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VITA VEDASTI

Manuscrits

Famille a:
S1 — Sangallensis n.563, pp.180-202, IXème/Xème s.
Br = Bruxellensis n.7984, fol.40’-48’, Xéme s.
S2 = Sangallensis n.551, pp.174-210, Xéme s.

Famille 6:
L = Luxemburgensis bibliothecae urbanae n.97, fol.168-178, Xème s.

Famille y:
S3 = Sangallensis n.559, pp.190-218, XIème s.
Re = Remensis 1405( K785), fol.163-169, XIème s.
R = Rothomagensis 1400 (U 3), fol.54-55’, XI ème s.
B2 = Bruxellensis n.7487-7491, fol.38’-41’, XIII éme s.
B3 = Bruxellensis n.9636-9637, fol.202-205’, XIéme/XII éme s.

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VIE DE VAAST

‘us Vedastus regi Ho. Préface de l'oeuvre; Phomme de Dieu, saint Vaast, se joint au Roi Clovis

1. Après être descendu des cieux et né d’une vierge pour venir dans
stus ouem quaerere notre monde chercher la brebis perdue, une fois le Plan Divin et notre salut
accomplis dans leur plénitude, notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ revint en
uenerat uterum et,
glorieux triomphateur siéger avec Son Père en majesté; voulant chasser de
. plenitudine, cum
Ja terre entière les sombres ténèbres de l’ignorance, Il dispersa dans le
sus, ut tetricas igno-
monde entier une foule de lumières, les saints docteurs, qui devaient leur
‘um lumina docto-
éclat à la lumière de la prédication évangélique. Il voulait voir, à l’image du
luiserat? mundo ut,
ciel qui doit aux étoiles sa parure éclatante, alors que ces dernières reçoivent
mes ab uno inlus-
du seul soleil leur lumière, les saints docteurs donner aux vastes étendues de
sscerent doctoribus, Ja terre leur splendeur, tout en recevant eux-mêmes leur lumière du Soleil
niente gratia, caecas Eternel, afin d’illuminer, par l’effet de la Grâce Divine, les aveugles ténèbres
so Christi nomine de l'ignorance de l’éclat de la vraie foi et du glorieux nom du Christ pour
eculi esuries aeter= apaiser au banquet de la Vie Eternelle, par les mets qu'ils servent eux-
nctus Dei sacerdos mêmes, la longue faim dont l’humanité souffre depuis sa naissance.
mi regis tunc tem- Vaast, saint prêtre de Dieu et prédicateur hors du commun, fut de leur
zratia, ob multorum nombre: c’est à l’époque de Clovis, vaillant roi des Francs de ce temps là,
tis suffultus* auxilio qu'il vint dans ces régions, conduit par la Grâce Divine, pour le salut de la
aqueis captiuum in multitude, afin de rendre à la liberté, avec le soutien de l’Amour Divin, le
sto est libertati> res- peuple trompé par les ruses du diable et pris aux lacets de l’erreur, et de le
n fieret tempore qui conduire sur la route du salut éternel et véritable qui est dans le Christ. Mais
; salutis». Dominus” voulant voir les événement se dérouler en des temps favorables comme le
tentem suo famulo dit l’Apôtre: «Voici maintenant le temps favorable, voici le jour du salut», le
‘um uerbi Dei per- Seigneur Jésus qui veut le salut de tous les hommes ménageait à Son servi-
teur une occasion susceptible de le faire parvenir en temps voulu au minis-
louium® Alamannis? tère de la prédication de la Parole divine.
Donc le roi des Francs, Clovis, vint à déclarer la guerre aux Alamans qui

doueo L: ludouio B2
ludouuici B3 ludouict 7- dominus w: deus S3 8. hlodouium S3: hlodoueum S2L hlodouicum B3
ffultus BrS2LS3Reb2: D Br lothuuium Sr ludouicum B2 ludouuicum Re 9. alamannis
acceptabili w: -lis S2B3 Qt: ale- Ly
VITA VEDASTI 81

potiti sunt™. Sed non jouissaient à l'époque de leur indépendance politique. Or, contrairement à
na collecta manu regi ke qu'il souhaitait, son offensive ne les prit pas à 1 improviste: ils avaient ras-
dellica uirtute patriam semblé une troupe de vaillants guerriers qui barraient le passage au roi sur
Jes rives du Rhin. Un seul et même sentiment les animait: combattre cou-
: fortissime utrimque
rageusement pour défendre leur patrie ou mourir pour elle en hommes
atriae perderent liber=
aimio turbatus terrore libres. On combattit vaillamment de part et d’autre, tous se ruant à un mas-
sacre réciproque, les uns pour ne pas perdre la gloire du triomphe, les autres
d internicionem uinci
pour ne pas perdre la liberté de leur patrie. Le roi, affolé, épouvanté, voyant
sperare3. Etsi necdum
ate cogente ad Christi ennemi combattre vaillamment, les siens vaincus et pratiquement décimés,
se prit à désespérer de son salut plus qu’il n’espérait la victoire. Il avait beau
am baptismique sacra=
avoir refusé de renaître dans le Christ, il fut contraint par la force des choses
_ hac uoce ad caelum 4 trouver aide et protection dans le Christ! Comme la reine, sa femme, qui
iestatis quem regina! s'appelait Clotilde, était pieuse et avait reçu le sacrement du baptême, il leva
hi!7 hodie de inimicis
les yeux vers le ciel en disant: «Dieu qui es puissance unique, majesté suprê-
ris Deus et veneranda me, Toi que la reine Clotilde vénère, confesse et adore, donne-moi de
ji seruitium promitto vaincre mes ennemis aujourd’hui.A dater de ce jour, Tu seras mon seul Dieu
"ga uerterunt Alaman- et je vénérerai Ta puissance! Assure-moi le triomphe et je Te servirai à
jamais, j'en fais le serment». Aussitôt, par l’opération de la Grace Divine, les
Alamans battirent en retraite. Et la victoire revint au roi et à ses Francs.

mum et sibi sanctum?


ta suscepit. Comment, après sa victoire, le Roi veut au plus vite être baptisé; prend à ses côtés
saint Vaast qui, par son enseignement, lui donne de recevoir le sacrement du bapté-
fabilis bonitas qui° sic me
sel Quanta fide chris-
paganus rex ad unius 2. Clémence miraculeuse du Dieu tout-puissant! Bonté ineffable de
‘ui24 ex antiquis huius Dieu qui exaucera ainsi les hommes sans jamais abandonner ceux qui espè-
ai ob unius momenti rent en Lui! Que de foi doivent avoir les chrétiens quand ils invoquent la
: triumphum, nisi Eze- Miséricorde divine, puisqu’un roi paien, pour avoir émis une seule prière,
à mérité de remporter une si grande victoire. Qui, dans le passé, reçut une :
nmodo petitione pro-
aide comparable de la Miséricorde Divine qui donna à son futur serviteur
n superna protectione
un triomphe si illustre, alors que ce dernier ne l’avait imploré qu’une seule
fois, sinon le roi Ezéchias? Ezéchias, pris 4 la gorge par le malheur, l’obtint
Sur une seule demande de sa part: il vit non seulement sa cité sauvée d’un

ro per se potiti sunt fransp.


c SI 13. sperare w: hodie S3 18. pro pietate transp. uirtute B3Re 19. sanctum sibi Re 20.
: hlothilt S2 hluthhilt Br Qui w: quae B3 21. exaudiet B1iS2LS3: -dit SrReB2B3 22. derelinquet
lothil d $3; hlothi l S2 hlo- BrS2S3: -quit StLReB2B3 23. precis BiS2S3ReB2B3:-ces SiL 24.
B3 17. post mihi om. Cui-diximus om.B3
ALCUIN VITA VEDASTI 83

diuinas effuderat aures ravage imminent par la protection d'En-Haut, mais aussi, à sa grande Joie,
idi uiderat? Haec uero cette même nuit où il avait supplié Dieu de l'écouter, sa délivrance et la
: suo causa fuit Salutis mort de cent quatre vingt cinq mille ennemis! Or la victoire dont nous
tus, sub modio lateret venons de parler fut pour le roi et le peuple franc la cause du salut éternel
-mplis uel praedicatio= et du fait que la lampe-saint Vaast- loin de demeurer cachée sous le bois-
et caligine ignorantiae Seau, fut placée sur le chandelier, afin de donner dans la maison de Dieu la
Jumière de ses exemples et de sa prédication, de faire sortir de l’erreur de
eratis hostibus et rebus
l'idolitrie et des brumes de l'ignorance le plus de gens possible, pour les
dicioni, rex ouans cum
conduire sur la voie de la Vérité. Une fois donc l’ennemi écrasé, la paix
te sibi gloriae largitori
revenue et les Alamans sous sa dépendance, le roi revint dans sa patrie, tout
cra inbui praedicatione
joyeux, et avec les honneurs du triomphe; voulant respecter la promesse
ullum?? oppidum ubi
faite à Celui qui lui avait donné de connaître une si grande gloire, il n’eut
34 soli seruire Deo et qu’une hâte: se pénétrer de la sainte prédication que faisaient les serviteurs
s. Hunc uero ad sanc- du Christ, puis être purifié en recevant le sacrement du saint baptême. Il
em Remanam*? prope- vint à Toul où saint Vaast, comme il l’apprit, menait une vie digne d’éloges
is per singulos itineris4® au service de Dieu seul, en cueillant les doux fruits de la vie contemplati-
s et catholicae fidei fir- ve; il le prit à ses côtés et gagna Reims sans perdre de temps, afin de voir
rtutum scientia, a tanto un illustre prêtre du Christ, saint Rémi; il voulait ainsi se pénétrer, en cours
onis caelestibus confir- de route, à chaque pas, de l’enseignement salutaire prodigué par Vaast et
zratia euangelicis coep- solidement étayer sa foi catholique; puis, une fois prêt, après son instruction
festinantem deducebat morale et religieuse, être purifié par l'Esprit des mains de cet évêque remar-
abluebat. Ambo prope- quable et recevoir de lui les dons célestes qui le conforteraient dans sa foi.
ille baptismatis unda, Vaast, par un effet de la Divine Providence, avait déjà commencé à le faire,
s obtulerunt* accepta- en lui prêchant l'Evangile. Vaast guidait le roi dans sa hâte vers la source de
.a quibus rex praefatus vie, tandis que Rémi purifiait à la source du salut éternel le roi qui venait
miserante Deo, portam à lui. L’un et l’autre Pères firent montre d’une piété comparable: le premier
te Francorum credidit enseigna la foi, le second donna l’eau du baptéme mais tous deux offrirent
uisitionis ut adnuntien- au Roi Eternel un présent propre à le satisfaire, un roi de ce monde. Ils sont
zit in admirabile lumen deux oliviers, deux candélabres éclatants; ce sont eux qui instruisirent le roi
dont nous avons parlé dans la voie de Dieu, qui le délivrèrent des chaînes
du diable et qui lui ouvrirent, avec la Miséricorde Divine, la porte de la
Lumière Eternelle et lui donnèrent ainsi qu’à la vaillante nation franque de
zi populoque suo causa fuit croire au Christ. Cette nation devint alors la nation sainte, le peuple du
ilicet S1BILS3ReB2: uide= rachat dont les vertus doivent annoncer Celui qui l’a rappelé des ténèbres
; dei S2 30. pro edu- pour le faire accéder à Son admirable lumière.
2 32. tullum w: illam
_eB2B3:releg-LS3 . 35:
car- L 37. remanam
-us L 39. pro adsump- Br 42. obtulerunt w: -tulere B3 43. hi-lucentia om. B3 | | hi w: hii S1
AI. temporalem w: -le 44. post oliuae add. et B2 45. christo w: -ti S2 46. et facta- -suum om. B3
LCUIN VITA VEDASTI 85

la lumière du regard
En chemin Vaast, l'homme de Dieu, donne à un aveugle
Dei Vedastus47 caecum
la foule.
devant le Roi et

t historia Dominum 3. Comme nous le rapportent les évangélistes dans les Saintes Ecritures,
dem? Suae maiestatis Je Seigneur Jésus se rendait à Jéricho pour affermir dans la foi en Sa majes-
anti lumen reddidisse té le coeur de ses habitants, lorsqu'un aveugle lappela à grands cris; et Il lui
en spiritaliter multos rendit la vue, voulant illuminer l'esprit et le coeur de la foule en donnant
lastus5!, Deo Christo 4 un seul homme, Paveugle en question, la lumière du regard.
m quam uerbo praes Il en alla de même pour saint Vaast: par un don du Christ Dieu il rendit
‘ex ipse intellegerets2 à un aveugle la lumière du regard, affermissant de ce fait dans le coeur du
0 oculorum inlustras Foi la foi qu'il lui avait prêchée en paroles, afin que le roi comprit qu’il avait
2s famuli sui in oculis personnellement autant besoin de la lumière du coeur qu’un aveugle de la
famuli, eadem oper Jumière du regard. Et ce miracle, que les prières du serviteur de Dieu
‚suo pectore perfice- accomplirent avec la Grace Divine sur des yeux condamnés 4 la nuit de la
atu cum multitudine cécité, trouva un prolongement dans le coeur du roi: la même Puissance fit
son oeuvre et les sermons de ce même serviteur lui firent saisir la lumière
1 quoddam5 pagum
de l'esprit.
1gise57 pagus dicitur, Ils faisaient donc route, avec une escorte importante, comme l’exigeait le
origeras Axnae® fly- rang du roi, accompagnés d’une foule de gens immense, et ils arrivèrent
rege transeunte cum dans un pays que les habitants de la région appellent communément Voncq,
auius diutissime sola= à proximité du domaine de Rilly, situé sur les rives fleuries de l’ Aisne. Le
-d ut manifestarentur roi empruntait avec un grand nombre de personnes le pont pour traverser
esentem plurimorum le fleuve, quand soudain un aveugle vint à leur rencontre; il y avait fort
sset a praetereuntibus longtemps qu’il vivait privé de la lumière du jour dont nous jouissons, mais
agere comitatu, cla- sa cécité n’était peut-être pas due à ses fautes: elle devait permettre aux
nei et supernam pio oeuvres de Dieu de se manifester en lui en illuminant spirituellement le
ueniat miseriae. Non coeur de la foule à la faveur de l’illumination des yeux de l’aveugle; ayant
sanctitatis tuae preces appris des passants que le serviteur du Christ, saint Vaast, faisait route dans
m sibi adesse super- lescorte, l’aveugle cria: «Saint Vaast, élu de Dieu, prends pitié de moi!
as propter praesentis Implore pieusement la Puissance d’En-Haut, demande-lui ardemment de
n diuina fidens pieta- me venir en aide dans mon malheur. Je ne demaïde ni or ni argent, je Lui
caeci dicens: «Domi- demande de me rendre la vue en exauçant tes saintes prières». L'homme de
Dieu sentit alors qu’une force venue d’En-Haut était avec lui. Et deman-
dant, au-delà du salut de l’aveugle, celui de la foule qui était là, Vaast s’abi-
49. ad confirmanda fide ma en prières et s’en remit à la Miséricorde Divine: faisant de la main droi-
- S2 52. intellege- te un signe de croix sur les yeux de l’aveugle, il déclara: «Seigneur Jésus,
m suam om.B3 54.
lam y 56. quod w: aLS3: axonae RReB2 61. pontem w: pontum S1 62. sancte w: -tae R
e S2 58. prope w: 63. non ob illius caeci tantummodo w: non oblius cecitatum modo S3 64.
iacam R 60. axnae Sacras w: -is S2
2UIN VITA VEDASTI 87

aeci ad te clamantis gle quand ce dernier


Jumière véritable, Toi qui ouvris les yeux de l’aveu
sens, quia Tu es solus Pappelait à grands cris, ouvre également les yeux de cet homme, pour que
r ille caecus lumine Ja foule ici présente comprenne que Tu es le seul Dieu et que Tu fais des
‚ tempore sequenti 3 merveilles au ciel et sur terre». Et l’aveugle recouvra la vue et poursuivit sa
a miraculi istius66 ir) route, tout joyeux. Plus tard, des religieux édifièrent à cet endroit une égli-
a praestantur diuing se pour commémorer ce miracle et, de nos jours encore, les fidèles qui
viennent y prier reçoivent les bienfaits de Dieu.

n Remis ciuitate uirym


71
Le Roi Clovis vient se faire baptiser dans la cité de Reims et là, recommande
Vaast, l'homme de Dieu, au saint évêque Remi.

inbutus doctrinis et 4. Le roi, qui s'était profondément pénétré des enseignements évangé-
ortatus, nihil74 mora-
liques dispensés par l’homme de Dieu, et que ce miracle avait puissamment
te animi, magna fes-
conforté dans sa foi, sans s’attarder en route, sans douter dans la foi mais avec
lium76 uidere prope- une grande allégresse au coeur, en grande hâte, alla trouver le très saint
operante7’, in remis- évêque Rémi, il voulait recevoir de ce saint ministre, grâce à l'opération du
ttholici?® baptismatis saint Esprit, la rémission de ses péchés et l'espérance de la vie éternelle, en
itus diebus, ut eccle- se purifiant à la source vive du baptême catholique. Il demeura auprès de
secundum apostoli- lui quelques jours, afin de satisfaire aux pénitences prévues par l'Eglise, de
beato®3 Petro princi- se purifier au préalable en versant des larmes de repentir selon le précepte
anusquisque uestrum de l’apôtre-comme le dit le chef des apôtres, saint Pierre: «Faites pénitence
omine sanctae Trini- et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ» — et de rece-
uero beatus pontifex voir ainsi au nom de la Sainte Trinité, Mystère Divin, le baptême. Connais-
‘5 cum ordine fianty, sant les paroles de l’apôtre Paul — «Que tous vos actes se fassent avec bien-
ada diuinae*® pietatis Séance et ordre» — le saint évêque fixa le jour qui verrait l'entrée du roi à
m, qualis in ecclesia l'église, pour recevoir le sacrement que Dieu lui accordait dans sa miséri-
raedicationem Ionae corde. La joie des saints de Dieu, l’allégresse de l'Eglise du Christ égalèrent
sse penitentiae et sub la joie et l’allégresse qu’ils éprouvèrent en voyant le roi de Ninive descendre
put humiliare. Bapti- du trône de sa majesté après la prédication de Jonas, s’asseoir dans la cendre
en signe de pénitence et baisser sa royale nuqué sous la sainte main du

2 67. in qua w: in
//douius B2 luduuius S1 nem w: remisione L 79. catholici w: -ce S2 80. quo ut uid. St 8r.
70. remedio w: remigio Sanctionibus BS3ReB2B3: sanxio-Sr sancio-S2R sarictio- L | |sanctionibus—
| post pontifici add. eum (de)signaret om. B2 82. post et add. de L 83. beato om. S2S3 84.
idem w: -de L 74. Penitentiam in mg. S1 85. honesta w: -e Sr 86. diuinae w: -na S3 87.
76. remedium Ot: tunc fuit L 88. nineue S1B1 S3L: niniue S2ReR niniuae B3 89. sacer-
S3 78. remissio- dotis dei Sr 90. dextera om.L
VITA VEDASTI 89

, diuina Praeuenien- prétre de Dieu. Le roi fut donc baptisé en même temps que les hauts per-
entum utrumque et sonnages de sa cour et le peuple qui, par un effet de la Grâce Divine, se
sceptra regni regen- réjouissait de recevoir les eaux salutaires du baptême. Le roi reprit la direc-
tifici commendauit tion du royaume, fort tout à la fois de sa victoire sur l'ennemi et du salut
obtenu À la suite de son voeu, et recommanda saint Vaast au saint évêque
im claruit exempl;
um morum lien Rémi. Vaast s’attarda à Reims où ses mérites, ses vertus exemplaires lui
1e iocundus, humili valurent un prestige éclatant et lui gagnèrent l'amour et la vénération de
zone modestus, cor- tous. C’était un saint par la dignité de ses moeurs, un homme remarquable
wr. Non de crastino ar sa charité; il était bon, plein de la joie de l'amour fraternel, éminent par
nnes ad se uenientes son humilité et sa piété; il se montrait assidu pour les veilles où l’on prie,
avait un langage mesuré et vivait dans la chasteté; il jeûnait et vivait sobre-
iciebat angustia, sed
ment, il consolait les malheureux, ne pensait jamais au lendemain, mettant
1 uel uerbo nocuit,
2 et a quam plurimis toujours sa confiance en la Clémence Divine, et tous ceux qui venaient à
Jui recevaient le pain de la Vie Eternelle. Il ne méprisait pas les gens pour
) alloquio uel in tris- Jeur pauvreté, mais consolait les affligés en leur tenant des propos
1em, uel in religione empreints de piété et leur redonnait courage; il ne nuisait à personne, fût-
ueritatem. Unde et
ce en paroles, s’efforçant plutôt d’être utile à tous les hommes, comme le
ati sunt et uias uitae
demande l'amour fraternel. Une foule d’illustres personnages venaient
donc fréquemment le voir, afin de trouver dans les saints propos qu’il leur
adressait un soulagement aux peines et aux soucis qu’ils connaissaient, ou
connaître la manière véritable et conforme à l’Eglise de vivre leur foi. Sa
ni ibi gesto sainte dévotion en libéra ainsi beaucoup des embüûches du diable et ces
gens s’engagèrent, avec l’aide de la Miséricorde Céleste, sur la voie de la
jerrimam sanctitatis vie éternelle.
e solebant ut conso-
illius. Et quia% ex
ore omnes diligebat, Vie de l’homme de Dieu à Reims; miracle du vin opéré dans cette ville
tem suum reputans
iae obruit humo sed 5. Oui, nous l’avons dit plus haut, beaucoup de personnes, nobles ou
ze uacuus, reuenien- gens du peuple, venaient régulièrement trouver l’homme de Dieu, poussés
tur quidam uir nobi- par la réputation de sa sainteté, afin de trouver consblation dans la grâce qui
iristi ut per eum cae- coulait en abondance de ses lèvres. Et comme c’est du trop-plein du coeur
que la bouche parle, comme il chérissait tous les hommes d’un amour fra-
ternel, il faisait preuve d’affabilité envers tous. Considérant que le salut
d'autrui était son propre bénéfice, loin d’enfouir dans le sol, par paresse, le
3. pia w: pie Br 94. talent que son Seigneur lui avait confié, c’est dans la pratique quotidienne
quia ----loquitur om.B3 de la charité qu’il s’efforçait de le multiplier, par crainte de donner à son
1inicae --appareret illius Seigneur quand Il reviendrait l'impression d’avoir été un serviteur inutile.
90. reueniente w: reuer-
Le serviteur du Christ eut, entre autres, la visite d’un personnage de haute
VITA VEDASTI QI

ssimae allocutionis naissance et de grande piété, qui venait chercher du réconfort auprès de lui
sntrum, crescentes et goûter le miel de la doctrine céleste; l'entretien se prolongea tandis que
a absque caritatis Vaast lui adressait de douces paroles. Comme le soleil avait dépassé le milieu
aansisset uini Caro du ciel et que les ombres s’allongeaient, l’homme de Dieu ne voulut pas
nima refectus uel renvoyer son hôte sans lui offrir de quoi l’aider à reprendre sa route: il
itum frequentiam demanda à un serviteur d’apporter le vin restant et d’en donner une coupe
rida patris caritate à son cher ami, car il voulait, après l’avoir réconforté moralement, lui don-
olebat. Mox tristis ner des forces pour le retour. Or comme l’homme de Dieu recevait un très
uribus. Qui uere- grand nombre d’hôtes, qu’il faisait preuve d’une grande largesse envers
tous, car le père n’était pas avare - le serviteur trouva la cruche qui servait
ibundans, corde!°3
d'ordinaire... avare de vin! Il alla donc, la mine désolée, le chuchoter dis-
reces effudit, nihil
crètement à l’oreille du Père; ce dernier, le visage empourpré de honte,
hesitans effectu1°%6,
mais le coeur débordant de charité et de douceur, s’en remit à la volonté
tienti populo fon-
divine et adressa à Dieu des prières dans le silence de son cœur; sans dou-
quam in mirabilis ter le moins du monde de l’aide divine, sans avoir la moindre hésitation sur
nfidens bonitatem l'effet qu’aurait sa demande, il fit entièrement confiance à la clémence de
obis adferre». Qui Celui qui, d’un rocher aride, fit jaillir une eau vive pour son peuple assoif-
no optimo super- fé, qui changea, à Cana en Galilée, l’eau en un vin miraculeux. Il dit à son
ienti et suis SOCIIS serviteur: «Va, aie confiance en la bonté de Dieu et apporte-nous au plus
uit in propria. Sed vite ce que tu auras trouvé dans la cruche!».
igero populi cele- Obéissant aux ordres du Pére, ce dernier se précipita et trouva la cruche
ero omnibus uitae pleine à ras bords d’un vin excellent. Il rendit grâces à Dieu et, gaiement,
gnitus esse cupiens en présenta une coupe à l’ami du Père et à ses compagnons qui arrivaient.
tutum'!° ueram in L’hôte regagna sa demeure, doublement réconforté par la charité de Vaast.
gradibus altissima Mais, par crainte de vantardises, de rumeurs sans fondement qui auraient pu
qui se humiliat™ faire jaser et divulguer le miracle, le serviteur du Christ ordonna à son ser-
viteur, sous la foi du serment, de taire ce miracle tant qu’il vivrait car il dési-
rait se faire connaître de Dieu seul, bien plus que des hommes, sachant per-
tinemment que la vertu véritable est de loin l'humilité, une humilité sans
faille, et qu’elle permet à celui qui emprunte les degrés de la charité d’ac-
céder au sommet, au Royaume des Cieux. La Vérité le dit Elle-même:
«Tout homme qui s’humilie sera élevés».

103. corde w: -
L 106. effectu
in ima mg. scr. m.al.S1
IIO. uirtutum
[2. qui SiIBiR: quae
umiliabitur y
VITA VEDASTI 93

rabate "4 ciuitatiS L'homme de Dieu, ordonné évêque par saint Rémi et envoyé à Arras prêcher la
aecum et claudum parole de Dieu, guérit à l’entrée de la ville un aveugle et un boiteux

6. Comme l’homme de Dieu jouissait d’une très grande réputation


et caritatis in eo parmi le peuple, et que sa grande charité, la sainteté de sa vie, sa constance
longe lateque ab à prêcher la Parole de Dieu étaient unaniment célébrées dans tout le pays,
le très saint évêque Rémi décida alors qu’il valait mieux placer en haut du
medio tam prae-
chandelier une lampe qui avait un éclat aussi resplendissant dans le Christ,
abrum ponere ut
pour donner à sa sainteté un éclat et un rayonnement plus larges et offrir à
m luceret multo-
la multitude la lumière du salut, que la tenir pour ainsi dire cachée sous le
condita latuisset.
toit d’une seule maison. Suivant le Plan Divin et l’avis salutaire de ses
dinauit eum epi- prêtres, il l’ordonna évêque et l’envoya dans la ville d’Arras prêcher la paro-
eum direxerat’?? le de vie, afin de voir ses habitants qui étaient depuis longtemps dans l’er-
tudinis erroribus reur, facheusement accoutumés 4 un paganisme de longue date, se laisser
us instantiam per conduire par Vaast avec l'aide de Dieu sur la voie de la vérité et reconnaître
etur; qui pontifi- le Fils de Dieu. Vaast reçut le titre d’évêque et mission de précher l’Evan-
ad praefatam iam gile puis il gagna la ville dont nous avons parlé.
is et salutis Deus Or Dieu signala aux habitants d’Arras l'entrée de Vaast par un miracle,
efecit introitum. preuve et annonce de leur salut et de leur prospérité à venir. Vaast rencon-
1 egenos et infir- tra donc à la porte de la cité deux hommes pauvres et infirmes, un aveugle
ei uoce stipendia et un boiteux, qui demandaient avec des accents misérables une piécette à
3 miseriae, secum l’homme de Dieu. Le prêtre du Christ, pris de compassion devant leur
apostolicus prae- misère, se demanda ce qu’il pourrait bien leur donner pour les soulager. Le
„in diuina confi- prédicateur apostolique, sachant qu’il n’avait pas d’argent dans ses bagages,
annis confortatus s’en remit à la Clémence Divine et, fort de l’exemple des saints apôtres
m. Quod autem Pierre et Jean, leur dit: «Je n'ai sur moi ni or ni argent, mais ce que j'ai, la
B ad Deum hoc charité qui est mon devoir et la prière que j'adresse pieusement à Dieu, je
21 eX intimo cor- vous les donne sans plus tarder». Sur ce, profondément ému de leur misère,
im fidei puritate l’homme de Dieu, versant des larmes, implora Dieu dans la sincérité de sa
li uel pro populi foi de leur venir en aide et de sauver les âmes des gens présents en sauvant
jae preces ineffi- ces hommes de leurs infirmités. Ses prières montraient une telle piété,
étaient si justifiées qu’elles ne purent rester sans réponse. Grâce à Celui qui
iquit prophetam:
déclare par la bouche du prophète Isaïe: «En temps opportun, je t’ai exau-

IIS. ciuitati w: -te


S2 118. supra
orum S3 121. 127. christi w: dei B3 128. et dum--exemplo om. B3 129. sacculis a LRe:
122. direxerat saculis R seculis S3 130. se om.ST 131. post non om. est R 132. id
ratione miraculi Sr est om. SI 133. pietatem orationis w: pietatis orationem S2 134. miseria
cet w: uidelicet B3 lacrimas fudit B3 135. sed—te om. B3 136. isaiam S1B1S3R: e- S2LRe
VITA VEDASTI 95

e» mox87 ambo cé et au jour du salut je t’ai secouru», les deux infirmes, sous les yeux de la
tatem, hic lumi- foule, recouvrèrent aussitôt la santé qu’ils avaient appelée de leurs voeux: la
ambo supernae clarté du jour enrichit l’un, l’usage de ses jambes réjouit l’autre, et tous
deux s’en retournèrent chez eux, rendant grâces à Dieu et revenant avec des
2ra portantes™*,
dons qui dépassaient leurs espérances. Mais ce miracle, en leur apportant la
in illis'43 pluri-
guérison, fut aussi pour beaucoup le moyen de connaître le salut éternel.
uirtutem uerba
Car en voyant la puissance céleste exaucer les paroles du prêtre de Dieu,
Christum cre-
beaucoup renoncèrent aux souillures de l’idolâtrie, crurent au Christ et
furent purifiés à la source vive du saint baptême.

ruinas murorum Parcourant la ville, il découvre à grand-peine les vestiges d’une église parmi des
murs en ruine et voit qu'ils servent de repaires aux bêtes sauvages

zore populi suf- 7. Quant à l’homme de Dieu, pour avoir accompli ce miracle, il gagna le
nas aedificiorum soutien et les faveurs de la foule. Il parcourait chacun des quartiers de la
| antiquis ferme ville, cherchant parmi les édifices en ruine les vestiges éventuels d’une égli-
1146 aonouit. Sed se: d’après ce qu’il savait, la foi chrétienne avait été jadis florissante à Arras,
idicio sed iustis- mais Dieu, voyant les péchés de ses habitants, prononça un jugement secret,
atibus pagano et mais profondément juste, et livra la ville avec d’autres cités de la Gaule et de
‘praedanda. Qui la Germanie au pillage du roi des Huns, Attila, un homme perfide et païen.
\ei honorem nec C'était un homme au coeur cruel qui, loin d’honorer les prêtres de Dieu,
da quasi tempes- de respecter les églises chrétiennes, semait partout la dévastation, tel un
ouragan monstrueux, par le fer et le feu. Ce fut alors un ravage semblable à
idine Hierusoli-
celui que fit, dans son impiété, le roi de Babylone à Jérusalem: des païens
cta est, uenerunt
s’attaquèrent aux possessions de Dieu, profanèrent les objets du culte chré-
auerunt sacraria
tien de leurs mains impures et répandirent autour des autels du Roi Très
ja altissimi regis.
Haut le sang des serviteurs de Dieu; ce n’est pas la vaillance des païens qui
stiani promerue- peut expliquer ces maux, ce sont les péchés du peuple chrétien qui les lui
ruinas ecclesiae valurent.
es; ubi quondam Le serviteur du Christ trouva une ancienne église en ruines. Il y avait
nt, stercoribus et parmi les pans de murs des buissons d’épines qui poussaient en épais four-
uod remansisset rés; là où jadis les choeurs chantaient des psaumes, on voyait les repaires et
les antres de bêtes sauvages; tout y était plein d’excréments et d’immon-

ectu w: inspectu S2 146. religionem w: rele-L 147. attilo w: atilo S2 148. tum S1LRB3: tunc
I4I. portantes w: B1S2ResS; 149. hierusolimitanae S3: hiero-SiB1LReRB3 p. c. ihero- S2 iero-
quod B3 143. B3 a.c. 150. non w: nec L 151. psallentium w: -ti Si 152. inmun-
uir w: uiri ST ditiis w: -ia S3
VITA VEDASTI 97

zit dicens: «O dices, qui en arrivaient presque à disssuler entièrement les murs. À cette
s cum patribus vue, son coeur fut pénétré de douleur et il dit dans un gémissement: «Sei-
mine, memor gneur, nous avons connu ces maux car nous avons péché comme nos pères,
liuiscaris pau- nous avons commis des fautes et nous avons agi injustement mais Seigneur,
is murmuraret souviens-toi de Ta miséricorde, épargne les pécheurs que nous sommes et
it. Cui uir Dei
n'oublie pas Tes pauvres à la fin». Il pleurait et se lamentait sourdement en
prononçant ces mots, lorsqu'un ours surgit brusquement des ruines où se
t sibi commo-
trouvait son antre! Indigné, l’homme de Dieu lui ordonna de se retirer dans
\ illius fluminis
un lieu désert, de chercher une tanière au fin fond des forêts et de ne jamais
umquam pos-
plus traverser le fleuve. L’ours, terrifié par de telles menaces, prit la fuite et
| in sanctis suis
ne se montra plus jamais dans les parages.
O. miserabilis
Quelle est admirable, la puissance du Dieu tout-puissant qui se manifes-
sanctis prolata
te dans ses saints qui savent se faire obéir des bêtes les plus féroces! Mais
la in obtempe- quelle est misérable, l’audace des hommes qui ne craignent pas de mépri-
ititur humana. ser la prédication du salut et les paroles proférées par les saints docteurs!
litus, honorem L'animal, tout privé de raison qu’il soit, fait pourtant preuve, dans une cer-
ntibus et simi- taine mesure, de raison humaine quand il obéit aux ordres des saints.
L’homme, lui, pourtant créé à l’image de Dieu, l’homme doué de raison,
n’est pas conscient de ce qui fait sa dignité: «Sa sottise est bien celle des
bêtes de somme, il leur ressemble!»
ncatae crucis dia-

Lors d’un banquet, en présence du roi Clotaire, l'homme de Dieu fait disparaître
58 desertas, cor grâce au signe de la sainte croix des machinations diaboliques
ris obcaecatum
itione ad agni- 8. Lorsque l’homme de Dieu s’aperçut que les églises du Christ étaient
summi decoris désertes, le coeur du peuple empoisonné par l’erreur de l’idolitrie et aveu-
iuersa ecclesia- glé par les ténèbres de l'ignorance, il mit sa piété à l'oeuvre en redoublant
ium, ibi oratio- d’efforts. Patiemment, il s’attacha à conduire le peuple vers la connaissance
is ornare laudi- de la vraie lumière, porta les églises à leur plus haut degré d’honneur et
ero pauperibus plaça dans les différentes paroisses des prêtres et des diacres chargés de le
munerum uel
seconder. Là où se trouvaient les repaires de brigands, il construisit des ora-
toires et s’efforça de leur donner pour parure la célébration des louanges de
itaque nullate-
Dieu qu'il préférait aux somptueuses décorations de ce monde. Il était large
pour les pauvres, affable avec les riches, cherchant à les conduire tous sur la
voie de la vérité par ses largesses ou l’amabilité de ses propos; il le savait per-
155. intel-
m S1iB1LS3ReR:
um S2 160.
162. comere w: commodare R 163. fuit--ueritatis om. B3 | | fuit w: fuerat B3
VITA VEDASTI 99

igionis humilita- tinemment, courber la nuque orgueilleuse des puissants, leur donner l’hu-
itiones, apostoli- milité chrétienne était chose impossible, à moins de recourir à de pieuses
zes lucri faceret, admonitions. Instruit par l’exemple de l’Apôtre, il s’était fait tout à tous, afin
ilectione ammo- de gagner tous les hommes. Entourant les plus âgés d’honneurs, admones-
1 quae Dei sunt, tant les plus jeunes avec un amour paternel, recherchant toujours l’avanta-
mpsit, non luxu- ge de Dieu lorsqu'il agissait charitablement, et non son avantage personnel,
concordiae faci- il marchait sur les pas du Christ, ne repoussant pas avec mépris les banquets
. Igitur quidam des puissants -ce geste n’était pas guidé par le goût du luxe, il n’agissait que
pour prêcher l'Evangile et profitait de l’intimité et de la bonne entente des
, regem Hlotha-
convives pour imprégner leur coeur de la parole de Dieu. Un noble Franc
emporis Franco-
du nom d’Hocinus, renommé pour sa puissance, invita à un repas le roi
m. Quod magno
Clotaire, qui était le fils du roi Clovis dont nous avons parlé plus haut et
ibus. Rogatus169
qui, à l’époque, gouvernait le royaume avec noblesse. Il avait préparé le ban-
1m intrans, more
quet dans sa maison et avait déployé beaucoup de faste pour le roi et les
) signauit. Quae- grands personnages. Saint Vaast avait également été invité au banquet et, en
ale gentili errore entrant dans la maison, il fit comme à son habitude un signe de croix, de la
otentiam sanctae main droite, et plaça maison et habitants sous l’étandard de la sainte croix.
uerunt in terram Il y avait là des cruches pleines de bière, mais de bière empoisonnée à la
uisione miraculi, suite de pratiques païennes et d’enchantements démoniaques. Le signe de
72, Cui sanctus croix, par sa vertu, les fit se briser en mille morceaux et le liquide qu’elles
tationes ad deci- contenaient se répandit sur le sol. Le roi et les grands personnages de sa
ribus potentia!73, cour, terrifiés par le miracle qu’ils avaient vu se produire sous leurs yeux,
omo effugit ista, interrogèrent l’évêque sur la cause de ce prodige inattendu. Et le saint
». Haec uero res évêque leur répondit: «Ce sont des enchantements maléfiques qui ont per-
liabolicae fraudis mis à la puissance diabolique de se cacher dans ces cruches de boisson. Mais
yum consuetudi- la croix du Christ, par sa vertu, l’a Épouvantée et le liquide que vous avez
2m, intellegentes vu se répandre visiblement à terre est le signe de sa fuite invisible hors de
‚nihil contra eius cette maison». Cet événement permettait à beaucoup de connaître le salut:
quod ille ad per- un grand nombre de personnes virent se délier les chaînes occultes des
1 redemptionem ruses diaboliques, n’eurent que mépris pour les vains augures, renoncèrent
aux enchantements auxquels ils recouraient d’ordinaire et progressèrent
dans la foi pure et véritable, comprenant que la puissance divine agissait et
donnait des signes par son serviteur et que les machinations de l’antique
serpent n'étaient d’aucun poids en face de la sainteté du serviteur de Dieu.
Et ce complot que le diable avait ourdi pour perdre les hommes tourna par
166. hocinus la Grâce du Christ à la rédemption d’un grand nombre.
lothuuii B1S2: hlo-
douii R 169.
71. destructa w: dis-
-SI
VITA VEDASTI IOI

omodo!" inlesa ab Maladie, mort et enterrement du saint homme. La maison où le saint homme
mourut échappe au feu

n Christi, diuina 9. Le prêtre de Dieu, avec l’aide de la Grâce Divine, avait donc dirigé
cae praedicationis pendant quarante ans environ l'Eglise du Christ, en se consacrant totale-
ris multitudinem ment à la prédication de l'Evangile et en vouant un grand amour à la piété.
ertit sanctitatem.
Et durant ces années, il convertit une foule de gens à la sainte foi chrétien-
ne dans le respect du dogme catholique. La connaissance de la loi brillait
1 Christi nomen
partout; le nom très saint du Christ était sur toutes les lèvres, on voyait
castissimae uitae
s'épanouir la beauté morale d’une vie chaste dans les moeurs de chacun et
triae amor. Popu-
chacun portait en son coeur un amour fervent à la patrie céleste. Aux jours
m magno gaudio
fixés, on voyait la foule accourir à l’église, on célébrait fort joyeusement les
limosinae!78 circa
grandes fêtes de Notre Seigneur et les gens distribuaient autour d’eux sans
. Dei cotidie per compter de l'argent aux pauvres. Les habitants de chaque quartier enten-
:0 horis canonicis daient chaque jour quelqu’un leur précher la Parole de Dieu. Aux heures
m, cui haec sunt: canoniques les clercs chantaient dans les églises des hymnes 4 la louange de
nes enim in pul- Dieu; «Heureux, dit-on, le peuple pour lequel il en est ainsi! Heureux le
idebant, in sancti- peuple dont le Seigneur est le Dieu!» Tous vivaient dans une paix et une
tus praedicator et tranquillité admirables, joyeux de connaitre la Vérité et pleins d’allégresse
à sui laboris, Deo dans la sainte foi chrétienne.
? ciuitate ualidae Mais le pieux prédicateur et saint prétre de Dieu, qui était chargé d’ans
sericordia, ut ubi et de mérites, devait recevoir pour son travail les recompenses données par
m aeternae beati- Dieu: il tomba alors gravement malade dans cette méme ville d’Arras et fut
cum animam suo pris de fièvre — la Miséricorde Divine l’avait ainsi voulu: la ville qui l’avait
#4 designaret, uisa vu servir son Dieu à la sueur de son front le verrait obtenir la palme de la
ae domus in qua béatitude éternelle, cette ville le verrait rendre son âme à son créateur, dans
rum ferme spatio les bras de ses très chers fils —. Or Dieu annonça par un signe la mort de
r, intellexit statim Son serviteur: on vit, une nuit, une colonne de lumière très éclatante qui
185 ad se filios ut partait du toit de la maison où gisait le saint prêtre et qui se perdait au plus
animam. Et post haut du ciel, deux heures durant environ. On rapporta ce signe à l’homme
tatis uerba sacro- de Dieu qui comprit alors immédiatement que“ce signe annonçait sa mort;
atico inter manus
il fit donc appeler ses fils et leur demanda de recommander dans leurs
prières son âme au Créateur. Puis, après leur avoir adressé de douces admo-
ma sacerdoti sed
nitions empreintes d’affection paternelle, après avoir prononcé d’ultimes
propos pleins de charité, il rendit l’âme dans les bras de ses amis en larmes,
muni d’un très saint et réconfortant viatique, le Corps et le Sang du Christ.
L 176. eadem
178. elimosinae
30. atrabate St: atre- 182. post inde om. ad Sr 183. sui w: sibi L 184. post deus inc.iterum B2
sruitio w: officio S3 185. suos add.m.al. S1 186. confirmatus w: se confirmauit B3
VITA VEDASTI 103

orali uita deseruit Jour d’allégresse pour le saint prétre, mais jour de deuil pour tout le peuple
rcessione si sacrae qu’un si grand pasteur abandonnait physiquement en cette vie et qui pour-
ia sequi non desis- tant ne les abandonne jamais spirituellement dans ses intercessions, pour
ssequia'®® clerus et peu qu’il veuille bien suivre les conseils qu’il lui donnait dans ses saintes
s, praesbiteri'®9 et admonitions et suivre pas à pas sa vie de droiture.
rra psallentium ut Le clergé et le peuple vinrent en foule aux obsèques de cet homme
ur in caelo. Et vénérable, ainsi que des évêques d’autres diocèses, des prêtres, des diacres.
Or miracle! certains religieux, à ce que l’on rapporte, entendirent au milieu
at corpus paratum
des sanglots des gens sur la terre des choeurs chanter des psaumes dans le
nt, quid uero age-
ciel. On avait placé le corps sur un brancard, au milieu de l’église, afin de
bantur a Scopilio-
lui rendre un dernier hommage; les porteurs s’approchèrent mais ils ne par-
rius fuerat sermo-
venaient pas à le soulever. Ils ne savaient quel parti prendre, où se tourner.
altura memoraret,
Ils demandèrent à l’archiprêtre Scopilion, un religieux qui avait noté par
| murum eiusdem
écrit les propos du saint de Dieu, s’il se souvenait de l’endroit où ce der-
it, saepius eum'93 nier avait demandé à être enterré car, ils en avaient peur, ce phénomène
eliri debuisset quia s’était peut-être produit parce qu'ils s’apprêtaient à l’ensevelir à l’intérieur
uorum 4, Consi- de la cité.
Scopilion leur répondit qu’il l’avait souvent entendu dire que la place
189. post praes- des morts n’était pas à l’intérieur des murs d’une cité, car toute cité devait
191. post feretrum être le lieu des vivants et non des morts!.
1 decreuissent efferre
194. post mortuo-
in oratorio quod ipse
ebat sed nec locum 1. famille y
2c agerentur et quid Or ils voulaient l’enterrer dans l’église de la Bienheureuse Marie Toujours Vierge, où se
-dis repletus commo- trouvait le siège épiscopal sur lequel il siégeait. Mais saint Vaast, on le sait, avait choisi l’em-
prouolutus erupit in placement de sa sépulture, un oratoire dépouillé, en planches, situé près des rives du Crin-
ies declinat ad uespe- chon. Malgré ses dernières volontés qui lui avaient été dictées par son humilité coutumiè-
e deportari ad locum re, toute l’assistance jugea indigne d’ensevelir le corps d’un si grand homme dans un endroit
im destinatum sepe- aussi humble. Les gens attendaient une sépulture à la mesure de ses mérites, d’autant que
l'endroit prévu par Vaast, qui n’était déjà pas fait pour recevoir un tel monument, ne serait
u altaris ubi ipse bea-
pas accessible à la foule car il était situé au milieu d’un terrain marécageux. Ils se lamentaient
feliciter et nobiliter
donc entre eux, lorsque le vénérable Scopilion, connaissant la vertu des prières, jugea bon
de recourir à son arme habituelle, l’oraison. Il obtiendrait par la foi ce que les hommes, mal-
beatae semper uirgi- gré leur nombre, n'avaient pu obtenir par la force. Il les exhorta à prier; quant à lui, pro-
uero sepulturae suae fondément affligé, il se mit à pleurer et, se penchant au-desssus du saint corps, lança cette
; propter litus Crien- prière: «Malheureux que je suis! Que veux-tu, saint père, que je fasse? La lumière décline, le
1 licet ipse pro humi- soir descend et tous ceux qui étaient venus assister à tes obsèques n’ont qu’une hâte, rentrer
i aderant attendentes chez eux. Permets, de grâce, que l’on te transporte à l'emplacement préparé avec soin par
in loco humili debe- tes fils!» Sur ce, les hommes prirent le cercueil où gisait le corps sans vie du saint homme,
1onumento nec palu- sans en sentir le poids; ils le mirent sur leurs épaules et, tout joyeux, le transportèrent à l’em-
rentur uenerabilis uir placement de sa sépulture. Ils l’ensevelirent donc dans l’église de la Bienheureuse Mère de
irrendum ut uidelicet Dieu, Marie Toujours Vierge, mentionnée ci-dessus, à droite de l’autel, à l'endroit où il sié-
VITA VEDASTI Ios

sibi ipse paraue- Sur ces conseils, ils ensevelirent le père en dehors de la cité, dans l’ora-
etrum portabant toire qu’il avait préparé de ses mains. Aussitôt, soulevant le cercueil avec la
locum sibi placi- plus grande facilité, ils portèrent le saint corps au milieu de cierges, en
eiusdem orato- chantant des hymnes d’action de grâces, à l’endroit qui avait ses faveurs, et
l’ensevelirent en l’entourant de grands honneurs près de l’autel et de l’ora-

nequiuisset. Unde
rpus sacratissimum
erupit: «heu mihi,
| uesperum declinat
geait pour les besoins de sa charge épiscopale et ils confièrent à la terre leur noble trésor. Il
festinant? Permitte, demeura là plusieurs années jusqu’au jour où les saint évêques Aubert et Omer, à la suite
existit.» Et his dic- d’une révélation divine, le transportèrent à l’endroit où l’on honore aujourd’hui sa mémoi-
.e nullum onus sen- re prestigieuse; et ce fut là un transfert bien inspiré.
nimi ad sepulturae (-.)
nitricis semper uir- Il reposa donc dans cette église jusqu’à l’époque de saint Aubert, septième évêque à lui
athedrae fungebatur succéder sur le siège épiscopal. Or ce dernier, comme nous le savons par le récit de nos
aliquod iacuit tem- pères, par d'innombrables témoignages, y compris de témoins oculaires, se trouvait un jour
memoria est a uiris sur les remparts après les hymnes matinales; l’aurore rougeoyait; comme ses regards se por-
slatus. Nunc autem taient vers l’orient, il aperçut de loin, au-delà de la rivière qu’on appelle le Crinchon, un
‚ memoria referatur. homme resplendissant qui avait un bâton à la main et mesurait l'emplacement de la basi-
lique. Il eut en le voyant une révélation divine et comprit qu’il voyait un ange: c’était là-bas,
comme l’ange le lui avait montré, qu’il fallait transporter saint Vaast, la chose ne faisait aucun
i septimus ei in sede
doute et le Christ signifiait son accord. Informé donc par cette révélation, il invita saint
cognouimus et ut in Omer à s'associer à lui pour mener à bien cette tâche importante. Omer était à l'époque
n factum probamus évêque de Thérouanne, la ville des Morins, et passait pour très compétent dans le domaine
tens rubente aurora religieux. Malgré la vieillesse qui l’accablait, malgré la cécité qui le gênait depuis quelque
u Crientio uocatur temps, il conservait en dépit de tout un esprit capable, comme un arc, de se tendre sous l’ef-
etiri. Quod ille cer- fort. Il se rendit aussitôt auprès du vénérable saint Aubert, sans perdre un instant, et le Christ
> illi est beatum illuc protégeait ses pas.
ielatione certior fac- Aubert lui fit part de sa décision et des signes divins qu’on lui avait envoyés, et d’un com-
mpestate Taruennae mun accord, guidés par le même souhait, ils firent transporter saint Vaast à l'emplacement
Qui licet iam senio désigné, à la grande joie des gens qui affluaient de toute part. Pendant le transport, saint
im tamen ut arcum Omer recouvra la vue mais il fit sur le champ des prières pour retrouver sa cécité antérieu-
s regente festinus ad re: peu importait la vue, cette lumière physique, à un homme qui était digne de connaître
la lumière dont jouissent les citoyens du ciel. En dehors de ces miracles, personne n’a jamais
itur w: dinoscitur S3
transmis par écrit à la postérité ceux qui, dit-on, se produisirent pendant le transfert du corps
ns ReR: in lacrimas
et que l’on a pendant quelque soixante ans attribués à saint Vaast, mis à part ce que nous
ria w:-am S3 || post trouvons dans l’antiphonaire et que chantent les chanteurs: «Voici saint Vaast, en l'honneur
semper | | mutatione duquel les hommes, sur l’ordre des anges, construisirent une basilique.» Il y a tout près de la
3 quod R | |memo- ville un endroit auquel sa noblesse a valu le nom de Nobiliacus. Il a, au fil des ans, acquis
>rum w: mari- B3. une telle renommée qu’on le désigne ordinairement du nom de la ville car cette ville a beau
n referens pari uoto se réduire à des ruines, son nom n’a pas été effacé des mémoires. Les dons des fidèles l’ont
ndique confluxerant embelli et des foules de moines, de personnes consacrées à Dieu ne cessent de le remplir.
qua translatione per- On y célèbre sans relâche les louanges de Dieu et il n’est pas rare d’assister à des événements
co precibus eandem surnaturels ou de voir des signes miraculeux dont les témoins oculaires parlent, plus qu’ils
t quippe lumen car- ne sont relevés par écrit. Amen.
VITA VEDASTI 107

liuina praestante toire en question, confiant à la terre leur noble trésor. En cet endroit, par
cernentium ore un effet de la Grâce Divine, des miracles se produisent souvent et ce, jus-
e itaque tempo- qu’à nos jours. Miracles dont on entend plus parler chez les témoins ocu-
epta ardere coe- laires qu’on n’en lit dans des récits écrits. Quelque temps après, la maison
1e sanctus adue- dans laquelle le saint aimé de Dieu était mort devint la proie des flammes
et se mit à brûler; or, sous les yeux d’une sainte femme du nom d’Abita,
is remansit cum
saint Vaast vint chasser les flammes de sa maison qui demeura ainsi intacte,
animam emisit,
de même que son pauvre lit, maison dans laquelle le vénérable homme avait
elis cuius lectu-
exalé son âme sainte et l’avait remise au royaume des cieux, pour donner à
m quoque sanc-
tous de connaître l’immense béatitude que connaissait aux cieux celui
tur miracula uel
dont, sur terre, le lit et la maison ne pouvaient brûler. Et c’est également la
xcellenti munita
sainteté de ses mérites qui fait que chaque jour, par un effet de la Grâce
itorum nobilita- divine, ou bien l’on raconte les anciens miracles ou bien l’on en voit de
zaudeat populus nouveaux. Bienheureuse cité d'Arras, que protège un si grand patron! Ses
rum illis perdo- murs ont beau tomber en ruines, elle n’en resplendit pas moins de la
itatis, cuius pre- noblesse des mérites de Vaast. Et le peuple tout entier doit se réjouir de sa
ab omni aduer- sainte intercession et rendre éternellement grâce au Dieu tout-puissant qui
itudinis gloriam lui fit don d’un docteur si prestigieux; c’est sa prédication qui lui donna de
jui cum Patre et connaître la voie de la vérité, ce sont ses prières qui le garderont à l’abri de
m. Amen?®!. toute adversité, pour peu qu’il demeure ferme dans sa foi et mène une vie
sainte, et lui donneront d’atteindre une glorieuse et parfaite béatitude, avec
laide de Notre Seigneur Jésus-Christ qui règne, Dieu, avec le Père et le
:o autem miracula Saint Esprit pour tous les siècles des siècles. Amen.
itum sexaginta per
dita excepto quod
:Vedastus cui tem-
ipse non longe ab
zus sed procedente
crebrioribus paene
imatus et agmine
icessanter cotidiae
funt miraculorum
is stilo scribantur.

ione w: largitio S3
st amen ita des. R
*xplicit uita sancti

7. abita w: habita L
B2R 199. si
des. L explicit uita

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