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Jean-Yves Eglem

Bernard Févry
 

La Finance
d’entreprise

 
 
La Finance d’entreprise pour les Nuls, 2e édition
«  Pour les Nuls  » est une marque déposée de John
Wiley & Sons, Inc.
«  For Dummies  » est une marque déposée de John
Wiley & Sons, Inc.
 

© Éditions First, un département d’Édi8, Paris, 2020. Publié


en accord avec John Wiley & Sons, Inc.
 

Éditions First, un département d’Édi8


92, avenue de France
75013 Paris – France
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01
Courriel : firstinfo@editionsfirst.fr
Site Internet : www.pourlesnuls.fr
 

ISBN : 9782412066201
Dépôt légal : novembre 2020
 

Dessins humoristiques : Marty


Suivi éditorial et relecture : Françoise Mathay
Mise en page : Amaury de Saint Chamas
 
Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement
réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou
diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de
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constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et
suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se
réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de
propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou
pénales.

Ce livre numérique a été converti initialement au format


EPUB par Isako www.isako.com à partir de l'édition papier
du même ouvrage.
À propos des auteurs
Diplômé ESCP, agrégé d’économie et gestion, et
docteur d’État ès-sciences économiques, Jean-Yves
Eglem a été professeur émérite à ESCP Europe.
Également diplômé CPA (ancienne appellation de
l’actuel Executive MBA-HEC) et diplômé
d’expertise comptable, il a enseigné dans de
nombreux autres établissements en France au cours
de sa carrière, en particulier à l’université de Paris-
1  Panthéon-Sorbonne, l’Institut d’administration
des entreprises de Paris, HEC, l’École nationale
d’administration, l’École nationale des douanes,
EDC Paris Business School. Il a enseigné également
de nombreuses fois à l’étranger  : Niger, Maroc,
Algérie, Liban, Suède, Fédération de Russie,
Vietnam… La plupart de ses publications
concernent la comptabilité financière et la finance
d’entreprise. Il a participé comme auteur ou
coauteur à une dizaine d’ouvrages.

Bernard Févry est expert-comptable et


commissaire aux comptes.
Après une carrière de responsable financier dans un
groupe pharmaceutique suisse, il dirige un cabinet
d’expertise comptable et d’audit en France et une
entreprise de conseil et de formation à la finance en
Suisse.

Il a enseigné la comptabilité et la finance de


nombreuses années à l’ESCP Europe et à HEC dans
les programmes grande école, masters, MBA et
EMBA. Il anime des séminaires intra-entreprises
sur la finance d’entreprise, la gestion budgétaire et
la création de valeur pour des groupes
internationaux en Europe et en Asie.

Il est le créateur et l’animateur du site de e-


learning www.mycampusfinance.com qui propose
aux managers non spécialisés en comptabilité et en
finance des formations individualisées, en anglais
ou en français, adaptées à leur emploi du temps
surchargé, afin d’approfondir leurs connaissances
dans ces domaines et d’améliorer leur
communication avec les financiers. Des formations
spécifiques sont aussi proposées aux étudiants en
MBA et CFA.

Il est l’auteur ou coauteur de plusieurs livres, e-


books et articles dont : « La finance islamique et son
interaction avec la finance conventionnelle, leur capacité
à répondre aux crises financières  », The  88  Essentials
You Must Know if You Are a Neophyte in Financial
Accounting and Corporate Finance, The 88 Essentials an
Entrepreneur Must Know to Run Successfully a Business,
The  88  Essentials a MBA Student Must Know in
Financial Accounting, The 88 Essentials You Must Know
to Read and Understand a Balance Sheet.

E-mail : bfevry@gmail.com
Avant-propos
C e livre s’adresse aux «  nouveaux entrants  » en
finance  : étudiants, actionnaires, créateurs
d’entreprises, ou, plus généralement, toute
personne concernée de près ou de loin par
l’économie.

Il s’adresse aussi aux managers qui ont abordé la


finance au cours de leurs études et qui, par leur
carrière, en ont été éloignés, mais qui souhaitent
améliorer le dialogue avec les financiers et les
comptables de leur entreprise.

Ce livre concerne enfin les managers qui se


retrouvent par promotion à devoir manier le sujet
et comprendre les enjeux financiers de leur
entreprise.

La finance d’entreprise est une technique qui


évolue. Le but n’est pas, dans un ouvrage
d’initiation ou de vulgarisation, de s’appesantir sur
les nouvelles tendances, mais de les souligner,
quitte à s’y attarder ultérieurement dans d’autres
livres.
Ces tendances ont déjà cours dans les très grandes
entreprises, mais pourquoi ne pas les prendre en
compte dans les entreprises de taille plus réduite ?

La finance n’est plus le


prolongement de la
comptabilité
La finance d’entreprise, notamment par le calcul
des ratios (cf. chapitre 9), a souvent été considérée
comme un prolongement de la comptabilité. Or,
cette analyse à partir des états comptables concerne
le passé d’une entreprise. Les ratios (et leur version
plus moderne  : les Key Performance Indicators)
doivent aussi servir à l’analyse du présent et à la
simulation du futur.

Voilà pourquoi, nous nous sommes limités, dans les


chapitres 1 à 3, à aborder la comptabilité comme un
langage, avec son vocabulaire et ses règles de
grammaire, qui offre la possibilité de bâtir les
concepts financiers.

Le chapitre  4  nous permet de passer d’une vision


comptable de l’information produite par
l’entreprise à une vision financière.
Ainsi, un emprunt bancaire, pour un comptable
c’est une dette qu’il faut rembourser, pour un
financier c’est aussi une ressource qui impactera la
performance financière, la trésorerie et la
solvabilité.

Passage d’une finance


patrimoniale à une finance
entrepreneuriale
La vision patrimoniale, c’est faire un maximum de
trésorerie et la garder par crainte des risques de
solvabilité et de liquidité. C’est aussi, par la
valorisation des actifs et des passifs, le biais pour
définir un prix actuel de l’entreprise (cf.
chapitre 15).

La vision entrepreneuriale, c’est faire un maximum


de trésorerie (on dit cash flow) et ne garder que le
minimum nécessaire afin d’investir le surplus et
créer de la valeur. Ce seront ces cash flow actualisés
qui définiront la valeur future de l’entreprise.

Vision élargie de la
performance financière
La performance financière n’est pas seulement
l’affaire des actionnaires et du conseil
d’administration.

Tout d’abord, la construction de la performance


financière se fait à chaque niveau de l’entreprise et
concerne les opérationnels comme les financiers et
les dirigeants.

Ensuite, la performance financière a des retombées


sur toutes les parties prenantes de l’entreprise : les
actionnaires bien sûr, mais aussi les salariés, les
fournisseurs, les clients (cf. chapitre 5).

Enfin, il ne faut pas oublier que la performance


financière est une bonne rentabilité des capitaux
employés, une allocation optimale des ressources
financières (cf. chapitre  6) et enfin la génération
d’une trésorerie suffisante et au bon moment (cf.
chapitre 7).

Introduction du risque
Gérer financièrement, c’est tenter de prévoir le
futur et donc gérer l’incertitude. Les théories sur la
finance de marché ont développé le concept de
risque défini comme l’incertitude sur la rentabilité
d’un actif financier. La finance d’entreprise a donc
introduit l’incertitude sur de nombreux paramètres
comme le chiffre d’affaires, le résultat d’une
entreprise et sur sa capacité à générer des flux de
trésorerie pour faire face à ses obligations
financières.

La COVID-19  nous rappelle la vérité écrite en


exergue du chapitre  19  : «  Le pire des risques est
celui dont vous ignorez l’existence. »

On retrouve donc le risque dans plusieurs chapitres


concernant les bilans financiers types, (chapitre 4),
la création de valeur (chapitre  6), les
investissements (chapitre  8) et le business plan
(chapitre 10).

Bonne lecture !

Bernard FÉVRY
Introduction
L e thème de ce livre, la finance d’entreprise, est
une expression formée de deux mots importants  :
entreprise et finance.

Entreprise d’abord. Qu’est-ce qu’une entreprise  ?


Si on reprend la définition du Petit Robert,
l’entreprise au sens général du terme est la mise à
exécution d’un dessein.

Dès la fin du XVIIe siècle, on considère l’entreprise


comme une opération de commerce, c’est-à-dire le
fait pour une personne appelée «  entrepreneur  »
de s’engager à fournir par son travail un ouvrage
donné dans des conditions déterminées.

L’entrepreneur, même s’il est seul (on parle alors


d’entreprise individuelle), s’appuie sur des salariés
qui l’aident dans son travail. Il fait appel à des
fournisseurs qui lui procurent les produits ou les
matières premières nécessaires à
l’accomplissement de son ouvrage destiné à
satisfaire ses clients. On dit alors que l’entreprise a
des parties prenantes qui sont le ou les
entrepreneurs, les salariés, les fournisseurs et les
clients.

Leurs ressources sont leur intelligence, leur


inventivité, leur savoir-faire bien sûr, mais il est
une autre ressource indispensable pour faire
fonctionner et développer l’entreprise  : l’argent,
c’est-à-dire la finance, qu’on peut qualifier de
ressource pécuniaire.

Cette ressource est apportée par l’entrepreneur lui-


même mais aussi par d’autres, comme les
investisseurs (associés ou actionnaires) ou les
prêteurs (banquiers ou organismes de crédit).

Si l’entrepreneur s’associe avec d’autres


investisseurs, l’entreprise prend alors le nom de
société.

Finance ensuite. La finance est généralement


définie comme un domaine d’activité, celui du
financement, qui consiste à fournir l’argent
nécessaire à la réalisation d’une opération
économique.

La finance correspond non seulement à une


ressource initiale nécessaire pour créer l’entreprise
mais aussi à une conséquence du bon travail ou de
la bonne gestion de l’entreprise qui vont générer de
nouvelles ressources.

Le baron Louis, ministre des Finances sous la


Restauration, disait déjà au roi Louis XVIII  :
« Faites-nous de bonne politique et je vous ferai de
bonnes finances. »

La finance se trouve donc aux deux pôles de


l’entreprise  : à son entrée comme une ressource
apportée mais aussi à sa sortie comme produit de la
gestion de l’entreprise, et qu’il convient de
réutiliser au mieux, en particulier pour
«  récompenser  » les apporteurs de capitaux sous
la forme de dividendes pour les investisseurs et
sous la forme d’intérêt pour les prêteurs (sans
oublier de les rembourser), mais également pour
autofinancer l’entreprise, c’est-à-dire financer
celle-ci par des ressources qu’elle a elle-même
générées.

L’entreprise et la finance, et donc la finance


d’entreprise, ont des origines historiques très
anciennes. Il convient de faire le point aujourd’hui
sur les différents aspects de la finance d’entreprise,
que l’on distingue généralement de la finance de
marché. C’est l’objet de ce livre.
Pourquoi ce livre ?
Toutes les personnes qui travaillent ou voudraient
travailler dans une entreprise, ou même qui
simplement s’intéressent aux entreprises, par goût
ou par nécessité professionnelle, doivent
comprendre au minimum les chiffres relatifs à
celles-ci et être capables de comprendre les bases
de la finance d’entreprise sans faire de faux-sens
sur les notions exprimées par les comptables et les
financiers de l’entreprise. Ce n’est a priori pas
évident.

Cet ouvrage devrait vous aider à enfin comprendre,


grâce à des termes les plus simples possible, les
principaux concepts financiers qui vous aideront à
leur tour à comprendre l’essentiel. Libre à vous
ensuite d’approfondir ce que vous souhaitez au-
delà de l’essentiel, avec plus de détails ou de
formules mathématiques !

Comment utiliser ce livre


Cela dépend des connaissances préalables que vous
possédez éventuellement, en particulier dans le
domaine de la comptabilité. Contrairement à ce que
certains pensent, on ne peut pas comprendre la
finance d’entreprise sans un minimum de
connaissances en comptabilité. Rassurez-vous, il
ne s’agit pas d’être expert-comptable ! Mais il faut
au moins savoir ce que représentent un bilan et un
compte de résultat et comment on les établit. C’est
ce que vous expliquent les premiers chapitres. Si
vous avez ces connaissances, vous pouvez
directement vous rendre au chapitre  4. Il sera
toujours temps de revenir en arrière en cas de
besoin. Sinon, commencez par le premier chapitre !
Ensuite les chapitres sont traités par thèmes et sont
relativement indépendants les uns des autres. Ils
peuvent donc être lus dans l’ordre qui vous
convient le mieux ou qui est le plus urgent pour
vous.

Comment ce livre est organisé


La Finance d’entreprise pour les Nuls est divisé en cinq
parties thématiques, avec un total de vingt et un
chapitres. Nous ne prétendons pas couvrir dans le
détail la totalité de la finance d’entreprise. Les
ouvrages spécialisés les plus réputés font plus
de 1 100 pages et s’appuient sur des connaissances
préalables. Ce n’est évidemment pas notre but.
Nous abordons les thèmes les plus essentiels à
travers chaque chapitre. Il sera toujours temps pour
ceux qui le souhaitent, une fois qu’ils en
posséderont les clés principales, d’approfondir
ensuite leur thème privilégié à travers un ouvrage
spécialisé.

Première partie : Comprendre


l’information financière
produite par l’entreprise
Cette première partie, composée de trois chapitres,
a pour but de donner les bases indispensables pour
comprendre ce que sont la finance d’entreprise
(chapitre  1), la comptabilité et la façon dont on
établit un bilan et un compte de résultat
(chapitre  2) pour enfin découvrir, dans le
chapitre  3, le référentiel comptable et la
présentation des comptes consolidés pour les
groupes.

Deuxième partie :
Comprendre les facteurs de la
performance financière de
l’entreprise
Cette partie, composée de six chapitres (4  à  9), va
vous permettre de comprendre les outils
permettant d’expliquer comment l’entreprise peut
augmenter sa performance financière et améliorer
sa génération de trésorerie.

Vous allez, dans le chapitre  4, passer de


l’information comptable produite par les états
annuels à la vision financière nécessaire pour
comprendre les indicateurs-clés de la performance
financière développés au chapitre 5.

Nous définissons le concept fondamental de


création de valeur, son calcul et ses implications au
chapitre 6.

Le chapitre 7 présente l’autre versant de la gestion


financière  : la génération d’une trésorerie
suffisante permettant de faire face aux besoins
induits par le développement futur de l’entreprise,
mais aussi à ceux consécutifs aux décisions
financières antérieures. Nous y examinons les
indicateurs-clés régissant la trésorerie.

L’aide à la décision d’investir fait aussi partie du


rôle du financier  : le chapitre  8 présente les
différentes méthodes permettant d’objectiver cette
décision.
Enfin, que montrent les états financiers à une
personne extérieure (actionnaire, banquier) à
l’entreprise  ? Quels sont les ratios qui permettent
d’analyser la liquidité, la solvabilité et le rendement
de l’action si elle cotée en Bourse ? C’est l’objet du
chapitre 9.

Troisième partie : Quelques


événements-clés dans la vie
financière de l’entreprise
Dans cette troisième partie, nous avons fait le choix
d’aborder l’aspect pratique de quelques problèmes
particuliers mais importants pour permettre au
lecteur d’acquérir un début d’expérience (cf.
chapitres  10  à  17). Il s’agit en fait des principales
étapes de la vie de l’entreprise, depuis sa création
jusqu’à son introduction en Bourse  ! D’où les
étapes suivantes  : comment créer et financer son
entreprise ? Une fois qu’elle est créée, quelles sont
les principales étapes de sa vie financière  :
performer, croître, rembourser les prêteurs,
rétribuer les associés  ? Quels moyens de
financement à moyen et long terme (capitaux
propres et emprunts) mettre en place ? Quand tout
marche bien, que faire du cash généré pour encore
créer de la valeur ? Finalement, combien vaut mon
entreprise  ? Comment prendre le contrôle d’une
autre ? Pourquoi ne pas s’introduire en Bourse ?

Quatrième partie : La vie


financière courante de
l’entreprise
Cette quatrième partie se concentre sur les
problèmes courants auxquels doit faire face le
responsable financier ou le trésorier (cf.
chapitres  18  et  19)  : comment se financer à court
terme ? par les banques ou d’autres moyens ? Quels
sont les enjeux qui peuvent se poser quand
l’entreprise se trouve face à des clients ou
fournisseurs étrangers qui ne sont pas
nécessairement dans la zone euro ?

Cinquième partie : La partie


des Dix
Pour conclure, ce grand classique incontournable
dans la collection des Nuls (cf. chapitres 20 et 21).

La partie des Dix est une collection de rappels, de


suggestions, d’observations et de mises en garde au
moment d’agir : des illustrations pour dix principes
financiers du point de vue d’un professionnel et dix
croyances à bannir en comptabilité et finance
d’entreprise.

Icônes utilisées dans ce livre


Si vous voyez cette icône, c’est que l’information
qui suit est essentielle : elle vous évitera de tomber
dans un piège ou une situation délicate.

Lorsqu’une information mérite d’être notée, cette


icône vous l’indique.

Cette icône indique des informations à graver


absolument dans votre mémoire. Si vous n’arrivez
pas à mémoriser toutes les informations que vous
lisez, retenez au moins celles-là.

Avec cette icône, vous repérerez en un coup d’œil


les notions les plus importantes et leur définition
pour partir sur de bonnes bases.

Si vous souhaitez aller plus loin, cette icône vous


indique les sections qui développent plus en détail
certaines idées et concepts.

Des exemples et cas pratiques jalonnent l’ensemble


de cet ouvrage afin de vous aider à comprendre
comment mettre en situation les notions
développées.

Par où commencer ?
Prenez d’abord quelques minutes pour feuilleter
l’ouvrage et constater qu’il y a des thèmes qui vous
intéressent prodigieusement. Allez plus en détail
consulter le sommaire pour confirmer votre intérêt
pour certains chapitres plus que d’autres,
éventuellement ceux pour lesquels vous avez déjà
une certaine connaissance.

Et si votre intérêt pour la finance d’entreprise reste


très fort mais que vous n’avez pas de connaissances
comptables commencez dans l’ordre par les
premiers chapitres. Bienvenue dans le club, bon
courage et bonne chance !
Partie 1
Comprendre l’information
financière produite par
l’entreprise
Dans cette partie…

Nous supposons que si vous commencez par le


chapitre 1, c’est que vous souhaitez avoir ou
vérifier des connaissances sur les bases de
l’information comptable et financière produite par
l’entreprise. Il était donc important, dès le départ,
de préciser ce que recouvre le concept de finance
d’entreprise. C’est ce que nous vous proposons
dans un bref chapitre 1, qui vous confirme que
cette notion ne date pas d’hier !

Dans le chapitre 2, sans devenir expert-comptable,


vous découvrirez tout ce que la comptabilité
financière apporte comme information, la façon
dont elle est organisée et sa fiabilité. Vous
connaîtrez, à la fin du chapitre, comment sont
établis les comptes annuels, comprenant le bilan,
le compte de résultat et l’annexe (qui n’est pas du
tout accessoire !).

Cela vous permet ensuite de découvrir, dans le


chapitre 3, le référentiel comptable et la
présentation des comptes consolidés pour les
groupes.
DANS CE CHAPITRE
C’est quoi la finance en général ?

C’est quoi la finance d’entreprise ?

Les trois piliers de la finance d'entreprise.

Chapitre 1
C’est quoi, la finance
d’entreprise ?
A lors, commençons par le commencement. C’est
quoi, la finance en général  ? Ensuite, nous nous
focaliserons sur la finance d’entreprise.

C’est quoi, la finance en


général ?
D’après certaines définitions, la finance recouvre
un domaine d’activité, celui du financement, qui
consiste à fournir l’argent nécessaire à la
réalisation d’une opération économique. Ce
domaine concerne aussi bien les individus, les
ménages, que les entreprises publiques ou privées,
ou encore les États…

Le mot « finance » peut également désigner :

• soit les techniques qui permettent, de façon


raisonnée, d’obtenir et placer des capitaux ;

• soit les agents économiques ou les institutions


qui recherchent des capitaux disponibles ou
souhaitent en placer. En termes simples, c’est
acheter ou vendre de l’argent !

Allons plus loin pour essayer de mieux circonscrire


cette notion de finance.

L’origine du mot finance vient du nom latin finis


qui signifiait «  le terme, le but, la frontière, la
fin  ». Il a donné ensuite en ancien français,
dès  1080, le verbe finer qui voulait dire «  mener à
fin un paiement », payer. Pour le Larousse, ce mot
correspond à l’ensemble des professions qui ont
pour objet l’argent et ses modes de représentation,
notamment les valeurs mobilières. C’est «  le
monde de la finance  ». C’est également la science
de la gestion des patrimoines individuels, des
patrimoines d’entreprises ou des deniers publics.
On trouve ce mot «  finance  », au sens de
« ressources pécuniaires », dès 1283 dans l’œuvre
de l’écrivain Beaumanoir, qui décrit les principes
fondamentaux du droit privé de son temps.

De nos jours, les manuels mentionnent


généralement dans leur titre soit simplement
« finance » soit « finance d’entreprise ». Comme
on l’a vu, «  finance  » est un terme très général,
recouvrant de nombreuses significations et incluant
la finance de marché, le rôle du temps, les
méthodes d’évaluation de toutes catégories d’actifs
et la gestion des risques pour toutes les parties
prenantes, le tout s’appuyant sur des modèles
faisant appel à de nombreuses théories
économiques et financières privilégiant largement
les mathématiques et les statistiques.

C’est quoi la finance


d’entreprise ?
La finance d’entreprise est en quelque sorte une
sous-partie de la finance, abordant les problèmes
du point de vue particulier de cet acteur qu’est
l’entreprise, depuis la TPE (très petite entreprise)
ou encore micro-entreprise, jusqu’aux grandes
entreprises (GE), multinationales ou non, en
passant par des situations intermédiaires comme
les PME (petite et moyenne entreprise) ou les ETI
(entreprise de taille intermédiaire).

Figure 1-1 Les différents types d’entreprise

Pour comprendre la finance d’entreprise, vous ne


pouvez échapper à la nécessité d’apprendre ou
revoir un minimum de technique comptable. C’est
en effet la comptabilité et l’information financière
qu’elle produit qui permet, non seulement aux
responsables financiers mais également à tous les
partenaires de l’entreprise, de prendre toutes
décisions qui les concernent. N’oublions pas qu’être
comptable, cela veut dire être responsable (to be
accountable en anglais). Les comptes de l’entreprise
doivent inspirer confiance à ses différents
partenaires. Les banquiers, les créanciers qui font
crédit sont par définition des gens qui, pour prêter,
ont eu confiance dans l’entreprise. Pour mériter
cette confiance, l’entreprise doit communiquer une
information comptable et financière qualifiée de
régulière, sincère et donnant de sa situation et de
ses résultats une image fidèle !

Comment la finance
intervient-elle dans la gestion
de l’entreprise ?
En général, on distingue quatre processus
différents d’intervention de la finance en
entreprise : deux au niveau de l’apport en capitaux
et deux au niveau de l’apport de services facilitant
la gestion de l’entreprise.

L’apport de capitaux
L’apport de capitaux est l’action de mettre à la
disposition de l’entreprise de l’argent, des
capitaux, pour une durée indéterminée en échange
d’un droit de propriété sur l’entreprise et d’un droit
sur le partage des bénéfices de l’entreprise.
Ainsi, un investisseur, qui peut être l’entrepreneur
lui-même, met à la disposition de l’entreprise une
certaine somme d’argent appelée «  capital  » ou
«  capital social  » en échange d’un droit de
propriété sur l’entreprise, qui se traduit par des
«  parts sociales  » ou des «  actions  », et d’une
rémunération que l’on appelle «  dividendes  »,
correspondant à une fraction des bénéfices générés
par l’entreprise.

Dans ce cas, l’investisseur est considéré comme un


associé ou un actionnaire (ce dernier terme
s’applique plus spécifiquement aux associés d’une
certaine forme de société  : la société anonyme  –
 SA).

Le prêt de capitaux
Le prêt de capitaux est la mise à la disposition de
l’entreprise de capitaux pour une durée limitée, en
échange de quoi le prêteur reçoit à titre de
rémunération un pourcentage annuel, en général
fixe, du montant prêté appelé « intérêt ».

Puisque la durée est limitée, il faut prévoir des


modalités de remboursement en plusieurs fois
pendant la durée du prêt ou en totalité à la fin.
Le prêt constitue l’activité la plus courante des
banquiers mais l’entreprise peut aussi recourir au
prêt de personnes privées. Les grandes entreprises
peuvent ainsi faire appel à ce type d’emprunt par
l’intermédiaire d’un contrat financier appelé
« emprunt obligataire ».

L’aide à l’entreprise qui se


développe à l’étranger
Il s’agit de transférer l’argent de l’entreprise pour
payer des fournisseurs étrangers ou rapatrier
l’argent en provenance de clients étrangers.

Cela se fait dans des conditions de garantie et de


sécurité optimales avec éventuellement la
conversion dans la devise de l’entreprise des
devises étrangères impliquées. On parle alors
d’opérations de change et de transfert et ce sont les
banques qui se chargent en général de ces
transactions, moyennant commissions.

L’assurance
En effet, l’entrepreneur prend un risque dans la
conduite et dans le développement de son
entreprise, de ses affaires  : c’est le risque
d’entreprise qu’il assume pleinement et pour lequel
il espère une rémunération, un bénéfice à hauteur
du risque qu’il prend. Mais il existe d’autres aléas
pour lesquels il souhaite se «  couvrir  ». C’est le
rôle de l’assurance.

Ainsi, pour les risques classiques (maladie ou décès


de l’entrepreneur ou de ses salariés, incendie ou
inondation de l’entreprise), on peut, moyennant le
paiement régulier d’une somme d’argent appelée
«  prime d’assurance  », recevoir plus tard une
certaine somme d’argent pour faire face à la
survenance incertaine d’un événement grave.

D’autres aléas interviennent dans la gestion de


l’entreprise, comme les variations erratiques des
cours de change ou les spéculations sur le cours des
matières premières. Dans ces cas, l’entrepreneur
peut, avec l’aide du banquier, mettre en place une
«  couverture du risque  » (hedging en anglais),
notamment par le moyen de produits financiers
spécifiques appelés « produits dérivés ».

Tous ces processus ou systèmes financiers ne


datent pas d’aujourd’hui.

Le prêt de capitaux avec intérêt est un système


financier classique, initialement condamné (concile
de Nicée en  325), puis toléré par le droit canon
catholique à condition que le taux d’intérêt ne soit
pas usuraire, c’est-à-dire pas trop élevé.

Il reste en revanche interdit par la loi islamique


(charia) pour les musulmans, ce qui constitue une
des particularités de la « finance islamique ». Mais
comme il faut bien rémunérer l’apporteur de
capitaux, celui-ci touche une fraction des bénéfices
de l’opération financée.

Pour en savoir plus


Rentrons un peu plus dans le détail de la finance
d’entreprise (corporate finance en anglais). On
distingue souvent la finance d’entreprise de la
finance de marché. D’ailleurs, dans les universités
et grandes écoles, ces deux types d’enseignements
ne sont, de façon générale, pas assurés par les
mêmes personnes. Les profils sont différents. La
finance de marché fait appel à des profils
d’économistes, ingénieurs et mathématiciens. La
finance d’entreprise, sans exclure les
mathématiques, demande également des
compétences dans toutes les matières comptables.

Pour faire simple, on pourrait dire que la finance


d’entreprise repose sur trois piliers :
• Le bon équilibre financier : il faut que les
ressources durablement mises à disposition de
l’entreprise, que ce soit sous forme d’apports
des propriétaires (actionnaires ou associés),
qu’on appelle les capitaux propres, ou
d’emprunts à moyen ou long terme, en
particulier octroyés par des établissements
financiers, soient suffisantes pour financer les
investissements nécessaires à l’activité. C’est
le bilan financier qui permet de vérifier cet
équilibre nécessaire.

• Le suivi de la rentabilité : il faut s’assurer


régulièrement que l’entreprise a une activité
rentable, c’est-à-dire que les prix de vente des
produits ou des services proposés couvrent
tous les coûts et dégagent des bénéfices, que
les produits correspondent bien aux besoins
des clients afin de s’assurer de leur fidélité,
que la croissance souhaitée n’entraîne pas des
déséquilibres financiers. La synthèse de tout
cela se voit dans le compte de résultat.

• Le suivi de la trésorerie : il faut s’assurer que


l’entreprise détient à tout moment la trésorerie
(le cash en anglais) pour faire face à tous ses
engagements, et ce n’est pas le plus simple.
Avoir de bons produits et un chiffre d’affaires
en croissance peut mener à un dépôt de bilan
si la trésorerie n’est pas maîtrisée ! C’est
pourquoi le tableau des flux de trésorerie en
apprend beaucoup sur l’évolution de
l’entreprise et les risques qu’elle court.

Finalement, on peut résumer ici quelles sont les


qualités d’un bon directeur financier :

• D’abord, s’assurer que tout est sous contrôle :


cela signifie maîtriser la comptabilité et la
réglementation, s’assurer de la rentabilité, des
équilibres financiers et de la liquidité.

• Être capable de donner à tous les responsables


l’information dont ils ont besoin, au moment
où ils en ont besoin et sous une forme
compréhensible par eux.

• Donner au dirigeant (président ou directeur


général) les conséquences, en particulier
chiffrées, de toute décision prise ou projet qu’il
est amené à valider et l’aider à trouver les
meilleures solutions (en particulier de
financement).

Et maintenant, quel est le programme ?


Les premiers chapitres de ce livre devraient vous
aider à maîtriser d’abord les principaux documents
financiers, avant de vous pencher sur différentes
questions qui se posent à la finance d’entreprise.
Nous vous en indiquons ici les principales :

• décrypter les facteurs de la performance


financière de l’entreprise ;

• comprendre quelques évènements-clés dans


la vie financière de l’entreprise (création,
croissance, valorisation, investissement,
rachat, prise de contrôle, etc.) ;

• gérer la vie financière courante.


Retenez l’essentiel

• Le mot finance vient du latin finis, qui veut


dire « le terme, le but ».

• En ancien français, finer veut dire « mener à


bien, payer ».

• La finance d’entreprise demande des


compétences dans les domaines
comptables.

• La finance d’entreprise repose sur trois


piliers :

-  le bon équilibre financier ;

-  le suivi de la rentabilité ;

-  le suivi de la trésorerie.
DANS CE CHAPITRE
À quoi sert la comptabilité ?

Le bilan

Pourquoi un compte de résultat ?

Le secret de la partie double

Les mystérieux comptes en T

Impact sur le résultat des opérations d’inventaire

Affectation du résultat annuel

Le tableau des flux de trésorerie

Pour en savoir plus sur l’annexe


Chapitre 2
Les principaux éléments
comptables
Le chef d’entreprise
demande à son comptable :

« Combien cela
fait 1 + 1 ? »

Celui-ci répond :

« Combien voulez-vous
que cela fasse ? »

P our comprendre la finance d’entreprise, il est


essentiel d’avoir des notions claires sur les
principaux aspects de la comptabilité financière de
l’entreprise. Ce chapitre a vocation à décomplexer
les nombreuses personnes qui, considérant la
comptabilité difficile à comprendre, la trouvent
ennuyeuse, voire inutile. Certains responsables,
voire des ministres, nouvellement promus,
déconsidèrent parfois leurs prédécesseurs en
affirmant que ceux-ci n’ont eu qu’une politique
comptable. N’a-t-on pas, après la crise financière
de 2008, rendu les normes comptables européennes
s’appliquant aux banques en grande partie
responsables de la débâcle de celles-ci  ? Bref, la
comptabilité a bon dos et il est temps de la
disculper !

À quoi sert la comptabilité ?


D’après le Larousse, la comptabilité est
l’« instrument fondamental de la connaissance des
phénomènes économiques par l’établissement et la
tenue des comptes, l’enregistrement et le
classement des mouvements de valeurs impliqués
par une activité économique  », mais également
l’«  ensemble des comptes de quelqu’un, d’un
établissement, d’une entreprise, d’une association,
d’une collectivité publique  ». Voyons maintenant
en quoi elle nous intéresse.

Les fonctions de la
comptabilité dans l’entreprise
La comptabilité de l’entreprise a plusieurs
fonctions essentielles :
• Grâce aux informations qu’elle apporte, en
particulier financières, elle éclaire les
dirigeants pour une bonne gestion.

• Elle permet de donner aux bailleurs de fonds


(actionnaires, banques…) et également à
d’autres parties prenantes (clients,
fournisseurs, salariés…) des informations sur
la capacité de l’entreprise à honorer ses dettes,
les risques encourus, voire sa pérennité.

• Elle permet de satisfaire toutes ses obligations


à l’égard de l’État et des différents organismes
sociaux (calcul des différents impôts,
cotisations sociales, etc.).

La comptabilité doit donc être en mesure de fournir


des informations avec le maximum de fiabilité, de
façon à ce que toutes les personnes intéressées
puissent avoir confiance dans les résultats obtenus.
En France, la comptabilité est extrêmement
normalisée et fait l’objet d’une réglementation
précise. Les entreprises appliquent ce qu’on appelle
le Plan comptable général (le PCG pour les initiés).

Trois états financiers appelés « comptes annuels »


forment un tout indissociable :
• Le bilan présente l’ensemble de la situation
financière de l’entreprise à la date de clôture
annuelle des comptes.

• Le compte de résultat explicite la formation


du résultat annuel (bénéfice ou perte)
mentionné dans le bilan.

• L’annexe renseigne sur le contenu et les


modes d’évaluation de certains éléments du
bilan et du compte de résultat et donne des
informations complétant ceux-ci.

D’autres états sont aussi fournis par les grandes


entreprises, comme le tableau des flux financiers et
le tableau de variation des capitaux propres.

Le bilan
Faire un bilan, c’est dresser l’état d’une situation
donnée à une date déterminée (dite «  date de
clôture des comptes  »). Plus précisément, le bilan
d’une entreprise renseigne sur l’état de son
patrimoine et de sa situation financière à cette date.

Patrimoine, capital et bilan


Le patrimoine
Le patrimoine d’une personne physique ou d’une
entreprise (personne morale) est constitué de tout
ce qu’elle possède, dont elle est propriétaire, moins
tout ce qu’elle doit.

Un particulier détient son appartement


(valeur  400  000  €), des meubles et objets divers
(50  000  €), un livret A de Caisse d’épargne
(4  000  €) et son compte en banque (3  000  €). Il a
également prêté 1 000 € à un ami. Par ailleurs, il a
encore un emprunt sur son appartement dont le
montant restant à rembourser se monte
à 230 000 €.

Ce qu’il détient, biens et droits, constitue l’actif de


son patrimoine, soit :

400 000 + 50 000 + 4 000 + 3 000 + 1 000 = 458 00
0 €

Ce qu’il doit, ses dettes, vient en diminution de son


actif soit 230 000 €.

La valeur nette du patrimoine à la date où cet


inventaire a été réalisé peut s’exprimer ainsi :

Actifs - Dettes = 458 000 - 230 000 = 228 000 € =
Valeur nette du patrimoine
Le capital
Au moment de la création de l’entreprise, le capital
correspond au montant d’apport personnel
d’argent réalisé par les fondateurs, associés ou
actionnaires. Au cours de la vie de l’entreprise, ils
pourront faire de nouveaux apports, correspondant
à des augmentations de capital.

Deux amis, Arthur et Bernard, veulent créer une


société AB à laquelle ils ont décidé d’apporter une
somme de  60  000  €, soit  40  000  € apportés par
Arthur et 20 000 € apportés par Bernard. Il y a donc
un transfert de liquidités de leur patrimoine
personnel vers le patrimoine de la société qu’ils
créent, distinct de leurs patrimoines respectifs. Cet
argent ne leur appartient plus, il appartient
juridiquement à la société.
Figure 2-1 La constitution du capital

Le bilan
Le bilan est un tableau représentant la situation de
l’entreprise à un instant donné. Il constitue donc
une véritable photographie de sa situation
patrimoniale et financière. Cette photographie est
datée. La date la plus courante, choisie par les
associés, est le 31 décembre.

Le jour de sa constitution (1er juin de l’année N), le


bilan de la société AB est constitué de deux parties :

• L’actif est constitué des liquidités apportées


d’un montant de 60 000 €.

• Le passif ne contient pas de dette car l’argent


apporté par les fondateurs ne leur est pas
remboursable à une échéance déterminée. Il
correspond à leurs parts sociales, qui sont
simplement leurs titres de propriété.

La valeur nette du patrimoine est donc égale


à 60 000 - 0 = 60 000. Cette valeur correspond à ce
qu’on appelle en comptabilité les capitaux propres
de l’entreprise. On a donc l’égalité : Actif - Dettes =
Capitaux propres.

Comme l’entreprise AB vient d’être créée, ses


capitaux propres sont égaux au capital.

Figure 2-2 Bilan initial

Le capital apporté par les associés = Capitaux


propres initiaux

Actif - Dettes = 60 000 - 0 = 60 000

Le résultat d’après le bilan


(enrichissement ou
appauvrissement)
L’entreprise AB, sept mois après sa constitution,
établit son bilan au 31 décembre N.

Figure 2-3 Présentation du bilan et constatation du résultat

On constate que Actif  -  Dettes est égal


à 135 000 - 65 000 = 70 000 €.

Les capitaux propres sont donc passés, en un an,


de 60  000 € à  70  000  €, soit un accroissement net
de  10  000  €. La société s’est donc enrichie
de  10  000  €. Cet enrichissement constitue le
bénéfice net de l’année N. C’est le résultat de
l’exercice N. Si cette variation des capitaux propres
avait été négative, l’entreprise aurait eu un
patrimoine net dont la valeur aurait diminué. Elle
se serait donc appauvrie, ce qui aurait constitué la
perte de l’exercice.
On appelle « exercice comptable » la période d’un
an qui s’écoule entre deux bilans annuels
successifs. (Par exception, le premier exercice
comptable qui se définit entre le bilan initial et
le 31 décembre est différent de 12 mois si la date de
constitution de l’entreprise n’est pas au  1er janvier
comme dans notre exemple.)

On a donc cette égalité remarquable :

Variation des capitaux propres au cours de = Résultat de


l’exercice l’exercice

(Toutes choses égales par ailleurs)   (Bénéfice ou perte)

On précise «  toutes choses égales par ailleurs  »


car, comme on le verra plus loin, certaines
opérations, qui n’ont rien à voir avec le résultat de
l’année, peuvent faire varier les capitaux propres.

Par ailleurs comme on a pu le constater, le bilan est


toujours équilibré par construction, tel que Actif =
Passif, ou encore Actif = Capitaux propres + Dettes.
L’expression journalistique «  Cette année, cette
entreprise n’a pas réussi à équilibrer son bilan  »
pour exprimer que l’entreprise est déficitaire est
une grossière erreur car un bilan est techniquement
toujours équilibré !
On retiendra donc cette égalité fondamentale qui
permet de comprendre sans difficulté tous les
développements qui vont suivre. En toutes
circonstances, elle sera toujours respectée.

Ce que les comptables français appellent le passif


(et qui est égal à l’actif) est donc la somme des
capitaux propres et des dettes. Cela donne au mot
«  passif  » une définition comptable différente du
sens le plus courant.
Figure 2-4 Comptes annuels (simplifiés) de la société Lebontruc1

Le coin du linguiste : le passif

Comment ne pas y perdre son latin  ! L’origine du mot


« passif » est le verbe latin patior qui signifie « je supporte »
et qui a donné en français deux groupes de signification :

• «  patient  » qui veut dire en médecine celui qui


supporte, qui se laisse faire et n’a rien à dire ( !)

• « passif », voulant dire : qui subit l’action.

Au passif, l’entreprise supporte en quelque sorte le poids des


dettes  ! Mais en France, le passif en comptabilité contient
également les capitaux propres, ce qui est bizarre car
l’entreprise ne supporte pas vraiment le poids de ses
capitaux propres  ! D’ailleurs, en Grande-Bretagne, la
traduction du passif du bilan est théoriquement equities,
mais en pratique ce mot n’est guère utilisé comme tel. Ce qui
correspond au passif en France s’exprime en Grande-
Bretagne et aux États-Unis par le contenu, soit shareholders’
equities and liabilities, ce qui signifie «  capitaux propres et
dettes ».
Pour en savoir plus sur le
bilan
Sur l’actif du bilan
On peut constater que l’actif de la société Lebontruc
est décomposé en deux grandes parties  : actif
immobilisé et actif circulant.

L’actif immobilisé
L’actif immobilisé est lui-même décomposé en
trois catégories :

• Les immobilisations incorporelles qui,


comme leur nom l’indique, n’ont pas
d’existence corporelle, on ne peut ni les voir,
ni les toucher (en anglais, on dit d’ailleurs
intangible assets, et en franglais, on trouve
souvent l’expression « actifs intangibles » !).
Les frais d’établissement sont les frais
dépensés pour créer l’entreprise (frais de
constitution, de publicité, etc.) et considérés
un peu comme un investissement
amortissable. Les frais de recherche et
développement peuvent aussi sous certaines
conditions être des actifs amortissables au lieu
d’être traités en charges dès la première année.
• Les immobilisations corporelles (qu’on peut
voir et toucher).

• Les immobilisations financières : ce sont en


particulier tous les titres financiers (actions,
obligations, etc.) que l’entreprise a l’intention
de garder plus d’un an (mais elle peut changer
d’avis). Ces titres s’opposent donc aux valeurs
mobilières de placement (VMP) plus bas dans
le bilan, considérées comme à court terme et
vendables à tout moment pour être
transformables en liquidités.

L’actif circulant
On constate que l’entreprise Lebontruc est
industrielle car elle n’a pas de stock de
marchandises au bilan et pas de vente de
marchandises dans le compte de résultat.

Les avances et acomptes versés sur commandes


sont des créances sur les fournisseurs tant que
ceux-ci n’ont pas livré ce qui leur a été commandé.

La ligne « Autres créances » comprend en général


une créance sur l’État correspondant à de la TVA
déductible, tandis qu’au passif, il y a de la TVA
collectée dans le poste «  Dettes fiscales et
sociales ».
C’est quoi, la TVA pour l’entreprise  ? Ouvrons une
parenthèse !

Comme vous le savez, la TVA est un impôt sur la


consommation, celui qui d’ailleurs rapporte le plus
à l’État, son taux le plus courant étant égal à 20 %
du prix hors taxes. Donc, à chaque fois que nous
achetons quelque chose, nous payons un impôt  !
Mais sauf exceptions (et il y en a), les entreprises
ne supportent pas cet impôt. En effet, l’État leur
rembourse la TVA qu’elles paient sur leurs achats
(d’où à l’actif TVA déductible) et récupère la TVA
qu’elles facturent à leurs clients (d’où TVA
collectée). Chaque mois, elles font le calcul de la
différence et payent celle-ci spontanément à l’État
(si la TVA collectée est supérieure à la déductible)
ou la reportent au mois suivant (si la TVA
déductible est supérieure à la collectée). La
conséquence de tout cela est que les stocks, les
charges et les produits sont comptabilisés hors taxe
(sauf cas particuliers).

Les «  charges constatées d’avance  », comme leur


nom l’indique, sont des charges qui avaient été
comptabilisées dans les charges à la réception de la
facture, mais n’étant pas entièrement consommées
à la clôture de l’exercice, la partie non consommée
est retirée des charges et mise à l’actif du bilan, un
peu comme les stocks. C’est en quelque sorte un
stock final de charges non consommées !

Sur le passif du bilan


On remarque en particulier dans les capitaux
propres qu’il y a une réserve légale d’un montant
de 2 000, soit 10 % du capital. Chaque année, il faut
lui affecter  5  % du bénéfice net, prioritairement à
toute autre affectation. Cette obligation s’arrête
quand elle atteint effectivement 10 % du capital.

Dans les bilans à la française, on ne distingue pas


dans les dettes financières la partie à court terme
(remboursable en moins d’un an) de la partie
supérieure à un an. C’est pour cela que cette
information apparaît hors bilan (pour Lebontruc,
c’est 2 300 de concours bancaires à court terme, en
remarque  1). Cette distinction est très importante
pour l’analyse financière, comme on le verra dans
les chapitres suivants.

Enfin la ligne «  Produits constatés d’avance  »,


comme on l’a vu pour les charges constatées
d’avance, correspond à des produits qui avaient été
comptabilisés au moment de la facturation aux
clients avant d’avoir réalisé la vente ou la
prestation et retirés des produits à la clôture de
l’exercice pour la partie non réalisée, ce qui
augmente le passif comme une sorte de dette à
l’égard des clients.

Les grands principes comptables


qui régissent le bilan
La comptabilité est souvent définie comme un
langage qui permet de décrire la situation
financière d’une entreprise.

Tout langage possède un vocabulaire (et grâce à ce


livre, de nombreux termes comptables et financiers
n’auront plus de secrets pour vous  !) et des règles
de grammaire (qui permettent d’écrire et de parler
correctement le langage comptable).

Ces règles de grammaire sont appelées «  les


grands principes comptables ».

Ils s’appliquent universellement et au-delà des


référentiels comptables obligatoires pour les
sociétés cotées en Bourse comme les US-GAAP
(Generally Accepted Accounting Principles aux États-
Unis) ou les IFRS (International Financial Reporting
Standards).
Nous vous proposons deux grands principes qui
régissent le bilan :

Principe du coût historique


Selon ce principe, les actifs doivent être enregistrés
à leur coût (leur valeur) d’acquisition ou de
production lors de leur entrée dans le patrimoine de
l’entreprise (d’où la tournure « coût historique »).

Cette valeur n’est pas ajustée au cours du temps.

La pertinence de ce principe s’explique par la


nécessité de continuité de la valorisation des bilans
d’un exercice à l’autre permettant une
comparabilité sur une longue période.

Ce principe n’est toutefois pas appliqué sur les


actifs financiers cotés (actions, obligations, etc.)
détenus par l’entreprise qui sont valorisés à leur
valeur de marché à la date du bilan.

Principe de prudence
Le principe de prudence (conservatism principle en
anglais) fait que toute perte de valeur possible,
même incertaine, sur un actif (immobilisé ou
circulant) doit être anticipée et enregistrée alors
qu’un gain ne peut être constaté que s’il est certain.
D’où la règle :

Perte potentielle ou réelle  : enregistrement


comptable obligatoire Gain  : enregistrement
comptable que s’il est certain

Ce principe permet de constater une perte


potentielle dès sa survenance et d’éviter de la
transférer sur des exercices comptables ultérieurs.

L’enregistrement fait l’objet de provisions qui


apparaissent dans le bilan dans la 2e colonne de
l’actif « Amortissements/Dépréciations » face aux
lignes stocks et créances clients de l’actif circulant.

Ces provisions ne sauraient être excessives afin de


ne pas compromettre l’image fidèle de la situation
financière de l’entreprise donnée par le bilan.

Le principe de prudence, par sa réaction


asymétrique face à un gain potentiel ou une perte
potentielle, fait dire, ironiquement, par certains
que les comptables sont des gens pessimistes
puisqu’ils enregistrent toujours les pertes
potentielles en oubliant les gains potentiels !

Mais, il y a aussi une autre conséquence au principe


de prudence :
Nous avons vu qu’un bilan s’équilibre par
l’équation :

Actif = Dettes + Capitaux propres

Soit :

Capitaux propres = Actif - Dettes = Patrimoine


net de l’entreprise

Le montant des capitaux propres indique donc la


valeur de l’entreprise. Cette valeur est appelée la
Valeur Nette Comptable (VNC). Les Anglais disent
book value (car elle est issue des livres comptables
accounting books).

La valeur nette comptable, du fait du principe de


prudence, donne donc une valeur plutôt
pessimiste – d’autres diront « trop prudente » –,
de l’entreprise.

C’est pourquoi, il existe d’autres méthodes de


valorisation d’une entreprise comme la « valeur de
marché  » (market value en anglais), définie
notamment à partir de la valeur de l’action en
Bourse si l’entreprise est cotée, ou la «  juste
valeur » (fair value en anglais).

Ces différentes méthodes de valorisation, qui


donnent des estimations différentes, doivent être
prises en compte dans toute décision importante de
la vie de l’entreprise et notamment lors de sa vente
à un acquéreur. Rendez-vous au chapitre 15  : «  Et
maintenant, combien vaut l’entreprise  ?  » pour
plus de détails.

Il existe d’autres principes comptables comme le


principe de continuité d’exploitation, le principe de
permanence des méthodes ou encore le principe
d’indépendance des exercices, etc. Je vous invite à
consulter l’excellent livre, La Comptabilité pour les
Nuls, dans lequel ils sont décrits.

Pourquoi un compte de
résultat ?
Si le bilan permet de constater que l’entreprise
s’est enrichie ou appauvrie, il est intéressant pour
les lecteurs d’un bilan de savoir comment on en est
arrivé là.

C’est le but de ce tableau qu’on appelle «  compte


de résultat  » et que certains appellent encore
«  compte d’exploitation  » (générale  !), même si
cette appellation est périmée depuis plus d’un
demi-siècle  ! Les Américains parlent d’income
statement alors que les Britanniques disent profit
and loss statement (ou encore P & L).

Le compte de résultat nous montre que le résultat


net de l’entreprise atteint au cours d’un exercice
comptable est aussi la différence entre les produits
et les charges de l’entreprise pendant l’exercice
comptable.

C’est quoi, les produits ?


L’activité de toute entreprise vise à satisfaire ses
clients. Le principal indicateur de son activité est
donc son chiffre d’affaires, c’est-à-dire les ventes
(ou les prestations de service) réalisées. Les ventes
sont matérialisées par les factures émises à
l’intention des clients.

Le chiffre d’affaires est la principale source de


revenus de l’entreprise (à la condition que les
clients paient les factures qui leur sont adressées !).
Mais l’entreprise peut avoir d’autres revenus
(produits de placements financiers, locations à des
tiers, gains exceptionnels, etc.).

La comptabilité appelle « produits » l’ensemble de


ces revenus (en anglais d’ailleurs, l’expression
«  produit  » se traduit par revenue). Les produits
accumulés au cours d’une période N ont pu générer
de la trésorerie au cours de cette période
(encaissements), ou ils en généreront au cours de la
période suivante (par exemple, encaissement
pendant l’exercice N + 1 des créances sur les clients
à qui on a vendu pendant l’exercice N). Les produits
au sens comptable ne sont donc en aucune façon
synonymes d’encaissements.

C’est quoi, les charges ?


Pour générer ses produits, l’entreprise a besoin
d’utiliser, c’est-à-dire de consommer, un certain
nombre de moyens. Elle utilise le travail de ses
salariés, elle consomme des fournitures, elle
consomme, en les utilisant, des moyens de
production (machines, véhicules, ordinateurs, etc.)
qui, en s’usant ou simplement en vieillissant,
perdent de la valeur.

La comptabilité qualifie de charges tout ce que


l’entreprise a consommé au cours d’une période
(l’année en général) pour les besoins de son activité
(les anglophones qualifient les charges de
expenses).
C’est quoi, le résultat ?
À la fin de l’exercice comptable, on procède à la
récapitulation des produits et des charges, pour
calculer le résultat de l’exercice. Si les produits ont
été supérieurs aux charges, cela signifie qu’on a
réalisé un bénéfice (bénéfice de l’exercice). Si les
produits ont été inférieurs aux charges, cela
signifie que l’on a réalisé une perte (perte de
l’exercice).

Au cours de l’exercice N + 1, la société AB a réalisé


un chiffre d’affaires hors TVA (c’est-à-dire des
ventes) s’élevant à 240 000 €. Cela signifie qu’elle a
émis des factures à l’intention de ses clients d’un
montant total de 240 000 €, ce qui ne veut pas dire
que les clients ont déjà tout payé ! Dans ce cas, il y
aura des créances sur les clients à l’actif à la fin de
l’année N + 1.

Rappelons que la TVA imputée sur le chiffre


d’affaires (TVA collectée) et payée par le client doit
être reversée à l’administration fiscale sous
déduction de la TVA déductible des factures
fournisseurs. Mais pour mener à bien ses activités,
elle a consommé (voir plus bas le principe de
rattachement) des matières premières, matières
consommables et diverses autres fournitures, que
ses propres fournisseurs lui ont facturées pour un
total de  175  000  € (hors TVA car il s’agit de TVA
déductible), et qui génèrent des dettes envers ces
mêmes fournisseurs au passif pour la partie non
encore réglée.

Elle a fait appel à des entreprises de services


(assurance, expertise comptable, entretien, travail
intérimaire, etc.) pour un montant de  14  000  €
(hors TVA).

Par ailleurs, elle a « consommé » le travail de ses


salariés dont le coût total (y compris les différentes
«  charges sociales  » pour maladie, retraite,
chômage, etc.) a été de 30 000 €.

La consommation des équipements (usure et


obsolescence) est estimée à  4  000  €. Cette
consommation, estimée forfaitairement en France
par deux méthodes autorisées fiscalement,
l’amortissement linéaire ou l’amortissement
dégressif, est donc une charge qui est qualifiée de
« dotation aux amortissements ».

L’emprunt qu’elle a dû contracter pour financer


partiellement ses investissements dans divers
équipements et matériels lui a coûté pour l’année N
+ 1 des intérêts dont le montant s’élève à 2 000 €.

Enfin, elle est supposée avoir à payer un impôt sur


son bénéfice égal à  33,33  % (montant forfaitaire
pour simplifier car en pratique, c’est plus
compliqué).

On peut récapituler :

Total des produits 240 000

Dont ventes 240 000  


Total des charges 225
000

Dont consommation de matières et 175 000  


fournitures

Dont consommation de services 14 000  


Dont charges de personnel 30 000  
Dont dotation aux amortissements 4 000  
2 000  
Dont charges financières (intérêts)

Résultat (produits - charges) Bénéfice avant impôt +15


= 000

Au cours de l’exercice N + 1, la société AB a réalisé


un bénéfice de  15  000  € (avant prélèvement de
l’impôt sur le bénéfice). On suppose que l’État
prélève un impôt sur le bénéfice de  33,33  %,
soit 5 000 € et qui apparaît dans les charges.

Le bénéfice net est donc égal


à 15 000 - 5 000 soit 10 000 €.

• Si l’on détermine le résultat, par soustractions


successives des charges aux produits, le
« compte de résultat » ainsi obtenu est dit
« en liste ». Le résultat (bénéfice ou perte) est
alors la dernière ligne du tableau.

• Si on totalise, pour des raisons pédagogiques,


les produits à droite et les charges à gauche, on
obtient un « compte » de résultat.

Figure 2-5 Compte de résultat de la société AB

Le «  compte  » de résultat est présenté équilibré


(comme le bilan) et se balance grâce au résultat. Le
bénéfice, bien qu’apparaissant dans la colonne des
charges, n’est évidemment pas une charge. C’est
l’excédent des produits sur les charges. Si,
inversement, les charges étaient supérieures aux
produits, le résultat (perte) apparaîtrait dans la
colonne des produits.

Ce compte de résultat, qualifié de compte en T (car


il présente  2  côtés comme la forme de la lettre T)
est surtout utilisé à des fins pédagogiques. Dans la
réalité, les entreprises présentent un compte de
résultat en colonne, par soustraction successive des
charges aux produits, le résultat net apparaissant
sur la dernière ligne.
Figure 2-6 Comptes annuels (simplifiés) de la société Lebontruc

Pour en savoir plus sur le


compte de résultat
On voit que les charges et produits sont classés en
trois niveaux successifs donnant trois résultats
différents  : le résultat d’exploitation, le résultat
financier et le résultat exceptionnel, avant d’arriver
au résultat net.

Du côté des produits d’exploitation


La production stockée qui est positive doit se
comprendre comme de la production « produite »
qui n’est pas encore vendue. C’est donc une
variation de stock dans les produits finis, soit  :
Stock final moins Stock initial.

Du côté des charges d’exploitation


Les charges d’exploitation sont des charges
« consommées ». La variation négative du stock de
matières premières doit se comprendre comme des
achats de matières premières qui ont dépassé
de  1490  les matières premières utilisées en
production, c’est donc une variation de stock dans
les matières premières, soit  : Stock initial moins
Stock final.

Les «  Impôts, taxes et versements assimilés  »


comprennent tous les impôts à l’exclusion de la
TVA, puisque celle-ci n’est pas une charge pour
l’entreprise, et de l’impôt sur les bénéfices qui fait
l’objet d’une ligne particulière. Pour l’année N, on
constate que la société a dégagé une perte
de  8  700  et ne supporte pas d’impôt sur les
bénéfices !

Du côté des charges et produits


financiers
Les dotations aux dépréciations, selon leur nature,
sont comptabilisées dans un des trois niveaux  :
exploitation, financier, ou exceptionnel. Les
dépréciations de titres financiers sont enregistrées
dans les charges financières et, en toute logique,
les reprises sur dépréciation et provisions sont dans
les produits financiers.

Les pertes de change sont dues aux encaissements


de créances ou paiements de dettes libellées en
monnaie étrangère dont le taux de change a évolué
de façon désavantageuse pour l’entreprise entre la
date d’enregistrement de la dette ou de la créance
et la date d’encaissement ou de décaissement.

Les produits nets ou charges nettes sur cession de


titres sont les différences entre le prix de revente
des titres et leur coût d’acquisition (à l’exception
des titres immobilisés).

Du côté des produits et charges


exceptionnels
On remarque que des actifs immobilisés, dont la
valeur comptable était  1  220  dans les charges
exceptionnelles, ont été vendus 2 200. La différence
augmente donc d’autant le résultat exceptionnel.

Les grands principes


comptables qui régissent le
compte de résultat
Comme pour le bilan, le compte de résultat est
soumis à de grands principes comptables universels
qui sous-tendent sa présentation.

Nous en citerons deux, le principe d’engagement


(realization principle en anglais) et le principe de
rattachement (matching principle en anglais).
Le principe d’engagement
Selon le principe d’engagement, la vente d’une
marchandise doit être enregistrée comme un
produit (au sens comptable du terme), dès que la
marchandise a été livrée. Juridiquement parlant,
dès que le transfert de propriété a été opéré.

Ce n’est donc pas la commande de la marchandise,


ni son paiement qui déclenchera un produit
comptable, donc un bénéfice éventuel, mais sa
livraison.

Dans la pratique, le comptable enregistre la vente


au vu des factures émises, cependant lors des
opérations d’inventaire (voir plus bas), il vérifiera
la stricte application du principe d’engagement.

On reprend alors les factures émises, et notamment


celles émises à une date proche de la date
d’inventaire, pour enregistrer les ventes livrées
sans avoir été facturées et annuler l’enregistrement
des ventes facturées qui n’auraient pas été livrées.

Ce principe d’engagement s’applique à tous les


produits (exploitation, financiers et exceptionnels)
du compte de résultat.
Ce principe de comptabilisation s’appelle la
comptabilité d’engagement (accrual accounting en
anglais) et diffère d’un autre type de
comptabilisation appelée la comptabilité de
trésorerie (cash accounting en anglais). Cette
dernière est cependant autorisée, dans certains
pays, pour les ventes au comptant et dans les très
petites entreprises.

La comptabilité d’engagement entraîne donc un


enregistrement en deux temps d’une vente : lors de
sa livraison, puis lors de son paiement.

Le principe de rattachement
Selon le principe de rattachement, les produits
comptables doivent être rattachés à l’exercice
comptable auquel ils se rapportent selon le principe
d’engagement, mais les charges doivent être aussi
enregistrées et rattachées à l’exercice
d’enregistrement des produits pour lesquels elles
ont été consommées.

Le résultat se détermine ainsi :

Résultat comptable = Produits livrés - Charges


consommées
Deux exemples illustrent le principe de
rattachement et ses conséquences sur le résultat :

Les achats consommés


Le comptable enregistre la facture d’achat lors de la
livraison de la marchandise correspondante par le
fournisseur. Il respecte le principe d’engagement
puisqu’il y a un transfert de propriété.

Cependant, en application du principe de


rattachement, cet achat ne devient une charge
consommée  –  donc déductible du résultat  –  que
lors de la revente à un client.

Si l’on analyse maintenant tous les achats au cours


de l’exercice comptable, on peut écrire :

Stock présent au début de l’exercice comptable +


Achats « comptabilisés » = Achats
« consommés » + Stock présent à la fin de
l’exercice comptable

Soit :

Achats «  consommés  » = Achats comptabilisés


+ Stock au début - Stock à la fin

Voilà pourquoi, pour respecter le principe de


rattachement, le compte de résultat de la société
Lebontruc comporte une ligne «  variation de
stock  » sous la ligne «  achats de matières
premières ».

En comptabilité anglo-saxonne, le comptable


n’enregistre pas l’achat de marchandise dans un
compte de charge «  achat  », pour ne pas
influencer le résultat, mais dans un compte de
«  stock marchandise  » avec pour contrepartie un
compte de « dette fournisseur ».

Ce n’est qu’au moment de la vente de la


marchandise que le comptable enregistre la sortie
du «  stock marchandise  » au bilan avec pour
contrepartie l’inscription au compte de résultat
dans le compte «  coût d’achat des marchandises
vendues » (cost of goods sold en anglais).

Le résultat se forme alors par différence entre la


vente de la marchandise au prix de vente et le coût
de la marchandise vendue au prix d’achat. Voilà
pourquoi l’income statement ou le profit and loss
statement ne comporte pas de ligne «  variation de
stock », toujours difficile à expliquer aux étudiants
français en comptabilité !

Les amortissements
Les biens comme les constructions, les installations
techniques, le matériel et le mobilier de bureau ont
une durée de vie supérieure à un an (donc
supérieure à la durée d’un exercice comptable
de  12  mois). Leur «  rôle  » dans l’entreprise
influencera plusieurs exercices comptables. En
application du principe de rattachement, l’impact
sur le résultat se fera donc sur plusieurs exercices
comptables.

C’est pourquoi, leur coût d’achat n’est pas


enregistré en charge au compte de résultat, mais au
bilan dans le « chapitre » : actif immobilisé.

Par contre, leur « usage » au cours du temps peut


se rattacher à chaque exercice comptable qui passe :
c’est cet « usage » qui apparaît en charge dans le
compte de résultat sous le vocable «  dotation aux
amortissements » (depreciation expense en anglais).

Décidément, les Anglais (et les Américains) ne font


jamais rien comme les Français  :
«  amortissement  » se dit depreciation en anglais,
alors que « dépréciation » se dit amortization !

Les Américains ont même une  3e forme


d’amortissement, appelée depletion, pour
l’amortissement des terrains exploités pour leur
sous-sol riche en ressources naturelles !

Cette charge n’est pas décaissée et payée au


fournisseur (le bien a été payé en totalité, du moins
on l’espère, lors de l’achat) et se calcule lors de
l’inventaire (voir plus bas). Voilà pourquoi on
l’appelle « dotation ».

«  L’usage  » du bien est aussi une «  usure  » du


bien qui a été enregistré au bilan. Le bien perd donc
de sa valeur et le montant de l’amortissement doit
aussi être enregistré au bilan en moins de son coût
d’achat.

Pour des raisons de clarté et de pertinence de


l’information comptable, on fait figurer dans le
chapitre « actif immobilisé » au bilan (voir le bilan
Lebontruc) :

-  en  1re colonne  : le coût d’achat des biens


immobilisés

- en 2e colonne : le montant de l’amortissement

-  en  3e colonne  : la valeur nette comptable = coût


d’achat - amortissement

Le compte de résultat calcule le résultat pour un


exercice comptable, donc il enregistre la dotation
aux amortissements annuelle.

En revanche, le bilan montre la situation financière


cumulée à la fin d’un exercice comptable, donc
reprend le cumul des dotations aux amortissements
appliquées aux biens de l’actif immobilisé.

En cas d’acquisition d’un bien immobilisé en


crédit-bail (leasing en anglais), il n’y a pas de
transfert de propriété, puisque le bien continue
d’appartenir au bailleur. La valeur du bien
n’apparaît donc pas au bilan (mais une information
est donnée dans l’annexe expliquée plus bas). Le
loyer versé au bailleur est une charge enregistrée
au compte de résultat. Une nouvelle immobilisation
sera enregistrée au bilan, en fin de contrat, si le
locataire lève l’option d’achat et acquiert le bien
pour une valeur résiduelle.

Le secret de la partie double


Comment le résultat net peut-il apparaître pour un
même montant à la fois au bilan et au compte de
résultat ?

Nous avons vu précédemment que le bilan établi à


la fin d’une période annuelle montrait
l’enrichissement ou l’appauvrissement par rapport
à la fin de la période précédente à travers la ligne
du bilan (le «  poste  ») appelée résultat (bénéfice
ou perte) dans les capitaux propres.

Par ailleurs, le compte de résultat récapitulant les


produits et les charges générés au cours d’une
période annuelle présente, par différence entre les
produits et les charges, un «  solde  » qualifié de
bénéfice ou perte. Présentés ainsi, le résultat du
bilan et celui du compte de résultat n’ont aucune
raison d’avoir la même consistance. Ce serait
fortuit ou un véritable « miracle ». Ce « miracle »
apparent n’est, en fait, que la conséquence d’une
technique appelée «  comptabilité en partie
double  » (double-entry book keeping en anglais)
dont la première description nous a été révélée
en 1494 par Luca Pacioli dans un ouvrage célèbre.
Le coin de l’historien

L’ouvrage Summa de Arithmetica, geometria, proportioni et


proportionalita, écrit par Luca Pacioli, est une véritable
somme des connaissances mathématiques de l’époque. Il
contenait un chapitre consacré à la comptabilité. Disciple de
Piero della Francesca, Luca Pacioli est également l’auteur
d’un traité (1509) consacré à la divina proportione et illustré
par Léonard de Vinci !

Il ne s’agit pas simplement de constater par le bilan


que les capitaux propres ont varié depuis le bilan
précédent mais d’expliquer pourquoi et comment
l’entreprise s’est appauvrie ou enrichie, à travers ce
que ses dirigeants et leurs collaborateurs ont
réalisé.

Constat par le bilan


Le bilan est basé sur l’équilibre :

Actif = Passif

soit

Actif = Capitaux propres + Dettes

Capitaux propres = Actif - Dettes


• l’actif augmente ou les dettes diminuent, donc
la valeur patrimoniale globale (les capitaux
propres) augmente ;

• l’actif diminue ou les dettes augmentent, donc


la valeur globale patrimoniale (les capitaux
propres) diminue.

Il est aisé de constater que, toutes choses égales par


ailleurs, c’est-à-dire en l’absence d’apport
nouveau en capital de la part des associés, les
capitaux propres ne varient qu’en fonction du
résultat de l’entreprise.

Capitaux propres = Capital apporté + Résultat =


Actif - Dettes

Résultat = Actif - Capital apporté - Dettes

Explication par le compte de


résultat
Il est également facile de comprendre que lorsque
les produits augmentent, le résultat augmente, et
que lorsque les charges augmentent, le résultat
diminue.

Résultat = Produits - Charges
Le génie des inventeurs de la comptabilité a été de
relier pour chaque opération son impact sur le bilan
et sur le compte de résultat pour un même
montant, d’où la notion de comptabilité « en partie
double ».

Comme le résultat figurant au bilan est le même


que celui figurant au compte de résultat :

Actif - Capital apporté - Dettes =
Produits - Charges

Soit

Actif + Charges = Produits + Capital apporté +


Dettes

Cette équation étant toujours juste, toute opération


affectant un des postes doit obligatoirement
affecter un autre poste.

Toute transaction enregistrée en comptabilité doit


impliquer 2 postes (au moins) pour ne pas rompre
l’équilibre plus haut.

Le ou les poste(s) mouvementé(s) simultanément à


la variation d’un autre poste est appelé  : «  la
contrepartie ».
Les opérations impactant à la fois le bilan (actif ou
passif) et le compte de résultat (charges ou
produits) sont les seules ayant une incidence sur le
résultat final.

Les opérations n’impactant que le compte de


résultat ou que le bilan n’ont aucune incidence sur
le résultat final.

Pour des raisons de simplification de notre


démonstration, nous avons fait l’hypothèse
« toutes choses égales par ailleurs » pour le capital
apporté. Si celui-ci augmente ou diminue, la
contrepartie est souvent le poste « disponibilités »
ce qui ne modifie en aucun cas le résultat. Et voilà !

Prenons des exemples.

Exemple d’opération sans


impact sur le résultat de la
période
Emprunt
Lorsque l’entreprise AB emprunte  35  000  €, elle
s’endette et les dettes augmentent de  35  000  €
(sous le poste «  dettes financières  »).
Simultanément, sa trésorerie, donc son actif (sous
le poste «  disponibilités  »), a augmenté
de 35 000 €. Actif et dettes ont augmenté du même
montant. L’entreprise ne s’est ni appauvrie (la
dette n’est pas une charge) ni enrichie (la trésorerie
n’est pas un produit), du moins tant qu’elle ne
supporte pas le coût de l’emprunt qui lui est une
charge (intérêts).

Remboursement d’une partie de la


dette
Sur un total dû de  35  000  €, l’entreprise a
remboursé 5 000 € :

• L’actif a diminué de 5 000 € (diminution de


trésorerie dans le poste « disponibilités »).

• Les dettes ont diminué de 5 000 €.

• Actif et dettes ont diminué simultanément


de 5 000 €.

En remboursant une partie de sa dette, l’entreprise


ne s’est ni enrichie, ni appauvrie  ! Ce
remboursement n’affecte pas le compte de résultat.
Il ne génère ni produit, ni charge. On voit ainsi que
le dicton populaire  : «  Qui paie ses dettes
s’enrichit ! » est comptablement faux !
Exemple d’opération avec
impact sur le résultat de la
période
Intérêts sur emprunts
Quand l’entreprise a emprunté auprès de sa
banque, elle devra non seulement rembourser selon
un échéancier déterminé mais également payer des
intérêts. Ces intérêts, qui sont le loyer de l’argent
prêté, constituent pour l’entreprise une charge
financière (consommation) qu’elle doit par ailleurs
décaisser (diminution de trésorerie au bilan). C’est
ainsi que, pour la société AB, il y a à la fois 2 000 €
dans les charges financières (correspondant au coût
de l’emprunt) et une diminution de ses liquidités
de  2  000  € affectant son actif. Le remboursement
partiel d’une dette financière n’a eu aucun impact
sur le compte de résultat car il ne constitue pas une
charge. Seul le coût de l’emprunt (intérêts et
éventuellement commission) est une charge pour
l’entreprise.

Les mystérieux comptes en T


Nous avons vu ensemble comment se bâtissent le
bilan et le compte de résultat.

Il est bien évident que les comptables n’établissent


pas un bilan et un compte de résultat après chaque
transaction enregistrée en comptabilité !

En fait, chaque transaction est enregistrée dans des


comptes en T (T account en anglais). Le bilan et le
compte de résultat ne sont définis qu’après clôture
de l’exercice comptable et enregistrement des
opérations d’inventaire (voir plus bas).

Levons donc le mystère de ces comptes en T !

Vous avez déjà remarqué que le bilan et le compte


de résultat sont bâtis avec un côté gauche et un côté
droit :

Bilan ⇒ Actif à gauche et Passif à droite

Compte de résultat ⇒ Charges à gauche et


Produits à droite

Un peu comme la forme de la majuscule T avec son


côté gauche et son côté droit.

Dans la réalité, beaucoup de bilans et de comptes de


résultat sont maintenant présentés en liste et en
colonnes.
Pour chaque transaction enregistrée, le comptable
ouvrira ou utilisera (si le compte a déjà été ouvert)
au moins 2 comptes (comptabilité en partie double
oblige) dit en T, donc comportant  2  côtés. Il y
inscrira du côté gauche ou du côté droit le montant
de la transaction et d’autres informations
importantes comme la date et l’explication de la
transaction.

Et c’est là qu’est tout le mystère  : du côté gauche


ou du côté droit ?

La règle est toute simple  : on mouvemente un


compte en T du même côté que sa place au bilan
ou au compte de résultat quand le compte
augmente, et du côté opposé quand il diminue.

Ou encore, si on reprend l’équation de la partie


double citée plus haut :

Actif + Charges = Produits + Capital apporté +


Dettes

Les comptes d’actif et de charges sont à gauche,


donc on les mouvemente du côté gauche s’ils
augmentent et du côté droit s’ils diminuent.

Les comptes de dettes et de produits sont à droite,


donc on les mouvemente du côté droit s’ils
augmentent et du côté gauche s’ils diminuent.

Dernier point qui n’est pas le moins important pour


discuter intelligemment avec votre comptable :

• Le côté gauche du compte s’appelle le débit.

• Le côté droit du compte s’appelle le crédit.

Donc, pour faire plus « pro », ne dites pas… :

• … « je mouvemente le compte X à gauche »,


mais « je débite le compte X ».

• … « je mouvemente le compte X à droite »,


mais « je crédite le compte X ».

Pourquoi le débit est-il à gauche et le crédit à


droite ?

Le mot « débit » vient du latin debitum qui signifie


«  ce qui est dû  ». Effectivement, on trouve à la
gauche du bilan les postes correspondant à de
l’argent dû par les clients ou la banque (car l’argent
disponible en banque est dû à l’entreprise).

Le mot «  crédit  » vient du latin creditum qui


signifie «  confié  » ou par extension «  prêté  ».
Effectivement, on trouve à la droite du bilan les
postes correspondant à des dettes fournisseurs ou
bancaires.
Voici comment le comptable va enregistrer une
vente de marchandise (la TVA est volontairement
ignorée dans cet exemple).

Le compte vente marchandise (appartenant au


compte de résultat) augmente, donc on le crédite.

Ne pensez pas au relevé de votre compte bancaire.


Celui-ci est établi par votre banque et reflète SA
comptabilité.

• Un compte débiteur chez elle veut dire que


vous lui devez de l’argent.

• Un compte créditeur chez elle veut dire qu’elle


vous doit de l’argent (car en fait, cet argent
que vous lui avez confié vous appartient).

La comptabilité doit être la plus pertinente et la


plus détaillée possible. C’est pourquoi, le comptable
ouvre de nombreux comptes comme un compte par
client, un compte par fournisseur, un compte par
compte bancaire, etc. Ces comptes seront ensuite
consolidés pour former les postes du bilan et du
compte de résultat.

Ce livre n’a pas vocation à détailler le processus


comptable comme la tenue d’un journal, d’un
grand livre et autres opérations comptables. (Pour
cela, référez-vous à l’excellent livre  : La
Comptabilité pour les Nuls.)

Le but, ici, est d’expliquer la nature de


l’information comptable et la façon dont elle est
«  fabriquée  » afin d’en tirer le meilleur parti
possible en finance d’entreprise.

Et maintenant, quelques informations sur les


opérations d’inventaire...

Impact sur le résultat des


opérations d’inventaire
Au moment d’établir le bilan et le compte de
résultat annuels, en plus des opérations
enregistrées tout au long de l’année, il convient de
tenir compte en particulier d’évènements pouvant
remettre en cause la valeur de certains postes
d’actif dans le sens d’une diminution. C’est le
principe comptable de prudence. Tous ces éléments
sont générateurs d’une baisse du résultat de
l’entreprise. Cela comprend non seulement
l’amortissement de la plupart des immobilisations
mais également la dépréciation de certains actifs
non amortissables comme les stocks, les créances
clients, etc. Par prudence, il convient également de
tenir compte de risques nés durant l’année qui se
termine et qui peuvent être générateurs de sorties
de trésorerie futures sans contrepartie.

Il faut aussi tenir compte des principes comptables


d’engagement et de rattachement et s’assurer que
les produits réalisés et les charges consommées se
rattachent bien à l’exercice d’établissement du
bilan et du compte de résultat.

Comptabilisation des
amortissements
Nous avons vu précédemment que l’évaluation de la
consommation forfaitaire annuelle de la plupart des
immobilisations est reprise dans le compte de
résultat sous l’appellation de «  Dotation aux
amortissements  ». En contrepartie, la valeur des
immobilisations concernées diminue d’autant au
bilan. La conséquence est donc une diminution du
résultat. Selon la méthode utilisée (amortissement
linéaire ou dégressif) l’évaluation étant différente,
l’impact sur le résultat est également différent,
ainsi que sur le montant de l’impôt sur les
bénéfices.

Il est important de souligner, en vue des chapitres


suivants, que la dotation annuelle aux
amortissements est une charge calculée ne donnant
pas lieu à des décaissements, à la différence de la
plupart des autres charges qualifiées de charges
décaissables.

Exemples de calcul
d’amortissement
La base de l’amortissement est le coût d’acquisition
(y compris frais de transport, d’installation, etc.),
hors taxe, dans la plupart des cas, puisque la TVA
facturée par le fournisseur est remboursée par
l’État.

Il y a deux méthodes admises fiscalement,


l’amortissement linéaire, toujours possible, ou
l’amortissement dégressif, possible dans certains
cas.

L’amortissement linéaire
Un matériel est acquis et mis en service le  1er
janvier de l’année N.

Coût d’acquisition : 100 000.

Durée d’amortissement  : 5  ans soit  20  % (1/5) par


année entière à partir du coût d’acquisition
d’origine.

Figure 2-7 Amortissement linéaire

Il est aussi possible d’amortir en ne prenant


comme base que le coût d’acquisition d’origine
moins la valeur probable résiduelle à l’issue des
cinq années (méthode très pratiquée aux États-
Unis).

On constate dans le tableau que la dotation a


annuellement le même impact dans les charges et
que la valeur au bilan diminue chaque année pour
devenir égale à 0 si l’entreprise possède toujours le
matériel à la fin de la cinquième année.

L’amortissement dégressif
Cette méthode consiste à prendre comme référence
le même taux que celui qui serait utilisé en
amortissement linéaire et à le multiplier par un
coefficient fiscal dépendant de la durée
d’amortissement. Pour une durée de  5  ans, le
coefficient est actuellement de 1,75. Il en résulte un
taux utilisé de 20 % × 1,75 = 35 %. D’où la figure 2-
8.

Figure 2-8 Amortissement dégressif

Comme on peut le constater, le taux s’applique


chaque année à la valeur nette comptable de
l’année précédente et c’est en cela que
l’amortissement est dégressif. Comme on
n’arriverait jamais à  0, on change de méthode
lorsque la valeur nette comptable divisée par le
nombre d’années restant à amortir donne une
dotation supérieure à celle obtenue en appliquant le
taux de 35 %. C’est le cas à partir de l’année N + 3.
En effet, 27  463  divisé par  2  est supérieur
à 27 463 × 0,35.

Nous avons simplifié les calculs dans les figures 2-


7  et  2-8  en prenant pour date d’acquisition le  1er
janvier de l’exercice N ce qui entraîne un
amortissement annuel sur 12 mois la 1re année.

Il est bien évident qu’en cas d’acquisition en cours


de l’année N, l’amortissement annuel cette  1re
année se calculera prorata temporis.

L’amortissement se terminera donc pendant


l’année N+5.

Pour les amoureux de la comptabilité  : chaque


année le compte « dotation aux amortissements »,
qui est une charge qui augmente, est débité et sa
contrepartie «  amortissements cumulés  », qui est
un compte de bilan qui augmente, est crédité.

Mais comme nous l’avons vu dans la figure  2-


4  Comptes annuels (simplifiés) de la société
Lebontruc, les amortissements cumulés ne figurent
pas au passif de bilan, mais, pour des raisons de
présentation, à l’actif en face des immobilisations
auxquels ils s’appliquent dans la  2e colonne, donc
en déduction pour calculer la valeur nette
comptable.

Impact comptable d’une cession


d’immobilisation
La comptabilisation se fait en trois étapes :

❶ le complément d’amortissement jusqu’au jour


de la vente ;

❷ la sortie du bien du patrimoine de


l’entreprise ;

❸ la vente du bien d’occasion.

Reprenons l’exemple du matériel dont


l’amortissement linéaire est calculé dans la
figure 2-7.

Supposons qu’il est vendu le  1er avril N+3  pour la


somme de 43 000 €.

Tout d’abord, nous calculons prorata temporis un


complément d’amortissement au cours de l’année
N+3.

L’amortissement annuel étant de  20  000  €, le


complément d’amortissement pour 3  mois sera
de 20 000 × 3/12 = 5 000 €.

Les amortissements cumulés le jour de la vente est


donc égal à 60 000 € à fin

N+2 + 5 000 €

Soit 65 000 €.

La valeur nette comptable est donc égale


à 100 000 € - 65 000 € = 35 000 €.

La sortie du bien du patrimoine de l’entreprise


(contre passation des écritures d’acquisition du
bien et de ses amortissements cumulés) fera
apparaître cette valeur nette comptable qui sera
inscrite au compte de résultat en charge
exceptionnelle dans le poste «  Valeur comptable
des éléments d’actif cédés ».

Enfin, la vente du bien d’occasion sera enregistrée


dans le compte de résultat en produit exceptionnel
dans le poste «  Produits de cession d’éléments
d’actif  » pour un montant de  43  000  €. (La
contrepartie est un compte de trésorerie ou une
« autre créance »).

Au total, il est apparu un résultat exceptionnel (car


la cession d’un bien d’équipement n’est pas une
opération courante, sauf s’il s’agit d’une activité
principale) pour un montant bénéficiaire de  :
43 000 € - 35 000 € = 8 000 €.

Comptabilisation des
dépréciations d’actif
Il peut arriver que certains actifs de l’entreprise
perdent de la valeur en raison d’événements
particuliers : risque de mévente de certains stocks,
risque de ne pas recouvrer certaines créances, etc.
Ces risques sont pris en compte en enregistrant
dans le bilan une dépréciation de l’actif concerné
et, en contrepartie, une dotation aux dépréciations
dans les charges, le tout ayant évidemment un
impact défavorable sur le résultat.

Comme pour les amortissements, ce risque de perte


sera évalué (principe de prudence) et se traduira
par le débit d’un compte de charge au compte de
résultat et le crédit d’un compte de dépréciation.

Ce dernier ne figure pas au passif mais en moins à


l’actif en  2e colonne en face du poste d’actif
concerné.

Cette dépréciation sera ajustée (en plus ou en


moins) au cours des exercices suivants en fonction
de nouveaux événements qui interviendront jusqu’à
ce qu’elle devienne sans objet par constat final
d’une perte ou d’un profit réel.

Comptabilisation des
provisions pour risques et
charges
L’entreprise peut être amenée à devoir verser
ultérieurement des indemnités à un tiers en vue de
réparer un préjudice qu’elle a causé au cours de
l’exercice (litige avec un client, un salarié ou toute
autre personne). En dehors des risques précités,
l’entreprise peut être amenée également à
s’engager auprès de tiers, ces engagements
pouvant avoir comme conséquences financières des
sorties de trésorerie futures sans contrepartie.

La somme qui sera éventuellement à payer est


estimée en fonction des informations connues à la
fin de l’exercice. C’est une dette potentielle dont ni
le montant, ni l’échéance ne sont connus avec
certitude. On enregistre le montant évalué au
compte de résultat par le débit d’un compte de
charge sous l’appellation de «  Dotation aux
provisions  » et au crédit d’un compte
«  Provisions  ». Celles-ci sont qualifiées de
différentes façons, par exemple : pour litiges, pour
garanties données au client, pour restructuration,
pour engagement de pensions, retraites et
versements assimilés, etc. Contrairement à la
dépréciation d’actif, le compte créditeur
«  Provisions  » figure au passif du bilan puisqu’il
s’agit d’une dette potentielle.

Comptabilisation de
l’inventaire des stocks
Le mot « inventaire » qualifiant les travaux de fin
d’exercice comptable provient de la généralisation
du terme «  inventaire  » appliqué à l’origine aux
stocks. (Les stocks sont d’ailleurs appelés
inventories en anglais américain.)

Rappelons que le compte de résultat montre que le


calcul du montant des achats de marchandises
consommés s’obtient par la soustraction de la
rubrique achats (achetés) de la variation des stocks
(stock initial - stock final).

Le stock final de marchandises doit donc se faire à


la fin de l’exercice comptable. Le stock initial de
marchandises est en fait le stock final de l’exercice
précédent.
Il faut donc faire un inventaire physique des
marchandises existantes à la date de clôture et les
valoriser selon des méthodes prévues par la
comptabilité des coûts (valeur moyenne pondérée,
premier entré premier sorti, etc.).

Beaucoup d’entreprises possèdent des logiciels et


des lecteurs de code-barres permettant une
valorisation en temps réel des stocks. Cependant,
des inventaires physiques restent nécessaires pour
mettre en évidence les manques, les erreurs et les
vols. On voit encore souvent des magasins, en
début d’année, avec la pancarte «  Fermé pour
cause d’inventaire ».

Comptabilisation des
régularisations des comptes
de charges et de produits
Les principes comptables d’engagement et de
rattachement du compte de résultat entraînent une
comptabilisation de charges et de produits
complémentaires qui ajustent ce résultat
(procédure appelée cut off en anglais).

Voici quatre types d’ajustement :


❶ Des clients ont été livrés sans être facturés,
donc sans que la vente n’ait été comptabilisée.

Il faut comptabiliser les ventes manquantes (au


crédit d’un compte vente du compte de résultat par
le débit d’un compte de bilan «  Clients factures à
établir CFAE », accrued revenues en anglais).

❷ Des fournisseurs ont livré des marchandises,


des fournitures, des prestations sans que les
factures correspondantes ne soient parvenues
au comptable.

Il faut comptabiliser les charges manquantes (au


débit d’un compte de charge du compte de résultat
par le crédit d’un compte de bilan «  Fournisseurs
factures non parvenues FFNP », accrued expenses en
anglais).

❸ Des factures fournisseurs ont été


comptabilisées (et peut-être payées) pour des
charges non encore consommées.

Il faut comptabiliser les charges non consommées


(au crédit d’un compte de charge du compte de
résultat par le débit d’un compte de bilan
«  Charges constatées d’avance CCA  », prepaid
expenses en anglais).
❹ Des factures clients ont été comptabilisées (et
peut-être encaissées) sans que les ventes ou
les prestations n’aient été livrées.

Il faut comptabiliser les produits non encore


réalisés (au débit d’un compte de produit du
compte de résultat par le crédit d’un compte de
bilan «  Produits constatés d’avance PCA  »,
unearned ou deferred revenues en anglais).

Nous en avons terminé avec l’ensemble du


processus comptable qui permet de produire le
bilan et le compte de résultat de l’entreprise. Celle-
ci dispose d’un délai de trois mois au-delà de la
date de clôture pour mettre à la disposition des
personnes concernées (associés, actionnaires,
banques, administration fiscale, etc.) ses états
financiers. Le délai est de six mois pour décider de
l’affectation du résultat annuel, comme on va le
voir ci-dessous.

Affectation du résultat annuel


Nous avons vu précédemment que le résultat
(bénéfice ou perte) constaté annuellement au bilan
y apparaissait sous forme d’un accroissement ou
d’une diminution des capitaux propres et
constituait la marque de l’enrichissement ou de
l’appauvrissement de l’entreprise.

Le partage du bénéfice entre


dividendes et réserves
Lorsque les associés ont investi leur argent dans
l’entreprise sous forme d’apports en numéraire
pour en constituer le capital, c’est évidemment
avec l’espoir d’un retour sous forme d’une
rémunération de ces capitaux. En cas de bénéfice,
ils espèrent donc des dividendes. C’est l’assemblée
générale ordinaire annuelle qui décide de
l’affectation du bénéfice. Celle-ci doit se réunir
dans les six mois qui suivent la clôture de
l’exercice.

On peut comprendre qu’un arbitrage doit s’opérer


entre l’intérêt à court terme des actionnaires
(recevoir immédiatement le maximum de
dividendes) et leur intérêt à moyen et long terme
(laisser à l’entreprise les moyens nécessaires pour
financer son développement et accroître sa valeur).
C’est pour cela qu’en général, il y a partage de
l’enrichissement de l’entreprise entre les associés
et l’entreprise elle-même. En clair, cela signifie que
seule la part distribuée aux associés va entraîner
pour l’entreprise un prélèvement sur sa trésorerie
(sauf si les dividendes sont distribués sous forme
d’actions nouvelles).

À l’issue de l’assemblée générale, la part du


bénéfice affectée aux associés quitte les capitaux
propres pour se transformer en dette à l’égard des
associés jusqu’au moment où l’entreprise va puiser
dans sa trésorerie pour rembourser cette dette. Le
paiement des dividendes doit avoir lieu dans les
neuf mois qui suivent la clôture de l’exercice. La
part du bénéfice restant affectée à l’entreprise reste
dans les capitaux propres mais sous l’appellation
« Réserves » (retained earnings en anglais).

On en conclut que, après répartition du bénéfice, la


ligne «  Bénéfice  » dans les capitaux propres est
ramenée à 0, et que le total des capitaux propres a
diminué du montant à distribuer aux associés (ou
actionnaires). On voit également que le poste
«  Réserves  » dans les capitaux propres ne
correspond aucunement à de la trésorerie
disponible. On peut parfaitement imaginer qu’une
entreprise se soit beaucoup enrichie grâce à son
activité (bénéfice important accroissant les
capitaux propres), et qu’elle soit obligée d’affecter
la quasi-totalité de ce bénéfice aux réserves, car par
manque de trésorerie, elle est dans l’impossibilité
de distribuer des dividendes, sa trésorerie étant
complètement asséchée.

Après avoir constaté un bénéfice de  10  000  €,


le  31  décembre de l’année N, les associés de la
société AB décident un prélèvement de  4  000  € à
titre de dividendes et une mise en réserves du
montant de  6  000  € restant. C’est au cours de
l’année N +  1  que la comptabilité enregistrera les
conséquences de cette décision (apparition dans les
capitaux propres d’un poste «  Réserves  »
pour  6  000  € et endettement de  4  000  € à l’égard
des associés puis extinction de la dette par une
diminution de trésorerie).

Figure 2-9 Incidence sur le bilan le jour de la répartition du bénéfice

Affectation d’une perte


Malheureusement, l’entreprise ne réalise pas
toujours un bénéfice. L’année où il y a une perte qui
vient diminuer les capitaux propres, l’assemblée
générale décide le plus souvent un «  report à
nouveau  » de cette perte. Après affectation, on
constate alors un report négatif qui figure en
diminution des capitaux propres. Malgré cela, une
distribution de dividendes pourrait éventuellement
avoir lieu, justifiée par l’existence de réserves dans
les capitaux propres, preuve de bénéfices antérieurs
qui n’ont pas fait l’objet de distribution de
dividendes.

Le tableau des flux de


trésorerie
Il est courant de dire que, pour être en bonne santé,
une entreprise doit, à moyen ou long terme, être
rentable et se développer. Mais à court terme, c’est
l’état de sa trésorerie qui garantit sa pérennité.

Une incapacité à payer ses dettes à leur échéance


peut mener tout droit au dépôt de bilan ! Le bilan et
le compte de résultat sont évidemment très
importants, mais l’analyse de l’évolution de la
trésorerie est fondamentale. C’est le rôle du tableau
des flux de trésorerie (cash flow statement en
anglais) prévu par les normes comptables
internationales.

La présentation impose un classement des flux de


trésorerie en activités opérationnelles,
d’investissement et de financement.

Les activités opérationnelles sont les activités


génératrices de produits de l’entreprise hors
activités d’investissement et de financement.

Les activités d’investissement correspondent aux


acquisitions et sorties d’actifs à long terme
(incorporels, corporels et financiers).

Les activités de financement résultent des


variations de montant et de composition des
capitaux propres et des emprunts.

La résultante est un flux de trésorerie qui donne les


variations de la trésorerie (fonds en caisse et dépôts
à vue et placements à court terme très liquides et
soumis à un risque négligeable de changement de
valeur).

Ce tableau est en fait calculé à partir des données


figurant dans le compte de résultat de l’exercice N
et dans les bilans des exercices N et N-1.
Figure 2-10 Tableau des flux de trésorerie proposé par l’Ordre des
Experts Comptables à partir du résultat net
Pour en savoir plus sur l’annexe
L’annexe, contrairement à l’apparence de ce nom,
n’est pas du tout accessoire. Comme vous le savez,
les bateaux de plaisance ont à l’arrière un petit
bateau qualifié d’annexe. Quand le bateau coule,
cela peut être le moyen pour l’équipage de se
sauver. En comptabilité, c’est comparable : c’est là
que se trouvent toutes les informations utiles au
lecteur pour qu’il puisse avoir une vision fidèle de
la réalité de l’entreprise, vision que le bilan et le
compte de résultat ne permettent pas pour
comprendre cette réalité. De manière générale, le
bilan et le compte de résultat tiennent chacun sur
deux pages, plus éventuellement une page pour le
tableau des flux de trésorerie. L’annexe fait en
général  10  à  20  fois plus  ! Y figurent des
informations obligatoires et d’autres qui ne le sont
pas mais qui sont jugées nécessaires pour éclairer
le lecteur, car sans elles il risquerait d’avoir une
image tronquée de la réalité. N’oublions pas que le
commissaire aux comptes doit certifier que les
comptes sont réguliers, c’est-à-dire en conformité
avec toutes les lois et règlements s’appliquant à
l’entreprise, sincères, c’est-à-dire de bonne foi, et
qu’ils donnent de la situation financière et du
résultat de l’entreprise une image fidèle. L’annexe
est là pour assurer que l’image donnée est fidèle.

Pour conclure

Figure 2-11 Les trois notions-clés sur lesquelles repose la gestion


financière de l’entreprise

Nous voici à la fin de ce chapitre.

Nous avons vu les trois notions-clés, sur lesquelles


repose la gestion financière de l’entreprise, au
travers des trois documents financiers composant
l’information comptable produite par l’entreprise :
• le bilan qui donne la valeur de l’entreprise par
ses actifs et ses dettes ;

• le compte de résultat qui évalue sa


performance par différence entre les produits
et les charges ;

• le tableau des flux de trésorerie qui analyse les


variations de trésorerie.

Vous n’êtes pas encore un (ou une) expert-


comptable mais vous en savez déjà beaucoup plus
que le commun des mortels et êtes maintenant
capable de comprendre les chapitres suivants qui
vont vous initier sérieusement à la finance
d’entreprise.
Retenez l’essentiel

• Le bilan représente la situation


patrimoniale de l’entreprise à un instant
donné.

• Le bilan permet aussi de constater si


l’entreprise s’est enrichie ou appauvrie.

• La variation des capitaux propres ainsi que


la différence entre produits et charges
donnent le même résultat.

• Les opérations d’inventaire ont aussi une


influence en plus ou en moins.

• Le bénéfice annuel doit être affecté, c’est-à-


dire partagé entre dividendes et réserves.

• Le tableau des flux de trésorerie analyse


l’évolution de la trésorerie de l’entreprise.

• L’annexe regroupe les informations utiles


pour comprendre le bilan et le compte de
résultat.

1 Dont concours bancaires courants et soldes créditeurs de banques 2 300


DANS CE CHAPITRE
La notion de groupe

La présentation des états financiers des groupes

Le périmètre de consolidation

Les méthodes de consolidation

C’est quoi le goodwill ?

Comment lire et analyser les comptes consolidés d’un


groupe

Chapitre 3
Quelques notions sur les états
financiers des groupes
P renons le cas d’une société mère et de sa filiale..
Juridiquement ce sont deux entités distinctes qui
peuvent même avoir des statuts juridiques
différents (une SA et une SARL, par exemple). Elles
peuvent même être dans deux pays différents,
soumises à des législations différentes, y compris
sur le plan comptable. Elles doivent donc
distinctement établir des comptes sociaux.

Les dirigeants de la société mère ont la nécessité


d’avoir une vue globale sur l’ensemble des activités
de ce que l’on peut appeler un groupe, en
particulier au travers ce que l’on appelle le
reporting, c’est-à-dire le compte rendu d’activités,
le plus souvent mensuel, fait par les responsables
des sociétés aux dirigeants du groupe. Très vite est
apparue (aux États-Unis pour commencer) la
nécessité de regrouper tous les éléments
comptables des sociétés membres d’un groupe,
comme si celui-ci était une seule entreprise, ce
qu’on a nommé les comptes consolidés ou comptes
du groupe. D’abord facultatifs ou obligatoires à
l’occasion d’événements précis, comme
l’introduction en Bourse ou l’appel public à
l’épargne, ils sont devenus obligatoires en France à
la fin du XXe siècle pour les sociétés cotées en
Bourse.

Peu à peu, il est devenu nécessaire de créer des


règles comptables internationales que pourraient
appliquer toutes les sociétés pour faciliter
l’établissement au moins annuel de comptes
consolidés du groupe, en parallèle avec les comptes
annuels des sociétés prises isolément. Cela
nécessite évidemment des retraitements plus ou
moins lourds pour passer des comptes individuels
aux comptes du groupe. Cette nécessité
d’homogénéisation a débouché sur la création de
normes internationales, d’abord appelées normes
IAS (pour International Accounting Standards),
devenues ensuite normes IFRS (pour International
Financial Reporting Standards). Ce changement
d’appellation, remplacer «  comptable  » par
«  financier  », n’est évidemment pas neutre
idéologiquement et n’a pas fini de provoquer des
débats intellectuels  ! Ces normes IAS-IFRS sont
devenues obligatoires depuis 2005 pour les sociétés
cotées sur une Bourse européenne.

Il nous semble très utile dans cet ouvrage de


finance d’entreprise de donner aux lecteurs un
minimum de connaissances sur les comptes de
groupe, qu’il ne faut pas confondre, avec toutes les
conséquences que cela peut avoir, avec les comptes
d’une entreprise isolée.

Il faut d’abord s’entendre sur ce qu’on appelle un


groupe.

La notion de groupe
Il y a plusieurs définitions possibles pour exprimer
ce qu’est un groupe. Prenons, par exemple en
France, le cas de la grande distribution. On peut
citer à titre d’exemples Auchan, Carrefour, Casino,
Leclerc, Système U  ; tous les cinq sont qualifiés de
«  groupe  ». Ils ont le même métier, mais dans le
cadre de structures économiques et juridiques pas
nécessairement comparables :

• Le groupe Auchan n’est pas coté en Bourse,


car il appartient principalement à l’association
familiale Mulliez, son deuxième actionnaire est
Gérard Mulliez (13,5 %) et le solde est aux
salariés.

• Le groupe Carrefour est coté à la Bourse de


Paris, où il fait partie du CAC-40. Pour être
précis, il faudrait dire que ce n’est pas le
groupe qui est coté, car un groupe n’a pas
d’existence juridique. Sont cotées les actions
d’une société Carrefour qui est la société mère
du groupe.

• Le groupe Casino a une société mère qui est


cotée en Bourse mais elle est elle-même filiale
de Rallye, qui la détient majoritairement.
Rallye étant elle-même détenue par la société
foncière Euris, détenue par Finatis, elle-même
détenue par Euris.

• Le groupe Leclerc est une coopérative de


commerçants regroupant des magasins
indépendants dans plusieurs pays européens.

• Le groupe Système U est une coopérative de


commerçants de grande distribution française,
qui a passé en 2014 un accord de coopération à
l’achat avec le groupe Auchan.

(Source de toutes ces informations  : les sites


Internet des groupes concernés.)

Finalement, pour établir des comptes consolidés,


on ne retient comme conception de groupe que
celle correspondant à un ensemble de sociétés
ayant entre elles des relations capitalistiques,
c’est-à-dire la possession par l’une, directement
ou indirectement, des titres représentant une part
du capital social des autres.

Un groupe est donc constitué d’une société mère


qui détient directement ou indirectement des
participations dans d’autres sociétés. Cette société
mère peut prendre la forme d’une holding, c’est-à-
dire une société n’ayant plus d’activité industrielle
ou commerciale directe et exerçant essentiellement
une action de direction et de gestion du groupe
grâce à la possession de ses participations
financières. Elle est qualifiée de « holding mixte »
s’il lui reste encore directement une activité
industrielle ou commerciale.

La présentation des états


financiers des groupes
La notion essentielle retenue pour établir des états
financiers d’un groupe est la notion de
«  contrôle  », selon qu’il est direct ou indirect sur
les différentes sociétés prises en compte, et plus ou
moins développé en fonction du pourcentage de
titres détenus directement ou indirectement.

Les IFRS définissent le contrôle comme «  le


pouvoir de diriger les politiques financière et
opérationnelle d’une entreprise afin de tirer
avantage de ses activités ».

Les états financiers consolidés sont les états


financiers du groupe présentés comme ceux d’une
entité unique. Il est cependant important de
souligner que le groupe n’est pas une entité
juridique comme les sociétés qu’il intègre dans ses
comptes mais une entité économique. Chaque
société membre du groupe a un résultat net après
impôt qui justifie l’éventuelle distribution de
dividendes à ses actionnaires. On calcule par
ailleurs un résultat du groupe mais ce n’est pas lui
qui peut justifier une distribution de dividendes
même si parfois la communication financière qu’il
organise semble le faire comprendre !

Pourcentage d’intérêt et
pourcentage de contrôle
Pour construire les comptes consolidés la notion de
contrôle est déterminante. Les comptes consolidés
utilisent pour leur construction deux notions
différentes et complémentaires  : pourcentage
d’intérêt et pourcentage de contrôle. De quoi
s’agit-il ?
Pourcentage d’intérêt
Imaginons une société M, qui a un pourcentage
d’actions de  80  % dans le capital de la société A,
qui a elle-même  60  % des actions de la société B,
qui a 30 % des actions d’une société C.

On dira successivement que :

• le pourcentage d’intérêt de M dans A est


de 80 % ;

• le pourcentage d’intérêt de M dans B (en


passant par A) est de
0,8 × 0,6 = 0,48 soit 48 % ;

• le pourcentage d’intérêt de M dans C (en


passant par A puis B) est de
0,8 × 0,6 × 0,3 = 0,144 soit 14,4 %.

Pourcentage de contrôle
En reprenant le même exemple, on dira que :

• M étant majoritaire dans A et, en supposant


qu’il n’y a pas de droits de vote doubles, M
contrôle A avec un pourcentage de contrôle
de 80 % ;
• A étant majoritaire dans B, et M contrôlant A,
M contrôle B en passant par A, avec un
pourcentage de contrôle de 60 % (c’est-à-dire
le même que A dans B) ;

• B ayant 30 % de C, en passant par A et B, M a


un pourcentage de contrôle de 30 % de C.

Comme on le voit, le pouvoir, qui se visualise à


travers le pourcentage de contrôle, peut n’avoir que
peu de rapport avec le pourcentage d’intérêt.
Comment avoir le maximum de pouvoir avec le
minimum d’intérêt ? Imaginons le cas suivant :

Monsieur X est l’actionnaire majoritaire (avec 51 %


des actions) d’une société A, qui elle-même
détient 51 % d’une société B, qui détient 51 % d’une
société C, qui détient  51  % d’une société D, le
pourcentage d’intérêts de Monsieur X dans la
société D est égal
à 0,51 × 0,51 × 0,51 × 0,51 = 0,0676 soit 6,76 %. Ce
n’est pas beaucoup ! En revanche, en passant par A,
B et C, il contrôle  51  % de la société D. On
comprend que des montages de ce genre aient pu
être réalisés. Mais il faut trouver les minoritaires
qui ont confiance en vous et ce n’est pas sans
risque.
Classification des sociétés membres
du groupe
Les IFRS comme les normes françaises distinguent
trois types de participations selon la nature du
contrôle exercé.

Les filiales (subsidiaries)


Ce sont des sociétés sur lesquelles la société mère
exerce un contrôle (qualifié d’exclusif dans les
normes françaises).

Le calcul du pourcentage de contrôle permet de


déterminer si la société mère détient cette majorité
des droits de vote, directement ou indirectement,
par l’intermédiaire d’autres filiales, sauf si dans
des circonstances exceptionnelles, il peut être
clairement démontré que cette détention ne permet
pas le contrôle.

Le contrôle sur une filiale existe également lorsque


la mère, détenant la moitié ou moins de la moitié
des droits de vote d’une entreprise, se trouve dans
l’une des situations suivantes :

• Elle dispose du pouvoir sur plus de la moitié


des droits de vote en vertu d’un accord avec
d’autres investisseurs.
• Elle dispose du pouvoir de nommer ou de
révoquer la majorité des membres du conseil
d’administration ou de l’organe de direction
équivalent.

• Elle peut réunir la majorité des droits de vote


dans les réunions du conseil d’administration
ou de l’organe de direction équivalent.

• Elle dirige les politiques financière et


opérationnelle de l’entreprise en vertu des
statuts ou d’un contrat.

Les participations dans les co-entreprises


(joint-ventures)
Une co-entreprise est une entité dans laquelle deux
parties (les co-entrepreneurs) ou plus, conviennent
d’exercer une activité économique sous contrôle
conjoint. Le contrôle conjoint peut donc être défini
comme le partage du contrôle d’une entreprise
exploitée en commun par un nombre limité
d’associés ou d’actionnaires, de sorte que les
politiques financière et opérationnelle résultent de
leur accord. Dans la pratique, le contrôle conjoint se
manifeste généralement sous la forme de filiales
communes ou encore de sociétés en participation.
Les participations dans les entreprises
associées (influence notable)
Une entreprise associée (associated company en
anglais) est «  une entreprise dans laquelle
l’investisseur a une influence notable et qui n’est ni
une filiale ni une co-entreprise de l’investisseur ».
L’influence notable est «  le pouvoir de participer
aux décisions de politique opérationnelle et
financière de l’entreprise détenue, sans toutefois
exercer un contrôle sur ces politiques  ». Elle est
présumée lorsque l’investisseur détient
directement ou indirectement au moins  20  % des
droits de vote de l’entreprise visée.

Autres cas
Le dernier type de relation que l’on peut qualifier
de participation «  simple  », correspondant à des
titres de sociétés dans lesquels le groupe n’a même
pas d’influence notable, ne fait pas l’objet d’un
traitement particulier en consolidation. Ces titres
apparaîtront donc dans le bilan consolidé
exactement comme ils sont dans le bilan de la
société mère.

Le périmètre de consolidation
Le périmètre de consolidation inclut la société mère
ainsi que l’ensemble des sociétés à consolider. Il
s’agit des filiales (contrôlées exclusivement), des
co-entreprises (contrôlées conjointement) et des
entreprises associées (sous influence notable).

Les exceptions
Un seul cas d’exclusion du périmètre de
consolidation est rendu obligatoire par les IFRS  :
celui des sociétés dont le contrôle n’est que
temporaire car les participations ont été acquises et
détenues dans le seul but d’être revendues dans un
avenir proche (à condition que la direction puisse
prouver qu’elle a l’intention de céder la filiale dans
les douze mois et qu’elle cherche activement un
acheteur).

Dans la pratique, certaines sociétés sont parfois


exclues du périmètre de consolidation en raison de
leur petite taille et de leur impact non significatif
sur les états financiers consolidés.

Les principales étapes du


processus de consolidation
Première étape  : détermination du périmètre de
consolidation et de la méthode de consolidation à
appliquer pour chaque société retenue.

Deuxième étape : opérations de préconsolidation.

Ces opérations sont le plus souvent traitées


localement, c’est-à-dire au niveau des sociétés
concernées.

• Retraitement des comptes individuels des


sociétés retenues dans le périmètre pour les
rendre homogènes entre eux en application des
principes et des méthodes retenus par le plan
comptable du groupe.

• Éventuellement conversion dans la monnaie


de la société mère des états financiers des
sociétés libellés en monnaies étrangères.

Troisième étape : opérations de consolidation.

• Établissement d’une balance cumulée des


comptes retraités.

• Élimination des comptes et opérations entre


sociétés (opérations internes au groupe). Seuls
sont retenus dans la consolidation les
opérations et les résultats réalisés avec les
sociétés extérieures au périmètre de
consolidation.

• Élimination des titres de participation dans les


sociétés du groupe et partage des réserves et
du résultat de chaque société entre le groupe et
les intérêts minoritaires.

Quatrième étape  : établissement des comptes


consolidés (bilan consolidé, compte de résultat
consolidé, tableau des flux de trésorerie consolidé,
tableau de variation des capitaux propres consolidé
et annexe consolidée).

Le document de référence des groupes dont la


société mère est cotée au CAC-40, et qui comprend
entre autres les comptes consolidés peut contenir
jusqu’à plus de 500 pages !

Les méthodes de consolidation


Les trois méthodes utilisées pour la construction
des comptes consolidés correspondent aux trois
types de relation entre deux sociétés décrites plus
haut :
Figure 3-1 Les trois méthodes de consolidation1

• L’intégration ou consolidation globale (full


consolidation en anglais), qui consiste à
intégrer (« ajouter ») les comptes de la filiale
dans ceux de la société mère, est la méthode la
plus importante.

• L’intégration ou consolidation
proportionnelle (proportional consolidation en
anglais) consiste à cumuler une partie
(proportion) des comptes de la société
concernée avec ceux de la société mère.

• La mise en équivalence (equity method en


anglais) est une méthode qui consiste, non pas
à cumuler les actifs et les dettes, mais
seulement à réévaluer – dans les comptes de la
société mère – les titres de la société dans
laquelle est exercée une influence notable.

Méthode de l’intégration
globale
Cas pratique : intégration globale
d’une filiale qui vient d’être créée
Le principe est le suivant : les titres de la filiale, qui
figurent dans l’actif du bilan de la société mère,
sont remplacés dans le bilan consolidé par
l’intégralité de son actif et de son passif. La
différence éventuelle entre le coût d’acquisition des
titres à leur valeur nominale de la société
consolidée et la part de son actif net revenant au
groupe lors de la première consolidation fait partie
des capitaux propres consolidés. La part de l’actif
net non détenue correspond aux intérêts
minoritaires, inscrits au passif du bilan consolidé.

La société M, en vue de réorganiser ses activités, a


créé le  1er janvier N une filiale F dont elle a
souscrit 90 % des titres pour 900 000 €. Il n’y a pas
eu d’opérations entre les deux sociétés. Les clôtures
des exercices de la société mère et de sa filiale ont
lieu à la même date (31 décembre). On suppose que
la filiale a une valeur égale à ses capitaux propres.

Les montants sont exprimés en milliers d’euros.


Figure 3-2 Bilans de la mère M et de sa filiale F

Les étapes de la consolidation sont les suivantes :

a) Première phase : cumul des bilans

Figure 3-3 Bilan cumulé des deux sociétés


b) Deuxième phase : répartition des capitaux
propres cumulés entre la société mère et les
intérêts minoritaires en fonction du
pourcentage d’intérêt.
Soit 90 % de 1 600 = 1 440 pour M.

10 % de 1 600 = 160 pour les autres associés.

Figure 3-4 Bilan cumulé des deux sociétés

Malgré la détention de  90  % des titres,


l’intégration des actifs et des dettes de F est
réalisée sur la base de  100  % de leur valeur car M
détient un contrôle exclusif dans F.

c) Troisième phase : élimination des titres de


participation

Quote-part des capitaux propres de la filiale représentée par les titres de 1


participation y compris le résultat : 440

- Valeur comptable des titres de participation -


900

Différence 540

Cette différence de 540 correspond à :  


– Quote-part de résultat de F revenant à M (90 % de 100) 90

– Réserves consolidées (90 % de 500) 450

Ce montant de  450  représente la quote-part de M


dans les réserves accumulées des exercices depuis
la date d’acquisition.

On obtient alors le bilan suivant :

Figure 3-5 Bilan consolidé MF

Les sociétés M et F avaient, par ailleurs, les


comptes de résultat suivants pour l’exercice N :
Figure 3-6 Comptes de résultat des sociétés M et F (en milliers d’euros)

Le processus de consolidation consiste, comme


pour le bilan, à cumuler les comptes des deux
sociétés M et F, à éliminer les éventuelles
opérations internes au groupe, puis à mettre en
évidence la part du résultat de la filiale (ici  90  %)
qui s’adresse aux actionnaires de la société mère et
la part du résultat (ici  10  %) affectée aux
minoritaires.

Figure 3-7 Compte de résultat consolidé MF (en milliers d’€)


Méthode de la mise en
équivalence
La méthode de la mise en équivalence est utilisée
pour évaluer :

• les titres des sociétés sur lesquelles le groupe


exerce une influence notable, ces sociétés étant
dénommées sociétés « associées » ;

• les titres des sociétés sous contrôle conjoint ;


cette méthode remplace dans les sociétés
cotées l’intégration proportionnelle, option qui
était possible avant 2014 dans les normes IFRS.

Cette méthode consiste à remplacer les titres de


participation évalués au coût d’acquisition dans le
bilan de la société consolidante, par les titres mis
en équivalence évalués à la quote-part des capitaux
propres qu’ils représentent.

La part de la société consolidante dans le résultat


de la société ainsi mise en équivalence figure
séparément dans le compte de résultat consolidé
sous la rubrique «  Quote-part dans les résultats
des sociétés mises en équivalence ».

En fait, la mise en équivalence ne constitue pas


vraiment une méthode de consolidation puisqu’il
n’y a pas intégration des actifs, passifs, charges et
produits dans les comptes consolidés. Il s’agit
plutôt d’une méthode particulière de réévaluation
des titres de participation dans les sociétés où la
société mère exerce une influence notable.

Reprenons l’exemple de la société M précédemment


utilisé pour illustrer la méthode de l’intégration
globale. Admettons, ce qui serait faux en réalité,
que la société M n’a qu’une influence sur la société
F (bien qu’elle détienne  90  % des titres  !), le but
étant de comparer les deux méthodes.

Les montants sont exprimés en milliers d’euros.

Figure 3-8 Bilans des sociétés M et F


La méthode consiste simplement à comparer le
coût d’acquisition des titres F, soit  900  000  euros,
avec la valeur comptable de la quote-part qu’ils
représentent dans les capitaux propres de la société
F au  31/12/N. Ils apparaîtront alors dans le bilan
consolidé à cette valeur réévaluée. La contrepartie
dans les capitaux propres consolidés apparaîtra à la
fois dans les réserves, pour la partie correspondant
à la quote-part des réserves constituées
antérieurement à l’année N par la société F et
comme quote-part de résultat pour le groupe,
correspondant au résultat de l’année N.

Le coût historique étant de 900 et la quote-part de


capitaux propres égale à 90 % de 1 600, soit 1 440,
la réévaluation sera égale à 1 440 - 900 = 540. Cette
somme sera répartie pour  90  en quote-part de
résultat (90  % de  100) et le reste en réserves,
soit 450.

D’où le bilan consolidé de la page suivante :


Figure 3-9 Bilan consolidé MF

Vous remarquez que cette méthode intègre la


quote-part de résultat des sociétés mises en
équivalence dans le résultat net consolidé, sans
reprendre les actifs et dettes. S’il y a beaucoup de
sociétés en équivalence bénéficiaires, cela
augmente la rentabilité apparente du groupe sans
reprendre les dettes, ce qui peut influencer les
commentaires sur les ratios d’endettement du
groupe !

De même, dans le compte de résultat consolidé, il


n’y a pas d’impact sur les charges et produits mais
simplement une décomposition du résultat net
consolidé égal à 390 :

• dont résultat net/part du groupe = 300 ;

• dont résultat net attribuable aux


participations ne donnant pas le contrôle = 90.
C’est quoi le goodwill ?
Lorsque nous vous avons expliqué la méthode
d’intégration globale, nous avons pris l’exemple
simplifié d’une filiale créée par la mère avec un
coût des titres égal à leur valeur nominale. Nous
avons également repris tous les éléments de la
filiale à leur valeur comptable, faisant l’hypothèse
implicite que cela correspondait à leur vraie valeur.
C’était vraiment un cas particulier. Voyons
maintenant le cas beaucoup plus courant d’une
prise de contrôle d’une société préexistante, en
considérant qu’il faut prendre en compte la vraie
valeur des actifs, ce qu’on appelle la juste valeur
(fair value en anglais), y compris d’éléments qui ne
figurent pas dans le bilan de la filiale. En effet, le
prix payé pour les actions est souvent beaucoup
plus important que la quote-part des capitaux
propres qu’ils représentent. Le coût d’acquisition
ne tient pas seulement compte de la valeur
mathématique des titres mais de tout élément
supposé donner à l’acquéreur un avantage
particulier (plus-values latentes portant sur les
actifs  : intérêt stratégique, intérêt commercial,
fichier clients, brevets en cours de développement,
etc.).
Définitions : actifs nets
identifiables, écart
d’acquisition
IFRS  3  définit le goodwill (ou «  écart
d’acquisition  ») comme «  la différence entre le
coût d’acquisition des titres et la juste valeur des
actifs et passifs identifiables à la date
d’acquisition  ». Cela signifie que si le prix payé
dépasse tous les actifs moins les dettes réévalués,
tous à leur juste valeur, y compris par exemple des
actifs ou passifs qui n’étaient pas pris en compte
dans les comptes sociaux, le solde restant,
correspondant à un surprix payé, constitue un actif
incorporel, qualifié de goodwill.

Ainsi à la date de prise de contrôle :

Coût Actifs et dettes identifiables acquis (sur la


d’acquisition base de leur juste valeur)
=
+

Goodwill (solde résiduel)

Sa valeur sera revue à la fin de chaque période


comptable et il sera déprécié si nécessaire, suite à
la réalisation d’un test de dépréciation (impairment
test en anglais).
Cas pratique : les sociétés M
et E
La société M a acquis 90 % des actions de la société
E pour 3 500 000 € le 30 décembre N.

On suppose que, à la date d’acquisition, les


montants des actifs et des dettes de E qui figurent
dans les comptes individuels correspondent à leur
juste valeur, sauf un terrain inscrit pour 200 000 €
à l’actif qui est évalué à  700  000  €. Par ailleurs, la
société E a créé et développé une marque qui est
évaluée à 1 500 000 €.

Les bilans simplifiés de M et de E au  31/12/N sont


présentés dans les figures de la page suivante (les
montants sont exprimés en milliers d’euros) :

Figure 3-10 Bilan de la société M


Figure 3-11 Bilan de la société E

Étape 1 : détermination des actifs


et passifs de E à leur juste valeur
(en milliers d’euros)
Capitaux propres au bilan de E = 1 200 K€

+ Plus-value latente sur le terrain =  700  -  200  =


+ 500 K€

+ Valeur de la marque E : 1 500 K€

D’où le total des capitaux propres évalués à la juste


valeur = 3 200 K€

Étape 2 : détermination du goodwill


Goodwill

Prix d’acquisition des titres


- Quote-part détenue dans les capitaux propres
évalués à la juste valeur

Goodwill = 3 500 K€ - 90 % de 3 200 K€ = 620 K€

Étape 3 : répartition des capitaux


propres entre le groupe et les
intérêts minoritaires

Figure 3-12 Calcul des intérêts minoritaires

D’où le bilan consolidé de M + E :

Figure 3-13 Bilan consolidé ME


* 16  500  (M) +  2  700  (E) +  500  (réévaluation du
terrain).

Que devient le goodwill lors des consolidations


suivantes ?

Selon les normes IFRS, le goodwill est un actif


incorporel non amortissable mais devant faire
l’objet d’un test de dépréciation annuel (impairment
test en anglais), qui peut avoir pour conséquence
une dépréciation du goodwill.

En France, depuis  2016, suite à la transposition


d’une directive européenne, l’écart d’acquisition ne
peut plus, sauf exceptions, être amorti et doit aussi
faire l’objet d’un test de dépréciation annuel.

Comment lire et analyser les


comptes d’un groupe ?

Changement de périmètre de
consolidation
Plusieurs choses sont à savoir. Un groupe est
constitué de plusieurs sociétés, voire des centaines,
dans des pays différents, avec des modes de
comptabilisation différents, dans des monnaies
différentes. De plus, chaque année, de nouvelles
sociétés peuvent avoir été intégrées dans le groupe,
d’autres ont pu en sortir  ! Le périmètre de
consolidation peut être différent chaque année !

Comme il est obligatoire de pouvoir comparer les


comptes consolidés au cours de deux exercices
successifs, en cas de modification de périmètre, il
faut réaliser des comptes pro forma, c’est-à-dire
modifier les comptes de l’an passé en les
présentant comme si le périmètre de l’an passé
avait été le même que cette année. Il ne faut donc
pas s’étonner si dans une plaquette publiée pour
l’exercice N, le comparatif de l’exercice N - 1 n’est
plus le même que les comptes publiés un an plus
tôt pour l’exercice N - 1.

L’harmonisation des comptes


Sans rentrer dans les détails, nous rappelons
simplement ici les notions les plus importantes.

• Homogénéité dans les méthodes d’évaluation


utilisées par les différentes sociétés avec
retraitement éventuel des comptes individuels
de chaque entreprise pour les rendre
conformes aux règles retenues pour les
comptes consolidés (IFRS par exemple).

• Application du principe d’importance relative.


Les évaluations doivent être faites selon des
méthodes homogènes sauf si les retraitements
nécessaires sont de coût disproportionné et
d’incidence négligeable sur le patrimoine, la
situation financière et le résultat du groupe.

• Permanence dans les méthodes d’évaluation.


D’après le Code de commerce, les méthodes
d’évaluation ne peuvent être modifiées d’un
exercice à l’autre (sauf changement
exceptionnel dans la situation de l’entreprise).
Les éventuelles modifications sont décrites et
justifiées dans l’annexe. Afin d’assurer la
comparabilité des comptes consolidés, il
convient d’indiquer dans l’annexe l’incidence
des modifications sur le résultat consolidé ou
les capitaux propres.

• Information dans l’annexe sur les méthodes


d’évaluation : doivent être en particulier
mentionnées toutes différences avec les
comptes individuels et toutes dérogations aux
principes comptables pour obtenir une image
fidèle.
• Prédominance de la substance économique sur
l’apparence juridique : en cela, la
normalisation française se rapproche des IFRS
dominées par ce principe d’origine anglo-
saxonne.

Retraitements d’homogénéité
Généralités
Il peut arriver que les sociétés du groupe
n’appliquent pas les mêmes méthodes
d’évaluation, pratiquent des politiques
d’amortissement ou de provision différentes pour
des raisons fiscales par exemple, ou en raison de
contraintes juridiques particulières (filiales de pays
étrangers).

Il convient que dans les comptes consolidés tous les


éléments du bilan, d’où qu’ils viennent, soient
comptabilisés avec les mêmes méthodes
d’évaluation, par exemple les immobilisations, les
amortissements, les provisions et les dépréciations.
Autre exemple, les biens en location avec un
contrat de crédit-bail figurent dans les actifs
immobilisés (prééminence de la réalité
économique), alors qu’ils ne figurent pas à l’actif
mais seulement dans les charges, sous forme de
loyers, dans les comptes sociaux (aspect juridique
dominant).

Quelles que soient les méthodes d’amortissement


pratiquées dans les différentes sociétés du groupe,
les retraitements aboutissent à la même méthode
d’amortissement, sur les mêmes durées pour
chaque catégorie de biens, dans les comptes
consolidés.

Conversion des comptes de filiales


étrangères
Pour l’établissement des comptes consolidés, il est
nécessaire d’utiliser une seule et même monnaie
dite «  monnaie de présentation  » (celle utilisée
pour la tenue des comptes de la société mère le plus
souvent). Les filiales étrangères établissent leurs
comptes dans leur monnaie «  fonctionnelle  » qui
est le plus souvent leur monnaie locale ou une
autre, plus internationale, dans les pays à très forte
inflation. Il convient alors de traduire leurs
comptes dans la monnaie utilisée pour les comptes
consolidés.

Pour convertir les états financiers des entités


étrangères, autrement dit pour passer de la
monnaie fonctionnelle des filiales à la monnaie de
présentation des comptes consolidés, il faut
appliquer la méthode du cours de clôture, c’est-à-
dire convertir :

• les actifs et passifs au cours de clôture ;

• les capitaux propres au cours historique ;

• les produits et charges au cours du jour de la


transaction ou au cours moyen si cette
approximation est raisonnable.

L’écart de conversion qui résulte de l’utilisation de


taux différents (pour les éléments du compte de
résultat et ceux du bilan) est comptabilisé
directement dans les capitaux propres, de sorte que
le résultat au bilan soit le même que celui du
compte de résultat.

Élimination des opérations internes


au groupe
Au moment de la consolidation, l’élimination des
opérations réalisées entre sociétés consolidées a
pour but de ne faire apparaître que les opérations et
les résultats effectués avec des entreprises
extérieures à l’entité formée par l’ensemble des
sociétés composant le groupe. On peut distinguer
les éliminations selon qu’elles n’affectent ni la
situation nette consolidée ni le résultat consolidé,
ou au contraire qu’elles affectent soit la situation
nette (avant résultat) soit le résultat consolidé.

Exemples d’éliminations sans effet sur la


situation nette ou le résultat

• Au bilan sont éliminées créances et dettes


réciproques entre sociétés intégrées, quelle que
soit la nature de ces créances et dettes : clients
et fournisseurs, prêts et emprunts, etc. Après
cumul des bilans, créances et dettes
réciproques sont diminuées du même montant.

• Au compte de résultat sont éliminés produits et


charges réciproques, et en particulier les
achats et les ventes. Après cumul des comptes
de résultat, produits et charges concernés sont
diminués du même montant.

• Les engagements donnés ou reçus entre


sociétés consolidées sont également éliminés
pour ne laisser apparaître que les engagements
donnés ou reçus à l’égard des tiers (extérieurs
au périmètre de consolidation).
Les sociétés A et B sont deux filiales incluses dans
le périmètre de consolidation du groupe X.

Les éléments suivants (figures  3-14  et  3-15) sont


extraits de leurs comptes individuels au 31/12/N.

Figure 3-14 Bilans

Figure 3-15 Comptes de résultat

Dans le bilan consolidé du groupe X, tous les


montants indiqués ci-dessus sont éliminés.

• Les emprunts et prêts sont « réciproques » :


les montants ne doivent plus apparaître dans
le bilan consolidé car ils ne sont pas
représentatifs d’actifs ou de passifs financiers
vis-à-vis de partenaires extérieurs au groupe
constitué par les sociétés X, A et B.

• Les créances et les dettes d’exploitation sont


ici aussi « réciproques ».

Il en est de même dans le compte de résultat


consolidé du groupe X.

• Les charges et les produits ont été réalisés


entre sociétés du même groupe et, comme ils
sont d’un même montant, il n’y a pas d’impact
sur le résultat consolidé. Mais leur élimination
est importante car, si elle n’était pas effectuée,
des indicateurs de l’activité du groupe comme
le chiffre d’affaires consolidé seraient
surévalués. En conséquence, des ratios de
mesure de la performance, tels que la marge
d’exploitation (résultat d’exploitation rapporté
au chiffre d’affaires), pourraient être faussés.

Exemples d’éliminations d’opérations ayant eu une


incidence sur le résultat de sociétés du groupe,
mais dont l’impact sur le résultat du groupe doit
être nul, ces opérations étant restées à l’intérieur
du périmètre de consolidation.

• Dividendes reçus par la mère et provenant de


ses filiales : les dividendes reçus par une
société mère au cours d’un exercice N
proviennent principalement des répartitions de
bénéfices de ses filiales au titre de l’exercice
N - 1. Il en a déjà été tenu compte dans le
résultat consolidé de l’exercice N - 1, au titre
des quotes-parts des résultats des filiales. Il ne
serait pas normal que ces sommes servent une
deuxième fois à majorer le résultat du groupe
de l’année N. Les produits financiers de
l’exercice N sont donc diminués par virement
aux réserves consolidées, et ainsi n’alimentent
pas le résultat de l’année N.

• Résultats compris dans le stock provenant de


sociétés du groupe : en principe, les bénéfices
réalisés par une société du groupe grâce aux
ventes à une autre société du groupe ne sont
pas réalisés au niveau du groupe tant que les
stocks concernés ne sont pas sortis du
périmètre de consolidation. Ces « profits
internes » sur stocks doivent donc être
éliminés.

• Plus-values sur cessions internes


d’immobilisations : ces plus-values sont
éliminées, ce qui implique que, dans le bilan
consolidé, les immobilisations concernées
figurent pour le coût qu’elles auraient eu dans
la société membre du groupe qui les a vendues
à une autre société du groupe.

Présentation de quelques lignes


du bilan et du compte de
résultat, caractéristiques des
comptes d’un groupe
Nous ne présenterons ici que les aspects spécifiques
du bilan et du compte de résultat consolidés.

Le bilan consolidé
Les postes spécifiques du bilan consolidé sont
notamment les suivants :

• dans l’actif non courant ou immobilisé :

• le goodwill (écart d’acquisition) ;

• les titres mis en équivalence.

• dans les capitaux propres :


• les réserves de la société mère et les
réserves de consolidation, soit les parts
dans les résultats des sociétés
consolidées depuis leur première
consolidation et non distribués, après
retraitements ;

• le résultat de l’exercice qui est le


résultat de la société mère augmenté de
sa part dans le résultat réalisé par les
entreprises consolidées.

• les « autres capitaux propres » : parmi ceux-


ci, on peut citer : les écarts de conversion
(poste lié à la conversion des comptes de
filiales étrangères) ; les titres de l’entreprise
consolidante, en diminution des capitaux
propres, pour la part que le groupe détient
dans les actions de la société mère.

• les intérêts minoritaires : ceux-ci regroupent


la part des minoritaires dans les capitaux
propres (y compris le résultat) des sociétés
consolidées.

Le compte de résultat
consolidé
Dans celui-ci, on distingue en particulier les
informations suivantes :

• le résultat des entreprises intégrées (société


mère plus sociétés intégrées selon la méthode
globale et éventuellement proportionnelle) ;

• le résultat des entreprises mises en


équivalence (quote-part revenant au groupe) ;

• le résultat consolidé de l’ensemble ventilé en :


• part du groupe dans le résultat,

• part des minoritaires dans le résultat.


Retenez l’essentiel

• La consolidation est la technique


comptable qui permet de présenter les
comptes d’un groupe.

• La construction des comptes consolidés est


basée non pas sur la notion de pourcentage
d’intérêt mais sur la notion de pourcentage
de contrôle.

• En IFRS, on distingue quatre types de


participation de la maison mère dans
chacune des sociétés d’un groupe.

• La société peut être une filiale en cas de


contrôle exclusif de la maison mère, une
entreprise associée en cas d’influence
notable, une co-entreprise si le contrôle est
conjoint avec la maison mère d’un autre
groupe ou simplement une participation.

• Le périmètre de consolidation inclut la


maison mère et l’ensemble des sociétés à
consolider.

• Il existe principalement deux méthodes de


consolidation : l’intégration globale pour les
filiales, la mise en équivalence pour les
entreprises associées et les co-entreprises
(l’intégration proportionnelle pour les co-
entreprises a été supprimée le  1er
janvier 2014 par la norme IFRS 11).

• Le goodwill ou écart d’acquisition se définit


comme l’écart entre le coût d’acquisition des
titres d’une filiale et leur juste valeur définie
par les actifs et les dettes réévalués.

• Le goodwill est évalué chaque année et


peut être déprécié en application de la
méthode de l’impairment test (test de
dépréciation).

• L’analyse des comptes consolidés d’un


groupe et la lecture de l’annexe font appel à
des notions spécifiques comme le
changement de périmètre de consolidation,
l’harmonisation des comptes, les
retraitements d’homogénéité, etc.

1  La méthode de l’intégration proportionnelle a été supprimée par la norme


IFRS 11, applicable depuis le 1er janvier  2014  en Europe. En revanche, cette
méthode reste applicable dans le référentiel français pour les sociétés non
cotées en Bourse.
Partie 2
La performance financière de
l’entreprise
Dans cette partie…

Ayant étudié dans les chapitres précédents les


principaux concepts liés à l’information comptable,
vous allez pouvoir découvrir et approfondir
maintenant les facteurs-clés de succès de la
finance d’entreprise.

Dans le chapitre 4, vous allez passer de


l’information comptable produite par les états
annuels à la vision financière nécessaire pour
comprendre les indicateurs-clés de la performance
financière développés au chapitre 5.

La création de valeur est une notion souvent mise


en avant par le directeur financier dans les
assemblées générales d’actionnaires. Nous
définirons son concept, son calcul et ses
implications au chapitre 6.

Le chapitre 7 présentera l’autre versant de la


gestion financière : la génération d’une trésorerie
suffisante permettant de faire face aux besoins
induits par le développement futur de l’entreprise,
mais aussi à ceux consécutifs aux décisions
financières antérieures.
Nous y examinerons les indicateurs-clés régissant
la trésorerie. L’aide à la décision d’investir fait aussi
partie du rôle du financier : le
chapitre 8 présentera les différentes méthodes
permettant d’objectiver cette décision.

Enfin, que montrent les états financiers à une


personne extérieure (actionnaire, banquier) à
l’entreprise ? Quels sont les ratios qui permettent
d’analyser la liquidité, la solvabilité et aussi le
rendement de l’action si elle est cotée en Bourse ?

C’est l’objet du chapitre 9.


DANS CE CHAPITRE
Le calcul de la performance : une fusée à 5 étages

Une star méconnue : le besoin en fonds de roulement !

Du bilan comptable au bilan financier : les huit bilans


financiers types

L’entreprise vue comme une machine à faire du cash

Chapitre 4
De la vision comptable à la
vision financière
L ’entreprise est un système qui délivre à ses
clients des marchandises ou des prestations de
service moyennant un prix compétitif par rapport à
la valeur apportée au client.
Ceci nécessite au niveau financier :

• un processus performant à un coût inférieur


au prix de vente afin de dégager un résultat ;

• des ressources financières permettant de faire


face aux besoins financiers de l’entreprise ;

• un flux de trésorerie positif, généré par le


résultat « arrosant » tous les intervenants
dans l’entreprise (stakeholders en anglais).

À l’issue des chapitres précédents, vous connaissez


l’essentiel des éléments comptables vous
permettant maintenant de lire un compte de
résultat et un bilan. Le but principal de ce chapitre
est de faire le lien entre ces tableaux comptables et
la gestion financière de l’entreprise.

Le calcul de la performance :
une fusée à cinq étages
Commençons par le compte de résultat et voyons
comment on peut en tirer les informations
nécessaires à la gestion financière.

Du compte de résultat
« naturel » au compte de
résultat « fonctionnel »
Le compte de résultat, développé au chapitre  2,
calcule un résultat net d’impôt sur les bénéfices en
montrant les différents produits et charges par
nature  : ventes de marchandises, produits
financiers, achats de marchandises, salaires,
charges sociales, etc.

Figure 4-1 Le compte de résultat par nature

Nous proposons de le transformer afin de mettre en


évidence l’impact et la performance des différentes
fonctions de l’entreprise.
• La fonction « achats et/ou production » :
pour mettre en évidence un profit brut par
différence entre les ventes et le coût des
marchandises (et produits finis) vendus.

• La fonction « vente et administration » : qui


permettra de définir un résultat dit
opérationnel.

• Les événements « non récurrents » : qui


dégagent un résultat exceptionnel positif ou
négatif.

• La fonction finance : qui montre l’impact des


décisions financières en termes de charges et
produits financiers.

Le résultat net se calcule après impôt sur les


bénéfices. Après décision des associés, le résultat
est réparti entre les dividendes versés et
l’allocation aux réserves et au report à nouveau.

La figure  4-2  donne un exemple de compte de


résultat fonctionnel calculé sur celui imposé par les
normes comptables US-GAAP et IFRS.
Figure 4-2 Exemple de compte de résultat par fonction1

• La société X ne produit pas : elle achète et


revend des marchandises.

• Les charges opérationnelles ne distinguent


pas les charges liées aux ventes (selling
expenses en anglais) des charges générales et
administratives (general and administrative
expenses en anglais). La dotation aux
amortissements figure en (*) car, bien
qu’intégrée dans les charges opérationnelles
(sous forme d’amortissement du matériel et
mobilier de bureau), elle doit faire l’objet d’un
traitement spécifique pour le calcul des flux de
trésorerie. C’est, en effet, une charge calculée,
mais non décaissée.

• La société X n’a pas eu, au cours de l’exercice,


de charges et produits non récurrents, comme
la revente d’actif immobilisé ou une fermeture
d’établissement.

La fusée à 5 étages

Figure 4-3 La fusée à 5 étages


On voit ainsi que le compte de résultat de la
figure  4-2  se bâtit comme des poupées russes ou
comme une fusée à 5 étages :

• les ventes qui sont le premier facteur


générateur de performance ;

• le résultat brut après déduction de coût des


ventes (gross profit en anglais) ;

• le résultat opérationnel après déduction des


autres charges opérationnelles (Earnings Before
Interest and Taxes : EBIT en anglais) ;

• le résultat avant impôt sur les bénéfices


(Earnings Before Tax : EBT en anglais) ;

• le résultat net (Net Income : NI en anglais).

Impôt à tous les étages


L’impôt sur les bénéfices figure à la dernière ligne
du compte de résultat pour calculer le résultat net.
Or, il est plus pertinent de calculer son impact au
niveau de chaque fonction :

• la fonction opérationnelle ;

• la fonction exceptionnelle ;

• la fonction financière.
Le tableau ci-dessous fait ce calcul et met en
évidence plusieurs éléments.

L’impact de l’impôt sur les bénéfices sur le résultat


opérationnel donne naissance au résultat
opérationnel net (Net Operating Profit After Tax  :
NOPAT en anglais).

Le résultat exceptionnel est lui aussi calculé après


impôt (avec parfois, dans certains pays, un taux
d’impôt différent du taux appliqué au résultat
opérationnel).

Le résultat financier est souvent négatif, car les


charges financières sur les emprunts sont souvent
plus importantes que les revenus financiers sur les
dépôts et les prêts. L’impact de l’impôt sur les
bénéfices crée donc un crédit d’impôt s’imputant
sur l’impôt sur les résultats opérationnel et
exceptionnel pour former l’impôt sur les bénéfices
au niveau de l’entreprise.

De ce fait, les charges financières après impôt


(FINancial EXPenses After Tax FINEXPAT en anglais)
coûtent moins cher à l’entreprise.

La partie supérieure du tableau ci-dessous montre


la décomposition par fonction à partir du résultat
opérationnel. La partie inférieure permet la
reconnexion avec le résultat net.

Figure 4-4 Impact de l’impôt sur les bénéfices par fonction

La figure  4-5  montre le calcul fonctionnel de la


performance de l’entreprise nette d’impôt dont le
compte de résultat apparaît dans la figure 4-2.

La première étape consiste à calculer le taux réel de


l’impôt sur les bénéfices.

Dans l’exemple, il n’y a pas d’événements


exceptionnels, donc le taux d’impôt global est
applicable à la fois au résultat opérationnel et aux
charges financières.
Le taux d’impôt global = impôt sur les
bénéfices/résultat avant impôt =  60/151 =  39,7  %
(Les calculs sont en milliers d’euros arrondis à la
première décimale.)

L’impôt sur le résultat opérationnel est


de 210 × 39,7 % = 83,4

Le résultat opérationnel net est donc


de 210 - 83,4 = 126,6

Les charges financières sont de 59 avant impôt :

Comme ce sont des charges déductibles de l’impôt


sur les bénéfices, elles entraînent l’équivalent d’un
crédit d’impôt sur le résultat global
soit 59 × 39,7 % = 23,4

En fait, l’impact réel des charges financières pour


l’entreprise est de  59  -  23,4 =  35,6  (alors que
l’entreprise a payé 59 à ses banquiers).

Le résultat net récurrent (qui est aussi le résultat


net global puisqu’il n’y a pas d’événements
exceptionnels) est de 126,6 - 35,6 = 91

L’impôt global sur les bénéfices est


de 83,4 - 23,4 = 60
Figure 4-5 Exemple d’impact de l’impôt sur les bénéfices par fonction

Un peu de vocabulaire anglais


Vous avez remarqué que je donne souvent
l’équivalent anglo-saxon de certains concepts.

Il ne faut pas y voir un amour exacerbé pour la


civilisation anglo-saxonne, mais la finance
d’entreprise s’est beaucoup développée aux États-
Unis et a généré de nouveaux termes et acronymes
dont parfois la traduction française est inexistante
ou approximative.

J’ai donc décidé de garder parfois le terme anglo-


saxon pour vous permettre de ne pas être perdu à la
lecture d’ouvrages financiers en anglais ou lors de
réunions avec des «  financiers  » dans des
entreprises internationales.

Une star méconnue : le besoin


en fonds de roulement !
Dans ce paragraphe, nous allons analyser le bilan
dans une optique financière, afin de mieux cerner
les notions d’équilibre financier et de liquidité. Et
nous allons découvrir le rôle déterminant, en
finance d’entreprise, d’un concept fondamental  :
« le besoin en fonds de roulement ».

D’abord un retour historique


sur la notion de fonds de
roulement
Faisons un peu d’histoire pour mieux comprendre
les termes et concepts actuellement utilisés. Dans
le chapitre  2, nous avons vu que le bilan
comprenait deux parties d’un égal montant, l’actif
et le passif. L’actif comprend traditionnellement
deux parties principales  –  l’actif immobilisé et
l’actif circulant  –  tandis que le passif comprend
principalement les capitaux propres, les dettes
financières et le passif circulant. Historiquement,
c’est-à-dire jusque dans les années 1960, on disait
que l’actif circulant avait dans l’ensemble une
durée inférieure à un an (principalement les stocks,
les créances clients, les autres créances
d’exploitation, et même les postes de trésorerie (en
particulier Valeurs mobilières de placement,
Banque, Caisse). De même on disait que le passif,
autre que les capitaux propres et les dettes à long et
moyen terme, était d’une durée inférieure ou égale
à un an.

L’actif circulant comprenant les postes de


trésorerie et le passif circulant comprenant
également les dettes financières à court terme, la
différence «  Actif circulant  -  Passif circulant  »,
quand elle était positive, signifiait que l’actif
circulant (donc à court terme) était plus que
suffisant pour payer les dettes à court terme du
Passif circulant.

C’est pourquoi cette différence a été qualifiée de


«  fonds de roulement  » (working capital en
anglais) positif quand l’actif circulant était
supérieur au passif circulant.

En revanche, on s’est aperçu que pour un même


fonds de roulement, certaines entreprises avaient
une trésorerie excédentaire, alors que d’autres
manquaient de trésorerie. Pour expliquer ce
phénomène, une autre notion s’avère nécessaire.

On a donc isolé la trésorerie positive (Valeurs


mobilières de placement, Banque, Caisse) de l’actif
circulant et la trésorerie négative (les dettes
financières à court terme) du passif circulant. Le
reste a été appelé le «  besoin en fonds de
roulement  » (working capital requirement en
anglais).

Ainsi, pour un fonds de roulement donné, la


trésorerie restante (Valeurs mobilières de
placement, Banque, Caisse diminuée des dettes
financières à court terme) appelée «  trésorerie
nette  » (net cash position en anglais) dépend du
besoin en fonds de roulement.

Que contient le besoin en


fonds de roulement ?
Si on retire de l’actif circulant la trésorerie positive,
il reste les stocks, les créances clients, les autres
créances d’exploitation. Si on retire du passif
circulant, il reste les dettes d’exploitation dont les
dettes fournisseurs.
Le besoin en fonds de roulement est donc la
différence entre les stocks, les créances clients et
autres créances d’exploitation et les dettes
fournisseurs et autres dettes d’exploitation.

Besoin en fonds de roulement

stocks + créances clients + autres créances


d’exploitation - dettes fournisseurs - autres
dettes d’exploitation

En quoi le besoin en fonds de


roulement est-il un
« besoin » ?
Prenons les postes qui le composent :

• Les stocks ? Une entreprise doit, pour vendre,


avoir des marchandises à proposer et à livrer
rapidement. Ces marchandises doivent avoir
été achetées préalablement et peut-être
payées.

• Les créances client ? Après avoir été vendues,


les marchandises seront peut-être payées plus
tard, selon les conditions de ventes accordées
par l’entreprise.

• Les autres créances d’exploitation ?


L’entreprise est peut-être en attente du
remboursement d’un crédit de TVA ou d’impôt
sur les bénéfices.

Ces trois postes représentent une «  attente  » de


trésorerie qui est donc « manquante ».

• Les dettes fournisseurs ? l’entreprise paie ses


fournisseurs en fonction des conditions de
paiement accordées.

• Les autres dettes d’exploitation ? L’entreprise


paie les salaires, les charges sociales, les
impôts et taxes selon un planning.

Ces deux postes représentent une trésorerie


«  encore présente  », puisqu’elle n’est pas encore
utilisée pour payer les dettes.

Au total le besoin en fonds de roulement se définit


par de la trésorerie «  manquante  » moins de la
trésorerie « encore présente ».

• Si le besoin en fonds de roulement est positif,


la trésorerie manquante est supérieure à la
trésorerie encore présente : il y a donc un
besoin de trésorerie.

• Si le besoin en fonds de roulement est négatif,


la trésorerie manquante est inférieure à la
trésorerie encore présente : il y a un excédent
de trésorerie « encore » présente.

Le besoin en fonds de roulement


est un besoin de trésorerie
Les stocks se renouvellent chaque jour pour faire
face aux ventes, les créances clients s’encaissent
mais de nouvelles ventes créent de nouvelles
créances clients, les dettes-fournisseurs se paient
mais de nouveaux achats génèrent de nouvelles
dettes-fournisseurs.

Le besoin en fonds de roulement (positif ou


négatif) est donc permanent.

Une autre façon d’aborder le


besoin en fonds de roulement
Une autre façon  –  peut-être plus pédagogique  –
  d’aborder le besoin en fonds de roulement est de
prendre l’exemple du sort d’une marchandise en
fonction du temps (on oublie dans cette
présentation les autres créances et dettes
d’exploitation).

Une marchandise est d’abord livrée, puis vendue et


enfin son prix de vente est encaissé. Parallèlement,
la marchandise livrée est payée au fournisseur. On
voit donc que si le paiement au fournisseur se fait
avant l’encaissement de la vente au client, il y a un
manque de trésorerie.

Au contraire, si l’encaissement de la vente se fait


avant le paiement de la dette au fournisseur, il y a
un excédent de trésorerie présente.

Les situations dépendent donc de l’écoulement des


stocks, des conditions de règlement des clients et
des fournisseurs.

Ainsi, une entreprise, qui fait «  tourner  »


rapidement ses stocks, qui vend au comptant ses
marchandises, mais qui paie ses fournisseurs à
deux ou trois mois, peut avoir un besoin en fonds
de roulement négatif et donc une trésorerie
excédentaire permanente.

Au contraire, une jeune entreprise, qui est obligée


pour des raisons commerciales d’avoir un stock
permanent de marchandises, dont les conditions de
paiement client sont de deux mois et dont les
fournisseurs imposent du fait de sa «  jeunesse  »
un règlement comptant (ou même d’avance), a un
besoin en fonds de roulement positif, donc un
besoin permanent de trésorerie.

Figure 4-6 Représentation temporelle du besoin en fonds de roulement

Les fluctuations du besoin en


fonds de roulement
Nous avons vu que chaque jour les stocks tournent,
que les ventes s’encaissent, que les achats se
paient. Le besoin en fonds de roulement se
renouvelle tous les jours en fonction des ventes, des
achats et des encaissements et décaissements. On
dit qu’il fluctue autour d’une valeur pivot
déterminée par le délai moyen de rotation des
stocks et les conditions de paiement des clients et
des fournisseurs.

Figure 4-7 Les fluctuations du besoin en fonds de roulement

Mais cette valeur pivot n’est pas fixe.

En effet, reprenons la définition du besoin en fonds


de roulement en se cantonnant aux trois postes  :
stocks, clients et fournisseurs.

Besoin en fonds de roulement


=

Stocks + Créances clients - Dettes fournisseurs

Toutes choses égales par ailleurs, rotation des


stocks et conditions de paiement, le besoin en
fonds de roulement est proportionnel aux ventes.

Plus l’entreprise vend, plus le stock pour faire face


est important, plus le niveau des créances clients
augmente, alors que les dettes fournisseurs
augmentent aussi, mais pas dans la même
proportion (du fait de la marge entre le prix d’achat
et le prix de vente).

Le besoin en fonds de roulement fluctue autour


d’une valeur pivot qui est liée au niveau des ventes.

La croissance des ventes entraîne :

• un besoin de financement, si le besoin en


fonds de roulement est positif.

• un excédent de trésorerie, si le besoin en


fonds de roulement est négatif.

Comment financer un besoin


en fonds de roulement
positif ?
Nous avons vu que le besoin en fonds de roulement
fluctue autour d’une valeur pivot. On peut
considérer que ces fluctuations sont financées par
de la trésorerie court terme  : facilité de caisse,
autorisation de découvert.

En revanche, qu’en est-il de la valeur pivot ? C’est


là où le concept de la partie double du bilan, vu au
chapitre 2, nous aide.

En effet :

Actif = Passif

Soit, en distinguant dans les dettes, les dettes


financières à long terme et les dettes à court terme.

Actif immobilisé + Actif circulant

Capitaux propres + Dettes financières à long


terme + Passif circulant

C’est-à-dire :

Actif circulant - Passif circulant

Capitaux propres + Dettes financières à long


terme - Actif immobilisé
Le fonds de roulement défini par  : Actif
circulant  -  Passif circulant, se calcule aussi (et
s’explique) par :

Capitaux propres + Dettes financières à long


terme - Actif immobilisé

On peut donc dire que les ressources financières de


l’entreprise servent à financer l’actif immobilisé et
le besoin en fonds de roulement. Le solde est la
trésorerie nette.

Figure 4-8 Construction du bilan financier

Le bilan comptable peut ainsi se transformer en un


bilan financier comportant deux côtés :
• À droite : les ressources financières de
l’entreprise en provenance des associés (ou
actionnaires), c’est-à-dire les capitaux propres
et des banques, c’est-à-dire les dettes
financières à long terme. Ces ressources sont
qualifiées de « stables » et sont appelées les
« capitaux permanents » (invested capital en
anglais).

• À gauche : les besoins financiers de


l’entreprise pour l’actif immobilisé et pour le
besoin en fonds de roulement. Ces besoins sont
aussi appelés « emplois » (capital employed en
anglais).

• La trésorerie nette est le solde entre les


ressources et les besoins.

C’est cette trésorerie nette qui absorbe les


fluctuations du besoin en fonds de roulement
positif.

Les  3  postes de gauche, ainsi que les  2  postes de


droite, se représentent en proportion du total à
droite et à gauche (sachant que les  2  totaux sont
par définition égaux).

L’analyse de la structure du bilan financier montre


aussi que :
Fonds de roulement (FR) - Besoin en fonds de
roulement (BFR)

Trésorerie nette (T NETTE)

Figure 4-9 Mise en évidence de la trésorerie nette

Que faire de la trésorerie


excédentaire quand le besoin
en fonds de roulement est
négatif ?
Prenons maintenant le cas d’un besoin en fonds de
roulement négatif.
L’entreprise a encaissé ses créances clients avant
même de payer ses fournisseurs. L’argent reçu des
clients servira à payer les fournisseurs et la TVA
collectée sur les ventes, le solde étant la marge de
l’entreprise. On voit donc que la trésorerie
excédentaire n’est que temporaire, sauf la marge,
car elle servira à régler des dettes à court terme.
C’est pourquoi, la trésorerie excédentaire (en
dehors de la marge) doit être maintenue telle quelle
(à la limite placée à court terme dans des actifs
financiers peu risqués) et non pas investie à long
terme dans des actifs immobilisés.

Le risque présenté par l’utilisation de ressources


court terme pour financer des actifs long terme est
appelé le risque d’appariement (matching risk en
anglais).

Nous avons vu plus haut que le renouvellement des


stocks, créances clients et dettes fournisseurs
créent une situation permanente autour d’une
valeur pivot. Mais cette valeur pivot est liée au
volume des ventes. On peut donc très bien imaginer
qu’une récession économique entraîne une baisse
drastique du volume des ventes et donc un
« assèchement » de la trésorerie.
Une stratégie financière prudente conduit le
directeur financier à ne pas investir à long terme
toute cette trésorerie excédentaire pour tenir
compte de ce risque économique (business risk en
anglais).

Figure 4-10 La nature financière d’une créance client

Cette transformation d’un bilan comptable en un


bilan financier nous a permis d’expliquer les rôles
du fonds de roulement et du besoin en fonds de
roulement. Elle s’avère aussi féconde pour analyser
les différentes situations financières dans
lesquelles une entreprise peut se trouver.

Nous en avons répertorié huit situations


caractéristiques.

Du bilan comptable au bilan


financier : les huit bilans
financiers types
Chaque situation est analysée en termes de forces,
de faiblesses et de risques financiers. Elles
constituent donc des modèles à suivre… ou à
éviter !

Le modèle idéal
Figure 4-11 Le modèle financier idéal

Ce modèle est appelé «  idéal  », car comme tout


idéal, ce n’est pas une situation réelle, mais un
objectif vers lequel il faut tendre. Il se caractérise
par l’absence de trésorerie nette.

La trésorerie nette positive résulte d’un excédent de


ressources financières qui ne sont pas gratuites. On
peut donc dire que la trésorerie nette positive coûte
sans rien rapporter et que sa minimisation est un
objectif à atteindre.

Le modèle classique à BFR


positif
Figure 4-12 Le modèle classique à BFR positif

Le modèle classique résulte d’une situation de


trésorerie positive afin d’absorber les fluctuations
du besoin en fonds de roulement positif et certains
décaissements non attendus. L’actif immobilisé net
et la valeur pivot du besoin en fonds de roulement
sont financés par des capitaux permanents.

Ce modèle présente un risque financier faible, dans


la mesure où les capitaux propres sont supérieurs
aux dettes bancaires à long terme.

Le modèle classique à BFR


négatif
Cette fois-ci, le besoin en fonds de roulement est
négatif. Il devient donc une ressource et il se
représente donc à la droite du bilan financier.

Comme nous l’avons vu plus haut, c’est


principalement une ressource à court terme, donc
risquée pour financer de l’actif immobilisé à long
terme. En revanche, en tant que ressource, elle ne
coûte rien puisqu’elle provient d’un crédit
fournisseur.

Le trésorier de l’entreprise, ou le directeur


financier, doit donc prendre en compte les
éléments suivants :

• Quelle est la part de cette trésorerie que l’on


peut considérer comme provenant de la marge
peut-être investie à long terme (afin d’éviter le
matching risk) ?

• Quelle est la part de cette trésorerie qui


pourrait disparaître en cas de récession
économique (ce qui pourrait créer un business
risk) ?

• Quel pourcentage de dettes fournisseurs


pourrait faire l’objet d’un escompte pour
paiement anticipé ? Ceci afin de réduire la
trésorerie excédentaire qui ne rapporte rien
tout en générant des produits financiers (un
paiement anticipé d’un mois avec un escompte
de 1 % rapporte du 12 % par an !).

Figure 4-13 Le modèle classique à BFR négatif

Le modèle « fat cash »


Pardonnez-moi cette métaphore, mais l’excès de
trésorerie (le cash), c’est un peu comme l’excès de
poids (et donc de graisse) qui nous rend moins
alerte et moins dynamique. En entreprise, il peut
arriver que ce soit une situation temporaire dans
l’attente, par exemple, de la réalisation d’un
investissement important.
Mais si c’est une situation permanente, il faut
réagir  : même si l’entreprise gagne de l’argent et
donc génère de la trésorerie, elle risque de
s’endormir sur ses lauriers si elle ne réinvestit pas
dans de nouveaux produits ou de nouveaux
marchés. Le réveil peut alors être douloureux.

La réponse dynamique est de se servir de cet excès


de cash pour :

• investir dans de nouveaux actifs (installations,


machines) qui permettront de gagner en
performance ;

• conquérir de nouveaux marchés qui doperont


les ventes et donc augmenteront le besoin en
fonds de roulement.

Une réponse plus «  pantouflarde  » serait de se


servir de la trésorerie pour rembourser une partie
de ses dettes bancaires à long terme. Mais cette
solution, valable si l’entreprise a un niveau de
dettes bancaires trop élevé qui compromettrait sa
solvabilité, entraîne une augmentation du coût de
ses ressources financières (Weighted Average Cost of
Capital : WACC en anglais).
Figure 4-14 Le modèle « fat cash »

Le modèle « cash overflow »


Le modèle «  cash overflow  » se caractérise aussi
par une trésorerie excédentaire comme le modèle
« fat cash », mais les solutions évoquées plus haut
ont déjà été utilisées (investissements de pointe,
conquête de nouveaux marchés, remboursement
des dettes bancaires à long terme…). Et le flux de
trésorerie (le fameux cash flow en anglais) continue
de nourrir une trésorerie nette (net cash position en
anglais) de façon pérenne.

Que faire ? Faut-il maintenir cette situation ?


Certaines entreprises, parmi les plus grandes dans
le monde, par le jeu de sociétés off shore, ont placé
ces excédents de trésorerie dans des paradis fiscaux
afin d’éviter une taxation dans leur pays d’origine
(c’est un compromis « destruction de valeur versus
évasion fiscale  »). Voilà pourquoi, un certain
président américain a proposé le rapatriement de
ces capitaux en échange d’une réduction d’impôt !

D’autres entreprises réduisent leur excédent de


trésorerie par un processus appelé en anglais buy
back et que l’on peut traduire par «  rachat et
élimination par l’entreprise de ses propres
actions ».

Nous verrons plus loin, dans le chapitre  5,


comment l’excédent de trésorerie «  tue  » (killing
effect en anglais) la rentabilité offerte par
l’entreprise aux actionnaires.

La technique de l’entreprise est donc de proposer,


aux actionnaires intéressés, de racheter à un prix
déterminé leurs actions en utilisant la trésorerie
excédentaire, puis d’éliminer ces actions des
capitaux propres du bilan (ce qui réduit le montant
des capitaux investis). Le résultat :
• soit l’actionnaire accepte l’offre et il reçoit en
échange le prix proposé, ce qui lui permet
d’investir dans d’autres actifs financiers plus
rentables ;

• soit l’actionnaire décline l’offre, mais dans ce


cas, la réduction des capitaux investis grâce
aux actionnaires ayant accepté l’offre, booste
leur rentabilité pour les actionnaires restants.

C’est donc une stratégie gagnant-gagnant !

Figure 4-15 Le modèle « cash overflow »

Le modèle « cash shortage »


Dans ce modèle, la trésorerie nette est négative : de
façon permanente, les comptes bancaires de
l’entreprise sont dans « le rouge » créant ainsi un
risque de liquidité (liquidity risk en anglais), c’est-
à-dire le risque de ne pouvoir faire face à une
échéance de paiement : dettes fournisseur, salaires,
charges sociales, impôts, etc.

De ce fait, la trésorerie nette, négative, se trouve


placée du côté des ressources à droite. Quelles sont
les solutions ?

• À très court terme : réduire le besoin en fonds


de roulement en réduisant les stocks et les
créances clients et en augmentant les dettes
fournisseurs. C’est le mécanisme des soldes,
qui par le jeu de ventes à prix réduits améliore
la trésorerie mais détruit un peu de rentabilité.
C’est l’appel aux clients pour encaisser les
ventes quitte à accepter un escompte. C’est
enfin, le paiement plus tardif des fournisseurs
quitte à payer un intérêt de retard. Le modèle
s’équilibrant par la trésorerie, une diminution
du besoin en fonds de roulement entraînera
une diminution de la trésorerie négative.

• À moyen terme : transformer la trésorerie


négative en ressource permanente. Une
négociation avec les banquiers peut permettre
de transformer un découvert permanent en
emprunt remboursable à moyen terme. Ou
encore, pour les petites entreprises, demander
aux associés un apport en compte courant
(avec ou sans intérêt) remboursable ou non à
moyen terme.

• À plus long terme : augmenter les capitaux


propres par un apport en capital décidé en
assemblée générale extraordinaire des
actionnaires ou réduire le poids de l’actif
immobilisé net par revente des actifs non
stratégiques.

Toutes ces propositions sont des solutions


réparatrices d’une situation. Une situation de
trésorerie négative a pour origine un flux de
trésorerie négatif. C’est pourquoi, il faut non
seulement réparer cette situation, mais aussi
analyser comment se construit le flux de trésorerie,
ce qui est l’objet du paragraphe suivant
(« l’entreprise vue comme une machine à faire du
cash »).
Figure 4-16 Le modèle « cash shortage »

Le modèle à risque de
solvabilité
Le risque de solvabilité (solvency risk en anglais)
consiste à ne pas faire face à ses obligations
d’emprunt, donc ne pas pouvoir faire face au
paiement des intérêts, mais surtout ne pas pouvoir
rembourser en temps et en heure les dettes
bancaires. Nous verrons plus loin, dans le
chapitre 9, les ratios qui alertent sur ce risque.

Nous avons représenté ce risque sur le modèle, qui,


rappelons-le, est calculé en proportion, par un
poste «  dettes bancaires à long terme  » plus
important que le poste « capitaux propres ».

En plus, l’entreprise a aussi une trésorerie négative


et a peut-être déjà tenté de la combler par un
accroissement des dettes bancaires à long et moyen
terme, dégradant ainsi sa solvabilité.

Les solutions seront donc à long terme : augmenter


les capitaux propres par un apport en capital décidé
en assemblée générale extraordinaire des
actionnaires ou réduire le poids de l’actif
immobilisé net par revente des actifs non
stratégiques.

On peut citer, à ce propos, la technique de « vente


et crédit-bail » (lease back en anglais) qui consiste
à vendre un actif important de l’entreprise (comme
ses locaux de bureaux) à un organisme financier,
puis de les lui relouer. L’apport financier provenant
de la vente règle les problèmes de trésorerie, mais
l’entreprise reste dans ses ex-locaux en les louant.
Figure 4-17 Le modèle à risque de solvabilité

Le modèle multirisque
Figure 4-18 Le modèle multirisque

Nous avons concentré dans ce modèle les trois


risques financiers majeurs que l’on retrouve en
finance d’entreprise :

• le risque de liquidité, une situation de


trésorerie nette négative ;

• le risque de solvabilité, un poids des dettes


bancaires à long terme excessif ;

• le risque économique, un besoin en fonds de


roulement négatif qui n’est pas assuré par une
situation nette de trésorerie positive.

La solution à court terme est d’augmenter le besoin


en fonds de roulement négatif en dopant les ventes
sur les marchés existants et en créant de nouveaux
marchés à BFR négatif.

À long terme, l’augmentation des capitaux propres


est nécessaire.

Classification des modèles


Il n’y a pas de «  repas gratuit  », c’est l’image
utilisée par les financiers pour dire que tout
investissement ne génère un rendement important
qu’au prix d’un risque élevé et qu’a contrario, un
investissement sûr se caractérise par une faible
rentabilité.

Ce concept est aussi décrit par l’expression : « Big


pain big gain, no pain no gain  ». En finance
d’entreprise, l’entreprise est vue par ses
actionnaires comme un investissement dont la
performance est assortie d’un certain risque.
L’investissement optimal est celui qui réalisera le
meilleur compromis risque-rendement.
Figure 4-19 Les modèles selon le couple risque-performance

Sur un graphique risque-performance, on peut


classer nos huit modèles en trois catégories :

• Les modèles perfectibles : leur trésorerie nette


abondante leur évite les risques économiques,
de solvabilité et de liquidité au détriment d’une
certaine performance (killing effect). Ce sont les
modèles « fat cash » et « cash overflow ».

• Les modèles risqués qui par leur niveau de


dettes plus élevé leur assurent une meilleure
performance par effet de levier financier
(leverage effect ou gearing effect en anglais). Ce
sont les modèles « cash shortage », « à risque
de solvabilité » et « multirisque ».
• Les modèles optimaux qui réalisent un bon
compromis performance-risque : les modèles
« idéal », « classique à BFR positif » et
« classique à BFR négatif ».

Nous reviendrons sur les notions de performance


dans le chapitre  5  («  Les indicateurs-clés de la
performance financière  »). En attendant, après
avoir étudié la position de trésorerie, il nous faut
nous appesantir sur le flux de trésorerie (cash flow),
afin de comprendre comment l’entreprise génère
de la trésorerie et ce qu’elle en fait.

L’entreprise vue comme une


machine à faire du « cash »
On trouve dans les livres de nombreuses images
pour expliquer comment une entreprise
«  fabrique  » et utilise sa trésorerie  : comme la
baignoire que l’on remplit en laissant la bonde
ouverte, le bateau qui flotte malgré un trou dans sa
coque ou la batterie de voiture qui se recharge en
roulant.

En fait, une entreprise a besoin de trésorerie (plus


ou moins) pour démarrer, puis son activité va
générer (suffisamment ou pas) de la trésorerie qui
permettra de financer son développement.

L’entreprise serait plutôt comparable à une voiture


qui pourrait fabriquer, en roulant, le carburant
qu’elle consomme ou au Solar Impulse, de Bertrand
Piccard, qui vole grâce à l’électricité générée en
volant.

Revenons donc à l’entreprise et à sa position de


trésorerie nette donnée par le bilan financier et
résumé par la formule suivante :

FR - BFR = T NETTE

Figure 4-20 La trésorerie nette vue comme la différence entre le FR et le


BFR
Le flux de trésorerie (cash flow en anglais) dégagé
pendant une période de temps est la variation de
trésorerie nette entre le début et la fin de la
période.

Cash flow pendant une période

Trésorerie nette en fin de période - Trésorerie


nette en début de période

La trésorerie nette au  1er janvier de l’année N =


+100

La trésorerie nette au  31  décembre de l’année N =


+120

Le cash flow généré pendant l’année N sera de


(+120) - (+100) = +20

Le signe de la trésorerie nette est important, car le


cash flow a aussi un signe !

La trésorerie nette au 1er janvier de l’année N = - 20

La trésorerie nette au  31  décembre de l’année N =


+ 10

Le cash flow généré pendant l’année N sera de


(+10)  -  (-20) = +  30 [petit rappel mathématique  :
(-) × (-) = (+)]
La situation nette de trésorerie est devenue
positive, car le cash flow a été positif.

Dès lors, le calcul du cash flow peut se faire en


analysant la trésorerie nette à tout moment (et non
pas seulement entre deux périodes de clôture de
bilans) par la représentation des variations du
fonds de roulement et du besoin en fonds de
roulement en fonction du temps.

Ainsi, l’entreprise aura une situation nette positive


si le fonds de roulement et le besoin en fonds de
roulement évoluent de façon parallèle au cours du
temps avec un fonds de roulement se maintenant
toujours au-dessus du besoin en fonds de
roulement.

Cas idéal
Figure 4-21 Cas idéal d’évolution de la trésorerie nette en fonction du
temps

Le point crucial provient du fait que ce ne sont pas


les mêmes facteurs qui font varier le fonds de
roulement et le besoin en fonds de roulement !

Revenons au calcul du fonds de roulement et du


besoin en fonds de roulement que nous avons vu
plus haut.

Fonds de roulement

Capitaux propres + Dettes bancaires à long


terme - Actif immobilisé net

Besoin en fonds de roulement

=
Stocks + Créances d’exploitation - Dettes
d’exploitation

Le fonds de roulement varie en fonction


d’événements stratégiques à long terme :

• les apports des associés ;

• les emprunts et remboursements des dettes


bancaires à long terme ;

• les investissements dans l’actif immobilisé.

Mais aussi en fonction du résultat généré au jour le


jour (qui se retrouve dans les capitaux propres).

Alors que le besoin en fonds de roulement varie


principalement en fonction d’événements tactiques
à court terme, comme le niveau des stocks,
l’encaissement des créances clients et le paiement
des dettes fournisseurs, mais aussi de façon
générale en fonction du chiffre d’affaires (la valeur
pivot).

C’est la divergence entre la variation de ces deux


types d’événements qui créera des variations de
trésorerie et des situations critiques si le fonds de
roulement passe sous le besoin en fonds de
roulement.

Analysons quatre situations de crise.


La croissance trop rapide
Ce cas est très pervers car il montre qu’une
entreprise peut risquer le dépôt de bilan malgré un
chiffre d’affaires en pleine croissance !

Figure 4-22 Effets d’une croissance rapide sur la trésorerie

Le schéma nous montre le cas où le besoin en fonds


de roulement est directement proportionnel au
chiffre d’affaires. C’est le cas, si les conditions de
l’activité restent les mêmes, durée du crédit-
clients, du crédit fournisseurs et de la rotation du
stock. Au départ, la trésorerie nette était positive
car le fonds de roulement était supérieur au besoin
en fonds de roulement.
Puis, la croissance étant mal maîtrisée, le besoin en
fonds de roulement s’envole, les deux courbes se
coupent et la trésorerie devient négative !

Pour résumer  : la pente du besoin en fonds de


roulement généré par la croissance du chiffre
d’affaires est supérieure à la pente du fonds de
roulement provoqué par le bénéfice.

À un moment donné, l’entreprise a des soucis avec


sa banque, puisqu’elle est amenée à dépasser son
taux de découvert autorisé. L’entrepreneur, s’il ne
connaît pas un peu la finance d’entreprise peut
imaginer que les difficultés proviennent d’une
insuffisance de chiffre d’affaires. Pour augmenter
sa part de marché face à la concurrence, il fait un
effort sur les prix de vente et, comme argument
commercial, va jusqu’à augmenter la durée de
crédit aux clients  ! Et là, il court à la catastrophe.
En effet, ses décisions contribuent à augmenter
encore plus la pente de la courbe d’évolution du
BFR. Les deux courbes divergent, accélérant
l’accroissement de la trésorerie négative,
entraînant l’inquiétude du banquier et le possible
dépôt de bilan !

La solution «  réparatrice  » est d’augmenter le


fonds de roulement par un nouvel apport des
associés car il n’est pas sûr que dans ce cas, le
banquier consentirait à un emprunt à long terme.

Un « tracking » permanent (et non pas un constat


annuel lors du bilan) du fonds de roulement et du
besoin en fonds de roulement permet d’anticiper
une catastrophe.

Comment peut-on diminuer la croissance du besoin


en fonds de roulement par une meilleure gestion
des stocks et un encaissement plus rapide des
créances clients ?

Pourquoi ne pas ralentir la croissance du chiffre


d’affaires en mieux sélectionnant les clients et en
leur apportant une meilleure qualité de services,
permettant ainsi de réaliser une marge supérieure
et permettre un accroissement plus rapide du fonds
de roulement ?

La récession économique
Figure 4-23 Effet d’une récession économique sur la trésorerie

Au point de départ, on a un BFR qui s’accroît


proportionnellement à l’accroissement du chiffre et
un FR qui augmente en fonction du résultat positif.
Les deux courbes varient de concert.

La récession économique, brutalement, fait croître


le BFR plus vite que le FR. Ce qui diminue la
trésorerie au point de la rendre négative.

La raison principale est que malgré une diminution


des ventes (qui devrait réduire le BFR), le
surstockage, les clients qui ont de plus en plus de
mal à payer dans les délais prévus et les
fournisseurs qui réduisent leur crédit font
augmenter en flèche le BFR. Dans le même temps,
la mévente peut entraîner un résultat négatif (du
fait d’un passage sous le seuil de rentabilité), un
affaiblissement du FR et un effet « ciseau » avec le
BFR.

La solution «  réparatrice  », dans l’attente de la


reprise des affaires, est le rattrapage de la nouvelle
situation du BFR grâce à une augmentation brusque
du FR par un apport des associés.

Les pertes qui rongent les


fonds propres

Figure 4-24 Effet des pertes comptables sur la trésorerie

Après une situation classique avec une évolution en


parallèle des fonds de roulement et besoin en fonds
de roulement, la société enregistre  –  peut-être
suite à une mauvaise maîtrise de ses coûts  –  des
pertes qui détériorent son fonds de roulement (par
diminution des capitaux propres).

La trésorerie est devenue négative et de plus en


plus négative, au fur et à mesure de
l’accroissement du chiffre d’affaires, donc du
besoin en fonds de roulement.

La solution «  réparatrice  » réside là encore dans


un accroissement des fonds propres par appel aux
associés, mais des décisions stratégiques de
réduction des coûts doivent être prises.

L’erreur de stratégie
financière

Figure 4-25 Effet d’une erreur de stratégie financière sur la trésorerie

Nous sommes en face d’un cas spécifique d’une


entreprise à besoin en fonds de roulement négatif.
Nous avons vu plus haut qu’un bilan financier à
BFR négatif implique le maintien d’une trésorerie
nette positive importante (car le besoin en fonds de
roulement négatif est majoritairement une
ressource financière à court terme). L’erreur
consiste à croire que cette ressource court terme est
permanente et donc à l’utiliser pour financer des
investissements à long terme.

L’investissement à long terme réduit brutalement


le fonds de roulement puisqu’il n’est pas financé
par de nouvelles dettes bancaires à long terme ou
par des apports en capitaux propres. Le fonds de
roulement peut même devenir négatif.

Si jamais, du fait d’une baisse des ventes, le besoin


en fonds de roulement devient moins négatif, la
trésorerie alors s’effondre.

Rappelez-vous : FR - BFR = T NETTE

Si FR = - 10 et BFR = - 15 ⇒ (- 10) - (- 15) = + 5 !

Mais, si jamais pour des raisons économiques, le


chiffre d’affaires diminue fortement, le besoin en
fonds de roulement peut devenir moins négatif :

Si FR = - 10 et BFR = - 5 ⇒ (- 10) - (- 5) = - 5 !


En conclusion :

• Ces schémas sont là pour inciter à réfléchir.


Nous n’avons donné ici qu’une interprétation
possible, il pourrait en exister d’autres selon la
structure financière du bilan et la structure des
coûts du compte de résultat !

• Le cash flow se génère jour après jour et


nécessite un suivi permanent et une attitude
réactive alors que la comptabilité ne produit
que des situations périodiques.

• Le suivi du cash flow est un « métier »


spécifique qui diffère de celui du comptable –
 qui enregistre et produit de l’information
financière, et de celui du directeur financier –
 qui prend ou prépare les décisions financières
stratégiques.

La gestion de la trésorerie se
fait au jour le jour
Le tableau ci-dessous résume, de manière non
exhaustive, les décisions à prendre quand le fonds
de roulement ou le besoin du fonds de roulement
divergent. Il doit être adapté à la situation propre
de l’entreprise.
Figure 4-26 Gestion de trésorerie au jour le jour

Le rôle du trésorier
Nous avons vu, plus haut, que le suivi de la
trésorerie est un «  métier  »  : c’est celui du
« trésorier ». Par sa fonction, le trésorier, quand il
y en a un, a la maîtrise de la trésorerie au jour le
jour. Il la compare avec le budget de trésorerie qui
repose sur des prévisions établies en liaison avec
les autres budgets (ventes, coûts, etc.).

Son rôle est de tirer l’alarme et d’informer les


différents dirigeants concernés qui doivent prendre
les décisions qui s’imposent. Il doit aussi rendre
attentifs les commerciaux et les acheteurs à la
gestion du besoin en fonds de roulement et pas
seulement aux volumes vendus et achetés et aux
marges appliquées.

Une trésorerie bien gérée est plus facile à anticiper


et donc permet de décider et négocier les
différentes solutions financières «  réparatrices  ».
Cette maîtrise de la situation donne ainsi, aux
associés comme aux banques, une impression de
risque moindre !

Il est temps maintenant d’analyser comment


mettre en place un système de trésorerie fiable.

Mise en place d’un système


modélisé de trésorerie
On pourrait calculer la trésorerie en comparant les
encaissements et les décaissements sur une
période. On a préféré à l’instar du compte de
résultat de ne pas représenter les mouvements de
trésorerie par nature (encaissements des ventes,
décaissements des charges), mais plutôt par
fonction : performer, croître, investir…

C’est pourquoi, nous repartons du bilan financier.


Figure 4-27 Le bilan financier classique

On va s’intéresser d’abord aux événements


opérationnels  –  courants et exceptionnels  –, qui
augmentent ou diminuent la trésorerie nette et
donc qui créent un cash flow positif ou négatif.

Nous laissons de côté les événements strictement


financiers, comme l’emprunt bancaire, le service de
la dette, les apports des associés ou le paiement de
dividendes.

Les mouvements sur la trésorerie sont différenciés


selon leur origine sur le bilan financier (besoins ou
ressources) et leur impact sur la trésorerie nette
(augmentation ou diminution).
Figure 4-28 Événements non financiers impactant la trésorerie

Rappelons que :

• Le résultat opérationnel net (après impôt)


comprend la dotation annuelle aux
amortissements et les « Dotations aux
Provisions pour dépréciation de l’Actif
circulant » (DPA) sur les stocks et les créances
clients. (Ce sont des charges « consommées »
mais non décaissées). Il est diminué de
l’impact de l’impôt sur les bénéfices sur le
résultat opérationnel.

• Le résultat exceptionnel net ne comprend que


des plus- et moins-values sur cessions d’actifs
immobilisés (situation rencontrée le plus
fréquemment). Ces plus- ou moins-values se
calculent par différence entre le prix de cession
et la valeur nette comptable des éléments
cédés. (La valeur nette comptable des éléments
cédés étant calculée comme le prix
d’acquisition diminué du cumul des
amortissements à la date de cession). Il est
diminué de l’impact de l’impôt sur les
bénéfices sur le résultat exceptionnel.

• Le besoin en fonds de roulement net est égal


au fonds de roulement brut diminué des
dotations aux provisions pour dépréciation
d’actif circulant.

• La diminution de l’actif immobilisé net est


égale à la dotation aux amortissements + la
« Valeur Nette Comptable des éléments
cédés » (VNC).

Compte tenu du tableau ci-dessus :


Le cash flow total des opérations = Résultat opérationnel courant net

    + résultat exceptionnel net

    + Diminution de l’actif immobilisé net

    + Diminution du BFR net

    - Acquisition d’actif immobilisé

    - Augmentation du BFR net

Soit :

Le cash flow total des = Résultat opérationnel courant net


opérations

    + (Prix de cession net - VNC)

    + (Dotation aux amortissements +


VNC)

    - Acquisition d’actif immobilisé

    - (Variation du BFR brut - DPA)

Mais tout se simplifie ! En n’oubliant pas que (-) ×


(-) = (+) :

La VNC s’élimine et on regroupe selon les


fonctions :
• Performer : Résultat opérationnel courant net
+ Dotation aux amortissements + DPA

• Croître : La variation du BFR calculée en


valeur brute (rappelons que le BFR est, en
première approximation, proportionnel au
chiffre d’affaires).

• Investir : Les opérations sur l’actif immobilisé


se réduisent aux acquisitions d’actif (cash flow
négatif) et aux prix de vente calculés après
impôt des cessions (cash flow positif).

Le premier terme nous donne un cash flow lié à la


performance (et donc uniquement potentiel) qui
comprend 3 éléments :

❶ le résultat opérationnel avant impôt ;

❷ les charges non décaissées (qui sont calculées


dans le résultat opérationnel), donc c’est un
résultat opérationnel sans les charges non
décaissées qui sont ainsi éliminées ;

❸ l’impôt sur les bénéfices impactant le résultat


opérationnel avant impôt.

Si on prend ❶   - ❸ on retrouve le NOPAT déjà vu


plus haut.
Si on prend ❶ + ❷ nous avons l’EBITDA en anglais
(Pour Earnings Before Interest Taxes Depeciation and
Amortization).

Ce qui correspond à l’EBIT sans déduction de la


dotation aux amortissements (depreciation) et de la
dépréciation de l’actif circulant (amortization).

On peut donc écrire le cash flow potentiel sous deux


formes :

Cash flow potentiel = NOPAT + Charges non


décaissées

Cash flow potentiel = EBITDA - Impôt sur les


bénéfices impactant l’EBIT
Le coin de l’humoriste

Warren Buffett, surnommé «  l’oracle d’Omaha  », fait partie


des hommes les plus riches du monde. Il est le gérant du
fonds d’investissement « Berkshire Hathaway » qui a réalisé
des performances exceptionnelles depuis de nombreuses
années. Sa technique dite de «  passive management  »
consiste principalement à investir à long terme dans des
entreprises sans être influencé par les variations à court
terme du marché boursier.

Charlie Munger, associé de Warren Buffett, a exprimé la


position du fonds Berkshire Hathaway au sujet de l’usage de
l’EBITDA comme support à l’évaluation d’une entreprise par
la phrase devenue célèbre  : «  Every time you see the word
EBITDA, you should substitute the word bullshit earnings  ».
Cette formule lapidaire souligne parfaitement le caractère
plus potentiel que réel de ce flux de trésorerie.

Comme pour la performance, l’impact de l’impôt


sur les bénéfices est calculé à chaque étage :

• Au niveau du résultat opérationnel : le cash


flow lié à la performance devient : Résultat
opérationnel courant + Dotation aux
amortissements + DPA - Impôt sur le résultat
opérationnel. Soit pour les anglophones :
EBITDA - Impôt sur l’EBIT.

• Au niveau du prix de cession des actifs cédés :


valeur de revente net d’impôts. (Dans certains
pays, le taux d’impôt sur les plus-values de
cession est différent du taux d’impôt sur le
résultat opérationnel.)

Revenons à nos trois fonctions :

Performer  : la performance de l’entreprise va


générer un cash flow qui n’est encore que potentiel
(potential cash flow en anglais).

Croître : ce cash flow potentiel va être impacté par la


croissance en chiffre d’affaires au niveau de la
variation de son besoin en fonds de roulement
calculé avant dépréciation (BFR brut) pour devenir
un cash flow opérationnel (operating cash flow en
anglais).

Investir  : enfin, le cash flow opérationnel sera


impacté par les opérations d’investissement et de
dé-  investissement pour devenir le cash flow
disponible (free cash flow en anglais).

Ce cash flow est «  disponible  » (et non pas libre


comme dans certaines traductions françaises  !)
pour les opérations financières.
S’il est positif, il sera utilisé pour le service de la
dette (paiement des frais financiers après impôt et
remboursement progressif des emprunts à long
terme) et la distribution de dividendes.

S’il est négatif (donc en fait non disponible), il


devra être couvert par de nouveaux emprunts
bancaires ou de nouveaux apports de la part des
associés.

L’aspect fonctionnel est maintenu  : l’impact


financier de l’endettement externe (banques) est
d’abord examiné pour former le cash flow
disponible pour les associés (free cash flow to equity
en anglais). Enfin, après impact du financement
des associés, nous obtenons le cash flow final (cash
surplus en anglais) destiné à créer de la valeur dans
l’entreprise (nouveaux marchés, nouveaux process,
rachat de concurrents, etc.)

Au final, (de nouveau une image liée à l’eau  !), le


système de trésorerie peut se résumer à une
cascade à plusieurs étages comme ci-dessous.
Figure 4-29 La cascade des cash flows

Cette belle image peut se synthétiser en un


tableau  : le système modélisé de trésorerie. Ce
tableau peut s’établir par analyse du compte de
résultat annuel et des postes des bilans en début et
fin de période.

Certaines normes comptables imposent même sa


publication (sous la forme vue plus haut au
chapitre  2) pour certaines entreprises. Cependant,
quelle que soit l’entreprise, un prévisionnel et un
suivi fréquent (trimestriel, mensuel ou plus...) sont
nécessaires afin d’anticiper les incidents de
trésorerie et de prendre les bonnes décisions
financières.

Figure 4-30 Le système modélisé de trésorerie

Présentation temporelle des


cash flows
Trois horizons de temps impactent l’entreprise et
sa finance :

• Le passé, car les ressources financières


apportées à l’entreprise ont des retombées
ultérieures : paiement de dividendes aux
associés, paiement d’intérêts et
remboursement du capital emprunté aux
prêteurs.

• Le présent, car c’est la performance au jour le


jour qui alimente la trésorerie par le cash flow
potentiel.

• Le futur, car la création de valeur se fait par


de nouveaux produits et de nouveaux marchés
qui se traduisent par une hausse du chiffre
d’affaires (donc du besoin en fonds de
roulement) et de nouveaux investissements.

Dans un modèle idéal, le cash flux potentiel


équilibre exactement les flux de trésorerie
nécessaires pour assumer les conséquences des
décisions financières du passé et pour couvrir les
besoins financiers du futur. Sinon, la trésorerie
nette positive qui aura été alimentée
antérieurement par des surplus de cash flows, les
prêts des banques ou les apports des associés
doivent faire face.
Figure 4-31 Utilisation temporelle des cash flows

Présentation synoptique
Enfin, une dernière présentation synoptique pour
visualiser les flux de trésorerie pendant une
période. Nous l’utiliserons également plus loin
dans le chapitre 7.
Figure 4-32 Présentation synoptique du système modélisé de trésorerie

Ce chapitre 4 a mis en évidence les éléments, issus


de la comptabilité, utilisés en finance d’entreprise.
Nous avons vu que le bilan financier, établi à la fin
d’une période, permet d’analyser une situation
financière avec ses atouts et ses risques. C’est le
premier pilier de la finance d’entreprise.

Deux critères majeurs influencent cette situation :

• La performance réalisée au cours de la


période.

• Le flux de trésorerie généré au cours de la


période.
Voyons maintenant, dans les deux prochains
chapitres, quels sont les facteurs-clés (les drivers
en anglais) qui influencent la performance et le flux
de trésorerie (deuxième et troisième piliers de la
finance d’entreprise).
Retenez l’essentiel

• La performance peut s’analyser au travers


du compte de résultat fonctionnel.

• Le résultat se forme en 5 étapes.

• Il est pertinent de calculer l’impact de


l’impôt sur les bénéfices au niveau
opérationnel, exceptionnel et financier.

• La mise en évidence du besoin en fonds de


roulement est incontournable en finance
d’entreprise.

• Le bilan financier montre que la trésorerie


nette résulte d’un déséquilibre entre les
ressources financières et les besoins
financiers.

• Il existe (au moins) 8  cas types de bilan


financier.

• Les flux de trésorerie s’analysent par les


variations de la trésorerie nette du bilan
financier.

• Le suivi régulier et fréquent de la trésorerie


est un élément-clé de la finance
d’entreprise.

1 Dont dotation aux amortissements : 100


DANS CE CHAPITRE
La performance opérationnelle

La performance des actifs économiques : le ROCE

La performance financière et les mystères de l’effet de


levier

Managers opérationnels et financiers : même combat

La performance financière « n’arrose » pas seulement


les actionnaires

Chapitre 5
Les indicateurs-clés de la
performance financière
N ous vivons dans un monde où la performance
joue un rôle essentiel. Depuis l’enfance, nos
parents, puis nos éducateurs, nous demandent
d’être performants. Dans notre vie professionnelle,
être performant constitue un objectif, si ce n’est un
devoir. Car la performance est synonyme de
jeunesse. L’extraordinaire progression de la
consommation de vitamines et autres compléments
alimentaires montre combien cette quête de la
performance est en fait une recherche de la
fontaine de Jouvence.

La performance de l’entreprise est aussi le miroir


de la performance de ses managers.

Analysons la performance d’une entreprise.

Qu’est-ce qu’être performant


pour une entreprise ?
Il serait donc intéressant de trouver une mesure
synthétique, facile à comprendre, reproductible
comme une mesure physique, un peu comme peut
l’être le temps mis pour courir un  100  mètres, la
longueur du jet d’un poids ou une hauteur franchie
sans faire tomber la barre du saut à la perche.
Comment peut-on approcher ce concept au sein de
l’entreprise ?

De nombreux comptables, financiers, managers,


professeurs et autres experts ont essayé de s’en
approcher. On a utilisé des notions comptables,
comme le résultat annuel ou le montant des
capitaux propres. Mais la complexité des normes
comptables, le principe de prudence en
comptabilité, le fait que le résultat serve aussi de
base au calcul de l’impôt sur les bénéfices ou au
montant des dividendes distribués, font que ces
données sont loin de la précision de données
physiques.

On a aussi utilisé des notions plus financières,


notamment le calcul de ratios.

Performance et référentiel
Vous avez vu au chapitre  4  comment utiliser les
données comptables pour en tirer les informations
utiles à la gestion financière. Ces informations
donnent une indication sur la performance de
l’entreprise (voilà pourquoi ils sont appelés Key
Performance Indicators  : KPI en anglais). Ces
informations sont souvent présentées comme un
quotient de deux valeurs, ce qui permet de
s’affranchir de la taille de l’entreprise et de la
monnaie utilisée dans la présentation des états
annuels. Ces indicateurs peuvent donc constituer
un référentiel de performance et une base de
comparaison pour les entreprises d’un même
secteur d’activité.

La performance opérationnelle

Et on retrouve le NOPAT
Nous allons mettre en évidence la construction de
la performance financière. Nous verrons que celle-
ci passe par une performance opérationnelle et une
performance économique.

Intéressons-nous d’abord à la performance


opérationnelle.

On peut résumer la performance opérationnelle


comme le résultat de l’activité consistant à fournir
aux clients des marchandises, des produits finis
et/ou des prestations de services hors éléments à
caractère financier ou exceptionnel. Elle se traduit
par la différence entre le chiffre d’affaires réalisé
par la vente des marchandises, produits et
prestations de services et les coûts directs et
indirects nécessaires pour créer et délivrer ces
marchandises, produits et prestations de services.

Reprenons le compte de résultat par fonction de la


Société X étudié au chapitre 4.

Figure 5-1 Exemple de compte de résultat par fonction1

La performance opérationnelle pourrait être le


résultat opérationnel avant impôt de  210  (en
milliers d’euros).
Cependant, nous avons vu au chapitre  4,
l’importance de calculer l’impact de l’impôt sur les
bénéfices aux différents étages de calcul du résultat
par fonction.

Nous avons donc défini un résultat opérationnel net


(après impact de l’impôt sur les bénéfices) dans la
figure 5-2.

Ce résultat opérationnel net est appelé NOPAT en


anglais (Net Operating Profit After Tax). Du fait de son
emploi généralisé, nous garderons cet acronyme
dans nos explications.

Le NOPAT de l’entreprise X est donc de  126,6  (en


milliers d’euros) et je vous laisse revenir au
chapitre 4 pour vérifier le calcul qui a été arrondi à
la première décimale (en fait, c’est  : 210  ×
(1- 60/151) = 126,556… .)
Figure 5-2 Exemple d’impact de l’impôt sur les bénéfices par fonction

Calcul de taux de marge : le


« NOM »
Pour des raisons de comparaison avec d’autres
entreprises dans le même secteur d’activité, mais
d’une autre taille et aussi souvent utilisant une
autre monnaie de référence, il peut être pertinent
de calculer un résultat en pourcentage d’une autre
valeur de référence et non pas en valeur absolue.

Il est naturel de prendre, pour autre valeur de


référence, le chiffre d’affaires puisque celui-ci
représente l’activité de l’entreprise. Ainsi, on
obtient un pourcentage indépendant de la taille de
l’entreprise et de sa monnaie de référence.

Revenons à la Société X, le NOPAT rapporté aux


ventes nettes nous donne un taux de marge
opérationnel net (Net Operating Margin  : NOM en
anglais appelé) :

NOM = NOPAT/Ventes nettes

=  126,556/2  211  =  5,72  % arrondi à la deuxième


décimale

On peut donc dire que l’activité de la Société X


rapporte  5,72  centimes pour chaque euro de
marchandises vendues. Ce résultat de  5,72  % pour
chaque unité en monnaie de marchandises vendues
peut se comparer à toute autre entreprise vendant
ses marchandises en dollars, en yens ou en yuans…

La performance des actifs


économiques : le ROCE
La performance se rapporte au chiffre d’affaires
généré par l’activité, mais aussi au montant des
moyens, notamment financiers, mis en œuvre pour
réaliser cette activité.
Nous allons définir deux approches différentes, très
utiles pour comprendre la suite, la performance
économique et la performance financière.

• Une première approche consiste à s’intéresser


à la rentabilité des besoins financiers mis en
œuvre pour assurer l’activité de l’entreprise,
quelle que soit la façon dont ils ont été
financés, dont on fait abstraction. On parle
alors de la performance des actifs
économiques, appelés également « actif
opérationnel » ou encore « capitaux
employés » (Return On Capital Employed : ROCE
en anglais). On peut ainsi étudier séparément
l’activité de l’entreprise et la façon dont elle
est financée.

• Une deuxième approche consiste à s’intéresser


à la rentabilité de l’argent investi par les
actionnaires ou associés de l’entreprise, c’est-
à-dire les seuls capitaux propres, après prise
en compte du coût des autres moyens de
financement comme les prêts bancaires. On
parle alors de la performance financière des
capitaux propres. (Return On Equity : ROE en
anglais).
Concentrons-nous d’abord sur la performance des
actifs économiques :

Nous avons comparé le chiffre d’affaires avec le


coût des moyens nécessaires pour réaliser ce chiffre
d’affaires. Mais certains moyens ont un coût
important et ils doivent être financés.

Ainsi, les constructions, l’équipement industriel, le


mobilier et matériel de bureau, ont un coût, appelé
la dotation aux amortissements, compris dans le
calcul du NOPAT, mais sont aussi un actif
immobilisé.

L’activité économique de l’entreprise se traduit


éventuellement par des stocks, mais aussi des
crédits clients créant un besoin en fonds de
roulement qui doit être aussi financé.

L’actif immobilisé net et le besoin en fonds de


roulement représentent des besoins financiers plus
ou moins importants, nécessaires à l’activité de
l’entreprise, appelés le capital économique ou
«  capital employé  » (Capital Employed  : CE en
anglais).

Ce capital employé se lit facilement dans le bilan


financier vu au chapitre 4 (modèle classique à BFR
positif), mais il se lit tout aussi facilement pour les
autres modèles.

Figure 5-3 Mise en évidence du capital employé dans le bilan financier

Introduction du ROCE
Il est intéressant de comparer la performance
opérationnelle au montant des capitaux nécessaires
pour réaliser cette performance (CE).

Elle se traduit par un acronyme qui est l’un des


plus célèbres utilisé en finance d’entreprise et que
nous garderons sous sa forme anglo-saxonne  : le
ROCE (Return On Capital Employed en anglais) :
Là encore, nous obtenons un pourcentage
indépendant de la taille de l’entreprise et de la
monnaie de référence utilisée.

Ce rapport (ratio en latin, passé dans le langage


courant en français), montre davantage une
efficacité qu’une performance, car il s’agit de faire
une performance opérationnelle la plus élevée
possible avec le moins possible de besoins
financiers.

Nous voyons aussi que le niveau de stock, mais


aussi des données, a priori moins opérationnelles
mais plus financières, comme le recouvrement
rapide des créances clients ou le paiement tardif
des fournisseurs, ont une grande importance dans
le calcul.

Enfin, apparaît aussi le compromis chiffre


d’affaires-efficacité  : une entreprise doit-elle faire
plus de chiffre d’affaires, et donc peut-être
maintenir un niveau de stock disponible élevé et
accorder des délais de paiement aux clients, au
détriment d’un besoin en fonds de roulement plus
élevé ?

Nous retrouverons dans l’effet «  turbo » expliqué


plus loin la nécessité d’une recherche d’un
optimum entre le chiffre d’affaires et le capital
employé.

Nous savons que le besoin en fonds de roulement


peut être négatif.

Faut-il donc le laisser au dénominateur de la


formule de calcul du ROCE avec son signe moins  ?
NON, car un besoin en fonds de roulement négatif
devient une ressource et figure du côté droit du
bilan financier.

Il est donc absent de la formule et constitue,


comme nous le verrons plus loin, un élément de
l’effet de levier financier.

Les 2 formes de calcul du
ROCE
Revenons à la figure  5-3. Le bilan financier est
équilibré  : les ressources financières et les besoins
financiers s’équilibrent par la trésorerie nette. Nous
voyons donc que :

Actif immobilisé net + BFR + Trésorerie nette =


Capitaux propres + Dettes bancaires long terme

Soit :
Actif immobilisé net + BFR = Capitaux propres +
Dettes bancaires long terme - Trésorerie nette

Donc :

Actif immobilisé net + BFR = Capitaux propres +


Dettes bancaires long terme nettes

Les dettes bancaires nettes étant le solde entre les


dettes bancaires long terme et la trésorerie nette.

Cette dernière formule, tout aussi juste que la


première, est fréquemment utilisée, mais elle
présente au moins deux inconvénients :

• Elle ne comprend que des termes financiers,


ce qui ne permet pas de sensibiliser les
« opérationnels » à l’importance du BFR
(stock nécessaire, crédit clientèle…).

• Elle ne permet pas, dans les entreprises ayant


deux ou plusieurs secteurs d’activité, d’allouer
les paramètres, capitaux propres et dettes
nettes, par secteur et donc d’avoir un calcul
comparatif.
La relation NOM-ROCE et
« l’effet turbo »
Commençons par un peu de mathématiques et
révisons la règle des quotients !

Vous vous rappelez  : C se trouvant à la fois au


numérateur et au dénominateur, la multiplication
permet la simplification et donc l’élimination de C.

Ne faites pas la faute classique d’éliminer C quand


il est ajouté dans les quotients !

Partons de la définition du ROCE et développons le


quotient en un produit de deux quotients :

Nous voyons que le ROCE est le produit de deux


quotients :

• Le premier quotient vous est familier : c’est la


marge opérationnelle (NOM).
• Le second quotient est nouveau : c’est le taux
de rotation des actifs économiques (Capital
Turnover : CT en anglais).

Comment comprendre le
capital turnover ?
Le capital turnover compare le montant des ventes
aux actifs économiques nécessaires pour réaliser
ces ventes (le capital employed, c’est-à-dire la
somme de l’actif immobilisé net et du besoin en
fonds de roulement).

Ainsi, un capital turnover de  4  signifie que


l’entreprise réalise une vente de  4 (euros par
exemple) pour chaque euro de capital employed.

Donc, si elle réalise une marge opérationnelle


de  5  % (NOM), la performance économique sera
de 5 % × 4 = 20 %.

Le capital turnover a un effet multiplicateur sur la


performance opérationnelle. On comprend alors
facilement pourquoi le capital turnover est qualifié
de «  turbo  » dans certaines entreprises  !
Autrement dit, c’est un facteur important (un driver
en anglais) qui permet de «  booster  » la
performance des actifs économiques.
Il doit être le plus élevé possible, c’est-à-dire  : il
faut générer le maximum de ventes avec le plus
petit capital employed possible, donc avec moins
d’actif immobilisé net et le plus petit BFR possible.

Rappel  : si le besoin en fonds de roulement est


négatif, il ne figure pas dans le capital employed.

La figure  5-4  ci-dessous montre pour différents


ROCE (10  %, 15  % et  20  %), la performance
opérationnelle et le capital turnover nécessaire.

Par exemple, nous obtenons un ROCE de 10 % pour


une performance opérationnelle de  10  % avec un
capital turnover de  1, mais aussi pour une
performance opérationnelle de  1  % avec un capital
turnover de 10 !

Pour résumer, un « bon » capital turnover rattrape


une performance opérationnelle faible et un capital
turnover «  médiocre  » nécessite une performance
opérationnelle élevée.
Figure 5-4 Représentation du ROCE en fonction du NOM et du CT

Reprenons cela, avec des entreprises réelles dans


trois secteurs d’activité :

• La grande distribution

• Le transport aérien

• L’industrie du luxe

Les trois composantes du


turbo : les ventes, l’actif
immobilisé net et le besoin en
fonds de roulement
Nous avons représenté sur la figure  5-5  le ROCE
moyen de six types d’entreprises réelles dans les
trois secteurs d’activité cités plus haut. Ces ROCE
sont du même ordre de grandeur et se situent
autour d’une valeur pivot représentée en pointillé.
(Les données ont été recueillies avant la crise
COVID-19).

Nous constatons d’abord que les entreprises de la


grande distribution se situent sur la partie gauche
du tableau. Elles ont en effet une performance
opérationnelle plutôt faible, mais il ne faut pas en
faire un critère de jugement négatif car c’est une
caractéristique de leur activité : vendre moins cher.
Par contre, le capital turnover est plutôt élevé  : le
besoin en fonds de roulement est négatif (rotation
rapide des stocks, paiement comptant des clients,
crédit fournisseurs important) donc absent du
capital employed et l’actif immobilisé est minimum
pour réaliser des ventes importantes.

En revanche, les entreprises du luxe se situent sur


la partie droite du tableau. Elles réalisent une
performance opérationnelle élevée, car leurs
produits s’adressent à une clientèle aisée prête à
payer plus cher «  une marque  ». L’actif
immobilisé, quant à lui, se situe en général dans
des lieux de prestige et/ou le besoin en fonds de
roulement est important (stock élevé par exemple
pour les alcools de luxe).
Au milieu du tableau, nous avons les compagnies
aériennes avec une performance opérationnelle
moyenne (mais de nouveau, ce n’est pas un
jugement de valeur) et un capital turnover moyen
aussi (actif immobilisé important mais besoin en
fonds de roulement négatif).

Le tableau montre aussi comment certaines


entreprises utilisent l’effet turbo en l’adaptant aux
caractéristiques de leur secteur d’activité :

• dans la grande distribution, est apparu le hard


discount proposant des prix encore plus bas
compensés par un actif immobilisé a minima
(présentation en palettes, petite gamme de
produits pour réduire les stocks…) ;

• des compagnies aériennes sont devenues low


cost en réduisant le temps d’immobilisation au
sol de leurs appareils (réaliser plus de ventes
avec un même actif immobilisé) ;

• des entreprises de luxe dans le secteur des


alcools se sont lancées dans la
« premiumisation » en accélérant le temps de
maturation, ce qui réduit le stock.

Ce ne sont bien sûr que des exemples. Mais nous


pouvons retenir les points suivants :
• la performance opérationnelle dépend du
secteur d’activité. Un jugement en valeur
absolue du type « 3 % ce n’est pas bien »
n’est pas pertinent. Il faut se comparer avec
des entreprises similaires ;

• la performance opérationnelle s’améliore en


vendant à un coût moindre (d’où les stratégies
de cost killing) ;

• la performance économique s’obtient par


l’effet turbo du capital turnover en vendant
plus, mais avec un capital employed le plus
faible possible.

Figure 5-5 L’effet turbo

J’imagine qu’à ce stade, vous avez une question : en


quoi la performance économique améliore la
performance financière  ? Passons donc à la
performance financière…

La performance financière

Le ROE, c’est quoi ?


Reprenons le bilan financier (figure  5-6) et
notamment le modèle classique à BFR positif.

Le capital employé (en fait les besoins financiers de


l’entreprise) est financé par le capital investi à
droite (les ressources financières sous forme de
capitaux propres et de dettes bancaires long terme).

La performance opérationnelle (du capital employé)


devrait donc être identique à la performance
financière du capital investi.

En fait, ce n’est pas exact, pour deux raisons :

• Le capital investi n’est pas strictement égal


au capital employé : la différence est la
trésorerie nette dont le rendement (si elle est
positive) est souvent proche de zéro (surtout
en période de taux d’intérêt bas).

• Le capital investi comporte deux composantes


différentes : les capitaux propres et les dettes
bancaires à long terme. Ces dernières ne sont
pas rémunérées

par la performance opérationnelle de l’entreprise,


mais par un taux d’intérêt basé sur d’autres
critères macroéconomiques comme le coût de
l’argent ou microéconomiques comme le risque
d’insolvabilité présenté par l’entreprise.

Figure 5-6 Capital employé et capital investi

En conséquence, le supplément de performance


opérationnelle au-delà du taux de rémunération
convenu pour les dettes bancaires «  ira  » en
rémunération des capitaux propres.

Voilà l’explication du fameux «  effet de levier


financier » que nous allons détailler maintenant en
calculant la relation existante entre la performance
financière calculée pour les capitaux propres
(Return On Equity  : ROE en anglais) et la
performance opérationnelle de l’entreprise (ROCE)

La relation ROE – ROCE
Nous pressentons tout de suite que cette relation
dépend du niveau des dettes bancaires à long terme
en comparaison du niveau des capitaux propres, de
la rémunération exigée par les prêteurs (le taux
d’intérêt) et de l’importance et du signe de la
trésorerie nette.

Une trésorerie nette positive dégradera l’effet de


levier.

Une trésorerie nette négative augmentera l’effet de


levier.

Pour les amateurs de démonstration mathématique


(et d’anglais !), je vous laisse le soin de vérifier les
calculs ci-dessous et de vous référer à la figure 5-
7 déjà vue au chapitre 4.
Figure 5-7 Exemple d’impact de l’impôt sur les bénéfices par fonction
pour l’entreprise X en milliers d’euros

NI est le Résultat net (Net Income en anglais) (on


admettra pour la clarté de la démonstration qu’il
n’y a pas de résultat exceptionnel).

NOPAT est le résultat opérationnel net (Net


Operating Profit After Tax en anglais).

FINEXPAT sont les charges financières nettes


d’impôt (FINancial EXpenses After Tax en anglais).

E sont les capitaux propres (Equity en anglais).

Net D sont les dettes bancaires à long terme


diminuées de la position de trésorerie nette (si
celle-ci est positive) ou augmentées (si celle-ci est
négative) par application de la règle des signes.

Une nouvelle lettre apparaît  : φ (prononcez


«  phi  »), c’est-à-dire le ratio FINEXPAT/NOPAT.
Il représente le poids des charges financières
(charges financières à long terme comme à court
terme) comparé au résultat opérationnel. (Tout cela
est calculé après impôt sur les bénéfices.)

Le ratio φ n’est donc pas un taux d’intérêt, mais


plutôt la part de résultat opérationnel consacré aux
charges financières.
Figure 5-8 Démonstration de la relation ROE – ROCE

La performance financière ROE (autrement dit, la


rentabilité des capitaux propres) est liée à la
performance opérationnelle (ROCE) par le biais de
deux facteurs-clés (drivers) que nous avions
anticipés plus haut :

Net D/E  : le poids de la dette financière nette


comparée aux capitaux propres.

φ  : le poids des charges financières comparé au


résultat opérationnel.
Ces deux facteurs sont multiplicatifs, mais avec un
effet antagoniste car nous avons :

pour le poids de la dette financière

1 - φ pour le poids des charges financières

Analysons cela en détail !

Éclaircissons le mystère de
l’effet de levier financier
Archimède n’aurait pas imaginé que le levier qui
porte son nom deviendrait plus tard un outil de la
finance  ! En effet, l’effet de levier est le moyen
purement technique qui permet, dans certaines
conditions, que l’endettement puisse être un
facteur d’accroissement de la rentabilité des
capitaux propres !

Prenons un exemple concret (très simplifié pour


faciliter les calculs) :

L’entreprise X que nous avons vue au


chapitre 4 présente le bilan financier suivant :
Figure 5-9 Bilan financier de l’entreprise X (en milliers d’euros) en début
de période

Nous avons un modèle classique à BFR positif.

Tous les chiffres sont en milliers d’euros, mais on


aurait pu faire la même représentation en
pourcentage du total de chaque côté du modèle.

Les dettes bancaires à long terme sont de 600.

La trésorerie nette est positive pour  150, donc la


dette nette est de 600 - 150 = 450

Les capitaux propres sont de  400, ce qui nous fait


un ratio net D/E de 450/400 = 1,125

Ce ratio est appelé gearing en anglais.

Soit un premier facteur-clé de  1  + net D/E


= 1 + 1,125 = 2,125

Calculons φ avec la figure 5-7 de l’entreprise X


Les charges financières nettes sont de 35,6

Le résultat opérationnel net est de 126,6

Donc un ratio φ de 35,6/126,6 = 0,2812

Le deuxième facteur-clé est de  1  -  φ


= 1 - 0,2812 = 0,7188

Nous voyons bien le caractère antagoniste des


facteurs (drivers) puisque le premier est supérieur
à 1 au contraire du second.

Leur produit donnera donc un montant


de 2,125 × 0,7188= 1,5275 (arrondi)

Ce produit étant supérieur à 1, on aura donc bien un


effet de levier.

Vérifions cela :

La performance opérationnelle de l’entreprise X


(ROCE) est égale à NOPAT/CE

Le capital employed = l’actif immobilisé net + le BFR


= 500 + 350 = 850 (en milliers d’euros)

La performance opérationnelle est donc de  :


126,6/850 = 14,89 %

La performance financière est égale au résultat net


divisé par les capitaux propres :
91/400 = 22,75 %

Il y a bien un effet de levier financier puisque la


performance financière est supérieure à la
performance opérationnelle !

L’effet de levier financier étant comme calculé plus


haut de 1,5275, on a effectivement :

22,75 % = 14,89 % × 1,528 (à l’arrondi près)

Figure 5-10 Calcul de l’effet de levier

φ n’est pas un taux d’intérêt.

Le taux d’intérêt moyen dans notre exemple est


de 59/600 = 9,83 % (arrondi)
Il se calcule en reprenant les informations
contenues dans les figures 5-7 et 5-9.

Figure  5-7  : les charges financières sont


de  59  (avant impact de l’impôt sur les bénéfices,
car elles représentent la rémunération des banques
pour leur prêt).

Figure  5-9  : le montant des dettes bancaires en


début de période est de 600.

Nous trouvons plus pertinent de prendre les


données du bilan financier au début de la période
prise en compte pour le calcul de la performance.
Ce sont en effet les besoins financiers et les
ressources disponibles à ce moment-là. Les
données d’un bilan financier en début de période
sont en fait les données du bilan financier en fin de
période précédente.

Les composantes de l’effet de


levier
S’endetter à un double effet :

• on modifie le bilan financier en accroissant les


ressources financières ;
• on diminue le résultat en accroissant les
charges financières.

L’effet de levier est composé :

• de la dette financière à long terme nette, donc


il dépend aussi de la position de trésorerie. Si
celle-ci est positive (surtout si elle est
fortement positive), elle jouera un rôle
inattendu dans l’effet de levier comme on le
verra ci-dessous dans « la contradiction
apparente de l’effet de levier » ;

• du poids des charges financières non pas par


rapport à la dette mais par rapport au profit
opérationnel net (NOPAT). φ n’est donc pas
un taux d’intérêt. En conséquence une dette
empruntée par exemple au taux de 20 % sera
pénalisante pour une entreprise peu
performante au niveau opérationnel et plus
légère si la performance est au rendez-vous.
Tout cela est repris plus bas dans « Managers
opérationnels et financiers : même combat ».

Ces deux composantes sont antagonistes, car le


rapport dette financière nette/ capitaux propres
s’ajoute à  1  ⇒ (1  + net D/E) et le rapport φ se
retranche de 1 ⇒ (1 - φ).
L’effet de levier financier est le produit de ces deux
composantes.

La contradiction apparente de
l’effet de levier ou comment
l’effet de levier augmente
quand la dette diminue !
Reprenons le calcul de l’effet de levier financier de
la Société X à partir des figures  5-7  et  5-9  en
gardant le maximum de décimales.

Nous avons une position nette de trésorerie


importante (+150) et nous nous proposons de
l’utiliser pour réduire les dettes bancaires (+600).

Les dettes bancaires sont ramenées à +450  et la


dette nette devient ainsi égale à +450.

Dans le même temps, les charges financières nettes


d’impôts (FINEXPAT) diminuent (on admettra pour
simplifier en proportion de la nouvelle dette) soit :
35,6 × 450/600 = 26,7

Les calculs sont les suivants (voir figure 5-11) :

Net D = 450

Net D/E = 450/400 = 1,125


1 + net D = 2,125

φ = 26,7/126,6 = 0,21

1 - φ = 0,79

2,125 × 0,79 = 1,67723… . (Au lieu de 1,5279…)

L’effet de levier augmente alors


que la dette diminue !!!
ROE = ROCE ×  1,67723... =  14,89  % ×  1,67723...
= 24,97 % au lieu de 22,75 %

Vérification NI =  126,6  -  26,7  =  99,889... (au lieu


de 91 !)

ROE = 99,889… /400 = 24,97 %

Ce qui est logique, car la dette nette n’a pas changé


alors que les charges financières ont diminué.
Figure 5-11 Calcul de l’effet de levier par utilisation de la trésorerie pour
rembourser une dette

Comment utiliser aussi l’excès


de cash ?
L’autre façon d’utiliser un excès permanent de
trésorerie positive est de l’investir dans des actifs
immobilisés (voir figure 5-12).

Les  150  de trésorerie nette positive servent à


acquérir des actifs immobilisés.

La trésorerie nette retombe à  0  et le capital


employé passe de 850 à 1 000.

Les calculs montrent que le ROCE diminue par


rapport à la situation initiale de la figure  5-
10  (12,656  % contre  14,889  %) puisque le capital
employé est plus important (le capital employé se
trouve au dénominateur du ROCE), mais en même
temps, l’effet de levier est plus important car la
dette nette est de +600.

On retrouve donc le même ROE (22,75  %). Ceci


s’explique très facilement  : on a retiré  150  de
trésorerie nette qui ne rapportait rien
par 150 d’actif immobilisé qui ne rapporte rien non
plus ! (Puisque le NOPAT est inchangé à 126,556...).

Figure 5-12 Calcul de l’effet de levier par utilisation de la trésorerie pour


investir

Un investissement en actif immobilisé doit


rapporter !
Alors admettons que le montant de trésorerie
investi dans l’actif immobilisé rapporte un NOPAT
additionnel et faisons l’hypothèse qu’il rapporte
autant que l’économie de charges financières quand
le même montant fut utilisé pour rembourser une
partie de la dette bancaire.

Quand nous avions utilisé la position nette de


trésorerie (+150) pour rembourser une partie de la
dette bancaire de  600, nous avions fait une
économie de charges financières nettes d’impôts
(FINEXPAT) de 35,556… × 150/600 = 8,889…

Admettons donc que l’investissement additionnel


rapporte un NOPAT additionnel du même montant
et refaisons les calculs dans la figure 5-13.
Figure 5-13 Calcul de l’effet de levier par utilisation de la trésorerie pour
investir

En comparant avec la figure 5-12, nous voyons que


le ROCE augmente (ce qui est normal puisque
l’investissement additionnel rapporte), mais en
plus l’effet de levier s’accroît non pas par
l’augmentation de la composante « net D/E » mais
par la diminution du fait de l’augmentation du
NOPAT.

D’où la règle fondamentale  : un nouvel


investissement doit rapporter au moins autant que
ce que coûte son financement. C’est ce que votre
intuition financière vous avait déjà suggéré.

Cette comparaison entre le retour sur un nouvel


investissement et le coût de son financement est la
base de tout calcul de rentabilité. Nous
retrouverons ce concept dans le
chapitre 6 « Performance financière et création de
valeur  » et le chapitre  8  «  Investir  : comment
décider ? ».

Le cas particulier du besoin en


fonds de roulement négatif
Reprenons nos calculs avec un besoin en fonds de
roulement négatif.

Nous allons admettre que le capital employé est


toujours de  850  afin de garder la même valeur
de  14,889  % pour le ROCE. De ce fait, le capital
employé ne comprend que de l’actif immobilisé.

Le besoin en fonds de roulement négatif


de  -100  figure donc désormais du côté droit avec
les autres ressources financières (les capitaux
propres et les dettes bancaires).

Nous avons vu au chapitre 4 qu’un besoin en fonds


de roulement négatif est une ressource financière à
court terme. En conséquence, une politique
financière prudente conduit à éviter de l’investir à
long terme dans de l’actif immobilisé et donc à
garder une position nette de trésorerie
excédentaire.

C’est l’hypothèse prise dans la figure  5-14  : le


besoin en fonds de roulement négatif est
représenté à la fois en ressource financière court
terme (BFR =  100) et ajouté à la trésorerie nette
existante (150 + 100 = 250).

Figure 5-14 Vision prudente du fonds de roulement négatif

En se comparant à la figure  5-10, on retrouve les


mêmes chiffres, puisque par hypothèse, nous avons
pris un capital employé équivalent de 850.

Comme la ressource financière supplémentaire (le


besoin en fonds de roulement négatif de  100) ne
coûte rien et que la trésorerie supplémentaire
positive ne rapporte rien, on retrouve le même effet
de levier financier et donc le même ROE de 22,75 %.

La dette nette tient compte à la fois des dettes


bancaires et du besoin en fonds de roulement
négatif (qui est une dette financière bien que non
bancaire).

Soit dette nette = 600 + 100 - 250 = 450

Prenons maintenant des risques : utilisons toute la


trésorerie positive (soit  250) pour rembourser une
partie de la dette bancaire et la ramener à 350 puis
analysons l’effet de levier financier.

L’effet de levier de financier est plus important que


dans la figure  5-11, car la trésorerie provenant du
besoin en fonds de roulement négatif a aussi servi à
rembourser la dette concourant ainsi à la
diminution de φ.

Le ROE passe ainsi de 24,97 % à 26,45 %.

Mais apparaît alors un risque (vu au chapitre 4) : le


risque économique (business risk en anglais).
Figure 5-15 Vision risquée du fonds de roulement négatif

Rentabilité et risque : les deux


faces de la médaille
Nous avons vu que la rentabilité économique
(ROCE) résulte de l’activité de l’entreprise et de ses
besoins financiers (actif immobilisé net et besoin
en fonds de roulement), quels que soient ses
moyens de financement. Cette notion sera opposée
à la rentabilité financière (ROE) qui est celle qui
intéresse les actionnaires ou associés de
l’entreprise par rapport aux fonds qu’ils ont
apportés et quelle que soit l’activité de l’entreprise.
Nous avons établi le rapport existant entre ces deux
notions. Cela nous permettra alors de découvrir ce
truc fabuleux qu’on appelle l’effet de levier. Pour
un même taux de rentabilité économique liée à
l’activité de l’entreprise on peut avoir un taux de
rentabilité financière très variable en fonction de la
structure financière, c’est-à-dire la part des
capitaux propres par rapport à l’endettement et au
coût de cet endettement.

Cependant rien n’est parfait, car il y a une limite à


l’effet de levier (un proverbe chinois dit  : «  Les
arbres ne poussent jamais jusqu’au ciel »), c’est le
risque encouru :

• accroître la dette en empruntant plus peut


entraîner le risque de ne pouvoir rembourser
cette dette à terme : c’est le risque
d’insolvabilité ;

• utiliser toute la trésorerie positive générée par


un besoin en fonds de roulement négatif peut
entraîner le risque d’assécher sa trésorerie en
cas de récession économique : c’est le business
risk.

La vision financière de l’entreprise est une pièce de


monnaie à deux faces :
• l’avers est la rentabilité financière servie aux
actionnaires et associés pour leur
investissement ;

• le revers est le risque encouru de perdre tout


ou partie de leur investissement.

Nous verrons au chapitre  6  «  Performance


financière et création de valeur  » comment la
théorie dite «  du portefeuille  » introduit une
relation entre la rentabilité attendue pour un
investissement dans un actif financier et le risque
encouru par cet investissement.

Quand l’effet de levier devient


un effet massue
L’effet massue (killing effect en anglais) est présenté
comme le contraire de l’effet de levier.

L’effet de levier fait que la rentabilité financière


(ROE) est supérieure à la rentabilité économique
(ROCE) car (1 + net D/E) × (1 - φ) est supérieur à 1.

L’effet massue donne une rentabilité financière


inférieure à la rentabilité économique (ROCE) car
(1 + net D/E) × (1 - φ) est inférieur à 1.
Dans beaucoup d’ouvrages financiers, l’effet
massue est expliqué par un niveau de dettes
bancaires trop important empruntées à un taux
d’intérêt excessif.

Ce n’est pas faux, mais l’effet massue apparaît


aussi dans d’autres circonstances plus subtiles :

• en cas de position nette de trésorerie positive


et très supérieure à la dette bancaire à long
terme ;

• en cas de financement trop coûteux, non pas


seulement du fait d’un taux d’intérêt excessif,
mais surtout suite à une mauvaise
performance opérationnelle.

Prenons le premier cas  : celui de la position de


trésorerie positive et supérieure à la dette bancaire
à long terme (par exemple le modèle financier « fat
cash  » décrit par la figure  4-14  au chapitre
précédent).
Figure 5-16 Bilan financier de la Société Y en millions d’euros

La dette bancaire à long terme est de  10  et la


trésorerie nette positive est de 60.

La dette nette s’établit donc à 10 - 60 = - 50

La première composante de l’effet de levier est


donc (1 + net D/E) = 1 - 50/150 = 0,6666…..

La trésorerie nette, investie dans des placements


peu ou non risqués, rapportera peu et en tout cas
pas plus que les charges financières induites par les
dettes bancaires à long terme.

Le ratio φ sera donc proche de 0 entraînant (1 + φ)


≃ 1
Le produit des deux composantes
donne 0,666 × 1 = 0,666 donc un effet massue !

Nous savions déjà cela  : une position de trésorerie


nette excessivement positive tue (pour reprendre le
terme anglais) ou assomme (pour reprendre le
terme français) la rentabilité économique d’une
entreprise. Ceci conforte d’ailleurs le vieil adage  :
« L’argent est toujours un moyen et jamais une fin
en soi ! »

Pour le deuxième cas, reprenons la figure 5-10 qui


nous a permis de calculer l’effet de levier de la
Société X et supposons qu’une récession
économique entraîne une baisse importante de son
résultat opérationnel (EBIT) qui plonge
de 210 à 105.
Figure 5-17 Calcul de l’effet de levier après réduction de la performance
opérationnelle

Bien que le taux d’intérêt de la dette bancaire long


terme soit resté le même, le ratio φ augmente
considérablement pour passer de 0,28 à 0,56 ce qui
diminue la composante (1 - φ) de l’effet de levier.

La performance opérationnelle a bien sûr diminué


pour atteindre  7,444  % mais la rentabilité
financière a subi un coup de massue
supplémentaire pour tomber à 6,93 %.

Ce n’est donc pas une hausse du coût de l’argent


qui a créé cet effet massue, mais une baisse de la
marge opérationnelle.
Voilà pourquoi il est intéressant de connaître le
point limite c’est-à-dire les composantes  : dette
nette/capitaux propres (net D/E) et φ qui créeraient
un effet de levier neutre, c’est-à-dire égal à 1.

Ceci nous donne la courbe de l’effet de levier


neutre.

Pour un ratio de dette bancaire nette comparé au


montant des capitaux propres donné, elle nous
indique le ratio φ à ne pas dépasser pour maintenir
un effet de levier.

Ainsi, par exemple, pour un ratio net D/E


de  1  (signifiant une dette nette bancaire égale au
montant des capitaux propres), le ratio φ à ne pas
dépasser est de  0,5  (le montant des charges
financières après impôts FINEXPAT ne doit pas
représenter plus de  50  % du résultat opérationnel
net NOPAT).

Si φ est inférieur à 0,5 nous avons un effet de levier


(zone en dessous de la courbe).

Si φ est supérieur à 0,5 nous avons un effet massue


(killing effect) (zone au-dessus de la courbe).
Figure 5-18 Valeurs de φ en fonction de net D/E

Nous voyons combien l’interconnexion entre les


opérationnels et les financiers est importante.

La performance financière de l’entreprise n’est pas


seulement l’affaire des financiers.

La chaîne magique NOM ROCE


ROE, Managers opérationnels et
financiers : même combat
Reprenons de nouveau les différents éléments qui
conduisent (drivers en anglais) à la performance
financière de l’entreprise au travers de ces
indicateurs-clés (Key Performance Indicators : KPI en
anglais).

La chaîne magique complète


Les trois indicateurs-clés sont :

❶ NOM (Net Operating Margin en anglais) : le


taux de marge opérationnelle après Impôt

❷ ROCE (Retun On Capital Employed en anglais) :


le taux de rentabilité économique

❸ ROE (Return On Equity en anglais) : le taux de


rentabilité financière

Le driver conduisant au ROCE à partir de NOM est :

CT (Capital Turnover en anglais) qui est égal aux


ventes rapportées au capital employé (Capital
Employed en anglais).

Le driver conduisant au ROE à partir de ROCE est


formé du produit de 2 composantes :

(1 + net D/E) et (1 - φ)

Ce produit est appelé l’effet de levier (Financial


Leverage en anglais).

Nous avons donc :


Soit au final :

La rentabilité financière est en fait la conséquence


du management des opérationnels et des financiers
sous la direction du conseil d’administration (Board
of Directors en anglais).

Le NOM est sous la responsabilité des


opérationnels.

Le CT est sous la double responsabilité des


opérationnels et des financiers (par le jeu du capital
employed qui comprend à la fois l’actif immobilisé
et le besoin en fonds de roulement quand il est
positif).

L’effet de levier financier est sous la triple


responsabilité des opérationnels (par le jeu de φ lié
au NOPAT) des financiers (par le jeu à la fois de φ
mais aussi de la dette nette) et enfin du conseil
d’administration (par le jeu de la dette nette et des
capitaux propres levés auprès des associés).

La figure ci-après résume les responsabilités


croisées des managers opérationnels et financiers
sous la direction du conseil d’administration :

Figure 5-19 Responsabilités croisées dans la formation de la performance


financière

La performance financière
« n’arrose » pas seulement les
actionnaires !
On entend souvent que la performance financière
est destinée aux actionnaires au détriment des
autres acteurs de l’entreprise, et notamment des
salariés et des fournisseurs.
En fait, tous les acteurs (stakeholders en anglais)
sont les bénéficiaires potentiels de la performance
d’une entreprise. Il y a même réciprocité, car les
bénéficiaires satisfaits par le jeu de la motivation et
de la réputation participent à l’accroissement de la
performance dans un cycle vertueux.

Figure 5-20 Les multiples bénéficiaires de la performance financière

Nous allons voir dans les chapitres suivants deux


retombées importantes d’une finance d’entreprise
performante :
• La création de valeur pour les actionnaires,
analysée dans le chapitre 6 : « Performance
financière et création de valeur ».

• La génération d’une trésorerie (cash inflow)


suffisante et au moment opportun pour faire
face aux décaissements (cash outflow) dont les
indicateurs-clés seront étudiés dans le
chapitre 7 : « Les indicateurs-clés régissant la
trésorerie ».

Les Anglo-Saxons disent : « Minimize your net cash


position but maximize your cash flow. »

Nous avons vu plus haut les effets pervers d’une


position trésorerie nette excessive non utilisée.
Mais a contrario, il est nécessaire de générer
suffisamment de trésorerie (cash flow) pour faire
face aux besoins.
Retenez l’essentiel

• Le compte de résultat par fonction


s’analyse après impact de l’impôt sur les
bénéfices au niveau de chacune d’entre
elles.

• La performance opérationnelle se traduit


par le NOPAT (Net Operating Profit After Tax)
et la marge opérationnelle sur les ventes
par le NOM (Net Operating Margin).

• Le capital économique (Capital Employed)


représente les besoins financiers de
l’entreprise et comprend l’actif immobilisé et
le besoin en fonds de roulement (s’il est
positif).

• La performance économique se traduit par


le ROCE (Return On Capital Employed). Elle se
calcule par le quotient NOPAT/Capital
économique.

• Le Capital Turnover (CT) crée un effet


accélérateur (effet turbo) sur le NOM pour
générer le ROCE.
• La rentabilité financière se calcule par
rapport aux ressources apportées (Capitaux
Propres) par les propriétaires de
l’entreprise.

• L’effet de levier financier montre que


l’endettement bancaire net comparé aux
capitaux propres peut être un facteur
d’accroissement de la rentabilité financière.

• L’endettement bancaire net comparé aux


capitaux propres et les charges financières
afférentes comparées au NOPAT ont un
effet antagoniste sur le levier financier.

• L’effet de levier financier montre que


l’accroissement de la rentabilité financière
d’un investissement a pour revers un
accroissement du risque présenté par cet
investissement.

• La rentabilité financière d’une entreprise


est l’affaire de tous  : opérationnels,
financiers et conseil d’administration.

• La performance financière a des


retombées non seulement sur les
actionnaires, mais aussi sur tous les acteurs
(stakeholders) de l’entreprise.
1 Dont dotation aux amortissements : 100
DANS CE CHAPITRE
Une variable essentielle : le coût du capital

Créer ou détruire de la valeur

Les apports du concept de création de valeur

Chapitre 6
Performance financière et
création de valeur
« Le prix est ce que vous
payez, la valeur est ce que
vous gagnez. »

Warren Buffett

T rois concepts-clés :
❶ Une entreprise en finance peut être assimilée
à un actif financier, comprenant l’actif
immobilisé net et le BFR, rapportant un certain
rendement : le NOPAT, financée par un
portefeuille de ressources financières (capitaux
propres et dettes bancaires).

❷ Les capitaux propres ne sont pas gratuits


(contrairement à ce qui était enseigné il y a
longtemps).

❸ Les capitaux propres doivent rapporter aux


investisseurs un rendement basé sur le risque
qu’ils présentent pour eux.

En conséquence…

Le coût des ressources financières est le coût


moyen pondéré des deux ressources de
l’entreprise  : capitaux propres et dettes bancaires
long terme :

• Le coût des dettes bancaires long terme est le


FINEXPAT, donc le taux d’intérêt après impôt
sur les bénéfices.

• Le coût des capitaux propres est le rendement


attendu par l’investisseur, donc est lié au
risque présenté par l’entreprise.
• Si la performance des actifs économiques
(NOPAT) est supérieure au coût moyen
pondéré des ressources financières, l’excédent
appartient aux investisseurs en capitaux
propres puisque les prêteurs ont été servis par
les FINEXPAT. Il constitue donc un
accroissement de la valeur de leur
investissement.

Figure 6-1 Performance des actifs économiques et coût des ressources


financières

C’est quoi la valeur  ? Combien cela vaut-il  ?


Prenons l’exemple des tableaux de Vincent Van
Gogh. De son vivant, ils ne valaient rien.
Maintenant, ils peuvent être vendus jusqu’à
plusieurs centaines de millions de dollars  ! On
pourrait citer aussi Auguste Detœuf, patron
d’entreprise qui a écrit dans les années  1920  un
ouvrage remarquable, encore réédité de nos jours
(Propos d’O.L. Barenton, confiseur)  : «  Et comment
voulez-vous savoir ce que vaut une chose qu’on
vendra on ne sait quand, ni comment, et que peut-
être on ne vendra jamais ? » Ce terme, très utilisé
en économie et en finance, a donné lieu à de
nombreuses théories.

Et ce n’est pas fini ! On n’a pas fini de parler de la


juste valeur (fair value en anglais) et de la valeur de
marché (market value en anglais). Pour rester
simple, dans ce chapitre, nous allons surtout parler
de la création de valeur, devenue un critère de
performance et considérée comme un objectif
majeur des entreprises dans l’intérêt des
actionnaires (shareholder value) mais aussi
maintenant de plus en plus envisagée dans l’intérêt
des parties prenantes (stakeholder value), c’est-à-
dire les salariés, les clients, les fournisseurs, l’État,
etc.

Les concepts de valeur ajoutée économique


(Economic Value Added  : EVA) ou de valeur ajoutée
de marché (Market Value Added  : MVA) ont été de
plus en plus utilisés par les grands groupes cotés en
Bourse avec une idée de base facile à comprendre :
la création de richesse ou de valeur trouve son
origine dans l’obtention d’une rentabilité des
capitaux employés (Actif immobilisé et besoin en
fonds de roulement) dans les activités de
l’entreprise, supérieure au coût des ressources
mobilisées pour les financer (capitaux propres et
emprunts bancaires).

L’entreprise est ainsi considérée comme un


portefeuille de capitaux employés, financée par un
portefeuille de ressources.

C’est une transposition, au niveau global de


l’entreprise, des principes utilisés dans les
méthodes de choix d’investissement et évoqué dans
le chapitre  5  au moment de l’effet de levier  : un
investissement doit rapporter plus que le coût de
son financement.

Cette financiarisation des objectifs des grands


groupes peut se comprendre quand on constate le
poids croissant des fonds de pension, des
investisseurs institutionnels et
l’internationalisation des actionnaires (plus
de  50  % des actions du CAC-40  sont détenues par
des actionnaires étrangers). Mais il est aisé de
comprendre également que la création de valeur
n’est pas complètement indépendante des
différentes parties prenantes autres que les
actionnaires.!

Une variable essentielle : le


coût du capital
Tout d’abord le capital dans l’expression « coût du
capital  », ce n’est pas le capital social du bilan  !
C’est une traduction française un peu rapide de
«  cost of capital  », qu’il faut comprendre comme
coût des capitaux investis, c’est-à-dire l’ensemble
des capitaux propres et des dettes financières. D’un
point de vue strictement financier, considérée
comme un portefeuille de ressources financières,
l’entreprise ne devrait réaliser que des
investissements dont la rentabilité anticipée est au
moins égale au coût du capital exprimé en termes
de taux d’intérêt.

Le coût du capital est en fait le taux moyen pondéré


d’emprunt des ressources mises à la disposition de
l’entreprise par les bailleurs de fonds, actionnaires
et prêteurs.

Pour la dette bancaire, c’est le taux d’intérêt moyen


calculé après impôt sur les bénéfices (qui est
l’impact réel pour l’entreprise emprunteuse).
Par analogie avec le fait que le coût d’une dette
bancaire, en termes de taux, pour l’emprunteur est
le rendement attendu pour le prêteur, on peut
définir le coût des capitaux propres de la façon
suivante : le coût des capitaux propres est en fait la
rentabilité exigée ou anticipée par les actionnaires
ou investisseurs. C’est une «  espérance  » dont le
taux est lié au risque encouru ou ressenti comme
tel. Plus l’investissement apparaît risqué, plus
l’espérance de gain doit être importante pour
compenser le risque. Cette notion de risque ressenti
dépend évidemment de nombreux facteurs.

Par exemple, quand un président de société cotée


en Bourse a annoncé au cours de l’année N un
chiffre d’affaires et un résultat prévisionnel d’un
certain montant qu’il n’a finalement pas réussi à
réaliser en N +  1, son entreprise peut apparaître
plus risquée que celle dont le président a annoncé
un résultat modeste, mais qu’il a ensuite
effectivement réalisé  ! En communication, il faut
souvent mieux réaliser ce qu’on a prévu, plutôt que
faire mieux que ce qu’on a prévu, car cela implique
une aptitude à bien faire ses prévisions, ce qui
donne l’impression d’un risque moins grand, donc
d’une espérance de gain plus réaliste et plus sûre et
donc d’un montant acceptable plus petit.

Un investisseur qui n’a pas le goût du risque va


donc investir dans des obligations créées par un
État dont la réputation est solide, avec la certitude
de percevoir des intérêts d’un montant certes
modéré mais certain, et d’être remboursé à
l’échéance, alors que celui qui accepte un risque
investira dans des actions dont la valeur est
variable dans le temps et les dividendes plus ou
moins aléatoires. Vaut-il mieux avoir ses petites
économies placées sur un livret A à  0,50  % par an
(en  2020) ou investies dans des actions dont le
cours peut certes augmenter de 30 % dans l’année,
mais aussi baisser d’un montant comparable et être
difficilement vendables au moment où on en a
besoin ?

En général, les investisseurs avisés diversifient


leurs placements, en d’autres termes ne mettent
pas tous leurs œufs dans le même panier. La
diversification des placements est le moyen le plus
sûr de diminuer globalement le risque global du
portefeuille de titres détenu.

La théorie dit cependant que la diversification


permet de réduire, voire d’éliminer, le risque
spécifique de chaque titre mais pas le risque
général lié au marché. Si vous avez un portefeuille
contenant toutes les actions cotées dans les mêmes
proportions que leur existence sur le marché, celui-
ci ne court que le risque du marché. Pour mieux
comprendre, il faut aborder le MEDAF !

Notions sur le MEDAF et


l’interprétation du risque
Le Modèle d’Évaluation des Actifs Financiers
(MEDAF) correspond au Capital Asset Pricing Model
(CAPM) développé initialement par des
universitaires américains (Markowicz puis Sharpe)
et qui a influencé ensuite toute la théorie
financière. D’après ce modèle, le risque lié à un
titre financier peut être décomposé en un risque lié
au marché financier et un risque spécifique au titre
et indépendant du marché.

Le risque de marché (systématique ou non


diversifiable) est dû à l’évolution de l’ensemble de
l’économie et affecte plus ou moins tous les titres
financiers.

Le risque spécifique (ou diversifiable) résulte


uniquement des événements qui affectent chaque
titre en particulier.

Tout cela constitue la théorie du portefeuille.

Le paragraphe qui suit est réservé aux matheux


mais n’empêchera pas les autres de comprendre la
suite !

Le risque du titre répond à la formule suivante :

(Risque total du titre)2 = (risque de marché)2 +


(risque spécifique)2

Pour un investissement en un titre J sa rentabilité


au cours d’une période t est liée à celle du marché
dans sa globalité par la droite de régression
suivante :

rjt = aj + βj × RMt + εjt

β est un paramètre propre à l’investissement J. Il


indique la relation existant entre les fluctuations de
la valeur de celui-ci et les fluctuations du marché :
c’est un coefficient de volatilité ou de sensibilité.
On l’appelle bêta ou coefficient bêta.

Le risque total d’un titre J se traduit par l’écart-


type de sa rentabilité σ (rj) tel que :

σ2 (rj) = β2j × σ2(RM) + σ2(rεj)


Le risque de marché du titre est égal à βj × σ(rM)

avec σ (RM) = écart-type de la rentabilité du marché

Le risque spécifique du titre est égal à l’écart-type


des différents résidus εjt

Revenons à ce que tout le monde peut comprendre !

Rentabilité attendue par


l’investisseur
La théorie du portefeuille démontre qu’on tend à
éliminer le risque spécifique par la diversification
(théorie du portefeuille). La rémunération exigée
par un investisseur n’est pas liée au risque total
mais au risque du marché. Dans un marché à
l’équilibre (mais est-ce que cela existe vraiment ?)
le risque non systématique n’est donc pas
rémunéré.

La rentabilité exigée par l’investisseur est égale au


taux de l’argent sans risque (rF) (normalement à
peine plus que le taux de l’inflation) majoré d’une
prime de risque uniquement liée au risque non
diversifiable (c’est-à-dire le risque du marché).
Le taux de l’argent sans risque (rF) correspond en
France en général au taux de l’OAT (Obligation
Assimilable du Trésor) à 10 ans.

La prime de risque est égale à βi × (kM - rF),

⇒ kM = rentabilité du marché

⇒ βi = coefficient de sensibilité par rapport au


rendement du marché. S’il est égal à 1 cela signifie
que l’action a le même comportement que le
marché, dont par définition le coefficient β est égal
à  1. S’il est supérieur à  1  le titre est qualifié
d’offensif (fluctuations plus fortes que celles du
marché) et de défensif s’il est inférieur
à 1 (fluctuations plus faibles que celles du marché).

⇒ (kM  -  rF) = la prime de risque du marché varie


dans le temps. La moyenne sur  100  ans en France
est de l’ordre de  5  % alors qu’actuellement, on
tourne plutôt autour de 6 %.

Coût moyen pondéré du


capital
L’entreprise utilise deux catégories de ressources
financières : ses capitaux propres et des emprunts.
On a déjà étudié le rôle des uns et des autres dans
l’effet de levier.

❶ Le « coût » des capitaux propres correspond


à la rentabilité qu’en attendent les
actionnaires :

Rémunération attendue des actionnaires = E(Rcp)


= l’espérance de rendement pour les capitaux
propres

D’après le MEDAF, les actionnaires qui acceptent de


courir le risque propre à la détention d’actions
veulent une rémunération liée au coût de l’argent
et majorée d’une prime de risque. L’espérance de
rentabilité des capitaux propres est donc définie par
la formule suivante :

(Cost of equity = Risk free rate + (Risk premium) × beta


en anglais)

❷ Le coût de la dette est le taux d’intérêt moyen


après impôt qui rémunère les prêteurs.
Coût de la dette = Taux d’intérêt de la dette ×
(1 - Taux d’impôt sur le bénéfice)

On peut calculer ainsi le coût moyen pondéré de ces


deux catégories de ressources financières, c’est-à-
dire le Coût Moyen Pondéré du Capital (CMPC).
Cela correspond à ce qu’en anglais, on nomme le
WACC (Weighted Average Cost of Capital).

Une entreprise utilise des capitaux constitués aux


deux tiers par des capitaux propres et pour un tiers
par des dettes bancaires.

La proportion des capitaux propres par rapport au


total des ressources financières :

La proportion des dettes bancaires par rapport au


total des ressources financières :

Le taux des emprunts d’État supposés sans risque


rF = 2 %

La prime de risque (kM - rF ) = 5 %

β = 0,8
Le taux d’intérêt de la dette bancaire de l’entreprise
= 4,5 %

Le taux d’impôt sur les bénéfices = 331/3 %

L’exigence de rendement pour les capitaux propres


= 2 % + 5 % × 0,8 = 6 %

Le coût réel de la dette pour l’entreprise  : 4,5  %


(1 - 331/3 %) = 3 %

Le coût moyen pondéré du capital  :

Créer ou détruire de la valeur


On peut dire qu’il y a création de valeur au cours
d’un exercice si la performance des actifs
économiques après impôt sur les bénéfices : NOPAT
(Net Operating Profit After Tax) est supérieure au coût
des capitaux investis. Cette notion de création de
valeur est différente de celle de rentabilité globale
pour l’actionnaire (ou valeur créée pour
l’actionnaire sur le marché financier) qui est
mesurée par la variation du cours boursier au cours
d’une période et augmentée du dividende (total
shareholder return en anglais).
Le concept d’EVA (Economic
Value Added)
Le montant de valeur créée (EVA) est égal au
résultat opérationnel après impôt sur les bénéfices
(NOPAT) diminuée du coût des ressources
financières investies.

L’EVA est bien une différence entre un revenu et un


coût.

Figure 6-2 Valeur créée

Pour le coût (exprimé en valeur) des ressources


financières investies, nous avons  : Coût = WACC ×
Capital Investi

Ainsi : EVA = NOPAT - WACC × CI

Tous les chiffres sont en milliers d’euros


NOPAT = 80

Montant des capitaux employés (CE) = 800

Capitaux Investis : 900

-  dont Capitaux propres 600

-  dont Dettes financières 300

Coût estimé des fonds propres (rentabilité espérée


des actionnaires) = 6 %

Taux moyen d’intérêt des dettes financières après


impôt = 3 %

Coût moyen pondéré du capital (WACC) :

EVA = NOPAT  -  WACC × CI =  80  -  5  %


× 900 = 80 - 45 = 35

Cette «  création de valeur  » est supposée


correspondre à un enrichissement des actionnaires
au-delà de la simple rémunération du risque pris.
Figure 6-3 Exemple de création de valeur (en milliers d’euros)

La rentabilité espérée par les actionnaires (donc le


risque présenté par l’entreprise) joue un rôle
important :

Ainsi, pour une rentabilité espérée de  15  % au lieu


de 6 % :

EVA = NOPAT  -  WACC × CI =  80  -  11  %


× 900 = 80 - 99 = - 19

L’EVA est donc négative.

Comme on le voit dans la figure 6-4, l’entreprise a


détruit de la valeur pour les actionnaires puisque la
performance des actifs économiques est inférieure
au coût des capitaux investis (11  %) du fait d’une
rentabilité espérée par les actionnaires importante
(15 %) causée par le risque qu’ils estiment courir.

Figure 6-4 Exemple de destruction de valeur (en milliers d’euros)

Les apports du concept de


création de valeur
La création de valeur est une notion utile pour le
contrôle de gestion.

❶ Elle sensibilise tous les acteurs de l’entreprise


au coût global des ressources financières du
bilan.
• Elle supprime l’idée que les fonds
propres sont gratuits.

• Elle montre que les fonds propres ont


un coût généralement supérieur à celui
de la dette bancaire, ce qui confirme le
rôle de l’effet de levier.

❷ Elle améliore les décisions financières.


• Elle traduit en termes concrets le rôle
nuisible d’une position de trésorerie
permanente excessive.

La figure 6-3 nous a montré le calcul de la création


de valeur de  35  pour une Société comportant une
position de trésorerie excédentaire permanente
de 100.

Dans ce cas, les capitaux investis de  900  ne sont


employés qu’à hauteur de 800 pour concourir à un
NOPAT de 80 (soit un ROCE de 10 %).

Dans la figure  6-5  ci-après, les  100  de trésorerie


excédentaire ont été employés pour réduire la dette
bancaire de 100 × 1/3 = 33,333 (par remboursement
d’une partie de la dette) et réduire les capitaux
propres de  100  ×  2/3  =  66,666  (par paiement par
exemple d’un dividende supplémentaire).
Ces montants de  1/3  et  2/3  ont été choisis, à
dessein, afin de garder la même structure pour les
ressources financières soit  2/3  de capitaux propres
et 1/3 de dettes bancaires.

Nous avons une création de valeur supérieure


(40  contre  35), puisque les capitaux investis sont
entièrement employés dans les actifs économiques
qui « produisent » un NOPAT de 80.

Figure 6-5 Exemple de création de valeur par ré-emploi d’une trésorerie


excessive en diminution des ressources financières (en milliers d’euros)

❸ Comme mesure de performance, elle conduit à


un dialogue plus poussé entre les financiers et
les opérationnels.
• Elle prend en compte la rentabilité des
actifs économiques plus ciblée que le
résultat comptable.

• Elle souligne l’importance de la


performance opérationnelle par rapport
aux capitaux employés et donc les
notions de rentabilité d’investissement
et de maîtrise du besoin en fonds de
roulement.

❹ Elle met en évidence les principaux leviers de


création de valeur.
• Rôle de l’efficacité opérationnelle.

• Optimisation du coût du capital investi


(WACC) par réduction du risque
d’entreprise.

• Prise en compte du WACC comme critère


de décision d’investissement.

Pour illustrer ce dernier point, reprenons notre


exemple de la figure 6-5, en utilisant la trésorerie
excédentaire, non pas pour réduire les ressources
financières, mais pour investir dans de nouveaux
actifs immobilisés.
Figure 6-6 Exemple de création de valeur par ré-emploi d’une trésorerie
excessive en investissement (en milliers d’euros)

Les capitaux investis sont entièrement employés.

Le coût des capitaux investis est égal à WACC × CI


= 5 % × 900 = 45

Si l’on veut avoir une création de valeur au moins


équivalente à la situation précédente (40), il nous
faut un NOPAT de :

40 = NOPAT - 45 ⇒ NOPAT = 85

Le NOPAT doit donc augmenter de  5, ce qui


correspond au montant de la trésorerie
excédentaire investie  : 100  qui serait placée à un
taux de  5  % (qui est le WACC). En conséquence,
tout nouvel investissement n’est acceptable que si
la rentabilité est au moins égale au WACC.

Ce chapitre nous fait donc franchir une étape de


plus :

Nous avions vu au chapitre 5 la règle fondamentale


suivante :

Un nouvel investissement doit rapporter au


moins autant que ce que coûte son financement.

Grâce au chapitre 6, vous savez maintenant que le


coût de financement est le WACC !

Nous reprendrons tout cela au chapitre  8  :


« Investir : comment décider ? »

Quand une entreprise est cotée sur un marché


boursier, on peut déterminer sa valeur (appelée
capitalisation boursière ou market value en anglais)
en multipliant le prix coté d’une action multiplié
par le nombre d’actions en circulation (outstanding
shares en anglais).

Ce montant se compare à la valeur comptable,


éventuellement retraitée, des capitaux propres
figurant au bilan.

On définit un ratio (que nous verrons au chapitre 9)


appelé Market to Book (M to B) en anglais.
L’évolution de ce ratio peut être analysée comme
un indice suggérant une sous-évaluation ou une
surévaluation de l’action en Bourse pouvant inciter
à l’achat ou à la vente du titre.

On peut étendre ce concept aux capitaux investis


par l’entreprise :

• remplacer le montant des capitaux propres


par la capitalisation boursière sur le marché
des actions ;

• remplacer le montant des dettes bancaires par


leur valeur sur le marché des obligations (le
prix d’une obligation à taux fixe diminue
quand les taux d’intérêt augmentent) ;

À une date déterminée, on peut calculer une


création de valeur telle que déterminée par le
marché. Cette création de valeur de marché (Market
Value Added  : MVA en anglais) est définie par le
montant de la valeur de marché de l’entreprise
diminuée du montant des capitaux investis dans
l’entreprise (capitaux propres + dettes bancaires).

Bien souvent (notamment en période de stabilité


des taux d’intérêt), la valeur de marché des dettes
bancaires est très proche de leur valeur comptable,
aussi la Market Value Added peut s’écrire :

MVA = Capitalisation boursière - Capitaux


propres comptables

Pour conclure
Calculer la création de valeur d’une entreprise
paraît finalement assez simple, mais n’oublions
pas un dicton assez pertinent : « Ce qui est simple
est faux, mais ce qui est compliqué est
inutilisable. » Le cabinet nord-américain Stern and
Stewart, qui n’a pas inventé le concept mais a
déposé le terme EVA, qui est donc maintenant, en
quelque sorte, une marque, propose à ses clients les
nombreux ajustements ou retraitements à partir de
la comptabilité qui semblent nécessaires pour
déterminer un résultat économique considéré
comme plus proche de la réalité que les seuls
résultats comptables.
Par ailleurs, n’oublions pas que toutes ces
évaluations, certes intéressantes pour aider aux
prises de décision, reposent depuis longtemps sur
l’hypothèse de l’efficience des marchés, remontant
au début du XXe siècle, et remettant ainsi au goût du
jour le concept de marché parfait, venant lui, du
XIXe siècle. La shareholder value a comme
soubassement théorique implicite celui de la
rationalité économique néo-classique. Le concept
d’efficience, très lié à l’hypothèse de rationalité
économique des acteurs sur le marché et à la
transparence de celui-ci, est remis en question par
beaucoup. Les recherches en finance
comportementale ont montré que des erreurs
cognitives, émotionnelles et d’imitations collectives
faussent la formation des prix. Les marchés ne sont
qualifiés que d’un certain niveau d’efficience
(faible, semi-fort ou fort) et cela permet
d’expliquer les apparitions de krachs et de bulles.

Quant au MEDAF (CAPM en anglais pour capital


asset pricing model), il repose sur l’hypothèse que les
investisseurs sont rationnels et bénéficient tous de
la même information sur les titres. Les β sont
difficiles à déterminer avec fiabilité. Ils sont
calculés à partir du passé et ne sont pas
nécessairement stables dans le temps. La méthode
du MEDAF est, malgré tout, largement utilisée dans
le monde, faute de mieux. Car finalement, personne
ne connaît l’avenir, et tant mieux !

Nous avons vu que la création de valeur est liée à


l’investissement de la trésorerie excédentaire
permanente dans de nouveaux actifs. Mais la
position de trésorerie varie chaque jour en fonction
des investissements de remplacement, de la
variation du besoin en fonds de roulement, du
remboursement du capital emprunté, des
dividendes payés.

Aussi, il est important de calculer le flux de


trésorerie excédentaire compte tenu de sa
performance, de sa croissance et de l’impact
présent de ses décisions financières passées. C’est
ce flux définitivement excédentaire que l’entreprise
peut utiliser pour créer de la valeur. On l’appelle  :
surplus de trésorerie valorisable (Investable Cash
Surplus  : ICS en anglais). Il est calculé et analysé
dans le chapitre suivant «  Les indicateurs-clés
régissant la trésorerie ».
Retenez l’essentiel

• Le coût du capital est une variable


essentielle qui se calcule grâce au modèle
d’évaluation des actifs financiers (MEDAF).

• Le MEDAF permet de définir le risque lié à


un titre financier (action, obligation, etc.).

• La rentabilité attendue par un investisseur


dépend du risque associé au titre investi  :
No pain no gain, big pain big gain !

• Le coût moyen du capital est la moyenne


pondérée des coûts des constituants du
capital investi (capitaux propres et dettes).

• On dit qu’une entreprise crée de la valeur


pour l’actionnaire quand la performance
générée par les actifs économiques est
supérieure au coût des capitaux investis.

• La market value added (MVA) reprend le


concept de la création de valeur à partir de
la capitalisation boursière de l’entreprise.
DANS CE CHAPITRE
Pourquoi « cash is king » et pourquoi l’entreprise doit
être (aussi) une machine à faire du cash ?

La dynamique des flux de trésorerie

Comment naît le free cash flow

Les décisions financières du passé pèsent aussi sur la


trésorerie au présent

Comment les indicateurs-clés du surplus de trésorerie


valorisable concourent à la stratégie de développement
de l’entreprise
Chapitre 7
Les indicateurs-clés régissant
la trésorerie
«  En gestion financière de
l’entreprise, il y a trois
règles à respecter  : la
première est de faire le
maximum de cash flow, la
deuxième est de garder le
minimum de trésorerie et
la troisième est de ne
jamais oublier les deux
premières. »

Auteur inconnu

I l est bien évident que l’unique rôle de l’entreprise


n’est pas de faire du cash. L’entreprise est une
communauté humaine qui doit proposer à ses
clients des produits de qualité au meilleur prix,
sans «  massacrer  » ses fournisseurs et en
motivant et rémunérant convenablement ses
salariés. Mais le carburant du moteur de
l’entreprise est l’argent, car au final l’entreprise
encaisse de l’argent de ses clients, ce qui permet de
payer les fournisseurs et les salariés (sans oublier
les impôts et taxes).

L’entreprise est aussi une


machine à faire du cash !
Cependant, les associés et les banques doivent
apporter de l’argent au démarrage de l’entreprise.
Cet apport doit être occasionnel, car les apporteurs
de capitaux se lasseraient de financer un «  puits
sans fond  », sans espoir de retrouver au moins la
juste rémunération de leurs efforts.

L’entreprise doit donc générer de la trésorerie afin


d’éviter le recours systématique aux capitaux
extérieurs, tout en finançant sa croissance, en
remboursant les prêteurs, sans oublier de
rémunérer les associés.

Rappelons aussi que le dépôt de bilan d’une


entreprise et sa liquidation résultent d’un manque
de trésorerie ne permettant plus de payer les
salariés et les fournisseurs.
L’entreprise doit donc être, aussi, une machine à
faire du cash… Et même un surplus de cash pour
financer de nouveaux investissements et créer de la
valeur pour les associés.

Le surplus de cash généré par l’entreprise se trouve


donc à la convergence de trois forces  : sa
performance au présent, sa croissance créatrice de
son futur et le poids des décisions financières
prises dans le passé.

Figure 7-1 Les trois axes des flux de trésorerie

Sur la figure 7-1, on représente l’entreprise par le


triangle au centre dont les 3  sommets s’appuient
sur les 3 axes dans un espace à 3 dimensions.

Les 3 dimensions sont la performance (l’axe z pour


les matheux), le taux de croissance (l’axe x ou
abscisse) et le poids du passé représenté par les
dettes à rembourser aux prêteurs et la
rémunération des associés par la distribution de
dividendes (l’axe y ou ordonnée).

On voit tout de suite que si la performance de


l’entreprise augmente, le sommet du triangle
glissera sur l’axe performance vers le haut,
entraînant une élévation du centre de gravité du
triangle et donc un surplus de cash généré.

En revanche, le remboursement des dettes aux


prêteurs et la rémunération des associés sous la
forme de dividendes feront glisser les pieds du
triangle et abaisseront son centre de gravité, ce qui
diminuera le surplus de cash valorisable.

Il est donc important de trouver les relations entre


le flux de trésorerie généré par la performance au
présent et les flux de trésorerie utilisés pour faire
face à la croissance (le futur de l’entreprise) et au
poids du passé financier (les dettes financières dont
il faut bien payer le taux d’intérêt, les emprunts
qu’il faut rembourser et les associés qui s’attendent
à voir leur investissement antérieur rétribué par
des dividendes et de la création de valeur).
C’est donc une vision dynamique de la gestion de la
trésorerie de l’entreprise que nous allons aborder.
Nous définirons ainsi les indicateurs-clés qui
régissent la trésorerie de l’entreprise et qui
génèrent le flux de trésorerie nécessaire pour créer
de la valeur pour l’actionnaire.

La dynamique des flux de


trésorerie
Reprenons donc la présentation synoptique du
système modélisé de trésorerie vue au chapitre 4.

Figure 7-2 Présentation synoptique du système modélisé de trésorerie


Au démarrage de l’entreprise, il est nécessaire
d’apporter des capitaux :

• de la part des associés ;

• de la part des banques.

Ensuite, l’entreprise doit générer par sa


performance la trésorerie suffisante pour faire face
à ses différents besoins :

• l’actif immobilisé va évoluer selon une


stratégie d’investissement et de
renouvellement des actifs amortis ;

• le besoin en fonds de roulement se modifiera


selon les variations des stocks, des créances
clients et des dettes fournisseurs et donc en
première approximation selon les ventes.

Le résultat donnera un cash flow disponible qui sera


utilisé pour :

• payer les frais financiers et rembourser les


dettes bancaires ;

• servir les dividendes aux associés.

Le surplus de cash qui en résulte s’explique par la


performance (le présent) diminué de la croissance
(le futur de l’entreprise) et du poids des décisions
financières antérieures (remboursement de la dette
et des frais financiers et rémunération des
associés).

• S’il est positif, il constituera une trésorerie


« valorisable » qui, investie dans de nouveaux
marchés et de nouveaux équipements plus
performants, contribuera à la création de
valeur ;

• s’il est négatif, il nécessitera de faire, de


nouveau, appel aux apporteurs de capitaux
(associés et/ou prêteurs).

Comme on le voit parfaitement sur le diagramme,


le cash flow disponible est le résultat de deux forces
antagonistes : la performance et la croissance.

Analysons ci-dessous les indicateurs-clés qui


matérialisent ces deux forces.

Le compromis performance-
croissance
Pour cela, faisons appel à un nouvel indicateur,
malheureusement méconnu : le WAGU !
Une nouvelle star méconnue :
le WAGU
Reprenons le modèle classique de bilan financier. Il
montre que les capitaux investis (ressources
financières) sont utilisés pour financer les capitaux
employés (besoins financiers).

Ces besoins financiers se résument à deux


composantes :

• l’actif net immobilisé qui est le reflet de la


stratégie d’investissement ;

• le besoin en fonds de roulement qui est lié à la


croissance des ventes.

La croissance financière de l’entreprise est reflétée


par la croissance des capitaux employés.

Figure 7-3 Capital employé et capital investi


La croissance de l’actif immobilisé
La variation de l’actif immobilisé s’explique de
deux façons  : il croît du fait des nouveaux
investissements (maintenance, amélioration,
recherche d’une meilleure productivité), mais il
diminue du fait de la comptabilisation d’une
dotation aux amortissements (correspondant à
l’usure du matériel), mais aussi de la valeur nette
comptable du matériel quand il est cédé. Les Anglo-
Saxons appellent cette variation «  net capital
expenditures ».

Céder du matériel ancien non complètement amorti


a un double effet  : non seulement on diminue le
poids de l’actif immobilisé, donc le montant des
capitaux employés, mais on encaisse le montant de
la cession (après impôt sur la plus-value
éventuelle).

Ce dernier montant permettra de financer


partiellement un nouvel investissement que l’on
choisira plus productif que l’ancien, afin
d’augmenter la rentabilité des capitaux employés.

La croissance du besoin en fonds de


roulement
La croissance du besoin en fonds de roulement
s’explique par les variations du niveau des stocks,
des créances clients et des dettes fournisseurs. Mais
si l’on admet que les conditions de rotation de
stock, les délais d’encaissement des créances
clients et les délais de paiement des fournisseurs
sont stables et optimales, le besoin en fonds de
roulement augmentera proportionnellement aux
ventes.

Car une augmentation des ventes signifie : plus de


stock nécessaire pour faire face à la demande, plus
de créances clients à encaisser et plus de dettes
fournisseurs à payer (mais pas dans la même
proportion pour ces dernières du fait de la marge
entre le prix de vente et le prix d’achat).

La croissance des ventes entraîne une croissance du


besoin en fonds de roulement, et donc une
augmentation des capitaux employés.

Nous avons pris ci-dessus l’hypothèse d’un besoin


en fonds de roulement optimal. Il est très
important d’être attentif à ce dernier  : le laxisme
dans la gestion des stocks et l’indulgence dans le
recouvrement des créances clients peuvent le faire
progresser à un rythme supérieur à celui des ventes
entraînant mécaniquement une baisse de la
rentabilité des capitaux employés.

Certaines entreprises ont créé une fonction


spécifique pour suivre et optimiser le besoin en
fonds de roulement, le «  working capital
management ».

Si le besoin en fonds de roulement est négatif, il


n’est pas un emploi mais une ressource. Sa
croissance liée à celle des ventes créera un apport
de capitaux et non une demande. Cependant, il faut
se souvenir que le besoin en fonds de roulement
négatif n’est qu’une ressource à court terme et que
son utilisation pour financer des investissements
crée un risque financier (business risk).

Nous avons analysé plus haut la nature des


croissances de l’actif immobilisé net et du besoin
en fonds de roulement net. Définissons maintenant
le taux de variation de l’actif immobilisé par
rapport à sa valeur en début d’exercice, donc à la
fin de l’exercice précédent, et le taux de variation
du besoin en fonds de roulement par rapport à lui-
même à la fin de l’exercice précédent.

La démonstration mathématique ci-dessous


montre que le taux de croissance des capitaux
employés est la moyenne pondérée des taux de
croissance de l’actif immobilisé et du besoin en
fonds de roulement. La pondération est définie par
le pourcentage en valeur de chaque composant,
actif immobilisé et besoin en fonds de roulement,
dans le total des capitaux employés.

Comme le taux de variation de l’actif immobilisé


représente la croissance des investissements et
comme le taux de variation du besoin en fonds de
roulement est assimilé à la croissance des ventes,
on peut dire que le taux de croissance annuelle des
capitaux employés est la moyenne pondérée des
taux de croissance annuelle des investissements et
des ventes.

Ce taux est une moyenne pondérée des besoins


financiers, nous l’appellerons donc WAGU pour
Weighted Average Growth of Uses en anglais par
référence au WACC (Weighted Average Cost of Capital)
utilisé pour la moyenne pondérée du coût des
ressources financières.

La démonstration mathématique se trouve ci-


dessous dans le coin des matheux.

Si vous n’aimez pas les formules mathématiques,


vous pouvez passer sans encombre.
Le coin du matheux

Calculons le taux de croissance des capitaux


employés (WAGU). La lettre ∆x exprime la variation
de la donnée x.

AI est l’Actif Immobilisé net.

BFR est le besoin en fonds de roulement net de


provisions pour dépréciation.

WAGU = (∆AI + ∆BFR)/ (AI + BFR)

Soit :

WAGU = ∆AI/ (AI + BFR) + ∆BFR/ (AI + BFR)

Comme :

∆AI/ (AI + BFR) = ∆AI /AI × AI/ (AI + BFR)

∆BFR/ (AI + BFR) = ∆BFR/BFR × BFR/ (AI + BFR)

∆AI/AI = TAI est le taux de croissance de l’actif


immobilisé

∆BFR/BFR = TBFR est le taux de croissance du


besoin en fonds de roulement

AI/ (AI + BFR) = ωAI est le poids de l’actif immobilisé


dans les capitaux employés
BFR/ (AI + BFR) = ωBFR est le poids du besoin en
fonds de roulement dans les capitaux employés

Nous aurons alors :

WAGU = ωAI × TAI + ωBFR × TBFR

Le taux de croissance des capitaux employés est la


moyenne pondérée des taux de croissance de
l’actif immobilisé et du besoin en fonds de
roulement.

• Le taux de croissance des capitaux employés


(WAGU) se calcule comme les variations de
l’actif immobilisé net et du besoin en fonds de
roulement pendant une période comparée au
montant des capitaux employés en début de
période.

∆ est le symbole mathématique signifiant :


« variation ».

• Le taux de croissance des capitaux employés


(WAGU) est aussi la moyenne pondérée des
taux de croissance de l’actif immobilisé et du
besoin en fonds de roulement pendant une
période.

Reprenons le calcul du free


cash flow
Pour cela, nous allons reprendre le système
modélisé de trésorerie :

Figure 7-4 Le système modélisé de trésorerie

Il nous montre que :


Free cash flow = Potential cash flow  -  Variation du
BFR brut - Acquisitions d’actif immobilisé + Prix de
cessions d’actifs

Le potential cash flow est explicité sous la forme


NOPAT + dotation aux amortissements + dotation
aux provisions d’actif circulant (cf. chapitre 4).

Le prix net de cessions d’actifs = Résultat


exceptionnel net + VNC

Soit Free cash flow = NOPAT + Dotation aux


amortissements + dotation aux provisions d’actif
circulant  -  Variation du BFR brut  -  Acquisitions
d’actif + Résultat exceptionnel net + VNC

Free cash flow = NOPAT + Résultat exceptionnel


net  -  (Variation du BFR brut  -dotation aux
provisions d’actif circulant)  -  (Acquisitions
d’actif - Dotation aux amortissements -VNC)

L’élément  : Variation du BFR brut  -  Dotation aux


provisions d’actif circulant est la variation du BFR
net

L’élément  : Acquisitions d’actif  -  Dotation aux


amortissements  -  VNC est la variation de l’actif
immobilisé net

Finalement, on peut écrire que :


Free cash flow = NOPAT + Résultat exceptionnel
net  -  (variation de l’actif immobilisé net +
variation du BFR net)

Divisons maintenant chaque terme par le montant


des capitaux employés en début de période

(NOPAT + Résultat exceptionnel net)/Capitaux


employés = ROCE

(Variation de l’actif immobilisé net + variation du


BFR net)/Capitaux employés = WAGU

Au final  : Free cash flow/Capitaux employés =


ROCE - WAGU

Soit :

FCF = CE × (ROCE - WAGU)

Le free cash flow résulte de l’écart entre la


rentabilité des actifs économiques et le taux de
croissance des capitaux employés multiplié par le
montant des capitaux employés en début de
période.

Le ROCE intègre à la fois le résultat opérationnel


courant et le résultat exceptionnel, puisque ce
dernier provient d’une cession d’actif immobilisé.
Figure 7-5 Société Z orientée performance

Dans cet exemple, nous prenons  3  hypothèses


simplificatrices :

❶ la trésorerie nette à la fin de la période 0 est


quasiment nulle ;

❷ la Société Z n’a pas de dettes bancaires à long


terme ;

❸ la Société Z ne verse pas de dividendes.


Le bilan financier à la fin de la
période  0  correspond à la situation au début de la
période 1.

Le taux de croissance de l’actif net immobilisé en


période  1  de  10  % nous donne un actif net
immobilisé de 600 + 10 % × 600 = 660.

Le taux de croissance des ventes en


période 1 de 15 % nous donne un besoin en fonds de
roulement de 400 + 15 % × 400 = 460.

Au début de la période  1  les poids respectifs de


l’actif net immobilisé et du besoin en fonds de
roulement sont de  : 600/1000  =  60  %
et 400/1000 = 40 %.

Le WAGU sera de  60  % ×  10  % +  40  % ×  15  %


= 12 %.

(On vérifie que les capitaux employés pendant la


période  1  sont de  660  +  460 =  1  120  soit en
progression de  12  % par rapport aux capitaux
employés au début de la période  :
600 + 400 = 1 000).

Si la période 1 génère un ROCE de 15 %, le free cash


flow sera de :
CE0  × (ROCE  -  WAGU) =  1000  × (15  %  -  12  %)
= 1000 × 3 % = 30

Comme l’entreprise n’a pas de dette bancaire et ne


verse pas de dividendes, le free cash flow est égal au
cash flow total, donc au surplus de trésorerie.

À la fin de la période 1, la trésorerie nette est donc


égale à la situation nette en début de période + le
surplus de trésorerie soit : 0 + 30 = +30.

Le montant des capitaux propres est égal à 1150 soit


une progression de : (1150 - 1000)/1000 = 15 %

Ce taux de  15  % est le ROE, il est égal au ROCE


puisqu’il n’y a pas de dettes bancaires, donc pas
d’effet de levier financier.

La société Z à une performance de ses actifs


économiques (ROCE =  15  %) supérieure à la
croissance de ses mêmes actifs (WAGU = 12 %).

Cet excédent de performance sur la croissance


entraîne un free cash flow positif et donc un surplus
de trésorerie valorisable du même montant,
puisqu’elle n’a pas dettes bancaires et ne paie pas
de dividendes. La Société Z est donc orientée
performance, puisque celle-ci supplante la
croissance.
Prenons maintenant la même Société Z, mais avec
une rentabilité des actifs économiques (ROCE) qui
tombe à 10 %.

Figure 7-6 Société Z orientée croissance

Le WAGU est toujours de 12 %.

Si la période 1 génère un ROCE de 10 %, le free cash


flow sera de :

CE0  × (ROCE  -  WAGU) =  1000  × (10  %  -  12  %)


= 1000 × - 2 % = -20
Comme l’entreprise n’a pas de dette bancaire et ne
verse pas de dividendes, le free cash flow est égal au
cash flow total donc au surplus de trésorerie (ici
négatif).

À la fin de la période 1, la trésorerie nette est donc


égale à la situation nette en début de période + le
surplus de trésorerie, soit : 0 - 20 = -20

Le montant des capitaux propres est égal à 1100 soit


une progression de : (1100 - 1000)/1000 = 10 %

Ce taux de  10  % est le ROE, il est égal au ROCE


puisqu’il n’y a pas de dettes bancaires donc pas
d’effet de levier financier.

La société Z à une performance de ses actifs


économiques (ROCE =  10  %) inférieure à la
croissance de ses mêmes actifs (WAGU = 12 %).

La trésorerie générée par la performance ne peut


faire face aux besoins de trésorerie nécessités par la
croissance, ce qui entraîne un free cash flow négatif
et donc un manque de trésorerie représenté ici par
un crédit bancaire court terme ou un découvert.

Si cette situation perdure pour les périodes


suivantes, la Société Z devra faire appel à des
capitaux permanents (augmentation de capital pour
les associés et/ ou dettes bancaires long terme). La
Société Z est donc orientée croissance puisque
celle-ci domine la performance.

Analysons le compromis
performance-croissance
Le free cash flow, donc le cash flow disponible, est le
résultat d’un antagonisme entre la performance et
la croissance. Dans la formule de calcul du free cash
flow, cet antagonisme est représenté par deux taux,
ROCE et WAGU, permettant, même pour des non
financiers, une vision claire et synthétique d’une
situation de trésorerie.

La formule permet aussi de préparer une situation


prévisionnelle, dans le cadre du processus
budgétaire, et de donner des objectifs précis et
quantifiables au management opérationnel. Mais la
performance comme la croissance sont nécessaires.

Une société orientée performance génère une


trésorerie valorisable constituant les prémices
d’une performance encore plus forte par le
développement de nouveaux produits et la conquête
de nouveaux marchés.

Une société orientée croissance (comme les jeunes


pousses) doit passer par un stade de besoin de
capitaux permanents importants afin d’atteindre
un niveau de performance suffisant pour soutenir
sa croissance.
Le coin de l’historien

Le compromis performance-croissance s’illustre


parfaitement avec l’histoire de la bulle Internet.

La bulle Internet (dot-com bubble en anglais) est apparue


dans les années 1990. De nombreuses «  jeunes pousses  »
(start-up en anglais) dans le domaine d’Internet furent créées
à cette époque par de jeunes entrepreneurs passionnés,
mais généralement peu fortunés.

La croissance du marché fut exceptionnelle et la plupart du


temps à deux chiffres. En revanche, la rentabilité n’était pas
au rendez-vous.

Le compromis performance-croissance n’a donc pas permis


de générer un free cash flow positif et un surplus de
trésorerie valorisable. Les appels périodiques aux banques
ou à de nouveaux investisseurs de circonstance (business
angels) n’ont pas suffi, entraînant la faillite de la plupart de
ces entreprises.

Cependant, AMAZON est le parfait exemple de la jeune


pousse qui a réussi à accroître de concert sa performance et
sa croissance pour devenir une des premières entreprises
mondiales.
Allons maintenant plus loin, car le free cash flow
n’est pas le surplus de trésorerie valorisable. (Sauf
dans notre exemple simplificateur).

La performance est aussi affectée par les


conséquences des décisions financières prises dans
le passé :

• les emprunts bancaires décidés dans le passé


impactent le free cash flow présent par les
intérêts à payer sur le capital qu’il faut
rembourser ;

• les apports d’associés réclamés au cours


d’augmentations successives de capital
entraînent un accroissement des dividendes à
verser qui s’imputeront sur le free cash flow.

Les décisions financières du


passé pèsent aussi sur la
trésorerie générée au présent
par la performance

Le poids de la dette bancaire


En l’absence de nouveaux emprunts, la figure  7-
4  nous montre que le cash flow disponible pour les
associés (Free Cash Flow to Equity : FCFE en anglais)
est égal à :

FCFE = Free cash flow - Charges financières après


impôt - Remboursement du capital emprunté

Ces deux derniers termes représentent le poids


actuel des décisions financières d’emprunt prises
dans le passé.

Divisons chacun des termes par les capitaux


employés en début de période (soit le montant des
capitaux employés à la fin de la période
précédente :

❶ Charges financières après impôt/Capitaux


employés :

C’est FINEXPAT/CE

En appliquant la règle des quotients : A/B = (A/C) ×


(C/B) nous pouvons écrire :

FINEXPAT/CE = (FINEXPAT/NOPAT) × (NOPAT/CE)

(FINEXPAT/NOPAT) est le ratio φ que nous avons


déjà rencontré dans le chapitre 5  pour le calcul de
l’effet de levier.

(NOPAT/CE) est le ROCE.


Donc  : Charges financières après impôt/Capitaux
employés = φ × ROCE

❷ Remboursement du capital
emprunté/Capitaux employés :

Nous allons créer un nouveau ratio de la même


nature que nous allons appeler δ. δ est égal au
Remboursement de capital emprunté/NOPAT.

Et donc Remboursement du capital


emprunté/Capitaux employés = δ × ROCE.

Au total : le poids de la dette bancaire rapporté aux


capitaux employés est égal à :

ROCE × (φ + δ).

Calcul du Free cash flow to


equity
Reprenons la définition du cash flow disponible pour
les associés :

FCFE = Free cash flow - Poids de la dette bancaire

Et divisons par les capitaux employés en début de


période :

FCFE/CE = Free cash flow/CE - Poids de la dette/CE


Free cash flow/CE a été défini plus haut comme
ROCE - WAGU

Poids de la dette/CE vient d’être défini par ROCE ×


(φ + δ)

Nous avons donc :

FCFE/CE = ROCE - WAGU - ROCE × (φ + δ)

FCFE/CE = ROCE × (1- φ - δ) - WAGU

FCFE/CE = {ROCE × (1- φ - δ)} - WAGU

Soit

FCFE = CE × ({ROCE × (1- φ - δ)} - WAGU)

Le flux de trésorerie disponible pour les associés


(free cash flow to equity) rapporté aux capitaux
employés est égal à l’écart entre :

❶ le taux de rentabilité des capitaux employés


(ROCE) affecté par le facteur (1 - φ - δ)
représentant le poids de la dette bancaire

et

❷ le taux de croissance des capitaux employés


(WAGU).

L’exemple ci-après nous montre l’impact du poids


des dettes bancaires :
Figure 7-7 Société ZA : le poids de la dette bancaire

Prenons le cas de la Société ZA qui possède les


mêmes caractéristiques que la Société Z ci-dessus :

• même montant des capitaux employés en


période 0 ;

• mêmes poids de l’actif immobilisé net et du


besoin en fonds de roulement ;
• même taux de croissance de l’actif immobilisé
net ;

• même taux de croissance des ventes ;

• même ROCE.

En revanche, les capitaux investis de  1000  se


répartissent en  800  pour les capitaux propres
et 200 en dettes bancaires long terme.

Ces dettes bancaires impacteront la période 1 par :

• des charges financières (intérêt versé) après


impôt sur les bénéfices pour 6 ;

• un remboursement partiel du capital


emprunté de 15.

Le ROCE (15  %) sera donc pondéré par l’impact de


la dette bancaire du facteur : (1- φ - δ)

Calculons-le :

ROCE = NOPAT/CE =  15  % => NOPAT = ROCE × CE


= 15 % × 1000 = 150

φ = FINEXPAT/NOPAT = 6/150 = 4 %

δ = Remboursement du capital emprunté/NOPAT


=  15/150  =  10  % Soit  : (1-  φ  -  δ)
= 100 % - 4 % - 10 % = 86 %
Le ROCE pondéré par le poids de la dette bancaire
est de 15 % × 86 % = 12,9 %

Le flux de trésorerie disponible pour les associés


(free cash flow to equity) égal :

FCFE = CE × (ROCE pondéré  -  WAGU)


= 1000 × 12,9 % - 12 % = 1000 × 0,9 % = 9

La Société ZA ne payant pas de dividendes, le free


cash flow to equity est égal au cash flow total, donc au
surplus de trésorerie.

À la fin de la période 1, la trésorerie nette est donc


égale à la situation nette en début de période + le
surplus de trésorerie soit : 0 + 9 = + 9

Le montant des capitaux propres est égal à 944 soit


une progression de : (944 - 800)/800 = 18 %

Ce taux de 18 % est le ROE, il est différent du ROCE


car les dettes bancaires créent un effet de levier
financier.

Calculons-le (ce qui nous permet de réviser le


chapitre 5 !)

Attention : Net D/E représente la situation en début


de période 1 soit à la fin de la période 0.
Net D est la dette nette soit 200 - 0 = 200 puisque
la trésorerie nette est de 0.

E est le montant des capitaux propres, soit 800.

1 + net D/E = 1 + 200/800 = 1,25

φ a été calculé plus haut, il est égal à  4  % donc


(1 - φ) = 96 % = 0,96

L’effet de levier sera donc de 1,25 × 0,96 = 1,20

ROE = 1,2 ROCE ⇒ ROE = 15 % × 1,2 = 18 %

C’est bien le taux calculé à partir de la progression


des capitaux propres.

En conclusion :

Les emprunts bancaires (si φ n’est pas trop


important) dopent la performance financière, mais
impactent négativement la trésorerie.

Votre instinct financier vous aurait amené à la


même conclusion, mais vous connaissez
maintenant l’impact des différents facteurs. Ces
facteurs, exprimés sous forme de taux, permettent
d’analyser les conséquences possibles sur la
trésorerie de toute stratégie opérationnelle ou
financière.
Dernier point maintenant, analysons le poids des
dividendes versés aux associés.

Le poids des dividendes


La figure 7-4 (système modélisé de trésorerie) nous
indique que le surplus de trésorerie valorisable est
directement affecté par le paiement des dividendes.

Les dividendes (expliqués au chapitre  11) sont


définis la plupart du temps selon les stratégies, soit
en termes de dividende par action (ou par part
sociale), soit en termes de pourcentage de bénéfice
net.

Si les dividendes sont définis en termes de


dividende par action, il suffit de multiplier le
montant envisagé par le nombre d’actions
existantes (sauf celles détenues par l’entreprise
elle-même).

Si les dividendes sont définis en termes de


pourcentage du bénéfice net, le calcul est un peu
plus compliqué et nous vous le proposons ci-
dessous.

Tout d’abord calculons le rapport entre les


dividendes versés et les capitaux employés.
Le détail se trouve ci-dessous dans le coin des
matheux, mais vous pouvez l’oublier si vous
n’aimez pas les mathématiques et aller voir
directement le résultat.
Le coin du matheux

Pour obtenir la formule finale, il nous faut donc déduire


aussi le paiement des dividendes (DIV).

La proportion de dividendes (DIV) par rapport au résultat net


(RN) est appelée DPO (Dividend Pay Out en anglais).

Soit DPO = DIV/RN

Or le résultat net (RN) est aussi le profit opérationnel net


(NOPAT) diminué des frais financiers nets (FINEXPAT).

On peut donc écrire :

DIV = DPO × RN = DPO × (NOPAT – FINEXPAT)

Ou encore en divisant par les capitaux employés CE :

DIV/CE = DPO × (NOPAT – FINEXPAT)/CE

DIV/CE = DPO × (NOPAT/CE – FINEXPATF/CE)

⇒ NOPAT/CE = ROCE

⇒ FINEXPAT/CE = FINEXPAT/NOPAT × NOPAT/CE = φ ×


ROCE

Soit  : DIV/CE = DPO × (ROCE  – φ × ROCE) = ROCE × DPO ×


(1 – φ)

Dividendes versés/CE = ROCE × DPO × (1 - φ)


DPO (Dividend Pay Out en anglais) représente le
pourcentage de bénéfice net alloué au paiement de
dividendes.

Le reste, soit le pourcentage de bénéfice net alloué


en réserves et en report à nouveau, est appelé RR
(Retention Rate en anglais).

On a donc par définition : Bénéfice net = Dividendes


versés + Allocation aux réserves et report à
nouveau.

Si on divise chaque terme par le bénéfice net :

Bénéfice net/bénéfice net = Dividendes


versés/Bénéfice net + (Allocation aux réserves et
report à nouveau)/Bénéfice net

Soit 1 = DPO + RR ou encore RR = 1 - DPO

Reprenons le calcul du surplus de trésorerie


valorisable suite au poids des dettes et au paiement
des dividendes :

Surplus de trésorerie = CE × ({ROCE ×


(1  -  φ - δ)}  -  WAGU)  -  Dividendes versés Surplus
de trésorerie/CE = ({ROCE ×
(1 - φ - δ)} - WAGU) - Dividendes versés/CE

Remplaçons dividendes versés/CE par la formule


calculée dans le coin des matheux
Surplus de trésorerie/CE = ({ROCE ×
(1 - φ - δ)} - WAGU) - ROCE × DPO × (1 - φ)

Ce qui se simplifie (ouf !) en :

Surplus de trésorerie/CE = ROCE × { (1  -  DPO) ×


(1 - φ) - δ)} - WAGU

Enfin comme RR = (1 - DPO) :

Surplus de trésorerie/CE = ROCE × {RR×


(1 - φ) - δ} - WAGU

Soit

Surplus de trésorerie = CE × (ROCE × {RR×


(1 - φ) - δ}) - WAGU

Le surplus de trésorerie valorisable rapporté aux


capitaux employés est égal à l’écart entre le taux de
rentabilité des capitaux employés (ROCE) affecté
par le facteur {RR× (1  -  φ)  -  δ}, représentant les
poids de la dette bancaire et des dividendes, et le
taux de croissance des capitaux employés (WAGU).

On retrouve donc dans cette formule toutes les


composantes de la vie de l’entreprise  : performer,
croître, rembourser les dettes et rétribuer les
associés :
• la performance se traduit par le ratio de
rentabilité des capitaux employés (ROCE) ;

• la croissance à travers le taux de croissance


des capitaux employés (WAGU) ;

• l’impact de la dette bancaire par le poids des


frais financiers (φ) et celui du remboursement
du capital (δ) ;

• la stratégie de paiement de dividendes par le


pourcentage de profit maintenu au sein de
l’entreprise (RR).

Traduisons cela par l’exemple de la Société ZA qui


verse maintenant des dividendes de 36.

Le calcul du surplus de trésorerie valorisable peut


se faire directement puisque le free cash flow to
equity était de + 9, il sera donc de + 9 - 36 = - 27

Ce qui donne une trésorerie nette de  -  27  (car la


trésorerie nette est 0 au début de la période 1).

En revanche, si l’on choisit comme stratégie de


versement de dividende un pourcentage du bénéfice
net :

Le bénéfice net = NOPAT  -  FINEXPAT


soit 150 - 6 = 144
Ce montant de dividendes versés de  36  correspond
à un DPO de 36/144 = 25 %

Le pourcentage de bénéfice net maintenu dans


l’entreprise sous forme de réserves ou de report à
nouveau soit RR est de 1 - DPO = 1 - 25 % = 75 %

Figure 7-8 Société ZA, le poids de la dette bancaire et des dividendes


Le facteur pondérant le ROCE est égal à {RR ×
(1 - φ) - δ}

Soit 75 % × (1 - 4 %) - 10 % = 72 % - 10 % = 62 %

Le ROCE pondéré est de 15 % × 62 % = 9,3 %

L’écart entre le ROCE pondéré et le WAGU est


de 9,3 % - 12 % = - 2,7 %

Le surplus de trésorerie valorisable est


de 1000 × - 2,7 % = - 27

Intérêt de la formule finale du


surplus de trésorerie
Le surplus de trésorerie valorisable (Investable Cash
Surplus  : ICS en anglais) est indépendant des
normes comptables puisqu’il prend en compte le
flux de trésorerie qui est une donnée réelle et
palpable et non un paramètre issu d’un calcul plus
ou moins sophistiqué.

L’utilisation de taux et non de valeurs absolues est


plus mobilisateur, car plus parlant, et permet des
comparatifs avec d’autres entreprises.

Le taux de surplus de trésorerie valorisable est plus


éclairant comme indicateur dominant que le
concept de création de valeur pour l’actionnaire,
car il se définit aussi à partir de la performance
opérationnelle de l’entreprise, mais intègre
également les facteurs de croissance et les
obligations liées aux décisions financières prises
dans le passé.

Il nous semble aussi plus fédérateur dans


l’entreprise, car il est le fruit de la performance de
l’ensemble du management et non plus un critère
de rémunération de l’actionnaire comme la création
de valeur. Il peut constituer un objectif global
rationnel et motivant de l’entreprise.

La décomposition du calcul montre la transversalité


de la fonction financière dans le management de
l’entreprise, car la marge nette opérationnelle
(NOM), l’efficacité opérationnelle par le turnover
des capitaux employés (effet turbo), le taux de
croissance des capitaux employés (WAGU), le poids
de l’endettement, par comparaison avec le résultat
opérationnel (φ et δ), ainsi que la stratégie de
distribution des actionnaires, sont les «  drivers  ».
Tous ces «  drivers  », définis au niveau du top
management, peuvent se décliner pas-à-pas de top
à down, vers le middle management et les managers
opérationnels, pour la NOM, le turnover des
capitaux employés et le WAGU.
La formule décomposée montre aussi la nécessité
de cohésion entre les fonctions opérationnelles et
financières, favorisant ainsi le dialogue lors du
processus budgétaire et la définition des objectifs
de l’entreprise.

Les ratios δ et φ ont un numérateur dépendant du


financier (capital remboursé et montant des frais
financiers après impôts) mais un dénominateur, le
résultat opérationnel net (NOPAT), qui est sous la
responsabilité des « opérationnels ».

L’entreprise se doit de rentabiliser au maximum


ses capitaux employés.

Voilà pourquoi le ratio surplus de trésorerie


valorisable (ICS) rapporté aux capitaux employés
est important et cela pour trois raisons :

• le surplus de trésorerie valorisable, que l’on


pourrait considérer comme un
autofinancement, sera utilisé pour investir
dans des projets aux rendements attractifs
créant par cela même un surplus de valeur à
l’entreprise ;

• ce surplus de trésorerie évite à l’entreprise de


faire appel à des capitaux supplémentaires
auprès des banques, comme des associés
rendant le management de l’entreprise plus
indépendant de ses partenaires financiers ;

• enfin, il ne faut jamais oublier que les


décisions financières d’aujourd’hui
(augmentation du capital social et/ou
nouveaux emprunts) augmenteront le poids du
passé demain et obérera les surplus futurs de
trésorerie valorisable.

Voilà pourquoi l’entreprise doit maximiser son


surplus de trésorerie valorisable, gage de surplus de
valeur futur pour ses associés tout en payant des
dividendes pour ne pas les décevoir aujourd’hui.

Et pour égayer ce chapitre 7 un peu austère de par


ses formules mathématiques  : si le fabuliste LA
FONTAINE avait été aussi un financier, il aurait pu
expliquer par des comparaisons animales, le
surplus de trésorerie valorisable et ses
conséquences sur l’attitude du conseil
d’administration vis-à-vis de ses actionnaires.

❶ Si l’entreprise a un important surplus de


trésorerie valorisable et des projets laissant
entrevoir des rendements intéressants, alors
c’est comme le lion roi des animaux car elle
peut se permettre de verser maintenant des
dividendes attractifs et espérer un
accroissement de valeur dans le futur.

❷ Si l’entreprise ne peut trouver pour l’instant


des projets suffisamment rémunérateurs tout
en ayant un important surplus de trésorerie,
elle doit alors faire la roue du paon et se
montrer sous un jour favorable en versant de
bons dividendes.

❸ Quand le surplus de trésorerie valorisable est


faible, il faut alors adopter une attitude de
fourmi et économiser le paiement des
dividendes pour attendre la valorisation future
grâce à des projets plus rentables.

❹ Enfin, c’est l’attitude du singe qui par ses


mimiques crée de la diversion, car il ne peut
pas payer de bons dividendes et n’a pas de
projets rentables.
Figure 7-9 La Fontaine et le surplus de trésorerie valorisable

Les 7 nombres nécessaires pour


bâtir le futur financier d’une
entreprise
L’astronome Martin John Rees a publié
en 1999 Just 6 numbers : the deep forces that shape the
Universe dans lequel il expliquait que les forces qui
façonnent l’univers peuvent se réduire
à 6 nombres.

Nous serons plus modeste, car il nous


faut  7  nombres pour expliquer les  3  enjeux de la
finance d’entreprise :

• la performance financière (chapitre 5 : ROE) ;

• la création de valeur (chapitre 6 : EVA) ;

• le surplus de trésorerie valorisable


(chapitre 7 : ICS).

À partir d’une situation initiale définie par le bilan


financier à la fin de la période précédente et
des  7  nombres suivants prévus pour la période à
venir :

❶ NOM (Net Operating Margin) qui, rappelons-le,


est égal à NOPAT/Ventes ;

❷ Taux de croissance des ventes ;

❸ Taux de croissance de l’actif immobilisé net ;

❹ Frais financiers après impôts (FINEXPAT) ;

❺ Remboursement du capital emprunté ;

❻ Risque d’entreprise perçu par les associés


(pour calculer la rentabilité exigée) ;

❼ Dividendes versés.

Nous pouvons calculer :

NOPAT, ROCE, φ, δ, WAGU et WACC puis ROE, EVA


et ICS
et bâtir les trois états financiers prévisionnels  : le
compte de résultat, le bilan financier et le tableau
des flux de trésorerie.

Ce processus intégré permet de tester toute


stratégie de développement de l’entreprise et de
prendre les décisions indispensables.
Retenez l’essentiel

• L’entreprise, c’est aussi une machine à faire


du cash.

• La capacité de l’entreprise à générer de la


trésorerie est un indicateur dominant de
l’efficacité du management de l’entreprise.

• La vie de l’entreprise, notamment


financière, c’est performer au présent,
croître pour le futur, rembourser les dettes
et rétribuer les associés en fonction des
décisions financières du passé.

• La formule du surplus de trésorerie


valorisable fait le lien entre ces différentes
composantes de la vie financière de
l’entreprise.

• Cette formule se définit par cinq


«  drivers  »  : le rendement des capitaux
employés (ROCE), le taux de croissance des
capitaux employés (WAGU), le poids des
frais financiers (φ), le poids du
remboursement de la dette (δ) et le taux de
distribution des dividendes (DPO).
• La nature de ces «  drivers  » montre que
tous les managers, opérationnels comme
financiers, sont impliqués par le surplus de
trésorerie.

• Sept nombres peuvent constituer des


balises budgétaires pour la définition
concertée de la stratégie financière de
développement d’une entreprise au travers
de sa performance financière, de sa
création de valeur et de sa génération de
trésorerie valorisable.
DANS CE CHAPITRE
Comment définir l’investissement à réaliser ?

Quelles sont les méthodes utiles pour calculer la


rentabilité d’un investissement ?

Pourquoi considérer l’entreprise comme un portefeuille


d’investissements ?

Comment relier la rentabilité d’un investissement au


coût du capital et à la création de valeur ?

Comment introduire le concept de risque ?

Chapitre 8
Investir : comment décider ?
« Investir : une ardente
obligation. »

(Pour paraphraser la
citation du général de
Gaulle en 1958 :

« Le plan : une ardente


obligation. »)

L a décision d’investir est une des plus cruciales


dans la vie de l’entreprise. Elle consiste à engager
des fonds aujourd’hui en espérant en tirer demain
des retombées estimées importantes ou nécessaires
pour l’entreprise.

Le patron de l’entreprise, ses managers et même


toute personne à quelque niveau que ce soit ont des
idées ou des projets d’investissement. Mais tout de
suite, les questions fusent  : «  Combien le projet
coûte-t-il ? », « Est-il rentable ? », « Où trouver
l’argent pour le financer ? ».

Nous proposons donc de définir l’investissement à


réaliser et ses conséquences en listant et en
valorisant les paramètres à introduire dans les
termes de l’échange  : dépenses aujourd’hui et
retombées dans le futur.
Les dépenses et les retombées n’étant pas
simultanées, l’influence du temps qui passe ne peut
être négligée et sera conceptualisée par
l’introduction de la notion d’actualisation.

Puis nous exposerons les méthodes de calcul de


rentabilité qui sont de précieuses aides à la décision
d’investir.

En considérant l’entreprise comme un portefeuille


d’investissements financé par un portefeuille de
ressources, nous ferons le lien avec le coût du
capital et la création de valeur exposés au
chapitre 6.

Enfin, comme la plupart des données utilisées dans


les calculs comportent une part d’incertitude, il
nous faut plutôt parler d’espérance de rentabilité et
introduire la notion de risque comme indiqué dans
le titre du chapitre  5  dans le paragraphe  :
«  Rentabilité et risque  : les deux faces de la
médaille ».

Mais revenons d’abord à la définition du mot


« investir ».

Investir, c’est quoi ?


Prenons une définition à caractère économique : un
investissement, c’est l’acquisition d’un bien
matériel, immatériel (acquisition de droits) ou
financier. D’une façon générale, c’est un ensemble
d’actions se traduisant par des dépenses (par
exemple, la recherche) effectuées aujourd’hui qui
permettront d’en tirer des retombées économiques,
financières, écologiques, sociales et/ou culturelles
plus tard.

Cette décision peut très bien se prendre sur un


«  coup de tête  » mais il est préférable de
l’objectiver par un raisonnement financier,
puisqu’il s’agit d’engager des fonds.

Cette décision implique donc deux variables


fondamentales  : l’argent, car des fonds sont
engagés, et le temps, car on décide d’investir
aujourd’hui pour récolter demain.

Selon une approche financière, un investissement,


c’est dépenser de l’argent maintenant en échange
de retombées, financières ou non, plus tard. La
décision d’investir ne pourra donc être prise
qu’après avoir analysé et valorisé les deux termes
de cet échange.

Commençons donc par les actions aujourd’hui.


Lister et valoriser les actions
entraînant des dépenses
aujourd’hui
C’est le premier terme de l’échange  :
l’investissement engendre des dépenses
aujourd’hui.

La principale difficulté réside dans l’oubli ou dans


la sous-évaluation manifeste de certaines dépenses
d’investissement.

Ce montant de dépenses peut être élevé au regard


de la taille de l’entreprise :

• soit l’entreprise possède déjà en trésorerie


disponible le montant nécessaire à
l’investissement, sachant que l’utilisation de
celle-ci prive celle-là de revenus financiers
ultérieurs qui auraient pu être générés par son
placement ;

• soit l’entreprise doit emprunter le montant


nécessaire, ce qui engendrera des retombées
financières négatives (frais financiers,
remboursement de l’emprunt) pesant plus tard
sur le second terme de la comparaison.

Toute solution mixte est évidemment possible.


Et maintenant analysons les retombées, financières
ou non.

Imaginer et valoriser les


retombées – financières ou
non – plus tard
Celles-ci se réalisent plus tard sur une période de
temps parfois difficile à estimer au moment de la
décision d’investissement.

Le décideur (dont le niveau hiérarchique sera


souvent fonction du montant à investir) va donc
essayer de conforter sa décision par des aspects
tangibles et si possible objectifs. Comme
l’investissement se traduit toujours au départ par
une mobilisation d’argent, le décideur va a priori se
tourner vers le financier pour que celui-ci l’aide à
prendre sa décision ou la prenne à sa place.

La contribution active à ce stade de l’initiateur de


l’investissement et la «  monétisation  » au
maximum des retombées non financières sont
déterminantes pour la qualité de la prise de
décision. Cependant, la qualité des prévisions ne
peut empêcher un certain aléa, une certaine
incertitude contribuant à introduire un facteur
risque.

Pour comparer les dépenses aujourd’hui avec les


retombées financières demain, il faut introduire le
facteur temps.

Introduire le facteur temps


Les retombées de l’investissement apparaissent
plus tardivement que les dépenses engagées. Or
l’unité monétaire choisie (par exemple l’euro) n’est
pas invariante dans le temps.

Un investissement effectué en euros d’aujourd’hui


ne peut se comparer directement avec les
retombées financières calculées en euros de
demain. Pour de multiples raisons, un euro
aujourd’hui n’a pas la même valeur qu’un euro
demain.

Détaillons deux raisons, d’abord l’inflation qui fait


que le pouvoir d’achat d’un euro aujourd’hui est
plus élevé que celui du même euro demain (le
raisonnement s’applique aussi mais en sens inverse
en cas de déflation) mais aussi la perte
d’opportunité de placement qui fait que des
rentrées en euros un an plus tard font perdre le
revenu du placement de ces euros pendant un an.

Le phénomène se complique encore quand


l’investissement se fait dans une monnaie
différente de celle des retombées futures. Ainsi un
investissement en euros dans une usine de
production aux États-Unis fera apparaître un
paramètre supplémentaire qui sera la variation
temporelle de la parité euro/dollar.

Nous espérons que ces quelques lignes


d’introduction sur la décision d’investir vous ont
mis en appétit. Vous êtes prêt maintenant à entrer
dans les arcanes qui conduisent à la prise de
décision d’investir ou non.

Mettez-vous dans la peau d’un investisseur et


laissez-vous guider !

Mieux connaître
l’investissement à réaliser
Commençons donc par analyser en détail
l’investissement à réaliser et définissons ensemble
les paramètres importants qui nous aideront dans
la prise de décision.
Voyons le premier élément à prendre en
considération.

Le montant total dépensé


pour l’investissement
A priori, cela semble facile à calculer car on se
trouve dans le présent, donc sans incertitude
importante. Cependant, il faut éviter les sous-
évaluations des dépenses à engager. Nous avons
tous en tête des exemples de grands projets publics
ou privés pour lesquels le surcoût réel dépasse
allégrement de 50 % les dépenses initiales prévues.
Une liste exhaustive de celles-ci et une valorisation
objective s’imposent.

Si les dépenses engagées s’étalent sur plusieurs


mois, nous considérerons que toutes les dépenses
sont concentrées sur un seul jour  : c’est
l’instant 0 de l’investissement.

Si les dépenses initiales se répartissent sur


plusieurs années, elles seront imputées au dernier
jour de l’année concernée, que nous appellerons
année 1 ou 2 ou 3, etc.

Nous verrons plus loin que cette hypothèse


simplificatrice permet d’utiliser des modèles
mathématiques plus simples pour l’aide à la prise
de décision.

Le coin du comptable

Toutes les dépenses relatives à l’investissement


sont à prendre en compte même si elles sont
considérées par le comptable comme des charges
figurant au compte de résultat.

Ainsi, les coûts de personnel engendrés par la mise


en place de l’investissement (formation par
exemple) sont à intégrer dans le coût total de
l’investissement. Il en est de même pour le besoin
en fonds de roulement (stock, créances et dettes)
créé au démarrage de l’investissement.

Les dépenses soumises à la TVA seront prises en


compte pour leur valeur hors taxes si la TVA est
déductible.

Les montants dépensés sont affectés du signe


négatif puisqu’ils seront rapprochés des recettes
ultérieures apportées par l’investissement.

Passons maintenant au deuxième paramètre.


La durée d’utilisation de
l’investissement en nombre
d’années
Cette durée d’utilisation de l’investissement au sein
de l’entreprise doit être définie de manière
objective, compte tenu des informations dont on
dispose au moment de la prise de décision.

La durée de vie réelle ne pourra en effet être


connue qu’au moment de la mise hors-service de
l’investissement.

Cette durée est parfois assimilée à la durée


d’amortissement utilisée par les comptables.

Un autre paramètre est aussi très important.

La valeur résiduelle de
l’investissement à la fin de sa
durée d’utilisation
La valeur résiduelle est ici la valeur marchande de
l’investissement à la fin de son service au sein de
l’entreprise.

Ce n’est donc pas la valeur nette comptable qui est


calculée selon les règles de l’amortissement (coût
initial de l’investissement diminué des
amortissements comptables pratiqués au cours des
années d’utilisation), mais plutôt le flux d’argent
généré lors de la mise hors-service de
l’investissement.

Ce flux est positif si l’investissement est vendu car


il possède encore une réelle valeur marchande mais
négatif si la mise hors-service se traduit par des
dépenses. Là encore, cette valeur résiduelle doit
être la plus objective possible compte tenu des
informations et du degré de connaissance au
moment de la décision d’investir.

La valeur résiduelle d’une centrale nucléaire est


négative car son arrêt entraîne des dépenses
importantes nécessaires pour «  déconstruire  » la
centrale, dépolluer et sécuriser le site.

Passons maintenant aux retombées financières


futures.

Les retombées financières


pendant la durée de service
de l’investissement au sein de
l’entreprise
L’évaluation des retombées financières constitue
un challenge important car elles représentent le
second terme de la comparaison avec le montant de
l’investissement initial.

S’agissant de retombées financières, il faut donc


évaluer les flux de trésorerie générés par la mise en
service de l’investissement.

Quel type de flux de trésorerie allons-nous choisir


entre l’EBITDA, le NOPAT ou le flux de trésorerie
disponible (free cash flow) ?

L’investissement est une opération financière. La


décision prend en compte la performance du projet
sous la forme d’un résultat opérationnel calculé par
la comptabilité mais qui est traduit en flux de
trésorerie par annulation de l’impact de
l’amortissement et d’autres coûts qui ne sont pas
des flux financiers.

La décision intègre la part d’impôt sur les bénéfices


qui est liée au projet car c’est évidemment une
dépense, sans oublier l’influence de la variation du
besoin en fonds de roulement pendant la durée de
service de l’investissement (suite par exemple à la
variation des stocks nécessaires à la conduite du
projet).
Enfin, il ne faut pas oublier les investissements et
désinvestissements supplémentaires intervenant
pendant la durée de vie du projet au sein de
l’entreprise (entretien, rénovation, adaptation,
etc.).

Ce sont donc les flux de trésorerie disponibles qui


seront pris en compte car ils reflètent le mieux les
retombées financières annuelles.

Toutes ces informations sont recueillies auprès des


responsables opérationnels et financiers. Un
tableau des flux financiers disponibles
prévisionnels annuels générés par le projet sera
établi sur toute la durée de vie au sein de
l’entreprise.

La valeur résiduelle de l’investissement (positive ou


négative) sera ajoutée au dernier flux de trésorerie
à la fin de la durée de vie de l’investissement.

• Nous sommes au stade de la décision donc on


ne peut rassembler que des données
prévisionnelles avec une incertitude plus ou
moins grande. On ne connaîtra les retombées
réelles de l’investissement qu’à la fin de sa
durée de vie.
• Toutes les données ne sont relatives qu’au
projet lui-même et lui seul. Ainsi, par
exemple, l’impôt sur les bénéfices est calculé
sur la base du résultat opérationnel généré par
le projet auquel on applique le taux
d’imposition de l’entreprise.

• Les flux de trésorerie suite à l’investissement


apparaissent de façon continue jour après jour.
Pour éviter le recours à des instruments
mathématiques d’aide à la décision trop
sophistiqués, nous allons admettre que les flux
de trésorerie imputables à une année sont
générés le dernier jour de l’année.

• Certains investissements peuvent se révéler


absolument nécessaires pour des raisons de
sécurité ou fortement conseillés pour des
raisons écologiques. Le second terme de la
comparaison peut alors ne pas avoir de
traduction financière ou les retombées ne
seront que négatives. Dans ce cas, si la
décision d’investir s’impose, les méthodes
décrites ci-dessous sont sans objet et
l’aphorisme de début de chapitre « investir :
une ardente obligation » s’applique
parfaitement.
Nous connaissons maintenant les composantes de
l’investissement à réaliser mais il nous reste encore
à introduire le facteur temps car, comme nous
l’avons vu plus haut, l’unité de mesure monétaire
n’est pas fixe dans le temps.

Un euro aujourd’hui n’est pas


un euro demain : le concept
d’actualisation
Nous avons vu plus haut qu’un des problèmes
soulevés lors de la prise de décision d’investir
provient du décalage temporel entre les dépenses
engagées et les retombées financières. Pour
résoudre ce problème, nous allons nous servir du
concept d’actualisation.

Pour mieux le comprendre, nous vous faisons une


proposition (honnête bien sûr)  : nous vous
donnons  100  € mais vous pouvez décider de les
prendre aujourd’hui ou dans un an.

Que préférez-vous ?

Nous pensons que vous allez choisir de les prendre


tout de suite et vous avez bien raison.
En effet, l’inflation, si vous voulez dépenser
les  100  €, ou la perte d’opportunité de placement
pendant un an, si vous voulez les placer, vous
poussent à prendre l’argent tout de suite pour le
consommer ou le placer.

En revanche, le choix entre  100  € maintenant


ou  110  € dans un an vous amènera peut-être à
attendre un an.

Si, maintenant, vous avez le choix entre  100  €


aujourd’hui ou 110 € dans un an et si pour vous cela
vous semble équivalent, on peut dire que votre
perception de la valeur de l’argent est de  10 % par
an.

En effet, 110  €, c’est  100  € placés au taux de  10  %


soit 100 + 100 × 10 % = 110.

Ou encore : 110 = 100 × (1 + 10 %)

Inversement et par symétrie, on peut dire aussi


que  110  € perçus dans  1  an est équivalent à  100  €
perçus aujourd’hui. Donc la valeur aujourd’hui
de  110  € dans un an est égale à  110  divisé par
(1 + 10 %) = 100 €.

Rappelons que  10  % = dix pour cent


= 1 pour 10 = 0,1 correspond à t dans les différentes
formules.
Donc pour comparer une somme aujourd’hui à une
autre somme dans un an, il faut soit multiplier la
somme d’aujourd’hui par (1 + 10 %) et la comparer
à la somme dans un an ou diviser la somme dans
un an par (1  +  10  %) et la comparer à la somme
d’aujourd’hui.

La comparaison dans le temps de deux valeurs


monétaires non simultanées ne peut donc se faire
que par l’introduction d’un taux appelé taux
d’actualisation.

Dans notre exemple, le taux d’actualisation est


de 10 % par an, soit t = 0,1.

Dans les formules de calcul, on utilisera les


symboles suivants :

• Le signe × signifie « multiplié par ».

• Le signe / signifie « divisé par ».

Dans la pratique, les flux de trésorerie seront tous


recalculés en valeur d’aujourd’hui et comparés aux
dépenses investies aujourd’hui.

De plus, le taux d’actualisation sera considéré


comme constant pendant toute la durée de service
de l’investissement, dans un souci de
simplification.
Ainsi, si le taux d’actualisation choisi est t :

Valeur aujourd’hui de X € perçus dans un an = X/


(1 + t)

Valeur aujourd’hui de Y € perçus dans deux ans = Y/


(1 + t) × (1 + t) soit Y/ (1 + t)2

Et ainsi de suite.

Le choix du taux d’actualisation permet ainsi de


rendre comparables les coûts engagés et les
retombées financières ultérieures.

Nous connaissons maintenant toutes les données


de l’investissement, il ne reste donc plus qu’à les
assembler afin de décider d’investir ou pas ou de
choisir entre plusieurs investissements possibles.

Les techniques pour aider à la


prise de décision
d’investissement
Il existe de nombreuses méthodes ou techniques
d’aide à la prise de décision d’investir.

Pour éviter de nous perdre dans des explications


mathématiques compliquées et de manipuler des
nombres à six ou sept chiffres, nous vous
proposons de prendre un exemple concret mais
simplifié afin de mettre en évidence les avantages
et les inconvénients de chaque méthode.

Supposons donc un projet d’investissement  : un


nouvel équipement, une nouvelle usine…

Les dépenses engagées sont de  250  et sont


entièrement réalisées au début du projet.

On estime la durée de vie de l’investissement au


sein de l’entreprise à  5  ans et la valeur résiduelle
sera considérée comme nulle.

Pour calculer les flux disponibles de trésorerie


chaque année, il nous faut prédire les ventes
annuelles et les coûts directs induits par le projet.

Ces calculs sont effectués dans la figure 8-1 avec un


taux d’impôt sur les bénéfices de  1/3  soit  33,33  %
ou encore  0,3333  du bénéfice brut et une décision
comptable d’amortir le projet en linéaire sur  5  ans
soit une dotation aux amortissements de 50 par an.

Par hypothèse, le projet n’entraîne aucune création


ou variation du besoin en fonds de roulement et il
n’y a aucun investissement ou désinvestissement
supplémentaire pendant les cinq années de service.
Les prévisions annuelles de ventes et de coûts de
fonctionnement engendrés par le nouvel
investissement figurent sur les deux premières
lignes du tableau de la figure  8-1  (montants hors
TVA). Le calcul pas à pas des flux nets de trésorerie
disponibles est effectué sur les lignes suivantes du
tableau.

Figure 8-1 Flux de trésorerie disponibles chaque année

Le potential cash flow se calcule de deux façons :

EBITDA  -  Impôt sur les bénéfices sur EBIT, soit


la  1re année  : 110  -  20  =  90 NOPAT + Dotation aux
amortissements, soit la 1re année : 40 + 50 = 90

Nous avons donc tous les paramètres nécessaires


pour une bonne connaissance de notre
investissement :
Coût de l’investissement I =  250 Durée de vie N
= 5 ans

Valeur résiduelle VR = 0

Flux de trésorerie disponible (free cash flow) :

1re année : FCF1 = 90

2e année : FCF2 = 80

3e année : FCF3 = 70

4e année : FCF4 = 60

5e année : FCF5 = 50

Nous allons choisir un taux d’actualisation de 10 %


pour tenir compte de la valeur de l’argent (mais
nous reviendrons plus tard sur ce concept). Forts de
ces éléments, nous devons décider d’investir ou
pas.

Servons-nous des trois méthodes d’aide à la


décision décrites ci-dessous.

Première méthode d’aide à la


décision : la méthode du délai
de récupération
La méthode du délai de récupération (pay back
period en anglais) consiste à calculer le moment où
les dépenses investies seront couvertes par les
retombées financières. Autrement dit, on calcule le
temps nécessaire pour récupérer la mise initiale.
Évidemment, le plus vite est le mieux.

La réponse donnée par cette méthode est une


durée, et si l’on a à choisir entre deux projets
possibles, d’un montant d’investissement
comparable, on choisira le projet dont la durée est
la plus courte.

Pour cela, on cumulera les flux de trésorerie


disponible.

La mise initiale est de 250.

Nous récupérons après un an de durée de mise en


service  : 90  correspondant au flux de trésorerie
disponible la première année.

Au bout de deux ans  90  +  80  =  170, mais ce n’est


pas assez pour couvrir les 250 de la mise initiale.

Continuons : au bout de 3 ans 90 + 80 + 70 = 240,


toujours pas assez.
Au bout de 4 ans : 90 + 80 + 70 + 60 = 300, soit au-
delà de la mise de 250.

La solution se trouve donc entre la 3e et la 4e année.

Pour affiner la solution, admettons que la


génération des flux de trésorerie est continue.

Au cours de la quatrième année, le flux produit est


de 60 soit 5 par mois.

Comme il manque, à la fin de la troisième année,


10  à ajouter aux  240  pour couvrir exactement
les 250, 2 mois suffiront.

Le délai de récupération de ce projet est donc


de 3 ans et 2 mois !

On validera ce projet si ce délai de récupération est


considéré comme acceptable par l’entreprise.

Comme vous le voyez, cette méthode est très


simple et ne demande pas de connaissances
mathématiques extraordinaires pour être appliquée
et comprise. Mais deux inconvénients vous sautent
tout de suite aux yeux.

• Il n’est pas tenu compte du taux


d’actualisation, ce qui en fait d’ailleurs sa
simplicité. La méthode n’est donc pertinente
que si l’impact de l’actualisation est
négligeable. Donc si le taux d’actualisation est
faible ou si la durée de vie de l’investissement
est courte.

• Le calcul s’arrête à la couverture de la mise


initiale en oubliant les flux générés au-delà.
Ceux-ci ne participant pas au calcul, la
pertinence de la décision est discutable.

Prenons le cas de deux investissements de mise


initiale équivalente et pour lesquels les retombées
financières annuelles peuvent se représenter en
proportion par les flux représentés sur la figure 8-
1 :

Figure 8-2 Représentation en proportion des flux

L’application de la méthode du délai de


récupération fera choisir le premier investissement
alors que visiblement, le second semble préférable
si l’on prend l’ensemble de la durée de service.
Abordons donc maintenant une autre méthode  :
«  la valeur actualisée nette  ». Celle-ci corrige les
défauts de la méthode du délai de récupération qui
s’arrête au recouvrement de la mise initiale et qui
ignore le taux d’actualisation.

La méthode dite «  du délai de récupération


actualisé  » prend en compte les flux actualisés
mais tant qu’à faire, autant utiliser la méthode ci-
dessous.

Deuxième méthode d’aide à la


décision : dévoilons le mystère
de la valeur actualisée nette
(VAN)
Cette méthode prend en compte le taux
d’actualisation et s’applique à tous les flux de
trésorerie pendant toute la durée de service de
l’investissement, valeur résiduelle comprise.

Appliquons donc le taux d’actualisation aux flux de


trésorerie annuels : la valeur aujourd’hui du flux de
trésorerie disponible généré au cours de la première
période sera FCF1/ (1 + t).
FCF signifie free cash flow, qui est le terme anglais
pour « flux de trésorerie disponible ».

La valeur aujourd’hui du flux généré au cours de la


deuxième période sera FCF2/ (1  + t)2, sachant que
(1 + t)2 = (1 + t) × (1 + t).

La valeur aujourd’hui du flux généré au cours de la


troisième période sera FCF3/ (1+ t)3.

Et cela jusqu’à la dernière période qui inclura aussi


la valeur résiduelle positive ou négative.

Tous ces flux seront additionnés pour calculer la


valeur aujourd’hui de l’ensemble des retombées
financières au cours de la vie du projet
d’investissement. Il ne reste plus qu’à la comparer
au coût initial du projet pour en déduire le solde
net.

Un solde positif nous conduit à penser que


l’investissement est rentable puisque les retombées
financières couvrent, et au-delà, les dépenses
engagées lors de l’investissement, et ceci en tenant
compte de l’actualisation.

Il pourra donc être entrepris.

Le solde se calcule en valeurs monétaires au


moment de la prise de décision. (Les Anglo-Saxons
appellent d’ailleurs cette méthode net present value.)

La rentabilité réelle du projet ne se calcule qu’à la


fin de la durée de service. Dans ce cas, tous les flux
de trésorerie ainsi que les dépenses engagées sont
calculés à la date finale de la mise hors-service de
l’investissement. (Les Anglo-Saxons appellent cette
méthode net future value.)

Cela revient à comparer le coût des dépenses


engagées empruntées au taux d’actualisation avec
les retombées financières placées au même taux
chaque année en fonction de leur survenance.

Voyons comment appliquer la méthode de la valeur


actualisée nette à notre exemple :

On prend un taux d’actualisation de  10  %,


soit 0,1 pour un.

La valeur aujourd’hui du  1er flux est  : FCF1/ (1  + t)


soit 90/ (1 + 0,1) = 81,82

La valeur aujourd’hui du  2e flux est  : FCF2/ (1  +


t)2 soit 80/ (1 + 0,1)2 = 66,11

La valeur aujourd’hui du  3e flux est  : FCF3/ (1  +


t)3 soit 70/ (1 + 0,1)3 = 52,59
La valeur aujourd’hui du  4e flux est  : FCF4/ (1  +
t)4 soit 60/ (1 + 0,1)4 = 40,98

La valeur aujourd’hui du dernier flux est  : (FCF5 +


VR)/ (1 + t)5 soit (50 + 0)/ (1 + 0,1)5 = 31,05

On n’oubliera pas de rajouter au dernier flux la


valeur résiduelle (VR) mais ici, c’est sans effet
puisque celle-ci est nulle.

On obtient  :
81,82 + 66,11 + 52,59 + 40,98 + 31,05 = 272,55

Ce montant est à rapprocher du coût de


l’investissement initial, soit 250.

On aura donc un solde net positif de 272,55 - 250 =


+ 22,55

Ce solde positif nous conduit à penser que la


décision d’investir devrait être rentable. Encore
faut-il que ce solde de  22,55  soit suffisamment
important par rapport à l’enjeu de  250. C’est
pourquoi on préfère calculer le ratio entre la valeur
actualisée nette et le montant initial des capitaux
investis.

Ce ratio appelé ratio de profitabilité (profitability


index en anglais) est ici de : 22,55/250 = 9 %.
Le ratio de profitabilité n’est pas un taux de
rentabilité annuel mais un taux de profit cumulé
en  5  ans. Notre expérience nous conduit à penser
que ce taux est plutôt faible.

Il est très utile quand l’entreprise est amenée à


choisir entre deux investissements dont les
capitaux investis sont d’un montant différent. Le
calcul du ratio de profitabilité comme tout ratio
permet d’éliminer l’effet grandeur puisqu’on
obtient un pourcentage et non une valeur absolue.

Ne soyez pas rebuté par les calculs ci-dessus car les


tableurs existant sur le marché proposent la
fonction de calcul valeur actualisée nette  : VAN
(NPV dans la version anglaise pour net present
value).

La méthode de la valeur actualisée nette répond aux


deux critiques adressées à la méthode du délai de
récupération. C’est pourquoi elle est utilisée par de
nombreuses entreprises.

Cependant, même si les paramètres (coût initial,


durée de service, valeur résiduelle, retombées
financières annuelles) sont des estimations qui
doivent être les plus objectives possible, un
paramètre reste très subjectif  : c’est le taux
d’actualisation.

Nous vous proposons alors une troisième méthode


qui reprend le concept de la valeur actualisée nette
en faisant l’impasse sur le choix d’un taux
d’actualisation.

En effet, nous allons calculer quel serait le taux


d’actualisation à appliquer aux flux de trésorerie
disponibles pour couvrir exactement en valeur
d’aujourd’hui le montant de l’investissement
initial.

Troisième méthode d’aide à la


décision : le taux de
rentabilité interne (TRI)
Le taux d’actualisation t devient ainsi l’inconnue
qui permet de résoudre l’équation :

Dépenses investies = Somme des flux actualisés


au taux t

Ou si les mathématiques ne vous font pas peur :

I = ∑ FCFi / (1 + t)i


I est le montant investi.

FCF sont les flux de trésorerie des retombées.

t est le taux d’actualisation recherché.

Le terme ∑ signifie « somme de ».

L’indice i varie de  1  à n sachant que n est la durée


de vie estimée de l’investissement en nombre
d’années.

En développant la formule on obtient l’égalité :

I = FCF1/(1 + t) + FCF2/(1 + t)2 + FCF3/(1 + t)3 + …


+ (FCFn+ VR)/(1 + t)n

Le dernier flux (indice n) tient compte de la valeur


résiduelle de l’investissement intitulée VR.

Le taux d’actualisation, solution de cette équation


s’appelle le taux de rentabilité interne (TRI). C’est
le taux qui permet d’égaliser le montant de
l’investissement initial et la somme des flux de
trésorerie actualisés au taux t.

Ce taux est un taux d’actualisation maximal car un


taux supérieur rendrait la somme des flux futurs
actualisés inférieure à l’investissement initial et
donc incapable de couvrir les sommes investies.
Le taux d’actualisation, solution de cette équation,
est à comparer au taux minimum acceptable pour
l’entreprise que nous verrons plus loin.

En cas de choix entre plusieurs investissements


possibles, on optera pour celui dont le taux interne
de rentabilité est le plus élevé. En effet, cela signifie
que les retombées financières sont plus
importantes car elles peuvent supporter une
actualisation plus forte.

L’application de la formule ci-dessus à notre


exemple donne l’équation suivante :

250 = 90/ (1 + t) + 80/ (1 + t)2 + 70/ (1 + t)3 + 60/


(1 + t)4 + (50 + 0)/ (1 + t)5

Alors là, même si les mathématiques ne vous font


pas peur, vous donnez votre langue au chat.

En effet, on se trouve en face d’une équation du 5e


degré qui ne se résout pas par l’algèbre mais par un
graphique qui représente la courbe correspondant à
l’équation :

Y = - 250 + 90/ (1 + x) + 80/ (1 + x)2 + 70/ (1 +


x)3 + 60/ (1 + x)4 + (50 + 0)/ (1 + x)5

Dans laquelle x est le taux d’actualisation recherché


et Y est la balance entre les dépenses investies et la
somme des flux actualisés au taux t (soit la valeur
actualisée nette vue plus haut).

En faisant varier x par exemple de  0  à  25  %, par


tranche de 5 %), on obtient une courbe.

Son intersection avec l’axe des x nous donnera la


valeur de x pour laquelle Y =  0, c’est-à-dire la
solution du taux d’actualisation.

Dans la figure 8-3, nous voyons que x se situe aux


alentours de 14 %. Cela veut dire qu’il faut un taux
d’actualisation maximum d’environ 14 % pour que
les retombées financières couvrent les dépenses
investies.

Figure 8-3 Graphique représentant le taux de rentabilité interne


Les tableurs disponibles sur le marché proposent la
fonction TRI (IRR dans la version anglaise pour
internal rate of return).

La solution à notre exemple est 13,86 %.

Vous vous dites  : «  13,86  %, qu’est-ce que j’en


fais  ? Comment décider  ?  » Et c’est là où nous
retrouvons l’effet de levier financier…

Le retour de l’effet de levier


financier
En effet, jusqu’à présent, nous avons calculé les
retombées financières en admettant que les
dépenses engagées lors de l’investissement étaient
financées par un emprunt à taux zéro ou qu’elles
étaient disponibles sans opportunité de placement
car le taux de placement serait aussi égal à zéro.

Cette situation est bien sûr théorique et même en


contradiction avec le taux d’actualisation choisi qui
est différent de zéro.

Nous allons donc reprendre la méthode du taux de


rentabilité interne mais en considérant qu’une
partie des sommes engagées lors de
l’investissement doit être empruntée ce qui
entraînera des frais financiers ultérieurs et bien sûr
un remboursement de cet emprunt.

Afin d’éviter des considérations trop théoriques,


nous vous proposons de reprendre l’exemple utilisé
ci-dessus en ajoutant une hypothèse d’emprunt.

Reprenons l’exemple précédent en y ajoutant


quelques paramètres supplémentaires.

Supposons que l’investissement de  250  est en


partie financé par un emprunt bancaire de  50  au
taux de 6 % l’an, remboursable en totalité, on dit in
fine (et on prononce « ine finé »), à la fin de la 4e
année de la durée de vie du projet.

Calculons les flux de trésorerie disponibles annuels


en bâtissant le tableau de la figure 8-3. Ces flux de
trésorerie sont les flux de trésorerie disponibles
pour les associés (free cash flow to equity) que nous
avons rencontrés au chapitre 4.

L’EBITDA et le NOPAT restent inchangés chaque


année puisque par définition ils se calculent avant
imputation des frais financiers.

Le fait de payer des frais financiers réduit le


bénéfice net de 2 alors que les frais financiers sont
de  3  car ceux-ci sont des charges déductibles de
l’impôt et diminuent l’impôt sur les bénéfices.
Ainsi, les frais financiers annuels à hauteur de  3
diminuent la charge fiscale de 3 × 1/3 = 1 puisque le
taux d’impôt est de  1/3, ou encore  331/3  %, ou
encore 0,3333.

Le bénéfice net ne sera donc impacté que de  2  au


lieu de  3  puisque l’on fait une «  économie
d’impôt » de 1.

C’est pourquoi le taux d’intérêt réel n’est pas celui


négocié et payé au banquier (6  % ici) mais celui
impactant la trésorerie de l’entreprise.

La charge réelle des frais financiers ne sera pas


de  3  mais seulement de  2  soit, pour un emprunt
de  50, un taux d’intérêt net d’impôt de  4  %
(50 × 4 % = 2).

Ce taux d’intérêt net ou après impôt se calcule en


multipliant le taux d’intérêt par (1  -  T) si T est le
taux d’impôt sur les bénéfices. Ici  6  % × (1  -  1/3)
= 6 % × 2/3 =4 %

(Souvenez-vous du concept FINEXPAT expliqué au


chapitre  4  «  De la vision comptable à la vision
financière ».)

En revanche, le remboursement du capital de


l’emprunt n’est pas fiscalement déductible et donc
n’impacte pas le résultat net.

Ainsi, les flux de trésorerie annuels disponibles


seront respectivement chaque année de  : 88, 78,
68, 8 et 50.

Seul le dernier flux est inchangé puisque l’emprunt


est remboursé.

Figure 8-4 Flux de trésorerie disponible pour les associés chaque année
(free cash flow to equity)

Recalculons alors le taux de rentabilité interne.

Tout d’abord, intéressons-nous au montant des


dépenses investies : la mise de départ ne sera plus
de  250  mais de  200  puisqu’un emprunt bancaire
de 50 la réduit d’autant.
Investissement : 200.

Durée de service : 5 ans. Valeur résiduelle : 0.

Flux de trésorerie annuels : 88, 78, 68, 8 et 50.

Il ne reste plus qu’à mettre tout cela dans «  la


machine à faire le TRI  » (en fait on demande au
tableur de recalculer le TRI) et le résultat est  :
17,45  %, alors que, sans financement, le TRI est
de 13,86 %.

Comment appelez-vous le processus qui permet


d’augmenter un taux de performance financière (en
le faisant passer de  13,86  % à  17,45  %) grâce à un
emprunt partiel au taux de  6  % l’an, en fait  4  %
net, c’est-à-dire inférieur à  13,86  % qui est la
performance sans emprunt ?

« L’effet de levier financier »


Vérifions l’impact du financement avec d’autres
hypothèses.

Dans la figure 8-5, on garde un taux de 6 % mais le


montant emprunté passe de 50 à 100.
Figure 8-5 Flux de trésorerie disponible pour les associés chaque année
(free cash flow to equity)

Recalculons donc le TRI avec les nouveaux


paramètres :

Investissement  : 150  puisque  100  sont obtenus par


emprunt. Durée de service : 5 ans.

Valeur résiduelle : 0.

Emprunt : 100.

Taux d’intérêt  : 6  % soit un taux d’intérêt net


de 4 % comme plus haut.

Remboursement in fine : année 4.

L’effet de levier est encore plus marqué puisque,


cette fois-ci, le taux de rentabilité interne monte
à 24,82 %.
Cela montre que c’est bien le financement par
emprunt qui, par son taux et son montant, explique
l’amélioration de la performance financière de
l’investissement puisque les NOPAT annuels
restent inchangés.

A contrario, la figure 8-6 montre qu’un emprunt qui


serait à un taux de  30  %, c’est-à-dire  20  % net,
ferait chuter le taux interne de rentabilité.

Figure 8-6 Flux de trésorerie disponible pour les associés chaque année
(free cash flow to equity)

Investissement : 200 car on emprunte 50.

Durée de service : 5 ans.

Valeur résiduelle : 0.
Flux de trésorerie annuels : 80, 70, 60, 0, 50.

Le calcul du TRI nous donne  11,59  %, c’est-à-dire


en dessous du taux de rentabilité sans financement
(13,86 %).

On a là un effet de levier inverse (que l’on appelle


ironiquement «  coup de massue  » en français ou
plus durement killing effect en anglais) du fait que le
taux d’intérêt net du financement est supérieur au
taux de rentabilité interne de l’investissement sans
financement.

Enfin, un dernier calcul pour confirmer ce qui est


indiqué plus haut : prenons un taux de financement
de notre investissement de 20,79 % (soit : 20,79 %
× 2/3 = 13,86 % après impôts sur les bénéfices).
Figure 8-7 Flux de trésorerie disponible pour les associés chaque année
(free cash flow to equity)

Investissement  : 200  puisqu’un emprunt


de 50 couvre une partie des coûts engagés.

Durée de service : 5 ans

Valeur résiduelle : 0

Flux de trésorerie annuels  : 83,07  ; 73,07  ; 63,07  ;


3,07 et 50.

Le taux interne de rentabilité ressort alors


à  13,86  % et cela quels que soient le montant
emprunté et la période de remboursement.

Autrement dit, les modalités de financement


(montant et remboursement) n’ont pas d’impact
sur la rentabilité du projet car le taux de
financement net est égal au taux de rentabilité
interne de l’investissement sans financement.

Ceci confirme la règle que nous avions mise en


évidence dans le chapitre 5  «  Les indicateurs-clés
de la performance financière  »  : un nouvel
investissement doit rapporter au moins autant que
ce que coûte son financement.

Tous les exemples ci-dessus montrent que la


décision d’investir dans un projet ne peut
s’envisager qu’en intégrant les paramètres liés au
financement de ce projet. Intéressons-nous donc
au taux de financement d’un projet
d’investissement. Interrogeons-nous sur le fait
qu’un investissement «  sans financement  »,
c’est-à-dire utilisant la trésorerie disponible de
l’entreprise est en fait financé car la trésorerie de
l’entreprise a elle-même un coût.

Reprenons le bilan financier décrit dans le


chapitre  6  liant la performance financière et la
création de valeur.

Le modèle financier de
l’entreprise : un portefeuille
d’investissements financé par
un portefeuille de ressources :
découvrons le TRIM

Figure 8-8 Performance des actifs économiques et coût des ressources


financières

Reprenons la notion de WACC vue au chapitre 6.

Une entreprise est financée par des ressources de


longue durée mises à sa disposition et provenant :

• soit des associés ou actionnaires, ce sont les


capitaux propres ;

• soit de prêteurs à long terme (par exemple les


banques), ce sont les dettes financières à long
terme.

Ces ressources qualifiées de permanentes ne sont


évidemment pas gratuites pour l’entreprise. Les
dettes rapportent un intérêt aux prêteurs et les
actionnaires ou associés espèrent également une
rentabilité des ressources dont ils sont à l’origine.

Ces rémunérations dues ou espérées par les


associés et les prêteurs constituent un coût pour
l’entreprise dont la moyenne pondérée rapportée
aux ressources permanentes apportées est appelée
le coût moyen pondéré du capital  : CMPC (en
anglais, WACC pour weighted average cost of capital).
Dans cette formule, le mot «  capital  » n’a rien à
voir avec le capital social de l’entreprise figurant
tout en haut du bilan.

Le WACC est donc un taux composite annuel


assimilable à un taux global d’intérêt, supposé
rémunérer la totalité des ressources longues, soit
Capitaux propres + Dettes à long et moyen terme à
l’exception, donc, des dettes financières à court
terme que l’on déduira de la trésorerie pour
calculer la trésorerie nette. Ce taux est calculé net
d’impôt.

Ces ressources longues financent la partie gauche


du modèle de bilan financier où sont représentés
les emplois :

• le besoin en fonds de roulement qui


représente le montant d’argent nécessaire à
l’entreprise pour fonctionner au jour le jour ;

• les actifs immobilisés de l’entreprise


nécessaires à son activité et qui lui permettent
de se développer.

Le solde entre les ressources et les emplois


représente la trésorerie nette positive, quand les
ressources sont supérieures aux emplois, ou une
trésorerie nette négative dans le cas inverse.

Financièrement parlant, une entreprise est un


portefeuille d’investissements financés par un
portefeuille de ressources dont le coût de
financement moyen est le WACC.

Globalement parlant, tous les investissements sont


donc financés de façon permanente à un taux qui
est le WACC.

En effet :

• si un investissement est « autofinancé »,


c’est-à-dire qu’il est financé par la trésorerie
disponible, celle-ci n’est pas gratuite
puisqu’elle provient d’un excédent de
ressources sur les emplois, donc au taux du
WACC ;
• si un investissement possède un financement
propre, celui-ci ne fait que s’ajouter au « pot
commun » des ressources permanentes de
l’entreprise et n’impactera le WACC que de
façon marginale (sauf opération de grande
ampleur comme une fusion ou un apport
partiel d’actif).

Comme nous l’avons vu plus haut, la décision


d’investissement est finalement liée à la
comparaison entre le taux de rentabilité de celui-ci
et le taux de son financement. Celui-ci sera le taux
moyen pondéré du financement global de
l’entreprise.

Il nous reste cependant encore un point à voir pour


être complet  : changeons de perspective pour
définir le taux d’actualisation.

Le taux d’actualisation dans


une nouvelle perspective
Jusqu’à présent, nous nous placions à la date de
l’investissement et nous comparions le montant
investi au départ avec les retombées financières
ultérieures mais recalculées par le moyen de
l’actualisation à la date de mise en service de
l’investissement.

Plaçons-nous plutôt à la fin de la mise en service


de l’investissement, reprenons tous les flux
financiers générés (flux de trésorerie disponibles)
et investissons-les dans l’entreprise au fur et à
mesure de leur survenance.

Ainsi, le flux de trésorerie disponible généré la


première année sera réinvesti dans l’entreprise
pendant N  -  1  années si la durée de service de
l’investissement est de N années. Le flux de
trésorerie généré la deuxième année sera réinvesti
pendant N - 2 années, etc. Seul le dernier flux ainsi
que la valeur résiduelle ne seront pas réinvestis.

À quel taux les flux seront-ils réinvestis ? Eh bien,


justement, au taux du coût moyen pondéré du
capital (WACC) puisqu’un flux de trésorerie positif
nous évite de lever des capitaux supplémentaires
que l’on aurait acquis au taux du WACC.

À la fin de la durée de vie de l’investissement, la


valeur totale des retombées financières sera :

FCF1 × (1 + WACC)N- 1 + FCF2 × (1 + WACC)N- 2 +


FCF3 × (1 + WACC)N- 3 + … + (FCFN + VR)
FCF1  représente le flux de trésorerie disponible la
première année. FCF2  représente le flux de
trésorerie disponible la deuxième année. Et ainsi de
suite.

Le facteur (1  + WACC) permet de calculer la valeur


du montant investi au bout d’une année.

Ainsi, si le WACC est de 12 %, soit 0,12, un montant


investi de 100 aura au bout d’un an une valeur de :
100 × (1 + 0,12) = 100 × (1,12) = 112.

Si le montant est investi pendant deux ans, le


facteur devient :

(1 + 0,12)2 soit (1,12) × (1,12).

Un montant investi de  100  pendant deux ans aura


une valeur de : 100 × (1,12) × (1,12) = 125,44.

Et maintenant, reprenons le montant initial de


l’investissement et calculons à quel taux il aurait
fallu le placer pour obtenir à la fin de sa durée de
vie un montant équivalent aux flux de trésorerie
générés réinvestis chaque année au taux du WACC.

Dépenses investies placées à un taux t = Somme des


flux des retombées financières réinvestis au taux
du WACC, c’est-à-dire en développant la somme :
I × (1 + t)N = FCF1 × (1 + WACC)N- 1 + FCF2 × (1 +
WACC)N- 2 + FCF3 × (1 + WACC)N- 3 +… + (FCFN +
VR)

I est le montant investi.

FCF sont les flux de trésorerie des retombées.

VR est la valeur résiduelle de l’investissement.

On remarquera que les flux de trésorerie sont


réinvestis au taux du WACC au fur et à mesure de
leur survenance pendant la durée de vie de N
années.

Le premier flux est donc réinvesti pendant


N - 1 années, le 2e pendant N - 2 années, etc.

Le dernier flux et la valeur résiduelle ne sont pas


réinvestis.

t est le taux de placement recherché donc la


solution du problème.

Soit si les mathématiques ne vous font pas peur :

I × (1 + t)n = ∑ FCFi × (1 + WACC)i

L’indice i varie de  1  à n sachant que n est la durée


de vie estimée de l’investissement en nombre
d’années.

La solution est donc le taux t qui est appelé le


TRIM  : taux de rentabilité interne modifié
(Modified Internal Rate of Return ou MIRR en anglais).

Interprétation et calcul du
taux de rentabilité interne
modifié
Comment interpréter la valeur t, solution de
l’équation  ? Comment interpréter la valeur du
TRIM  ? Tout simplement  : l’investissement sera
considéré comme rentable si le montant investi
rapporte plus que le montant équivalent qui aurait
été investi de façon classique dans l’entreprise,
c’est-à-dire au taux du WACC.

Autrement dit, l’investissement sera considéré


comme rentable si t est supérieur au WACC.

Revenons au point de départ de notre exemple.

Les paramètres sont les suivants :

Coût de l’investissement I = 250

Durée de vie N = 5 ans


Valeur résiduelle VR = 0

Flux de trésorerie disponible :

1re année : FCF1 = 90

2e année : FCF2 = 80

3e année : FCF3 = 70

4e année : FCF4 = 60

5e année : FCF5 = 50

Cette fois-ci, nous n’avons pas besoin du taux


d’actualisation mais du WACC, qui dans notre
exemple sera de 12 %.

Le TRIM «  t  » est la solution de l’équation


suivante :

250 × (1 + t)5 = 90 × (1 + 12 %)4 + 80 ×


(1 + 12 %)3 + 70 × (1 + 12 %)2 + 60 × (1 + 12 %) +
(50 + 0)

Reprenez votre tableur favori et choisissez la


fonction financière TRIM (MIRR dans la version
anglaise). Le résultat est de 12,92 %.

Comment l’interprète-t-on ?

Le coût moyen de financement de l’entreprise


(WACC) est de  12  % alors que le projet
d’investissement peut rapporter 12,92 %.

La décision d’investir semble donc pertinente


puisqu’elle est génératrice d’un surplus de cash
de 0,92 % des capitaux engagés.

La comparaison TRIM et WACC nous fait penser au


concept de la création de valeur vu au chapitre 6.

Une entreprise crée de la valeur quand sa


performance économique (NOPAT) dépasse son
coût de financement (Capitaux investis × WACC).

Ici, cet investissement créera de la valeur grâce à la


différence entre sa rentabilité (Capitaux investis ×
TRIM) et le coût de son financement (Capitaux
investis × WACC).

Dans sa globalité, le portefeuille d’investissements


de l’entreprise au travers du TRIM moyen pondéré
va contribuer à créer une performance financière
annuelle de l’entreprise (à condition de ré-
employer le surplus de trésorerie valorisable).

• Le fait d’utiliser le WACC au lieu du taux


d’actualisation permet d’objectiver un peu plus
la décision d’investir.

• Le calcul du TRI plus haut impliquait un taux


d’actualisation constant sur toute la période de
service de l’investissement. En revanche, il est
tout à fait possible de faire évoluer au fur et à
mesure des années le WACC pour calculer le
TRIM.

En conclusion, après avoir fait un tour d’horizon


des méthodes utiles pour la prise de décision
d’investissement, nous voyons que le TRIM
présente un avantage certain.

En effet, la méthode du délai de récupération ne


prend pas en compte toute la durée de vie du projet,
la méthode de la VAN impose le choix d’un taux
d’actualisation, la méthode du TRI sous-tend
implicitement que les flux de trésorerie générés
sont réinvestis dans l’entreprise au taux solution
du TRI, ce qui n’est pas la réalité financière de
l’entreprise (voir encadré ci-dessous).

Voilà pourquoi nous vous conseillons le TRIM


comme méthode d’aide à la décision
d’investissement.
Le coin du matheux : Les défauts du TRI
par rapport au TRIM

Le calcul du TRI prend en compte une hypothèse


implicite  : chaque flux annuel est réinvesti jusqu’à
la fin de la durée de vie de l’investissement à un
taux qui est celui de la solution du problème.

Ce qui veut dire que, dans notre exemple, un TRI


de  13,86  % implique un réinvestissement de
chaque flux annuel au taux de 13,86 %, ce qui, bien
sûr, n’est pas le cas puisque nous avons vu que les
flux sont réinvestis au taux du WACC (12 %).

L’équation qui permet de calculer le TRI a un degré


égal à la durée de service de l’investissement. Ainsi,
le calcul du TRI dans notre exemple se fait par une
équation du 5e degré puisque la durée de vie est
de 5 ans. Tout matheux sait qu’une équation du 5e
degré a  5  solutions (dont certaines peuvent être
des nombres complexes), il faudra donc en choisir
une seule que l’on considérera comme la plus
pertinente.

Dans le calcul du TRIM, les flux sont réinvestis au


WACC, ce qui est conforme à la réalité. Le WACC
peut même être variable puisqu’il n’est pas la
solution de l’équation mais une donnée.
De plus, la résolution de l’équation, de par sa
nature, nous fait calculer une racine nième (racine
cinquième dans notre exemple) qui n’aura qu’une
seule solution multiple qui est le TRIM.

Il nous reste encore un point à développer.

Tous les calculs sont effectués ci-dessus à partir


d’informations (montant à investir, flux de
trésorerie, durée de vie, valeur résiduelle)
considérées comme certaines bien qu’elles ne
soient que prévisionnelles.

Or, même si les prévisions sont précises et


pertinentes, une certaine marge d’incertitude sur
les données entraînera une marge d’incertitude sur
la rentabilité espérée et donc un risque sur la prise
de décision.

Comment intégrer le facteur risque dans le


processus de décision d’investir ?

Revoilà les deux faces de la


médaille en finance : espérance
de rentabilité et risque
Ce sont des données considérées comme certaines
qui nous ont permis de calculer un taux de
rentabilité interne modifié (TRIM), qui par
comparaison au coût moyen pondéré du capital
(WACC) nous aide dans notre prise de décision.

Même si le montant et la durée de vie de


l’investissement peuvent être définis sans trop de
marge d’erreur, les autres données, et
particulièrement les flux de trésorerie, sont plus
incertains. Car, derrière ceux-ci, il y a des
prévisions annuelles de ventes et de coûts générés
par le projet.

L’incertitude sur ces paramètres entraîne une


incertitude sur le TRIM. Comme vous le savez,
l’incertitude s’assimile au risque en finance. En
effet, le risque c’est l’incertitude sur la rentabilité
espérée. Nous retrouvons donc avec la prise de
décision d’investir les deux faces de la médaille en
finance  : rentabilité espérée et risque (déjà
abordées aux chapitres 5 et 6.)

Reprenons notre exemple pour lequel nous avons


calculé un TRIM de 12,92 % (que nous arrondirons
à 13 % car un écart de 0,08 % ne nuit pas à la prise
de décision).
Supposons maintenant que l’on envisage pour
chacun des paramètres un champ de valeurs
possibles et raisonnables et que l’on calcule le
TRIM pour chacune de ces valeurs possibles. On
obtiendra alors une multitude de solutions pour le
TRIM qui se positionneront de part et d’autre de la
solution ci-dessus (13 %) quand les données étaient
supposées certaines. Par exemple, la majorité des
solutions s’échelonnera de  10  % à  16  % pour une
dispersion de 3 %.

Ce faisceau sera d’autant plus large que


l’incertitude sur les valeurs des paramètres est
grande. La largeur du faisceau de solutions du
TRIM est donc un indicateur du risque du projet.

Nous avons pris ici pour simplifier un faisceau de


valeurs centrées sur  13  % avec un écart de  3  % de
part et d’autre et les férus de mathématiques
reconnaîtront une loi utile en théorie des
probabilités et en statistique  : la loi normale, dite
loi de Laplace-Gauss (dont la représentation
graphique est parfois appelée «  courbe en
cloche  »). Cependant, n’en déduisez pas que les
actifs financiers suivent toujours cette loi !
Le coin du matheux : la loi normale

La loi normale est une loi de probabilité de


distribution de valeurs aléatoires qui dépend de
deux paramètres  : son espérance ou valeur
moyenne et son écart-type qui représente la
dispersion des valeurs aléatoires autour de cette
valeur moyenne. Elle est utile pour représenter le
résultat d’une suite en grand nombre d’expériences
aléatoires similaires et indépendantes.

Revenons à notre exemple : bien sûr, l’espérance de


TRIM (13 %) est supérieure au WACC (12 %) mais la
valeur basse du faisceau donne un TRIM à 10 %, qui
entraîne un rejet du projet d’investissement. En
fait, le projet n’est acceptable que si la valeur basse
du TRIM est supérieure au WACC (12  %). Ce qui
veut dire que le projet d’investissement n’est
acceptable que dans les conditions suivantes :

Espérance de TRIM ≥ WACC + dispersion

• Soit l’espérance de TRIM atteint 15 %, ce qui,


avec une dispersion de 3 %, permet à la
fourchette basse (15 % - 3 % = 12 %) d’être au
niveau du WACC (12 %).
• Soit l’espérance de TRIM est de 13 % mais la
dispersion n’est que de 1 %, (le projet est donc
moins rentable mais moins risqué),
permettant ainsi à la fourchette basse
(13 % - 1 % = 12 %) d’être au niveau du WACC
(12 %).

En conséquence :

• Le WACC ne dépend pas du risque du projet


comme on peut le voir parfois affirmé par
certains : le CMPC est défini au niveau de
l’entreprise (dans notre exemple 12 %) mais le
risque présenté par le projet impose une
certaine marge au-delà du WACC. Cette marge
nécessaire est appelée « prime de risque ».

• L’entreprise ne va pas « s’amuser » à


calculer pour chaque projet tous les TRIM
possibles et donc la marge d’incertitude. Elle
va définir une échelle de prime de risque qui
nous donnera la marge nécessaire par rapport
au WACC.

Prenons le cas d’un projet d’implantation d’une


usine pour la fabrication d’un nouveau produit.
• Si le produit est déjà fabriqué par l’entreprise
dans d’autres usines et si la nouvelle usine
s’implante dans un pays connu de l’entreprise,
la marge d’incertitude, donc de risque ne sera
pas grande, par exemple + ou - 2 %, et le
critère d’acceptation du projet sera un TRIM au
moins égal au WACC + 2 %.

• Si c’est un tout nouveau produit mais fabriqué


dans une usine implantée dans un pays connu,
le risque peut s’évaluer à + ou - 3 % et le
critère d’acceptation du projet sera un TRIM au
moins égal au WACC + 3 %.

• Dans le cas d’un nouveau produit fabriqué


dans une usine implantée dans un nouveau
pays pour l’entreprise, le risque passera à 5 %
et donc le critère d’acceptation sera un TRIM
au moins égal au WACC + 5 %…

C’est à l’entreprise de définir par avance son


échelle de risque d’investissement. Car cette grille
définira la marge par rapport au WACC. Cette façon
de procéder est appelée dans les pays anglo-
saxons : hurdle rates method.

Les différents taux sont considérés comme des


hauteurs possibles des haies d’une course
d’obstacles, comme lors d’une épreuve de jumping.
Le projet à décider est assimilable à un cheval dans
une course d’obstacles, dans laquelle la haie sera
d’autant plus haute que le projet est risqué. On
retrouve alors le couple «  phare  » risque-
rendement espéré de la finance  : un projet
d’investissement doit avoir une rentabilité espérée
d’autant plus grande que son risque est élevé.

Figure 8-9 Concept de la méthode des « hurdle rates »

Figure 8-10 Exemple d’une table de prime de risque


Retenez l’essentiel

• Le processus d’investissement, c’est des


dépenses aujourd’hui générant des
retombées, financières ou non, plus tard.

• Toutes les méthodes d’aide à la décision


d’investir valorisent les deux termes de la
comparaison en mesurant le coût de
l’investissement aujourd’hui et ses
conséquences plus tard.

• Le décalage temporel entre les deux


termes se règle par le concept
d’actualisation.

• La difficulté d’appréciation du taux


d’actualisation impose un changement de
paradigme et l’utilisation du concept d’effet
de levier financier. Le rendement espéré du
projet à réaliser dépend du coût de son
financement.

• Tout nouvel investissement s’inscrivant au


niveau global de l’entreprise, le coût du
financement choisi sera le coût global de
financement de l’entreprise c’est-à-dire le
coût moyen pondéré du capital CMPC
(WACC en anglais).

• La méthode dite du TRIM (taux de


rentabilité interne modifié) permet
d’intégrer le concept de création de valeur
en choisissant les investissements dont la
rentabilité est supérieure au WACC.

• L’incertitude des données d’un projet


d’investissement nous amène à la notion de
risque. La création d’une grille de risque au
niveau de l’entreprise permet de coupler le
risque et le rendement dans le processus
d’aide à la décision.
DANS CE CHAPITRE
« Un emploi modéré des ratios est le gage d’un emploi
avisé »

Comment faire une analyse « ratio » nelle

Les ratios de rentabilité

Les ratios de liquidité

Les ratios d’activité

Les ratios de structure

Les ratios de rendement de l’action


Chapitre 9
La gestion financière d’une
entreprise vue de l’extérieur
« Quand je m’examine, je
m’inquiète. Quand je me
compare, je me rassure. »

Charles-Maurice de
Talleyrand-Périgord.

L es ratios sont des quotients, donc composés d’un


numérateur et d’un dénominateur. Ils ont non
seulement l’avantage d’être faciles à calculer, mais
aussi, puisque ce sont des pourcentages, ils
permettent de comparer des entreprises de tailles
et de devises différentes.

Les ratios sont des outils parfaitement adaptés pour


toute personne extérieure à l’entreprise
(actionnaire, banquier, analyste financier,
entreprise concurrente) désireuse de se faire une
opinion sur la situation financière d’une entreprise.
L’analyse doit présenter leur évolution dans le
temps (3  à  5  années), aussi une comparaison avec
d’autres entreprises du même secteur d’activité.

Cependant, cinq choses doivent rester présentes à


l’esprit de l’analyste :

❶ le ratio n’est jamais qu’un indice à confirmer


par d’autres ratios ;

❷ son but est de justifier une opinion, et non de


calculer pour calculer ;

❸ un ratio doit toujours être complété par la


définition de son numérateur et de son
dénominateur ;

❹ la valeur relative d’un ratio doit toujours être


reliée aux valeurs absolues qu’il contient ;

❺ le ratio ne doit jamais être utilisé tel quel


comme un outil de gestion.

Nous donnons ci-dessous des exemples de ratios


usuels, mais on peut évidemment en calculer
beaucoup d’autres en fonction des besoins
d’analyse, au cas par cas. Pour illustrer ces propos,
et se focaliser sur les calculs et l’interprétation des
ratios, nous utiliserons les bilans et les comptes de
résultat simplifiés de la Société Y ci-après.
Présentation de la Société Y
La Société Y est une entreprise européenne
spécialisée dans la vente de chaussures de travail et
de sécurité. Elle achète ses produits à l’étranger et
vend directement aux entreprises et à certains
magasins spécialisés. Elle a inauguré un nouveau
centre logistique au cours de l’année N-1  pour
lancer une nouvelle gamme de chaussures de luxe.
Elle est cotée en Bourse dans un compartiment
dédié aux PME.

Figure 9-1 Comptes de résultat de la Société Y (en milliers d’euros)


Le capital social est formé de 6 000 actions de 100 €

Figure 9-2 Bilans de la Société Y (en milliers d’euros)

Schéma d’analyse « ratio »nelle


Le calcul de ratios est souvent un exercice apprécié
par les étudiants des écoles de commerce  : ils se
précipitent sur leur calculette et alignent une
litanie de chiffres en oubliant la plupart du temps
d’élaborer le moindre diagnostic.

Avant de se lancer dans les calculs, reprenons les


états comptables à disposition (bilan et compte de
résultat) pour établir une première vision
financière de la situation.

Nous allons établir les bilans financiers (comme


expliqué dans le chapitre  4) à la fois en valeurs
absolues (figure  9-3) et en valeurs relatives
(figure 9-4).

Figure 9-3 Bilans financiers de la Société Y


Figure 9-4 Bilans financiers proportionnels de la Société Y

Après ces préparatifs, qui sont de notre point de


vue indispensables, focalisons-nous sur deux des
trois piliers de la finance d’entreprise  : la
rentabilité financière et la position nette de
trésorerie. L’objectif, ici, est de bâtir un diagnostic.
Un peu comme un médecin, il faut dans un premier
temps s’intéresser aux symptômes :

• le premier symptôme est la divergence de


rentabilité par rapport aux entreprises du
même secteur ;

• le deuxième symptôme est la divergence de


trésorerie nette par rapport aux mêmes
entreprises ;

Aussi notre analyse rationnelle comporte


obligatoirement quatre étapes (figure 9-5) :
• l’analyse de la rentabilité : les ratios de
rentabilité ;

• l’analyse de la trésorerie nette : les ratios de


liquidité ;

• l’analyse du besoin en fonds de roulement :


les ratios d’activité ;

• l’analyse du fonds de roulement : les ratios de


structure.

Accessoirement, on peut ajouter une cinquième


étape pour les sociétés cotées en Bourse : L’analyse
du rendement de l’action.

Le terme «  ratio  » est utilisé depuis fort


longtemps, mais il est apparu ces dernières années
un autre terme concurrent  : indicateurs-clés de
performance (traduction de l’anglais Key
Performance Indicators). Ces derniers sont, la plupart
du temps, des quotients, donc des ratios !

Notre but dans ce chapitre intitulé «  La gestion


financière d’une entreprise vue de l’extérieur » est
d’utiliser les ratios (ou les indicateurs-clés de
performance) comme un outil de diagnostic par une
personne extérieure à l’entreprise à partir de
documents publiés par l’entreprise, et non pas
comme un outil de pilotage par un manager de
l’entreprise comme expliqué dans les
chapitres 5 et 7.

Figure 9-5 Schéma d’analyse « ratio » nelle

Les ratios de rentabilité


Nous avons calculé ci-dessous (figure  9-6) trois
ratios : NOM, ROCE et ROE, ainsi que les drivers qui
les relient (effet turbo et effet de levier). Reportez-
vous au chapitre  4  pour retrouver leur mode de
calcul.

Bien souvent, les calculs de ratios se font à partir


des états financiers de la même période. Or, si le
compte de résultat montre les événements couvrant
toute une période, le bilan donne une situation à la
fin de la même période. Cela nous semble donc plus
pertinent, dans un ratio de rentabilité qui mêle un
élément du compte de résultat et un élément
figurant au bilan, de mettre en perspective une
performance couvrant une période avec la situation
initiale existante au démarrage de la période. Ainsi
pour calculer le ROCE de l’année N, nous avons pris
le NOPAT de cette année pour le comparer aux
capitaux employés au début de l’année N, donc
figurant au bilan de l’année N-1.

En l’absence des bilans de l’année N-3, nous


n’avons pas pu calculer les différents ratios sauf le
NOM, puisqu’il ne prend en compte que des
éléments du compte de résultat. En revanche, nous
avons fait figurer le ROE de l’année N-2 afin
d’avoir ce ratio pour 3 exercices.

Nous avons calculé le ROE pour l’année N-2 à partir


du bilan N-3 qui ne figure pas ici.
Figure 9-6 Ratios de rentabilité de la Société Y

Analyse du ROE
La figure 9-7 ci-dessous montre l’évolution du ROE
de la Société Y au cours des 3  derniers exercices
comptables et la comparaison avec le ROE moyen
d’un échantillon d’entreprises du même secteur
d’activité. Le ratio ROE est calculé comme le
quotient du résultat net d’une année sur le montant
des capitaux propres existants au début de l’année.

Aucun événement exceptionnel n’est venu


perturber le résultat net (sinon, il conviendrait
d’éliminer l’impact de toute opération non
récurrente). Les tableaux montrent les chiffres à
partir de l’année la plus récente. Le graphique, au
contraire, montre l’évolution dans le temps jusqu’à
la situation la plus récente.

Figure 9-7 Analyse du ROE de la Société Y

Diagnostic
Pour l’année N-2, le ROE de la Société Y est en
phase avec la moyenne du secteur d’activité.

Le décrochage intervient au cours de l’année N-1 et


correspond à la création d’un nouveau centre
logistique et au lancement d’une nouvelle gamme
de chaussures de luxe. Cette rupture s’est
confirmée pour l’année N.
L’analyse de la figure  9-6  montre que le point de
départ est la baisse brutale du NOM ce qui peut
sembler normal lors du démarrage d’une nouvelle
activité. Mais le ROCE a chuté en plus lors de
l’année N avec la baisse du capital turnover, indice
d’une mauvaise adéquation entre les ventes et les
actifs économiques employés. Cette situation s’est
répercutée sur le ROE malgré une augmentation de
l’effet de levier.

Vu de l’extérieur, nous n’avons pas suffisamment


d’éléments pour analyser les conditions précises de
lancement de cette nouvelle gamme de produits.
Mais la rentabilité de l’entreprise a été impactée.

Voyons, maintenant les autres conséquences sur la


gestion financière.

Les ratios de liquidité


En finance d’entreprise, la trésorerie, de par sa
position nette et de par ses flux, est la conséquence
directe de la qualité du management. Elle permet
de diagnostiquer les forces et les faiblesses
financières, mais aussi d’évaluer les risques
financiers. Voilà pourquoi, nous préconisons
d’établir les bilans financiers successifs avant de se
lancer à corps perdu dans des calculs de ratios de
liquidité, d’activité et de structure.

Reprenons les bilans financiers proportionnels de


la figure 9-4.

On reconnaît (voir chapitre 4) un bilan financier qui


passe d’un modèle financier idéal (année N-2) à un
modèle financier de type «  cash shortage  »
induisant un risque de liquidité. En effet, la
situation nette de trésorerie devient négative et
représente environ 10 % des capitaux investis.

Nous avons un deuxième indice  : la création d’une


nouvelle gamme de produits a non seulement
impacté la rentabilité, mais aussi la trésorerie
nette. Utilisons les ratios de liquidité pour aller plus
loin.

Le calcul trompeur des ratios


de liquidité
Le ratio de liquidité réduite, encore appelé quick
ratio ou acid test ratio, car il indique, en un clin
d’œil, la situation de la trésorerie de l’entreprise,
doit être manipulé avec précaution.
Figure 9-8 Le ratio de liquidité réduite

Il compare, comme une balance à deux plateaux,


d’une part le montant de trésorerie disponible et
réalisable à court terme et, d’autre part, le passif
exigible à court terme.

• Le montant de trésorerie disponible est le


montant disponible sur les comptes bancaires.

• Le montant de trésorerie réalisable à court


terme est constitué des placements à court
terme, des créances clients et des autres
créances comme les crédits d’impôts.

• Le passif exigible à court terme comprend les


dettes financières à court terme, les découverts
bancaires, les dettes fournisseurs et les dettes
fiscales et sociales.
En fait, le quick ratio comprend au numérateur tout
l’actif circulant du bilan, sauf les stocks, et au
dénominateur toutes les dettes à court terme.

Un ratio voisin de  1  ou supérieur à  1  montre une


trésorerie saine.

La figure  9-9  montre l’évolution du ratio pour la


Société Y et sa comparaison avec la moyenne du
secteur.

Figure 9-9 Analyse du quick ratio pour la Société Y

On reconnaît le décrochage au cours de l’année N-


1, mais le ratio reste sain et ne montre aucun risque
de liquidité.

Il existe deux autres ratios de liquidité.

❶ Le ratio de liquidité immédiate


Il compare la trésorerie disponible et les
placements à court terme avec le passif exigible.
Pour la Société Y, nous avons pour l’année N :

90/ (94 + 116 + 280) = 90/490 = 18,75 %

❷ Le ratio de liquidité générale

Le ratio prend l’ensemble de l’actif circulant (stock


compris) et le compare au total des dettes court
terme. Soit dans le cas de Y pour l’année N :

(696  +  409  +  90)/ (94  +  116  +  280)


= 1195/490 = 2,44

On voit ici l’extrême difficulté d’interpréter les


ratios puisque trois ratios de liquidité donnent trois
versions différentes de la même situation !

Le ratio de liquidité immédiate dit que ce n’est pas


très bon  : la trésorerie couvre seulement  18,75  %
des dettes à court terme.

Le ratio de liquidité réduite dit que ça va encore,


puisqu’il est proche de 1.

Le ratio de liquidité générale dit que tout va bien,


puisque l’actif à court terme couvre plus de 2 fois le
passif exigible.
En réalité, le banquier, inquiet du découvert
croissant de l’entreprise, appelle presque tous les
jours le directeur financier  ! En fait, et c’est là le
mirage des ratios de liquidité, ils ont une vision
statique des montants en jeu et non pas une vision
dynamique du timing des encaissements et
décaissements.

Les ratios de liquidité sont calculés, à un instant


donné, comme si l’on dispose non seulement de la
trésorerie mais de l’encaissement instantané de
toutes les créances clients (ratio de liquidité
réduite) et même de la vente de tous les produits en
stock (ratio de liquidité générale) pour rembourser
les dettes court terme.

La réalité est toute autre : la trésorerie (possédée ou


manquante) résulte du timing entre l’encaissement
des créances clients compte tenu de la vente des
stocks et le décaissement du passif exigible (et cela,
en relation avec le montant des capitaux
permanents disponibles).

Nous proposons un ratio plus pertinent : le ratio de


trésorerie nette disponible.
Le ratio de trésorerie nette
disponible
Ce ratio consiste à comparer :

• La trésorerie nette

C’est le solde entre la trésorerie disponible et


réalisable (les placements financiers à court
terme) et les dettes bancaires à court terme
(prêts bancaires et découverts).

La trésorerie nette est en valeur relative


(affectée du signe positif ou négatif).

• Les capitaux investis

Les capitaux propres

Les dettes bancaires à long terme

Éventuellement la trésorerie nette négative


(mais en valeur absolue).
Figure 9-10 Analyse du ratio de trésorerie nette pour la Société Y

Le ratio de trésorerie nette de l’entreprise Y pour


l’année N (voir la figure 9-3) est calculé ainsi :

La trésorerie nette est de  -  200  car elle est


négative.

Les capitaux investis sont


de 1 139 + 530 + 200 = 1 869

La trésorerie nette est prise en valeur absolue dans


le calcul des capitaux investis. Le ratio
= - 200/1 869 = - 10,7 %

Le décrochage de l’année N-1  de la rentabilité est


bien confirmé pour la trésorerie nette. C’est un
indice, il faut aller plus loin :
Rappelons l’équation fondamentale vue au
chapitre 4 :

FR - BFR = T NETTE

La trésorerie nette s’explique par la différence


entre le fonds de roulement (FR) et le besoin en
fonds de roulement (BFR).

Dans le cas de la Société Y, la trésorerie nette est


négative, ce qui est le symptôme d’une faiblesse
financière de l’entreprise.

• Soit le besoin en fonds de roulement est peut-


être trop élevé : il faut alors analyser l’activité
de l’entreprise car le besoin en fonds de
roulement est lié au cycle opérationnel :
stock - créances clients - dettes fournisseurs

• Soit le fonds de roulement est peut-être trop


faible : il faut étudier la structure financière de
l’entreprise car le fonds de roulement dépend
de la façon dont les capitaux permanents
(capitaux propres et dettes bancaires long
terme) financent l’actif immobilisé.

• Soit les deux en même temps !

L’étape suivante est donc d’étudier l’activité de


l’entreprise.
Les ratios d’activité
Analysons l’activité opérationnelle de l’entreprise
au travers de l’analyse du cycle des trois
composantes principales :

❶ stock ;

❷ créances clients ;

❸ dettes fournisseurs.

Calculons donc de nouveau le besoin en fonds de


roulement, mais non pas en montants ou en
pourcentage, mais plutôt en jours !

Le calcul du besoin en fonds


de roulement en jours
Par exception et pour une meilleure présentation
synoptique, les chiffres ne sont pas des
pourcentages, mais des jours !

Prenons l’exemple d’une marchandise, commandée


à un fournisseur, livrée aujourd’hui.

Elle entre dans le stock de l’entreprise et y reste


jusqu’à sa vente pendant un nombre de jours
appelé DIO (Days Inventories Outstanding en anglais).
Puis, l’entreprise va recevoir l’encaissement de
cette vente après un autre nombre de jours, en
fonction des conditions de paiement de
l’entreprise, appelé DSO (Days Sales Outstanding en
anglais).

Enfin, le fournisseur est réglé après un autre


nombre de jours, décompté non pas à partir de
l’encaissement de la vente, mais à partir de la
livraison de la marchandise dans l’entreprise,
appelé APP (Average Payment Period en anglais).

L’entreprise reçoit le paiement de sa vente après un


nombre de jours égal à DIO + DSO après le jour de
livraison, alors qu’elle paie cette marchandise après
un nombre de jours égal à APP à partir du jour de
livraison.

• Si (DIO + DSO) est supérieur à APP,


l’entreprise a payé son fournisseur alors
qu’elle attend le paiement de son client,
l’entreprise a un manque de trésorerie qu’elle
doit financer. On dit qu’elle a un besoin en
fonds de roulement positif.

• Si (DIO + DSO) est inférieur à APP, l’entreprise


a reçu le paiement de son client et paiera son
fournisseur plus tard, l’entreprise a de la
trésorerie dont une partie seulement lui
appartient définitivement (la marge). On dit
qu’elle a un besoin en fonds de roulement
négatif.

Figure 9-11 Analyse d’un besoin en fonds de roulement positif en jours

Certains analystes financiers ne calculent pas les


rotations des stocks, des créances clients et les
dettes fournisseurs en jours, mais en nombre
annuel de rotations.

Ainsi, un stock qui tourne en  30  jours a donc un


nombre annuel de rotations de 12.

Nous préférons garder le calcul en jours qui nous


semble plus parlant  : en évolution comme en
comparaison.
On calcule donc les délais suivants :

• DIO (Days Inventories Outstanding) : en combien


de jours le stock se renouvelle-t-il ?

• DSO (Days Sales Outstanding) : en combien de


jours en moyenne les clients règlent-ils leurs
factures ?

• APP (Average Payment Period) : en combien de


jours en moyenne l’entreprise règle-t-elle ses
fournisseurs ?

Ces ratios vont nous permettre de comprendre


l’évolution du besoin en fonds de roulement. Ils ont
comme point commun de mesurer les différentes
valeurs en jours à partir de chiffre d’affaires et
d’achat annuels. Selon les études ou les manuels,
les calculs se font avec des années de  365 jours ou
de  360  jours (sans tenir compte des années
bissextiles !).

Pour simplifier nous prendrons une année


de 365 jours.

Les chiffres ci-dessous sont issus du bilan établi en


fin de période. Certains analystes font le calcul avec
les chiffres du bilan de début de période ou les
chiffres moyens de la période.
Vus de l’extérieur, les ratios d’activité sont
difficiles à interpréter si l’entreprise à une activité
saisonnière.

Les stocks et les créances clients doivent être pris


pour leur valeur brute, c’est-à-dire sans tenir
compte des éventuelles dépréciations figurant au
bilan. Sinon, l’interprétation des valeurs indiquées
est erronée. Prenons le cas des créances clients et
imaginons que le compte clients à l’actif ait été
déprécié de  50  %. Cela diminuerait de moitié le
montant net des créances clients, et diminuerait
d’autant le ratio. Il indiquerait que plus les
créances sont douteuses, plus elles sont encaissées
vite ! Cela troublerait quelque peu le diagnostic.

Calcul du « DIO »
On calcule le nombre de jours de ventes figurant
dans le stock de marchandises.

Le stock étant valorisé en coût d’achat (ou en coût


de production) des marchandises, il convient de le
comparer au coût journalier des marchandises
vendues.

On calcule donc le coût des marchandises vendues


(figurant au compte de résultat) divisé
par 365 soit : coût de marchandises vendues/365

La règle mathématique des quotients nous enseigne


que le dénominateur d’un dénominateur se met au
numérateur d’où :

Le calcul du DIO de la Société Y pour l’année N nous


donne :

DIO = 696 × 365/1 599 = 159 jours (arrondi)

Il n’y a aucun problème d’homogénéité, puisque le


stock figurant au bilan, comme le coût des
marchandises vendues figurant au compte de
résultat sont établis hors taxes.

L’annexe jointe aux comptes annuels donne le


détail des stocks par catégorie :

• stock de matières premières ;

• stock d’en cours ;

• stock de produits finis ;

• stock de marchandises.
Il est possible alors de calculer les délais en
rapportant chaque stock au montant de même
nature acheté, produit ou vendu dans l’année.

La figure  9-12  ci-dessous nous donne l’évolution


du DIO de Y et sa comparaison avec la moyenne du
secteur.

On remarque tout de suite le niveau très élevé des


stocks par comparaison avec la moyenne du secteur
avec en plus un décrochage au cours de l’année N-
1, (par rapport à N-2) laissant apparaître une
mévente de la nouvelle ligne de produits.

Figure 9-12 Analyse du DIO de la Société Y en jours

Calcul du « DSO »
Le montant des créances clients est évalué en
nombre de jours de chiffres d’affaires. Les créances
clients figurent au bilan toutes taxes comprises,
donc TVA incluse.

L’entreprise vend principalement en France avec


un taux de TVA de  20  %. Il faut donc calculer le
DSO en calculant le nombre de jours de ventes TTC.

Le calcul du DSO de la Société Y pour l’année N


nous donne :

DSO = (409 × 365)/2 211 × 1,2 = 56 jours (arrondi)

La figure  9-13  ci-dessous nous donne l’évolution


du DSO de Y et sa comparaison avec la moyenne du
secteur.

La Société Y vend les chaussures à des magasins


spécialisés (B to B) et non pas au consommateur
final (B to C) avec des conditions de paiement
à 60 jours.

On remarque que les ratios sont du même ordre de


grandeur que la moyenne du secteur.

L’évolution est favorable, puisque le délai se


raccourcit (peut-être du fait d’une pression sur les
services commerciaux suite aux problèmes de
trésorerie de l’entreprise).

Figure 9-13 Analyse du DSO de la Société Y en jours

Calcul du « APP »
Le montant des dettes fournisseurs est évalué en
nombre de jours d’achat de marchandises et/ou de
matières premières.

Les dettes fournisseurs figurent au bilan toutes


taxes comprises, donc TVA incluse. L’entreprise
achète ses marchandises en France, mais aussi à
l’étranger. Elle paie alors un taux de TVA de 20 % à
l’importation.
Les achats annuels ne figurent pas dans le compte
de résultat fonctionnel. Cependant, on sait pour un
exercice comptable donné :

Stock initial de marchandises + Achats annuels =


Coût des marchandises vendues annuellement +
Stock final de marchandises.

Autrement dit :

Achats annuels = Coût des marchandises + Stock


final - Stock initial

Le calcul du APP de la Société Y pour l’année N


nous donne :

Le montant des achats annuels


=  1  599  +  696  -  616  =  1  679 APP =
(94 × 365)/1 679 × 1,2 = 17 jours (arrondi)

La figure  9-14  ci-dessous nous donne l’évolution


du DSO de Y et sa comparaison avec la moyenne du
secteur.

On remarque une divergence à partir de l’année N-


1  qui pourrait s’expliquer (mais vu de l’extérieur,
on ne possède pas toutes les informations
nécessaires) par le choix d’importer beaucoup plus
de produits entraînant la diminution du crédit
fournisseur (les fournisseurs étrangers demandent
souvent un paiement à la commande et non pas à la
livraison).

Figure 9-14 Analyse du APP de la Société Y en jours

Synthèse : le « cash
conversion cycle »
Le «  cash conversion cycle  » permet de faire une
synthèse des  3  ratios analysés plus haut en
calculant le besoin en fonds de roulement en jours
de trésorerie manquante, s’il est positif, ou
excédentaire, s’il est négatif.
Le calcul du cycle pour la Société Y pendant l’année
N nous donne :

DIO = 159 jours

DSO = 56 jours

APP = 17 jours

Soit une attente de trésorerie de  159  +  56  –


  17  =  198  jours  ! C’est-à-dire environ 6  mois et
demi alors qu’il est de  124  jours, soit
environ 4 mois pour la moyenne du secteur.

Figure 9-15 Analyse du cash conversion cycle de la Société Y en jours

En conclusion
Nous avons un premier diagnostic  : le manque de
trésorerie s’explique par l’importance du besoin en
fonds de roulement de la Société Y, en forte
divergence avec la moyenne du secteur. Vu de
l’extérieur, à partir des états comptables fournis
par l’entreprise, il n’est pas possible d’entrer dans
le détail des causes réelles pour aller au-delà du
diagnostic.

Cependant, l’écart avec la moyenne du secteur se


situe au niveau des stocks (problème de mévente de
la nouvelle gamme  ? mauvaise conception de la
nouvelle chaîne logistique ? manque de fiabilité des
nouveaux fournisseurs ?).

On peut néanmoins remarquer que si le DIO pouvait


être au même niveau que la moyenne du secteur,
c’est-à-dire diminuer de 40 %, le niveau des stocks
se réduirait donc de  40  % pour passer de  696  à
environ  400, le besoin en fonds de roulement
s’affaiblit de  296, ce qui annule le découvert
bancaire et donc le risque de liquidité !

Passons maintenant à l’étape suivante : qu’en est-


il de la structure financière de l’entreprise Y et de
son risque de solvabilité ?
Les ratios de structure
Après avoir analysé le besoin en fonds de
roulement, travaillons maintenant sur le fonds de
roulement et donc sur la structure des capitaux et
des emplois à long terme.

Le Debt to Equity ratio

Le calcul du ratio de la Société Y pour l’année N


nous donne :

Debt to Equity ratio = (530 + 290)/1 139 = 0,72

Le ratio de la Société Y reste dans des limites tout à


fait acceptables, malgré l’investissement dans un
nouveau centre logistique.
Figure 9-16 Analyse du debt to equity ratio de la Société Y

Ici on ne calcule pas la dette financière nette, mais


la dette financière totale long terme et court terme.

Une première interprétation de ce ratio nous fait


dire que le risque d’entreprise doit être pris par les
associés ou les actionnaires et non pas par les
prêteurs, c’est-à-dire les banquiers.

Ce qui fait que le montant des capitaux propres doit


être supérieur au montant des dettes bancaires, ce
qui donne un ratio inférieur à 1.

C’est ce critère qui est souvent utilisé et


notamment en France où l’on considère que le
risque de solvabilité de l’entreprise apparaît quand
le ratio dépasse 1.
Mais cette acception subit de nombreuses
dérogations :

• selon la culture financière de certains pays :


aux États-Unis, par exemple, le financement
se fait plutôt par apports des associés que par
prêt bancaire ;

• selon le secteur d’activité : en Europe, les


banques et les compagnies d’assurances ont
des critères spécifiques de solvabilité.

Le ratio TIE
Après avoir constaté le poids de la dette bancaire
long terme et court terme par rapport aux capitaux
propres, il est intéressant d’analyser la capacité de
l’entreprise à faire face aux deux composantes de
cette dette bancaire, la charge de l’intérêt et le
poids du remboursement.

Commençons par la charge d’intérêt.

Il n’est pas question, ici, d’adopter une vision


macroéconomique et de parler de taux d’intérêt,
mais de s’en tenir à une analyse au niveau de
l’entreprise. En reprenant le compte de résultat
fonctionnel (voir figure 9-1), on voit que le résultat
opérationnel doit couvrir les charges financières et
l’impôt sur les bénéfices pour obtenir un résultat
net positif.

Le ratio TIE va donc comparer ce résultat


opérationnel aux charges financières.

Le ratio TIE (Times Interest Earned en anglais),


voulant dire approximativement «  en combien de
fois l’intérêt est gagné », est le quotient du résultat
opérationnel sur les charges financières.

Le calcul du ratio TIE de la Société Y pour l’année N


nous donne : 210/59 = 3,56

Figure 9-17 Analyse du ratio TIE de la Société Y


La comparaison avec les autres entreprises du
même secteur d’activité montre un écart important
à partir de l’année N-1.

Nous remarquons le même décrochage que les


ratios de rentabilité, ce qui nous montre que pour
ce ratio c’est plus une diminution du numérateur
(le résultat opérationnel) qu’un accroissement du
dénominateur (les charges financières) qui font
plonger le ratio.

Cependant, le ratio TIE de  3,56  reste encore


supportable pour l’entreprise, car on dit
généralement que le ratio TIE devient critique
quand il passe sous la valeur de 3.

Un ratio est un quotient  : l’analyse doit donc


couvrir le numérateur et le dénominateur, sachant
qu’ils jouent un rôle antagoniste  : un ratio qui
augmente s’explique par une augmentation du
numérateur et/ou une diminution du
dénominateur.

Certains analystes ont repris une technique, utilisée


en finance des marchés obligataires, consistant à
attribuer une note (rating en anglais) pour
caractériser le risque de solvabilité.
Cette note, en réalité une série de lettres de AAA
(triple A) à D, est établie en fonction de la valeur du
ratio TIE et détermine le coût supplémentaire
généré par le risque de non remboursement de la
dette bancaire (default risk).

Ainsi pour l’année N, la Société Y se voit attribuer


la note est A- . Le risque de non remboursement lié
à cette note entraîne une majoration du taux
d’intérêt de ses emprunts bancaires de 1,25 %.
Figure 9-18 Relation entre le ratio TIE et le risque de défaut

Le résultat opérationnel calculé après impôt sur les


bénéfices au taux T est  : Résultat opérationnel ×
(1 – T) = NOPAT

Les charges financières calculées après impôt sur


les bénéfices au taux T est  : Charges financières ×
(1 – T) = FINEXPAT
On peut donc écrire en multipliant le ratio TIE par
(1 – T) au numérateur comme au dénominateur :

Nous avons déjà rencontré au


chapitre 4  (concernant le levier financier) le ratio,
qui est défini par : FINEXPAT/NOPAT, et donc nous
avons :

Le Debt Coverage ratio


L’autre composante de l’analyse de la dette
bancaire concerne la capacité de l’entreprise à faire
face à ses obligations de remboursement. Mais
alors que les charges financières font partie du
calcul du résultat, le remboursement des emprunts
s’intègre dans le système modélisé de trésorerie
(voir chapitre 4).
Figure 9-19 Présentation synoptique du système modélisé de trésorerie

On constate que la capacité de rembourser les


emprunts bancaires (et de payer les frais financiers
net d’impôt) est liée à la capacité de l’entreprise de
générer du cash flow disponible (free cash flow).

Un ratio basé sur le service de la dette (le


remboursement progressif des emprunts et le
paiement des frais financiers) par comparaison
avec le cash flow disponible annuellement est donc
tout à fait pertinent.

Le ratio de couverture de la dette (bancaire)


s’appelle communément «  debt coverage ratio  » et
se calcule ainsi :

Figure 9-20 Le ratio « debt coverage »

Il donne un nombre qui représente le nombre


d’années nécessaires au cash flow disponible pour
rembourser les dettes bancaires actuelles (frais
financiers compris). Ce nombre d’années doit être
au plus égal à la maturité moyenne des dettes
bancaires. En réalité, ce nombre doit être inférieur
pour permettre aussi le paiement de dividendes.

La maturité des dettes bancaires figure dans


l’annexe jointe aux états annuels.

Calculons le cash flow disponible (free cash flow) de


la Société Y au cours de l’année N.

En l’absence d’un tableau des flux de trésorerie, il


est possible de le calculer rapidement grâce aux
indicateurs régissant la trésorerie, développés au
chapitre 7.

FCF = CE × (ROCE - WAGU)

Les capitaux employés sont ceux disponibles au


début de l’année N, donc ceux du bilan de l’année
N-1 soit : 1 734.

Le ROCE est calculé dans les ratios de rentabilité


pour Y plus haut (figure  9-6) soit  : 7,30  %
(arrondi).

Le WAGU est le taux de progression des capitaux


employés entre l’année N et l’année N-1 (figure 9-
3) :

WAGU = (1  869  –  1734)/1  734  =  135/1734  =  7,79  %


(arrondi)

Le free cash flow de l’année N =  1  734  × (7,30  %  –


 7,79 %) = – 8, 44
Figure 9-21 Calcul du free cash flow de la Société Y

Le free cash flow est légèrement négatif et ne peut


donc couvrir le service de la dette. Le recours à un
apport supplémentaire de la part des actionnaires
semble inéluctable.

En conclusion
Cet exemple illustre bien, à notre avis, les limites
du calcul de ratios vu de l’extérieur.

❶ Les états annuels sont en général disponibles


annuellement au moins trois mois après la
date de clôture comptable. (Les grandes
entreprises cotées en Bourse doivent par
contre fournir des états trimestriels non
audités.)

❷ Les informations fournies, donc les ratios, ne


peuvent être que des indices qui doivent se
confirmer ou non dans le temps et se comparer
à d’autres entreprises dans le même secteur
d’activité.

❸ Les éléments ne sont en aucun cas des


instruments de gestion mais des signaux pour
conforter le banquier dans sa décision de
prêter ou non et pour l’actionnaire dans sa
décision d’acheter ou de vendre l’action de
l’entreprise.

Pour ce dernier, il est important d’analyser en plus


le rendement de l’action en tant que telle.

Les ratios de rendement de


l’action
Cette partie ne concerne que les sociétés pour
lesquelles le prix de l’action est défini
journellement, c’est-à-dire les entreprises cotées
en Bourse.

Avant de se lancer dans le calcul de ratios, il est


nécessaire d’analyser, dans un exemple simplifié,
les flux induits par l’achat et la vente d’une action
en Bourse.
La figure 9-22 ci-dessous montre les flux relatifs à
l’achat d’une action le lendemain d’une
distribution de dividende, puis à la vente le
lendemain du paiement du dividende suivant.

Figure 9-22 Flux de trésorerie liés à l’achat et à la vente d’une action

Analyse du rendement global


d’une action
Les frais de transaction et la fiscalité applicable
sont volontairement ignorés. On achète une action
le jour d’après le paiement du dernier dividende. Le
prix payé est égal à MP0. On revend cette action le
lendemain du paiement du dividende suivant, soit
par hypothèse une année.
Le propriétaire a donc touché un dividende pour un
montant de D1  et le prix de vente de l’action soit
MP1.

Au total, le propriétaire aura fait un gain (ou une


perte car cela dépend des valeurs relatives de
MP0 et MP1) de :

MP1 + D1 – MP0

Si on veut calculer un taux de rentabilité, il faut


rapporter ce montant à l’investissement initial,
c’est-à-dire MP0 soit :

TRA = Taux de rentabilité de l’action = (MP1 +


D1 – MP0)/MP0

Faisons un peu de mathématiques des quotients :

Le taux de rentabilité de l’action est donc la somme


de deux taux :

❶ Le taux de plus-value ou de moins-value du


cours de l’action soit : (MP1 – MP0)/MP0

❷ Le taux de rentabilité du dividende soit :


D1/MP0
Voilà pourquoi l’analyse du rendement d’une action
se fait à deux niveaux  : son cours boursier et le
rendement de son dividende. Commençons par le
rendement du dividende.

Le rendement du dividende
On ne s’intéresse qu’aux dividendes payés en
espèces et non pas aux dividendes payés en actions
qui introduit deux paramètres supplémentaires : le
prix de l’action et sa variabilité.

Le ratio « DPO »
Pour analyser un dividende, il faut d’abord regarder
le pourcentage de résultat dont il est issu.

Rappelons que la théorie du signal et l’aphorisme


«  dividends are sticky  » pousse les entreprises à
maintenir un dividende annuel constant ou en
progression constante.

En plus, de nombreuses grandes entreprises cotées


comptent parmi les actionnaires des fonds de
pension (c’est-à-dire des caisses de retraite) qui
attendent des dividendes récurrents pour satisfaire
leurs obligations.
Si ces dividendes représentent un pourcentage
important du résultat net de l’entreprise, il
apparaît un risque de pérennité de ceux-ci et donc
un risque pour l’entreprise de revente de ses
actions.

Le ratio DPO (Dividend Pay Out en anglais) calcule le


pourcentage de résultat net alloué aux dividendes.
(Voir figure 9-23 ci-dessous)

Figure 9-23 Calcul du ratio DPO

Le calcul du DPO de la Société Y pour l’année N


s’établit ainsi :

DPO = 38/91 = 0,42 ou 42 %
La figure  9-24  montre un pourcentage stable
inférieur à  50  % (inférieur à la moyenne du
secteur : 60 %). Cette stabilité montre une stratégie
constante qui évite de lancer un mauvais signal aux
actionnaires.

Figure 9-24 Analyse du DPO de la Société Y

Le ratio « DY »
Le ratio DY (Dividend Yield en anglais) calcule le
rendement du dividende versé en comparant le
montant du dividende par action au cours boursier
moyen sur la période courant depuis le versement
du dernier dividende.
Figure 9-25 Calcul du ratio DY

Calcul du Dividend Yield de la Société Y pour l’année


N :

Le dividende par action est


de 38 000/6 000 = 6,33 €

DY = 6,33/275 = 2,30 %
Figure 9-26 Analyse du DY de la Société Y

Tous les chiffres sont homogènes et correspondent


à la moyenne de rendement de dividende que l’on
observe dans le monde, c’est-à-dire entre 2 et 3 %.
Mais, comme expliqué plus haut, ce rendement
s’ajoute au cours boursier. Voyons maintenant
comment analyser ce dernier.

Le rendement du cours
boursier
Il est très facile de calculer le rendement du cours
boursier des années passées, mais c’est la
rentabilité future qui intéresse l’actionnaire actuel
ou potentiel, et comme dit l’humoriste  : «  La
prédiction est difficile surtout si elle concerne le
futur ! »

Voilà pourquoi, les analystes essayent de prédire


l’avenir à partir des résultats du passé en partant
du principe suivant  : «  Plus une action est chère,
plus elle a de chance de baisser, plus une action est
bon marché, plus elle a de chance de monter. »

L’auteur de ce livre décline par avance toute


responsabilité en cas de déboires suite à
l’utilisation de ce principe !

Mais comment déterminer si une action est chère


ou bon marché ?

Le critère n’est pas le prix en valeur absolue (car il


dépend du nombre d’actions émises pour récolter
un montant donné de capital) mais le prix en valeur
relativement à une autre donnée.

Il y a deux données qui sont privilégiées :

❶ la valeur de l’entreprise figurant au bilan


comptable ;

❷ la profitabilité de l’entreprise.

Le ratio « Market to Book »


Ce ratio part du principe suivant  : la valeur d’une
entreprise peut se calculer en multipliant le nombre
d’actions émises par le cours moyen de l’action.
Cette valeur, appelée valeur marchande ou valeur
boursière de l’entreprise (market value en anglais),
varie selon le cours moyen de l’action.

Mais il existe aussi un autre moyen de calculer la


valeur d’une entreprise  : c’est de prendre le
montant des capitaux propres figurant au bilan
(voir chapitre  2). Cette valeur est dite
« comptable » (book value en anglais).

Le ratio market to book se définit comme le quotient


de la market value sur la book value :

Figure 9-27 Calcul du ratio market to book


En théorie, ces deux valeurs devraient être
identiques et le ratio devrait être égal à  1, mais la
réalité est toute autre :

❶ Le principe de prudence, détaillé au


chapitre 2, pousse le comptable à enregistrer
toute moins-value même potentielle et ignorer
les plus-values, sauf si elles sont réelles : ce
qui donne une valeur comptable de l’entreprise
plutôt conservatrice (certains disent même
pessimiste).

❷ La valeur boursière dépend directement du


cours boursier, ce qui peut rendre la valeur
boursière plus spéculative (à la hausse comme
à la baisse) en fonction d’éléments endogènes
(l’annonce d’un bon ou un mauvais résultat
trimestriel ou annuel), mais aussi exogènes
(crise politique, récession économique…).

Plus le market to book ratio est élevé, plus l’action


de l’entreprise est « chère ».

Il est donc important de suivre ce ratio dans son


évolution dans le temps et dans sa comparaison
avec d’autres entreprises cotées dans le même
secteur d’activité.
Calculons le market to book ratio de la Société Y pour
l’année N (voir la figure 9-2).

La valeur boursière de la Société Y


est  6  000  ×  275  =  1  650  (en milliers d’euros). Les
capitaux propres sont de 1 139 (en milliers d’euros).

Le market to book ratio =  1  650/ 1  139  =  1,


45 (arrondi)

On remarque dans la figure  9-28  ci-dessous le


décrochage au cours de l’année N-1 qui correspond
au lancement non fructueux de la nouvelle gamme
de produit. La Société Y qui valait en Bourse
environ  2  fois sa valeur comptable tombe aux
alentours de 1,5 fois.

Figure 9-28 Analyse du ratio market to book de la Société Y


L’investisseur, qui a analysé les ratios de liquidité,
d’activité et de structure et donc compris les
enjeux, peut imaginer que l’entreprise résoudra ses
problèmes et que le ratio market to book s’orientera
vers une valeur de 2 ou pourquoi pas de 2,5 (comme
les entreprises du secteur).

Un rapide calcul proportionnel permettrait


d’envisager un cours futur de l’action Y entre 379 €
et 474 €.

La finance des marchés est loin d’être une science


exacte !

Le Price Earnings Ratio : « PER »


L’autre donnée de référence qui permet d’évaluer le
prix d’une action, est la profitabilité de l’entreprise.
Il consiste à comparer le cours moyen boursier de
l’entreprise (price) à son bénéfice net calculé par
action (earnings).
Figure 9-29 Calcul du price earnings ratio

Le price earnings ratio se calcule ainsi :

Calculons le price earnings ratio de la Société Y pour


l’année N (voir la figure 9-2) : Le bénéfice net par
action de la Société Y est de 91 000/6 000 = 15,17 €
(arrondi)

Le cours boursier moyen de l’action est de 275 €.

Le price earnings ratio = 275/15,17 = 18,13 (arrondi).

La première façon d’interpréter ce ratio


d’environ 18 est de dire que l’action vaut 18 fois son
bénéfice net, autrement dit, si un investisseur
pouvait acheter 100 % des actions de l’entreprise, il
lui faudrait attendre  18  années de versement de
dividendes (en plus à condition que tout le résultat
net annuel soit distribué) pour être remboursé de
son investissement.

En conséquence, plus le price earnings ratio est


élevé, plus l’action est chère par rapport à la
profitabilité de l’entreprise.

L’autre façon est de regarder l’évolution du PER de


l’entreprise au cours du temps en relation avec les
PER des entreprises cotées dans le même secteur
d’activité (voir la figure 9-30).

Figure 9-30 Analyse du price earnings ratio de la Société Y

Nous constatons une bonne corrélation entre le


cours boursier de l’action Y et le bénéfice net de
l’entreprise.
En revanche, il existe une divergence avec le PER
moyen des entreprises cotées du même secteur
d’activité.

L’investisseur peut imaginer que l’action de


l’entreprise Y pourrait atteindre le PER moyen des
autres entreprises, soit 25.

À bénéfice par action constant pour la Société Y


(soit  15,17), un PER de  25  pourrait mener le cours
de l’action vers 15,17 × 25 = 379 €.

Ce montant est compatible avec l’intervalle possible


donné plus haut par le ratio market to book
soit 379 € <-> 474 €.
Retenez l’essentiel

• Les ratios sont des indices et non des


preuves.

• Les ratios de rentabilité analysent la


rentabilité de l’entreprise à partir de
regroupements de chiffres issus du compte
de résultat et du bilan.

• Les ratios de liquidité montrent la capacité


de l’entreprise à mobiliser de la trésorerie.

• Les ratios d’activité permettent de mieux


comprendre l’évolution du besoin en fonds
de roulement.

• Les ratios de structure mesurent la


solvabilité de l’entreprise.

• Les ratios de rentabilité de l’action


mesurent la performance de l’action cotée
en Bourse.
Partie 3
Quelques événements-clés
dans la vie financière de
l’entreprise
Dans cette partie…

Au cours des huit chapitres qui suivent, nous


présentons des événements-clés qui peuvent se
produire dans la vie de l’entreprise, au fur et à
mesure que celle-ci se développe.

Tout d’abord, comment créer et financer son


entreprise (cf. chapitre 10) ? Puis nous rentrons
dans la vie financière avec les principales actions à
réaliser : performer, croître, rembourser les
prêteurs et rétribuer les associés (cf. chapitre 11).

La croissance passe aussi par la recherche de


nouveaux capitaux propres ou externes
(chapitres 12 et 13).

Ensuite, quand l’entreprise a bien survécu aux


éventuelles difficultés initiales, et s’est développée
dans des circonstances favorables, que faire de
l’argent disponible qui a été généré (cf.
chapitre 14) ?

Enfin, est-ce que l’on continue seul, ou est-ce que


l’on cherche à effectuer des rapprochements avec
d’autres ? D’où de nouvelles questions : combien
vaut mon entreprise (cf. chapitre 15) ?
Comment prendre le contrôle d’une autre
entreprise (cf. chapitre 16) ? Et pourquoi ne pas
envisager de s’introduire en Bourse (cf.
chapitre 17) ?
DANS CE CHAPITRE
Combien faut-il d’argent pour créer une entreprise ?

Comment établir la situation financière à la fin de la


première année ?

Comment introduire le concept d’incertitude et mesurer


ses conséquences ?

Chapitre 10
Créer et financer son
entreprise
« Il n’est pas de vent
favorable pour celui qui ne
sait pas où il va. »

Sénèque
V ous avez des idées que vous considérez comme
innovantes. Vous êtes entreprenant et vous voulez
mettre entre parenthèses ou abandonner votre
statut actuel (salarié, chômeur, retraité) pour
devenir un entrepreneur.

En se limitant à la partie financière de votre projet,


trois questions majeures se posent :

• Combien d’argent faut-il pour démarrer et


faire fonctionner votre nouvelle entreprise ?

• Quelle sera la performance de cette entreprise


à la fin de la première année ?

• Quel est le risque financier si la performance


espérée n’est pas atteinte ?

Dans ce chapitre, nous allons répondre à ces


questions.

Pour cela, la première étape d’un entrepreneur est


de lister les investissements nécessaires au
démarrage, puis de chiffrer cette liste afin de
connaître le montant des capitaux à prévoir pour se
lancer dans cette nouvelle grande aventure.

Ensuite, nous allons vous faire découvrir un point


souvent ignoré par les nouveaux entrepreneurs,
source de déconvenues mais aussi cause de
nombreuses faillites  : une entreprise a besoin
d’argent pour démarrer mais aussi pour
fonctionner au jour le jour.

Ce besoin d’argent pour fonctionner qui s’appelle le


« besoin en fonds de roulement », doit être évalué
(nous verrons comment le calculer) et doit être
financé.

Le besoin en fonds de roulement (que nous avons


expliqué au chapitre 4) dépend du type d’activité de
l’entreprise  : certaines entreprises ne demandent
qu’un faible besoin en fonds de roulement quand
d’autres sont beaucoup plus voraces.

Le besoin en fonds de roulement varie aussi dans le


temps en fonction du niveau d’activité de
l’entreprise, il augmentera d’autant plus vite que la
nouvelle entreprise est une réussite commerciale.

Après avoir défini les capitaux nécessaires au


démarrage et au fonctionnement, l’entrepreneur
doit aussi prévoir les premières années
d’exploitation au niveau de la rentabilité comme au
niveau de la trésorerie.

C’est l’objet du business plan dont nous ne vous


proposerons que la partie financière. Vous pouvez
compléter en lisant Business plan pour les Nuls.
Enfin, le business plan basé sur une prévision de
ventes et de coûts comporte une part d’incertitude.
Celle-ci, assimilable au risque d’entreprise, influe
sur la rentabilité et la trésorerie du projet et nous
verrons comment en réduire les effets
préjudiciables.

Voilà, le décor est planté, entrons dans le vif du


sujet en analysant les concepts en jeu.

Et comme un exemple vaut mieux que toutes les


théories, appliquons nos nouvelles connaissances à
un exemple réel que nous appellerons
« Créatest ».

Combien d’argent faut-il pour


démarrer ?
Une entreprise, ce sont des idées, des hommes, des
produits, des clients, des fournisseurs mais aussi
des investissements matériels, comme des
machines, des ordinateurs, des locaux (appelés
immobilisations corporelles) ou immatériels,
comme des brevets, des logiciels, un fonds de
commerce, une clientèle (appelés immobilisations
incorporelles). Mais l’entreprise a aussi besoin
d’argent pour fonctionner au jour le jour.
On compare souvent l’entreprise à une voiture. Il
faut de l’argent pour l’acquérir (il faut de l’argent
pour acquérir les investissements de l’entreprise)
mais il faut aussi de l’argent pour acheter l’essence
qui la fera rouler, et plus elle roulera, plus il faudra
d’essence (il faut de l’argent pour faire tourner
l’entreprise au jour le jour).

Mais je préfère comparer l’entreprise au Solar


Impulse du professeur Bertrand Piccard, car il
fabrique en volant l’énergie nécessaire, tout comme
l’entreprise génère par son activité l’argent qu’elle
consomme !

Les investissements
nécessaires au démarrage
On ne parle ici que des biens achetés par
l’entreprise et donc qui lui appartiennent.

Les biens loués (location, location-vente, crédit-


bail) n’appartiennent pas à l’entreprise et ne sont
donc pas considérés comme des investissements à
financer. En revanche, le montant de la location ou
la redevance de crédit-bail seront pris en compte
dans le calcul de la rentabilité du projet
d’entreprise.
Le nouvel entrepreneur va donc faire une liste de
ces investissements nécessaires au démarrage de
l’entreprise, et après une étude comparative des
prix, fixera le montant total à prévoir. C’est ici
qu’apparaît une règle fondamentale en finance
d’entreprise  : les investissements de l’entreprise
dont les conséquences se ressentent sur le long
terme (le long terme en entreprise, c’est une
période de  1  à 5  années, parfois plus) doivent être
financés par des ressources à long terme, c’est-à-
dire des moyens financiers restant à disposition de
l’entreprise pendant une période de plusieurs
années.

Quelles sont les ressources à


long terme de l’entreprise ?
Il y a d’abord les capitaux apportés par
l’entrepreneur et ses associés (on dit
«  actionnaires  » dans une société anonyme). Ces
capitaux ont théoriquement vocation à rester dans
l’entreprise jusqu’à la fin de vie de celle-ci. Ils sont
appelés « capitaux propres » (cf. chapitre 13).

Cet apport d’argent de la part des associés peut


provenir soit de leurs économies, soit de prêts
bancaires à caractère personnel.

Il y a ensuite les capitaux prêtés à l’entreprise,


généralement par des banques pour des périodes
de  1  à  5  ans, parfois plus, c’est pourquoi on les
appelle « dettes à long terme » (cf. chapitre 14).

L’ensemble des capitaux apportés (capitaux


propres) et prêtés (dettes à long terme) est appelé
« capitaux permanents ». En effet, ils restent à la
disposition de l’entreprise suffisamment longtemps
pour qu’on puisse les considérer comme
permanents.

Capitaux propres + Dettes à long terme =


Capitaux permanents

Un investissement (qui par définition est un acte à


long terme) ne peut être financé par un crédit
bancaire à court terme (c’est-à-dire remboursable
en moins d’un an). En effet, au-delà de l’année,
l’investissement toujours présent perdrait son
financement qui aurait été remboursé et
l’entreprise devrait certainement renégocier un
nouvel emprunt.

Comme dirait le philosophe, les règles sont faites


pour être transgressées, ou bien : « Appuyez-vous
bien sur les principes, comme cela, ils finiront par
céder  !  » Certaines entreprises financent leurs
investissements par des crédits court terme en
misant sur le fait que les crédits court terme seront
renouvelés à leur échéance ou que la profitabilité de
l’entreprise apportera un surplus de capitaux
propres. Ce raisonnement fait peser une incertitude
sur le financement pérenne des investissements et
engendre un risque à caractère financier.

D’autres entreprises appliquent au contraire un


principe de prudence et mettent en place des
capitaux permanents supérieurs au montant des
investissements, ce qui leur permet d’avoir une
« réserve de capitaux permanents » pour financer
des investissements futurs.

Ce surplus de capitaux permanents au-delà du


montant des investissements (immobilisations
corporelles, incorporelles et financières) constitue
le « fonds de roulement » (cf. chapitre 4).
Le coin du théoricien : le fonds de
roulement

Fonds de roulement = Capitaux permanents –


 Immobilisations

On dit que le fonds de roulement est positif si les


capitaux permanents sont en excédent sur les
immobilisations. Le fonds de roulement sera
négatif dans le cas contraire.

Le fonds de roulement (FR) se traduit par working


capital en anglais. Nous verrons plus bas pourquoi
les anglophones l’appellent «  le capital qui
travaille ».

Combien d’argent faut-il pour


faire fonctionner une
entreprise ?
Le besoin en fonds de roulement :
qu’est-ce que c’est ?
L’entreprise a non seulement besoin d’argent pour
se développer mais aussi pour fonctionner. Ce
dernier besoin d’argent s’appelle le «  besoin en
fonds de roulement ».

L’erreur classique du créateur d’entreprise est


d’oublier de le déterminer et donc d’oublier de le
financer. L’oubli ou la minoration du financement
du besoin en fonds de roulement peut être la cause
du dépôt de bilan d’entreprises jeunes en plein
succès commercial (cf. chapitre 4).

Ce besoin en fonds de roulement n’est pas figé car


il varie avec la taille et le chiffre d’affaires de
l’entreprise. En reprenant l’image de la voiture,
celle-ci consomme d’autant plus qu’elle est lourde,
puissante et rapide.

Comment calculer le besoin en


fonds de roulement
Supposons que vous créez une société de ventes de
micro-ordinateurs à des particuliers et des petites
entreprises. Dès le démarrage, vous devez pouvoir
présenter vos produits et donc avoir un stock de
marchandises que vous aurez financé. Vos ventes,
elles, ne seront encaissées qu’en fonction des
conditions de paiement que vous accorderez à vos
clients.
Pendant ce temps, votre entreprise devra payer ses
salariés, ses taxes, à date fixe, et ses fournisseurs,
selon les conditions négociées avec eux. Le besoin
en fonds de roulement, c’est-à-dire le besoin
financier requis pour faire fonctionner l’entreprise,
en simplifiant, se calculera ainsi :

Valeur des stocks nécessaires

+ Montant des créances clients en cours

– Montant des dettes fournisseurs.

Comme on peut le comprendre, le besoin en fonds


de roulement varie à tout moment. Il convient donc
d’en calculer une valeur moyenne qui permettra de
définir le montant des capitaux à mettre en place.

Les deux facteurs primordiaux qui


influencent le montant du besoin
en fonds de roulement
• Le type d’activité

On comprend bien que le besoin de


financement du fonctionnement de
l’entreprise n’est pas le même pour un
magasin de chaussures, un concessionnaire de
voitures de luxe ou un conseil en marketing.
La valeur du stock est plus ou moins
importante selon l’activité de l’entreprise ou
même quasi nulle pour une entreprise de
conseil.

La nature de la clientèle (particuliers,


entreprises, administrations) entraîne un délai
de règlement clients, donc un montant de
créances clients en cours, très différent.

Le délai moyen de règlement des dettes


fournisseurs dépend aussi de la capacité de
l’entreprise à négocier un tel délai et de la
confiance qu’elle inspire à son fournisseur.

• Le chiffre d’affaires

Toutes choses égales par ailleurs (rotation des


stocks, délai de règlement des créances clients
et délai moyen de paiement aux fournisseurs),
le montant des créances clients dépend du
montant des ventes. Les montants des stocks
et des dettes fournisseurs sont liés aux achats,
qui eux-mêmes ne sont pas sans liens avec les
ventes.

Le besoin en fonds de roulement est donc bien


en général largement proportionnel au chiffre
d’affaires.
Le coin du théoricien : le besoin en fonds
de roulement

Besoin en fonds de roulement = Stocks + Créances


clients + Autres créances  –  Dettes fournisseurs  –
 Autres dettes à court terme sauf dettes financières

Le besoin en fonds de roulement (BFR) est traduit


en anglais par working capital requirement, c’est-à-
dire « le besoin en capital qui travaille ».

Souvent il n’est pas tenu compte des créances


autres que les créances clients, ni des autres dettes
à court terme, comme les dettes fiscales et
sociales, mais elles font partie du besoin en fonds
de roulement.
Le coin du comptable : quelques
définitions

Le montant du stock minimum nécessaire (parfois


appelé «  stock outil  ») se détermine par la
valorisation de tous les stocks au prix d’achat pour
les marchandises (activité commerciale) ou au coût
de production pour les produits fabriqués
(entreprise industrielle) hors TVA.

La valeur des créances clients s’obtient par la


somme des nets à payer, TVA incluse, de toutes les
factures dues par les clients.

Le montant des dettes fournisseurs est la somme


des nets à payer, TVA incluse, de toutes les factures
dues aux fournisseurs.

Nous sommes au démarrage de l’entreprise, donc il


n’y a pas encore de dépréciation des stocks ou des
créances clients, mais de toute façon au cours de la
vie ultérieure de l’entreprise, ces dépréciations
seront toujours ignorées par le financier car une
dépréciation comptable est une charge mais qui ne
donne pas lieu à une sortie de trésorerie.
Le besoin en fonds de roulement
peut-il être négatif ?
Il peut arriver dans certaines entreprises que le
stock tourne (se renouvelle) vite, que les clients
(notamment la clientèle de particuliers) paient
comptant et même parfois par avance et que les
fournisseurs accordent des délais de paiement plus
longs, du fait de la confiance accordée à
l’entrepreneur.

Dans ce cas, la valeur du stock et le montant des


créances clients sont faibles alors que le montant
des dettes fournisseurs est important. On peut
remarquer dans la grande distribution que les
marchandises sont le plus souvent vendues et
encaissées avant que les fournisseurs aient été
payés.

Le besoin en fonds de roulement est alors négatif.


Qu’est-ce qu’un besoin en fonds de roulement
négatif ? C’est une ressource.

Cela veut dire que non seulement l’entreprise n’a


pas besoin d’argent pour fonctionner mais qu’au
contraire, son fonctionnement génère de la
trésorerie disponible !
Au chapitre  4, nous avons vu les conséquences du
besoin en fonds de roulement négatif au niveau de
sa structure financière de l’entreprise, notamment
la nécessité de maintenir un volant de trésorerie
positive afin de couvrir le risque de baisse de chiffre
d’affaires.

Le besoin en fonds de roulement, qu’il soit positif


ou négatif, est en première approximation lié au
chiffre d’affaires.

En situation de crise, le chiffre d’affaires peut


brusquement baisser et donc tarir la ressource de la
dette fournisseur. On peut aussi voir apparaître une
élévation brusque du niveau des stocks et du retard
dans l’encaissement des créances clients. Tout cela
peut diminuer le besoin en fonds de roulement
négatif ou même le rendre positif.

Ce risque d’entreprise impose donc une certaine


prudence qui va se traduire par une faible allocation
de l’éventuel besoin en fonds de roulement négatif
au financement des investissements.

Au total, combien faut-il pour


se lancer ?
En résumé, le montant des capitaux permanents
sera égal à la somme des investissements
nécessaires au démarrage et du besoin en fonds de
roulement s’il est positif.

Si le besoin en fonds de roulement est négatif, le


principe de prudence veut que l’on ignore cette
ressource complémentaire à court terme. Dans ce
cas, le montant des capitaux permanents se
limitera aux investissements de démarrage.

Ce même principe de prudence nous pousse aussi à


prévoir un matelas de trésorerie pour faire face aux
aléas à court terme. En effet, le besoin en fonds de
roulement n’est pas un paramètre figé, il varie à
tout moment en fonction du niveau des stocks, de
la célérité du paiement des clients et des
fournisseurs. En fait, on calcule une valeur
moyenne (valeur pivot) et la valeur réelle du besoin
en fonds de roulement varie autour de cette valeur.

Le rôle du matelas de trésorerie est d’absorber ces


variations au-delà de la valeur moyenne. Son
estimation est liée au calcul théorique de ces
variations éventuelles, à la possibilité du banquier
d’octroyer un crédit à court terme pour y faire face
en partie ou en totalité et à la capacité de
l’entrepreneur d’accepter psychologiquement une
prise de risque financier.

Le bilan financier au démarrage


Le raisonnement que nous venons de tenir ci-
dessus nous conduit au bilan financier (cf.
chapitre 4).

En effet, c’est la somme des investissements et du


besoin en fonds de roulement qui constitue le
montant des capitaux permanents nécessaires
(complété par le matelas de trésorerie vu plus
haut), alors que le montant des capitaux
permanents apportés est formé par la somme des
capitaux propres des associés et des emprunts
bancaires à long terme.
Figure 10-1 Le bilan financier au démarrage

Le bilan financier est donc en fait une autre façon


(disons financière) de représenter le bilan
comptable. Il est valable non seulement au
démarrage de l’entreprise, comme nous l’avons
expliqué plus haut, mais aussi à n’importe quel
moment de la vie de l’entreprise. On peut donc s’en
servir pour non seulement faire un diagnostic
financier de l’entreprise mais aussi pour imaginer
son futur financier. Nous nous en servirons plus
tard pour préparer le business plan.

Cette vision de l’entreprise sous un angle plus


financier est riche d’enseignement.
L’équilibre du modèle est donc bien assuré par la
trésorerie.

Celle-ci pourra donc être négative en cas


d’insuffisance de ressources permanentes et
figurera du côté droit du bilan financier sans son
signe négatif, signifiant ainsi un manque de
ressources permanentes compensé par des
ressources financières à court terme, comme un
découvert bancaire ou un emprunt à moins d’un an.

La trésorerie est donc la conséquence de la stratégie


financière de l’entreprise mais jamais la cause de
celle-ci. Comme la trésorerie disponible est un actif
financier qui rapporte peu (au moment où les taux
d’intérêt sont au plus bas, un placement en compte
bloqué ou un investissement en SICAV de trésorerie
est peu rémunérateur) et en tout cas bien moins
que l’actif opérationnel de l’entreprise, l’objectif
sera de réinvestir la trésorerie disponible dans
l’actif opérationnel.

En revanche, afin d’éviter de faire appel à ses


apporteurs de capitaux (les capitaux propres par les
associés et les emprunts par les banquiers),
l’entreprise doit maximiser les flux de trésorerie
générés par son activité économique grâce à une
gestion performante.
Dans le bilan financier, la trésorerie est le solde de
tous les comptes bancaires positifs et négatifs, c’est
pourquoi il faut parler de position nette de
trésorerie.

Si l’entreprise possède au même moment des


comptes bancaires créditeurs et débiteurs, le
principe comptable dit «  de non-compensation  »
lui impose de mettre les comptes positifs sous le
vocable « Disponibilités (à l’actif) » et les comptes
à découvert sous le poste «  Dettes financières à
court terme (au passif) ».

Pour un financier, c’est le solde cumulé de tous ces


comptes qui est calculé et est représenté à gauche
si la trésorerie est excédentaire, et à droite si la
trésorerie est négative (mais sans signe – !).
Le coin du comptable

Reprenons la formule du bilan financier :

Investissements

+ Besoin en fonds de roulement

+ Trésorerie nette

= Capitaux propres

+ Dettes bancaires à long terme

En reprenant les définitions comptables :

Investissements

= Actif Immobilisé

Besoin en fonds de roulement

= Stock

+ créances clients

+ autres créances

– dettes fournisseurs

– dettes à court terme non financières

Trésorerie nette

= Disponibilités
– dettes financières à court terme

On peut donc écrire :

Actif Immobilisé

+ Stock

+ Créances clients

+ Autres créances

– Dettes fournisseurs

– Dettes à court terme non financières

+ Disponibilités

– Dettes à court terme financières

= Capitaux propres

+ Dettes bancaires à long terme

Soit en écrivant les termes négatifs de l’autre côté


de l’équation :

Actif Immobilisé

+ Stock

+ créances clients

+ autres créances
+ Disponibilités

= Capitaux propres

+ Dettes bancaires à long terme

+ Dettes fournisseurs

+ Dettes non financières à court terme

+ Dettes financières à court terme

Ou encore :

Actif Immobilisé

+ Actif circulant

= Capitaux propres

+ Dettes

C’est tout simplement l’actif et le passif du bilan


comptable.

S’il y a encore des incertitudes sur tout ce qui


précède, vous pouvez voir ou revoir le
chapitre  4  «  De la vision comptable à la vision
financière » !

Cas pratique : Créatest


Assez discouru, passons maintenant à un exemple
pratique qui va permettre d’appliquer ce que nous
venons de voir.

Mettez-vous dans la peau d’un entrepreneur et


imaginez la création de l’entreprise Créatest ci-
dessous.

Nous proposons donc de :

• définir le projet de création de Créatest ;

• calculer le montant des capitaux permanents


nécessaires ;

• bâtir le bilan financier au démarrage de


l’entreprise ;

• imaginer la situation à la fin de la première


année.

Avouez que nous vous avons simplifié le travail car


nous avons défini pour vous :

• le marché ;

• le produit ;

• la structure ;

• le personnel ;

• la fiscalité.
C’est-à-dire une bonne moitié d’un ouvrage sur le
business plan !

Imaginez qu’une société de distribution et de vente


de micro-ordinateurs soit créée le  1er janvier de
cette année. Elle s’appelle Créatest.

Le marché
Une première étude de marché fait apparaître que
le prix psychologique du produit devrait se situer
autour de 500 € HT (le taux de TVA est de 20 %).

Une deuxième étude montre que la clientèle sera


formée, pour la moitié des ordinateurs vendus,
d’utilisateurs grand public avec règlement
comptant et pour l’autre moitié d’entreprises de
petite taille qui régleront à l’échéance d’un mois.

Une troisième estimation permet d’envisager les


ventes annuelles suivantes en nombre
d’ordinateurs  : 480  soit une moyenne
de 40 ordinateurs par mois.

Le produit
Le prix d’achat est de 300 € HT (TVA à  20 %) avec
les conditions de paiement suivantes  : 50  % à la
livraison et 50 % le mois suivant la livraison.
Le stock moyen permanent est de 15 jours de vente
(soit 20 ordinateurs).

La structure
La forme juridique choisie pour l’entreprise est la
société à responsabilité limitée (SARL).

La société est implantée dans le XVIIe


arrondissement de Paris dans des locaux
commerciaux dont le rachat du droit au bail est
évalué à  30  000  € (les frais sont ignorés et cette
immobilisation incorporelle n’est pas
amortissable).

Les travaux d’aménagement, effectués dès le mois


de janvier, s’élèvent à  8  000  € HT (TVA à  20  %)
amortissables en 10 ans.

Le loyer mensuel est fixé à 500 € payable au début


de chaque mois (pas de TVA).

Les autres frais prévus sont :

• le loyer du photocopieur ;

• les frais de téléphone ;

• les frais d’électricité.


Ils représentent  1  000  € HT par mois payés
comptant (TVA à 20 %).

Le personnel
Les ventes et les livraisons sont assurées par un
responsable de magasin dont le salaire mensuel se
décompose ainsi :

• salaire brut forfaitaire : 1 700 € ;

• commission de 5 % du chiffre d’affaires


réalisé.

L’accueil et le secrétariat sont attribués à une


secrétaire à mi-temps rémunérée 900  € bruts par
mois.

Les cotisations sociales (assurance maladie,


chômage, retraite) sont calculées sur les salaires
bruts versés et sont supposées correspondre à un
taux de 50 % à la charge de l’employeur.

Les salaires sont payés en fin de mois et les charges


sociales à la fin de chaque trimestre.

(Dans un souci de simplification, l’influence des


congés payés sera ignorée.)

La fiscalité
Pour la première année, la société est exonérée de
la contribution économique territoriale
(anciennement taxe professionnelle) mais l’impôt
sur les sociétés est égal à 15 % du bénéfice brut.

Il ne nous reste plus (si l’on peut dire) qu’à définir


le montant des capitaux permanents nécessaires  :
capitaux propres et dettes financières à long terme.

Définir le montant des


capitaux permanents
nécessaires
Rappelons la formule vue plus haut (page 289) :

Capitaux permanents nécessaires =


Investissements + Besoin en fonds de roulement
+ Trésorerie nette

Nous allons donc procéder en cinq étapes :

1re étape : quel est le montant des


investissements nécessaires ?
Deux investissements sont réalisés au démarrage
de l’entreprise :

• Travaux d’aménagements = 8 000 €.


• Droit au bail = 30 000 €.

Soit un total de 38 000 €.

Rappelons que les travaux d’aménagements sont


soumis à une TVA au taux de 20  %. Celle-ci étant
récupérable, on ne financera que le montant hors
taxes. Les travaux d’aménagements, considérés
comme une immobilisation corporelle, sont
amortissables (la durée retenue ici est de 10 ans).

Le droit au bail est demandé par un commerçant


titulaire d’un bail commercial au nouveau locataire
qui prend sa suite. C’est une sorte d’indemnité
versée en contrepartie de la poursuite d’un bail
commercial avec tous les droits afférents.

Le droit au bail n’est pas soumis à TVA mais à des


droits d’enregistrements (supposés inclus ici dans
les 30 000 €).

Le droit au bail est considéré comme une


immobilisation incorporelle non amortissable.

2e étape : quel est le montant du


besoin en fonds de roulement ?
Le besoin en fonds de roulement est calculé en
fonction de la valeur moyenne du stock, des
créances clients et des dettes fournisseurs. On
l’appelle le besoin en fonds de roulement normatif.

Calculons-le pour l’entreprise Créatest pour sa


première année d’exploitation.

Le stock moyen permanent est estimé à 15 jours de


vente soit pour une vente mensuelle estimée
à 40 ordinateurs : 20 ordinateurs.

Le stock étant valorisé au prix d’achat d’un


ordinateur hors taxes, la valeur moyenne du stock
est calculée comme le produit de 20 unités à 300 €,
soit un total de 6 000 €.

Pour le montant moyen des créances clients, 50  %


du chiffre d’affaires est réglé au comptant et 50 %
à 1 mois.

Les créances clients représentent un encours


de 20 ordinateurs.

La valorisation se fait au prix de vente TTC


soit  500  ×  1,20  =  600  €. (Le taux de TVA est
de 20 %.)

Nous aurons donc pour le montant moyen des


créances clients : 20 × 600 = 12 000 €.

Pour l’encours de dettes fournisseurs, on ne


prendra en compte que les ordinateurs payés avec
un délai de 1 mois (50 % des ordinateurs achetés et
vendus mensuellement).

Les dettes fournisseurs sont valorisées au prix


d’achat TTC soit

300 × 1,20 = 360 €.

Ce qui nous fait un encours de dettes fournisseurs


de 20 × 360 = 7 200 €.

En conclusion, le besoin en fonds de roulement


normatif est de :

6 000 + 12 000 – 7 200 = 10 800 €.

Le besoin est positif, ce qui veut dire que la société


Créatest a besoin en permanence d’un financement
de 10 800 € qu’il va falloir trouver.

3e étape : quel est le montant


souhaitable de la trésorerie nette ?
Le besoin en fonds de roulement calculé plus haut
et appelé normatif n’est qu’une valeur moyenne
(valeur pivot). En fait, il varie chaque jour en
fonction des montants de stock, de créances clients
et de dettes fournisseurs autour de la valeur
moyenne calculée plus haut.
Une sage précaution est de prévoir un matelas de
trésorerie qui permet d’amortir une variation du
besoin en fonds de roulement au-delà de sa valeur
moyenne de 10 800 €.

Pour l’instant, nous proposons un matelas de


trésorerie de 2 000 €, ce qui permet d’absorber une
augmentation du besoin en fonds de roulement
jusqu’à 12 800 €.

Nous verrons dans les paragraphes suivants relatifs


au business plan et à l’incertitude de la prévision,
donc au risque encouru, comment mieux
appréhender le niveau du matelas de trésorerie
nécessaire.

Ayant le montant des capitaux permanents


nécessaires, déterminons le montant des capitaux
permanents apportés, et tout d’abord les capitaux
propres.

4e étape : quel est le montant des


capitaux propres apportés par les
associés ?
Cette étape ne résulte pas d’un calcul mais d’une
détermination du montant apporté par les associés
selon leur capacité financière et leur volonté
d’investir dans le projet d’entreprise.

À ce stade, des considérations d’ordre juridique


apparaissent :

• Quelle est la structure juridique optimale pour


l’entreprise ?

• Quel est le montant minimal légal du capital


social ?

• Quel est le niveau de participation pour en


garder le contrôle ?

Ces questions ne sont pas l’objet de ce livre et nous


vous conseillons de vous reporter notamment aux
ouvrages parus aux éditions First dans la collection
« Pour les Nuls » tels que Créer sa boîte pour les Nuls
ou Business Plans pour les Nuls.

Nous supposerons que vous pouvez réunir avec vos


associés un montant de 30 000 € qui constitueront
le capital social et donc les capitaux propres au
démarrage de l’entreprise.

Les apports d’un ou plusieurs associés peuvent


provenir d’un emprunt personnel contracté à cet
effet. Dans ce cas, le remboursement de l’emprunt
et les frais financiers afférents sont à la charge de
l’associé et non de l’entreprise.

Certains apports peuvent être effectués sous la


forme d’un prêt de l’associé à son entreprise. Ces
montants sont enregistrés en compte courant au
nom de l’associé.

Ces prêts en compte courant doivent être


«  bloqués  » sur une période supérieure à un an
pour avoir le statut de capitaux permanents. Les
frais financiers supportés par l’entreprise sont
déductibles fiscalement dans les limites d’un taux
figurant dans le Code général des impôts.

Ces apports ne sont pas exactement considérés


comme des capitaux propres mais plutôt comme
des dettes financières à long terme spécifiques. Ils
sont parfois ajoutés au montant des capitaux
propres pour constituer « la capacité financière des
associés ».

5e étape : quels sont le montant et


le coût des dettes financières à long
terme ?
Le montant des capitaux permanents étant valorisé
à  50  800  € à l’issue de la troisième étape et les
associés apportant 30  000 €, il ne reste plus (doux
euphémisme) qu’à emprunter le solde soit 20 800 €
auprès d’une ou plusieurs banques.

Le premier paramètre est la durée de


remboursement de l’emprunt. Généralement, les
banques proposent des prêts dont la durée de
remboursement n’excède pas sept ans.

Le deuxième paramètre est le taux d’intérêt qui est


lié aux facteurs économiques du moment.

Le troisième paramètre est la forme de paiement


des intérêts et de remboursement de l’emprunt. En
France, le remboursement se fait la plupart du
temps par mensualité constante incluant les frais
financiers et le remboursement en capital.

Nous allons admettre que vous avez pu négocier


avec la BNT (Banque nationale du Trésor) un
emprunt de  20  800  € au taux d’intérêt de  5  %
remboursable en  5 ans par mensualité constante
de 392,52 €.

La figure 10-2  appelée «  tableau d’amortissement


du prêt  » montre les échéances successives
des  60  mensualités constantes avec pour chacune
d’entre elles le montant des frais financiers et le
remboursement en capital.
On remarque que, dans ce type de prêt, les frais
financiers diminuent à chaque échéance au fur et à
mesure du remboursement en capital. Cela
augmente d’autant le remboursement mensuel du
capital puisque la mensualité est constante.
Figure 10-2 Tableau d’amortissement du prêt

La figure  10-3  ci-dessous récapitule les  5  étapes


définissant les capitaux permanents nécessaires et
apportés.

Figure 10-3 Calcul des capitaux permanents

Bâtir le bilan financier au


démarrage
Le bilan financier se présente de la façon suivante :
Figure 10-4 Bilan financier au démarrage

Voilà, l’entreprise a trouvé les capitaux nécessaires


pour démarrer et fonctionner. Mais, une dernière
chose toutefois avant de commencer et ce n’est pas
la moindre : essayons d’imaginer la première année
d’exploitation :

• Quelle sera sa performance en termes de


rentabilité ?

• Quelle sera sa trésorerie disponible ?

• Quelle sera sa valeur à la fin de la première


année ?
Comment imaginer la situation
financière à la fin de la
première année ?
Albert Einstein disait que «  l’imagination est plus
importante que le savoir  ». Servons-nous tout de
même des notions comptables expliquées au
chapitre 2 et dressons :

• un compte de résultat prévisionnel ;

• un tableau des flux de trésorerie prévisionnel ;

• un bilan prévisionnel.

Tous ces éléments doivent être rassemblés dans ce


qu’on appelle un business plan ou «  plan
d’affaires » en français.

Ce dernier comporte d’autres paramètres comme


les points forts et faibles de votre projet, les
opportunités et les menaces (analyse SWOT pour
« Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats  »
ou en français, «  Forces, Faiblesse, Opportunités,
Menaces  »), les stratégies ainsi que les plans
marketing et opérationnels sur des périodes
de  3  à  5  ans. (Voir à ce sujet le livre Business Plans
pour les Nuls.)
Ici, nous nous concentrons sur la rentabilité (le
compte de résultat prévisionnel), la trésorerie (le
tableau des flux de trésorerie prévisionnel) et la
valeur (le bilan prévisionnel) et cela pour la
première année.

Pour respecter une certaine clarté dans


l’explication, nous avons calculé les montants de
capital social et de dettes à long terme avant de
définir le business plan.

Dans la réalité, il est nécessaire de bâtir le business


plan en premier lieu pour mieux convaincre les
associés et les banquiers de participer au
financement de votre entreprise.

Bâtissons donc quelques parties du business plan.

Nous vous proposons donc de calculer la


performance prévue la première année en dressant
le compte de résultat prévisionnel. Puis, nous
calculerons la trésorerie disponible pour vérifier si
le matelas de trésorerie défini plus haut,
soit  2  000  €, est opportun, insuffisant ou inutile  ;
enfin nous établirons le bilan prévisionnel, ce qui
nous permettra de bâtir et d’analyser le bilan
financier mais, cette fois-ci, à la fin de la première
année.
La performance prévisible
Nous allons suivre le schéma du compte de résultat
proposé au chapitre 4  en nous servant des chiffres
fournis dans la présentation de la société Créatest.

1re étape : le calcul du résultat brut


annuel
Tout d’abord les ventes :

Nombre d’ordinateurs vendus × Prix de vente


unitaire hors taxes.

480 × 500 = 240 000 €

Rappelons que la TVA sur le prix de vente est


facturée au client et collectée par l’entreprise puis
reversée à l’administration fiscale. Elle n’intervient
donc pas dans le calcul de la rentabilité.

Puis, nous calculons le prix d’achat des


marchandises vendues :

Nombre d’ordinateurs vendus × Prix d’achat


unitaire hors taxes

480 × 300 = 144 000 €
La TVA payée par l’entreprise sur les achats
(appelée TVA déductible) est déduite du montant de
la TVA facturée aux clients (appelée TVA collectée).
Elle n’est donc pas supportée par l’entreprise et
n’intervient donc pas dans le calcul de la
rentabilité.

Le nombre d’ordinateurs à prendre en compte est le


nombre d’ordinateurs vendus car le résultat se bâtit
sur les ventes.

L’excédent du nombre d’ordinateurs achetés sur le


nombre d’ordinateurs vendus (dans le cas présent
= 20) constitue le stock évalué à 6 000 €.

Le résultat brut sera donc de  : 240  000  –


 144 000 = 96 000 €.

2e étape : le calcul du résultat


opérationnel avant impôt pour
l’année
Nous devons calculer les charges opérationnelles
pour l’année soit :

Les charges de loyer : 500 × 12 = 6 000 €

Les charges administratives (photocopieur,


téléphone, électricité) : 1 000 × 12 = 12 000 €.
(La TVA n’est pas prise en compte pour les mêmes
raisons que pour l’achat des ordinateurs.)

La dotation aux amortissements des travaux


sur 10 ans est de : 8 000/10 = 800 €.

Le salaire fixe annuel du responsable  :


1 700 × 12 × 1,5 = 30 600 €

La multiplication par  1,5  (soit  150  %)


correspondant au fait que l’entreprise doit payer
aux organes sociaux, en plus du salaire net, les
charges patronales et salariales estimées, ici pour
simplifier, à 50 % du salaire versé.

En fait, le salarié reçoit un salaire net (brut  –


 charges sociales du salarié), l’entreprise reversant
aux organismes sociaux les charges supportées par
le salarié et celles à la charge de l’entreprise.
Les 50 % du salaire versé représentent ici la somme
des cotisations à la charge du salarié et celles à la
charge de l’employeur.

La commission de  5  % sur les ventes réalisées,


versée au responsable, est considérée comme un
salaire et est donc soumise aux cotisations sociales.
(Les ventes sont de  480  ordinateurs à  500  € HT
l’unité.)
480 × 500 × 5 % × 1,5 = 18 000 €

Le salaire annuel de l’assistante à mi-temps se


calcule de la même façon que pour le responsable :
900 × 12 × 1,5 = 16 200 €.

Nous avons donc un total de charges


opérationnelles de :

6 000 + 12 000 + 800 + 30 600 + 18 000 + 16 200 
= 83 600 €

Le résultat opérationnel (EBIT = Earnings Before


Interest and Taxes en anglais), correspondant
approximativement au résultat d’exploitation en
français, se calcule par différence entre le résultat
brut et les charges opérationnelles :

96 000 – 83 600 = 12 400 €

L’étape suivante consiste à déduire les frais


financiers.

3e étape : la déduction des frais


financiers
Le tableau d’amortissement de l’emprunt nous
indique dans sa dernière colonne que pour la
première année les frais financiers se montent
à 954 €.

Le résultat avant impôt (EBT = Earnings Before Tax


en anglais) est de : 12 400 – 954 = 11 446 €

4e étape : le calcul du résultat net


Il ne reste plus qu’à déduire l’impôt sur les
bénéfices qui est de  15  % (c’est le taux à l’heure
actuelle en France pour les entreprises réalisant un
bénéfice inférieur à 38  120  €, un chiffre d’affaires
HT inférieur à  7,63  millions € avec un capital
entièrement reversé et détenu au moins à 75 % par
des personnes physiques).

Impôt sur le bénéfice =  11  446  ×  15  %


=  1  716,90  arrondis à  1  717  €. Le résultat net est
donc de : 11 446 – 1 717 = 9 729 €.

5e étape : le compte de résultat


prévisionnel
Ce n’est pas mal pour la première année.
Figure 10-5 Le compte de résultat prévisionnel

Attaquons-nous maintenant à la trésorerie


prévisionnelle à la fin de la première année.

La trésorerie prévisionnelle
La première façon de calculer la trésorerie
disponible prévisionnelle est de comparer tous les
encaissements et tous les décaissements prévisibles
dans l’année.

1re étape : les encaissements


Il y a tout d’abord le montant des capitaux
permanents mis à la disposition de l’entreprise,
soit  30  000  € de capital social et  20  800  €
d’emprunt bancaire.

Il y a ensuite les ventes d’ordinateurs qui ont été


encaissées.

Soit  : 480  –  20  =  460  ordinateurs ×  600  €


= 276 000 €.

Pourquoi déduisons-nous vingt ordinateurs des


ventes de l’année  ? Parce que la dernière vente
mensuelle de l’année n’a été encaissée qu’à hauteur
de 50 %, la clientèle des entreprises payant avec un
décalage d’un mois.

Les vingt ordinateurs non encore réglés constituent


la créance client de 20 × 600 = 12 000 € qui figurera
au bilan prévisionnel.

Le prix de vente unitaire des ordinateurs est TTC


soit 600 € (500 € + TVA à 20 %).

En revanche, selon la réglementation fiscale en


France, la TVA collectée se calcule sur les
ordinateurs facturés (et non pas sur les ventes
encaissées), soit une TVA collectée de :

480 × 500 × 20 % = 48 000 €
Nous aurons donc un total d’encaissements
annuels de :

30 000 + 20 800 + 276 000 = 326 800 €.

2e étape : les décaissements


Nous aurons les investissements initiaux soit le
droit au bail pour  30  000  € et les travaux
d’aménagements pour 9 600 € dont 1 600 € de TVA
déductible.

Les achats d’ordinateurs payés seront de :

• 20 ordinateurs pour constituer le stock initial ;

• 460 ordinateurs achetés et payés dans l’année


puisque 50 % de la dernière livraison de
l’année est payée l’année suivante
soit 480 ordinateurs × 360 = 172 800 €.

Le solde, réglé l’année suivante, constitue la dette


fournisseurs au bilan :

20 × 360 = 7 200 €.

Les ordinateurs sont payés TTC, c’est pourquoi on


prend le prix d’achat unitaire de  300  € + une TVA
à 20 % soit 360 €.
Cette TVA est déductible de la TVA collectée mais en
suivant la réglementation française, on peut
déduire la TVA concernant le nombre d’ordinateurs
facturés à l’entreprise soit 20 + 480 = 500.

La TVA déductible concernant les ordinateurs sera


donc de :

500 × 300 × 20 % = 30 000 €

Nous continuons avec les frais de location  :


500  ×  12  =  6  000  € (pas de TVA) et les autres
charges (photocopieur, téléphone, électricité)
pour  1  000  ×  12  × =  12  000  € + une TVA de  20  %
soit 14 400 € dont 2 400 € de TVA déductible.

Tous ces frais sont payés comptant.

Le total des frais annuels sera


de 6 000 + 14 400 = 20 400 €.

La dotation aux amortissements de 800 € n’est pas


prise en compte car, bien que ce soit une charge
(c’est-à-dire une consommation) pour le calcul du
résultat net, ce n’est pas un décaissement pour le
calcul de la trésorerie (voir le chapitre 2).

Les salaires et les commissions sont aussi payés


sans délai soit  30  600  € pour le salaire du
responsable, 18  000  € pour ses commissions
et 16 200 € pour le salaire de l’assistante.

Le remboursement de l’emprunt se traduit


par  12  mensualités de  392,52  € soit 4  710,24  € que
nous arrondirons à 4 710 €.

Notons que c’est la mensualité complète  : frais


financiers + remboursement du capital emprunté
qui constitue un décaissement alors que seuls les
frais financiers avaient été déduits pour le calcul du
résultat net.

Nous devons aussi prendre en compte la TVA payée


(on supposera qu’elle a été réglée en totalité au
cours de l’exercice).

La TVA payée = la TVA collectée – la TVA déductible


soit :

48 000 – 1 600 – 30 000 – 2 400 = 14 000 €

Résumons dans le tableau ci-dessous la TVA


prévisionnelle à payer.
Figure 10-6 TVA prévisionnelle à payer

Enfin, nous prendrons pour dernier décaissement


de l’année l’impôt sur le bénéfice (supposé réglé
dans l’année) et calculé dans le compte de résultat :
1 717 €.

Au total les décaissements annuels atteignent :

30 000 + 9 600 + 172 800 + 20 400 + 30 600 + 18 00
0 + 16 200 + 4 710 + 14 000 + 1 717 = 318 027 €

3e étape : le calcul du solde de


trésorerie
Le solde disponible en trésorerie sera donc calculé
par différence entre les encaissements et les
décaissements : 326 800 – 318 027 = 8 773 €.
Ci-après, la figure 10-7 présente des encaissements
et décaissements avec nos hypothèses de départ,
soit un emprunt de  20  800  € et un capital social
de  30  000  € nous permettant un matelas de
trésorerie de 2 000 €.
Figure 10-7 Les encaissements et décaissements

Une autre façon très élégante de calculer le


montant de trésorerie disponible en fin d’année est
de dresser le système modélisé de trésorerie.
4e étape : le système modélisé de
trésorerie
Ce système a été expliqué au chapitre 4. Il consiste
à calculer les flux de trésorerie effectivement
dégagés par l’entreprise du potential cash flow
généré par la performance de l’entreprise.

Cette méthode permet d’éviter de calculer les


encaissements et les décaissements liés aux ventes
et aux charges puisque les encaissements et
décaissements potentiels se trouvent déjà inclus
dans le résultat (hors variation du besoin en fonds
de roulement, paiement de la TVA et impôt sur les
bénéfices).

Nous proposons de démarrer non pas du résultat


net de l’entreprise, mais du résultat opérationnel
(EBIT), soit 12 400 €.

On calcule l’impôt sur le résultat opérationnel (qui


est aussi une sortie de trésorerie) sur la base d’un
taux d’impôt de 15 %.

Nous obtenons alors le flux de trésorerie


opérationnel après impôt (NOPAT) soit 12  400  ×
(1 - 15 %) = 10 540 €
On réintègre ici au résultat opérationnel la dotation
aux amortissements, qui constitue une charge
déductible, mais n’est pas une sortie de trésorerie,
(soit 800 €) pour obtenir un « potential cash flow »
de 11  340 €. Pourquoi «  potentiel  »  ? Parce que le
résultat opérationnel prend en compte toutes les
ventes livrées (payées ou non) et les charges
consommées (payées ou non) alors que la trésorerie
est le fruit des encaissements et des décaissements
et est donc impactée par la variation du besoin en
fonds de roulement (∆ BFR).

Il faut donc le corriger des créances clients (ventes


livrées mais non encore payées), des stocks (achats
payés mais non encore consommés), des dettes
fournisseurs et autres dettes fiscales et sociales
(charges consommées mais non encore payées).

Il ne nous reste plus qu’à continuer à descendre le


tableau pas à pas en intégrant d’abord la variation
du BFR, qui est en fait le BFR normatif calculé au
début (10  800  €), le BFR étant évidemment égal
à 0 le premier jour de la création de l’entreprise et
à 10 800 à la fin de la première année. Ce qui nous
donnera le flux de trésorerie lié à l’activité (réel
cette fois-ci et non plus potentiel), soit 540 €.
Puis on déduira le montant des investissements
(38  000  €) pour calculer le flux de trésorerie
disponible (free cash flow) soit  –  37  460  € (qui ici
n’est pas disponible car négatif !).

Nous voyons donc clairement que pour cette


première année prévisionnelle, la profitabilité ne
génère pas suffisamment de trésorerie pour faire
face aux investissements initiaux, c’est pourquoi il
faut lever des capitaux permanents (emprunts
bancaires et capitaux propres) au démarrage de
l’entreprise.

Puis, on analyse les flux de trésorerie financiers qui


proviennent du prêt bancaire (20  800  €) diminué
du premier remboursement du capital de
l’emprunt  3  756  € (calculé à partir du tableau
d’amortissement de l’emprunt fourni plus haut par
différence entre la dette en début d’année 20 800 €
et la dette à la fin de la première année,
soit 17 044 €) et du montant des frais financiers sur
l’emprunt calculé après impôt (FINEXPAT en
anglais) soit : 954 × (1 – 15 %) = 811 €.

Cela donne pour les associés un flux de trésorerie


disponible (free cash flow to equity en anglais)
disponible (s’il est positif) ou manquant (s’il est
négatif).
Ici, il est de  –  21  227  €, ce qui veut dire qu’il
manque  21  227  €, et que ce montant ou plus doit
être apporté par les associés.

Les associés apportant en fait le capital social,


soit 30 000 €, la trésorerie prévisionnelle disponible
en fin d’année sera de 8 773 € (voir figure 10-8).

Figure 10-8 Système modélisé de trésorerie


Nous avons vu au chapitre  4  que le cash flow
potentiel pouvait être calculé de deux façons :

❶ Cash flow potentiel = NOPAT + charges non


décaissées

❷ Cash flow potentiel = EBITDA – impôt sur les


bénéfices impactant l’EBIT

Ici, il est calculé selon la première méthode, les


charges non décaissées étant, dans le cas de
Créatest, la dotation aux amortissements.

On peut aussi le calculer en passant par l’EBITDA :

EBITDA = EBIT + dotation aux amortissements


= 12 400 + 800 = 13 200 €

Cash flow potentiel = EBITDA  –  impôt sur les


bénéfices impactant l’EBIT

Cash flow potentiel = 13 200 – 1 860 = 11 340 €


Le coin du chicaneur : L’EBITDA n’est pas
notre dada

Certains tableaux de flux se déclinent à partir du


résultat net de l’entreprise.

Pour notre part, nous partons du résultat


opérationnel afin de mettre en évidence le flux de
trésorerie généré par l’activité de l’entreprise (les
charges financières étant déduites plus bas lors du
calcul du flux de trésorerie disponible pour les
associés).

En revanche, l’EBITDA (Earnings Before Interest Taxes


Depreciation and Amortization) souvent commenté
par les analystes financiers n’est pas tout à fait
pertinent car il ignore l’impact de l’impôt sur les
bénéfices.

Voilà pourquoi, nous préférons calculer le flux de


trésorerie potentiel comme le résultat opérationnel
en réintégrant les charges non décaissables
(amortissement et dépréciation) et en déduisant
l’impôt sur le résultat opérationnel.

Flux de trésorerie potentiel d’exploitation


après impôt

=
Résultat opérationnel + Dotation et
provisions d’exploitation – Impôt sur le
résultat opérationnel

Ou encore :

Flux de trésorerie potentiel = EBITDA – Impôt


sur le résultat opérationnel

L’EBITDA n’est pas notre dada mais le flux de


trésorerie potentiel d’exploitation après impôt est
notre référentiel.

Le bilan prévisionnel
Les postes du bilan sont faciles à déterminer :

• le droit au bail figure à sa valeur d’achat dans


les immobilisations incorporelles ;

• les travaux d’aménagements (8 000 €) ont


subi un premier amortissement

(800 €) et figurent donc pour leur valeur nette


comptable de 7 200 € ;

• le stock, les créances clients et les dettes


fournisseurs ont été valorisés plus haut lors du
calcul du besoin en fonds de roulement
(respectivement 6 000 €, 12 000 € et 7 200 €) ;

• le capital social a aussi été défini plus haut


(30 000 €) ;

• le résultat net vient d’être établi grâce au


compte de résultat prévisionnel soit 9 729 € ;

• la dette bancaire à la fin de la première année


est calculée dans la figure 10-2 (tableau
d’amortissement du prêt) et apparaît à la 12e
ligne, soit 17 043,76 €, que nous arrondirons
à 17 044 €.

Rappelons que toutes les dettes fiscales et sociales


(charges patronales, impôt sur le bénéfice et la
TVA) ont été réglées avant la fin de l’année.

On a calculé dans la figure  10-8  un cash surplus


de  8  773  € à la fin de la première année. Celui-ci
constitue aussi la trésorerie disponible figurant au
bilan car cet exercice comptable est aussi la
première année d’exercice de la société Créatest, la
trésorerie initiale étant donc égale à 0.

Nous avons ainsi le bilan prévisionnel à la fin de la


première année.
Figure 10-9 Bilan prévisionnel à la fin de la première année

Nous retrouvons bien le lien unissant les trois états


financiers puisque le résultat de l’exercice
comptable donné par le compte de résultat et la
trésorerie disponible calculée dans le tableau des
flux de trésorerie sont intégrés dans le bilan à la fin
de l’exercice. Et celui-ci est équilibré !

Nous sommes donc en mesure de bâtir bilan


financier de l’entreprise à la fin de la première
année.
Figure 10-10 Bilan financier prévisionnel à la fin de la première année

On reconnaît un bilan financier de type classique à


BFR positif (voir chapitre 4).

Comme le bilan financier est dessiné


proportionnellement aux montants inscrits, le
face-à-face besoins-ressources permet de
constater que les investissements sont entièrement
financés par les capitaux propres, que les capitaux
propres financent même partiellement le besoin en
fonds de roulement.

On peut aussi s’interroger sur le niveau de la


trésorerie à la fin de la première année.
Nous avions envisagé un matelas de trésorerie
de  2  000  € au démarrage de l’entreprise, mais on
s’aperçoit qu’il est superflu si les prévisions du
business plan se réalisent (cependant des décalages
de trésorerie peuvent se produire en cours
d’exercice et nécessiter un crédit bancaire à court
terme).

On peut donc démarrer l’entreprise avec un capital


social plus faible : 28 000 € au lieu de 30 000 €, car
il nous resterait malgré tout un solde de trésorerie
de 8 773 € – 2 000 € = 6 773 € dont l’emploi partiel
est à définir  : de nouveaux investissements  ? le
paiement de dividendes aux associés  ? le
remboursement partiel de l’emprunt  ? le maintien
au même niveau pour faire face à des aléas futurs ?

On peut aussi réduire le montant du prêt au lieu de


réduire le montant du capital.

Dans ce cas, le montant plus faible des mensualités


(frais financiers et remboursement en capital)
entraîne un nouveau calcul du résultat et de la
trésorerie.

Le dernier point que nous devons aborder est


l’incertitude sur les données prises en compte dans
le business plan et l’incertitude en matière
financière, c’est-à-dire «  le risque  » (de nouveau
les deux faces de la médaille !).

Nous vous proposons donc maintenant d’analyser


les facteurs de risque présentés par le projet.

Comment introduire le concept


d’incertitude et mesurer ses
conséquences
En matière de prévision financière, le risque c’est
l’incertitude pesant sur la rentabilité et la trésorerie
du fait de la variabilité des données prévisionnelles
utilisées pour calculer cette rentabilité et cette
trésorerie.

Ainsi, on est obligé de bâtir un business plan à partir


de données sinon certaines, du moins ayant la plus
grande chance de se réaliser. On constatera plus
tard les données réelles avec les conséquences sur
la performance et la rentabilité.

Le concept d’incertitude
L’incertitude sur les données entraîne évidemment
une incertitude sur la performance et la trésorerie.
Le principe est d’affecter à chaque donnée
prévisionnelle une probabilité de survenance et de
recalculer la performance et la trésorerie pour
chacune de ces données.

Certaines données peuvent être néanmoins


certaines (par exemple le loyer des locaux d’une
entreprise négocié et acté ou les salaires
d’embauche des salariés de cette nouvelle
entreprise), d’autres peuvent être impossibles, par
exemple comme un chiffre d’affaires d’1  milliard
d’euros la première année d’existence d’une petite
entreprise, ou encore aléatoires comme le chiffre
d’affaires de cette même entreprise qui peut être
compris entre 100 000 et 150 000 €.

Ces variables aléatoires peuvent être subies (comme


le chiffre d’affaires), car on n’a pas trop d’emprise
sur elles-mêmes, si ce n’est par pur hasard.
D’autres variables sont assumées, c’est-à-dire
qu’elles résultent d’une décision que l’on prend,
par exemple le taux de commissionnement de
l’équipe de vente.

L’analyse des conséquences sur la rentabilité et la


trésorerie d’une variable assumée permet de définir
une stratégie.
En simplifiant le problème, on considère que la
plupart des données sont certaines (par exemple les
coûts au démarrage d’une petite entreprise), et que
la seule variable aléatoire est le chiffre d’affaires
qui ne peut varier qu’entre des valeurs limitées (on
dit « bornées »).

Alors, on s’apercevra que la rentabilité et la


trésorerie vont aussi varier entre deux bornes.

L’intervalle entre les deux bornes constituera


l’incertitude sur la rentabilité ou la trésorerie, on
dira alors que plus cet intervalle est large, plus la
rentabilité ou la trésorerie est risquée.

Tout cela provient de la loi de Gauss ou loi normale


dont nous avons parlé au chapitre 8 à l’occasion de
la décision d’investissement.

Analysons donc les conséquences du fait de l’échec


éventuel à atteindre les objectifs de vente.

Les conséquences de
l’incertitude
En reprenant le cas pratique Créatest, on s’aperçoit
que les données de coût sont peu ou prou certaines
(coût d’achat des ordinateurs, salaires, loyer, frais
annuels, etc.) et que la plus grande incertitude pèse
sur le niveau des ventes réalisées la première
année. Ce phénomène se retrouve d’ailleurs dans la
plupart des business plans.

Repartons donc des conclusions tirées du compte


de résultat prévisionnel et du flux de trésorerie
prévisionnel plus haut  : l’objectif de Créatest était
de vendre 480 ordinateurs au cours de la première
année.

Si cet objectif est atteint, le résultat net sera


de 9 729 € et nous aurons une trésorerie disponible
de  8  773  € (en tenant compte d’un matelas de
trésorerie de 2 000 €).

Ce matelas étant superflu, les associés ont décidé


de démarrer l’entreprise avec un capital social plus
faible soit 28 000 € ce qui laisse tout de même une
trésorerie disponible en fin d’exercice de 6 773 €.

Le niveau des ventes étant la variable la plus


aléatoire, recalculons le résultat net et la trésorerie
disponible pour des niveaux de ventes égaux à 95 %
de l’objectif, 90 %, 85 %, et même jusqu’à 70 %.

Nous nous apercevons alors (voir la figure  10-11)


que la rentabilité et la trésorerie diminuent de
façon très rapide.
Ainsi, le fait de ne réaliser que 70 % de l’objectif de
vente (soit  336  ordinateurs au lieu de  480) nous
donne une perte de  11  954  € et un manque de
trésorerie de 11 670 € !

Figure 10-11 Résultat et trésorerie en fonction de l’objectif

Une analyse plus fine montre que le seuil de


rentabilité (niveau des ventes minimum pour
obtenir un résultat net proche de zéro, encore
appelé point mort) est de  410  ordinateurs, soit
environ  85  % de l’objectif et que le point mort de
trésorerie (niveau des ventes minimum pour garder
une trésorerie disponible proche de zéro) est
de  420  ordinateurs soit environ  88  % de l’objectif.
L’aléa sur les ventes peut donc avoir des
conséquences dramatiques.
Une bonne approche managériale consiste à
analyser plus en détail la formation du résultat afin
de diminuer le risque.

Une première approche est de transformer


certaines charges fixes en charges variables, c’est-
à-dire proportionnelles au chiffre d’affaires, afin
de minorer les conséquences d’une baisse de celui-
ci. Dans le cas de Créatest, seuls les salaires
méritent une attention particulière.

Les salaires fixes sont proches du SMIC et donc déjà


à un niveau minimum. En revanche, une variable
liée aux ventes mérite d’être analysée  : c’est la
commission versée au responsable du magasin (qui
est peut-être l’entrepreneur lui-même !).

Un rapide calcul (cf. encadré suivant) montre qu’en


l’absence de commissions, le seuil de rentabilité
tombe à  333  ordinateurs soit environ  70  % de
l’objectif. (Le point mort de trésorerie est aussi très
proche de ce chiffre.)
Le coin l’entrepreneur : déterminer le seuil
de rentabilité

La détermination du seuil de rentabilité (point


mort) en l’absence de commissions s’effectue de la
façon suivante :

1. Calcul des charges fixes annuelles

Les charges fixes sont indépendantes du niveau


des ventes.

Soit pour Créatest  : le loyer du magasin et du


photocopieur, les frais de téléphone et d’électricité
sans oublier la dotation aux amortissements, ainsi
que les salaires fixes du responsable du magasin et
de l’assistante charges sociales comprises.

(500 + 1 000) × 12 + 800 + (1 700 + 900)


× 12 × 1,5 + 954 = 66 554

2. Calcul de la marge unitaire sur coût variable

Pour Créatest, celle-ci se définit par différence


entre le prix de vente et le prix d’achat de chaque
ordinateur soit, 500 – 300 = 200.

3. Calcul du seuil de rentabilité

Créatest atteint le seuil de rentabilité quand le


nombre «  N  » d’ordinateurs vendus génère une
marge sur coût variable couvrant les frais fixes.

Soit  : N ×  200  =  66  554  = > N =  66  554/200


= 332,77 arrondi à 333 ordinateurs.

Pourquoi alors ne pas changer le mode de calcul de


la commission et ne la verser qu’au-delà de
l’atteinte de ce point mort  ? En revanche, on
augmenterait le pourcentage de commission par
rapport au prix de vente. Ceci la rendrait plus
incitative.

Nous avons pris pour hypothèse un taux de


commission de 20 % (soit 30 % charges patronales
et sociales comprises). Ce taux doit être de toute
façon inférieur au taux de marge sur les
ordinateurs soit  : (500  –  300)/ 500  =  40  % car
sinon le point mort de rentabilité est inatteignable.
Figure 10-12 Résultat et trésorerie en fonction de l’objectif

Dans ce cas (voir la figure  10-12), le risque est


fortement diminué puisque même un niveau de
ventes à hauteur de  70  % de l’objectif nous rend
bénéficiaire et nous laisse une trésorerie positive.

En cas d’atteinte de l’objectif (soit 480 ordinateurs


vendus), le responsable du magasin touchera une
commission de  : (480  –  333) ×  500  ×  20  %
= 14 700 € mais un peu plus tard dans l’année car il
faut d’abord vendre au moins 333 ordinateurs.

Alors qu’avec l’ancien calcul il n’aurait touché


que 480 × 500 × 5 % = 12 000 €.

La motivation s’en trouve renforcée et le risque de


l’entreprise est fortement diminué.
Dernier point, l’ancien calcul de la commission
donnait pour  480  ordinateurs un résultat net
de 9  729 €, la nouvelle méthode donne un résultat
net de 6 287 €.

Voilà de nouveau une illustration de la relation


entre risque et rentabilité.

Risque et rentabilité : une


relation… risquée !
Un moindre risque entraîne une rentabilité espérée
plus faible, confirmant le fameux adage no pain, no
gain…

Nous entendons d’ici certains d’entre vous pouvant


dire  : «  Pourquoi ne pas descendre le taux de
commission à  10  % pour les ventes au-delà
de 333 ordinateurs ? Le résultat net et la trésorerie
s’amélioreront tout en gardant le même risque.  »
Vous avez raison, mais dans ce cas la commission
versée au responsable de magasin est divisée par
deux  : ce n’est donc plus la même histoire car on
rentre dans une discussion sur le partage du
bénéfice entre les salariés et les associés. Sauf si
l’associé principal est aussi le responsable du
magasin… Dans ce cas alors, nouvelle discussion,
vaut-il mieux se verser un salaire ou générer un
bénéfice donc des dividendes ? À méditer avec sous
le coude une explication détaillée des régimes
sociaux et un Code général des impôts…

Ça y est, l’entreprise a démarré et les associés


pensent pouvoir atteindre leurs objectifs de la
première année. Ils ont donc décidé de n’investir en
capital social que 28 000 € et de diminuer le risque
en proposant au responsable du magasin un taux de
commission de 20 % sur le prix de vente hors taxes
mais à partir du  333e ordinateur vendu dans
l’année. Le résultat de la première année est de
6  287  € et la trésorerie finale de  3  331  €, sachant
que le nombre d’ordinateurs réellement vendus est
égal au nombre prévu, soit 480.

À l’issue de cette première année, vous pouvez


établir le compte de résultat, le bilan et le tableau
des flux financiers réels.

La figure 10-13 donne le bilan financier réel à la fin


de la première année.
Figure 10-13 Bilan financier réel à la fin de la première année

Le compte de résultat réel figure ci-dessous


(figure 10-14) :
Figure 10-14 Compte de résultat réel pour la première année (arrondi en
euros)

Dernier point : qu’en est-il de la


création de valeur à la fin de la
première année ?
Nous allons supposer que les associés souhaitent
obtenir une rémunération de leurs capitaux investis
(28 000 €) de 12 %.

Les banques ont apporté de leur côté  20  800  € en


demandant un taux de rémunération de  5  % (taux
d’intérêt du prêt), ce qui coûte en réalité 5 % × (1 –
  15  %) =  4,25  % du fait du taux d’impôt sur les
bénéfices de 15 %)

Les capitaux propres sont donc : CP = 28 000 €

La dette bancaire long terme est : DLT = 20 800 €

Le total des capitaux investis au début de la  1re


année est : 28 000 + 20800 = 48 800 €

Le taux de rémunération attendue par les associés


est de 12 %

Le taux de la dette long terme après impôt est


de 4,25 %

Ceci nous permet de calculer le WACC (coût moyen


pondéré du capital investi) :

WACC =  28  000/48  800  ×  12  %


+ 20 800/48 800 × 4,25 % = 8,70 % (arrondi)

Le coût annuel des capitaux investis est donc


de 48 800 × 8,70 % = 4 244 €

Dans le même temps, le profit opérationnel réel


après impôt (NOPAT) est de :

8 350 × (1 – 15 %) = 7 097,50 €

Le montant de valeur créée est de  : NOPAT  –  coût


annuel des capitaux investis :
7 097,50 – 4 244 = 2 853,50 €

Voir la figure 10-15 ci-dessous.

Figure 10-15 Création de valeur pour la première année (arrondi en


euros)

On remarque que cette valeur est à la fois différente


du bénéfice net (6 287 €) et du surplus de trésorerie
(3  331  €), car elle intègre une autre donnée  : la
rentabilité attendue par les associés du fait du
risque présenté par un investissement dans
l’entreprise.

Et après  ? Comment faire face à la croissance de


votre entreprise ?

C’est l’objet du chapitre suivant.


Retenez l’essentiel

• L’argent nécessaire au démarrage d’une


entreprise dépend de ses investissements
et de son besoin en fonds de roulement.

• Une erreur fondamentale lors de la


création d’une entreprise est d’oublier de
calculer et de financer le besoin en fonds de
roulement.

• Le besoin en fonds de roulement peut être


négatif. C’est alors une ressource financière
à court terme pour l’entreprise.

• Le bilan financier représente comment


l’entreprise emploie ses ressources
financières pour sa croissance caractérisée
par ses investissements et l’augmentation
de son besoin en fonds de roulement.

• Trois états financiers prévisionnels


permettent d’imaginer le futur d’une
entreprise  : sa performance par le compte
de résultat, sa trésorerie par système
modélisé de trésorerie et sa valeur par le
bilan.
• Le premier risque lors de la création d’une
entreprise est la non-atteinte des objectifs
de vente. Il faut donc anticiper les
conséquences de cet aléa sur le résultat et
la trésorerie.
DANS CE CHAPITRE
Comment créer de la performance financière ?

Comment utiliser le flux de trésorerie pour croître,


rembourser les dettes et rémunérer les associés ?

Qu’est-ce que le surplus de cash et pourquoi l’utiliser


comme indicateur déterminant ?

Chapitre 11
Performer, croître,
rembourser les prêteurs et
rétribuer les associés
N ous avons vu au chapitre  5  les indicateurs-clés
de performance financière (voilà pourquoi ils sont
appelés Key Performance Indicators – KPI en anglais).
Comme expliqué dans le même chapitre, ils se
présentent souvent comme un pourcentage entre
deux valeurs permet de s’affranchir de la taille de
l’entreprise et de la monnaie utilisée. Ils peuvent
donc constituer un référentiel de performance et
une base de comparaison pour des compétiteurs.

Nous allons plus particulièrement nous intéresser à


un ratio de performance qui nous semble
particulièrement pertinent  : la rentabilité des
capitaux employés (Return on Capital Employed  :
ROCE en anglais).

Comment créer de la
performance financière ?
La performance économique de l’entreprise est
générée par de bons produits qui recueillent
l’adhésion des clients, fabriqués ou achetés à un
coût permettant de générer un profit suffisant, en
utilisant des moyens adéquats financés par des
ressources à un moindre coût.

Ce profit montre la capacité de l’entreprise à vendre


ses produits plus chers que leur coût (d’achat ou de
production), grâce à l’attractivité des produits, la
façon de les promouvoir et le choix des
fournisseurs.

Il est calculé après impact de l’impôt sur les


bénéfices.

Nous l’appellerons résultat opérationnel net (Net


Operating Profit After Tax : NOPAT en anglais).

La rentabilité des capitaux employés (ROCE) est


définie comme le résultat opérationnel net (NOPAT)
rapporté au montant des emplois de capitaux
nécessaires (les capitaux employés) pour parvenir à
ce profit.

Quels sont ces capitaux employés  ? Ceux


nécessaires pour financer les investissements
(l’actif immobilisé  : AI) et le besoin en fonds de
roulement (BFR).

Soit :

C’est ce ratio que nous utiliserons pour définir la


performance économique de l’entreprise.

Le chapitre 5 nous a montré que cette performance


économique est le produit de deux autres
indicateurs de performance :
La Net Operating Margin (NOM) qui calcule le ratio
entre le NOPAT et les ventes :

Le Capital Turnover (CT) encore appelé effet turbo :

Enfin, le même chapitre a introduit l’effet de levier


avec ses deux drivers :

φ : le rapport entre les frais financiers après impôts


(FINEXPAT) et le NOPAT

Net D/E  : le rapport entre la dette nette (après


déduction de la position de trésorerie positive) et
les capitaux propres.

Tout cela a permis de déterminer la performance


financière : ROE (Return On Equity en anglais)

Après ces beaux discours, passons à la pratique.

Pour cela, reprendrons notre cas Créatest dans sa


deuxième année d’existence.
Cas pratique : Créatest (suite)
La première année s’est passée conformément aux
prévisions (voir le chapitre  10). Les ressources
mises en place grâce au capital social et à
l’emprunt bancaire ont assuré un bon démarrage de
l’entreprise. Ses performances sont satisfaisantes
pour les associés et permettent d’envisager la
deuxième année avec sérénité.

Ils ont décidé de garder en report à nouveau le


résultat net de l’an dernier (soit 6 287 €) et donc de
ne pas distribuer de dividendes.

Mais une question se pose aux associés  : la


performance de l’entreprise lui permettra-t-elle de
s’autofinancer ou faudra-t-il prévoir de nouveaux
apports financiers ?

Nous vous proposons donc d’analyser cette


deuxième année d’activité de Créatest.

Nous allons définir un prévisionnel fondé sur une


augmentation de  20  % des ventes d’ordinateurs.
Les coûts sont considérés par simplification comme
constants et on garde le même taux de commission
sur les ventes d’ordinateurs au-delà
de 333 ordinateurs par an.
La lecture des chapitres précédents ayant fait de
vous un ou une spécialiste de la finance, nous vous
donnons directement le compte de résultat
prévisionnel pour cette deuxième année d’activité.
(Encore une bonne occasion de tester vos
connaissances acquises.)

Figure 11-1 Le compte de résultat prévisionnel de la deuxième année

Dans ce compte de résultat prévisionnel, on


prendra les quatre informations suivantes :

• le montant des ventes = 288 000 € ;


• le résultat opérationnel = 13 150 € ;

• le taux d’impôt sur les bénéfices = Impôt sur


les bénéfices/Résultat avant impôts
= 1 858 €/12 387 € = 15 % ;

• le montant des frais financiers = 763 €


(762,57 € avant arrondi).

Quand on utilise des montants figurant au bilan


comme l’actif immobilisé ou le besoin en fonds de
roulement, il faut prendre les valeurs figurant en
début d’exercice, puisque ce sont ces éléments-là
dont l’entreprise dispose pour réaliser sa
performance (en fait on se compare par rapport à la
valeur au bilan de l’an dernier).

Mettons en évidence le NOPAT, c’est-à-dire


combien rapportent les capitaux employés. C’est le
résultat opérationnel avant impôt diminué de
l’impact de l’impôt sur les bénéfices soit :

Résultat opérationnel × (1  –  Taux d’impôt sur les


bénéfices) = 13 150 × (1 – 15 %) = 11 177,50 €

Les capitaux employés à disposition au début de la


deuxième année c’est-à-dire l’actif immobilisé et
le besoin en fonds de roulement à la fin de la
première année (voir le chapitre  10) sont
de 37 200 + 10 800 = 48 000 €.
La rentabilité des capitaux employés (ROCE) est
de 11 177,50/48 000 = 23,29 %.

À titre de comparaison, on peut aussi calculer la


rentabilité des capitaux employés pour la première
année (voir le chapitre 14) :

• le résultat opérationnel était de 8 350 € ;

• le taux d’impôt sur les bénéfices était de 15 %.

Le montant des capitaux employés est celui calculé


pour le démarrage de l’entreprise, soit 48 000 €.

La rentabilité des capitaux employés (ROCE) était


de 8 350 × (1 – 15 %)/48 800 = 14,54 % (arrondi).

Il est intéressant à ce niveau de comprendre


l’origine d’une telle hausse. C’est pourquoi, nous
allons décomposer le ROCE en le produit d’un autre
indicateur (NOM) et d’un driver (CT) pour analyser
les facteurs sous-jacents qui conduisent la
performance.

Pour la deuxième année, les ventes prévisionnelles


sont de  288  000  € (en hausse de  20  %) et les
capitaux employés à disposition en début d’exercice
sont ceux figurant au bilan à la fin de l’exercice
précédent, soit 48 000 €.

Rappelons que le NOPAT est de 11 177,50 €.


Nous aurons donc une marge opérationnelle nette
(NOM) de : 11 177,50/288 000 = 3,88 %.

La rotation des capitaux employés (capital turnover)


est égale à 288 000/48 000 = 6 fois.

Nous pouvons vérifier que :

23,29 % = 3,88 % × 6 (aux arrondis près)

Pour mémoire, les résultats réels pour la première


année nous donnent un profit opérationnel net ou
bénéfice d’exploitation après impôt de : 8 350 × (1 –
 15 %) = 7 097,50 €.

Les ventes sont de 240 000 €.

La marge opérationnelle (NOM) est donc


de 7 097,50/240 000 = 2,96 % (arrondi).

La rotation des capitaux employés (capital turnover)


est de 240 000/48 800 = 4,92 fois.

On vérifie donc bien que le rendement des capitaux


employés, soit  14,8  %, est obtenu par le produit
de 2,96 % × 4,92 (aux arrondis près).

L’amélioration de la rentabilité des capitaux


employés, passant de 14,54 % à 23,29 % s’explique
par la conjonction de deux facteurs : une croissance
de la marge opérationnelle nette (NOM) de 2,96 %
à  3,88  % du fait de la stabilité des coûts, et une
hausse de la rotation des capitaux employés
de  5  à  6  fois du fait de la constance des capitaux
employés en début d’exercice.

Qu’en est-il de la performance financière ?

Le chapitre  5  nous a montré que la performance


financière (ROE) s’explique par l’effet de levier sur
le ROCE suivant la relation suivante :

L’effet de levier se décompose en deux facteurs


multiplicatifs, mais avec un effet antagoniste car
nous avons :

1 + net D/E pour le poids de la dette financière

1 - φ pour le poids des charges financières

Net D/E représente le poids de la dette bancaire


diminuée de la situation de trésorerie positive (Net
D) rapporté au montant des capitaux propres (E
pour Equity). φ (phi soit la lettre grecque « f » pour
Finance) indique le poids des frais financiers après
impôt (FINEXPAT) rapporté au résultat
opérationnel net NOPAT.

Calculons ce levier financier :


La dette bancaire nette au début de la deuxième
année (soit à la fin de la première année) est de  :
17 044 – 3 331 = 13 713 €

Les capitaux propres sont de 34 287 €

Net D/E = 13 713/34 287 = 0,4

Les frais financiers nets d’impôt sont de  762,53  ×


(1 – 15 %) = 648,15 €

Le résultat opérationnel net (NOPAT) est


de 11 177,50 €

Donc φ =  648,15/11  177,50  =  5,80  % ou  0,


058 (arrondi)

Le levier financier est de  : (1  +  0,4) × (1  –  0,058)


= 1,3188

La performance financière est supérieure à la


performance économique :

ROE = ROCE × 1,3188 = 23,29 % × 1,3188 = 30,71 %

ROE est aussi égal à résultat net/Equity

On peut alors vérifier directement grâce à la


figure 11-1 que le ROE = 10 529/34 287 = 30,71 %

Un calcul similaire avec les chiffres réels à la fin de


la première année nous donne :
ROE = 6 287/28 000 = 22,45 % et un effet de levier
financier de :

Net D/E = 20 800/28 000 = 0,743

φ =  954  × (1  –  15  %)/7  097,50  =  11,43  % ou  0,


1 143 (arrondi)

(1 + 0,743) × (1 – 0,1143) = 1,544 (arrondi)

14,54 % × 1,544 = 22,45 % (arrondi)

L’effet de levier a diminué entre la 1re et la 2e année


(de  1,544  à  1,3188) mais le ROCE est passé
de 14,54 % à 23,29 %.

La performance financière augmenterait donc


de 22,45 % à 30,71 % si les chiffres prévisionnels de
la deuxième année se confirment.

Voyons donc maintenant l’impact de la croissance


de l’entreprise sur la performance pour en déduire
le flux de trésorerie disponible (free cash flow en
anglais).

Croître : et si nous parlions en


taux
« Croissez et multipliez-
vous. »
La Bible

La croissance c’est vendre plus mais c’est aussi


investir pour vendre plus. La croissance impactera
l’actif immobilisé et le besoin en fonds de
roulement.

Intéressons-nous donc à ces deux impacts.

Nous avons défini au chapitre 7 le taux de variation


de l’actif immobilisé par rapport à sa valeur à la fin
du dernier exercice et le taux de variation du besoin
en fonds de roulement par rapport à lui-même à la
fin du dernier exercice  : c’est le WAGU (Weighted
Average Growth of Uses en anglais) qui définit, de par
la croissance des capitaux employés, la croissance
des besoins financiers.

Le taux de croissance des capitaux employés


(WAGU) est la moyenne pondérée des taux de
croissance de l’actif immobilisé et du besoin en
fonds de roulement.

La pondération est définie par le pourcentage en


valeur de chaque composant, actif immobilisé et
besoin en fonds de roulement, dans le total des
capitaux employés.

Comme le taux de variation de l’actif immobilisé


représente la croissance des investissements et
comme le taux de variation du besoin en fonds de
roulement est assimilé à la croissance des ventes,
on peut dire que le taux de croissance annuelle des
capitaux employés est la moyenne pondérée des
taux de croissance annuelle des investissements et
des ventes.

∆ est le symbole mathématique signifiant  :


« variation ».

Le système modélisé de trésorerie (voir chapitre 7)


nous montre que le taux de performance indiqué
par la rentabilité des capitaux employés (ROCE) et
le taux de croissance des capitaux employés
(WAGU) sont antagonistes. (Tous les deux sont des
taux rapportés aux capitaux employés.)

Autrement dit, le taux de trésorerie disponible,


c’est-à-dire le flux de trésorerie disponible (free
cash flow) comparé aux capitaux employés sera le
résultat de la différence entre la rentabilité des
capitaux employés (ROCE) et le taux de croissance
de ceux-ci (WAGU).
Le taux de performance doit couvrir le taux de
croissance, sinon il faudra faire appel à de
nouveaux capitaux (capitaux propres et/ou prêts).

Soit :

FCF = CE x (ROCE – WAGU)

Le free cash flow résulte de l’écart entre la


rentabilité des actifs économiques et le taux de
croissance des capitaux employés, multiplié par le
montant du capital employé en début de période.

Cas pratique : Créatest (suite)


Calculons le taux de croissance des capitaux
employés (WAGU) au cours de la deuxième année
d’exercice.

Aucun nouvel investissement n’est prévu, en


revanche l’actif immobilisé en place depuis l’année
dernière, soit 37 200 €, va continuer de s’amortir à
hauteur de 800  € (voir le compte de résultat
prévisionnel).

Le taux de croissance de l’actif immobilisé sera


donc négatif soit – 800/37 200 = – 2,15 %.
Le taux de croissance du besoin en fonds de
roulement, puisque les conditions de règlement des
clients et fournisseurs sont inchangées et la
rotation des stocks constante, sera le même que
celui des ventes, soit 20 %.

Nous savons maintenant que le WAGU est la


moyenne pondérée des taux de croissance de l’actif
immobilisé et du BFR qui est le même que celui des
ventes.

Au sein des capitaux employés au début de la


deuxième année pour un total de 48  000  €, nous
avons  37  200  € d’actif immobilisé
(soit 37 200/48 000 = 77,5 %) et 10 800 € de besoin
en fonds de roulement
(soit 10 800/48 000 = 22,5 %).

Le WAGU sera donc égal pour  77,5  % au taux de


croissance de l’actif immobilisé et pour  22,5  % au
taux de croissance des ventes. Le WAGU est égal
à 77,5 % × - 2,15 % + 22,5 % × 20 % = 2,83 % (en
fait 2,83333333...% sans les arrondis).

Comme la performance définie par la rentabilité


des capitaux employés est de 23,29 %, la croissance
est couverte et même bien au-delà.
La différence  : 23,29  %  –  2,83  % soit  20,46  %
représente le taux de trésorerie disponible (TTD)
c’est-à-dire le flux de trésorerie disponible (free
cash flow en anglais) rapporté aux capitaux
employés. Le flux de trésorerie disponible est donc
égal au TTD multiplié par les capitaux employés.

Comme les capitaux employés sont de 48 000 €, le


flux de trésorerie disponible est donc de :

48 000 × 20,46 % = 9 817,50 € en conservant toutes


les décimales dans les calculs intermédiaires.

L’intérêt considérable de ces taux vient de leur


simplicité de compréhension et de leur caractère
très pratique, permettant ainsi, dans les grandes
entreprises, un dialogue fécond entre les financiers,
le top management et les managers opérationnels,
notamment lors de la phase budgétaire de mise en
place des objectifs.

Maintenant que nous maîtrisons le concept de taux


de trésorerie disponible, issu de l’écart entre la
performance et la croissance, il ne faut pas oublier
le poids des décisions financières précédentes  : il
faut payer les frais financiers, et rembourser le
capital emprunté, et il ne faut pas oublier les
associés à qui il convient de verser des dividendes.
Regardons cela de plus près…

Rembourser les prêteurs


« Un crédit à long terme,
ça veut dire que moins tu
peux payer, plus tu
paies. »

Coluche

Même lorsqu’une entreprise a un futur brillant


devant elle, il ne faut pas oublier le poids du passé,
ce qui implique de faire face à ses dettes bancaires.

Qu’est-ce qu’une dette


bancaire ?
Une dette bancaire est un apport d’argent
provisoire. À ce titre, elle doit être remboursée
selon un calendrier généralement prédéterminé soit
par échéances successives soit en une seule fois.

Le prêteur au titre de la rémunération de son


apport demande une somme d’argent que l’on
appelle «  l’intérêt  ». Celui-ci se calcule en
fonction du montant prêté, du temps passé pendant
le prêt et d’un taux dénommé taux d’intérêt. Ce
dernier dépend du coût de l’argent et du risque de
non-remboursement présenté par l’emprunteur.

On distingue les dettes à court terme


(remboursables en moins d’un an) pour faire face à
un besoin d’argent limité dans le temps et les
dettes à long terme (remboursables sur une période
de plusieurs années) pour financer un
investissement important.

Pour l’emprunteur, une dette à court terme est en


fait une position de trésorerie négative qui sera
prise en compte dans le calcul de la trésorerie nette
du bilan financier.

En revanche, une dette à long terme figurera sous


ce vocable dans la partie droite du bilan financier
comme une ressource à long terme.

Les intérêts, aussi appelés «  frais financiers  »,


sont une charge pour l’emprunteur figurant dans le
compte de résultat. Ils sont déductibles de la base
de calcul de l’impôt sur les bénéfices.

Conséquence sur le flux de


trésorerie
Le remboursement de la dette est un flux de
trésorerie négatif qui amputera le flux de trésorerie
provenant de la performance de la société. En
revanche, puisque les frais financiers sont
déductibles de l’impôt sur les bénéfices, ce seront
les frais financiers après impôt qui impacteront le
flux de trésorerie.

Nous avons défini (cf. chapitre  7) deux drivers


relatifs au remboursement de la dette, comparés à
la performance de l’entreprise exprimée par son
résultat opérationnel net (NOPAT).

Nous avons déjà utilisé ce driver pour calculer plus


haut le levier financier :

Puis le ratio du remboursement en capital, soit  :

Nous l’appelons δ (delta soit la lettre grecque « d »


pour Dette).

Nous avons donc un flux de trésorerie disponible


pour les associés (FCFE pour Free Cash Flow to
Equity) :

FCFE = CE × ({ROCE × (1 – φ – δ)} – WAGU)

Le flux de trésorerie disponible pour les associés


(free cash flow to equity) rapporté aux capitaux
employés est égal à l’écart entre le taux de
rentabilité des capitaux employés (ROCE) affecté
par le facteur (1 – φ – δ) représentant le poids de la
dette bancaire et le taux de croissance des capitaux
employés (WAGU).

Cas pratique : Créatest (suite)


Reprenons les éléments déjà obtenus plus haut :

• le taux de rentabilité des capitaux employés


(ROCE) est de 23,29 % ;

• le taux de croissance des capitaux employés


(WAGU) est de 2,83 %.

L’analyse du tableau de remboursement de la dette


bancaire de  20  800  € indique que Créatest
paiera  762,53  € de frais financiers et
remboursera 3 947,70 € du capital emprunté.
Comme le profit opérationnel net (NOPAT) est
de  11  177,50  € et que le taux d’impôt sur les
bénéfices est de 15 %, nous pouvons calculer φ et δ.

Ainsi  : φ = FINEXPAT/NOPAT =  762,53  × (1  –


 15 %)/11 177,50 = 5,8 % car les frais financiers sont
calculés après impôt sur les bénéfices.

Et δ = Remboursement/NOPAT
= 3 947,70/11 177,50 = 35,32 % (arrondi)

La performance de l’entreprise sera donc affectée


du facteur (1 – φ – δ), c’est-à-dire :

(100 % – 5,8 % – 35,32 %) = 58,88 %

Le taux de flux de trésorerie disponible pour les


associés rapporté aux capitaux employés sera donc
égal à :

23,29 % × 58,88 % – 2,83 % = 10,88 % (arrondi)

Soit encore  : le flux de trésorerie disponible pour


les associés (free cash flow to equity en anglais) est
égal au taux ci-dessus multiplié par les capitaux
employés :

48 000 × 10,88 % = 5 222 €

Le poids de la dette divise par 2 environ (1/58,88 %


≃ 1,7) la performance de l’entreprise pour le calcul
de la trésorerie disponible pour les actionnaires. Le
poids des décisions financières prises dans le passé
ne doit pas être négligé dans le processus de
création de trésorerie valorisable.

Et maintenant, n’oublions pas non plus les


associés…

Rétribuer les associés


« Un tiens vaut mieux que
deux tu l’auras. »

La Fontaine, extrait de la
fable « Le Petit Poisson et
le Pêcheur ».

Le patron de l’entreprise qui constatera un surplus


de trésorerie après avoir pris en compte le
remboursement annuel des dettes à long terme et
le paiement des frais financiers se trouvera devant
le dilemme suivant  : faut-il payer des dividendes
maintenant ou faut-il garder ce surplus de
trésorerie pour financer des projets futurs afin de
créer de la valeur ?

La réponse dépend de plusieurs facteurs liés à la


stratégie à définir vis-à-vis des associés et à la
stratégie de développement de l’entreprise.
La stratégie de paiement des
dividendes
Tout d’abord, certaines contraintes juridiques et
comptables doivent être respectées.

• le capital social de l’entreprise doit être


entièrement libéré ;

• la réserve légale doit avoir été constituée (en


France, elle doit être « approvisionnée » à
chaque exercice social à hauteur de 5 % du
résultat net jusqu’à ce qu’elle atteigne 10 % du
capital social) ;

• toutes les pertes antérieures doivent avoir été


comblées.

Puis, il convient de connaître, si possible, les


caractéristiques des associés de l’entreprise :

❶ Géographie du capital

Y a-t-il un associé principal, fondateur de


l’entreprise et manager général de l’entreprise ? Le
fondateur principal étant décédé, le capital se
trouve-t-il par le jeu des successions aux mains de
la famille alors que le top management possède une
part très minoritaire du capital  ? Le capital se
trouve-t-il possédé par un groupe financier ou par
un fonds de pension dont l’objectif principal est la
rémunération à court terme, notamment par des
dividendes ?

Au contraire, le capital est dispersé entre de


multiples «  petits  » actionnaires dont il
conviendrait de connaître la pyramide des âges. En
effet, l’actionnaire retraité préférera toucher
régulièrement des dividendes pour compléter sa

pension de retraite alors que le jeune actionnaire à


haut potentiel de revenu choisira plutôt d’attendre
dans le futur une plus-value en capital.

❷ Impact du droit fiscal

La stratégie pourra aussi être dictée par le droit


fiscal selon la nationalité des associés car certaines
législations fiscales taxent moins les plus-values
en capital que les revenus sous forme de
dividendes.

❸ Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras

En tout état de cause, ne faut-il pas écouter le


fabuliste La Fontaine qui pousse en général
l’individu à préférer un revenu réel tout de suite,
plutôt qu’un revenu potentiel plus important mais
disponible plus tard ?
❹ La théorie de l’information asymétrique
(parfois appelée la théorie du signal)

Enfin, pour couronner le tout, n’oublions pas la


théorie de l’information asymétrique. Celle-ci nous
indique qu’une variation soudaine des dividendes
(à la hausse comme à la baisse) donne un mauvais
signal aux actionnaires. Ceux-ci peuvent croire, en
application de la nature asymétrique de
l’information qu’ils possèdent par rapport au
management de l’entreprise, que celui-ci prépare
une décision qui serait contraire à leurs intérêts.

Voilà pourquoi de nombreuses entreprises versent


un dividende régulier et plutôt constant ou à un
rythme d’augmentation constant,
indépendamment des variations du bénéfice
annuel.

Le rendement du dividende n’est d’ailleurs pas très


important car la moyenne annuelle du rendement
du dividende calculé comme le montant rapporté à
la valeur moyenne du cours de l’action (Dividend
Yield : DY en anglais) se situe aux alentours de 3 %.

Rappelons ici la formule de calcul du surplus de


trésorerie valorisable expliquée au chapitre 7 :
Surplus de trésorerie = CE × (ROCE × {RR × (1 –
 φ) – δ}) – WAGU

Un dernier driver est intervenu, c’est le RR


(Retention Rate en anglais) qui indique le
pourcentage de bénéfice net maintenu dans
l’entreprise (en réserve ou en report à nouveau) et
donc non distribué sous forme de dividendes.

Cas pratique : Créatest (suite)


Nous sommes en présence d’une entreprise à son
début.

Les associés ont décidé de renoncer à leurs


dividendes pour garder le maximum de trésorerie
afin de l’investir dans l’avenir et créer de la valeur.

Reprenons les données calculées plus haut :

Le rendement des capitaux employés est


de 23,29 % avec un NOPAT de 11 177,50 €

Le potential cash flow est égal à NOPAT + dotation


aux amortissements

Le potential cash flow + 11 177,50 + 800 = 11 977,50 €

Le taux de croissance des capitaux employés est


de 2,83 % (arrondi)
La croissance des capitaux employés
absorbe 48 000 × 2,83 % = 1 360 €

Le free cash flow est égal à CE × (ROCE  –  WAGU)


= 48 000 × (23,29 % – 2,83 %)

Le free cash flow =  48  000  ×  20,46  % =  9  817,50  €


(valeur calculée sans arrondi)

La proportion de frais financiers rapportée au profit


opérationnel net (φ) est égale à 5,8 %.

La proportion de remboursement de l’emprunt


bancaire est δ = 35,32 % (arrondi).

Le ratio de rétention (RR) du bénéfice est de 100 %


puisqu’il n’y a pas de paiement de dividendes.

La performance de l’entreprise sera donc affectée


du facteur {RR × (1 – φ) – δ} c’est-à-dire :

{ (100 % × (100 % – 5,8 %) – 35,32 %} = 58,88 %

Le taux de flux de trésorerie valorisable rapporté


aux capitaux employés sera donc égal à :

23,29 % × 58,88 % – 2,83 % = 10,88 % (arrondi)

Le flux de trésorerie valorisable est égal à ce


dernier taux multiplié par le montant des capitaux
employés au début de la deuxième année soit :

48 000 × 10,88 % = 5 222 €
Tout cela nous permet d’établir le système
modélisé de trésorerie prévisionnel de l’entreprise
Créatest pour la deuxième année d’exercice et de le
représenter de façon synoptique.

Figure 11-2 Système modélisé de trésorerie de la deuxième année


(arrondis)

Nous retrouvons dans le tableau des flux de


trésorerie le surplus de trésorerie de 5  222  € qui,
ajouté à la trésorerie figurant au bilan à la fin de la
première année soit  3  331  €, fera une trésorerie
finale prévisionnelle de  5  222  +  3  331  =  8  553  € au
bilan de la deuxième année.

Figure 11-3 Représentation synoptique des flux prévisionnels de


trésorerie (arrondis)

Nous pouvons dresser le bilan prévisionnel (encore


une occasion de tester vos connaissances).
Figure 11-4 Bilan prévisionnel à la fin de la deuxième année (arrondi)

Nous pouvons aussi bâtir le bilan financier


prévisionnel de la deuxième année.

Les ressources financières sont constituées des


dettes financières à long terme (13  097  €) et des
capitaux propres (34  287  € + résultat de  10  529  €
= 44 816 €).

Les ressources financières sont de  :


13 097 + 44 816 = 57 913 €.

Ces ressources sont employées pour financer l’actif


immobilisé net comprenant les aménagements  :
6 400 € (après un amortissement cumulé de 1 600 €
sur deux années), le droit au bail  : 30  000  € et le
besoin en fonds de roulement qui a progressé
de 20 % soit, 10 800 × 1,2 = 12 960 €

Les besoins financiers sont de  :


6 400 + 30 000+ 12 960 = 49 360 €

La position de trésorerie est positive, soit 57 913 –


 49 360 = 8 553 €

Figure 11-5 Bilan financier prévu à la fin de la 2e année (arrondis)

Nous observons que les capitaux propres couvrent


entièrement l’actif immobilisé.

Le bilan financier est passé du modèle classique à


BFR positif en première année à un modèle «  fat
cash » en deuxième année (cf. chapitre 4).
En effet, la position de trésorerie devient
importante et doit être utilisée ultérieurement pour
financer le développement de l’entreprise, comme
l’ouverture d’un deuxième magasin.

Calculons enfin la création de valeur au cours de la


deuxième année.

Nous allons garder la même hypothèse  : les


associés souhaitent obtenir une rémunération de
leurs capitaux investis de 12 %.

Mais au début du  2e exercice, les capitaux investis


par les associés sont de  34  287  € puisqu’ils ont
décidé de ne pas payer de dividendes.

En effet, le résultat net de la première année,


soit  6  287  €, a été réinvesti dans l’entreprise
portant le montant de capitaux propres
de 28 000 à 28 000 + 6 287 = 34 287 €.

Au contraire, la dette bancaire a été partiellement


remboursée et donc le montant investi par la
banque n’est plus que de 17 044 €.

Les capitaux propres sont donc : CP = 34 287 €

La dette bancaire long terme est : DLT = 17 044 €

Le total des capitaux investis au début de la  2e


année est : 34 287 + 17 044 = 51 331 €
Le taux de rémunération attendue par les associés
est de 12 %.

Le taux de la dette long terme après impôt est


de 4,25 %.

Ceci nous permet de calculer le WACC (coût moyen


pondéré du capital investi) :

WACC =  34  287/51  331  ×  12  %


+ 17 044/51 331 × 4,25 % = 9,43 % (arrondi)

Le WACC a augmenté par rapport à la première


année du fait de l’accroissement des fonds propres
simultanément avec la baisse de la dette bancaire.

Le coût annuel des capitaux investis est donc


de 51 331 × 9,43 % = 4 838,81 €

Dans le même temps, le profit opérationnel réel


après impôt (NOPAT) est de  : 13  150  × (1  –  15  %)
= 11 177,50 €

Le montant de valeur créée est de  : NOPAT  –  coût


annuel des capitaux investis  : 11  177,50  –
 4 838,81 = 6 338,69 €

Voir la figure 11-6 ci-contre :
Figure 11-6 Création de valeur au cours de la 2e année (arrondi)

Analysons cela dans le chapitre 14 : « Que faire du


surplus de cash généré par mon entreprise ? »
Retenez l’essentiel

• La performance financière, amplifiée par


l’effet de levier, est la conséquence de la
performance opérationnelle.

• La capacité de l’entreprise à générer de la


trésorerie (cash flow) est aussi un indicateur
dominant de l’efficacité du management de
l’entreprise.

• Le cash flow disponible (free cash flow)


résulte de l’écart entre le rendement des
capitaux employés (ROCE) et leur taux de
croissance (WAGU).

• Le surplus de trésorerie valorisable


(investable cash surplus) se calcule par l’écart
entre la performance opérationnelle (ROCE)
impactée (par le remboursement des dettes
bancaires et la distribution des dividendes)
et le taux de croissance des capitaux
employés.

• La création de valeur est aussi un


indicateur important pouvant constituer un
objectif pour les actionnaires d’une
entreprise.
DANS CE CHAPITRE
Différentes façons d’augmenter le capital

Différentes raisons de diminuer le capital

Cas pratique

Chapitre 12
Le financement du haut de
bilan par capitaux propres
N ous avons déjà vu (cf. chapitre 2) comment une
société, à sa création, bénéficiait du capital initial
apporté par ses créateurs et inscrit en haut du
passif du bilan. Au cours de son développement,
l’entreprise peut avoir besoin d’apports nouveaux
provenant de ses actionnaires initiaux ou de
nouveaux actionnaires, dans des conditions
variables, tenant compte des avantages acquis par
les premiers. On verra également dans quelles
conditions des réductions de capital peuvent
également avoir lieu comme préalables à des
recapitalisations.

Nous analyserons d’abord le cas le plus classique de


l’augmentation de capital en numéraire, c’est-à-
dire par apport d’argent liquide, puis par
incorporation de réserves, c’est-à-dire sans
apports nouveaux mais pour remercier les
actionnaires de leur fidélité et souvent comme
préalable à une augmentation en numéraire.
L’augmentation de capital peut également être
utilisée pour financer des prises de participation
dans d’autres sociétés. On dira également quelques
mots à la fin sur les opérations de rachat d’actions,
préliminaires à des réductions de capital, destinées
à renforcer le pouvoir de certains et à remercier
certains dirigeants.

L’augmentation de capital
Il existe deux façons d’augmenter le capital  :
l’augmentation par apports en numéraire (ou en
nature) et l’augmentation de capital par
incorporation de réserves.
Augmentation par apports en
numéraire (ou en nature)
Aspect financier
L’augmentation de capital est utilisée dans trois
cas :

• pour trouver (« lever ») de nouveaux


capitaux nécessaires au financement de la
croissance interne ou externe ;

• pour introduire un nouvel actionnaire entrant


pour financer la croissance. Ce nouvel
actionnaire peut être une société de capital-
risque ;

• pour prendre le contrôle, avec l’accord des


actionnaires, d’une entreprise en difficulté ;
dans ce cas il y a souvent une opération dite du
« coup d’accordéon » (voir plus bas).

Aspect juridique
Le droit s’efforce de protéger les anciens
actionnaires par deux moyens :

• nécessité d’une assemblée générale


extraordinaire (AGE) pour décider de
l’augmentation de capital, disposant d’une
minorité de blocage (avec un tiers des voix en
SA) ;

• existence d’un droit préférentiel de


souscription (DPS) pour les anciens
actionnaires. La renonciation à ce droit exige
un vote spécial et une intervention du
commissaire aux comptes. Ce droit est
négociable.

Aspects comptables et techniques


L’action nouvelle doit être identique aux anciennes,
c’est-à-dire avoir la même valeur nominale, pour,
ultérieurement, lui conférer les mêmes droits (de
vote et aux dividendes). Cependant, l’action a pu
prendre de la valeur (du fait notamment des
bénéfices mis en réserves) et les nouvelles actions
sont donc généralement émises avec une prime
d’émission (complément par rapport au nominal)
qui correspond, pour le nouvel actionnaire, au
paiement d’un « droit d’entrée » correspondant au
droit qu’il acquiert sur les réserves.

Une société au capital de  1  000  000  €, représenté


par  10  000  actions de  100  € et ayant des réserves
s’élevant à 800 000 €, décide une augmentation de
capital par création de 5 000 actions (également au
nominal de  100  €). La valeur de l’action avant
augmentation du capital est estimée à 250 € (cours
moyen boursier si elle est cotée en Bourse ou suite
à une évaluation d’expert). Cependant, il est décidé
d’émettre les nouvelles actions à un prix de  180  €.
La prime d’émission sera donc fixée à  80  € par
action.

La souscription se réalisera ainsi :

Figure 12-1 Traduction comptable

Le poste «  Prime d’émission  » figure dans les


capitaux propres, sur une ligne distincte au-dessus
des lignes affectées aux réserves.

On voit donc que le bilan est équilibré  : le compte


«  Banque  » à l’actif, augmente du montant reçu,
soit 900 000 €. En contrepartie, le passif augmente
de 500  000  € à la ligne «  Capital  » et de la
différence  400  000  € à la ligne appelée «  Prime
d’émission », juste sous la ligne « Capital ».

La vraie question est pourquoi 180 € ? En fait, il y a


liberté entre un minimum, qui est la valeur
nominale (ici  100  €), et la valeur boursière (pour
une société cotée), car personne ne souscrirait à un
prix supérieur à  250  €, puisqu’à ce prix on peut
acheter les actions à la Bourse, qui est en quelque
sorte le marché des titres d’occasion !

Seulement il y a un problème  : plus le prix est


proche de la valeur nominale, plus il faudrait créer
d’actions pour que l’entreprise obtienne le montant
d’argent dont elle a besoin. En revanche, comme
les actionnaires anciens ont un droit prioritaire de
souscrire au prorata du nombre de titres anciens
qu’ils possèdent, dans notre cas, comme il est
créé 5 000 actions nouvelles pour 10 000 anciennes,
soit une nouvelle pour deux anciennes, un
actionnaire ancien (appelons-le Lambda) détenant
deux actions peut souscrire à une nouvelle action
pour le prix de 180 €.

Son patrimoine initial est composé de deux actions


valant 250 € plus  180 € en liquide pour souscrire à
une nouvelle action, soit un total de  680  €. Après
l’augmentation de capital la valeur théorique de la
société est de  10  000  ×  250  € +  5  000 ×  180  €
soit  3  400  000  € ou
encore 3 400 000/15 000 = 226,67 € par action.

Lambda a alors un patrimoine composé de trois


actions évalué à 3 × 226,67 € soit 680 €. Il n’a donc
rien perdu. Mais s’il ne souscrit pas, il perd alors
par action possédée  250  €  –  226,67  € soit  23,33  €
par action. C’est donc sur la base de ce montant
qu’il doit vendre à un nouvel actionnaire son droit
préférentiel de souscription appelé DPS. En effet,
s’il vend pour  23,33  € ses deux droits préférentiels
de souscription, après l’augmentation de capital,
son patrimoine sera composé de deux actions
valant 226,67 € × 2 soit  453,34 € auquel s’ajoutent
les  180  € disponibles et  2  ×  23,33  € résultant de la
vente des droits préférentiels, soit un total
de  680  €. Cela explique que pendant toute la
période de souscription à l’augmentation de capital,
les droits préférentiels de souscription font
également l’objet d’une cotation en Bourse.

En conclusion, on voit bien que plus le prix est bas


par rapport à la valeur boursière, plus le DPS est
élevé, plus le prix se rapproche de la valeur
boursière, plus le DPS est faible. Ce sont
évidemment des éléments qui sont pris en
considération par les directions financières au
moment du choix du prix demandé.

Nous n’avons traité ici que le cas d’apport en


numéraire. Le mécanisme est le même s’il s’agit
d’un apport en nature, c’est-à-dire que le
souscripteur n’apporte pas d’argent liquide mais,
par exemple, des immobilisations, qu’elles soient
incorporelles (par exemple, une marque, un fonds
de commerce, etc.) corporelles (par exemple, du
matériel, une usine, etc.) ou financières (par
exemple, des titres d’une société).

Augmentation de capital par


incorporation de réserves
Aspect financier
Cette augmentation de capital a une particularité,
elle n’apporte pas d’argent frais à la société.

Il s’agit en effet d’une écriture comptable


consistant à effectuer un virement depuis des
comptes de réserves (parties des bénéfices des
années antérieures n’ayant pas fait l’objet de
distribution de dividendes), ou d’autres comptes de
capitaux propres comme le compte «  Primes
d’émission  ». Cette écriture ne modifie en rien le
montant total des capitaux propres !

Aspect juridique
L’augmentation de capital par incorporation de
réserves nécessite une décision prise en assemblée
générale extraordinaire. Même s’il est possible de
réaliser cette opération par une augmentation de la
valeur nominale des actions, le plus courant est de
créer des actions nouvelles de même valeur
nominale que les anciennes, ce qui nécessite de
déterminer le nombre d’actions anciennes à détenir
pour bénéficier d’une action gratuite.

La société Touvabien, au capital de  1  000  000  €


(10 000 actions de 100 €) et disposant de 800 000 €
de réserves au passif de son bilan, décide de
virer  500  000  € de ses comptes de réserves pour
augmenter de ce montant son compte « Capital ».

Chaque actionnaire recevra un droit d’attribution


par action ancienne et le rapport nombre d’actions
anciennes/nombre d’actions créées déterminera le
nombre de droits nécessaires pour obtenir une
action nouvelle. Ces droits d’attribution sont
négociables.
Comme il est créé  5  000  actions nouvelles d’une
valeur nominale de 100  € pour  10  000  actions
anciennes, il faudra deux droits d’attribution pour
obtenir une action nouvelle gratuite.

Étudions le cas de M. Joyeux qui possède sept


actions et désire obtenir le maximum d’actions
gratuites. Pour simplifier, faisons l’hypothèse que
la société est évaluée à sa valeur comptable, c’est-
à-dire finalement la valeur des capitaux propres.
On voit ainsi que le virement de  500  000  € des
comptes de réserves vers le compte « Capital » ne
modifie pas le total des capitaux propres. La valeur
de l’entreprise n’est pas changée. Mais comme elle
va être représentée par un nombre d’actions plus
grand, la valeur de l’action va diminuer.

Le propriétaire de deux actions qui valaient  180  €


aura droit à une action gratuite. Ainsi, il aura au
total trois actions valant  120  €. On peut constater
que 2 × 180 = 3 × 120 = 360 !
Donc le prix normal du droit d’attribution devant
correspondre à la perte de valeur de l’action dont le
propriétaire n’utiliserait pas pour lui ce droit,
devrait être 180 – 120 = 60 €.

Si nous revenons au cas de Monsieur Joyeux qui


possède sept actions, il peut utiliser six droits pour
obtenir trois actions gratuites et comme il lui
manque un droit pour pouvoir obtenir une
quatrième action gratuite, soit il achète un droit sur
la base de  60  € pour obtenir une action gratuite,
soit il vend le droit qu’il n’utilise pas et récupère
théoriquement 60 € en liquide.

Supposons qu’il achète un droit d’attribution


supplémentaire.

Si M. Joyeux avait cédé son droit, il aurait dix


actions valant 120 €, soit 1 200 € et 60 € en liquide
pour avoir vendu un droit, soit au total  1  260  €.
Cette opération ne rend en théorie l’actionnaire ni
plus riche ni plus pauvre. Voyons donc pourquoi la
société est amenée à faire cette opération.
Quel est l’impact de l’opération dans les comtes de
l’entreprise ?

Figure 12-2 Impact sur le passif du bilan de l’entreprise

Pour certaines sociétés cotées dont le titre est


estimé trop élevé et pouvant constituer un frein
pour les transactions, en particulier en dissuadant
les petits actionnaires, l’augmentation de capital
par émissions gratuites permet d’alléger les cours
et ainsi d’accroître la liquidité en multipliant les
transactions, considérées également souvent
comme un facteur d’augmentation des cours en
Bourse. Finalement, l’actionnaire reçoit sous la
forme d’une action gratuite le remplacement de
dividendes qu’il n’a pas reçu dans le passé, puisque
les réserves sont des parties de bénéfices anciens
qui n’ont pas donné lieu à distribution de
dividendes. En cas de besoin, l’actionnaire peut
immédiatement revendre en Bourse au prix de
marché cette action qu’il a reçue gratuitement. On
peut donc dire que l’augmentation de capital par
incorporation de réserves fait partie de la politique
de l’entreprise à l’égard des actionnaires pour
remercier de leur fidélité à son égard, ce qui peut
les encourager à souscrire ensuite à une
augmentation de capital en numéraire pour laquelle
les actions gratuites ont les mêmes droits que les
autres actions en matière de droits préférentiels de
souscription.

La diminution de capital
Il existe de nombreuses circonstances amenant à
des décisions de diminution de capital, certaines
quand l’entreprise est en difficulté, d’autres au
contraire sont liées à des stratégies particulières.
Commençons par la plus classique, quand
l’entreprise va mal, ayant accumulé des pertes au
cours de plusieurs exercices.

Diminution de capital en cas


de perte
Reprenons le cas de la société Touvabien, vu
précédemment. À la fin de l’année N, au cours de
laquelle elle avait augmenté son capital, ses
comptes laissent apparaître pour la première fois
une perte de  100  000  €. L’assemblée générale
ordinaire (AGO) réunie le  25  mai N +  1  a décidé
d’effectuer un report à nouveau de cette perte. Cela
signifie que, si l’an d’après il y a un bénéfice, il
servira à compenser tout ou partie de cette perte.

Figure 12-3 Impact sur le passif du bilan de la société Touvabien

On voit dans la figure 12-3 que les capitaux propres


ont diminué de  100  000  €, la perte étant
évidemment un résultat négatif, diminuant la
valeur comptable de l’entreprise. Si à la fin de
l’année N +  1  il y a encore une perte, ce sera à
nouveau une diminution de capitaux propres. Si
c’est un bénéfice, il pourra compenser la perte
inscrite en report à nouveau négatif.

Le vrai problème arrive quand le cumul des pertes


finit par rendre le total des capitaux propres
inférieur à la moitié du capital social. Ce serait le
cas pour la société Touvabien, si le total des
capitaux propres devenait inférieur à 750 000 €.

Voyons, par exemple, la situation de la société à la


fin de l’année N + 2 :

Figure 12-4 Bilan de la société Touvabien à N + 2

Dans ce cas, il faut que dans les quatre mois qui


suivent l’assemblée générale ordinaire
d’approbation des comptes de l’exercice déficitaire
les associés ou actionnaires décident en assemblée
générale extraordinaire (AGE) de dissoudre tout de
suite la société ou de poursuivre l’activité sociale
malgré les pertes. Dans ce cas, la situation doit être
régularisée au plus tard à la clôture du deuxième
exercice suivant celui au cours duquel les pertes ont
été constatées. Plusieurs possibilités peuvent alors
se présenter :
• l’entreprise redevient bénéficiaire et les
capitaux propres se redéveloppent ;

• les actionnaires ou associés décident une


réduction de capital par compensation avec les
reports à nouveau négatifs et pertes de
l’exercice, sans que le montant de celui-ci
puisse être inférieur au minimum légal
(37 000 € pour les sociétés anonymes ou
même 225 000 € s’il y a appel public à
l’épargne). Ce n’est souvent pas possible sans
de nouveaux apports ensuite pour renflouer la
société (cf. ci-dessous le « coup
d’accordéon »).

Le « coup d’accordéon »
Cette technique consiste à apurer le bilan d’une
entreprise en difficulté par deux opérations
successives  : réduction de capital par imputation
des pertes sur ce capital puis augmentation de
capital par apports nouveaux.

Financièrement
La réduction de capital n’a pas d’impact (simple jeu
d’écritures comptables), alors que l’augmentation
de capital apporte, elle, des capitaux nouveaux
susceptibles de participer au redressement de
l’entreprise.

Fiscalement
Les pertes antérieures peuvent toujours être
déduites des bénéfices à venir. L’opération peut
donc être considérée comme fiscalement neutre.

Juridiquement
L’opération est soumise à une AGE qui décide des
deux opérations, la réduction de capital pouvant
être réalisée sous condition qu’une augmentation la
suive immédiatement.

Économiquement
Le coup d’accordéon, assez fréquent, se réalise
dans deux types de situations.

• Entreprise ayant accumulé des pertes et dont


les capitaux propres sont devenus inférieurs à
la moitié du capital social. Si les pertes
accumulées sont considérées comme non
récurrentes, les actionnaires sont amenés à
régulariser la situation juridique en apportant
les capitaux nécessaires à la poursuite de
l’activité ; le « coup d’accordéon » est alors la
solution classique.

• Entreprise en difficulté refinancée par un


nouvel actionnaire ayant le plus souvent un
profil de repreneur. Dans ce cas, celui-ci ne
souhaite, évidemment, pas assumer les pertes
antérieures et demande que préalablement à
son entrée (par augmentation de capital) les
pertes antérieures soient apurées. Dans ce cas,
l’AGE doit également voter une renonciation
au droit préférentiel de souscription pour
permettre l’arrivée du nouvel actionnaire.

Comptablement
L’enregistrement comptable ne présente pas de
difficultés.

Voici la société Jespèretout, qui se trouve en


difficulté et dont le bilan se présente ainsi :
Figure 12-5 Bilan de la société Jespèretout

La poursuite de l’activité nécessite l’injection


de 50  M€ de trésorerie qu’un actionnaire extérieur
est prêt à apporter.

Si l’entrée du nouvel actionnaire se fait


directement, il détiendra un tiers des actions et, si
l’on évalue l’entreprise à sa valeur comptable, sa
participation représentera :

1/3 (100 – 80 + 50) = 23,33 M€

Il aura donc immédiatement perdu  50  –


  23,33  =  26,67  M€ qui auront été gagnés par les
anciens actionnaires dont les actions vaudront :

2/3  (100  –  80  +  50) =  46,66  M€, contre  20  M€


antérieurement.

On voit qu’aucun actionnaire n’acceptera de rentrer


au capital dans ces conditions.
En revanche, si l’on réalise un coup d’accordéon :

1er temps : réduction de capital


Le report à nouveau négatif de  80  M€ est ramené
à  0  par une réduction de capital équivalente. La
valeur nominale des actions est ramenée de  100  €
à 20 €.

2e temps : augmentation de capital


L’apport de  50  M€ conduit à la création
de 2,5 millions d’actions de 20 €

remises au nouvel actionnaire, qui détient dès lors

Nouveau capital =  3,5  millions d’actions de  20  €


= 70 M€

Réductions de capital comme


stratégies d’augmentation du
cours boursier
Contribuer à faire augmenter le cours boursier de
leur société cotée fait souvent partie des objectifs
assignés aux dirigeants des grandes sociétés. C’est
en partie pour cela que ces dernières années de
nombreux dirigeants ont bénéficié de stock options,
c’est-à-dire la possibilité au bout d’un certain
temps d’avoir des actions de l’entreprise à un prix
fixé à l’avance. Ils ont donc tout intérêt à
contribuer à faire hausser le cours de Bourse afin de
revendre à un bon prix, au moins deux ans après
qu’elles leur ont été attribuées, ces actions payées
très peu cher. Tout cela a été justifié par la théorie
de l’agence qui voit ainsi que les dirigeants seront
amenés à prendre des décisions dans l’intérêt des
actionnaires.

Prenons un exemple très simplifié  : la société


Embonpoint, cotée en Bourse, a un capital
de 1 000 000 € divisé en 100 000 actions de 10 € de
valeur nominale dont le cours est en moyenne
de 50 €.

L’assemblée générale ordinaire a voté la possibilité


de racheter en Bourse jusqu’à 10  % (maximum
légal) du capital dans un délai de 18 mois.
Figure 12-6 Éléments du bilan avant l’opération

Elle a réussi à racheter  10  000  actions à un prix


moyen de  50  € l’unité et a donc déboursé au
total  10  000  ×  50  =  500  000  €. Au cas où sa
trésorerie aurait été insuffisante, elle aurait pu faire
appel à l’emprunt à des taux relativement bas
depuis quelques années. L’actif a donc baissé
de 500 000 au niveau de la trésorerie et a augmenté
de  500  000  sur une ligne intitulée «  Actions
propres  ». Elle détient donc à l’actif une partie de
ses actions !

Ensuite, une assemblée générale extraordinaire


(AGE) vote une réduction de capital par annulation
de ses propres actions rachetées.
Figure 12-7 Éléments de bilan après la réduction de capital

Quels ont été les effets de cette opération (appelée


buy back en anglais)  ? Monsieur Legras, qui est le
principal actionnaire avec  30  000  actions, n’en a
évidemment pas vendu une seule. Son pourcentage
était de 30 000/100 000 soit 30 %.

Maintenant, il en a  30  000/90  000  soit  1/3  ou


encore 33,33 %, c’est-à-dire la minorité de blocage
dans les assemblées générales extraordinaires
(AGE).

Par ailleurs, le bénéfice par action (BPA) (Earnings


Per Share  : EPS en anglais) était égal à
résultat/nombre d’actions
soit  600 000/100  000  =  6 €. Maintenant il est égal
à  600  000/90  000  =  6,66  €, soit en augmentation
de plus de  10  %. Cela ne peut que satisfaire les
actionnaires qui restent, au point de les encourager
à recommencer l’expérience, y compris en
empruntant pour financer les rachats, c’est déjà
arrivé. Où est le problème ?

Nous avons vu (cf. chapitre 5) que l’utilisation de la


dette, sous conditions, pouvait améliorer le taux de
rentabilité financière de la société, lui-même
pouvant contribuer à augmenter le cours de l’action
et donc l’avantage des stock options. Mais attention
à l’accroissement du risque dû à plusieurs facteurs :
l’endettement, le report d’investissements qui
auraient été utiles et donc une vision à court terme
au détriment de l’avenir de l’entreprise.

Cas pratique : société


Toujourplus

Augmentation de capital
selon plusieurs hypothèses
La société Toujourplus a un capital de  1  000  000  €
correspondant à  10  000  actions de  100  € de valeur
nominale. Au  31/12/N, ses capitaux propres sont
ainsi composés :

Capital : 1 000 000 €

Réserves : 2 500 000 €
Pour faire face à son développement, elle envisage
de procéder à une augmentation de capital par la
création de 5 000 actions nouvelles.

Trois modalités sont envisagées :

❶ émission à 350 € (prime d’émission de 250) ;

❷ émission à 100 € par action nouvelle sans


prime d’émission ;

❸ émission à 400 € (le cours boursier moyen des


derniers mois étant égal à 450 €).

On supposera, que pour les deux premières


modalités la valeur de l’action est égale à sa valeur
comptable.

Question
Étudier les trois modalités, leur fondement, leur
intérêt pour l’actionnaire ancien, leur intérêt pour
l’actionnaire nouveau, leur intérêt pour
l’entreprise.

Les hypothèses

Premier cas
Émission à 350 € avec prime d’émission
de 250
• Les capitaux propres étant égaux
à 3 500 000 € pour 10 000 actions, cela signifie
que la valeur comptable d’une action est égale
à 350 €. Cela signifie que les bénéfices
antérieurs non distribués se montent à 250 €
par action. Le nouvel actionnaire, qui
ultérieurement ne sera plus distingué de
l’ancien, doit normalement payer un « droit
d’entrée » appelé prime d’émission. Mais
comme l’émission se fait à 350 €, la valeur
théorique de l’action avant augmentation du
capital et la valeur après devraient être les
mêmes.

• L’entreprise perçoit : 5 000 × 350 €


= 1 750 000 €.

• Valeur théorique de l’action avant


l’augmentation de capital :

• Valeur théorique de l’action après :


Donc, dans ce cas particulier, la valeur théorique du
droit préférentiel de souscription est égale à  0,
puisque l’actionnaire ancien ne perd rien s’il ne
souscrit pas.

Deuxième cas
Émission à 100 € (sans prime d’émission)
L’entreprise encaissera 500 000 €.

Dans ce cas, l’actionnaire ancien qui ne souscrit pas


va voir ses actions perdre de la valeur qu’il faudra
compenser en vendant ses droits préférentiels de
souscription.

Valeur théorique de l’action ancienne =

= 350 €

Valeur théorique de l’action après =

= 266,67 €

Puisqu’il y a  10  000  actions et que l’on en


crée  5  000, il faut deux droits préférentiels de
souscription pour pouvoir souscrire à une action
nouvelle. L’ancien actionnaire (supposé détenteur
de deux actions) peut soit décider de souscrire, soit
céder ses droits de souscription qui valent la
différence de valeur entre l’action avant et
après 350 – 266,67 = 83,33 €.

• S’il souscrit :

Avant, il a :

Après, il a : 3 actions = 3 × 266,67 = 800

• S’il cède ses droits pour 83,33 € pièce :

Avant, il a : 2 actions = 2 × 350 = 700

Après, il a :

Pour le nouvel actionnaire :

Là encore, il n’y a théoriquement ni gagnant ni


perdant !

Troisième cas

Émission à 400 €
Chaque action est cotée en Bourse  50  € au-dessus
du prix de cession des nouvelles actions.

La prime d’émission est de 400 – 100 = 300 € et le


droit préférentiel de souscription peut être vendu
en Bourse, où il est coté pendant toute la période de
souscription à l’augmentation de capital.

Cas de l’ancien actionnaire

• S’il souscrit :

Avant, il a :

En théorie la valeur moyenne de l’action après


l’augmentation de capital devrait donc être de
l’ordre de :

Après, il a : 3 actions = 3 × 433,33 = 1 300

• S’il cède ses droits pour 450 –


 433,33 = 16,67 € pièce :

Avant, il a :
Après, il a :

Cas du nouvel actionnaire

Là encore, il n’y a théoriquement ni gagnant ni


perdant !
Retenez l’essentiel

• L’augmentation de capital permet de


« lever » de nouveaux capitaux.

• Ces nouveaux capitaux sont destinés à


financer la croissance, à introduire un
nouveau partenaire ou à assainir une
situation très déficitaire («  coup
d’accordéon »).

• Mais une augmentation de capital peut


aussi se faire par incorporation de réserves,
qui dans ce cas, n’apporte pas d’argent frais
et reste une opération « cosmétique ».

• Une diminution de capital permet


d’absorber une perte mais peut être aussi
une stratégie de renforcement du cours
boursier.
DANS CE CHAPITRE
L’emprunt bancaire classique

L’emprunt obligataire

Le crédit-bail

Les financements hybrides

Le financement participatif

Chapitre 13
Le financement du haut de
bilan par capitaux externes
C omme vous pouvez vous en douter, dès que l’on
parle d’emprunt et de taux d’intérêt, on parle de
chiffres et de formules de calcul qui sont en général
démontrées dans les ouvrages de finance et de
mathématiques financières. On fait la différence
entre intérêt simple et intérêt composé et
remboursement des emprunts par mensualités ou
annuités constantes, comprenant à la fois des
intérêts et du remboursement de dette dont les
montants varient à chaque échéance, ou par
amortissement constant, c’est-à-dire ayant à
chaque fois le même montant de remboursement
de la dette plus des intérêts. Sans oublier aussi,
l’emprunt in fine qui est remboursé d’un seul coup
à son échéance, alors que les intérêts sont payés
mensuellement. Nous allons donc expliquer
l’essentiel, les calculs étant maintenant facilement
réalisés par des tableurs de type Excel ou des
logiciels équivalents.

Les petits emprunteurs sont plus sensibles au


montant total et constant qu’ils auront à payer à
chaque échéance, qu’au taux lui-même dont ils ne
maîtrisent pas toujours le mode de calcul.
Comment faire la différence entre taux mensuel,
taux semestriel, taux annuel, taux fixe, taux
variable, taux équivalent, taux effectif global, etc.?
Prenons un exemple  : recherchons sur Internet un
emprunt de 100 000 € remboursable en dix ans par
mensualités constantes, au taux annuel de  4  %.
Immédiatement, on vous dit  : montant mensuel à
payer =  1  012,45  €, comprenant les intérêts courus
plus une partie de remboursement du capital. On
voit donc que dans cette méthode très usuelle le
montant de l’intérêt à payer mensuellement est
décroissant puisque, chaque mois, il reste un
montant d’emprunt à rembourser plus petit. Et la
part correspondant au remboursement est
croissante puisque le total des deux est par
définition constant.

Les modes de financement à long et moyen terme


évoluent beaucoup pour les entreprises, en
particulier depuis la crise financière de  2008. Les
grandes entreprises se tournent de moins en moins
vers leurs banques pour se financer. Cette évolution
est particulièrement marquée au sein des cent vingt
plus grandes sociétés cotées (SBF  120) et encore
beaucoup plus chez les entreprises du CAC-40, qui
ont massivement accès aux marchés obligataires.
Le développement des financements de marchés est
en particulier la conséquence de la volonté des
grandes entreprises de diversifier au maximum
leurs sources de financement pour échapper à
d’éventuelles crises du système bancaire. Cette
évolution a été favorisée par la baisse importante
des taux dans des proportions rarement vues
auparavant. On assiste également au
développement de financements hybrides.

L’emprunt bancaire classique


L’emprunt classique est accordé par un
établissement financier, sur des durées variables
(on parle de maturité) mais qui sont rarement
supérieures à 5 ou 7 ans. De nombreuses modalités
peuvent exister, par exemple pas de
remboursement de capital pendant les deux
premières années (seulement paiement des
intérêts), étalement dans le temps des recours à
l’emprunt, les intérêts n’étant dus que sur la partie
effectivement utilisée, taux fixe ou taux variable,
etc.

Prenons à titre d’exemple, et pour faire simple, un


emprunt de  1  000  000  € remboursable en dix ans
par annuités constantes au taux annuel de 5 %.

On voit bien que le montant de l’intérêt annuel est


égal à  5  % de la somme restant due à la fin de
l’année précédente.

• À la fin de la première année le montant de


l’intérêt est égal à 1 000 000 × 0,05 = 50 000.

• À la fin de la deuxième année, son montant


est égal à 920 495 × 0,05 = 46 025.

• À la fin de la troisième année, le total de


l’intérêt est égal à 837 016 × 0,05 = 41 851, etc.

Figure 13-1 Tableau d’amortissement

On constate bien que l’annuité est constante avec


un intérêt décroissant et un remboursement de
l’emprunt qui est croissant.

Voyons rapidement comment tout cela est


enregistré en comptabilité  : au moment de
l’emprunt, s’il est libéré en totalité le  1er janvier,
date de début de l’exercice, la trésorerie
reçoit  1  000  000  € à l’actif. En contrepartie, les
dettes financières augmentent de  1  000  000  € au
passif.

La première échéance, supposée le  31  décembre, le


prélèvement en trésorerie est égal à 129 505 €, dont
la contrepartie est une diminution de dette au
passif de 79 505 € et un accroissement des charges
financières dans le compte de résultat de 50 000 €.

Figure 13-2 Représentation comptable

Si l’échéance annuelle avait lieu en cours d’année,


par exemple le  30  juin, il faudrait chaque année
calculer le montant de l’intérêt payable l’année
suivante mais couru l’année précédente. Par
exemple, si l’emprunt avait eu lieu au milieu de
l’année 1 (le 1er juillet) avec une première échéance
le  1er juillet de l’année  2, la moitié des intérêts,
soit  25  000  €, serait inscrite dans les charges
financières de l’année  1  avec comme contrepartie
un accroissement des dettes financières (sous-
rubrique «  Intérêts courus et non échus  »). Au
passif du bilan de l’année  1, la dette financière
serait donc égale
à 1 000 000 + 25 000 = 1 025 000 €.

L’emprunt obligataire
On appelle emprunt obligataire un emprunt émis
sous forme de titres appelés obligations, qui ne
sont plus, comme autrefois sous forme de titres
froissables en papier, mais sont complètement
dématérialisés (comme les actions).

Un emprunt de 100 000 000 € peut être décomposé


en  100  000  titres qualifiés de coupures ou
d’obligations. L’émission peut se faire à la valeur
nominale, soit 1  000  € (qu’on appelle le pair) par
coupure. Elle peut également se faire au-dessus du
pair (supérieure à  1  000  €) ou au-dessous du pair
(inférieure à 1 000 €).

Sauf cas particuliers, l’emprunt obligataire est


utilisé surtout par de très grandes sociétés cotées
en Bourse, avec des possibilités de délais de
remboursement souvent bien supérieures à celles
des emprunts bancaires classiques.
Les obligations étant cotées en Bourse, le porteur,
en cas de besoins de trésorerie, peut revendre ses
titres à tout moment. Le cours est évidemment
variable. En particulier, comme en général son taux
d’intérêt est fixe, le cours baisse si la tendance des
taux est à la hausse (supérieure au taux de
l’obligation) ou, au contraire, le cours monte si les
taux d’intérêt ont tendance à baisser (inférieurs au
taux de l’obligation). Mais, évidemment, quand on
se rapproche de la date de remboursement le cours
se rapproche inexorablement de la valeur de
remboursement.

Concrètement, toutes les émissions obligataires se


réalisent avec le concours des banques qui
conseillent sur les conditions de l’émission (taux,
modalités) et placent les titres notamment auprès
de leur clientèle. Cette fonction bancaire génère,
pour l’entreprise, des commissions qui doivent être
comptabilisées en charges mais peuvent être
étalées donc amorties sur plusieurs exercices.

Cela revient à diminuer la charge de l’exercice


l’année du lancement de l’emprunt en mettant le
montant des commissions à l’actif du bilan, au lieu
de les mettre dans les charges. Elles seront ensuite
amorties sur plusieurs années.
Cet amortissement peut être fait sur une durée
brève (3 à 5 ans) ou sur la durée de l’emprunt.

Le remboursement de l’emprunt peut se faire de


différentes façons  : on peut concevoir une date de
remboursement (on dit amortissement) en totalité
à une échéance déterminée contractuellement. On
peut aussi avoir un remboursement en plusieurs
échéances (le contrat a dû prévoir de déterminer
quels titres étaient à rembourser et à quel
moment).
Figure 13-3 Bilan et compte de résultat

Le crédit-bail
Le crédit-bail est un moyen alternatif de
financement du haut de bilan. C’est un contrat par
lequel une entreprise devient locataire d’un bien
(par exemple, un véhicule, une machine)  : le bien
est mis immédiatement à la disposition de
l’entreprise et celle-ci s’engage à payer des loyers
de crédit-bail. Au bout d’une période définie dans
le contrat, l’entreprise a le droit d’acheter le bien
d’occasion à un prix déterminé à l’avance, mais elle
n’en a pas l’obligation.

Les loyers sont des charges fiscalement déductibles


et le montant payé anticipe en général sur la
dépréciation économique du bien, ce qui permet de
proposer au locataire un prix de reprise qui est pour
lui intéressant. En général, il accepte car le prix
prévu est plutôt inférieur au prix de marché (si
celui-ci existe), l’entreprise financière propriétaire
du bien n’ayant pas vocation à gérer des
immobilisations d’occasion qui ne correspondent
pas vraiment à son cœur de métier !

Dans les comptes français, le crédit-bail est


comptabilisé comme un loyer. L’annexe aux
comptes doit donner des informations
complémentaires sur les immobilisations
correspondantes (valeur brute, dotations,
amortissement) et les redevances à verser. Sans ces
informations, un lecteur des comptes ne pourrait se
faire une opinion juste sur le niveau de dettes de
l’entreprise, le crédit-bail ne figurant pas au passif.

Dans les comptes américains, en vertu du principe


substance over form, le crédit-bail est comptabilisé
comme une immobilisation financée par emprunt.
Dans les comptes consolidés aux normes IAS-IFRS,
la présentation est semblable à la méthode
américaine.
Le coin du globe-trotter : la finance islamique

Il existe dans le monde plusieurs pays qui n’appliquent pas la


finance dite «  conventionnelle  » mais une autre finance
appelée « islamique ».

Cette dernière est un des chapitres de la loi islamique


appelée « charia ». Les personnes de religion musulmane en
suivant les préceptes doivent en particulier placer leurs
avoirs dans des banques «  islamiques  », c’est-à-dire qui
appliquent la finance islamique.

On estime que le montant des actifs sous gestion serait de


l’ordre de 4 000 milliards de dollars en 2020.

Un des points importants de la finance islamique est


l’interdiction de rémunérer un prêteur par un taux d’intérêt
(les prêts sont autorisés mais c’est l’intérêt qui est interdit).

En conséquence, le prêteur se voit proposer d’autres formes


de rémunération comme un partage des bénéfices dans le
cas du financement d’un projet (contrat de type moudaraba
ou mousharaka) ou le paiement d’un loyer dans le cas du
financement d’un actif (contrat de type ijara qui ressemble
beaucoup au contrat de crédit-bail).

Les financements hybrides


On appelle financements hybrides des ressources
financières qui présentent des caractéristiques
intermédiaires entre celles des fonds propres
(actions) et celles des emprunts (obligations).

Leur existence oblige à trouver des critères pour les


distinguer car il existe de nombreuses variantes.
Rappelons, pour commencer, ce qui distingue
capitaux propres et emprunts, car les titres
hybrides sont entre les deux.

Figure 13-4 Comparatif entre capitaux propres et emprunts

Les différentes catégories de


titres hybrides
Titres à caractéristiques hybrides
Ces titres sont qualifiés d’hybrides car certaines de
leurs caractéristiques les font ressembler à des
capitaux propres, d’autres à des emprunts.
Le titre subordonné à durée indéterminée (TSDI)
est un titre d’emprunt (pas de participation à la
gestion), mais :

• il est subordonné, c’est-à-dire qu’en cas de


liquidation son remboursement est
subordonné au règlement de tous les passifs
avant les fonds propres ;

• le paiement de l’intérêt annuel peut être


différé en cas d’absence de bénéfice ;

• leur durée est indéterminée et le


remboursement ne peut intervenir qu’à
l’initiative de l’émetteur.

Pour l’émetteur, ce type de financement permet


d’éviter la dilution qu’entraînerait une
augmentation de capital.

Pour le souscripteur, l’attrait réside dans le


rendement  : les taux offerts par les TSDI doivent
être légèrement supérieurs à ceux des obligations
compte tenu du supplément de risque et de
l’indétermination de l’échéance.

C’est principalement les banques qui ont émis ces


titres, car ils sont assimilés aux fonds propres
(actions) dans le cadre des ratios prudentiels.
Titres d’emprunts devenant des
actions
Le titre émis peut avoir deux étapes dans sa vie :

• premier temps : titre d’emprunt


(rémunération fixe…) ;

• second temps : action.

Il s’agit des :

• obligations convertibles en actions (en


général, dans ce cas, c’est le porteur qui choisit
la conversion) ;

• obligations remboursables en actions (en


général, dans ce cas, c’est l’émetteur qui
choisit la conversion).

L’intérêt de ce type de titre est qu’il crée en quelque


sorte une période de «  fiançailles  » (les
obligations) avant celle du «  mariage  ». Ils sont
utilisés notamment par les sociétés de capital-
risque.

Titres d’emprunt auxquels sont


associés des bons de souscription
(warrants)
Les deux principaux cas sont le bon de souscription
d’action (OBSA) et le bon de souscription
d’obligation (OBSO).

Dans les deux cas, le souscripteur bénéficie d’une


possibilité (une option) de «  lever  »
ultérieurement une opportunité.

En échange, l’émetteur peut proposer des taux


inférieurs à ceux d’une émission obligataire
classique.

Il existe d’autres titres, plus complexes,


mélangeant plusieurs des caractéristiques évoquées
ci-dessus  ; en fait, chaque titre constitue un cas
particulier dont il faut étudier les spécificités
décrites dans le contrat.

Comptabilisation des titres


hybrides
Les deux principaux problèmes posés par les
financements hybrides sont :

• leur place dans le bilan ;

• la prise en compte des bons (ou warrants).

La place dans le bilan


La question est  : capitaux propres ou emprunts  ?
L’enjeu réside dans l’appréciation faite de
l’entreprise dans le cadre d’une analyse financière.

Les textes officiels n’offrent pas de réponse à


caractère contraignant.

Les usages vont dans le sens suivant :

• TSDI et ORA peuvent être incorporés aux


fonds propres (vérifier les caractéristiques
particulières dans chaque cas).

• les autres sont des emprunts.

Pour l’analyse, on retiendra deux aspects :

• pour une analyse de la structure du bilan, par


exemple par le ratio d’endettement Capitaux
propres/Emprunts, les financements hybrides
peuvent être incorporés aux fonds propres ;

• pour des analyses de rentabilité (du type


résultat/fonds propres), les financements
hybrides ne doivent pas être incorporés dans
les fonds propres car les intérêts qu’ils ont
générés ont été comptabilisés en charges et
sont venus en diminution du résultat. Il n’y
aurait donc pas d’homogénéité entre le
numérateur et le dénominateur.
La prise en compte des bons (ou
warrants) : le cas de l’OBSA
L’OBSA va servir à illustrer le problème : l’existence
d’un BSA attaché permet à l’émetteur de proposer
un taux moindre que celui d’une obligation
ordinaire  ; par exemple, 4,5  % au lieu de  5  %.
Pendant la durée de vie de l’OBSA il y aura, par
rapport à une émission ordinaire, un surcroît de
bénéfice. Lors de l’augmentation de capital par
levée de l’option, il y aura effet de dilution par
augmentation du nombre d’actions.

Le financement participatif
Disons ici quelques mots sur le financement
participatif (ou crowdfunding). Des plates-formes de
financement de crédit participatif mettent en
relation des particuliers ou entreprises avec des
entreprises qui cherchent des financements sans
passer par les banques. Ces modes de financement
alternatifs se développent régulièrement depuis la
dernière crise financière. Cela peut être une bonne
opportunité pour des TPE ou PME ayant des projets
à financer et pouvant élargir ainsi leurs modes de
financement.
Retenez l’essentiel

• Le financement du haut de bilan par des


capitaux extérieurs peut se faire par un
emprunt bancaire classique, par un
emprunt obligataire faisant appel à
l’épargne publique, par crédit-bail ou par
crowdfunding.

• Mais il existe aussi des financements


hybrides dont les caractéristiques
s’apparentent à la fois aux capitaux propres
et aux capitaux empruntés.
DANS CE CHAPITRE
Une entreprise, ce n’est pas l’oncle Picsou !

L’effet tueur de l’excès de trésorerie disponible

Qui paie ses dettes (bancaires) s’enrichit ?

Investir, investir, investir !

N’oubliez pas les associés : des dividendes exceptionnels


maintenant et une petite augmentation de création de
valeur future

En dernier ressort : le rachat par l’entreprise de ses


actions ou le « buy back »
Chapitre 14
Que faire du surplus de cash
généré par l’entreprise ?
« Le seul intérêt de
l’argent est son emploi. »

Benjamin Franklin

N ous avons vu dans les chapitres précédents qu’il


est primordial pour l’entreprise de générer le
maximum de flux de trésorerie positive. Mais cette
trésorerie générée ne doit pas être conservée telle
quelle comme le fait l’oncle Picsou dans son
bunker. Elle doit être utilisée comme le conseille
Benjamin Franklin  : pour créer une dynamique
positive, non seulement pour les actionnaires, mais
aussi pour toutes les parties prenantes de
l’entreprise, comme le montre la figure  14-1  page
suivante.

Les retombées sont multiples :

• dépenser plus et mieux pour motiver les


salariés et les fournisseurs ;
• améliorer la chaîne de valeur pour les clients
par de meilleurs produits et des process plus
innovants ;

• entretenir une image d’entreprise


respectueuse de l’environnement et la sécurité
au travail de ses salariés ;

• assurer la pérennité de l’entreprise par des


investissements ;

• satisfaire les apporteurs de capitaux : les


banquiers par une solvabilité sans défaut et les
actionnaires par une création continue de
valeur.
Figure 14-1 Les multiples retombées de la performance financière

Il y a trois exceptions majeures au principe «  zero


cash position » :

❶ La position de trésorerie positive joue un rôle


tactique d’amortisseur pour faire face aux
variations du besoin en fonds de roulement
suite aux aléas de la gestion quotidienne
(variation des stocks, délais de paiement des
créances clients). C’est l’excédent de trésorerie
au-delà du montant nécessaire pour jouer ce
rôle d’amortisseur qui doit être réinvesti dans
l’entreprise pour créer de la valeur.

❷ Les entreprises, dont le besoin en fonds de


roulement est négatif, doivent conserver en
trésorerie facilement mobilisable un
pourcentage important de la valeur de ce
besoin en fonds de roulement pour couvrir le
business risk consécutif à une baisse drastique
du chiffre d’affaires (cf. chapitre 4).

❸ Certaines entreprises pratiquent


« l’optimisation fiscale » consistant à se
servir de l’asymétrie fiscale entre différents
pays pour réduire le montant de leur
imposition.

Les entreprises américaines sont taxées sur leurs


bénéfices mondiaux, mais l’impôt ne s’applique
(35  %) que lorsque l’argent gagné à l’étranger
revient… Voilà pourquoi, les présidents américains
successifs de George Bush à Donald Trump ont
tenté avec plus ou moins de succès de faire
rapatrier ces milliards de dollars (on parle d’au
moins 3 000 milliards de dollars) en échange d’une
réduction d’impôt. Nous verrons plus loin que ces
multinationales ont un autre moyen de réduire
cette trésorerie excessive : le « buy back ».
Le coin du curieux : finance et religion

Ce phénomène qui consiste à privilégier l’investissement au


détriment de la thésaurisation (mot savant pour accumuler
de l’argent sans le réinvestir) se retrouve glorifié sinon
« divinisé » dans certaines religions.

La Bible évoque la parabole des talents (Matthieu XXV 14-30)


dans laquelle un homme partant en voyage remit ses biens à
ses serviteurs  : cinq talents à l’un, deux à l’autre et un au
troisième. Au retour de son voyage, l’homme, constatant que
les deux premiers avaient doublé leurs avoirs, les
complimenta alors que le dernier, qui n’avait fait que cacher
en terre sans investir le talent reçu, fut jeté dans les
« ténèbres du dehors ».

De même, un des cinq piliers de l’Islam impose de donner à


certaines catégories de nécessiteux la «  zakat  », c’est-à-dire
un pourcentage de  2,5  % sur l’or, l’argent et les fonds en
argent dont on a eu la possession pendant au moins une
année lunaire et donc qui n’aurait pas été investi. Au moins,
cet argent inutilisé n’est pas inutile.

L’effet tueur de l’excès de


trésorerie disponible
Nous avons vu au chapitre  5  que la performance
financière d’une entreprise (ROE) est liée à sa
performance opérationnelle (ROCE) par le jeu de
l’effet de levier financier.

En effet, un endettement raisonnable à un taux


d’intérêt en phase avec la performance
opérationnelle procurera une rentabilité financière
appréciable pour les actionnaires.

Mais cette formule nous a appris deux choses


fondamentales :

❶ L’effet de levier ne dépend pas directement du


taux d’intérêt à servir à la banque prêteuse,
mais du ratio φ montrant le poids des charges
financières après impôt (FINEXPAT) comparé
au résultat opérationnel après impôt (NOPAT).
Ainsi, plus une entreprise est performante,
plus elle peut « absorber » un taux d’intérêt
élevé associant ainsi le rôle des opérationnels
et des financiers.

❷ L’effet de levier comprend aussi un rapport


entre la dette bancaire et les capitaux propres,
mais il s’agit de la dette nette, c’est-à-dire le
solde entre cette dette et la position de
trésorerie positive. En conséquence, si la
position de trésorerie est supérieure à la dette
bancaire, le ratio net D/E devient négatif et le
facteur 1 + net D/E devient inférieur à 1.

À l’heure actuelle, les taux d’intérêt sont tellement


bas (et parfois négatifs) que la trésorerie même
placée ne rapporte pratiquement rien  : φ devenu
négatif lui aussi sera très faible donc :

(1 – φ) sera très proche de 1.

Le produit de deux facteurs, inférieur à  1, crée un


effet tueur (killing effect en anglais).

L’objectif d’une entreprise est donc de générer le


maximum de trésorerie valorisable (investable cash
surplus en anglais) et ensuite… de la valoriser après
avoir alloué des dividendes satisfaisants pour les
actionnaires et servi les obligations de la dette
bancaire (paiement de l’intérêt et remboursement
du capital selon l’échéancier).

Ceci permet de mieux définir la stratégie qu’il


convient d’avoir en matière de trésorerie.

Les responsables financiers et les responsables


opérationnels doivent travailler main dans la main
au sein de l’entreprise :
• D’abord en créant un surplus de trésorerie
valorisable. Ce dernier est à la fois sous la
responsabilité des opérationnels (par le jeu de
la performance opérationnelle, du taux de
croissance et du management du besoin en
fonds de roulement) et des financiers (par
l’impact du poids du remboursement de la
dette, des frais financiers et de la politique de
distribution des dividendes).

• Puis en réinvestissant ce surplus pour créer de


la valeur et cela dépend aussi à la fois des
responsables opérationnels (choix
d’investissements et évaluation du risque) et
des responsables financiers (optimisation du
WACC : coût moyen pondéré du capital).

Nous n’allons évoquer à ce niveau une meilleure


rémunération des salariés ou l’octroi d’une prime
exceptionnelle. En effet, nous n’avons traité ici que
les aspects strictement financiers et la fixation
d’une rémunération juste. La motivation par les
primes et, en règle générale, la fixation d’une
stratégie de gestion des ressources humaines ferait
l’objet d’un autre débat.

Examinons maintenant les différentes stratégies


possibles d’utilisation de ce surplus. Et tout
d’abord, analysons ce vieux dicton : « Qui paie ses
dettes s’enrichit ! »

Qui paie ses dettes (bancaires)


s’enrichit ?
C’est un vieux réflexe entretenu par le bon sens
populaire : qu’en est-il dans la vie de l’entreprise ?

On peut penser que le fait de rembourser ses dettes


bancaires entraîne une réduction des frais
financiers et par ricochet une augmentation du
résultat net. En réalité, il faut comprendre que
l’entreprise est une entité dont l’existence ne se
termine pas à la fin d’un exercice comptable et que
toute décision financière aujourd’hui impacte la
rentabilité future des capitaux investis.

Il y a dans l’entreprise deux sortes de capitaux


investis (pour simplifier) :

• le coût de ces deux types de capitaux dépend


du coût de l’argent, mais aussi : les capitaux
propres, investis par les actionnaires, ont un
coût lié, aussi, au risque estimé par ceux-ci
pour leur investissement (business risk en
anglais) (voir chapitre 6 concernant le WACC) ;
• les emprunts bancaires, investis par les
prêteurs, ont un coût qui est lié, aussi, au
risque estimé de non-remboursement (solvency
risk en anglais).

Comme en plus les charges financières sont


déductibles de l’impôt sur les bénéfices, le coût des
capitaux propres est supérieur au coût des
emprunts bancaires.

Le fait de rembourser de la dette bancaire a donc un


double impact contradictoire :

❶ Il augmente l’effet de levier financier (comme


montré dans le chapitre 5) et donc le ROE.

❷ Il augmente le WACC, donc l’exigence de


rentabilité du capital investi, et diminue le
processus de création de valeur.

Revenons donc à la société Créatest à la fin de la


deuxième année.

Le profit opérationnel après impôt (NOPAT) est


de 11 170,50 €.

La situation au début de la deuxième année


montrait un total de capitaux investis de  51  331  €
pour un montant de capitaux employés de 48 000 €
du fait d’une trésorerie positive de 3 331 €.
La rentabilité espérée (donc exigée) par les associés
est de  12  %, alors que le coût de la dette bancaire
est après impôt de  5  % × (1  –  15  %) =  4,25  %. Ce
qui entraîne un WACC de  9,43  % (arrondi) et une
création de valeur pour les actionnaires de :

NOPAT  –  Capital investi × WACC =  11  177,50  –


 51 331 × 9,43 % = 6 338,69 € (arrondi)

La différence entre la performance exigée par les


investisseurs (51  331  ×  9,43  %) et la performance
opérationnelle (11 177,50 €) appartient aux associés,
puisque le banquier se satisfait du paiement de
l’intérêt, soit 5 %.

La rentabilité financière (ROE) calculée comme le


résultat net comparé aux capitaux propres est
de 30,71 % (voir les calculs au chapitre 11).
Figure 14-2 Création de valeur de la société Créatest à la fin de la 2e
année

Supposons maintenant que l’entreprise décide en


début de la deuxième année de se servir de la
trésorerie nette (3  331  €), considérée comme
excédentaire, pour rembourser une partie de la
dette bancaire qui atteint alors 13 713 €.

Le NOPAT de la deuxième année est toujours


de 11 177,50 €.

L’effet de levier a augmenté du fait de la


diminution des frais financiers (par contre la dette
nette n’a pas varié), ce qui entraîne une
augmentation du ROE de 30,71 % à 31,08 % (voir la
figure 14-3).
Figure 14-3 Situation de la société Créatest après diminution de la dette
bancaire

En revanche, malgré une rentabilité exigée pour les


capitaux investis en hausse de 9,43 % à 9,79 %, la
création de valeur est aussi en hausse de 6 338,69 €
à 6 480,26 €, soit un montant de 14,57 €.

Ce montant provient du fait de ne plus avoir à


servir au banquier  : 4,25  % sur les 3  331  €
remboursés, c’est-à-dire 3 331 × 4,25 % = 141,57 €.

En conclusion, rembourser les dettes de


l’entreprise crée de la valeur. Mais, il existe peut-
être d’autres moyens qui créent encore plus de
valeur ?
Investir, investir, investir !
Nous allons admettre que l’entreprise a déjà réalisé
les investissements de remplacement, de
rénovation et de sécurité. Ces investissements ont
entraîné des dépenses (net capital expenditures en
anglais) prises en compte dans la progression du
WAGU et incluses dans le calcul du free cash flow.
Nous allons parler ici des investissements de
développement :

• investissements dans de nouveaux produits ;

• investissements dans de nouveaux marchés ;

• rachat de concurrents ;

• rachat d’entreprises apporteuses de synergie.

Rappelons (cf. chapitre  8) que le critère de choix


quantitatif est que le taux de rentabilité de
l’investissement doit être au moins égal au WACC,
car c’est le taux moyen de rentabilité exigé par les
investisseurs.
Figure 14-4 Situation de la société Créatest après investissement d’une
rentabilité égale au WACC

Supposons donc que l’entreprise Créatest investit


sa trésorerie excessive au début de sa deuxième
année dans un équipement dont la rentabilité
(espérée) est égale au WACC.

Le WACC en fin de première année est de 9,43 %.

Le NOPAT de la deuxième année atteint alors 11 177,


50 + 3 331 × 9,43 % = 11 491,50 €

Nous avons un triple effet :

❶ augmentation de la rentabilité opérationnelle


avec un ROCE = 23,94 % ;
❷ accroissement de l’effet de levier financier
puisque la dette nette augmente : le ROE
atteint maintenant 31,63 % contre 30,71 % en
maintenant la trésorerie positive et 31,08 % en
remboursant partiellement la dette bancaire ;

❸ amélioration de la création de valeur puisque


l’EVA est de 6 652,69 € contre 6 338,69 € si on
garde la trésorerie.

Cette différence de  314  € se calcule du fait que


les  3  331  € de trésorerie rapportent maintenant  :
3 331 × 9,43 % = 314 €.

La création de valeur par investissement (qui


rapporte au moins le WACC) est plus importante
que par réduction de la dette, car le WACC est
supérieur au taux d’intérêt de la dette après impôt.

En fait, nous retrouvons l’axiome évident  : il vaut


mieux utiliser la trésorerie en investissant qu’en
remboursant de la dette si l’investissement
rapporte plus que ce que coûte la dette. Mais
n’oublions pas les associés  : pourquoi ne pas
utiliser la trésorerie pour verser des dividendes
exceptionnels ?
N’oubliez pas les associés : des
dividendes exceptionnels
maintenant et une petite
augmentation de création de
valeur future
Nous avons vu au chapitre  11  que l’entreprise se
doit de faire un compromis entre l’utilisation
immédiate de sa trésorerie par le paiement de
dividendes exceptionnels ou par investissement
afin d’en recueillir des fruits plus tard, porteurs de
création de valeur pour l’actionnaire. Supposons
donc maintenant que la trésorerie excédentaire à la
fin de la première année est utilisée pour le
paiement de dividendes exceptionnels.

Les capitaux propres sont réduits du montant


de 3 331 €, diminuant la valeur du WACC du fait de
la pondération plus importante de la dette
bancaire : le WACC passe ainsi de 9,43 % à 9,25 %.

L’effet de levier financier, au contraire, s’accroît et


le ROE augmente de 30,71 % à 34, 01 %.

La création de valeur est de  6  738,41  €


contre 6 338,69 €, soit 399,72 € de plus.
Ce montant correspond à  3  331  € placé au taux de
rentabilité exigée par les associés soit : 3 331 × 12 %
= 399,72 €

Figure 14-5 Situation de la société Créatest après paiement de dividendes

Les dividendes payés ont créé une valeur égale à


leur placement au taux de rentabilité espérée
(exigée) par les actionnaires à charge pour eux de
replacer dorénavant cet argent dans un autre
investissement avec un rendement au moins égal à
ce taux.

En plus, ils toucheront chaque année dans le futur


(toutes choses égales par ailleurs) une création de
valeur supplémentaire égale à  30  956  × (9,43  %  –
 9,25 %) = 55,72 €, puisque le WACC a baissé.
Ceci, nous permet de compléter les paramètres de
prise de décision d’un investissement vus au
chapitre 8.

En matière de création de valeur  : s’il faut choisir


entre utiliser une trésorerie excédentaire pour
investir ou utiliser une trésorerie excédentaire pour
payer des dividendes exceptionnels  : on optera
plutôt pour l’investissement si son TRIM est
supérieur au taux de rentabilité attendue par les
actionnaires soit 12 % pour Créatest (plus la prime
de risque liée à l’investissement).

En matière de performance financière  : le ROE


affiche un taux de 34,01 % et il faudrait trouver un
investissement très rentable pour atteindre cette
valeur. C’est là l’effet pervers des ratios qui
augmentent quand le numérateur augmente mais
aussi quand le dénominateur diminue ! Dans le cas
présent, les capitaux propres diminuent de 34 287 €
à 30 956 €, ce qui booste le ROE.

Voilà pourquoi, le montant des capitaux propres


doit se situer à une valeur optimale :

• ni trop peu car cela entraîne un risque de


solvabilité ;
• ni trop car cela obère la performance
financière.

Voyons donc maintenant une autre technique qui


permet d’utiliser une trésorerie excédentaire en
augmentant la performance financière.

En dernier ressort : le rachat


par l’entreprise de ses actions
ou le « buy back »
Voyons, enfin, un dernier cas qui est loin d’être
anecdotique.

Une entreprise a un surplus de trésorerie


valorisable récurrent  : elle consacre chaque année
une part de celle-ci pour racheter ses concurrents
ou créer des nouveaux marchés, elle a déjà
remboursé toutes ses dettes bancaires, il lui reste
encore de la trésorerie excessive et inemployée !

Que faire…?

Eh bien, rendons cette trésorerie aux actionnaires.

L’entreprise va donc racheter ses propres actions et


les éliminer. Ce qui revient en fait à dire aux
actionnaires  : «  Nous ne sommes pas capables de
trouver d’autres investissements valorisables pour
l’entreprise, on vous rend votre argent et
investissez vous-mêmes où bon vous semble. »

Autrement dit, cela revient à rendre à certains


actionnaires (ceux qui acceptent de participer au
« buy back ») leur argent afin de l’investir ailleurs
(ou de le dépenser). Nous allons voir que cette
stratégie du « buy back » a un effet mécanique sur
l’entreprise par augmentation de sa performance
financière.

Analysons ceci dans un exemple, volontairement


très simplifié, pour ne se focaliser que sur le buy
back.

La société BB ci-dessous a une position de


trésorerie excédentaire de 300.

Pour éviter d’introduire des facteurs perturbateurs,


nous allons admettre que la valeur boursière de
l’entreprise BB est égale au montant de ses
capitaux propres, ce qui veut dire que sa valeur de
marché (market value) est égale à sa valeur
comptable (book value).
Figure 14-6 Bilan financier simplifié de la société BB

Killing effect de net D/E = – 300/900 = 0,3333

1 + Net D/E = 1 – 0,333 = 0,667 = 2/3

ROE = ROCE × 2/3 = 15 × 2/3 = 10 %

La société BB détruit de la valeur pour un montant


de 18.

L’entreprise va donc se servir de sa trésorerie


de 300 pour racheter en Bourse le tiers des actions,
puisque les capitaux propres sont de  900  (en fait,
l’entreprise étalera ses achats sur une longue
période afin de ne pas trop perturber le cours de
son action ou utilisera certaines techniques à prix
fixe comme l’adjudication à la hollandaise (dutch
auction en anglais) tout en respectant les règles
fixées par les autorités des marchés financiers,
comme par exemple la règle  10b-18  de la Securities
Exchange Commission (SEC) aux États-Unis.

Puis, l’élimination du tiers des actions fera passer


les capitaux propres de 900 à 600.

Suite à cette opération le bilan financier de la


société BB se présente sous la forme suivante :

Figure 14-7 Bilan financier simplifié de la société BB après « buy back »

Il n’y a plus d’effet tueur puisque la trésorerie


excédentaire a disparu :

Net D/E = 0


1 + Net D/E = 1

ROE = ROCE = 15 %

L’opération de buy back a pour effet d’augmenter la


performance financière (ROE) pour l’aligner sur la
performance opérationnelle (ROCE). La société BB
crée de la valeur pour ses actionnaires (restants)
pour un montant de 18.

Cette méthode apparaît de type win win puisque :

• les actionnaires, qui acceptent la proposition


de rachat de leurs actions, disposent d’un
capital pour réaliser de nouveaux
investissements plus rentables qu’auparavant ;

• les actionnaires, qui écartent la proposition de


rachat de leurs actions, bénéficient d’un retour
à une situation créatrice de valeur.
Retenez l’essentiel

• Quand l’entreprise possède une trésorerie


excédentaire récurrente, l’effet de levier se
transforme en effet tueur qui casse la
performance financière.

• Il faut donc impérativement diminuer la


position de trésorerie excessive pour
retrouver un effet de levier et créer de la
valeur.

• Il y a plusieurs façons efficaces de réduire


l’excédent de trésorerie  : investir bien sûr,
mais aussi pourquoi ne pas distribuer des
dividendes exceptionnels, ou mieux, mettre
en place un « buy back ».
DANS CE CHAPITRE
Déterminer ce que l’on vend

Comment se préparer à vendre ?

Comment le vendeur fixe un prix ?

Comment l’acheteur détermine une valeur ?

Chapitre 15
Et maintenant, combien vaut
mon entreprise ?
« Les deux choses les plus
importantes
n’apparaissent pas au bilan
de l’entreprise : sa
réputation et ses
hommes. »
Henry Ford

V otre entreprise s’est développée et vous avez le


sentiment qu’elle représente maintenant un certain
patrimoine, fruit de votre engagement depuis sa
création. Vous souhaitez donc avoir une idée plus
précise du prix que vous pourriez en tirer. Ou,
l’heure de la retraite approchant, il vous vient à
l’idée de la céder, parce que vous pensez que votre
progéniture ne sera pas apte ou ne désirera pas
poursuivre votre œuvre.

Autre possibilité, vous êtes dans un secteur


d’activité dont vous vous lassez et vous souhaitez
réinvestir dans un autre secteur que vous estimez
plus porteur.

Vous vous posez donc la question : « Combien vaut


mon entreprise  ?  » C’est une bonne question et
nous allons tenter de vous donner quelques
éléments de réponse. Tout d’abord, avant de fixer
un prix, il faut déterminer ce que l’on vend.

En effet, l’entreprise est une somme d’actifs


corporels, incorporels et financiers que l’on peut
vendre en totalité ou partiellement. Ensuite, il vous
faut la préparer afin de la présenter sous son
meilleur jour. Quand vous revendez votre voiture,
vous faites faire un contrôle technique et vous la
nettoyez de fond en comble. L’entreprise, c’est la
même chose, et on vous indiquera ce qu’il faut
réviser dans l’entreprise avant de la mettre en
vente. Il ne reste plus alors (doux euphémisme)
qu’un prix à fixer.

Il existe de nombreuses méthodes de valorisation


d’une entreprise à vendre et nous développerons
trois catégories.

• Les méthodes patrimoniales qui considèrent


l’entreprise comme une somme d’actifs à
valoriser ou à revaloriser, si leur valeur
comptable est différente de leur valeur
marchande.

• Les méthodes comparatives, qui consistent à


la comparer à d’autres entreprises dans le
même secteur d’activité ou dans un secteur
voisin et dont le prix est connu (par exemple
des entreprises qui viennent d’être vendues ou
des entreprises cotées en Bourse).

• Dernier point, il faut aussi se mettre dans la


peau de l’acheteur car celui-ci regarde votre
entreprise sous un angle différent. Comme le
dit si bien Warren Buffett, l’acheteur va
s’intéresser à ce qu’il pourra gagner en
achetant votre entreprise. D’où la troisième
catégorie : les méthodes d’actualisation qui
consistent à calculer la valeur maintenant des
revenus espérés dans le futur. De même,
d’ailleurs, le vendeur doit évaluer la perte de
revenus futurs (salaires, dividendes, avantages
en nature), du fait de la vente, et en calculer la
valeur présente.

Il est rare que le prix et la valeur soient identiques


(le premier pouvant être inférieur ou supérieur à la
seconde) et la transaction éventuelle se fera sur une
base intermédiaire.

Enfin, nous aborderons la période plus ou moins


longue, succédant à la transaction, pendant laquelle
l’acheteur doit se prémunir contre tout «  vice
caché  », comme un redressement fiscal ou une
concurrence déloyale du vendeur.

Nous ne voulons pas faire un procès d’intention,


mais il nous est arrivé de voir dans notre longue
carrière, des conseillers en évaluation d’entreprise
partir d’un prix fixé à l’avance et «  triturer  » les
méthodes d’évaluation pour confirmer ce prix…
Alors, ne chicanons pas et voyons la première
étape : déterminer avec exactitude l’objet à vendre.

À vendre : entreprise en totalité


ou par lot
L’entreprise est un ensemble complexe composé
d’actifs de différentes natures et de dettes diverses
comme les dettes bancaires ou les dettes
fournisseurs. Aussi est-il possible de la vendre en
totalité, c’est-à-dire ses actifs comme ses passifs,
ou de ne céder que certains actifs.

Un actif très important pour les petites entreprises


commerciales ou artisanales en France est le fonds
de commerce.

Vendre le fonds de commerce


de son entreprise
Le fonds de commerce est un actif incorporel qui
comprend la clientèle de l’entreprise (réelle mais
aussi potentielle appelée l’achalandage), le nom
commercial, l’enseigne, le droit au bail, les
éventuelles licences et autorisations
administratives.
Le droit au bail permet au propriétaire du fonds de
commerce une stabilité dans son exploitation car il
lui garantit un loyer à un prix fixé par avance,
indexé sur un indice connu et pendant une certaine
durée (normalement 9 ans).

Même si, juridiquement, le fonds de commerce


comprend aussi le matériel, les agencements et les
stocks, l’évaluation de ces derniers se fait en sus et
de manière séparée.

Il est évident que l’entreprise qui vend son fonds de


commerce doit arrêter son exploitation ou en
démarrer une autre non concurrente. C’est
pourquoi cette procédure est très utilisée par des
commerçants ou des artisans partant à la retraite.

Ceux-ci feront alors leur affaire de l’encaissement


des créances en cours, du règlement des dettes
restantes et de la fermeture juridique définitive de
leur établissement.

Vendre un secteur d’activité


de l’entreprise
Un autre cas de figure se rencontre dans les
entreprises plus importantes établies dans
plusieurs secteurs d’activité  : la cession partielle
d’actifs.

Elle consiste à céder à une autre entreprise les


actifs mais aussi les passifs relatifs à un secteur
d’activité dont elle veut se dégager.

Cette stratégie de recentrage permet à l’entreprise


cédante de se consacrer aux autres activités, tout en
se séparant d’un secteur moins performant pour
elle, pour des raisons de savoir-faire,
d’éloignement géographique ou de taille critique.

Vendre séparément le
patrimoine et l’exploitation
Enfin, une autre possibilité consiste à séparer au
sein d’une entreprise le patrimoine (propco pour
property company en anglais) et l’exploitation (opco
pour operating company en anglais) et de vendre soit
l’un soit l’autre ou même les deux mais à des
entités séparées.

L’entreprise détentrice du patrimoine (qui peut être


une SCI  –  Société Civile Immobilière) loue celui-ci
à une société d’exploitation supposée avoir une
certaine expertise, celle de l’activité de la société
détenue.
Ce schéma se retrouve souvent dans des sociétés à
vocation très capitalistique comme dans le secteur
de l’hôtellerie ou des loisirs (stations de sport
d’hiver) où une société commerciale loue et
exploite des actifs appartenant à des personnes
privées ou à une communauté territoriale publique.

La séparation patrimoine/exploitation présente


aussi de nombreux avantages pour un propriétaire
d’entreprise partant à la retraite  : il garde le
contrôle de son patrimoine (qu’il pourra
transmettre à ses enfants) et bénéficie d’un revenu
en complément de sa retraite au sein de la société
détentrice du patrimoine.

Si on se rappelle le Code civil (art. 1583), une vente


est parfaite quand on s’est mis d’accord sur la
chose et le prix. Encore faut-il que la «  chose  »,
c’est-à-dire l’entreprise (ou un de ses actifs), soit
la plus présentable possible et ne comporte pas de
vices cachés, qui pourraient faire annuler la vente
ultérieurement. Voilà pourquoi, nous allons
maintenant nous intéresser à la présentation de
l’entreprise au futur acheteur. Voyons si un petit
make up, ou une révision, ne s’impose pas.
À vendre : entreprise en bon
état de marche

Argumentaire sur l’entreprise


et son environnement
Comme l’a si bien dit Henry Ford, l’entreprise n’est
pas qu’un bilan. Les produits, les services, le
savoir-faire, l’implantation à l’étranger, la
qualification du personnel, les process,
l’organisation, peuvent être des atouts qu’il
convient de mettre en avant dans une présentation
argumentée et objective.

L’environnement de l’entreprise ne doit pas être


négligé tout comme le positionnement de
l’entreprise sur ses marchés, face à la concurrence.

Une entreprise à vendre, c’est un produit à vendre.

Audit juridique
S’interroger sur la vente de son entreprise est aussi
une bonne occasion de faire le point sur les aspects
juridiques qui sous-tendent la vie de celle-ci.
• L’entreprise est-elle à jour quant à la validité
de ses brevets, de ses marques et de ses
licences ?

• Les baux de location et autres contrats


importants ne sont-ils pas proches de leur
date de renouvellement ?

Nous avons vu plus haut, que le droit au bail est un


élément constitutif important du fonds de
commerce des petites entreprises artisanales et
commerciales. Un bail de  9  ans arrivant en fin de
validité diminuera fortement la valeur du fonds de
commerce alors qu’un nouveau bail rassurera
l’acheteur éventuel quant à la pérennité de son
acquisition.

Audit comptable et financier


Il n’est pas nécessaire de rappeler l’importance de
la mise à disposition de documents comptables à
jour et de situations intermédiaires auditées.

On pourra compléter ces informations par un


diagnostic financier avec sa batterie de ratios et ses
systèmes financiers et de trésorerie que nous avons
vus dans les chapitres précédents.
Information et secret des
affaires
Le fait de fournir à des acheteurs potentiels, qui
peuvent être des concurrents, des informations
primordiales, pose le problème de l’accessibilité à
ces données et du secret des affaires.

La data room
L’utilisation d’une data room (traduite en français
par «  chambre des données  ») permet la mise à
disposition dans un lieu neutre (expert-comptable,
avocat, banque, cabinet de fusion-acquisition), en
accès limité (avec interdiction de prise de photos et
de photocopies) de toutes les données que
l’entreprise à vendre voudra bien fournir.

Avec l’évolution de l’informatique, la data room qui


était auparavant un lieu physique est devenue de
plus en plus souvent un serveur sécurisé accessible
en temps réel par Internet.

Informer le personnel
N’oublions pas aussi, pour les entreprises d’une
certaine importance, l’information des
représentants du personnel et notamment du
comité social et économique (CSE), sachant qu’en
général, celle-ci se fait plutôt vers la fin du
processus de vente, c’est-à-dire juste avant la
conclusion.

Pour être complet, ajoutons qu’une directive


européenne datant de  2001  prévoit aussi
l’information préalable des salariés en cas de
cession d’une entreprise. En France, la loi dite ESS
(«  Économie sociale et solidaire  »)
du  31  Juillet  2014 prévoit a prévu un droit
d’information préalable des salariés, en cas de
cession d’entreprise.

Maintenant, passons à la phase plus technique  : la


valorisation.

Valorisation de l’entreprise
C’est là où nous retrouvons, comme le dit si bien
Warren Buffett, la différence entre le prix et la
valeur.

En effet, le vendeur veut de l’argent en échange de


la cession partielle ou totale de son entreprise. Il va
donc fixer un prix, notamment en se comparant
aux prix des entreprises comparables à la sienne.
C’est le concept de prix de marché.
En revanche, l’acheteur va déterminer la valeur,
c’est-à-dire ce qu’il gagnera dans le futur après
l’acquisition. C’est la notion de valeur de
rendement.

C’est la confrontation entre le prix demandé par le


vendeur et la valeur future espérée par l’acheteur
recalculée à la date d’aujourd’hui (en utilisant la
méthode d’actualisation) qui servira de base au
montant final de la transaction.

Donc, pour simplifier, disons que les techniques de


valorisation tournent autour de deux méthodes.

• Combien vaut l’entreprise par référence au


prix des entreprises comparables ? Ce sont les
méthodes dites « des multiples » qui se
placent plutôt du côté vendeur.

• Combien vaut l’entreprise par actualisation de


ce qu’elle pourra gagner dans le futur ? Ce sont
les méthodes dites « d’actualisation » qui se
placent plutôt du côté acheteur.

Mais il est bien évident que le vendeur a intérêt,


pour fixer son prix, à connaître la valeur future
actualisée de son entreprise, alors que l’acheteur
doit étudier le prix des entreprises comparables
pour ajuster son offre.
Intéressons-nous, à titre principal, à ces deux
méthodes, mais il n’est pas inutile, pour être plus
complet, de rappeler les méthodes patrimoniales,
qui sont utilisées notamment pour servir de
référence et ramener parfois à la raison comptable
des évaluations qui montent au ciel…

Les méthodes patrimoniales

Figure 15-1 L’actif et le passif

Si vous achetez une entreprise, vous achetez ses


actifs mais vous devenez aussi propriétaire de ses
dettes. Donc le juste prix serait évidemment la
valeur des actifs diminuée de la valeur des dettes.
Par voie de conséquence, la valeur d’une entreprise,
c’est le montant de ses capitaux propres.
Mais, le principe comptable de l’enregistrement des
valeurs de l’actif en coût historique et le principe de
prudence nous obligent à analyser chaque poste et
à le corriger par rapport à sa valeur marchande.

C’est l’objet de la méthode de l’actif net corrigé


(parfois appelé actif net réévalué).

La méthode de l’actif net


corrigé ou situation nette
Principe
On liste tous les actifs immobilisés de l’entreprise
dans l’ordre habituel  : actifs incorporels, actifs
corporels, actifs financiers, puis les actifs circulants
et enfin on liste les dettes.

Concernant les actifs incorporels, on se trouve face


à trois cas de figure :

• Certains actifs incorporels sont des actifs


fictifs qu’il convient d’éliminer. C’est le cas
des charges dont on a décidé l’étalement sur
plusieurs exercices du fait de leur impact
pluriannuel, comme les frais de premier
établissement ou les frais de recherche et de
développement.
• D’autres actifs incorporels comme les brevets
et les licences sont à réévaluer, notamment en
fonction de leur valeur marchande ou des
revenus espérés dans le futur.

• Enfin, certains actifs incorporels ne figurent


pas au bilan car ils ont été créés et non pas
acquis par l’entreprise. Ils seront donc à
évaluer en fonction de leur valeur marchande
ou de rendement. C’est souvent le cas de
marques créées et développées par l’entreprise.

Quant aux actifs corporels, le plus souvent


comptabilisés à leur coût historique (coût d’achat
moins les amortissements ou dépréciations), il faut
les réévaluer à leur valeur marchande.

Enfin, pour les actifs financiers, la valeur de


marché sera privilégiée car ces actifs (actions,
obligations) sont le plus souvent cotés en Bourse.

Pour les actifs circulants (stocks, créances clients,


disponibilités), on se focalisera sur les
dépréciations qui ont été comptabilisées.

Concernant les dettes, leur montant est facile à


déterminer, ne serait-ce que par une circularisation
(confirmation directe) avec les tiers créanciers
(fournisseurs, banques, administrations fiscales et
sociales).

D’ailleurs, une circularisation auprès des clients


n’est pas à négliger non plus car elle peut révéler
des clients fictifs ou des créances imaginaires.

En revanche, le poste provision pour risques et


charges doit être passé au crible car ceux-ci ont pu
être sous-évalués.

Tout cela nous donnera l’actif net corrigé de


l’entreprise qui pourra être considéré comme le
prix de l’entreprise.

Avantages
La méthode nous donne une valeur marchande de
l’entreprise, donc un prix, même si une part de
subjectivité dans les provisions peut entacher le
résultat global.

Mais aussi, cette méthode permet de raison garder


et de se référer à une base comptable, même si ce
n’est qu’une vérité comptable, et si tous les atouts
de l’entreprise ne figurent pas au bilan.

Inconvénients
Le bilan est un état qui décrit le passé à une date
donnée et non pas un avenir potentiel basé sur des
bénéfices prévisionnels.

Pour pallier cet inconvénient, certains théoriciens


ont inventé la méthode dite des superbénéfices
encore appelée « la rente abrégée du goodwill » qui
est décrite ci-dessous.

La méthode de la rente
abrégée du goodwill
Après avoir calculé ci-dessus la valeur nette de
l’actif net corrigé, on applique à celle-ci un taux
d’intérêt «  normal  », c’est-à-dire par exemple le
taux de rémunération d’un produit financier peu
risqué comme un livret de Caisse d’épargne, des
bons du Trésor public ou une SICAV de trésorerie.

On calcule, en effet, le rendement d’un capital


équivalent à la valeur de l’actif net corrigé de
l’entreprise et on le compare au bénéfice annuel de
l’entreprise. Si celui-ci est supérieur, l’entreprise
fait ce qui est appelé un super-bénéfice qui
provient de quelque chose qui ne figure pas au bilan
et qui doit donc être ajouté à la valeur de l’actif net
corrigé pour donner la valeur réelle de l’entreprise.
Ce quelque chose, appelé goodwill ou «  écart
d’acquisition », se calcule par actualisation sur une
courte période (en général  5  ans d’où le nom de
rente abrégée) des superbénéfices.

Disons maintenant que cette méthode tend à être


abandonnée et ne figure plus dans les ouvrages que
comme une méthode issue du passé !

D’ailleurs, elle comporte une faute d’interprétation


manifeste que vous avez tout de suite détectée car
vous avez en mémoire les deux faces de la médaille
en finance d’entreprise : la rentabilité et le risque.

En effet, si une entreprise fait un bénéfice


supérieur au placement sans risque de l’actif net
corrigé, c’est non seulement du fait de la présence
d’un goodwill mais aussi parce qu’elle est risquée !

Il faudrait donc calculer le superbénéfice comme la


différence entre le bénéfice annuel de l’entreprise
et le revenu du placement d’un capital équivalent à
l’actif net corrigé au taux de rendement d’un actif
de même risque que l’entreprise.

On introduit donc deux nouveaux paramètres qui


sont le calcul d’un risque et la relation entre le
risque et le rendement, ce qui rend cette
valorisation difficile à calculer.
Revenons donc aux deux méthodes fondamentales :
les méthodes des multiples et les méthodes
d’actualisation.

Les méthodes comparatives


ou méthodes des multiples
Les méthodes des multiples consistent à définir
pour un même secteur d’activité, une relation entre
le prix possible d’une entreprise ou d’un de ses
actifs et une donnée comptable la plus simple
possible figurant dans les états financiers.

Voyons comment s’applique cette méthode pour les


très petites entreprises, dont l’actif fonds de
commerce constitue le point fondamental puis
développons la méthode pour toutes les autres
entreprises.

La méthode des multiples pour les


fonds de commerce
Pour les très petites entreprises, de nombreux
organismes comme les chambres de commerce et
d’industrie, les conseils régionaux de l’Ordre des
experts-comptables, les centres de gestion agréés
ou le Guide Francis Lefebvre ont établi des barèmes
de valorisation d’un fonds de commerce selon son
secteur d’activité, son lieu d’implantation et le
chiffre d’affaires toutes taxes comprises.

Ainsi, par exemple, on peut lire qu’un fonds de


commerce coiffure peut être estimé de  50  %
à  120  % du chiffre d’affaires TTC pondéré sur les
trois dernières années.

Comme on le voit, la fourchette est assez large et


laisse place à d’autres critères d’appréciation
comme la fidélité de la clientèle, l’implantation, la
qualité du personnel…

Enfin, il faut rappeler que l’on ne valorise que le


fonds de commerce et non pas l’entreprise. Si c’est
cette dernière qui est vendue en totalité, il faudra
analyser en détail et éventuellement corriger tous
les postes de l’actif et les dettes du bilan pour
définir la valeur de la part sociale ou des capitaux
propres.

La méthode des multiples pour les


PME et grandes entreprises
Si maintenant, on s’intéresse aux entreprises de
plus grande taille, il convient de passer par quatre
étapes qui conditionneront la qualité de
l’évaluation.

Première étape : constituer un échantillon


d’entreprises cotées comparables
Cet échantillon (peer group en anglais) doit être
formé d’entreprises cotées sur un marché boursier
du pays d’appartenance de l’entreprise à évaluer,
afin d’avoir un prix de marché.

Ces sociétés doivent être dans le même secteur


d’activité et sont donc en général des concurrents
(produits similaires, même type de clientèle,
positionnement géographique comparable) mais
aussi de structure de capitaux et de taille
équivalente.

On remarque que plus l’échantillon doit être


comparable plus il risque d’être petit.

Deuxième étape : choix du multiple


Le multiple est une donnée comptable facilement
accessible car publiée par les entreprises
composant l’échantillon  : le chiffre d’affaires, le
résultat d’exploitation (EBIT en anglais), l’EBITDA
ou le bénéfice net.
Troisième étape : calculer le ratio multiple
moyen
Ainsi, si l’on choisit le bénéfice net annuel comme
multiple, on calculera pour chaque société de
l’échantillon le ratio valeur en Bourse (soit Prix
d’une action × Nombre d’actions) divisé par le
bénéfice net annuel par action.

Ce ratio, déjà vu au chapitre 9, est appelé PER (Price


Earning Ratio en anglais) et indique la valeur
boursière d’une entreprise en multiple de son
bénéfice annuel.

Ainsi, une entreprise cotée dont le PER est de  10  a


une valeur boursière égale à 10  fois son bénéfice
annuel.

On calcule donc ainsi le PER moyen de notre


échantillon.

Quatrième étape : la valorisation


Ayant défini le PER moyen de notre échantillon soit
par exemple  15, il ne reste plus qu’à l’appliquer à
l’entreprise que l’on veut valoriser.

Cette dernière a, par exemple, un bénéfice net


annuel de 1 million d’euros.
Puisque les sociétés comparables de l’échantillon
ont une valeur égale à 15 fois le bénéfice annuel, il
faudrait donc débourser 15 × 1 million = 15 millions
d’euros pour acquérir  100  % du capital social de
l’entreprise cédée.

On voit donc que si la méthode de calcul est très


simple, les difficultés se situent au niveau du choix
de l’échantillon et du multiple.

Ce dernier peut être plus sophistiqué comme lié à la


création de valeur (cf. chapitre  6) ou mieux au
surplus de trésorerie valorisable (cf. chapitre 7).

Enfin, puisque l’on utilise la valeur boursière des


sociétés, la valorisation par cette méthode est
soumise à la surévaluation ou à la sous-évaluation
des marchés boursiers.

Toutes ces méthodes sont basées sur le présent de


l’entreprise et donc plutôt orientées du côté du
vendeur qui désire céder son entreprise.

Pour l’acheteur, au contraire, la valeur future de


l’entreprise convoitée est primordiale. Voilà
pourquoi, il est concerné par les méthodes
d’actualisation.
Le coin de l’historien

La valorisation des entreprises est une science très


imaginative. Ainsi, au plus fort de la bulle Internet, de
nombreux investisseurs étaient à la recherche d’entreprises
«  dotcom  » à acheter dans l’espoir de réaliser plus tard de
confortables plus-values.

Mais comment, dans un secteur complètement nouveau,


déterminer le prix de ces sociétés jeunes, en perte et bien
souvent n’ayant jamais réalisé le moindre chiffre d’affaires  ?
Eh bien en utilisant la méthode des multiples… Le multiple
de quoi  ? Non pas du chiffre d’affaires ou de l’EBITDA mais
du nombre de clics de souris des internautes visitant le site
de la société en question !

Et puis la bulle Internet a fait pschitt…

Les méthodes d’actualisation


Principe de la méthode
La méthode consiste à calculer la valeur actuelle de
l’entreprise.

Celle-ci se détermine par le calcul des flux de


trésorerie disponibles (free cash flows en anglais)
prévus pour les prochaines années jusqu’à la
revente de l’entreprise à un nouvel acquéreur.

Cette somme des flux est calculée à la date présente


par un calcul d’actualisation.

La méthode est appelée la méthode des flux


actualisés (Discounted Cash Flows : DCF en anglais).

En fait, on retrouve le même concept que le calcul


de la valeur actualisée nette d’un investissement
(cf. chapitre  8) mais la somme des flux actualisés
n’est pas comparée à l’investissement initial. Elle
constitue la valeur actuelle de l’investissement à
réaliser par l’acheteur potentiel.

On appelle cette dernière la valeur d’entreprise VE


(Entreprise Value en anglais).

Si les flux de trésorerie disponibles chaque année


sont notés «  FCFi  » et si le taux d’actualisation
annuel est noté t, nous pouvons calculer une valeur
d’entreprise :

VE = ∑ FCFi/(1 + t)i

En développant la formule on obtient :

VE = FCF1/ (1 + t) + FCF2/(1 + t)2 + FCF3/(1 +


t)3  +… + (FCFn+ VT)/(1 + t)n
Avec VT égale à la valeur terminale de la société au
moment de sa revente à un nouvel acquéreur.

Voyons donc comment calculer les différents


paramètres, les flux de trésorerie disponibles, la
valeur terminale et le taux d’actualisation.

Estimation des paramètres


Pour l’estimation des flux de trésorerie disponibles,
on se retrouve face à la même problématique que
lors de la construction d’un business plan.

Voilà pourquoi certains évaluateurs préfèrent partir


du flux de trésorerie disponible constaté à l’heure
actuelle FCF0 et lui appliquer un taux de croissance
constant appelé taux de croissance de l’entreprise
(souvent noté g par référence à growth rate en
anglais).

Cela revient à calculer la valeur de l’entreprise


comme si elle continuait sur sa lancée sans tenir
compte du nouveau management de l’acquéreur.

La formule devient alors :

VE = FCF0 × [(1 + g)/(1 + t) + (1 + g)2/(1 + t)2 + (1 +


g)3/(1 + t)3 + … + (1 + g)n/(1 + t)n] + VT/(1 + t)n
La valorisation de la valeur terminale est également
difficile à déterminer.

En effet, la valeur terminale aura d’autant plus de


poids que la durée de possession de la nouvelle
entreprise par l’acquéreur est courte. Ainsi pour des
durées de 5 à 7 ans, elle peut représenter 75 à 80 %
de la valeur d’entreprise. Ce qui revient à repousser
le problème du calcul d’une valeur d’entreprise à sa
valeur terminale…

Là encore, on est amené à prendre une autre


hypothèse simplificatrice, qui est d’affirmer que la
valeur terminale pour l’acquéreur actuel, c’est aussi
la valeur d’entreprise de l’acquéreur suivant qui est
calculée comme une somme de flux de trésorerie
disponibles et la valeur terminale.

Mais cette dernière est aussi la valeur d’entreprise


de l’acquéreur suivant du suivant…

Nous aurons donc :

VE = FCF0 × [(1 + g)/ (1 + t) + (1 + g)2/ (1 + t)2 +


(1 + g)3/ (1 + t)3 +… + (1 + g)n/ (1 + t)n]

Avec n tendant vers l’infini, la valeur terminale a


disparu de la formule et son calcul n’est donc plus
nécessaire…
Encore mieux, faites appel à vos connaissances
mathématiques et vous vous apercevez que la
valeur d’entreprise est en fait une série qui tend à
l’infini vers :

VE = FCF0 × (1 + g)/ (t – g)

Il ne reste plus qu’à définir le taux d’actualisation


et le taux de croissance constant.

Pour le taux d’actualisation, reportez-vous au


chapitre  8  concernant la rentabilité d’un
investissement. Le taux d’actualisation choisi est le
coût moyen pondéré du capital ou CMPC (Weighted
Average Cost of Capital : WACC en anglais).

Quant au taux de croissance constant, on peut se


reporter au chapitre  7  dans lequel nous avions
montré que :

FCF = CE × (ROCE - WAGU)

Le free cash flow résulte de l’écart entre la


rentabilité des capitaux employés (ROCE) et le taux
de croissance de ceux-ci (WAGU) multiplié par le
montant du capital employé en début de période.

Si l’on admet que l’entreprise a pour stratégie de


maintenir cet écart entre ROCE et WAGU est plus ou
moins constant, on peut écrire que le taux de
croissance des flux de trésorerie disponible et
équivalent au taux de croissance du capital
employé.

Le symbole ∆ veut dire « variation ».

Donc puisque (ROCE  –  WAGU) est supposé


constant :

Le taux de croissance des cash flow disponibles est


le taux de croissance des capitaux employés c’est-
à-dire WAGU :

g = WAGU

La formule devient :

Calcul de la valeur de l’entreprise


Pour résumer, la valeur présente de l’entreprise
continuant sur sa lancée, c’est-à-dire conservant le
même écart entre la rentabilité des capitaux
employés (ROCE) et le taux de croissance de ces
capitaux employés (WAGU), dépendra des capitaux
employés aujourd’hui CE0  et de deux écarts de
taux :

• l’écart entre la rentabilité et le taux de


croissance des capitaux employés au
numérateur ;

• l’écart entre le coût moyen du capital et le


taux de croissance des capitaux employés au
dénominateur.

La valeur d’entreprise n’est pas le montant de ses


capitaux propres mais la valeur actuelle des
capitaux employés estimés dans le futur, si
l’entreprise continue sur sa lancée.

Il nous faut donc passer maintenant au calcul de la


valeur des capitaux propres.

Calcul de la valeur des capitaux


propres
Pour cela, nous allons revenir au bilan financier.
Figure 15-2 Bilan financier

Les capitaux employés actualisés sont l’actif


immobilisé et le besoin en fonds de roulement s’il
est positif.

Les capitaux propres, c’est-à-dire la valeur


de  100  % des droits sociaux (actions ou parts
sociales) de l’entreprise, sont donc :

Capitaux propres = Valeur de l’entreprise +


Trésorerie positive – Dettes bancaires

Capitaux propres = Valeur de l’entreprise –


 Dettes bancaires nettes

Si le besoin en fonds de roulement est négatif,


celui-ci sera considéré comme une ressource
financière, c’est-à-dire une dette au même niveau
que les dettes bancaires.
Il est temps maintenant de récapituler et
d’expérimenter ces différentes méthodes dans un
exercice simplifié certes mais pas trop loin de la
réalité.

Cas pratique : la société Jean Bart Informatique

Maintenant que vous avez pu prendre connaissance


des différentes méthodes d’évaluation d’une
entreprise, appliquons-les à un cas concret  : la
société Jean Bart Informatique.

En fait, l’entreprise Jean Bart Informatique est une


vieille connaissance car c’était l’entreprise Créatest
que nous avons rencontrée aux chapitres 10 et 11.

Elle a bien grandi, a changé de nom mais est restée


dans le même secteur d’activité  : la vente de
matériel informatique. Son compte de résultat pour
la dernière année se présente ainsi (en millions
d’euros) :
Figure 15-3 Compte de résultat

Le bilan au début de la même année peut se


résumer ainsi (en millions d’euros) :

Figure 15-4 Bilan au début de l’exercice

Et d’abord quelques ratios


On peut en tirer quelques ratios significatifs :

Il n’y a pas de créances clients car ceux-ci paient


comptant.
Le résultat d’exploitation est égal à  30  % des
ventes.

Les frais financiers représentent  10  % de la dette


bancaire (qui est une dette à long terme).

Le taux moyen de l’impôt sur les bénéfices se


calcule en comparant le montant de l’impôt sur les
bénéfices et le résultat courant
= 14,3/43 = 1/3 = 33,33 % (arrondi).

Le besoin en fonds de roulement : Stock + Créances


clients  –  Dettes fournisseurs se calcule ainsi  :
90  +  0  –  85  =  5  soit  3,33  % des ventes ou
encore 12 jours de ventes.

Pour simplifier une année est comptée


pour 360 jours.

Le capital économique (les capitaux employés) est


égal à la somme de l’actif immobilisé et du besoin
en fonds de roulement positif : 260 + 5 = 265.

Le rendement des capitaux employés (ROCE) se


calcule en divisant le résultat d’exploitation après
impôt (NOPAT) par les capitaux employés.

Compte tenu d’un taux d’impôt sur les bénéfices


calculé plus haut de  1/3, le résultat d’exploitation
après impôt est de 45 × (1 – 1/3) = 45 × 2/3 = 30.
Le rendement des capitaux employés (ROCE) est
donc de : 30/265 = 11,32 % (arrondi).

L’entreprise crée-t-elle de la valeur ?


Enfin, avant de passer à l’évaluation, analysons si
l’entreprise crée de la valeur.

Pour cela, calculons ensemble le coût moyen


pondéré du capital (WACC) que nous avons vu au
chapitre 6.

CMPC = Poids des capitaux propres × Coût des


capitaux propres + Poids de la dette bancaire ×
Coût de la dette bancaire après impôt

Le calcul des poids se fait à la valeur de marché des


capitaux propres et de la dette bancaire.

Nous allons simplifier en admettant que les valeurs


au bilan sont proches de la valeur de marché.

Nous prendrons donc un montant de  255  pour les


capitaux propres et de 20 pour la dette bancaire.

Le montant total des capitaux est donc


de 255 + 20 = 275.

Le poids des capitaux propres sera égal


à 255/275 = 92,7 % (arrondi).
Le poids de la dette bancaire sera égal
à 20/275 = 7,3 % (arrondi).

Passons maintenant au coût de la dette bancaire


après impôt : rappelons que c’est le taux de la dette
bancaire soit  10  % comme indiqué plus haut par
division des frais financiers par la dette bancaire
long terme.

Ce taux est calculé après impôt sur les bénéfices


de 1/3 soit 10 % × (1 – 1/3) = 6,67 % (arrondi).

Il ne nous reste plus (euphémisme  !) qu’à


déterminer le coût des capitaux propres.

Révisons le chapitre  6  et utilisons le modèle


d’évaluation des actifs financiers  : le MEDAF
(Capital Asset Pricing Model : CAPM en anglais).

Celui-ci nous indique que le coût des capitaux


propres d’une entreprise (qui rappelons-le est un
taux) est égal au taux de rendement d’un actif
financier non risqué auquel on ajoute un facteur de
risque (appelé coefficient β) de l’entreprise par
rapport au risque moyen présenté par les
entreprises cotées sur le même marché financier.

Nous allons prendre un taux de  4  % pour le


rendement d’un actif financier non risqué.
L’entreprise Jean Bart Informatique n’est pas cotée
sur un marché financier mais une analyse des
entreprises dans le même secteur d’activité et
cotées en Bourse montre que leur coefficient β est
proche de 1.

Autrement dit, les entreprises de ce secteur sont


aussi risquées que la moyenne des entreprises
cotées sur le même marché financier.

Si on suit le fameux adage : No pain no gain, big pain


big gain qui veut qu’un actif financier doive
rapporter d’autant plus qu’il présente un risque
financier (le risque financier d’un actif étant une
incertitude sur la rentabilité de cet actif), une
entreprise qui a un coefficient β égal à  1  doit
rapporter autant que le rendement moyen du
marché sur laquelle elle est cotée.

On vérifie cela en reprenant la formule du MEDAF :

RE = RNR + β × (RM – RNR)

RE est le rendement de l’entreprise (soit le coût des


capitaux propres utilisé dans le calcul du CMPC).

RNR est le rendement d’un actif financier non


risqué.

RM est le rendement moyen du marché financier.


On vérifie ainsi aisément que si β est égal à  1, on
écrit :

RE = RNR + β × (RM – RNR) = RNR + 1 × (RM – RNR)


= RNR + RM – RNR = RM

Le rendement de l’entreprise est bien égal au


rendement moyen du marché financier.

Les rendements dont on parle sont les rendements


espérés selon la théorie du MEDAF mais la finance
de marché n’est pas une science exacte à 100 % !

Allez, encore un petit effort, le coefficient β est


celui du secteur d’activité.

Pour l’appliquer à notre entreprise Jean Bart


Informatique, il faut tenir compte du taux
d’endettement de cette dernière et utiliser
l’équation d’Hamada.

Il s’agit de Robert Hamada, un grand professeur de


finance né à San Francisco en  1937. Son équation
définit la relation entre le β d’un secteur d’activité
appelé parfois β économique et le β d’une
entreprise de ce secteur économique compte tenu
de son endettement. (Comme vous le savez,
l’endettement accroît le risque d’une entreprise.)

Ainsi :
β de l’entreprise = β du secteur d’activité × (1 + (1 –
 Taux impôt) × D/CP)

D est la dette bancaire soit 20.

CP sont les capitaux propres soit 255.

D/CP = 20/255 = 7,84 % (arrondi).

(1 – Taux impôt) = 1 – 1/3 = 2/3.

(1  + (1  –  Taux impôt) × D/CP) =  1  +  2/3  ×  7,84  %


= 1,05 (arrondi).

β de l’entreprise = β du secteur d’activité × 1,05.

β de l’entreprise = 1 × 1,05 = 1,05.

Ouf !

Le coût des capitaux propres est donc en reprenant


le MEDAF :

RE = RNR + β × (RM – RNR)

On prend comme hypothèse que le rendement du


marché est de 9 %.

On a alors tout ce qu’il faut pour calculer le


rendement espéré de l’entreprise RE c’est-à-dire le
coût des capitaux propres demandé dans le MEDAF.
Rappelons que le taux sans risque RNR = 4 %.
RE = 4 % + 1,05 × (9 % – 4 %) = 4 % + 5,25 %
= 9,25 %

(En fait, le calcul complet non arrondi nous


donne 9,26 %.)

Nous allons donc prendre un coût des capitaux


propres de 9,26 %.

Nous avons déjà calculé plus haut le coût de la dette


bancaire après impôt, soit 6,67 % (arrondi).

Nous connaissons (voir plus haut) le poids des


capitaux propres : 92,7 % (arrondi) et le poids de la
dette bancaire : 7,3 % (arrondi).

On est donc en mesure de calculer le coût moyen


pondéré du capital (WACC) :

CMPC = Poids des capitaux propres × Coût des


capitaux propres + Poids de la dette bancaire ×
Coût de la dette bancaire après impôt

CMPC =  92,7  % ×  9,26  % +  7,3  % ×  6,67  %


= 9,07 %

Donc l’entreprise Jean Bart Informatique crée de la


valeur puisque le rendement des capitaux employés
est supérieur au coût moyen pondéré du capital
(WACC) :
ROCE > CMPC car 11,32 % > 9,07 %

Maintenant on est prêt pour l’évaluation et tout


d’abord par la méthode d’actualisation des flux
nets de trésorerie (la méthode DCF soit Discounted
Cash Flows en anglais).

L’évaluation par la méthode d’actualisation


Nous allons donc calculer les flux de trésorerie
générés par l’entreprise au cours des  5  prochaines
années et estimer une valeur terminale, c’est-à-
dire une valeur de revente à la fin de la cinquième
année.

Ces flux seront actualisés, c’est-à-dire calculés en


valeur d’aujourd’hui grâce au taux d’actualisation
qui est le CMPC (WACC).

Nous prendrons les hypothèses suivantes :

• le résultat d’exploitation est de 30 % des


ventes (résultat opérationnel) ;

• les ventes progressent de 20 % les trois


prochaines années puis de 10 % les deux
années suivantes ;

• le taux d’impôt sur les bénéfices reste


constant, soit un tiers ;
• la dotation aux amortissements est de 10 les
trois prochaines années puis de 12 les deux
années suivantes ;

• les investissements ne sont que des


investissements de renouvellement soit 15 les
trois prochaines années et 20 les deux années
suivantes ;

• le besoin en fonds de roulement reste égal à


douze jours de vente.

Figure 15-5 Calcul des flux de trésorerie

Repartons maintenant des flux potentiels de


trésorerie, calculons les variations du besoin en
fonds de roulement d’une année sur l’autre pour
les déduire ainsi que le montant des
investissements de renouvellement afin de calculer
les flux de trésorerie disponibles.

Enfin, nous calculerons la valeur actualisée de ces


flux en prenant pour taux d’actualisation le coût
moyen pondéré du capital, soit 9,07 %.

Figure 15-6 Calcul de la valeur actualisée des flux de trésorerie

Les flux de trésorerie actualisés ont été calculés


pour chaque année de la façon suivante :

La première année  : FCF1/ (1  + t), c’est-à-dire le


flux de trésorerie disponible à la fin de la première
année divisé par 1 + t.

t est le taux d’actualisation, c’est-à-dire le coût


moyen pondéré du capital (WACC). La deuxième
année  : FCF2/ (1  + t)2, c’est-à-dire le flux de
trésorerie disponible la deuxième année divisé par
(1 + t)2. Et ainsi de suite…

La valeur de l’entreprise est :

En développant la formule on obtient :


VE = 27,50 + 31,10 + 34,99 + 34,03 + 34,83 + (VT)/
(1 + t)5

Avec VT égale à la valeur terminale de la société au


moment de sa revente à un nouvel acquéreur après
introduction d’un nouveau paramètre qui est g le
taux de croissance de l’entreprise au-delà de la  5e
année.

En prenant un taux de croissance g à l’infini de 1 %,


nous trouvons en application de la formule
page 401 :

VT = FCF5 × (1 + 1 %)/ (9,07 % - 1 %)

Nous trouvons une valeur terminale de  672,81  et


une valeur terminale actualisée de :

(VT)/ (1 + t)5 = 435,82.

La valeur totale de l’entreprise serait donc


de 27,50 + 31,10 + 34,99 + 34,03 + 34,83 + 435,82

Soit : 598,28 (compte tenu de l’arrondi final).

On remarque que, comme il est expliqué plus haut


dans le paragraphe sur la méthode d’évaluation par
actualisation, la valeur terminale représente un
pourcentage important de la valeur présente de
l’entreprise (ici environ 73 %).

C’est donc la valeur terminale qui sera le facteur-


clé alors qu’elle est basée sur un taux de croissance
après cinq ans qui relève plus d’une estimation au
doigt mouillé.

C’est pourquoi, nous avons aussi proposé une autre


méthode d’actualisation qui reprend la formule :

Nous connaissons déjà :

CE0 qui sont les capitaux employés pendant l’année


qui vient de s’écouler (donc ceux en début de
période) :

Actif immobilisé + Besoin en fonds de roulement  :


260 + 5 = 265.

ROCE est la rentabilité des capitaux employés de


cette année : 11,32 %.

WACC a été aussi calculé : 9,07 %.

Il nous reste à calculer WAGU qui est le taux de


croissance des capitaux employés.
Nous avons vu notamment au chapitre 7 la façon de
le calculer.

ωAI est le poids de l’actif immobilisé dans le total


des capitaux employés.

ωBFR est le poids du besoin en fonds de roulement


dans le total des capitaux employés.

TAI est le taux de croissance de l’actif immobilisé.

TBFR est le taux de croissance du besoin en fonds de


roulement.

En reprenant les chiffres de l’année qui vient de


s’écouler :

ωAI = Actif immobilisé/Capitaux employés


= 260/265 = 98,11 % (arrondi).

ωBFR = Besoin en fonds de roulement/Capitaux


employés = 5/265 = 1,89 % (arrondi).

TBFR = le taux de croissance du besoin en fonds de


roulement, donc le taux de croissance des ventes
puisque le besoin en fonds de roulement est
constant et égal à 12 jours de vente.

TBFR = 20 %.
Pour TAI qui est le taux de croissance de l’actif
immobilisé, nous allons le calculer pour l’année N
+  1  soit (Investissements  –  Dotation aux
amortissements)/ Actif immobilisé de l’année
écoulée = (15 – 10)/260 = 1,92 % (arrondi).

Nous allons considérer que ces taux sont constants,


ce qui est simplificateur, admettons-le, mais plus
réaliste que le calcul de la valeur terminale de
l’autre méthode !

Reprenons :

WAGU = ωAI × TAI + ωBFR × TBFR

WAGU = 98,11 % × 1,92 % + 1,89 % × 20 % = 2,26 %

On aura donc :

La valeur d’entreprise VE =  265  × (11,32  %  –


 2,26 %)/ (9,07 % – 2,26 %)

Il vient alors une valeur d’entreprise


de 265 × 9,06 %/6,81 % = 352,50 (arrondi).

Comme nous l’avons expliqué, la valeur


d’entreprise n’est pas la valeur des capitaux
propres, c’est-à-dire le prix à payer pour acquérir
l’entreprise.
Il faut appliquer la formule suivante :

Capitaux propres = Valeur de l’entreprise +


Trésorerie positive – Dettes bancaires

Pour l’entreprise Jean Bart Informatique, la


trésorerie positive est égale à  10  et les dettes
bancaires égales à 20.

L’évaluation de l’entreprise est donc de  :


352,50 + 10 – 20 = 342,50.

C’est la valeur que nous allons retenir (et donc


oublier la valeur de  588,28  =  598,28
+  10  -  20  obtenue par la méthode des flux
actualisés et de la valeur terminale).

Mais passons maintenant à une autre méthode dite


patrimoniale : l’évaluation par la méthode de l’actif
net corrigé.

L’évaluation par l’actif net corrigé


Nous partons donc du bilan de la dernière année
écoulée qui fait apparaître un montant de capitaux
propres de  255  (les chiffres sont en millions
d’euros).

Un audit de ce bilan montre :


• des frais de recherche et de développement
pour 5 ;

• une évaluation de la valeur de la marque


de 60 ;

• une dépréciation complémentaire du stock


nécessaire à hauteur de 6.

Les frais de recherche et de développement sont


enregistrés dans l’actif immobilisé ce qui permet
d’étaler (on dit « amortir ») ces frais sur plusieurs
années. Mais on considère que c’est un actif fictif et
on le déduit des capitaux propres pour calculer
l’actif net de l’entreprise.

L’actif net est donc égal à 255 – 5 = 250.

Il faut maintenant le corriger de la valeur de la


marque (qui ne figure pas au bilan car elle a été
créée par l’entreprise) et de la dépréciation
complémentaire du stock.

Nous avons donc une plus-value latente de  60  –


 6 = 54.

Compte tenu du taux d’impôt sur les bénéfices


de 1/3, la plus-value nette sera de 54 × 2/3 = 36.

L’actif net corrigé sera donc de 250 + 36 = 286.


La valorisation de l’entreprise Jean Bart
Informatique par la méthode patrimoniale de l’actif
net corrigé sera de 286.

Mais quelle est la valeur des concurrents dans le


même secteur d’activité ?

Passons donc maintenant à la méthode des


comparables dites « des multiples ».

La valorisation par la méthode des


comparables
Certains concurrents de la société Jean Bart
Informatique sont cotés en Bourse donc on peut
connaître à tout moment leur valeur marchande en
multipliant le cours de Bourse par le nombre
d’actions émises. Cette valeur est aussi appelée la
«  valeur boursière  » ou la «  capitalisation
boursière ».

Mais l’entreprise Jean Bart Informatique n’a ni la


même taille ni le même bénéfice que ses pairs.

Alors comment comparer ? La méthode des


multiples
Une étude très fine des concurrents cotés en Bourse
montre, qu’en moyenne, leur valeur boursière est
égale à  2  fois leur chiffre d’affaires et  6  fois leur
EBITDA. De plus, le PER moyen du secteur est de
l’ordre de 11.

Analysons cela de plus près  : si la valeur boursière


est égale à 2 fois le chiffre d’affaires, cela voudrait
dire que, si Jean Bart Informatique avait été cotée
en Bourse, elle pourrait valoir aujourd’hui  :
150 × 2 = 300.

L’EBITDA (Earnings Before Interest Taxes Depreciation


and Amortization en anglais) désigne en fait le
résultat d’exploitation sans tenir compte de
l’amortissement et des dépréciations.

Le résultat d’exploitation est de  45  et la dotation


aux amortissements est de  10. Pour la société Jean
Bart Informatique, nous avons un EBITDA
de 45 + 10 = 55.

Donc, en prenant le même raisonnement que pour


le chiffre d’affaires, la valeur en Bourse serait
de 55 × 6 = 330.

Enfin, si le PER est de  11, cela veut dire qu’une


entreprise du secteur se valorise à  11  fois son
bénéfice net, ce qui donne une valeur de Jean Bart
Informatique de 28,7 × 11 = 315,70 (arrondi).

On a donc trois valeurs données par les multiples.


Faisons donc une moyenne  :
300  +  330  +  315,70  =  945,70  divisé par  3  nous
donne 315,20 (arrondi).

C’est la valeur que nous retiendrons par la méthode


des comparables.

En conclusion
La valorisation de la société Jean Bart Informatique
varie de 286 à 342,50.

Figure 15-7 Valorisation de la société Jean Bart Informatique

La valeur la plus faible est donnée par la méthode


patrimoniale basée sur le bilan mais, comme disait
Henry Ford, tout ne se trouve pas dans le bilan. Elle
valorise ce qu’est l’entreprise.

La méthode des comparables nous donne une


valeur intermédiaire qui tient compte de la valeur
actuelle de marché. Elle valorise ce que fait
l’entreprise.

La valeur la plus élevée est fournie par la méthode


de l’actualisation qui valorise ce que fera
l’entreprise. Elle tient compte d’une croissance
soutenue et constante des ventes (20  %) sur les
prochaines années et donc intègre un futur plutôt
optimiste.

En cas de négociation avec un acheteur potentiel,


on pourrait envisager un objectif de prix de vente
à 315, la moyenne entre ces trois méthodes.

Après cet exercice mettant en pratique les


différentes méthodes de valorisation, passons
maintenant à l’étude des garanties
complémentaires à apporter dans la transaction qui
permettent d’assurer l’acheteur et de sécuriser la
cession de l’entreprise.

Entreprise à vendre sous


garantie
Le vendeur confortera la qualité de la transaction
par l’adjonction de différentes clauses destinées à
rassurer (sinon assurer) l’acheteur et qui ne
doivent jamais être considérées comme accessoires.

Nous en présentons ci-dessous quelques-unes


sachant que la liste n’est pas limitative.
La clause de garantie de passif
La cession d’une entreprise doit comporter des
garanties qui protègent l’acheteur de différents
risques pouvant survenir à l’issue de la transaction.

Le premier risque est celui de la survenance d’une


dette non comptabilisée lors de la valorisation.
D’où la nécessité d’assortir la cession d’une clause
de garantie de passif.

Celle-ci recouvre les cas de redressement fiscal ou


social (URSSAF, Caisses de retraite), de contentieux
(clients), d’insuffisance de dépréciation (stocks,
créances clients) ou de minoration d’engagements
hors bilan.

Un montant plancher déclenche le processus


d’indemnisation avec une durée d’exercice limitée.

Comme cette garantie couvre à la fois des passifs


mais aussi des actifs, elle est appelée plutôt
« clause de garantie d’actif et de passif » (GAP).

La clause de réajustement de
prix
Elle permet un réajustement de prix à la hausse
comme à la baisse en fonction de la variation des
éléments clés ayant servi au calcul du prix pendant
la période comprise entre la négociation et
l’acquisition définitive.

La clause de non-concurrence
Très fréquente en droit du travail, cette clause est
aussi utile en droit commercial, notamment en cas
de cession de fonds de commerce ou de droits
sociaux.

L’acquéreur doit avoir l’assurance que le vendeur


ne créera pas une entreprise concurrente dans un
délai raisonnable après la transaction et dans le
périmètre de l’entreprise cédée.

Cette clause fait l’objet d’une jurisprudence


importante.

La clause de earn out


Enfin, mais rappelons que cette liste n’est pas
exhaustive, le repreneur a tout intérêt à ce que le
cédant accompagne celui-ci pendant un certain
temps afin de prendre possession de toutes les
fonctions de l’entreprise et de maintenir, si ce n’est
améliorer, la performance antérieure.
Cette clause est intéressante aussi pour le vendeur
car en dehors du fait qu’il ne lâche pas son
entreprise du jour au lendemain (notamment en
cas de départ à la retraite), elle lui permet d’obtenir
un prix complémentaire (earn out en anglais) en
fonction de l’atteinte ou du dépassement de
certains objectifs prédéterminés au-delà de la date
de cession. C’est la clause dite de earn out.

En pratique, le cédant est rémunéré pour sa vente


en deux parties : une première partie payée le jour
de la cession et une deuxième partie plus tard (dans
les 2 ou 3 ans de la cession).

L’objectif est que cette deuxième partie qui n’est


pas un crédit vendeur majore le prix total de vente.

Cette clause est gagnant-gagnant car l’acheteur


bénéficie d’un différé de paiement, de la
continuation de la bonne marche de son acquisition
et de l’expertise du vendeur. Celui-ci garde plus ou
moins les rênes et peut espérer un complément de
prix.

Maintenant que vous savez comment déterminer le


prix d’une prise de contrôle, voyons maintenant
dans le chapitre suivant «  comment prendre le
contrôle d’une entreprise ».
Retenez l’essentiel

• La vente de son entreprise constitue la


dernière étape de l’aventure de
l’entrepreneur.

• Avant de finaliser un prix, il faut d’abord


définir ce que l’on vend  : un actif isolé, un
secteur d’activité ou les droits sociaux de
l’entreprise.

• La cession d’une entreprise se doit d’être


confortée par un argumentaire et crée une
bonne occasion de faire un audit juridique
et financier.

• Les méthodes de valorisation sont


orientées soit plutôt côté vendeur
(comparatives), soit côté acheteur
(patrimoniales, actualisation) et forment la
base de négociation du prix final.

• La transaction doit se compléter par des


clauses qui, loin d’être accessoires,
sécurisent le vendeur comme l’acheteur
dans la conclusion de la cession.
DANS CE CHAPITRE
Pourquoi prendre le contrôle d’une entreprise ?

Comment prendre le contrôle d’une entreprise ?

Comment financer une prise de contrôle ?

Comment se défendre contre une prise de contrôle ?

Chapitre 16
Comment prendre le contrôle
d’une entreprise ?
N ous avons vu dans le chapitre précédent
comment déterminer le prix d’un actif spécifique
comme le fonds de commerce et le prix d’une
entreprise, c’est-à-dire le prix de l’acquisition
de 100 % des droits sociaux de celle-ci.
Acquérir  100  % des droits sociaux, c’est donc
acquérir tous les actifs de l’entreprise qui figurent
au bilan de celle-ci, mais c’est aussi avoir à
disposition tous les autres actifs qui ne figurent pas
au bilan comme l’expertise du personnel, la
notoriété des produits, la qualité de la recherche.

Enfin, acquérir 100 % des droits sociaux, c’est aussi


avoir la gouvernance de l’entreprise, donc décider
de sa stratégie et de son développement futur.

Cependant, en regardant de près le droit français


des sociétés, mais aussi dans la quasi-totalité des
pays dans le monde, les décisions en assemblée
générale ordinaire se prennent à la majorité, c’est-
à-dire à 50 % plus une voix.

Comme c’est lors de ces assemblées que se décide


notamment la nomination des membres du conseil
d’administration dans les sociétés par actions ou du
gérant dans les sociétés à responsabilité limitée, la
prise de contrôle d’une entreprise et donc la
gouvernance de tous ses actifs se fait par
l’acquisition d’un peu plus de 50  % des droits
sociaux.

On assiste donc à une sorte d’effet de levier


financier par les capitaux propres, puisqu’il suffit
de payer 50 pour acquérir le droit de gouverner 100.

Nous allons donc voir ci-dessous pourquoi un


associé ou un actionnaire (ou un groupe d’associés
ou d’actionnaires) prennent le contrôle d’une
entreprise.

Puis, nous allons analyser les méthodes de prise de


contrôle et les moyens de les financer.

Enfin, nous allons nous placer de l’autre côté et


analyser comment se défendre contre une prise de
contrôle qualifiée « d’hostile ».

Pourquoi prendre le contrôle


d’une entreprise ?
La prise de contrôle d’une entreprise peut être
motivée principalement par trois objectifs  : se
développer, éliminer ou reprendre.

Se développer
« Synergie » : ce mot revient très souvent dans le
vocabulaire des rapprochements d’entreprises. En
effet, on peut lire dans certains rapports d’activité
aux actionnaires ou dans les journaux économiques
que l’entreprise X a pris le contrôle de l’entreprise
Y car cela créera une synergie.

En fait, en reprenant l’étymologie, ce mot vient du


grec ancien et signifie « coopération » et donc un
«  synerge  » serait un collègue de travail… Par
extension, et pour simplifier, ce mot désigne une
action par laquelle 1 + 1 est… supérieur à 2.

Dans le vocabulaire financier, une synergie est une


création de valeur par le biais de revenus
supplémentaires engendrés par de nouvelles
activités ou la mise en commun d’expertises
commerciales complémentaires.

Une synergie peut aussi être créée par réduction


des coûts, par économie d’échelle, ou par
mutualisation et partage de certaines fonctions de
l’entreprise comme la comptabilité, le service
après-vente, etc.

La prise de contrôle d’une entreprise est donc


souvent motivée par la création de synergies.

Elle peut aller jusqu’à la mise en place d’une filière


intégrée réunissant des activités complémentaires
d’amont en aval, depuis la conception d’un produit
jusqu’à sa distribution finale.
Mais on trouve aussi des prises de contrôle
inspirées par le développement d’un nouveau
secteur d’activité ou l’acquisition d’une expertise
spécifique dans le marketing ou la recherche.

Enfin, n’oublions pas qu’il est parfois plus facile et


finalement moins coûteux d’acheter une entreprise
que de la créer ex nihilo, en particulier lors d’une
implantation à l’étranger.

Les déboires causés par la méconnaissance de la


réglementation, de la typologie de la clientèle et du
management du personnel, propres à un pays
étranger, peuvent finalement revenir plus cher que
la prise de contrôle d’une entreprise locale.

Éliminer
C’est la stratégie de l’anaconda appliquée à la
finance d’entreprise. Il s’agit de prendre le contrôle
d’une entreprise concurrente pour l’éliminer
comme l’anaconda enserre progressivement sa
proie pour la tuer puis l’avaler.

Pastichons l’avertissement présenté dans certains


films  : «  toutes ressemblances avec des faits réels
ne sont pas pure et fortuite coïncidence »…
Cependant, l’élimination d’un concurrent n’est
parfois pas totale car l’entreprise ciblée peut avoir
des spécificités attrayantes pour l’acquéreur.

Enfin, pour être complet, il peut arriver qu’une


entreprise crée ou acquière puis développe un
concurrent pour mieux maîtriser son marché.

Reprendre
Le repreneur d’entreprise a deux visages, comme le
dieu romain Janus. D’une part, il peut être le
sauveur d’une entreprise en difficulté. Appelé à la
rescousse par la direction de celle-ci, ou par les
pouvoirs publics, afin d’éviter des licenciements
massifs, ou par le tribunal de commerce en cas de
règlement judiciaire, le repreneur par la prise de
contrôle permettra une redynamisation du
management et la mise en place de certaines
synergies.

Mais, d’autre part, le repreneur peut aussi en faire


son métier et devenir plutôt un redresseur
d’entreprise. Dans ce cas, son but est de prendre le
contrôle d’une entreprise, la réorganiser, quitte à
diminuer drastiquement les coûts (cost killer en
anglais), en vendre rapidement une partie par lots
(appelé vente par appartements) pour faire de la
trésorerie et ne garder que la «  substantifique
moelle  », qu’il revendra plus tard avec une
confortable plus-value.

Le coin de l’historien

Le redresseur d’entreprise le plus célèbre en France est


incontestablement Bernard Tapie. Depuis Manufrance, sa
première grande acquisition en 1979 jusqu’à Adidas « l’affaire
de sa vie », selon ses propres mots en 1990, Bernard Tapie a
multiplié les acquisitions et les reventes avec des fortunes
diverses.

On peut citer (sans être exhaustif) la chaîne de produits


diététiques La Vie Claire en 1980, les systèmes de pesage
Teraillon en 1981 et Testut en 1983, les cycles Look en 1983,
les piles Wonder en 1984, les raquettes Donnay en 1988.

Pour être complet, disons que les repreneurs


peuvent être aussi les salariés ou le management de
l’entreprise.

La reprise d’une entreprise par ses salariés (RES)


se heurte bien souvent au problème du maigre
financement que peuvent apporter les salariés
repreneurs. Voilà pourquoi la RES peut
s’accompagner de la transformation de l’entreprise
acquise en société coopérative et participative
(SCOP), appelée autrefois «  société coopérative de
production  », dans laquelle les salariés sont
associés et majoritaires. Le partage du profit se fait
sous forme d’intéressement, de dividendes et de
réserves (celles-ci représentant une partie
importante du bénéfice, afin de constituer des
fonds propres plus solides, gage de pérennité de
l’entreprise).

La reprise d’entreprise par ses salariés peut aussi


se faire par les techniques de l’effet de levier
financier dites LBO ou LMBO (de l’anglais leverage
buy out ou leverage management buy out) qui
consistent à utiliser les effets multiplicateurs du
levier financier des capitaux propres et de la dette
bancaire pour acquérir une entreprise à moindre
coût.

La technique du LBO est utilisable pour toute prise


de contrôle quand le montant à investir disponible
est nettement inférieur au montant des capitaux
propres de l’entreprise ciblée pour l’acquisition.

Elle est expliquée plus bas dans ce chapitre au


niveau des techniques de financement d’une
acquisition.
Les méthodes de prise de
contrôle et ses conséquences
Prendre les rênes d’une entreprise n’est pas une
mince affaire, et cette opération s’accompagne de
nombreuses conséquences.

Comment acquérir les droits


sociaux d’une société
La prise de contrôle d’une entreprise se fait grâce à
une cession de titres (actions, parts sociales ou
autres).

Cependant, il y a un décalage entre la méthode  –


  cession de titres  –  et le résultat convoité  –  la
transmission d’une entreprise.

En effet, l’entreprise avec son actif et son passif ne


se confond pas avec ses droits sociaux.

Les prérogatives liées à une prise de contrôle,


notamment la gouvernance de l’entreprise, ne
peuvent être assimilées à un droit de propriété.

De même, il convient de différencier l’acquisition


par le cessionnaire de titres en vue d’un placement
financier, de l’acquisition d’une prise de contrôle
en vue de conserver celui-ci, sachant qu’un
placement financier peut finir par se transformer
en une prise de contrôle.

L’article L. 233-3  du Code de commerce définit le


contrôle d’une entreprise comme une notion qui ne
correspond pas uniquement à la détention d’une
majorité de titres mais aussi à l’influence
déterminante de l’entreprise qui contrôle sur
l’entreprise qui est contrôlée.

L’objet de ce livre n’est pas de détailler les


modalités juridiques mais il faut savoir que les
parties prenantes, cessionnaire comme cédant,
doivent s’entourer de conseillers juridiques et
avocats, détenteurs d’une grande expertise dans ce
domaine.

Acquérir une société non


cotée en Bourse
Si la société ciblée n’est pas cotée en Bourse,
l’acquisition des titres en vue d’une prise de
contrôle se traduira par une lettre d’intention qui
ouvrira la voie à une première transmission
d’informations de l’entreprise convoitée à
l’acquéreur potentiel puis par un contrat
d’acquisition.

Ce dernier devra fixer :

• le périmètre d’acquisition (nombre de titres,


sort des filiales) ;

• le prix d’acquisition avec éventuellement les


clauses de earn out (voir le chapitre 15) ;

• les modalités de paiement (immédiat, crédit


vendeur, complément earn out) ;

• les conditions suspensives à la réalisation


(obtention d’un financement, accord des
autorités de contrôle pour certains
investissements étrangers, etc.) ;

• la réalisation d’un audit d’acquisition


juridique et financier ;

• les clauses de garanties comme la clause de


garantie de passif (voir le chapitre 15).

Acquérir une société cotée en


Bourse
Si la société ciblée est cotée en Bourse, ou pourrait
penser qu’un «  ramassage  » de titres en Bourse
permettrait d’arriver à ses fins.

En fait, cette technique qui consiste à acheter


régulièrement et successivement en Bourse au
cours du jour les actions convoitées à des vendeurs
inconnus trouve vite ses limites. En effet, le
franchissement de certains seuils de pourcentage
de participations fixés réglementairement ou
statutairement oblige l’acheteur à révéler son
identité et à déclarer ses intentions.

De même que l’acquisition en Bourse d’un bloc de


titres conférant à son acquéreur le contrôle d’une
entreprise fait jouer une procédure dite «  de
garantie de cours  », qui permet aux actionnaires
minoritaires de vendre leurs titres au même prix
que celui fixé pour l’achat du bloc de titres.

L’offre publique d’achat (OPA)


La technique la plus connue est celle de l’offre
publique d’achat (OPA). Elle consiste à proposer
aux actionnaires de la société ciblée l’acquisition de
tous les titres sur le marché à un prix fixé, payable
par remise d’argent. Cette offre est valable pendant
une durée limitée et fixée par avance.
Afin de respecter la transparence de l’opération, la
bonne information et le principe d’égalité des
actionnaires, les autorités du marché sur lequel
l’entreprise est cotée surveillent le bon
déroulement de l’opération et le respect des
procédures.

Elle peut être suivie plus tard d’une offre publique


de retrait (OPR) (squeeze out en anglais) quand
l’actionnaire majoritaire détient plus de  95  % des
droits de vote mais aussi quand une importante
transformation de la société cotée est prévue, ou à
la demande d’un actionnaire minoritaire.

L’offre publique d’échange


Si l’offre d’achat n’est pas payée en espèces
sonnantes et trébuchantes mais en titres de la
société offreuse, on parle alors d’offre publique
d’échange (OPE).

Enfin pour être complet, n’oublions pas l’offre


publique de rachat d’actions (OPRA) (buy back offer
en anglais) qui est un moyen, pour l’entreprise
détentrice d’une trésorerie excessive, de l’utiliser
pour racheter et annuler ses propres actions.
Reportez-vous au chapitre 14  pour de plus amples
explications sur les conséquences de cette
procédure sur la performance de l’entreprise.

Conséquences d’une
acquisition
Quelles que soient les méthodes d’acquisition de
titres, la société acquise lors d’une prise de contrôle
garde sa personnalité morale et devient une
«  filiale  » (subsidiary en anglais), contrôlée par la
société qui en a fait l’acquisition et qui est elle-
même appelée «  maison mère  » (parent company
en anglais).

Chaque entreprise continue donc de publier ses


propres états financiers (bilan, compte de résultat,
annexe). Seuls les comptes de la maison mère
seront impactés par la prise de contrôle : le compte
de résultat par la distribution de dividendes de sa
filiale, enregistrés dans les produits financiers, et le
bilan par l’inscription dans les immobilisations
financières sur la ligne « Titres de participation »
des titres de la filiale valorisés au prix d’achat.

En revanche, après la prise de contrôle, le couple


filiale-maison mère devient une nouvelle entité
économique pilotée par la maison mère et il est
important pour les actionnaires de celle-ci d’en
avoir une vision comptable et financière globale.

C’est l’objet de la consolidation qui par des


techniques appropriées dressera au niveau de
l’entité économique un compte de résultat, un bilan
et un tableau de flux consolidés.

Reportez-vous au chapitre  3  pour découvrir les


mystères de la consolidation.

En revanche, si la maison mère décide de ne plus se


contenter d’une prise de contrôle, de bénéficier à
plein de la création de valeur de sa filiale au lieu de
toucher des dividendes et de faire figurer à son
bilan l’actif et le passif de sa filiale sans passer par
les techniques de consolidation, alors il lui faut
fusionner avec sa filiale et mettre en œuvre une
fusion-absorption.
Le coin de l’historien

Dans les faits, la première OPA en France est intervenue


en 1966 et concernait la prise de contrôle de Fiat sur Simca
(marque disparue depuis, après avoir été entre les mains de
Chrysler, puis de Peugeot).

Mais la première « OPA médiatisée » en France, qui donnera


lieu à la mobilisation de la presse, des banquiers et des
avocats, date de décembre 1968.

Antoine Riboud, patron charismatique de BSN, groupe


verrier d’environ  1  milliard de francs de chiffre d’affaires,
lance une OPA sur Saint-Gobain, leader européen avec un
chiffre d’affaires de  7  milliards et accessoirement une des
plus anciennes entreprises françaises, puisque créée par
Colbert sous le nom de Manufacture royale des glaces.

En réalité, il ne s’agit pas d’une OPA mais d’une OPE car la


proposition vise à échanger des actions de Saint-Gobain
contre des obligations éventuellement convertibles, après
trois ans de détention, en actions de BSN. Cette offre
surprend les actionnaires de Saint-Gobain, dont certains ont
reçu leurs titres par héritage successif dans leur famille.

Mais cette proposition d’Antoine Riboud rend aussi furieux le


conseil d’administration de Saint-Gobain et son président
Arnaud de Vogüé, qui la qualifie d’hostile.
Ce dernier met en œuvre son carnet d’adresses et fait
racheter en Bourse, dans le plus grand secret, les titres Saint-
Gobain dont le cours dépasse alors la proposition d’Antoine
Riboud.

Parallèlement, une opération gigantesque de


communication est lancée par Publicis afin de rajeunir
l’image vieillotte de Saint-Gobain, sous la forme de visites
d’usines et de réunions avec les actionnaires.

Finalement, l’OPE échoue en janvier 1969 et Antoine Riboud


ne peut acquérir les 3  millions de titres nécessaires à une
prise de contrôle. Il abandonne alors les produits verriers et
transforme son entreprise en un groupe agroalimentaire qui
deviendra Danone.

Quant à Saint-Gobain, à la recherche d’une stratégie plus


conquérante, elle fusionnera avec la société Pont-à-Mousson
pour devenir SGPM, puis reprendra plus tard son nom
d’origine.

La fusion-absorption
La fusion-absorption est une opération par laquelle
une société dite «  absorbante  » reçoit la totalité
des actifs et des dettes d’une ou plusieurs autres
sociétés, dites «  absorbées  », pour constituer une
entité unique.

On parle ici d’une transmission de 100 % des actifs


et passifs, ce qui diffère de la prise de contrôle
évoquée plus haut dans laquelle seule la majorité
des droits sociaux est cédée.

D’autres techniques similaires sont parfois


employées comme la fusion-réunion qui consiste à
fusionner deux sociétés au sein d’une entité
nouvelle créée à cet effet, ou la scission réunion par
laquelle une entreprise disparaît par transmission
de la totalité de son patrimoine à plusieurs sociétés
nouvelles ou préexistantes.

Comme la totalité du patrimoine de la société


absorbée est transmise, celle-ci est dissoute mais
n’est pas liquidée. Les associés ou actionnaires de
la société absorbée deviennent alors associés ou
actionnaires de la société absorbante.

Celle-ci réalise une augmentation de capital dont


les titres sont attribués aux associés ou aux
actionnaires de la société absorbée en application
d’une parité d’échange entre les droits sociaux
définie dans le traité de fusion.
Comme la parité d’échange est arrondie (par
exemple, deux titres de la société absorbante en
échange de trois titres de la société absorbée), les
«  rompus  », c’est-à-dire les titres non
échangeables pour des questions d’arrondi, peuvent
être rémunérés par une soulte, c’est-à-dire un
versement en espèces.

En France, un régime fiscal spécifique permet de


reporter ultérieurement au niveau de la société
absorbante les plus-values résultant de la fusion
avec la société absorbée (pour les entreprises
soumises à l’impôt sur les sociétés).

Le processus de fusion fait l’objet d’une procédure


juridique stricte qui n’est pas dans l’objet de ce
livre, aussi nous conseillons aux lecteurs intéressés
de consulter les ouvrages spécialisés.

La fusion ne crée pas de valeur par elle-même. En


revanche, on peut espérer des synergies ultérieures,
créatrices de valeur. Leur anticipation par les
actionnaires crée alors une augmentation de la
valeur boursière pour les sociétés cotées.

Voyons donc maintenant comment financer une


prise de contrôle et quels sont les critères de
décision qui peuvent nous guider dans le choix
d’une prise de contrôle.

Comment financer une prise de


contrôle
Une prise de contrôle peut se financer de quatre
façons différentes :

• l’utilisation d’une position de trésorerie


excédentaire ;

• le recours à un emprunt bancaire ;

• l’émission de nouvelles actions ;

• l’apport partiel d’un actif que l’on filialise


dans la société contrôlée.

Nous n’allons pas développer cette dernière


possibilité qui permet de transférer une partie du
patrimoine de la société mère vers une filiale qui
aura procédé à une augmentation de son capital
souscrite uniquement au profit de la société mère
pour le payer. Cette opération est en effet plus une
allocation d’actifs au niveau d’un groupe qu’une
opération destinée à créer de la valeur.
En fait, une prise de contrôle se finance soit par de
l’argent que l’on possède déjà ou que l’on
emprunte, soit par émission de droits sociaux.

Nous allons donc voir maintenant pourquoi et


comment financer une prise de contrôle par la
trésorerie excédentaire.

Utiliser la trésorerie
disponible
La lecture du chapitre 14 : « Que faire du surplus de
cash généré par l’entreprise  » vous a convaincu
que même si un matelas de trésorerie est nécessaire
pour faire face à certains aléas, le but de
l’entreprise est de réinvestir le surplus de trésorerie
pour créer de la valeur dans l’entreprise.

Prendre le contrôle d’une entreprise, c’est donc


réaliser un investissement et les critères de prise de
décision seront les mêmes que ceux que nous avons
vus au chapitre  8  : «  Investir  : comment
décider ? ».

Nous reprenons en particulier la méthode du taux


de rentabilité interne modifié (TRIM) qui nous
détermine quel doit être le taux de rentabilité t de
l’investissement payé I pour rapporter autant que
les flux de trésorerie espérés, du fait de
l’acquisition et placés au coût moyen pondéré du
capital (WACC en anglais) :

I × (1 + t)n = ∑ FCFi × (1 + WACC)i

I représente donc le montant payé pour la prise de


contrôle.

WACC est le coût moyen pondéré de l’entreprise qui


prend le contrôle.

FCF sont les flux de trésorerie disponibles espérés


chaque année en provenance de l’entreprise filiale.

Ces flux sont en fait les dividendes distribués par la


filiale auxquels on ajoute les flux de trésorerie
après impôt générés au niveau de la société mère
par les synergies annuelles dégagées par la prise de
contrôle (ventes supplémentaires, réduction de
coûts, etc.).

Tout cela sur une période longue, par exemple dix


ans, si la prise de contrôle est pérenne.

On pourra même estimer une valeur de revente de


la filiale à la fin de cette période. Cependant, il
convient de bien faire attention aux deux points
suivants :
• La société mère ne reçoit de sa filiale que la
proportion de dividendes définie par son
pourcentage de titres détenus dans celle-ci :
un pourcentage de titres détenu de 60 % ne lui
donne que 60 % des dividendes distribués.

• Même si la maison mère détient la majorité


des droits sociaux et peut donc décider de
distribuer 100 % du bénéfice, la capacité de la
filiale à payer des dividendes dépend de son
flux de trésorerie disponible pour les
actionnaires. Nous avons vu au chapitre 11 que
ce flux dépend de sa performance économique
(rentabilité des capitaux employés = ROCE), de
son endettement (caractérisé par les ratios φ et
δ) et de son taux de croissance défini par le
WAGU (taux de croissance des capitaux
employés).

Flux de trésorerie disponible pour les


actionnaires = CE × {ROCE × (1 – φ – δ) – WAGU}

En conclusion, la prise de contrôle sera considérée


comme attractive si le TRIM est supérieur au WACC
majoré de la prime du risque inhérent à la prise de
contrôle (cf. chapitre 8).
Emprunter
L’entreprise qui ne possède pas de trésorerie
excédentaire pourra se tourner vers la solution de
l’emprunt bancaire.

Les critères de décision sont les mêmes que ceux


retenus dans le cas précédent. La seule différence,
et elle n’est pas négligeable quand la prise de
participation est de taille importante, c’est que cet
emprunt va modifier le WACC (coût moyen pondéré
du capital) de la maison mère et donc changer le
TRIM nécessaire pour rendre la prise de contrôle
attractive.

Il faudra aussi tenir compte du fait que le nouvel


endettement modifiera aussi les ratios
d’endettement φ et δ de la maison mère réduisant
d’autant le flux de trésorerie disponible pour ses
propres actionnaires, en l’absence de synergies
nouvelles.

On voit donc que l’évaluation précise et sincère de


ces dernières est fondamentale dans un processus
de prise de contrôle.

Un cas particulier se présente quand la prise de


contrôle est non pas effectuée par une entreprise
existante mais par des personnes physiques, par
exemple des salariés désirant reprendre leur propre
entreprise.

Il leur faut aller bâtir une «  structure ad hoc  »


(Special Purpose Vehicle : SPV en anglais) qui réunira
leurs économies à investir et, comme en général ils
ne sont pas milliardaires, qui utilisera les
ressources des effets de levier financiers par les
capitaux propres et par les dettes bancaires pour
optimiser leur prise de participation.

L’exemple ci-après (très simplifié) illustre le


processus qualifié de LBO (pour l’anglais leverage
buy out ou LMBO pour leverage management buy out),
c’est-à-dire, en français, reprise d’une entreprise
par ses salariés (RES) avec effet de levier financier.

Prenons le cas d’une entreprise dont le montant


des capitaux propres est évalué à 300.

Cette entreprise est à vendre car son propriétaire


part à la retraite et ses enfants ne sont pas
intéressés par une reprise.

Quelques salariés décident donc de la reprendre et


réunissent leurs économies  : 50. C’est
malheureusement trop maigre pour acheter la
société que l’on appelle société cible (target en
anglais) et donc ils décident de faire un LBO.
Ils créent dans ce but une structure spécifique (SA
ou SARL) dont le capital social sera formé par
les 50 de leurs économies.

Ils trouveront et convaincront un ou plusieurs


banquiers (ce qui n’est pas le plus facile) de prêter
à cette nouvelle entité  150  pour réunir un total
de 150 + 50 = 200.

Mais il leur manque encore  100  ! Qu’importe,


avec  200  ils peuvent avoir la majorité de
l’entreprise cible et donc la gouverner même s’ils
ne possèdent pas la totalité des droits sociaux.

Il leur suffit (doux euphémisme) de trouver


d’autres actionnaires (sleeping partners en anglais)
qui accepteront d’être minoritaires, donc de ne pas
gérer l’entreprise et de se contenter de seulement
percevoir des dividendes et espérer une plus value
lors de la revente de leur participation. Cela
pourrait être, par exemple, un fonds
d’investissement.

D’où le schéma page suivante :


Figure 16-1 Répartition du capital

On remarque bien un double effet de levier :

• juridique au niveau des capitaux propres de


l’entreprise « cible », puisque le SPV prend le
contrôle avec deux tiers des capitaux propres ;

• financier au niveau des capitaux propres du


SPV, puisqu’une partie des titres de
participation du SPV dans la société cible est
financée par une dette bancaire.

Mais pour cette dernière : comment payer les frais


financiers et comment rembourser la dette  ? Eh
bien, tout simplement grâce à l’entreprise cible qui
versera des dividendes, représentés par les flèches,
au SPV (et aussi bien sûr aux sleeping partners, ce
qui rend attractif à leurs yeux un tel investissement
minoritaire).

La clé du succès d’une telle opération dépend de la


capacité de l’entreprise cible à verser des
dividendes, permettant de payer les frais financiers
et de rembourser l’emprunt bancaire du SPV.

Reprenons donc la formule du chapitre 11 :

Flux de trésorerie disponible pour les


actionnaires = CE × {ROCE × (1 – φ – δ) – WAGU}

C’est ce surplus de trésorerie disponible pour les


actionnaires, généré par la société cible, qui servira
en proportion de la participation du SPV à payer les
frais financiers et à rembourser l’emprunt bancaire
du SPV.

On en déduit facilement la clé du succès d’un LBO,


qui est d’harmoniser les flux de trésorerie
nécessaires à l’amortissement de l’emprunt
bancaire du SPV et au paiement des frais financiers
afférents grâce aux dividendes générés par la
société cible.

Ce qui veut dire que :


• L’entreprise cible ne doit pas être trop
endettée afin de diminuer à son niveau
l’impact des facteurs φ et δ.

• Le différentiel entre la performance de


l’entreprise cible (définie par la rentabilité des
capitaux employés, ROCE) et la croissance de
ses capitaux employés (WAGU) doit être le plus
grand possible afin de générer le maximum de
cash disponible pour les actionnaires (SPV et
sleeping partners).

• Le meilleur compromis au sein de la société


cible doit être trouvé entre distribuer des
dividendes à ses actionnaires et garder un
surplus de trésorerie valorisable pour créer de
la valeur en son sein.

Enfin, à l’issue du remboursement de l’emprunt, le


montant des capitaux propres du SPV sera égal au
montant de la participation de celui-ci dans
l’entreprise cible.

Pour notre exemple, à création de valeur nulle pour


l’entreprise cible, ce montant sera de  200, ce qui
constitue une formidable plus-value par rapport à
l’investissement initial de 50.
Le SPV, ayant fini de jouer son rôle d’effet de levier,
est alors souvent fusionné avec son entreprise cible
par une opération classique de fusion-absorption.
Le coin de l’historien

La technique LBO est apparue aux États-Unis dans les


années 1970.

Financées par des obligations à haut risque (les junk bonds),


les opérations de LBO se sont développées dans les années
1980 grâce à des fonds d’investissement spécialisés, dont le
plus connu est KKR.

Son opération la plus médiatique portait sur le rachat de


Nabisco pour un montant total d’une trentaine de milliards
de dollars. Elle a fait l’objet d’un livre et d’un film célèbres aux
États-Unis : Barbarians at the Gate.

En France la première opération LBO (appelée RES) de taille


importante a été le rachat de Darty par l’intermédiaire d’un
SPV endetté auprès du Crédit Lyonnais de 5,5  milliards de
francs en 1988.

La hausse des taux d’intérêt a fortement contribué à ralentir


la cadence des opérations dans les années  1990  et  2000.
Depuis, le marché a repris.

On compte, chaque année, environ 150 à 250 opérations de


LBO réalisées sur des entreprises françaises.

Émettre des droits sociaux


La seconde possibilité de financement consiste à
créer des droits sociaux, c’est-à-dire à faire une
augmentation de capital au sein de l’entreprise
désirant prendre le contrôle mais uniquement
destinée aux actionnaires de la société
« contrôlée ».

Il n’y a donc aucun besoin de trésorerie nécessaire


mais cela entraîne une modification de la
géographie du capital et aussi un effet dilutif, par
une augmentation mécanique du nombre
d’actionnaires.

Cet effet dilutif sera compensé notamment par les


synergies nouvelles créées par la prise de contrôle
et les dividendes versés par la filiale.

En dehors des aspects juridiques et fiscaux que


nous ne traiterons pas ici, l’opération se traduit par
les phases suivantes :

• la valorisation de la société dont on prend le


contrôle ;

• le montant en conséquence de la prise de


contrôle ;

• la valorisation de la société qui prend le


contrôle ;
• le prix d’une action de la société contrôlée ;

• le prix d’une action de la société prenant le


contrôle ;

• la parité d’échange entre les deux actions.

Le critère de décision choisi pour l’opportunité


d’une prise de contrôle par émission de droits
sociaux reste le TRIM, c’est-à-dire le taux t tel que
comme nous l’avons vu plus haut :

I représente donc le montant de la prise de


contrôle.

WACC est le taux coût moyen pondéré des


ressources à long terme de l’entreprise qui prend le
contrôle.

FCF sont les flux de trésorerie disponible espérés


chaque année en provenance de l’entreprise filiale
(synergies et dividendes).

Il faut toutefois remarquer que le WACC doit être


recalculé pour tenir compte de la nouvelle
géographie du capital (capitaux propres et dettes à
long terme).
Enfin, pour être complet, si l’on se place du point
de vue des actionnaires de l’entreprise sujette à la
prise de contrôle, un rachat de leurs actions réglé
en espèces leur donne toute liberté de réinvestir où
bon leur semble ou même de dépenser la somme
reçue alors que l’échange de droits sociaux les
oblige à investir dans une société qu’ils n’ont pas
choisie, quitte à s’en dégager plus tard.

Toutefois, il y a un danger possible. Les


actionnaires ayant le pouvoir dans l’entreprise
contrôlante ont tout intérêt à savoir si les
actionnaires de la société contrôlée n’étaient pas
déjà actionnaires de la société contrôlante, au point
que leurs actions nouvelles dans cette société,
s’ajoutant à celles qu’ils avaient déjà, leur donnent
le pouvoir dans cette société. Que les anciens
actionnaires de la société contrôlée prennent le
pouvoir dans la société contrôlante, c’est déjà
arrivé !

Il reste un dernier point à examiner pour les


entreprises ou les groupes cotés en Bourse.
Comment la direction et l’actionnariat peuvent-ils
faire face à une tentative de prise de contrôle par
l’intermédiaire d’une OPA considérée comme
hostile ?
Comment se défendre contre
une offre publique d’achat
hostile ?

La voie réglementaire des


dispositifs d’alerte
Il faut rappeler que la plupart des marchés
financiers d’actions ont établi des dispositifs
d’alerte en cas de franchissement de certains seuils
de participation dans le capital d’une société.

Certains seuils franchis entraînent la révélation de


l’identité de l’acquéreur, d’autres obligent
l’acquéreur à préciser ses intentions.

Ces dispositifs n’empêchent pas une prise de


contrôle mais permettent à l’entreprise et à son
actionnariat de réagir.

Les pilules empoisonnées


Traduction directe du jargon financier anglo-
saxon, les « pilules empoisonnées » (poison pills en
anglais), sont des mesures juridiques, financières
ou réglementaires prises préventivement par une
entreprise, en vue de contrecarrer, sinon
d’empêcher, une prise de contrôle future
considérée comme hostile.

On peut citer, sans être exhaustif :

• Les mesures concernant la structure du


groupe : par exemple, l’adoption par la maison
mère d’une structure juridique sous forme de
commandite, séparant le capital possédé par
les commanditaires et le pouvoir détenu par les
commandités. Ces derniers ne peuvent pas être
l’objet d’une OPA.

On peut aussi créer une holding non cotée qui


détiendra la majorité du capital de la maison
mère. Enfin, pourquoi ne pas introduire une
filiale spécifique dont l’activité dans un secteur
stratégique ou militaire imposerait une
autorisation gouvernementale en cas d’OPA
sur la maison mère.

• Les mesures concernant la structure des


capitaux propres : il existe quantité de droits
sociaux plus ou moins exotiques qui ont pour
effet de rendre plus difficile, car plus coûteuse,
une OPA pour un prédateur. Par exemple, les
actions à droit de vote double, les obligations à
bons de souscription d’actions et les actions à
bons de souscriptions d’actions.

Les mesures concernant


l’actionnariat
On peut tenter de fidéliser son actionnariat par la
mise en place de dividendes plus importants en
fonction de la durée de détention de l’action, mais
aussi l’émission de certificats de valeur garantie
(CVG) incitatifs qui garantissent à l’actionnaire un
cours supérieur à toute proposition d’OPA.

On peut aussi mettre en place des « noyaux durs ».


Cela se traduit par un pacte officiel ou officieux
d’actionnaires s’engageant à conserver leurs droits
sociaux en cas d’OPA hostile.

L’entreprise peut aussi mieux maîtriser son


actionnariat en acquérant et en gardant ses propres
actions dans les limites autorisées (autocontrôle).

Les alliances
Les alliances avec d’autres groupes, sous la forme
de participations croisées, de pactes de non-
agression ou de préemption ont une efficacité
souvent limitée et peuvent aussi comme en
diplomatie se retourner ou se renverser.

Pour l’anecdote, on cite souvent l’intervention d’un


«  chevalier blanc  », qui par accord avec les
dirigeants de la société attaquée, achète les actions
de celle-ci pour faire monter le cours boursier au-
delà de la proposition de l’attaquant qui devient
ainsi sans objet.

Cette opération peut parfois se retourner contre


l’entreprise attaquée, si jamais le «  chevalier
blanc  » décide de garder les titres acquis et prend
le contrôle de celle-ci.

L’étude de la prise de contrôle d’une entreprise


nous a amené à étudier le cas des sociétés cotées en
Bourse, notamment en évoquant les techniques de
l’OPA.

Voyons donc maintenant dans le


chapitre  17  l’intérêt pour une entreprise d’être
cotée en Bourse.
Retenez l’essentiel

• La prise de contrôle d’une entreprise en


permet sa gouvernance sans acquérir la
totalité des droits sociaux.

• Une prise de contrôle crée de la valeur,


surtout par les synergies qu’elle procure
entre la maison mère et sa filiale.

• La consolidation permet de montrer les


états financiers de la nouvelle entité
économique formée par la maison mère et
sa filiale.

• L’acquisition peut se faire par un accord


direct entre le cédant et le cessionnaire.

• Il est aussi possible, si la société cible est


cotée en Bourse, de faire une offre publique
d’achat (OPA) auprès de ses actionnaires.

• Le paiement des droits sociaux acquis peut


se faire en espèces ou par échange des
titres de la société acquise contre des titres
de la société prenant le contrôle.
• De nombreuses techniques existent pour
se prémunir contre une offre publique
d’achat, comme notamment les «  pilules
empoisonnées ».

• La fusion absorption permet de rassembler


sous la même entreprise la maison mère et
sa filiale dont elle possède 100 % des droits
sociaux.

• La technique LBO (leverage buy out) permet


d’acquérir la gouvernance d’une entreprise
en réalisant un investissement réduit, grâce
au jeu des effets de levier juridique et
financier.
DANS CE CHAPITRE
Pourquoi s’introduire en Bourse ?

Les clés du succès

Les effets et les contraintes d’une introduction en


Bourse

La procédure d’introduction

Chapitre 17
Et pourquoi pas l’introduction
en Bourse ?
« À la Bourse tu as deux
options : t’enrichir
lentement ou t’appauvrir
rapidement. »
Benjamin Graham

N ous avons vu au chapitre 7 qu’une entreprise en


forte croissance consomme de la trésorerie et que
parfois sa performance n’en apporte pas
suffisamment.

Il est alors nécessaire d’apporter des capitaux


« frais » grâce à de nouveaux apports des associés
ou de nouveaux emprunts bancaires.

Cette levée de capitaux lui permet donc de financer


sa croissance, matérialisée par son taux de
croissance des capitaux employés (WAGU).

Mais les associés actuels n’ont peut-être pas une


fortune personnelle leur permettant de souscrire à
une augmentation de capital et les banquiers sont
peut-être réticents à renforcer leur financement.

Alors pourquoi ne pas ouvrir son capital à de


nouveaux investisseurs (institutionnels ou
particuliers) en proposant des actions de son
entreprise sur un marché boursier, autrement dit
de faire une introduction en Bourse (Initial Public
Offer : IPO en anglais).

L’appel à un marché boursier, au-delà d’une


opération de financement, offre d’autres
possibilités, liées à la nouvelle nature de
l’actionnariat.

Nous allons donc les analyser ci-après.

Le succès de cette opération n’est pas garanti et


nous donnerons quelques clés pour que
l’introduction en Bourse permette à l’entreprise
d’atteindre ses objectifs de financement.

Les conséquences et les contraintes pour une


entreprise nouvellement cotée sont importantes et
il convient aussi de les connaître avant de se lancer
dans l’aventure.

Enfin, mais ce n’est pas l’objet principal de ce


chapitre, nous décrirons brièvement le processus
d’introduction en Bourse, sachant que celui-ci
dépend de la réglementation et des procédures.
Celles-ci sont définies par les autorités de chaque
marché et en constante évolution.

Les procédures évoquées ci-dessous ne concernent


que les marchés réglementés, comme celui de NYSE
Euronext Paris (anciennement La Bourse de Paris).
Mais Euronext Paris, propose aussi d’autres
compartiments qui sont des marchés non
réglementés aux contraintes plus souples comme
Euronext Growth (appelé autrefois Alternext) et
Euronext Access (anciennement Marché libre).

Pourquoi s’introduire en
Bourse ?

Financer une forte croissance


L’introduction en Bourse d’une entreprise est
généralement motivée par deux raisons qui doivent
être simultanées :

• La croissance présente ou future est telle que


la performance de ses capitaux employés ne
permet pas de couvrir le besoin en trésorerie
généré par la croissance. En reprenant la
formule expliquée au chapitre 7 montrant
l’antagonisme entre la performance et la
croissance : les flux de trésorerie disponible
seront le résultat de la différence entre la
rentabilité des capitaux employés (ROCE) et le
taux de croissance de ceux-ci (WAGU).
Autrement dit, si la rentabilité des capitaux
employés est inférieure au taux de croissance
des capitaux employés, il n’y a plus de
trésorerie disponible pour rembourser les
dettes bancaires, distribuer des dividendes et
créer de la valeur. Il faut donc trouver de
nouveaux capitaux.

• Ces nouveaux capitaux ne peuvent être


apportés ni par les associés actuels (parce que
leur épargne personnelle ne leur permet pas)
ni par les banquiers (qui estiment que de
nouveaux emprunts grèveraient la solvabilité
de leur client).

Mais l’introduction en Bourse a aussi d’autres


utilités qui sont loin d’être secondaires.

Assainir le bilan comptable


Pour rester dans le domaine du financement, cette
opération peut aussi dans le même temps alléger le
bilan comptable d’une dette bancaire trop lourde,
qui aggravait le ratio d’endettement cher aux
banquiers. (Rappelez-vous le ratio Dettes
bancaires/Capitaux propres.)

L’apport de nouveaux capitaux propres, que ce soit


par les associés actuels ou par introduction en
Bourse, n’est pas neutre au niveau de la
performance financière. Celle-ci diminuera
mécaniquement par réduction de l’effet de levier
financier. Il faudra donc utiliser rapidement ces
nouveaux capitaux pour financer des
investissements créateurs d’une meilleure
rentabilité opérationnelle.

De même, la modification du poids des capitaux


propres et des dettes bancaires dans le calcul du
coût moyen pondéré du capital (WACC) entraînera
une augmentation du coût de financement global
de l’entreprise (car le coût des capitaux propres est
en général supérieur au coût de la dette bancaire
après impôt).

En conséquence, la décision d’investissements sera


plus sélective car leur rentabilité (taux de
rentabilité interne modifié, TRIM) devra excéder un
coût du capital plus élevé (cf. chapitre 8).

Réaliser enfin les bénéfices de


son aventure
Un effet indirect de l’introduction en Bourse est
loin d’être négligeable.

Les fondateurs de l’entreprise avaient peut-être dû


se contenter de salaires modestes eu égard au
temps investi pour faire grandir leur «  bébé  ».
Grâce à l’ouverture du capital, ils peuvent
commencer à tirer les premiers bénéfices de leur
aventure en revendant une partie de leur
participation (tout en restant majoritaires si
possible).

Celle-ci acquise au prix de la valeur nominale de la


part ou de l’action lors de la création de l’entreprise
sera valorisée au prix actuel lors de l’introduction,
ce qui génère une belle plus-value.

Accéder à un marché liquide


La liquidité des marchés boursiers permet à de
nouveaux actionnaires minoritaires d’accéder
facilement au capital de l’entreprise, mais aussi
d’en sortir aisément à tout moment pour réaliser
une plus-value, ou tout simplement en cas de
besoin inopiné de trésorerie.

Connaître à tout moment la


valeur de son entreprise
Nous avons vu au chapitre  15  les différentes
approches de la valeur de l’entreprise.

L’introduction en Bourse permet d’avoir une


valorisation à tout moment même si elle est
soumise à la loi de l’offre et de la demande et peut
faire l’objet d’une sur ou sous-évaluation
spéculative.

Malgré tous ces défauts, la valeur boursière


constitue un point de comparaison non négligeable.

Créer pour le personnel une


autre forme de motivation
que le salaire
Nous avons vu au chapitre 12 que le but financier de
l’entreprise était de générer un surplus de
trésorerie valorisable, sous-entendu créateur de
valeur pour l’actionnaire.

Et si les salariés étaient aussi des actionnaires ?

Pourquoi ne pas associer les salariés au


développement de l’entreprise en les rémunérant
en partie par des actions cotées de l’entreprise ?

C’est l’objet du système des stock options (traduit en


français par « option sur titres ») qui permet à des
salariés ou à des dirigeants d’une entreprise,
d’acheter à prix fixé à l’avance ou de recevoir
gratuitement, des actions de l’entreprise.
La cotation sur un marché liquide permet à tout
moment de calculer la plus-value potentielle,
facteur de motivation supplémentaire.

Accroître la notoriété
Enfin, pour être complet, n’oublions pas la
notoriété et la visibilité auprès des clients, des
fournisseurs, des banques et des administrations,
apportées par une information régulière et de
bonne qualité en provenance des marchés
financiers.

Alors, si vous êtes convaincu par l’importance


d’une entrée en Bourse, analysons ensemble les
clés de son succès.

Les clés du succès


Certains facteurs de succès sont très techniques,
par exemple la rédaction d’un bon prospectus
d’introduction, l’établissement d’un business plan
crédible…

Mais, à notre avis, le premier facteur de succès est


de convaincre les futurs actionnaires de l’entreprise
en leur vendant l’histoire de ce qui deviendra leur
société.
Vendre l’histoire de la société
Avant l’introduction en Bourse, l’histoire de
l’entreprise se partageait entre les fondateurs et
éventuellement les premiers associés qui avaient
partagé les premiers pas de leur « enfant ».

Dorénavant, le futur se construira avec d’autres


actionnaires qui doivent s’approprier ce passé et
comprendre la stratégie de développement de
l’entreprise.

Pour cela, il faut raconter l’histoire de la société,


ses réussites mais aussi ses échecs en montrant
qu’ils s’inscrivent dans une logique claire et
porteuse d’avenir.

Établir un bon business plan


Le couplet lyrique ci-dessus doit être bien sûr
complété par un business plan sur cinq ans. Celui-ci
doit être raisonnable et étayé de plusieurs
scénarios.

Rappelez-vous la citation de Warren Buffett en


exergue du chapitre  6  : «  Le prix est ce que vous
payez, la valeur est ce que vous gagnez.  »
L’actionnaire dont vous sollicitez la participation va
payer le prix d’introduction de votre action, mais il
en espère une valeur future génératrice de plus-
value.

Le business plan doit révéler les facteurs qui vont


engendrer cette création de valeur.

Mais le business plan ne doit pas être trop optimiste,


car l’actionnaire se sentirait alors trompé et
perdrait toute confiance dans l’entreprise. Cela se
traduirait par une revente massive des titres et
donc une dévalorisation financière de l’entreprise.

S’entourer de spécialistes
L’introduction en Bourse est une opération unique,
précise, compliquée alliant à la fois des procédures
techniques et des facteurs liés au marketing et à la
psychologie.

Il ne faut pas hésiter à s’entourer de spécialistes


compétents dans chaque phase de l’introduction,
même si cela peut représenter des dépenses
onéreuses en honoraires.

On estime généralement qu’une introduction en


Bourse coûte de  5  % à  7  % du montant levé mais
certaines charges étant fixes, il faut prévoir au
moins un budget de 500 000 €.
On peut citer les avocats qui s’assureront des
aspects juridiques, les experts-comptables et les
commissaires aux comptes pour la partie audit,
business plan et établissement du cours introductif,
les agences de communication financière pour la
partie marketing, les banques qui se chargeront des
relations avec les autorités de marché et du
placement des titres, etc.

Il existe aussi des sociétés de listing sponsor qui se


chargent de réunir et de coordonner tous ces
spécialistes.

Choisir le moment adéquat


Le moment choisi pour l’introduction est très
important. Il doit se trouver à la conjonction de
quatre facteurs :

• l’entreprise doit déjà avoir prouvé dans le


passé une performance suffisante ;

• l’entreprise doit être en croissance forte et


stable ;

• le marché boursier ne doit pas être sous-


évalué ou atone ;
• le calendrier des introductions en Bourse ne
doit pas être surchargé.

Rédiger un bon prospectus


d’introduction
Le prospectus d’introduction est un document
obligatoire sur les marchés Euronext et Alternext
qui, en France, sera visé par l’Autorité des Marchés
Financiers (AMF). Il doit être accompagné de
documents comptables et financiers.

Une fois le visa accordé, ce prospectus fera l’objet


d’une diffusion auprès du public par l’entreprise et
par l’autorité de marché.

Par la suite, tout document publicitaire se


rapportant à cette opération doit être communiqué
préalablement à l’autorité et mentionner
l’existence du prospectus visé.

Faire un road show attractif


Le road show désigne la campagne marketing
organisée lors d’une opération d’introduction en
Bourse. C’est l’occasion pour les dirigeants de
présenter leur entreprise et ses perspectives au
cours de réunions intensives avec leurs
investisseurs potentiels.

Par extension, ce terme désigne aussi toute


rencontre avec des investisseurs actuels ou
potentiels à l’occasion d’une opération financière
comme une augmentation de capital, une offre
publique d’achat ou même la présentation des
résultats annuels.

L’introduction en Bourse est une opération


ponctuelle mais qui entraîne des contraintes
permanentes.

Regardons cela de plus près…

Les effets et les contraintes


d’une introduction en Bourse
L’introduction en Bourse est un moment fort dans
la vie de l’entreprise, dont les effets se font sentir
ensuite tout au long de sa durée de vie.

Non seulement l’entreprise doit respecter certaines


conditions de taille et de structure juridique, mais
elle doit aussi mettre en place une nouvelle
organisation et de nouvelles procédures inhérentes
à son nouveau statut de société de capitaux ouverte
au public.

Les conditions de taille


Chaque marché boursier définit les conditions de
taille de l’entreprise nécessaires à son accès mais
aussi le montant minimum de capital social à
mettre sur le marché.

Nous vous invitons à vous reporter aux documents


émis par les différentes autorités de marché.

Les conditions juridiques


Ce sont des actions qui sont mises sur le marché, et
non pas des parts sociales.

En conséquence, la société doit avoir la structure


d’une société de capitaux par actions, par exemple
la société anonyme ou la société en commandite
par actions.

Les obligations comptables


L’appel à l’épargne publique a pour corollaire une
information comptable et financière périodique et
sincère.
En conséquence, il est demandé aux entreprises
cotées de fournir non seulement un historique
financier certifié sur deux ou trois ans selon les
normes comptables domestiques ou IFRS mais
aussi de continuer par des rapports financiers
périodiques et audités.

Là encore, chaque autorité de marché définit la


nature et la périodicité de l’information comptable
et financière nécessaire.

Modification du reporting et
du contrôle interne
La fourniture de rapports financiers périodiques et
audités impose une organisation stricte permettant
la collecte fiable des données comptables et
financières.

En conséquence, la mise en place d’un système de


reporting et de contrôle interne répondra non
seulement au besoin de crédibilité de l’information
mais facilitera le travail des commissaires aux
comptes chargés de l’audit des états financiers
fournis.
La communication financière
continue
L’entreprise qui fait appel à l’épargne publique se
trouve confrontée à une nouvelle « clientèle », non
pas celle qui achète ses produits mais celle qui
achète ses actions. Les actionnaires sont comme les
clients et ils doivent donc être traités avec
considération.

En effet, il n’y a dans la vie de l’entreprise qu’une


seule introduction en Bourse, donc un moment fort,
ponctuel et intense, mais il y aura dans le futur (du
moins il faut l’espérer) d’autres augmentations de
capital en fonction de sa croissance. Ces dernières
se feront à un prix lié au cours de l’action à ce
moment-là.

En conséquence, l’entreprise ne peut ignorer la


valeur en Bourse de son action alors même que le
cours journalier n’affecte en rien son bilan et son
compte de résultat.

Il faut donc entretenir une communication


financière constante permettant une demande
continue du titre, gage de solidité du cours, en vue
de toute opération d’augmentation du capital dans
le futur. Cette démarche est aussi valable pour
éviter de se trouver confronté à une OPA hostile (cf.
chapitre 16).

Cette bonne communication financière continue est


sous-tendue par une bonne connaissance de la
typologie de ses actionnaires (voir le chapitre 11 sur
la stratégie de distribution de dividendes) et des
facteurs de sensibilité du titre en Bourse.

Enfin, rappelons l’adage de certains financiers


américains : « dividends are sticky ».

La trop grande volatilité des dividendes payés est


créatrice de risque pour le « petit actionnaire ». En
conséquence, l’introduction en Bourse créera une
nouvelle contrainte de stabilité ou de croissance
constante des dividendes versés, non directement
corrélée au résultat de l’entreprise.

Le coût de la cotation
La cotation sur un marché boursier et la mise en
circulation des titres génèrent un coût annuel qui
se chiffre en dizaines de milliers d’euros ou plus
selon le type de marché.

La procédure d’introduction
La procédure d’introduction doit être définie avec la
ou les banques en charge de celle-ci, selon les
caractéristiques de l’entreprise, les investisseurs
recherchés (institutionnels, particuliers ou même
salariés de l’entreprise) et le marché (et son
compartiment) choisi.

Choix du marché et de son


compartiment
En France, les entreprises cotées sur le marché
réglementé NYSE Euronext Paris sont regroupées
dans trois compartiments (A, B ou C) selon la taille
de leur capitalisation boursière, d’autres
compartiments non réglementés concernent :

• les Petites et Moyennes Entreprises (PME) :


compartiment Euronext Growth

• les entreprises de très petite taille :


compartiment Euronext Access

• les start-ups : compartiment Euronext Access


+

Forme d’introduction
Différentes formes de procédure d’introduction
sont possibles. La plus courante est l’offre à prix
ouvert (OPO) dans laquelle les investisseurs
particuliers font une offre d’achat en fonction
d’une fourchette de prix proposée par la société
introductrice.

Une fois l’ensemble des ordres reçus, le prix


d’introduction sera fixé ainsi que le taux de service,
c’est-à-dire le nombre d’actions servies à chaque
investisseur en fonction du succès de
l’introduction.

Ainsi, un investisseur proposant un achat


de  100  actions à prix limité à  100  € pour une
fourchette d’introduction entre  80  € et  110  €
obtiendra peut-être seulement 70  actions au prix
d’introduction de 90 €.

Parallèlement, une procédure de placement garanti


peut aussi être réalisée par un «  syndicat
bancaire  » dont chaque banque membre assure le
placement d’une certaine quantité de titres auprès
d’investisseurs institutionnels.

Il existe aussi des offres à prix ferme (OPF), des


offres à prix minimal (OPM), etc. Là encore, nous
vous renvoyons à la documentation à jour fournie
par les autorités de marché.
Retenez l’essentiel

• L’introduction en Bourse est un moyen de


financer une forte croissance quand les
partenaires actuels de l’entreprise, associés
et banquiers, ne peuvent augmenter leur
niveau d’engagement.

• Mais l’introduction en Bourse possède


aussi d’autres vertus comme la récompense
des efforts des fondateurs ou la mise en
place d’un système de motivation du
personnel.

• L’introduction en Bourse est une opération


ponctuelle mais dont les effets se font
sentir sur l’organisation et le mode de
fonctionnement futur de l’entreprise.

• Les clés d’une introduction réussie résident


dans le choix de spécialistes compétents
dans les domaines comptables, financiers et
marketing.

• Les nouveaux actionnaires, institutionnels


et/ou particuliers, doivent faire l’objet d’une
attention toute particulière tant au niveau
de l’information fournie que de la
distribution de dividendes.

• Même si le cours de l’action en Bourse n’a


aucun effet sur les états financiers de
l’entreprise et notamment sur la valeur des
capitaux propres, il servira de base lors de
toute nouvelle augmentation de capital ou
en cas d’OPA.

• L’entreprise a donc intérêt à s’assurer de la


solidité du cours de son action face aux
aléas des marchés financiers.
Partie 4
La vie financière courante de
l’entreprise
Dans cette partie…

Cette quatrième partie est consacrée aux


problèmes rencontrés au jour le jour en finance
d’entreprise.

Le chapitre 18 détaille les moyens de financement


à court terme, bancaires et non bancaires, qui
permettent à l’entreprise d’adapter sa position de
trésorerie, notamment pour faire face à la
variation continue du besoin en fonds de
roulement.

Le chapitre 19 aborde les problèmes liés à la


gestion du risque de change pour les entreprises
ayant des créances ou des dettes libellées en
devises étrangères.

Dans les grandes entreprises, ces tâches sont


dévolues au trésorier. Celui-ci, en liaison directe
avec le directeur financier, doit à la fois posséder
des qualités d’anticipation, de négociation et de
réaction :

• anticipation des problèmes de trésorerie


grâce à un budget à très court terme ;

• négociation avec les banques ou les


prêteurs ;
• réaction face à la volatilité des devises.
DANS CE CHAPITRE
Les financements à court terme qualifiés de non
bancaires ou hors système bancaire

Les financements bancaires à court terme

Chapitre 18
Financements à court terme
L e financement à court terme (en principe d’une
durée inférieure à un an) permet de financer les
variations d’activité de l’entreprise au jour le jour.
Il complète en cela les financements à moyen terme
(entre un et cinq ans) et à long terme (plus de cinq
ans), qui sont normalement destinés à financer des
investissements. Le financement à court terme
permet de renforcer la trésorerie, en particulier
pour remédier aux décalages dus à des variations
du besoin en fonds de roulement (retards de
paiement des clients, alourdissement des stocks,
croissance d’activité insuffisamment maîtrisée,
etc.).

On peut distinguer deux grands types de


financement à court terme :

• le financement qualifié de non bancaire ou


hors système bancaire ;

• le financement bancaire.

Quelles sont les solutions de


crédit de trésorerie ?
Évidemment, les solutions ne sont pas les mêmes
pour toutes les entreprises. En particulier, elles
peuvent dépendre de la taille de celles-ci. Il est
évident que la TPE (très petite entreprise), c’est-à-
dire ayant moins de  10  salariés et moins de
2  millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxe,
n’a pas les mêmes possibilités de financement que
la PME et a fortiori que les grandes sociétés cotées
en Bourse !

Ce chapitre ne prétend pas être exhaustif. Il vise


simplement à décrire les modes de financement les
plus courants, afin de donner une première
approche au lecteur. À celui-ci ensuite, en fonction
de ses besoins, de prendre contact avec un
banquier !

Quels sont les moyens de


financement qualifiés de « non
bancaire » ou hors système
bancaire ?
Les plus classiques sont le crédit-fournisseurs et
l’affacturage. On peut également y ajouter, en
particulier dans les milieux agricoles, le
warrantage.

Le crédit-fournisseurs
Le délai de paiement accordé par les fournisseurs à
leurs clients est évidemment la contrepartie du fait
que leurs clients accordent eux-mêmes des délais
de paiement à leurs propres clients, mais les délais
ne sont pas nécessairement les mêmes, d’où des
impacts plus ou moins forts sur le besoin en fonds
de roulement et la mise en place d’autres moyens
de financement qui font l’objet de ce chapitre.

Le plafonnement des délais de paiement est fixé, en


France, par les articles L441-10 et suivants du Code
de Commerce. Sauf accord des parties, le délai de
paiement est fixé à 30 jours à compter de la date de
réception des marchandises ou d’exécution de la
prestation.

D’autres délais peuvent être convenus entre les


parties sans dépasser 60 jours à compter de la date
d’émission de la facture.

Il existe des délais spécifiques à certains secteurs


d’activité comme ceux liés aux produits
alimentaires et des accords dérogatoires dans
plusieurs secteurs professionnels. Il existe par
ailleurs des pratiques douteuses avec rapports de
force mettant en danger les plus petites
entreprises.

Le rapport de l’Observatoire des délais de paiement


publié par la Banque de France met en évidence une
réduction des retards de paiement, mais surtout
dans le secteur privé.

Le délai fournisseur moyen en France serait


d’environ  57  jours d’achat soit une position
intermédiaire entre les entreprises allemandes
(23 jours) et italiennes (88 jours).

On peut enfin remarquer qu’environ un quart des


défaillances d’entreprise en France sont dues à des
retards de paiement. Tout cela permet de
comprendre le développement de l’affacturage.

L’affacturage (ou factoring)


L’affacturage est une opération qui fait intervenir
un établissement de crédit spécialisé  : la société
d’affacturage (ou «  factor  »). Cet établissement
prend en charge le suivi et le règlement des
créances qui lui sont confiées par l’entreprise
cliente du factor, qui est appelée « adhérent ». Un
contrat prévoit les modalités de l’intervention du
factor. Il procède au recouvrement des créances à
leur échéance et en garantit la bonne fin, y compris
en cas de défaillance du débiteur, c’est ce qu’on
appelle le « factoring d’encaissement ».

Mais le contrat peut être plus large et prévoir


également le prépaiement des factures, on parle
alors de «  factoring de financement  »  ; c’est
pourquoi les sociétés d’affacturage sont le plus
souvent des filiales de groupes bancaires. Le
contrat prévoit alors le montant global dont le
factor accepte de garantir le paiement. C’est
souvent un pourcentage du chiffre d’affaires, ce qui
est intéressant pour les entreprises en
développement rapide. Si, par exemple, les parties
prévoient une quotité de X  % du chiffre d’affaires,
cela signifie que X  % des créances seront payées à
l’entreprise dès l’émission des factures, le solde
étant payé par le factor à l’échéance dès qu’il aura
été payé par le débiteur. Normalement, les
débiteurs ont été avisés qu’ils devaient, à
l’échéance, payer le factor, devenu le détenteur de
la créance, les références de celui-ci figurant sur la
facture envoyée au débiteur. Cela a l’avantage de
dissuader le débiteur de tarder à payer, par crainte
d’être jugé négativement par le milieu bancaire,
dans la mesure où il sait que les factors sont
consultés par les agences de notation commerciale
et risqueraient de dégrader sa notation.

Si des entreprises ne souhaitent pas informer leur


client de l’existence d’un contrat d’affacturage,
afin de garder la maîtrise de leur relation avec
celui-ci, il est possible de mettre en place un
affacturage confidentiel ou affacturage «  non
notifié ». Dans ce cas, c’est l’entreprise cliente qui
a la charge du recouvrement. Finalement, tout cela
n’est pas gratuit, le coût de l’affacturage est
souvent considéré comme élevé. Mais il faut voir
toutes les contreparties  : gestion des factures,
relance des clients, suivi des comptes clients,
garantie des créances, plus éventuellement le coût
du financement. En prenant tous ces éléments en
considération, l’affacturage est particulièrement
intéressant pour des sociétés en forte croissance,
ayant déjà une certaine taille de PME, et intéressées
à déléguer toute la gestion de leurs comptes clients.
Le développement de l’affacturage est un signe
évident de son succès.

Les avances de paiement-


clients
Il peut être intéressant d’obtenir de ses clients un
paiement anticipé, en leur faisant renoncer au
crédit auquel ils auraient eu droit, en leur
proposant un escompte pour règlement comptant,
d’autant plus intéressant si cet escompte est
inférieur à ce qu’aurait été le coût d’un crédit, tout
en ne diminuant pas la capacité à obtenir un crédit
bancaire.

Le warrantage
On parle de «  crédit warrantage  », ou encore de
crédit de stockage ou de crédit warranté. Il s’agit
pour les agriculteurs d’un système de crédit rural
consistant à obtenir un prêt en mettant en garantie
leur production déposée le plus souvent dans un
magasin général. Le crédit est matérialisé par un
effet de commerce appelé warrant, qui est le gage
de garantie de la dette. Ce crédit, accordé pour
quelques mois, est liquidable par la banque en cas
de défaillance du débiteur.

Le crédit hors système


bancaire
La «  désintermédiation  », apparue au début des
années  1980, permet aux entreprises un accès
direct au financement sans passer par
l’intermédiaire d’un endettement auprès des
acteurs institutionnels comme les banques. Cette
finance parallèle ou de l’ombre (voir l’encart sur le
shadow banking page suivante) se développe de
façon importante.

En général, ce crédit est à court terme mais son


renouvellement régulier permet d’assurer des
emprunts sur une longue période.

Nous laissons le soin au lecteur d’approfondir le


sujet en fonction de ses besoins, aussi nous ne
citerons que deux « produits » :
Les billets de trésorerie (Negotiable
EUropean Commercial Paper : NEU
CP en anglais)
Les billets de trésorerie sont des titres de créances
négociables émis (par coupure de  150  000  €
minimum) par des entreprises ayant de la
trésorerie au profit d’entreprises en manque de
trésorerie. En pratique, cela revient à un crédit
interentreprises à court terme (1  an maximum) à
un taux proche de celui du taux de marché sans
passer par le crédit bancaire. Ce mode de
financement concerne plutôt les entreprises
grandes et moyennes.

Les achats de billets de trésorerie en France sont


réalisés maintenant par des SICAV et des fonds
communs de placement monétaire, ainsi que par
les sociétés d’assurance. Les banques ont d’ailleurs
« ré-intermédié » ce marché.

Le micro-crédit
Le micro-crédit permet aux très petites entreprises,
bien souvent dans les pays émergents, de souscrire
un crédit alors que leur profil d’emprunteur ne leur
permettrait pas d’accéder au crédit bancaire
classique.
Créée dans les années  1970  au Bangladesh par la
Grameen Bank, la micro-finance s’est développée
dans les pays pauvres de par le monde.
Le coin du curieux : Le shadow banking

Le shadow banking, traduit en français par la «  finance de


l’ombre  », la «  finance fantôme  » ou la «  finance parallèle  »,
désigne les opérations de financement réalisées par des
intermédiaires financiers qui sont en dehors du système
bancaire traditionnel (retail banking), c’est-à-dire hors bilans
des banques.

Selon les pays, la nature de leur réglementation bancaire et


le poids du contrôle des banques centrales, les
intermédiaires en question peuvent être des fonds (les fonds
spéculatifs de type hedge funds, les fonds de pension, les
fonds de titrisation, etc.), des entreprises (société
d’affacturage, de micro-crédit, etc.), des plateformes de
monnaie virtuelle (bitcoins).

Selon certaines études le shadow banking, sans tenir compte


des centres financiers off shore situés dans les paradis
fiscaux, représenterait environ la moitié du poids du secteur
bancaire traditionnel.

Les banques participent elles-mêmes au développement de


ce secteur en « titrisant » des actifs souvent risqués.

La crise dite des subprimes en est un magnifique exemple.


Le financement bancaire

L’escompte d’effet de
commerce (traite ou billet à
ordre)
Les effets de commerce sont des moyens de
paiement à terme. Ils représentent un engagement
de payer à une date ultérieure. On distingue la
lettre de change et le billet à ordre.

• La lettre de change est émise par le créancier


(le tireur) et envoyée (le plus souvent) à
l’acceptation du débiteur (le tiré), confirmant
ainsi le montant à payer et la date du
paiement.

• Le billet à ordre, quant à lui, est émis par le


débiteur (le souscripteur) et envoyé au
bénéficiaire.

Dans les limites d’un plafond déterminé avec la


banque, l’effet de commerce est payable par le
client de l’entreprise à une échéance déterminée.
L’entreprise cède ce document à la banque qui lui
en paye le montant avec déduction de la
rémunération de la banque (intérêt et commissions
de gestion). L’entreprise est donc payée comptant
au moment de la remise de l’effet et la banque
présentera l’effet à son échéance pour être
remboursée de l’avance qu’elle a effectuée. La
durée du crédit est donc la période s’écoulant entre
la remise de l’effet à la banque et l’échéance de
l’effet. Cette durée ne peut historiquement dépasser
90 jours, mais de toute façon, en France, le Code de
Commerce limite le crédit inter-entreprises.

Cet escompte d’effets de commerce, appelé


escompte commercial, est un crédit qui apporte le
maximum de garanties à la banque, en particulier
lorsque les effets escomptés avaient été remis au
bénéficiaire (le tireur) signés pour acceptation par
le débiteur (le tiré, c’est-à-dire celui sur qui a été
tirée la traite). En effet, le droit cambiaire précise
que lorsque l’emprunteur endosse la traite à fin
d’escompte, il transmet la pleine propriété de la
provision à la banque mais demeure toutefois
responsable vis-à-vis de la banque si l’effet n’est
pas payé à l’échéance, celle-ci lui demandant le
remboursement de l’escompte, à charge pour lui de
se faire payer par son client.

La mobilisation Dailly
La procédure Dailly tire son nom de la loi
du 2 janvier 1981, dite loi Dailly, visant à faciliter le
crédit aux entreprises. C’est un financement par
mobilisation de créances professionnelles, plus
souple que l’escompte des effets de commerce.
Possible dès l’émission de la facture, la cession de
créance est matérialisée par la remise à la banque
d’un bordereau comprenant des mentions
obligatoires :

• intitulé du bordereau « acte de cession de


créances professionnelles » ;

• mention « acte soumis aux dispositions de la


loi no 81-1 » ;

• nom de l’établissement de crédit bénéficiaire ;

• désignation des créances cédées : numéros et


dates de facture, noms des débiteurs,
montants, date d’échéance ;

• signature du cédant ;

• date de cession (apposée par la banque


cessionnaire).

La remise du bordereau permet la cession ou le


nantissement des créances au profit de
l’établissement qui consent le crédit sous forme
d’avance ou de découvert autorisé à hauteur des
créances cédées. Normalement, la banque devrait
notifier au débiteur principal l’existence d’une
procédure Dailly afin que ce dernier lui adresse
directement ses règlements. En fait, cette
notification se fait rarement, pour des raisons
commerciales. L’entreprise mentionne l’existence
d’une mobilisation Dailly par un tampon sur ses
factures ! Il peut arriver que finalement le débiteur
paie directement son fournisseur, à charge pour
celui-ci de régulariser sa position envers le factor.
Cette procédure Dailly, très proche de l’affacturage,
n’est pas sans risque pour les banques. Cela
explique que celles-ci réservent ce financement à
certaines catégories de clients.

Les différents types de lignes


bancaires
La facilité de caisse et le découvert
en compte courant
Ces deux solutions permettent à l’entreprise, grâce
à un accord avec sa banque, d’avoir son compte à
découvert jusqu’à un montant maximal fixé à
l’avance.
Le découvert autorisé est la solution courante
permettant à l’entreprise d’être à découvert sur des
durées plus ou moins longues, en fonction de ses
besoins. Le montant maximum de découvert est
autorisé sur une durée définie, généralement un an,
qui est renouvelable et pour un montant le plus
souvent négocié par rapport au chiffre d’affaires.

La facilité de caisse est d’un usage plus limité dans


son montant maximum et sur la durée, de l’ordre
de quelques jours. Il s’agit en général d’une
possibilité réservée à une situation exceptionnelle
qui ne doit pas perdurer.

L’intérêt principal de ces types de crédit est leur


souplesse d’ajustement aux fluctuations
quotidiennes du besoin de trésorerie, les intérêts
n’étant payés que sur les montants utilisés et sur la
durée réelle d’utilisation. La contrepartie de cette
souplesse est qu’il est souvent plus coûteux que les
autres modes de financement. C’est pour cela qu’il
constitue souvent un moyen d’ajustement à
d’autres lignes de crédit qualifiées de « causés ».

Le crédit spot
C’est un crédit normalement de courte durée à
échéance fixe et finançant un besoin de trésorerie
ponctuel et important. Son intérêt est que le taux
appliqué est en général quelque peu inférieur au
taux du découvert.

Le crédit de campagne
C’est un crédit qui a vocation à faire face à
d’importants décalages de trésorerie dus à une
activité dont la saisonnalité provoque des délais
plus ou moins grands entre les périodes de
production avec stockage important et les périodes
de ventes et d’encaissements-clients. C’est en
particulier le cas de l’industrie du jouet et de
l’industrie agroalimentaire. Le crédit de campagne
doit être intégralement remboursé à l’issue du cycle
des ventes. Il ne serait pas normal qu’il ne soit pas
totalement remboursé au moment où est renégocié
un nouveau crédit de campagne au démarrage du
cycle suivant.

Le crédit-relais
C’est un crédit obtenu dans l’attente d’une recette
future qui assurera son remboursement (bridge loan
en anglais). Par exemple, l’entreprise a un bien à
vendre et veut en acheter un autre. Elle reçoit une
avance partielle sur le prix à recevoir de la vente à
venir, qui lui permet de financer tout ou partie du
nouvel achat.

Le coin du globe-trotter : crédit et finance


islamique

Nous avons déjà vu les produits proposés par la finance


islamique au chapitre 13, concernant le financement du haut
de bilan par des capitaux extérieurs.

La finance islamique propose aussi des crédits à court terme


sans paiement d’un intérêt puisque celui-ci est interdit par la
charia. En fait, le contrat de prêt est transformé en un
contrat commercial.

Ainsi, pour financer l’achat de marchandises par une


entreprise, la banque islamique propose d’acheter elle-
même les marchandises pour les revendre à l’entreprise
moyennant une marge commerciale qui n’a pas un caractère
financier (contrat de type mourabaha). L’entreprise pourra
même payer la banque en plusieurs fois.

Nous disions au chapitre  13  au sujet du crédit-bail que les


normes américaines (US Gaap) ou internationales (IFRS)
privilégiaient le fond sur la forme (substance over form).

En finance islamique, on parle plutôt de form over substance.


Pour conclure
Rappelons qu’une banque, à l’occasion des crédits
qu’elle a accordés, peut engager sa responsabilité.
En effet, si elle soutient son client en difficulté, elle
peut être accusée par des créanciers qui n’ont pas
été payés d’avoir manqué à son obligation
d’information de la situation de son client et elle
peut, en cas de dépôt de bilan, être considérée
comme solidaire de celui-ci pour rembourser les
créanciers  ! Au contraire, si elle a cherché à se
dégager à temps, en annulant par exemple des
autorisations de découvert, elle peut être
considérée comme responsable de la mise en
difficulté de l’entreprise et être amenée à en subir
les conséquences face aux créanciers de
l’entreprise !
Retenez l’essentiel

• Le financement à court terme (en principe


d’une durée inférieure à un an) permet de
financer les variations d’activité de
l’entreprise au jour le jour.

• Les moyens de financement non bancaires


les plus classiques sont le crédit
fournisseur, l’affacturage et les avances
client.

• Les moyens de financement bancaires sont


l’escompte d’effet de commerce, la
mobilisation Dailly, la facilité de caisse, le
découvert, le crédit spot, le crédit de
campagne et le crédit relais.
DANS CE CHAPITRE
L’entreprise et le risque de change

Les techniques de réduction du risque de change

Les techniques de couverture du risque de change

Et si votre société devient un groupe multinational ?

Chapitre 19
La gestion du risque de
change
« Le pire des risques est
celui dont vous ignorez
l’existence. »

Didier Hallépée, expert


monétique et sécurité
Le risque de change est l’incertitude sur le
montant réel à payer ou à recevoir par rapport au
montant comptabilisé suite à la variation du cours
de change entre la date de comptabilisation et la
date d’encaissement ou de décaissement de la
transaction.

On parle ainsi d’un risque de change de transaction.


Il concerne les achats, les ventes, les prêts et les
dettes et donc les importateurs, les exportateurs
mais aussi les prêteurs et les emprunteurs en
devises étrangères.

Mais il existe un autre risque de change pour les


groupes internationaux qui consolident dans une
société holding ou une société mère, les comptes de
leurs filiales étrangères. C’est le risque de change
de conversion (translation risk en anglais), qui crée
une incertitude sur le résultat et la valeur
économique d’un groupe.

Nous verrons donc dans ce chapitre comment


mettre en évidence ce risque, comment le réduire
ou encore comment le couvrir. Enfin, nous
aborderons les problématiques liées aux groupes
internationaux et notamment comment la mise en
place de structure ad hoc permet de réduire ou de
couvrir de façon permanente ce risque.

Reprenons donc le risque de change et son


interaction avec la gestion financière de
l’entreprise.

L’entreprise et le risque de
change

Qu’est-ce que le risque de


change ?
Prenons un exemple très simple d’une entreprise
européenne (utilisant donc l’euro comme devise de
comptabilisation) qui décide d’acheter une
machine-outil aux États-Unis.

Le prix fixé est de 100 000 $ et le délai de paiement


est de 2 mois après réception du matériel.

À la réception de l’équipement, le cours de change


entre le dollar et l’euro est de 1 $ = 1 €.

Le comptable comptabilisera donc dans l’actif


immobilisé corporel de l’entreprise : Machine-outil
X = 100 000 €.
Deux mois plus tard, lors du paiement, trois cas
peuvent se présenter :

• Le cours dollar-euro n’a pas changé et donc


l’entreprise paie les 100 000 $ qui lui
coûtent 100 000 €.

• Le cours du dollar-euro a varié et le dollar


s’est affaibli par rapport à l’euro avec par
exemple un cours 1 $ = 0,90 €. L’entreprise
paie les 100 000 $ qui ne lui coûtent
que 90 000 €.

• Le cours du dollar-euro a varié et le dollar


s’est renforcé par rapport à l’euro avec par
exemple un cours 1 $ = 1,10 €. L’entreprise paie
les 100 000 $ mais cela lui coûte 110 000 €.

Il y a donc bien une incertitude sur la valeur en


euros de l’équipement entre sa livraison et son
paiement. Il y a donc un risque de change.

Le risque de change ne veut pas dire


automatiquement perte.

Dans le cas d’un affaiblissement du dollar par


rapport à l’euro, l’entreprise réalise en fait un gain
de  10  000  €. Le risque de change veut dire une
incertitude sur le cours dollar-euro et donc une
potentialité de perte.

Et même si toutes les Pythies prédisent une baisse


du dollar face à l’euro, le rôle du manager financier
est de réduire ou de couvrir cette incertitude.

Mais votre entreprise est-elle concernée ?

Quelle entreprise est


concernée ?
Les premières entreprises concernées par le risque
de change sont les entreprises qui commercent avec
des entreprises étrangères dont la devise est
différente de la leur, par exemple une entreprise
française qui importe des produits chinois qui lui
sont facturés en yuans.

La mise en place de l’euro a, en revanche, éliminé


le risque de change pour les entreprises françaises
travaillant avec des entreprises étrangères au sein
de la zone euro comme les entreprises allemandes
ou italiennes.

Mais n’oublions pas qu’une entreprise peut aussi


emprunter et prêter dans une devise qui n’est pas
la sienne avec donc un risque de change accru par
la longueur de la période d’incertitude entre la date
de démarrage du prêt ou de l’emprunt et les dates
de remboursement.

On peut citer la mésaventure de certaines


entreprises mais aussi de certaines communes.

Attirées par les perspectives offertes par les taux


extrêmement bas des emprunts en francs suisses et
mal conseillées, ces dernières ont vu le coût réel de
leur remboursement atteindre des niveaux
stratosphériques quand subitement la parité franc
suisse-euro a gagné 20 % le 17 janvier 2015.

Ce qui a été appelé à tort par certains journalistes


«  prêts toxiques  » n’était en fait qu’une
conséquence de l’ignorance du risque de change.

En fait, il y a deux types de risque de change.

Nature des deux risques de


change
Le risque de change peut être défini comme la
survenance possible d’événements affectant le
résultat et le patrimoine d’une entreprise du fait de
la variation des cours de change.
Il peut donc survenir au cours d’une transaction et
c’est le risque de transaction (transaction risk en
anglais), ou au cours d’une opération de
consolidation de filiales étrangères et c’est le risque
de conversion (translation risk en anglais).

Le risque de change de transaction a été explicité


précédemment et s’analyse donc opération par
opération. Il affecte le résultat de l’entreprise sous
forme de pertes ou de gains de change (charges
financières ou produits financiers).

En revanche, le risque de change de conversion


concerne les entreprises qui consolident leurs
comptes (cf. chapitre  3) et qui doivent donc
représenter en une seule devise (appelée «  devise
de présentation  ») la situation comptable de la
maison mère et de toutes ses filiales.

Il affectera donc la valeur du groupe, notamment à


moyen terme, et constituera un facteur important
dans les comparaisons avec d’autres groupes
internationaux.

Abordons maintenant quelques points de


vocabulaire.

Quelques définitions
L’exposition
L’exposition au risque de change (exposure en
anglais) mesure l’impact de la variation des cours
de change sur les flux monétaires présents et futurs
de l’entreprise.

Elle concerne les dettes et actifs à court terme


(dettes à court terme et actif circulant) et à long
terme (actif immobilisé et dettes à long terme) de
nature commerciale ou financière libellés en
devises.

La devise de référence
Le risque de change se calcule par rapport à une
devise de référence.

Pour une entreprise implantée dans un seul pays, il


est évident que la devise de référence est celle du
pays d’implantation.

En revanche, pour les groupes internationaux, le


choix se présente différemment et offre plusieurs
possibilités  : souvent, la devise de référence est la
devise du lieu d’implantation de la maison mère
mais elle peut être aussi la devise du lieu de
cotation des actions de celle-ci ou même la devise
des actionnaires contrôlant le groupe.

La position nette de change


Enfin, le risque de change est établi en position
nette (net foreign currency exposure en anglais) :

• clients – fournisseurs ;

• prêts – emprunts ;

• dividendes perçus – dividendes payés ;

• intérêts perçus – intérêts versés, etc.

Il fait l’objet d’un tableau récapitulatif qui peut être


présenté par échéance depuis le très court terme –
 une semaine – jusqu’au long terme – plus d’un an.

On dira que l’on a une position longue dans une


devise quand les flux entrants sont supérieurs aux
flux sortants et, inversement, on parlera d’une
position courte quand les flux sortants sont
supérieurs aux flux entrants.

Maintenant que nous avons une vue globale de la


position nette de change dans chaque devise par
rapport à la devise de référence, il est temps
d’essayer, soit de réduire ce risque, soit de le
couvrir.

Une troisième possibilité est bien sûr de ne rien


faire car on estime que la probabilité d’essuyer une
perte de change est infime.

Mais des exemples récents ont montré que les


probabilités infimes ne sont pas égales à zéro.

Aussi, le directeur financier déjà confronté à


d’autres risques comme le risque de liquidité, le
risque de solvabilité et surtout le risque de
l’entreprise sur son marché aura intérêt, pour se
tranquilliser, à réduire ou même à couvrir le risque
de change.

Comment réduire ou couvrir le risque de change  ?


Avant d’envisager la couverture du risque de
change, qui n’est pas une opération gratuite,
voyons d’abord comment réduire le risque de
change.

Les techniques de réduction du


risque de change
Comme dirait Monsieur de La Palice, la meilleure
façon de réduire le risque de change est de le
supprimer !

Choix de la monnaie nationale


comme devise de transaction
On facture ou on achète, donc on encaisse ou on
paie, dans sa propre monnaie nationale.

Cette solution est évidemment trop simple et


souvent impossible car cela revient à transférer le
risque de change à la contrepartie de la transaction
(client/fournisseur/prêteur/emprunteur) qui ne
manquera pas, si elle accepte votre proposition, de
vous refacturer sous une forme ou une autre le coût
de sa couverture de change.

Alors pourquoi ne pas adapter les contrats ?

Recours aux clauses


monétaires
Une façon plus ouverte est de prévoir dans les
contrats commerciaux ou financiers une clause
d’adaptation du prix en fonction des fluctuations
des taux de change.

Ces clauses d’adaptation sont diverses et variées  :


elles peuvent être directement proportionnelles à la
variation de change ou déclenchées au-delà d’un
certain seuil ou à conséquence partagée entre les
signataires du contrat.

Enfin, certaines clauses ne font pas référence aux


devises du contrat mais à un référentiel, comme un
panier de devises, pour calculer les variations de
prix.

Passons maintenant à une autre technique plus


financière.

Le termaillage
Cette technique de réduction du risque de change
est basée sur la modification des échéances de
paiement en fonction de la force ou de la faiblesse
de la devise de référence (leading and lagging en
anglais). Une devise forte est une monnaie stable
sur le long terme et qui peut donc faire office de
monnaie de réserve. Une devise faible, au contraire,
a tendance à se déprécier face à une autre devise
étrangère.

Ainsi, un exportateur dont les créances sont en


devises fortes par rapport à sa devise de référence
aura intérêt à repousser les dates d’encaissement et
au contraire à accélérer les encaissements en
devises faibles.

En dehors du fait que les conditions de paiement ne


sont pas modifiables à souhait, cette technique peut
modifier le besoin en fonds de roulement de
l’entreprise et donc coûter plus cher en frais
financiers qu’elle ne rapporterait en gain de change
potentiel.

Enfin, une technique plus sophistiquée concernant


plutôt les grandes entreprises : la compensation.

La compensation
La compensation (netting en anglais) est une
méthode basée sur le flux de devises net entre deux
entreprises (client/fournisseur ou filiales/maison
mère).

Ainsi, une entreprise française facture son client


britannique et recevra  400  000  £ mais doit aussi
payer  300  000  £ à un de ses fournisseurs
britanniques. En fait, si les deux opérations sont
concomitantes, le risque de change ne portera que
sur le net soit 100 000 £.

Le fait de pouvoir ouvrir des comptes bancaires en


devise différente de sa devise nationale facilite les
opérations de compensation.

Celles-ci peuvent, en revanche, devenir plus


difficiles en cas de politique de contrôle des
changes en vigueur dans certains pays.

Le risque zéro n’existe pas, aussi malgré les


techniques de réduction du risque de change
exposées ci-dessus, on se trouve confronté au
risque de change résiduel qu’il faut couvrir (to
hedge en anglais).

Regardons cela en détail.

Les techniques de couverture


du risque de change
En fait, se couvrir veut dire appliquer une technique
qui fixe par avance le taux de change d’une
opération commerciale ou financière. L’incertitude
liée à la fluctuation des taux de change étant
éliminée, le risque de change est donc couvert.

Ces techniques ne sont pas gratuites, la couverture


du risque de change s’assimile au paiement d’une
assurance contre les variations des taux de change.

Voyons donc maintenant quelques techniques


parmi les plus simples mais il faut savoir qu’avec le
développement des produits dérivés et structurés,
l’imagination financière est sans limites.

Avance en devises
Le seul cours de change qui n’est pas soumis à une
incertitude est le cours d’aujourd’hui.

On va donc fixer le taux de change de la transaction


sur le cours d’aujourd’hui, même si l’opération se
dénoue plus tard.

Prenons le cas d’un exportateur français qui vend


aux États-Unis une machine agricole
valant 100 000 € payable dans 1 mois.

Supposons que le cours dollar-euro est de 1 $ = 1 €.

Si le taux de change était fixe, l’exportateur


recevrait dans un mois 100 000 $ qu’il convertirait
en  100  000  €. Mais une incertitude pèse sur la
parité dollar-euro et il faut donc se couvrir, c’est-
à-dire la figer. Pour cela, l’exportateur emprunte
100 000 $ sur un mois à un taux de 2,4 % annuel.

Puis, il vend tout de suite ces  100  000  $ pour


obtenir  100  000  € puisque c’est la parité dollar-
euro aujourd’hui.
Il a donc obtenu  100  000  € tout de suite et
l’emprunt de  100  000  $ sera remboursé dans un
mois par le paiement du client américain.

Le risque de change a donc été couvert puisque


l’exportateur a donc bien touché 100 000 € quel que
soit le cours de change dans 1 mois.

En revanche, cette couverture n’est pas gratuite car


il a dû payer les frais financiers de son emprunt
soit : 100 000 $ × 2,4 %/12 = 200 $ payables dès la
conclusion de l’emprunt, c’est-à-dire  200  € au
cours d’aujourd’hui.

Il convient de mettre en balance le coût de la


couverture avec le revenu procuré par une
diminution du besoin en fonds de roulement
puisqu’en fait l’exportateur est payé comptant.

Pour simplifier l’exemple ci-dessus, nous n’avons


pas tenu compte de la marge du banquier en charge
de cette avance en devises.

Les couvertures au comptant


(Traduit en anglais par cash instrument hedging.)

Reprenons le cas de l’exportateur français qui vend


aux États-Unis une machine agricole
valant 100 000 € payable dans 1 mois.

Aujourd’hui, le cours dollar-euro est toujours de 1 $


= 1 €.

En cas de fixité de cette parité, il


recevrait 100 000 $, ce qui fait 100 000 €.

Pour supprimer l’incertitude sur la parité, il


emprunte aujourd’hui  100  000  $ à  1 mois et
reçoit  99  800  € avec le prépaiement des frais
financiers au taux de  2,4  % annuel
(100 000 × 2,4 %/12).

Il vend les dollars au comptant, ce qui lui


donne 99 800 €.

Il place ces euros à 1 mois au taux annuel de 3,6 %


ce qui rapporte 99 800 × 3,6 %/12 = 299,40 €.

À l’échéance d’un mois, l’emprunt en dollars est


remboursé par le paiement du client américain et le
placement en euros est récupéré, intérêts compris,
soit :

99 800 + 299,40 = 100 099,40 €.

Au total, l’exportateur français aura non seulement


couvert le risque de change mais l’opération lui
aura rapporté 99,40 € du fait du différentiel de taux
qui lui est favorable puisque le taux de placement
en euros est supérieur au taux d’emprunt en
dollars.

Les marges commerciales bancaires ont été


ignorées.

Les couvertures par les


produits dérivés
Un produit dérivé est un contrat financier par
lequel un acheteur fixe le prix d’un actif (appelé
«  actif sous-jacent  ») un jour donné mais le
réalise plus tard.

On parle ainsi d’un contrat à terme (forward ou


future contract en anglais).

En résumé, un acheteur et un vendeur se mettent


d’accord un jour donné sur un actif (qualité,
quantité, prix), mais la transaction n’est réalisée
que plus tard par le paiement de l’acheteur au prix
fixé préalablement et la livraison de l’actif en
question par le vendeur.

Reprenons notre cas de l’exportateur  : il compte


recevoir 100 000 $ au cours du jour.

En fait, il va vendre à terme ces  100  000  $ à son


banquier, qui va les lui acheter et le payer en euros
à l’échéance.

Les deux parties vont se mettre d’accord


aujourd’hui sur l’actif sous-jacent, c’est-à-
dire  100  000  $ converti en euros à un taux de
change fixé par avance dit «  taux de change à
terme ».

À l’échéance, l’exportateur livrera les  100  000  $


reçus de son client américain et le banquier le
paiera en euros au taux de change convenu.

Le risque de change a donc bien été couvert pour


l’exportateur.

En fait, le banquier va emprunter les  100  000  $


sur 1 mois au taux d’emprunt en dollars, vendre les
dollars au comptant contre des euros au taux de
change du jour (c’est-à-dire dans notre
exemple  1  $ =  1  €) puis placer ces euros
pendant 1 mois au taux de placement en euros.

Hors commissions de la banque, l’emprunt coûtera


à la banque 100 000 × 2,4 %/12 soit 200 $.

La revente des dollars restant, soit 99 800 $, seront


convertis en 99 800 € qui, placés au taux de 3,6 %
pendant 1 mois, rapporteront 299,40 €.
Au total, le banquier
encaissera  99  800  +  299,40  =  100  099,40  € qu’il
versera à l’exportateur (on a bien dit qu’on ignorait
les commissions de la banque !).

Au final, les  100  000  dollars de départ


deviennent 100 099,40 € à l’arrivée soit un cours de
change de  1  dollar =  1,000994  euro  : c’est le cours
de change à terme de cette opération.

On remarquera que le processus est exactement le


même que celui des couvertures au comptant, mais
cette fois-ci réalisé par le banquier et non par
l’exportateur.

En fait, les devises sont cotées au comptant (spot


market en anglais) et à terme (future ou forward
market en anglais) sur des marchés spécifiques sur
lesquels «  s’approvisionnent » les banquiers pour
le compte de leurs clients.

Dans l’exemple ci-dessus, la devise (le dollar) est


plus chère contre euro à terme (1  $ =  1,000994  €)
qu’au comptant, c’est-à-dire aujourd’hui (1  $
= 1 €) : on dit alors qu’il y a un report.

Dans le cas contraire, on parlera de déport.


Les swaps de change (forex
swap)
Le terme swap veut dire « échange » en anglais.

Le swap de change est donc une opération par


laquelle deux entreprises échangent leur dette
libellée en deux devises différentes. L’échange des
deux dettes se fait au taux de change du jour.

À l’échéance, les entreprises s’échangent de


nouveau le remboursement de la dette et les frais
financiers cumulés, cette fois-ci au taux de change
à l’échéance. Cette opération présente un avantage
certain car elle n’augmente pas la dette de
l’entreprise (puisqu’il y a échange) et donc n’obère
pas son ratio de solvabilité.

L’emprunt obtenu dans la nouvelle devise permet


alors de financer un investissement dans le pays de
la nouvelle devise. Ainsi, une entreprise américaine
s’endettera en euros, pour financer un
investissement en France, par un swap avec une
entreprise française souhaitant s’endetter en
dollars pour financer un investissement aux États-
Unis.
D’autres types de swap sont possibles, notamment
sur des taux de financement en devises différentes.

Les autres couvertures


(COFACE)
En France, la COFACE (Compagnie Française
d’Assurance pour le Commerce Extérieur) est une
société d’assurance-crédit présente dans une
centaine de pays. Elle propose de nombreux
services à l’export, mais aussi sur le marché
domestique comme la protection contre les risques
d’impayés, l’affacturage, le recouvrement des
créances, le cautionnement et l’information sur les
risques-pays.

Le risque de change dans un


groupe international
Le risque de change s’analyse sous un autre angle
dans un groupe international avec une maison
mère et des filiales implantées dans différents pays.

En effet, chaque filiale peut se trouver en risque de


change dans le cadre de ses opérations avec
l’extérieur du groupe alors que celui-ci gère des
flux financiers internes (dividendes, intérêts
financiers, redevances, comptes courants) dans des
devises différentes.

On peut donc imaginer la création au sein du


groupe international d’une filiale ad hoc qui
optimiserait les flux multidevises afin de réduire le
risque de change global.

La position nette de change est calculée au niveau


du groupe en tenant compte de tous les flux
internes et externes.

Ceci entraîne une réduction du risque de change et


de la couverture avec à la clé une diminution des
frais de couverture et de meilleures conditions de
taux de change.

On peut envisager trois types de structure :

❶ Un centre de compensation entre les


différents flux intragroupes, qui permet aussi
de centraliser les opérations financières sur un
nombre réduit de banques avec lesquelles les
conditions ont été négociées à la baisse suite
au volume des transactions.
❷ Un centre de facturation qui non seulement
compense les opérations intragroupe mais
aussi centralise les transactions avec
l’extérieur du groupe.

❸ Un centre de pooling qui, en plus des


opérations ci-dessus, se charge des
financements des filiales du groupe et gère la
trésorerie à court terme de façon centralisée.

Le choix du pays d’accueil de la structure est lié à la


facilité des conditions d’exercice (absence de
contrôle des changes, fiscalité adaptée aux
opérations financières, existence d’un réseau
bancaire international et performant).
Retenez l’essentiel

• Le risque de change est l’incertitude


générée par la fluctuation du cours des
devises.

• On distingue le risque de change de


transaction qui concerne les flux financiers
interentreprises du risque de change de
conversion lié à la consolidation des états
financiers d’un groupe dans une seule
devise.

• La position nette de change reflète la


situation nette entre tous les flux entrants
et sortants par devise et par échéance.

• Certaines techniques tendent à réduire le


risque de change comme les clauses
monétaires, le termaillage ou la
compensation.

• D’autres techniques couvrent le risque de


change en garantissant un cours de change
fixe comme l’avance en devises, la
couverture au comptant, l’achat ou la vente
à terme de devises ou les swaps.
• Un groupe international tire avantage à
créer une structure ad hoc dans un pays
d’accueil spécifique afin de réduire sa
position nette de change et diminuer les
coûts de couverture.

• Les structures les plus fréquentes sont les


centres de compensation, de facturation ou
de pooling.
Partie 5
La partie des Dix
Dans cette partie…

La partie des Dix est un grand classique


incontournable dans la collection des Nuls. C’est
une collection de rappels, de suggestions,
d’observations et de mises en garde au moment
d’agir.

Dans une première partie (chapitre 20), nous vous


donnons le point de vue d’un professionnel sur dix
affirmations ou contestations relatives à des
thématiques classiques en finance d’entreprise.

Dans la deuxième partie (chapitre 21) sont décrites


dix croyances qui sont la plupart du temps à
bannir en matière de comptabilité et finance
d’entreprise.
DANS CE CHAPITRE
Dix principes financiers illustrés par un professionnel
ayant l’expérience du terrain.

Chapitre 20
Dix illustrations pour dix
principes financiers : le point
de vue d’un professionnel
Les décisions financières ne
sont pas toujours rationnelles
S’il est un chapitre de la finance d’entreprise qui
semble empreint de rationalité, c’est bien la
décision d’investir.

Les outils mathématiques utilisés et les paramètres


sophistiqués, comme le coût moyen pondéré du
capital, nous laissent à penser que l’investissement
choisi est le fruit d’une cogitation purement
objective.

Cela me rappelle un épisode de ma carrière de


consultant junior en finance.

Le cabinet auquel j’appartenais devait épauler la


direction financière d’une entreprise dans le choix
d’implantation d’une nouvelle usine.

Deux projets étaient en lice, dont l’un à proximité


de la résidence secondaire du directeur général.

Celui-ci avait déjà fait le choix pour cette


implantation qui lui permettait d’allonger son
week-end tout en mettant les frais de déplacement
à la charge de l’entreprise. J’ai alors vu pour la
première fois comment la trituration des chiffres
par la direction financière permettait de
transformer un intérêt subjectif en une décision
objectivement étayée.

Se méfier des surévaluations


Un proverbe chinois dit que «  les arbres ne
montent jamais jusqu’au ciel  ». Cette expression
très utilisée en finance de marché pour rappeler à
la prudence les investisseurs boursiers s’applique
aussi à la finance d’entreprise, et notamment aux
techniques de valorisation.

Les retournements de tendance, l’autorégulation


des systèmes complexes ou même l’extinction des
dinosaures sont là pour nous montrer qu’il faut en
toutes circonstances raison garder.

Time is money but money is


also time
Tous les livres financiers, et celui-ci ne fait pas
exception, expliquent la théorie de l’actualisation
par l’adage : « Le temps c’est de l’argent. »

En effet, plus le temps passe et plus la valeur de la


monnaie se dégrade.

Mais comme disent les mathématiciens, le lien


entre le temps et l’argent est biunivoque car le
temps c’est de l’argent mais aussi l’argent c’est du
temps. Le problème des milliardaires, c’est qu’ils
n’ont pas de temps pour dépenser leur argent  !
Heureusement, d’autres qu’eux, qui ont du temps,
peuvent s’en charger pour eux !

L’entrepreneur Robert Kiyosaki l’a très bien


démontré dans son livre Rich Dad, Poor Dad en
comparant la vie de l’auto-entrepreneur et de
l’investisseur. Ainsi, l’auto-entrepreneur, et c’est
le cas de tous les consultants, vend son temps pour
gagner de l’argent.

Non seulement ses possibilités restent limitées car


une journée ne peut avoir que 24  heures mais le
succès dans son entreprise lui aliène toute liberté
pour d’autres activités sociales, sportives ou
culturelles. En revanche, l’investisseur fait
travailler son argent, ce qui lui donne du temps et
la liberté de faire toute autre chose qui lui plaît.

Le futur procède parfois par


sauts et pas toujours par
développement linéaire
Il faut avoir ce principe en tête dès que l’on veut se
projeter dans le futur lors d’une décision
d’investissement ou de la mise en place d’un
business plan.

À cet égard l’histoire de la société Polaroïd est riche


d’enseignement.

Fondée en  1937  par le scientifique Edwin H. Land,


la société a commercialisé avec succès, à partir
de  1948, un système de développement instantané
de photographies en noir et blanc par un procédé
chimique. En  1963, ce fut l’introduction de la
couleur. Et puis, en  1977, le docteur Land créa le
procédé Polavision qui était la suite logique pour les
films d’amateur au format 8 mm.

Malheureusement pour Polaroïd, au même


moment, la mise au point de techniques
numériques pour l’enregistrement des images a
permis l’essor de la vidéo numérique, entraînant
l’échec du Polavision.

On ne fait une bonne finance


que si on a une bonne
comptabilité
La comptabilité est une technique qui permet
d’enregistrer les transactions économiques de
l’entreprise, de stocker ces données sous une forme
accessible et sûre puis d’en restituer une situation
périodique analytique (journaux, grand livre,
balance) et synthétique (bilan, compte de résultat,
tableau des flux financiers, tableau de variation des
capitaux propres, annexe).
La comptabilité est donc d’abord une base de
données économiques de l’entreprise dont la
qualité de l’information servira de support à la
prise de décision financière.

« La carte n’est pas le


territoire »
Cet aphorisme d’Alfred Korzybski s’applique
particulièrement bien à la finance d’entreprise, car
la représentation de l’entreprise par ses états
financiers, comme le bilan et le compte de résultat,
n’en donnent qu’une vision partielle ou spécifique.

C’est une vision partielle d’abord  : Henry Ford


affirmait déjà  : «  Il y a deux choses qui
n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise  : sa
réputation et ses hommes. »

Mais c’est aussi une vision spécifique, spécialisée,


comme il y a des cartes spécialisées sur la géologie
ou les activités humaines d’un territoire.

Ainsi, le bilan consolidé d’un groupe donne une


vision économique de celui-ci en affichant les
filiales différemment selon le contrôle ou
l’influence notable exercés par la société mère.
Ne pas confondre le bruit et le
signal
La finance, et notamment la finance des marchés
boursiers, est la discipline où le bruit est roi. Mais
attention à ne pas confondre le bruit et le signal. Un
signal donne une information utile alors que le
bruit émet une information inutile. Le pilote d’un
avion a à sa disposition une énorme quantité de
données affichées dans le cockpit, mais c’est le
déclenchement d’une alarme qui va le faire réagir
et modifier son plan de vol. Nous prenons souvent
pour un signal ce qui n’est que du bruit.

Il est donc important de savoir filtrer l’information


financière pour n’en tirer que les éléments utiles au
management de l’entreprise et retraiter celle-ci
afin de trouver le signal enfoui dans le bruit. Ainsi,
dans un tableau de bord financier, il sera plus utile
de n’afficher que les données dépassant un certain
seuil (notion de filtre).

De même, la tendance prise par un indicateur est


souvent plus importante que sa valeur affichée.

Méfiez-vous des ratios


Le calcul des ratios et autres indicateurs-clés fait le
bonheur des étudiants des écoles de commerce et
de leurs professeurs mais aussi des contrôleurs de
gestion en entreprise fiers de leur tableau de bord
ou des banquiers chargés d’analyser les états
financiers de leurs clients.

Il est bien commode de s’affranchir de la taille


d’une entreprise et de sa devise pour ne calculer
que des pourcentages qui peuvent donner l’illusion
de pouvoir faire des comparaisons avec ses pairs.

Il est aussi très valorisant de pouvoir expliquer


doctement que A/B est trop élevé ou que C/D est
trop bas en donnant le sentiment de maîtriser la
finance d’entreprise.

Mais attention, il convient d’utiliser l’outil


«  ratio  » avec intelligence. Par exemple, un
«  mauvais  » ratio peut cacher une décision
financière salutaire. Ainsi, le fait de solder en fin de
saison des invendus dégrade le ratio de rentabilité
de l’entreprise mais lui permet de retrouver une
trésorerie liquide qui avait été gelée dans les stocks.

De même, le ratio A/B est le rapport entre deux


données : A est le numérateur et B le dénominateur.
Pour améliorer le ratio, on peut soit augmenter A
soit diminuer B (ou les deux bien sûr, mais
restons-en à mon raisonnement explicatif). Bien
souvent, on pense à diminuer B alors qu’il est
beaucoup plus enrichissant d’augmenter A.

Prenons l’exemple simple du ratio  : résultat net


rapporté au chiffre d’affaires.

Un résultat net de  10  rapporté à un chiffre


d’affaires de 100 nous donne un ratio de 10 %.

Pour améliorer ce ratio et atteindre  20  %, on peut


soit doubler son profit pour atteindre  20  soit
diminuer ses ventes au niveau de  50. Aucun
responsable financier sensé ne proposera cette
dernière possibilité !

Aussi, l’amélioration d’un ratio passe d’abord par


l’accroissement de son numérateur (surtout si c’est
un flux comme un profit ou un cash flow) puis
éventuellement ensuite par la diminution de son
dénominateur. Mais attention  ! Comparer des
pourcentages n’a de sens qu’entre entreprises
d’activité et de poids comparable.

L’aspect positif du besoin en


fonds de roulement négatif
Quelque temps après la création de mon cabinet
d’expertise comptable, j’ai conseillé un grand
groupe de franchise dans la vente de vêtements
pour enfants. Lors d’une convention annuelle, j’ai
eu l’occasion de dévoiler aux franchisés patrons de
leur magasin quelques mystères de la comptabilité
et de la finance.

Pour expliquer le besoin en fonds de roulement, j’ai


montré que celui-ci est directement lié à la rapidité
de vente du stock livré au début de la saison, car les
clients paient comptant alors que les marchandises
d’une saison semestrielle sont payées au
franchiseur en fonction d’un plan de paiement étalé
sur plusieurs mois.

Si le stock s’écoule à un rythme plus rapide que le


règlement du plan de paiement, le besoin en fonds
de roulement devient négatif ce qui crée une
trésorerie importante. Mais cette situation n’est
que provisoire et ne constitue en aucun cas le profit
du magasin.

Le résultat n’est pas le cash


flow
La comptabilité met fortement l’accent sur la
notion de résultat net et tous les livres financiers
expliquent comment le calculer mais peu analysent
la formation des flux de trésorerie.

Une entreprise fait faillite par manque de trésorerie


dont une des causes peut être l’absence de
rentabilité mais ce n’est pas la seule.

La performance crée des flux de trésorerie (le cash


flow potentiel) mais d’autres facteurs les impactent
comme le taux de croissance des capitaux
employés, le poids du remboursement des dettes et
la rétribution des associés par les dividendes.

On peut reprendre l’exemple vu à propos des


ratios  : il vaut mieux une marge un peu dégradée
parce que l’on a vendu en solde qu’une marge
intacte mais avec un lot de stock sur les bras qui ne
sera jamais vendu. Le cash flow dans le court terme
prime sur la rentabilité.
DANS CE CHAPITRE
Dix croyances à bannir si vous voulez paraître
compétent en comptabilité et finance d’entreprise.

Chapitre 21
Dix croyances à bannir
Qui paie ses dettes s’enrichit
Les frais financiers sont des charges qui viennent
en moins du résultat imposable et diminuent le
résultat.

Donc, a priori, rembourser ses dettes revient à ne


plus payer de frais financiers, c’est-à-dire à
augmenter le résultat de l’entreprise. Mais ce
raisonnement n’est qu’à court terme. En effet, ce
n’est pas le résultat net qui enrichit l’entreprise
mais la création de valeur.

Cette création de valeur provient de l’écart entre la


performance de l’entreprise mesurée par son
rendement des capitaux employés (ROCE) et le coût
moyen pondéré du capital (WACC).

Or, ce dernier est la moyenne pondérée du coût de


financement de l’entreprise par les capitaux
apportés par les actionnaires et par les prêts
bancaires.

Sachant, comme il est indiqué plus haut, que les


frais financiers sont déductibles du résultat
imposable, le coût réel de financement par emprunt
bénéficie de l’impact fiscal et se calcule après impôt
sur les bénéfices.

Ainsi, avec un taux d’impôt d’un tiers, des frais


financiers de  6  n’impactent l’entreprise qu’à
hauteur de 6 × (1 – 1/3) = 4.

Donc, le fait de payer 6 en frais financiers pour une


dette de  100, c’est-à-dire un taux de  6  %, revient
en fait à un coût de financement de  4  pour une
dette de 100, soit 4 %.

En revanche, la rémunération des capitaux apportés


par l’actionnaire se fait par le paiement de
dividendes calculés sur le bénéfice après impôt et
par une plus-value en capital sans conséquence sur
le résultat de l’entreprise.
Le tax shield, traduit en français par l’économie
fiscale dont bénéficient les emprunts bancaires,
rend ces capitaux moins onéreux et donc minore le
CMPC et améliore la création de valeur de
l’entreprise.

Une autre façon de raisonner est l’effet de levier


financier qui améliore le rendement des capitaux
propres (ROE) quand le taux net moyen du
financement bancaire est inférieur au rendement
des capitaux employés (ROCE).

Une entreprise est d’autant


plus performante que sa
position de trésorerie est
excédentaire
Rappelez-vous la maxime de Benjamin Franklin
figurant en tête du chapitre 14 : « Le seul intérêt de
l’argent est son emploi. »

Ce n’est pas la position de trésorerie qui crée la


performance mais c’est la performance qui va créer
un flux de trésorerie potentielle dont l’utilisation
pour de nouveaux investissements améliorera la
performance future.
Une entreprise doit donc avoir un flux de trésorerie
potentielle le plus important possible et l’utiliser
pour de nouveaux investissements créateurs de
valeur afin de ne garder qu’une position de
trésorerie minimaliste pour faire face aux aléas des
pulsations du besoin en fonds de roulement.

Au contraire, le fait de garder en permanence une


position de trésorerie excédentaire qui rapporte
peu, surtout en ce moment quand les taux d’intérêt
sont au plus bas, minore la performance globale de
l’entreprise qui ferait mieux d’employer à bon
escient cette trésorerie stérile dans des
investissements rentables.

Cela se montre parfaitement grâce au bilan


financier simplifié ci-dessous dans lequel les
capitaux propres représentent  100  % des capitaux
investis :

Prenons l’hypothèse que les capitaux employés


(actif immobilisé et besoin en fonds de roulement)
représentant  50  % de la partie gauche du bilan
financier et rapportent un rendement des capitaux
employés (ROCE) de 20 %, alors que la position de
trésorerie qui représente les autres  50  % ne
rapporte rien.
Le rendement des capitaux propres (ROE) sera la
moyenne pondérée du ROCE et du rendement de la
position de trésorerie soit :

ROE = 50 % × 20 % + 50 % × 0 % = 10 %

Figure 21-1 Bilan financier simplifié à trésorerie excédentaire

Le fait d’investir cette trésorerie excédentaire en


actif immobilisé et en besoin en fonds de roulement
qui rapporte  20  % améliorerait le rendement des
capitaux propres qui devient :

ROE = 100 % × 20 % = 20 %

Le rendement des capitaux propres deviendrait égal


au rendement des capitaux employés.
Figure 21-2 Bilan financier simplifié à trésorerie minimaliste

En conclusion, avoir de la trésorerie disponible,


c’est bien mais l’utiliser avec efficacité, c’est
mieux.

Le fonds de roulement est


positif car l’entreprise a de la
trésorerie disponible
Nous avons défini au chapitre  4  le fonds de
roulement (FR) comme l’excédent de ressources
permanentes sur l’actif immobilisé (AI), les
ressources permanentes étant constituées des
capitaux propres (CP) et des dettes bancaires à long
terme (DLT).
FR = CP + DLT – AI

Nous avions aussi souligné l’importance d’avoir un


fonds de roulement positif, ce qui signifie que
l’actif immobilisé est entièrement financé par des
ressources stables, diminuant d’autant le risque
financier de l’entreprise.

Certains financiers, notamment en France,


définissent, en revanche, le fonds de roulement
comme étant l’excédent de l’actif circulant sur les
dettes à court terme. Ce qui n’est pas faux puisque
le bilan est équilibré :
Figure 21-3 L’équilibre du bilan financier

La flèche verticale de la figure 21-3, qui symbolise


ici le fonds de roulement, peut en effet se calculer
comme les capitaux propres + les dettes à long
terme  –  l’actif immobilisé ou comme BFR +
Trésorerie nette.

Le montant du fonds de roulement sera identique


dans les deux cas.

Le fonds de roulement peut donc se calculer par le


haut du bilan :

FR = CP + DLT – AI
ou par le bas du bilan :

FR = BFR + Trésorerie nette = Actif circulant –


 Dettes court terme

Puisque :

BFR = Stock + Créances - Dettes court terme


autres que financières

Trésorerie nette = Trésorerie positive - Dettes


financières court terme

En revanche, l’analyse du fonds de roulement ne se


fait que par le haut  : le fonds de roulement est
positif car l’entreprise finance entièrement son
actif immobilisé par des ressources permanentes,
ce qui diminue le risque financier.

Écrire dans certains ouvrages financiers que le


fonds de roulement est positif car l’entreprise a de
la trésorerie montre une méconnaissance complète
du besoin en fonds de roulement.

Reprenons la formule de la figure 21-3 :

Fonds de roulement = Besoin en fonds de


roulement + Trésorerie

Une entreprise dont le fonds de roulement est


positif a de la trésorerie si son besoin en fonds de
roulement est inférieur à son fonds de roulement.

Autrement dit  : la trésorerie est la conséquence


d’une situation et jamais la cause !

D’ailleurs, une entreprise dont le fonds de


roulement est négatif peut avoir une trésorerie si
son besoin en fonds de roulement est encore plus
négatif.

Figure 21-4 Fonds de roulement négatif avec une trésorerie positive

En conclusion :
• Le fonds de roulement doit être positif afin de
minorer le risque financier et doit être au
moins égal au besoin en fonds de roulement
pour dégager une position de trésorerie
positive.

• La position de trésorerie est la conséquence de


la stratégie financière d’une entreprise par la
combinaison de bonnes décisions à long terme
impliquant le fonds de roulement
(investissements dans l’actif immobilisé,
niveau des capitaux propres et des dettes
bancaires) et la maîtrise de son besoin en
fonds de roulement.

Les achats sont une charge


Cette croyance est la tarte à la crème des étudiants
en comptabilité française. En effet, les achats
constituent une ligne dans la partie «  Charges  »
du compte de résultat et un raisonnement rapide (il
n’y a d’ailleurs pas seulement les étudiants mais
aussi certains managers qui font ce raccourci)
pourrait conclure que si on diminue les achats on
augmente le résultat.
En fait, vous avez vu au chapitre  2  que les achats
sont amendés par la variation du stock (ce qui n’est
d’ailleurs pour les étudiants pas toujours facile à
comprendre) car le résultat ne se réduit pas en
retranchant aux ventes les achats achetés mais les
achats utilisés (et donc considérés comme
consommés) pour constituer les ventes.

La marge brute est égale aux ventes moins le coût


d’achat des marchandises vendues.

Dans une entreprise qui achète et vend des


marchandises, le résultat ne se bâtit pas lors de
l’achat mais lors de la vente des marchandises.
Autrement dit, une marchandise en stock ne
participe pas au résultat (sauf si l’entreprise estime
que cette marchandise ne pourra être vendue à un
prix supérieur à son prix d’achat, autorisant le
comptable à enregistrer une dépréciation du stock).

En revanche, cette marchandise en stock, si elle a


déjà été payée au fournisseur, a obéré la trésorerie.

En conclusion :

• Il est très important d’avoir un niveau de


stock le plus bas possible compatible avec la
demande de la clientèle ce qui permet
d’optimiser le besoin en fonds de roulement
d’où les techniques logistiques du style just in
time.

• On améliore le résultat de l’entreprise non pas


en achetant moins mais en achetant mieux ce
qui veut dire limiter les rebuts, les stocks
d’invendus tout en achetant au meilleur prix
possible.

La valeur en Bourse d’une


entreprise influe directement
sur sa valeur au bilan
Au cours de ma longue carrière d’enseignant, il
m’est arrivé de nombreuses fois d’avoir à répondre
à la question : comment la valeur de l’action d’une
entreprise influe-t-elle sur le montant de ses
capitaux propres ? Autrement dit plus simplement :
où voit-on la valeur de l’action au bilan ?

La réponse est évidente  : il n’y a aucune relation


instantanée directe entre le cours journalier d’une
action et les capitaux propres de l’entreprise.

Le cours d’une action cotée sur un marché boursier


est directement lié au système de cotation basé sur
la loi de l’offre et de la demande.

Certains facteurs rationnels, psychologiques ou


même irrationnels, font même varier le cours
chaque seconde lors d’une cotation en direct.

Les capitaux propres constituent, en revanche, le


relevé de tous les apports des actionnaires depuis la
création de la société sachant que les bénéfices non
distribués aux actionnaires sont en fait des apports
car ils sont réinvestis par les actionnaires dans
l’entreprise.

Le lien direct n’est donc pas fondé même si le ratio


valeur boursière/capitaux propres (ratio MTB pour
market to book) est parfois utilisé pour la
valorisation par la méthode des multiples vue au
chapitre 15.

On pourrait même affirmer qu’au contraire c’est la


variation du montant des capitaux propres qui
influe sur le cours de Bourse  : en effet l’annonce
d’une perte synonyme de diminution des capitaux
propres s’accompagne souvent d’une chute du
cours de Bourse. (En revanche, l’annonce d’un
bénéfice ne se traduit pas toujours par une hausse
du cours si les investisseurs se montrent déçus par
un résultat non conforme à leurs attentes.)
Néanmoins, ce que l’on peut dire, comme nous
l’avons vu au chapitre  17  sur l’introduction en
Bourse, c’est que l’entreprise ne peut pas se
désintéresser de l’évolution de son cours boursier.
En effet, lors d’une augmentation du capital social
nécessitée par de nouveaux investissements, le prix
offert à l’achat de nouvelles actions se fera par
référence au cours boursier des actions déjà émises.

Une valeur de l’action faible nécessitera une


émission plus importante de nouvelles actions pour
couvrir le besoin de financement, parfois avec le
risque de remise en cause du pouvoir de certains
actionnaires.

En conclusion, l’entreprise a donc un avantage


certain à maintenir un cours boursier ferme,
notamment grâce à une communication financière
efficace.

La TVA est un impôt à la charge


de l’entreprise
Il arrive souvent à un expert-comptable d’entendre
cette récrimination de certains de ses clients  :
« Qu’est que je paie comme TVA ! Le bénéfice s’en
ressent  !  » Eh bien non  : la TVA n’est pas une
charge pour l’entreprise car elle est en fait payée
par le client.

La TVA (taxe sur la valeur ajoutée) est un impôt


indirect basé sur la consommation de biens ou de
services. Elle est donc à la charge du client car il
paie par exemple une marchandise  20  % de plus
que le prix hors taxe si le taux de TVA est égal
à  20  %. C’est le fournisseur qui l’encaisse lors du
paiement de la facture et qui la reverse à
l’administration fiscale. Le fournisseur est donc un
collecteur d’un impôt qui n’est pas à sa charge car
c’est le client qui l’a payé. Voilà pourquoi cette TVA
est appelée TVA collectée.

Le fournisseur est peut-être lui-même client d’une


autre entreprise à qui il paie une TVA de  20  % sur
ses achats. Mais cette TVA qu’il aura payée pourra
être déduite de la TVA qu’il devra payer sur ses
ventes, elle est donc appelée déductible.

Au total, l’entreprise versera à l’administration


fiscale la différence entre la TVA qu’elle a collectée
sur ses ventes moins la TVA qu’elle peut déduire
sur ses achats.

La TVA est donc un flux financier qui traverse


l’entreprise sans impacter le résultat (sauf si
l’entreprise ne peut déduire la TVA sur certains de
ses achats ou de ses frais en application du Code
des impôts).

Voilà pourquoi la TVA ne figure pas dans le compte


de résultat mais apparaît au bilan comme une
créance (TVA déductible) ou comme une dette (TVA
collectée ou TVA à reverser).

Pour l’anecdote, la TVA est un impôt créé par un


Français (  !), Maurice Lauré, en 1954  et mis en
place progressivement en France en remplacement
de la taxe sur le chiffre d’affaires.

Cet impôt a été trouvé si intelligent (notamment


par la suppression de l’effet de cascade cumulatif à
chaque stade de la production ou de la
commercialisation d’un bien) que la plupart des
pays dans le monde l’ont adopté. (Cependant les
États-Unis ont jusqu’à présent gardé leur sales tax.)

En conclusion, quand un client dit à son expert-


comptable  : «  Je paie trop de TVA  !  », l’expert-
comptable répond  : «  Bravo car cela veut dire que
l’entreprise crée beaucoup de valeur ajoutée,
génératrice de bénéfice potentiel. »
L’amortissement diminue le
bénéfice et donc l’impôt pour
permettre de reconstituer une
réserve afin de réinvestir plus
tard
Voilà un raisonnement fallacieux que l’on retrouve
encore dans d’anciens livres de finance.

L’explication est la suivante  : prenons une


entreprise sans actif immobilisé qui produit un
bénéfice imposable de  1  000  et un bénéfice net
de 850 compte tenu du paiement d’un impôt sur les
bénéfices de 150 à un taux supposé de 15 %.

Imaginons que cette entreprise acquiert un


équipement lui ayant coûté  500 qu’elle décide
d’amortir de façon linéaire en 5 ans.

La dotation aux amortissements annuelle sera donc


de 100.

C’est une charge déductible fiscalement qui réduit


le bénéfice imposable de  1  000 à  900  et donc
l’impôt de  150  à  135  soit de  15  pour donner un
résultat net de 765 en diminution de 85.
Le fait d’enregistrer une dotation aux
amortissements de 100 fera donc économiser 15 en
réduction d’impôt et  85  en dividendes à verser
puisque le résultat net diminue de 85. Soit un total
de  100, qui répété sur cinq années (toutes choses
égales par ailleurs) est supposé lui permettre
d’avoir  500  disponibles pour renouveler
l’équipement.

En fait, vous avez bien compris que cette vision est


tout à fait théorique car vous ne trouverez jamais
dans le bilan d’une entreprise une réserve de
trésorerie constituée par les amortissements
cumulés qui servirait à financer le renouvellement
des investissements.

La dotation aux amortissements est le moyen


comptable utilisé pour montrer que l’usure d’un
actif immobilisé se traduit par une charge au
compte de résultat puisque c’est une
consommation mais aussi une diminution de la
valeur de l’actif au bilan.

Cette dotation, qui est une charge calculée, ne


correspond pas à une sortie d’argent et donc ne
diminue pas le flux de trésorerie d’exploitation, et
ce n’est pas non plus une création de trésorerie.
En conclusion, comme nous l’avons vu au
chapitre  8, on ne décide pas d’un nouvel
investissement en fonction d’une trésorerie
disponible pour le financer mais en fonction de la
rentabilité attendue.

La décision d’investir sera prise si cette dernière est


supérieure au coût du financement de
l’investissement.

Le besoin en fonds de
roulement négatif est une
ressource à long terme
Comme nous l’avons vu au chapitre 4, le besoin en
fonds de roulement négatif peut apparaître quand
l’entreprise encaisse plus vite ses créances clients
qu’elle ne paie ses dettes fournisseurs.

On retrouve un besoin en fonds de roulement


négatif dans les secteurs d’activité où les clients
paient comptant, ou parfois d’avance, alors que les
fournisseurs sont payés plus tard (grande
distribution, secteur du tourisme, restauration,
etc.).
Mais ce décalage entre les créances clients et les
dettes fournisseurs se calcule en jours si ce n’est en
mois et non pas en années.

Il s’agit donc bien d’une ressource à court terme,


même si le renouvellement à chaque instant du
cycle client fournisseur fait apparaître cette
ressource comme permanente.

C’est pourquoi les entreprises au besoin en fonds


de roulement négatif maintiennent une position de
trésorerie (éventuellement placée à court terme)
sans s’en servir pour financer un investissement ou
rembourser une dette bancaire.

Figure 21-5 Un fonds de roulement négatif implique une trésorerie


positive excédentaire
En conclusion, la position de trésorerie se doit
d’être minimale dans l’entreprise sauf si celle-ci
possède un besoin en fonds de roulement négatif.

Un besoin en fonds de
roulement négatif est sans
effet sur la performance de
l’entreprise
Un besoin en fonds de roulement négatif améliore
la performance opérationnelle. Celle-ci est définie
par le taux de rentabilité des capitaux employés
(ROCE ou return on capital employed) :

Les capitaux employés sont l’actif immobilisé et le


besoin en fonds de roulement s’il est positif.

En revanche, un besoin en fonds de roulement


négatif n’est pas un capital employé mais une
ressource, il ne figure donc plus au dénominateur
et diminue donc ainsi, toutes choses égales par
ailleurs, le montant des capitaux employés, ce qui
améliore ainsi leur taux de rentabilité, c’est-à-dire
le ROCE.
En revanche, au niveau de la performance
financière (ROE), on pourrait imaginer que le
besoin en fonds de roulement négatif, puisque c’est
une ressource financière, crée un effet de levier
d’autant plus important que cette ressource est
gratuite. Mais, c’est oublier que corrélativement,
l’entreprise doit maintenir l’équivalent en
trésorerie excédentaire.

L’effet de levier étant calculé sur la dette bancaire


nette, il est donc annihilé sauf si l’entreprise
accepte un business risk et investit à long terme un
certain pourcentage de la trésorerie excédentaire
provenant du besoin en fonds de roulement négatif.

L’effet de levier augmente la performance


financière mais aussi le risque.

Voilà encore un exemple des deux faces de la


médaille : rentabilité et risque et du grand principe
de la finance : « no pain, no gain ».

En conclusion, le besoin en fonds de roulement a


non seulement un impact financier mais aussi des
conséquences sur le rendement opérationnel de
l’entreprise. Il faut donc le minorer ou même le
rendre négatif.
Un responsable d’un centre de profit doit être
attentif à la fois au numérateur et au dénominateur
de la formule de calcul du ROCE.

Le rendement économique (ROCE) s’améliore par


une augmentation du NOPAT (réduction des coûts)
mais aussi par une diminution des capitaux
employés (Actifs immobilisés + BFR).

Les réserves ou le report à


nouveau sont de la trésorerie
disponible
Les capitaux se classent selon leur nature en
capitaux investis et capitaux employés.

La trésorerie nette résulte de la différence de leur


montant (cf. figure 21-6).

• Un excès de capitaux investis par rapport aux


capitaux employés crée de la trésorerie nette
positive.

• Un manque de capitaux investis par rapport


aux capitaux employés crée de la trésorerie
nette négative.
Figure 21-6 Capitaux employés et capitaux investis

Les réserves et le report à nouveau qui font partie


des capitaux propres sont des capitaux investis
puisqu’ils constituent des bénéfices non distribués
sous forme de dividendes et donc réinvestis dans
l’entreprise. Ces capitaux ont donc été employés
pour financer l’actif immobilisé et/ou le besoin en
fonds de roulement car c’est leur raison d’être.

La position de trésorerie n’est que la conséquence


de la différence de montant entre les capitaux
investis et les capitaux employés et en aucun cas le
reflet direct du montant des réserves ou du report à
nouveau figurant dans les capitaux propres.

En conclusion, décider de ne pas distribuer une


partie des bénéfices évite une sortie d’argent,
argent qui peut être employé pour financer un
investissement (augmentation de l’actif
immobilisé) ou la croissance (augmentation du
besoin en fonds de roulement).

Mais cet argent non sorti n’est en aucun cas gelé


dans une position de trésorerie.
Annexe A
Liste des sigles
AC : Actif Circulant

AG : Assemblée Générale

AGE : Assemblée Générale Extraordinaire

AGO : Assemblée Générale Ordinaire

AI : Actif Immobilisé

AMF : Autorité des Marchés Financiers

APP : Average Payment Period

BB : Buy Back

BFR : Besoin en Fonds de Roulement

BPA : Bénéfice Par Action

BSA : Bon de Souscription d’Action

B to B : Business to Business

B to C : Business to Consumer

BV : Book Value

CAC 40 : Cotation Assistée en Continu pour 40 valeurs


CAPM : Capital Assets Pricing Model

CCA : Charges Constatées d’Avance

CCC : Cash Conversion Cycle

CE : Capitaux Employés ou Capital Employed

CFAE : Clients Factures A Etablir

CI : Capital Investi

CMPC : Coût Moyen Pondéré du Capital

COFACE  : COmpagnie Française d’Assurance pour le


Commerce Extérieur

CP : Capitaux Propres

CSE : Comité Social et Économique

CT : Capital Turnover

CVG : Certificat de Valeur Garantie

D : Dettes

D to E : Debt to Equity ratio

DC : Debt Coverage ratio

DCF : Discounted Cash Flow

DCT : Dettes à Court Terme

DIO : Days Inventories Outstanding


DLT : Dettes à Long Terme

DN : Dette Nette

DPAC : Dotation aux Provisions de l’Actif Circulant

DPO : Dividend Pay Out

DPS : Droit Préférentiel de Souscription

DSO : Days Sales Outstanding

DY : Dividend Yield

EBE : Excédent Brut d’Exploitation

EBIT : Earnings Before Interest and Taxes

EBITDA  : Earnings Before Interest Taxes Depreciation


and Amortization

EBT : Earnings Before Tax

EPS : Earnings Per Share

E(Rcp) : Espérance de Rendement des capitaux propres

EV : Enterprise Value

EVA : Economic Value Added

FCF : Free Cash Flow

FCFE : Free Cash Flow to Equity

FF net : Frais Financiers nets après impôt


FFNP : Fournisseurs Factures Non Parvenues

FINEXPAT : FINancial EXPenses After Tax

FR : Fonds de Roulement

g : taux de croissance de l’entreprise

GAP : Garantie d’Actif et de Passif

IAS : International Accounting Standards

IC : Invested Capital

ICS : Investable Cash Surplus

IFRS : International Financial Reporting Standards

IPO : Initial Public Offer

IRR : Internal Rate of Return

IS : Income Statement

K : remboursement du capital d’une dette

kM : rentabilité du Marché financier

KPI : Key Performance Indicators

LBO : Leverage Buy Out

LMBO : Leverage Management Buy Out

M to B (ou MTB) : Market to Book ratio

MEDAF : Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers


MIRR : Modified Internal Rate of Return

MV : Market Value

MVA : Market Value Added

NCE : Net Capital Expenditures

Net CP : Net Cash Position

Net D : Net Debt

NEU CP : Negotiable EUropean Commercial Paper

NFV : Net Future Value

NI : Net Income

NOM : Net Operating Margin

NOPAT : Net Operating Profit After Tax

NPV : Net Present Value

NYSE : New York Stock Exchange

OAT : Obligation Assimilable du Trésor

OBSA : Obligation à Bon de Souscription d’Action

OBSO : Obligation à Bon de Souscription d’Obligation

OEC : Ordre des Experts-Comptables

OPA : Offre Publique d’Achat

OPCA : OPerating COmpany


OPE : Offre Publique d’Echange

OPF : Offre à Prix Ferme

OPM : Offre à Prix Minimal

OPO : Offre à Prix Ouvert

OPR : Offre Publique de Retrait

OPRA : Offre Publique de Rachat d’Actions

ORA : Obligation Remboursable en Actions

PCA : Produit Constaté d’Avance

P & L : Profit and Loss statement

PER : Price Earnings Ratio

PME : Petite et Moyenne Entreprise

PROPCO : PROPerty COmpany

QR : Quick Ratio

RCE : Rentabilité des Capitaux Employés

RCP : Rendement des Capitaux Propres

RE : Rendement espéré de l’Entreprise

RES : Reprise d’une Entreprise par ses Salariés

rF : risk Free return

RM : Rendement espéré d’un Marché financier


RN : Résultat Net

RNR : Rendement espéré d’un actif financier Non Risqué

ROCE : Return On Capital Employed

ROE : Return On Equity

ROIC : Return On Invested Capital

RR : Retention Rate

SA : Société Anonyme

SARL : Société A Responsabilité Limitée

SBF  120  : Société des Bourses Françaises


comportant 120 valeurs

SCI : Société Civile Immobilière

SCOP : Société COopérative et Participative

SEC : Securities Exchange Commission

SICAV : Société d’Investissement à CApital Variable

SMIC  : Salaire Minimum Interprofessionnel de


Croissance

SPV : Special Purpose Vehicle

SWOT : Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats

t : taux d’actualisation


T : Taux d’impôt sur les bénéfices

T nette : Trésorerie nette

TAI : Taux de croissance de l’Actif Immobilisé

TBFR  : Taux de croissance du Besoin en Fonds de


Roulement

TCCE : Taux de Croissance des Capitaux Employés

TIE : Times Interest Earned

TPE : Très Petite Entreprise

TRA : Taux de Rentabilité de l’Action

TRI : Taux de Rentabilité Interne

TRIM : Taux de Rentabilité Interne Modifié

TSDI : Titre Subordonné à Durée Indéterminée

TSR : Total Shareholder Return

TTC : Toutes Taxes Comprises = TVA incluse

TTD : Taux de Trésorerie Disponible

TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée

URSSAF : Union pour le Recouvrement des cotisations


de Sécurité Sociale et d’Allocation

Familiales
US-GAAP : Generally Accepted Accounting Principles in
US

VAN : Valeur Actualisée Nette

VE : Valeur d’Entreprise

VNC : Valeur Nette Comptable

VR : Valeur Résiduelle

VT : Valeur d’entreprise Terminale

WACC : Weighted Average Cost of Capital

WAGU : Weighted Average Growth of Uses

β (beta) : facteur de risque d’un actif financier

δ (delta)  : ratio du remboursement en capital rapporté


au profit opérationnel net

∆ (DELTA) : variation

φ (phi) : ratio des frais financiers après impôt rapportés


au profit opérationnel net

ωAI (omega AI)  : poids de l’actif immobilisé dans les


capitaux employés

ωBFR (omega BFR)  : poids du besoin en fonds de


roulement dans les capitaux employés

∑ (SIGMA) : Somme
Sommaire

Couverture

La Finance d'entreprise pour les Nuls, grand


format, 2e éd.

Copyright

À propos des auteurs

Avant-propos

La finance n’est plus le prolongement de la


comptabilité

Passage d’une finance patrimoniale à une finance


entrepreneuriale

Vision élargie de la performance financière

Introduction du risque

Introduction

Pourquoi ce livre ?

Comment utiliser ce livre


Comment ce livre est organisé

Icônes utilisées dans ce livre

Par où commencer ?

Partie 1. Comprendre l’information financière


produite par l’entreprise

Chapitre 1. C’est quoi, la finance d’entreprise ?

C’est quoi, la finance en général ?

C’est quoi la finance d’entreprise ?

Pour en savoir plus

Chapitre 2. Les principaux éléments comptables

À quoi sert la comptabilité ?

Le bilan

Pourquoi un compte de résultat ?

Le secret de la partie double

Les mystérieux comptes en T

Impact sur le résultat des opérations d’inventaire

Affectation du résultat annuel

Le tableau des flux de trésorerie

Pour en savoir plus sur l’annexe

Pour conclure
Chapitre 3. Quelques notions sur les états financiers
des groupes

La notion de groupe

La présentation des états financiers des groupes

Le périmètre de consolidation

Les méthodes de consolidation

C’est quoi le goodwill ?

Comment lire et analyser les comptes d’un groupe ?

Présentation de quelques lignes du bilan et du compte de résultat,


caractéristiques des comptes d’un groupe

Partie 2. La performance financière de


l’entreprise

Chapitre 4. De la vision comptable à la vision


financière

Le calcul de la performance : une fusée à cinq étages

Une star méconnue : le besoin en fonds de roulement !

Du bilan comptable au bilan financier : les huit bilans financiers


types

L’entreprise vue comme une machine à faire du « cash »

Chapitre 5. Les indicateurs- clés de la performance


financière

Qu’est-ce qu’être performant pour une entreprise ?


La performance opérationnelle

La performance des actifs économiques : le ROCE

La performance financière

La chaîne magique NOM ROCE ROE, Managers opérationnels et


financiers : même combat

Chapitre 6. Performance financière et création de


valeur

Une variable essentielle : le coût du capital

Créer ou détruire de la valeur

Les apports du concept de création de valeur

Pour conclure

Chapitre 7. Les indicateurs- clés régissant la


trésorerie

L’entreprise est aussi une machine à faire du cash !

La dynamique des flux de trésorerie

Le compromis performance- croissance

Les décisions financières du passé pèsent aussi sur la trésorerie


générée au présent par la performance

Les 7 nombres nécessaires pour bâtir le futur financier d’une


entreprise

Chapitre 8. Investir : comment décider ?

Investir, c’est quoi ?


Lister et valoriser les actions entraînant des dépenses aujourd’hui

Imaginer et valoriser les retombées – financières ou non – plus tard

Introduire le facteur temps

Mieux connaître l’investissement à réaliser

Les techniques pour aider à la prise de décision d’investissement

Le modèle financier de l’entreprise : un portefeuille


d’investissements financé par un portefeuille de ressources :
découvrons le TRIM

Revoilà les deux faces de la médaille en finance : espérance de


rentabilité et risque

Chapitre 9. La gestion financière d’une entreprise


vue de l’extérieur

Présentation de la Société Y

Schéma d’analyse « ratio » nelle

Les ratios de rentabilité

Les ratios de liquidité

Les ratios d’activité

Les ratios de structure

Les ratios de rendement de l’action

Partie 3. Quelques événements- clés dans la vie


financière de l’entreprise

Chapitre 10. Créer et financer son entreprise


Combien d’argent faut-il pour démarrer ?

Cas pratique : Créatest

Comment imaginer la situation financière à la fin de la première


année ?

Comment introduire le concept d’incertitude et mesurer ses


conséquences

Dernier point : qu’en est-il de la création de valeur à la fin de la


première année ?

Chapitre 11. Performer, croître, rembourser les


prêteurs et rétribuer les associés

Comment créer de la performance financière ?

Croître : et si nous parlions en taux

Rembourser les prêteurs

Rétribuer les associés

Chapitre 12. Le financement du haut de bilan par


capitaux propres

L’augmentation de capital

La diminution de capital

Cas pratique : société Toujourplus

Chapitre 13. Le financement du haut de bilan par


capitaux externes

L’emprunt bancaire classique


L’emprunt obligataire

Le crédit-bail

Les financements hybrides

Le financement participatif

Chapitre 14. Que faire du surplus de cash généré par


l’entreprise ?

L’effet tueur de l’excès de trésorerie disponible

Qui paie ses dettes (bancaires) s’enrichit ?

Investir, investir, investir !

N’oubliez pas les associés : des dividendes exceptionnels maintenant


et une petite augmentation de création de valeur future

En dernier ressort : le rachat par l’entreprise de ses actions ou le «


buy back »

Chapitre 15. Et maintenant, combien vaut mon


entreprise ?

À vendre : entreprise en totalité ou par lot

À vendre : entreprise en bon état de marche

Valorisation de l’entreprise

Entreprise à vendre sous garantie

Chapitre 16. Comment prendre le contrôle d’une


entreprise ?

Pourquoi prendre le contrôle d’une entreprise ?


Les méthodes de prise de contrôle et ses conséquences

Comment financer une prise de contrôle

Comment se défendre contre une offre publique d’achat hostile ?

Chapitre 17. Et pourquoi pas l’introduction en Bourse


?

Pourquoi s’introduire en Bourse ?

Les clés du succès

Les effets et les contraintes d’une introduction en Bourse

La procédure d’introduction

Partie 4. La vie financière courante de l’entreprise

Chapitre 18. Financements à court terme

Quelles sont les solutions de crédit de trésorerie ?

Quels sont les moyens de financement qualifiés de « non bancaire »


ou hors système bancaire ?

Le financement bancaire

Pour conclure

Chapitre 19. La gestion du risque de change

L’entreprise et le risque de change

Quelques définitions

Les techniques de réduction du risque de change

Les techniques de couverture du risque de change


Le risque de change dans un groupe international

Partie 5. La partie des Dix

Chapitre 20. Dix illustrations pour dix principes


financiers : le point de vue d’un professionnel

Les décisions financières ne sont pas toujours rationnelles

Se méfier des surévaluations

Time is money but money is also time

Le futur procède parfois par sauts et pas toujours par développement


linéaire

On ne fait une bonne finance que si on a une bonne comptabilité

« La carte n’est pas le territoire »

Ne pas confondre le bruit et le signal

Méfiez-vous des ratios

L’aspect positif du besoin en fonds de roulement négatif

Le résultat n’est pas le cash flow

Chapitre 21. Dix croyances à bannir

Qui paie ses dettes s’enrichit

Une entreprise est d’autant plus performante que sa position de


trésorerie est excédentaire

Le fonds de roulement est positif car l’entreprise a de la trésorerie


disponible

Les achats sont une charge


La valeur en Bourse d’une entreprise influe directement sur sa valeur
au bilan

La TVA est un impôt à la charge de l’entreprise

L’amortissement diminue le bénéfice et donc l’impôt pour permettre


de reconstituer une réserve afin de réinvestir plus tard

Le besoin en fonds de roulement négatif est une ressource à long


terme

Un besoin en fonds de roulement négatif est sans effet sur la


performance de l’entreprise

Les réserves ou le report à nouveau sont de la trésorerie disponible

Annexe A. Liste des sigles

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