, ce à partir des années 1950. Il a développé une
mais cette récompense est relativement faible en valeur. En théorie de la rationalité limitée, théorie qui s’oppose aux
revanche, le choix risqué est associé à une faible probabilité hypothèses sur la rationalité de l’« Homo Œconomicus ».
de gagner une récompense, mais la récompense est nette- Les principaux arguments de cette théorie peuvent être résu-
ment plus importante en valeur. Les décisions comportant més en ces termes. Nous prenons toutes nos décisions,

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quelles qu’elles soient, en fonction des buts visés et de décision. En situation d’incertitude, nous sommes plus
l’analyse de l’environnement lié à cette décision : « Une guidés par l’intuition que par la raison, avec une très forte
décision dans la vie réelle comprend quelques buts ou aversion pour la perte. Dans les situations d’incertitude,
valeurs, quelques faits en ce qui concerne l’environnement, nous élaborons nos jugements sur la base de règles heu-
et quelques inférences tirées des valeurs et des faits. Les ristiques, souvent très utiles, mais qui peuvent présenter
buts et les valeurs peuvent être simples ou complexes, le désavantage d’introduire des biais de raisonnement.
cohérents ou contradictoires ; les faits peuvent être réels Kahneman et Tversky [11] définissent les heuristiques
ou supposés, basés sur des observations ou des rapports comme des jugements courts et approximatifs se substi-
réalisés par d’autres ; les inférences peuvent être valides tuant aux raisonnements longs ou aux analyses statistiques
ou fausses » ([7], p. 273). Nous sommes rationnels lorsque dans l’explication des évènements et qui, contrairement
nous prenons des décisions, en ce sens que nous sommes à la règle de Bayes (fondée sur un schéma mathématique
capables de fournir une explication à la majorité des choix rigoureux), ne permettent pas d’obtenir une réponse
que nous faisons : « Dans une définition large de la rationa- précise. Pour Kahneman et Tversky [10], nous ne sommes
lité, pratiquement tout comportement humain est rationnel. donc pas bayésiens dans l’élaboration de nos jugements en
Les gens ont des raisons pour faire ce qu’ils font, et, si on situation d’incertitude. Nous utilisons des heuristiques qui,
les interroge, ils peuvent donner leur avis sur ce que sont contrairement à une règle algorithmique, ne donnent pas
ces raisons » ([8], p. 1). Néanmoins, notre rationalité est infailliblement la bonne réponse. Ces heuristiques nous
limitée car nous commettons souvent des erreurs et nous permettent de faire une évaluation correcte dans la majorité
n’arrivons pas toujours à réaliser les objectifs que nous des cas, tout en simplifiant le travail d’évaluation. Pour Kah-
nous sommes fixés. Les limites de notre rationalité tiennent neman et Tversky [10], nous utilisons principalement trois
au fait que nous sommes incapables de traiter l’ensemble heuristiques : l’heuristique de représentativité, l’heuristique
des informations en provenance de notre environnement : de disponibilité d’instances et l’heuristique d’ancrage et
« Chaque organisme humain vit dans un environnement qui d’ajustement (pour plus de précision voir [1] et [3]).
produit des millions de bits de nouvelle information chaque Malgré les travaux fondamentaux des psychologues tel
seconde, mais le goulot d’étranglement de l’appareil de per- Kahneman, la vision classique d’une décision purement
ception n’admet certainement pas plus de 1 000 bits par rationnelle a longtemps perduré, tant en psychologie qu’en
seconde et probablement moins » ([7], p. 273). économie. Il a fallu attendre la naissance de la neuroécono-
En d’autres termes, notre représentation du monde est mie pour voir enfin s’imposer l’idée selon laquelle d’autres
partielle, ce qui va inévitablement influencer le contenu de facteurs, dont en particulier les émotions, jouent un rôle
nos décisions et, peut-être surtout, la manière dont nous central dans la prise de décision. Cette discipline qui mêle
allons les prendre. Simon [9] propose une description de la psychologie, économie et imagerie cérébrale est née à la
prise de décision en s’appuyant sur le concept de rationalité fin des années 1990 aux États-Unis. Elle n’est apparue en
procédurale dans le cadre d’un modèle dit de satisficing. France qu’autour de 2005, soit trois ans après l’attribution
L’idée centrale de ce modèle est assez simple. Tout déci- du prix Nobel d’économie à un psychologue.
deur est rationnel en cas de choix simple : s’il préfère le
choix A au choix B et le choix B au choix C, il optera pour
le choix A. Cependant, lors d’un choix plus complexe (à Apports des neurosciences
dix alternatives par exemple) en situation d’incertitude, il
va moins chercher à examiner l’ensemble des possibilités
à la prise de décision
qu’à trouver une solution dite raisonnable, en l’occurrence
Les apports des neurosciences à la prise de décision
une solution dont la valeur atteint un certain seuil de satis-
sont multiples. Nous les regrouperons en trois principaux
faction ou d’aspiration. Il existe bien d’autres modèles de
points : le rôle des émotions dans la prise de décision, les
la rationalité limitée, mais nous ne les exposerons pas tous
structures cérébrales impliquées dans la prise de décision
ici (voir [3]).
et les paradigmes d’évaluation de la prise de décision.
La théorie de Simon [9] a connu une large diffusion
dans le champ de la psychologie ainsi que dans celui
de l’économie. Elle lui vaudra le prix Nobel d’économie Rôle des émotions dans la prise de décision
en 1978 pour son analyse de la prise de décision indi- Un peu avant la naissance de la neuroéconomie, cer-
viduelle dans les administrations et les entreprises. Son tains travaux effectués dans le champ des neurosciences
impact semble avoir été bien moins important que celle cognitives avaient déjà montré que, dans de très nom-
développée par Kahneman et Tversky [10] qui donnera breuses circonstances, les émotions prennent le pas sur la
naissance à l’économie psychologique et expérimentale. raison dans la prise de décision. Les travaux de Damasio
Daniel Kahneman (psychologue) s’est vu attribué, avec [12] en sont certainement l’illustration la plus convaincante
Vernon Smith (économiste), le prix Nobel d’économie par et la plus remarquable.
l’Académie royale des sciences de Suède en 2002. Dans la À partir de cas de patients, tel celui d’EVR, Eslinger et
logique de Simon [9], Kahneman et Tversky [10] affirment Damasio [13] se sont intéressés aux troubles du compor-
que nous ne sommes pas rationnels dans nos prises de tement observés chez des patients porteurs de lésions

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frontales, principalement ventrales et médianes. Habituel- traces de la valence « bonne » ou « mauvaise », « positive »
lement, ces patients ne présentent pas de perturbation ou « négative » de l’émotion ressentie lors de la réponse
significative dans les épreuves neuropsychologiques clas- comportementale. Ces marqueurs sont acquis au cours des
siques destinées à mesurer les fonctions exécutives et/ou processus de socialisation et d’éducation. Ils ont pour fonc-
la mémoire de travail. En revanche, comme cela a été tion de signaler automatiquement le caractère néfaste ou
remarquablement observé pour EVR, dont les choix pro- non du résultat probable d’une situation donnée. Autrement
fessionnels et personnels se sont révélés désastreux, ces dit, lorsqu’un sujet est confronté à une situation d’une classe
patients semblent avoir les plus grandes difficultés à s’ajuster particulière, le cortex frontal ventromédian, qui a appris par
avec pertinence dans des activités de vie quotidienne, à le passé le lien existant entre cette situation et un état interne
adapter leurs comportements sociaux, ou à réagir de façon singulier, est activé ce qui rend disponible l’état interne
adaptée à diverses situations professionnelles ou person- approprié donc la qualification de la situation en fonction
nelles, bref à prendre des décisions. des conséquences qui lui étaient associées. Le marqueur
Pour Damasio [12], ces comportements inadaptés somatique joue ici un rôle d’incitation ou de contrainte sur
seraient imputables à une perturbation dans les méca- les processus de décision, en prévenant les conséquences
nismes permettant de prendre des décisions conformes aux indésirables ou dangereuses et en recherchant les solutions
intérêts personnels du patient, aux conventions sociales avantageuses ou agréables.
ou aux principes moraux. De plus, cette difficulté dans En d’autres termes, selon Damasio [12], prendre une
les prises de décision et dans les procédures de choix décision ne signifie pas seulement accéder un savoir sur la
stratégique se double de réactions émotionnelles inappro- situation, raisonner sur les différentes options possibles pour
priées. En effet, ces patients ne manifestent plus, lors de l’action et sur les conséquences à court et à long termes
la présentation d’images à forte connotation émotionnelle de chacune de ces options. Cela implique aussi la réac-
(meurtre, noyade, etc.), la variation de conductance cuta- tivation, chez le décideur, d’un état émotionnel antérieur
née observée chez les sujets témoins. Ce résultat contraste (marqueur somatique) qui a été formé lors d’une précédente
avec le fait qu’ils soient néanmoins capables d’évoquer confrontation à cette situation. Selon Damasio [12], la prise
verbalement tout un savoir émotionnel en rapport avec en compte de ces marqueurs somatiques est capitale pour
la situation représentée sur les images. Ils peuvent accé- mener à bien la décision (figure 1). Le système neural le plus
der aux connaissances relatives aux faits présentés sans important pour l’acquisition de ces marqueurs somatiques
pouvoir déterminer ou être conscients de l’état somatique est situé dans le cortex frontal ventromédian. Il permet le
correspondant. lien entre la situation, l’état somatique et les effecteurs de
Afin de rendre compte de ces résultats, Damasio [12] a l’état somatique.
émis l’hypothèse de l’existence de marqueurs somatiques Pour examiner l’hypothèse des marqueurs somatiques,
selon laquelle certaines structures préfrontales seraient le groupe de Damasio a mis au point une tâche qui per-
nécessaires à l’acquisition de liens associatifs entre des met d’évaluer la capacité du sujet à prendre des décisions
classes de situations et des états émotionnels habituellement en lui présentant des situations à l’intérieur desquelles il
associés à ces situations. Cette hypothèse considère donc doit procéder à une évaluation des conséquences en termes
que les processus émotionnels influencent significativement de coûts/bénéfices pour lui [15]. Concrètement, dans cette
les processus de raisonnement et de prise de décision par tâche, baptisée Iowa Gambling Task (IGT ; tâche du « jeu
le biais de ces marqueurs somatiques qui constituent des de casino »), le sujet doit sélectionner, parmi différents tas,

Stratégies de
Situation de prise de décision Faits raisonnement

Options de décision Décision


possibles

Représentation des
conséquences futures

Activation implicite des


biais liés à l’expérience
émotionnelle antérieure
associée à des situations
comparables

Figure 1. Étapes impliquées dans la prise de décision.


Tiré et traduit de Bechara et al. [14].

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des cartes auxquelles sont associées selon des proportions L’approche de Berthoz [19] place aussi les émotions au
variables des probabilités de bénéfices et de coûts dont cœur de la décision. Pour lui aussi, l’émotion n’est pas une
l’importance est elle aussi très variable (voir la section simple réaction affective à l’environnement. Elle est égale-
suivante). Bechara et al. [15] ont administré cette tâche à ment une puissante incitation à l’action, un outil pour la
des sujets normaux et des patients avec lésions frontales prise de décision permettant au cerveau de prédire l’action
ventromédianes. Ils ont constaté que la plupart des sujets en anticipant et en projetant ses intentions. Pour Berthoz
normaux, soit plus de trois sur quatre, ajustaient progressi- [19], « l’émotion est une simulation de l’action. Les signes
vement leurs choix pour optimiser leurs profits, les patients somatiques révèlent ses conséquences attendues. Ils pré-
frontaux n’y parvenant pas et persistant sur de mauvais disent le futur et ne se contentent pas d’exprimer le présent
choix. ou la valeur des expériences passées. L’émotion est à la
Dans la logique de leur hypothèse, Bechara et al. [16] décision ce que la posture est au geste : une préparation
ont constaté que, lorsque l’on enregistre les variations de l’action. Elle établit le contexte dans lequel est vécue
de conductance cutanée (mesure physiologique) au cours l’action. Dans l’infinie complexité que recèle le monde,
de l’IGT, les patients frontaux ont, en début d’épreuve, les émotions permettent la simplification et donc, in fine,
des réponses superposables à celles des témoins face aux aident le cerveau à catégoriser ». Mais Berthoz [19] va plus
récompenses (gains) et aux punitions (pertes). Signalons loin à propos de la prise de décision. Pour lui, le processus
toutefois que tous les patients frontaux ne manifestent pas décisionnel ne correspond pas seulement à un ensemble
ce type de réponses. En cours d’épreuve, après quelques de fonctions bien définies. Il est plutôt une propriété fon-
essais, la plupart des témoins développent une réaction damentale de tous les systèmes nerveux. Ainsi, pour lui,
d’anticipation avant la sélection d’un paquet de cartes. dès l’étape perceptive, lorsque nous groupons des éléments
L’amplitude de cette réaction est plus importante pour la pour constituer des formes simples, notre cerveau prend
sélection des paquets à risque que pour celle des paquets déjà un ensemble de décisions. Chez le poisson, la cel-
plus sûrs. Ce phénomène n’apparaît pas chez les patients lule de Mauthner est un énorme neurone qui lui permet de
avec lésions frontales ventromédianes et corrèle à leurs défi- prendre une décision fondamentale face à un prédateur :
cits. Damasio [12] propose que ces patients sont devenus fuir ou ne pas fuir ? Pour cela, le poisson n’utilise pas seule-
myopes face à l’avenir. ment les informations sensorielles qu’il reçoit mais se réfère
Par ailleurs, et plus récemment, les mêmes auteurs aussi au contexte, aux actions engagées, à ses expériences
[17] ont montré une double dissociation entre déficit de passées. Berthoz [19] envisage le processus de décision
mémoire de travail et déficit de prise de décision chez comme le résultat d’un ensemble d’évolutions au fur et à
quelques malades présentant des lésions préfrontales dorso- mesure des millénaires et décrit plusieurs phénomènes de
latérales ou ventromédianes. Seuls les malades avec lésions décision allant du plus simple au plus complexe, chacun
ventromédianes étaient déficitaires à l’IGT. Ils concluent de ces phénomènes empruntant des voies neuronales plus
qu’une interprétation en termes de perturbation de la ou moins longues. Ainsi, les voies courtes permettent de
mémoire de travail n’est pas suffisante pour expliquer leur faire un choix automatiquement en quelques millisecondes
comportement pathologique et que c’est bien le mécanisme face, par exemple, à un danger. Les voies longues permet-
d’attribution progressive d’une valeur, négative ou positive, traient, via un circuit mettant en relation le cortex visuel,
à un choix, à une décision qui fait problème chez ces les régions pariétales, frontales et préfrontales des décisions
malades. volontaires, intégrant les préférences, les motivations et les
Les opérations de prise de décision dépendent donc différents processus de choix eux-mêmes.
certes de processus attentionnels, de raisonnement ou de
mémoire de travail, mais aussi beaucoup des émotions
[18], qui, dans la logique de Damasio [12], permettent la
Structures cérébrales impliquées
représentation et la régulation des changements homéosta- dans la prise de décision
tiques complexes qui se produisent aux niveaux corporel Les données des études faites chez l’homme en neu-
et cérébral dans une situation donnée via des marqueurs ropsychologie et/ou en imagerie cérébrale suggèrent que la
somatiques ; ces marqueurs somatiques n’étant rien d’autre prise de décision implique un vaste réseau cérébral incluant
que les états somatiques internes (viscéraux, musculaires, le cortex orbitofrontal, le cortex cingulaire antérieur, le cor-
etc.) ressentis pour tout choix fait. Chez l’homme, les tex préfrontal dorsolatéral, le thalamus, le cortex pariétal
lésions frontales ventromédianes perturbent ou dégradent et le noyau caudé. Dans cette section, nous nous appuie-
ces marqueurs somatiques de telle sorte que les décisions rons essentiellement sur les travaux d’Ernst et Paulus [20] et
avantageuses ne sont plus possibles [12]. Les travaux de de Krain et al. [21] pour décrire précisément les substrats
Damasio [12] ont donc permis de pointer que les condui- neuronaux à la prise de décision.
tes complexes du quotidien, en particulier les prises de Dans leur approche de la prise de décision, Ernst et Pau-
décision, n’étaient pas uniquement sous dépendance de lus [20] distinguent trois principales étapes, faisant chacune
mécanismes cognitifs mais dépendaient aussi de facteurs appel à des processus cognitifs différents :
émotionnels exerçant parfois une pression déterminante sur – l’évaluation et la formation des préférences parmi les
l’orientation des choix (théorie des marqueurs somatiques). options possibles ;

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– la sélection et l’exécution d’une action ; – le cortex préfrontal latéral qui, en interaction avec le cor-
– l’expérience (le vécu) et l’évaluation d’un résultat. tex cingulaire antérieur, contribue aussi à la régulation de
Ces processus cognitifs sont pour eux spécifiques à la l’action en situation de contrôle d’erreurs [31] ainsi qu’à
prise de décision, ce qui n’interdit pas que d’autres pro- l’orientation vers des stratégies compensatoires [32] ;
cessus psychologiques, comme l’attention, la mémoire de – le noyau accumbens (composante du striatum ventral)
travail ou encore la motivation puissent être impliqués, à impliqué dans la modulation de la motivation à l’action
des degrés divers, tout au long de ces trois étapes de la [33] ;
décision. En s’appuyant sur un ensemble de données de – l’amygdale [34], le cortex préfrontal [35] impliqués aussi
neuro-imagerie clinique ou fonctionnelle conséquentes et dans la motivation à l’action ;
sur des travaux faits en physiologie humaine et animale, – le cortex prémoteur impliqué dans l’incitation (excitation)
Ernst et Paulus [20] proposent la synthèse suivante. à l’action [36].

Étape 1 Étape 3
L’évaluation et la formation des préférences (valeurs) L’expérience du résultat et son évaluation permettent,
parmi les options possibles engageraient des circuits neuro- comme à l’étape initiale (étape 1), de lui attribuer une
naux à la fois cognitifs et affectifs. Un ensemble de facteurs valeur. Les processus de marquage émotionnel inter-
influencerait le développement de ces préférences, dont en viennent donc aussi à ce niveau. Il existe néanmoins une
particulier les caractéristiques des options retenues ainsi différence essentielle entre la première et l’étape ultime
que celles des résultats escomptés avec chacune d’elles. du processus de prise de décision en ce sens que la
Parmi ces caractéristiques, on peut citer la valence (posi- fonction de l’étape 1 est de former une préférence fondée
tive ou négative), la saillance (intensité et magnitude), la sur une valeur attendue alors que celle de l’étape 3 est
probabilité (degré de certitude) et le délai (à court ou long de la consommer pour en tirer des enseignements utiles
termes). On peut aussi citer le nombre d’options à sélec- pour l’adaptation comportementale. Un certain nombre
tionner, la valeur relative de chacune d’elle, l’expérience d’éléments nouveaux et spécifiques (affects) interviennent
acquise avec chaque option retenue et son résultat, le donc à l’étape 3 pour l’attribution d’une valeur au résultat,
contexte (affectif ou social) dans lequel la décision est dont par exemple le regret, la déception ou la surprise. Au
à prendre. Chacune de ces caractéristiques pourrait être plan cérébral, cette étape impliquerait :
codée via des circuits neuronaux spécifiques, modulés – le striatum ventral [37] et le cortex orbitofrontal [38]
par des systèmes neurochimiques distincts. Cette étape impliqués dans la détection de la différence entre un
engagerait : fait attendu et un fait observé. L’imagerie fonctionnelle a
– le cortex pariétal connu pour son implication lors du confirmé cette donnée [39] ;
traitement des probabilités [22, 23] ; – le cortex préfrontal médian, en particulier l’aire 10 de
– le cortex cingulaire antérieur souvent actif dans les situa- Brodmann, engagé dans le processus de rétroaction [40] ;
tions d’incertitude [24] ; – le cortex orbitofrontal, l’amygdale et le striatum ventral
– le cortex frontal dorsolatéral droit et le cortex frontal orbi- impliqués dans le marquage émotionnel des stimuli [28] ;
taire habituellement engagés dans les situations impliquant – la région limbique (amygdale, insula, cortex frontal
la modification des choix [25] ; orbitaire et cortex cingulaire antérieur) impliquée dans le
– le gyrus frontal moyen et inférieur gauche impliqués dans traitement émotionnel des stimuli [27] ;
le raisonnement [26] ; – le cortex préfrontal médian, incluant le cortex orbitofron-
– la région limbique (amygdale, insula, cortex frontal tal. Il reçoit des informations sensorielles multimodales et
orbitaire et cortex cingulaire antérieur) impliquée dans le fournit les principales sorties des structures corticales vers
traitement émotionnel des stimuli [27] ; les structures viscéromotrices de l’hypothalamus et du tronc
– le cortex orbitofrontal, l’amygdale et le striatum ventral cérébral [41] ;
impliqués dans le marquage émotionnel des stimuli [28]. – le cortex préfrontal médial impliqué dans le traitement du
plaisir [42], des résultats gratifiants [40] et dans la formation
d’associations hédoniques [43] ;
Étape 2 – l’amygdale et le noyau accumbens impliqués dans
La sélection et l’exécution de l’action permettraient l’apprentissage associatif [44].
de mettre en œuvre l’une des possibilités envisagées à Ce modèle à étapes de la prise de décision et ses sub-
l’étape précédente. Au plan cognitif, cette étape implique- strats neuronaux reste, de l’aveu même d’Ernst et Paulus
rait l’inhibition et la suppression des actions concurrentes, [20], largement hypothétique et est à valider, en particulier
la séquenciation du plan d’action retenu en sous-étapes, le dans le champ de la clinique humaine (voir [45] pour une
contrôle de la séquence et la correction des erreurs. Au plan synthèse comparable). La figure 2 en propose une illustra-
neuronal, cette étape engagerait : tion synthétique.
– le cortex cingulaire antérieur impliqué dans la détection La méta-analyse effectuée par Krain et al. [21] est une
de conflits [29] et le contrôle des erreurs [30] ; autre source d’information complémentaire essentielle pour

74 REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
Article de synthèse

Traitement des
Aires Évaluation Exécution
conséquences
DLPFC +++ ++ +++
dCCA +++ ++ +
Cognitive
LIP/S +++ + +++
GTS +++ + ++
VL/MPFC ++ + +++
vCCA ++ + +++
Affective Ant. Insula +++ ++ +
Amygdale ++ + +++
vStriatum + +++ +
dStriatum + +++ +
Autre
préAMS + +++ +

Étape 1 : évaluation Étape 2 : exécution Étape 3 : traitement


des conséquenses
Option A

Option B Action B Conséquence B

Option C

Exécution et réalisation
Formation de préférences
d’une action

Apprentissage

Option A

Modification de la valeur
Action/conséquences B Option B
des options

Option C

Figure 2. Modèle hypothétique des processus à la base de la prise de décision et régions cérébrales impliquées au cours des différentes étapes du processus
décisionnel. Bas de la figure : la prise de décision comprend trois étapes : (1) l’évaluation et la formation des préférences parmi les options possibles ; (2) la
sélection et l’exécution d’une option ; (3) et l’expérience et l’évaluation d’un résultat. Haut de la figure : la prise de décision s’appuie sur un vaste réseau
neuronal engageant des régions cérébrales (cognitives et affectives) multiples. Leur niveau d’engagement est fonction de l’étape du processus de prise de
décision. Bas de la figure : un scénario possible de situation de prise de décision où les substrats neuronaux supposés interviennent aux trois étapes de
la prise de décision à divers degrés. Leur degré d’engagement est proportionnel au nombre de signes plus (+). Certaines prises de décision pourraient être
peu émotionnelles et d’autres très cognitives. Bas de la figure : à l’étape 1, apparaissent trois options possibles (options A, B et C). À l’étape 2, l’option
sélectionnée (option B) est en cours d’exécution. À l’étape 3, le résultat de l’action est en train d’être vécu et traité (résultat B). La quatrième case représente
les processus impliqués dans l’apprentissage qui a lieu lorsque la séquence action-résultat est achevée. L’apprentissage modifie la valeur associée à chaque
option de l’étape 1 pour la fois suivante, en sachant que le résultat B n’influence pas seulement la valeur de l’option B mais également celles des options
non retenues (options A et C). Ant. Insula : partie antérieure de l’insula ; dCCA : partie dorsale du cortex cingulaire antérieur ; DLPFC : cortex préfrontal
dorsolatéral ; dStriatum : striatum dorsal ; préAMS : aire motrice présupplementaire ; LIP/S : lobule intrapariétal et supérieur ; GTS : gyrus temporal supérieur ;
vCCA : partie ventrale du gyrus cingulaire antérieur ; VL/MPFC : partie ventrale ou latérale du cortex préfrontal médian ; vStriatum : striatum ventral.
Tiré et traduit d’Ernst et Paulus, 2005 [20].

REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE 75
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
Article de synthèse
identifier les substrats neuronaux à la prise de décision. Ces gauche, du cortex occipital et du gyrus temporal moyen
auteurs se sont intéressés aux données obtenues en ima- (aire 21) ;
gerie fonctionnelle (IRMf ou PET scan) auprès de sujets – les situations de prise de décision ambiguës activent
sains et de patients cérébrolésés en ne retenant, pour significativement : les régions frontales dorsolatérales de
les études faites avec des patients, que celles incluant façon bilatérale, les régions dorsales et sub-calleuses du
un groupe de sujets témoins sains. Cette méta-analyse a cortex cingulaire antérieur (aire 32 de Brodmann), le cortex
porté sur 27 études, soit 392 sujets sains et 45 patients. cingulaire droit et gauche, le précuneus (aire 7), les faces
Elle confirme, pour une très large part, le modèle pro- latérales bilatérales du lobule pariétal inférieur (aire 40) et
posé par Ernst and Paulus [20], montrant que la prise de le lobe pariétal supérieur droit (aire 7).
décision activait, de façon significative, un vaste réseau Pour Krain et al. [21], ces données sont en faveur de
de régions cérébrales incluant le cortex orbitaire, cingu- l’idée selon laquelle les réseaux de neurones supports des
laire antérieur et dorsolatéral en frontal, le précuneus et décisions sous risque sont dissociables de ceux supportant
le lobule pariétal supérieur, le thalamus et le noyau caudé des prises de décision sous ambiguïtés. Les décisions sous
au niveau sous-cortical. Krain et al. [21] en concluent que risque sont essentiellement tributaires des régions frontales
ces résultats confirment l’importante complexité des opé- orbitaires et médianes. Les décisions sous ambiguïté sont,
rations de prise de décision, estimant qu’elles engagent de elles, essentiellement tributaires des régions frontales dor-
nombreuses régions cérébrales connues pour leur implica- solatérales. Ils concluent que leurs données plaident en
tion au niveau de la sélection des réponses, la gestion des faveur du modèle de Zelazo et Muller [47] qui suggère de
réponses conflictuelles, le traitement de la récompense et faire la distinction entre des traitements exécutifs affectifs dit
le contrôle attentionnel. Au-delà de cette conclusion, dans « chauds » et des traitements exécutifs purement cognitifs
leur étude, Krain et al. [21] s’intéressent à la distinction opé- dits « froids ». Dans ce modèle, les traitements exécutifs dits
rée par Bechara et al. [2] à propos des différentes formes « chauds » renverraient à la prise de décision sous risque et
de prise de décision, à savoir les prises de décision sous les traitements exécutifs dit « froids » à la prise de décision
risque et les prises de décision sous ambiguïté. Nous avons sous ambiguïté.
déjà évoqué cette distinction dans les premières pages de
cette synthèse. Nous rappellerons seulement que dans les
Paradigmes d’évaluation de la prise de décision
situations de prise de décision sous risque, la probabilité
de chaque résultat est connue et le participant doit tran- L’examen de la littérature permet de recenser l’existence
cher entre un choix sûr à gain très probable mais faible d’une bonne vingtaine de tâches pour étudier la prise de
et un choix risqué à gain peu probable mais élevé. L’IGT décision. Nous ne les décrirons bien évidemment pas toutes
[15] serait pour Krain et al. [21] une assez bonne illus- ici. Nous nous centrerons sur celles dont les développe-
tration de ce qu’est une tâche de prise de décision sous ments ont été suffisamment importants pour les rendre
risque, tout comme la Cambridge Gamble Task (CGT) de accessibles à la pratique clinique. Nous en avons identi-
Rogers et al. [46] sur laquelle nous reviendrons plus loin. fié 3 : l’IGT [15, 18], la CGT [46] et la Game of Dice Task
Dans les situations de prise de décision ambiguës, la pro- (GDT [48]). À noter qu’il n’existe que peu d’adaptation et
babilité d’obtenir un résultat spécifique est soit inconnue, de validation de ces tâches en langue française.
soit relève du hasard. Il y a ici deux choix possibles qui
ne diffèrent pas en termes de valeur de la récompense
ou de la punition. Les tâches de prédiction à deux choix Iowa Gambling Task
sont des tâches typiques de prise de décision sous ambi- On doit à Bechara et al. [15], l’IGT, dont nous avons
guïté. Le sujet doit choisir entre une alternative ou l’autre rapidement parlé plus haut. Bechara et al. [18], en ont
et il n’y a pas plus de risque à faire l’un ou l’autre choix proposé une version informatisée plus récemment. Cette
(figure 2). version a été normée auprès d’un échantillon de 932 sujets
Krain et al. [21] réalisent deux nouvelles méta-analyses sains de nationalité américaine âges de 18 à 95 ans. Elle est
en dissociant les études étudiant la prise de décision sous commercialisée chez Psychological Assessment Resources
ambiguïté (14 études) et la prise de décision sous risque Inc. (PAR). Dans cette tâche, le sujet-joueur est placé face
(13 études). Ils montrent que : à un écran d’ordinateur. Quatre paquets de cartes (A, B, C
– les situations de prise de décision sous risque activent et D) apparaissent à l’écran (figure 3, planche de gauche). Il
significativement : les régions frontales orbitaires dont en se voit allouer une somme d’argent factice (2 000 $) avec,
particulier l’aire 10, ce de façon bilatérale avec une asy- pour consigne, de perdre le moins d’argent possible et d’en
métrie en faveur de l’hémisphère gauche et une extension gagner le plus possible. Le jeu consiste à choisir une à une
antérieure vers le gyrus frontal médian (aire 10), caudale les cartes, sur n’importe quel paquet (par un clic à l’aide de
vers le cortex insulaire et dorsale vers la région insu- la souris de l’ordinateur), jusqu’à ce que l’examinateur inter-
laire antérieure (aires 8/9). Dans ces situations risquées, rompe l’épreuve. Le sujet-joueur doit faire 100 tirages au
l’activité est également plus importante dans la région parié- total (cinq blocs de 20 essais), mais il n’en est pas informé.
tale inférieure gauche (aire 40), les régions latérales du Il lui est précisé que les cartes lui rapportent une certaine
lobule pariétal supérieur (aire 7), au niveau du noyau caudé somme d’argent mais, que de temps à autre, il y a des

76 REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
Article de synthèse

CASH PILE

BORROWED

$0 $1000 $2000 $3000 $4000 $5000 $6000

WIN $ 120!
Points 100 75

Blue Red

A’ B’ C’ D’

Figure 3. Captures d’écrans de l’Iowa Gambling Task (IGT, voir [18]) (planche de gauche), de la Cambridge Gamble Task (CGT, voir [46]) (planche du milieu)
et de la Game of Dice Task (GDT, voir [48]) (planche de droite).

cartes qui entraînent le paiement d’une pénalité. Les cartes jeton est révélé. L’ordinateur indique au sujet-joueur s’il a
des paquets A et B rapportent 100 $, contre 50 $ pour les gagné ou perdu. Les points gagnés ou perdus sont addition-
cartes des paquets C et D. Parallèlement, les pénalités dans nés ou soustraits. Le sujet-joueur fait quatre blocs de dix
les paquets A et B coûtent 1 250 $ quand elles ne coûtent essais, l’objectif étant à chaque fois de gagner le plus de
que 100 $ dans les paquets C et D. Toutes ces informations points possibles.
ne sont pas explicitement données au sujet-joueur. Il lui
est juste dit que certains paquets sont plus avantageux et
que, pour ne pas perdre, il doit les privilégier. À chaque Game of Dice Task
sélection, l’ordinateur génère un son spécifique indiquant Pour évaluer le comportement de prise de décision sous
un gain ou une perte. Un message écrit apparaît également risque, Brand et al. [48] ont proposé une tâche informatisée
à l’écran, précisant la somme gagnée ou perdue. Une barre appelée GDT (« jeu de dés »). Lors du lancement du pro-
verte située en haut de l’écran s’allonge ou diminue en gramme, apparaît à l’écran de l’ordinateur une main tenant
fonction de la valeur des gains ou des pertes. un gobelet fictif (figure 3, planche de droite). Le sujet-joueur
est invité à tenter d’essayer d’augmenter un capital de départ
fictif (1 000 D) en effectuant 18 lancés de dés. Avant chaque
Cambridge Gamble Task
lancé, le sujet doit choisir un nombre unique (1, 2, 3, 4, 5 ou
Rogers et al. [46] ont développé la CGT pour évaluer la 6) ou une combinaison de deux (1 et 2 ou 3 et 4 ou 5 et 6),
prise de décision sous risque. Il s’agit là aussi d’une tâche trois (1, 2 et 3 ou 4, 5 et 6) ou quatre nombres (1, 2, 3 et
de prise de décision informatisée. Elle a été intégrée, dans 4 ou 2, 3, 4 et 5 ou 3, 4, 5 et 6). Chaque choix est lié à
une version quelque peu modifiée, à la batterie de tests un gain et une perte identiques et spécifiques, dépendants
neuropsychologiques automatisée, Cambridge Neuropsy- de la probabilité d’occurrence du choix (un seul nombre :
chological Test Automated Battery (CANTAB). Dans cette 1 000 D de gain/perte ; combinaison de deux nombres :
tâche, le sujet-joueur est placé face à l’écran d’un ordina- 500 D de gain/perte ; combinaison de trois nombres : 200 D
teur et se voit allouer un certain nombre de points. À chaque de gain/perte ; combinaison de quatre nombres : 100 D de
essai, lui sont présentées, alignées en haut de l’écran, dix gain/perte). Une fois que le sujet-joueur a fait son choix (en
boîtes de couleur rouge et bleue (figure 3, planche du cliquant avec la souris de l’ordinateur sur la face du dé ou
milieu). Le ratio boîtes rouges/boîtes bleues (6/4, 7/3, 8/2, la combinaison de faces du dé retenues), le gobelet est agité
9/1) varie de façon pseudo-aléatoire d’un essai à l’autre. Le et le dé est lancé. Le résultat apparaît à l’écran. Si le sujet a
sujet-joueur est informé que l’ordinateur a caché un jeton perdu son pari, il entend un son terne et la somme perdue
jaune, au hasard, sous l’une des boîtes. Le sujet-joueur doit est immédiatement retiré à son capital. S’il a gagné, il en
parier sur l’emplacement du jeton en choisissant la couleur est informé par un bruit de caisse enregistreuse et la somme
bleue ou la couleur rouge (à l’aide de la souris par un clic sur gagnée lui est créditée (figure 3).
l’une des cases marquées bleu ou rouge en bas de l’écran).
À chaque essai, une fois son choix de couleur fait, le sujet-
joueur doit miser des points. Le nombre de points misés Classification des tâches de prise de décision
est généré automatiquement par l’ordinateur, soit dans un Dans la logique des propositions de Bechara et al. [2],
ordre croissant, soit dans un ordre décroissant. Il corres- Brand et al. [48, 49] ont proposé d’opérer une distinction
pond à un pourcentage du total des points acquis (5, 25, entre ces quelques tâches de prise de décision.
50, 75 et 95 %). Une fois la mise faite (par un clic de souris Pour ces auteurs, la principale différence entre l’IGT et
sur la case chiffrée au milieu de l’écran), l’emplacement du la GDT tient au fait que, dans cette dernière, les probabilités

REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE 77
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
Article de synthèse
des gains/pertes sont parfaitement connues du sujet-joueur, cartes moins risquées. Rappelons néanmoins ici que cette
de même que les valeurs des gains/pertes associées à courbe de progression de la performance à l’IGT n’apparaît
chaque probabilité. Elles lui sont très explicitement four- pas chez tous les témoins, comme l’ont signalé Bechara et
nies et il peut s’y référer à tout moment pendant l’épreuve. Damasio [51] dans leurs travaux initiaux.
Ainsi, le sujet-joueur sait, qu’en choisissant un nombre, il a Dans le même ordre d’idée, pour Dunn et al. [52],
une chance sur six de gagner 1 000 D et cinq chances sur l’affirmation selon laquelle l’IGT mesurerait l’apprentissage
six de perdre 1 000 D. Il sait également, qu’en choisissant implicite des récompenses/punitions associées à la prise de
une combinaison de quatre nombres, il a quatre chances décision sous ambiguïté est incompatible avec les données
sur six de gagner 100 D et deux chances sur six de perdre de la littérature montrant que des participants à la tâche
100 D. De la même manière, le sujet-joueur est informé de peuvent développer très tôt des savoirs explicites précis sur
son crédit ou de son débit, ainsi que du montant de ses gains les règles la gouvernant. Cette affirmation est également
et de ses pertes, du début à la fin de la tâche. Selon Brand incompatible avec les données montrant que la tâche solli-
et al. [48], les probabilités de gains/pertes sont donc parfai- cite fortement des fonctions cognitives telles la mémoire de
tement objectives et peuvent permettre des calculs précis. travail. Pour Dunn et al. [52], s’il y a bien développement
Dans l’IGT, la valeur des gains/pertes est incertaine et les de savoirs explicites à l’IGT, alors les signaux somatiques
probabilités des gains/pertes sont inconnues et doivent être recueillis (réponses électrodermales) ne peuvent plus seule-
estimées. ment être envisagés comme anticipatoires des réponses à
L’IGT et la CGT peuvent être différenciées sur la base venir, mais aussi comme une résultante de la construction
du même type de raisonnement, cette dernière étant aussi de ces savoirs conscients sur la situation décisionnelle (voir
très explicite. Pour Brand et al. [48, 49], la seule différence aussi [53]). Dunn et al. [52] vont encore un peu plus loin
entre la GDT et la CGT tient à la stabilité des gains et des dans leurs critiques de la théorie des marqueurs somatiques,
pertes au cours des essais. Dans la GDT, les gains et les rappelant notamment que des hypothèses alternative à la
pertes associées aux paris restent stables au fil des essais, « myopie pour l’avenir » existent pour rendre compte des
ce qui n’est pas le cas dans la tâche de Rogers et al. [46] déficits à l’IGT (déficit de mémoire de travail, etc.), que les
où ils sont générés de façon croissante ou décroissante par résultats obtenus par Damasio et al. ont été peu répliqués
l’ordinateur sur la base d’un pourcentage du nombre de et qu’ils pourraient être plus hétérogènes que prévu. Pour
points acquis. Dunn et al. [52], ces données ne remettent pas en cause
En regard de l’ensemble de ces éléments, Brand et al. la théorie des marqueurs somatiques, mais justifient des
[48, 49] décrivent la GDT et la CGT comme des tâches travaux complémentaires (figure 4).
de prise de décision sous risque très engageantes au plan
cognitif, autorisant des opérations de calcul et de planifica-
tion pour les décisions à prendre, et ce sur toute leur durée. Conclusion
Elles permettent aussi l’application de procédures de raison-
nement permettant de maximiser les bénéfices sur le long Le concept de prise de décision a fait l’objet d’éclairages
terme. Au final, pour Brand et al. [48, 49] ces deux tâches théoriques provenant de différents domaines de la psy-
sont des paradigmes permettant d’étudier l’implication des chologie et des neurosciences qui, pour une large part,
processus exécutifs dans les mécanismes de prise de déci- se recoupent. Nous retiendrons ici l’idée dominante selon
sion, même s’ils n’excluent pas que d’autres variables, en laquelle la prise de décision est une activité complexe et
particulier mnésiques, émotionnelles et comportementales qu’il n’existe pas qu’un seul type de prise de décision, mais
puissent y intervenir (figure 4). plusieurs formes de prise de décision, dont en particulier
Pour Brand et al. [48], l’IGT est une tâche de prise de la prise de décision sous risque et la prise de décision
décision où l’ambiguïté est peu propice aux calculs pré- sous ambiguïté. Les auteurs du champ des neurosciences
cis et aux projections des gains et des pertes. Pour les proposent que, dans les situations de prise de décision
auteurs, elle fait donc moins appel aux mécanismes exé- sous risque, les conséquences des choix sont connues. Le
cutifs et engage davantage les expériences émotionnelles décideur est amené à trancher entre un choix plutôt sûr,
antérieures (figure 4). Toutefois, Brand et al. [50] revien- généralement associé à une récompense de faible valeur, et
dront quelque peu sur l’idée selon laquelle l’IGT est une un choix peu sûr, plutôt associé à une récompense dont
tâche de prise de décision ambiguë. Les auteurs adopteront la valeur est beaucoup plus importante. Dans les situa-
en effet une position plus nuancée, considérant que, si elle tions de décision sous ambiguïté, la possibilité d’obtenir une
peut être considérée comme telle en début de passation, récompense est inconnue ou hasardeuse, avec une absence
elle s’apparente davantage à une tâche de prise de déci- de variation de la valeur de la récompense associée au
sion sous risque en fin de passation. L’argumentaire est le choix risqué ou sécuritaire. L’approche de Damasio [12]
suivant : au début de la tâche, tant que le sujet ne s’est pas de la prise de décision, qui peut être considérée comme
trop confronté aux gains/pertes associés aux tirages dans s’intéressant surtout aux situations décisionnelles ambiguës,
les paquets de cartes, il prend ses décisions sous ambiguïté a permis de souligner que nous ne décidions pas uni-
alors que dans les derniers essais, après de multiples tirages, quement grâce à nos aptitudes cognitives, exécutives en
il sait dans quels paquets il y a des cartes à risque et des particulier, et que les processus émotionnels étaient parfois

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NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
Article de synthèse

A. Décision sous ambiguïté

Stratégies de
Situation de prise de décision Faits raisonnement

Options de décision Décision


possibles

Représentation des
conséquences futures

Activation implicite des


biais liés à l’expérience
émotionnelle antérieure
associée à des situations
comparables

B. Décision sous risque

Fonctions exécutives
Situation de prise de décision
Offrant des informations sur : - Catégorisation des alternatives
- Sélection de l’information à rappeler
- Les récompenses et punitions possibles - Application de stratégies
- Probabilités Stratégie de décision
actuelle Décision
Mémoire de travail
Représentation des caractéristiques de la
situation et rappel des connaissances sur et
des expériences avec :
- les probabilités
- les montants de gains/pertes
ou des conséquences :
- des expériences avec des situations
antérieures de décision
Feed-back

Marqueurs somatiques
Mémoire à long terme Signaux de la périphérie du
Probabilités cerveau associés à des
Montant des gains/pertes ou décisions/conséquences
conséquences des expériences antérieurs

Figure 4. Étapes impliquées dans (A) la prise de décision sous ambiguïté et (B) la prise de décision sous risque. La partie A du graphique montre les étapes
impliquées dans la prise de décision sous ambiguïté selon Bechara et al. [14]. Selon Brand et al. [49], les notions de « représentations des résultats futurs » et
de « stratégies de raisonnement » évoquée par Bechara et al. [14] pourraient signifier que la mémoire de travail et les processus exécutifs sont engagés dans
la prise de décision sous ambiguïté. La partie B du graphique montre les étapes impliquées dans la prise de décision sous risque selon Brand et al. [49]. La
mémoire de travail et les processus exécutifs y apparaissent plus clairement et plus explicitement engagés.
Schémas extraits et traduits de Bechara et al. [14] ; Brand et al. [49].

plus déterminants dans les décisions. Ici, comme se plaît à ventrale n’était pas la seule engagée dans les aptitudes déci-
le dire Gil [54] : « L’émotion, loin d’être le fardeau de la rai- sionnelles et que le cortex cingulaire antérieur, le cortex
son, devient la direction assistée, l’auxiliaire de la raison ». préfrontal dorsolatéral, le thalamus, le cortex pariétal et le
L’approche de Damasio [12] soulève néanmoins un certain noyau caudé jouaient aussi un rôle important. Notre incur-
nombre de questions et mériterait d’être davantage testée. sion dans le champ des approches neuro-anatomiques de la
Les auteurs qui se sont intéressés aux supports anatomiques prise de décision a aussi montré que les modèles proposés
de la prise de décision ont montré que la région frontale restent peu nombreux et qu’ils nécessitent tout un travail

REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
79
Article de synthèse
de validation clinique. Celle effectuée dans le domaine important travail expérimental reste donc à faire dans ce
des outils permettant d’évaluer la prise de décision montre champ, étant entendu qu’il devrait permettre, au plan de
qu’ils sont encore peu nombreux, parfois imprécis quant la recherche, d’invalider, valider ou affiner les propositions
aux processus décisionnels qu’ils évaluent et, enfin, qu’ils théoriques disponibles en prise de décision et, au plan cli-
sont très peu normés en langue française. Au final, il nous nique, de mieux cerner les difficultés des patients dans un
semble que cette synthèse de la littérature montre que si les domaine central pour l’autonomie au quotidien.
mécanismes et les régions cérébrales concernés par la prise
de décision sont multiples et assez bien connus aujourd’hui, Liens d’intérêts
beaucoup d’incertitudes demeurent autour des épreuves
permettant d’en appréhender les dysfonctionnements. Un L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt.

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