Mise en Forme de Matériaux Par Frittage Flash

Réf.
: IN56 V1
Mise en forme de matériaux

Date de publication :
10 juillet 2006 par frittage flash
Cet article est issu de : Matériaux | Verres et céramiques
par Claude ESTOURNES
Résumé Le frittage flash, ou spark plasma sintering, est une des techniques émergentes
de frittage retenue pour la synthèse et l’assemblage des nouveaux matériaux polymères,
métaux et céramiques nanostructurés et nanocomposites. Ce procédé s’apparente au
pressage à chaud conventionnel, auquel sont associées des séries d’impulsions de
courant électrique de forte intensité. Cette technique permet d’augmenter la cinétique de
frittage et donc de réduire par là même le temps disponible pour le grossissement des
grains. Déjà industrialisé au Japon, le frittage flash permet des avancées technologiques
considérables dans les domaines de l’électronique de puissance, les matériaux de
structure, les biomatériaux, l’aéronautique et l’aérospatiale.
Abstract
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Mise en forme de matériaux

par frittage flash
par Claude ESTOURNES
La densification ou la mise en forme de matériaux spécifiques tels que les

métaux, les alliages ou les céramiques nanostructurées, les nanocomposites
ou encore les matériaux hautement réfractaires a entraîné le développement
de techniques non conventionnelles de frittage, dans le but d’augmenter
significativement les cinétiques de frittage. Parmi ces techniques émer-
gentes, le frittage flash, ou spark plasma sintering (SPS), semble très
prometteur et vit une montée en puissance spectaculaire.
Parution : juillet 2006 - Ce document a ete delivre pour le compte de 7200038948 - universite de limoges // 164.81.1.50
entraîner leur détérioration et/ou la perte de l’état

Claude ESTOURNES, docteur en sciences des divisé, ce qui impliquerait la disparition de leurs pro-
matériaux, est chargé de recherche CNRS au priétés spécifiques. Ces dernières années, beaucoup
Centre interuniversitaire de recherche et d’ingé- de progrès ont été réalisés dans les méthodes de
nierie des matériaux (CIRIMAT – UMR 5085 consolidation des poudres nanocristallines. Ainsi, des
CNRS-UPS-INPT). techniques de consolidation rapide [1], frittage à
estournes@chimie.ups-tlse.fr haute pression [2], frittage assisté par phase liquide
[3] et frittage basse température en deux étapes [4]
ont permis de préparer des céramiques denses, mais
1. Contexte la réussite dépend grandement de la technique utili-
sée. Outre la température, l’un des facteurs limitant
Dans le domaine des sciences de la matière, les dans l’étape du frittage classique, voire même sous
matériaux nanostructurés ont connu un essor consi- pression, des nanopoudres est bien évidemment sa
dérable ces dernières années. Ce monde des nano- durée. Il est par conséquent nécessaire de se tourner
matériaux concerne aussi bien celui de la matière vers des techniques nécessitant des temps de traite-
molle que celui de la matière solide et les champs ment plus courts. L’une de ces techniques de conso-
d’applications sont extrêmement vastes puisqu’ils lidation rapide est le spark plasma sintering (SPS)
s’étendent de l’optoélectronique aux biomatériaux. car elle permet d’augmenter la cinétique de frittage
Le but ultime est de transposer à l’échelle macrosco- et donc de réduire par là même le temps disponible
pique les propriétés spécifiques des états très divisés pour le grossissement des grains.
de la matière. Les objets en question sont des
macromolécules, des assemblées moléculaires, des Sur le frittage :
particules, des grains (amorphes ou cristallins) dont 2. Présentation Mise en forme des soli-
des. Aspects théoriques
la taille est toujours située dans le domaine du L’utilisation d’un champ électrique pour l’activation [J 3 380] de B. Castel
« colloïdal » ou plus généralement du mésoscopique, des procédés de frittage n’est pas nouvelle et date Mise en forme des soli-
allant du nanomètre à quelques centaines de nano- des années 1930-1940 [5] [6]. L’idée de base de la des. Procédés et appa-
mètres. La nature de ces clusters, particules ou reils [J 3 382] de
technique SPS brevetée par Inoue [7] [8] à la fin des B. Castel
grains est variable : polymères, métaux, années 1960 était de développer une machine capa-
« céramiques », diélectriques, oxydes magnétiques, ble de créer un plasma via une décharge électrique
charpentes silicatées, nanotubes de carbone... Leur lors du frittage sous pression des métaux et des
spécificité provient notamment du fait que leur petite céramiques. Il espérait ainsi que le frittage assisté
taille peut engendrer des phénomènes de confine- par un plasma pourrait conduire à la réalisation de
ment mais également du fait que les surfaces et les nouveaux matériaux. La mise au point de la troi-
interfaces exercent des influences multiples sur les sième génération de machine SPS par la société
propriétés. Tout cela a des répercussions sur les pro- japonaise Sumitomo Corporation a permis un très
priétés mécaniques, optiques, magnétiques, thermo- fort développement de cette technique en Asie du
dynamiques, catalytiques et chimiques. Sud-Est et particulièrement au Japon. Début 2004,
Dans ce large champ d’investigation, un problème on y comptait plus de deux cents machines dont un
crucial reste à résoudre. Lors de la mise en forme de tiers dans l’industrie, pour seulement deux aux
ces objets, les différents traitements ne doivent pas États-Unis, trois en Europe mais aucune en France.
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Figure 1 – Principe du spark plasma sintering

a Al2O2 b Cu
Figure 2 – Modélisation des distributions des lignes de courant dans un moule lors de la densification d’une
alumine ou de cuivre (reproduit avec permission de [9] © 2005 Elsevier Ltd.)
2.1 Principe (argon, azote...), réductrice (hydrogène), voire sous

atmosphère oxydante mais dans ce dernier cas, les
Le SPS est un procédé similaire au pressage à chemises en graphite sont à proscrire.
chaud conventionnel [J 3 382] car les précurseurs
(généralement sans adjuvant de frittage) sont éga- La différence majeure entre le pressage à chaud
lement introduits dans une enceinte permettant conventionnel et le frittage flash réside dans le fait
d’appliquer une pression uniaxiale lors du frittage. que la source de chaleur n’est pas externe mais
Dans la grande majorité des cas, cette enceinte est qu’un courant électrique (continu, continu pulsé ou
constituée d’une chemise et de pistons en graphite alternatif) appliqué via des électrodes passe à tra-
(figure 1) mais elle peut également être en acier ou vers l’enceinte de pressage conductrice, et éga-
en carbure ultradur (de type WC-Co). L’usage de gra- lement dans les cas appropriés à travers l’échantillon
phite spécifique pour les chemises permet d’atteindre (figure 2).
des températures de consolidation de l’ordre de Dans la plupart des installations SPS courantes,
2 000 ˚C et des pressions uniaxiales pouvant aller des séries de trains d’impulsions de courant continu
jusqu’à 200 MPa. En revanche, l’usage de matrices (impulsions d’une durée de 3 ms) entrecoupés de
en acier ou en carbure limite les températures de frit- temps morts (figure 3) d’intensité et de tension
tage à respectivement 500 ˚C et 700 ˚C. Le frittage variables sont appliquées de manière à atteindre la
est généralement effectué sous vide secondaire, température de frittage désirée. L’enceinte elle-
mais il peut également l’être sous atmosphère neutre même agit donc en tant que source de chauffage, ce
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Les inventeurs de ce procédé ont attribué ces

capacités de frittage à la production d’un arc ou
5
d’une décharge plasma entre les grains de particules,
d’où le nom de la technique [12] [13]. Ainsi, au
4 début du traitement, l’arc et/ou le plasma généré lors
3 de la décharge nettoie la surface des grains de toute
substance adsorbée. De fait, une augmentation de la
2
diffusion dans les joints de grains est attendue car la
Tension (V)
1 surface des grains est rendue fortement active, ce

0 qui favorise le transfert de matière et facilite ainsi le
5 frittage et le grossissement des grains [14].
4 Munir et coll. ont pour leur part proposé un autre
3 mécanisme : comme la génération d’étincelles ou
celle d’un plasma n’ont pas réellement été prouvées,
2 seule l’application d’un champ électrique est à l’ori-
1 gine de cette densification plus rapide [15].
0 Une troisième voie s’élève également, indiquant
0 20 40 60 800 100 120
que la technique SPS n’apporte rien de plus par
Temps (s)
rapport aux méthodes de mise en forme convention-
a séquences
nelles [16] [17].
Ces auteurs indiquent que l’accroissement de la
cinétique de frittage peut aisément s’expliquer par
une pression exercée plus élevée que pour les
méthodes conventionnelles et/ou que la température
de frittage indiquée est sous-estimée car mesurée
par thermocouple ou pyrométrie optique à la surface
de la chemise en graphite et non pas au niveau de
l’échantillon.
À ce jour, aucune étude ne permet de trancher
entre ces différentes hypothèses et tout reste à faire
au niveau de la compréhension des mécanismes de
frittage mis en jeu lors de la compaction de maté-
riaux par cette technique. En tout état de cause, de
nombreux matériaux ont été frittés par cette
b pastilleuse en graphite à 1 100 °C méthode SPS (figure 4) et dans la plupart des cas
avec des cycles bien plus brefs que pour les techni-
ques conventionnelles de mise en forme.
Figure 3 – Chauffage par séquences de trains
d’impulsions de courant (reproduit avec permission de
2.2 Influence des paramètres
[10] © 2005 Elsevier Ltd.)
Différents paramètres (rampe de montée en
température, température de frittage, pression appli-
qui permet d’obtenir des vitesses de chauffage éle- quée, intensité et série d’impulsions de courant) peu-
vées (jusqu’à 600 ˚C/min et plus) et assure un bon vent être ajustés lors de la densification par la
transfert de la chaleur à l’échantillon. W. Chen et coll. technique SPS. Il a été montré que des alumines
font remarquer que les impulsions n’ont pas toujours submicroniques peuvent être quasi totalement den-
la même intensité mais pour une température don- sifiées (> 99 %) en trois minutes dès 1 250 ˚C pour
née (soit à puissance dissipée constante), les valeurs des pressions exercées de 50 MPa [18]. Dans cette
maximales de la tension et de l’intensité augmentent même étude, les auteurs montrent que l’effet de la
lorsque l’on diminue le nombre d’impulsions dans la pression est spectaculaire. En effet, en augmentant
séquence alors que la valeur efficace reste constante celle-ci de 50 à 200 MPa, la température de frittage à
[10]. partir de laquelle une densité quasi totale est
Ce procédé est maintenant industrialisé pour pro- obtenue est abaissée d’une centaine de degrés pour
duire des petits objets de forme simple mais éga- une durée de cycle identique. Shen et coll. ont éga-
lement des pièces de forme complexe et de diamètre lement mis en évidence que des montées très rapi-
aussi large que 500 mm. Sur les systèmes courants, des en température avaient une influence sur les
une pression uniaxiale est appliquée mais dans cer- dynamiques de mûrissement des grains lors de la
tains cas, une pression pseudo-isostatique peut être densification. Ils montrent sur des alumines denses
appliquée lorsque les objets sont enrobés dans un que de la porosité fermée peut être piégée au sein
milieu conducteur, ce qui permet de transmettre la même des grains, ce qui permet d’en contrôler la
pression [11]. Ainsi, des objets frittés de très grande microstructure.
compacité ont pu être obtenus (sans ajout ni additif Comme nous l’avons mentionné précédemment
facilitant le frittage) pour des températures plus fai- dans le cas de matériaux peu ou non conducteurs,
bles (quelques centaines de degrés moins élevées) et l’essentiel du courant passe par la matrice alors que
surtout des temps de frittage significativement plus pour les matériaux conducteurs, une fraction plus ou
courts (quelques minutes) que lors de l’utilisation de moins importante (en fonction de la différence de
méthodes conventionnelles. conductivité entre le matériau et la matrice) passe
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MATÉRIAUX COMPOSITES
Nanocomposites : Matériaux composites renforcés

Ni–– Si3N4 , Ni –– Al2O3 , par des fibres ou des particules
Ni––ZrO2, NTC –– Al2O3 , Nanocomposites
NTC –– métal-oxyde Matériaux à gradient de fonction
Assemblage de matériaux différents
CÉRAMIQUES POLYMÈRES
Oxydes Résines polyimides

et non oxydes Frittage flash Nylon
Cermets Polyéthylène
Oxydes :
Al2O3 , mullite, ZrO2, MgO,
SiO2, TiO2, HfO2,...
Carbures :
SiC, B4C, TaC, TiC, WC, Métaux :
ZrC, VC,... Alliages de métaux durs Fe, Cu, Al, Ag, Ni, Mo,
Matériaux amorphes Sn, Ti, W, Be,...
Nitrures : Matériaux magnétiques
Intermétalliques :
Si3N4, TaN, TiN, AlN, ZrN, Composés intermétalliques

VN,... TiAl, MoSi2, Si3Zr4,
MÉTAUX NiAl, NbCo, NbAl,...
Borures :
TiB2, HfB2, LaB6, ZrB2,
VB2,...
Fluorures :
LiF, CaF2, MgF2
Figure 4 – Matériaux mis en forme par SPS
par le matériau. Cela entraîne également des distri- Dans la suite, on essaiera de montrer tout l’intérêt
butions radiales de densité de courant complexes et de cette technique de mise en forme des matériaux
différentes d’un matériau à l’autre [9]. Ainsi, Y. Xiong en illustrant les propos d’exemples principalement
et coll. ont visualisé ces effets sur une pastille de issus de la littérature.
nitrure d’aluminium (cf. figure 5a p. 5) pour laquelle
le cœur reste opaque et blanc alors que le bord
devient translucide [19]. Ces variations de propriétés
3. Densification
optiques sont liées à une densité de courant plus
importante sur la partie interne de la matrice par 3.1 Métaux réfractaires et alliages
rapport au reste de celle-ci, ce qui entraîne un gra- En ce qui concerne les métaux et alliages, des
dient de température et par conséquent de densité matériaux innovants ont pu être synthétisés. Par
de la surface vers le cœur de la pastille. L’équipe exemple, des précurseurs de poudre de métaux
Munir de Davis aux États-Unis a également étudié réfractaires tels que le molybdène et le tungstène
l’influence de la direction du courant et des variations ont pu être compactés avec des grains submicromé-
de séquences des impulsions dans le cas d’un frittage triques et des compacités proches respectivement de
réactif [10] [20]. Ils montrent que l’épaisseur de 97 % et 99 %. Nombre d’alliages ayant des proprié-
l’alliage MoSi2 qui se forme à l’interface entre deux tés thermoélectriques ont été mis en forme par SPS
couches de molybdène et de silicium lors du frittage afin d’optimiser leur densité et par conséquent leurs
est indépendante de la direction ou du sens du propriétés [21] [22] [23]. Des alliages conducteurs
courant. De plus, ces mêmes auteurs indiquent que de type n et p à base de SiGe ont été cofrittés pour
le taux de croissance de cette couche d’alliage est former des jonctions de type n-p [24].
indépendant des séquences d’impulsions utilisées. Ils Les métaux amorphes sont généralement obtenus
indiquent néanmoins qu’à température de frittage sous forme de rubans, fils, films ou poudre car leur
réactif identique, le taux de croissance de cette synthèse nécessite de refroidir de manière ultrarapide
couche d’alliage est accru si les lignes de courant (trempe ou hypertrempe) le mélange en fusion. Du
traversent l’échantillon par rapport à la configuration fait de la faible taille des objets obtenus, l’utilisation de
où celles-ci sont bloquées par une couche ces matériaux sur le plan industriel reste faible. Des
supplémentaire d’isolant. techniques d’extrusion ou de pressage à chaud ont été
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utilisées avec pour objectif d’obtenir des objets plus 3.3 Vers de nouveaux matériaux
massifs mais les durées et températures de mise en transparents
forme sont trop élevées pour conserver ces matériaux
amorphes. Comme nous l’avons vu précédemment,
Nous venons de voir que l’emploi d’additif n’est pas
les cinétiques et températures de frittage sont forte-
nécessaire pour densifier par SPS des céramiques
ment diminuées par SPS, ce qui rend possible la
consolidation de ce type de matériaux sans profonde réfractaires, ce qui permet de conserver leurs pro-
modification de leur structure [25] [26]. priétés intrinsèques. Il est bien connu que lorsque la
lumière traverse un milieu, son intensité transmise
Dans la plupart des études, le SPS est utilisé pour peut être atténuée par trois mécanismes : l’absorp-
ses remarquables capacités à densifier les matériaux tion, la réflexion et la diffusion. Des densités optima-
mais il est possible également, comme l’ont montré
les sont ainsi nécessaires pour avoir des matériaux
Y. Zhao et coll. [27], de contrôler les paramètres afin
transparents car la porosité est l’une des principales
de souder les grains entre eux et ainsi d’obtenir des
matériaux métalliques poreux. sources de diffusion de la lumière. R. Chaim et coll.
ont ainsi densifié (850 ˚C sous 150 MPa pendant
5 min) des nanopoudres de MgO [31]. Ils ont obtenu
3.2 Céramiques réfractaires des disques (12 mm de diamètre pour 1,5 mm
Les carbures de tungstène sont bien connus du d’épaisseur) présentant une transparence de 40 % à
monde industriel, particulièrement comme matériaux 550 nm jusqu’à 60 % à 700 nm par rapport à celle
pour outils de coupe. Cependant, il est difficile, d’un monocristal de MgO. Leurs résultats s’expli-
même par pressage à chaud, de densifier des pièces quent par le fait que la taille des grains et la porosité
monolithiques de WC sans ajout de métaux de tran- présente dans l’objet densifié restent du domaine
sition (Ni, Fe ou Co). Néanmoins, des pièces de WC nanométrique et n’excèdent pas la longueur d’onde.
ont pu être réalisées par SPS (palier de 20 min à Néanmoins, des ajouts peuvent être indispensables
1 900 ˚C) ayant des duretés Vickers de 24 GPa bien pour atteindre des densifications quasi totales et
supérieures aux matériaux contenant des ajouts et optimiser les propriétés optiques de certains maté-
obtenus par des méthodes conventionnelles [13]. Il riaux. Y. Xiong et coll. ont densifié du nitrure d’alumi-
semble que cela soit rendu possible par le fait que nium avec une compacité de 98,6 % mais cette
WC possède une structure en couches alternées de W dernière n’est pas suffisante pour atteindre la trans-
et de C. Il est connu que la surface des grains de WC
parence [19]. Ainsi, ils ont montré que l’adjonction
est constituée d’atomes de C – et celle-ci semble à
de quelques pour-cent massiques de CaF2 au nitrure
l’origine de la limitation de la diffusion de la matière.
Pour expliquer les très bonnes densifications obte- d’aluminium permettait de le densifier totalement
nues par SPS, les auteurs de cette étude formulent (> 99 % de compacité). Ils ont ainsi pu obtenir des
l’hypothèse que lors du traitement SPS, la couche de échantillons transparents (figure 5).
surface soit perturbée et que des atomes de W
affleurent en surface, favorisant ainsi le frittage.
Le nitrure d’aluminium (AlN) est d’importance
cruciale du point de vue industriel du fait de ses excel-
lentes propriétés physiques (conductivité thermique :
320 W · m−1 · K−1 sur monocristal ; faible constante
diélectrique : 8, coefficient d’expansion thermique :
4,3 · 10−6/˚C), ce qui en fait un bon candidat en tant
que substrat pour la microélectronique ou en tant que
réfractaire. Un frein pour son utilisation vient du fait
qu’il est difficile de l’obtenir pur et de le densifier, ce
qui a des répercutions sur sa conductivité thermique.
Les poudres de nitrure d’aluminium sont générale-
ment totalement densifiées pour des températures a pur b CaF2 : 1 % masse
supérieures à 1 800 ˚C, mais il est nécessaire pour
cela – au détriment de ses propriétés physiques –
d’avoir plus de 2 % en masse d’oxygène, car ce der-
nier permet d’augmenter le coefficient d’autodiffusion.
Des monolithes denses de AlN contenant moins de
1 % en masse d’oxygène ont pu être obtenus sans
additif par SPS [28] [29]. Selon ces auteurs, cela est
vraisemblablement rendu possible par l’existence du
champ électrique (DC) qui accélère la diffusion des
lacunes créées par la présence d’oxygène. Khor et
coll. indiquent avoir densifié par SPS de l’AlN commer- c CaF2 : 2 % masse d CaF2 : 3 % masse
cial avec ou sans ajouts et ont obtenu une compacité
de 96,6 % à 1 800 ˚C (3 min en palier sous 45 MPa) 1 cm
[30] alors que par des méthodes conventionnelles ;
une compacité de 75 % est atteinte à 1 800 ˚C. Ils
montrent également que la conductivité thermique
ainsi que la constante diélectrique de leurs monolithes Figure 5 – Pastilles densifiées par SPS de AlN pur et
d’AlN augmente de manière monotone mais significa- dopé par CaF2 (reproduit avec permission de [19]
tive avec leur densité. © 2005 Elsevier Ltd.)
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3.4 Structuration de nanomatériaux pu être stabilisés grâce à la montée rapide en tempé-

rature qu’offre le SPS, évitant de fait la réaction entre
Comme nous l’avons mentionné précédemment, le les deux phases se produisant lors de la montée en
principal atout de cette nouvelle technique de mise température par des méthodes classiques [37] [38].
en forme des matériaux est qu’elle permet de réduire Ces composites présentent des caractéristiques
considérablement les cinétiques de grossissement mécaniques industriellement intéressantes puisqu’ils
des grains. Ainsi, de nombreux nanomatériaux ont sont 5 à 7 fois plus durs que les hydroxyapatites
d’ores et déjà été frittées par SPS. monolithiques.
Le tungstène présente des caractéristiques inté- Comparativement aux métaux, bien qu’elles soient
ressantes du point de vue industriel (température de moins denses, plus rigides et plus dures, les
fusion élevée : 3 653 K, module de Young : 403 GPa) céramiques sont peu utilisées en tant que matériaux
mais présente une certaine fragilité à température de structure car elles sont beaucoup plus fragiles.
ambiante et l’obtention d’un matériau massif Nous avons vu précédemment que le frittage flash
nécessite un frittage haute température. Ainsi, Oda, permettait de fritter des céramiques tout en conser-
Eiji et coll. ont obtenu par SPS des compacts denses vant des grains de taille nanométrique, ce qui permet
à partir de nanopoudres de W dopées ou non avec du d’améliorer leurs propriétés mécaniques.
Re [32]. Ils montrent que lorsque ces poudres sont
SWCNT : single wall Les nanotubes de carbone simple (SWCNT) ou
carbon nanotube activées par broyage mécanique, les températures
multiparois (MWCNT) ont des propriétés mécaniques
MWCNT : multi wall de frittage peuvent être abaissées à 1 000 ˚C. Ils
extrêmement importantes (densité faible, module de
carbon nanotube indiquent également que l’ajout de Re combiné au
Young supérieur à 1012 Pa...) et sont envisagés
frittage SPS (50 MPa) permet d’éviter le grossisse-
comme élément de renfort pour des céramiques. Les
ment des grains et d’obtenir des compacts présen-
essais de frittage à chaud sur des composites SWCNT-
tant des duretés accrues. Dans la même optique, des
Fe-Al2O3, SWCNT-M-MgAl2O4, SWCNT-M-MgO (M =
mélanges de poudres nanométriques de Fe et Al,
métal de transition) ont conduit à une densification
activées par mécanosynthèse, ont pu être compactés
totale sans grossissement des grains, à une augmen-
par SPS (sous 1 750 A et 70 MPa) pour donner des
tation de la conductivité électrique alors que les pro-
objets denses (97 à 99 %) d’alliages AlFe [33]. Des
priétés mécaniques ne sont pas améliorées par
objets magnétiques binaires FePt consolidés par

rapport à l’alumine pure [39]. Plus récemment, Zhan
SPS présentant des propriétés magnétiques accrues
et coll. [40] ont réalisé des frittages flash sur des
(champ coercitif : 8,2 kOe à température ambiante)
nanocomposites similaires SWCNT - Al2O3. Selon ces
ont été obtenus [34].
auteurs, ces nanocomposites densifiés contenant
De même, des nanocéramiques ont été densifiées 10 % en volume de SWCNT présentent une ténacité
par SPS. Il a été montré, pour des oxydes ZnO, ZrO2 de 9,7 MPa · m1/2 alors que la valeur de l’alumine
ou encore Al2O3, que les courbes de taux de frittage pure n’est que de 3,7 MPa · m1/2. La qualité des pré-
présentent respectivement des maxima autour de curseurs utilisés (nanotubes purifiés, alumine de
700, 1 100 et 1 150 ˚C et les taux maximaux sont de 50 nm) et la grande homogénéité du mélange ne peu-
un à deux ordres de grandeur plus élevés que pour des vent expliquer à elles seules les résultats obtenus. Ils
frittages conventionnels [14]. Ainsi, des monolithes attribuent ces résultats à l’utilisation du SPS car le
compacts peuvent être obtenus sans ou avec un gros- traitement rapide et la plus faible température
sissement des grains limité. La température critique n’entraînent pas de dommage au niveau des nanotu-
au-delà de laquelle la croissance des grains devient bes. Ces résultats prometteurs, bien que controversés
appréciable dépend grandement des propriétés des [41] [42], présagent toutefois de nouveaux maté-
précurseurs et en particulier de la taille, de la réactivité riaux de structure dans la mesure où de nouveaux
et de l’agglomération des grains du précurseur. Des précurseurs contenant des nanotubes plus longs,
zircones frittées avec des tailles de grains inférieures à mieux dispersés dans la matrice céramique, des frac-
100 nm et de microstructures homogènes ont ainsi pu tions volumiques en nanotubes plus importantes
être obtenues en partant de grains de précurseurs de pourront être quasi totalement densifiés par SPS tout
60 nm de taille moyenne. De même, des monolithes en optimisant les interfaces NTC/céramique.
denses (97 %) de diélectrique de type BaTiO3 obtenus
par frittage flash de nanopoudres présentent des pro-
priétés diélectriques remarquables (permittivité à 4. Assemblage de matériaux
température ambiante de 3 500 et constante diélectri-
Nous venons de voir que le spark plasma sintering
que à Tc , ε ′ > 6 000 ) [35]. La mise en forme rapide
est une technique émergente pour la mise en forme
(3 min à 1 000 ˚C) par SPS de diélectriques permet de
de nanopoudres et de matériaux réfractaires
minimiser l’influence des joints de grains dans les
(métaux, céramiques). Il existe un autre domaine où
compacts et d’y conserver la taille nanométrique des
cette technique de mise en forme des matériaux
grains de précurseurs et ainsi de conférer au matériau
apparaît comme tout à fait prometteuse, il s’agit de la
massif leurs propriétés exacerbées [36].
préparation de multimatériaux (association de
Des composites contenant des constituants matériaux) ou de matériaux à gradients. En effet,
métastables ont également été préparés par SPS. du fait de l’extrême rapidité du cycle de mise en
Ainsi, le chauffage rapide qu’autorise cette technique forme, l’interdiffusion ou la réaction entre deux maté-
permet d’éviter les transformations de phases α → β riaux adjacents sera limitée. Ainsi, des matériaux à
observées dans les SiAlON lors de frittages classi- gradients (stratifiés) ont également pu être préparés
ques. Les hydroxyapatites, biomatériaux essentiels par SPS, ce qui permet d’augmenter significative-
du fait de leur bonne adhérence sur l’os, sont sous- ment les propriétés mécaniques des hydroxyapatites
employées en raison de leur fragilité. Des composites [37]. Des matériaux de natures et propriétés diffé-
denses d’hydroxyapatite/nanograins de zircone ont rentes peuvent être associés (figure 6) avec des
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permission de [43] © 2003 Elsevier Ltd.)
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SPS, SPS SYNTEX Inc. http://www.scm-sps.com/
interfaces extrêmement bien définies à l’échelle e_htm/whatsps_e_htm/whatsps4_e.htm
micronique, ouvrant la porte à la préparation d’objets [13] OMORI (M.). – Sintering, consolidation, reaction and
multifonctionnels [43]. Des structures sandwich crystal growth by the spark plasma system (SPS).
consolidées du type BaNd2Ti4O12/Bi4Ti3O12/ Materials Science and Engineering A 287, 183 (2000).
BaNd2Ti4O12 ont été préparées, permettant ainsi [14] NYGREN (M.) et SHEN (Z.). – On the preparation of
d’ajuster la dépendance en température de la cons- bio-, nano- and structural ceramics and composites by
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Comme nous venons de le voir, le spark plasma [16] DOBEDOE (R.S.), WEST (G.D.) et LEWIS (M.H.). –
sintering est une technique extrêmement promet- Spark Plasma Sintering of Ceramics. Bulletin of Ecers,
teuse en vue d’améliorer la mise en forme de tou- 1, 19 (2003).
tes les classes de matériaux déjà existants [17] KRELL (A.) et VAN BRUGGEN (M.P.B.). – Spark Plasma
(métaux, céramiques, polymères) ainsi que leurs Sintering of Ceramics. Bulletin of Ecers, 2, 35 (2004).
composites, mais son champ d’activité peut éga- [18] SHEN (Z.), JOHNSSON (M.), ZHAO (Z.) et NYGREN
lement être étendu à la synthèse et à l’assemblage (M.). – Spark Plasma Sintering of Alumina. J. Amer.
de nouveaux matériaux (nanocomposites, multi- Ceram. Soc. 85, 1921 (2002).
matériaux, nanocéramiques...). Cette nouvelle tech- [19] XIONG (Y.), FU (Z.Y.), WANG (H.), WANG (Y.C.) et
nique déjà industrialisée, notamment au Japon où ZHANG (Q.J.). – Microstructure and IR transmittance
des chaînes de production fonctionnent en continu, of spark plasma sintering translucent AlN ceramics with
CaF2 additive. Materials Science and Engineering
permet des avancées technologiques dans des
B 123, 57 (2005).
domaines très variés, parmi lesquels on peut citer
[20] ANSELMI-TAMBURINI (U.), GARAY (J.E.) et MUNIR
l’électronique de puissance, les matériaux de struc-
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9 - 2006 © Editions T.I. IN 56 - 7
INNOVATION
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