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un problème mondid.
Unesco: BIE
Paris - Genève
1971
Etudes et enquêtes
d'éducation comparée
Titres dans cette série
Préface
Annexe 1
Recommandation No 66 concernant
l’amélioration et l’efficacité des
systèmes d‘éducation, en particulier
par la réduction des déperditions
d’effectifs à tous les niveaux de
l’enseignement 147
Annexe 2
Bibliographie sélective:
ouvrages mentionnés
dans le chapitre 2 155
Chapitre un
La nature du problème
I N A P T I T U D EA R E C R U T E R LES ELEVES
Le fait qu’enmatière d’éducationla demande est généralement plus forte
que l’offre et l’existence de prescriptions légales fixant l’âge auquel les
enfants doivent être scolarisés contribuent à diminuer l’incidence de la
deuxième source de déperdition dans l’enseignementaux niveaux primaire
et secondaire.I1 faut cependantexaminer ces formesde déperditions pour
les enfants qui ont dépassé l’âge de la scolarité obligatoire.C‘est en effet
là l’un des facteursles plus importantsdans l’enseignementpostscolaireet
supérieur.Le recrutement dans les secteursnon obligatoires d’un système
d’éducation dépend de la mesure dans laquelle les élèves et leurs familles
identifient les objectifs et le contexte de l’éducation avec leurs propres
aspirations.
Les pays diffèrent dans la manière dont ils déterminent les objectifs du
système d’éducation,dans son ensemble et pour chacun des éléments qui
le composent.Dans la plupart des cas le facteur qui exerce peut-êtrele
plus d’influencesur la déterminationdes objectifs découle de la conception
traditionnellede ceque devraitêtre une personne instruite.Lesprogrammes
et les processus pédagogiques qui,pendant des dizaines d‘années et même
pendant des siècles,ont répandu cette conception de l’hommeinstruit con-
tinuent d’exercerune influence certaine sur les buts de l’éducation.
L‘idëe qu’on se fait de la nature de l’enfance a exercé une influence
tout aussi importante sur la pédagogie moderne. La psychologie de l’en-
fant insiste sur la notion d’une éducation destinée aux enfants tels qu’ils
sont et non pas tels qu’on voudrait qu’ilsdeviennent.Avec le développe-
ment de la planificationéconomique,et à partir du moment où l’onadmet
qu’il existe un rapport entre le produit de l’éducationet les besoins de
l’économie en main-d’œuvre,un troisième facteur important est apparu
dans la détermination des objectifs de l’éducation.C‘est ce que montrait
l’un des délégués dans une déclaration faite à la Conférence de 1970:
«Dansle plan de développement,il y a un rapport étroit entre les investis-
sements et la main-d’œuvrequalifiée employée dans les divers secteurs de
l’industrie,et nous devons aujourd’hui faire face à une situation tragique
caractérisée par le chômage de personnes qui ont reçu une formation
orientée vers des emplois particuliers, la raison en étant que le rapport
entrel’enseignementet la main-d’œuvrequaliiiée a été établi sans qu’ilsoit
réellement tenu compte de l’évolution industrielle;à cela s’ajoute le fait
que la situation du commerce extérieur a des répercussions,directes ou
indirectes,sur le produit final de l’éducation)).
L’absence d’harmonie entre les exigences d’un enseignement adapté
à la personnalitéde l’enfant,à la formation d’adulteséquilibréset capables
dejugementet à la préparation de la main-d’œuvrenécessaireà l’économie
12 La déperdition scolaire: un problème mondial
problématique. Pour les raisons déjà indiquées, nous entendons ici par
abandon en cours d’études le fait qu’un élève quitte l’école avant la fin de
la dernière année de l’étape dans laquelle il est inscrit.
I1 résulte de cette définition que le fait de quitter l’école après la fin
d’une étape obligatoire sans aborder l’étape suivante ne constituerait pas
un abandon en cours d’études.Si,dans un système d’éducation donné, on
estime par exemple qu’au terme d’un cycle de six ans d’enseignement pri-
maire ou de base, il suíñt que 30 % seulement des élèves du groupe d’âge
correspondant abordent le premier cycle des études secondaires, on ne
considérera pas que les 70 %qui quittent définitivement l’écoleet trouvent
un emploi appropriéont abandonné prématurément leurs études.De même,
si la politique adoptée par un pays veut que tous les enfants accomplissent
au moins neuf années d’études, mais que la moitié seulement d’entre eux
entrent ensuite dans l’enseignement secondaire, on ne peut considérer
comme déperdition scolaire l’autre moitié. D u point de vue de l’efficacité
interne du système scolaire, ils ((mettent fin» à leurs études, sans pourtant
les avoir abandonnées ((prématurément».
I1 est évident qu’un taux d’abandons élevé dans le premier cycle des
systèmes du type B ou C est très grave. Non seulement il révèle de façon
symptomatique le mauvais fonctionnement du système, mais, étant donné
que le cycle lui-même est court, les élèves qui abandonnent avant la fin
n’ont probablement pas suffisamment consolidé leurs connaissances de
base pour qu’elles résistent à l’oubli. O n sait maintenant que ceux qui
abandonnent leurs études dans les premières années de leur scolarité
risquent beaucoup plus de redevenir analphabètes que ceux qui terminent
le cycle. Il en va de même pour les abandons qui se produisent pendant
les années d’études correspondantes des systèmes de type A. E n revanche,
un abandon durant la septième ou la huitième année signiíie, il va sans
dire, une perte par rapport aux objectifs du système; pourtant il n’aura
vraisemblablement pas pour conséquence une perte totale de l’acquis
scolaire. E n général, quand les systèmes de type A ont les mêmes taux
d’abandons par année d’études que ceux des types B ou C,ils ont de fortes
chances d’être moins efficaces en matière de formation de diplômés du
premier cycle. O n voit donc qu’il faut être prudent quand on compare des
systèmes de types différents du point de vue des déperditions imputables
aux abandons en cours d’études.
Dans le second degré,la notion d’abandon revêt un caractère beaucoup
plus complexe.Le fait de ne pas achever une étape (entre 12 et 15 ans ou
15 et 19 ans) reste un signe de mauvais fonctionnement d’autant plus signi-
ficatif qu’il a été procédé à une sélection à l’entrée.E n outre, si des indices
communs peuvent être utilisés pour signaler le mauvais fonctionnement mis
La nature du problème 17
REDOUBLEMENTS
Tableau 1
Méthodes utilisées en matière de promotion et de redoublement:régionset pays
déterminés
.
La nature du problème 21
premier,à cette exception près qu’ilsne précisent pas qui décide de la pro-
motion et ne limitent pas le nombre d’années qu’un élève est autorisé à
passer dans une même classe.Le troisième groupe est celui des pays où la
promotion se fait sans examen et qui ne permettent pas,sauf dans des cas
exceptionnels,le redoublement d’une année d’études.
I1 est tentant de rechercher s’il n’y a pas,dans ces systèmes de promo-
tion,une évolution,un acheminement progressif vers des méthodes d’en-
seignement individualisé qui ne considèrent pas le redoublement comme
une formevalable d’orientationet ne recourentpas aux examenspour sanc-
tionner la progression individuelle.La situation est cependantloin d’être
aussi simple.Dans de nombreux pays européens avancés le redoublement
est autorisé et les examens font partie des éléments sur lesquel se fonde
une décision de promotion.Quant aux pays qui n’autorisentpas le redou-
blement, il leur reste à démontrer,nous semble-t-il,qu’ils sont capables
d‘organiser leur enseignement de manière que le rendement interne du
système corresponde à son efficacité finale.
I1 est évident néanmoins que,lorsque la promotion dépend pour une
grande part d’un succès aux examens,cette procédure limite les passages
d’une classe à l’autre.Il est largement admis que les notes,qu’elles soient
obtenuesau coursd‘examensorganiséspar lemaître ou au coursd’épreuves
normalisées, ont une valeur relative. A u pire, elles sont l’expression de
jugements inconséquents et subjectifs formés par les maîtres sur la base
d’examensécrits peu sûrs,dont la validité n’estpas reconnue.A u mieux,
elles expriment les résultats obtenus par un élève par rapport à ceux
qu’obtiennent les enfants du même âge et de la même classe avec des
marges d’erreur connues et un pouvoir de prédiction suffisant pour le
passage dans la classe supérieure.Au pire,elles sont attribuées au hasard;
au mieux,elles permettent desjugementsabsolus- sur le niveau considéré
comme satisfaisant- définis en proportions d’élèvesadmis à passer dans
la classe supérieure.Dans aucun des deux cas elles ne tiennent compte de
la continuité de l’apprentissage,qui n’estpas divisible en unités adminis-
tratives fractionnées et purement pratiques.Ainsi,on peut reprocher aux
examens de manquer de pertinence,non pas tant en raison de leur nature
que de l’usagetraditionnelqu’on en fait.Les examens ne se justzent que
siles renseignementsqu’ilsfournissentpermettent de prendre des décisions
véritablement pertinentes quant aux mesures de caractère éducatif à
envisager à l’avenirdans l’intérêtde chaque élève.Siles examens sont con-
sidérés comme des auxiliaires et non comme des déterminants de la déci-
sion,ils peuvent être utiles. Malheureusement,ils ont tendance à prendre
le caractèredes décisions qui leur font suite.Ce n’est que lorsque celles-ci
seront véritablement prises dans l’intérêtde chaque élève que les examens
La nature du problème 23
AFRIQUE
Pour l’Afrique,un seul des ouvrages analysés est d’origine locale, les
autres ayant été rédigés par des Français ou des Anglais.I1 s’agitdu reste
d’unebibliographieportant surla déperditionscolairedansles pays arabes,
qui émane du Centre régionalde planification et d’administrationdel’édu-
cation pour les Etatsarabeset aétépubliéeà Beyrouth en 1969.Cette biblio-
26 La déperdition scolaire :un problème mondial
ASIE
E U R OP E ORIENTA LE
EUROPE OCCIDENTALE
AMÉRIQUE DU NORD
A M É R I Q U E LATINE
scolaire argentin et émet l’idée que cette faiblesse pourrait tenir à une
mauvaise structure du système lui-même. Il propose dans son ouvrage
une réorganisation portant à la fois sur les programmes,sur l’articulation
des divers cycles,surla scolarité obligatoireet sur la promotion.Ilpropose
également que l’on s’efforce de déterminer les facteurs sociaux,culturels
et psychologiques qui peuvent être à l’origine de la déperdition scolaire.
Mais si des plans d’ensemble de ce genre ont été établis en vue de réduire
la déperdition scolaire,on ne trouve guère de publications en Amérique
latine qui témoignent de l’applicationde remèdes précis.
Dans le cas du Brésil, un rapport de l’lnstituto nacional de estudos
pedagogicos (1964)et un gros ouvrageen deux volumes émanant du Minis-
tère de la planification(1969)permettent de se faireune idéede la situation.
Le premier met en évidence,au moyen de tableaux statistiques,les liens
qui existent entre l’éducation et les facteurs économiques;les variables
relatives aux institutions économiques et sociales et aux institutions d’édu-
cationy sontprises en considérationet l’ontrouve une analyse des données
relatives à l’insuffisance ou à la surabondance des effectifs scolaires,aux
échecs scolaires et aux abandons en fin d’année.Dans le second ouvrage,
il est d’abord question de l’expansion et de la réforme de renseignement;
un effort est ensuitefaitpour définirles objectifs stratégiquesà viser et pour
évaluer les besoins de l’enseignementmoyen et supérieur en 1970.
A u Chili,le problème national découlant de la déperdition scolaire a
été particulièrement étudié par Hamuy Berr (1961)qui considère que ce
sont les abandons qui jouent le rôle le plus important dans cette déperdi-
tion,puisque c’est à eux qu’est dû le plus grand nombre d’analphabètes
ou d’individusn’ayantqu’uneinstructiontrès réduite.I1indiqueégalement
que, pour étudier les abandons,il a suivi pendant plusieurs années un
groupe d’élèves,en prenant note de la plus ou moins grande régularité avec
laquelle chacun fréquentait l’écoleet en relevant le nombre des promo-
tions,des redoublements et des abandons momentanés ou définitifs; il a
ainsi constatéque les facteursquiinfluaientle plus sur les abandonsétaient
les suivants:lieu de résidence,âge d’entrée en classe,niveau économique
des familles et situation géographique de l’école.
En ce qui concerne le Paraguay,Margarita Ortiz de Salcedo analyse
quantitativement le problème de la déperdition scolaire.Elle indique qu’il
y a au Paraguayun,tauxélevé de redoublements et d’abandonset que 10YO
seulement des élèves entrés en première année primaire en 1949 ont achevé
leurs études primaires. Elle indique également que des mesure sont été
prises pour déterminerles causesde la déperdition scolaire au moyen d’une
enquête portant sur quelque 490 écoles primaires. Au Pérou,le Ministère
de l’éducation a fait paraître un ouvrage en deux parties (1967)qui traite
42 L a déperdition scolaire: un problème mondial
Ampleur et localisation
LES F O R M E S DE L A DBPERDITION
Bien que l'onpuisse contrôler le fonctionnement des systèmes d'éducation
en notant les changements significatifs qui interviennent,ces observations
sont d'une utilisation plus ou moins sûre.I1 faut généralement adopter une
solution intermédiaire,qui tienne compte de la relative facilité des obser-
vations,mais aussi de l'exactitude avec laquelle elles caractérisent l'aspect
étudié.C'est ainsi que les cinq types de déperdition scolaire déjà définis ne
44 L a déperdition scolaire :un problème mondial
tion réelle montrent que,sur 100 éièves inscrits en 1960 en première année,
32 seulement étaient arrivés à la sixième année d’études en 1965.Le taux
moyen de déperditions annuelles avait été de 21 %et non pas,comme on
l’avait souhaité,de 10%. Les écarts entre les 22 pays considérés n’appa-
raissent naturellement pas dans ce taux moyen. Ils étaient considérables,
et seuls trois pays approchaient de l’objectiffixé.
O n note dans le même document une contradiction entre le taux
élevé d’abandonset l’augmentationmarquée des effectifs de l’enseignement
primaire (35 YO)pour la période considérée,en dépit du fait que le nombre
des inscriptionsen première année n’augmentaitque de 20 %. L‘étude des
données disponibles sur les redoublementsdans quelques pays a montré
que chaqueclasse comprenait beaucoup de redoublants et l’ona pensé qu’il
fallaitprobablementvoir là l’unedes causesde l’accroissementdes effectifs.
Estimation du coût
La méthodologie
Les études antérieures souffraient d'imperfections méthodologiques qu'a
su éviter l'enquête de 1969 et qui ne permettaient pas d'aboutir à la défi-
nition d'indices reposant sur des données normalisées. Les qualités et les
défauts de l'enquête de 1969 ont une seule et même origine: la simplicité
des données sur lesquelles elle repose. Chaque pays a indiqué, pour autant
d'années qu'il lui était possible entre 1960/61et 1967/68,les effectifs au
début de l'année, par année d'études, si possible par sexe, ainsi que le
nombre de redoublants. O n avait donné du redoublant la définition sui-
vante: «l'élève qui reste dans la m ê m e classe et fait le m ê m e travail que
l'année précédente)). A partir des taux réels de redoublement et de dimi-
nution de la cohorte - ces deux éléments étant considérés comme les com-
posantes de la déperdition - d'une année à l'autre,on a déduit un taux qui
rende compte,le mieux possible, de la tendance observée. I1 est rare qu'un
pays ait fourni des données suffisantes pour qu'on puisse suivre une co-
horte pendant toute la durée d'un cycle permettant des redoublements
multiples. C'est pourquoi ces taux dérivés ont été appliqués à une cohorte
hypothétique de 1000 élèves. I1 a fallu accepter certaines hypothèses qui
semblent plausibles mais ne peuvent être directement vérifiées. L a pre-
mière de celles-ciconsiste à tenir pour acquis que les mêmes taux de re-
1964165
235
i065/66
1966167
1967/6ô
Tableau 1
Algérie: La première partie du tableau montre l'investissement unitaire en
années-élèveet le rapport ((input-output)); la seconde fait une distinction entre
la part relative d'abandons et de diplômésdu point de vue de la déperdition. Les
cohortes ont été établies sur la base des taux observés entre 1963/64et 1967/68
pour le premier degré de l'enseignement (urbain et rural).
Nombre total Totai des Total des Excédent (en O/,) Places absorbées par
d'années-élève années-élève ann&-élève imputable: les abandons mais
investies par non effectives en excédent effectives
1000 élkves (n'aboutissant (aboutissant i la
pas i la promotion promotion)
ou l'obtention aux aux
d'un diplôme) abandons diplômés
Tableau 2
Algérie: Eleves sortants répartis selon le nombre d'années redoublées pour le
premier degré de l'enseignement (urbain et rural). Les cohortes ont été établies
sur la base des taux observés pendant la période comprise entre 1963/64et
1967/68.
Tableau 3
Algérie:Profilde promotion et d'abandon, et taux de transition pour le premier
degré de l'enseignement (urbain et rural). Les cohortes ont été établies sur la
base des taux observés pendant la période comprise entre 1963/64 et 1967/68.
Tableau 4
Algérie: Taux de redoublement, de promotion et d'abandon pour le premier
degré de l'enseignement (urbain et rural). Les cohortes ont été établies sur la
base des taux observés pendant la période comprise entre 1963/64et 1967/68.
Tableau 5
Algérie : Ecoles urbaines, premier degré. Profil de promotion et d‘abandon,et
taux de transition (%).
Tableau 6
Algérie: Ecoles rurales, premier degré. Profil de promotion et d’abandon, et
taux de transition (%).
Tableau 7
La moyenne et la fourchette des rapports (<input/output»pour le premier degré
de l'enseignement relevés dans chaque groupe de pays répartis par régions.
Moyenne Fourchette
Tableau 8
La moyenne et la fourchette des rapports «input/output»,pour les premier et
second cycles de l'enseignement secondaire,relevés dans chaque groupe de pays
répartis par régions.
Tableau 9
Total des abandons pour 1000 élèves dans six pays
Tableau 10
Total des redoublementspour 1000élèves dans six pays
Tableau 11
Total des abandons pour loo0 élèves,par sexe et par zonesurbaines ou rurales,
dans un pays d‘Afrique.
Tableau 12
Total des abandonspour 1000élèves,par sexe et par zonesurbaines ou rurales,
dans quatre pays d’Amérique du Sud : Colombie, République Dominicaine,
Guatemala et Panama.
thèses en dépit du fait que les données ne sont pas tirées d’observations
directes dans des conditions d’échantillonnage connues.Malheureusement,
les renseignements relatifs au second degré ne sont pas suffisants pour
qu’on puisse formuler des hypothèses analogues.
1. Fourchette des écarts entre l'âge médian et l'âge normal dans la pre-
mière année du premier cycle (l'âge médian est toujours supérieur à
l'âge normal).
2. Fourchette des écarts entre l'âge médian et l'âge normal dans la der-
nière année du premier cycle.
3. Coefficient de corrélation par rang de Spearman pour l'écart entre l'âge
médian et l'âge normal dans la première et la dernière année du premier
cycle.
4. Fourchette des pourcentages d'enfants qui ont l'âge modal dans la
première année du premier cycle.
5. Fourchette des pourcentages d'enfants qui ont l'âge modal dans la
dernière année du premier cycle.
6. Pourcentage moyen d'enfants qui ont l'âge modal dans la première
année du premier cycle.
7. Pourcentage moyen d'enfants qui ont l'âge modal dans la dernière
année du premier cycle.
Tableau 13
Différences d'âge dans la première et la dernière année d u premier cycle dans
quatre groupes régionaux de pays.
Pour chacun des quatre groupes de pays, l'écart entre l'âge médian
et l'âge normal s'accentue de la première à la dernière année d'études. Dans
le groupe des pays d'Europe, nulle part l'âge médian n'est supérieur de
plus d'un an à l'âge normal, qu'il s'agisse de la première ou de la dernière
année. Dans tous les autres groupes (6pays d'Afrique sur 8'6 pays d'Amé-
rique sur 12,5 pays d'Asie sur 1 i), on trouve des pays où l'âge médian est
64 L a déperdition scolaire: un problème mondial
Les réponses à ces questions offriraient le plus grand intérêt pour tous
les pays du monde. Elles permettraient de déterminer la gravité du pro-
blème de la déperdition des effectif‘sdans l’enseignement et de localiser cette
déperdition matériellement et structuralement.I1 faudrait encore répondre
à certaines questions relatives à la planification des actions à entreprendre
pour remédier à la situation. Dans la mesure où la déperdition est im-
putable au mauvais fonctionnement de certaines parties du système, les
gouvernements ne peuvent agir que sur les éléments qu’il est en leur pou-
voir d’améliorer. Aussi longtemps qu’il n’est pas possible d’analyser la
déperdition au niveau de chaque école et, de préférence, de chaque année
d’études dans chaque école, le gouvernement n’est pas très bien équipé
pour planifier son action et en prévoir le coût.
La méthode utilisée pour l’enquête de 1969 présente encore un autre
défaut. L a déperdition a été évaluée en fonction du nombre d’années-
élève que coûtent les redoublements et les abandons. Or,en ce qui con-
cerne le rendement interne du système scolaire, bien que ce soient des
phénomènes commodes à observer, ils ne représentent pas les faits les plus
directement manipulables. C‘est lorsqu’on doit décider si l’enfant remplit
ou non les conditions requises pour être admis à passer dans la classe
supérieure qu’on atteint le moment critique. O n peut agir de façon efficace
66 L a déperdition scolaire :un problème mondial
Facteurs internes:
problèmes et remèdes
Promotion
selon quel critère a-t-onfixé cette moyenne? N'est-il pas curieux de cons-
tater que,dans deux pays voisins,OU les conditions culturelles sont com-
parables,les moyennes minimales sont différentes, sans compter que les
échelles imposées par les autorités centrales ne sont pas comparables;et
pourquoi,dans deux pays OU la langue d'enseignement est la même,suffit41
de franchir la frontière pour passer d'une échelle 1-6 à une échelle 1-20?
Les nombreux séminaires ou congrès nationaux ou internationaux
ont mis en évidence le fait qu'il n'y a pas un seul psychologue ou péda-
gogue qui n'en ait pleinement conscience et qui ne proclame que les notes
sont fort problématiques. Et,pourtant, on continue à décider de l'avenir
des élèves à l'aidede cette méthode contestable.Pourquoi s'étonner dès
lors de l'ampleur des déperditions?
Mais la comptabilité scolaire a encore d'autres effets sur les systèmes
d'éducation. O n assiste en effet à un déplacement des finalités: ce n'est
pas l'épanouissement d'une personnalité qui compte,mais avant tout la
capacité d'apprendre des choses mesurables.Et l'enseignement lui-même
est conçu en fonction de cette nécessité; ce qui était en quelque sorte
secondaire devient primordial,la note chiffrée est une fin en soi.Les opé-
rations de contrôle l'emportent souvent sur l'enseignement et constituent
pour l'élève comme pour le maître une menace permanente.Celui qui a
vécu,dans une école,la fin d'une année scolaire sait quel état de tension
créent pour l'administrateur,les maîtres et les élèves les dernières épreuves
et leur correction, le calcul des moyennes, l'établissement des bulletins
annuels et les conférences des enseignants qui vont appliquer les règle-
ments. L'école est devenue une usine à fabriqueret à transcrire des notes;
l'enseignement a dû céder la place à la comptabilité. Et ces notes dont
chacun connaît la relativité sont devenues des tabous.Une note inscrite
dans le registre de l'écolene saurait être modifiée,le maître qui le propo-
serait encourrait la désapprobation de ses collègues et de ses supérieurs.
D e même,la discussion de cas limites - dans les écoles où l'on n'applique
pas le règlement à la lettre - conduit à des débats aussi dramatiques que
comiques. A u nom de quoi convient-ild'accorder la promotion à un
élève dont la moyenne est inférieure d'un dixième de point à la norme
prévue? Question dramatique,car onjoue l'avenird'un individu,comique
lorsque l'on sait que l'erreur attachée à chaque note est sans commune
mesure avec un dixième de point.
Les examens
Tout ce qui vient d'être dit des notes chiffrées s'applique aux apprécia-
tions des examens écrits ou oraux. Il faut toutefois souligner le fait que
72 La déperdition scolaire :un problème mondial
LES REGLEMENTS
Nous avons déjà fait en passant quelques remarques à propos des règle-
ments de promotion ou d’examens;il vaut la peine d’y revenir. Quelle en
est la fonction? D’une part, ils établissent une norme à laquelle doivent
se soumettre tous les maîtres, d’autrepart ils représentent pour les parents
une sorte de contrat: si votre enfant obtient tel résultat, il est promu, ou
il a droit à tel diplôme. Pour les maîtres, le règlement sert de protection
vis-à-vis des parents; pour ces derniers il garantit le fonctionnement
équitable du système. Formellement, un maître ne prend pas de décision
quant à l’avenir d’un élève, il applique les dispositions légales. De leur
côté, même s’ils sont insatisfaits, les parents ne peuvent réagir que si les
règles prévues n’ont pas été respectées.O n conçoit aisément qu’un système
d’éducation ne puisse fonctionner sans un minimum de règles. Ce qui
est contestable, c’est l’élaboration de ces textes qui conduisent à un dé-
placement des finalités de l’éducation:il importe non pas de se former,ou
d’apprendre à apprendre, mais de remplir les conditions fixées dans les
lois scolaires.Or,la majeure partie des prescriptions en matière de promo-
tion ou d‘examens sont arbitraires,elles ne reposent que rarement sur des
recherches sérieuses. Pourtant, compte tenu de la quantité de travaux
accumulés dans les archives des écoles ou des ministères, il serait facile
d’analyser la validité des normes fixées, de s’interroger sur leur rôle face
aux déperditions. Quand dans un pays - selon l’enquête statistique de
l’Unesco de 1969 c’est très fréquemment le cas - les déperditions touchent
50 %, 60% ou plus de la population scolaire, on ne peut en conclure que
les règlements sont bien établis et que les élèves sont des cancres.Bien plus,
on doit se demander si ce mode de faire ne met pas en péril le fonctionne-
ment même de l’économie du pays et si la passivité des parents durera sans
que jamais il n’y ait de réaction. Ni les responsables de l’économie d’un
pays, ni la population adulte ne s’interrogent sur la valeur et la significa-
tion des règlements, ils les ont admis comme une inéluctable fatalité. C‘est
ce qui explique en partie pourquoi rares sont les administrateurs scolaires
qui les mettent en cause. Seule une prise de conscience des parents pourrait,
14 L a déperdition scolaire: un problème mondial
DE QUELQUES REMEDES
Les modes d’évaluation et de promotion qui ont été analysés plus haut
représentent un aspect du mauvais fonctionnement d’un système d’éduca-
tion. Peut-on agir sur ce seul facteur? Peut-on l’isoler du reste? Nous
sommes convaincus qu’une transformation profonde de ces modes n’est
possible que si l’on rénove l’ensemble : programmes, méthodes, éva-
luation sont étroitement dépendants. E n analysant les remèdes pratiques
appliqués dans un certain nombre de pays, on ne saurait oublier que les
améliorations ont porté le plus souvent sur l’ensemble du système: les
mesures relatives aux modes d’évaluation et de sélection n’en constituent
qu’un élément.
Plusieurs ministères d’éducation estiment que leur politique scolaire
Facteurs internes: Problèmes et remèdes 77
Intelligence,programmes et méthodes
Modifier les règlements de promotion ou d’examens est chose relativement
aisée, mais quelle est la portée réelle d’une telle mesure? Prenons un
exemple: si l’on prévoit qu’un élève est promu lorsque sa moyenne géné-
rale est supérieure ou égale à 4 (dans une échelle de 1 à 6,où 6 est la note
maximum), on peut décider, si l’on veut diminuer le nombre des échecs,
qu’il suffira désormais d’une moyenne inférieure pour passer dans la classe
supérieure. Les élèves repêchés par cette décision auront-ils atteint un
meilleur niveau de formation? I1 est permis d’en douter si l’on n’agit pas
parallèlement sur le contenu et la forme de l’enseignement. Nous faisions
plus haut une remarque analogue à propos de la promotion automatique.
I1 convient donc d’examiner maintenant ce qui se passe jour après
jour à l’intérieurde l’école et de se demander d‘abord sur quelle conception
de l’intelligence repose l’instruction traditionnelle.
Une première constatation s’impose:lorsque, au 19e siècle,on a ins-
titué dans plusieurs pays industrialisés l’enseignement primaire obliga-
toire, on a utilisé des modèles connus, fournis le plus souvent par quelques
types d’écoles privées, généralement entre les mains des diverses églises.
E n créant un enseignement laïque, on n’a guère innové en matière de pro-
grammes et de méthodes;fait significatif,la majeure partie du vocabulaire
qui qualifie le travail intellectuelde l’enfant a gardé un contenu moral! A u
cours des dernières décennies, l’extension de l’éducation à tous les pays n’a
pas entraîné de changements importants.Notons cependant que pour des
raisons historiques, d’ailleurs fondamentalement diErentes, les Etats-
Uniset l’URSS ont créé des systèmes scolaires qui, dans une large mesure,
échappent à l’analyse critique ci-dessus.
D e plus, tout le travail de l’école repose sur une certaine conception
de la psychologie de l’enfant, qui n’est que rarement formulée explicite-
Facteurs internes: Problèmes et remèdes 81
I
ment de l’enfant.Or,il est frappant de découvrir que,dans de nombreux
pays,l’apprentissagede la lecture se construit sur des mots que l’enfant
ne comprend pas,qui ne représentent rien pour lui:l’analysede manuels
de lectures récents que l’on trouve dans la bibliothèque du Bureau inter-
national d’éducationle prouve de façon évidente!Par ailleurs,il est essen-
tiel que la genèse du nombre et des opérations élémentaires repose sur les
manipulations de l’enfant: point n’est besoin d’un matériel coûteux,les
objets les plus simples dont dispose chaque élève y suffisent,à condition
que le maître sache suggérer ou inventer les actions structurées qui pré-
Une grande partie de ce qui a été dit plus haut concerne aussi l’en-
seignement secondaire. Ne devrait-il,en effet, pas être par excellence
le lieu d’apprentissage des méthodes de travail? Or,la tradition de l’Eu-
rope occidentale,qui a servi de modèle à de nombreux pays en voie de
développement,a conduit à un encyclopédisme sur-développé.La culture
y apparaît comme une juxtaposition de matières sans lien et on doit se
demander sérieusement si les programmes ne font pas qu’éduquer les
esprits à se suffire d’une certaine superficialité. Quel type d’élèves peut
supporter cette accumulation de matières, cette obligation d’obtenir des
résultats suffisants dans des disciplines qui, en réalité,ne les intéressent
guère? Qui leur reprocherait de tenter de se tirer d’affaire en essayant de
faire le minimum nécessairepour ne pas s’attirertrop d’ennuis? Seuls des
élèves privilégiés parviennent, avec l’aide de leur milieu, à faire face.
Les autres abandonnent,et c’estau-delàde l’enseignementobligatoire que,
dans les pays industrialisés, les déperditions deviennent spectaculaires.
Soyons francs: personne ne s’intéresse à tout et personne ne possède de
dons universels;nous avons de la répugnance pour les sujets qui nous sont
étrangers.Qui donc s’appliquerait volontiers à ce qui lui déplaîtnaturelle-
ment, lorsqu’il y a tant d’autres choses à faire? O n travaillerait plus
joyeusement et plus intensément si l’on pouvait renoncer à s’occuperdes
matières qui nous laissent indifférents afin de se vouer entièrement à celles
qui nous intéressent.Et il serait possible d’avoir des programmes mieux
adaptés à nos intérêts. Qu’on interroge des professeurs d’université:s’ils
enseignent dans des facultéslittéraires,que leur reste-t-ilde l’enseignement
des sciences qu’ils ont connu à l’écolesecondaire? Les scientifiques qui
n’ont pas eu l’occasion d’approfondir,par un séjour à l’étranger,les lan-
gues vivantes, sont-ilscapables de les lire et de les parler?
L’organisation de l’enseignement secondaire en URSS ou aux Etats-
Unis devrait nous inciter à des réflexions salutaires,même si des traditions
respectables ne permettent pas d’adopter sans autre des solutions com-
parables. Faut-ilen effet que les pays en voie de développement conti-
nuent à organiserleur enseignement du second degré selon des modèles dé-
passés?
L’analyse des programmes conduit naturellement à une refonte des
méthodes dont le principe essentiel devrait aller de sui. I1faut accorder une
place primordiale à l’activitéde l’enfantet faire disparaîtredu même coup
la leçon type:le maître parle,l’élève écoute - ou n’écoutepas - et répète.
Ce postulat suppose tout naturellement la coopération des enfants,parti-
culièrementapte,comme l’écritJean Piaget,((à favoriserl’échangeréel de
la pensée et la discussion, c’est-à-diretoutes les conduites susceptibles
d’éduquer l’espritcritique,l’objectivitéet la réflexion discursive.D u point
Facteurs internes: Problèmes et remèdes 87
Les manuels posent des problèmes dans une certaine mesure contra-
dictoires:d’une part,les pays en voie de développement se plaignent de
l’insuffisance de leurs manuels, de l’impossibilité dans laquelle ils se
trouvent, faute de ressources,de les renouveler fréquemment et de les
I
adapter a u conditionsrégionalesde.l’école;d’autrepart,on a de plus en
plus souvent le sentiment que, dans les pays industrialisés,les manuels
sclérosent l’enseignement; plus exactement ils empêchent l’évolution des
méthodes et fixent les connaissances pour de nombreuses années. Une
récente enquête relative à des manuels d’histoire a révélé qu’une page
contient en moyenne une douzaine de noms propres que l’élève ne peut
que mémoriser ou ignorer.Une autre recherche actuellement en cours sur
des manuels de physique a déjà permis de découvrir une trentaine de
définitions de termes nouveaux répartis sur cinq pages. Précisons qu’il
s’agit d’ouvrages récents. En feuilletant les manuels de lecture de pays
africains francophones,nous y avons lu de nombreux mots qu’unenfant
de six ans ignore et qui proviennent d’un vocabulaire usuel en Europe.
De même,dans des livres d’arithmétique destinés à des pays d’Afrique
ou d’Asie,nous avons rencontréles problèmes de prix d’achatet de vente
et les calculs de bénéfice qui encombrent les manuels européens.Certes,
le livre est un auxiliaire indispensable du maître qui ne peut tout savoir
ni improviser la succession des leçons;il donne par ailleurs a u ministères
de l’éducation une relative garantie à propos des matières étudiées.Mais
n’est-cepas aussi un oreiller de paresse,une façon d’encourager le verba-
lisme et l’absencede tout esprit de recherche?
luation du travail et des résultats n’a plus de sens et qu’on devrait par-
venir,par étapes,à une auto-évaluation.Est-ceutopique? Les expériences
de travail en groupes réalisées dans l’espritdécrit ci-dessusmontrent que
ce projet est réalisable à condition de choisir avec soin les enseignants-
animateursd’unetelle expérience,et de les préparer à cette tâche nouvelle.
Il ne sert à rien de dire et de répéter que les maîtres devraient être des
guides, des conseillers,des hommes qui stimulent et encouragent leurs
élèves,s’ils ne peuvent pas,dans leur temps de formation,vivre pleinement
une expérience communautaire dans une ambiance qui leur apprenne ce
que devrait être le climat de leurs futures classes.
En troisième lieu,une formation psychopédagogique efficace serait
vécue, illustrée jour après jour par ce qui vient d’être dit. Le fossé qui
existe habituellement entre les cours de psychologie,de pédagogie et de
didactique que reçoiventles normaliens et ce qu’ilsvivent quotidiennement
est tel qu’ildévalorise,à coup sûr,ces enseignements.I1 importedonc que
théorie et pratique,au sein même de l’école,ne se contredisent pas. D e
plus, une initiation à la recherche pédagogique remplacerait efficacement
de nombreuses leçons détachées de tout contexte pratique. I1 semble
par conséquent indispensable qu’un collège-pilotesoit rattaché à l’école
normale;la formation pratique n’est en effet concevable que dans des
classes d’avant-gardeet la méthode usuelle, qui consiste à confier les
élèves-maîtresà des enseignants chevronnés, connus pour leur attitude
conformiste,ne peut que former des instituteurs conservateurs,aptes au
mieux à reproduire le système des déperditions.
Enfin,il serait souhaitable que lesjeunes diplômés,lors de leur entrée
en fonction,soientsuivis,guidés,encouragés par des inspecteurscapables
d’êtredes animateurs et non des éteignoirs comme c’est le cas si fréquem-
ment. Peut-êtreconviendrait41d’associer à cette tâche un psychologue et
les professeurs de pédagogie et de didactique de l’école normale afin
d’assurer,durant les premières années, le maximum de continuité entre
la formation et la pratique. Diverses expériences montrent que cela est
possible si les administrateurs d’écolecomprennent que l’intérêtde l’en-
seignement passe avant leurs prérogatives.
CONCLUSIONS
6. Op.cit. p.111.
Chapitre cinq
Facteurs externes:
problèmes et remèdes
C’est uniquement pour clarifier cet exposé que nous avons dissocié le
système d’éducation de son contexte économique et social global. I1 est
évident qu’une telle simplification est incompatible avec une étude sur
l’efficacitéde l’école,mais il est tout aussi clair qu’il est difficile,dans le
cadre de l’enseignementofficiel,de donner un contenu autre que théorique
à cette notion,car il est plus aisé de prendre en considération les projec-
tions, à l’intérieur du système, du contexte économique et social que sa
réalité extérieure.Par sa forme même,d’ailleurs,la question visant à dé-
terminer les facteursextérieursqui contribuentaux déperditionsd’effectifs
scolairespostule que toute déperditionse constatedanslecadredu système.
O n a signaléles déperditions dues au fait que le système entier s’adapte
mal à son contexte. Le milieu de l’école,ses mécanismes sociaux, de-
viennent parfois tout à fait étrangers à la société qu’ils sont censés servir,
à supposer qu’ils aient jamais vraiment répondu à ses besoins.L’inadap-
tation des bâtiments,du matériel,des livres et des programmes d’études
est quelquefois évidente,mais d‘autresfacteurs sont tout aussi importants
aux yeux des usagers:durée et nombre des cours quotidiens; nombre de
jours de classe par semaine;nombre,durée et répartition des trimestres;
variation de tous ces facteursen fonction de l’âge;caractèreplus ou moins
libre des rapports élèves-maîtres; mode d’élaboration et de révision du
règlement appliqué aux élèves et au personnel enseignant; accessibilité de
l’écoleaux parents et aux membres de la communauté;participation de
l’écoleà la vie de la communauté.Chercher bien au-delàde l’environne-
ment immédiat de l’écoleles causes de déperdition est une entreprise qui
peut se heurter à des difficultés particulières.
Il peut y avoir un danger à élargir le cadre d’un problème jusqu’au
point où il devient impossible de le traiter isolément. O n pourrait,par
conséquent, se contenter de signaler que les facteurs qui contribuent
94 L a déperdition scolaire :un problème mondial
CAUSES DISCERNABLES
La pauvreté relative
La pauvreté est indubitablement l’unedes caractéristiquesles plus étroite-
ment liées à l’abandonen cours d’études et au redoublement.I1 convient
cependant de distinguer entre pauvreté absolue et pauvreté relative. La
pauvreté absolue entraîne la malnutrition,la sous-alimentation,les mau-
vaises conditions de logement,le travail des enfants,et tous les maux qui
en découlent.Le lien qui existe entre la pauvreté et les mauvais résultats
scolaires reste cependantle même dans les pays développés et les pays en
voie de développement,même si la pauvreté extrême dans les premiers est
parfois l’équivalentde la richesse dans les derniers.Bien que la pauvreté
96 La déperdition scolaire: un problème mondial
bilité est d’ailleurs fort peu répandu dans les groupes de ce genre. S’ilest
remplacé,en tant que sanction,par la honte, c’est en partie parce que
l’individun’a guère l’occasion d’être face à lui-mêmeet par conséquent
de prendre réellement conscience de l’opprobre social,et en partie parce
que la société elle-même a plus tendance à codiñer sa morale en autant
d’actes interdits qu’à inculquer la notion de responsabilité personnelle.
I1 convient donc de voir dans la conduite délinquante un comportement
conforme aux mœurs de la société marginale,même s’il contredit les lois
et les codes couramment appliqués dans la société en général.
Parce qu’ilsles considèrent comme des formesinstitutionnelles d’une
société ennemie à exploiter,parents et enfants ont une réaction négative
à l’égard des écoles. L‘absentéisme,l’indiscipline et le dénigrement des
valeurs scolaires sont socialement admis. Avoir redoublé plusieurs fois
une classe devient un exploit qui ne le cède qu’àl’abandonpur et simple
des études à un âge aussijeune que possible! Pour extrême qu’ellepuisse
paraître,cette mentalité n’est que trop commune dans les classes pauvres
des sociétés opulentes.I1 ne faudrait d’ailleurspas croire que la situation
soit entièrement négative. La vie sociale de ces enfants est très riche;le
manque de surveillance des adultes leur permet d’avoir,très jeunes,une
activité autonome et, malgré son caractère sordide,l’environnement offre
de multiples possibilités.Ces contrastes,nulle part plus marqués que dans
les sociétés riches,se retrouvent fréquemment aussi dans les aggloméra-
tions urbaines des pays sous-développés.La situation à Calcutta et à New
York n’est pas sans présenter des points communs.
sifflement des avions.La force qui contribue le plus à faire éclater l’ordre
établi est peut-êtrel’obstinationpolitique de la jeunesse qui compromet
le maintien de la société.Au cours de la Conférence,on constata avec une
certaine inquiétude que les étudiants se mêlent souvent de questions poli-
tiques sans avoir la maturité nécessaire pour le faire.Leur absentéisme et
les destructionsde matériel scolaire auxquellesils se livrent sont d’ailleurs
imités par des enfants qui n’ont pas plus de neuf ou dix ans. Des forces
sociales comme celles qui se sont manifestées avec violence dans certaines
sociétés opulentes de diverses parties du monde sont à l’œuvre.La faute
revient peut-êtreen partie à l’ancienne génération,qui n’a pas su trans-
mettre aux suivantesdes valeurs dignes de respect.Mais,quelles que soient
les causes,un des reproches les plus fréquents des jeunes est que les géné-
rations précédentes font preuve d’hypocrisie et adoptent une attitude dic-
tatoriale en refusant de partager les pouvoirs qu’ellesdétiennent avec les
jeunes.Or ceux-ciexigent de participerplus étroitementà la prise des déci-
sionset aux activités d’administration,notamment en matière d’éducation.
L a pauvreté absolue
Les différences entre les résultats des garçons et des filles constituent un
phénomène presque universel. La raison principale est, semble-t-il,que
les parents les destinent à des rôles différents et qu’onles prépare peu à
peu,de manière souvent insensible,à jouer leurs rôles respectifs.Ce sont
généralement les filles qui, sur le plan de l’éducation,pâtissent de cette
différenciation.L‘écartentre garçons et fillesest évidemmentplus ou moins
grand selon le niveau culturel,Sous sa forme la plus anodine,la différence
de traitementpeut consister à offrir des poupées aux filles et des autos aux
garçons;dans les cas extrêmes pourtant, on en arrive à imposer le régime
du «purdah»aux très jeunesfilles,à les fianceret à les marier alors qu’elles
ne sont encore que des enfants et à leur donner un apprentissage tradi-
tionnel pour les préparer à leur rôle d’épouses.
Les récits qu’ellesentendent,les jeux auxquels elles s’adonnentet les
descriptions imagéeset idylliquesqu’onleur fait de l’avenir qui les attend,
tout concourt à leur donner,bien plus qu’augarçons,une idéeprécise du
rôle qu’elles seront appelées à jouer. Cet endoctrinement est si efficace
qu’elles vont jusqu’à cacher leurs aptitudespour les mathématiquesou la
mécanique ou leur sens de l’espace,de peur de paraître moins féminine et
de perdre ainsi leur attrait pour le sexe opposé.Plus la pression exercée
par la société est forte,plus les différencesentre les sexes apparaissenttôt.
I1semblebien que l’onse trouve là en présence d’unevariable de comporte-
ment et non pas d’une variable physiologique puisque, dans les pays en
voie de développement,où l’on met plus ouvertementl’accentsur les fonc-
tions ménagères de la femme et OU les mariages précoces sont monnaie
courante,la puberté intervient en moyenne deux ans plus tard que dans
les pays les plus développés où les différences d’aptitudes entre les sexes
se manifestent plus tardivement et où l’on incite moins les femmes à
sacrifier les activités professionnelles au mariage. Toutefois,même dans
les pays développés, les différences de résultats scolaires entre les sexes
sont telles que, à l’âge de 13 ou 14 ans, les garçons sont généralement
supérieurs aux filles en mathématiques,dans les spécialités techniques et
dans les travaux mécaniques. A partir de cet âge, les filles font preuve
d’une certaine aversion à l’égard de la représentation sous forme de dia-
grammes, du raisonnement mathématique abstrait et de l’interprétation
géométrique et graphique.I1 est vrai que les différences que l’on constate
entre les sexes au point de vue de l’acquisitiondu langage paraissent dues
au fait que le développement sensori-moteurintervient plus tôt chez les
filles qui,en général,sont supérieures pour la plupart des aptitudes lin-
guistiques, sauf la compréhension orale,mais il n’y a pas de raison de
Facteurs externes: problèmes et remèdes 107
croire pour autant que les différencesde résultats scolaires entre les sexes
proviennent de différences organiques.
La langue d'enseignement
Abstraction faite des raisons de santé et des conditions de vie, la mauvaise
connaissancede la langue d'enseignement constituele plus grave handicap
dont puisse souffrir un enfant à l'école. Dans le monde, des millions
d'élèves se trouvent dans cette situation pour diverses raisons.Dans les
anciens territoires coloniaux,la langue de la puissance coloniale est géné-
ralement celle que l'enseignementa adoptée.C'est un principe dû non pas
à une volonté d'imposer à la population autochtone une autre langue que
la sienne,mais au fait qu'il aurait été trop difficile d'élaborer des manuels
dans la langue indigène,pour tous les niveaux de l'enseignement jusqu'aux
plus élevés. Dans bien des cas,on a conservé la langue véhiculaire après
l'indépendance parce qu'il n'y avait pas d'autre solution possible dans
l'immédiat.En Afrique, en Amérique du Sud et en Extrême-Orient,il
existe parfois,à l'intérieur du même pays,un si grand nombre de langues,
souvent réparties sur de très petites distances,que leur utilisation dans
l'enseignement entraînerait des difficultés insurmontables. O n a parfois,
comme en Inde,érigé en langue véhiculaire l'un des parlers autochtones,
mais rares sont les pays où l'on a pu généraliser l'emploi des langues ver-
naculaires dans tout l'enseignement.Au Mexique,par exemple,il y a plus
de 50000 villages, peuplés de plus d'un million d'habitants, OU l'on ne
parle pas la langue nationale.En faitle problème ne consistepas seulement
à améliorer l'enseignementde la langue à l'école. I1 s'agit bel et bien d'uni-
fier, grâce à une langue commune,les cultures coexistant dans une même
nation,que les langues vernaculaires continuent ou non à être parlées.
enfants de l’école à des périodes régulières du cycle saisonnier pour les faire
travaillerdans les champs.11 visait donc à résoudre un problème évoqué lors
de la Conférence lorsqu’on signalait qu’en Ethiopie la déperdition d’effec-
tifs scolaires se produisait en grande partie pendant la saison des moissons.
Les objectifs concrets du projet étaient les suivants: aider les écoles
à retenir leurs élèves en fixant les vacances en fonction des nécessités
saisonnières de l’agriculture dans la région; adapter les programmes
d‘études aux besoins pratiques de la vie rurale; réduire les abandons en
cours d’études et l’absentéisme;rendre l’écoleplus sympathiqueà la popu-
lation en la transformant en une équipe de travail agricole à certaines
périodes de l’année;libérer le premier cycle de l‘enseignement primaire
de l’obligation de préparer les élèves à d’autres niveaux d’instruction de
façon qu’il serve essentiellement à apprendre aux enfants à lire et à compter
(alphabétisation fonctionnelle) et qu’il soit axé sur les problèmes de la vie
rurale. O n a reconu que, pour réaliser ces objectifs, il était indispensable
de donner aux maîtres une formation particulière et des possibilités de
perfectionnement en cours d’emploi, et de prendre des mesures pour les
inciter à rester dans les zones rurales. Ce projet prévoyait également une
étape préparatoire au cours de laquelle des discussions interministérielles
auraient pour objet d’assurer en fonctionnement harmonieux du système
et en particulier de déñnir un accord sur le niveau que devraient avoir
atteint les élèves à la fin du premier cycle, de façon à harmoniser les ob-
jectifs. O n envisageait également des enquêtes préliminaires sur la struc-
ture sociale et les types d’organisation du travail dans les zones retenues,
ainsi que le choix d’une zone témoin à titre de comparaison.
Etant donné que le projet devait avoir une valeur expérimentale, on
estimait que la région choisie devait être caractérisée par un taux élevé de
déperdition et avoir une population composée essentiellement d’agricul-
teurs sédentaires. Cette zone devait comprendre de 30 à 50 écoles. Le
document présenté décrivait également un certain nombre de mesures
préparatoires et des méthodes expérimentales possibles. Ce projet mérite
inconstablement d’être mis à l’essai, car il peut montrer la voie à suivre
pour assurer une meilleure adaptation de l’enseignement à la communauté.
L‘école inculque depuis longtemps l’hygiène aux enfants et, dans les
pays où sévissentles affections endémiques,elle leur apprend les méthodes
de prophylaxie et leur fait étudier l’histoire naturelle des organismes res-
ponsables des maladies.En distribuant des repas dans les écoles,on s’est
efforcé de lutter contre la sous-alimentationet la malnutrition. En dépit
de toutes ces mesures il ne semble pas que l’enseignement ait réussi à
modifier directement les habitudes de vie en dehors de l’école.Même les
étudiants qui ont suivi des études de biologie à l’universitéreprennent les
habitudes familiales traditionnelles lorsqu’ils se retrouvent dans leur
village. O n ne se rend pas suffisamment compte que la connaissance
objective des causes du mauvais état de santé et de maladie ne suffit pas à
rendre les individus conscients des risques qu’ils courent eux-mêmes.Les
listes d’interdictions sont encore moins efficaces pour inculquer des habi-
tudes d’hygiène.I1 serait indispensable que les écoles offrent la possibilité
de simuler les conditions d’un mode de vie hygiénique. Il conviendrait
d’instituer,en particulier dans les établissements d’enseignement secon-
daire,des foyers modèles où filles et garçons s’initieraient ensemble aux
tâches quotidiennes telles que l’entretien d’une maison, la cuisine et les
soins aux tout jeunes enfants. Cette méthode aurait pour avantage non
seulementd’inculquer un certainnombre de connaissancespratiques,mais
aussi d’amenerles filles et les garçons à mieux se comprendreet à adopter
une attitude positive à l’égard de la répartition du travail au foyer. I1
importe que ces foyers modèles, dont l’installation n’est pas coûteuse,
soientconçus avec réalismeet qu’ils ne soientpas dotés de moyens dispro-
portionnés par rapport à ceux des famillesdont sont issus les enfants,car
ils risqueraient alors d’être considérés comme un état de choses idéal et
inaccessible.Les écoles peuvent également contribuer à la réalisation des
programmes de la médecine sociale et préventive,avec lesquels les plans
d’hygiène scolaire devraient être étroitement coordonnés.
Les rapports de causalitéque nous avons cru discerner entre bien des
facteurs étudiés dans le présent chapitre et la déperdition d’effectifs sco-
laires reposent sur un certain nombre d’hypothèses pour lesquelles nous
n’avonspu avancer comme preuves que des exemples particuliers.Avant
d’attribuercette déperdition à tel ou tel facteur ou telle combinaison de
facteurs,la rigueur scientifique voudrait que l’on détermine expérimen-
talement la corrélation supposée. Cependant,étant donné qu’il est indis-
pensable d’agir le plus rapidement possible,il faut renoncer à l’étapedu
diagnostic pour passer immédiatement à l’étude des mesures propres à
remédier aux situations qui,d’après les études communautaires,semblent
bien être à l’originedu malaise dans le domaine de l’enseignement.
Chapitre six
L’enquêtede 1969
et la Conférence de 1970
LE s T R A V A U x P R ÉP A R AT O IR ES
Les questionmires
Etablir une formuled’enquêtequi tienne compte aussi bien de la diversité
des systèmes d’éducation que des politiques sociales, économiques et
1. Unesco: BE. Elude statistique de la déperdition scolaire. Paris, 1971. (Etudes
et enquêtes d‘éducation comparée)
118 L a déperdition scolaire: un problème mondial
ment supérieur,même dans les pays les plus avancés en matière d’édu-
cation.
Les facteurs internes. I1 dépendent avant tout des lois scolaires ou même
plus simplement des administrations:leur mise en place,leurs modifica-
tions sont le plus souvent décidées sur des bases empiriques. Le moment
semble venu de prévoir des recherches qui démontreraient ou non le rôle
qu’ilsjouent dans les déperditions.I1 paraît indispensable de coordonner
ces recherches sur le plan international et de diffuser leurs résultats non
seulement parmi les enseignants mais aussi parmi les administrateurs et
les autorités responsables des décisions.
LA CONFERENCE
D u discours d’ouverture de Monsieur René Maheu, Directeur général de
l’Unesco,nous extrayons le passage suivant:
La cause principale des déperditions résiderait dans le fait que l’on tend à
considérer l’enfant fait pour l’école plutôt que l’école faite pour l’enfant;
l’école est conçue non comme un lieu où il est facile d’apprendre,mais où il
est facile d’enseigner,voire d’inspecter. La notion d’échec y est consub-
stancielle au système.
Dans une étude effectuée en mars 1970 dans les deux premières classes
d’une école primaire en France, dans une région mi-rurale, mi-urbaine,
on a cherché à déterminer les causes des redoublements, qui sont à la fois
L’enquête de I969 et la Conférence de I970 129
Causes psychologiques
Redoublementdû: YO
au fait qu’unélève au Q.I. trop bas n’apas été dirigé tout de
suite vers un enseignement spécial 31
au fait qu’un élève vient d’unefamille d’immigrants 18,8
à un manque de maturité 16,8
à 1’environnement familial 16
à la fatigue ou à divers autres motifs 14,6
Solutions proposées
Le rôle de l’école.Plus encore qu’ailleurs,l’école dans les pays sous-déve-
loppés doit donner une formation pratique et assurer la garantie de
l’emploi.Ii a été relevé que le but de l’éducation n’étaitpas seulement de
développer l’homme,mais aussi d’augmenter la main-d’œuvre.Les me-
sures suivantesont été proposées: éducation de masse avec,pour ceux qui
réussissent,la garantie de l’emploi;éducation technique généralisée;for-
mation à la vie pratique dans les écoles secondairesen liaison étroite avec
le village ; enseignement rural à fonction économique et sociale.
Le problème des régions rurales se pose de façon aiguë, et l’école
peut jou‘errrt-ir6Ieimportant en introduisant de nouvelles méthodes dans
les campagnes et en expliquant aux paysans traditionalistes l’avantage
d‘une modernisation et de l’éducation en général.Fort d’une grande ex-
périence dans ce domaine,un pays estime qu’ilne suffitpas d’entreprendre
des campagnes d’alphabétisationdans les zonesrurales;l’établissementde
((zones de culture)) doit suivre si l’on ne veut pas que les ex-analphabètes
oublient tout ce qu’ils ont appris.
Les déperditions. Pour revenir plus précisément au problème des déperdi-
tions,on a noté que,dans les pays en voie de développement,la lutte prin-
cipale se situe à l’école élémentaire et dans les régions rurales principale-
ment; la création d’un enseignement préscolaire généralisé pourrait
s’avérerprofitable.
L’enquête de 1969 et la Conférence de 1970 135
A cela il est objecté que l’on ne saurait créer cet enseignement tant
que toute la population d’âge scolaire ne fréquente pas l’école primaire.
O n a parlé de l’instauration d’un système de récupération pour ceux
qui redoublent plus de trois fois ou qui abandonnent l’école: quatre
heures par jour prises SUT leur horaire de travail en usine sont consacrées à
l’éducation, de sorte qu’ils ont la possibilité de continuer à étudier,tout en
occupant un poste dans la production.
L‘importance du maître est à nouveau mise en évidence. On recom-
mande notamment la création de centres spéciaux de formation et de recy-
clage.
LA RE C O M M ANDATI O N
Faire adopter une recommandation par une assemblée de plus de 200 délé-
gués relève plus de la diplomatie que de la pédagogie.E n effet,le problème
des déperditions revêt tant d’aspects différents d’un continent à un autre,
voire même d’un pays à son plus proche voisin, qu’il importe de trouver un
dénominateur commun sans pourtant renoncer à l’essentiel:l’amélioration
et l’efficacité des systèmes d’éducation. Ceux qui, pendant des mois, ont
dépouillé les réponses des Etats et préparé le document de travail ne
pouvaient, en juillet 1970, qu’être déçus par le texte adopté. Il manquait
de mordant, semblait placer toutes les causes sur le même plan et proposer
des remèdes peu originaux. L’Annexe 1 en contient le texte intégral.
136 La déperdition scolaire: un problème mondial
ou tel alinéa isolé puisse entraîner une amélioration effective. Les com-
mentaires qui suivent n’ont de signification qu’éclairéspar les réflexions
précédentes.
L‘importancedes premières années d’école est mise en évidence par
les articles 13(e), 17,18,19 et 20. A-t-onfait systématiquement l’inventaire
du nombre de sons,de signes et de mots qu’un enfant doit assimiler en
2 ou 3 ans pour savoir lire, écrire et maîtriser les notions de base de
l’arithmétique?2La difficulté de ces apprentissages est accrue par le fait
que souvent la langue d’enseignementn’est pas la langue maternelle.Dans
les pays où ces deux langues sont identiques,le vocabulaire de l’école
cependant diffère de celui des familles d’ouvriers ou de paysans, ce qui
donne à l’élève l’impressiond’apprendre une nouvelle langue. Que l’en-
seignement préscolaire représente un progrès est indubitable à condition
qu’il ne tente pas de commencer prématurément les apprentissages de
base, mais se contente de les préparer par des exercices sensori-moteurs
adéquats et le développement du langage oral. O n doit se demander si,
dans les pays où le manque de ressourcesne permet pas de mettre sur pied
ce type d’enseignement,il ne serait pas indispensable de réserver un temps
suffisant,au début de la scolarité,à cette préparation.
Les articles 3,6,7,9,13(g), 21,22,24,25 et 26 traitent de l’évolution
des méthodes et du contenu des programmes: inutile de résumer ici, le
contenu du chapitre 4,qui leur est consacré. Insistons néanmoins sur le
fait que, à l’intérieurdu système scolaire,tout se tient et qu’une action
efficace concerne rarement des éléments isolés.
O n peut s’étonner qu’un seul article (art.8) se rapporte au rôle des
enseignants:il est vrai que les considérants mentionnent la recommanda-
tion de 1966 sur la condition du personnel enseignant,mais celle-cine fait
aucune allusion aux déperditions, aux innovations nécessaires dans la
formation des maîtres en vue de les préparer à leur intervention dans la
lutte contre les redoublements.
Mentionnons encore les articles 10,11, 12,14 et 15,qui font appel
à une meilleure coopération des divers responsablesde l’école:éducateurs,
administrateurs,psychologues, médecins et assistantes sociales et à leurs
relations avec les parents,à l’importance de l’information réciproque des
uns et des autres.Tous ceux qui œuvrent dans un système d’éducation sont
solidairement responsables de son efficacité,vis-à-visdes familles et de
l’opinionpublique.
Conclusions
C’est à dessein que dans le chapitre précédent, nous n’avons pas analysé
la dernière partie de la recommandation adoptée par la Conférence. E n
effet, les neuf derniers articles (31 à 39) proposent diverses mesures qui
nous apparaissent comme autant de remarques finales à la présente étude.
régionales:la situation dans les villes diffèrede celle des zones rurales; il
est certain aussi que,dans une agglomération,il faut distinguer les quar-
tiers les uns des autres;certaines régions campagnardes sont plus défavo-
risées que d'autres. Pour être efficaces,les remèdesdoivent tenir compte de
ces différenceset on ne saurait trouver des solutions uniformément appli-
cables à l'ensembled'un pays.
Par ailleurs si, pour plusieurs délégués, la promotion automatique
apporte une solution définitive - ou presque - au problème,d'autres ont
émis de sérieux doutes à ce propos et posé des questions pertinentes:
a) si,dans le cadre de la scolarité obligatoire,les déperditionsont disparu,
que se passe-t-ilau cours des études ultérieures et, plus particulière-
ment, comment évolue le taux des abandons?
b) comment les adolescents libérés de l'écoles'intègrent-t-ilsdans la vie
économique du pays?
Alors que la seconde question se rapporte à l'efficacité externe du
système et exige des enquêtes sociologiques,la première,en revanche,vise
le fonctionnement de l'écoleelle-même: la promotion automatique con-
duit-elleà une autre attitudedes élèves et des parents face aux divers types
d'études postérieures à la scolarité obligatoire? En d'autres termes, le fait
de ne pas avoir été perturbé par des échecs donne-t-ilaux adolescents le
désir d'acquérir une formation aussi complète que possible?
I1reste enfin un domaine dont la Conférence s'est peu occupée: celui
de l'enseignement supérieur.Bien que la Conférence générale de l'Unesco
ait décidé d'inclure l'universitédans l'enquête,force est de constater que
les Etats membres n'ont pas voulu ou n'ont pas pu répondre de manière
satisfaisante,et le document de travail a révélé l'insuffisance des données
quantitatives sur les déperditions à ce niveau.Nous avons déjà signalé la
complexité du problème et mis en cause le questionnaire lui-même.
Le problème demeure entier et on ne saurait en sous-estimer la
gravité.L'université et les institutionsdu même niveau grèvent lourdement
les budgets :le coût unitaire des études supérieures peut,selon les facultés,
être dix fois plus élevé que celui de l'enseignement secondaire. A juste
titre, on se pose la question du rendement des investissements:même si un
étudiant qui abandonne l'université après quelques semestres se trouve,
face à la société,dans une situation totalement différente de l'élève qui a
quitté l'école primaire, il n'en demeure pas moins que les dépenses con-
sentiespar la communauté en Vue de sa formation sont gaspillées dans une
large mesure. Qu'une analyse systématique des déperditions dans l'en-
seignement supérieur soit devenue nécessaire paraît évident du point de
vue de ?Etat,mais on ne sauraitoublier que les autoritésuniversitaires sont
Conclusions 141
prenant une part active aux travaux en cours. Mentionnons enfìn qu’il
existe un domaine où des recherches qui échappent à l’analysecritique
faite plus haut, peuvent être organisées rapidement et sans grands frais:
celui de l’évaluationet des examens.Nombreuses sont les administrations
scolaires qui conservent dans des archives des compositions d’examens;
on pourrait constituer des échantillons significatifs et les faire évaluer par
une dizaine d’experts difîérents à deux reprises, à six mois d’intervalle
environ, on recueillerait ainsi des données statistiques précises qui per-
mettraient de faire comprendre,de façon irréfutable,la relativité de toute
évaluation et, en particulier,de celle des notes d’examens.A partir des
registres ou des fichiers de résultats de divers types d’écoles,il serait pos-
sible d’étudier la validité des règlements de promotion ou d’examen:de
telles recherches de nature statistique ne poseraient guère de problèmes
méthodologiques.En attendant des réformes fondamentales- indispen-
sables-, de tels travaux permettraient de modifier les règlements à partir
de données établies scientifiquement.
Revenons au texte de la recommandation:chercher les causes - ar-
ticle 33 - revient à essayer des remèdes.L‘apprentissage de la lecture par
exemple crée, semble-t-il,des perturbations qui se répercutentau coursdes
premières années d‘école.Pour vériñer cette assertion,on essaierad‘autres
méthodes dont on mesurera les effets:si l’on arrive à des conclusionsposi-
tives on aura ainsi trouvé une solution.Précisons à propos de cet exemple
qu’il ne s’agit pas d’une simple question de technique pédagogique: la
collaboration des psychologues,la connaissance de l’environnement de
l’enfantet de son vocabulaire joueront un rôle décisif dans la construction
des méthodes. Ce qui vient d’être écrit à propos d’un moment précis
de la carrière scolaire pourrait être répété pour toutes les autres étapes.
I1 est possible que les chercheurs,préoccupés par la pureté scientifique
de leur travail, hésitent à entreprendre des expériences qui mettront
en cause plusieurs variables:mais on doit se demander si la situation du
laboratoire est transposabledans la classe et si, en fait,il n’estpas impos-
sible d’agir sur une ou deux variables isolées. En particulier, le maître
change d’une classe à l’autre et, avec lui,la qualité de la relation avec les
élèves;même sil’on parvenait à appliquerdes programmes et desméthodes
rigoureusement identiques - ce qui est déjà problématique - le fait que
maîtres et élèves soient différents modifie de façon essentielle les données
du problème.Nous sommespar conséquent convaincus qu’ilfautinventer
de nouveaux modes de recherche à l’intérieur même des classes,ce qui
exige la prise en considération de la variation de plusieurs facteurs qu’il
conviendra d’analyser aussi systématiquement que possible.
L‘article 34 traite à nouveau de la question des priorités (voir art.4).
144 L a déperdition scolaire :un problème mondial
c o o P ÉRAT Io N I N T E R NAT IO N A LE
LE R E C O U R S A L’ÉDUCATION P E R M A N E N T E
P REA M B U LE
La Conférence,
Considérant l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme
(194817
Considérant la Déclaration des droits de l'enfant (1959),
Considérant la Convention et les Recommandations concernant la lutte contre
la discrimination dans le domaine de l'enseignement adoptée par la Confé-
rence générale de l'Unesco à sa onzième session (1960),
Considérant la Recommandation concernant l'enseignement technique et pro-
fessionnel adoptée par la Conférence générale de l'Unesco à sa douzième
session (1962),
Considérant la Recommandation concernant la condition du personnel en-
seignant adoptée par la Conférence intergouvernementale spéciale sur la
condition du personnel enseignant (1966),
Considérant la Déclaration des principes de la coopération culturelle interna-
tionale adoptée par la Conférence générale de l'Unesco à sa quatorzième
session (1966),
Considérant les recommandations de la Conférence internationale sur la plani-
fication de l'éducation (1968),
Considérant que nous entrons dans la Deuxième Décennie du développement,
148 L a déperdition scolaire :un problème mondial
PRINCIP ES F O N D A M E NTAUX
1. L'étude des mesures à prendre pour réduire la déperdition des effectifs sco-
laires devrait s'inscrire dans le cadre des principes suivants:
(a) Tous les aspects du contexte économique et socialet des systèmes d'en-
seignement ont une incidence sur la déperdition scolaire;
(b) Les facteurs qui contribuent à la déperdition aux différents niveaux
de l'éducation sont nombreux et diffèrent souvent d'un pays à l'autre,
notamment selon le niveau de développement.O n peut les grouper sous
les catégories suivantes:
Annexe 1 149
le milieu
(i) le foyer et la collectivité :les contraintes des conditions géographi-
ques, sociales, économiques et culturelles (éloignement de l'école,
milieu défavorisé, différenciation linguistique,sous-développement,
mentalité du public, etc.);
(ii) le système scolaire (administration, organisation, programme
d'études, nombre et qualification des maîtres, relation entre la fa-
mille et l'école,bâtiments et matériel, etc.);
la personnalité de l'enfant (facteurs physiques, mentaux, intellectuels
et moraux, motivations, etc.).
(c) Les facteurs liés à la déperdition scolaire sont généralement conjugués
et il faut étudier à la fois leur interaction et leurs effets indépendants,
en s'appuyant notamment sur les enseignements de l'expérience re-
cueiliis dans un contexte donné.
2. Le renouvellement des systèmes d'éducation,auquel conduit l'évolution de
la civilisation,doit inciter à réétudier, en fonction des caractéristiques spé-
cifiques de chaque pays, l'aménagement et le renouvellement des pro-
grammes (en particulier dans les premiers stades de la vie scolaire), le rôle
des systèmes d'évaluation et les modalités d'orientation scolaire et profes-
sionnelle en vue de réduire les déperditions scolairescomme les échecs subis
à l'entrée dans la vie active.
(b) la création d'internats, notamment pour les enfants originaires des ré-
gions à faible densité de population;
(c) la création ou le développement de services sociaux ou l'adoption de
mesures d'aide à la famille ou à l'enfant (cantines,distribution gratuite
d'aliments ou de vêtements, ramassage scolaire ou allocations de trans-
port, foyers d'accueil pendant les heures de travail des parents, etc.);
(d) le développement des services de santé et de médecine scolaires;
b{e) le développement de l'éducation préscolaire, notamment dans les zones
rurales et dans les quartiers surpeuplés des grandes agglomérations;
(f) une plus large attribution,suivant des critères équitables, de bourses et
d'allocations diverses de scolarité et de bourses d'enseignement supé-
rieur visant à libérer les étudiants de certains travaux rémunérés peu
compatibles avec leurs études;
(g) des études surveillées facultatives après les heures de classe.
14. I1 serait souhaitable de prévoir une action systématique et permanente
d'information afin de faire prendre conscience aux parents de l'importance
de la fréquentation scolaire.
15. Il convient de prendre les mesures nécessaires pour instituer l'obligation
scolaire, en assurant les facilités qui permettront à tous les enfants de
s'inscrire à l'école et, en outre, en prévenant les abandons prévisibles et
volontaires, particulièrement quand ils résultent du travail des mineurs.
16. La création ou le développement de services de dépistage des enfants phy-
siquement ou mentalement déficients et d'établissements à leur intention
serait nécessaire.
d7.I1 importe d'améliorer l'apprentissage de la langue d'instruction en tant
que matière et instrument de connaissance.
d18. Il convient de prendre les mesures nécessaires pour éliminer les facteurs de
déperdition liés à l'utilisationcomme langue d'enseignement d'une langue
autre que la langue maternelle.
d19. I1 apparaît souhaitable d'accorder un intérêt particulier à l'enseignement de
disciplines de base qui sont parfois la cause de déperditions: la langue
maternelle et les mathématiques, par exemple.
I1 conviendrait de mettre au point les mesures propres à réduire les taux de
u'20. redoublement au cours des premières années de l'enseignement primaire,
années pendant lesquelles ils apparaissent particulièrement élevés.
152 L a déperdition scolaire :un problème mondial
ETUDES A POURSUIVRE
I. Etudes statistiques
3 1. I1conviendraitde normaliser et d’organisersystématiquementle rassemble-
ment des données à des fins nationales. A cet effet, pour le calcul des taux
d’abandon et de redoublement et (ou) pour estimer l’efficacitédes systèmes
d’éducation,on pourrait s’inspirer,en les améliorant,des méthodes utilisées
dans l’enquête de l’Unescosur la mesure statistique de la déperdition sco-
laire (1969) et tirer parti, éventuellement, des techniques modernes de
l’informatique.
32. I1conviendraitde procéder à de nouvelles études en utilisant la méthode des
études de cas au niveau national et en faisant appel à l’aide internationale.
Si possible, l’Unescodevrait prendre l’initiativede promouvoir ces études
dans lesquelles les bureaux et centres régionaux de l’éducationpourraient
jouer un rôle actif.I1 conviendrait de faire porter les études sur les points
suivants,en prenant en considération les travaux des diverses organisa-
tions régionales:
(a) amélioration de l’exactitude de rassemblement des données;
(b) vérification de la sûreté des indices de la déperdition et des déductions
que l’on en tire;
(c) mise au point de techniques d‘évaluation de la déperdition dans les
systèmes scolaires sans redoublements ni abandons;
(d) mise au point d’indicateurs de déperditions à des fins de simulation en
fonction d‘hypotheses alternatives;
(e) examen du caractère et de l’incidencede la déperdition dans l’enseigne-
ment supérieur.
COOPERAT I O N INTERNATIONALE
ASIE
EUROPE ORIENTALE
EUROPE OCCIDENTALE
AMÉRIQUE DU NORD
AMÉRIQUE LATINE