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Instituto La Marseillaise

Mumbaï: Retour vers l'aventure


Je suis réveillée par une vibration un peu plus forte que les autres. Je ne sais pas combien de temps
j'ai dormi mais une annonce crachotante me fait savoir que nous atterirons bientôt. Par le hublot
serpentent des rivières qui étincellent au milieu d'une campagne verdoyante, parsemée de rares
villages auxquels mènent des chemins de terre rouge. L'avion amorce un long virage au-dessus de
montagnes ocre dont quelques maisons blanches dégringolent en désordre. Nous amorçons la
descente et les formes se précisent, la brume de chaleur se dissipe un peu et le maillage de maisons
se fait plus dense, les détails plus nets.
Brusquement, apparaissent des quartiers entiers : un amas de maison noyées dans un entrelacs de
ruelles sombres, cubes de ciment blancs et bleus et gris aux toits plats sur lequels sèche du linge
multicolore. Un arbre solitaire et déplumé posté en haut d'un bidonville côtoie une petit temple
éclatant de blancheur. Une grande artère tranche la ville dans le vif, encombrée de camions rouges
surchargés, de rickshaws noirs et jaunes hélés par des femmes en sari, de bus rouillés et de scooters
étincelants. La foule les évite avec habitude, se presse en tous sans vers des occupations connue
d'elle seule et fourmille sous mes pieds. Des abris sommaires couverts de bâches bleues
déchiquetées et de cailloux voisinent avec des tours de verre brillant. Quelques vaches nonchalantes
créent des embouteillages dont elles n'ont que faire. Les murs des immeubles sont noircis par la
mousson et le temps, des lessives familiales sèchent aux grilles de fenêtres donnant dans de
minuscules cuisines carrelées. Les cocotiers leur font ombrage et jouent avec un vent chargé de
poussière. L'air vibre dans la chaleur de l'après-midi mais ce n'est pas un mirge et je bois des yeux
cette ville de 16 millions d'habitants, ce pays qui s'offre à moi sans pudeur aucune : tel que je
l'attends, l'espère, le rêve et le crains depuis longtemps. Tou-toum, tou-toum, atterissage. A ma
sortie de l'avion, je suis cueillie sur le tarmac par une vague sèche et brûlante: welcome to Mumbai.

L'aéroport est étrangement désert et calme. Le temps de récupérer mon sac à dos, d'échanger mes
chaussures contre des sandales, de troquer des euros contre mes premières roupies et de demander
un pre-paid cab (taxi prépayé), me voilà partie chez Nandita, une indienne qui m'accueille chez elle
en couchsurfing. Je m'engouffre à l'arrière du taxi noir et jaune, esquisse un sourire à la moustache
du chauffeur et me cale dans la banquette avec un soupi d'aise. J'ouvre la fenêtre et me plonge avec

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béatitude dans le bain du voyage. Mes doutes d'avant le départ sont balayés en une seconde :
comment ai-je pu douter un seul instant que j'avais raison de repartir, que j'en avais besoin, que
c'était un équilibre qui m'est devenu essentiel ? Je dévore de tous mes sens un univers qui me
semble déjà familier et qui me happe instantanément. Je me retrouve en un flash dans tous ces
endroits que j'ai déjà vécus et aimés : Phnom Penh, Bamako, Istanbul. L'Afrique et l'Asie se mêlent
ici en un merveilleux capharnaüm. Tant de voyages m'ont déjà pétrie et façonnée et continuent de le
faire ! J'ai le sentiment presque immédiat d'être de retour chez moi, d'être à ma place dans ce
gigantesque embouteillage dont tente de s'extirper mon tacot. Je me remplis à fond de fumée, de
klaxons, d'odeur d'égoûts à ciel ouvert. Je détaille cet univers avec le goût de la découverte mais le
confort de la familiarité - ce n'était pas ici, qu'importe ! C'était déjà Ailleurs. J'ai l'impression que je
suis enfin dans le pays que je cherchais, celui qui rassemble tous mes autres voyages, mes envies,
mes bonheurs, mes questions, mes doutes, mes certitudes, mes malaises, mes amours. Je le
découvre au travers de ce prisme et je m'y sens en ces toutes premières minutes comme une épice
dans un masala dosa : étonnament bien.
Le chauffeur de taxi roule à gauche, à la britannique, et garde une main sur le klaxon tandis que
l'autre tricote les vitesses. La lumière est dorée et envahie d'une poussière qui recouvre tout. Des
motos se faufilent à grand renfort de klaxon entre les véhicules qui se pressent les uns contre les
autres dans une parfaite anarchie, la loi du plus fort semblant être de mise. Quelques piétons tentent
de traverser dans cette cohue et des femmes en impeccables saris flamboyants pressent le pas à
l'approche des camions croulant sous les décorations et qui semblent rechigner à ralentir. A l'arrière
est peint "Horn OK please" : tout le monde s'exécute de bonne grâce, des 4x4 flambants neufs aux
rickshaws décatis conduits par des hommes pieds nus. Les bus sans vitres sont emplis d'écoliers en
uniforme, de femmes en sari ou kurta et d'hommes en chemise claire qui crachent leur paan par la
fenêtre à intervalles réguliers : gare à celui qui se trouve dessous ! La palette des couleurs de peau
est incroyablement variée, allant du caramel au beurre au chocolat noir avec 90% de cacao. Un bus
à impériale passe en sens inverse, noyé dans un flot de rickshaws qui l'escortent tels des poissons
pilotes turbulents et déchaînés.
Le long de la route s'alignent
cahutes de tôle, bidonvilles, petits
immeubles sales, panneaux
d'affichage géants vantant la
dernière production
bolywoodienne ou un téléphone
portable dernier cri, guirlandes
lumineuses, baraques de planches
vermoulues, temples en
construction soutenus par des
étais de bambou, nuées de fils
électriques entremêlés. Les rez-
de-chaussée sont occupés par des
échoppes minuscules : coiffeur,
épicerie, tailleur pour dames,
vendeur de matériaux, aux murs
lustrés d'une crasse sous laquelle
on aperçoit parfois un bleu ou un
vert qui doit dater de l'époque coloniale. Les slogans sont peints en hindi sur les murs. La foule

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s'arrête, passe, repasse, tourne, discute, hèle, traverse, court, disparaît. Sous la voie rapide aérienne,
des petites filles en robe de princesse en lambeaux errent dans les ordures. Ca sent le plastique
brûlé, la friture, les égoûts, la pourriture et les épices. L'air saturé emmêle mes cheveux sales de
vingt quatre heures de voyage et mon pantalon me colle à la peau mais je m'en fous éperduement.
Ma mémoire enregistre sans répit, j'absorbe, je bois à longs traits et jusqu'à l'ivresse cette Inde que
j'ai enfin le courage d'affronter.
Les bâtiments s'espacent au fur et à mesure que nous pénétrons dans les banlieues et surgissent au
milieu d'étendues arides d'énormes barres d'immeubles collées les unes aux autres, constructions de
ciment gris sale aux traînées noires suintant des ouvertures avec toujours ces fenêtres grillagées
surchargées de vêtements aux couleurs qui semblent sortir d'une pub pour la lessive et qui sèchent
dans les gaz d'échappement. Nous doublons un train tressautant aux portes grandes ouvertes et aux
wagons bondés. Le " ladies only " est un flou mélange de couleurs vives, de bracelets clinquants, de
visages entraperçus à travers les barreaux des fenêtres, de femmes vendant des légumes dans de
grands paniers, d'autres assises sur le sol attendant de rentrer chez elles préparer dhal et chapatis. Au
dessus de la locomotive, baissés sur le toit, une grappe d'enfants brave la vitesse. Omniprésentes,
des corneilles croassent et parainnent tout cet univers de leur présence à la fois sinistre et incongrue
pour un occidental qui les imagine plus à leur place dans un champ hivernal que dans une ville
tropicale. Le taxi continuer de filer, la circulation se raréfie. Un cortège funéraire longe
nonchalamment la route : on a allongé une jeune femme aux yeux clos sur un brancard et seule sa
tête, soigneusement coiffée, émerge d'un amas de fleurs jaunes, blanches et oranges. Quelques
personnes suivent les hommes qui l'emmènent je ne sais où, évitant bus pressés et scooters
indifférents.
Welcome to India...

À toi!!
Connais-tu l'Inde?

Est-ce un pays qui t'attire? Pourquoi?

Raconte-moi le plus beau voyage que tu as fait dans ta vie. Les circonstances,
les personnes, les lieux... Fais un texte descriptif!

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