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Passe

Murailles
Revue du Genepi
#77 Crève la taule
Lutte anticarcérale

Entretien avec Jacques lesage de la haye page 20


Pour une abolition (du délit d'évasion) page 36
Penser la prison au prisme du genre page 50
Le Genepi rappelle que le Passe-Murailles se veut un espace de réflexion
et de débat. À ce titre, les propos tenus dans cette revue n’engagent que Passe-Murailles #76
leurs auteurs.
Septembre/octobre 2019
La rédaction d’articles dans la revue du Genepi, notre Passe-Murailles,
est ouverte à tous les bénévoles, et, au-delà, à toutes les personnes qui Directeur de publication :
gravitent autour de notre association : anciens, amis et soutiens de longue Laëtitia Rémy
date ou non.
Nous invitons particulièrement les personnes privées de liberté à nous Rédactrice en chef :
écrire, à nous envoyer des illustrations, et à noircir les pages du Passe- Claire van den Bogaard
Murailles. Nous vous invitons à faire respecter une liberté d’expression qui Mise en page :
vous est trop souvent refusée. Nous voulons d’une revue dont tous puissent Claire van den Bogaard
se saisir. Nous voulons une revue vivante qui soit un haut-parleur pour ceux
que la société refuse trop souvent d’entendre. Illustration de couverture :
Le Passe-Murailles, comme son nom l’indique, doit nous aider à franchir Claire Cordel
les murs. Si vous êtes incarcéré, la revue vous parviendra de façon libre et Son book :http://cloug.ultra-book.com/
gratuite. Maquette et Impression :
Envoyez nous vos coordonnées par courrier ou transmettez-les aux Estimprim
Génépistes que vous rencontrerez.
N° ISSN : 1954-2356 -
Cher∙es lecteurs∙trices, sachez qu’afin de ne pas faire abus d’une domination dont nous Dépôt légal à parution
cherchons à nous alléger, certains des articles que vous trouverez ici n’ont pas été corrigés,
à la demande de leurs auteurs∙trices. Merci de bien vouloir vous débarrasser de vos
aprioris, et de vous concentrer sur le contenu de ces articles, dont les idées ne sont en rien
amoindries.
De la même façon, certains de ces articles ont été pensés, et rédigés, en écriture inclusive
et la rédaction du Passe-Murailles, si elle ne l’impose pas préalablement, souhaite respecter
ce choix en publiant tel quel ces textes.
...2
La vocation du Genepi est de participer au décloisonnement de la prison en établissant un lien entre
les détenus et le monde extérieur.
Le Genepi est sans affiliation politique ni religieuse. Il est indépendant de toute institution quant à sa
réflexion et ses prises de position.
Le Genepi, association citoyenne, attachée au respect des Droits de l’Homme, a le devoir de rendre
compte de leurs violations éventuelles.
Le Genepi est constitué d’étudiants y exerçant leur citoyenneté. La Justice étant rendue notamment en
leur nom, le Genepi se réserve le droit de faire part de ses réflexions auprès des citoyens et de leurs
représentants.
Le Genepi considère que toute peine doit nécessairement permettre la réinsertion dans la société.
Le Genepi est opposé à toute peine et tout traitement inhumains ou dégradants. Il est opposé à la
peine de mort.
Le Genepi contribue à l’exercice du droit au savoir des personnes incarcérées.
Dans toutes ses activités, le Genepi est indifférent au passé pénal des personnes incarcérées.
La qualité des interventions du Genepi nécessite la plus grande concertation avec les différents par-
tenaires concernés.
Dans le cadre de l’information et de la sensibilisation du public, le Genepi rappelle que son devoir de
témoignage s’accompagne du souci de la plus grande honnêteté.
La diversité de provenance des étudiants qui composent le Genepi est un atout majeur de la qualité
de son action.
L’action du Genepi nécessite la formation des membres de l’association.
L’action au sein du Genepi est indissociable d’une réflexion sur le système pénal et judiciaire.
La réflexion sur l’action et la politique du Genepi doit être permanente et menée par ses membres.
Comment se dire adieu...
par claire van den bogaard
rédactrice en chef du passe-murailles

Un édito, c’est comme une chanson. page frénétiques pour respecter une
S’il n’est pas écrit en cinq minutes maudite dead-line.
sur un coin de table,il sera mauvais. Comment dire douze ans à courir
C’est dire si celui-ci, qui tourne après les rédacteurs, à me laisser
dans ma tête depuis des jours, sera impressionnée par la plume des uns,
médiocre. Furieusement. par la volonté des autres. Comment
dire douze ans de rencontres,
Faire le bilan, calmement, de ces d’échanges, de débats. Comment dire
douze années passées à fabriquer le douze équipes successives, travaillant
3...
Passe-Murailles n’est pas chose aisée. d’arrache-pied pour rallier le monde
C’est même furieusement ardu. De la entier à cette cause perdue, ces
même fureur qui m’a animée depuis équipes qui ont traversé ce parcours
que j’ai rejoint les rangs du Genepi, initiatique, en en sortant toujours
comme bénévole, il y a trop longtemps grandies, malgré, souvent, la douleur
pour pouvoir l’avouer ici. des responsabilités.
Comment dire douze ans avec
Comment dire adieu à plus si peu de « terrain ». Avec toujours la
de douze ans de Passe-Murailles. même crainte de ne pas être légitime
D’éditos, de comités de rédaction pour parler de ce que je ne connais
bruyants, de relecture de textes, pas. La même sempiternelle question :
brillants ou décousus, de mises en peut-on dire la prison sans y avoir
passé ne serait-ce qu’une nuit ? La dire le découragement, parfois, de
prison ne s’apprend pas dans les constater à quel point ce grand sujet,
livres. Elle ne s’apprend pas non si central, ne semblait concerner
plus dans le Passe-Murailles, qu’un si petit nombre de lecteurs.
quels que soient les humbles efforts Comment dire la tristesse, bien
en ce sens. Et pourtant… j’aime à me sûr, de voir cette page se fermer.
dire que ces modestes feuillets se Comment dire le soulagement
sont parfois retrouvés au bon endroit aussi, il faut bien l’avouer, de pouvoir
au bon moment. partir sans regret. Après moi, non pas
Comment dire la volonté de le déluge, mais la relève assurée par
...4 donner la parole à celles et ceux des militant∙es toujours plus affuté∙es.
qui savent, de plus près que nous. Comment dire merci aux
Comment dire le lien ténu qui nous équipes successives et aux
unit à elles∙eux. Comment dire qu’en salarié∙es d’avoir supporté mes tics
douze ans, leurs conditions de survie professionnels, mon exigence et…
n’ont pas changé. La répression, mes choix vestimentaires.
comme un nœud coulant, au cou des
mêmes, toujours. Comment dire la Le Passe-Murailles est mort.
fureur de faire connaître cette Vive le Genepi. Longue vie au
réalité. militantisme anticarcéral et à ses
Comment dire, enfin, le défenseur∙es. Et, furieusement,
militantisme. Avec ses hauts et ses bas, mort aux prisons.
mais sa fureur, toujours. Comment
sommaire

6-53 Dossier

54-67 Voix captives 5...

68-71 Coup de Poing

72-74 Culture
sommaire du dossier
Crève la taule
lutte anticarcérale

• Fin de l’action en détention pour le Genepi page 07


• Peut-on entrer en détention et être anticarcéral ? page 14
• Entretien avec Jacques Lesage de la Haye page 20
• La prison comme vecteur de réinsertion : une illusion page 26
• Pour la fin de l’enfermement des mineurs page 32
...6
• Pour une abolition (du délit d’évasion) page 36
• Entretien avec François Besse page 40
• La garde à vue, un outil de répression au service de l’État page 44
• La lutte contre la radicalisation, entre mythes et réalités... page 48
• Il faut penser la pr ison au prisme du genre page 50
Fin de l’action en détention
pour le Genepi
Communiqué du genepi
septembre 2019
Lors de la dernière assemblée générale surtout par les prisonnièr∙es et les ancien∙nes
annuelle du Genepi, qui a traditionnellement prisonnièr∙es, les proches de détenu∙es, ainsi que
lieu en juin, les militant∙es de l’association certains autres collectifs, certain∙es sociologues,
ont décidé, par le biais d’un vote respectant médecins, etc.
les quorums prévus dans les statuts, de mettre Initialement créé par le gouvernement
fin à l’un des piliers historiques du Genepi : pour acheter la paix sociale dans les prisons
l’action en détention. à la suite des mutineries, le Genepi a vu le jour
Si peu de temps après la signature d’une en 1976. Dès lors, une centaine d’étudiant∙es
nouvelle convention, il nous est apparu des grandes écoles ont pu entrer en détention
important d’expliquer les raison de ce et proposer aux personnes détenues des ateliers
revirement. scolaires. L’objectif était de sensibiliser les futurs 7...
employeurs et chefs d’entreprises à la réinsertion
sociale des prisonnièr∙es.
Ce vote est le fruit d’une réflexion sur
le sens des actions du Genepi, réflexion portée Cependant, dès 1981, le Genepi affirme
depuis de nombreuses années par les équipes ne pas subordonner sa définition de la réinsertion
se succédant, jusqu’à l’essoufflement. Il n’est à celle qui transparaît alors dans les politiques
donc pas le reflet de l’opinion trop radicale d’une publiques, en accord avec Laurent Jacqua, qui a,
poignée de militant∙es du Genepi et ne saurait se récemment encore, rappelé que la réinsertion
réduire à un point de vue. est « un mot générique qui fait partie du langage
institutionnel »1.
Il s'agit avant tout d’une décision politique,
qui peut être analysée en parallèle d’une Depuis, presque toutes les évolutions de la
critique historique de l’enfermement et pensée du Genepi sont retracées dans les prises
du rôle de la prison dans la société, critique de position de l’association.
prononcée par les militant∙es de l’association mais
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En 2011, l’identité de l’association évolue : les Génépistes


En 2017, dans une souhaitent d’une part ne pas restreindre les actions de l’association
optique de réflexion aux seuls ateliers en détention et d’autre part, en finir avec un
politique sur l’action en acronyme – Groupement Étudiant National d’Enseignement aux
détention, le Genepi a Personnes Incarcérées – qui ne reflète plus le projet de l’association.
déterminé des « limites Le Genepi change son objet social et milite désormais pour « le
basses » au niveau décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des
national constituant savoirs entre les membres de l’association, la société et les personnes
un cadre minimum incarcérées ».
pour ses interventions.
Parmi ces lignes rouges En 2017, dans une optique de réflexion politique sur
...8
à ne pas franchir : la l’action en détention, le Genepi a déterminé des « limites
présence de dispositifs basses » au niveau national constituant un cadre minimum pour
d’écoute et de ses interventions. Parmi ces lignes rouges à ne pas franchir : la
vidéosurveillance dans présence de dispositifs d’écoute et de vidéosurveillance dans les
les salles d’ateliers, la salles d’ateliers, la pratique de fouilles à nu avant les ateliers, la
pratique de fouilles à présence de listes d’appels ou tout autre système « du bâton et de
nu avant les ateliers, la carotte » dans lequel s’inscrirait contre son gré le Genepi. Dans
la présence de listes les faits, faire respecter ces limites basses s’est révélé pratiquement
d’appels... Dans les impossible et nombre de groupes locaux ont passé outre.
faits, faire respecter
ces limites basses s’est ***
révélé pratiquement
impossible et nombre L’engagement des Génépistes devrait aller de pair avec une
de groupes locaux ont conscience militante des enjeux politiques liés aux différents lieux
passé outre. d’enfermement. L’appréhension de ces enjeux porte les militant∙es
ILLUSTRATION : Luce Guingne

du Genepi à proposer une critique radicale de social, à moindre coût, des politiques néo-
l’enfermement, devenue, au fil des années, de libérales », écrivaient à l’époque les camarades du
plus en plus inacceptable pour l’administration syndicat ASSO-Solidaires2. Avec cette nouvelle
pénitentiaire. convention, l’administration pénitentiaire
limite l’action du Genepi au seul cadre
En 2018, après un long silence, cette scolaire, empêchant tout atelier à vocation
dernière décide de rompre la convention qui politique ou même simplement culturelle en
la liait à l’association, évoquant une baisse du détention. De plus, le respect des limites basses
nombre d’heures d’ateliers donnés en prison et serait encore rendu impossible, étant donné les
une critique des politiques pénitentiaires de la part politiques sécuritaires actuelles.
des bénévoles du Genepi. Il s’agissait surtout 9...
d’une sanction politique, comme nous l’avons
rappelé dans nos nombreux communiqués. C’est « Les intervenants acceptent pendant un
suite à une phase de médiatisation intense et temps donné de se soumettre à un règlement,
grâce à de vastes soutiens (que nous remercions acceptent d’être détenus. Ça renvoie à ma propre
encore aujourd’hui) que le Genepi a pu récupérer histoire, quand je refusais que ma famille vienne
une convention. au parloir car je refusais que pendant une demi-
heure ma famille soit détenue et se soumette à un
Cette convention reflète la vision qu’a règlement auquel elle n’avait pas à se soumettre.
l’administration pénitentiaire du rôle de l’associatif Ce que je reproche aux intervenants, c’est ça,
en prison. En effet, elle semble percevoir le “vous venez en prison vous enfermer avec nous
Genepi comme un prestataire de services pendant un temps donné, mais vous en sortez
éducatifs permettant d’obtenir une paix sociale très vite, et quand vous en sortez, vous emmenez
relative en détention : « Aujourd’hui, travaillant plus de choses que vous n’en avez amené”. »
à la transformation sociale. Demain, prestataires
du gouvernement pour l’accompagnement Hafed Benotman, L’Envolée3
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Mettre en œuvre cette convention, si cela que nous, militant∙es, nous sommes retrouvé∙es
était possible, serait un retour en arrière pour le face à nos contradictions, acceptant par exemple
Genepi, transformé en partenaire docile, acceptant le tri entre les « bon∙nes détenu∙es », celleux qui
toutes conditions de l’administration pénitentiaire, pourraient avoir accès aux ateliers du Genepi, et
vidé de sa substance critique. Par ailleurs, il les autres.
faut absolument savoir que l’administration
pénitentiaire a souhaité, alors que nous nous ***
apprêtions à signer la nouvelle convention, ajouter
une clause relative à la communication du Genepi ; De plus, les motivations personnelles
cette clause aurait donné à la DAP un droit des bénévoles souhaitant entrer en détention
de surveillance sur nos prises de parole et (tourisme carcéral, valorisation sur un CV
..10 de position, et leur aurait facilité la possibilité de pour l’avenir professionnel, symbolique d’une
mettre un terme (de nouveau) au partenariat. expérience « humanitaire » ou « humaniste »)
se heurtent parfois à notre recherche d’une
« [...] de nombreuses associations, en étant justification politique à l’action en détention.
financées par des subventions publiques, sont
aujourd’hui dépendantes des politiques d’État et Par ailleurs, l’action en détention est justifiée
perdent de leurs libertés. par l’idée d’un « bol d’air » qu’apporteraient par
Bien qu’elles complètent les services publics, ces leur seule présence les Génépistes au sein des
associations font largement appel au bénévolat murs. Cela est parfois vrai, puisque cela nous a
et aux emplois précaires, allégeant l’État de été directement rapporté par des personnes
charges importantes. »4 enfermées.
Pourtant, quel espace peut-on
C'est justement parce que le Genepi vraiment créer face à la violence des
a longtemps cherché à maintenir l’action en rapports de domination amplifiés par la
détention au prix de nombreuses concessions, prison et dans la prison ?
« S’enfermer volontairement » pour en ressortir aussi vite,
peut accentuer cette violence tout autant que le rapport asymétrique
d’étudiant∙es principalement blanc∙hes et privilégié∙es entrant en « S’enfermer
prison pour exercer une forme de « leçon » : volontairement »
« - Il [l’intervenant] est arrivé, j’étais sceptique, très très méfiant, pour en ressortir
limite paranoïaque. Je me disais : en voilà encore un qui vient en aussi vite, peut
prison pour nous faire la leçon... la leçon artistique. Parce qu’on accentuer
serait des cancres au niveau du théâtre ou de l’image vidéo ou
cinématographique, et je me suis dit : tiens, celui-là je vais me le faire ! cette violence
- Cet atelier, tu t’en es servi comme d’une tribune ? tout autant
- Pas forcément comme d’une tribune, mais comme d’un outil de
que le rapport 11..
combat vis-à-vis des autres détenus qui étaient avec moi et vis-à-
vis de Jean-Christophe ; sans sortir du cadre de ce qu’était pour asymétrique
moi l’art théâtral, passion que je partageais avec Jean-Christophe d’étudiant∙es
avant la prison.
- Alors, comment as-tu posé les termes [du combat] ?
principalement
- Je voulais savoir si le détenu ne serait pas pour lui une matière blanc∙hes et
plastique (au même titre que la terre chamottée pour un sculpteur, privilégié∙es
que la peinture pour un peintre) qu’il faudrait malaxer, travailler,
et présenter à l’administration pénitentiaire, qui serait ravie de entrant en prison
pouvoir montrer des détenus moulés dans un discours intellectuel, pour exercer
artistique, etc. » une forme de
Hafed Benotman, L’Envolée5 « leçon ».
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Le profond problème de l’action en En novembre 2018, nous énoncions :


détention est qu’elle participe à une forme
de légitimation de l’enfermement et du « #LaPrisonSeFerme »
système pénal en le recouvrant d’un vernis
humanitaire (achat d’une paix sociale via la Mais, cela faisait bien longtemps,
« formule bénévolat », qui permet de pallier au éternellement, qu’elle était « fermée ». En réalité
manque de professeur∙es en prison). La prison et sans jeu de mot, cela faisait plusieurs mois que
condamne des milliers de personnes, « damnés les relations avec les DISP (les interlocuteurs∙rices
et misérables »6, à des peines de mort sociale, en région de l’administration) ne facilitaient pas,
et la prison tue – au moins 131 suicides ou mort voire empêchaient, notre entrée en prison –
suspectes en 2018 dans les prisons françaises. parfois en raison des « prises de position
Dans le contexte sécuritaire qui est le nôtre, soviétiques du Genepi » (sic). On ne voulait plus
..12 comme à la prison de Condé-sur-Sarthe7, être un de nous ! Que voulions-nous ?
prestataire de services n’est pas acceptable.
Le Genepi doit opérer un tournant, dans
Dans certains cas, l’intervention en prison un contexte d’ultra-répression opérée par le
serait conditionnée à la mise en place d’encore gouvernement Macron, qui tente de museler les
plus d’outils de contrôle sur les personnes qui associations contestataires. N’oublions pas que
viennent en atelier, les personnes détenues c’est dans ce contexte politique que s’inscrivent la
en premier lieu, parfois aussi les bénévoles du fin de la convention, les négociations, la décision
Genepi. de la fin de l’action en détention enfin.
*** pas d’accord avec cette évolution. Mais elle est
le fruit d’un temps long de réflexions en interne,
Il était ainsi nécessaire de se couper d’expériences, d’analyses. La restructuration
un peu plus de l’institution-répression qu’est la prendra du temps.
prison.
Le recrutement s’annonce et toute
Cependant, cela ne veut pas dire que nous personne est la bienvenue dans l’association,
nous coupons des prisonnièr∙es, au contraire. étudiant∙e ou non !
Relayer la parole des prisonnièr∙es, la croire, la
prendre comme parole politique, n’a jamais été Nous remercions nos soutiens et
conditionné à une intervention en détention. camarades de lutte.

Notre désir est de travailler à la lutte avec Force et courage aux prisonnièr∙es 13..
les prisonnièr∙es, les ancien∙nes prisonnièr∙es, et à leurs proches !
leurs proches, les collectifs et associations au
cœur de cette lutte. De continuer à sensibiliser NOTES
comme nous l’avons activement fait l’an dernier. 1. Podcast : « Comment refaire sa vie après la prison ? », 20 minutes, 3 septembre 2019.
https://www.20minutes.fr/podcast/2594983-20190903-podcast-comment-refaire-vie-apres-
prison
2. « Genepi : contre la vassalisation du secteur associatif ! », Syndicat ASSO, 5 novembre
« L’idée c’est d’agréger toutes les forces 2018.
https://solidaires.org/Genepi-contre-la-vassalisation-du-secteur-associatif
présentes, pas dans une posture de simple 3. Ça ne valait pas la peine mais ça valait le coup, propos d’Hafed Benotman, L’Envolée.
solidarité mais bien de cause commune, avec https://www.mixcloud.com/Envol%C3%A9eradio/ca-ne-valait-pas-la-peine-mais-
%C3%A7a-valait-le-coup/
des objectifs communs », énonce D., membre de 4. « Les associations servent-elles le capitalisme ? », Des utopies, 11 mai 2018.
http://desutopies.fr/les-associations-servent-elles-le-capitalisme/
la Chapelle Debout, dans un entretien à propos 5. Ça ne valait pas la peine mais ça valait le coup, propos d’Hafed Benotman, L’Envolée.
6. Rigouste Mathieu, La domination policière. Une violence industrielle, La Fabrique, 2012.
du mouvement des Gilets noirs8. 7. On lira l’article de l’Envolée à ce sujet, daté du 24 juillet 2019.
http://lenvolee.net/conde-sur-sarthe-prison-de-merde/
Ainsi que le zine Passe-Murailles du Genepi produit en juin 2019.
https://www.genepi.fr/wp-content/uploads/2019/06/zine.pdf
L’association évolue, et il est certain qu’un 8. « Les Gilets Noirs, c'est pas un collectif, c’est un mouvement ! Archéologie d'une lutte
bon nombre de celleux qui nous suivent ne seront antiraciste », Plateforme d'Enquêtes Militantes, 1er septembre 2019.
http://www.platenqmil.com/blog/2019/09/01/les-gilets-noirs-cest-pas-un-collectif-cest-un-
mouvement--archeologie-dune-lutte-antiraciste
i e r Peut-on entrer en détention
s
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et être anticarcéral ?
(même lorsqu’on n’est pas anticarcéral)
Par Tseneb
ancien genepiste
Alors que le Genepi vient de décider terroristes » serviront, depuis les tueries de
d’arrêter ses interventions en détention, Charlie Hebdo et de l’hyper-casher, à justifier
il peut être intéressant de regarder dans d’importantes mesures d’isolement des
l’histoire de l’association pour chercher prisonniers et des prisonnières. Même les
à comprendre comment les bénévoles discours « humanistes » de Taubira ne pourront
ont tenté, en fonction des contextes des masquer ses actions (ouverture de la prison
différentes époques, de s’extraire des la plus sécuritaire de France – Condé-sur-
contraintes imposées par l’administration Sarthe, 10 % d’augmentation de prisonnièr∙es,
pénitentiaire (AP). maintien de la rétention de sureté), et laisseront
finalement songeur sur l’ambition réelle de sa
..14 Je ne serai pas en mesure de parler ici réforme pénale.
de 1981, lorsque le Genepi a choisi de prendre Ainsi, si sous le quinquennat Sarkozy,
son indépendance vis-à-vis de l’administration il nous semblait difficile de faire pire dans
pénitentiaire en opposition à la loi Peyrefitte1 ; les politiques sécuritaires, on doit – avec
c’est donc d’une époque plus récente dont je horreur – constater que les espaces de liberté,
vais vous parler : le quinquennat Sarkozy et le en particulier dans les prisons, étaient plus
début de celui de Hollande. importants qu’ils ne le sont aujourd’hui. La
preuve en est que le Genepi a été obligé de
Sous Sarkozy, la France entre dans poser, dans ses adages, des « limites basses »
l’ère sécuritaire post-11 septembre : il d’intervention en détention3.
durcit le discours et les politiques envers les Moins d’un an après sa prise de mandat,
rejetés de la société2. Hollande, puis Macron, Sarkozy fait voter la rétention de sureté4.
poursuivront ces politiques liberticides, nous À l’époque, le tôlé est immense tant cette
rapprochant de plus en plus d’un état fasciste. dernière contrevient aux principes juridiques
Au sein des prisons, les politiques « anti- d’un État qui se veut un État de droit. Badinter
critique sans réserve la mesure, toutes les associations sont
vent debout contre ce texte. Le Genepi est à la tête de la fronde. Moins d’un an après
Les groupes locaux réagissent rapidement et commencent à sa prise de mandat,
s’organiser lorsque le bureau de l’association est convoqué
Sarkozy fait voter
par l’administration pénitentiaire : « Si vous faites trop de bordel
sur la rétention de sureté, on vous sucre vos subventions ».
la rétention de
On ne saura rien du contenu véritable de l’entretien à la sureté. À l’époque,
direction de l’administration mais voilà ce qu’il en ressort au le tôlé est immense
local : le bureau national du Genepi demande aux groupes tant cette dernière
de rester inactifs. Sage sur l’instant, il n’en restera pas moins contrevient aux
des stigmates rapidement perceptibles pour l’association et principes juridiques 15..
les bénévoles : l’administration pénitentiaire, et donc l’État, se d’un État qui se veut
sentent de nouveau légitimes pour aiguiller la voix politique de un État de droit.
l’association, et donc l’association dans son ensemble5.
Badinter critique
Le contrecoup proviendra deux années plus tard,
lorsque 300 bénévoles en assemblée générale décident de
sans réserve la
mettre fin aux actions en détention si elles entraient dans le mesure, toutes les
cadre de l’obligation d’activité6. Initialement présentée comme associations sont
étant une offre d’activité que l’administration doit proposer aux vent debout contre
prisonnièr∙es, la rédaction de l’article 27 de la Loi pénitentiaire ce texte. Le Genepi
est plus confuse et laisse planer la crainte que les prisonnièr∙es est à la tête de la
soient obligé∙es de participer aux actions en détention du fronde.
Genepi. En particulier, les bénévoles craignent à l’époque que
l’administration pénitentiaire n’utilise les activités proposées à
des fins de gestions managériales de la détention.
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Cette crainte a toujours existé au sein du Genepi, mais


cette prise de position sur la Loi pénitentiaire permet de
Si les bénévoles rappeler ce point, car en même temps que l’obligation d’activité
avaient toujours est votée, la pratique des régimes différenciés est validée
refusé de participer rétrospectivement par la loi. Ainsi, la Loi pénitentiaire donne à
à la peine, il y a une l’administration toute la liberté de gérer la population pénale
prise de conscience comme elle le souhaite – sans qu’aucun recours juridique
plus forte du rôle ne soit possible. Dès lors, les bénévoles du Genepi refusent
de l’intervenant en intégralement de rentrer dans cette logique de la carotte et
détention. Il était du bâton et s’appuient sur l’un des fondements historiques
clair pour tout le de son action : la libre participation à des activités, que l’on
..16 monde que l’action soit emprisonné ou pas. Il s’en suivra une semaine d’arrêt
bénévole avait pour des interventions pour un tiers des groupes locaux lorsque
l’administration l’administration pénitentiaire cherchera à comptabiliser les
pénitentiaire fonction activités effectuées en détention.
d’apaiser la détention De manière plus profonde, la question de la gestion de
(le Genepi avait même la détention est revenue au cœur du discours des Génépistes.
été créé en partie Si les bénévoles avaient toujours refusé de participer à la peine,
pour cela) ; mais là, notamment en s’interrogeant sur leur participation au processus
on comprenait aussi de Remise de peine supplémentaire (RPS), il y a une prise de
que l’on participait conscience plus forte du rôle de l’intervenant en détention. Il
au fonctionnement était clair pour tout le monde que l’action bénévole avait pour
même des l’administration pénitentiaire fonction d’apaiser la détention (le
établissements. Il Genepi avait même été créé en partie pour cela) ; mais là, on
fallait s’en soustraire. comprenait aussi que l’on participait au fonctionnement même
des établissements. Il fallait s’en soustraire.
Le changement de l’objet social en l’administration impose toute sa gestion et est en
est d’ailleurs une des raisons : le principe mesure de « récompenser » les prisonnièr∙es
de réinsertion étant dévoyé par discipliné∙es. Une autre prise de position sur les
l’administration pénitentiaire à des fins étudiants empêchés rappelle aussi qu’il existe
de gestion de la détention,nous ne pouvions des étudiant∙es emprisonné∙es et que ces
plus accepter de remplir ce rôle. En derniers peuvent librement adhérer au Genepi
parallèle, une grande enquête avait été lancée : l’objectif était clairement de réintroduire le
avec le soutien d’un député, futur ministre droit d’association en détention7. Il était aussi
de la Justice, qui permit la confidentialité rappelé que les prisonnièr∙es rencontré∙es
des échanges entre des bénévoles et des pouvaient animer des activités à l’intérieur des
prisonnièr∙es afin d’interroger ces derniers sur murs.
ce qu’ils souhaiteraient comme Genepi pour L’année suivante, en 2012, une prise 17..
l’avenir. Il en découlera la prise de position de position rappelle que le Genepi est un
Prisonniers, GENEPI, Justice : « Whose side groupement d’éducation populaire et
are we on ? » Un véritable roman de C.A.P développe les textes de l’année précédente8.
et d’A.P (Lille, 2011) qui interroge l’action en Il y avait l’idée de défendre des libertés
détention et rappelle le pouvoir de négociation politiques pour les prisonnièr.es notamment
des groupes locaux pour se soustraire des en défendant le droit d’expression ou le droit
contraintes posées par l’administration. L’une d’association ; tout en nouant un lien entre
des pistes proposées est de réaliser des l’intérieur et l’extérieur sans l’institution.
réunions collectives en détention : « C’est Cela dit, ce n’est pas avec des prises
ensemble que les prisonniers et les étudiants de position, ni même avec des banderoles
du Genepi établiront des projets ». De plus, une dans les rues, que l’on fait évoluer les activités
attention doit être portée par les bénévoles à en détention. Les tentatives qui suivirent ont
la constitution des listes des participants aux montré qu’il existait, à l’époque, un espace
activités car c’est dans ce cadre sélectif que de négociation des groupes locaux du
e r
si
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Genepi. Par exemple, à Rennes, les listes activités dans ces nouveaux quartiers ultra-
des participants étaient constituées par les sécuritaires. À Poissy, l’établissement participait
bénévoles. Dans certaines prisons de la région au programme d’ « expression collective des
Atlantique, des flyers avec coupons réponses personnes incarcérées » mis en place par
étaient distribués par les bénévoles dans les l’administration pénitentiaire depuis quelques
coursives aux prisonnièr∙es. À Fresnes, un années et que les bénévoles ont détourné
atelier a été co-animé avec un prisonnier, un à des fins associatives. L’idée était aussi de
autre a été préparé mais le prisonnier a été contractualiser ces nouvelles pratiques et le
transféré avant le début des actions. À Pau et principe de la libre participation aux activités
Bayonne, une boîte aux lettres avait été installée dans des conventions locales entre le Genepi et
..18 en détention pour des échanges directs entre l’établissement ; pour, dans un second temps,
les groupes locaux et les prisonnièr∙es. Dans le étendre ces expériences dans les conventions
quartier Maison centrale de Réau, des réunions au niveau régional et/ou national.
ont eu lieu pour décider collectivement des Ces pratiques permettaient d’accommoder
activités à mener. Une même réunion a eu lieu une grande partie des bénévoles : ceux qui
à la Maison centrale de Poissy et des activités étaient anticarcéraux (des espaces à l’intérieur
ont été animées par les prisonniers. Il y a eu de la prison où la logique et la gestion carcérale
aussi la mise en place d’activité mixte comme ne devaient pas s’appliquer étaient créés) mais
à Besançon. aussi ceux qui avaient une vision plus humaniste
Pour chacun de ces espaces gagnés, les sans être anticarcéraux (il y avait un refus des
négociations furent rudes et très dépendantes rencontres intérieur-extérieur qui ne soient
des contextes locaux. À Fresnes, le responsable pas libres car déterminées par la sélection
du Genepi dans l’administration offrait des des prisonnièr∙es ou encore une opposition
marges de manœuvre. À Réau, l’établissement à la surveillance des ateliers). En face de
venait d’ouvrir et cherchait à proposer des l’Administration, c’était ce discours historique et
humaniste de l’association qui était tenu afin de longue de tous les cailloux déposés par les
conserver des leviers de négociation. Si, dans bénévoles au sein de l’engrenage carcéral
les discours et les opinions des bénévoles, tout depuis la création du Genepi. Certains
semblait différent, dans la pratique, tout était sont si petits qu’ils disparaissent à la fin
identique. D’ailleurs, l’administration de l’activité, d’autres auront – il faut
pénitentiaire n’était pas naïve sur ce point l’espérer – donné plus de fil à retordre
et savait que le Genepi pouvait être un à l’administration et plus de force aux
petit caillou dans l’engrenage carcéral ; prisonnièr∙es.
non pas en tenant un discours politique
radical, mais en refusant ses pratiques
NOTES
de gestion sécuritaire au sein même des 1. Opposition à la politique gouvernementale en matière de réinsertion (Prise de position
de Bordeaux, 1981).
établissements. 2. Il durcit les politiques et les discours contre les exilés, les personnes reléguées dans 19..
Enfin, cela ne doit pas mettre de les quartiers populaires, contre les malades psychiatriques, et aussi les prisonniers et les
prisonnières. Cependant, les prémisses de ces politiques proviennent, selon les populations
côté toutes les résistances qui avaient lieu visées, de gouvernements de gauche (par exemple : politique de la vitre brisée sous Jospin
– voir Wacquant, Les prisons de la misère, 1999) ou de droite (loi Peyrefitte sous Giscard).
individuellement, soit face à l’administration, 3. L’intervention en détention, une action politique : le Genepi adopte des limites basses, votée
à l’Assemblée générale de 2017.
soit dans les activités. Parmi l’ensemble des 4. Aujourd’hui, la rétention de sûreté a été étendue et n’est plus au cœur des luttes.
5. Dans la pratique, l’administration pénitentiaire fera pression par les financements en
bénévoles du Genepi entrés en détention utilisant la nouvelle loi organique aux lois de finances (LOLF) et les directives européennes
(circulaire Fillon du 20 janvier 2010) pour assigner des objectifs chiffrés aux bénévoles du
depuis sa création, nombreux sont celles Genepi. La LOLF de 2001 renverse le fonctionnement budgétaire de l’État, passant d’une
obligation de moyen à une obligation de résultats et donc à des objectifs chiffrés. Ce n’est
et ceux qui ont, par leur pratique, insufflé que plus tard que cette pratique sera imposée aux associations, les ministères cherchant à
faire remplir leur objectif chiffré par les associations.
une autre interaction à l’intérieur des Pour s’en défaire, d’importantes négociations ont alors eu lieu avec l’administration
pénitentiaire pour élaborer ces objectifs chiffrés nouvellement imposés par la loi. Le Genepi
murs : se battre contre l’administration pour que cherchait à produire des indicateurs qui engageaient l’administration (par ex : le nombre
d’activités débutant avant janvier dépendait du délai d’obtention des laisser-passer) ou des
les recettes de l’atelier cuisine soit choisies par objectifs suffisamment larges pour être certains d’être remplis (par ex : un pourcentage de
50 % d’activités scolaires alors que l’association en faisait 70 % – même si le futur a montré
les prisonnièr∙es, laisser filer l’atelier philo vers que cela contraindra l’association). Sur ce point, voir les prises de positions Le financement
du GENEPI et Les finances du GENEPI, un portrait en ombre chinoise (Lille, 2011).
une discussion politique collective, ou encore 6. Position du Genepi sur la loi pénitentiaire de 2009, votée à l’Assemblée générale du
Genepi de 2010.
insister pour que le gradé appelle l’ensemble 7. Les étudiants empêchés (Lille, 2011).
8. Un groupement d’éducation populaire (Marseille, 2012).
des prisonnièr∙es sur la liste... La liste serait
i e r « On crée de l’injustice
s
D o s en plus de celle qui existe déja »
Entretien avec Jacques Lesage de la Haye
Propos recueillis par un militant
du Genepi île-de-france

Jacques Lesage, ancien détenu, psychanalyste, qui privilégient une partie de la population et
vient de publier « L’abolition de la prison » qui excluent l’autre. Actuellement, l’idéologie
(2019, Libertalia). Militant anarchiste, dominante a pour base le commerce, le profit,
animateur de l’émission « Ras les murs » sur la capitalisation, l’exclusion. Donc, ceux qui sont
Radio Libertaire, il combat depuis 50 ans les exclus se vengent, ou en tout cas se révoltent et
sociétés d’enfermement. corrigent l’injustice en essayant de rééquilibrer, et
pas toujours dans le cadre de la loi.
À ce moment-là, comment la société peut-
Pour être pour l’abolition de la prison, elle maintenir son fonctionnement, si ce n’est
faut-il forcément être pour une refonte par de la répression ? Elle va surveiller, faire
..20 totale de la société, des valeurs qui y peur, punir. D’ailleurs, Foucault a bien eu raison
priment, du partage des ressources, etc., ou d’appeler son bouquin Surveiller et punir, ce sont
est-il possible de militer pour l’abolition deux choses couplées. En tout cas, je crois que,
sans l’inscrire dans une utopie radicalement malheureusement, en fonctionnant comme ça,
différente du monde d’aujourd’hui ? on crée de l’injustice en plus de celle qui existe
déjà. Parce qu’un exclu qui s’est révolté, et qui
Jacques Lesage de la Haye / Tu es en train de me a fait quelque chose de juste, va être sanctionné
poser la question qui a émergé des centaines de une deuxième fois : on va le « sur-exclure » en
fois lors de nos débats en 1971. Moi, j’en sais rien ! l’enfermant.
Mais aujourd’hui, objectivement, je pense qu’il est Il y a là pour moi quelque chose
impossible de mettre en place une société sans d’insupportable, qui amène à toutes les réflexions
prison si cette dernière n’est pas un tant soit peu que j’ai faites contre la prison, et que font tous les
libertaire. militants anarchistes. Des gens ont bien sûr écrit
Dans tout système un peu injuste, voire des bouquins sur l’abolition sans être anarchistes,
carrément injuste, on fait passer des choses mais je crois qu’ils se trompent, car il n’y a pas une
On ne pourra pas
société qui pourra fonctionner si elle n’a pas remis en question ces
notions de justice, de sanction par rapport à la loi, et si elle continue abolir la prison
à parler de délits et de crimes au sens d’infractions plus ou moins tant qu’on n’aura
graves qui doivent être punies. On ne pourra pas abolir la prison pas compris que
tant qu’on n’aura pas compris que cette dernière a pour facteurs cette dernière a
de base des causes psychologiques, affectives, émotionnelles, pour facteurs de
familiales et sociales, et que c’est donc en remédiant à la base
qu’on évitera les infractions. Une telle société, je ne la connais que
base des causes
dans les discours théoriques des penseurs anarchistes. psychologiques,
affectives,
Si le but est d’abolir la prison, et que cela passe par un émotionnelles, 21..
changement de système en profondeur, trouves-tu pertinent
familiales et
de prendre parti pour des avancées comme le bracelet
sociales, et que
électronique ou les prisons « sans murs », qui sont certes
concrètes, mais camouflent les racines du problème en
c’est donc en
pouvant faire croire qu’une « prison à dimension humaine » remédiant à la
est légitime ? base qu’on évitera
les infractions.
JLDLH / Ce qui me sidère, c’est que tu me poses vraiment les Une telle société,
mêmes questions que pendant nos débats à partir de 1971 :
c’était l’engueulade entre les révolutionnaires et les réformistes. La
je ne la connais
question s’est notamment posée en 1974, quand je faisais partie de que dans les
deux groupes. Tout d’abord, le mouvement Marge, révolutionnaire discours théoriques
et anarchiste à 100 %. Mais j’étais aussi membre du Comité d’Action des penseurs
des Prisonniers (CAP), qui demandait entre autres l’amélioration anarchistes.
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des conditions de détention.


D’un côté, Marge était très critique envers le CAP, et les
Il y a les appelait « les réformards ». Ils disaient : « On abolit la prison et
prisonniers qui on verra après », sans concession. De l’autre, le CAP disait que
gueulent, qui sont les gens de Marge avaient peut-être raison sur la théorie, mais
se trompaient dans les faits, car ce qu’ils demandaient n’était pas
en train de crever, près d’arriver dans notre société. Moi, j’étais membre des deux
qui se suicident, groupes, et je ne pensais pas avoir de contradictions internes : je
qui deviennent pense qu’il faut tout faire, tout le temps et sans arrêt. Cela
fous. Moi, tout veut dire se battre au niveau de la société pour faire tomber les
murs et arrêter l’idée même de prison, de répression, mais aussi
..22
en défendant admettre que la société ne va pas changer d’un coup de baguette
les idées magique.
abolitionnistes, Je disais aux copains de Marge : « Je suis avec vous et je ne veux
plus de prison, mais ce n’est pas parce qu’on est quelques dizaines
eh bien, je vais
ou centaines, ici, à Marge, que les prisons vont s’arrêter. Il y a les
soutenir les prisonniers qui gueulent, qui sont en train de crever, qui se suicident,
prisonniers, ainsi qui deviennent fous. Moi, tout en défendant les idées abolitionnistes,
que ceux qui sont eh bien, je vais soutenir les prisonniers, ainsi que ceux qui sont en
lutte pour l’amélioration de leurs conditions de détention. »
en lutte pour Cela peut paraître contradictoire pour les plus radicaux,
l’amélioration de mais je le fais car les taulards sont là, on ne peut pas faire comme
leurs conditions si on n’était que de la théorie. Sous prétexte qu’on fait la révolution,
de détention. on ne va rien faire ? J’ai dit non, il faut tout faire. C’est d’ailleurs
pour cela que militer est si compliqué, parce qu’on soutient
tous ceux qui appellent au secours et qui sont en lutte, et en même
temps, on se bat pour dépasser ce soutien et pour voir ce qu’il faut
faire pour ne plus construire de prison et inventer sociale, il faut dire des choses qui vont rassembler
des alternatives. Les deux combats sont à mener la droite et la gauche, et à la fois des gens avec
simultanément. un côté libertaire et d’autres avec un côté plus
structuré et organisé. D’ailleurs, à mon avis, tous
Avec la récente croissance de certains ces gens refont le débat entre Marx et Bakounine,
mouvements (Gilets Jaunes, sans-
sociaux c’est-à-dire : c’est important de se révolter,
papiers, écologistes…) et la répression qui il faut construire une autre société, mais
en a découlé, as-tu constaté une certaine comment ?
diffusion de la pensée anticarcérale parmi Dans ce débat, il y en a qui disent qu’il
ces personnes en lutte ? faut un ordre autoritaire, parce que l’homme est
ainsi fait qu’il ne respecte pas un fonctionnement
JLDLH / Je ne pense pas que l’idée de l’abolition libertaire : c’était l’argument de Marx. Mais 23..
de la prison s’est répandue dans ces luttes. Ce Bakounine n’était pas d’accord ; il pensait qu’il
que je vois plutôt, c’est un frémissement social ne fallait surtout pas mettre en place une société
basé sur la prise de conscience de l’injustice autoritaire, répressive et fasciste, mais qu’il fallait
et des inégalités. Cela peut donner des Gilets plutôt être non répressif et effectuer un travail
Jaunes, des gens qui bloquent des ronds-points, pédagogique en profondeur, afin qu’on ne se dise
mènent des actions commandos, mais je ne pense pas « Je peux faire tout ce que je veux, le monde
pas que ça puisse aller jusqu’à l’idée de : « on est à moi », mais « Je peux faire tout ce que je
change tellement la société que maintenant, on ne veux, mais en tenant compte des autres ».
mettra plus ceux qui contreviennent aux règles en
prison ou en psychiatrie ». Non, je ne vois pas ça. Quand on évoque l’époque du GIP (Groupe
Pourquoi ? Parce que, dans ce frémissement social, d’information sur la prison), du CAP, on a
tous les courants sont représentés. C’est le risque l’impression que la lutte contre la prison
du populisme : pour tenir un discours médian qui et les asiles psychiatriques était bien plus
fait plaisir à tout le monde et qui peut, en même active auparavant que maintenant. Partages-
temps, quand même correspondre à une réalité tu ce sentiment, et comment l’expliquer ?
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JLDLH / Cela se comprend bien, on était quand même à l’époque


franchement dans un système de droite, pas la peine de se raconter
Aujourd’hui, ces d’histoires. C’était pas très humaniste, et le fonctionnement était
très capitaliste. Il y a donc eu, à partir de Mai 1968, des combats
progrès font que autour de la prison, de la psychiatrie, des droits des femmes, de
l’injustice qui l’homosexualité, de la toxicomanie… J’étais de tous ces combats,
et c’est sûr que ça a créé un mouvement social qui pouvait donner
existe encore l’impression que la société devenait de gauche. Mais ce n’était pas
par rapport aux vrai ! Ça restait une société de droite, dans la lignée de Pompidou,
grands combats Giscard et autres. Mitterrand est arrivé après, c’était un peu une
exception, même s’il y a eu Rocard et d’autres, mais globalement
..24
que je viens nous restions dans une société de droite. Les courants qui étaient en
d’évoquer est vue donnaient l’impression d’être dans une société révolutionnaire
et humaniste et on en parlait beaucoup, mais ça ne fonctionnait
moins voyante, pas tellement différemment de maintenant. Moi je pense qu’il y
ce qui fait que avait une écume, une agitation, un mouvement, et il faut savoir
que tous ces combats ont mené – même si la société actuelle
moins de gens reste très injuste, capitaliste et inégalitaire – à des améliorations
se dressent et des progrès dans tous ces domaines. On s’est rendu compte
qu’enfermer des gens dans les asiles n’était pas une bonne idée, et
pour lutter et des alternatives ont vu le jour. Ça a été pareil du côté de la prison,
amener des il y a eu des exemples d’alternatives de la part d’humanistes, mais
aussi de prêtres comme Guy Gilbert ou Michel Jaouen.
propositions Depuis, on a distillé pas mal de réformes et d’améliorations,
nouvelles. mais à l’époque, le choc entre les idées humanistes et la société en
place était beaucoup plus fracassant, et a permis l’existence de ces
vraies expérimentations alternatives. Aujourd’hui, ces progrès font
que l’injustice qui existe encore par rapport aux grands combats
que je viens d’évoquer est moins voyante, ce qui ne sommes pas propriétaires, et qu’il nous revient
fait que moins de gens se dressent pour lutter et de gérer ce don qui nous est fait. Et gérer, c’est
amener des propositions nouvelles. alors trouver des solutions qui ne sont ni violentes,
ni répressives, ni haineuses. Devant l’existence de
Dans ton livre, tu parles de l’exemple de trafiquants de drogue remontant de la Colombie
tribus indiennes du Guerrero [NDLR : Ce au Mexique, et de gens qui tuent, ils ne pensent
système judiciaire alternatif concerne au pas que la bonne solution soit l’enfermement, car
moins 100  000  personnes], ne se pliant pas elle les prive de leur liberté qui est sacrée. Au
au système de justice de l’État mexicain et contraire, la solution alternative qu’ils ont
qui ont leur propre modèle, beaucoup moins choisie est d’amener les gens qui commettent
répressif et avec des taux de récidive bien des actes interdits à passer du temps avec eux,
plus faibles. Peux-tu en parler ? Comment à partager leur mode de vie et à travailler
sont-ils vus ? chaque jour avec eux, afin de les amener
25..
à changer. Il y a bien sûr des mandatés, des
JLDLH / Ces Indiens, nous les voyons comme des gens qui accompagnent ces « délinquants ». Ils
primitifs. Mais en réalité, ce sont des libertaires ! finissent souvent par s’installer dans les villages
Ils respectent les femmes, ne maltraitent pas et commencent à vivre avec les Indiens locaux.
les enfants, respectent l’homosexualité et sont Il y a certes des cas où ça ne fonctionne pas,
pour la justice et l’égalité. De nombreuses tribus parfois même où des mandatés sont tués, et alors
indiennes sont en avance sur nous. D’ailleurs, les le criminel est envoyé dans une prison fédérale
Indiens Kogis sont venus nous le dire, ils font des de l’État mexicain. Mais si l’on se dit que pour
conférences en France et dans le monde entier. les milliers de gens qui ont été concernés par ce
Les indiens du Guerrero, comme ceux du système de justice alternatif, il y a eu peut-être dix
Chiapas, ont décidé que l’injustice était mauvaise, ou quinze personnes envoyées en prison fédérale
que l’armée était mauvaise, que la prison était sur 20-25 ans, alors il y a un immense progrès
mauvaise. Ils s’organisent en communautés, et par rapport à nous, et on ferait mieux de s’en
accordent leurs pratiques avec leur philosophie : inspirer plutôt que de les regarder de haut.
ils pensent que la Terre nous porte mais que nous
e r La prison comme vecteur
i
s
o s de réinsertion professionnelle :
D
une illusion à la française signée Sodexo
Par Oculus social
photographe
Si « le travail rend libre », comme pouvait Prenant alors le rôle de l’arbre qui dissimule
le soutenir Heinrich Beta en 1845, il la forêt, l’entreprise française de services va
semblerait que cet adage, devenu fragile ouvrir la porte du milieu carcéral à un panel de
avec le temps, ne puisse être calqué pour consœurs, toujours plus favorables à économiser
une certaine catégorie de travailleurs. Une des frais sur le dos de sa main d’œuvre. Là où
catégorie dont l'on ne soupçonne même pas le respect des droits de l’humain n’a pas
l’existence pour peu que l’on ne s’intéresse encore réussi à pénétrer jusqu’au niveau
que timidement au sujet : celle des personnes des parloirs, la logique libérale prend
détenues. Hé oui ! Avec 70 059 personnes de son côté ses aises en s’implantant dans
incarcérées, c’est là un véritable vivier l’enceinte même du milieu pénitentiaire. Un
..26 d’une force travailleuse que le marché tour de passe-passe sous couvert d’une volonté
économique tente de s’accaparer. Un enjeu de « réinsérer professionnellement » l’individu.
inavoué par des sociétés peu scrupuleuses, Mais sans contrat, sans salaire respectant le
qui profitent alors de l’omerta carcérale seuil du smic horaire et avec comme seul acteur
pour y imposer un modèle professionnel décisionnaire l’administration pénitentiaire.
qui ferait rêver les plus mélancoliques de
l’époque Thatcher. Le coût de l’incarcération

Pourtant, ici, pas de trace d’une Le 8 octobre 2018, le député Nicolas


quelconque exportation idéologique anglaise Dupont-Aignan formule une proposition cocasse,
dans nos contrées mais bien une emprise à la caressant alors dans le sens du poil les personnes
française à travers des missions de sous-traitance les plus sensibles à la dialectique républicaine
encore peu assumée. Peu assumée ? Disons peut- version 2000 : « Pourquoi les malades paieraient-
être par les entreprises qui font appel à Sodexo ils un forfait hospitalier (20 euros par jour) et les
mais qui l’est pleinement par cette première. détenus, qui sont responsables de leur séjour
ILLUSTRATION : Marie caddet

derrière les barreaux, en seraient-ils exonérés ? [...] Sachant que


les 70 000 détenus qui peuplent nos prisons représentent un coût Il y a une réalité
journalier de 100 euros à l’Etat, il serait logique de les taxer à que l’on met
hauteur de 20 % du coût du fonctionnement de leur séjour. » Un volontairement
constat facile à écrire, comme à interpréter, qui place dès lors la
de côté et qui,
personne détenue comme ayant « le privilège » de vivre dans une
prison française. pourtant, pèse
Une déclaration qui n’aura pas manqué de faire rire mon dans la balance :
cousin, qui a connu un passage d’un an en maison d’arrêt : « Ce qui celle du coût de
est dingue, c’est qu’on paie déjà. Je veux dire, quand j’entends que la vie carcérale,
c’est une honte qu’on puisse avoir la télé en cellule, je ris jaune. La
à la charge 27..
location de la télé, on la paie à l’administration pénitentiaire. Comme
pas mal d’autres choses. Ce n’est pas une question de confort, c’est de l’individu
une question de survie et, même ça, on nous le fait payer. » Parce incarcéré.
que oui, il y a une réalité que l’on met volontairement de côté Selon le rapport
et qui, pourtant, pèse dans la balance : celle du coût de la vie parlementaire
carcérale, à la charge de l’individu incarcéré. Selon le rapport
Loridant, datant
parlementaire Loridant, datant de 2002, le coût de la vie pour
une personne détenue s’élève en moyenne à 200 euros par mois. de 2002, le coût
Une réalité toujours présente de nos jours et qui contrebalance la de la vie pour une
formule magique de personnes « nourries, logées, blanchies » par personne détenue
l’État. Il faut ainsi souligner qu’en termes de frais, les personnes s’élève en moyenne
détenues ne sont pas exonérées, loin de là.
Déconstruisons un peu les dires qui font grand bruit
à 200 euros par
de nos jours… Pour l’accès au téléphone, une personne peut mois.
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potentiellement sortir jusqu’à 70 euros mensuel pour une


moyenne de 20 minutes d’appel quotidien vers des supports
Pour l’accès au
fixes. Pour les appels vers les portables, le compteur explose
téléphone, une puisqu’on accède à une gamme de prix moyennant les 160 euros
personne peut mensuels. De son côté, l’accès à la télévision a lui aussi un coût
potentiellement d’environ 14 euros mensuel et qui peut monter jusqu’à plus de
sortir jusqu’à 40 euros dans certains centres pénitentiaires, auquel il faut ajouter
70 euros mensuel le prix de la location d’un réfrigérateur, atteignant en moyenne
pour une moyenne de les 8 euros mensuels.
20 minutes d’appel Si, maintenant, on se reporte sur le volet des biens
quotidien vers des alimentaires, la facture s’alourdit radicalement. Profitons-en pour
..28 supports fixes. De établir d’ailleurs un petit comparatif entre les prix moyens des
son côté, l’accès à la grandes-surfaces et ceux du circuit pénitentiaire : pour l’achat
télévision a lui aussi d’un pot de Nutella, le centre de détention de Muret affiche un
un coût d’environ 14 prix d’achat de 3,04 euros contre un prix moyen en grande
euros mensuel et qui surface s’élevant à 2,32 euros (en moyenne, dans un Intermarché).
peut monter jusqu’à On peut aussi citer le prix du papier-toilette, s’élevant à une
plus de 40 euros dans quarantaine de centimes concernant le circuit carcéral là où le
certains centres prix des grandes surfaces affiche en moyenne 22 centimes. Et
pénitentiaires, auquel ce n’est là évidemment qu’un faible échantillon, tant des biens
il faut ajouter le que de leurs gammes de prix disponibles dans les différentes
prix de la location prisons.
d’un réfrigérateur,
atteignant en moyenne Plus les lignes d’addition apparaissent et moins l’on
les 8 euros mensuels. s’approche d’un modèle de service à la personne gérée par l’État,
offrant « gracieusement » le gite et le couvert à toute personne
détenue. Dès lors, une question apparait : possibilité de cotiser... Le travail épuré du
comment des personnes incarcérées, ayant droit.
déjà des frais judiciaires à gérer en parallèle Un remake des années 1900 alimenté
de leur peine, peuvent-elles aligner de par une administration pénitentiaire et par de
telles sommes durant leur séjour  ? C’est nombreux intérêts privés. De toute façon, qui se
là que rentre en action plusieurs organes de risquerait à défendre le droit de travailleurs cachés
recrutement, à savoir : le service général du de tous ? Et c’est bien la faille honteuse dans
centre pénitentiaire et les entreprises privées laquelle s’engouffrent de manière impitoyable de
(généralement par le biais de la sous-traitance nombreuses sociétés et institutions, à commencer
afin de limiter la visibilité de cette pratique). par l’institution carcérale elle-même. « Nourris,
blanchis et logé... par tes propres soins ! »
Du service général à Malheureusement, dans une dynamique 29..
l’importation du modèle Sodexo : de rentabilité, la logique voudrait que la structure
Un savoir-faire à la française qui emploie le plus de personnes incarcérées
soit directement celle qui les « héberge ».
Pour toute personne qui s’interroge sur Et c’est exactement le cas avec le service
le modèle professionnel qui s’exerçait en France général pénitentiaire. Il faut dire que sur les
entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, 70 054 personnes incarcérées sur l’ensemble du
le travail en milieu carcéral regroupe toutes les territoire, environ 17 000 travaillent actuellement
composantes d’un milieu n’ayant pas encore en prison. Une aubaine pour les prisons qui
bénéficié des avancées syndico-sociales : pas y voient là un moyen souvent peu onéreux
de contrat, tout au plus un semblant de d’entretenir leur machine infernale. Sur ces
support écrit. Pas de mise en place d’une possibles 17 000 personnes alors en emploi,
indemnité minimale en cas d’arrêt maladie, 8000 vont assurer des missions en rapport
voire d’accident professionnel. Pas de avec le service général. Que ce soit pour des
revenu minimal indexé au smic horaire, de missions allant de travaux de peinture jusqu’au
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service de restauration, tout est bon pour que En parallèle de l’administration pénitentiaire,
la dynamique carcérale puisse être alimentée à ce sont les entreprises privées qui s’accaparent
moindre frais par ceux qui la subissent pourtant sans aucune vergogne de la main d’œuvre
de plein fouet. Ainsi, la rétribution économique carcérale. Et c’est là que rentre en jeu Sodexo !
qui va dans la poche de la personne incarcérée Fondée en 1966 en France, cette société devient
dépend le plus souvent du bon vouloir de très vite une des multinationales les plus prisées
l’administration pénitentiaire. Libre à la direction dans le domaine de la sous-traitance de services.
de choisir le montant de l’indemnité, le volume Avec un chiffre d’affaires toujours croissant, elle
horaire et même, de manière générale, le poste prend la décision de créer une branche baptisée
..30 qui est attribué à la personne. Seule l’envie de « Sodexo Services Justice » et d’importer ce
travailler est réellement prise en compte. Une modèle au Royaume-Uni dans un premier temps.
représentation qui ne manque pas de faire Mais pas seulement ! Le groupe va jusqu’à
rêver les plus libéraux : la force du travailleur s’implanter dans des prisons néerlandaises,
se voit alors séparée de l’être qui l’a produite. belges, françaises et même chiliennes. Il faut
Le résultat est alors cruel, puisque la moyenne dire que l’éthique de l’entreprise vis-à-vis du
du salaire de toute personne travaillant pour le travail des détenus est assez bien emballée pour
service général ne dépasse pas les 254 euros/ y voir une véritable opportunité de réinsertion
mois pour un volume horaire se rapprochant plutôt qu’une réalité de sous-traitance abusive :
du temps complet. Pourtant, la Loi pénitentiaire « Nous nous interdisons de répondre à des appels
de 2009 indique que toute personne incarcérée d’offres de pays qui continuent à pratiquer la
et en emploi doit pouvoir percevoir entre 20 et peine de mort ». Noble philosophie marketing
40 % du smic horaire brut. Un droit qui donne un qui permet à l’entreprise de prendre pleinement
statut d’employé précaire à une personne déjà racine dans certains établissements, notamment
en situation de précarité. français, avec l’exemple de celui de Liancourt
dans l’Oise. Là-bas, l’entreprise de sous-traitance
ILLUSTRATION : Luce Guingne

permet le service des 500 000 repas annuels aux enceinte, n’avait pu obtenir de visite médicale
personnes détenues, ainsi que les 15 000 dédiés durant ses premiers jours d’incarcération.
au personnel. Elle va jusqu’à « proposer » la Condamnée pour avoir volé l’équivalent de
prise en charge de la formation professionnelle 16 euros de nourriture dans un supermarché, elle
et de l’encadrement des personnes incarcérées, fut victime d’une fausse couche à son arrivée en
la gestion des déchets et des lieux de ventes unité carcérale. Mais le drame ne s’arrête pas là ;
alimentaires (les cantines), les différents transferts à la suite de la fausse couche, il lui fut ordonné de
de prisonniers, etc. Une organisation d’entreprise laver le sol sur lequel figurait son sang. Du sang
s’impose alors au fur et à mesure, faisant de qui se retrouve sur les mauvaises mains et qui
l’ombre à toute tentative d’organisation avec un met en évidence les problèmes de gestion qui
penchant plus « social ». Avec des propositions incombent à Sodexo et, de manière plus globale, 31..
de missions toujours plus diverses, l’entreprise au secteur privé. Quand l’humain profite d’un
mise alors sur cette image d’acteur de la traitement similaire à la marchandise qu’il
réinsertion professionnelle que les premières produit, c’est qu’on touche un fond qui ne
sociétés bénéficiaires de cette forme de sous- semble toujours pas fini d’être creusé. On
traitance ont honte d’afficher. Et à raison. Encore fait néanmoins confiance à certaines firmes
une fois, Sodexo n’est ici qu’un arbre cherchant à pour continuer ce travail, ou par souci
cacher une forêt. Mais parfois, quand un incendie «  éthique  », de faire fabriquer les pelles
se déclare en forêt, il est compliqué de réussir à par une main d’œuvre invisible.
le dissimuler.
C’est le cas pour une affaire datant de Biblio
novembre 2013 dans la prison anglaise de « Travail en prison : que font les détenus et combien gagnent-ils », Libération, 25 septembre 2015.
« Travail en prison : entre exploitation et tâches délictueuses », Le Blog de la Taule,
Peterborough, alors gérée de manière privée 3 décembre 2018.
« Prison : faire travailler les détenus pour payer leur incarcération : pourquoi c’est
par la filiale française. À l’époque, une anglaise irréalisable ? » 20 Minutes, 9 septembre 2018.
« Travail en prison : le cri d’alerte de 300 universitaires », Le Point, 23 juin 2018.
incarcérée depuis quelques jours seulement, et « Comment Sodexo prospère dans les prisons françaises », Challenges, 8 juillet 2015.
i e r Pour la fin
s
D o s de l’enfermement
des mineurs
Par Mathilde Sallerin
volontaire en charge
de la communication
Si le gouvernement de Macron se veut dispositifs de surveillance de la jeunesse, de
innovant en présentant une réforme nouveaux instruments de contrôle et de lieux
du système de justice des mineurs par d’enfermement1.
l’adoption d’un Code de la justice pénale
des mineurs, il est de notre devoir de Si la justice des mineurs prône
déconstruire la rhétorique utilisée par le primat des mesures éducatives, ce qui
les membres du gouvernement en dévoilant est déjà en soi une première forme de
le projet politique caché sous cette contrôle et de privation de libertés,
..32 réforme. C’est pourquoi nous avons décidé les sanctions pénales et l’enfermement
de partager ce communiqué de presse y sont pourtant devenues la norme. Non
porté par 19 associations, syndicats et seulement les mineurs peuvent écoper d’une
organisations, dont le Genepi fait partie, peine de prison ferme au sein des Quartiers
contre ce projet gouvernemental. Mineurs ou des Établissements Pénitentiaires
pour mineurs, mais les présumées alternatives
Avant tout, il convient de rappeler que à la prison constituent elles aussi un système
la justice des mineurs se veut un système d’enfermement, notamment les Centres Éducatifs
particulier. En 1945, lorsque l’ordonnance sur Fermés. Dans cette logique carcérale, les délais
l’enfance délinquante est adoptée, les délits de jugement sont longs (en moyenne 17,8 mois)
commis par des jeunes étaient perçus comme et le taux de détention provisoire atteint des
l’expression de difficultés psychologiques et/ sommets, autour de 84 %. Cette logique est
ou familiales. Les réformes successives de la d’autant plus poussée que de plus en plus de
justice des mineurs soulignent alors l’évolution personnes mineures sont enfermées dans les
de la perception de la délinquance juvénile vers centres de rétention administrative (CRA).
la répression : création de nouveaux délits, de
ILLUSTRATION : Marie caddet

Ce communiqué vise à critiquer la et de greffiers, le gouvernement a d’ores et


réforme voulue par le gouvernement. Bien déjà annoncé la construction de vingt Centres
que nous partageons le point de vue déployé Éducatifs Fermés (CEF), construction qui sera
dans le texte ci-après, nous souhaitons confiée, comme la plupart du temps, à des
approfondir la réflexion. En effet, il est important entreprises privées. Ainsi, derrière les discours
de questionner les termes « enfants » et « de lutte contre l’enfermement des mineurs, c’est
éducatifs », régulièrement utilisés pour qualifier bien l’enfermement en CEF qui deviendrait la
la justice des mineurs, qui induisent d’eux- principale réponse aux délits des personnes
mêmes un ton paternaliste et un modèle mineures. 33..
normatif. De plus, la légitimité des institutions
de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) Le projet de code
reste discutable. Si elles prêchent une politique de la justice pénale des mineurs :
sociale, de prévention et de réinsertion, il faut aucune véritable lutte
rappeler que ces politiques publiques ont contre l'enfermement des enfants
également créé des outils de contrôle tout
autant répressifs que l’enfermement. Communiqué de 19 associations, syndicats
et organisations contre le projet de code
Enfin, dénoncer les réformes législatives de la justice pénale des mineurs présenté
et réglementaires n’est pas suffisant. La le 11 septembre dernier en Conseil des
politique budgétaire du gouvernement est elle ministres
aussi un indicateur du projet politique. Bien
que le budget 2020 prévoit la création d’une Au 1er juillet 2019, 882 adolescent∙es
petite centaine de postes de juges pour enfants étaient incarcéré∙es, chiffre jamais atteint depuis
e r
si
o s
D

plus d’une vingtaine d’années. Il faut y ajouter le nombre d’enfants


placés dans l’un des 52 centres éducatifs fermés (CEF), ceux
Si ce projet se placés en psychiatrie ou en centres de rétention administrative
présente comme (CRA), ainsi que le chiffre gris des jeunes condamnés en tant
« innovant » et que majeur∙es pour des faits commis du temps de leur minorité.
« tourné vers Pourtant, la Garde des Sceaux et la Direction de la Protection
Judiciaire de la Jeunesse avaient assuré que certaines mesures
l’éducatif », il ne d’application immédiate introduites dans la loi de programmation
prévoit en réalité 2018-2022 de réforme pour la Justice du 23 mars 2019,
aucune mesure permettraient une diminution du nombre d’enfants placés en
susceptible détention provisoire, notamment grâce à l’encadrement des
..34 conditions de révocation du contrôle judiciaire et à la réduction
de renverser
de la durée du maintien en détention provisoire des mineur∙es
véritablement de 13 à 15 ans une fois l’instruction terminée. Force est de
le paradigme de constater que ces mesures n’ont eu en réalité aucun impact.
ces dernières Que dire alors du projet de code de la justice pénale des
années, à savoir mineurs déposé le 11 septembre 2019 en Conseil des ministres,
dont la diminution de l’incarcération des mineur∙es est l’un des
l’augmentation objectifs affichés ?
des mesures Si ce projet se présente comme « innovant » et « tourné vers
répressives et l’éducatif », il ne prévoit en réalité aucune mesure susceptible
expéditives de renverser véritablement le paradigme de ces dernières
à l’égard des années, à savoir l’augmentation des mesures répressives et
expéditives à l’égard des enfants. Il ne fixe aucun âge effectif
enfants. d’irresponsabilité pénale de l’enfant. Il fait abstraction de ce
que l’enfant mis en cause est d’abord un enfant en danger.
Il confond rapidité et efficacité. Il ne garantit Un enfant qui passe à l’acte est avant tout
aucunement le retour à l’application effective un enfant en danger. Il ou elle est une personne
des principes fondateurs de l’ordonnance en construction qui a besoin d’être entouré par
du 2 février 1945, à valeur constitutionnelle, des adultes en qui il ait suffisamment confiance
et particulièrement celui de la primauté de pour trouver une légitimité au cadre qui lui
l’éducatif sur le répressif. est imposé et l’envie ainsi que les ressources
Pire encore, les missions éducatives nécessaires pour s’insérer socialement. Pour
qui consistent à accompagner un enfant dans cela, la justice des enfants a surtout besoin de
toutes les dimensions de sa problématique temps et de moyens tant financiers qu’humains
pour participer à sa sortie de délinquance sont et d’une réforme humaniste et émancipatrice
amenées à disparaître au profit d’une mesure fondée sur la protection et l’éducation. C’est cela
probatoire de mise à l’épreuve contrainte que nos organisations continueront de défendre 35..
dans un délai particulièrement réduit, à visée au travers de la mobilisation contre ce projet de
principalement comportementaliste. Code de la justice pénale des mineurs.
Sortir de la logique des politiques
répressives qui se sont accumulées au fil du Signataires : SM, SAF, SNPES-PJJ/FSU,
temps et faire le choix de l’éducation, c’est CGT PJJ, LDH, OIP, CGT SP, SNUTER,
remettre radicalement en cause la logique de SNUASFP, SNEPAP, Genepi, DEI-France,
l’enfermement des mineur∙es. Cela nécessite de CGT, FSU, Solidaire, Solidaire Justice,
passer par la déconstruction d’un certain FCPE75, Barreau de Paris, CNB.
nombre d’idées reçues sur la justice des
enfants selon lesquelles les délinquant∙es
NOTES
juvéniles seraient plus nombreux∙ses, plus
Pour aller plus loin : Dossier d’information, « En finir avec les établissements
jeunes et plus violent∙es qu’autrefois, pénitentiaires pour mineurs », https://infokiosques.net/IMG/pdf/Pour_en_finir_avec_les_
prisons_pour_mineurs_dossier_.pdf
préjugés que même les statistiques du 1. La loi Perben I, adoptée en septembre 2002, créée les établissements pénitentiaires pour
mineurs et les centres éducatifs fermés.
ministère invalident.
i e r Pour une abolition
s
D o s
(du délit d’évasion)
Par Julia Poirier
génépiste en île-de-france

« Où ça construit Comme Rédouane Faïd, iels sont


sa propre prison par sécurité plusieurs par an à s’évader ou à tenter de
Camarade ! s’évader de prisons immondes et inhumaines.
Ils ont peur de la Liberté ! » Certain∙es ne reviennent simplement pas
Keny Arkana de permission, d’autres construisent des
échelles avec des draps pour escalader
Le 1er juillet 2018, une évasion avait le mur d’enceinte, ou encore passent une
lieu au Centre Pénitentiaire Sud Francilien dizaine de portes automatisées en suivant
(77), apparemment doté d’un nouvel héliport un groupe d’externes… Certain∙es se font
..36 improvisé en plein milieu de la Cour d’Honneur attraper-condamner-enfermer à nouveau et
de la prison. Le spectacle mis à part, ce qui plus longtemps, et d’autres sont tués, comme
s’est joué pendant ces onze minutes, c’était la Angelo1.
Liberté, et donc la vie d’un homme.
À l’intérieur de la prison qu’il avait La répression de la volonté
réussi à fuir, son évasion a déclenché une de liberté
vague d’espoir et une ambiance de fête chez
les prisonnièr∙es (malgré le confinement S’évader, en France, est un délit. C’est
de plusieurs heures qui leur a été imposé, ce qu’on peut appeler un « délit nosocomial »,
procédure oblige). c’est-à-dire une infraction que l’on ne peut
Mais l’évadé a été retrouvé. Ce commettre qu’en prison.
qui l’attend ? Un nouveau procès et une Ainsi même si personne n’est blessé
nouvelle condamnation. et aucun matériel dégradé, vouloir
retrouver sa liberté est interdit par la
évasion de Michel Vaujour
de la prison de la santé, 1986.

loi. L’article 434-27 du Code pénal, qui définit Dissuader de vouloir être libre, faire
l’évasion comme « le fait, par un détenu, de se comprendre qu’une fois enfermé∙e, on n’est
soustraire à la garde à laquelle il est soumis », plus susceptible de vouloir être libre. Comme
prévoit même une peine de prison pouvant si l’État voulait faire intégrer aux
aller jusqu’à trois ans et une amende encourue prisonnièr∙es qu’iels lui appartiennent
de 45 000 euros. Si l’évasion s’accompagne et ne pourront recouvrer leur liberté
de dégradations, ou corruption, ou violences, que si l’État le veut et quand l’État le
les peines grimpent, et vite. voudra.
Ce délit interroge. A-t-il été facile, lors La répression de l’évasion, ou de sa
des débats au Parlement, d’oublier le premier tentative, montre donc à notre sens la pleine 37..
des articles de la Déclaration des Droits logique d’asservissement de l’esprit humain
de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Les qu’il y a derrière la prison. Une volonté de
hommes naissent et demeurent libres et égaux briser l’être humain au plus profond de ce
en droits » ? Où étaient les « gardiens de la qu’il est, en lui faisant admettre qu’il n’a pas
constitution » quand cette loi est passée ? le droit d’être libre, qu’il ne doit pas tenter
de retrouver la liberté. Enfermer, c’est
Si l’État répressif rend une action casser. Enfermer, c’est tuer. La prison tue
illégale et condamne la personne qui la effectivement, à voir le nombre de mort∙es
commet à une peine privative de liberté, doit- et de suicidé∙es2 par an derrière les murs
il forcément condamner en plus la tentation des lieux d’enfermement3. Il faut également
de retrouver la liberté ? ajouter à cela les détenu∙es condamné∙es à
Punir l’évasion et la tentative d’évasion, de longues peines, qui passent la majeure
c’est dissuader. Mais dissuader de quoi ? partie de leur vie enfermé∙es, et qui souvent
e r
si
o s
D

meurent après des dizaines d’années, entre les murs d’une


Il s’agirait, pour prison. La peine de mort existe donc encore. On nous
celleux qui a fait croire que c’était fini, mais il ne faut pas croire tout ce
sont du côté du qu’on nous dit.
respect des droits
fondamentaux, La reconnaissance de la volonté de liberté
de reconnaitre
que la liberté est Il s’agirait, pour celleux qui sont du côté du respect
une aspiration des droits fondamentaux, de reconnaitre que la liberté est
..38 constitutive de l’être une aspiration constitutive de l’être vivant. Et qu’ainsi, si on
vivant. Et qu’ainsi, enferme une personne, il est attendu qu’elle tente de s’évader,
si on enferme une que ce soit en s’échappant vers l’autre coté des murs de la
personne, il est prison ou vers la mort. Qu’on ne la punisse pas pour cela.
attendu qu’elle tente Certains régimes ont admis cela et l’ont mis en pratique.
de s’évader, que ce En effet, à titre d’exemple, la législation allemande reconnaît
soit en s’échappant depuis longtemps maintenant « l’instinct fondamental de
vers l’autre coté des l’homme » de se libérer et considère donc l’évasion en elle-
même comme n’étant pas punissable. Pareil en Suisse, où
murs de la prison ou
l’évasion ne peut être punissable en vertu du principe selon
vers la mort. Qu’on
lequel l’autofavorisation4 n’est pas punissable.
ne la punisse pas
Ces législations d’autres pays européens considèrent
pour cela.
donc que l’évasion et sa tentative ne peuvent être punissables
en elles-mêmes, en se fondant sur l’idée que la liberté est
intrinsèque à l’être vivant et qu’il est donc concentre sur l’accusé∙e plutôt que sur la
impossible d’interdire sa recherche. personne ayant subi l’infraction, alors la loi
quitte le légalisme pour dériver vers le
La liberté tout court moralisme. En France, le Code pénal a donc
toujours été du côté de la morale et non de la
Mais poussons réellement la réflexion. justice à proprement parler.
Si on admet que la recherche de la liberté
est intrinsèque à l’être vivant, et que les lois Si le système judiciaire se détournait
humaines proclament que chaque humain de la soif vengeresse pour être tout entier
est libre et le demeure, alors le droit à la dans la réparation – de la personne visée par
liberté ne devrait-il pas être absolu ? Or l’infraction, mais aussi de la personne autrice 39..
s’il est absolu, il ne saurait souffrir d’aucune et de la société – alors nous n’aurions plus
restriction. Alors, même l’État et son impératif besoin de prisons.
de sécurité ne sauraient suffire à légitimer la
privation de Liberté. Le droit à l’évasion est un droit à
la liberté, et devrait donc mener à une
Alors, même les législations qui ne interdiction d’enfermer.
répriment pas l’évasion en reconnaissant le
caractère essentiel de la liberté, entrent en Fermons les prisons !
contradiction, puisque ces pays continuent à NOTES
enfermer pour punir. 1. Angelo Garand a été tué chez lui, à Seur dans le Loir-et-Cher, par des membres du GIGN
le 30 mars 2017, de sept balles dans le torse, alors qu’il n’était pas rentré de permission
Or, quand la loi permet l’enfermement, de sortie. Voir https://www.facebook.com/Justice-Pour-Angelo-1307118499372039/?fref=ts
2. 162 personnes sont mortes en prison en France en 2017, 132 en 2018, selon les chiffres
quand le droit pénal est du côté de la punition officiels.
3. On entend ici par « prisons » également les Centres Éducatifs Fermés et les Centres de
plutôt que de la réparation, quand il se Rétention Administrative.
4. Principe selon lequel on ne peut sanctionner quelqu’un qui cherche à se favoriser.
S’applique en Suisse à toute la procédure pénale. Par exemple, en vertu de ce principe,
nul n’est tenu de déposer contre lui même. Ici, le principe d’autofavorisation empêche de
réprimer la recherche de la liberté d’un∙e prisonnièr∙e par l’évasion.
i e r « Je suis anti-prison, du moins
s
o s sous cette forme »
D
Entretien avec François Besse
propos recueillis par
philippine kauffmann
ancienne génépiste

François Besse a passé vingt ans en prison et PK / Dans « Cavales », vous racontez
s’en est évadé sept fois, dont une avec Jacques une grève de surveillants qui empêche les
Mesrine. Maintenant adepte de philosophie promenades et les parloirs. Vous aviez alors
et plus particulièrement de Spinoza, il collecté les revendications de détenus :
revient sur sa vie mouvementée dans son être payé correctement, avoir accès à une
dernier livre « Cavales. Une vie évadée » meilleure alimentation, pouvoir aller en
(Plon, 2019). Pour le Passe-Murailles, il promenade deux fois par jour... C’était
se confie sur sa vision de la vie et de la prison. en 1974 et on a l’impression que rien n’a
..40 évolué...
Philippine Kauffmann / Vous vous êtes évadé
sept fois de prison ; qu’est-ce qui vous a FB / Je me souviens d’un détenu qui demandait
poussé à toujours vous échapper ? qu’on l’appelle « Monsieur ». En effet, rien
n’a changé. Toutes ces revendications étaient
François Besse / Si je m’étais adapté, je serais légitimes. Elles n’ont reçu aucune réponse. Ceux
resté en prison. Tous les animaux maltraités jugés comme les meneurs de ces protestations
deviennent dociles. Les autres détenus ne le étaient envoyés dans les QHS (quartiers de haute
comprenaient pas mais ma force était à la fois sécurité), pour les isoler.
mentale et physique. J’ai appris à être vigilant
pour rester vivant. Je me disais « ce qui se passe PK / Vous avez passé vingt ans en prison ; est
autour de toi ne te concerne pas » et savais mettre ce qu’elle a changé pendant cette période ?
les gens à distance. Il s’agissait d’une simple
protection. Cela m’a valu d’être désigné comme FB / Dans les années 70, on était peut-être plus
« hautain » par l’administration. vigilants politiquement, plus conscients de la lutte
des classes. L’administration pénitentiaire était
notre ennemie commune. Lorsqu’on décidait de Murailles est « anti-carceralisme et
ne pas rentrer de la promenade, pour protester, abolitionnisme », est-ce que vous vous
personne ne rentrait. retrouvez dans ces combats ?
Et puis, à l’époque, il n’y avait pas de
drogue en prison. Les objets clandestins étaient FB / Je suis contre la prison, du moins sous cette
des journaux avec des photos de filles. Ça aussi, forme. Je suis utopiste. Je désire qu’on mette fin
ça a changé ! à cette folie d’enfermement qui dure depuis
deux siècles. Les politiques ont bien tenté des
PK / Vous dites aussi qu’il n’y avait pas réformes mais l’échec est permanent. Comme le
de critique du système judiciaire par les disait Bourdieu : « Les faits divers, ce sont aussi des
détenus ? faits qui font diversion ». Mettre en Une « ennemi
public numéro 1 », ça fait vendre et permet aux 41..
FB / Aucun ne remettait en cause le système, politiques de continuer à faire ce qu’il y a à faire.
ni la Justice – qui est vraiment aveugle. Mais Pendant ce temps, dans les maisons d’arrêt,
c’est pour moi nécessaire. Les parties civiles ne les conditions sont terribles. Il n’y a rien à faire,
sont pas prises en charge vers la réconciliation. trop de monde, les SPIP [Services pénitentiaires
Tant que ce chemin ne sera pas parcouru, nous d’insertion et de probation, NDLR] ont 120 dossiers
resteront dans des conflits dommageables pour à gérer en même temps. Les journées ne durent
les deux. Ce n’est pas à travers une punition qu’on pas 24h mais 3h le matin et 3h l’après-midi. Et puis,
permet aux victimes de comprendre. Cela me la pénitentiaire a deux missions contradictoires :
rappelle l’histoire d’une femme, aux États-Unis. surveiller et réinsérer.
Ses enfants ont été assassinés. Lorsque le tueur
a été condamné à mort, elle a dit « pour lui c’est PK / Quelle serait pour vous l’alternative au
fini, pour moi ça continue ». La peine de mort et système carcéral actuel ?
l’incarcération ne résolvent rien.
FB / D’abord, il faudrait une justice plus rapide.
PK / Le thème de ce numéro du Passe- Prendre en charge immédiatement la victime
e r
si
o s
D

et l’auteur, pas deux ans après. On voit bien que ce système ne


fonctionne pas. Ensuite, il ne devrait pas y avoir d’incarcération
pour les peines de moins de deux ans. Si on sortait des prisons
les petites peines, les prévenus et les malades psychiatriques, il
Il faudrait une ne resterait pas grand monde ! Et on pourrait alors se donner les
justice plus moyens de traiter humainement ceux qui restent.
rapide. Prendre PK / C’est-à-dire ?
en charge
FB / J’ai eu la « chance » d’être en cellule individuelle et d’avoir
...42 immédiatement un directeur de prison un peu avant-gardiste. Avant de me juger
la victime et irrécupérable, il a vérifié que je pouvais changer et il n’a pas été
déçu ! J’assistais à des cours de philosophie deux fois par semaine,
l’auteur, pas des cours de théâtre et d’études du cinéma. Souvent, un détenu qui
deux ans après. fait un travail sur lui-même en attire d’autres et peut entraîner un
On voit bien que effet boule de neige.
Si quelqu’un est incarcéré, il faut une prise en charge
ce système ne psychologique, sociale et psychiatrique dès le premier instant. Il
fonctionne pas. faudrait présenter une éventualité de réinsertion dès la première
minute de la détention.

PK / Quelle était votre relation à la lecture en prison ?

FB / J’ai lu énormément, pendant toutes mes incarcérations. J’ai


veillé à deux choses : maintenir ma forme physique, en faisant de
l’exercice et maintenir mon imagination créatrice de nouvelles connaissances et rencontres, d’avoir
et utopique. Je l’ai fait à travers mes lectures. accès à un savoir et de le mettre en pratique.
Ces lectures renforçaient en moi le possible et
devenaient une puissance. Et quand on me mettait PK / Quel conseil donneriez-vous au Genepi ?
dans un cachot, je faisais appel à ma mémoire
pour me souvenir des romans que j’avais lus, je FB / J’aimerais qu’il puisse se rendre plus visible
mélangeais les histoires. et, à nouveau, intervenir directement en prison.
C’est vous, les bénévoles, qui avez le savoir. Si
PK / Vous mentionnez le Genepi dès la vous ne le transmettez pas aux détenus, que leur
première phrase de votre livre, quel est reste-t-il ? Mais il faut être suffisamment diplomate
votre relation avec l’association ? pour ne pas dire ce que l’on fait ! 43..

FB / J’ai d’abord connu l’association en 1976. Des PK / C’est d’ailleurs grâce à des cours, en
bénévoles venaient me donner des cours d’anglais détention, qui vous avez découvert l’étude de
et de mathématiques en prison. C’est dans ce cas- la philosophie…
là que la société civile, à travers une association
militante, a toute sa justification dans un milieu FB / C’était lors de ma dernière visite en prison,
fermé. J’ai toujours défendu ce genre d’association celle qui m’a donné la liberté. Pas comme cette
car, pour moi, aucun homme privé des autres rengaine qui affirme que nous sommes libres,
ne peut se construire, ou se reconstruire. Tant égaux, fraternels. Lors de ma détention, j’ai
que la société civile ne s’engage pas plus, rencontré un vrai philosophe. Il est venu donner
sans émettre de jugement, à l’intérieur des des cours à la maison centrale de Saint-Maur. Il
prisons, il est vain de parler de réinsertion. nous a dit « nous allons prendre Spinoza comme
Ces interventions aident les détenus à faire un maître » et c’est comme ça que tout a commencé.
chemin, leur permettent de s’éclairer à travers
si e r
La garde à vue,
s
D o
un outil de répression
au service de l’État
Par Nabintou
militante au genepi

Depuis le 1er janvier 2019, comme des majeurs alors que les 13-15 ans
600 000 personnes ont été placées « bénéficient » d’aménagements, notamment
en garde à vue. le droit à la présence des parents pendant les
interrogatoires.
La garde à vue, c’est près de 2 200 personnes Historiquement, la garde à vue est une
placées dans les cellules des commissariats pratique apparue dans le courant du XIIIe siècle
de France chaque jour,soit 800 000 et qui consistait à « garder à vue » un suspect
personnes par an, dont 300 000 pour délit dans le cadre d’une enquête, le temps nécessaire
..44 routier.Ces gardes à vue aboutissent en à sa présentation devant un juge ou un magistrat.
moyenne à 62 000 incarcérations après Jusqu’en 1958, la garde à vue est considérée
jugement (ne sont pas comptabilisées les comme « un temps du procès » et n’a donc
personnes placées en détention provisoire, pas de législation propre. Par la suite, des lois
en centre éducatif fermé ou en centre de encadrant cette méthode de privation de liberté
rétention administratif)1. sont mises en place relativement lentement et
avec de nombreuses possibilités de dérogation.
Les gardé∙es à vue peuvent être Il faudra par exemple attendre 1993 pour que
incarcéré∙es dans les locaux des commissariats la personne placée puisse s’entretenir avec son
pour une durée allant de 24h à 48h pour les petits avocat – 20h après sa mise en détention !
délits ; mais cela peut aller jusqu’à 72h pour les Progressivement, à partir de 2004,
affaires plus graves (trafic de drogue…) et même la législation va s’assouplir en faveur des
96h ou 144h en cas de risque de terrorisme. gardé∙es à vue. Les critères de placement sont
C’est une méthode de privation de par exemple mieux définis et, dans certains
liberté qui touche évidement les mineurs. Ainsi, cas précis, l’enregistrement vidéo est autorisé.
les gardé∙es à vue de 16 ans et plus sont traité∙es C’est à la suite d’une énième condamnation de
la France par la Cour européenne des droits (police ou gendarmerie) selon des conditions
de l’homme, que la loi du 14 avril 2011 va être relativement larges3 ;
votée. Elle permet désormais au gardé∙es à vue - Il est malléable. Ainsi, pendant la guerre
de faire appel à un avocat dès le début de leur d’Algérie, ou plus récemment avec la mise
détention et au moment des interrogatoires. Le en place d’une législation spécifique sur le
Contrôleur général des lieux de privation de terrorisme, de nombreuses dérogations ont été
liberté a également désormais un droit de regard mises en place, concernant notamment la durée
sur les locaux et les comportements des agents et les conditions de placement en garde à vue. À
de police vis-à-vis des gardé∙es à vue. noter ici que l’islamophobie/racisme systémique
À noter qu’encore aujourd’hui, l’avocat est plein de ressources !
(majoritairement commis d’office) n’a pas accès - Il est peu documenté. En effet, contrairement à 45..
au dossier pendant la garde à vue. Son rôle est la prison, peu de statistiques existent, ce qui le
donc principalement de veiller au respect de la rend relativement opaque ;
dignité humaine de son/sa client∙e2. - La possibilité très récente de faire appel à un
La garde à vue s’inscrit dans le avocat dès le début de sa garde à vue montre
triptyque police/justice/prison et a bien également que c’est un espace où les rapports
évidement un rôle éminemment politique au de force sont volontairement inégaux ;
regard de qui et de pourquoi on incarcère. Moins lourde et plus flexible, la
Ce rôle est bien loin du soit-disant objectif garde à vue peut donc être utilisée encore,
de protection de la société civile et de encore et encore par la police pour un même
maintien de l’ordre public. individu.
C’est en effet un mode d’incarcération Tout comme en prison, la dignité humaine
redoutablement efficace car : n’y est pas respectée, ce dont fait mention le
- Il est « express » (maximum 6 jours), par apport Contrôleur général des lieux de privation de
aux autres méthodes d’incarcération ; liberté dans bon nombre de ses rapports4.
- Il est ordonné par un officier de police judiciaire Voici quelques-unes de ses observations
e r
si
o s
D

générales :
« Des locaux délabrés, mal entretenus, des sanitaires vétustes
Le retrait des et inutilisables, des bureaux surchargés ou trop exigus sont le
cadre le plus fréquemment observé. Les nécessaires d’hygiène,
objets personnels, notamment pour les femmes, font souvent défaut, les couvertures
lunettes et sont mal entretenues, les matelas sont en nombre insuffisant, les
soutien-gorge, douches ne peuvent être utilisées, les odeurs nauséabondes
demeure presque imprègnent geôles et sanitaires, voire les bureaux, le chauffage
ne fonctionne pas toujours et n’est parfois même pas installé dans
systématique, les cellules. Les conditions matérielles de garde à vue ne sont
malgré quelques souvent ni contrôlées ni suivies par un officier de garde à vue.
..46
directives locales À Paris et en proche banlieue, ces difficultés se doublent de la
prescrivant qu’il promiscuité dans des cellules collectives parfois surpeuplées.
Le retrait des objets personnels, lunettes et soutien-gorge,
soit effectué avec demeure presque systématique, malgré quelques directives
discernement. locales prescrivant qu’il soit effectué avec discernement. Les
Les gardés à vue gardés à vue comparaissent parfois sans soutient gorge, lunettes
comparaissent ou ceinture, dans le non-respect de leur dignité.
Le document récapitulatif des droits, en dépit de la
parfois sans loi, n’est jamais laissé à la personne gardée à vue. Et il arrive
soutient gorge, dans quelques cas que la notification des droits elle-même soit
lunettes ou sommaire, sans explication, et se résume à une simple signature
ceinture, dans le qui ne semble d’ailleurs pas toujours recueillie en début de
procédure. Rares sont les registres bien tenus. Le nombre des
non-respect de intervenants et l’absence de contrôle n’y aident pas : certaines
leur dignité. mentions sont omises, ce qui empêche de suivre le déroulement
des gardes à vue.
Sur tous les sites où les forces de police ne sont pas en
mesure de recevoir des instructions du parquet de ces populations potentiellement
après une certaine heure, des personnes peuvent révolutionnaires. Cela afin de conserver un
être placées en garde à vue une nuit complète statut quo au sein duquel une classe blanche
pendant laquelle rien ne se passe et au terme de et bourgeoise profite d’un système basé
laquelle une remise en liberté immédiate peut sur l’exploitation capitaliste d’une classe
être décidée. Les contrôles du CGLPL ont ainsi prolétaire et majoritairement racisée.
relevé un grand nombre de privations de liberté L’utilisation de cette méthode d’incarcération
inutiles. » pour mater des revendications visant le système
en place, se voit également au travers des
Même s’il n’existe pas de statistique, mises en garde à vue massives qui entourent
il suffit d’observer la composition des prisons notamment le mouvement des gilets jaunes et
françaises pour comprendre quelles populations des gilets noirs.
sont visées par ce mode d’incarcération express. Dans le but de s’organiser
47..
Prolétaires, SDF, étrangers, racisés. C’est ici encore individuellement,ou de résister collectivement
un des nombreux outils de l’arsenal répressif à l’arsenal policier (interpellation,
de la police française. Il permet de mettre en garde à vue, jugement…), pendant les
place un rapport de force physique via la manifestations mais également ailleurs,
violence et l’humiliation avec pour objectif le Syndicat de la magistrature a publié
de contrôler le corps et les déplacements « le Guide du manifestant arrêté » qui
de certaines populations, majoritairement est téléchargeable gratuitement et qui
pauvres, racisées et issues de quartiers répertorie les stratégies à mettre en place
populaires. C’est par exemple pendant les pour résister au système répressif ; il est à
interpellations visant la mise en garde à vue et diffuser largement !
pendant les gardes à vue que bon nombre de
NOTES
jeunes hommes racisés se voient violés, mutilés
1. Statistiques extraits du site : https://www.planetoscope.com/Criminalite/1205-gardes-a-
ou tués. vue-en-france.html
La garde à vue a également pour 2. Histoire de la garde à vue extraites du site : http://www.mclavocats.fr/images/pdf/papier_
gregoire_2.pdf
3. Mode de fonctionnement de la garde à vue extrait du site : https://www.service-public.fr/
objectif de conditionner les esprits particuliers/vosdroits/F14837
4. Rapports du CGDLPL : http://www.cglpl.fr/tag/locaux-de-garde-a-vue/
i e r La lutte contre
s
D o s
la radicalisation,
entre mythes et réalités...
Par Pierre-edgar varet
ancien bénévole du genepi
Arrêter de à Clermont-ferrand
construire
des centres « Quoi qu’il advienne, le monde de demain nous

pénitentiaires appartient »… N'est-ce pas, Joey et Kool ? Faut


croire que votre physique de « métèque » ne passe
au bord de nos
pas si bien dans ce petit monde d’Alice au pays des
autoroutes,
merveilles...
travailler avec
les personnes
..48 concernées par La preuve, nos dirigeants évoquent la
le problème avec radicalisation d’une façon bien particulière : ils la
bienveillance définissent comme une attaque envers les valeurs de
plutôt que de nier notre douce France... ils la voient comme LA nouvelle
systématiquement menace ; ces terroristes, des êtres si indélicats et
leur humanité, violents ayant pour religion l’islam... ils seraient
trouver des radicalisés à partir du moment où ils ne distingueraient
solutions pour plus la supposée frontière entre le « bien et « le mal »...
le bien vivre Tout cela n’est que croyances et théories erronées...
ensemble plutôt ils s’imaginent que ces gens sont la nouvelle folie du
que d’isoler et de monde... alors, qu’en réalité, cette folie a toujours existé.
créer une zizanie C’est si simple de parquer des mecs dans des boîtes,
permanente... les rangements IKEA du pauvre ! Passer son temps
à contenir sans se remettre en question, on frise
l’indolence ici... c’est si facile d’inventer plutôt que d’isoler et de créer une zizanie
de belles théories, qui ne marcheront pas permanente... mais tout ça demande
plus ! En plus, vous croyez sincèrement, de l’argent ; c’est long, et humainement
messieurs, nos chères têtes pensantes, couteux... Bienvenue dans un monde
qu’avec votre sublime infatuation productiviste, capitaliste, amoureux de la
permanente, vous serez écoutés... Dieu rentabilité et du gain de temps... prenez le
que c’est naïf ! temps de méditer, messieurs les politiques
Parlons des éducateurs qui seront et vos chers experts ; vous luttez contre
là pour soi-disant « aider » les personnes le problème, certes, mais croyez-vous
détenues… Quid de leur compétence ? vraiment que créer de grands centres
Des jeunes gosses qu’on va briser ? On « de déradicalisation », entasser des gens 49..
commence à s’habituer au médiocre dans comme des Lego, recréer le système
ce pays... Et fric comme seul leitmotiv, carcéral actuel… fonctionne vraiment ?
évidemment. Il est nécessaire de repenser
Il pourrait y avoir une réponse, intégralement notre monde et nos
voire même de multiples réponses institutions et d’arrêter de croire aux
aux problèmes : arrêter de construire solutions miracles genre « Comme
des centres pénitentiaires au bord j'aime » où on t’explique que tout va se
de nos autoroutes, travailler avec les faire en une fraction de seconde par
personnes concernées par le problème l’intermédiaire de spots enfoncés avec la
avec bienveillance plutôt que de nier subtilité d’un marteau piqueur... Disons
systématiquement leur humanité, trouver avec justesse, agissons avec justice… et
des solutions pour le bien vivre ensemble n’oublions pas que le monde de demain
nous appartient.
si e r Il faut penser la prison
s
D o au prisme du genre

Cet article, rédigé collectivement


par des militantes du Genepi, est paru
dans le premier numéro de la revue la Brèche,
produite par le Genepi Belgique en juin 2019.
La prison est vue comme un lieu en dehors de la femmes subissent par ailleurs des discriminations
société civile, pourtant les détenu∙es, elles et spécifiques du fait de leur genre. Ces traitements
eux, ne sont pas épargné∙es par les oppressions différenciés, que l’on trouve déjà dans la société
sociales qui traversent notre société. extra-détention, s’accentuent dans l’institution
Comment l’incarcération exacerbe-t-elle ces disciplinaire et répressive qu’est la prison. Lorsque
discriminations de genre ? ce ne sont pas les femmes incarcérées qui subissent
ces traitements, ce sont les proches de détenu∙es,
..50 Nous comprenons le genre comme une une population féminine totalement laissée-pour-
construction sociale qui assigne des rôles aux compte. Puisque le patriarcat ne s’arrête
individus et alimente des attentes fondées sur des pas aux murs des prisons, nous pensons les
stéréotypes. Les comportements individuels, la oppressions perpétrées envers les femmes,
structure de la société ainsi que ses infrastructures homosexuel∙les et transgenres en détention
sont régies selon ces représentations genrées, ce dans une perspective antisexiste.
qui mène à des inégalités d’accès aux ressources
en fonction du genre. C’est ce qu’on appelle des La prison, un « miroir grossissant »
oppressions systémiques. Nous souhaitons dans des oppressions de genre
cet article conjuguer la question des violences qui traversent la société civile
carcérales au thème des violences faites aux femmes
et aux minorités sexuelles et de genre en France. L’incarcération des femmes ne peut être
pensée comme l’incarcération des hommes. Elle
Au 1er décembre 2018 en France, les femmes doit être considérée avec ses propres spécificités.
représentent 3,8 % de la population carcérale Bien que chaque femme vit sa détention de manière
totale, qui est de 71 000 personnes. D’abord différente, on retrouve certaines similarités : être
minorisées du fait de leur infériorité numérique, les femme en prison, c’est subir des oppressions de
genre, souffrir d’isolement et devenir invisible de sa cellule s’il n’y a ne serait-ce qu’un détenu qui
aux yeux de la société. Les femmes vivent leur circule dans la prison. En conséquence, les temps
enfermement en fonction de l’image que la société de sorties pour les femmes enfermées en prison
patriarcale leur attribue. La représentation sociale pour homme sont extrêmement limités. Elles sont
et collective assigne aux femmes certaines qualités donc quotidiennement isolées et parfois exclues des
prédéterminées dans le domaine du care : le calme, activités collectives, du travail, des espaces de soin
le soin, la gentillesse, etc. Or, certaines transgressent proposés par l’administration pénitentiaire.
les attentes de la société liées à leur genre. Elles
sont jugées coupables pour affaires de drogue ou En France, la non mixité s’impose
pour crimes « de sang » et, particulièrement, pour aux prisonnièr∙es mais aussi au personnel de
infanticides. Ces femmes sont majoritairement issues surveillance. Enfin, uniquement dans les prisons
de milieux défavorisés et sont victimes d’isolement. ou les quartiers pour femmes. Autrement dit, les
Isolement et précarité qu’elles vivront de nouveau, détenus sont surveillés à la fois par des surveillants
une fois libérées. et des surveillantes, tandis que les détenues sont 51..
uniquement surveillées par des surveillantes. Les
En détention, les femmes n’ont que très seuls hommes, parmi le personnel carcéral, qui
peu accès aux services sanitaires, éducatifs et peuvent entrer en contact avec les détenues sont les
professionnels. À l’exception de deux centres de personnels gradés de l’administration pénitentiaire.
détention pour femme à Rennes et Versailles, les Outre la privation de la liberté de mouvement,
détenues sont parquées dans des quartiers aménagés les prisonnières doivent également se battre
dans les établissements pénitentiaires pour hommes pour recevoir les produits dits d’hygiène
et ces infrastructures ne sont pas pensées pour intime comme les serviettes et les tampons
une vie en non mixité. En France, la prison est la (qu’elles doivent financer elles-mêmes) mais
dernière institution où femmes et hommes ne sont également les préservatifs féminins, beaucoup
pas mélangé∙es. Puisque les femmes occupent moins distribués que les préservatifs masculins
une part ultra minoritaire de la population en quartier homme. Si une quantité très réduite
carcérale totale, elles sont confinées dans des de produits menstruels est distribuée dans le kit
quartiers pour femmes à l’intérieur de prison d’hygiène à l’arrivée en détention ainsi que dans le
pour hommes. Seulement, il existe une règle de kit mensuel pour les « indigentes », les produits sont
sécurité selon laquelle une femme ne peut sortir le plus souvent à la charge des détenues. Concernant
e r
si
o s
D

les préservatifs, ils sont parfois donnés sous le manteau par le


personnel de l’UCSA (Unité de consultation et de soins ambulatoires),
unité présente dans chaque établissement pénitentiaire. Les sex-
Alors que toys sont quant à eux interdits, alors que par exemple, les magazines
les femmes pornographiques sont permis chez les hommes.

ont plus Ce dernier point nous renvoie à une autre oppression


tendance à être de genre : les femmes et la sexualité. Ce sujet, tabou dans notre
société, l’est d’autant plus en prison. Une femme n’aurait pas les
abandonnées mêmes besoins à assouvir qu’un homme et la sexualité des femmes
incarcérées est peu étudiée (jusqu’au récent ouvrage La sexualité des
par leurs femmes en prison de Myriam Joël). La masturbation féminine semble
..52
proches et à moins fréquente que celle des hommes mais cela est dû à la pression
du regard de l’autre et notamment du regard des surveillantes
ne pas avoir de pénitentiaires qui peuvent à tout moment surprendre la femme en
visites durant plein acte masturbatoire à travers l’œilleton ou en ouvrant la cellule.
Cela alimente les rapports de pouvoir déjà si bien ancrés dans le
leur détention, milieu carcéral. À titre d’exemple, nous avons récolté un témoignage
racontant le système de chantage instauré par une surveillante. Cette
elles sont plus dernière avait surpris une détenue en train de se toucher à travers
nombreuses à l’œilleton et la menaçait de jeter l’opprobre sur elle en le racontant
à ses collègues surveillantes et aux autres détenues. Cet isolement
soutenir leur sexuel est complété par un isolement social et affectif. En effet, les
femmes détenues sont fréquemment en rupture avec leurs proches.
mari, frère ou Elles sont souvent rejetées par leur entourage, abandonnées par leur
fils incarcéré. conjoint et n’ont donc que peu de parloirs.

Nous ne pouvons pas parler d’oppression de genre sans


parler du sort des femmes transgenres en détention. Elles peuvent
Illustration : luce guingne
être enfermées dans les quartiers hommes et mises rendre visite à son frère et elle doit compter plusieurs
contre leur gré, au nom de leur sécurité, en isolement heures de transport pour arriver à la prison. Son
pendant la durée de leur incarcération. Elles sont frère et elle ont décidé de cacher la vérité à leur
privées d’activités, de liens sociaux et subissent des mère pour ne pas l’inquiéter, prétextant un voyage à
moqueries de la part du personnel pénitentiaire, l’étranger. Sa lassitude et sa fatigue sont palpables.
aucunement sensibilisé aux besoins des femmes Au-delà du temps et de l’argent nécessaires pour
trans. De plus, l’accès au traitement hormonal est soutenir un∙e proche incarcéré∙e, les visites peuvent
un parcours du combattant pour un grand nombre s’avérer difficiles, voire humiliantes. Les familles
d’entre elles. Une ancienne détenue trans témoigne doivent arriver longtemps en avance pour des
de l’absence de traitement pour soigner son hépatite parloirs parfois courts, subissent l’enfermement, de
C qui a entraîné un cancer lymphatique qui aurait pu salle d’attente en salle d’attente, avant de pouvoir
lui être fatal. serrer leurs proches dans leurs bras. De peur des
répercussions sur leur proche ou sur leur permis de 53..
Vivre l’incarcération par le biais visite, les visiteur∙euses se plaignent rarement.
de l’emprisonnement de ses proches
Femmes détenues ou femmes proches
Outre les femmes incarcérées, il faut aussi de détenues, nous, au Genepi France, ne
prendre en compte les femmes confrontées à la prison considérons pas nos camarades comme des
par le biais de leurs proches incarcérés. Alors que objets d’étude ou de pitié. Nous, féministes
les femmes ont plus tendance à être abandonnées à l’extérieur, sommes au côté de celles de
par leurs proches et à ne pas avoir de visites durant l’intérieur.Notre lutte contre le patriarcat
leur détention, elles sont plus nombreuses à soutenir et la violence (des hommes, de la société
leur mari, frère ou fils incarcéré. En plus des visites, misogyne) est commune.
dans certaines prisons, elles s’occupent du linge. biblio
Ces femmes, déjà précarisées par l’incarcération JOËL Myriam, La sexualité en prison de femmes, 2017. Paris, Presses de Sciences Po.
VERGÈS Françoise, Un féminisme décolonial, 2019. Paris, La Fabrique éditions.
de leur proche et la potentielle perte du revenu de GABRIEL João, 2019. « #Féminicides #ÉtatCoupable », Le blog de João [En ligne -
celui-ci, sont aussi souvent amenées à les soutenir Facebook]. 6 juillet 2019.
RICORDEAU Gwenola, « Abolir le système pénal : entretien avec Gwenola Ricordeau (2ème
financièrement. Une sœur de prisonnier nous partie) », État d’exception [En ligne]. 6 juin 2019.
À paraître :
raconte qu’elle organise ses horaires de travail pour RICORDEAU Gwenola, Pour elles toutes. Femmes contre la prison, 2019. Montréal, Lux
éditeur.
x es
i
vo tiv « Opposer aux personnes
c a p qui transgressent la loi
d’autres règles que l’avilissement »
par Laurent Ciarabelli

Le texte ci-dessous est un extrait d’un sait que la prison est un environnement mutique
travail en cours retravaillé spécialement où se déroulent d’atroces situations.
pour être publié dans le Passe-Murailles.
Certaines parties ont été coupées ou Faire gardien de prison par vocation ?
réécrites pour faciliter la compréhension Comme les flics ou les militaires, oui. C’est
et la lecture. répondre positivement à une propagande
d’État. Tout ce ramassis de militaires, de flics,
La fac de droit apprend aux étudiants et ou de gardiens de taules avec peu de morale
étudiantes à poser quelques questions, mais pas rêvant d’action avec des armes à feu plutôt que
trop afin de ne pas remettre en cause le modèle d’enquêter sur des crimes, préférant harceler
..54
de société qui y est enseigné. En ce qui me que travailler ou tout simplement la planque au
concerne, on m’enseignait la valeur sociale de privé. Toutes ces personnes fascinées par la
la peine pénale : un criminel est dangereux pour légitime violence qu’ils peuvent exercer sur les
la société ; la société s’en prémunit. Enfermer corps. Toutes ces personnes pouvant détruire,
une personne pour un acte commis relève humilier et briser derrière la loi du silence…
d’une justification politique. Veut-on Car oui, parler publiquement de cela,
préserver la société de la dangerosité de c’est briser ceux qui sont dedans. Mon père
quelqu’un, ou le punir de ce qu’il a fait ? a été enfermé et il n’est plus en taule, mais
Béatrice Dalle l’exprimait à peu près en ces
Toujours est-il que la punition et termes : parlez de ce qu’il se passe derrière
l’enfermement sont des chimères : il existe les barreaux ; parlez des humiliations et
d’autres systèmes dont on ne parle pas. Car des mauvais traitements alors que vous avez
dire « feu aux prisons », aujourd’hui, qu’est-ce des proches en prison et vous vous assurez
que c’est ? C’est le résultat de cette critique, qui que le système carcéral se vengera sur eux,
Illustration : claire cordel
spécifiquement.
Ces gardiens de prisons qui veulent posséder des Ces gardiens de
armes, qui punissent, empêchent les prisonniers de vivre prisons qui veulent
dignement, font grève en les laissant crever de faim. On peut posséder des armes,
opposer aux personnes qui transgressent la loi d’autres règles qui punissent,
que l’avilissement. empêchent les
prisonniers de vivre
Et cet avilissement est plus large qu’à la simple personne dignement, font
enfermée. Avez-vous déjà subi l’humiliation de rendre visite à grève en les laissant
une personne enfermée ? crever de faim. 55..
Les prisons sont loin. Loin des centres villes, mal
On peut opposer
desservies par les transports en commun. Les règles sont
aux personnes qui
strictes. De manière simple, aller au parloir coûte cher. Si c’est
transgressent la loi
par un moyen de transport personnel, ça coûte de l’essence
et les familles des détenus sont majoritairement pauvres car la
d’autres règles que
prison punit la pauvreté. Cette chose sale qu’il faut éradiquer l’avilissement. Et cet
des centres-villes. Comprenez mon propos : on rentre dans avilissement est plus
une incroyable bureaucratie où il faut appeler la maison d’arrêt large qu’à la simple
ou la prison, demander un parloir avec l’écrou n° X (car les personne enfermée.
détenus ne sont pas appelés par leur nom mais leur numéro Avez-vous déjà subi
d’écrou). Cet écrou, le numéro du cadenas qui tenait attachées l’humiliation de
les personnes enfermées remplaçait et remplace encore leurs rendre visite à une
noms. Rendre chose les humains, voilà ce que la prison fait personne enfermée ?
que même le droit ne parvient pas à réaliser.
i x es
vo tiv
a p
c

Rendre Une fois la demande de rendez-vous prise,


l’administration pénitentiaire étudie le dossier et approuve ou

chose les non la visite. Vous êtes informé immédiatement si c’est complet,
et malheureusement cela arrive. Ce sera le jour de la visite, et une
fois sur place, que vous saurez si tout s’est bien déroulé et que le
humains, rendez-vous n’a pas été annulé (un mauvais comportement, et
c’est la sanction). Cela veut dire que les déplacements peuvent
voilà ce s’avérer inutiles si le détenu n’est pas autorisé à vous voir. Sauf
qu’aller en maison d’arrêt, c’est au minimum une demi-journée
..56 que la à prendre pendant la semaine. Travailler ou maintenir du lien
social ? C’est la première question que l’on se pose.
prison fait Une fois que l’on rentre en prison pour rendre visite, c’est

que même des contrôles bien plus contraignants qu’à l’aéroport. J’ai vu des
mères ou des épouses en larmes aux premiers contrôles car

le droit ne les baleines des soutien-gorge avaient sonné pour le contrôle


métallique. Impossible de les conserver avec elles et impossible
de les enlever ou de les mettre en consigne.
parvient C’est un non catégorique. Une fois appelé, la procédure
d’entrée a commencé. En sortir, même temporairement, est
pas à synonyme d’annulation et l’entrée est impossible. Trois heures
gaspillées. L’attente ensuite, où personne ne parle vraiment
réaliser. ou échange des banalités ; nous sommes plus ou moins à
l’aise avec cette situation et c’est là que l’on se rend compte
des différences qui nous éloignent et de cet d’antidépresseurs, très accessibles en prison.
environnement carcéral qui nous rapproche. Alors il nous racontait sa vie, les menaces de
Certains enfants qui sont là connaissent mort qu’il recevait quotidiennement, comment
parfaitement les rouages. Qu’est-ce que cela il fallait faire preuve de bonne conduite,
crée sur eux ? L’administration s’en fout. comment tout se louait à l’intérieur de la prison,
comment il était obligé de travailler. Il fabriquait
Passées les trois salles d’attente, on a des hameçons par centaines et devait tenir la
le droit d’entrer dans le parloir, une pièce de cadence pour gagner, après huit heures de
deux mètres sur un qui résonne terriblement, travail quotidien, environ six euros. Il me racontait
deux chaises, une odeur de détergent horrible. aussi qu’il pouvait être amené à emballer des 57..
Les familles sont regroupées dans des parloirs parfums de luxe (Dior ou Chanel, je ne me
individuels. Une fois que la porte est fermée souviens plus) pour le même salaire. Est-ce
derrière nous, ce sont les détenus qui arrivent. que l’on enseigne aux détenus hommes et
Les matons passent et repassent, regardent femmes que leur avenir n’est être que de la
par la lucarne. Les couples qui le peuvent font main d’œuvre sans valeur, tout comme leur
l’amour s’ils en ont la force, assis discrètement existence ?
sur les chaises. D’autres se tiennent la main. Mon
père parlait pendant 45 minutes des conditions Puis venait la fin des 45 minutes de visite,
de détention, en rigolait parfois. Plusieurs fois, les détenus sont ramenés dans leurs cellules,
je l’ai vu arriver en vacillant, il s’effondrait mais avant, ils sont fouillés intégralement.
littéralement en nous voyant. Systématiquement. Évidemment, il y a du trafic
Puis un jour (disons quelques semaines dans les taules. Bien sûr, le courrier est lu. C’est
après son incarcération), cela allait mieux. précisément dans ces lettres que j’ai commencé
La simple raison à cela était qu’il était gavé à cracher ma haine et mon dégoût de cette
i x es
vo tiv
a p
c

société et je me surprenais à devenir, juste par la confrontation


Pourquoi pensez- avec le monde de la prison, un « monstre sanguinaire » qui se
vous que les réjouissait sincèrement lorsqu’un flic cramait, alors que je faisais
pauvres et oubliés mes études de droit, que j’aurais pu devenir avocat, juriste, un
aient la rage ? chien de garde de la chimère étatique qu’on nous présentait
Imaginez l’ampleur comme absolue. Pourquoi pensez-vous que les pauvres et
oubliés aient la rage ? Imaginez l’ampleur de celles et ceux qui
de celles et ceux
subissent les violences policières quotidiennement et dont les
qui subissent les proches meurent dans les commissariats ? Pourquoi avoir de la
violences policières défiance envers la justice ? C’est à partir de ce moment-là que
quotidiennement le terme de « justice de classe » a pris toute son ampleur. C’est
..58
et dont les proches en s’y confrontant qu’on la trouve inhumaine.
meurent dans les
commissariats ? Lorsque la visite se termine, les détenus sont ramenés
Pourquoi avoir de à leurs cellules, les familles attendent que la fouille se termine
la défiance envers pour se voir ouvrir les portes de la liberté. Chaque fois c’était
la justice ? C’est à pareil, il y avait un moment où, soulagé, je sortais de l’enceinte
partir de ce moment- de la prison. Pas eux. Je dis « eux » car c’était les quartiers
pour hommes que je visitais. C’était ces visages que je voyais
là que le terme de
subrepticement. En revanche, ce qui nous échappe, c’est ce qui
« justice de classe »
tourne en rond dans la tête des détenus, ce qui les pousse
a pris toute son à demander à avoir accès à des antidépresseurs puissants
ampleur. C’est en s’y après quatre semaines d’enfermement. Les médecins
confrontant qu’on la les distribuent volontiers, sachant pertinemment le
trouve inhumaine. potentiel destructeur de ces murs.
Je me souviens que je regardais dans qu’on accorde un pardon pénal et est-ce qu’une
le parloir les couleurs pastel (apaisantes) du peine est réparatrice ? Or, la prison et son
mobilier et des murs, grattés, écrits à l’ongle, rôle de contrôle social ne sont pas bénéfiques
avec n’importe quoi (mais pas de stylos, pas lorsque l’on sait que le système crée de la
de clé). J’ai compris à ce moment-là que la récidive. Aujourd’hui, je sais que si mon père
neutralité du mobilier et des couleurs qui sont se tient à carreaux, ce n’est pas parce qu’il a été
appliquées sur les murs est politique. Rien ne « redressé », « ramené » dans le droit chemin.
doit permettre de distinguer le temps qui passe Mais plutôt parce qu’il doit jouer un rôle : celui
car tout est routinier. Les couleurs agressives du repenti. Celui que l’on attend des personnes
qui pourraient provoquer de l’irritation sont à qui l’on donne une deuxième chance. Une
proscrites. Comment ne pas être en colère serpillière de la société qui courbera l’échine à
59..
contre une institution qui balaie si loin jamais. Est-ce que c’est ce que nous voulons ?
dans l’âme et la conscience des gens Punir et maintenir à jamais ces personnes dans
qu’elle avoue que le rouge énerve mais pas un cercle de soumission ?
le surpeuplement carcéral ou l’absence de
sanitaires dignes ? Bien sûr, je lui trouve une certaine
forme de courage, d’avoir osé vivre encore.
Désormais, je ne crois plus en la J’ai passé mon temps à me dire que ce qu’il
punition pénale. Remplacer un système avait fait était grave, mais j’ai aussi été en
de violence par un autre, c’est témoigner colère contre la justice et la prison. J’ai
de ses propres limites et avouer son moi-même été détruit. J’ai tenté d’aimer
incapacité à imaginer Mais cela
mieux. mon père, je l’ai aimé, je lui ai pardonné,
pose des questions : comment agir ? Il existe mais je reste en colère contre lui, et contre
des prisons ouvertes. Les personnes qui ont la justice et la prison.
fait leur temps, que doit-on en penser ? Est-ce
x es
i
vo tiv
p
Sur le pont des arts
c a

par BB
en solidarité avec
les détenus du qmc de Réau

Y’a comme un air frais, Une lutte juste est nécessaire.


Comme une envie de vrai, Depuis que la France est France,
Des jeunes qui gueulent et qui crient. C’est toujours les mêmes qu’on enfonce
Dans ces ténèbres, juger en âme et
Des slogans élevés en rempart, [conscience,
..60
« L’État enferme au départ », Sans état d’âme, jeter aux flammes,
La prison c’est leur bras armé, C’est toujours les mêmes qu’on enferme.
Pour que la misère reste enfermée.
Sur le pont des arts,
Sur le pont des arts se dressent, Les médias n’entendent pas ces cris
De jeunes gens aux grandes sagesses, Leur silence est sourd, tel un cri de mépris.
Crier,hurler,s’époumoner presque à l’ivresse, Ô justice, sans remords !
Pour que cette détresse cesse. Tu t’éloignes de ton code d’honneur,
Tes lois se dilatent, à la limite de ton droit,
Sur le pont des arts, Telle une mère qui enfante,
La taule pousse ses cris de misère, Donner le jour quoiqu’il importe,
Corps se dilate, peau étouffante. C’est un héros... ! Un justicier anonyme,
Il veut être plus royaliste que le roi,
Sur le pont des arts, il y a une œuvre d’art, Voire même plus sévère que la loi.
Il y a beaucoup de peinture et de l’écriture,
Qui scandent que l’État enferme Sur le pont des arts,
61..
[par nature Il y a de la jois, des cris et des fumigènes,
Et la prison assassine le présent et Des Genepistes, par cette fumée,
[le futur. [ils gênent,
Ces enfermeurs, par cette fumée,
Ô mâton, qui s’acquitte de sa [se gênent.
[besogne avec zèle,
Fier de défendre ce pouvoir Hommage aux jeunes !
[arbitraire et cruel,
Dit-il : poser cette question aux victimes,
Lui il est investi d’une mission contre
[le crime,
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Et un jour...
la liberté
c

Par Sebylib RT

Chaque naissance est suivie d’une vie proche, accident…


et aboutit à la mort. Mais bien que ce Toutes ces causes impliquent des
processus soit commun à tous les êtres conséquences : pertes de repères, erreurs de
vivants, chaque vie est pourtant bien parcours, mise à l’écart…
différente. Pour certains, la case prison Ce passé qui laisse des traces pousse
est inéluctable… l’individu à mettre en place des mécanismes
de défense conscients ou inconscients et
Un itinéraire tourmenté à se métamorphoser sur le plan physique,
comportemental. S’adapter pour survivre,
L’enfance parfois si douce peut devenir se reconstruire, continuer à vivre parfois
..62
une source de multiples traumatismes pouvant en refoulant ces faits traumatisants pour
mener à des conséquences dramatiques. Cette s’auto-protéger. Des effets secondaires
période de fragilité,de construction de l’humain plus ou moins visibles selon chacun offrant
peut être entachée par diverses causes:extrême deux réponses possibles : rester dans le
pauvreté, guerres et conflits, persécutions droit chemin et réussir à aller de l’avant
et discriminations (ethniques, religieuses), en « jetant aux oubliettes » son passé ; ou
problèmes familiaux, manquements éducatifs, développer des barrières-limites inadaptées,
problèmes scolaires, harcèlement, handicaps, des comportements répréhensibles, des
maladies, rejet, abandon, négligence, victime déviances et activités illégales.
d’abus physiques, psychologiques, sexuels,
problèmes psychiatriques ou psychologiques, Et un jour, l’incarcération…
carences affectives, témoin d’un événement
marquant, influençabilité, mauvaises rencontres, Point de divergence : fracture temporelle.
développement d’addictions, décès d’un Quand une personne est incarcérée, sa vie est
en stand-by. Il y a un avant et un après.
Le monde carcéral est une micro-société isolée, Le monde
coupée du « dehors » par des murs et des barbelés, un carcéral est une
univers avec ses propres règles et une population avec un micro-société
point commun : être en opposition avec les lois… et avoir
été privé de liberté. Mais l’un des problèmes majeurs isolée, coupée
est le côté destructeur de la prison, car l’enfermement, du « dehors »
l’infantilisation et l’inactivité affectent les détenus. De plus, le par des murs et
fait de côtoyer tout type de profils amène à la banalisation
des comportements répréhensibles. On dit souvent que des barbelés,
la prison est l’école de la criminalité, puisque le fait de un univers avec 63..
mélanger dealers, fraudeurs, voleurs, prédateurs sexuels, ses propres
tueurs, personnes psychologiquement instables, violentes
ou ayant des addictions incontrôlables, forme forcément un règles et une
cocktail explosif fait de rencontres parfois néfastes. population
Aussi, le système actuel est centré sur la répression avec un point
au détriment de la réinsertion. Trop souvent, un détenu sort
d’une peine de prison plus dangereux qu’en y rentrant. La commun : être
population carcérale est laissée à l’abandon, dépréciée par en opposition
l’inconscient collectif. Le manque de moyens financiers et avec les lois… et
infrastructurels, la carence de personnel pour encadrer,
ré-éduquer et combler des lacunes, la surpopulation dont avoir été privé
des établissements pénitentiaires des milieux anxiogènes, de liberté.
criminogènes dans lesquels se développent addictions,
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comportements violents, paranoïa… L’état « tout » perdu ? Famille, couple, argent,


des détenus se dégrade souvent, menant à logement, travail, biens… Comment
une conséquence directe : un taux de récidive reprendre une place dans la société avec
extrêmement élevé (plus de 60 %). cette image d’ancien détenu ?
Il faudrait repenser et modifier tout Et pourtant, un jour, viendra la
l’univers carcéral car en rentrant en détention, libération. Ce retour à la liberté, bien
la vie bascule… qu’attendu et espéré, n’est pas toujours facile.
Soit l’incarcération est bien vécue, le Il va falloir réintégrer une société dont on a été
détenu fait preuve d’adaptabilité et pourra séparé, reprendre une vie sociale, une activité
..64 envisager une perspective d’avenir ; soit économique, se ré-adapter aux normes, ré-
l’incarcération est mal vécue et mène à apprendre à suivre des règles, gérer des
une aggravation, une dégénérescence, le impératifs et surtout, éviter de récidiver !
développement d’addictions et parfois le Mais il faudra faire face à de nombreuses
suicide. difficultés car très souvent, l’étiquette d’ancien
Chacun ayant des besoins différents, détenu est un frein… Et très souvent, une vie
il faudrait que les peines de prison soient « illégale » est plus avantageuse et rapporte
personnalisées pour avoir un véritable plus qu’une vie « rangée »… Le choix de la
suivi, une vraie chance d’évoluer. Alors facilité s’oppose alors au choix de la légalité !
que certains ont besoin d’encadrement, Pour les 39 % de détenus qui ne récidivent
d’accompagnement, d’autres ont, eux, besoin pas dans les cinq ans et qui ne retournent pas
d’indépendance et d’autonomie. Si nous derrière les barreaux, il a fallu faire les bonnes
avons tous dépassé des limites légales, il rencontres, effectuer un vrai travail sur soi,
faudra apprendre à ne plus les dépasser… fournir des efforts personnels, corriger des
Mais comment rebondir quand on a erreurs, trouver en soi la volonté de changer
et l’envie de s’en sortir pour rester en liberté. Mais qu’est-ce
Mais qu’est-ce que la liberté ? Cette notion est propre que la liberté ?
à chacun ! Pour un esclave, être libre, c’est être affranchi.
Pour une personne en liberté, être libre, c’est pourvoir
Cette notion
faire ce que l’on veut. Alors que pour un détenu, être libre, est propre à
c’est sortir de prison après avoir payé sa dette envers la chacun ! Pour
société… Nous avons tous notre perception du concept un esclave, être
de liberté mais, à chaque fois, tout est question de volonté, libre, c’est être
d’envie et d’efforts pour atteindre ses objectifs…
affranchi. Pour
65..
La prison… un remède miracle ? une personne en
liberté, être libre,
Cette période de privation de liberté devrait avoir c’est pourvoir
un rôle éducatif mais, pour certains, prison est synonyme faire ce que l’on
de destruction. Nous n’avons pas tous la même résilience
qu’est la capacité à rebondir. Bien que pour quelques-uns, veut. Alors que
ce soit un nouveau départ, pour d’autres c’est le début d’un pour un détenu,
cercle infernal, d’une vie qui sera ponctuée d’allers-retours être libre, c’est
derrière les barreaux. Pour trop de prisonniers encore, sortir de prison
la perte de liberté résultant d’une condamnation, qui
après avoir payé
aurait dû n’être que temporaire, devient permanente,
une punition à vie, une perpétuité destructive
sa dette envers la
écrasant l’idée de liberté à laquelle il serait temps société…
de redonner ses lettres de noblesse…
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Démocratie
La loi, c’est moi...
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Par Sebylib RT

Célèbre réplique de Judge Dredd, « La loi, les règles, TU bâtis l’édifice qu’est la société,
c’est moi ! »,est un précepte faisant référence ILS-ELLES bâtissent les lois, ensemble NOUS
à un régime politique, la démocratie. bâtissons notre monde idéal, notre idylle.

Du grec demos (le peuple) et cratos (le En pratique, ce système politique a de


pouvoir), la démocratie incarne les principes nombreuses limites. « Nul n’est censé ignorer
de séparation des pouvoirs, de souveraineté la loi » ! Mais les lois sont complexes, parfois
nationale et de respect des libertés individuelles incompréhensibles…
et collectives. Qu’elle soit populaire ou libérale, Nous votons pour des semblables – nos
ou encore participative, ce régime politique est politiques – supposés nous représenter. Nous
..66 fondé sur le vote pluraliste et la liberté d’opinion élisions des hommes et des femmes qui, une
et d’expression. C’est le pouvoir du peuple, par le fois au pouvoir, ont tendance à servir leurs
peuple, pour le peuple… intérêts personnels et semblent déconnectés de
En théorie, chacun des membres, dans toute réalité, renforçant un sentiment d’injustice
une société démocratique, est amené à participer croissant. Le bien commun n’est plus au centre de
activement à la vie collective : élaboration, cette machine économique basée sur le profit et
modification et validation des lois, organisation la puissance. De nos jours, les lobbies, les groupes
politico-sociétale pour que le bien commun de pression et une minorité de citoyens influents
profite à tous, annihilation des failles dans le but gouvernent et régissent nos vies. La majorité est
de réduire les inégalités, pouvoir décision sur trop peu souvent impliquée dans les prises de
tous les sujets qui affectent l’organisation et le décisions importantes. De rares référendums,
fonctionnement de la société dans son ensemble. puis, pire, des procédés anti-démocratiques tels
Souvent considéré comme le régime que le 49.3, démontrent que « la loi, c’est moi
politique par excellence, la démocratie place », seulement si ce « moi » appartient à ce
l’individu au cœur du pouvoir. JE suis donc la cercle d’influence, à cette élite incarnant
loi… En accord avec les textes constitutionnels la richesse, le pouvoir et la domination.
servant de ciment, JE bâtis le peuple en fixant
Cependant, dans un État de droits et de Parole de détenu :
devoirs, d’affrontement pacifique des différences, la loi, ce n’est pas moi
je suis le peuple. En cas de désaccord, je peux
montrer mon mécontentement en manifestant, En tant que citoyens incarcérés, certains
en signant des pétitions, voire parfois en de nos droits fondamentaux sont bafoués : le droit
paralysant le pays afin de faire reculer, plier le de vote n’est plus systématique, l’interdiction de
gouvernement. L’exemple des Gilets Jaunes manifester… Parce que nous n’avons pas respecté
illustre cette possibilité. « L’union fait la force » ! En la loi, nous sommes écartés de la société, privés
effet, indirectement, « tous » les JE de la minorité de libertés… Notre parole n’a plus le même poids.
sociétale peuvent s’allier et faire barrage à ce Nous avons été jugés par la justice mais nous
petit groupe de décideurs. Je suis donc, moi aussi, sommes quand même jugés par l’inconscient
décideur, influent. Je peux donc faire évoluer la
67..
collectif, un peu comme si le fait d’avoir
loi et exprimer mon point de vue, faire valoir mes dépassé les limites légales fixées par les
droits… lois nous avait à tout jamais éloigné de la
Bien que critiquable, un système moralité, de la norme. Comme si la prison
démocratique est relativement égalitaire, représentatif, – punitive et répressive – était incompatible avec
humain, respectueux de l’individu et équilibré. l’idée de rédemption et de rachat de nos erreurs.
Même si notre choix lors des élections est limité, Bien que la loi soit supposée garantir une certaine
voter est un privilège et permet à chaque citoyen égalité, l’univers carcéral semble pourtant coupé
de faire entendre sa voix, ce qui est loin d’être le de la loi « commune », ce qui est paradoxal vu le
cas partout dans le monde. Et puisque JE peux nombre de règles pénitentiaires en vigueur…
contribuer au système législatif, il est possible En tant que détenu, il est difficile
d’affirmer que je suis un membre constitutif d’une d’affirmer que la loi, c’est moi, car je suis
société que je représente, que je construis, que je sorti des limites qu’elle fixe ; je ne suis
maintiens et soutiens. Donc, la loi, c’est moi… donc probablement pas le mieux placé pour
l’incarner. Mais le temps passe et la roue
tourne !
de
u p ng
co poi
Coup de poing !

Je ne sais pas par où commencer. Loïc est en les uns que les autres, si nombreux que c’en était
prison. C’est la première phrase qui nous est ridicule, une caricature. C’est bien d’émotion qu’il
venue en tête au réveil, depuis que nous avons s’agit. Et d’une épine dans le corps qu’il faut extraire
appris son arrestation. B. est à côté de moi, pour continuer à nous battre malgré tout. Alors, les
dans la tente, si proche du soleil, de l’eau, des détails, quelle importance ? Récit d’un procès, récit
ami.es… Et une épine qui nous traverse le cœur. de violence.
Loïc a été arrêté le 18 août, après une cavale
J’y repense, ça fait plus d’un an maintenant. de deux mois. Son premier procès lié à cette affaire
Elle reste là, l’image, avec la peur, l’angoisse, la est arrivé très vite. Il doit statuer d’une seule chose :
colère. Je l’ai gravée, fixée pour ne pas oublier. C’est extradition vers l’Allemagne ou non ?
Loïc au milieu de trois militaires, les plus dégueux, Ça commençait bien, déjà, nous étions une
..68 les pires : les ERIS . Ces trois GI-Jo cagoulés, tout quarantaine à attendre devant les portes du tribunal,
en noir, immenses, musclés, armés, protégés par mais tous et toutes n’ont pas pu entrer par mesure
des gilets pare-balle et entourant Loïc menotté, de sécurité. Il a beau rester deux grands bancs
grand, maigre et pourtant souriant… Ça lui a fait vides, une dizaine de personnes se voit refuser
plaisir de nous voir, nous confiera sa famille. Lui et l’accès à l’audience. Ce tribunal ne risque pourtant
trois hommes de 130 kilos de muscles, les visages pas grand-chose, nous sommes quasiment à un
cachés, les yeux dissimulés par l’ombre de leurs flic pour un soutien. Malgré le nombre de procès
cagoules… Armés, armés, armés. de soutien auxquels nous avons assisté, comment
ne pas être choqué.es : des hommes en noirs sont
J’ai commencé à écrire cet article il y répartis dans la salle, aux entrées, derrière nous,
a un an, quelques jours après le procès. Il était partout. Sur-armés, sur-protégés et surtout cagoulés,
temps de continuer. C’est une petite histoire ils scrutent, enregistrent nos visages, prennent des
particulière et émotionnelle des répercussions de la notes. Les ERIS, la sureté des prisons, trente autres
répression du G20 de Hambourg en 2017. je n’avais flics, gendarmes and co’ nous encerclent à chaque
pas cherché la précision des dates, des détails, extrémités des bancs. Nous devons nous sentir
des chefs d’inculpations plus abracadabrantesques faibles, sans défense, insignifiants. La juge rappelle
et insiste que nous n’avons pas le droit de parler, elle, elle veut l’extradition des prisonniers
d’enregistrer, de nous lever, d’avoir nos téléphones, politiques. L’État français lui répond positivement...
etc. Comme G. le fait si bien remarquer, « t’oses Mais la Justice, heureusement, est là pour compenser
même pas aller pisser, sinon tu vas te faire plaquer les pouvoirs régaliens des États, elle est neutre, elle
par un flic. » n’obéit qu’à la loi. C’est donc une juge de la cour
Tout ça pour un seul homme d’à peine plus de cassation de Nancy qui doit se prononcer sur la
de vingt ans. C’est vrai, ce n’est pas n’importe quel validité ou non de la demande allemande. C’est à
accusé. Il mérite un encadrement à la hauteur de la elle de juger si Loïc va être transféré à Hambourg.
peur que ces hordes de gentes en noir, en vert, en Enfin, il entre dans la salle : vision d’horreur
rose ont suscité. Un homme a été arrêté, il prendra et d’incompréhension, il est encerclé par trois ERIS
pour tous.tes les manifestant.es anti-G20, pour qui le collent. Qu’est-ce qui justifie cela ? Ses parents
l’humiliation des chefs d’État, pour les dégradations, pleurent et son frère hurle son incompréhension, 69..
pour la peur qu’ils et elles ont ressenti – enfin ! – la colère et la douleur de le voir traité ainsi. Nous
devant la marée de personnes qui manifestaient sommes en France, c’est le mois d’août, le soleil,
et bloquaient Hambourg, qui les empêchaient de la chaleur, les vacances, les baignades, et j’ai froid.
faire tourner leur monde en carré, de se réunir et Je hais ce monde, Loïc est un terroriste à ses
de prendre aussi sereinement que d’habitude leurs yeux, comme celles et ceux qui sont venu∙es
décisions mortifères. Iels ont eu la trouille, c’est le soutenir. Je suis terroriste et mes ami∙es le
surtout ça qu’on veut lui faire payer. Tous les ‘grands’ seraient aussi. Mais c’est bien cela, : nous leur
pays ont participé à la traque des manifestant.es, faisons peur ! Nous disons non, nous ne voulons
une cellule spéciale black-block a été ouverte, des pas de ce monde, nous manifestons, alors il faut
milliers de procédures ont été lancées, des centaines nous arrêter, nous enfermer.
de photos diffusées dans les journaux. Il y a eu
peu d’arrestations mais il y aura un grand procès, Le procès a commencé. On cherche à
exemplaire ! Loïc pourrait purger sa préventive déterminer le profil de l’accusé en premier, pas
en France et n’être déplacé que pour les de surprise. Puis vient la longue lecture des chefs
audiences mais l’Allemagne le veut chez d’inculpation. Finalement, on rappelle que nous ne
de
u p ng
co poi

sommes pas là pour juger de la pertinence ou non lui envoie un papier… Loïc essaie de l’attraper.
des chefs d’inculpation, on s’en fout même. De fait, Il se fait plaquer au sol par les trois gorilles
Loïc n’a pas à se défendre là-dessus. Il n’a rien à qui l’entourent. Ils lui font mal, il hurle, ne
dire, d’ailleurs, qu’il se taise ! La seule chose qui peut plus respirer. Toute la salle s’est levée,
intéresse ce tribunal est la légalité d’un transfert en le père essaie de calmer ses fils tout en priant
Allemagne. La juge présente les pièces. Enfin, c’est qu’on les lâche, qu’on ne leur fasse pas mal.
à la défense de s’exprimer. L’avocate revient sur les Le frère est jeté dehors, Loïc reste au sol.
vices de procédure, elle nous donne presque de Leur mère, tétanisée, pleure. Nous, on leur
l’espoir : les documents originaux ne sont pas dans dit juste de le lâcher, on ne peut rien faire, on
le dossier, il n’y a que des copies de la traduction. le sait. Ne pas s’énerver sinon ça va empirer.
Il est impossible de contrôler la traduction et il n’y Ses parents pleurent à côté de moi… U. et B.
..70 a aucune mention d’une signature du document tremblent en dessous de moi, moi je tremble sur
original sur la copie. Les procédures n’ont pas été leurs genoux (parce qu’apparemment cela ne posait
suivies et les droits de la défense – la possibilité de pas de problème de se serrer au point d’être assis
faire une autre traduction par exemple – n’ont pas les uns sur les autres) et cette envie de les serrer
été respectés. Nous sommes confiant∙es. Loïc va contre moi, de pleurer, de ne plus voir.
pouvoir rester à Nancy, au moins pendant un certain Le flic à côté de moi, c’est le chef. Il nous
temps. Une signature, un document original, on ne regarde, méprisant, et lâche : « On ne peut jamais
plaisante pas avec ça tout de même ? vous faire confiance ». Qui « nous » ? De quoi tu
Puis c’est le délibéré. La juge lit : la demande parles ? Des affaires abracadabrantesques liées à
d’extradition est jugée conforme… La défense a trois Bure où des hommes se prennent des procès pour
jours pour faire une demande de retour en cassation. possession de pelle à tarte ? Ou du fait que malgré
La cour de cassation, elle, a quarante jours de délai le manque de papiers originaux et de signatures,
pour se prononcer. Dans le cas de l’acceptation du la justice française puisse valider une procédure ?
jugement, le transfert en Allemagne se fera sous dix Mais tu penses vraiment que c’est à nous qu’on ne
jours. Blanc. Noir. Quoi ? peut pas faire confiance ?
Et puis un cri. Le frère de Loïc se lève, il Loïc sort de la salle, toujours entouré de ces
hurle, il ne comprend pas, il défend son frère, trois gardes. Il sourit en passant devant nous. Mais
nous devons sortir vite, repasser devant les cagoules les cinq co-accusés, principalement de dégradation,
noires. risquent plusieurs années de prison.
On a attendu Loïc dehors. Les flics ont barré
le chemin pour empêcher de s’approcher des Pour avoir accès aux poèmes de Loïc
portes du tribunal. Deux bagnoles banalisées sont et pour connaître les détails
sorties, pas de fourgon de la pénitentiaire, non, deux et l’évolution de sa situation :
bagnoles remplies d’ERIS armés et cagoulés, les laneigesurhambourg.noblogs.org
fenêtres ouvertes pour pouvoir sortir leurs armes et et manif-est.info
nous viser, au cas où. Loïc est au milieu, au fond. Les
flics et les gendarmes se serrent la main une fois Pour lui écrire (des poèmes),
les bagnoles parties, tous contents de leur taff bien sachant que tout son courrier
accompli. C’est fini. est évidemment lu : 71..
Après le procès, Loïc a refusé le transfert Loïc Schneider
en Allemagne. Dans les jours qui ont suivi, il fait un UHA Hamburg (Untersuchungshaftanstalt)
recours. Quarante jours de répit. Mais la cour de Holstenglacis 320355 Hamburg
cassation juge conforme l’extradition en l’absence
de documents originaux. Qui en doutait ? Loïc sera le La prison est un moyen de répression
seul prisonnier lié au G20 à être extradé à Hambourg, absolu et systématique contre les résistances
le 6 octobre 2018. Il ne parle pas allemand et se de tout type. Pour autant, les luttes
retrouve à 750 kilomètres de ses proches. Bientôt, continuent, s’organisent, se lient de plus en
il apprendra cette langue, reprendra l’écriture de plus les unes aux autres et ne s’arrêterons
poèmes et d’une BD. pas. Tous∙tes les prisonnièr∙es sont politiques.
Son procès a commencé le 18 décembre. Il Une pensée à tous∙tes celleux qui sont passé∙es
n’est toujours pas fini, les audiences se succèdent, au derrière les murs, qui subissent l’enfermement
rythme d’une tous les quinze jours environ. Il reste aujourd’hui ou qui y passeront un jour, pour que
actuellement le seul prisonnier politique du G20. vous ne soyez jamais seul∙es. Une pensée aussi à
Quatre autres sont jugés en même temps que lui tous∙tes les proches qui subissent également
mais restent libres entre les audiences. Cependant l’enfermement et l’injustice.
Liberté pour tous∙tes.
e
l t u r
Les Génépistes sont-ils
Cu
des enfants de Krypton ?
Par Camille
ancien génépiste à poitiers

« There goes my hero peuple contre les menaces contemporaines faites


Watch him as he goes à la société. Ainsi, dès les premiers numéros il :
There goes my hero empêchera une personne de se faire exécuter
He’s ordinary » par erreur, s’en prendra à la corruption politique
My Hero – Foo Fighter organisée par les entreprises d’armement, aux
conditions de travail dangereuses des mineurs,
En 1938 est créé le premier super-héros empêchera des enfants de commettre un crime
iconique américain : Superman ! Il arrive dans les et de se faire arrêter par la police pour après leur
bacs avec la sortie du premier numéro d’Action expliquer que s’ils commettent des crimes, ce n’est
Comics avant d'avoir droit à sa propre série en pas entièrement leur faute mais plutôt celle de leur
..72 1939. milieu social défavorisé...
Ce héros, bien que très populaire (au
travers de films, jeux vidéo, séries...), a une origine Une fois ce contexte installé, nous pouvons
assez méconnue... parler de ce numéro de 1939 qui est, selon moi,
spécial pour deux raisons (que j’évoquerai plus
Cela va paraître étonnant pour beaucoup loin).
mais il n’affronte pas Lex Luthor dès le début. En
fait, et c’est original, il n’affronte tout simplement Cet épisode commence par un rendez-vous
pas de super méchant sa première année. Et il va entre Clark Kent et une source, un évadé qui veut
même, en mars 1939, aller en prison1. lui raconter les tortures que peuvent subir certains
prisonniers. Clark prend le parti de l’homme et
Pour comprendre de quoi parlent les écrit un article ; mais ce dernier n’aboutit qu’à
histoires de Superman à sa création, il faut se une inspection programmée de la prison, après
remettre dans le contexte. Nous sommes en 1938 laquelle le gouverneur est convaincu que l’article
et la Grande Dépression plane encore ; Superman n’est que pure invention. Le directeur de la prison
est donc en quelque sorte le représentant du décide alors de réincarcérer l’évadé ; Superman
laisse faire mais décide de se faire enfermer (sous lancement de cette parution.
une autre identité) au même endroit pour pouvoir
prendre des photos et l’attraper la main dans le sac. Deuxièmement, il semble que cet épisode
On voit donc Superman vivre la réalité carcérale : soit inédit, en tout cas en France. Pour comprendre,
casser des cailloux, subir de mauvais traitements, il faut savoir que Superman sortait dans l’hexagone
l’humiliation… avec environ un an de décalage, et était légèrement
Les planches suivantes le présentent modifié (les noms, particulièrement). L’épisode
prenant en photo le directeur de prison (dont on dont je vous parle est donc arrivé en Europe
sait qu’il a déjà fouetté à mort un prisonnier) en (via la Belgique, probablement) en 1940, malgré
train de torturer un détenu, et libérant l’évadé d’une l’occupation par l’Allemagne nazie. La publication a
cage de sudation2. continué en France – les éditeurs français réutilisant 73..
La fin est simple : il enferme le directeur des planches d’autres comics ou d’anciens numéros
de la prison dans cette même cage de sudation pour créer des histoires originales – jusqu’en 1941.
et le menace devant le gouverneur afin de lui faire Donc, si cet épisode n’est pas arrivé jusqu’en
avouer ses crimes. France, il est probable que cela soit dû au conflit
Bref, une histoire assez classique de mondial.
Superman, me direz-vous... Cependant, ce qui me semble gênant, c’est
que cet épisode reste absent des anthologies en
Quelles sont alors les raisons qui me font français que j’ai pu lire. Les services de la censure
trouver cet épisode si spécial ? auraient-ils refusé la parution de ce numéro ?

Premièrement, je pense que c’est un Tout ça pour dire que ce numéro traite bel
pari osé, surtout en 1939, de critiquer les et bien de la réalité carcérale et montre qu’un sujet
conditions de détention dans une œuvre grand aussi sensible peut être amené au grand public
public comme les comics,a fortiori en évoquant malgré tout.
la torture et quelques mois seulement après le Depuis, beaucoup de comics ont abordé
r e
tu
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C

ce thème de l’enfermement et des traitements Ce numéro est donc majeur car il traite d’un
inhumains que ce soit au travers de la prison d’Iron sujet sensible, et le fait à destination de la jeunesse.
Heights (Flash), de l’Asile d’Arkham (Batman), des Ce qui fait de Clark Kent un super-héros, ce n’est
Sentinelles (X-Men)... pas le fait qu’il résiste à la torture ou qu’il casse
Bien que tous l’ont abordé du point de les cailloux sans effort, mais le fait qu’il déborde de
vue de la torture physique et de l’enfermement, compassion pour un détenu évadé au point de se
plusieurs en sont venus à se poser la question de faire enfermer avec lui pour témoigner de sa réalité.
l’intérêt de la prison3 : Ce qui rend l’histoire pertinente d’un point de vue
– Parfois on ne peut rien reprocher de plus à aventure/action, c’est que le postulat est le même
certains méchants que de simple dégâts matériels que toutes les histoires : une personne va remettre
(pas moins que les super-héros, finalement)… en cause la « seule vérité » pour montrer qu’elle
Leur violence ne semble donc pas plus illégitime est plus complexe et qu’on ne peut la départir de
..74 que celle du super-héros, et leur dangerosité pas subjectivité sans entrainer de cruauté.
moindre.
– Le principe de légitimité de la loi est même remis Cette histoire m’apparaît ainsi
en question ; durant la Civil War (Marvel), plusieurs comme essentielle pour comprendre le
super-héros sont emprisonnés car ils refusent rôle des personnes qui militent pour un
d’être enregistrés de peur que l’État n’apprenne changement du milieu carcéral (que ce soit le
leur identité secrète. Cela peut faire réfléchir décloisonnement, la fermeture des prisons,
sur les modes de vie marginaux et la déviance/ la réinsertion...). Le but est de remettre en
délinquance. question la réalité perçue comme objective
– La réinsertion est même devenue un thème très à pour montrer la complexité des situations, et
la mode avec des équipes de super-méchants qui ce pour une seule raison : la compassion.
cherchent à réintégrer la société (Thunderbirds
dans l’univers Marvel, la famille Black Adam dans NOTES
1. Superman goes to prison, mars 1939 (trouvable sous d’autres noms ; à l’époque, tous les
52 dans l’univers DC, la Suicid Squad). numéros n’avaient pas de titre).
2. La cage de sudation est une torture, encore utilisée dans certains pays, où l’on enferme
une personne dans une cage chauffée à une température extrême (Voir saison 3 de Prison
Break).
3. À noter que les séries TV (Arrow, Flash…) prennent le contre-pied absolu de ce
raisonnement en justifiant l’enfermement arbitraire (Flash) et le meurtre – s’il est perpétré
par le super-héros (Arrow)...
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Laëtitia Remy, présidente * Twitter : @GenepiFrance
/ presidente@genepi.fr * Facebook : Genepi France / Passe-Murailles,
       la revue du Genepi
Alice Toussaint, co-présidente
/ copresidente@genepi.fr
Le Genepi est une association de loi 1901 sans affi-
liation politique ni religieuse. Les 1300 étudiants qui
Mathilde Sallerin,
le composent participent au décloisonnement des
chargée de la communication
institutions carcérales et à la circulation des savoirs
/ communication@genepi.fr
entre les personnes privées de liberté, les béné-
voles et le grand public. Ils interviennent chaque
Alice Herry,
semaine dans ces établissements pour organiser
chargée de la sensibilisation du public
avec les hommes, les femmes et les enfants placés
/ isp@genepi.fr
sous main de justice des activités de soutien sco-
laire, culturelles, sportives ou de loisir. Agissant en
Julie Sabau,
seule qualité de citoyens, ils informent la société ci-
secrétaire nationale du Genepi
vile sur les réalités de l’univers carcéral et sur l’im-
/ secretaire@genepi.fr
plication des politiques pénales décidées par nos
législateurs et mises en œuvre par nos administra-
Hoël Lorvellec,
tions à propos desquelles ils mènent une réflexion
coordinateur trésorerie
permanente.
/ tresoriere@genepi.fr

Kamel Adil, Rejoignez l’association des anciens du Genepi


salarié du Genepi, chargé de comptabilité Vous avez participé au Genepi pendant vos années
/ comptabilite@genepi.fr étudiantes et souhaitez poursuivre votre engagement
au profit des personnes incarcérées ? Rejoignez l’as-
Claire van den Bogaard, sociation des Anciens du Genepi ! Le réseau se déve-
salariée du Genepi, chargée de publica- loppe avec la constitution d’un annuaire des anciens, et
tion, rédactrice en chef du Passe-Murailles s’engage à apporter un soutien financier et humain au
/ publication@genepi.fr Genepi.
Adhérer, c’est aussi rester informé et contribuer à la
Éloïse Broc’h, salariée du Genepi, diffusion d’une actualité prison-justice libérée des pré-
chargée de communication jugés.
/ chargedecom@genepi.fr contact@anciensdugenepi.fr
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Revue
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de l’actualité de la justice et de la prison,


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