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Etude de cas

UN NOUVEAU VICE-RECTEUR POUR MID-WEST

Peu de temps après l’entrée en fonction du nouveau recteur de Mid-West U, le vice-recteur aux
études annonça sa démission. Malheureusement, personne ne se pressait pour occuper son poste, et
un gel de l’embauche empêcha qu’on entame des recherches à l’extérieur pour lui trouver un
remplaçant.

Plusieurs doyens de faculté et d’anciens administrateurs suggérèrent au recteur de désigner Jennifer


Tardif, la vice-rectrice adjointe aux études, au poste de vice-rectrice intérimaire. Elle jouissait d’une
grande popularité sur tout le campus et avait 10 ans d’expérience à titre de vice-rectrice adjointe.
Elle connaissait tout le monde et tout ce qu’il fallait savoir à propos de l’Université. Selon eux,
Jennifer était le choix évident et elle méritait vraiment ce poste. Elle faisait preuve d’un dévouement
hors pair à l’égard de l’établissement et possédait des réserves illimitées d’énergie. Le nouveau
recteur suivit leur conseil et nomma Jennifer vice-rectrice intérimaire pour une période pouvant aller
jusqu’à trois ans. Il accepta également qu’elle soit candidate à la permanence lorsqu’on lèverait le gel
de l’embauche.

Jennifer et ses amis étaient ravis. Il était plus que temps que des femmes occupent des postes
supérieurs à l’Université. Ils l’invitèrent à une petite fête en son honneur pour la féliciter et discuter
de sa promotion.

Sauf pour une brève période, Jennifer avait fait toute sa carrière à Mid-West U. Elle avait commencé,
à titre de chargée de cours, par donner un cours d’introduction en histoire puis, visant un poste de
professeur permanent, avait repris ses études et décroché un doctorat à Metropolitan U, tout en
continuant à enseigner à Mid-West. Dès l’obtention de son diplôme, on l’avait nommée professeure
adjointe, puis professeure agrégée en raison de la qualité de son enseignement et de l’ensemble de
son dossier, ainsi que de sa participation interne. Non seulement on l’appréciait, mais on
reconnaissait son dévouement total à Mid-West : elle aida à mettre sur pied le premier syndicat,
obtint de nombreuses subventions de recherche et s’impliqua activement dans le club social. Elle
était toujours prête à venir en aide à autrui et sa popularité était indéniable.

Finalement, Jennifer fut nommée directrice de son département et, après deux ans à ce poste, elle se
vit offrir celui de vice-rectrice adjointe. Pendant les 10 années qu’elle passa à ce poste, elle s’occupa
de la plupart des problèmes touchant la formation, dirigea plusieurs comités, prit en main la majeure
partie de la correspondance et des rapports du vice-recteur et, à plus d’une occasion, fit des
commissions personnelles pour le recteur. Tout le monde savait qu’on pouvait compter sur Jennifer.

La nomination de Jennifer au poste de vice-rectrice intérimaire souleva l’enthousiasme à Mid-West


U. Enfin, l’Université faisait appel à l’un des siens, une personne sensible à sa culture, qui en
connaissait le corps professoral et qui allait faire bouger les choses. Toutefois, l’ensemble de la
communauté universitaire ne tarda pas à s’apercevoir que rien ne bougeait et Jennifer, en dépit de
sa popularité de longue date, avait du mal à prendre des décisions ardues. Son désir de plaire à tous
et d’essayer de satisfaire tout un chacun compliquait les choix. (Et ses difficultés à planifier, à
organiser et à gérer son temps n’arrangeaient guère la situation).
Elle était persuadée que l’ensemble des professeurs étaient aussi organisés et précis dans leur
planning qu’elle l’était elle-même et ne voulait pas s’immiscer dans leur organisation ni leur imposer
quoi que ce soit.

Le problème se résumait en fait à ceci : elle ne comprenait pas le rôle qu’elle avait à jouer en tant
que numéro deux de l’organisation. Le recteur s’attendait à ce qu’elle l’épaule et qu’elle soutienne
ses décisions, même les plus difficiles. Avec le temps, il s’attendit même à ce qu’elle mettre en œuvre
certaines d’entre elles – qu’elle fasse le sale boulot. Cela devenait vraiment problématique lorsqu’il
fallait congédier quelqu’un ou refuser quelque chose à de vieux copains professeurs. De plus,
Jennifer, n’était pas à l’aise avec plusieurs collègues de l’équipe de direction. Même si elle n’était pas
la seule femme – la secrétaire générale, une femme brillante et rationnelle, faisait partie du groupe-,
Jennifer découvrit que le comportement au sein de la direction et le style de prise de décision étaient
différents de ce dont elle avait l’habitude.

La plupart des hommes suivaient les ordres du recteur et ne discutaient pas grand-chose au cours
des réunions, choisissant plutôt d’influer sur les décisions en privé. Il arrivait souvent qu’une décision
à l’ordre du jour soit déjà un fait accompli. Jennifer se sentait exclue, se demandant pourquoi, si elle
était vice-rectrice, elle se sentait si impuissante.

Avec le temps, Jennifer et le recteur se rencontrèrent de moins en moins pour discuter des affaires
de l’Université. Même si ses relations avec ses collègues masculins demeuraient cordiales, elle parlait
surtout à ses collègues féminines. Ses amis, particulièrement le groupe de femmes collègues de
longue date, l’assurèrent que c’était parce qu’elle n’était qu’intérimaire. « Contente-toi de ne pas
faire de vagues », lui conseillèrent-ils. Bien entendu, cela ne fit qu’accroître les hésitations de
Jennifer lorsqu’elle avait un choix difficile à faire.

Comme l’image du recteur commençait à changer, après une première année de lune de miel,
Jennifer décida d’écouter ses amis plutôt que de suivre son supérieur. Après tout, sa réputation sur le
campus était en jeu.

Lorsque prit fin le gel de l’embauche et que le poste de Jennifer put être pourvu en permanence, le
recteur insista pour faire un appel de candidatures externes. Jennifer et ses partisans considéraient
cela comme inutile puisqu’elle entamait sa troisième année à ce poste, mais elle posa tout de même
sa candidature.

Au bout d’un an, le comité de sélection rencontra le recteur pour lui apprendre qu’aucun candidat de
l’extérieur ne lui semblait acceptable. Il recommanda que Jennifer obtienne la permanence, à la
condition qu’elle modifie son style de leadership.

Après un temps de réflexion, le recteur lui accorda le bénéfice du doute et une chance de prouver ce
qu’elle valait. Elle obtint sa permanence, mais un accord confidentiel fixait les conditions suivantes :

1. Elle devrait organiser son bureau et son personnel de manière à pouvoir déléguer davantage
de tâches.
2. Elle devrait jouer son rôle de numéro deux comme il se doit et soutenir le recteur et ses
positions sur la vision et les objectifs stratégiques de l’Université.
3. Elle devrait orienter davantage les doyens de faculté sous sa responsabilité.

Jennifer accepta le poste, devenant ainsi la première femme vice-rectrice, et présida le conseil de 11
doyens, dont 3 étaient ses meilleures amies. Elles ne manquèrent pas de se retrouver dans leur
restaurant habituel pour fêter ça. Ils avaient été nombreux à prédire que les choses s’arrangeraient
lorsque Jennifer aurait sa permanence, mais ce fut tout le contraire qui se produisit. Les gens
s’attendaient maintenant à ce qu’elle fasse preuve d’esprit de décision, mais elle n’avait toujours pas
l’impression d’avoir les coudées franches. Chaque fois qu’un problème surgissait, elle passait des
semaines, des mois même, à tenter de prendre le pouls du campus. En fait, plus rien ne bougeait dès
lors que son bureau s’en chargeait. Au bout d’un certain temps, on commença à appeler son service
le trou noir, parce que tout ce qui y entrait disparaissait à tout jamais !

Ses subordonnés directs s’inquiétaient et rongeaient leur frein. Non seulement se montrait-elle
incapable de déléguer efficacement, mais son désir d’améliorer la situation la poussait à en assumer
toujours plus. Ses fonctions de vice-rectrice exigeaient également qu’elle réponde à certaines
invitations et remplisse diverses obligations sociales. Là encore, elle essayait de plaire à tout le
monde et courait d’un évènement à l’autre, essayant de montrer son intérêt et son soutien à tous les
corps constitués de l’Université. Elle s’épuisait, était débordée et, consciente des conditions de son
mandat, s’inquiétait de l’évaluation que ferait le recteur de son travail.

Au sein de son conseil de doyens, les choses allaient plutôt mal. Plusieurs des doyens hommes,
fatigués de devoir attendre des orientations qui ne venaient pas à propos des projets lancés par le
recteur, commencèrent à prendre des décisions sans passer par Jennifer.

« Des francs-tireurs !, c’est ce qu’elle disait de quelques-uns d’entre eux. Ils n’écoutent rien et se
lancent dans leurs propres projets ». Avec deux d’entre eux, cela prenait des proportions
inquiétantes, car ils n’acceptaient pas une réponse négative de Jennifer. En privé, ils reconnaissaient
qu’un non de sa part ressemblait à un peut-être : avec elle, on pouvait négocier encore et encore.

Quel que fût le problème, et il commençait à y en avoir un certain nombre, on remettait toujours en
question le leadership de Jennifer. Même si sa popularité restait inchangée, de plus en plus de gens
sur le campus exprimaient leur frustration à l’égard de ce qui ressemblait parfois à des messages
contradictoires de sa part et de celle du recteur, et quelquefois à une absence totale d’orientation.
Les gens voulaient qu’on s’attaque aux priorités mais, au lieu de cela, ils se retrouvèrent en gestion
de crise.

Jennifer organisa plusieurs « retraites » ou journées de réflexion avec ses adjoints à l’extérieur des
locaux de l’organisation. Chaque fois, elle s’engageait à déléguer davantage, à établir des priorités, à
s’attaquer aux questions relatives à la gestion du temps mais, une semaine plus tard, les choses
reprenaient leur cours habituel.

Le recteur décida d’engager une personne d’expérience en gestion et redressement d’entreprise afin
de pourvoir le poste vacant de vice-recteur aux finances et à l’administration. Cet homme avait une
longue expérience du travail d’équipe, avait survécu à plusieurs fusions d’entreprises, avait été
licencié, mais avait fait un retour en force et avait passé des années comme numéro deux de
plusieurs sociétés. En quelques mois, il avait gagné le respect du recteur et de l’ensemble de la
communauté universitaire et il apparaissait de plus en plus comme la vraie tête dirigeante. Le recteur
pouvait ainsi se concentrer sur les affaires extérieures et les collectes de fond.

Jennifer se sentit soulagée. Son rôle lui semblait plus clair. Elle pouvait se consacrer aux questions
touchant la formation et les professeurs et ne se sentait plus obligée de jouer les hommes de main.
Tandis qu’approchait l’âge d’une retraite anticipée, elle se mit à parler de plus en plus de ce qu’elle
entreprendrait alors.

Questions
1.  Quelles sont les principales erreurs de décision que Jennifer a commises au début et tout au
long de ses fonctions ?
2. Quel est le style de leadership que Jennifer met en place ? Aurait-elle du en adopter un
autre ?
Si oui lequel et pourquoi ?
3. Que préconisez-vous pour améliorer la situation ?

Voici une réponse plus détaillée aux principales erreurs de décision que Jennifer a commises au
début et tout au long de ses fonctions :

Elle a accepté la promotion sans bien comprendre le rôle et les responsabilités d'un vice-recteur aux
études intérimaire, ce qui a créé des attentes irréalistes de la part de la communauté universitaire.

Elle a été trop soucieuse de plaire à tout le monde et a eu du mal à prendre des décisions difficiles, ce
qui a parfois paralysé son leadership et a créé de la confusion au sein de l'organisation.

Elle a sous-estimé l'importance de la planification, de l'organisation et de la gestion du temps, ce qui


a souvent conduit à des retards et à des problèmes opérationnels.

Elle n'a pas compris le rôle qu'elle avait à jouer en tant que numéro deux de l'organisation et n'a pas
été en mesure de soutenir le recteur dans la prise de décisions difficiles.

Elle n'a pas réussi à s'entendre avec certains membres de l'équipe de direction, ce qui a créé des
tensions et des conflits au sein de l'organisation.

Ces erreurs ont eu un impact négatif sur la performance de l'organisation et ont finalement conduit à
la décision de ne pas renouveler le contrat de Jennifer en tant que vice-rectrice aux études.

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