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La Marseillaise

CINÉMA : Où sont passés les


méchants chinois ?

Désireux de séduire leur plus grand marché à l’exportation et de ne pas déplaire à la censure
de Pékin, les grands studios américains veillent à donner une image positive de la Chine.

Lorsque, dans le film d’action Battleship des studios Universal, la Terre est assiégée
par des extraterrestres, Washington attribue aux autorités de Hong Kong le mérite
d’avoir découvert que les envahisseurs venaient d’une autre planète. Dans la récente
comédie romantique Des saumons dans le désert , relatant la construction d’un
barrage au Yémen, des ingénieurs chinois – personnages qui n’existent pas dans le
roman dont est tiré ce long-métrage – font montre de leur savoir-faire. Dans le film
catastrophe « 2012 », le secrétaire général de la Maison-Blanche chante les louanges
de la Chine et qualifie ses scientifiques de visionnaires pour avoir fabriqué l’arche qui
permet de sauver la civilisation.

Dernièrement, les références des productions hollywoodiennes à l’empire du Milieu se


multiplient. Certaines relèvent de la flatterie ou sont des ajouts gratuits destinés à
satisfaire des partenaires commerciaux et à courtiser le public du premier marché à
l’exportation. D’autres, selon certains réalisateurs, ne font que refléter l’essor de la
Chine en tant que puissance politique, économique et culturelle.

Quant aux personnages de méchants incarnés par des Chinois, ils ont tout bonnement
disparu. Les grands studios ont de plus en plus tendance à éliminer toute référence à
la Chine pouvant être perçue comme négative, dans l’espoir d’obtenir le visa de la
censure chinoise et de se faire un créneau sur un marché où les productions
étrangères sont contingentées. Les studios MGM, qui ont produit le remake du film de

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guerre L’aube rouge [la première version avait été tournée par John Milius en 1984],
ont retouché numériquement les envahisseurs chinois pour en faire des Nord-Coréens.
Fierté nationale
Lors de la sortie de Men in Black 3 en Chine, en mai dernier, la censure avait fait
supprimer ou raccourcir plusieurs scènes situées dans le quartier de Chinatown, à New
York, et jugées peu flatteuses pour les Sino-Américains. Les responsables de Sony
n’ont pas souhaité réagir publiquement et les scènes en question sont restées dans les
versions destinées au reste du monde. En privé, toutefois, les représentants du studio
avouent qu’ils auraient peut-être choisi une autre enclave ethnique comme décor s’ils
avaient eu vent des susceptibilités chinoises. “Hollywood, ces temps-ci, est parfois
plus accommodant à l’égard des Chinois que les Chinois eux-mêmes”, note Stanley
Rosen, directeur du centre d’études de l’Asie de l’Est à l’Université de Californie du
Sud (USC) et spécialiste du cinéma. Un scénariste travaillant sur une superproduction
a reçu comme consigne du studio d’éviter les personnages de méchants chinois.
“C’est clair et net : c’est peut-être la première fois dans l’histoire de Hollywood que la
censure d’un pays étranger a une incidence profonde sur ce que nous produisons”,
confie un producteur de premier plan qui, à l’instar de plusieurs confrères interviewés
pour cet article, s’est exprimé sous couvert d’anonymat de crainte de froisser
d’éventuels partenaires chinois.
Plus tributaires des recettes réalisées à l’étranger, les studios sont devenus plus
attentifs aux sensibilités locales. Ils veillent ainsi depuis un certain temps à ne pas
froisser le public japonais, qui était encore récemment leur premier marché à
l’exportation. Avec la Chine, les accords de cofinancement ajoutent encore à la
pression : Le film Iron Man 3 des studios Marvel, dont le tournage a débuté en Caroline
du Nord et en Chine, devrait ainsi se montrer très favorable aux Chinois, puisque ce
sont eux qui cofinancent la production.
Les censeurs chinois éliminent des scènes qu’ils jugent offensantes d’un point de vue
politique ou culturel. En 2007, un personnage de pirate chinois interprété par Chow
Yun-fat a disparu de la version de Pirates des Caraïbes : Jusqu’au bout du monde
destinée au marché chinois. Le personnage est chauve, il a une longue barbe rousse
et des ongles interminables. Dans une scène, il récite un poème en cantonais et non
en mandarin, que Pékin favorise comme langue nationale.

L’instance de contrôle de l’audiovisuel chinois a explicité ses règles de censure pour la


dernière fois en 2008. Est banni tout ce qui est de nature à “troubler l’ordre social et
nuire à la stabilité sociale”, à “enfreindre les principes fondamentaux de la
Constitution” et à “faire l’apologie de l’obscénité, du jeu et de la violence”. Sont
également interdits “les meurtres, la violence, l’horreur, les fantômes, les démons, le
surnaturel, ainsi que la confusion entre le vrai et le faux, le bon et le méchant, le beau
et le laid”.

“Poule aux œufs d’or”


Les effets sont plus problématiques pour le reste du monde. Stanley Rosen redoute
que cela ne donne à toute une génération de spectateurs une vision biaisée et
aseptisée de la Chine, où la question des droits de l’homme et la dure réalité
quotidienne auront été entièrement évacuées. “Je ne pense pas que le spectateur
américain moyen soit vraiment conscient de toutes ces petites décisions, dit Rosen.
Mais cela peut finir par avoir un effet subliminal.”

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À toi !

Quels sont les exemples de références à la Chine que tu trouves dans cet
article ?

Sont-ils positifs ou négatifs ?

Quelle est votre opinion sur la question ?

Quel est le dernier film hollywoodien que tu as vu ? Quelle est l'histoire ? T'a-t-il plu ?
Pourquoi ?

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