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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Ateliers de théâtre auprès d’enfants africains


Par Benjamin Jules-Rosette

Introduction

Cet ouvrage destiné à servir de support à tous ceux qui désirent mener des
ateliers de théâtre auprès d’enfants africains, montre que ce travail ne
repose pas sur de grandes exigences matérielles et peut être mené dans
toutes les écoles d’Afrique. Cependant, ceux qui auront pour mission de
mettre en place ce genre d’atelier devront d’abord acquérir de vraies
compétences d’animateur.
La mise en activité des élèves lors des séances de dynamisation demande
une connaissance très complète des méthodes et techniques du théâtre. Ce
savoir peut et doit être acquis de manière plus approfondie dans des
ateliers destinés à ce genre de formation.
Dans le contexte purement scolaire, en tant qu’instituteur, il est une
passerelle entre les élèves et le savoir. Il exerce sa compétence et son
autorité. Il connaît ses élèves dans le cadre de leur facultés d’apprentissage,
d’assimilation, de réflexion et d’investissement des connaissances acquises.
Mais en tant qu’animateur, il a une autre fonction. Il est le complice et le
provocateur, le perturbateur et le révélateur. Il ne se préoccupe pas
seulement de « savoir » mais de « savoir être ». Il met au grand jour
les facultés de chacun, il aide l’enfant à surmonter ses frustrations, à
reconsidérer la langue, à la manipuler avec distance et souplesse.
En pratiquant le travail d’atelier, l’instituteur devient aux yeux de l’enfant
un maître qui tente de dépasser le simple stade de la notation et qui laisse
une place privilégiée à l’imaginaire et qui respecte leur valeur propre et
celle de leur environnement.
Il apprend à mieux connaître les élèves, à parfaire sa pédagogie pour l’éveil
de qualités d’apprentissage insoupçonnées, à utiliser les énergies, à recréer
les enthousiasmes pour établir une nouvelle relation entre les élèves et
l’école.
Le fait que l’instituteur soit l’animateur peut présenter bien d’autres
avantages :

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• l’enfant qui se sent reconnu par l’instituteur prend plus facilement sa


place dans la classe1,
• Dans le cadre de l’atelier-théâtre, « l’instituteur-animateur » ne
donne pas de note, il ne corrige pas, mais il aide l’enfant à améliorer
son comportement,
• L’enfant évolue dans un espace sécurisant qui l’incite à explorer des
dons et des capacités insoupçonnés,
• Dans l’atelier théâtre il ne s’agit donc pas de réussite mais
d’expression simple et directe (plus appropriée à l’univers de
l’enfant),
• L’enfant va à son rythme et n’est pas angoissé par l’idée de l’échec.

Tous ces éléments ne peuvent qu’aider l’enfant à avoir un regard différent


sur le monde scolaire.

Il convient de reconnaître qu’un atelier de ce genre vient complexifier le


travail de l’enseignant, mais à une époque où il est nécessaire de tenir
compte, à quelque niveau que ce soit, de la richesse des diversités, et
d’apprendre à la gérer, il n’est pas mauvais de rapprocher les différents
types d’éducation, et de les concentrer sur la seule volonté de donner à
l’enfant tous les moyens possible pour se réaliser.

1
Ainsi, même s’il n’a pas de très bonnes notes, il est reconnu par le maître

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L’animateur : présentation

Fondateur et directeur du Théâtre noir de Paris, Benjamin Jules-Rosette


est également comédien et metteur en scène. Depuis plus de vingt-cinq
ans, il met en scène les textes des plus grands auteurs noirs francophones.
Ses spectacles sont joués en Europe, en Afrique, aux Antilles et au Canada.
Mais au-delà de la scène, c’est un véritable élan humaniste qui incite
Benjamin Jules-Rosette à aller vers les autres afin de les entraîner dans
l’exercice de l’écoute et de la découverte.

En 1979, il transforme le Théâtre Noir en espace culturel pour permettre


aux artistes de toutes les disciplines2 d’y trouver une tribune d’expression
commune. Il fait mettre à la disposition du public des ateliers artistiques les
plus divers, ce qui fera de ce lieu un véritable carrefour d’échanges.

En recevant des jeunes et des adultes dans des ateliers de théâtre,


Benjamin Jules-Rosette a voulu démontrer à quel point le geste théâtral ne
demande pas d’études préalables mais répond à un besoin évident
d’expression, il est lié à la découverte de soi, il relève d’un dialogue très
profond destiné à combler cette absence de communication dont souffrent
les êtres humains dans les sociétés modernes.

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Danse, théâtre, cinéma, arts plastiques, littérature

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Homme de théâtre, je préparais dans les années 70 la mise en scène de


la pièce radiophonique de René de Obaldia « Le Damné". La pièce se
déroulant en enfer, j'ai alors pensé que l'enfer devait être proche de
l'enfermement dans lequel se trouvent les malades mentaux. J'ai donc
observé les malades de l'hôpital psychiatrique de Villejuif. Avec l'accord des
médecins, j'ai entrepris avec eux un travail d'expression théâtrale qui leur a
permis de bouger, de parler, de se raconter, de prendre des décisions, de
se responsabiliser.
Dès lors, j’ai été persuadé que cette méthode de travail qui avait fait ses
preuves auprès des malades pouvait être efficace auprès de jeunes en
grande difficulté d’insertion sociale, mais également auprès d’un public plus
âgé, traumatisé par l'échec social et professionnel. Il s’agissait de répondre
aux besoins d’un public qui cherche, à se remettre sur les rails de la vie
sociale.
Dans le cadre de formations, de remises à niveau, visant l’insertion dans la
vie socio-professionnelle, gérées par trois organismes sociaux : l’association
phylotechnique3, l’INFREP4, la Maison du Village5, j’ai pu mettre en place
des séances de dynamisation6 qui constituent à la fois un espace
d’expression pour les stagiaires mais qui leur donnent également la
possibilité de pratiquer des démarches d’intégration. Dans ce champ de
travail, l’utilisation de la langue devient un support de réussite essentiel.
Ces séances prennent aussi en compte le créatif puisque, dans le cadre de
projets collectifs, le stagiaire doit également s’impliquer dans des pièces de
théâtre, de petits films vidéo réalisés à partir de thèmes très divers.
Ces séances, qui ne relèvent pas de schémas classiques d’apprentissage,
connaissent actuellement beaucoup de succès tant ces méthodes pédago-
giques se sont avérées efficaces.

3
Association de loi 1901 située à la Courneuve – France
4
Institut national de formation et de recherche sur l’éducation permanente – situé à
Montreuil – France.
5
Association de loi 1901 située à Paris.
6
Les séances de dynamisation sont basées sur les techniques du théâtre et contri-
buent au développement de la personnalité. Ces techniques prennent en compte : le
travail de la voix, le maintien, l’intégration dans le groupe, l’écoute des partenaires, le
déblocage de l’imagination, la capacité à communiquer gestuellement et oralement,
l’acceptation de la critique, les jeux de scènes, le dialogue. Ces séances réactivent
l’énergie, la vitalité momentanément en sommeil.

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Je me suis, par la suite, interrogé sur l’effet que les techniques du théâtre
pourraient avoir sur les adolescents. Je me suis dit que les pratiques
théâtrales pouvaient aider ces jeunes à trouver en eux de nouvelles
ressources pour créer une passerelle entre le monde de l’enfance et la vie
adulte. J’ai donc créé des ateliers au sein de différents lycées et collèges de
Paris et de sa banlieue, et plus récemment au Sénégal7, parfois, dans le
cadre d’« itinéraires de découverte » inclus dans le programme scolaire et
conduit la plupart du temps par des professeurs de Français.
Les ateliers de théâtre animés dans le cadre scolaire diffèrent des ateliers
liés à la formation socio-professionnelle, dans le sens où ces premiers sont
susceptibles de créer une passerelle plus confortable entre l’élève et le
monde scolaire. L’enfant améliore les liens qui existent entre les autres
élèves, les professeurs et lui-même.
Dans l’enseignement classique, la découverte du monde permet l’ouverture
sur soi-même, par les pratiques du théâtre ; la découverte de soi incite
l’individu à s’ouvrir sur le monde. Pour ceux qui ne trouvent pas leur place à
l’école, les séances de dynamisation doivent les amener à renouer avec les
études, à mieux s’intégrer dans l’univers scolaire par l’émergence d’une
nouvelle « humanitude ».

L’acte de création constitue un véritable terrain de renaissance pour l’individu.

Nombreux furent les jeunes, qui, au départ très récalcitrants à l’égard de


textes classiques, ont eu l’impression de vivre des moments de libération en
jouant ces textes.
Face aux effets « renaissants » ressentis par ces jeunes, nous avons créé
d’autres ateliers de théâtre dans certains établissements scolaires du
Sénégal tels que le lycée Lamine Guèye8.
Après mes différentes interventions, les jeunes ainsi que les professeurs ont
pu disposer d’un outil de développement qu’ils ont su adapter à leur rythme
de travail. L’équilibre entre les périodes d’études et de répétition demande
sans cesse à être amélioré, ainsi ce sont les animateurs qui établissent les
plans de travail que devront suivre les élèves. Ceux-ci ont pour règle

7
L’expérience du théâtre dans les collèges et lycées montre à quel point l’enseignement
peut se faire à plusieurs niveaux, et qu’il peut être complémentaire avec l’ensei-
gnement scolaire.
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L’établissement dispose actuellement de trois ateliers de théâtre: Français, Wolof,
Anglais.

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essentielle de progresser dans leurs études, la philosophie de tous ces


ateliers étant fondée sur le souci de la réussite scolaire.
Le cheminement vers le savoir et l’ouverture de soi passent nécessairement
par la langue, mais un dilemme très douloureux pèse sur les jeune africains
francophones. Nombreux sont ceux qui connaissent des blocages quant à
l’utilisation du Français, le gros défaut de l’enseignement classique est que
le Français, de par les méthodes pédagogiques utilisées, est enseigné
comme la langue maternelle et non comme une langue étrangère.
L’atelier de théâtre a également pour vocation de transformer la langue en
un précieux outil de communication, d’ouverture sur les autres, de ce fait
les séances de dynamisation doivent nécessairement instaurer des rapports
de jeu entre l’enfant et la langue. Celle-ci ne doit pas dominer la langue
vernaculaire mais doit co-exister avec elle.
J’ai pu constaté, qu’à l’issue de pratiques théâtrales, les jeunes avaient une
attitude plus constructive et un intérêt plus grand pour le Français et la lecture.
Cela fut confirmé par les professeurs de Français eux-mêmes.
Considérant cette méthode de travail comme complémentaire des méthodes
d’enseignement traditionnelles, j’ai tenu à les appliquer dans les établis-
sements scolaires en milieu rural.
Dans le contexte de la société traditionnelle africaine, l’institution scolaire a
peu de poids. La campagne n’offre pas l’ouverture des grandes villes,
l’adhésion à la connaissance sous une forme théorique et à travers l’Ecrit
est loin de correspondre aux concepts d’apprentissage des villageois pour
qui la connaissance est intégrée dans la vie de tous les jours et passe
nécessairement par l’Oralité. Là encore, les pédagogies utilisées à l’école,
bien que tenant compte des activités économiques et sociales du village,
n’intègrent pas assez les éléments culturels qui constituent l’univers de
l’enfant qui est aussi celui des adultes. D’ailleurs l’absence de ces derniers
aux réunions de parents d’élèves montre bien la distance qu’ils gardent
avec l’école, c’est du moins ce que m’a confié Monsieur Sérigne Diop,
directeur de l’école de Toubab Dialaw9 que j’ai tenu à rencontrer pour
mettre en place avec lui et les autres enseignants, un atelier de théâtre
susceptible d’aider les enfants à mieux s’intégrer dans le système scolaire.
L’existence d’un atelier de théâtre à l’école de Toubab Dialaw est la
première expérience du genre faite dans toute la circonscription de Rufisque.

Benjamin Jules-Rosette

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Village de pêcheurs situé sur la petite côte à quarante kilomètres au sud de Dakar.

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L’école de Toubab Dialaw : présentation

L’école élémentaire de Toubab Dialaw regroupe 351 élèves, soit un CI


(cours d’Initiation), un CP (cours préparatoire), un CE (Cours élémentaire
1ère année) un CE2 (cours élémentaire deuxième année) un CM1 (cours
moyen 1ère année) et un CM2 (cours moyen 2ème année). Chaque classe
compte une cinquantaine d’élèves.
Les disciplines enseignées sont : le Français, l’histoire, la géographie, les
sciences d’observation, les mathématiques, l’éducation artistique,
l’éducation morale, sanitaire et civique.
Toutes ces disciplines, au niveau de la méthodologie, tiennent compte du
milieu, de l’environnement de l’enfant. Cela est plus évident encore pour les
cours de « langage et d’expression orale ». En effet, les élèves âgés de six à
sept ans commencent leur scolarité par une classe d’initiation entièrement
consacrée aux cours de langage.
Les cours de langage sont là pour permettre à l’enfant de se familiariser
avec la langue française par l’oralité. L’expression orale est la seule façon
d’initier les enfants au Français sans qu’il n’y ait trop de traumatisme et de
rejet de cette langue. Les enfants qui sont d’ethnies diverses : Lébous,
Peuhls, Sérères, Toucouleurs, parlent tous Wolof, et n’ont pour la plupart
d’entre eux aucune notion du français avant la scolarité. La principale
difficulté qui se présente à eux est donc la maîtrise de la langue française
qui est le médium de l’enseignement. Cet enseignement tend à développer
l’écoute et la maîtrise du langage chez l’enfant, tout en le gardant proche de
son milieu. Mais le temps d’apprentissage est insuffisant, les perspectives
d’avenir sont extrêmement limitées, les supports pédagogiques insuffisants,
il n’y a pas réellement d’espace d’accueil pour l’enfant.

Méthodologie
Les enseignants établissent un échange, une communication à partir de
thèmes qui composent l’environnement des enfants. C’es thèmes sont :
l’école, la famille, la pêche (qui est la principale activité des villageois), le
village, la santé, les fêtes, les cérémonies. Les enfants sont tenus de
s’exprimer en Français, les mots ou les expressions qu’ils ne comprennent
pas sont traduits en wolof.

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Le cours préparatoire constitue l’étape la plus difficile pour l’enfant mais


également pour l’instituteur car elle constitue toute la base de la
réussite scolaire de l’enfant.
Les cours élémentaires sont plus principalement consacrés à
l’expression orale qui vient des acquis des cours d’Initiation et
préparatoire. L’expression orale diffère des cours de langage dans le sens
où l’enfant ayant intégré le français, celui-ci devient le principal outil
d’échange et de communication pour l’enfant. L’incitation à s’exprimer en
français vient de lui-même, grâce au travail qui a été effectué dans les
classes précédentes.
Aux cours moyens 1ère et 2ème année, la maîtrise de la langue française
est censée être acquise. L’écrit étant le réceptacle de la pensée, de l’idée, il
témoigne du langage appris, et maîtrisé, l’apprentissage de l’expression
écrite est renforcée par les incontournables exercices de lecture. C’est à
cette étape que la pratique de l’expression orale et celle de l’expression
écrite se font conjointement, signe de maturité chez l’enfant quant à
l’utilisation de la langue. Celle-ci se pratique également dans un cadre plus
ludique par des mots croisés, des charades, des devinettes et des
proverbes.
Les disciplines artistiques enseignées sont : le chant, le dessin, les
activités manuelles. Chez certains enfants, on note un élan artistique qui ne
demande qu’à être valorisé, mais l’activité artistique comme l’éducation
physique, bien que reconnues comme des éléments indispensables dans le
développement de la personnalité de l’enfant, n’existent pas réellement à
l’école, celle-ci fonctionne sans aucun budget, et n’a pas encore l’électricité
et l’eau courante, ce qui limite le développement d’activités diverses.
Tous les enfants sont très imprégnés des valeurs de leur culture car ils
vivent en communauté, mais l’enseignement ne prend en compte que
quelques éléments de leur culture et ce de manière très épisodique.
D’une manière générale les enseignants forment un corps homogène et se
réunissent régulièrement pour traiter des différents problèmes que les
élèves rencontrent tout au long de l’année. Le directeur de l’école qui
maîtrise à fond le dossier de chaque enfant, effectue même un travail
d’anticipation pour connaître les places disponibles du seul collège de la
région pour pouvoir y envoyer les élèves à la fin du CM2. Le nombre de
places étant très limité, les « recalés » sont obligés de redoubler lorsqu’ils
ne font pas le choix de quitter définitivement l’école.

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Quel est le taux de réussite chez ces enfants ?


Sur soixante deux écoles de la région, l’école de Toubab Dialaw, occupe la
dix-septième place pour ce qui est du taux de réussite au certificat d’études
pour le passage des élèves en sixième. Toutefois, ce classement honorable
ne doit pas masquer le caractère très moyen du niveau général.
La moyenne d’âge des enfants se retrouvant au CM2 est de quatorze-quinze
ans, la plupart des garçons qui ont atteint cet âge quittent l’école pour aller
exercer les activités de la pêche, parfois sur la demande de leurs parents
mais la plupart du temps de leur propre gré, la pêche leur procurant un
revenu immédiat.
En milieu rural, les garçons se marient en moyenne à l’âge de dix-huit ans,
ils doivent donc préparer un cadre de vie prompt à accueillir une future
famille.
Victimes « consentantes » du mariage précoce, les jeunes filles dont la
moyenne d’âge pour le mariage est de quinze ans quittent l’école très tôt
pour se préparer à la vie de famille.

Autres problèmes que rencontrent les enfants de l’école


Pendant les périodes de grosse chaleur, les enfants ne viennent pas à
l’école, celle-ci n’étant pas équipée de ventilateurs.
- Il arrive également que les instituteurs mutés dans cette école ne parlent
pas wolof, ce qui est un autre inconvénient pour l’apprentissage des
enfants.
- Même si les instituteurs se dévouent corps et âme pour assurer des
séances de soutien scolaire après les cours, beaucoup d’enfants ne
viennent pas profiter de ces séances.
- Le problème fondamental pour l’ensemble des élèves, est qu’il n’existe
pas de suivi scolaire dans leur milieu familial. Un certain nombre de
parents, qui sont pour la plupart analphabètes, ne sont pas convaincus
des bienfaits de la scolarité, celle-ci ne répondant pas à leurs attentes du
moment : subvenir aux besoins matériels.
Dans la localité, les habitants vivent dans des conditions de vie très précaires,
la pauvreté n’épargne aucune tranche d’âge, ni aucun secteur de la vie
économique. 70 % de la population active travaillent dans le secteur de la
pêche, et subviennent aux besoins de leur famille avec de très maigres
revenus.

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L’atelier de théâtre à l’école de Toubab Dialaw :


méthodes et spécificités

Tout le travail théâtral gravite autour du langage.


Il est basé, du début à la fin, sur une situation de communication :
- on dialogue pour être écouté de l’autre
- l’aspect ludique favorise autant le rapport à l’autre que l’apprentissage
- l’enfant s’intègre dans le groupe par son implication dans le jeu.

L’aspect ludique de l’animation théâtrale débarrasse l’enfant de son « statut »


d’écolier, démythifie l’acte d’apprendre un texte puisque celui-ci est relégué au
rang d’activité de plaisir. Le Français devient alors la langue du jeu, de la
libération et l’école devient à la fois le lieu du travail dans la rigueur et celui de
l’activité de plaisir et de jeu.

Le travail d’atelier a pour but :


- de créer chez l’enfant la volonté de se perfectionner, de se structurer,
- de l’inciter à utiliser au mieux ses capacités,

- de l’aider à prendre conscience de son potentiel créatif,


- de lui permettre de se sentir efficace et indispensable dans une action
et dans l’élaboration d’une œuvre collective,
- d’agrandir son champ de connaissance pour ce qui est des valeurs de
sa culture.

Conséquences sur la scolarité :


- l’enfant trouve sa place à l’école, et au sein de sa famille,
- il peut poursuivre son travail scolaire sur des bases plus élargies,
- il est plus disponible, plus ouvert, plus confiant,
- l’élargissement de la réflexion lui permet d’avoir des perspectives
d’avenir plus claires.

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La création d’un atelier de théâtre en milieu rural nous amène à nous


rapprocher des réalités culturelles économiques et sociales auxquelles sont
confrontés les parents d’élèves au quotidien et qui ont des conséquences
sur la scolarité et le développement de l’enfant.
Ainsi, les méthodes de travail appliquées ne seraient totalement efficaces si
elles ne tenaient pas compte de la culture et de l’environnement de l’enfant.
- L’expression de son identité (point de départ des séances),
- la description de son milieu familial, de son environnement,
- la mise en valeur de certains aspects de sa culture,
doivent l’aider à renforcer le sentiment d’identité, la conscience de soi, la
connaissance de son environnement, des valeurs de sa culture.
Par ailleurs, les villageois ont une meilleure opinion de l’école lorsqu’ils
sentent que celle-ci n’est pas isolée du monde, grâce notamment au soutien
des partenaires proches ou extérieurs. Ces soutiens matériels ou moraux
ont pour les parents un caractère valorisant, c’est du moins ce qu’ont laissé
apparaître les différentes enquêtes faites auprès des enseignants, des
associations et autres partenaires.

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Organisation des séances

Les séances se sont déroulées au rythme de deux fois par semaine, sur une
période de six mois. Durée de chaque séance : 2 h.
L’atelier de théâtre est composé d’une vingtaine d’enfants qui ont été
sélectionnées par leur instituteur. Agés entre neuf et quatorze ans, ils sont
issus des classes de CE1, CE2, CM1.
Les deux premiers mois ont été consacrés au travail d’expression écrite. Ce
travail porte sur la description de l’environnement de l’enfant, sur son
village :
1) situer le Sénégal par rapport aux autres pays d’Afrique,
2) situer le village de Toubab Dialaw à l’intérieur du Sénégal,
3) quelles sont les ethnies qui vivent à Toubab Dialaw ?
4) quelles sont les activités des villageois ?
5) quels sont les personnalités du village ?
6) à quelle occasion interviennent-elles ?
7) écrire l’histoire du village.

Dans cette première partie les enfants décrivent leur cadre de vie. Ils
intègrent leur village dans le pays tout entier, avant d’arriver à exprimer les
spécificités de leur environnement. En dessinant leur propre localité, les
enfants s’intègrent dans un champ pédagogique plus sécurisant.
Non seulement l’enfant recrée, mais il s’empare de son univers, il le
découvre également grâce aux recherches faites quant à l’histoire du
village. Par cela, l’enfant se place dans un espace-temps plus complexe et
plus riche.
En racontant la vie et l’histoire du village, l’enfant devient dépositaire de
son passé, de son présent, ce qui constitue une base réelle pour la
construction de l’avenir. Même si ce travail n’est pas lié à une pensée
imageante et ne relève pas de l’échange immédiat (mais s’apparente plutôt
à un travail scolaire), il constitue une base importante de travail qui sera
par la suite exprimée de manière orale et sous forme ludique.

Toute connaissance acquise donne à l’enfant les clefs pour s’ouvrir sur le monde.

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L’exercice écrit permet à l’enfant :


- de travailler isolément, avant de s’adonner à un travail collectif,
- appartenant à une culture de tradition orale, de se reconnaître à travers
l’écrit qui dans cet exercice devient un témoignage parlant de la vie du
village, témoignage que l’enfant pourra conserver.
Le but de l’atelier est également de réduire l’écart entre l’oralité exprimée à
la maison dans la langue vernaculaire, et l’écrit qui est fait en langue
française.

Il est important de noter que dans le cadre scolaire, l’écrit, mieux adapté à
l’étude, domine largement l’oralité. Aussi, l’atelier de théâtre doit-il aider l’enfant
à adopter l’écrit sans que celui-ci l’amène à renier l’apport traditionnel, mais
contribue à le lui faire intégrer.

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Premier aspect très important de la culture africaine : l’intégration


et la socialisation de l’enfant
S’intégrer dans un groupe ne pose aucun problème à l’enfant africain en
particulier lorsqu’il s’agit d’enfants de son âge. Ainsi, quel que soit le
nombre de participants, les enfants parviennent à trouver leur place
naturellement. Le travail de l’atelier est même facilité par le sens de
responsabilité du plus âgé (ou du plus éveillé qui n’est pas forcément le plus
âgé) qui encadre naturellement ses cadets, et veille à la bonne tenue du
groupe en l’absence de l’animateur.
Celui-ci n’a pas hésité à utiliser cet élément très important au niveau de sa
méthodologie : même les plus jeunes sont désignés pour jouer parfois le rôle de
meneur, (notamment dans les exercices de diction et de prononciation à l’issue
de deux ou trois séances) afin de les responsabiliser davantage.

L’enfant ne se retrouve jamais seul à résoudre un problème. Lorsque celui-


ci se pose à lui dans le jeu, il est souvent aidé de ses camarades qui
interviennent spontanément. Cet esprit solidaire donne une pleine confiance
à l’enfant en difficulté et le remet dans de nouvelles dispositions mentales.

D’une manière générale, les enfants ne souffrent pas du regard des autres,
ils ont pleine confiance en eux et le manifestent à travers l’intensité sonore
de la voix. Ils vivent le jeu théâtral comme un défi et s’exécutent avec
fierté.

Ce n’est donc pas sur l’intégration de l’enfant dans le groupe que le travail
d’atelier doit porter, mais sur sa capacité à mettre en avant ses spécificités et à
se démarquer du groupe tout en lui restant solidaire. L’enfant doit prendre
conscience d’une part de la richesse des valeurs traditionnelles commu-
nautaires, et d’autre part de ses valeurs propres, notamment en créant de
nouveaux types de médiation qui fonctionnent alors comme une relance dans
les rapports humains.

Autre aspect important de la culture traditionnelle africaine : L’oralité

La tradition orale regroupe les récits historiques, les souvenirs personnels,


les témoignages, la poésie, les chansons populaires, les contes épiques, les
mythes et les légendes. Le porte-parole de la masse populaire est le griot.
Sa liberté de parole était l’atout principal, il était un régulateur de société.10

10
Aujourd’hui, le griot célèbre plus la richesse et la naissance.

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L’oralité revêt plusieurs aspects :


- elle véhicule des images
- elle met en avant les valeurs reconnues de la société
- elle exprime une situation tout en lui donnant un sens
- elle relève d’un langage très rythmé

L’animateur n’a pas hésité à intégrer certains aspects propres à l’oralité


dans sa méthodologie :
- chaque texte dramatique écrit par l’animateur évoque une situation
précise et relève d’une vie sociale partagée. La pensée imageante
est toujours présente, le sens des valeurs est privilégié, dans chaque
texte, l’animateur a essayé de faire passer un message.
- une chanson créée par les enfants à partir d’un vécu malheureux fut
intégrée dans la première pièce.
- Un conte dialogué a été improvisé par les enfants, puis transcrit par
l’animateur.
- Les enfants évoquent certaines légendes du village.
- Le rythme est présent dans les exercices de prononciation et de
diction, ces exercices portent le nom de diction gymnique.

Cette forme d’exercice est efficace tant elle rattache un travail difficile et laborieux à
de la fierté et de la joie. « Le rythme fait émerger une conscience commune ».

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Les difficultés rencontrées par l’animateur :

- convaincre les parents de la nécessité pour les enfants de participer


aux ateliers. Ces enfants sont parfois retenus auprès de leurs parents
pour des travaux des champs, ou ménagers. Ou par simple punition.
- le blocage au niveau du français comme nous l’avons dit au début est
un des principaux problèmes des enfants. Afin d’y remédier
l’animateur a fait le choix d’écrire des mini-pièces à partir
d’improvisations, et ce pour permettre aux enfants de prendre
réellement possession de la langue dans un cadre ludique.
- tendance à la dispersion, problème de concentration et laisser-aller de
la part des enfants. Afin de limiter la déconcentration chez les
enfants, l’animateur, durant les séances, leur demande systéma-
tiquement de tourner le dos à la fenêtre.
- Les carences matérielles n’empêchent pas le déroulement des ateliers
mais limitent quelque peu la fabrication de décors, l’achat
d’accessoires et le déplacement des enfants dans d’autres localités.

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Déroulement des séances

D’une manière générale chaque séance se compose comme suit :

1 - Exercices de respiration
- expirer l’air déjà dans les poumons en creusant bien le ventre,
- aspirer lentement par le nez en remplissant d’abord le bas de l’abdomen,
- expirer par la bouche en relâchant très lentement.

2 - Exercices de concentration
- se tenir debout, immobile,
- fermer les yeux,
- ne plus penser à rien,
- fixer sa pensée sur un point de son corps,
- respiration lente et profonde.

Autres exercices de concentration


- s’allonger sur le dos, fixer un point au plafond,
- relâcher totalement le corps, respirer profondément.

3 - Exercices physiques simple


- mouvement de la tête à droite et à gauche,
- Lever les bras l’un après l’autre, puis les deux ensemble.

4 –Travail de décontraction
- Bâillement,
- Rire,
- Etirement des bras,
- Rotation du cou de droite à gauche puis de gauche à droite,
- Etirement des jambes.

Répéter tous ces exercices dix fois

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5 - Exercices de diction gymnique


Ces exercices sont destinés à inciter l’enfant à mieux prononcer les mots en
rendant les lèvres plus élastiques, à sortir les mots de la gorge, à lancer la
voix, à l’extérioriser, à placer la voix au niveau du médium :
PA PE PI PO PU
MA ME MI MO MU
La diction doit se faire au départ très lentement puis de plus en plus
rapidement en tapant les mains.
U X U X U X U X
U : Pousser les lèvres en avant
X : Etirement total des lèvres.
MIA MIO MIO MIO MIO
Veiller à ce que chaque syllabe soit bien articulée
MIA MIA MIA MIA MIO O O O O O O O
Ces dernières syllabes doivent être prononcées sur un air musical afin de
libérer les cordes vocales.
L’enfant doit imiter une sirène de pompier ou d’ambulance, ou une sirène
d’usine tout en accomplissant une courbe avec le bras.

Les exercices de diction et de prononciation accomplis en même temps qu’un


exercice corporel permettent à l’enfant de rester dans le jeu et dans la bonne
humeur, tout en travaillant dans la rigueur.

6 – Travail de prononciation musicale


Il s’agit de phrases ou d’expressions que les enfants ont du mal à
retenir ou à prononcer, notamment les phrases des textes qu’ils auront
à jouer.
Cet exercice peut également s’accompagner d’un exercice physique rythmé :
se tenir sur une jambe, puis balancer son corps de droite à gauche,
d’avant en arrière.

Les exercices 5 et 6 se font collectivement, puis individuellement.

Tous ces exercices ont été faits au début de chaque séance.

18
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

7 – L’improvisation
L’improvisation est dégagée de toute contrainte imposée par l’existence
d’un texte. Elle met l’enfant en situation de simulation. Elle permet
l’expression de l’imaginaire. Bien que l’animateur fixe lui-même les thèmes
sur lesquels se feront les improvisations, ce sont les « acteurs » qui
proposent différentes variations sur ces thèmes.
L’improvisation est révélatrice des potentialités des intervenants, elle
permet de mesurer la dimension esthétique et créative de chacun.
Dans ce type d’exercice, l’enfant se crée une ouverture par lui-même, il se
débat avec ses gestes, son vocabulaire (parfois répétitif), ses pensées qu’il
veut absolument défendre. Les enfants s’insèrent dans le jeu, l’un après
l’autre, (sur la demande de l’animateur) et apportent un point de vue
nouveau au dialogue auquel les autres doivent répondre.
L’aisance des enfants en matière d’improvisation est assez remarquable, ils
parviennent à se mettre facilement dans une situation de défi où il faut
coûte que coûte ne jamais capituler. Mais la confrontation tourne parfois à
l’affrontement, l’enfant doit alors trouver suffisamment de ressources
intellectuelles pour éviter que l’affrontement ne durcisse.
De temps à autre, l’animateur doit réguler le jeu qui peut partir dans tous
les sens y compris dans les affrontements physiques. Mais il est important
de souligner qu’aucun enfant ne reste muré dans le silence.

Récapitulatif :
Pendant les improvisations les enfants doivent :
- se placer dans une situation fictive,
- développer leurs capacités d’écoute, leur sens de l’observation,
- deviner les intentions de leurs interlocuteurs,
- apprendre à maîtriser leurs émotions,
- intérioriser et extérioriser des sensations, des sentiments,
- provoquer des retournements de situation.

L’animateur intervient à la fin de chaque improvisation pour inciter les enfants à


faire leur propre auto-critique. Il insiste sur le fait qu’ils doivent apprendre à
s’écouter les uns les autres, ne pas rester sur leur position, évoluer dans leurs
opinions. L’improvisation doit aider l’enfant à étendre son champ social et
combattre l’enfermement et le refus de l’opinion de l’autre.

19
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

8 - Les séances de répétition


La dimension spectaculaire est très importante pour les enfants, d’ailleurs
au cours des improvisations, ils n’hésitent pas à donner une tournure
spectaculaire à leurs différentes interventions, c’est pour cela qu’il est très
important pour eux de préparer un spectacle destiné à être joué devant les
autres élèves et leurs parents et des personnes étrangères. Aussi,
l’animateur a-t-il écrit plusieurs mini-pièces11 à partir des improvisations
faites par les enfants.
La répétition peut être comparée à un entraînement sportif. Elle incite
l’enfant à faire des efforts de concentration et lui permet d’acquérir des
mécanismes tant au niveau de la gestuelle, qu’au niveau des déplacements
et du dialogue.
La répétition permet à l’animateur d’approfondir sa mise en scène, et à
l’enfant d’améliorer son interprétation.
L’élaboration du jeu se fait séance après séance, grâce au langage
dramatique que les enfants finissent par adopter. Elle se fait aussi à travers
l’émotion qu’ils parviennent à faire passer à l’issue de leur apprentissage.
Au fil des séances, le jeu des enfants se libère et se singularise. Ces
séances ont parfois révélé des dons de comédiens chez certains d’entre eux.
Mais il convient pour cela de suivre l’évolution de chaque enfant, de noter
ses points forts et ses points faibles. Pour bon nombre d’entre eux c’est la
prononciation qui fait défaut, si bien que les répétitions deviennent pour eux
une véritable épreuve qu’il convient d’alterner avec du chant, des
improvisations ou de la danse.

10 minutes de pause sont recommandées à chaque séance.

11
Ces textes figurent en annexe à la fin de cet ouvrage.

20
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Description des séances

Eduquer les enfants par les techniques du théâtre demande à ce que


l’animateur maîtrise à fond ces pratiques. Celui-ci doit transmettre aux
enfants l’amour du jeu et du langage. Cela dépendra de la manière dont il
conduira l’atelier. Pour bien diriger les enfants, il devra :
• planifier les séances,
• structurer les séances,
• adapter chaque séance au rythme de progression des enfants.
Planifier c’est prévoir les exercices qui vont avoir lieu, prévoir
également les thèmes sur lesquels les enfants vont travailler, tenir
compte des retards qu’ont certains enfants sur les autres en matière de
mémorisation de texte par exemple, ou à un manque de savoir-faire
pour raison d’absentéisme.
Structurer c’est hiérarchiser les exercices que les enfants vont devoir
accomplir. De cette rationalisation dépendra la qualité de l’appren-
tissage : l’animateur déploiera moins d’efforts grâce au rythme apporté
par de bonnes méthodes d’organisation. L’efficacité de celui-ci suscitera
d’autant plus l’admiration des enfants qui, le prenant pour modèle,
apprendront eux aussi à s’organiser12.
Adapter les séances au rythme des enfants est très stimulant pour
l’animateur car, la plupart du temps, il se rendra compte que ceux-ci
rattrapent très vite leur retard, qu’ils ne vivent pas leur « incapacité »
comme une frustration et qu’ils sont prêts à s’adonner aux exercices les
plus laborieux pour arriver à hauteur des autres. Même si certains
connaissent des limites dans certains domaines (du jeu d’acteur par
exemple) les enfants africains cherchent toujours à donner le meilleur
d’eux-mêmes.
Les séances qui suivent constituent les dix éditions les plus importantes de
l’atelier théâtre. En réalité, sont intercalées d’autres séances destinées à
l’apprentissage des textes.

12
Après plusieurs séances, les enfants en avance sur les horaires de répétition se
faisaient répéter les textes entre eux, ayant compris l’importance de l’utilisation du
temps. Leur implication constante est à l’image de l’implication de l’animateur.

21
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 1

1. Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration13

2 - Travail sur l’identité de l’enfant et son environnement


*

- chaque enfant se présente au groupe, et présente les membres de sa


famille, le nom de son père de sa mère, de ses frères et sœurs 14,
- l’enfant imite son père ou sa mère lorsqu’ils exercent leur métier15,
- il mime le métier qu’il aimerait faire plus tard16,
- l’enfant parle de son village, des ethnies qui habitent le village,
- il énumère les personnalités, leur rôle au sein de la communauté,
- il raconte l’histoire de son village et les légendes qui s’y rapportent.
L’animateur a également demandé à chaque enfant d’imiter les gestes qu’il fait le
matin en se levant17 : laver son corps, s’habiller, prendre son petit déjeuner.

3- petit exercice d’improvisation


Deux personnes se croisent dans le village, qu’est-ce qu’ils se disent ?
Les enfants jouent par groupe de deux, de temps à autre une troisième
personne intervient.

13
Se référer aux explications des pages 17 et 18.
14
Pour la plupart d’entre eux, c’est le père qui a choisi leur prénom qui est le plus
souvent celui d’un membre de la famille vivant ou décédé. Rappelons qu’en Afrique
l’enfant perpétue la présence des ancêtres par le prénom et le nom qui reviennent
de génération en génération.
15
Les métiers mimés : pêcheur au filet, marchand, artisan ferrailleur, couturière, bou-
langère.
16
Footballeur ou homme/femme politique.
17
En imitant les gestes qu’il fait chaque matin, l’enfant crée une gestuelle qui lui est
très familière. Ces gestes de la vie de tous les jours exposés ici devant les autres
sont là pour affirmer que la communication peut s’établir à travers des gestes
simples mais ils ne sont plus des gestes ordinaires, mais rendus importants du fait
qu’ils permettent de communiquer.

22
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

4 - Des questions spontanées sont posées à chaque enfant :


A la question « te sens-tu importante ? » (question posée par
l’animateur), Fatou une jeune fille de 14 ans a répondu :
« Oui, parce que les garçons viennent me voir pour me dire qu’ils m’aiment
et qu’ils désirent m’épouser » Elle a également donné son point de vue sur
le mariage précoce qui sévit beaucoup dans son village, elle a mis en
exergue un fait qui préoccupe beaucoup la jeune génération.

A la question « es-tu prête pour le mariage ? »


Elle a répondu « non, car je désire continuer ma scolarité le plus longtemps
possible et devenir plus tard un député ».
Nous avons retenu particulièrement l’histoire de Fatou, car elle servira de point de
départ pour l’exercice d’improvisation de la prochaine séance, séance que nous
n’avons pas cru utile de décrire dans cet ouvrage.
Cependant, il est important de signaler que le thème de cette improvisation avait été
quelque peu changé : La jeune fille apprend par sa mère que son père et ses oncles se
sont réunis et ont pris la décision de la retirer de l’école pour la marier à un jeune
homme du village.

Cette improvisation qui a pour thème : le mariage forcé18 a pour but également
de faire comprendre aux enfants que le conseil de famille intervient pour les
décisions importantes. Sachant qu’en Afrique les réunions de toute sorte
servent avant tout à préserver et à consolider les liens communautaires.
Cette improvisation a été faite en français puis en wolof pour permettre aux
enfants d’aller plus loin dans l’argumentation.

18
Le mariage forcé est encore très ancré en Afrique

23
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 2

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

2 -Distribution du texte « Le mariage »19 20

3 - Lecture et explication du texte


L’animateur explique aux enfants que le texte a été écrit à partir des idées
émises lors de l’improvisation. Par le texte écrit, l’enfant doit comprendre
l’importance de « l’objet » littéraire. Il doit ressentir l’amélioration apportée par le
texte écrit.
Durant l’analyse de texte, les questions posées par l’animateur sont :
• Quel est le thème du texte ? Combien y-a-t-il de personnages ?
• Que dit la mère à la jeune fille?
• Que répond la jeune fille ?
• Qui a pris la décision ?
• Quels sont les personnages qui approuvent ce mariage ?
• Quels sont les personnages qui défendent la jeune fille ?
• Y-a-t-il une solution finale ?

4 - Exercice d’improvisation
Le thème : le développement au village et ses conséquences21.
L’ histoire : Monsieur Cissé, un homme riche, a demandé au chef du
village de lui attribuer un terrain pour construire un supermarché où il
vendrait, entre autres, du poisson congelé. Le chef du village, les
notables, les habitants doivent prendre une décision à ce sujet.

19
Très court texte dramatique écrit par l’animateur à partir de l’improvisation faite par
les enfants dans une séance précédente.
20
Les enfants devront apprendre les répliques pour la séance de la semaine suivante.
21
Ici, l’animateur a voulu mettre les enfants en face d’une situation que risque de
rencontrer leur village qui est depuis deux ou trois ans en pleine mutation.

24
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Chaque enfant a eu à jouer un personnage spécifique :


Le chef du Village22, le fils du chef du village, trois notables23, un vieux
sage24, l’homme riche, quatre vendeuses de poisson25.
Cet exercice a été proposé aux enfants dans le but de donner à chacun la
possibilité de s’exprimer et de trouver des arguments selon l’idée qu’il
défend.
L’improvisation s’est faite d’abord en Français puis en Wolof.
L’importance est de marquer la division entre « les camps ». Les uns
« pour », les autres « contre ». A l’intérieur de chaque « camp », les
enfants doivent faire ressortir leurs arguments propres.
La tension conflictuelle se dessine naturellement chez les enfants qui
s’expriment avec beaucoup de conviction.
Comme pour l’improvisation précédente, les enfants font preuve de
beaucoup de vitalité et d’assurance dans la discussion, ils n’hésitent pas à
donner leur point de vue, car nous leur avons demandé de bien peser les
enjeux et de bien réfléchir sur les conséquences de leur décision.
Lorsque les enfants ont du mal à avancer dans la discussion, l’animateur
doit introduire un mot voire une idée susceptible de débloquer leur
imagination. Ici, il évoque le mot de « survie », et l’idée « d’enfant à
nourrir » , ce qui a permis aux intervenants de développer plusieurs
arguments :
- Rokaya (une vendeuse de poisson) insiste sur le fait que M. Cissé risque
de détourner la clientèle et que les vendeuses de poissons n’auront plus de
quoi gagner leur vie et nourrir leurs enfants. Elle exige que les vendeuses
de poissons servent d’intermédiaires entre les pêcheurs et M. Cissé (mise
en place d’un réseau de distribution).
- réaction de M. Cissé qui dit que c’est dans son intérêt d’acheter le poisson
directement aux pêcheurs.

22
Le chef du village est le plus haut dignitaire dans le village.
23
Les notables sont également des personnalités très importantes et les décisions
doivent se prendre avec leur agrément.
*
24
En Afrique la sagesse de la personne âgée est toujours très reconnue, elle est donc
très respectée par les plus jeunes. On tient compte de son avis dans les décisions
importantes.
25
Beaucoup de femmes exercent cette activité dans le village de Toubab Dialaw.

25
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

- réaction très violente de la part des « femmes » qui demandent à ce qu’il


ne lui soit accordé aucun terrain s’il n’accepte pas les conditions qu’elles
proposent,
- un notable n’a pas hésité à mettre en avant l’idée que pour M. Cissé, ce
nouveau magasin ne constitue pas un élément de survie mais une façon
de s’enrichir davantage,
- pour un autre c’est un grand service que M. Cissé rend au village en y
intégrant un élément de développement.

En raison de leur jeune âge, les enfants ont du mal à s’exprimer l’un après
l’autre, la discussion devient alors cacophonique, incontrôlée. Mais l’animateur
ne les a pas arrêtés pour autant. Lorsqu’il l’a estimé utile, il a fait introduire dans
le jeu une tierce personne censée mettre un peu d’ordre, pour permettre à
chacun de trouver d’autres arguments et relancer l’improvisation.

Dans le cadre de cette improvisation, un autre élève intervient, il joue le


rôle d’un Vieux. Ainsi, il est celui qui détient la sagesse, donc capable de
faire régner l’harmonie. Il demande à ce que les décisions ne soient pas
prises de manière hâtive, et il est important que chacun trouve son intérêt
dans la décision qui va être prise. Il impose aux autres cette leçon de
sagesse si présente dans la société africaine.
Après l’improvisation, l’animateur n’a pas hésité à poser des questions
sur les aspects que les enfants n’ont pu ou n’ont su exprimer aux
différentes étapes de leur intervention, et bien que n’ayant pas approfondi
le sujet, il les a incités à faire ressortir le problème de l’exode rural comme
une conséquence de la disparition des petits métiers.
En raison de la richesse des arguments apportés par les enfants un très
court texte dramatique sera écrit à partir de cette improvisation.

26
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 3

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

2 - Distribution du texte « la décision »26

3 - Distribution des rôles

4 - Lecture et explication du texte


Cette fois-ci, ce sont les enfants qui se posent les questions entre eux.
L’explication de texte tourne alors à une discussion très argumentée.

Lecture à voix haute : lecture rapide, lecture lente, lecture chantée.

Les enfants s’affirment davantage dans les réponses qu’ils apportent car les
interrogations sont claires.

L’animateur a demandé aux enfants d’apprendre le texte « La décision »


pour la semaine prochaine.

5 - Mise en espace de la pièce « Le mariage »


Prenant appui sur le célèbre roman de Seydou Badian, « Sous l’orage »,
l’animateur n’a pas hésité à mettre en avant :
• la vocation fonctionnelle, dans la culture africaine, d’une jeune fille
en tant qu’épouse et future mère de famille,
• l’autorité du père, sa volonté de faire perpétuer la tradition,27
• le rôle capital de chaque membre de la famille : chacun assume
ses responsabilités à l’égard de la jeune fille28,

26
texte écrit par l’animateur à partir de l’improvisation des enfants.
27
Dans l’Afrique traditionnelle, la jeune fille n’est nullement associée à la procédure
matrimoniale. Elle subit. On se contente juste de l’informer de son destin.
28
Dans l’Afrique Traditionnelle, le lien de parenté est omniprésent, il est la base de
toutes les relations. Tous les adultes ont un droit de regard et d’éducation sur les
enfants quels qu’ils soient. Il peut s’agir d’adultes extérieurs à la famille.

27
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

• le mariage de la jeune fille comme une conséquence heureuse du


destin de la famille entière29,
• les intervenants n’ont pas une marge de jeu considérable, mais
leurs arguments sont là pour limiter le « psychodrame »,
• Une des élèves de l’atelier a inventé une chanson qui a trait à la
situation de l’héroïne et l’a apprise à celle qui joue le rôle de la jeune
fille à marier30.

6 - Travail de prononciation
L’animateur doit :
• noter les expressions que les enfants ont du mal à retenir et à
prononcer,
• à la fin de la séance, par un autre exercice de diction gymnique,
faire répéter ces expressions de manière chantée31.

7 - Travail sur la tonalité et l’intonation à prendre


Les enfants ont toujours tendance à dire le texte d’une manière scolaire,
comme s’ils récitaient une leçon.
Parler très rapidement dans la langue française représente pour
eux une sorte de performance.
Il faut donc les inciter :
• à bien comprendre ce qu’ils disent,
• à mieux articuler les mots,
• à parler naturellement,
• à bien différencier le texte théâtral de la récitation.

29
Dans l’Afrique traditionnelle les mariages s’effectuent de famille à famille, plus que
d’un individu à l’autre.
30
La jeune fille a inventé cette chanson sur demande de l’animateur. Il est important de
préciser que dans l’Afrique traditionnelle le griot crée la littérature orale, à partir
d’histoires vécues.
31
Nous avons constaté que les enfants mémorisaient mieux les répliques lorsqu’ils le
disaient sous une forme rythmique.

28
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

8 - Travail sur le placement de la voix


Les enfants doivent apprendre à :
- amplifier la voix de manière souple, réglée,
- décontracter la gorge, le ventre, la mâchoire,
- extérioriser sa voix sans crier,
- Placer la voix au niveau du médium,
- Debout, dos collé au mur, lancer la voix en avant comme une flèche
qui doit atteindre une cible éloignée.

9 - Travail sur la gestuelle


Il est important que chaque participant apprenne à se placer
rapidement. Ils doivent mémoriser leur place une bonne fois pour toute.
La gestuelle doit être adaptée à la situation et aux répliques.

Ces exercices, particulièrement difficiles, demandent à ce que l’animateur fasse


preuve de grande souplesse et de patience à l’égard des enfants. Il doit y
intégrer l’humour et surtout le jeu au sein de cet apprentissage.

Clôture de la séance de travail par la percussion et la danse.32

32
Moyen de décontraction finale pour les enfants.

29
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 4

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

2 – Répétition
Les enfants ayant appris leur texte tout au long de la semaine, ils ont
pu commencer les répétitions de la pièce « la décision ».

a) Travail de prononciation
Une fois de plus, les enfants répètent les phrases ou les mots qu’ils
ont du mal à prononcer. La diction gymnique est alors réutilisée. Les
mots et expressions difficiles à prononcer et à retenir sont dits
musicalement et répétés plusieurs fois.

b) Mise en espace de la pièce


Important : Laisser chaque enfant trouver sa propre gestuelle et la
corriger après.
- le chef du village et son fils33 prennent place sur un tapis,
- arrivée du Vieux qui salue le chef du village et s’assied sur le tapis,
- entrée des notables qui saluent le Vieux et le Chef du Village avec
les rites de politesse traditionnels 34,
- le Chef du village expose les faits aux notables,
- entrée de M. Cissé, orgueilleux et sûr de lui35,
- le chef du village envoie son fils chercher les femmes,

33
En Afrique, les enfants apprennent à devenir adulte en accompagnant leur père ou
leur mère dans leur différentes activités, y compris dans les réunions.
34
Au Sénégal, on répète trois fois le nom de son interlocuteur pour le saluer. A travers
lui c’est toute sa famille, tout son clan que l’on salue.
35
Chaque élément introduit dans l’espace-jeu (décor ou accessoires) prend naturel-
lement de l’importance. Pour M. Cissé, chapeau, attaché-case, veste, s’imposent en
tant que symboles de réussite sociale et de modernité.

30
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

- entrée des femmes : prise de parole véhémente des femmes36 37


,
- intervention de M. Cissé qui pour faire face au refus des femmes
s’adonne à un chantage,
- intervention des notables l’un après l’autre,
- nouvelle intervention des femmes qui continuent à se rebeller,
- intervention de M. Cissé,
- intervention du Vieux qui marche et s’exprime avec un bâton38,
- nouvelle intervention des femmes,
- intervention d’un des notables qui se lève également pour faire
front aux femmes,
- intervention du Vieux qui se lève, et fait à nouveau le tour de
l’assemblée,
- décision du chef du village,
- tout le monde se lève et se serre la main,
- M. Cissé s’en va insatisfait.

Nous avons tenu à énumérer les différentes étapes du texte et de la mise


en scène afin de bien mettre en valeur la structuration de la pièce.
D’une improvisation désordonnée, les enfants accèdent à un
déroulement de phrases codé et ordonné.

36
Les femmes sont les piliers de la société africaine traditionnelle, elles jouent un rôle
très important dans la vie sociale, politique, artistique, spirituelle.
37
Le fait que les femmes entrent en dernier souligne d’autant plus l’importance du rôle
qu’elles vont jouer dans la décision. Face au nombre de jeunes filles qui sont
venues (de leur propre gré) grossir le rang des comédiennes, l’animateur a
découpé, réajusté les répliques, afin que chacune ait un bout de réplique. Ce qui
donne à la pièce une tonalité démultipliée, nuancée, rythmée. La force qui s’en
dégage est celle d’une unité. Le « nous » domine au détriment du « je ». La moindre
scène individuelle devient un jeu (« je ») collectif.
38
Le bâton symbolise la vieillesse mais «le comédien » va l’utiliser comme un élément
de force et de rassemblement. Il va sans cesse refaire l’unité du groupe en
dessinant un arc de cercle avec l’objet. Il est le socle de la communauté et doit donc
rester solide et intègre. Il doit savoir intervenir au bon moment sans jamais faiblir
dans le ton et dans son déplacement.

31
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Bien qu’impatient de jouer son rôle, chacun attend son temps de parole
tout en mémorisant ses gestes, ses déplacements.
De répétition en répétition, Les enfants vont prendre conscience que le
phénomène théâtral ne peut avoir lieu que grâce à leur jeu, à un
investissement total et entier de la part de chacun. Ils vont comprendre
que chaque geste, chaque mot et chaque intonation possède un
caractère spécifique. Il doivent se rendre compte de l’influence que cela
peut avoir au niveau de la discussion.

Les limitations qu’apportent l’écriture de la pièce au niveau du temps de


parole, de la gestuelle, poussent à une maîtrise du langage et de ses
émotions. Les enfants peuvent trouver par cela un « centre d’équilibre ».
D’une attention très concentrée, d’un travail laborieux, ils accèderont peu à
peu à une aisance verbale et gestuelle par conséquent à une réelle
autonomie de conteur.

3 - Improvisation :
Les enfants doivent imiter des animaux. Il s’agit d’un petit oiseau blessé
et de trois lapins coquins et vagabonds qui viennent à son secours.
L’animateur a demandé aux enfants de constituer des petits groupes de
quatre, qui joueront l’un après l’autre.
Les participants doivent simplement adopter le comportement des
animaux (cris, attitudes, gestuelle).

cet exercice, ayant trait à la vie naturelle, a été utilisé comme intermède entre
deux phases de répétition pour permettre aux enfants de se libérer l’esprit
des exigences du travail de répétition, pour qu’ils retrouvent la notion de jeu,
le but étant de détendre l’atmosphère et de permettre une meilleure reprise
du travail.

32
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 5

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration
Les enfants, ayant bien mémorisé toutes les syllabes, les sonorités et la
gestuelle, sont en mesure de jouer le rôle de l’animateur39.
Ceux qui se portent volontaire ’un après l’autre, font faire les exercices
à leurs petits camarades.

2 – Répétition de la pièce « la décision »


Lors de cette séance, il a été constaté que les enfants ont encore mieux
assimilé leur texte, leur gestuelle et leur déplacement.
Toutefois, cette nouvelle séance de répétition doit permettre aux
enfants :
- d’accentuer leur présence sur « scène »,
- de ressentir et d’accentuer les traits de leur personnage,
- de bien délimiter leur champ d’intervention,
- de se concentrer pendant le temps d’intervention des autres,
- de bien se concentrer sur les répliques des autres,
- d’enrichir l’intervention de l’autre de gestes et de sons d’approbation
ou de désapprobation sans gêner l’intervenant,
- ceux qui sont amenés à avoir des opinions changeantes doivent arborer
des expressions interrogatives, floues, indéterminées…
Entre deux répétitions, l’animateur intercale jeux et chants, pour détendre
l’atmosphère.

3 - Répétition de la pièce « le mariage » :Tenir compte des éléments


indiqués ci-dessus.

39
Chez l’enfant sénégalais la notion de responsabilité est acquise très tôt, notamment
dans le champ familial où les plus grands doivent faire preuve de responsabilité à
l’égard des plus petits, l’animateur a tenu à ce que les enfants, l’un après l’autre (pas
forcément dans la même séance), jouent le rôle de l’animateur. Pour cela, chaque
enfant doit bien exécuter l’articulation des mots ainsi que les gestes, pour servir de
modèle aux autres.

33
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

4 - Exercice d’improvisation :
Les animaux
Exercice similaire à celui proposé dans la séance précédente.
Cette fois-ci, il s’agit d’un oiseau blessé et de trois petits chats
vagabonds qui, en voyant l’oiseau, jouent avec lui dans le but de le
dévorer, mais l’intervention d’un gros chien va sauver l’oiseau.
L’animateur a procédé comme lors de la séance précédente, c’est-à-
dire, la formation de petits groupes de cinq et passage de chaque
groupe.

34
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 6

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

2 – Répétition de la pièce « la décision » et « le mariage »


L’animateur fait évoluer la gestuelle et la prononciation en corrigeant
sans cesse les enfants.

On ne cessera pas de répéter que ce travail de répétition est indispensable


à chaque séance, car il s’agit de bien faire prendre conscience aux enfants
qu’il y a toujours une amélioration à apporter au maintien, au compor-
tement, aux gestes, à la diction.

Les enfants doivent apprendre à donner à chaque fois plus d’énergie,


plus d’éloquence au jeu théâtral :
- en soutenant le texte vocalement, jusqu’au dernier mot. Le
volume de la voix ne doit jamais diminuer, les phrases doivent rester
bien audibles du début à la fin. Pour cela, les enfants
doivent apprendre à respirer entre deux morceaux de phrases longues
ou entre deux phrases courtes,
- ils doivent s’imposer un temps de silence avant de continuer son
texte. Notamment, s’ il y a obligation de changer d’intonation, ou de
mettre en avant une idée autre,
- ils ne doivent pas concevoir ses déplacements et sa gestuelle
comme un simple rituel qu’il effectue. Il doit sentir que chaque
séance lui donne l’occasion de s’améliorer.

Les gestes mécaniques du départ doivent se transformer en gestes


délibérés mais spontanés. L’enfant doit bien faire la différence entre ces
gestes qui possèdent une véritable fonction langagière, et ceux du quotidien
qu’ils ont simulé dans la toute première séance « frotter son corps, le
rincer … »

35
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

3 - Improvisation :
La jeune fille et l’oranger
Indications données par l’animateur : Une jeune fille demande à un
oranger la permission de cueillir ses fruits40. L’’arbre refuse car en
période de sécheresse les hommes négligent de l’arroser.

Bien sûr, l’animateur a voulu apporter une dimension écologique à cet


atelier de théâtre.
C’est dans cette improvisation que les enfants se sont le plus sentis à
l’aise, où leur imagination n’a pas pour ainsi dire pas connu d’obstacles.
Ils ont inventé une histoire digne d’un conte africain sans aucune
intervention de l’animateur.

Les intervenants ont bien mesuré la distance qui séparent les hommes
des arbres : à savoir les seconds sont les instruments de survie des
premiers, cependant les premiers n’hésitent pas à abattre les seconds.

La pertinence des répliques de la jeune fille et la justesse des reproches


de l’arbre ont permis à l’animateur d’écrire un texte susceptible d’être
joué par les enfants.41

Débat :
L’animateur a, par la suite, posé des questions aux enfants sur les
rapports de l’homme et de la nature. Tous ont mis en avant la cruauté
de l’homme, et ont insisté sur le fait que l’arbre a eu raison d’exprimer
un refus très profond quant à l’idée de partager ses oranges avec la
jeune fille. Ils ont également fait la remarque qu’en effet les singes
(évoqués dans l’improvisation), étaient plus pacifiques que les hommes
de ce fait qu’ils méritaient bien que l’arbre leur donne les oranges.

40
Autrefois, en Afrique, les hommes parlaient aux arbres avant de leur couper les
branches, illustration parfaite d’une symbiose qui existait entre l’homme et la nature.
Arbres et animaux faisaient partie de la dynamique sociale des africains.
41
Le texte transcrit très rapidement a été distribué aux enfants le lendemain, ainsi ils
ont pu l’apprendre pour la séance d’après.

36
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 7

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

2 – Répétition de la pièce « un arbre en colère»


Mise en scène de la pièce :
- celui qui incarne l’arbre s’installe tient ses bras en l’air,
- la jeune fille arrive, tente de cueillir un fruit,
- l’arbre se met à gronder,
- la jeune fille, surprise, retire vite sa main et fait un pas en arrière,
- pour se rattraper, la jeune fille dit bonjour à l’arbre, celui-ci lui
répond poliment,
- la jeune fille fait silence, puis lui explique qu’elle aimerait bien pouvoir
cueillir quelques oranges,
- l’arbre se décrit comme un être seul, qui ne veut plus rien donner aux
hommes car ceux-ci détruisent leur environnement,
- la jeune fille tente tant bien que mal de s’expliquer et de se justifier,
- L’arbre lui demande seulement de l’arroser, mais le nombre de litres
d’eau qu’il exige paraît énorme pour la jeune fille,
- à la fin, l’arbre et la jeune fille arrivent à un arrangement mais l’arbre
a bien posé ses conditions.
Par ce conte dialogué, l’animateur a tenu à allier la condition de
l’homme à celui de la nature. L’un veut manger, l’autre veut boire,
chacun est soumis aux aléas de l’existence. Il n’y a pas de dissociation
entre les deux êtres, en Afrique, végétaux et animaux constituent
les frères des hommes... L’arbre gronde et parle à la manière des
hommes. Par ses revendications, il nous situe dans un pays où l’eau est
une denrée rare (zone subsaharienne).
Ici, l’arbre devient un être réfractaire, ses mots crus ne choquent
personne tant ils sont réalistes, il devient le maître de l’homme par sa
façon de dénoncer les actions destructrices de ce dernier. C’est lui qui
fait prendre conscience du danger du dépérissement des forêts qui a
pour conséquence la souffrance des hommes.

37
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Ici, la notion d’occupation de l’espace prend tout son sens :


Si la jeune fille n’arrête pas de tourner autour de l’arbre c’est parce
qu’elle n’est pas sûre de pouvoir le convaincre et d’obtenir quelques
fruits. C’est ainsi qu’elle exprime son angoisse, ses incertitudes. Même
quand la jeune fille s’affiche en victime, l’arbre ne défaillit pas, il reste
sur ses opinions.
Les déplacements de la jeune fille sont là, entre autres, pour mettre en
exergue l’impuissance et la faiblesse de l’arbre qui lui est immobile et ne
peut se déplacer et qu’il est plus à la merci des intempéries
(sécheresse).
Les déplacements de la jeune fille peuvent traduire également «une
dynamique » du conflit.

Personnage de l’arbre
- le glissement naturel de l’enfant dans le « personnage » de l’arbre
donne un effet plus évident encore au texte,
- l’enfant a conscience que c’est le sort de l’arbre qu’il défend, il le fait
sentir par la solidité du ton qu’il adopte,
- ses mots sont simples, clairs, « lisibles », « verdeur » de ses paroles,
- l’arbre fait de ses fruits un bien propre, il adopte ici une attitude
typiquement humaine,
- la compassion du public pour l’arbre devient alors naturelle.

Personnage de la jeune fille


- pour montrer qu’elle évalue bien la situation de l’arbre, elle ne le
quitte jamais du regard,
- elle continue à regarder l’arbre dans ses déplacements, ce qui
démontre qu’elle est bien consciente que la colère de l’arbre constitue
un obstacle et qu’il lui sera difficile d’obtenir des fruits,
- en s’exprimant parfois avec hésitation la jeune fille parvient à mettre
en évidence une sorte de fragilité, mais également sa propre
responsabilité (en tant qu’être humain) dans la destruction des
arbres,
- il est à noter également qu’elle est souvent démunie face aux
reproches de l’arbre,

38
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

- mais elle doit retrouver assez d’assurance au moment où elle


s’exprime pour pouvoir convaincre l’arbre,
- le fait de se mettre au dos de l’arbre traduit qu’elle a quelque chose à
gagner, qu’elle espère une acceptation immédiate.

3 - Répétition des pièces « la décision », « le mariage »

4 - Chants et danses

39
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 8

1 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

2 – Deuxième répétition de la pièce « Un arbre en colère ».


Un autre élément a été apporté au niveau de la mise en scène :
- bruitages d’oiseaux et du vent dans les branches.

3 - Répétition des pièces « la décision », « le mariage »

A ce stade de la répétition, les enfants sont capables d’émettre les répliques


d’une manière naturelle, sans buter sur les mots.
Ils parlent normalement sans ressentir le besoin de crier (comme c’était le
cas au début) ils doivent ressentir la langue (en l’occurrence le Français)
comme une langue ordinaire en raison de la facilité avec laquelle ils
l’expriment à présent (par le biais des répliques).
Les enfants, sentant qu’ils n’ont besoin d’aucun secours pour la
prononciation, poussent ainsi plus loin leur adhésion à la langue. En effet,
avant le début des séances, de leur propre initiative, ils se faisaient répéter
le texte entre eux, démontrant ainsi leur amour pour la langue.

4 – Chants et danses

40
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 9

1 - Réunion avec tous les participants


Au cours de cette réunion :
- l’animateur a félicité les enfants pour les progrès accomplis tout au
long des séances,
- il a expliqué à chaque enfant, les améliorations que celui-ci a su
apporter à son jeu,
- il a expliqué à chacun l’importance de son rôle et le problème grave
que leur absence provoquerait le jour de la représentation,
- chacun après l’autre a exprimé son implication dans l’atelier théâtre et
son désir d’aller jusqu’au bout du travail accompli,
- les enfants ont donné leur avis sur les différentes étapes de la séance
et tous ont trouvé qu’il y avait eu parfois des moments difficiles, mais
qu’ils étaient heureux du travail accompli42,
- l’animateur décrit aux enfants l’autre lieu de représentation43.

2 - Exercices de diction gymnique, de respiration, de prononciation,


de concentration

3 - Improvisation
L’histoire : Le fils aîné parti vivre en France depuis 5 ans est de retour
au village. Pour fêter son retour, sa mère veut tuer la seule chèvre
qu’elle possède. Le père, lui, refuse que la chèvre soit tuée car celle-ci
procure du lait à toute la famille. Mais le fait de sacrifier cette chèvre est
pour la mère un signe de grande joie et de profonde affection pour son fils.

42
Ici, les enfants n’expriment pas vraiment de critique, du moins jamais ils n’oseraient
remettre en question le travail de l’animateur par respect pour celui-ci, néanmoins ils
donnent facilement leur avis sur ce qui leur paraît important.
43
Les enfants ont joué dans une salle de leur école et aussi dans l’auditorium du Cours
Sainte Marie de Hann situé à Dakar. L’animateur a pensé qu’il serait valorisant pour
les enfants de jouer à Dakar, la plupart d’entre eux ne connaissant pas la grande ville
et la prestigieuse école Sainte Marie de Hann.

41
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Tous les membres de l’atelier ont participé à cette improvisation faite en


une seule fois. Chaque enfant est entré en scène, incarnant un parent ou un
voisin. Chacun devait intervenir pour donner son avis à savoir s’il faut tuer
la chèvre ou non , ou alors apporter une autre solution, ce qui a donné une
improvisation assez longue.
Il ne sera écrit aucun texte à partir de cette improvisation faite en wolof.
L’animateur ayant décidé que cette pièce sera représentée devant le public
sous forme d’improvisation « améliorée ».
A ce niveau de travail, l’animateur a seulement apporté quelques détails au
jeu des enfants, essentiellement au niveau de leurs déplacements et de la
voix.
D’une manière générale, les enfants sont intervenus de façon ordonnée, et
n’ont pas hésité à apporter une note comique, lors de la répétition de
l’improvisation. Ils ont amélioré la pièce, en y introduisant un repas final et
des voisins non désirés44.
Pour les enfants il est important de jouer un texte non écrit :
- pour conserver l’oralité intacte,
- pour mesurer leur degré de maturité dans la combinaison répliques-
gestuelle-écoute,
- pour estimer leur degré d’implication dans le jeu et les progrès
accomplis par rapport aux séances du début.

L’animateur a pu constater que les enfants ayant acquis une certaine expérience
du théâtre grâce aux séances antérieures, ont bien maîtrisé leurs émotions, ont
su, chacun à leur tour, apporter le contrepoids qu’il faut au problème posé, ils se
sont efforcés de mettre de la clarté dans leurs phrases et de respecter le temps
de parole des uns et des autres.
Ainsi, cette improvisation a pu servir de test pour bien évaluer les progressions
de chaque enfant en matière d’écoute, de réplique, de sociabilité.

44
L’hospitalité est si ancrée au Sénégal qu’il arrive que des voisins ou des membres de
la famille s’invitent à des repas sans prévenir et sans qu’on puisse leur refuser ce
repas.

42
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Séance 10

Pour cette séance faite le même jour que la représentation, les enfants ont
fait d’entrée de jeu une répétition générale dans la salle où doit avoir lieu le
spectacle.

1 - L’animateur a réglé les entrées et les sorties, pour chaque pièce


Pour donner un côté spectaculaire, les enfants commencent par chanter
une chanson que leur a apprise un jeune du village pendant l’atelier.
Cette chanson est un hymne consacré au village de Toubab Dialaw.
Pour créer une grande impulsion et capter tout de suite l’attention du
public, les enfants devront par la suite se séparer en deux groupes.

Les deux groupes sont face à face :


Chaque groupe fait un pas en avant lorsqu’il s’exprime puis repart en
arrière.
Le premier groupe : Et cric
Le deuxième groupe : Et crac
Deux fois

Le premier groupe : Et misticric


Le deuxième groupe : Et misticrac
Deux fois

Le premier groupe : Est-ce que la cour dort ?


Le deuxième groupe : Non, la cour ne dort pas ?
Trois fois

Roulements de Tam-Tam : Tout le monde sort de scène.

2 - Répétition sans interruption de :


« un arbre en colère »
« Le mariage »
«La décision »
« Faut-il tuer la chèvre ?» (Improvisation améliorée)

43
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

3 - Exercices de concentration, de respiration, de diction gymnique,


de prononciation à partir des mots et des phrases des textes
dramatiques
Fin de la répétition générale

4 - Déjeuner à l’école offert aux enfants par l’animateur


(d’habitude les enfants rentrent chez eux pour déjeuner)

5 - Repos

6 - Nettoyage et préparation de la salle par les enfants

7 - Les enfants se lavent, mettent des habits neufs, font leur prière

8 - Séance de maquillage par les enfants eux-mêmes

9 - Entrée des parents, des invités et des autres élèves dans la salle

10 - Coup d’envoi du spectacle

44
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Conclusion

Observations à l’issue de l’atelier théâtre :


Bien qu’ayant beaucoup plus d’assurance, les enfants ont toujours de
grosses lacunes au niveau de la prononciation. Il paraît difficile d’effacer les
défauts acquis au tout début de la scolarité. Ainsi, il convient qu’un véritable
travail au niveau de la phonétique soit accompli dès leur entrée à l’école.
Afin de favoriser des échanges avec l’extérieur, l’animateur a tenu à ce que
le groupe puisse aller jouer à Dakar. Ce qui leur a permis de sortir des
limites du village. Ils ont pu découvrir des espaces culturels qui leur sont
ouverts et de ce fait, désirent continuer à faire du théâtre afin de conquérir
ces espaces.
L’atelier de théâtre a permis l’enracinement des élèves dans leur propre
patrimoine culturel. Dans un monde où les bouleversements de civilisation
n’arrêtent pas de déstabiliser les populations et particulièrement les plus
jeunes, il est plus que nécessaire de donner aux enfants l’envie de découvrir
ce qui fait leur richesse. Leur relation au patrimoine culturel mérite d’être
plus approfondie encore, bien que leur lien avec le village, la communauté,
la famille, ait été consolidé.
Ils espèrent pouvoir continuer ce genre d’atelier qui possède une fonction
éducative par rapport à leur culture. Au cours d’une discussion, ils ont
demandé à l’animateur de pouvoir continuer à jouer des pièces qui auraient
pour point central les valeurs de l’Afrique, parce qu’ils y sont très attachés.
On ne peut manquer de relever que lors du spectacle donné à l’école la
présence des parents était encore timide. La nouveauté de cette approche
culturelle, inédite dans le village, les tient à l’écart de ce genre de
manifestation.
Des « membres » culturels, existent dans le village, mais ceux-ci ne
s’impliquent pas dans la vie du village et encore moins dans la vie culturelle
des enfants. (leurs spectacles sont destinés aux touristes, à un public
spécifique venant la plupart du temps de l’extérieur).
Il convient donc de se rapprocher des parents ainsi que des personnalités du
village (démarche que l’animateur a déjà amorcé), afin de leur faire prendre
conscience de la nécessité de leur implication dans la vie scolaire et artistique
de l’enfant.

45
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

1ère Proposition : développement de l’éducation artistique et des


connaissances des valeurs traditionnelles
Les nombreux enfants de tous âges qui ont littéralement envahi la salle lors
des séances des répétitions et qui ont assisté au spectacle, ont à leur tour
éprouvé l’envie de faire partie de l’atelier. Ils ont vu dans l’atelier un lieu
d’accueil où l’action, le jeu, la création mettent « les acteurs » dans une
situation valorisante, mais aussi un espace où la représentation de leur
monde est projeté, où s’accomplissent des échanges chaleureux, où les
valeurs sociales acquises sont au centre d’un dynamisme nouveau.
Afin qu’un grand nombre d’enfants puissent acquérir un enseignement
artistique véritable, nous proposons qu’une case culturelle soit mise en
place au sein même de l’école. De courts spectacles de contes et de
légendes pourraient y avoir lieu régulièrement. Certains enfants faisant
partie de l’atelier auront pour tache de préparer ces spectacles.
Dans le cadre d’un projet collectif artistique plus élargi, on pourrait intégrer
un grand nombre d’enfants ne participant pas forcément à l’atelier théâtre,
mais qui pourraient en classe, préparer des peintures et des chants
susceptibles d’illustrer un conte, des histoires ou même les raconter de
manière orale mais à condition d’y avoir été préparés. Ce qui correspondrait
à une mise en valeur de la littérature orale par l’ensemble des enfants.
Les élèves de l’école avec qui nous avons discuté, ainsi que le directeur et
les enseignants nous ont fait savoir que la mise en place d’une case
culturelle donnerait l’occasion aux enfants d’assister aux spectacles, voir
même d’y participer de façon préparée et/ou de manière spontanée.
Cette case devra être un lieu d’accueil pendant les vacances, car pendant
ces périodes une grande majorité d’enfants est livrée à elle-même.

46
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

2eme proposition : la méthodologie de Benjamin Jules-Rosette


intégrée dans l’enseignement scolaire
Les nombreux échecs scolaires nous montrent qu’il est plus que nécessaire
d’adopter un nouveau type d’enseignement mieux adapté aux valeurs de
l’enfant, au milieu culturel dans lequel il évolue.
Nous pensons qu’il serait bon d’adapter la méthodologie utilisée par
Monsieur Benjamin Jules-Rosette à l’enseignement scolaire d’une manière
générale. Pour cela, une étude doit être faite par ce même animateur dans
une école africaine sur une année scolaire.
Cette méthodologie qui tient compte des valeurs culturelles africaines au
point d’en avoir fait une base de travail, ne peut qu’aider l’enfant à mieux
assumer le passage entre l’Oralité et l’Ecrit, à vivre cette dualité sans
blocage ou traumatisme.
Certaines techniques peuvent être appliquées dans toutes les classes :
• La diction gymnique, la prononciation musicale de syllabes, de phrases
peuvent aider les enfants à mieux appréhender la langue.
• Les situations mimées peuvent tout à fait être combinées avec les
cours d’expression orale.
• Les questions spontanées ou les improvisations proposées aux enfants
les mettront dans une situation de créativité liée à un thème
spécifique.
• Les exercices de décontraction : le rire, l’humour, la gymnastique, sont
autant d’éléments indispensables pour un enseignement plus efficace.
• Les techniques du théâtre au service de l’enseignement en tant
qu’instruments de communication, de dynamique énergétique, permet à
l’enfant d’aborder la scolarité dans des conditions plus constructives
et sans rejet de sa part. Car il s’agit de privilégier la parole
(notamment dans les classes d’initiation), mais aussi le langage corporel
qui est un élément important dans une situation de communication.
• L’aspect ludique, les contes, les légendes intégrées dans les cours de
langage permettent un enseignement plus souple, plus accessible.
Si l’enfant doit se soumettre aux exigences de l’école, l’école doit aussi répondre
aux besoins de l’enfant. L’impression de plénitude, la liberté créatrice ne
peuvent que renforcer chez lui un sentiment positif à l’égard de l’école. Il doit
aimer ce qu’il accomplit pour pousser plus loin les limites de ses capacités, pour
aborder avec succès les différentes étapes de la scolarité.

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

ANNEXES

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Le mariage

Fatou arrive et s’assied près de son père

Fatou
Bonjour maman, Daouda m’a dit que tu veux me parler.

La mère
Oui, je voudrais te parler de quelque chose qui te concerne et nous
concerne tous !

Fatou
Je t’écoute maman…

La mère
Voilà Fatou, tu viens d’avoir quinze ans, et ton père et tes oncles se sont
réunis, ils pensent qu’il est grand temps pour toi de te marier.

Fatou
Me marier ? Mais je vais encore à l’école ! Non, je ne veux pas me marier…

La mère
Fatou, ma fille, tu ne peux pas aller contre la décision de ton père.

Fatou
Maman, je respecte beaucoup mon père et je vous aime tous les deux, mais
moi, je veux continuer à aller à l’école.

La mère
Tu dois exécuter la volonté de ton père, Fatou, c’est comme ça que nous
avons toujours vécu. Une jeune fille ne met pas en avant ses désirs.

Fatou
Maman, Je veux aller à l’école, et le moment venu je veux choisir moi-
même le garçon avec qui je me marierai.

La mère
Fatou, si ces mots arrivent aux oreilles de ton père il risque de se fâcher, tu
dois te marier quand ton père et tes oncles l’ont décidé, ce sont nos
traditions. Attends, je vais dire à Daouda d’appeler ta grande sœur et ta

49
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

tante, et peut-être pourront-elles mieux te raisonner. Daouda ! Daouda !


Viens ! Daouda arrive. Va appeler ta grande sœur Maimouna, ainsi que ta
tante Awa, elles sont là-bas, dans la cour. Daouda s’en va. Quelques
instants après, les deux femmes arrivent.

La tante
Tu as demandé à nous voir, qu’est-ce qui se passe ?

La mère
Fatou prétend qu’elle est trop jeune pour se marier. J’ai beau lui répété que
c’est la volonté de son père, elle refuse de se soumettre à ce que nous
avons décidé pour elle.

La soeur
Fatou, tu dois écouter notre père, tu lui dois obéissance ! Une fille est
destinée à se marier et à avoir des enfants, tu le sais depuis toujours.

Fatou
Je ne veux pas me marier, ce que je veux c’est aller à l’école, trouver du
travail et vous aider à vivre.

La tante
C’est vrai qu’une fille doit obéir à son père, mais pour ce genre de décision,
il faut quand même tenir compte de son avis. Les temps ont changé, les
jeunes filles d’aujourd’hui veulent elles-mêmes choisir leur mari.

La mère
Awa, je sais que les temps changent, mais dans notre village c’est encore le
chef de famille qui décide de ce genre de chose. Elle doit obéir à son père.

Fatou en se levant
Elle improvise une chanson en wolof à la manière des griottes. La chanson
raconte qu’elle veut continuer à aller à l’école pour trouver un métier plus
tard, et épouser un garçon qu’elle aura elle-même choisi...

Awa
Oui, bien sûr que nous ne voulons pas perdre nos traditions, mais Fatou est
brillante, c’est une excellente élève. Je pense que ce qui est bon pour elle,
c’est qu’elle continue d’aller à l’école. Nous-mêmes, nous ne savons ni lire,
ni écrire, demain notre village ne sera plus un village, parce que les choses
auront beaucoup changé, et si nos enfants n’apprennent pas, s’ils ne savent

50
A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

pas compter, que vont-ils devenir ? Fatou doit avoir des enfants, je suis
bien d’accord,mais comment fera-t-elle pour les nourrir ?
Ecoute, je vais aller voir ton mari. Je vais lui parler, je sais qu’il m’écoutera
car je suis sa grande soeur. Je te propose même que Fatou vienne à la
maison et que je m’occupe d’elle pendant quelques temps. Le temps pour
elle de voir plus clair. Elle est tellement bouleversée.

La mère
Je te remercie Awa de ta générosité. Moi, je suis d’accord pour qu’on
attende un peu et qu’elle aille vivre chez toi, mais avant tout, il te faudra
convaincre mon mari.

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

La décision

Le chef du village est assis sur une natte. Son fils est près de lui. Aidé d’un
bâton un Vieux arrive pour lui parler. Il s’assied près de lui sur le tapis.
Le Vieux Sage
Assalamalekoum !
Le Chef du Village se lève. Il serre la main du vieux à la manière des
Africains.
Malekoum Salam !
Le vieux répète trois fois le nom du chef du village,le chef répète trois fois
le nom du vieux
Le Vieux Sage
Comment va la famille ?
Le Chef du Village
Elle va bien ? Très Bien !
Le Vieux Sage
Dis-moi, as-tu entendu parler d’un certain Monsieur Cissé qui est là dans le
village pour dit-on ouvrir un commerce ?
Le Chef du village
Oui… L’autre jour je l’ai vu, et il m’a parlé de cette histoire. D’ailleurs, j’ai
demandé aux notables de venir aujourd’hui, pour voir si on doit lui accorder
un terrain. Monsieur Cissé aussi sera des nôtres. Et toi, aussi je te remercie
de rester car nous avons besoin de tes conseils, toi le plus vieux d’entre
nous.
Sur ces dernières paroles, les trois notables arrivent saluent le chef du
village et le vieux sage.
Les trois ensemble
Assalamalekum !
Le chef du village et le vieux
Malekum Salam !
Les trois notables serrent la main du Vieux en répétant trois fois le nom
Vieux, celui-ci fait de même pour chaque notable, puis c’est au tour du chef
du village.

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Le chef du village
Je suis heureux que vous soyez là… je pense que Monsieur Cissé ne va pas
tarder à arriver. Mais en attendant, je peux déjà vous exposer les faits !
Voilà, monsieur Cissé est venu me voir l’autre jour pour me dire qu’il veut
ouvrir un grand magasin d’alimentation ici dans notre village. Je lui ai dit
que moi-même, je ne suis pas contre, mais il faut que je me concerte avec
les conseillers et les habitants.
1er notable
Combien nous offre-t-il pour l’implantation de son magasin ?
Le Chef du village
Il est prêt à nous donner beaucoup d’argent…
2ème notable
Je pense que notre village a besoin d’un grand commerce, ça va contribuer
à son développement.
3e notable
Moi, je pense qu’il faut voir les conséquences que cela peut avoir sur le
village. N’oubliez pas que les habitants vivent surtout de petits commerces,
notamment les femmes.
Monsieur Cissé arrive.
Monsieur Cissé
Assalamalekum !
Les autres
Malekum Salam !
Monsieur Cissé serre la main de chaque personne présente en disant son
nom trois fois. Chaque personne lui répond en répétant son nom, trois fois.
Monsieur Cissé
Je suis heureux de vous trouver tous là. Alors, avez-vous pris une décision ?
3e notable
Moi je pense qu’un grand commerce ici peut tuer la vie de notre village.
Monsieur Cissé
Mais je suis prêt à vous donner l’argent qu’il faut ! Et n’oubliez pas que
j’installerai des réfrigérateurs pour conserver les aliments, et avec ça, il n’y
aura pas de problème d’hygiène.
1er notable
Comme vous le voyez ce n’est pas un homme qui vient les mains vides… et
puis, il dit des choses très réfléchies…

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

3e notable
Moi, je dis que ce commerce n’est pas bon pour nous…
Le chef du village
Pourquoi dis-tu ça ? Il ne se passe jamais rien ici ! Pour une fois que
quelqu’un veut faire quelque chose, pourquoi s’y opposer ?
Le vieux sage
Ce n’est pas s’y opposer, mais nous ne pouvons pas accepter une décision
de cette manière… c’est trop rapide… Je me souviens dans mon enfance,
lorsque les gens devaient prendre une décision, ils discutaient beaucoup
avant… Aujourd’hui, on ne prend plus même plus la peine de se parler. Je
pense qu’il faut laisser parler les femmes. D’ailleurs elles sont là, elles
attendent !
Le Chef du Village fait un signe à son fils pour qu’il aille appeler les femmes. Trois
femmes arrivent.
Le fils arrivant près des femmes
Bonjour les femmes, mon père vous demande de venir.
Les femmes
Assalamalekum !
Tout le monde répond.
Malekum Salam !
Le chef du village
En se tournant vers une des femme.
Thiome, nous voulons avoir ton avis sur un sujet très important pour notre
village. Tu sais déjà de quoi, il s’agit ! Monsieur Cissé voudrait ouvrir un
grand magasin d’alimentation au village. Qu’est-ce que vous les femmes,
vous avez à dire !
Thiome
Ce magasin, nous les femmes nous sommes contre !
1er notable
Et pourquoi vous êtes contre ? Vous ne savez même pas ce qu’il nous
propose !
2ème femme
Ce qu’il propose, nous savons que ce n’est pas bon pour nous. Il va vendre
du poisson, et nous on gagne notre vie en vendant du poisson. C’est comme
ça que nous pouvons nourrir nos enfants. Je vous le dis, si vous laissez ce
monsieur ouvrir son magasin, ça fera notre malheur.

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

Monsieur Cissé
Vous pourrez travailler dans mon magasin…
3ème femme
Nous on veut pas travailler dans ton magasin. Nous on veut vendre notre
poisson. Tous les toubabs ou les africains qui vivent ici, et qui ont de
l’argent vont venir dans ton magasin et nous, qu’est-ce qu’on va devenir ?
1er notable
Vous les femmes, vous ne pensez qu’à vous, et jamais au village et à son
développement !
1ère femme
Le développement ? Tu vois bien ce que ça donne. Les gens qui vivent Là-
bas à Dakar, ont encore plus faim que nous. Nous, c’est notre poisson qui
nous aide à vivre et c’est tout ce que nous avons !
Le vieux sage
En marchant derrière le dos des personnes présentes.
Mes amis ! vu la situation, il faut que nous trouvions un compromis. Les
femmes, elles veulent continuer leurs activités, et je les comprends. car
dans le magasin de Monsieur Cissé Il n’y aura pas du travail pour tout le
monde. Sinon, il faudra compter sur nos enfants qui ont quitté le village et
qui travaillent en ville, mais la plupart du temps ils nous oublient. Nous
devons nous en sortir par nous-mêmes. Les femmes que proposez-vous ?
4ème femme
Nous voulons continuer à vendre notre poisson qu’on va acheter aux
pêcheurs… Ce monsieur-là, s’il va voir les pêcheurs, ils ne voudront plus
nous les vendre au prix habituel…
Thiome
Nous, on n’a rien contre toi… ni contre le développement, mais la vie risque
de devenir encore plus dure pour nous et nos enfants.
3ème femme
Si tu construis ton magasin, il faut que tu achètes le poisson avec nous et
non avec les pêcheurs.
Le chef du village
Qu’en pensez-vous Monsieur Cissé ?
Monsieur Cissé
Moi, je voudrais les acheter au prix que proposent les pêcheurs….
Les 4 femmes en même temps
Alors, tu ne restes pas ici.

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A Paper Prepared for the African Arts Education Conference 2001 in South Africa

1er notable
Ce n’est pas vous les femmes qui devez prendre des décisions pour le
village. C’est nous, c’est nous les notables qui décidons pour le village !
Le Vieux sage
Je suis triste de voir que vous n’arrivez pas à vous entendre. Autrefois,
quand il s’agissait de prendre une décision, on le faisait dans le souci de
satisfaire tout le monde. Toute la communauté devait en tirer partie… mais
la vie a bien changé. Je pense que les femmes ont trouvé la solution. Il faut
que M. Cissé leur achète le poisson qu’elles-mêmes auront acheté aux
pêcheurs… comme ça, tout le monde sera satisfait.
2ème notable
Vieux, tu as bien parlé… Moi aussi, je suis d’accord avec la décision des
femmes !
Tous les autres
Eh bien, nous aussi on est d’accord !
Le chef du village
Eh bien Monsieur Cissé, c’est à vous maintenant de réfléchir sur ce qui vient
d’être décidé. Nous pourrons nous revoir la semaine prochaine.
Tout le monde se salue.

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Un arbre en colère

Fatou arrive devant un grand oranger Elle essaie de cueillir un fruit. L’arbre se met
à gronder. Fatou retire sa main et recule.

Fatou
Bonjour arbre !
L’arbre
Bonjour !
Fatou
Je suis venue cueillir quelques oranges pour les amener au village.
L’arbre
Cueillir des oranges ? Il n’en est pas question !
Fatou
Et pourquoi ne me laisses-tu pas cueillir les oranges ?
L’arbre
Parce que depuis plusieurs jours j’ai soif, il n’y a pas eu une seule goutte de
pluie et vous les humains vous ne daignez même pas m’arroser… et vous
voulez que je vous donne mes oranges ?
Fatou
Je prends juste quelques oranges, rien que pour moi et mes enfants.
L’arbre
tu n’auras aucune orange, ou alors il te faudra m’arroser tout le temps. Je
veux dix litres d’eau par jour !
Fatou
Dix litres d’eau ?
L’arbre
Si tu veux que mes fruits soient juteux il faudra beaucoup m’arroser.
Fatou
Arbre, ne soit pas dur avec nous, on a besoin de manger au village.
L’arbre
Et moi, j’ai besoin de boire… D’ailleurs, tu ne devrais pas rester là car les
singes vont bientôt arriver.
Fatou
Les singes ?

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L’arbre
Oui, les singes… eux aussi adorent manger des oranges.
Fatou
mais si tu les laisses manger tes fruits, il n’y aura plus rien pour nous !
Pourquoi fais-tu ça ?
L’arbre
Parce que les singes, eux, ne nous coupent pas les branches à moi et à mes
frères. Vous les hommes vous nous tuez et vous nous transformez en
charbon.
Fatou
Le charbon, quel charbon ? Nous, on utilise le gaz pour faire cuire nos
aliments.
L’arbre
Vous nous tuez, pour en faire du charbon et vos maisons, parfois vous nous
tuez pour rien parce que vous les hommes vous ne savez que tuer.
Fatou
C’est d’accord, arbre, je viendrai t’arroser tous les jours, mais ne demande
pas autant d’eau. Je ne pourrai porter que cinq litres d’eau.
L’abre
Alors, tu n’auras droit qu’à cinq oranges !

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Les partenaires qui nous sont soutenu pour ce projet :

Africalia

UNESCO

Editions Le Carbet

La MAPI (Maison Africaine de Poésie Internationale

Association « Les amis de Toubab Dialaw »

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Bibliograhie

Enseigner avec aisance grâce au théâtre, 2ème édition - Gérard Quentin, Chronique
sociale – 2004

L’invention des ateliers d’écriture en France, Isabelle Rossignol – Ed. l’Harmattan – 1996

La Parole traditionnelle, Jean Cauvin, Les classiques africains-Editions Saint-Paul – 1980

Guide des méthodes de travail – Nouvelle édition – Michel Coéffé – Dunod - 1993

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