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Réacteurs polyphasés

Introduction
Dans cette deuxième partie consacrée aux réacteurs chimiques, nous examinons l’influence de la
cinétique physique (transfert de matière et de chaleur) sur le fonctionnement des réacteurs
comportant plusieurs phases. Étant donné l’importance industrielle de ce type de réacteurs,
chacun d’eux mériterait un traitement détaillé. Les principes généraux exposés dans la partie
précédente restent bien entendu applicables. Nous voulons seulement mettre en évidence ci-après
le couplage entre réaction chimique et phénomènes de transport.
Celui-ci intervient notamment pour modifier l’expression de la vitesse apparente de la réaction
qui figure dans les équations caractéristiques des réacteurs.

1. Réactions catalytiques fluide-solide


Dans la mise en œuvre des réactions de catalyse hétérogène, les réactifs présents dans un fluide
vont réagir à la surface active d’un catalyseur solide poreux. Les produits de la réaction repartent
de la surface catalytique vers le sein du fluide. L’accomplissement de la réaction implique
plusieurs étapes placées en série : diffusion à travers la couche limite entourant les grains de
solide (transfert externe), diffusion au sein du solide poreux (transfert interne),
adsorption/désorption à la surface, et réaction chimique proprement dite, en phase adsorbée. La
chaleur de réaction diffuse simultanément à l’extérieur et à l’intérieur du solide. C’est la plus
difficile de ces étapes en série qui impose sa vitesse. Nous en rappelons ci-après les résultats
essentiels. Les notations sont voisines de celles de ces auteurs, quoique les indices soient un peu
différents, compte tenu des nécessités de cohérence interne de l’exposé.

1.1 Transport externe et interne

Considérons un grain de catalyseur dans un lit fixe parcouru par un courant convectif de fluide.
Les densités de flux de matière ND et de chaleur Nw entre le fluide et la surface, à travers la
couche limite entourant le grain peuvent se mettre sous la forme :

L’indice e caractérise le fluide extérieur baignant le grain et l’indice s caractérise les valeurs à
la surface. Les ouvrages de cinétique physique proposent des corrélations adaptées à chaque cas
pour prévoir les conductances de transfert de matière kD et de chaleur h, par exemple, des
formules de type Ranz et Levenspiel :

1

sont respectivement les nombres de Reynolds, Schmidt et Prandtl, u la vitesse en fût vide, dp

le diamètre équivalent du grain, respectivement les masse volumique, viscosité


dynamique, diffusivité moléculaire, conductivité thermique, capacité thermique massique du
fluide.
D’après l’équation (1), le flux maximal capable de traverser la couche limite externe est
NDmax= KD ce, en présence d’une consommationélevée au sein de la particule.

Exemple d’application : un lit de catalyseur de 0,5 m3 et de porosité externe e = 0,4 est traversé
par un fluide à la vitesse en fût vide de 0,8 m/s . Les particules sont sphériques de 6 mm de
diamètre. Le liquide a une masse volumique de 1 000 kg/m3 et une viscosité dynamique de 5 x
10 3 Pa · s . Il contient un constituant réactif de concentration 200 mol/m3 et de diffusivité 7 x
10 10 m2/s , qui subit à la surface des grains une réaction de décomposition très rapide. Quel est
le débit maximal de transformation du réactif en présence de limitation par le transfert externe ?

La surface extérieure des grains est :

Examinons maintenant le transfert interne. Le solide poreux est assimilé à un milieu pseudo-
homogène dans lequel le transfert se fait par diffusion selon la loi de Fick, caractérisée par une
diffusivité effective De

ND est la densité de flux rapportée à l’unité de surface de solide poreux et c est la concentration
qui règne localement dans le fluide des pores. De doit être déterminée expérimentalement.
Lorsque la distribution des diamètres de pores est resserrée, De s’exprime en fonction de la
diffusivité D dans le fluide des pores et de la porosité interne p :
p est la tortuosité des pores, généralement comprise entre 2 et 7.
Si le fluide est un liquide, D est simplement la diffusivité moléculaire du constituant considéré. Si
le fluide est un gaz, deux cas se présentent suivant les valeurs relatives du libre parcours moyen l

2
du gaz et du diamètre moyen d des pores :

De même, le transfert de chaleur interne se fait par conduction avec une conductivité effective e
telle que :

1.2 Diffusion de matière et de chaleur à l’extérieur et à l’intérieur d’un grain de catalyseur

1.2.1 Cas général


Traitons, à titre d’exemple, le cas d’une réaction de décomposition catalytique d’un constituant A
à la surface d’un catalyseur. Nous supposons la réaction exothermique, sans changement de
volume, et le catalyseur uniformément réparti dans tout le volume du grain poreux. Pour ne
pas trop compliquer les calculs, nous présentons le problème dans le cas d’un grain en forme de
feuillet plan d’épaisseur2 L. Les résultats sont qualitativement analogues pour d’autres formes
(bâtonnet, cylindre, sphère...). Le réactif A se décompose à mesure qu’il pénètre par diffusion
dans le grain poreux. Les équations de bilan de matière et de chaleur s’écrivent :

Les conditions aux limites sont, à la surface ( z = 0) :

3
Ces relations traduisent la continuité des flux externe et interne. Au centre de la plaquette ( z =
L), par raison de symétrie :

Supposons la réaction d’ordre n :

avec A facteur préexponentiel et réduisons les variables en posant :

Nous obtenons le système :

La réduction a fait apparaître cinq groupements adimensionnels.

4
Les valeurs de ces critères déterminent le régime de fonctionnement du grain de catalyseur et
l’allure des profils de concentration et de température (figure 1).
Soient la vitesse moyenne apparente de la réaction rapportée à l’unité de volume du grain, rs la
vitesse calculée dans les conditions de surface ( cs, Ts) et re dans les conditions du fluide externe
( ce, Te).
est observable expérimentalement et ce, Te sont mesurables dans le fluide. Nous définissons les
facteurs d’efficacité h s et h e par les relations :

Voyons quelques cas particuliers intéressants.

1.2.2 Réaction isotherme du 1er ordre limitée par la diffusion interne seule

5
1.2.3 Réaction isotherme d’ordre n limitée par la diffusion interne seule
Même conclusion que précédemment concernant l’existence des deux régimes limites. Toutefois,
en régime diffusionnel, l’expression de C n’est plus donnée par l’équation (6) et on trouve, pour
l’efficacité limite :

6
À condition de définir la dimension caractéristique L comme le rapport Vp/Ap
du volume à la surface externe du grain, le traitement ci-après est valable quelle que soit la forme
du grain. Les expressions rigoureuses de s pour d’autres formes sont, certes, différentes de
l’expression (7) mais elles admettent les mêmes limites s= 1 pour
.
La différence apparaît seulement dans la zone de raccordement de la figure 2 au voisinage de
s=1. Comme on utilise surtout ces critères, en pratique, pour savoir si le grain fonctionne
franchement en régime chimique ou en régime diffusionnel, la distinction est un peu académique.
Une conséquence pratique importante de l’équation (8) est que, en régime diffusionnel, la vitesse
apparente a pour expression :

l’ordre apparent est donc napp = (n+1)/2 et l’énergie d’activation apparente :

où ED est une éventuelle énergie d’activation de diffusion (cas des tamis moléculaires). Les
paramètres cinétiques apparents sont donc faussés par la limitation diffusionnelle.
Si l’on rappelle que, en limitation par le transfert externe, la vitesse apparente est de la forme

, on obtient le tableau 1 , qui permet de se rendre compte expérimentalement de la


présence d’une limitation par le transfert de matière et de la perturbation qu’elle entraîne.
L’inconvénient du module de Thiele défini par l’équation (9) est que son calcul fait appel à la
vitesse vraie rs qu’on ne connaît pas avec certitude si l’on soupçonne précisément une
falsification de la cinétique par la diffusion. Weisz a proposé un critère modifié entièrement
fondé sur des grandeurs observables :

7
Exemple d’application : Un réactif gazeux se décompose à raison de 8 mol/s dans un lit
catalytique de 0,5 m3 ( porosité externe 0,4) à 600 K sous une pression de 1 bar (105 Pa) . Le lit
est constitué de grains sphériques de diamètre dp = 15 mm . La diffusivité effective dans les
grains est De = 2 x 10 -6 m2/s . Y-a-t-il une limitation par la diffusion interne ?
Calculons le module de Thiele modifié. Pour des sphères :

Le réacteur fonctionne donc en régime de diffusion interne. Pour s’en affranchir, il faudrait
utiliser des grains de diamètre nettement inférieur à 7 mm.
1.2.4 Gradients de température internes et externes

En comparant les deux premières équations du système (5), on obtient :

8
qui s’intègre en présence de diffusion interne seule pour donner  = 1 + s(1 - C). En limitation
diffusionnelle interne sévère, C = 0 au centre du grain de sorte que l’écart de température
maximal est :

ceci donne une signification physique au critère s. De même, en comparant les équations (1) et
(2), on trouve, compte tenu de la thermicité de la réaction :
h ( Te - Ts) = kD ( ce - cs) H

En limitation par la diffusion externe, cs = 0 à la surface, de sorte que l’écart de température


maximal est :

Comparons les valeurs des deux écarts maximaux :

En utilisant des corrélations de type Sh ~ Re1/2 Sc1/3 ou Nu ~ Re1/2 Pr1/3 pour exprimer kD et h, on
obtient :

Compte tenu des ordres de grandeur de ces critères, on trouve pour les systèmes gaz-solide BiM/
BiT = 10 à 104. En conséquence, dans les situations pratiques usuelles, le gradient thermique est
plutôt localisé dans la couche limite externe :
Ts - Te >> T – Ts
Il n’en reste pas moins que, par le jeu de l’énergie d’activation, le fait que T > Ts peut entraîner
malgré l’appauvrissement en réactif au centre. On observe alors un facteur d’efficacité s > 1.
Cette situation est rare en pratique.

1.2.5 Cas général. Modèles simplissimes


Généralisant les définitions précédentes, on introduit les deux modules de Thiele :

et les deux critères modifiés :

9
En outre, il est commode de définir la fraction de résistance externe

Rappelons que

Entre toutes ces quantités existent les relations suivantes :

Le Goff et Zoulalian ont montré qu’on pouvait obtenir des solutions approchées du problème
général en le représentant par des modèles simplissimes. Ils ont obtenu les expressions suivantes :

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1.3 Influence des limitations diffusionnelles sur la sélectivité

Étant donné la falsification des cinétiques apparentes par la diffusion interne, qui affecte les
réactions d’une manière différente suivant leur ordre et les propriétés des constituants, la
sélectivité d’une transformation chimique est perturbée en régime diffusionnel. Nous ne pouvons
exposer ici le traitement mathématique de ce problème complexe. Des résultats relatifs à des
réactions typiques sont rassemblés dans le tableau 2.

Pour ce qui concerne les réactions indépendante s on constate que la limitation diffusionnelle
n’est favorable que lorsque le sousproduit est fabriqué avec un ordre supérieur à celui du produit
recherché.
Pour ce qui concerne les réactions consécutives , le freinage pardiffusion est toujours
préjudiciable à la sélectivité. En gros, le rapport k1/k2 du régime chimique est remplacé par
, ce qui peut entraîner des chutes de rendement de 50 %.

Exemple d’application : k1/ k2 = 4.


On trouve, en régime chimique, un rendement opératoire maximal YR/ A de 0,630 en réacteur
piston et 0,444 en réacteur agité.
Ces valeurs tombent respectivement à 0,333 et 0,229 en régime diffusionnel.

2. Réactions fluide-solide non catalytiques


De nombreuses opérations industrielles mettent en jeu des réactions entre un fluide et un solide
consommable : grillage des minerais, combustion du charbon, haut-fourneau, four à chaux,
lavage et dissolution des cristaux... Nous donnons ci-après quelques modèles de consommation
de particules.

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Le solide B initialement contenu dans une particule, par exemple sphérique, est au contact du
fluide A à une température et une concentration données.
2.1 Modèle à cœur rétrécissant
Supposons les particules de forme sphérique, de rayon initial R0. À mesure que la réaction entre
A et B progresse, un front pénètre à l’intérieur du grain et laisse derrière lui une couche de
produits solides (ou « cendres ») de même densité apparente que le solide initial. La réaction est
supposée isotherme.
Soit XB le taux de conversion de B exprimé en masse, en moles ou en volume (ce qui revient au
même dans le cas présent) :

avec nB et nB0 nombre de moles de B à l’instant final et à l’instant initial.


XB s’exprime, en fonction du rayon, par la relation :

d’où

Exprimons la vitesse de réaction comme étant la quantité de B transformée par unité de volume
de particules et par unité de temps, cette vitesse étant divisée par le coefficient stœchiométrique
v:

 Régime chimique
Soit k la constante de vitesse de la réaction, supposée d’ordre n par rapport à A et rapportée à
l’unité d’aire interfaciale du front de réaction (vitesse de surface). En régime chimique, la vitesse
s’écrit :

(16)
Dans cette expression, CA est la concentration de A dans le fluide à l’extérieur.
 Régime de transfert externe
L’apport de A est limité par le transfert externe, la concentration de A est très faible à la surface
du grain et la densité de flux de A en surface vaut NA = kDCA. Il vient :

(17)
 Régime de diffusion interne
L’apport de A est limité dans la couche de produit qui s’accumule autour du cœur encore vierge.
Soit De la diffusivité effective dans les «cendres». Faisons l’hypothèse que la diffusion l’effectue
en régime quasi stationnaire. Lorsque le rayon du cœur est R, le flux de A en provenance de
l’extérieur s’écrit :

12
où r est un rayon compris entre R et R0. Pour r = R0, C = CA (extérieur du grain) et pour r = R, C
= 0 (la réaction chimique est très rapide). L’intégration de (18) fournit :

On en déduit l’expression de la vitesse :

 Réaction chimique du 1er ordre, résistances en série


En désignant, d’une part, par CAs la concentration à la surface du grain au niveau de la couche
limite et, d’autre part, par CAi la concentration de A sur le front de réaction, la valeur commune
de la densité de flux s’écrit :

On en déduit l’expression de la vitesse :

 Cas particulier des particules plongées dans un environnement de propriétés


constantes
Pour obtenir XB en fonction du temps t, on écrit tout d’abord :

Connaissant B et MB, respectivement la masse volumique et la masse molaire de B, on en déduit


nB0 le nombre initial de moles de B :

À partir des définitions (12) et (13), on tire

avec comme conditions initiales XB = 0 ou R = R0 en t = 0.

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Tableau 3 – Modèle à cœur rétrécissant. Consommation de particules sphériques plongées
dans un environnement à propriétés constantes

L’équation (24) peut être résolue pour chacun des cas limites présentés ci-dessus (régime
chimique, régime diffusionnel dans les cendres ou régime de transfert externe). Les résultats sont
rassemblés dans le tableau 3 (respectivement cas 1, cas 2, cas 3). Lorsque toutes les résistances
interviennent simultanément, et dans le cas d’une cinétique de réaction du 1er ordre, il vient :

Soit, compte tenu de (23) :

Par intégration, on obtient :

Avec :

On remarquera l’additivité des trois processus linéaires placés en série.

2.2 Modèle à cœur rétrécissant avec élimination des produits

C’est le même mécanisme mais les produits de la réaction sont éliminés de la particule au fur et à
mesure de leur formation.
 Régime chimique

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Le comportement est identique au cas rencontré pour des particules pour lesquelles les cendres
resteraient en place.
 Régime de transfert externe
En revanche, les expressions relatives à la limitation diffusionnelle externe sont différentes ; en
effet, le rayon R de la particule varie avec l’avancement de la réaction, de même que la
conductance de transfert kD.
D’une manière générale, la vitesse s’exprime par :

Pour exprimer kD, on fait appel à la corrélation de Ranz et Marshall qui donne kD pour un
composé de titre molaire xA:

avec u vitesse moyenne du gaz


En régime de Stokes (chute libre), on a :

Au contraire, en régime turbulent, on obtient :

Les relations (30) et (31) jointes à (23) permettent de calculer R et XB. Les résultats sont reportés
dans le tableau 3 (cas 4 et cas 5).

3. Modèles de réacteurs catalytiques à lit fixe et à lit fluidisé

3.1 Réacteurs à lit fixe


Froment proposé une classification des modèles fondée sur trois critères (tableau 4).

 Uniformité de composition et de température


Les modèles pseudo-homogènes sont tels qu’on peut supposer que localement c = ce = cs et T =
Te = Ts. Ceci correspond aux conditions fe < 0,05, . Lorsqu’elles ne sont pas vérifiées, on doit
recourir aux modèles dits hétérogènes où les gradients de composition et de température locaux
entre liquide et solide sont pris en compte : c ≠ce ≠ cs et T ≠ Te ≠ Ts.
 Prise en compte des gradients radiaux

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Dans les modèles unidimensionnels, la composition et la température sont supposées ne varier
que selon l’abscisse axiale z. Dans les modèles bidimensionnels, on tient compte, de plus, des
gradients macroscopiques le long de la dimension radiale r.
 Prise en compte de la dispersion axiale et radiale
Les critères de choix dépendent des valeurs de fe et . Si fe < 0,05, la résistance externe est
négligeable. Si , la résistance interne est négligeable. Lorsqu’on connaît la vitesse apparente, les

calculs de fe et sont immédiats.


Lorsqu’on connaît l’expression analytique de la vitesse, on calcule

Le tableau 4 rassemble les équations des principaux modèles.

3.2 Réacteurs à lit fluidisé


Les relations (3) et (4) montrent que, pour réduire les résistances externes, il faut assurer un
niveau de turbulence élevé autour des grains (accroître le nombre de Reynolds). D’autre part,
pour réduire les résistances internes, il faut utiliser des grains aussi fins que possible. Ces deux
conditions sont difficiles à remplir en lit fixe à moins de consentir des pertes de charge
considérables. D’où l’idée de mettre en suspension le solide sur une grille dans un écoulement
ascendant de façon que le frottement du fluide sur les grains équilibre leur poids : on obtient un
lit fluidisé.
Selon les cas, la fluidisation est relativement homogène (cas d’un solide dans un liquide) ou
hétérogène (cas d’un solide dans un gaz). Il apparaît alors un bouillonnement intense de bulles
moins riches en solide, entourées d’une phase plus dense. La fluidisation permet d’utiliser des
catalyseurs de fine granulométrie (moins de 100 m),avec tous les problèmes d’envolement et
d’attrition que cela implique.
Le lit fluidisé est remarquablement isotherme (excellent transfert de chaleur). Ses inconvénients
majeurs sont le mélange intense des réactifs, qui le rend peu performant et peu sélectif (il est plus
proche d’un réacteur agité que d’un réacteur piston), et les difficultés d’extrapolation à l’échelle
industrielle. Les réacteurs à lit fluidisé sont connus depuis plus de quarante ans et ont donné lieu
à quelques réalisations industrielles marquantes : craquage catalytique du pétrole, grillage de
minerais, synthèse de l’acrylonitrile, oxychloration, combustions. Ils ont fait l’objet
d’innombrables travaux académiques. Deux grandes familles de modèles se disputent la faveur
des spécialistes :
 les modèles du type Davidson et Harrison, qui reposent sur l’analyse du mouvement
d’une bulle, et du transfert entre celleci et la phase dense, où a lieu la réaction ; il n’est
toutefois pas toujours facile de transposer les paramètres du laboratoire aux conditions
industrielles ;
 les modèles du type Van Deemter, décrits par Kunii et Levenspiel qui représentent le lit
comme formé de deux zones: une zone bulles, contenant beaucoup de gaz, et une zone
émulsion ou dense, contenant beaucoup de solide ; chaque zone peut présenter une

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dispersion axiale variable, suivant les modèles ; un transfert de matière a lieu entre les
zones ; la réaction chimique se produit essentiellement dans la phase dense.

Tableau 5 – Modèles de réacteurs catalytiques à lit fixe (réaction A produits)

Avec :

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4. Modèles de réacteurs à solide consommable

Deux cas de figure peuvent être envisagés : un réacteur parfaitement mélangé pour la phase
homogène (réacteur de Carberry), la plupart du temps utilisé au laboratoire pour faire des
mesures de cinétiques sur les particules en absence de résistance diffusionnelle externe, et le
réacteur tubulaire.
 Fluide en mélange parfait
Les relations (3) et (4) montrent que, pour réduire les résistances externes, il faut assurer un
niveau de turbulence élevé autour des Faisons l’hypothèse d’un solide à granulométrie unique,
l’évolution de la conversion du solide est assurée par une loi cinétique qui prend en compte le
rayon initial des particules R0, le taux de conversion du solide XB, et la composition de la phase
fluide CA. Ainsi la composition de la phase fluide évolue selon l’équation de bilan :

À cette équation il faut ajouter un bilan sur le solide :

La résolution de ce système d’équations permet, en partant de conditions initiales ( CA = CA0, et


XB = 0), de calculer les évolutions de CA et de XB en fonction du temps.
Un cas limite intéressant est obtenu lorsque la réaction de consommation de A est très rapide,
c’est-à-dire que FA = 0. Dans ce cas, on peut négliger le terme d’accumulation de A, et les
équations deviennent :

Si FA0 est constant, XB augmente linéairement en fonction du temps.

 Fluide en écoulement piston


En partant des hypothèses suivantes : comportement hydrodynamique du fluide en écoulement
piston, fonctionnement en régime isotherme (absence d’effets thermiques), on écrit des bilans
locaux :

18
Ce système d’équations doit etre assorti de conditions initiales et aux limites :
t = 0, XB=0 pour toute valeur de VR
VR = 0 , FA = FA0

Suivant la rapidité de la réaction, le réacteur aura des comportements très différents. Si la réaction
est très rapide, on observe un front de réaction qui avance proportionnellement au débit molaire
de A : FA0 (effet « cigarette »). Si au contraire la réaction est très lente, la conversion sera
homogène et identique en tout point du volume du réacteur et la conversion en sortie du réacteur
(courbe de perçage) sera linéaire en fonction du temps.
Enfin, pour une vitesse de réaction modérée, la courbe de perçage aura en sortie la forme
classique d’une courbe en sigmoïde. Pour les cas de figure présentés ci-dessus, l’hypothèse
majeure prise en compte est l’isothermicité de la réaction. Dans la réalité, les réactions gaz-solide
sont souvent exothermiques, de sorte qu’il est nécessaire d’assortir les équations de bilan de
matière d’une équation de bilan thermique et, suivant la thermicité de la réaction, on se satisfera
d’un bilan sur une ou deux dimensions.
Pour être complet, la prise en compte des pertes de charges s’avère indispensable, cette mise en
équations aboutissant à un système d’équations différentielles couplées qui sera résolu
numériquement ; en d’autres termes, si ce type de réacteur est de conception simple et est souvent
utilisé au laboratoire pour réaliser des tests, l’interprétation des résultats obtenus peut se révéler
parfois être très délicate.

5. Réactions fluide-fluide : cas particulier des réacteurs gaz-liquide

Les réacteurs gaz-liquide sont des dispositifs très utilisés dans des industries variées:
hydrogénations, oxydations, chlorations, fermentations, lutte contre la pollution, etc. Ils font
l’objet de nombreuses recherches, et mériteraient un traitement particulier. Nous nous bornons ici
à quelques indications générales et simplifiées.

Figure 3 – Absorption et réaction chimique. Modèle des deux films


5.1 Absorption sans réaction chimique

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Supposons qu’un constituant présent dans la phase gazeuse s’absorbe dans le liquide, et
représentons les profils de concentration dans les deux phases au voisinage de l’interface (figure
3).
Dans la théorie des deux films, on suppose que le transfert est réglé par la résistance dans un film
gazeux et dans un film liquide placés en série de part et d’autre de l’interface, où l’on postule
l’équilibre thermodynamique. La densité de flux de transfert s’écrit :

Les indices ont la signification suivante : G = gaz, L = liquide, i = interface, GL = global. H est la
constante d’équilibre de Henry.
D’après ces équations, la conductance de transfert globale k GL s’exprime, en fonction des
conductances des films gazeux et liquide, par l’additivité des résistances :

Si a désigne l’aire interfaciale par unité de volume de dispersion gaz-liquide, le flux absorbé par
unité de volume est :

Lorsque H est élevé (faible solubilité, exemple O2/eau), la résistance est localisée dans le film
liquide. Au contraire, lorsque H est faible (forte solubilité, exemple NH3/eau), la résistance peut
être localisée dans le film gazeux.

5.2 Absorption avec réaction chimique


Supposons maintenant que le constituant gazeux absorbable A soit susceptible de réagir
chimiquement après dissolution sur un constituant B présent dans le liquide :

Plaçons-nous dans le cadre de la théorie des deux films (figure 3) et supposons la réaction du
second ordre. L’évolution des concentrations dans le liquide près de l’interface est solution du
système :

avec les conditions aux limites :

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Rappelons que le coefficient de transfert est tel que .
Il n’existe pas de solution analytique générale au système (40) et (41). Deux cas particuliers
limites sont intéressants :
a) Le transfert de A à travers le film liquide est déterminant et CAL = 0 ; la densité de flux à
l’interface est alors :

b) Le phénomène limitatif est la compétition réaction-diffusion au sein du liquide.


Supposons de plus que CB = CBL (réaction du pseudo-premier ordre k1 = kCBL).

et la densité de flux à l’interface est :

Faisons le rapport de ces deux flux, nous obtenons le critère de Hatta :

Lorsque Ha est petit, cela signifie que les possibilités de transfert du film sont grandes devant la
consommation chimique et il n’y a pratiquement pas de gradient de concentration à l’interface.
On est en régime chimique. Au contraire, lorsque Ha est grand, le débit de consommation peut
être beaucoup plus grand que ce que peut transférer le film : on est en régime de transfert et la
réaction a lieu uniquement dans le film.
Dans le cas général, on écrit la solution du système (40) et (41) sous la forme d’une vitesse de
réaction apparente par unité devolume de réacteur :

On garde le formalisme (42) du régime de transfert et on le corrige par un facteur d’accélération


EA qui traduit en quelque sorte l’effet de pompage de la réaction chimique derrière le film. EA
est essentiellement fonction du critère de Hatta. La figure 4 représente graphiquement cette
fonction (diagramme de Van Krevelen-Hoftyzer).

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Figure 4 – Différents régimes de réactions gaz-liquide suivant la valeur du critère de Hatta.
Diagramme de Van Krevelen-Hoftyzer

On distingue principalement trois régimes de fonctionnement.

Type I : Ha < 0,02, 0 < EA < 1. Réaction lente.


L’aire interfaciale a n’est pas un paramètre critique. Par contre, le réacteur doit présenter une
rétention liquide L importante car la réaction a lieu dans tout le volume liquide :

Type II : 0,02 < Ha < 2, EA = 1. Réaction et transfert sont compétitifs.


a et L doivent être grands tous les deux. Dans cette zone, la mesure de r R = kL a CAi donne accès
au groupement kLa.

Type III : Ha > 2, EA > 1. Réaction très rapide.


L n’est pas un paramètre important ; par contre, il faut une aire interfaciale a très élevée. En
régime de réaction de pseudo-premier ordre EA = Ha, de sorte que la mesure de

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donne accès à l’aire interfaciale à condition de connaître k et (méthode chimique).

Remarquons que le régime hydrodynamique n’intervient pas, de sorte que peut être
mesuré indépendamment dans un réacteur de laboratoire.
À la limite, lorsque Ha   la réaction se fait dans une zone extrêmement mince parallèle à la
surface.

5.3 Conséquences sur le choix des réacteurs gaz-liquide

De nombreux dispositifs sont utilisés pour promouvoir le contact gaz-liquide. Citons la colonne à
gouttes (pulvérisation de gouttelettes dans le gaz), la colonne à film tombant, la colonne à
garnissage, inerte ou catalytique (réacteur à ruissellement), la colonne à bulles (dispersion de
bulles à contre-courant du liquide), la colonne à plateaux perforés, la cuve agitée mécaniquement
avec dispersion de bulles à la base…
Tous ces dispositifs ne présentent pas les mêmes valeurs de a et L (tableau6).

Tableau 6 – Aires spécifiques d’interface et taux de rétention du liquide dans quelques types de réacteurs gaz-liquide

En vertu de la discussion du paragraphe précédent, il est clair que la colonne à bulles est bien
adaptée au type I (réaction lente), la cuve agitée au type II (régime intermédiaire) et la colonne à
garnissage au type III (réaction rapide).

Exemple d’application : on veut absorber un gaz réactif A dans un liquide contenant un excès
de réactif B (concentration 2 mol/L). La réaction en solution est bimoléculaire de constante k =
0,8 m3·mol-1· s-1. La diffusivité de A dissous est estimée à Sachant que
les coefficients de transfert kL dans les réacteurs usuels sont compris dans la gamme 5 10 -5 à 5
10-4 m/s (corrélations), quel type de contacteur faut-il recommander ?
Calculons le critère de Hatta

d’où
2,26 < Ha < 22,6
On est en régime de type III, on peut donc recommander une colonne à garnissage.

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