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BLANC Marine

22010329

AE00305T – Construction d’un projet d’enquête 1

2022 – 2023

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Présentation de l’observation et du terrain
Les matériaux discutés proviennent d’une observation sur un cours de théâtre en mixité choisie1
- entre femmes et minorités de genre, soit sans homme cisgenre. Celui-ci a lieu dans une salle
située au fond d’une cour intérieure aux alentours de la place Dupuy dans le quartier de François
Verdier à Toulouse et se déroule lors de chaque jeudi de 18h à 20h en période scolaire. Le
nombre de participant.e.s varie de 4 à 10 lors des séances – je n’ai jamais assisté à un cours
durant lequel la totalité des inscrit.e.s étaient présent.e.s. Toutes les personnes citées sont
anonymisées.

Au fil de mes observations, j’ai pu remarquer les éléments centraux qui régissent les relations
entre les individus dans ce contexte précis. Bien que je sois quelque peu familière à ce type de
milieu, des éléments m’ont paru frappant : les interactions entre les participant.e.s se basent sur
la prise en compte de la sensibilité, du consentement et de l’avis de l’autre. Chacun.e semble
avoir sa place et aucun rapport de domination ne m’est apparu. Par exemple, les participant.e.s
applaudissent régulièrement lorsqu’une personne ou un groupe réalise un exercice devant le
reste de la troupe. Un autre exemple qui me semble pertinent, sont les regards de bienveillance,
les remerciements qu’iels se font entre elleux, ou encore le fait de ne jamais couper la parole et
de laisser chacun.e s’exprimer jusqu’au bout de ses propos. Afin d’appuyer la prise en compte
de l’autre, je souhaiterais retranscrire un moment significatif : lorsque les participant.e.s ont
respecté la demande de l’un.e d’entre elleux alors que le pseudonyme du protagoniste de l’un
des textes l’activait émotionnellement2. Suite à cette demande, un.e autre des participant.e.s a
lu le pseudonyme qui était écrit dans le texte. Les autres lui ont fait remarquer et iel s’est
excusé.e, puis a continué avec le prénom sur lequel l’intégralité du groupe s’était mis d’accord.
L’erreur ne s’est jamais plus reproduite – du moins lors des séances auxquelles j’ai pu assister.
Le fait que le groupe réagisse aux maladresses et que les décisions communes perdurent montre
bien que la prise en compte des individus est présente dans ce groupe.

Portrait de la professeure de théâtre : Louise


Lors de ma première venue sur le terrain ethnographique, j’ai rencontré Louise : la créatrice et
professeure du cours de théâtre en mixité choisie. Au moment de cette rencontre, la jeune
femme brune a montré un intérêt certain pour l’anthropologie et sa pratique. Son enthousiasme
et sa bienveillance m’ont directement mise à l’aise. Celle-ci s’est excusée de ne pas pouvoir

1
Définition de la mixité choisie / non-mixité selon le site moisdugenre.univ-angers.fr : « La mixite choisie est le
fait de se réunir entre personnes appartenant à une ou plusieurs minorités opprimées et discriminées en excluant
la participation de personnes appartenant aux groupes pouvant être oppressifs et discriminants ».
2
Ceci a été signifié par la personne concernée.

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passer davantage de temps avec moi afin de discuter car le cours allait commencer. Cependant,
elle a précisé qu’elle resterait entièrement ouverte à la discussion et aux questions en dehors
des horaires de cours.

Tout au long de mes observations, j’ai pu remarquer que Louise a installé un climat de confiance
et de sécurité au sein de son cours. Ceci passe notamment par des aspects qui apparaissent
essentiels dans un tel contexte : l’utilisation du langage inclusif, le fait de toujours s’assurer que
les participant.e.s se sentent apaisé.e.s, en confiance mais aussi qu’iels soient consentant.e.s. En
effet, la professeure débute toujours les séances par des exercices de respiration d’une durée
moyenne de trente minutes. Ceci permet aux participant.e.s de se relaxer avant de débuter les
exercices de théâtre. Aussi, elle demande très régulièrement aux participant.e.s s’iels vont
bien – lorsqu’iels arrivent dans la salle ou encore à la fin d’un exercice – et les remercie à la fin
de chaque exercice réalisé. Assidûment, la professeure de théâtre félicite ses élèves lorsqu’iels
réalisent un exercice : « C’est très beau ! » ; « Vous y arrivez bien. » ; « Tu as beaucoup
appris. ». Un autre aspect m’est apparu lors de mes observations : le rapport égalitaire entre
Louise et ses élèves. Tout juste, la professeure demande régulièrement des retours par rapport
aux exercices proposés et aux séances qui ont précédé afin de rester en accord avec les émotions
et le consentement des participant.es : « Quels sont vos ressentis par rapport au cours de la
semaine dernière ? Sur quoi est-ce que vous voulez travailler aujourd’hui ? » ; « Est-ce que cet
exercice vous a plu ? ». Aussi, lorsque Louise fournit des conseils d’amélioration, celle-ci met
toujours en avant les aspects positifs de la prestation des participant.es et demande si les autres
élèves ont des conseils à prodiguer.

Vignette ethnographique : Jeudi 17/11/2022, remplacement temporaire de professeure


Cette vignette ethnographique a été rédigée à partir de deux sources documentaires : le carnet
de terrain dans lequel j’ai retranscrit un grand nombre d’éléments lors de mes observations afin
d’obtenir le plus d’informations possible. J’ai choisi d’utiliser cette méthode car lorsque je suis
arrivée sur mon terrain j’étais dans une démarche des plus inductives. De plus, les informations
étant d’une densité quelque peu poussée, le fait de recueillir une multitude d’informations me
permet de voir des axes de réflexion se dessiner alors qu’au moment de l’observation je ne les
avais pas nécessairement remarqués. Ma seconde source est un entretien informel avec une
participante – dont j’ai demandé l’accord pour la retranscription des éléments de cette
discussion.

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Afin de contextualiser, ce jeudi 17 novembre 2022, Louise n’a pas pu assurer le cours et a
demandé à une amie professeure de chant de la remplacer – que nous nommerons Jade. Ce soir-
là, je n’ai pu assister qu’à une heure de cours ; contre deux heures habituellement. Toutefois,
cette observation ainsi que ma discussion avec Iris m’ont permis d’obtenir des informations à
but comparatif sur certains aspects de mon terrain.

Voici la retranscription de l’une des phrases de Jade en début de cours : « Louise m’a demandé
de vous demander vos pronoms. » (rire de la part de Jade).
Quatre des participant.e.s ont pour pronom « elle » et un participant a pour pronom « il ».

Les cours débutent toujours par des exercices de respiration et de relaxation. Bien que la
professeure ce soir-là fût Jade, ceci n’a pas dérogé à la règle. Avant de ne débuter le troisième
exercice, la professeure de chant demande si « quelqu’un » n’est pas à l’aise avec le contact ;
personne ne répond réellement. Les particpant.e.s du cours doivent se mettre en binôme et sont
en nombre impair – ce soir-là iels étaient au nombre de cinq participant.e.s. Iris, se met donc en
binôme avec Jade. L’exercice est le suivant : une personne doit se mettre au sol, les genoux
pliés, le buste recroquevillé sur ses jambes et réaliser des respirations profondes. La deuxième
personne est en charge de masser le dos de saon binôme à l’aide d’une balle de tennis.

« N’hésitez pas à demander ! Si c’est trop fort ou pas. » dit la professeure. A cet instant, Iris se
relève et lui dit quelque chose que je ne peux pas entendre. La professeure, ne passe la balle
plus qu’au niveau des trapèzes supérieurs. Alors que celle-ci tente d’aiguiller les particpant.e.s,
Jade n’utilise pas de façon instinctive le langage inclusif : « Concentrez-vous toutes sur votre
thorax, vos poumons ».

La semaine suivante, au détour d’une conversation avec Iris, celle-ci me demande ce que j’ai
pensé du dernier cours. Je réponds que la professeure m’a semblé moins familière au langage
inclusif et qu’elle avait l’air stressé. Aussi, connaissant le milieu de la musique et notamment
du chant, je lui ai dit que les exercices proposés sont typiques d’un cours de chant ; ce qui m’a
paru extrêmement intéressant afin d’apporter des éléments au port de voix dans le cadre du
théâtre. Iris me dit que Jade n’a pas systématiquement utilisé le langage inclusif et que ceci l’a
prise au dépourvu. Puis elle ajoute, qu’elle pense qu’il s’agirait davantage d’une question de
sensibilité plutôt que d’un manque d’habitude ou de méconnaissance du langage inclusif. Iris
me précise qu’elle n’est pas à l’aise lorsqu’elle est un contact physique avec des personnes
qu’elle ne connait pas – ce dont elle a fait part à Jade. Cette dernière a ainsi pris en considération

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la sensibilité d’Iris en adaptant l’exercice afin que la participante retrouve une sensation de
confort suffisant – selon les dires d’Iris.

Réflexivité et posture de l’anthropologue

Les éléments du terrain exposés précédemment semblent donner une explication à mon
accessibilité et mon intégration aisées à ce terrain. Tout d’abord, un facteur essentiel apparaît :
le fait d’être une femme. En effet, si j’avais été un homme cis, je n’aurais pas pu accéder à
celui-ci. Ensuite, j’ai été intégré par le biais d’une amie qui participe à ce cours. Aussi, ma
sensibilité accrue envers les sujets et milieux féministes et LGBTQIA+ mais aussi au milieu
artistique m’ont certainement permis d’avoir une certaine approche envers les personnes qui se
trouvent sur ce terrain. Tout juste, par exemple, j’ai réalisé deux premiers contacts qui m’ont
semblés essentiels et en accord avec les valeurs de ce milieu ainsi que les miennes. Tout d’abord,
j’ai rédigé un message3 – que mon amie a transféré sur le groupe de la conversation de la troupe
de théâtre – dans lequel je me présente, explique le but de ma venue et ce qu’est l’anthropologie.
Enfin, je leur demande leur approbation afin d’aller à leur rencontre après l’un de leurs cours.
Tout ceci a pour finalité de réaliser un véritable premier contact et de m’assurer que tout le
monde soit en accord avec ma démarche. Après avoir reçu l’approbation de chacun.e des
participant.e.s, je me suis donc rendue à la fin d’un cours et ai répondu à toutes les questions.

Lors de mes observations, j’ai choisi de me placer dans l’un des coins de la salle sur une chaise
afin de ne déranger personne et de pouvoir obtenir une vision panoramique des actions –
observation non participante. A la suite de ma première observation, j’ai demandé aux
participant.e.s et à la professeure si ma présence ne les avait pas dérangé – ceux à quoi iels
m’ont répondu que non et qu’iels avaient même oublié ma présence. Lorsque j’ai obtenu tous
les éléments nécessaires à ce compte rendu, je me suis à nouveau rendu sur le lieu afin de les
remercier et la professeure m’a proposé de participer aux exercices de respiration et de
relaxation : j’ai accepté. Ainsi, j’ai pu faire l’expérience directe des relations qui régissent ce
groupe – bien que des discussions eurent lieu entre les participant.e.s, la professeure et moi
avant et après chaque séance : ce qui instaura une certaine relation. Lorsqu’un exercice –
d’étirements – fût mis en place, je me suis retrouvée en binôme avec l’un.e des participant.e.s.
Les gestes et les comportements étaient lents et attentifs entre nous. A ceci, nous ajoutions des
phrases telles que « Tu me dis si j’appuie trop fort sur ton dos. » ou encore « Est-ce que tu es
prête ? Je vais m’appuyer. ». A la fin de cet exercice nous nous sommes remerciées.

3
Cf. Annexe

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Annexe
Message envoyé à la troupe de théâtre afin de demander une première rencontre :

« Bonjour tout le monde !


Je m’appelle Marine et je me permets de me présenter à vous dans le cadre d’un projet
universitaire. Je suis actuellement en deuxième année d’anthropologie.
Qu’est-ce que l’anthropologie ? De façon grossière et succincte, l’anthropologie est l’étude de
l’humain sous tous ces aspects. En effet, en tant qu’anthropologue je suis amenée à étudier
l’humain dans divers domaines ou/et sociétés (occidentale ou autre).
Pourquoi est-ce que je me tourne vers vous ? Cette année, je dois réaliser un terrain
anthropologique qui consiste à observer (l’environnement, les interactions, etc), interagir par
l’intermédiaire d’entretiens ou non. En résumé, apprendre des individus qui se trouvent sur le
terrain. Lorsqu’Iris4 m’a parlé du cours de théâtre en mixité choisie, j’ai trouvé le concept
génial ! En effet, étant passionnée d’arts depuis toujours et très militante, ce cours a énormément
suscité mon intérêt
Aussi, je tiens à préciser que si vous me permettez de réaliser mon terrain auprès de vous,
l’anonymat sera de mise. De plus, le consentement et le respect sont des choses essentielles
pour ma discipline et moi-même.
Si vous le souhaitez, je pourrais me joindre à vous ce soir après votre cours afin que nous
puissions nous rencontrer et voir s’il est possible que je réalise ce terrain. Vous pourrez aussi
me poser toutes les questions souhaitées. Aussi, je souhaiterais préciser qu’il est important pour
moi qu’aucun.e d’entre vous ne se sente pris.e de court et/ou dans l’obligation d’accepter cette
situation.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire ce long message et vous souhaite une belle
journée. »

4
Le prénom a été modifié dans la retranscription de ce message afin de respecté l’anonymat de la personne
concernée.

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