Vous êtes sur la page 1sur 9

Les

rése
aux
islam
istes

Avec la fin de la guerre froide et la défaite


du camp soviétique, beaucoup de
mouvements révolutionnaires renvoient
dos à dos les modèles occidental et
communiste. Une certaine défiance envers
une modernité importée favorise un retour
aux valeurs culturelles et religieuses
traditionnelles, notamment dans le monde
arabo-musulman, qui voit l'émergence de
mouvements armés se réclamant de
l'islam.

Sunnites et chiites

Pour contrer le nationalisme arabe allié de Moscou, les États-Unis ont longtemps appuyé (certains
disent « instrumentalisé ») pendant la guerre froide les mouvements se réclamant de l'islamisme
– idéologie politique prônant l'instauration de l'État islamique conformément au Coran et à la
Sunna.

Au lendemain de la révolution iranienne de 1979, l'islamisme s'impose comme une alternative


politique dans bien des pays musulmans. Une farouche lutte d'influence s'engage alors entre le
pôle chiite – l'Iran – et le pôle sunnite – l'Arabie saoudite –, afin de contrôler les mouvements
nationalistes et terroristes naissants. Les deux berceaux des deux grandes branches de l'islam, se
livrent, par leur action directe ou par des relais musulmans interposés, à une sorte de surenchère
théocratique et financière supposée rendre à la Oumma (la communauté des croyants) son éclat
originel.

La théocratie des Talibans

Le terme de Taliban ou Taleb signifie littéralement « étudiant en religion ». Il désigne une nouvelle
force théologico-politique qui émerge durant l'été 1994 en Afghanistan. Les Talibans sont issus
des « madrasas », les écoles coraniques privées qui fleurissent au Pakistan, institutions sunnites
se réclamant de l'école déobandi, du nom d'une célèbre faculté de théologie musulmane située en
Inde, près de Delhi.
Avec l'aide de leurs parrains pakistanais de la
même ethnie qu'eux (Pachtoune), le soutien
financier de l'Arabie saoudite et un
encadrement militaire américain clandestin,
les Talibans enregistrent des succès militaires
fulgurants de l'automne 1994 à mars 1995. Ils
s'emparent de Kaboul le 27 septembre 1996.
Deux ans plus tard, ils contrôlent la presque
totalité de l'Afghanistan. La Charia est
appliquée à la lettre. Les femmes,
recouvertes des pieds à la tête du « tchadri »,
n'ont plus le droit à une activité
professionnelle, ni accès aux soins médicaux.
Les cerfs-volants des enfants et la musique Ph. (c) IGDA - G. Dagli Orti
sont aussi interdits.
Pages du Coran rédigées en caractères thuluth, retrouvées à
Damas et datées du XIVe siècle.

De la Caspienne à la Chine

Autour de leur fief de Kandahar (au sud du pays), les Talibans installent des camps d'entraînement
qui forment les terroristes islamistes des Gama'a islamia d'Égypte, des groupes islamiques armés
algériens, des commandos yéménites d'Al-Islah et d'autres factions islamistes que l'on rencontre
en Somalie, au Soudan, au Cachemire ou aux Philippines.

Carrefour névralgique des routes des armes et de la drogue (le pays des Talibans est le premier
producteur mondial d'opium et fournit 80 % de l'héroïne consommée en Europe), l'Afghanistan
comme le Pakistan servent également de refuge aux rebelles tchétchènes, mais aussi à la plupart
des factions wahhabites – école théologique saoudienne qui inspire l'islamisme sunnite radical
contemporain. Leur influence alimente d'autres conflits de la zone Caucase, de la Géorgie au
Kazakhstan jusqu'au Sud-Est chinois, au Xinjiang, où les minorités musulmanes Ouïghours sont
entrées en guérilla ouverte contre les forces gouvernementales qui protègent les gisements
pétroliers, mais surtout les rampes de lancement des missiles nucléaires chinois.

Islamo-nationalisme aux Philippines

En 1969, de jeunes universitaires philippins fondent le FNLM (Front national de libération des
moros – « arabes » en espagnol) qui entre en confrontation avec la politique de quadrillage
militaire menée par le président Marcos. Il revendique la création d'un État indépendant regroupant
les îles de Sulu, Palawan et une partie de Mindanao. Au début des années 1980, le mouvement
est supplanté par une organisation plus radicale : le Front islamique de libération moro (FILM). Les
cadres du FILM sont entraînés en Malaisie, au Pakistan et en Afghanistan. En juin 1997, après
plusieurs années de coups sporadiques plus ou moins spectaculaires, les activistes du FILM
enlèvent 43 employés de la compagnie d'État philippine National Oil qui effectuent des forages sur
l'île de Mindanao.

Une situation de guerre civile embrase de nouveau les provinces musulmanes du sud des
Philippines, d'autant plus qu'émerge une troisième composante islamiste radicale qui prône aussi
une « guerre sainte » sans concession jusqu'à l'avènement d'un État authentiquement islamique.
Le groupe Abu Sayyaf (« porteur de sabre » en arabe) est né.

Les dérives d'Abu Sayyaf

Le groupe Abu Sayyaf a été mis en cause dans l'explosion du World Trade Center de New York
(1993). Selon différentes sources policières, la même organisation serait également responsable
de l'attentat contre un Boeing 747 des Philippines Airlines qui assurait la liaison Manille-Tokyo.
Bilan : un mort et une vingtaine de blessés.

Le 25 avril 2000, des membres d'Abu Sayyaf prennent en otage vingt-et-un touristes sur une île
des Sulu. Le 3 juin 2000, ils exigent pour relâcher leurs prisonniers (transférés sur l'île de Jolo) un
million de dollars par otage. On est loin des revendications nationalistes de départ, d'autant plus
que des négociations sont engagées avec les émissaires de Manille. Elles portent principalement
sur la propriété des terres de plusieurs îles où les terroristes font cultiver du pavot par des
paysans à leur solde. Par ailleurs, ils ont installé des aérodromes de brousse desservant d'autres
organisations mafieuses et autres groupes pirates de cette « zone grise » entre la Malaisie,
l'Indonésie et l'archipel sud des Philippines.

Ici, comme dans les zones d'économie de guerre des GIA algériens, le terrorisme débouche sur
les affaires et constitue un moyen comme un autre d'accumuler des richesses et du pouvoir...

Pendant la terreur, les affaires continuent

L'action terroriste relève du secret et requiert, durant ses phases préparatoires, la


clandestinité. Les groupes terroristes doivent pouvoir se cacher et se déplacer d'un pays à
l'autre rapidement. L'approvisionnement en armes et matériel électronique réclament savoirs
et expertises. Les « réseaux dormants », des infrastructures d'accueil (planques et boîtes aux
lettres) susceptibles d'être réactivées, doivent être entretenus. Cette logistique coûte chère et
nécessite des moyens importants.

Le moyen de financement le plus classique est l'« impôt révolutionnaire », qui consiste à


prélever systématiquement des sommes auprès des acteurs économiques sur lesquels peut
s'exercer une pression (petits commerçants, hommes d'affaires, etc.). Ce type de financement
endogène peut déboucher sur la création de zones d'économie de guerre, lorsque les secteurs
de production et de distribution d'une région tombent sous le contrôle d'une organisation
terroriste.

D'une manière exogène, ce type de financement touche les diasporas des communautés au
nom desquelles agissent les terroristes.

Ces financements qui, à l'origine, sont considérés comme des moyens, peuvent devenir le but
ultime de l'activité terroriste, qui finit par s'identifier aux circuits mafieux et aux logiques du
crime organisé classique (vols, otages échangés contre une rançon, trafic de drogue).

Les financiers de la mort

Le milliardaire saoudien Oussama Bin Laden est régulièrement présenté comme le banquier
du terrorisme islamiste. Certes, sa fortune personnelle et celle de sa famille ont beaucoup
servi à financer les réseaux « afghans », mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt... En effet,
jusqu'à la guerre du Golfe, l'Arabie saoudite a officiellement financé le Front islamique
algérien (FIS) et d'autres organisations islamistes dans l'ensemble du monde arabo-
musulman. Ce financement continue aujourd'hui de manière privée ou par l'intermédiaire de
fondations et d'organisations non gouvernementales saoudiennes.

Véritable puissance économique disposant de ses propres banques et circuits de distribution,


la Confrérie égyptienne des Frères musulmans constitue l'autre volet du financement du
terrorisme islamiste sunnite. Ces deux partenaires ne financent jamais le terrorisme en « droite
ligne », et pratiquent ce que les experts appellent le « blanchiment à l'envers » – de l'argent
« propre » devient progressivement sale, au fil des montages de sociétés écran. Les
« financiers de la mort » investissent simultanément dans des activités légales. À travers les
paradis fiscaux et les places offshore se constituent ainsi des « zones grises », qui posent bien
des problèmes aux enquêteurs anti-terroristes, qui s'y trouvent confrontés aux multiples
raffinements du secret bancaire.

 Tchétchénie 
  République de la Fédération de Russie, au nord du influentes dans tout le Caucase.
Caucase. Bordée par les républiques de Russie au
nord, d'Ingouchie à l'ouest, du Daghestan au nord-   L'empire russe et la conquête du
est et par la Géorgie au sud, elle a pour capitale
Grozny, située au cœur du pays. En butte à
Caucase
l'occupant russe puis soviétique depuis plus de deux
siècles, la Tchétchénie a été récemment le théâtre   À partir du milieu du XVIIIe siècle, sous le règne de
de deux conflits meurtriers, l'un en 1994-1996 et Catherine II de Russie, est entreprise la conquête
l'autre en 1999-2000. systématique du Caucase. Entre 1829 et 1864, les
Tchétchènes résistent vigoureusement à la
pénétration russe, notamment sous l'impulsion de
Géographie l'imam Chamil, qui doit cependant se rendre en
1859. Sanglante, cette conquête coloniale
  S'étendant sur plus de 19 000 km2, la Tchétchénie s'accompagne de déportations des populations
se divise en deux entités géographiques distinctes : caucasiennes vers la Sibérie, de réimplantation
au nord les contreforts du Caucase et au sud le d'autres populations – tels les Cosaques – ou d'exils
relief accidenté de ce massif, culminant à près de forcés vers la Turquie ou l'Arménie.
5 000 m. Le pays est traversé d'est en ouest par la
rivière Terek et du nord au sud par l'Argoun.   Implantation du pouvoir soviétique et
répression stalinienne
  Au début des années 1990, la population de la
Tchétchénie s'élève à environ 1 000 000 habitants.
À l'issue de la première guerre de 1994-1996, qui   Après la révolution d'Octobre, la Tchétchénie
fait de nombreux réfugiés, la population est estimée proclame son indépendance (mai 1918) et combat
à 750 000 habitants. les soldats russes blancs du général Denikine
(opposés aux bolcheviks). Après la défaite des
Russes blancs (1920), l'Armée rouge occupe la
  Les principales ressources naturelles de Tchétchénie, rencontrant une certaine résistance.
Tchétchénie sont le gaz naturel et le pétrole, dont
les plus importants gisements se trouvent autour de
Grozny.   La fin des années 1920 et le début des années
1930 sont marqués par une réaction armée à la
politique de collectivisation des terres. Les
Histoire Soviétiques répriment cette guérilla, déportant les
populations et procédant à de nombreuses
  Le peuple des montagnes exécutions. Différents statuts d'autonomie se
succèdent toutefois et, en 1934, Moscou unit la
Tchétchénie et l'Ingouchie, avant de créer la
  Les Tchétchènes appartiennent au groupe République socialiste soviétique autonome de
ethnique des Nord-Caucasiens, comme les Tchétchéno-Ingouchie, en 1936.
Ingouches, dont ils sont proches. Dans l'Antiquité, le
peuple dont les Tchétchènes sont issus (les
Gargares), établi un peu plus au sud, affronte les   Lorsque la Seconde Guerre mondialeéclate, les
légions de Pompée (en 66 av. J.-C.). En dépit de sa Tchétchènes sont mobilisés au sein de l'Armée
supériorité militaire, Rome ne parvient pas à rouge. À l'été 1942, la Wehrmacht lance une grande
s'imposer dans la région, dont les habitants se offensive sur Stalingrad, visant à s'assurer, plus au
retranchent dans les montagnes, difficiles à sud, le contrôle des champs de pétrole du Caucase.
atteindre. Les Allemands occupent alors très brièvement le
nord-ouest du Caucase, sans atteindre la
Tchétchénie et ses gisements pétroliers. Pourtant,
  Au XIIIe siècle, les Mongols, puis les khans de la Staline accuse les Tchétchènes de collaboration
Horde d'Or, ne parviendront pas plus à contrôler ce avec les nazis. À partir de janvier 1944, la
peuple montagnard et se contenteront d'une sujétion population tchétchène est nsoumise à des
théorique. C'est aussi à partir du XIIIe siècle que les déportations massives vers l'Asie centrale.
Tchétchènes s'islamisent, sous l'impulsion de leurs
voisins du Daghestan. De confession sunnite, ils se
regroupent autour de plusieurs sectes soufies,   La République autonome de Tchétchéno-Ingouchie
n'est rétablie qu'en 1957. Les populations déplacées
se voient alors autorisées à rentrer chez elles.   La seconde guerre de Tchétchénie
  L'indépendance et la première guerre   En janvier 1997, le modéré Aslan Maskhadov est
(1994-1996) élu à la présidence de la république. Toutefois, il ne
parvient pas à ramener l'ordre : les anciens chefs de
  L'ampleur des violences commises par la Russie guerre continuent d'exercer leur pouvoir sur les
impériale puis soviétique permet d'interpréter la populations, tandis que des mouvements
persistance tenace d'un sentiment de défiance à fondamentalistes musulmans se développent.
l'égard de Moscou. Le 19 août 1991, l'ancien
général de l'armée de l'air Djokhar Doudaïev prend   Le 7 août 1999, des combattants islamistes
le parti de Boris Eltsine lors de la tentative de putsch tchétchènes mènent une opération armée au
des communistes conservateurs en Russie, puis, Daghestan. En réaction, Moscou bombarde leurs
profitant du flottement à la tête du Kremlin, s'empare bases en Tchétchénie. Dans le même temps, une
du pouvoir. En septembre 1991, les Ingouches se vague d'attentats attribués aux Tchétchènes fait plus
séparent de la république autonome et, le mois de 300 morts en Russie, dressant l'opinion publique
suivant, Doudaïev est élu président de la république contre les ‹ bandits ›. Le 1er octobre 1999, l'armée
de Tchétchénie, déclarée indépendante en russe entre en Tchétchénie, procédant à des
novembre. bombardements massifs avant d'attaquer la capitale,
le 14 décembre. Le 6 février 2000, Vladimir Poutine,
  Moscou choisit de temporiser, soutenant les clans alors président par intérim, annonce la fin de
opposés au général-président, avant de tenter un ‹ l'opération de libération de Grozny ›. Toutefois, si
coup de force, le 26 novembre 1994. Toutefois, les combattants ont évacué Grozny le 1er février, ils
l'opération ‹ éclair › s'embourbe face à la se sont réfugiés dans les montagnes du sud, d'où ils
détermination des petites unités de combattants continuent de harceler l'armée fédérale.
tchétchènes, mobiles et bien armés, qui infligent de
lourdes pertes aux troupes fédérales.   Ce second conflit achève de ruiner un pays
dévasté. La population civile a payé un lourd tribut :
  En avril 1996, les Russes parviennent àéliminer devant les violences russes 250 000 Tchétchènes
Doudaïev, sans pour autant mettre fin à la ont fui vers les républiques voisines. En Russie,
résistance des boïviki (combattants), notamment Vladimir Poutine a utilisé cette intervention militaire
dans Grozny. Le 31 août 1996, le général Alexandre comme un argument électoral, contribuant à son
Lebed, secrétaire du Conseil de sécurité, négocie la accession à la présidence, en mars 2000. Elle lui a
cessation des hostilités en échange du retrait des aussi permis de réaffirmer face à l'Occident la
troupes russes. La Tchétchénie est victorieuse mais puissance de la Russie dans cette région instable.
exsangue. Le conflit a fait plus de 80 000 morts, Pourtant, la situation militaire est loin d'être réglée.
Grozny est dévastée et les infrastructures Le conflit tchétchène reste un dossier brûlant pour le
économiques du pays sont détruites. gouvernement russe.

 islam - Nationalismes et islamismes 


  Dès la fin du XVIIIe siècle, les structures sociales musulmanes, souvent sclérosées, ont été secouées par l'irruption du monde
occidental moderne. En Égypte, sous le triple choc de la philosophie des Lumières, de l'expédition de Bonaparte (1798-1801) et
de la révolution industrielle en Europe, des intellectuels égyptiens et syro-libanais ont contribué à la nahda, (‹ renaissance ›) qui
a progressivement influencé nombre de pays musulmans, colonisés ou non.

  La nahda a été dominée par deux grands courants de pensée. Le premier est celui du modernisme libéral inspiré par Rifa'a al-
Tahtawi (1801-1873), dont une phrase résume la philosophie : ‹ Que la patrie soit le lieu de notre commun bonheur que nous
bâtirons par la liberté, la pensée et l'usine. › Le second est le fondamentalisme musulman, ou salafiyya (retour aux Anciens),
dont le chef de file est Muhammad 'Abduh (1849-1905), disciple de Jamal al-Din al-Afghani ; il prône le retour aux sources de la
religion, mais souligne aussi que cette démarche jointe à l'exercice du bon sens doit permettre de concilier l'islam et le monde
moderne. Parallèlement, en Turquie, sous le califat ottoman, s'est développé le mouvement des tanzimat, (‹ réformes ›), et celui
des Jeunes Turcs qui feront école au Maghreb, notamment.

  Ces différents courants trouveront leurs prolongements, au XXe siècle, dans les mouvements et les partis politiques
nationalistes, d'une part, fondamentalistes, intégristes ou islamistes, d'autre part. Au-delà des querelles de terminologie, ces
mots désignent une même démarche : agir sur la société et les institutions, pacifiquement ou par la violence, pour rétablir la
charia.

Les mouvements nationalistes


  Les luttes anticoloniales entamées au XIXe siècle et le démantèlement de l'Empire ottoman, en 1918, ont favorisé l'émergence
des idéologies nationalistes et la création d'États-nations en terre d'islam. Ainsi, Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie
moderne, a-t-il aboli le califat, en 1924, et proclamé la laïcité.

  L'arabisme, ou nationalisme arabe, s'est exprimé, lui, sous diverses formes. Une confusion est souvent faite, en Occident,
entre arabisme et islam, alors que les arabes (250 millions environ) ne constituent qu'une minorité parmi les musulmans et que
tous ne sont pas musulmans, puisque de 5 à 8 % d'entre eux sont chrétiens.

  L'arabisme entend réaliser l'unité du monde arabe sur une base politique et culturelle. Parmi ses avatars, on trouve le parti
Baas (Renouveau arabe), qui a vu le jour en Syrie dans les années 1940 et qui est toujours dominant dans ce pays et en Irak, et
le nassérisme, qui a été instauré en Égypte par les Officiers libres, dans les années 1950.

  Les nationalismes panarabe, panturc, paniranien, etc. et les nationalismes locaux (indonésien, égyptien, tunisien, marocain...)
sont dénoncés par les islamistes comme la négation de la umma et de l'universalisme musulman.

Les mouvements islamistes


  C'est sur cette toile de fond que Hasan al-Banna (1906-1949) a fondé, en 1928, en Égypte, la confrérie des Frères
musulmans ; violemment combattue sous la monarchie et sous la République proclamée par Nasser (mort en 1970), elle a
néanmoins été la matrice de la plupart des mouvements (plus de cent, dans les seuls pays arabes) qui se réclament de l'islam
radical. Nombre d'entre eux, dont le Front islamique du salut (FIS) algérien, ont été financés directement ou indirectement par
l'Arabie Saoudite qui, dans les faits, applique le slogan des Frères musulmans, ‹ Le Coran est notre Constitution ›. Par ailleurs,
l'influence du Pakistanais mawlana Abul-'Ala' Mawdudi (1903-1980), autre théoricien de l'islamisme, s'étend bien au-delà des
frontières de son pays.

  La défaite de l'Égypte et de la Syrie, en 1967, face à Israël et l'échec relatif des programmes de développement mis en œuvre
par les régimes nationalistes ont amorcé un recul de l'arabisme et alimenté la vague islamiste qui a abouti, en 1979, au
renversement du chah et à la proclamation de la République islamique d'Iran. La victoire de l'ayatollah Khomeiny a alors produit
une onde de choc dans l'ensemble du monde musulman et a eu plusieurs conséquences : radicalisation de mouvements
existants (comme le Hezbollah, au Liban), apparition de groupes, clandestins ou non, menant des actions violentes, voire
terroristes (comme le Hamas et le Jihad islamique, en Israël), constitution de groupes armés comme les GIA, en Algérie.
Néanmoins, la guerre Iran-Irak (1980-1988) a réduit l'influence de Téhéran en raison de la vieille et tenace hostilité séparant
sunnites et chiites. En outre, il n'existe pas une ‹ internationale islamiste ›, et les actions spectaculaires qui ont impressionné
l'opinion internationale n'ont pas été coordonnées à partir d'un centre unique. Les plus marquantes ont été l'occupation de la
Grande Mosquée de La Mecque, en 1979 ; l'assassinat du président Anouar el-Sadate, en 1981 ; les commandos suicides
menés contre les français et les américains à Beyrouth, en 1983 ; les prises d'otages, et les attentats commis à Paris, en 1986
et 1995 ; l'explosion du World Trade Center de New York, en 1993 ; les assassinats d'intellectuels, de prêtres, de religieuses et
de simples gens depuis l'arrêt des élections législatives et l'interdiction du FIS en Algérie, en 1992.

  La ‹ nébuleuse › islamiste est complexe. Elle révèle aussi des aspects paradoxaux ou inattendus. Pour faire barrage au
communisme et à l'URSS (avant son ‹ implosion ›), les États-Unis ont soutenu des régimes islamistes comme celui du général
Zia ul-Haq, au Pakistan. De même, on retrouve dans les groupes armés d'Algérie, et d'autres pays, les ‹ afghans ›, jeunes
Égyptiens, Saoudiens, Algérien... qui avaient été formés à la guérilla contre l'Armée rouge, en Afghanistan, par des agents de la
CIA.

  À la fin de la décennie 1990, des régimes islamiques sont au pouvoir en Arabie Saoudite – même si le régime monarchique est
plus conservateur que révolutionnaire –, en Iran, au Soudan, voire en Afghanistan. En outre, les partis islamistes jouent un rôle
politique certain en Jordanie, au Koweït, au Yémen, et ils agissent comme groupes de pression en Égypte, dans les pays du
Maghreb, en Turquie, au Pakistan et en Indonésie.

  Toutefois, les courants islamistes ne doivent pas revêtir une importance disproportionnée, car ils restent très minoritaires dans
la plus grande partie du monde musulman. En outre, des divergences ont surgi entre régimes et mouvements islamistes, qui
prennent des colorations nationales ou régionales. En fait, il existerait des islamismes. En ce qui concerne le statut de la femme,
par exemple, les femmes, en Iran, ont accès à l'école, votent et sont éligibles alors qu'en Arabie elles peuvent suivre des
études, mais ne peuvent ni voter ni conduire une voiture. En Afghanistan, en 1996, les taliban, étudiants-soldats, ont confiné les
femmes à la maison et leur ont interdit l'école, contrairement aux préceptes du Coran. Multiples, les causes de l'islam radical
sont autant idéologiques, politiques, économiques, sociales que culturelles et historiques.

  Pour ce qui est de l'islam, il s'avère que les observateurs ont sous-estimé la profondeur de l'attachement des populations
musulmanes à l'égard de leur religion, qui est vécue comme un vecteur décisif d'identité culturelle et donc comme un facteur de
résistance s'opposant aux différentes formes de néocolonialisme.

  Au seuil du XXIe siècle, le monde islamique se présente comme un monde en recherche, qui essaie de se restructurer suivant
de nouvelles lignes de force, qui tient fermement à‹ ne pas perdre son âme ›, mais, en même temps, entend ne pas rester en
arrière.

 terrorisme 
  Usage de la violenceà des fins politiques, visant à faire pression par la terreur.

  Si le terme terrorisme renvoie d'abord à la politique menée par les gouvernements révolutionnaires en France pendant la
Terreur (1792-1793), le terrorisme constitue toujours un mode d'action politique ayant systématiquement recours à la violence.
Les actes terroristes sont de multiples natures : assassinats, attentats visant les biens et les personnes, prises d'otages. Si les
motivations des terroristes peuvent être profondément divergentes, l'objectif immédiat est identique : susciter la terreur.

  Le terrorisme se définit donc avant tout par les moyens employés dans l'action politique et non en fonction des fins visées. On
peut néanmoins se poser la question fondamentale de la légitimité du recours à la violence dans certaines circonstances. Si on
considère a priori qu'aucune violence n'est légitime, le recours au terrorisme, et en particulier à ses variantes les plus extrêmes
(attentats aveugles, etc.), ne peut se concevoir que comme ultime recours face à une occupation militaire, une domination
coloniale ou une dictature n'autorisant ou ne tolérant aucune autre forme d'action politique (élections libres, manifestations
pacifiques, etc.). Dans une société démocratique, le recours au terrorisme paraît non seulement illégal mais inacceptable,
puisque d'autres moyens d'expression existent. Face à un régime totalitaire, il peut être l'ultime recours de l'opposition, à l'image
des actions terroristes menées par certains groupes de résistanceà l'occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Différents types de terrorisme


  Le recours au terrorisme a d'abord été le fait de mouvements politiques extrémistes, qui y ont recouru pour donner le maximum
de publicitéà leurs actions. Les régimes dictatoriaux et les périodes d'instabilité politique sont bien entendu des terrains
favorables à ce mode d'action.

  Le terrorisme politique

  Dans la période moderne, on trouve un premier exemple de cette forme de terrorisme révolutionnaire et romantique dans
l'action des anarchistes en Europeà la fin du XIXe siècle. Ces terroristes cherchent alors avant tout à viser les symboles du
pouvoir (familles régnantes, présidents et ministres), mais ils posent également des bombes dans des lieux publics. On trouve
des bandes anarchistes (qui, parfois, mêlent actions révolutionnaires et crimes de droit commun) en France et dans toute
l'Europe. Le terrorisme est également un mode d'action privilégié des sociétés secrètes nationalistes d'Europe centrale en lutte
contre l'Empire austro-hongrois et des groupuscules révolutionnaires russes. On retrouvera cette forme de terrorisme extrémiste
entre les deux guerres, par exemple dans l'Allemagne de la République de Weimar, où le recours à la violence politique, y
compris de type terroriste, est aussi bien le fait de l'extrême gauche que celui de l'extrême droite.

  Depuis la Seconde Guerre mondiale, divers groupes extrémistes à travers le monde ont recours au terrorisme politique. Si, en
Amérique latine, le recours au terrorisme a souvent été le fruit de l'échec de la guérilla face aux régimes militaires, il ne se
maintient dans des sociétés largement démocratisées que par une criminalisation croissante et l'abandon des objectifs
politiques au profit d'objectifs financiers, même si la rhétorique révolutionnaire demeure. Le monde occidental a également
connu une vague de terrorisme révolutionnaire pendant les années 1970 et 1980. Une frange de l'extrême gauche s'est
radicalisée et a fait le choix de l'action violente : Brigades rouges en Italie, Fraction armée rouge (ou bande à Baader) en
Allemagne de l'Ouest, Action directe en France, Cellules communistes révolutionnaires en Belgique. Hors d'Europe, l'Armée
rouge japonaise appartient aussi à cette mouvance. Ces mouvements, au départ avant tout engagés dans des actions
symboliques, ont été entraînés dans une spirale de violence qui les a privés de la sympathie d'une partie de l'opinion publique. Il
est enfin intéressant de noter les ramifications internationales de ces mouvements, à la fois liés entre eux et aux groupes
terroristes proche-orientaux, mais aussi aidés par les régimes communistes d'Europe orientale (RDA, entre autres). Cette
période a également été marquée par un terrorisme d'extrême droite, tout particulièrement en Italie, avec les mouvements
Ordine nuevo, " Ordre nouveau ", et Ordine nera " Ordre noir " (attentat de Bologne en 1980), dont l'action repose sur la même
logique : faire basculer les démocraties européennes dans l'instabilité par le recours à la violence extrême. Des conflits
politiques plus classiques, comme la guerre civile qui a commencé au début des années 1990 en Algérie, voient parfois le
terrorisme s'étendre et se banaliser au point d'atteindre quotidiennement les populations civiles.

  Le terrorisme indépendantiste

  À côté de ce terrorisme essentiellement révolutionnaire et politique, on trouve un terrorisme qui répond à des objectifs
nationalistes et qui est le fait de minorités nationales opprimées (ou qui se perçoivent comme telles). Ce terrorisme nationaliste
peut cependant également développer un discours révolutionnaire et se rapprocher ainsi du précédent. Les mouvements
indépendantistes slaves qui se manifestent au début du XX e siècle sont les premiers à répondre à ce modèle. Au lendemain de
la Seconde Guerre mondiale, les groupes nationalistes ayant recours au terrorisme se sont multipliés pendant et après la
décolonisation. Ainsi, en Palestine, les indépendantistes juifs regroupés au sein de l'Irgoun et du groupe Stern ont-ils mené de
nombreuses actions spectaculaires et sanglantes contre les forces armées britanniques et certaines personnalités. Les
mouvements de libération nationale en lutte contre la colonisation, comme le FLN (Front de libération nationale) en Algérie, ont
également souvent choisi de recourir au terrorisme ; dans le cas de ce pays, l'OAS (Organisation armée secrète), opposée à
l'indépendance, a fait aussi ce choix. En Europe, plus récemment, les indépendantistes basques de l'ETA (Euskadi ta
Askatasuna), les nationalistes irlandais de l'IRA (Irish Republican Army), les militants corses du FLNC (Front de libération
nationale de la Corse), les Arméniens de l'ASALA ou les Kurdes du PKK ont défendu leur cause par un recours systématique
aux actions terroristes contre les bâtiments, les représentants des forces de l'ordre ou, parfois même, de manière tout à fait
aveugle.

  Ce terrorisme nationaliste a connu ses plus grands développements au Proche-Orient, où les différents groupes palestiniens
(OLP [Organisation de libération de la Palestine], FPLP, etc.) ont choisi dans les années 1960 de recourir à un terrorisme
systématique à travers le monde (attentats, détournements d'avions, prises d'otages, assassinats de diplomates israéliens) pour
faire reconnaître leur cause. Utilisant l'impact croissant des médias dans les sociétés contemporaines, des mouvements
d'opposition armée comme l'OLP, l'IRA, l'ASALA ou le PKK choisissent le terrorisme, sachant qu'il est le moyen le plus sûr de
donner le plus large écho à leurs revendications. Plus encore, ils décident de mener leurs actions sur le territoire des pays
occidentaux jugés impliqués dans le conflit, donnant ainsi à leurs revendications une résonance internationale. La France ou
l'Allemagne ont ainsi été le terrain d'action privilégié du terrorisme international originaire du Proche-Orient (né aussi bien des
conflits israélo-arabe ou Iran-Irak, que de la guerre civile libanaise). Les intérêts et les citoyens israéliens et américains - et dans
une moindre mesure français et britanniques - ont été les cibles privilégiées de ces actions.

  Le terrorisme international

  L'internationalisation du terrorisme est ainsi le phénomène marquant des trente dernières années. Le recours à la violence
politique a bien sûr toujours existé, mais le fait d'" exporter " un conflit national ou révolutionnaire par le biais du terrorisme est
devenu fréquent. Certains États ont également manipulé ce terrorisme et n'ont pas hésitéà en faire l'un des moyens de leur "
politique étrangère ". Des pays comme la Libye, la Syrie, l'Iran ou le Soudan ont ainsi été accusés, de manière très étayée, de
soutenir et d'utiliser les mouvements terroristes proche-orientaux (palestiniens ou islamistes) au service de leurs intérêts, en leur
fournissant dans certains cas une véritable aide logistique. Si ce phénomène du terrorisme international d'origine proche-
orientale est en repli, d'autres conflits sont venus plus récemment prendre le relais, à l'image du terrorisme islamiste du GIA
algérien en France en 1995 et en 1996.

La lutte contre le terrorisme


  Le développement du terrorisme international a entraîné logiquement le développement des moyens de lutte antiterroriste de la
part des États visés. Cette lutte est délicate, en particulier dans les États de droit. En effet, il est difficile de lutter efficacement
contre ces mouvements en restant pleinement respectueux des règles du droit commun. Or, l'un des objectifs des terroristes est
généralement de pousser les gouvernements à répondre à la terreur par la terreur. Si la plupart des gouvernements
démocratiques ont répliqué par la constitution d'unités spéciales antiterroristes, par le vote de règles dérogatoires en matière de
détention préventive, ils se sont le plus souvent efforcés de demeurer dans les règles du droit usuel, malgré certaines décisions
critiquées : appels à témoin dotés de primes, emploi des services spéciaux. Le fait est que la lutte contre les réseaux terroristes
requiert des juges et des policiers spécialisés, d'autant que le terrorisme tend à devenir extrêmement complexe à appréhender.
Les mouvements terroristes sont de plus en plus liés au milieu de la grande criminalité organisée, qui, en retour, n'hésite pas à
recourir à leurs services. Il demeure toujours extrêmement difficile d'identifier les commanditaires d'un attentat, lequel n'est pas
toujours revendiqué. En revanche, les progrès de la prévention, notamment le renforcement des mesures de sécurité dans les
aéroports, ont sans doute permis de mieux maîtriser le phénomène. De même, le traumatisme spécifique des victimes
d'attentats ou de prises d'otages, et en particulier des civils, est de mieux en mieux traité.

Vous aimerez peut-être aussi