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Le diagnostic différentiel
des troubles cognitifs en médecine
de premier recours
Diagnostic différentiel
Plusieurs cas de figure se présentent en pratique clinique et comportent : 1)
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La recherche systématique exemple lorsque le patient doit exécuter plusieurs tâches
La recherche systématique des symptômes ou des si- à la fois. La progression est inexorablement et lentement
gnes d’appel cognitifs équivaut à une approche préventive défavorable. Dans les cas typiques, cette évolution est ca-
qui vise un dépistage précoce et à rendre attentif le sujet ractérisée par l’apparition de troubles concernant les acti-
vieillissant aux aspects cognitifs et affectifs du vieillisse- vités instrumentales de la vie de tous les jours (paiements,
ment. Ce dépistage devrait commencer à 70 ans, mais cer- organiser les achats, etc.), suivis par ceux dans les activités
Tableau 1. Récapitulatif du diagnostic différentiel clinique de quelques syndromes les plus fréquemment
rencontrés au cabinet médical
ECA : état confusionnel aigu ; MCI : mild cognitive impairment ; DLBD : diffuse Lewy Body Disease.
Mémoire Mémoire Mémoire Mémoire Mémoire Souvent altérée, Peu altérée Peu altérée
à court à court à court à court de type variable
terme altérée terme altérée terme altérée terme altérée
Symptômes Fréquents Le plus souvent Moins Fréquents Moins Fréquents Peu fréquents
psychotiques absents fréquents Fréquents
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ques potentiellement curables. Le profil cognitif du syn- Investigation paraclinique
drome démentiel de la dépression peut être semblable à Un bilan biologique se justifie dans la majorité des
Dépistage fonctionnel
Le SD est défini par la présence de répercussions signi-
ficatives du déficit mnésique sur la vie de tous les jours ce Prise en charge
qui nécessite un entretien avec un proche connaissant bien La prise en charge s’oriente d’après les hypothèses étio-
la situation prémorbide et actuelle du patient. logiques les plus probables. Elle comporte le traitement
des pathologies sous-jacentes (vasculaire, endocrinologi-
Dépistage des syndromes comportementaux que, dépressive, etc.). Une approche non médicamenteuse
et psychologiques impliquant l’entourage du patient permettra l’introduction
Les répercussions les plus importantes sur les proches des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase ou de la méman-
sont occasionnées par les syndromes comportementaux tine dans les démences dégénératives et vasculaires.7 Les
et psychologiques des patients déments. Ceux-ci sont fré- symptômes comportementaux et psychiatriques exigent
quents et comportent des symptômes affectifs, psychoti- souvent des mesures non médicamenteuses et médica-
ques et comportementaux tels que l’apathie ou l’agressi- menteuses. Des évaluations cliniques, tous les trois à six
vité. Une attention particulière doit être portée aux syn- mois, sont nécessaires pour ajuster le traitement.
dromes dépressifs. Les états dépressifs peuvent mimer
une démence et les démences d’origine organique sont
souvent accompagnées de troubles affectifs. Le dépistage LES ÉTATS CONFUSIONNELS AIGUS
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taux parfois difficiles à différencier d’un SD ou d’un autre Prise en charge
trouble psychiatrique. L’ECA est défini par la présence de La prise en charge de l’ECA comprend : 1) le traitement
quatre critères : 8 1) une perturbation de l’état de conscien- des causes médicales sous-jacentes, 2) les aspects géné-
ce avec diminution de la capacité à focaliser ou soutenir raux favorisant la résolution de l’ECA (réhydratation, donner
l’attention ; 2) une modification du fonctionnement cognitif des repères, etc.) et 3) le traitement pharmacologique lors-
(par exemple désorientation, troubles de la mémoire) ou que les deux premières approches ne sont pas suffisantes.
une perturbation des perceptions (par exemple hallucina- L’halopéridol est le médicament de premier choix, donné
tions visuelles) ; 3) la perturbation s’installe en un temps à faibles doses (le plus souvent 0,5 à 1 mg 3 x/jour) ; les
court (quelques heures ou jours) et montre une évolution benzodiazépines (BZD) sont à éviter sauf lorsque la cause
fluctuante avec d’éventuels intervalles lucides ; 4) la mise de l’ECA est un sevrage à l’alcool ou aux BZD.11,12
en évidence d’une pathologie somatique incriminée étio-
logiquement. Cliniquement, on distingue plusieurs sous-
types à l’ECA : un type hyperactif avec agitation, un type CONCLUSION
hypoactif avec ralentissement psychomoteur et des types Les SD et les ECA se rencontrent surtout chez la per-
mixtes alternant les deux sous-types. C’est surtout l’ECA sonne âgée. L’apparition de ces syndromes exige des inves-
hypoactif qui peut passer inaperçu. tigations bio-psycho-sociales souvent complexes d’autant
plus qu’ils peuvent être difficiles à distinguer du vieillisse-
Diagnostic différentiel et investigation ment normal. Dans cette zone grise entre le vieillissement
Le principal diagnostic différentiel de l’ECA est le SD. normal et le SD se situe le MCI. La polymorbidité rend
Les deux syndromes peuvent être présents indépendam- parfois difficile d’établir un diagnostic étiologique unique
ment, ou alors typiquement, un ECA peut s’ajouter à une du SD. Les investigations multi-axiales et la prise en charge
démence sous-jacente. En cas d’ECA, les troubles de l’at- interdisciplinaire sont un corrélat de ce constat qui devrait
tention et de l’orientation sont souvent au premier plan ; inciter l’omnipraticien à recourir régulièrement à une éva-
les symptômes sont fluctuants et de survenue rapide, ce qui luation spécialisée.
les différencie en partie des troubles cognitifs de la dé-
mence. L’hétéro-anamnèse est fondamentale, notamment
pour connaître le développement temporel des troubles.
L’ECA peut parfois ressembler à un trouble psychiatrique
primaire, lorsque des symptômes d’allure dépressive (ral-
entissement, labilité émotionnelle) sont présents, ou lors- Implications pratiques
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