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Les villes du Gabon face aux tremblements de terre : sommes-nous prêts ?

La question vaut tout son pesant d’or car depuis quelques années, le Gabon a connu par épisodes
des séismes répertoriés dans diverses régions du pays avec des dégâts, certes minimes, mais
bien présents…
De plus, selon les experts du Musée de Sismologie et collections de Géophysique de l'Université
de Strasbourg, « dans de nombreux cas, un séisme violent est aussi précédé d’une multitude de
petits séismes. Ainsi dans une zone de lacune sismique particulièrement calme, une soudaine
activité, même de faible magnitude, peut indiquer l’imminence d’un séisme plus important1 ».
On note toutefois que bien que cette méthode ait permis de prévoir plusieurs séismes, elle reste
assez imprécise et aléatoire car on ne connaît pas a priori la durée de cette phase de faible
activité qui peut être entrecoupée de longues phases de calme.
Si le séisme le plus lointain enregistré date de 1974, le pays en a connu d’autres dont les plus
récents datent de 2019, 2021 et 2022.
-19 décembre 2019 à 16h25, un séisme dont l’épicentre était situé à 90 kilomètres de Santo
António (Sao Tomé-et-Principe) est survenu à 204 kilomètres de Libreville. Mesuré sur
l’échelle de Richter, était d’une magnitude de 5,5 à l’épicentre, de 3 à Santo António et de
2 à Libreville.
-6 Mars 2021, à 18h08 et à 21h54. D’une magnitude de 5.2, ce dernier était situé à 53 km
de Lambaréné et à seulement 10 km du champ pétrolier d’Onal de Maurel et Prom.
-7 mars à 4h16, un séisme d’une magnitude de 4.4, et dont l’épicentre était aussi à 53
kilomètres de Lambaréné se déclenche.
-d’une magnitude de 5.4 et dont l’épicentre était à 33 kilomètres du Nord-Est de
Fougamou a eu lieu le 9 mars à 23h57.
-4 décembre, un séisme de magnitude 4,8 a été ressenti simultanément à Libreville (4.8) et
à Lambaréné (5.5) à 10h53. Selon l’observatoire international, le même séisme a été
ressenti en Guinée équatoriale
Si les causes de ces séismes vont du déplacement des plaques tectoniques pour les spécialistes
du domaine à de possibles prospections minières faisant usages de ‘’bombes sismiques’’, la
question principale qu’il convient de se poser est de savoir si nos villes sont prêtes à faire face
à un tremblement de terre d’une plus grande envergure ?
En effet, il est un fait dans notre pays le Gabon que la négligence fait partie des habitudes
locales profondément innées. On se dit toujours que cela n’arrive qu’aux autres et même
devant des signes avant-coureurs l’on reste insensible…
Pourtant des voix ont déjà sonné l’alarme, et pas des moindres. En effet, le 7 Décembre 2021,
deux enseignants-chercheurs du Département des sciences de la Vie et de la Terre de l’École
normale supérieure (ENS), ont alerté les pouvoirs publics, lors d’une conférence. Selon les
explications du Dr Jean-Eudes Boulingui, spécialiste en Géomatériaux, les séismes récents sont
dus au fait que le Gabon est déjà isolé et exposé à ces secousses par des grands accidents sur

1
http://musee-sismologie.unistra.fr/comprendre-les-seismes/notions-pour-petits-et-grands/le-risque-
sismique/methodes-de-prediction-sismique/
le socle du carcan du Congo. « Les séismes survenus jusque-là ont été plutôt de faible
intensité. Toutefois, le risque d’avoir des secousses dans l’intervalle de magnitude compris
entre 6,9 dit fort et 9 degrés dit exceptionnel, n’est pas à exclure. Et dans ce cas, l’on peut
craindre des destructions d’infrastructures allant jusqu’à environ 180 km de l’épicentre, à
des dommages plus sérieux à des centaines de kilomètres », a alerté l’enseignant-chercheur à
l’École normale supérieure (ENS).

D’après le Maître Assistant CAMES, il est urgent pour le pays de disposer de ses propres
spécialistes qui puissent aider le Gouvernement dans la prise de décision et ainsi minimiser
l’impact en cas de séisme majeur.

A ce niveau, en quoi l’urbanisme pourrait être utile pour minimiser l’impact d’un possible
futur séisme de grande magnitude ?
Si à première vue l’urbanisme s’occupe de la conception des villes, il n’en demeure pas moins
que l’anticipation face aux risques naturels demeure un maillon essentiel de la planification et
de la gestion urbaine. En concevant les villes, les urbanistes et les autres praticiens du
domaine des bâtiments et travaux publics (BTP), à savoir les ingénieurs génie-civil, les
architectes, les géomètres, etc. doivent intégrer la prévention des risques dans les
aménagements.
Mais est-il réaliste de penser que Libreville, Port-Gentil, Lambaréné, Mouila, Pana,
Mekambo, Makokou ou Mayumba sont préparés à faire face à un séisme de grande
ampleur ?
Si jamais un séisme de grande ampleur frappe la région littorale du Gabon, les villes
côtières résisteront-elles à l’assaut des vagues meurtrières d’un possible tsunami ?
Les bâtiments et constructions à usages d’habitations respectent-elles les normes
parasismiques ou risquent-elles de s’écrouler comme des chanteaux de carte ?
Nos routes mal dimensionnées arriveront-elles à contenir le trop plein d’automobiliste
qui chercheront à rallier l’hinterland si un tsunami doit arriver dans une ville
Gabonaise ?
Ou les populations peuvent-elles se réfugier en toute sécurité ? Existe-t-il des endroits
protégés des vagues et résistants aux secousses ?
Les réponses à ces questions sont toutes négatives. Nous ne sommes pas près de façon globale
via l’existence d’une procédure d’urgence nationale ou de plans d’évacuation des populations
des zones à risques sismiques, et nous ne faisons pas grand-chose au niveau individuel pour
éviter ce genre de risques.
Pourtant une solution existe. Laquelle : L’approche parasismique de l’urbanisme et de
l’aménagement du territoire.
Il s’agit d’une démarche qui vise à cerner au mieux le niveau d’exposition au risque sismique
des territoires habités, et la vulnérabilité de ces territoires dans leur aménagement, leur
architecture, les voiries et réseaux divers (VRD). Basée sur la prévention de manière absolue,
elle a pour socle trois principes : assurer la continuité de la vie après le séisme ; faciliter
l’intervention des équipes de secours à travers une ville aérée et non par une densification
urbaine ; permettre l’acheminement des soins et des produits de première nécessité aux
populations touchées.
En français facile, il faudrait que les ingénieurs et techniciens relevant de l’administration de
l’habitat et de l’urbanisme puissent :
-Identifier les zones à risques sismiques proches ou au sein des villes du Gabon. Ceux-ci
pourraient compter sur l’expertise des géologues nationaux. L’identification de telles zones
serviraient dès lors à produire des cartes du risque sismique en milieu urbain, permettant ainsi
d’avoir un zonage sismique allant des zones à la sismicité négligeable, aux zones à la sismicité
forte. La France constitue un modèle de référence avec leur carte nationale du risque sismique
consultable sur le lien suivant http://www.cartesfrance.fr/geographie/cartes-geologiques/carte-
zones-sismiques.html ;
-Interdire l’implantation de lotissements et l’érection des bâtiments dans ces zones à risques
sismiques. Ici la brigade spéciale de l’urbanisme et de la construction (BSUC) devra être bien
équipée pour surveiller ces endroits. Les documents d’urbanisme prévisionnels (Schéma
Directeur d’Urbanisme, Plan Directeur d’Urbanisme, Plans d’Occupation des Sols, etc.),
devront prendre en compte ces zones à risque sismique dans l’élaboration des zonages urbains ;
-Démolir les quartiers se trouvant dans les zones à risque sismique ou les restructurer de telle
sorte qu’elles puissent s’adapter aux ondes de choc si jamais de tels quartiers se trouvent à
proximité de zones à risques sismique ;
-Etablir une réglementation visant à promouvoir la construction de logements et de
constructions parasismiques (qui résistent mieux aux séismes). Ici l’expertise des Architectes
sera nécessaire et notre pays dispose d’un ordre des Architectes (OGA) qui n’attendent qu’a
être consultés. Des manuels faisant office de guides à la construction parasismique peuvent être
consultables à partir des liens internet suivants que vous pourrez regarder plus tard:
https://craterre.hypotheses.org/files/2017/05/guide_de_construction_parasismique.pdf;
https://documents1.worldbank.org/curated/en/771341468248062126/pdf/ACS15860-
REPLACEMENT-WP-PUBLIC-Box394830B-Guide-Technique-construction-parasismique-
individuelle.pdf
-Programmer et construire des équipements collectifs dédiés aux refuges de proximité dans les
aires urbaines du pays en cas de séisme. Les grands stades et les gymnases, ainsi que les
hôpitaux et les cases d’écoutes doivent être nombreuses et construites selon les normes
parasismiques pour accueillir les populations sinistrées ;
-Elaborer de commun accord avec les forces de sécurité et les entités du ministère de
l’environnement des plans d’évacuation d’urgence ou les lieux de refuge et les tronçons pour y
arriver seront clairement identifiés et schématisés ;
-Collaborer avec les collectivités locales pour des simulations à grande échelle impliquants
ménages, administrations et entreprises ;
-Créer des systèmes d’alarmes (sirènes, spots télévisés, messages électroniques ou SMS)
efficaces ;
-Eduquer les populations aux bons gestes. Certains gestes à faire sont consultables sur ce lien :
https://www.youtube.com/shorts/uq40i_s8Ie4
De plus, il est plus que jamais urgent que le pays se dote d’un laboratoire de sismologie (science
d’étude des séisme) qui pourrait être intégré au ministère des Travaux Publics, au ministère des
mines et des hydrocarbures, au ministère de l’environnement ou au ministère de l’habitat et de
l’urbanisme, à moins de créer des centres d’analyses sismiques sur l’ensemble du territoire par
l’installation de sismographes dans les directions provinciales de l’habitat, des Travaux publics,
de l’environnement, des mines et du pétrole et dans les sites pétroliers ou miniers d’envergure,
ainsi que dans les zones de failles Ikoye-Ikobe.
Ainsi, par une méthodologie pragmatique et préventionniste de la question, les urbanistes en
tant qu’expert de l’aménagement des villes doivent inciter les autorités et les populations à
privilégier l’anticipation des risques en milieu urbain avant de construire ou de lotir.
On comprend donc que l’approche parasismique de l’urbanisme et de l’aménagement doit être
l’un des axes majeurs de la gestion urbaine dans le Gabon du 21e siècle confronté à des enjeux
environnementaux sans précédents.
BARBERA-ISAAC Léon Pierre Joury, Urbaniste DEIAU.

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