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Jean-Louis ADRIEN
Professeur
tél. : 01-55-20-59-71
e-mail : jean-louis.adrien@univ-paris5.fr
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RESUME
SUMMARY
des troubles du développement de l’enfant. Non seulement, elle tente d’associer plusieurs
syndromes, mais aussi elle préconise une prise en charge coordonnée et pluri-focale de
psychologiques qui tentent d’expliquer en totalité ou partiellement les troubles des enfants
atteints et qui s’appuient sur la connaissance des anomalies précoces, des déficits spécifiques
et des formes évolutives distinctes (Adrien, 1996). C’est à partir de ces modèles que se
développementale » dans l’autisme dont la construction est fondée sur des théories du
Dans notre perspective psychologique, la régulation est la capacité que possède tout
organisme ou système à modifier une réponse en fonction des informations transmises par le
milieu interne ou externe afin de se maintenir dans ce milieu (Piaget, 1967). L’organisme
présente une sensibilité aux informations, une aptitude à les intégrer, une capacité à produire
régulation a pour but de maintenir constant l’équilibre entre les poussées internes du
qui fait preuve d’une bonne régulation dans son activité est capable d’engager une action, de
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la maintenir si elle est adaptée au contexte, de la modifier si nécessaire en produisant une
autre action et en inhibant l’action inappropriée et enfin d’interrompre son activité lorsque
Les processus de régulation s’expriment non seulement dans tous les domaines d’activité et
d’expression des capacités cognitives, sociales et émotionnelles mais aussi à tous les niveaux
moteur puis représentatif aboutissant au langage et à la pensée abstraite). Et c’est grâce à ces
existe une force d'organisation et de cohérence qui est présente à chaque phase du
développement. La régulation a pour fonction d'établir des liens opportuns entre les actions
composant une activité (par exemple, retrouver un objet caché) au sein d'un même domaine
morceau de pain tombé sous la table) mais aussi des liens entre les processus impliqués dans
du système nerveux central et caractérisé par des anomalies des interactions sociales, des
Léo Kanner (1943) souligne les difficultés des enfants autistes à s'ajuster à leur
prise dans les bras, les réactions paradoxales et différées aux stimulations auditives et
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visuelles). Ces comportements témoignent de la difficulté précoce des enfants à modifier leur
social ou physique. D'autres signes d'expression motrice, perceptive ou cognitive comme les
de la régulation de l'activité.
Dans notre modèle (Adrien, 1996 ; Adrien et al., 1994, 1995, 1996), nous postulons
que ce trouble de la régulation de l’activité est basal et primaire et qu’il explique non
conatif et émotionnel de ces enfants. Cette dysrégulation est caractérisée par des perturbations
du fonctionnement dynamique des processus de régulation des activités - elle est dite
fonctionnelle -, et elle touche tous les secteurs du développement : elle est dite aussi
développementale.
basale.
développementale
G. Lelord (1990) est le premier à indiquer que les enfants autistes souffrent d’une
à l'aide des potentiels évoqués corticaux (Bruneau et al. 1987, 1999 ; Martineau et al., 1992 a,
b). Le paradigme est le suivant : 1 - plusieurs fois de suite on fait entendre à un enfant un son
et voir en même temps un flash lumineux : on enregistre une réponse à la fois au niveau du
enregistre une réponse non seulement au niveau du cortex auditif mais aussi au niveau du
établissent une relation entre la variabilité et ce défaut de maintien des réponses associatives
cross-modales et les perturbations des comportements de régulation : les enfants dont les
comportements sont les plus dysrégulés - qui ne prennent que peu d'initiatives pour interagir
ou pour jouer, qui ne peuvent poursuivre et mener à terme leurs actions - ont une grande
défaillance dans la constance des associations intermodales corticales. De plus, Adrien et al.
(1994) montrent un lien entre le défaut de maintien d'un schème cognitif efficace (se
frontale du cortex chez les enfants autistes âgés de 3 ans, région responsable des processus de
régulation de l’activité qui disparaît 3 ans plus tard, ce qui témoigne d’un retard de maturation
du lobe frontal. Enfin, Gomot et al. (2001 ; Khalfa et al. (2001) et plus récemment Zilbovicius
et al. (2000) notent que les enfants autistes ont des difficultés de développement et de
perception auditive et le traitement des informations vocales. Ces anomalies sont en lien avec
de la croissance de l'enfant. Ces décalages temporels pourraient être dus aux troubles précoces
A - La permanence de l’objet
Nous avons noté chez des enfants autistes comparés à des enfants retardés et à des enfants
objet caché en produisant une série d'actions successives telles que prendre, soulever la boîte
sous laquelle se trouve l'objet, regarder et prendre l'objet - est fréquemment incomplète et
variable : parfois, l'une d'entre elles est répétée de façon excessive et inopportune ; ou alors, la
séquence d'actions toute entière est infiltrée de schèmes très élémentaires, formes de parasites
qui vont altérer son déploiement. Nous avons décrit ces particularités de fonctionnement
l'incoordination des actions exigées pour résoudre le problème (Adrien et al., 1994, 1995).
B – L’attention conjointe
Selon notre modèle, cette pathologie fonctionnelle s’inscrit et se développe durant les
deux premières années de vie concerne les fonctions impliquées dans le développement e la
communication comme l’attention conjointe. Ainsi, Gattegno (2001) et Gattegno et al., (1999)
ont exploré l’attention conjointe, sa régulation et son évolution durant les deux premières
années à partir des films familiaux réalisés chez de très jeunes bébés de 10 mois - non
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reconnus encore comme autistes à cet âge - et dont le syndrome autistique n’est découvert que
vers l’âge de 24 mois. Les principaux résultats montrent des dysfonctionnements précoces et
évolutifs de la régulation des processus d’attention conjointe de ces très jeunes enfants à
d’enfants autistes que d’enfants retardés mentaux et d’enfants normaux tous appariés par âge,
et quels que soient leur niveau cognitif et leur degré de retard, qui présentent des
dans la mise en œuvre des processus impliqués dans l’activité de réponse à une attention
P o u r c e n t a g e d 'e n f a n t s p r é s e n t a n t
u n tr o u b le d e la r é g u la tio n
à 1 1 -1 2 m o is e t 2 0 -2 4 m o is
e n r é p o n s e à l’a tte n tio n c o n jo in t e
4 0
2 0
%
1 1 - 1 2 m o is 2 0 - 2 4 m o is
N O R
R E T
A U T
Figure 1 : Pourcentage d’enfants autistes, retardés et normaux aux âges de 10-11 mois et de
C – Le jeu symbolique
et la qualité du jeu symbolique chez les enfants autistes dont la limitation de la diversification
hétérogène : l’attention conjointe est plus déficiente que l’interaction sociale (Adrien et al.,
développement (par exemple le langage) restent fixés à un stade alors que d'autres (par
Selon notre modèle, cette double hétérochronie de développement est expliquée par le défaut
l’aide de la BECS (Adrien, 1996 ; Adrien et al., 2002 ; Thiébaut et al., 2004) de 70 enfants
autisme dont l’amplitude d’hétérogénéité (somme des écarts entre les 16 niveaux de
développement) et les niveaux moyens de développement sont différents. On peut noter que
quel que soit le niveau moyen de développement, plus l’hétérogénéité de développement est
ample (sous-groupes en jaune et rose), plus la dysrégulation de l’activité des enfants est
intense.
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LE LE
4 4 LE
AC LC AC LC 4
AC LC
IS 3 IV IS 3
IV
IS 3 IV
2 2
2
RC IG RC IG RC IG
1 1
1
PO 0 RA PO 0 RA PO 0 RA
RS EE RS EE RS EE
MB ISo
MB ISo MB ISo
CO JS
CO JS CO JS
Sch
Sch Sch
RC : Régulation du
comportement, Iso : Image de soi
IS : Interaction sociale, JS : Jeu symbolique
AC : Attention conjointe, Sch : Schèmes d’action
LE : Langage Expressif, CO : Causalité opérationnelle
LC : Langage Compréhensif, MB : Moyens-buts
IV : Imitation Vocale, RS : Relations spatiales
IG : Imitation Gestuelle, PO : Permanence de l’objet
RA : Relation Affective,
EE : Expression Emotionnelle.
Adrien J-L, Blanc R., Thiébaut E., Barthélémy C. (2003). Revue Québécoise de Psychologie
AUTISME.
thérapeutiques et des prises en charges effectives et durables des personnes avec autisme qui
soient utilisables à la fois par les soignants, les intervenants et les familles. L’un des objectifs
régulation cognitive et émotionnelle par des interventions actives de l’adulte centrées sur les
appropriées.
est de rééduquer les fonctions psychophysiologiques déficientes et leur régulation dès le plus
jeune âge de l’enfant autiste, tout en tenant compte de ses intérêts et de ses besoins, afin de lui
autrui.
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Enfin, la prise en charge intensive, soutenue et durable des personnes avec autisme
dans leurs différents lieux de vie (accompagnement à domicile, à l’école ou en entreprise) tel
s’appuie largement sur ce modèle. Les objectifs des interventions des adultes accompagnants
d’interaction avec les autres et d’autonomie personnelle et familiale, afin de favoriser leur
interventions qui répondent véritablement aux besoins spécifiques des personnes avec autisme
constitue des pratiques psychologiques innovantes inscrites dans un nouveau métier qu’il faut
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