Vous êtes sur la page 1sur 42

Tour Voltaire, 1, place des Degrés, 92059 La Défense Cedex

Tél. : 01 55 62 68 00 e-mail : rdpmg@gmsante.fr


ÉDITORIAL Kristell Delarue
Directrice des rédactions
DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
Kristell Delarue

Syndrome
Rédactrice en chef
Kristell Delarue kdelarue@gmsante.fr
Rédactrice en chef adjointe
Christelle Angély cangely@gmsante.fr

d’alcoolisation fœtale :
Rédactrice en chef web
Cinzia Nobile cnobile@gmsante.fr
Secrétaire générale de rédaction
Anne-Hélène Rabreau ahrabreau@gmsante.fr

tellement évitable !
Première secrétaire de rédaction
Laura Martin Agudelo lmagudelo@gmsante.fr
Secrétaire de rédaction
Inès Labat ilabat@gmsante.fr
Secrétariat de la rédaction
Patricia Fabre (6807) pfabre@gmsante.fr

E
COMITÉ DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
Étienne Brain, Jean-Michel Chabot, Jean-Noël Fiessinger, n France, l’incidence du syndrome d’al- (fentes palpébrales raccourcies, sillon naso-
Olivier Fain, Bernard Gavid, Alain Tenaillon coolisation fœtale (SAF) est estimée à labial lisse, allongé, effacé, lèvre supérieure
CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2020-2023
Élie Azria, Jean-Noël Bastie, Robert Benamouzig, Olivier Bonnot,
1,3 ‰ naissances vivantes par an. Ainsi, mince), d’un retard de croissance aspécifique
Didier Bouccara, Patrice Bourée, Antoine Brézin, Éric Caumes, 700 à 3 000 enfants (sur 750 000 nais- pré- et/ou post-natal (taille, poids ou péri-
Sylvain Choquet, Olivier Chosidow, Sophie Christin-Maitre, sances annuelles) seraient concernés mètre crânien), de possibles malformations et
Ariel Cohen, Stéphane Culine, Camille Daste, Henri Duboc,
Anne de La Tour, François Desgrandchamps, Claire Fourcade, par un SAF grave, selon l’expertise col- de troubles du développement neurologique
Olivier Gout, Alexandre Hertig, Pascal Hilliquin, Delphine Kerob, lective de l’Inserm « Alcool, effets sur la san- (parfois retard mental ; plus souvent difficultés
Étienne Larger, Élise Launay, Aurélien Lorthioir, Olivier Mermet,
Stéphane Mouchabac, Geneviève Plu-Bureau, Anne-Sophie
té » publiée en 2001 ;1 ces chiffres sont confir- d’apprentissage avec troubles de l’attention,
Rigaud, Sébastien Rivière, Angèle Soria, Camille Taillé més par une enquête de l’Institut de veille de la mémoire, du raisonnement abstrait ;
Directrice artistique sanitaire (InVS) menée de 2006 à 2008.2 Or, troubles du calcul ; troubles du langage ; défi-
Cécile Formel cformel@gmsante.fr
RÉALISATION
selon une étude d’OpinionWay, 66 % des mé- cience sensorielle, surtout visuelle ; troubles
Première secrétaire de rédaction Cristina Hoareau decins généralistes se déclarent mal infor- du comportement et troubles des facultés
Secrétaire de rédaction Virginie Laforest més sur le SAF.3  d’adaptation et des conduites sociales, sources
Rédacteur-graphiste Florence Mauduit
Rédacteur-réviseur Jehanne Joly de difficultés d’insertion sociale).
La disparition du Dr Philippe Dehaene, surve-
La Revue du Praticien - Médecine Générale® nue le 9 décembre 2022, est la triste occasion Le rôle du médecin traitant est d’informer,
est une publication de Global MÉDIA SANTÉ
SAS Principal actionnaire : SFP Expansion
d’y revenir. Ce pédiatre humaniste installé à pour une prévention la plus précoce possible
www.globalmediasante.fr Roubaix s’était engagé dans la reconnaissance (dès l’adolescence, puis, par exemple, lors de
Capital de 4 289 852 € - Durée de 99 ans
et la prévention du SAF depuis 1973 : il avait l’entretien préconceptionnel), de dépister ces
à compter du 30.03.99 - ISSN : 0989-2737 - Dépôt légal
à parution - N° commission paritaire : 0624 T 81576 - ouvert une consultation spécifique pour les troubles et d’accompagner vers le sevrage. 
ROUTAGE : Siep - 77590 Bois-le-Roi femmes consommant de l’alcool et ayant déjà
Le développement de centres ressources
DIRECTRICE GÉNÉRALE ET DIRECTRICE DES PUBLICATIONS donné naissance à des enfants malformés ;
dans chaque région de France pourrait per-
Elena Zinovieva (6801) ezinovieva@gmsante.fr il avait également collaboré avec la chercheuse
mettre de former les professionnels de santé,
DIRECTRICE FINANCIÈRE
américaine Ann Streissguth, permettant d’ap-
Corine Vandenbroucke (6824) cvandenbroucke@gmsante.fr d’aider au diagnostic, de prendre en charge
porter des données épidémiologiques à ce
DIRECTEUR MARKETING, ABONNEMENTS ET COMMUNICATION et d’agir pour la prévention des SAF. 
Vincent Cadio (6859) vcadio@gmsante.fr problème de santé publique ; enfin, il avait
DIRECTION COMMERCIALE formé de nombreux médecins sur ce sujet.4 En miroir de l'efficace Dry January, commu-
Directeur des opérations commerciales
niquons largement sur la nécessité impé-
Benoît Sibaud (6842) bsibaud@gmsante.fr L’exposition prénatale à l’alcool, tératogène
Senior Business Developer rieuse du « Dry Pregnancy » !
Éric Durand (6843) edurand@gmsante.fr et neurotoxique, est un facteur de risque
Directrice de la publicité embryo-fœtal à tous les stades de la gros-
Cécile Jallas (6839) cjallas@gmsante.fr sesse. Ce risque existe avec tous les types de
Chefs de publicité
boissons alcoolisées (vin, bière, cidre, spiri- RÉFÉRENCES
Agnès Chaminand (6840) achaminand@gmsante.fr
Irène Rakotoharime (6844) irakoto@gmsante.fr tueux, etc.), que la consommation en soit 1. Inserm (dir.). Alcool : effets sur la santé. Rapport. Paris :
Les éditions Inserm, 2001, XII-358 p. Expertise collective.
Administratrice des ventes ponctuelle ou régulière.5 L’ensemble des
Maria Costa (6841) mcosta@gmsante.fr 2. Bloch J, Cans C, De Vigan C, et al. Faisabilité de la sur-
PRODUCTION troubles causés par l’alcoolisation fœtale veillance du syndrome d’alcoolisation fœtale, France,
Directrice de projets désigne toutes les répercussions (physiques, 2006-2008. Bulletin épidémiologique hebdomadaire,
Nadia Belehssen (6866) nbelehssen@gmsante.fr cognitives et comportementales) liées à l’ex- n° 10-11, 10 mars 2009.
Chef de projet digital et 360 3. Sondage OpinionWay à la demande de SAF France.
Katia Sahraoui (6869) ksahraoui@gmsante.fr position à l’alcool pendant la grossesse et
https://bit.ly/3ITp4pw
Chef de projet digital représente un continuum :  du syndrome
4. Subtil D, Fourmaintraux A, Dehaene P. Alcool pendant
Virginie Michaud (6872) vmichaud@gmsante.fr d’alcoolisation fœtale dit « incomplet » (ou la grossesse : tératogène et neurotoxique. Rev Prat Med
ABONNEMENTS Tarif France 230 euros/an (10 numéros) «  partiel  ») au syndrome d’alcoolisation Gen 2004;18(652):611-5.
Tél. : 01 55 62 68 50 e-mail : abo@gmsante.fr
fœtale dit « complet ». 5. Larroque B, Kaminski M. Prenatal alcohol exposure and
La revue adhère à la charte de formation médicale continue
development at preschool age: main results of a French
par l’écrit du Syndicat national de la presse médicale et des
professions de santé (SNPM) et en respecte les règles (charte
Le SAF incomplet, forme la plus fréquente, study. Alcohol Clin Exp Res 1998;22(2):295-303.
disponible sur demande). Reproduction interdite de tous les est responsable de troubles neurodévelop-
Pour en savoir plus :
articles sauf accord avec la direction. pementaux, d’échec scolaire, de troubles
Provenance du papier (SIEP)›: Suisse Ministère de la Santé, Direction générale de la santé. Alcool
Taux de fibres recyclées : 55 % des conduites, de consommation de toxiques et grossesse, parlons-en. Guide à l’usage des professionnels.
Eutrophisation : Ptot 0,013 Kg/To de papier à l’adolescence.  Juin 2011. https://bit.ly/3CQ6Kdd
Haute Autorité de santé. Troubles causés par l’alcoolisation
Le SAF complet, le plus sévère, se caractérise fœtale : repérage. Recommandation de bonne pratique.
par l’association d’un faciès particulier Juillet 2013. http://bit.ly/3IRx8qF 

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 107


10-32-2813

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


ENTRETIEN PASCALE ETCHEVERRY

Pourquoi y a-t-il besoin de médiation


scientifique sur le sujet des vaccins ?
Nous assistons aujourd’hui à une dé-
fiance croissante de la population vis-à-
vis des pouvoirs publics et des profession-
nels de santé, avec les conséquences que
l’on sait en matière de santé publique et
de prévention. 
À « Vaccination et lien social », il nous
a donc semblé fondamental de créer un
lien entre les gens qui se posent des ques-
tions sur les vaccinations et des experts.
L’idée est, entre autres, de participer à
mieux expliquer les politiques gouverne-
mentales, dont la communication n’est
pas toujours intelligible pour le grand pu-
blic, sans pour autant adopter la relation

© PASCALE ETCHEVERRY
verticale qui caractérise cette dernière… 
Notre pari est ainsi d’établir une relation
horizontale, humaine et pédagogique
– on a vu les limites d’une communica-
tion institutionnelle fondée simplement
sur « La vaccination est efficace, prenez

Démystifier
rendez-vous ». Nous sommes très engagés
sur les réseaux sociaux, où nous appor-
tons des réponses précises aux questions

les fake news


que peuvent se poser les gens sur tel ou
tel vaccin.
La relation d’écoute est au cœur de la

avec les patients :


démarche : entendre les peurs des gens
est très important, car même lorsqu’elles
paraissent irrationnelles, les négliger

guide de survie
peut mener à l’échec de l’adhésion vac-
cinale. Il suffit parfois d’une petite infor-
mation « déclic » pour lever les craintes.

Comment les médecins peuvent-ils


La population française reste l’une des plus méfiantes, à mettre à profit vos outils au quotidien ?
Lorsque les professionnels de santé
l’échelle mondiale, vis-à-vis des vaccins. La désinformation cherchent des informations sur les vac-
se répand aujourd’hui d’autant plus vite avec l’essor des cins, ils disposent de ressources comme
infovac.fr, vaccination-info-service.fr/
réseaux sociaux – et les médias ne sont pas en reste –, et mesvaccins.net, mais il n’y a pas vrai-
pouvant atteindre des personnes auparavant acquises ment d’équivalent à destination des pa-
à la vaccination. Que peut faire le médecin pour lutter contre tients (informations fiables, réunies en un
seul endroit) : c’est ce que nous proposons.
ces infox au cabinet ? Comment rassurer ? Nous avons fait On trouve sur notre site internet (https ://
le point avec le collectif « Vaccination et lien social », vls.direct/) un grand nombre d’outils
spécialiste de la démystification de fausses informations. pouvant être précieux en consultation,
pour orienter les patients et aider à ré-
Par Kristell Delarue, Laura Martin Agudelo pondre à leurs questions. Sur nos réseaux

110 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


sociaux (v. encadré), nous publions quo-
tidiennement des informations sur les
vaccins, en rapport avec l’actualité.
Notre site internet est riche en contenus « Vaccination et lien social » : qu’est-ce que c’est ?
accessibles à tous, classés par thèmes (Vac- Collectif créé par deux médecins, dans le but de « réconcilier la France avec
cins, comment ça marche ? ; Vaccination l’idée vaccinale », VLS fédère des personnes, des associations et des structures
et voyages ; La vaccination expliquée aux impliquées dans la promotion d’une information validée autour de la vaccination.
enfants ; Politiques de santé publique et or- Il s’agit d’un espace d’échange entre toute personne qui se poserait des questions
ganisation de la vaccination, etc. ; contenus et des volontaires œuvrant pour la vaccination, qui viennent de milieux très différents
à destination des sourds et malentendants ; et complémentaires (médecins et pharmaciens de terrain mais aussi chercheurs,
bientôt, du contenu papier téléchargeable enseignants, patients experts, citoyens impliqués, etc.). Le but est d’apporter
sera aussi disponible…). C’est utile non seu- une information simple, rationnelle et scientifiquement étayée aux personnes qui
lement pour permettre de gagner du temps doutent avec sincérité de l’intérêt de la vaccination.
en consultation mais aussi parce que les Cette initiative est portée par Open Rome (bureau d’études et d’ingénierie en santé
médecins ne sont pas toujours au courant et environnement) et nile (agence conseil en affaires publiques dédiée aux acteurs
des éléments de désinformation qui cir- de la santé) ; elle bénéficie actuellement du soutien institutionnel de Sanofi et GSK ;
culent via les réseaux antivaccins ! Alors la recherche de soutiens étatiques et des sociétés savantes (obstétrique, pédiatrie,
infectiologie...) est en cours.
que nous, nous y sommes confrontés tous
les jours et avons l’habitude d’y répondre… En pratique, VLS propose :
Mais nos outils ne sont pas destinés – un site internet avec des informations simples et précises scientifiquement
qu’aux patients : les praticiens aussi y validées : https://vls.direct/ ;
trouvent leur compte, car le site a éga- – des comptes sur les réseaux sociaux pour répondre aux questions des
lement une rubrique Actualités, qui re- internautes : @VLSdirect sur Twitter, « Vaccination et Lien Social » sur Linkedin
groupe les dernières informations sur et Facebook, vaccination_et_lien_social sur Instagram, @vaccinationliensocial3967
les vaccinations à destination des profes- sur YouTube ;
sionnels de santé – là encore, on essaie de – des ateliers mensuels avec des spécialistes de la vaccination, ouverts à tous ;
pallier une communication institution- – une newsletter (abonnement possible sur le site).
nelle parfois lente (alors que la désinfor-
mation circule toujours, au contraire, à
une vitesse fulgurante…). Étant donné
que notre plateforme est collaborative, Pour les nouveaux vaccins à ARNm contre tivaccins radicaux, minoritaires (environ
les médecins (et tout un chacun) peuvent le SARS-CoV-2, il y a eu une énorme dé- 2 % de la population), pour lesquels on
aussi proposer des sujets et des conte- fiance à l’égard de la rapidité de leur dé- ne peut pas faire grand-chose, et les per-
nus (analysés par notre équipe de valida- veloppement, et l’idée qu’ils seraient en- sonnes qui hésitent mais sont accessibles
tion avant d’être publiés). core « en phase expérimentale » (« Nous au raisonnement : c’est avec ces dernières
Enfin, pour tout public intéressé, nous sommes des cobayes  »)  ; certains effets qu’il faut passer du temps, en faisant
organisons des débats autour de la vac- indésirables non graves sont amplifiés preuve d’écoute et de patience.
cination faisant intervenir des experts. sur les réseaux sociaux, comme ceux sur
les menstruations (entraînant même des Quels arguments pour y répondre ?
Quelles sont les infox les plus peurs sur un risque d’infertilité) ; sans Pour les craintes liées à la vaccination
courantes concernant les vaccins ? parler de l’inquiétude de « modification et le risque de développer telle ou telle
Pour les vaccins « classiques », vivants de nos gènes » par la technologie, mal maladie, on peut se référer aux études
atténués et inactivés, elles concernent comprise, de l’ARNm ou la formulation disponibles ne montrant aucune asso-
surtout l’idée qu’ils détériorent l’immu- en nanoparticules… ciation. Mais, en pratique, c’est difficile
nité et provoquent des maladies : les sels Ces craintes – que l’on peut comprendre d’expliquer aux patients qu’en sciences
d’aluminium seraient à l’origine des myo- plus aisément que les histoires de graphène on ne peut pas écarter le risque théorique,
fasciites à macrophages, le vaccin contre et de 5G, circonscrites à des sphères anti- si infime soit-il ; le fait que la science ne
l’hépatite B de la sclérose en plaques, le vax « dures », très minoritaires – peuvent puisse jamais affirmer de façon ferme et
vaccin ROR de l’autisme, etc. Ces idées être abordées efficacement par les méde- définitive quelque chose – car elle parle
reçues, bien qu’anciennes et largement cins pour dissiper l’hésitation vaccinale. Il de faits et non de vérité – est difficile à
démenties, ont la vie dure… faut en effet faire la différence entre les an- entendre pour un patient inquiet.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 111

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


ENTRETIEN PASCALE ETCHEVERRY

Pour la même raison, parler de balance des tout-petits – qu’entendre le témoignage Une loi dite « anti-fake news » (loi n° 2018-
bénéfice-risque est souvent inutile, car il des autres parents a beaucoup de poids (une 1202 relative à la lutte contre la manipu-
s’agit d’une statistique faite sur des mil- mère qui raconte les ravages d’une ménin- lation de l’information) a été promulguée
liers, voire des millions, de cas : quelqu’un gite sur son bébé, par exemple...). Mais, en 2018, mais elle ne concerne que les
qui est inquiet ne pense pas à l’échelle de prudence, car cela peut être une arme à élections, lorsqu’il y a un risque de trouble
la population mais de l’individu, c’est-à- double tranchant : l’émotion est aussi le à l’ordre public. La santé publique n’y est
dire de lui-même (« Même si le risque est levier principal de la désinformation et pas comprise : on ne peut qu’espérer que
infime : et si c’était moi [ou mon fils, etc.] ? »). peut conduire à fermer la discussion. la loi soit amendée en ce sens… Il y aura
Les statistiques sont en ce sens quelque bientôt des assises nationales dédiées aux
chose de trop froid. De ce point de vue, Comment lutter à plus large échelle dérives sectaires et aux fake news, peut-
les médias n’aident pas car, à la recherche contre la diffusion des infox ? être est-ce l’occasion d’imaginer une loi
de toujours plus de clics, ils amplifient Il y a aujourd’hui une banalisation de qui délimiterait bien les frontières entre
souvent le retentissement de certains beaucoup d’arguments mettant en cause liberté d’expression et désinformation
cas rarissimes. certains vaccins, sans véritable fonde- – avec la mise en danger inhérente à cette
Il peut être en revanche plus utile de les ment. Les médias ont une lourde respon- dernière, lorsqu’elle touche à la santé.
pousser gentiment dans leurs retranche- sabilité. Pensons à l’omniprésence sur les Enfin, pour des cas ponctuels de désin-
ments : on peut mener la discussion plus plateaux de télévision de certains méde- formation relayée par les médias, les
loin, en allant dans le sens de leur dis- cins très médiatiques ; ou au documen- instances sanitaires devraient réagir en
cours pour éventuellement en révéler les taire Des vaccins et des hommes, diffusé communiquant largement. Les médias
incohérences – arrivera un moment où ils fin 2022 sur Arte, qui, avec un faux vernis eux-mêmes peuvent aussi se saisir de ce
se diront peut-être : « En effet, il y a quelque scientifique, donne une certaine légitimi- problème : certains ont déjà mis en place
chose qui ne va pas dans ce que j’ai dit... ». té intellectuelle à des arguments pourtant des services de fact check, par exemple.
Agir sur la fibre émotionnelle peut être effi- largement démentis (par exemple sur le Mais il y a encore du chemin à faire !
cace, en expliquant le danger que peuvent vaccin anti-HPV). Avec ce genre de mes-
représenter ces maladies en l’absence de sages, combien de personnes ayant des P. Etcheverry déclare des liens avec les
vaccination. Sur le terrain, on constate – en doutes n’ont-elles pas basculé vers l’hési- entreprises nile et Open Rome, fondatrices
particulier en ce qui concerne la vaccination tation vaccinale, voire l’antivaccinalisme ? du collectif VLS (salariat à mi-temps)..

BON DE COMMANDE
à renvoyer sous enveloppe non affranchie à :
Global Média Santé, service abonnements,
133 €
au lieu de
Libre réponse n°43360 - 92089 La Defense Cedex 230 €
❏ Oui, je m’abonne à la formule 100 % numérique de Concours pluripro
Abonnez-vous
au prix de 133 € pour un an (au lieu de 230 €) à la formule 100% numérique
 M.  Mme
Spécialité
Nom Prénom
N° Rue
Code postal Ville
Tél. E-mail
 Vous réglez par chèque à l’ordre de Global Média Santé
 Vous réglez par carte bancaire (Sauf American Express) Date et signature obligatoires


Expire fin

Conformément à la loi Informatique et Libertés, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour les informations vous concernant, que vous pouvez exercer librement auprès de Global Média Santé -
Tour Voltaire - 1 Place des Degrés - CS 80235 - 92059 Paris La Défense Cedex • abo@gmsante.fr • Offre valable jusqu’au 31-12-2023

112 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


FICHE PRATIQUE
Par Julie Castagna, Angèle Soria, Annick Barbaud Service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon,
AP-HP, 75020 Paris, drjcastagna@gmail.com

Allergie et vaccins humains (HPV), etc. Elles ne requièrent pas de test


allergologique. 

La vaccination est l’une des interventions de santé publique En cas d’antécédent de mastocytose et en l’absence
les plus efficaces en matière de réduction de morbidité et de d’antécédent de réaction à un vaccin, il n’y a pas d’indication
mortalité. Les réactions allergiques aux vaccins sont rares, à réaliser un bilan allergologique préalable. Il est recommandé
bien que potentiellement mortelles. Elles sont estimées entre d’administrer les vaccins isolément, à dose pleine d’emblée,
1/50 000 et 1/1 000 000 de doses.1 Il faut les différencier avec une surveillance de trente minutes après la vaccination. 
des manifestations cliniques non allergiques secondaires à
la vaccination – plus fréquentes –, comme les malaises vagaux
ou les réactions locales au point d’injection.2 DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Les réactions allergiques sont généralement immédiates et Les effets secondaires suivant l’immunisation post-
IgE-médiées. Les symptômes apparaissent dans les vaccinale ne sont pas des allergies. Il peut s’agir d’une
deux heures suivant la vaccination ; ils vont de l’éruption hyperthermie modérée, de réactions locales, voire de
urticarienne prurigineuse (grade I) au véritable choc véritables infections menaçant le pronostic vital chez les
anaphylactique (grade III) avec hypotension, atteinte patients immunodéprimés recevant un vaccin vivant.
respiratoire, digestive… L’anaphylaxie aux vaccins concerne Les réactions inflammatoires locales, voire locorégionales,
entre 1/100 000 et 1/1 000 000 de doses. Les allergènes peuvent survenir dans les heures suivant l’injection. Elles
potentiels sont ici évoqués, ainsi que le risque anaphylactique peuvent persister plusieurs jours, et le traitement est
lors de la vaccination anti-Sars-CoV-2. symptomatique, consistant à appliquer un dermocorticoïde.
Des réactions retardées sont aussi décrites : il semble exister Il n’y a pas d’indication à réaliser un bilan allergologique ni de
contre-indication à la revaccination. Il est généralement
de rares cas de sensibilisation à des constituants des
recommandé de faire une injection plus profonde du vaccin
vaccins, qu’il s’agisse du composant vaccinal, d’un excipient,
en sous-cutané. Un traitement préventif par application de
d’un conservateur, d’un adsorbant ou d’un résidu de
dermocorticoïdes peut être proposé sur le site d’injection. 
fabrication. Des exanthèmes maculopapuleux ou des
urticaires de survenue retardée sont alors observés. Chez le patient atopique, il ne faut pas confondre les réactions
L’hypersensibilité allergique à l’aluminium contenu dans allergiques avec le phénomène de «flash» : celui-ci correspond
les vaccins est un cas particulier, responsable de la survenue à l’exacerbation de la maladie atopique par diminution du seuil
de granulomes persistants post-vaccinaux en regard des de réactivité allergénique consécutive à l’injection du vaccin.
sites d’injection, en particulier chez l’enfant.  La présence d’une pathologie atopique ne doit pas retarder ni
contre-indiquer la réalisation des vaccinations. Il est uniquement
conseillé de privilégier la vaccination en dehors des poussées. 
ALLERGÈNES ET CONDUITE À TENIR  Le vaccin bilié de Calmette et Guérin (BCG) par multiponcture
Le tableau 1 détaille les principaux allergènes des vaccins entraînant peu de BCGites a été supprimé ; seules les
injections intradermiques sont désormais possibles.
(non exhaustifs) et la conduite à tenir en cas de suspicion
Les BCGites sont alors devenues fréquentes, motivant
ou d’allergie avérée à un composant.1-4
une modification des recommandations de vaccination :
D’autres réactions retardées immunologiques ont été elle n’est désormais plus conseillée pour tous mais réservée
exceptionnellement rapportées (pour une revue détaillée aux populations à risque d’exposition au bacille de Koch.
des différents tableaux cliniques selon les vaccins, voir La réponse habituelle après vaccination est l’apparition
réf. 3) : vascularite leucocytoclasique cutanée après vaccin d’une papule au point d’injection, suivie parfois d’une
antigrippal ; pityriasis lichénoïde après vaccin rougeole- induration pouvant s’ulcérer quelques semaines plus tard
oreillons-rubéole (ROR), grippe ou tétanos-poliomyélite ; et cicatriser spontanément après quelques mois ; elle ne
érythème noueux après vaccination contre les papillomavirus requiert aucun soin particulier ni de bilan allergologique.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 113

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


FICHE PRATIQUE ALLERGIE ET VACCINS

TABLEAU 1. PRINCIPAUX ALLERGÈNES DES VACCINS ET CONDUITE À TENIR EN CAS DE SUSPICION OU D’ALLERGIE
AVÉRÉE À UN COMPOSANT
Antigène vaccinal Réaction Vaccin incriminé (non exhaustif) Conduite à tenir
Sels d’aluminium  Granulomes Présents dans de nombreux vaccins, Traitement par dermocorticoïdes
post-vaccinaux utilisés comme adjuvants pour Bilan allergologique avec patch-test à l’aluminium : positif
retardés  « booster » l’immunité cellulaire Pas de contre-indication à la vaccination en cas d’allergie prouvée
à l’aluminium
Revaccination avec injection profonde en intramusculaire
(risque de récidive sur les lésions préexistantes) pour les solutions
n’existant pas sans sels d’aluminium
Caséine du lait de vache Anaphylaxie Vaccin DTP  Pas de contre-indication à la vaccination, qui est habituellement
et autres protéines du lait Vaccin antipoliomyélitique injectable bien tolérée chez les patients avec allergie prouvée (IgE-médiée)
de vache et oral aux protéines du lait de vache
Œuf Anaphylaxie Vaccin antigrippal Pas de contre-indication aux vaccins antigrippal et ROR en cas
Vaccin ROR d’allergie prouvée à l’œuf (taux résiduels de protéine d’œuf trop faibles
Vaccin contre la fièvre jaune  pour induire un risque anaphylactique)
Si antécédents d’anaphylaxie à l’œuf : vaccination sous surveillance
médicale avec une dose unique et surveillance de 1 heure
Bilan allergologique recommandé avant vaccination pour le vaccin
contre la fièvre jaune en cas d’antécédent d’anaphylaxie à l’œuf
Gélatine Anaphylaxie Vaccins ROR  Pas de recommandation. Avis allergologique souhaitable si
Vaccin antivaricelleux antécédents d’anaphylaxie à l’alpha-gal (allergène des viandes rouges) 
Traces de streptomycine, Anaphylaxie Vaccin antipoliomyélitique injectable Pas de recommandation. Avis allergologique souhaitable en cas
néomycine et polymyxine B et oral d’antécédent d’anaphylaxie à ces molécules 
Antigènes résiduels de Anaphylaxie Vaccin contre l’hépatite B Pas de recommandation.
Saccharomyces cerevisiae

Polyéthylène glycol (PEG) Anaphylaxie Vaccins anti-Sars-CoV-2 à ARNm Bilan allergologique avant vaccination en cas d’antécédent
(Pfizer et Moderna) d’anaphylaxie au PEG
Polysorbate 80 Anaphylaxie Vaccins anti-Sars-CoV-2 Bilan allergologique avant vaccination en cas d’antécédent
(AstraZeneca, Janssen et Novavax) d’anaphylaxie au polysorbate 80, risque d’allergie croisée au PEG
Vaccin anti-HPV Gardasil
Certains vaccins antigrippaux
DTP : diphtérie-tétanos-poliomyélite ; HPV : papillomavirus humains ; ROR : rougeole-oreillons-rubéole.

Le bilan consiste en des prick-tests et des intradermo-


QUAND PROPOSER UN BILAN réactions (IDR) plus ou moins diluées selon la gravité de
ALLERGOLOGIQUE ?  l’épisode, à lecture immédiate à vingt minutes en cas de
réaction immédiate (moins de 2 heures). Les lectures retardées
En cas de réaction locale de type nodule post-vaccinal, il
en cas de réaction retardée ne se font que sur prick-test,
convient de réaliser des patch-tests à l’aluminium et à
les IDR étant souvent responsables de faux positifs.
d’autres allergènes potentiellement présents dans le vaccin
tels que des conservateurs ou des antibiotiques (discussion au Selon le vaccin, les immunoglobulines E (IgE) spécifiques
cas par cas selon la composition du vaccin). Cependant, les des allergènes suspectés sont également dosées (par
résultats ne changent pas la conduite à tenir vis-à-vis de la exemple : œuf, gélatine, Saccharomyces cerevisiae, etc.).
vaccination : pas de contre-indication, importance de la
En cas d’allergie confirmée, une alternative ne contenant
technique d’injection en favorisant une injection plus profonde. 
pas l’allergène est utilisée. En cas d’impossibilité ou si le
Dans un contexte de réaction systémique à un vaccin, des tests test est négatif mais que la réaction est grave et évocatrice
cutanés avec le vaccin concerné sont réalisés. Des tests aux d’anaphylaxie, il convient de proposer un protocole
composants du vaccin sont discutés au cas par cas selon sa d’induction de tolérance en service spécialisé en
composition (par exemple : protéines de l’œuf pour le vaccin contre hospitalisation de jour avec une voie d’abord veineuse :
la fièvre jaune, gélatine de viande et porc pour le vaccin ROR, etc.).  toutes les quinze à trente minutes, injection sous-cutanée

114 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


TABLEAU 2. RECOMMANDATIONS EUROPÉENNES CONCERNANT LA VACCINATION ANTI-SARS-COV-2 CHEZ LES PATIENTS
AVEC ANTÉCÉDENTS ALLERGOLOGIQUES
Antécédent allergologique Recommandation
Anaphylaxie à un médicament injectable ou autre vaccin contenant du PEG ou dérivé Référer en centre d’allergologie
(polysorbate 80, huile de ricin polyoxyéthylénée)
Anaphylaxie suspectée à un médicament par voie orale dont le principe actif est le PEG Référer en centre d’allergologie
(préparations pour coloscopie, laxatifs…)
Anaphylaxie à un vaccin anti-Sars-CoV-2 Référer en centre d’allergologie 
Anaphylaxies récurrentes d’origine indéterminée après bilan allergologique Référer en centre d’allergologie 
Allergie confirmée au PEG ou dérivés Référer en centre d’allergologie
Anaphylaxie de grade II ou III Vaccination standard en ville avec surveillance de 30 minutes
(n’entrant pas dans les cases ci-dessus, de n’importe quelle origine)
Mastocytose Vaccination standard en ville avec surveillance de 60 minutes
Autres antécédents allergologiques Vaccination standard en ville avec surveillance de 15 minutes
Hypersensibilité retardée à une dose de vaccin anti-Sars-CoV-2 Vaccination standard en ville

PEG : polyéthylène glycol. D’après la réf. 5.

de 0,05 mL de solution diluée au 1/10e, puis 0,05 mL, puis En cas de test négatif, le patient peut être vacciné avec
0,1 mL, puis 0,15 mL, puis 0,2 mL. une surveillance d’une durée d’une heure.
Si la réaction n’est pas grave et les tests cutanés négatifs, on En cas de test positif à un excipient du vaccin et de test
peut proposer une revaccination sous surveillance spécialisée au vaccin négatif, la réalisation d’une IDR avec la solution
en hospitalisation de jour en injectant 1/10e du vaccin puis, en vaccinale est à discuter. Au maximum, il faut privilégier
l’absence de réaction après trente minutes, les 9/10e restants une vaccination ultérieure avec un vaccin de composition
avec surveillance d’au moins une heure ; la pose d’une voie différente sans l’allergène responsable. Une contre-indication
veineuse périphérique est recommandée.1 à la vaccination anti-Sars-CoV-2 ou une induction de tolérance
(fractionnement de dose en augmentation progressive) sont
à discuter en service spécialisé. 
PARTICULARITÉS DE LA VACCINATION Par ailleurs, le « Covid-arm » – souvent confondu avec un
ANTI-SARS-COV-2  érysipèle – correspond à une hypersensibilité retardée locale
En décembre 2020, les premiers cas d’anaphylaxie après à la vaccination anti-Sars-CoV-2, se manifestant par un
vaccination anti-Sars-CoV-2 par vaccin à ARN messager érythème infiltré, voire œdémateux et prurigineux localisé
(ARNm) Pfizer-BioNTech ont été notifiés (sans aucun décès au bras injecté, survenant environ sept jours après l’injection.
rapporté). L’incidence des réactions anaphylactiques après L’évolution est favorable en quelques jours, avec ou sans
vaccination par ce vaccin était de 11,1 par million de doses corticothérapie locale. Il n’y a pas de contre-indication aux
administrées, soit 10 fois supérieure aux autres vaccins ; doses ultérieures.
l’anaphylaxie après vaccin anti- Sars-CoV-2 a été estimée
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
à 7,91 cas par million de doses. En France, les réactions
allergiques aux vaccins à ARNm anti-Sars-Cov-2 étaient
de 0,97 pour 100 000 administrations en juillet 2021.
Le mécanisme de ces réactions n’est pas élucidé, mais RÉFÉRENCES
les excipients, et en particulier le PEG-2000, sont 1. Dreskin SC, Halsey NA, Kelso JM, et al. International Consensus (ICON): allergic
potentiellement incriminés. Des recommandations reactions to vaccines. World Allergy Organ J 2016;9(1):32.

européennes ont été émises en septembre 2021 (tableau 2).4 2. McNeil MM, De Stefano F. Vaccine-associated hypersensitivity. J Allergy Clin
Immunol 2018;141(2): 463-72.
Le bilan allergologique consiste en la réalisation de prick-tests 3. Rosenblatt AE, Stein SL. Cutaneous reactions to vaccinations. Clin Dermatol
2015;33(3):327-32.
avec une goutte de la solution vaccinale et les excipients du
4. Barbaud A, Garvey LH, Arcolaci A, et al. Allergies and COVID-19 vaccines:
vaccin (PEG-2000 ou 3000, PEG-4000 et polysorbate 80). An ENDA/EAACI Position paper. Allergy 2022;77(8):2292-312.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 115

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


DOSSIER
© ADOBE STOCK

HYPERTENSION ARTÉRIELLE
RÉSISTANTE
Une HTA résistante est définie comme une HTA non contrôlée en consultation, malgré une
trithérapie antihypertensive contenant un diurétique, confirmée par une mesure en ambulatoire,
en dépit du respect de règles hygiéno-diététiques et d’une observance rigoureuses. Quelle
démarche diagnostique entreprendre face à un patient avec une HTA qui apparaît résistante ?
Quel est le rôle du médecin généraliste dans les stratégies diagnostique et thérapeutique ?

Éliminer d’abord une pseudorésistance


en optimisant la prise en charge !
Par Benjamin Pariente, Aurélien Lorthioir

L’
hypertension artérielle (HTA) est un facteur de permet d’éliminer les fausses HTA résistantes
risque cardiovasculaire (CV) majeur.1 En dépit (HTAR) liées à l’effet « blouse blanche ». Elle justifie
des multiples recommandations et du nombre une consultation spécialisée qui a pour but d’écarter
de classes d’antihypertenseurs disponibles, elle une surestimation des chiffres tensionnels, de s’assurer
reste insuffisamment contrôlée dans la popula- que la prescription est adéquate et bien suivie et, le cas
tion mondiale et en France en particulier. échéant, de reprendre l’enquête étiologique.
Environ 5 à 30% des patients hypertendus ont une
Centre hypertension qui, en apparence, est résistante à un
Hypertension-Paris, traitement médical conventionnel. La résistance au
L’HTA RÉSISTANTE, C’EST QUOI ?
Hôpital européen
Georges-Pompidou
traitement antihypertenseur est habituellement dé- L’HTA résistante nécessite de distinguer une « vraie ré-
20, rue Leblanc, finie comme l’impossibilité d’arriver aux cibles ten- sistance », définie par des critères précis (tableau 1) sous
75015 Paris sionnelles malgré une trithérapie à doses efficaces une trithérapie antihypertensive optimale, et amenant
aurelien.lorthioir
contenant un diurétique. La résistance vraie doit être à un bilan étiologique exhaustif, d’une « pseudorésis-
@aphp.fr
http://centre- confirmée par une automesure ou une mesure am- tance », due à de multiples causes, développées par la
hypertension.org bulatoire de la pression artérielle (MAPA), ce qui suite, à rechercher et à corriger systématiquement.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 117

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


DOSSIER HYPERTENSION ARTÉRIELLE RÉSISTANTE

TABLEAU 1. DÉFINITION ET ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES DE L’HTA RÉSISTANTE nomène fréquent dans la prise en charge des maladies
chroniques, au premier rang desquels l’HTA, et consti-
HTA résistante
tue l’une des principales causes de pseudorésistance.
Définition Persistance d’une PA mesurée en consultation supérieure ou égale La compréhension et la reconnaissance des origines
à l’objectif recommandé (généralement 140 et/ou 90 mmHg en position de cette inertie, et sa correction, sont essentielles pour
assise) malgré l’association de règles hygiéno-diététiques et d’une optimiser le contrôle tensionnel des patients, et donc
trithérapie antihypertensive à dose maximale tolérée, comportant
améliorer leur pronostic cardiovasculaire, à moyen
un diurétique, un bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA)
et long terme (tableau 2).
et un antagoniste des canaux calciques (ACC)2,3,4
Épidémiologie De l’ordre de 12-15Š% dans les études de cohortes en population générale LE PATIENT EST-IL OBSERVANT AU TRAITEMENT ?
Probablement < 10 % des patients traités en éliminant
La mauvaise observance aux traitements médicamen-
les pseudorésistances2,7
teux est l’une des causes les plus fréquentes de résis-
Pronostic Plus défavorable que dans l’HTA non résistante, liée non seulement tance apparente. Dans deux études utilisant un
cardio- au non-contrôle tensionnel mais aussi à la population type :  dosage systématique des médicaments anti -
vasculaire - l’HTA résistante augmente avec l’âge
hypertenseurs, la moitié des hypertendus appa-
- origine afro-américaine
remment résistants ne prenaient pas au moins l’un
- obésité
- insuffisance rénale chronique
des antihypertenseurs prescrits5,6. Certains travaux
- coexistence d’autres facteurs de risque CV et d’atteinte des organes cibles évaluent même la prévalence réelle de l’HTA résistante
à moins de 2 % quand les patients ayant une observan-
CV : cardiovasculaire ; HTA : hypertension artérielle.
ce imparfaite – évaluée par la fréquence des passages
en pharmacie – sont exclus5. Néanmoins, en pratique,
La caractérisation d’une HTA comme résistante né- l’observance est difficile à quantifier sans question-
cessite donc comme préalable indispensable d’élimi- naire d’observance validé par comparaison aux dosages
ner une pseudorésistance, dont les causes sont : des médicaments. La mauvaise observance est souvent
- l’inertie médicale (probablement la cause la plus fré- associée au jeune âge, à une HTA modérée, au sexe mas-
quente) ; culin, à une catégorie socioprofessionnelle défavorisée
- l’inobservance thérapeutique ; et à la consommation d’alcool et/ou de tabac. L’éduca-
- l’HTA « blouse blanche » ; tion des patients, la reprogrammation des rendez-vous
- la prise de substance pressive. manqués, une attention soigneuse à la survenue d’ef-
fets indésirables, la simplification du traitement, avec
le recours aux médicaments à demi-vie longue pris une
RÔLE DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE DANS seule fois par jour, et aux associations fixes, et, enfin, la
LA STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE
DE L’HTA APPAREMMENT RÉSISTANTE surveillance des prises médicamenteuses, sont autant
de mesures pouvant s’avérer utiles pour améliorer cette
Pour confirmer l’hypothèse d’une HTA résistante, le observance.
médecin généraliste doit répondre à quatre questions.
LES MESURES DE PRESSION ARTÉRIELLE
LE TRAITEMENT EST-IL LE BON ? SONT-ELLES EXACTES ?
Un traitement sous-optimal est la cause d’HTA ap- Une cause fréquente de surestimation des chiffres de
paremment résistante la plus fréquente et la plus PA se voit chez les sujets à gros bras. La poche gon-
facilement corrigeable.8,9 La principale cause de trai- flable du brassard doit circonscrire au moins les deux
tement médical inadéquat est l’absence d’administra- tiers de la circonférence du bras pour que la mesure
tion de médicaments efficaces, et en particulier l’ab- soit valide. Quand le brassard est trop petit, ou le bras
sence de recours au traitement diurétique, alors même trop gros, la mesure de la PA est surestimée. L’Organi-
que l’excès de sel est un facteur majeur d’HTA résis- sation mondiale de la santé recommande un brassard
tante, nécessitant une intensification du traitement de 23 cm (longueur de la poche gonflable) pour les
diurétique. La trithérapie antihypertensive optimale mesures de routine et des brassards de 33 à 36 cm pour
doit comporter un diurétique, un bloqueur du système les bras obèses ou très musclés.
rénine-angiotensine (SRA) – inhibiteur de l’enzyme Par ailleurs, la plupart des patients sont inquiets lors-
de conversion (IEC) ou antagoniste des récepteurs de qu’ils consultent leur médecin, ce qui peut entraîner
l’angiotensine 2 (ARA2) – et un antagoniste des canaux une augmentation aiguë de la pression artérielle, suf-
calciques (ACC), à dose maximale tolérée. fisante pour induire une hypertension dite « blouse
L’inertie thérapeutique est définie comme l’échec, de blanche » chez 20 à 30 % d’entre eux. L’hypertension
la part des médecins, à entreprendre, ou à intensifier, par effet « blouse blanche » est facilement confirmée
un traitement lorsque celui-ci est indiqué. Ce concept, par la mesure de la pression artérielle en dehors de la
apparu au début des années 2000, caractérise un phé- consultation, soit par MAPA, soit par automesure.

118 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


EXISTE-T-IL DES FACTEURS FAVORISANT
TABLEAU 2. INERTIE THÉRAPEUTIQUE DANS L’HTA : CAUSES ET PISTES
LA RÉSISTANCE ? D’AMÉLIORATION
Certains facteurs comme la consommation de sel en
Causes
excès, de médicaments ou de toxiques peuvent entre-
tenir l’HTA résistante. Liées aux médecins
Vision erronée de l’efficacité des médicaments avec tendance à leur surestimation,
Apports sodés excessifs limitant la bithérapie d’emblée
Une expansion volémique est souvent au moins par- Manque de connaissance des recommandations des sociétés savantes, des stratégies
tiellement responsable d’une impossibilité à contrôler thérapeutiques, des associations fixes médicamenteuses ou de conviction dans les
l’HTA. En cas d’HTA résistante et de consommation stratégies thérapeutiques recommandées
très excessive de sel (180 à 250 mmol/j de natriurèse, Manque d’organisation du suivi
soit 10 à 15 g de sel), la diminution des apports sodés Crainte des effets secondaires médicamenteux
(entre 50 et 80 mmol/j, soit 3 à 5 g de sel) permet la Liées aux patients
baisse marquée des chiffres de PA, à court terme. L’ef- Patients plus âgés, à risque cardiovasculaire plus élevé, HTA de grade 1 ou HTA systolique
fet des apports excessifs en sel est plus marqué chez ou diastolique isolée amenant à une sous-estimation de l’importance du traitement
les patients âgés, d’origine africaine ou ayant une in- Sexe masculin et nombre de médicaments
suffisance rénale. De plus, l’excès d’apports sodés ac-
Refus ou résistance du patient aux modifications thérapeutiques
compagne fréquemment l’excès d’apports caloriques,
et l’obésité peut élever à la fois la pression artérielle et Liées au système de santé
diminuer la réponse au traitement antihypertenseur. Renouvellement permanent des stratégies thérapeutiques et des recommandations
nationales ou d’experts
Interférences médicamenteuses ou toxiques Étendue du panel thérapeutique, offre croissante de l’industrie pharmaceutique
Un grand nombre de substances exogènes sont sus- Manque de précision de certaines recommandations vis-à-vis de situations cliniques
ceptibles d’augmenter la pression artérielle, et (AVC, post-infarctus, insuffisance rénale…)
dans certains cas de réduire la réponse au traitement Manque de sessions de formation destinées aux professionnels de santé
antihypertenseur. Outre le sel, l’alcool, la réglisse, la Pistes d’amélioration
cocaïne, les drogues d’action sympathomimétique
Formation des médecins
(amphétamines), les stéroïdes anabolisants, les
Diffusion des recommandations sur la prise en charge de l’HTA : stratégies
contraceptifs oraux contenant un estrogène de syn-
thérapeutiques, associations médicamenteuses, objectifs tensionnels, traitement
thèse, l’érythropoïétine, les dérivés d’ergot de seigle, de l’HTA systolique isolée
les glucocorticoïdes, la ciclosporine et autres anti-
Mécanismes de rappel à destination des praticiens
calcineurines, les antidépresseurs et les anti-inflam-
Sensibilisation aux conséquences de l’inertie thérapeutique
matoires non stéroïdiens sont susceptibles de modi-
fier la pression artérielle et la réponse thérapeutique. Éducation thérapeutique des patients
La liste des principales interactions médicamen- Sensibilisation à l’importance du contrôle tensionnel
teuses et des médicaments et substances élevant la Élimination des substances pressives
PA est disponible sur le site de la Société française
Stratégies thérapeutiques
d’hypertension (http://www.sfhta.eu).
Amélioration de la surveillance de la PA : MAPA, automesure tensionnelle
Favoriser l’utilisation des associations médicamenteuses et l’intensification
HTA RÉSISTANTE CONFIRMÉE : thérapeutique
QUEL BILAN RÉALISER ? Impliquer le patient dans sa prise en charge
Avant de procéder à la prise en charge thérapeutique, AVC : accident vasculaire cérébral ; HTA : hypertension artérielle ; MAPA : mesure ambulatoire de la
il est nécessaire d’éliminer une HTA secondaire et de pression artérielle ; PA : pression artérielle.
rechercher une éventuelle atteinte d’organe cible.

EXISTE-T-IL UNE HTA SECONDAIRE ? Les causes les plus fréquentes sont l’hyperaldostéro-
Lorsque la recherche des causes favorisant la résis- nisme primaire (HAP) – prévalence de 20 % au cours
tance au traitement est négative, il faut entreprendre de l’HTAR –, la maladie rénale chronique ou la sténose
une enquête étiologique. La fréquence des HTA artérielle rénale (SAR). Une kaliémie normale ne
secondaires peut atteindre 20 à 50% en cas d’HTA permet pas d’éliminer un HAP car l’hypokaliémie
résistante, contre environ 5% dans la population n’est présente que dans 50 % des cas. De même,
générale hypertendue2,3. Il est donc recommandé la normalité du scanner ou de l’IRM ne permet pas
d’adresser les patients dans des unités spécialisées d’éliminer un HAP car l’hypersécrétion ne s’ac-
pour la recherche de l’ensemble des causes d’HTA compagne pas systématiquement d’une hyper-
(tableau 3). plasie ou d’un adénome.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 119

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


DOSSIER HYPERTENSION ARTÉRIELLE RÉSISTANTE

TABLEAU 3. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES À RÉALISER POUR LA RECHERCHE ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE, TOUJOURS !


D’UNE HTA SECONDAIRE La prise en charge d’une HTA résistante nécessite la
mise en place et/ou le renforcement de règles hygiéno-
Recherche d’une néphropathie
diététiques incluant une réduction pondérale (en cas
Ionogramme sanguin et créatininémie
de surpoids ou d’obésité), la pratique d’un exercice
Rapport protéinurie/créatininurie sur échantillon (ou protéinurie des 24 heures)
physique d’intensité modérée pendant trente minutes
ECBU (à défaut bandelette urinaire) par jour, la réduction des apports sodés, l’augmenta-
Recherche d’une sténose artérielle rénale tion des apports potassiques par la consommation
Angioscanner des artères rénales préférentielle de légumes verts, et la limitation de la
Échographie-doppler des artères rénales consommation d’alcool (2 unités par jour pour les
hommes, 1 pour les femmes, et pas tous les jours, selon
Recherche d’une cause endocrine
Santé publique France).
Hyperaldostéronisme primaire : dosage de la rénine et de l’aldostérone plasmatiques Une éducation thérapeutique ciblée sur la connais-
pour calcul du rapport aldostérone/rénine plasmatiques (après arrêt des traitements
sance de l’HTA, de son retentissement clinique, des
interférents)
médicaments prescrits et de leurs effets indésirables,
Phéochromocytome/paragangliome sécrétant : dosage des métanéphrines et
ainsi que sur l’observance fait partie intégrante de la
normétanéphrines urinaires des 24 heures (ou plasmatiques)
prise en charge.3,4
Hypercorticisme : dosage du cortisol libre urinaire (CLU) des 24 heures, test de freinage
rapide par la dexaméthasone 1 mg
BITHÉRAPIE D’EMBLÉE RECOMMANDÉE
Recherche d’apports sodés excessifs Concernant la prise en charge médicamenteuse,
Natriurèse des 24 heures et créatininurie il est maintenant recommandé de démarrer le trai-
ECBU : examen cytobactériologique des urines. tement de l’HTA par une bithérapie d’emblée – sauf
en cas d’HTA de grade 1 à faible risque ou de patient
âgé (plus de 80 ans) ou fragile.2 Les combinaisons les
La sténose artérielle rénale doit être suspectée tout plus efficaces sur la baisse tensionnelle comportent
particulièrement chez les patients qui ont des signes classiquement un bloqueur du SRA associé à un inhi-
d’athérosclérose diffuse (artériopathie périphérique biteur calcique ou à un diurétique, dont la classe
des membres inférieurs) ou qui ont aggravé leur fonc- et la dose doivent être adaptées à la fonction rénale.
tion rénale après l’introduction ou la majoration de En cas de non-contrôle par la bithérapie, la trithéra-
doses d’un bloqueur du SRA (inhibiteur de l’enzyme pie standardisée associant inhibiteur calcique +
de conversion [IEC] ou antagoniste des récepteurs de bloqueur du SRA (IEC ou ARA2) + diurétique est un
l’angiotensine 2 [ARA2]). préalable avant de pouvoir parler d’HTA résistante.
Les antihypertenseurs doivent être prescrits aux
RECHERCHER UNE ATTEINTE D’ORGANE CIBLE doses optimales recommandées par les autorisations
Les patients ayant une HTA résistante sont à haut de mise sur le marché et selon les résumés des carac-
risque cardiovasculaire. Il faut donc particulièrement téristiques du produit.
pour eux, encore plus que pour l'ensemble des pa-
tients hypertendus, rechercher une atteinte des or- OPTIMISATION DU TRAITEMENT DIURÉTIQUE
ganes cibles. Le traitement diurétique est indispensable à la
L’atteinte rénale est évaluée par les examens suivants : prise en charge médicamenteuse de l’HTA résis-
créatininémie, créatininurie, microalbuminurie et tante. Les thiazidiques à longue durée d’action
protéinurie sur échantillon. doivent être privilégiés (indapamide plutôt
L’atteinte cardiaque est évaluée au minimum par un qu’hydrochlorothiazide). Les diurétiques de l’anse
électrocardiogramme de repos et une échocardiographie. (furosémide et apparentés) sont réservés aux pa-
Un bilan vasculaire est réalisé en fonction du contexte tients ayant une insuffisance rénale chronique
clinique, de la disponibilité des techniques d’explo- lorsque le débit de filtration glomérulaire (DFG) es-
ration et de l’expérience du spécialiste. timé devient inférieur à 30 mL/min ; 2-4 les thiazi-
diques perdent leur efficacité natriurétique quand
le DFG diminue. Avec le déclin du DFG, la dose de
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DE L’HTA diurétique de l’anse efficace doit être augmentée, en
RÉSISTANTE
fragmentant les doses, car leur durée d’action est
La prise en charge de l’HTA résistante passe toujours très courte (3 à 6 heures). Ainsi, il est généralement
par un rappel des règles hygiéno-diététiques, puis par recommandé chez l’insuffisant rénal de commencer
l’optimisation du traitement diurétique. L’ajout avec 40 mg de furosémide le matin, puis, si c’est in-
d’autres traitements est également possible, après suffisant, d’ajouter 40 mg à midi (avec une prise en
concertation (figure). charge néphrologique associée).

120 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


HTA résistante (PA ≥ 140 mmHg et/ou 90 mmHg malgré trithérapie anti-HTA dont 1 diurétique)

Informer
HTA blouse blanche ?
oui Rassurer
MAPA diurne ou automesure < 135 et/ou 85 mmHg
Surveiller

Obstacles au contrôle tensionnel ?


- Évaluation de l’observance et des effets secondaires
Informer
- Traitement insuffisant ou non adapté au DFG
oui Adapter le traitement
- Substance pressive (alcool, réglisse)
Surveiller
- Consommation sodée excessive
- HTA iatrogène

Adresser à un service spécialisé

HTA secondaire ? oui Prise en charge spécifique

non

Renforcer les traitements, en particulier la déplétion sodée (spironolactone)


Discuter un traitement instrumental de l’HTA

Figure. Algorithme de prise en charge de l’HTA résistante.


DFG : débit de filtration glomérulaire ; HTA : hypertension artérielle ; MAPA : mesure ambulatoire de la pression artérielle ; PA : pression artérielle.

LA SPIRONOLACTONE COMME QUATRIÈME Selon les recommandations européennes, la spirono-


LIGNE DE TRAITEMENT lactone (25 à 50 mg/j) doit être utilisée chez les pa-
Plusieurs essais contrôlés randomisés ont confirmé tients ayant une HTA résistante en quatrième ligne de
l’intérêt de l’adjonction à la trithérapie initiale d’une traitement, mais limitée à ceux dont le DFG est supé-
faible dose d’un antagoniste des récepteurs minéra- rieur ou égale à 45 mL/min et ayant une kaliémie in-
locorticoïdes, la spironolactone (12,5 à 50 mg).2 Dans férieure ou égale à 4,5 mmol/L. Les recommandations
de multiples études (ASCOT, ASPIRANT, PATHWAY 2), françaises conseillent, « en l’absence d’étiologie cu-
la spironolactone a montré sa supériorité contre les rable trouvée chez le sujet de moins de 80 ans, de mettre
bêtabloquants et les alphabloquants, quels que soient en place une quadrithérapie comportant en première
l’âge, le sexe, la présence associée de tabagisme ou de intention la spironolactone (12,5 à 25 mg/j), en l’ab-
diabète, les valeurs de rénine, et ce avec un bon profil sence de contre-indication ».4
de tolérance. Les effets indésirables dose-dépendants Lorsque la spironolactone est mal tolérée, l'utilisation
tels que la gynécomastie, les mastodynies, les troubles de l’amiloride (diurétique épargneur de potassium)
des règles chez la femme et l’impuissance chez est une alternative intéressante ; l’étude PATHWAY-3
l’homme peuvent malgré tout en limiter l’usage. Néan- a confirmé que l’utiliser à la dose de 10 mg permettait
moins, aux doses faibles (inférieures à 50 mg/j), la fré- d’obtenir une réponse tensionnelle similaire à celle
quence de survenue de ces effets est faible, de l’ordre obtenue avec 25 mg de spironolactone, sans avoir
de 7 %. Enfin, une surveillance de la kaliémie et de la les effets secondaires hormonaux. En revanche, l’aug-
créatininémie est nécessaire. mentation de la kaliémie est similaire.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 121

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


DOSSIER HYPERTENSION ARTÉRIELLE RÉSISTANTE

Plusieurs options thérapeutiques sont alors possibles,


le principe général étant d’essayer de bloquer tous

Que dire à vos patients ? les mécanismes potentiellement impliqués dans l’élé-


vation tensionnelle :
- une première approche consiste à ajouter les autres
La mise en place et/ou le renforcement de règles
classes de traitements antihypertenseurs de façon
hygiéno-diététiques fait partie intégrante de la
séquentielle (bêtabloquant, alphabloquant, ou anti-
prise en charge de l’HTA résistante : réduction
hypertenseur central) ;
pondérale (en cas de surpoids ou d’obésité),
- une deuxième approche consiste à majorer les trai-
pratique d’un exercice physique, réduction
tements diurétiques. Ces dernières années, plusieurs
des apports sodés, augmentation des apports
études ont permis de montrer les bénéfices du renfor-
potassiques alimentaires et limitation de la
cement diurétique dans le traitement de l’HTA résis-
consommation d’alcool.
tante, et indirectement de confirmer le rôle prépon-

L’ESSENTIEL Le patient doit bénéficier d’informations


sur l’HTA, son retentissement, les médicaments
et leurs effets indésirables possibles.
dérant de la rétention sodée occulte dans la plupart
de ces formes. Ainsi, le blocage séquentiel du néphron
L’HTA est le par ajouts successifs de plusieurs diurétiques, à faibles
principal facteur de doses, agissant à différents niveaux du tubule rénal,
risque CV, mais sa Une mauvaise observance des traitements ou
permet de contrôler presque deux tiers des patients
prise en charge est la consommation de substances vasopressives
ayant une HTA résistante. Cependant, cela nécessite
encore largement favorise la résistance. Leur correction permet
imparfaite, une surveillance étroite de la fonction rénale, de la
généralement d’améliorer le contrôle tensionnel.
essentiellement kaliémie et de la natrémie.
du fait de En revanche, il est indispensable de rappeler qu’il
l’inobservance est inefficace et dangereux d’associer IEC et ARA2.
thérapeutique et de
l’inertie médicale.
L’éplérénone a également une activité antihyperten- THÉRAPEUTIQUES INTERVENTIONNELLES :
sive et une meilleure tolérance que la spironolactone. L’AVENIR ?
L’HTA résistante
Cependant, ce médicament n’a pas d’autorisation Ces dix dernières années, des traitements non médi-
se définit par
l’absence de de mise sur le marché en France dans l’indication camenteux fondés sur la dénervation rénale ou la sti-
contrôle de la d’hypertension artérielle. mulation des barorécepteurs sont apparus pour les
pression artérielle cas d’HTA les plus sévères. L’efficacité en prévention
clinique malgré AJOUT D’AUTRES TRAITEMENTS et la sécurité à long terme de ces techniques restent
une trithérapie à
Dans certains cas relativement rares (moins de 5 %), à démontrer. En dehors des essais thérapeutiques,
dose maximale
tolérée, dont un les patients restent hypertendus malgré la correction leurs indications sont limitées.
diurétique. Elle doit de tous les facteurs de résistance identifiés et malgré
être confirmée une quadrithérapie antihypertensive (inhibiteur cal- B. Pariente déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
par une mesure cique, bloqueur du système rénine-angiotensine, diu- A. Lorthioir déclare des interventions ponctuelles
objective (MAPA ou rétique et spironolactone). pour Amgen.
automesure).

Pour prendre
en charge les
pseudorésistances, RÉFÉRENCES
l’optimisation du
1. Collaborators GBDRF. Global, regional, and 4. Denolle T, Chamontin B, Doll G, Fauvel JP, pertension (DENERHTN) Trial. Circulation
traitement est une national comparative risk assessment of 79 Girerd X, Herpin D, et al. Management of 2016;134(12):847-57.
première étape behavioural, environmental and occupatio- resistant hypertension: expert consensus 7. Judd E, Calhoun DA. Apparent and true
essentielle. nal, and metabolic risks or clusters of risks, statement from the French Society of Hy- resistant hypertension: definition, pre-
1990-2015: a systematic analysis for the pertension, an affiliate of the French Society valence and outcomes. J Hum Hypertens
Global Burden of Disease Study 2015. Lancet of Cardiology. Journal of human hypertension 2014;28(8):463-8.
En cas de 2016;388(10053):1659-724. 2016;30(11):657-63. (= RECO SFHTA 2013)
résistance 8. Egan BM, Zhao Y, Li J, Brzezinski WA,
2. Williams B, Mancia G, Spiering W, Agabiti 5. Berra E, Azizi M, Capron A, Hoieggen A, Todoran TM, Brook RD, et al. Prevalence of
confirmée, le Rosei E, Azizi M, Burnier M, et al. 2018 ESC/ Rabbia F, Kjeldsen SE, et al. Evaluation of optimal treatment regimens in patients with
patient est adressé ESH Guidelines for the management of arte- Adherence Should Become an Integral Part apparent treatment-resistant hypertension
à un centre de rial hypertension. Eur Heart J 2018;39(33): of Assessment of Patients With Apparent- based on office blood pressure in a commu-
référence pour 3021-104. ly Treatment-Resistant Hypertension. Hy- nity-based practice network. Hypertension
rechercher une 3. Carey RM, Calhoun DA, Bakris GL, Brook RD, pertension 2016;68(2):297-306. 2013;62(4):691-7.
cause secondaire Daugherty SL, Dennison-Himmelfarb CR, et al. 6. Azizi M, Pereira H, Hamdidouche I, Gosse 9. Bhatt H, Siddiqui M, Judd E, Oparil S,
et optimiser Resistant Hypertension: Detection, Evalua- P, Monge M, Bobrie G, et al. Adherence to Calhoun D. Prevalence of pseudoresistant
tion, and Management: A Scientific State- Antihypertensive Treatment and the Blood hypertension due to inaccurate blood pres-
le traitement ment From the American Heart Association. Pressure-Lowering Effects of Renal De- sure measurement. J Am Soc Hypertens
antihypertenseur. Hypertension 2018;72(5):e53-e90. nervation in the Renal Denervation for Hy- 2016;10(6):493-9.

122 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT
PIMS, conséquence du Covid-19
chez l’enfant
Rare mais de bon pronostic
Par Patrice Bourée1, Yannis Amar Abir2, Francine Bisaro3, Alireza Ensaf4
1. Institut Alfred-Fournier, Paris. 2. Service de pédiatrie, centre hospitalier de Saint-Pierre, La Réunion.
3. Direction générale de l’action sociale (DGAS), Paris. 4. Centre de santé de Saint-Georges, Guyane

D
epuis début 2020, le coronavirus TABLEAU 1. NOMBRE DE CAS ET INCIDENCE CUMULÉE DE PIMS LIÉS AU COVID-19 EN FRANCE,
SARS-CoV-2 – d’abord décelé sur le DEPUIS MARS 2020 (DONNÉES AU 29/11/2022 DE SANTÉ PUBLIQUE FRANCE)
marché de Wuhan en Chine – s’est
Groupe d’âge 0-2 ans 3-5 ans 6-10 ans 11-14 ans 15-17 ans
rapidement propagé dans le monde
entier, provoquant une pandémie Nombre de cas 151 200 436 215 79
responsable de plus de 500 mil-
Pourcentage (%) 14 18 40 21 7
lions de cas, dont 6 millions de décès.
Cette maladie atteint essentiellement les Incidence 7,1 8,8 10,5 6,3 3,1
adultes ; cependant, dès avril 2020, des pour 100 000 habitants
cas ont été répertoriés chez les enfants, D’après la réf. 2. PIMS : Paediatric Inflammatory Multisystem Syndrome.
en plus faible nombre que chez les
adultes.1
TABLEAU 2. COMPARAISON ENTRE LA MALADIE DE KAWASAKI ET LE PIMS LIÉ AU COVID-19
Maladie de Kawasaki PIMS
RÉACTION INFLAMMATOIRE MULTI-
SYSTÉMIQUE Âge moyen de survenue  6 mois à 5 ans 6 à 11 ans
Les symptômes d’une infection par le Ratio hommes/femmes 1,5 1
SARS-CoV-2 sont habituellement moins
marqués chez l’enfant mais peuvent par- Origine géographique Asie Afrique, Amérique du Sud
prédominante
fois être assez prononcés en raison d’une
réaction inflammatoire multisystémique Contexte Antécédent viral ou bactérien Consécutif à une infection par le SARS-
– réponse anormale du système immuni- CoV-2
taire à un agent infectieux –, survenant
Mécanisme Activation des lymphocytes T Orage cytokinique
tardivement après l’infection et surtout physiopathologique
après l’apparition des anticorps.
Ce phénomène est appelé Paediatric In- Anomalies biologiques • Élévation des IL-17 • Élévation des IL-15, et de l’interféron ɣ
flammatory Multisystem Syndrome • Anémie, thrombopénie • Lymphopénie
(PIMS) en Europe ou Multisystemic In- Anticorps Absence Présence
flammatory Syndrome in Children anti-SARS-CoV-2
(MIS-C) aux États-Unis. Cette affection a
été définie sur des critères établis Atteintes spécifiques Conjonctivite Troubles digestifs, myocardite
conjointement par le Collège royal de pé- Signes communs Fièvre, éruption cutanée, adénopathies cervicales, troubles neurologiques,
diatrie et de santé infantile du Royaume- œdèmes et érythème des mains et des pieds
Uni, le Centre pour le contrôle et la pré-
Traitements conseillés Immunoglobulines en intraveineuse, glucocorticoïdes, aspirine
vention des maladies des États-Unis et
l’Organisation mondiale de la santé. IL : interleukine ; PIMS : Paediatric Inflammatory Multisystem Syndrome.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 123

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT PIMS, CONSÉQUENCE DU COVID-19 CHEZ L’ENFANT

Cas COVID-19 hospitalisés Cas PIMS hospitalisés


(N) (N)
Lien confirmé Lien probable
Lien possible Lien non établi

Hospitalisation COVID-19
(tout âge)

* Données provisoires à la date de l’analyse

Figure 1. Évolution des hospitalisations pour des cas de PIMS en France, tous âges confondus, du 2 mars 2020 au 27 novembre 2022
(données au 29 novembre 2022 de Santé publique France). D'après la réf. 2.

SARS-Cov-2
Syndrome related
inflammatoire multisystem
multisystémique inflammation
pédiatrique lié au SARS-CoV-2

Conjonctivite bulbaire 89 %


Signes neurologiques 31 %

Lèvres rouges et fendues 54 %

Signes respiratoires 34 %


Lymphadénopathies cervicales
Dysfonction du ventricule gauche 100 %
et mésentériques 60 %
• Choc cardiogénique 68 %
• VA ECMO 28,6 %
• Dilatation coronarienne 17 %
• Péricardite 8 %
Éruption cutanée 57 %

Troubles digestifs 83 %


• Nausées, diarrhées 83 %
• Laparoscopie exploratoire 5,7 %
(2 patients)

Fièvre durant plus de 4 jours et asthénie systématique


Âge médian : 10 ans

Figure 2. Le SARS-CoV-2, responsable du PIMS, peut atteindre tous les organes. VA ECMO : oxygénation extracorporelle par membrane veino-artérielle.

124 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


L’ESSENTIEL
Un PIMS survient Penser au PIMS devant un enfant Les garçons Un enfant suspect Après
habituellement après fébrile (température supérieure à semblent plus à de PIMS doit être traitement,
une infection par le 39 °C) pendant plusieurs jours avec risque que les filles, hospitalisé pour l’évolution est
SARS-CoV-2, même une altération de l’état général et des surtout entre 6 et bilan et surveillance habituellement
asymptomatique. troubles digestifs. 10 ans. cardiaque. favorable.

Les enfants de tous âges sont concernés


mais surtout ceux entre 6 et 10 ans (ta-
bleau 1),2 avec un âge médian de 7 ans – le
Activation directe du système immunitaire
plus jeune patient connu étant un nou- par les particules virales
veau-né chinois de 2 jours.3 Dans la ma-
jorité des cas, les troubles sont modérés ;
mais en cas de réaction inflammatoire
diffuse, les symptômes plus prononcés � IL-6
peuvent évoquer un syndrome de Kawa-
saki (tableau 2), un rhumatisme articu- � IL-10
laire aigu ou encore une myocardite � TNF-alpha
avec un état de choc nécessitant une
hospitalisation. Après traitement, une � IL-1bêta
surveillance cardiaque est conseillée � Lymphocytes
pendant six mois, mais le pronostic est T CD4
bon et la guérison est habituelle.
La fréquence de survenue du PIMS est � Lymphocytes
Infection par T CD8
estimée à 7,5/100 000 cas d’infection le SARS-Cov-2
par le SARS-CoV-2 chez les moins de � Lymphocytes B
18 ans. En France, depuis mars 2020,
� Cellules NK
1 171 cas de PIMS ont été répertoriés, en (natural killer)
fonction des vagues successives (fig. 1)
dont 1  081 en relation avec le SARS- � Proportion
CoV-2, confirmés par RT-PCR ou par Activation des récepteurs de type I-like de neutrophiles
une sérologie positive (données au du gène inductible de l’acide rétinoïque
29 novembre 2022, publiées le 1er décembre
2022 par Santé publique France). Parmi
ces cas, 755 (soit 70 %) ont été associés à
une myocardite et 734 (soit 68 %) ont Figure 3. Le SARS-CoV-2 entraîne des perturbations immunitaires responsables du PIMS.
IL : interleukines ; TNF : facteur de nécrose tumorale.
nécessité une hospitalisation en service
de soins critiques. Les cas rapportés
sont en majorité des garçons (61 %, se-
 TABLEAU 3. PIMS : RÉPARTITION SELON LES SYMPTÔMES ET LES COMORBIDITÉS
lon le rapport du 25 août 2022 de Santé
publique France). Symptômes % Comorbidités %

• Fièvre 54 % Obésité 37,8 %


DES SYMPTÔMES VARIÉS • Anorexie 32,8 % Pneumopathie 18 %
• Nausées/vomissements 30,8 % Asthme 13,5 %
Les symptômes sont très variables selon
• Toux 29,3 % Prématurité 15,4 %
les organes concernés ( fig. 2 ). Ces en-
fants ont, dans le mois qui suit une in- • Rhinorrhée 23,7 % Neuropathie 14 %
fection par le SARS-CoV-2, une altéra- • Dyspnée 22,3 % Immunodépression 5,4 %
tion de l’état général, avec fièvre • Douleurs abdominales 18,8 % Diabète 2,7 %
prolongée, apathie, anorexie, pâleur, • Diarrhées 12,1 % Hémopathie 3,6 %
frissons et algies diffuses. Sont souvent
D’après la réf. 4. PIMS : Paediatric Inflammatory Multisystemic Syndrome.
associés des troubles cardiaques (myo-
cardite, péricardite), digestifs (nausées,
vomis sements, diarrhées, syndrome fois, un syndrome de choc peut surve- Une étude américaine, réalisée chez
pseudo-appendiculaire avec un abdo- nir, avec hypotension, tachycardie, 576  enfants hospitalisés, a révélé un
men souple), neurologiques (céphalées, hépatomégalie, mais la détresse respi- taux d’hospitalisation plus élevé chez
confusion, irritabilité), respiratoires ratoire aiguë est rare, contrairement à les moins de 2 ans, les enfants avec une
(toux, dyspnée) et cutanés (rash). Par- l’adulte.  comorbidité – essentiellement l’obésité –

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 125

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT PIMS, CONSÉQUENCE DU COVID-19 CHEZ L’ENFANT

(tableau 3) et ceux d’origine africaine et TABLEAU 4. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES EN CAS DE SUSPICION DE PIMS
latino-américaine ;4 de même, selon une
Contexte Examens complémentaires
étude européenne sur 953 enfants, les
cas sont plus fréquents chez les enfants Bilan initial : enfant fébrile avec des troubles • Hémogramme, CRP, urée, créatinine, ionogramme,
ayant une obésité et ceux d’origine afri- digestifs ou respiratoires bilan hépatique
caine. 5 Une autre étude avec une co-
En cas de forte suspicion de diagnostic • Fibrinogène, ferritine, D-dimères,
horte de 1 116  enfants atteints par le
lactates-déshydrogénase, gaz du sang, troponine 
SARS-CoV-2 (âge moyen : 9,7 ans) a ré-
vélé que, sur 398 enfants hospitalisés en • PCR coronavirus, sérologie Covid-19
réanimation, 10 étaient morts de PIMS.6 Troubles neurologiques • Ponction lombaire
Dans une étude allemande menée
sur plus de 10 350 enfants, une hospita- Troubles cardiologiques • ECG, radio thoracique, échocardiographie
lisation a été nécessaire pour 7,13/10 000 Douleurs abdominales  • Échographie abdominale
enfants, dont 2,21/10 000 en service de 
CRP : protéine C réactive ; ECG : électrocardiogramme ; PCR : polymerase chain reaction.
soins intensifs, avec une mortalité de 
0,09/10 000.7
Chez ces enfants atteints de PIMS, le
bilan biologique montre une élévation délai de trois mois après la guérison du Finalement, le syndrome inflamma-
de la vitesse de sédimentation, de la pro- PIMS ; cette décision a été prise en rai- toire multisystémique est relativement
téine C-réactive, de la procalcitonine son de l’absence de constatation de rare chez l’enfant et il ne doit pas être
et de la ferritine, avec des troubles de la risque d’un nouveau PIMS chez un en- confondu avec un Covid long de cet âge.9
coagulation (taux de prothrombine, fant ayant déjà développé ce syndrome Mais, devant un enfant avec fièvre, alté-
D-dimères, lactate déshydrogénase) et et de l’efficacité du vaccin qui diminue ration de l’état général et un antécédent
une élévation des marqueurs de l’inflam- le risque de survenue de cette affection. d’infection par le SARS-CoV-2 ou ayant
mation en raison des perturbations Début janvier 2023, la couverture vacci- été en contact avec une personne infectée,
immunitaires ( fig.  3 ). 8 Le bilan doit nale en France (schéma primovaccinal il est fortement recommandé de faire un
aussi comporter un scanner thoracique sans rappel) est de 2,8 % entre 5 et 9 ans, bilan en milieu hospitalier pour envisager
(image pulmonaire en «  verre pilé  ») de 8,4 % entre 10 et 11 ans et de 81,1 % une prise en charge rapide.
et une échographie cardiaque (myo- entre 12 et 17 ans (données du ministère
cardite, anévrisme des artères coronaires) de la Santé, disponibles sur le site Vaccin- Les auteurs déclarent n’avoir aucun
[tableau 4]. Tracker). lien d’intérêts.

VACCINATION APRÈS LE PIMS


Aucun critère ne permet actuellement de
discerner, chez un enfant infecté par le RÉFÉRENCES
SARS-CoV-2, une évolution éventuelle 1. Ladhani SN, Amin-Chowdhury Z, 4. Kim L, Whitaker M, O’Halloran children (MIS-C) compared with
vers un PIMS. En revanche, il est bien Davies HG, et al. Covid-19 in child- A, et al. Hospitalization rates and severe acute Covid-19.  JAMA
characteristics of children aged 2021;325(11):1074-87.
démontré que la vaccination contre ren: analysis of the first pandemic
peak in England.  Arch Dis Child < 18 years hospitalized with labo-
le  SARS- CoV-2 chez l’enfant permet 7. Sorg AL, Hufnagel M, Doenhardt
ratory-confirmed Covid-19 – Co-
2020;105(12):1180-5. M et al. Risk for severe outco-
d’éviter les évolutions graves et en parti- vid-NET, 14 states, March 1-July
mes of  COVID-19  and  PIMS-TS
2. Santé publique France. Si- 25, 2020. MMWR Morb Mortal
culier la survenue d’un PIMS. Par ail- Wkly Rep 2020;69(32):1081-8. in  children  with  SARS-CoV-2  in-
tuation épidémiologique liée à
leurs, le variant Omicron semble être fection in Germany. Eur J Pediatr
la Covid-19 chez les 0-17 ans. 5. Hoste L, Van Paemel R, Hae- 2022;181(10):3635-43. 
moins souvent responsable de PIMS que Point au 1 er décembre 2022 (en rynck F. Multisystem inflamma-
8. Zhou C, Zhao Y, Wang X, et al.
le variant Delta. ligne). Disponible sur https://bit. tory syndrome in  children  re-
Laboratory parameters between
ly/3XsmQRQ lated to COVID-19: a systematic
La question s’est vite posée de la possi- review. Eur J Pediatr 2021;180(7): multisystem inflammatory syn-
bilité de vacciner les enfants contre le 3. Dong YZ, Gao-Jun Z, Run-Ming 2019-34. drome in children and Kawas-
J, et al. Clinical and transmission aki disease.  Pediatr Pulmonol
Covid-19 s’ils avaient eu un PIMS. Après 6. Feldstein LR, Tenforde MW,
dynamics characteristics of 406 2021;56(12):3688-98.
une phase d’hésitation, la Haute Autori- Friedman KG, et al. Characteris-
children with coronavirus disease tics and outcome of US children 9. Bréhin C. Covid long de l’enfant.
té de santé a conseillé – à l’instar d’autres in China: a review. J Infect 2020; and adolescents with multisys- Une multitude de symptômes. Rev
pays – de les vacciner en respectant un 81(2):e11-5. tem inflammatory syndrome in Prat Med Gen 2022;36(1071):461-5.

126 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT
Drapeaux rouges en ophtalmologie
Ce qui est urgent, ce qu’il ne faut pas faire !
Par Jean-Louis Bourges
Service d’ophtalmologie, hôpital Cochin, AP-HP, 75014, Paris ;
université Paris Cité ; Inserm, centre de recherche des Cordeliers, UMRS1138E17, Paris
drbourges@gmail.com

O
n s’imagine que les signes d’alerte
majeurs pour l’ophtalmologie, les
« drapeaux rouges », avec sympto-
matologie fonctionnelle oculaire, 1. Règles pour l’examen pupillaire
menacent la vue. Attention ! Une
• Règle 1 : le côté atteint est celui de la pupille la moins réactive. 
manifestation oculaire peut être
d’origine systémique, parfois exclusive- • Règle 2 : si la pupille ne se dilate pas à l’obscurité, c’est un myosis. Si elle ne
ment. Un médecin généraliste se doit se resserre pas à la lumière, c’est une mydriase.
de les connaître, puis de les reconnaître • Règle 3 : en l’absence de myosis à la lumière mais avec un réflexe de myosis
le cas échéant.  consensuel conservé, la pupille éclairée de l’œil atteint reste en mydriase, restaure
La Société française d’ophtalmologie (SFO) plus vite sa mydriase ou se resserre moins, l’origine est neurologique périphérique
propose un ouvrage détaillant les situa- (par argument de fréquence : atteinte du nerf optique préchiasmatique).
tions d’alerte majeure à manifestation oph- Cela s’appelle un déficit pupillaire afférent relatif.
talmologique.1 Les principales situations • Règle 3 bis : en cas d’absence totale de myosis à la lumière et de réflexe de myosis
à ne pas manquer sont ici évoquées. consensuel, l’œil ne perçoit pas la lumière car il dysfonctionne (ne voit pas à cause
Les drapeaux rouges désignent aussi de sa rétine ou de son nerf optique, si l’iris lui-même est supposé normalement
ce qu’il ne faut pas faire en médecine fonctionnel bien sûr).
générale devant un problème oculaire.

TABLEAUX NEUROLOGIQUES atteint d’une maladie de Horton. Cette PUPILLES DE TAILLE DIFFÉRENTE :
ET/OU NEUROVASCULAIRES
dernière se révèle régulièrement par une L’ANISOCORIE
Il faut savoir reconnaître une urgence névrite optique ischémique antérieure Une anisocorie n’est jamais anodine ; il
neurologique ou neurovasculaire dans sa aiguë (NOIAA), avec baisse de l’acuité faut en identifier rapidement l’origine.
manifestation oculaire (fig. 1 et encadré 1). visuelle (BAV) totale unilatérale, brutale Deux règles simples permettent d’iden-
Le but est alors d’optimiser la prise en et irréversible. Il ne faut pas l’attendre tifier le côté et le niveau de l’atteinte
charge en neurologie ou en radiologie mais doser la protéine C-réactive (CRP) (encadré 1). Une pupille peut ne réagir
interventionnelle sans passage superflu sanguine en urgence, sur une voie vei- qu’incomplètement ou trop lentement
auprès de l’ophtalmologiste. Sept ta- neuse périphérique laissée en place. Si comparée à l’autre côté. Ce peut être fu-
bleaux méritent ainsi d’être repérés. l’état général du patient le permet, un gace, et il faut croire le patient sur parole.
bolus de corticoïde est administré, avant
CLAUDICATION DE LA MÂCHOIRE, même le résultat du bilan sanguin en cas PTOSIS, MYOSIS ET CÉPHALÉES
HYPERESTHÉSIE CUTANÉE de NOIAA constituée d’un côté. La sur- ET/OU DOULEURS CERVICALES
DU CUIR CHEVELU TEMPORAL venue de l’ischémie d’un territoire Le syndrome de Claude-Bernard-Horner
Un patient de plus de 55 ans ayant des neurocentral ou de la tête du nerf op- (CBH) douloureux doit faire penser à une
difficultés de mastication et une hyper- tique controlatéral en suraccident dissection carotidienne homolatérale.
esthésie cutanée du cuir chevelu tempo- consécutif serait en effet responsable Attention, le syndrome de CBH peut être
ral (signe du peigne) est suspect d’être de cécité totale et définitive. fruste ou fugace, particulièrement pour

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 127

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT DRAPEAUX ROUGES EN OPHTALMOLOGIE

Figure 1. Innervations oculomotrice et cornéenne oculaires. Le muscle oculomoteur abducteur est


innervé par la VIe paire crânienne. Le muscle oblique supérieur (grand oblique) est innervé par la IVe.
Tous les autres muscles oculomoteurs, le releveur de la paupière supérieure et le constricteur de l’iris Figure 2. Décollement de rétine vu au fond
sont innervés par la IIIe. Le dilatateur irien est innervé par le contingent orthosympathique d’œil. On note la traction du corps vitré coloré
intraoculaire. La sensibilité cornéenne dépend de la branche ophtalmique 1 du nerf trijumeau V.  en vert sur la rétine.  

le ptosis (le myosis l’est moins). Il faut inégale, non permanentes). Si le patient salivation, transpiration inappropriée et
le rechercher à l’obscurité pour ne pas le est en âge de s’exprimer, il peut décrire myosis fait évoquer une intoxication cho-
méconnaître. En cas de doute, une angio- une oscillopsie – perception d’une vision linergique. Le syndrome cholinergique
IRM doit être réalisée en urgence.   hors de contrôle qui oscille en tous sens. peut se compléter d’autres signes fonc-
Il faut évoquer une méningo-encéphalite tionnels : dyspnée, nausées, diarrhée,
TROUBLE DE LA VIGILANCE, REGARD et mettre en œuvre une prise en charge dysthymie. L’antidote évidente est l’atro-
ASYNERGIQUE, MYDRIASE BILATÉRALE adaptée. Les deux causes les plus fré- pine (0,5 mg toutes les 4 heures, tant que
Ce tableau rare constitue un syndrome quentes sont infectieuse et toxique.  les symptômes persistent). 
de Parinaud. Le trouble de la vigilance
interpelle ; de même, le regard anormal DYSARTHRIE ET DIPLOPIE
inhabituel d’allure détachée, voire mé- Désormais très exceptionnel, le botu-
TABLEAUX OCULAIRES ET VISUELS
prisante (paupières demi-fermées papil- lisme est la cause qui associe dysarthrie, Quatre situations à manifestation clinique
lonnant un peu), et la mydriase conjointe dysphonie et diplopie. Une mydriase oculaire et visuelle doivent particulière-
alertent. Il s’agit de la conséquence d’une bilatérale alerte. L’intoxication est con- ment alerter.
compression du tronc cérébral par enga- firmée par l’anamnèse orientée. Une
gement temporal. Le pronostic vital est intoxication massive est possible (eau, DIPLOPIE BINOCULAIRE
engagé à très court terme. Il faut alors restauration industrielle, acte terro- Le patient voit double avec ses deux
maintenir une position proclive perma- riste). La prise en charge rapide et adap- yeux, mais pas lorsqu’il masque un œil.
nente et gérer une hypertension intracrâ- tée par  immunoglobulines antibotu- Le parallélisme est altéré de manière ac-
nienne aiguë en urgence. liques heptavalentes prévient l’arrêt quise, sinon une neutralisation céré-
cardiorespiratoire brutal par tachycardie brale empêcherait de percevoir deux
TROUBLE DE LA VIGILANCE, sinusale. images. Hors contexte spécifique, le pro-
HYPERTHERMIE, NYSTAGMUS blème provient du nerf crânien, de la
Il se peut que des céphalées complètent SALIVATION ET MYOSIS commande neurovégétative (fig. 1), du
cette triade de trouble de vigilance, Une intoxication par un agent neuro- sinus caverneux, de la communication
hyper thermie et nystagmus atypique toxique peut être aussi révélée par une neuromusculaire (myasthénie, myopa-
(saccades dans tous les sens, d’amplitude anomalie pupillaire. L’association de thie) ou de l’orbite.2 

128 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


L’ESSENTIEL
L’analyse du contexte et Des symptômes Diplopie binoculaire, BAV monoculaire L’ablation d’un corps étranger
des facteurs de risque est oculaires ou visuels totale brutale, voile noir récent progressant peut être réalisée sous anesthésie
primordiale en ophtalmologie, et peuvent être des modes dans le champ visuel et BAV douloureuse topique par le médecin généraliste
une symptomatologie de surve- de révélation d’une avec rougeur oculaire unilatérale sont seulement s’il est non enclavé et
nue brutale évoque naturelle- urgence neurologique les principales urgences ophtalmologiques superficiel ; toute autre situation
ment un caractère urgent. ou neurovasculaire. à manifestation visuelle ou oculaire. doit être déléguée au spécialiste.

Figure 3. Endophtalmie cinq jours après une chirurgie de la cataracte. Figure 4. Crise aiguë de fermeture de l’angle. On note la semi-mydriase
On note l’hypopion. (aréflexique), l’œdème de cornée, l’inflammation (douloureuse) globale de l’œil.

BAISSE DE L’ACUITÉ VISUELLE ISOLÉE trale par la progression du décollement de gétatifs parasympathiques extra-ocu-
BRUTALE, MONOCULAIRE, TOTALE rétine qui soulève l’aire maculaire. S’il est laires (nausées, vomissements, lipothy-
Une BAV brutale n’est pas normale. encore temps, il faut donner la consigne mie, sueurs, bradycardie). La conduite
Si elle est totale, transitoire ou perma- au patient de regarder vers le sol jusqu’à à tenir pré-ophtalmologique consiste
nente, il faut évoquer un accident isché- sa prise en charge ophtalmologique. à administrer par voie générale des so-
mique. De là, trois hypothèses sont à lutés hypertoniques pour déshydrater
explorer simultanément en urgence  : BAV DOULOUREUSE ET ROUGEUR le vitré (mannitol, par exemple) ainsi
la maladie de Horton, la cardiopathie OCULAIRE UNILATÉRALE qu’un inhibiteur de l’anhydrase carbo-
emboligène, la vasculopathie occlusive Une inflammation oculaire douloureuse nique pour limiter la production d’hu-
ou athéromateuse emboligène. Il existe associée à une BAV récente doit alerter. meur aqueuse. Il faut induire un myosis
un risque de suraccident imminent, avec Chaque heure compte ; tout délai avant bilatéral, qui évite le suraccident
un pic de fréquence à vingt-quatre la prise en charge spécialisée amenuise controlatéral, par de la pilocarpine
heures, en constituant une récidive oc- le pronostic final. locale. Un myotique est efficace dès lors
clusive dans une autre localisation (œil Le contexte d’une chirurgie récente que le tonus oculaire a baissé. 
controlatéral, accident vasculaire céré- plaide en faveur d’une infection postopé-
bral, myocarde, tronc cérébral, etc.). ratoire. Un hypopion – niveau purulent
en chambre antérieure – (fig. 3) peut par-
MANIFESTATIONS CONTEXTUELLES
VOILE NOIR RÉCENT PROGRESSANT fois être visible. Il faut réaliser une injec- L’analyse du contexte est primordiale en
DANS LE CHAMP DE VISION tion oculaire d’antibiotique en urgence ; ophtalmologie : une survenue brutale ou
Il s’agit d’un scotome perçu par le patient, l’efficacité d’un traitement oral seul serait très récente des symptômes évoque natu-
évolutif. Il est parfois précédé d’une im- trop retardée. rellement une urgence. D’autres contextes
pression visuelle de « pluie de suif » ou Le contexte d’une personne âgée hyper- plus spécifiques peuvent orienter. 
d’un phosphène persistant. On évoque un métrope et phaque (avec son cristallin)
décollement de rétine (fig. 2), d’autant plaide pour une hypertonie aiguë telle EN POSTOPÉRATOIRE
plus facilement que le patient est myope, que la crise aiguë de fermeture de l’angle Après une opération ophtalmologique,
que l’œil a été traumatisé ou opéré. Le iridocornéen [fig. 4]. Le tableau est gé- il faut redouter l’infection et l’hypertonie
risque immédiat est la perte de vision cen- néralement complété par les signes vé- aiguë, qui associent douleur, rougeur et

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 129

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT DRAPEAUX ROUGES EN OPHTALMOLOGIE

BAV, ainsi que le décollement de rétine, PROJECTIONS, CORPS ÉTRANGERS


qui est suspecté devant un scotome pro- ET BRÛLURES
gressif récent, sans douleur ni rougeur. Une projection toxique ou une brûlure
Plus rare, l’occlusion artérielle rétinienne impose le rinçage immédiat et abon-
est de mauvais pronostic. dant, seul geste modifiant vraiment le
Une douleur oculaire intense qui cède pronostic final. La blancheur oculaire
mal aux antalgiques ou qui survient initiale autour de la cornée est de
après une période intermédiaire calme mauvais pronostic en cas de brûlure
est hautement suspecte d’infection ai- sévère ( fig. 5 ) ; elle traduit l’ischémie
guë. Associée à un cortège neurovégétatif locale.
et un œil « dur comme une bille de bois », Le médecin urgentiste ou généraliste
on s’oriente plutôt vers un bocage pupil- peut procéder à l’ablation d’un corps

© URGENCES OPHTALMOLOGIQUES AP-HP, DR L. DEBILLON


laire avec hypertonie ; il s’agit d’une is- étranger (CE) non enclavé superficiel
chémie totale des composantes intra- sous anesthésie topique (gouttes d’oxy-
oculaires : un « infarctus de l’œil ».  buprocaïne). Pour cela, il s’aide d’une
Devant un scotome progressif, l’urgence pointe mousse ou, sur un patient bien
est de positionner le regard du patient immobilisé, de la pointe d’une aiguille.
vers le bas en permanence pour éviter la Ce geste est très utile si le CE est poten-
progression d’un éventuel décollement tiellement toxique (chaux, particules
de rétine.  actives, etc.). En revanche, il est possible
Une amaurose brutale et totale postopé- de différer l’ablation du CE jusqu’à la
ratoire peut traduire un spasme de l’ar- prise en charge spécialisée, en particulier
tère centrale de la rétine. L’hypertonie le Figure 5. Brûlure oculaire sévère par projection s’il semble profondément enclavé, péné-
favorise. Il se complète par une occlusion d’huile bouillante. trant ou inerte (minéral, plastique, colle,
dont les séquelles visuelles sont irréver- carbone, etc.).
sibles. L’œil perd définitivement sa vi- répétées) et le supplémenter en oxygène
sion. Le  spasme, lui, est réversible si pour lever le spasme avant que les consé- TRAUMATISME ET EXPOSITION DU GLOBE
l’hypertonie est levée rapidement. On quences irréversibles de l’ischémie ne En cas de traumatisme du massif facial,
peut masser l’œil (pression et dépression s’installent.  plusieurs principes sont à retenir :
– un traumatisme facial impacte poten-
tiellement l’œil ;
– le cadre orbitaire protège souvent le
globe oculaire des impacts plus volumi-
2. Facteurs généraux de gravité en ophtalmologie neux que lui ;
– un impact oculaire est suspect de
• Atteinte sur monophtalmie contusion, de plaie ou de CE oculaire ;
• Diamètre d’abcès supérieur à 3 mm – on évoque une plaie à globe ouvert de-
• Visualisation d’un hypopion vant un globe oculaire mou, une acuité
• Atteinte bilatérale visuelle effondrée, un hyphéma total ;
– une plaie de paupière est grave si elle
• Implication de l’axe visuel
expose en permanence la surface ocu-
• Implication de la « zone 3 » (segment postérieur, rétine, choroïde, nerf optique) laire ou si elle est inféro-nasale (voies
• Vision initiale effondrée ou absence de perception lumineuse lacrymales). Elle doit être prise en charge
• Prise en charge tardive le plus rapidement possible ;
• Statut et environnement social défavorables – il faut fermer efficacement en urgence
• Âges extrêmes les paupières d’un patient sédaté pour
éviter un ulcère de cornée ; un sparadrap
• Contexte multipathologique
est collé sur la paupière supérieure hori-
• Terrain général altéré ou particulièrement fragilisé, sédation
zontalement, ce qui permet de rigidifier
• Résistance à la première ligne de prise en charge et fermer la paupière supérieure sur l’in-
férieure.

130 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


LENTILLES DE CONTACT TABLEAU. EXEMPLES DE SIGNES D’ORIENTATION OCULAIRES DANS LE CADRE D’UNE MALADIE
Environ 4 % des urgences oculaires sont SYSTÉMIQUE ACTIVE
liées au port de lentilles de contact. Signe oculaire Contexte systémique Orientation nécessitant
L’infection sous lentille est redoutable, un soin non programmé
traduite cliniquement par une rougeur
Secteur scléral rouge avec sensation Inflammation rhumatismale Épisclérite
oculaire persistante. La douleur est para- de CE non douloureux sans BAV
doxalement atténuée par le port lui-même,
Secteur scléral rouge très Inflammation rhumatismale, maladie Sclérite nodulaire, sclérite
qui pourtant aggrave l’infection locale.
douloureux sans BAV auto-immune, infection systémique nécrosante
L’abcès de cornée est parfois visible à l’œil
nu sous la forme d’un point blanc (fig. 6). Lourdeur, douleur sourde, BAV, Inflammation rhumatismale, maladie Uvéite antérieure aiguë
pupille déformée, rougeur autour auto-immune, infection locale
S’il n’est pas dans l’axe visuel, la vision est
de la cornée ou systémique, sarcoïdose, etc.
préservée. La dépose des lentilles et l’ins-
tillation d’un collyre antibiotique sont BAV isolée unilatérale, rarement Maladie de système, septicémie Rétinite
bilatérale bactérienne, virale, fongique
indispensables. La présence de signes de
gravité impose une prise en charge ophtal- BAV isolée bilatérale, céphalées Grossesse, hypertension artérielle Rétinopathie hypertensive,
mologique urgente (encadré 2). éclampsie, HELLP syndrome
BAV isolée unilatérale ou bilatérale Diabète  Rétinopathie diabétique
MALADIE DE SYSTÈME asymétrique
Toute BAV dans le cadre d’une maladie Exophtalmie, diplopie évolutive Dysthyroïdie, maladie de Basedow Ophtalmopathie/orbitopathie
de système active doit évidemment aler- rapide, rétraction palpébrale dysthyroïdienne
ter. Certains symptômes ou signes phy- supérieure (impression de ptosis
siques orientent plus spécifiquement controlatéral)
vers une cause d’urgence ophtalmolo- BAV : baisse d’acuité visuelle ; CE : corps étranger ; HELLP : Hemolysis, Elevated Liver enzymes, and Low Platelet count
gique (tableau). (hémolyse, augmentation des enzymes hépatiques et thrombopénie).

CAS PARTICULIERS DU NOURRISSON


ET DU JEUNE ENFANT
Hors contexte traumatique, il existe trois
drapeaux rouges en ophtalmologie pé-
diatrique :
– la constatation d’une pupille à reflet
blanc qui peut être rapportée par l’entou-
rage comme une pupille rouge sur les
photos (correspondant à la pupille nor-
male perçue ainsi par contraste avec la
leucocorie controlatérale). Cette anoma-
lie peut correspondre à un rétinoblas-
tome, tumeur maligne d’extension très
rapide dont la prise en charge urgente
conditionne le pronostic. Il peut aussi
s’agir d’un décollement de rétine, l’en-
fant n’exprimant pas sa cécité monocu-
laire, même en âge verbal ;
– la survenue d’un strabisme permanent
chez un enfant préverbal. Une dépriva-
tion visuelle importante entraîne chez
le  jeune enfant un strabisme rapide  ;
il faut alors suspecter une origine orga-
nique à prendre en charge au plus vite ; Figure 6. Abcès de cornée (flèches noires) lié au port de lentilles de contact hydrophiles. 
– en contexte fébrile, l’apparition d’un A : abcès cornéen progressant dans l’axe visuel ; B : abcès de l’image A après une semaine
d’antibiotiques locaux fortifiés (préparation hospitalière) ; C : abcès cornéens multiples ;
nystagmus ou la perte de fixation stable
D : micro-abcès punctiforme hors axe visuel.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 131

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT DRAPEAUX ROUGES EN OPHTALMOLOGIE

– déléguer l’examen neurologique pupil-


laire et son interprétation à l’ophtalmo-
Que dire à vos patients ?  logiste ;
– instiller un corticoïde dans un œil in-
• Tout symptôme visuel ou oculaire d’apparition brutale avec douleur, baisse de flammatoire ;
l’acuité visuelle et/ou signes neurologiques doit amener à consulter en urgence, – dilater une pupille qui devrait parti-
d’autant plus si le patient a des facteurs de risque. ciper à une surveillance ophtalmolo-
• Une projection toxique ou une brûlure impose le rinçage immédiat et abondant. 
gique ;
– retirer un corps étranger saillant mais
• Le port de lentilles peut être responsable de la survenue d’infections graves
potentiellement pénétrant ;
(abcès de cornée) ; des mesures d’hygiène drastiques doivent donc être
– suturer une paupière avant la prise en
respectées pour limiter ce risque. 
charge d’une plaie à globe ouvert associée ;
• La prise en charge précoce d’un trouble visuel chez le petit enfant peut permettre – réaliser un pansement compressif sans
une réversibilité. espace entre l’œil traumatisé et le pan-
sement ;
– méconnaître une plaie ou un corps
du regard. L’enfant n’exprimant pas sa FACTEURS DE GRAVITÉ LOCAUX étranger oculaire ;
céphalée, il faut ici évoquer une ménin- ET GÉNÉRAUX – méconnaître les coordonnées d’un
gite ou sa complication, la méningo- Les facteurs de gravité qui s’associent aux praticien ou d’une structure compétente
encéphalite. atteintes oculaires constituent par eux- en urgence oculaire ;
Enfin, il est important d’identifier les mêmes des drapeaux rouges (encadré 2) : – considérer que la vue d’un enfant est
signes de malvoyance d’un nourrisson : ils aggravent le pronostic et nécessitent exclusivement une affaire de pédiatre
un enfant qui appuie sur ses yeux régu- une prise en charge renforcée ou plus spé- ou d’ophtalmologiste. 
lièrement, qui passe lentement sa main cialisée. En leur présence, l’usage logique
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
devant ses yeux (signe de l’éventail), est ainsi de prendre l’avis d’un ophtalmo-
qui  n’a pas de poursuite oculaire à la logiste et d’une structure compétente.
stimulation visuelle, qui ne tolère pas
que l’on masque son œil fonctionnel
CE QU’IL FAUT ÉVITER EN OPHTALMOLOGIE RÉFÉRENCES
mais qui accepte parfaitement le masque
DE MÉDECINE GÉNÉRALE 1. Bourges JL (éd.). Urgences en ophtalmologie. Rapport
sur l’œil malvoyant.
annuel de la SFO 2018. Paris: Elsevier Masson; 2018.
Avec une prise en charge précoce, sa En médecine générale et sans compé-
2. Tilikete C. La diplopie. In: Vignal-Clermont C (éd.).
cécité n’est pas nécessairement une tence ophtalmologique spécialisée préa- Neurophtalmologie: Rapport annuel de la SFO 2020. 
fatalité.  lable, plusieurs écueils sont à éviter : Paris: Elsevier Masson; 2020.

À envoyer sous enveloppe non affranchie à :


BON DE COMMANDE Global Média Santé, service abonnements ; Libre réponse n°43360 - 92089 La Défense Cedex
Je commande l’ouvrage Initiation à la recherche qualitative en santé au tarif de 35 € + 5 € de frais de port
soit 40 € et je joins mon règlement par : Je complète les informations me concernant :
 par chèque à l’ordre de Global Média Santé  M.  Mme
 par carte bancaire (Sauf American Express) Spécialité
N° Nom Prénom
35 €
Hors frais de port
Expire fin
Date et signature obligatoires
N° Rue

Code postal Ville


Tél.
❏ J’accepte de recevoir les newsletters de la librairie de La Revue du Praticien E-mail
Conformément à la loi Informatique et libertés, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour les informations vous concernant, que vous pouvez exercer librement auprès de Global Média Santé- service abonnements - Tour Voltaire, 1
place des Degrés, CS 80235, Puteaux 92059 Paris La Défense Cedex. Pour tous renseignements : librairie@gmsante.fr - Tél. : 01 55 62 68 62 - larevuedupraticien.fr/boutique

132 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT
Pratiques alternatives
et complémentaires
en médecine générale
Par Jean-Baptiste Herbreteau1, Elsa Tavernier2, Valérie Tauveron3, Annabel Maruani2, 3
1. Université de Poitiers, 86000 Poitiers 2. Universités de Tours et Nantes, Inserm 1246-SPHERE, 37000 Tours
3. Service de dermatologie, centre hospitalier régional universitaire de Tours, 37000 Tours
annabel.maruani@univ-tours.fr

L
es médecines alternatives et complé-
TABLEAU 1. CATÉGORIES DE MESURES ALTERNATIVES ET COMPLÉMENTAIRES RECENSÉES
mentaires (MAC) regroupent toutes
PAR L’OMS, L’INSERM ET LE NCCIH
les approches non reconnues comme
la médecine conventionnelle mais Catégorie Thérapies Thérapies Approches Systèmes
biologiques manuelles psychocorporelles complets
qui sont légalement utilisées pour le
soin thérapeutique. Elles se posi- Définition Produits naturels Axées sur la manipu- Appréhension sur Basé sur des
tionnent en complément de la médecine issus de plantes, lation, les massages le versant physique fondements théoriques
conventionnelle, dite « médecine d’or- minéraux, animaux et psychologique et pratiques propres
ganes », avec une approche plus globale
MAC • Phytothérapie • Ostéopathie • Hypnose médicale • Acupuncture
de la santé. Elles sont particulièrement
• Aromathérapie • Chiropraxie • Méditation • Homéopathie
répandues dans certains domaines : mé-
decine préventive, prise en charge des • Sophrologie
maladies chroniques, soins de support, Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale ; MAC : médecines alternatives et complémentaires ;
prise en charge des douleurs chroniques, NCCIH : National Center for Complementary and Integrative Health (Centre national américain pour une santé
handicap, ou encore le « bien-vieillir ».1,2 complémentaire et intégrative) ; OMS : Organisation mondiale de la santé.

La médecine intégrative correspond à
un parcours de soin personnalisé adapté
aux besoins du patient et à ses souhaits ment par l’Organisation mondiale de la inventée en France il y a environ
(croyances, émotions, motivations) en santé, qui en a dénombré plus de 400,6 soixante-dix ans, qui traite une patholo-
combinant la médecine conventionnelle peuvent être classées en différentes caté- gie (douleur, excès de masse graisseuse...)
et les MAC les plus pertinentes.3 L’objectif gories (tableau 1). par injections percutanées de faibles
est d’optimiser l’action des traitements doses de médicaments;
conventionnels par d’autres approches, – la médecine manuelle comme l’os-
et d’intégrer le patient dans les choix afin
EN FRANCE, QUATRE MAC SONT téopathie, inventée au XIXe siècle aux
RECONNUES PAR L’ORDRE…
qu’il soit acteur de sa santé. Certaines États-Unis. Elle est reconnue en tant que
MAC sont intégrées dans le parcours de L’Ordre national des médecins reconnaît pratique de première intention (sans né-
santé (acupuncture, médecine manuelle officiellement quatre MAC, qui peuvent cessité préalable de consulter un méde-
[ostéopathie, mésothérapie], homéo- faire l’objet de titres et mentions sur les cin) depuis la loi Kouchner de 2002. Elle
pathie, approches psychocorporelles plaques et ordonnances : a pour but de diagnostiquer et traiter les
[hypnose thérapeutique, méditation de – l’acupuncture, technique ancestrale dysfonctions musculosquelettiques bé-
pleine conscience]), quand d’autres ap- issue de la médecine chinoise qui consiste nignes. L’ostéopathie travaille sur l’en-
paraissent plus marginales et ont un ni- à stimuler des points névralgiques du semble des structures du corps et fait
veau de preuve scientifique quasi nul.4,5  corps avec de très fines aiguilles ; usage de massages superficiels ou pro-
Les différentes MAC recensées, notam- – la mésothérapie, technique récente, fonds, de manipulations forcées ou non ;

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 133

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT PRATIQUES ALTERNATIVES ET COMPLÉMENTAIRES
EN MÉDECINE GÉNÉRALE

– l’homéopathie, inventée en Alle-


TABLEAU 2. DESCRIPTION DES MÉDECINES ALTERNATIVES ET COMPLÉMENTAIRES (MAC)
magne au XVIIIe siècle. Elle consiste à EXERCÉES PAR LES MÉDECINS
« traiter la maladie par son semblable »,
Médecine alternative et complémentaire pratiquée* n (%)
en opposition à la médecine conven- Total = 314
tionnelle allopathique. L’objectif est
de  stimuler le corps à se soigner lui- • Homéopathie 156 (49,8)
même, en administrant une dose infini- • Acupuncture 73 (23,3)
tésimale du principe actif responsable • Mésothérapie 73 (23,3)
de la maladie (intervention inerte). Très
• Phytothérapie 64 (20,3)
populaire en France, elle est dérem-
boursée depuis 2021 en raison d’un ser- • Ostéopathie 53 (16,9)
vice médical rendu estimé insuffisant, • Sophrologie/hypnose 41 (13,1) 
plusieurs études randomisées n’ayant • Aromathérapie/florithérapie 33 (10,5)
pas montré d’efficacité supérieure à
• Magnétisme 4 (1,3)
celle du placebo.7,8
• Réflexologie 2 (0,6)
• Autres  78 (24,9)
... ET ENCORE PEU ENSEIGNÉES
DANS LES FACULTÉS DE MÉDECINE – micronutrition 11/78
FRANÇAISES  – auriculothérapie 5/78

Malgré leur forte implantation en France, – psychothérapie 5/78


les MAC sont peu enseignées aux étu- – méditation 4/78
diants, du fait du faible niveau de preuves – médecine anthroposophique 4/78
scientifiques qu’apportent la plupart
– désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires 3/78
d’entre elles.
Dans d’autres pays, comme les États- Résultats de notre enquête nationale dans 13 régions en France métropolitaine, 2021-2022.
* Plusieurs MAC possibles par médecin.
Unis ou la Suisse, elles sont intégrées
au  cursus de formation médicale.9
Plusieurs facultés de médecine fran- l’étude car non thésés). Parmi les 314 ayant
ÉTAT DES LIEUX DES PRATIQUES
çaises commencent à intégrer ces mé- répondu, 54 % étaient des femmes, et l’âge
DES MAC EN MÉDECINE GÉNÉRALE 
thodes à l’enseignement, notamment moyen était de 54,1 ans (écart type de
depuis qu’en 2021 un item est dédié Pour connaître les pratiques des méde- 12,5 ans). L’année médiane d’obtention de
aux  épreuves classantes nationales cins en termes de MAC, nous avons réali- leur thèse était 1994 ; 74,4 % exerçaient en
(ECN) informatisées.10 sé une enquête nationale auprès de mé- milieu urbain, 47,9 % étaient installés en
Des diplômes interuniversitaires (DIU) de decins généralistes français thésés. Cette cabinet de groupe, 42,8 % en cabinet seuls ;
MAC deviennent également accessibles étude observationnelle et quantitative 6,7 % déclaraient une activité mixte hospi-
aux professions paramédicales.  s’est déroulée du 22 juillet 2021 au 31 mars talière et libérale et 2,9 % travaillaient exclu-
Certains services hospitaliers les in- 2022, dans les 13 régions de la France mé- sivement à l’hôpital. Enfin, 20,6 % faisaient
tègrent également (art-thérapie dans la tropolitaine. Un questionnaire anonyme partie d’une communauté professionnelle
maladie d’Alzheimer, hypnose en anes- comportant 31 items fermés a été élaboré territoriale de santé (CPTS). 
thésie, barreurs de feu en radiothéra- par des médecins, et envoyé par mail aux Les médecins déclaraient avoir débuté
pie…).  médecins généralistes via les centres dé- leur pratique alternative tôt dans leur
La Haute Autorité de santé (HAS) sou- partementaux de l’Ordre des médecins carrière, en moyenne à 33,6 ± 7,6 ans. 
haite promouvoir les MAC par plus d’in- (CDOM). Deux envois de rappel ont été
formation médicale (via des rencontres faits. Seuls les médecins pratiquant des QUELLES MAC ?
interprofessionnelles) et en incitant les MAC ont été invités à y répondre.  L’homéopathie était la MAC la plus repré-
chercheurs à élaborer des protocoles sentée (49,8 %), devant l’acupuncture
d’essais cliniques comparatifs dans ces PRESCRIPTEURS : PLUTÔT DES FEMMES (23,3  %) et la mésothérapie (23,3  %)  ;
domaines afin d’obtenir des preuves EXERÇANT EN MILIEU URBAIN 24,8 % ont rapporté avoir d’autres pra-
scientifiques – comme pour les médica- Au total, 316 médecins généralistes ont tiques que les quatre classiques, comme
ments.1 répondu à l’enquête (2 ont été exclus de la micronutrition ou l’auriculothérapie

134 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


(tableau 2). La majorité des médecins ont TABLEAU 3. RAISONS ÉNONCÉES PAR LES MÉDECINS GÉNÉRALISTES POUR LA PRATIQUE
déclaré avoir suivi une ou des formations DES MAC ET LEURS MODALITÉS
pour la MAC exercée (diplôme présen- Caractéristiques Proportion n (%)
tiel : 77,5 % ; école : 25,1 % ; stage : 25,1 %, Total = 314
alors que 20,3 % ont répondu avoir béné-
Un événement de la vie a conduit à Oui 139 (44,4)
ficié d’une transmission par «  un
l’exercice de la/des MAC
maître »). Enfin, 6,4 % ont déclaré n’avoir Non 158 (50,5)
suivi aucune formation mais avoir un
Ne sait pas 16 (5,1)
« don » qu’ils ont développé à partir de
leur propre expérience. Raisons évoquées pour pratiquer Pas totalement satisfait 206 (65,8)
La majorité des médecins généralistes des MAC (plusieurs réponses de la médecine conventionnelle
(92,7 %) ont gardé une pratique médicale possibles)
Moins d’effets secondaires 166 (53)
conventionnelle : temps de travail consa-
cré à la médecine alternative déclaré in- Demande de leur patientèle 77 (24,6)
férieur à 10 % de leur volume horaire de Réponse à une quête spirituelle 27 (8,6)
travail pour 31,6 % d’entre eux, et égal à
Autre 124 (39,6)
75 % pour 32,3 % d’entre eux. Le mode de
consultation des médecins généralistes Place de la pratique alternative Plus lucrative 19 (6,1)
était majoritairement déclaré en présen- par rapport à la médecine
conventionnelle en termes financiers Moins lucrative 114 (36,4)
tiel (83,4 %) ; 15,7 % exercent également
par téléconsultations.  Aussi lucrative 53 (16,9)

Sans avis 127 (40,6)


POUR QUELLE(S) RAISON(S) LES
MÉDECINS GÉNÉRALISTES UTILISENT-ILS Place de la pratique Complémentaire 308 (98,4)
complémentaire par rapport
LES MAC ET SELON QUELLES MODALITÉS ?  Opposée à la médecine conventionnelle 5 (1,6)
à la médecine conventionnelle
Plus d’un tiers des médecins interrogés
(44,4 %) se sont orientés vers les MAC à la Existence de preuves scientifiques Oui 240 (76,7)
suite d’un événement particulier survenu soutenant les MAC, selon les
médecins les pratiquant Non 73 (23,3)
dans leur vie (tableau 3) ; une majorité
(65,8 %) ont choisi de pratiquer les MAC car Résultats de notre enquête nationale dans 13 régions en France métropolitaine, 2021-2022.
ils n’étaient pas totalement satisfaits de la
médecine conventionnelle (selon 53 %
d’entre eux, les MAC auraient moins d’ef- TABLEAU 4. PROFIL DES PATIENTS CONSULTANT POUR UNE MÉDECINE ALTERNATIVE
fets indésirables) ; 24,6 % évoquaient une
Caractéristiques des patients par rapport à ceux consultant Description n (%)
demande de la part de leur patientèle. Cer- pour de la médecine conventionnelle Total = 314
tains médecins ont indiqué, sur texte libre,
que les MAC permettent une « médecine Tranche d’âge Identique 220 (70,3)
holistique et globale, plus libre et grati- Plus jeune 38 (12,1)
fiante » et qu’elles « comblent les manques
Plus âgée 32 (10,2)
de la pratique conventionnelle ». D’autres
évoquaient une « curiosité intellectuelle ». Genre majoritaire Plutôt plus féminin 133 (42,5)
Certains médecins estimaient que les
Plutôt plus masculin 1 (0,3)
MAC permettent d’améliorer le contact
avec les patients. Ces réponses concordent Pas de majorité 14 (21,9)
d’ailleurs avec une publication rapportant
Secteur d’habitation Plus urbain  50 (15,9)
que les médecins ayant une formation al-
ternative considèrent avoir développé de Plus rural 7 (2,2)
plus grandes capacités relationnelles et de Pourcentage estimé de tranche d’âge pris Adultes > 70 ans (26)
communication ;11 or l’écoute et l’empathie en charge en moyenne
du médecin auraient un effet bénéfique Enfants (24,8)
réel sur le patient.12 Résultats de notre enquête nationale dans 13 régions en France métropolitaine, 2021-2022.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 135

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT PRATIQUES ALTERNATIVES ET COMPLÉMENTAIRES
EN MÉDECINE GÉNÉRALE

100 %

90 %

80 %

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0%
été
eil
n)
)
ue
.)
ire
els
ques

les
rose
ie
)
s)
m
ma
Zona

it
ues
iasis

)
ures

s
eau
e
us
ibles

s
t
e
fs
se
uel
e
t
s
, TOC

apie

men
i
tion

iome

ladie
jamb

sess
ool..

Prur

rans
yalg

l
uscu
orse
algie
ssio

esti
omm

roblè ctionne
Næv

u
ogiq

enta
sexu

orsa

nstr
Eczé
Anxi

Verr

a
e la p
Brûl
Arth

Psor

miss

énop
hoti

thér

Érup

aite
, alc
bies

du t
ibrom

s dig

e ma
Gros
Ang
épre

, ent

re de
, my
Moll
thol

t alim

e me
du s

ico-d
bles

ns d
psyc

radio

s/all
c

rans

e la m
n
(pho

leurs
taba

e
ites

on d
ur (d

ures
il pa

i e fo
Ulcè
F
bles

Cycl
cerv
Trou
men

ctio

uche
bles

ent t
ost-
ndin
Deu

enti
eux

Dou
gie (
ume

ract

es d
path
Trou

Infe
orte

leurs
Trou

es (p

e co
anxi

llem

Prév
es p
if (te
es (f
tolo
e l’h

ptôm
Colo
omp

Dou

es d
Autr
exue
bles

rmit
c
es d

port
m
i

Sym
Add
du c

Suit
i
Trou

iode
t
bl

ns s
du s
a
Trou

m
bles

Trau

Rad

ctio
leurs
Trou

Infe
Dou

SANTÉ MENTALE ORTHOPÉDIE DERMATOLOGIE HÉPATO- GYNÉCOLOGIE-


RHUMATOLOGIE GASTRO- OBSTÉTRIQUE
ENTÉROLOGIE

Figure. Maladies les plus fréquemment prises en charge par les médecines alternatives en médecine générale. TOC : troubles obsessionnels compulsifs

Sur le plan financier, 76,7 % des médecins adapté à la pathologie pour 11,2 %, gratuit/ Les séances durent majoritairement au-
généralistes ont déclaré que le prix des libre pour 6,7  %. Le prix moyen d’une tour de trente minutes (52,4 %), plutôt
consultations pour une MAC est fixe, adapté consultation est inférieur à 50 euros pour une heure pour 24 % des médecins, ou
aux revenus du patient pour 15,3 % des cas, 67,4 % et entre 50 et 100 euros pour 22,4 %. quinze minutes pour 22,4 % d’entre eux.

136 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


L’ESSENTIEL
Les autorités sanitaires incluent de plus en plus Ces pratiques, bien que de plus en plus L’apport de données scientifiques
les MAC dans les algorithmes de prise en charge de reconnues,18 doivent être encadrées par des robustes quant à leur efficacité
nombreuses maladies (douleur chronique, anxiété, formations validées, afin de gagner en qualité de et leurs limites par des essais
troubles du sommeil, troubles fonctionnels), et soins et d’éviter les dérives médicales et sectaires. comparatifs randomisés de bon
leur remboursement en soins de support et par les Elles doivent rester complémentaires et ne surtout niveau, en fonction de la pathologie
mutuelles (ostéopathie par exemple) se développe. pas exclure la médecine conventionnelle.  étudiée, est l’enjeu actuel.3

MALADIES AUX SYMPTÔMES Un risque grave, non évoqué par les mé- Chez l’enfant, les médecines alternatives
SUBJECTIFS, CIBLES PRIVILÉGIÉES decins de notre enquête mais bien décrit sont utilisées principalement pour la
POUR LES MAC  dans la littérature, est celui lié à l’arrêt prise en charge des douleurs abdomi-
Les MAC se focalisent souvent sur les des traitements conventionnels au profit nales fonctionnelles, de l’eczéma et des
maladies chroniques – pour lesquelles des médecines alternatives et complé- poussées dentaires du nourrisson. Tou-
les patients sont, à un moment de leur mentaires.17 tefois, 18,7 % des médecins répondeurs
vie, lassés des interventions médica- ont déclaré ne jamais utiliser ce type
menteuses et en quête d’autres moyens – LES PATIENTS CONSULTANT d’approche dans cette population. Plu-
et sur les affections à signes subjectifs POUR DES MAC ONT-ILS UN PROFIL sieurs raisons pourraient expliquer cette
(douleurs, fatigue, prurit).4,13 Dans notre PARTICULIER ? attitude : nombreuses maladies infan-
étude, les disciplines de consultation les Dans notre étude, il n’a pas été trouvé de tiles aiguës infectieuses chez l’enfant
plus représentées étaient la santé men- façon évidente un profil distinct des pa- pour lesquelles une médecine médica-
tale, la dermatologie et la rhumatologie- tients consultant pour des MAC par rap- menteuse conventionnelle est à privilé-
orthopédie. Les cinq affections les plus port à ceux consultant pour des soins de gier ; les symptômes (douleurs, prurit…)
prises en charge par une MAC étaient les médecine conventionnelle. Toutefois, les sont parfois difficiles à évaluer chez l’en-
syndromes anxiodépressifs, les douleurs médecins interrogés ont déclaré prendre fant, notamment en bas âge ; certaines
rachidiennes et musculotendineuses, en charge un peu plus fréquemment des MAC sont difficiles à utiliser chez les en-
les symptômes de la ménopause, les femmes, une population un peu plus ur- fants (mésothérapie, méditation…).
colopathies fonctionnelles et l’eczéma baine, sans différence d’âge (tableau 4),
(figure). y compris des enfants (qui représentaient Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien
Outre l’effet potentiel de l’intervention un quart des patients). d’intérêts
elle-même, il est possible que ces MAC
aient un effet placebo important. Il se
RÉFÉRENCES
traduit par une amélioration de l’état de
santé du patient à la suite de l’interven- 1. Haute Autorité desanté. Rapport 7. McCarney RW, Warner J, Fisher P, 12. Fauchon C, Faillenot I, Quesada
d’orientation. Développement de et al. Homeopathy for dementia. C, et al. Brain activity sustaining the
tion sans que celle-ci ait un effet biolo- la prescription de thérapeutiques modulation of pain by empathetic
Cochrane Database Syst Rev
gique propre mais passe plutôt par la non médicamenteuses validées. 2003;1:CD003803.  comments. Sci Rep 2019;9:83-98.
stimulation des ressources psychiques Avril 2011. 
8. Hawke K, van Driel ML, Buffington 13. Berna F, Göritz AS, Mengin A,
du patient.14 2. Bontoux D, Couturier D, Menkes BJ, et al. Homeopathic medicinal et al. Alternative or complementary
CJ. Thérapies complémentaires – attitudes toward alternative
La part de l’effet placebo et de l’effet bio- products for preventing and trea-
acupuncture, hypnose, ostéopa- and complementary medicines.
logique propre dans la plupart des MAC ting acute respiratory tract infec-
thie, tai-chi – leur place parmi BMC Complement Altern Med
tions in children. Cochrane Database
mérite d’être évaluée par des essais com- les ressources de soins. Bull Acad
Syst Rev 2018;9:CD005974. 
2019;19:83-95. 
paratifs randomisés.  Natle Med 2013;197:717-57.  14. Bialosky JE, Bishop MD, George
9. Bové Y, Ryckman V. L’enseigne- SZ, et al. Placebo response to manual
3.  Maizes V, Rakel D, Niemiec C.
ment de l’homéopathie en méde- therapy: something out of nothing?
Integrative medicine and pa-
LES MAC SONT-ELLES DÉPOURVUES cine générale : une nécessité ? J Man Manip Ther 2011;19:11-9. 
tient-centered care. Explore (NY)
D’EFFETS INDÉSIRABLES ? 2009;5:277-89. État des lieux. Rev Homéopathie
15. Smith MS, Olivas J, Smith K.
La motivation première des patients et des 2014;5:13-7. 
4. Alraek T, Lee MS, Choi TY, et al. Manipulative therapies: what works.
médecins pour s’orienter vers les MAC est Complementary and alternative 10. Item 327. Utilité et risques Am Fam Physician 2019;99:248-52. 
des interventions non médicamen-
la faible survenue d’effets indésirables par medicine for patients with chronic 16. Manheimer E, Cheng K, Wieland
fatigue syndrome: a systematic re- teuses et des thérapies complé- LS, et al. Acupuncture for hip
rapport aux thérapies médicamenteuses. view. BMC Complement Altern Med mentaires. In: Collège national de osteoarthritis. Cochrane Database
Toutefois, 28,7  % des médecins géné- 2011;11:87-98. pharmacologie médicale, Collège Syst Rev 2018;5:CD013010.
ralistes interrogés ont signalé des effets 5. Gray AC, Steel A, Adams J. A criti-
national des enseignants de thé-
17. Vos B, Rake JP, Vlieger A.
rapeutique. Le bon usage du médi-
indésirables réguliers, notamment une cal integrative review of comple- Adverse events associated with
mentary medicine education cament et des thérapeutiques non
majoration transitoire des symptômes, des pediatric complementary and alter-
research: key issues and empirical médicamenteuses (5 e  édition). native medicine in the Netherlands:
réactions cutanées, des douleurs ou héma- gaps. BMC Complement Altern Med Paris: Med-Line. 2021, p. 243-58.  a national surveillance study. Eur J
tomes post-acupuncture/mésothérapie, 2019;19:73-93.  11. Frenkel M, Ben-Arye E, Geva H, Pediatr 2021;180:2165-71. 
une fatigue transitoire après plusieurs in- 6.  Conseil national de l’Ordre des et al. Educating CAM practitioners 18. Ministère de la Santé et de la
terventions, des douleurs abdominales. médecins. Quelle place pour les about integrative medicine: an ap- Prévention. Les pratiques de soins
médecins complémentaires ? Web- proach to overcoming the communi- non conventionnelles (en ligne,
Ces effets indésirables dépendent de la
zine n° 3 (en ligne, consulté en no- cation gap with conventional health consulté en novembre 2022).
MAC, et spécifiquement de son caractère vembre 2022). Juillet 2015. care practitioners. J Altern Comple- Décembre 2021. https://bit.
invasif ou non.15,16 https://bit.ly/3XGHv5T. ment Med 2007;13:387-91. ly/3EUrLDK.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 137

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT
Consultation préconceptionnelle
et entretien prénatal précoce
en médecine générale
Anticiper et préparer une grossesse
Par Pierre Raynal
Service de gynécologie-obstétrique, centre hospitalier de Versailles, 78000 Versailles
praynal@ch-versailles.fr

L
a consultation préconceptionnelle
(CPC) et l’entretien prénatal précoce
(EPP) sont deux temps essentiels
pour l’anticipation et la prise en Que dire à vos patientes ?
charge optimales d’une grossesse.
Informer toute patiente ayant un désir de grossesse de l’importance de bénéficier
Ces deux dispositifs sont complé-
d’une consultation préconceptionnelle. Plus d’informations sont disponibles sur
mentaires : le premier est une consulta-
le site de l’Assurance maladie : https://bit.ly/3CpP08u
tion réalisée avant la grossesse, qui per-
met de la programmer et d’anticiper Expliquer à toute femme enceinte que l’entretien prénatal précoce est une
d’éventuelles difficultés pouvant surve- consultation obligatoire, dès le 4e mois de grossesse, que son contenu est informatif
nir (prise médicamenteuse tératogène, et qu’il permet le dépistage de vulnérabilités éventuelles. Plus d’informations sont
précautions, voire contre-indications disponibles sur le site de l’Assurance maladie : https://bit.ly/3BUUh6E
dans certaines situations de pathologies
maternelles graves, etc.) ; le second per-
met de répondre aux nombreuses ques-
tions et de repérer les vulnérabilités de consultation préconceptionnelle formations à destination du grand pu-
psychosociales du couple ou de la patiente. (CPC) avait été défendu par de nom- blic : « Consulter avant d’avoir un enfant :
Les médecins généralistes ont un rôle breuses sociétés savantes telles que la consultation préconceptionnelle ».4
majeur à jouer, dans l’un comme dans l’Académie de médecine 1 et le Collège
l’autre. national des gynécologues et obstétri- POUR QUI ET PAR QUI ?
ciens français (CNGOF). 2 Dès 2007, la La CPC s’adresse à toute patiente ou tout
Haute Autorité de santé (HAS), dans ses couple qui programme une grossesse
CONSULTATION PRÉCONCEPTIONNELLE : recommandations professionnelles sur dans un avenir proche. La plupart des
QUELLES MODALITÉS ?
« le suivi et l’orientation des femmes en- couples sont sans antécédent notable ou
La visite et le certificat prénuptiaux obli- ceintes en fonction des situations à sans pathologie. Ils trouvent là l’occasion
gatoires pour les deux conjoints, instau- risques identifiées »3, préconise de réali- de faire un bilan de santé et se voient pro-
rés en 1942 afin de prévenir et éduquer ser une CPC afin que « le risque d’une poser des mesures adaptées au bon dé-
les couples sur l’hygiène de vie, les ma- grossesse future soit apprécié le plus pré- roulement de la future grossesse.
ladies sexuellement transmissibles et la cocement possible, idéalement avant la La connaissance d’un projet de vie
contraception, ont été supprimés en grossesse ». L’Assurance maladie se fait, conjugale ou de mariage peut être l’oc-
2007. Avant cette disparition, le concept en 2022, le relais de la CPC, avec des in- casion de réaliser cette consultation. Un

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 139

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT CONSULTATION PRÉCONCEPTIONNELLE ET ENTRETIEN
PRÉNATAL PRÉCOCE EN MÉDECINE GÉNÉRALE

projet de grossesse peut aussi être dis- la recherche de facteurs de risques indi- organisée, ainsi que le recueil des
cuté lors d’un arrêt de contraception, viduels, de prise médicamenteuse, de comptes rendus et éléments d’iconogra-
d’un questionnement sur des troubles pathologie en cours pouvant impacter phie permettant l’obtention d’un dos-
de la fertilité. l’évolution d’une future grossesse (dia- sier complet. La CPC permet de dispen-
La CPC s’adresse également à toute pa- bète, hypertension artérielle, épilepsie, ser une information loyale à la patiente
tiente ayant eu une complication au antécédents de phlébites, pathologie et au couple sur les risques liés à une
cours d’une grossesse, d’un accouche- thyroïdienne, séropositivité pour le grossesse, avec parfois la nécessité de
ment précédent, avec un enfant atteint VIH…). parfaitement la planifier, ou de claire-
d’une pathologie sévère ou décédé. De L’interrogatoire est également orienté ment la déconseiller après avis et
même, tout couple dont l’un des sur d’éventuels antécédents obstétri- consultation auprès des spécialistes
membres a des antécédents personnels caux (accouchement prématuré, préé- concernés.
ou familiaux de maladie génétique clampsie, mort fœtale in utero, etc. ; C’est aussi l’occasion de faire le point sur
(mucoviscidose, hémophilie, myopa- tableau 1). les sérologies. La connaissance des séro-
thie…) peut en bénéficier : une consulta- logies pour la toxoplasmose et la rubéole
tion génétique est alors proposée afin La CPC permet de faire le point sur une – obligatoires en préconceptionnel –
d’évaluer le risque de récurrence de la pathologie maternelle préexistante à la permet, en cas de négativité, d’informer
pathologie et envisager un diagnostic grossesse, d’anticiper son retentisse- sur les mesures de prévention à adopter.
anténatal. ment sur celle-ci, et inversement. Une La sérologie syphilitique est également
La CPC peut être réalisée par tout prise en charge pluridisciplinaire, sur obligatoire, en début de grossesse, et
membre du personnel médical impli- un plateau technique adapté, peut être celle du VIH est à proposer selon les
qué dans la périnatalité : un médecin
généraliste, une sage-femme, un gyné-
cologue médical ou un gynécologue- TABLEAU 1. INTERROGATOIRE LORS DE LA CONSULTATION PRÉCONCEPTIONNELLE
obstétricien.
Le médecin généraliste a de multiples Antécédents Hypertension artérielle, diabète, complications thromboemboliques, maladies
familiaux héréditaires (hémophilie, maladie de Willebrand, mucoviscidose, drépanocytose,
occasions de sensibiliser ses patientes
myopathie…), malformations
sur l’importance de planifier une gros-
sesse ; il a toute légitimité à réaliser la Antécédents - Hypertension artérielle, diabète, épilepsie, pathologie thyroïdienne, thromboses,
CPC, étant le professionnel connaissant personnels troubles de l’hémostase, pathologie psychiatrique…
le mieux la patiente et ses antécédents.5
- Antécédents chirurgicaux (laparotomie, cœlioscopie, malformations gynécologiques
INFORMER ET IDENTIFIER LES RISQUES avec ou sans interventions, exposition in utero au distilbène…)
La visite préconceptionnelle est un mo-
- Antécédents gynéco-obstétricaux : fausse couche, grossesse extra-utérine,
ment privilégié pour faire le point avec la
accouchement prématuré, cerclage, diabète gestationnel, prééclampsie, cholestase
patiente ou les futurs parents sur leur état gravidique, extraction instrumentale, césarienne, hémorragie de la délivrance, rupture
de santé, l’intérêt d’adopter des compor- utérine, pathologie du nouveau-né (malformation, handicap, hypoxie per-partum, mort
tements hygiénodiététiques en accord fœtale in utero…)
avec la future grossesse et acquérir des
connaissances sur les conduites à risque Facteurs de risque - Âge, profession, recherche d’une pénibilité au travail, de risques professionnels
à éviter en cours de grossesse. Il ne s’agit individuels (exposition à des produits tératogènes, des bactéries ou virus, des rayonnements)
pas de médicaliser une future grossesse
- Consommation de tabac, alcool, cannabis ou autres toxiques
dont le déroulement est généralement
simple, mais d’anticiper des événements - Précarité, facteurs de vulnérabilité, violences conjugales, difficulté d’accès
pouvant être délétères lors de la gros- aux soins
sesse, qui méritent une réelle attention
et une prise en charge adaptée. Prises - Médicaments dangereux pour l’embryon, le fœtus : antivitamine-K, inhibiteurs
médicamenteuses de l’enzyme de conversion, antiépileptiques type valproate, rétinoïdes…
Tenir compte des antécédents
- Prescription systématique d’acide folique 3 mois avant la grossesse
Comme toute consultation, celle-ci com-
et durant les 12 premières semaines (400 µg/j, ou 5 mg/jour en cas d’antécédents
porte un interrogatoire de la patiente sur d’anomalies de fermeture du tube neural ou de chirurgie bariatrique)
ses antécédents personnels et familiaux,

140 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


L’ESSENTIEL
La consultation préconceptionnelle La consultation préconceptionnelle permet L’entretien prénatal précoce, obligatoire et
et l’entretien prénatal précoce sont d’anticiper le bon déroulement de la grossesse remboursé à 100 % par l’Assurance maladie, permet
deux temps essentiels d’information en évaluant le retentissement de pathologies d’informer les couples, de repérer les vulnérabilités
des femmes et des couples, et de existantes, de prises médicamenteuses ou psychosociales et les patientes à risque de dépression
repérage des vulnérabilités. de comportements hygiénodiététiques. en cours de la grossesse ou dans le post-partum.

risques. Celle de l’hépatite C n’est réali-


sée, de même, qu’en cas de facteurs de
risque. Enfin, bien qu’elle ne soit pas
obligatoire, la sérologie pour le cytomé- 1. Examen clinique lors de la consultation préconceptionnelle
galovirus est proposée d’office dans cer-
• Pression artérielle
tains établissements : cela permet d’avoir
une sérologie de référence en cas de • Taille, poids
doute sur une séroconversion en début • Examen des deux seins et aires ganglionnaires
de grossesse. • Examen gynécologique (vulve, vagin et col utérin) avec pose de spéculum
Les données de l’interrogatoire servent et toucher vaginal
aussi à orienter vers une pathologie de
l’hémostase et indiquer un dosage du
taux de prothrombine (TP) et la mesure
du temps de céphaline kaolin (TCK).
La prévention du risque médicamen-
teux est essentielle, en identifiant tout
traitement pris avant la grossesse et en
2. Questions à poser lors de l’entretien prénatal précoce
réévaluant la balance bénéfices-risques • Comment vous sentez-vous physiquement ?
de sa poursuite avec le spécialiste impli- • Comment vivez-vous les modifications de votre corps ?
qué. • Quelle est votre prise de poids et quelles sont vos habitudes alimentaires ?
Enfin, la CPC permet d’évaluer et de pré-
• Êtes-vous heureuse de cette grossesse ?
venir les risques toxiques liés à la
consommation de tabac, d’alcool, de • Comment vivez-vous votre grossesse ?
cannabis et autres drogues. • Dormez-vous bien ?
• Comment se passe votre vie professionnelle ?
Examen clinique de rigueur
• Comment se passe votre vie conjugale ?
Cette consultation comporte un examen
clinique avec prise systématique de la • Comment se projette votre conjoint dans cette paternité ?
pression artérielle, permettant le dépis- • Comment envisagez-vous l’accouchement ?
tage d’une hypertension artérielle incon- • Comment vous projetez-vous face à la péridurale et à la douleur ?
nue ou négligée. • Comment envisagez-vous de vous préparer à l’arrivée de l’enfant ?
Les mesures du poids et de la taille de la
• Quelles sont vos préoccupations ?
patiente avec calcul de l’indice de masse
corporelle permettent de dépister une • Qu’attendez-vous de la préparation à la naissance ?
obésité (IMC ≥ 30) ou une dénutrition • Quel est votre projet alimentaire pour le bébé ?
(IMC ≤ 18) et d’orienter éventuellement • Avez-vous réfléchi à un mode de garde pour l’enfant après votre congé maternité ?
vers un spécialiste.
L’examen gynécologique comprend un
examen des deux seins et des aires
ganglionnaires, la pose d’un spéculum - la vaccination contre la coqueluche est - la sérologie de l’hépatite B est égale-
pouvant révéler des anomalies cervico- mise à jour pour la patiente et conseillée ment utile (si elle est négative, la vacci-
vaginales et permettant la réalisation pour tous les membres de l’entourage nation peut être proposée) ;
d’un frottis cervico-vaginal si besoin, familial en contact avec le futur enfant ; - la vaccination contre le SARS-CoV-2 est
ainsi qu’une inspection vulvaire à la re- - les vaccinations contre la diphtérie, à proposer avant même la conception.
cherche des mutilations génitales le tétanos et la poliomyélite, la rougeole,
(encadré 1). les oreillons et la rubéole doivent être Prévention des carences
à jour ; La CPC est l’occasion de prévenir le
Vérifier le statut vaccinal - une vaccination contre la varicelle est risque carentiel par la prescription systé-
Avant la grossesse, il convient de s’assu- conseillée aux patientes sans antécédent matique d’acide folique trois mois avant
rer que les schémas vaccinaux sont com- clinique de varicelle (un contrôle sérolo- la grossesse et durant les douze pre-
plets (tableau 2) : gique préalable peut être pratiqué) ; mières semaines (400 μg/j, ou 5 mg/j en

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 141

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT CONSULTATION PRÉCONCEPTIONNELLE ET ENTRETIEN
PRÉNATAL PRÉCOCE EN MÉDECINE GÉNÉRALE

TABLEAU 2. BILAN BIOLOGIQUE ET VACCINATIONS LORS DE LA CONSULTATION inscrite dans le rapport sur les 1 000 pre-
PRÉCONCEPTIONNELLE miers jours de vie produit par une com-
mission scientifique pluridisciplinaire.7
Bilan biologique - Hémogramme ; sérologies toxoplasmose et rubéole obligatoires
Il s’agit d’une occasion de dépister tôt
- Sérologie cytomégalovirus proposée
dans la grossesse un risque de dépres-
- Sérologie syphilis obligatoire en début de grossesse sion pour la femme – dépistage précoce
- Sérologies VIH, hépatite C et TP TCK si facteurs de risque d’autant plus important que le suicide
est actuellement la deuxième cause de
Vaccinations à vérifier - Coqueluche
décès maternel.8
- Diphtérie, tétanos, poliomyélite
Seules 28,5 % des femmes déclaraient
- Rubéole, oreillons, rougeole avoir bénéficié d’un EPP lors de l’enquête
- Hépatite B nationale périnatale réalisée en 2016 ;
- Covid il  concernait préférentiellement des
populations de bon niveau socio-écono-
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; TP : dosage du taux de prothrombine ; TCK : mesure du temps de céphaline kaolin.
mique, alors qu’un de ses rôles est de
permettre le repérage des patientes
cas d’antécédents d’anomalie de ferme- QUAND ET COMMENT SE DÉROULE-T-IL ? ayant des vulnérabilités psychologiques
ture du tube neural ou de chirurgie baria- L’EPP peut avoir lieu à n’importe quel ou sociales.9 Le médecin généraliste est
trique). stade de la grossesse. Dans les faits, il se en première ligne pour réaliser cet EPP
Une prescription de supplémentation déroule le plus souvent au début du deu- ou s’assurer que ses patientes enceintes
martiale est également possible en cas xième trimestre lorsque le risque de en ont bien bénéficié. 
d’anémie ferriprive identifiée ou de ré- fausse couche a diminué. Cet entretien
gime carencé. est un temps d’échange d’une durée de L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
quarante-cinq minutes à une heure ; il
permet de préciser plusieurs éléments sur
ENTRETIEN PRÉNATAL PRÉCOCE‚: les ressentis de la patiente (encadré 2).
UN PRÉCIEUX TEMPS D’ÉCHANGE
Depuis le 1er mai 2020, l’EPP est obliga- RÉFÉRENCES
Inscrit dans le plan de périnatalité 2005- toire et intègre le parcours de grossesse 1. Dreux C, Crépin G. Prévention des risques pour l’en-
fant à naître. Nécessité d’une information bien avant
2007, l’entretien prénatal précoce (EPP) avec les sept examens prénataux. Il est la grossesse. Bull Acad Nat Med 2006;190(3):713-23.
est un moment d’échange entre les futurs remboursé à 100 % par la Sécurité sociale 2. Luton D. Plaidoyer pour une consultation précon-
parents et un professionnel de santé im- et l’importance de sa généralisation est ceptionnelle. Brèves de Collège, CNGOF, 14 décembre
pliqué dans le suivi de la grossesse : méde- 2007.
cin généraliste, sage-femme, gynécologue 3. HAS. Projet de grossesse : informations, messages
de prévention, examens à proposer. 2009.
médical ou gynécologue-obstétricien.
4. Assurance maladie. Consulter avant d’avoir un en-
fant : la consultation préconceptionnelle [en ligne].
INFORMER ET REPÉRER Septembre 2022 [consulté en mai 2022]. Disponible
sur https://bit.ly/3CpP08u
LES VULNÉRABILITÉS
5. Valin MS. État des lieux et freins de la consultation
Ce rendez-vous sert surtout à identifier préconceptionnelle chez les médecins haut-nor-
les besoins du couple en matière d’infor- mands en 2017 [thèse pour le doctorat en médecine].
mations, apprécier leur environnement Faculté mixte de Rouen, UFR de médecine et de phar-
macie, 2018.
social, leur santé psychique et les éven-
6. Molenat F. Le tournant du plan périnatalité 2005-
tuels points de vulnérabilité. Le couple 2007. Contraste 2007;1(26):127-35.
peut se renseigner sur les séances de pré- 7. Ministère des Solidarités et de la Santé. Rapport
paration à l’accouchement, évoquer le de la commission des 1 000 premiers jours. Septembre
2020.
projet de naissance et la manière dont il
8. Inserm, Santé publique France. Les morts maternelles
se projette dans sa parentalité. L’EPP est en France : mieux comprendre pour mieux prévenir. 6e rap-
aussi l’occasion de faire le point sur l’état port de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts
de santé de la femme enceinte, d’organi- maternelles (ENCMM) 2013-2015. 2021, 237 p.
© ADOBE STOCK

ser le suivi de grossesse en orientant si 9. Blondel B (Inserm), Gonzalez L, Raynaud P. (dir.), et al.
Enquête nationale périnatale 2016. Les naissances et
nécessaire la patiente vers un praticien les établissements, situation et évolution depuis 2010.
adapté.6 Drees, rapport, octobre 2017.

142 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT
Hypominéralisation
molaires incisives
Agir rapidement !
Par Camille Boeffard1, Serena Lopez2
1. Interne en médecine bucco-dentaire, Centre de soins, d’enseignement et de recherche dentaires, CHU de Nantes
2. Professeur des universités, praticien hospitalier, Centre de soins, d’enseignement et de recherche dentaires,
département d’odontologie pédiatrique, université et CHU de Nantes
serena.lopez@univ-nantes.fr

L’
hypominéralisation molaires inci-
sives  (MIH, pour «  molar incisor
hypomineralisation  ») touche un
enfant sur sept au niveau mondial,
avec des répercussions importantes
sur la santé bucco- dentaire et  la
qualité de vie des enfants atteints.
Anomalie de la structure de l’émail, la
MIH se traduit par un défaut qualitatif de
l’émail sur au moins une des quatre pre-
mières molaires permanentes, associé ou
non à une atteinte d’une ou plusieurs in-
cisives permanentes (fig. 1).1 Les autres
dents permanentes sont plus rarement
atteintes. On peut également retrouver Figure 1. Atteinte MIH sur la dent n° 36 (première molaire permanente mandibulaire gauche) et HSMP
une atteinte similaire au niveau des deu- sur la dent n° 85 (deuxième molaire temporaire mandibulaire droite).
xièmes molaires temporaires, appelée
alors HSPM (hypomineralised second pri-
mary molars). Un enfant atteint de HSPM
a 5 fois plus de risque d’être atteint de MIH
en dentition permanente.

UN DIAGNOSTIC CLINIQUE
Le diagnostic repose sur l’observation
clinique  : des opacités  (taches)
blanches, beiges ou brunes de taille
variable sont présentes et visibles sur les
dents atteintes (fig. 1, 2 et 3). Les opacités,
bien démarquées, sont présentes dès
l’éruption de la dent et leur taille ne se
modifie pas dans le temps. Cependant,
l’émail étant plus fragile, des fractures Figure 2. Atteintes MIH sur les premières molaires permanentes maxillaires (dents n° 16 et 26).
amélaires postéruptives sont obser- Noter l’asymétrie des lésions et les pertes de substances.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 143

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


MISE AU POINT HYPOMINÉRALISATION MOLAIRES INCISIVES

vées, entraînant des pertes de substance générale des patients et une susceptibi-
surtout au niveau des molaires, qui sont lité génétique  (interactions génome-
soumises aux forces de la mastication. environnement).3
L’atteinte est asymétrique, c’est-à-dire
que pour un même patient sa sévérité
peut varier d’une dent à l’autre, allant
UN IMPACT ESTHÉTIQUE MAIS
PAS SEULEMENT !
d’une absence d’atteinte à une perte de
substance importante, en passant par une Comme l’émail est poreux, des hyper-
dyschromie discrète. Si une tache est ob- sensibilités (thermique et mécanique)
Figure 3. Atteintes MIH modérées à sévères
servée sur une incisive permanente, il est au niveau des dents atteintes sont parfois sur des incisives permanentes maxillaires (dents
important d’examiner les molaires per- décrites, rendant l’alimentation, la mas- n° 11, 12, 21, 22)
manentes. Le médecin généraliste doit tication et le brossage plus difficiles.
alors évoquer une anomalie de structure L’hygiène bucco-dentaire défectueuse
dentaire et orienter le patient vers un entraîne alors une accumulation de
chirurgien-dentiste. Celui-ci confirmera plaque dentaire, d’où un risque plus
le diagnostic de MIH ou établira un autre élevé de développement de lésions ca-
diagnostic. Les diagnostics différen- rieuses, d’autant plus en cas de fractures
tiels sont : postéruptives de l’émail.
• l’hypominéralisation d’origine trauma- Les dents atteintes se carient plus facile-
tique ou infectieuse, qui se manifeste ment et le développement de la lésion
également par des opacités amélaires carieuse est plus rapide. Cela peut être Figure 4. Infiltration résineuse et restaurations
– dans ce cas, des antécédents de trauma- responsable de douleurs mais également collées des incisives (dents n° 11, 12, 21, 22)
tismes dentaires ou d’infections sur d’un délabrement dentaire important
les dents temporaires sont retrouvés à dans les cas sévères.
l’interrogatoire ; La présence d’opacités sur les incisives cariogène et brossage avec un dentifrice
• la fluorose, qui occasionne des lésions peut aussi avoir un impact esthétique fluoré contenant au moins 1 450 ppm de
symétriques ; qui altère la qualité de vie et l’estime de fluor sans rinçage de la bouche. L’appli-
• l’amélogenèse imparfaite, maladie de soi des patients. cation de vernis fluoré en topique par le
structure de l’émail rare touchant l’en- Ces enfants reçoivent des traitements chirurgien-dentiste tous les trois à six
semble des dents temporaires et perma- dentaires répétés plus ou moins invasifs, mois permet de prévenir l’apparition de
nentes.2 à un âge relativement jeune, pouvant en- lésions carieuses. Des scellements de sil-
traîner une anxiété vis-à-vis des soins lons sont réalisés au niveau des molaires
dentaires. Cela peut être exacerbé par atteintes mais non cariées ni délabrées.5,6
ORIGINE MULTIFACTORIELLE le fait que les dents atteintes de MIH sont L’approche curative se fonde sur le prin-
PROBABLE
difficiles à anesthésier.4 Par ailleurs, les cipe d’économie tissulaire en étant le
L’étiologie de la MIH n’est pas encore clai- restaurations ont une durée de vie ré- moins invasif possible. Dans le cas de lé-
rement identifiée. La période prénatale duite, entraînant des reprises de soins sions carieuses ou de pertes de substance,
et celle de la petite enfance sont concer- fréquentes. Selon certains auteurs, les le chirurgien-dentiste utilise des tech-
nées : il s’agit en effet des périodes de enfants atteints de MIH nécessitent en niques de restauration habituelles. Le
minéralisation des dents touchées. moyenne dix fois plus de traitement que choix thérapeutique dépend de la locali-
Certaines corrélations avec les maladies les autres.1 sation de la lésion, de son étendue,
prénatales, périnatales et post-natales, du risque carieux individuel de l’enfant, et
l’exposition à des antibiotiques ou à des de sa coopération. Sur les molaires perma-
produits chimiques et perturbateurs
DÉPISTER, PRÉVENIR, TRAITER nentes, une restauration par un matériau
endocriniens tels que la dioxine, le bis- La prise en charge est bien codifiée.2,5 collé (type résine composite), le collage
phénol A et les biphényles polychlorés L’approche préventive, consistant en une d’une pièce prothétique (onlay/overlay) ou
ont été décrites, mais le niveau de preuve détection et une prévention précoces, est une couronne pédiatrique préformée sont
est encore insuffisant. L’origine acquise une des clés dans la prise en charge des envisagés en fonction du délabrement.2,5,7,8
semble être multifactorielle, impli- MIH. Des règles d’hygiène alimentaire Dans les cas sévères, l’avulsion de la dent
quant des facteurs environnementaux, et bucco-dentaire doivent être rigou- peut être envisagée en concertation pluri-
des facteurs intrinsèques liés à la santé reusement suivies : alimentation non disciplinaire avec l’orthodontiste.

144 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


L’ESSENTIEL
La MIH est une anomalie de Le diagnostic est clinique: Les conséquences sont multiples : hypersensibilité dentaire,
la structure de l’émail qui atteint présence de taches formation de caries, délabrement dentaire, impact sur la
certaines dents permanentes dès leur blanches, beiges ou brunes, qualité de vie. Le jeune patient doit donc être adressé le plus
éruption (au moins 1 des 4 molaires). à présentation asymétrique. précocement possible pour une prise en charge adaptée.

Les dents antérieures ont rarement


des pertes de substance ou des lésions RÉFÉRENCES
1. Weerheijm KL, Mejàre I. Molar incisor anesthésiques : comment traiter effi- 7. Lagarde M, Vennat E, Attal JP. Mi-
carieuses ; la problématique réside dans hypomineralization: A questionnaire in- cacement nos patients ?  Rev Francoph crostructure de l’émail atteint d’hypo-
l’aspect disgracieux des lésions (fig. 3). ventory of its occurrence in member Odontol Pediatr 2021;16(4):165-9. minéralisation et conséquences
Pour la gestion de ces taches, des trai- countries of the European Acade- 5. Lygidakis NA, Garot E, Somani C, et cliniques sur la reconstruction en
my of Paediatric Dentistry (EAPD). technique direct des molaires at-
tements plus ou moins invasifs al. Best clinical practice guidance for
Int J Paediatr Dent 2003;13(6):411-6. teintes. Rev Francoph Odontol Pediatr
peuvent être envisagés seulement pour clinicians dealing with children pre-
2. Muller-Bolla M. Guide d’odontologie senting with molar-incisor-hypomine- 2021;16(4):170-3.
des enfants avec une bonne hygiène pédiatrique, la clinique par la preuve. ralisation (MIH): An updated European 8. Gelle MP, Maillet C, Siu Paredes F.
bucco-dentaire et une coopération suffi- 3e édition. Paris : Éditions CdP ; 2022. Academy of Paediatric Dentistry po- Hypominéralisation molaires-inci-
604 p.
sante : micro-, macro-abrasion, ou in- licy document. European Archives of sives sévère : prise en charge des
3. Strub M, Jung S, Clauss F. Pour- Paediatric Dentistry 2022;23(1):3-21. premières molaires permanentes
filtration résineuse.9 Ils sont utilisés immatures.  Rev Francoph Odontol
quoi mon patient présente-t-il une 6. Hernandez M, Droz D. Les hypominé-
seuls ou en combinaison et nécessitent hypominéralisation molaire-inci- ralisations molaires-incisives (MIH) : Pediatr 2021;16(4):174-80.
parfois la réalisation d’une restauration sive ?  Rev Francoph Odontol Pediatr prise en charge des hypersensi- 9. Attal JP, Tirlet G, Houari S. Peut-
collée en résine composite (fig. 4). 2021;16(4):154-7. bilités et programme prophylac- on traiter par érosion/infiltration les
Un suivi régulier est essentiel afin de 4. Leverd C, Marquiller T, Delafosse C, tique. Rev Francoph Odontol Pediatr taches colorées antérieures de MIH ?
et al. MIH, entre anxiété et difficultés 2021;16(4):158-64. Clinic 2021;42(406):841-5.
mettre en place l’approche préventive de
manière efficace et de dépister au plus tôt
les lésions carieuses et/ou les pertes de Camille Boeffard déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
substance afin de les prendre en charge Serena Lopez déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles et avoir été
efficacement. prise en charge à l’occasion de déplacement pour congrès par Sprig Oral Health Technologies.

BULLETIN D’ABONNEMENT
Á envoyer avec votre règlement à :
Global Média Santé - Service abonnements
Tour Voltaire, 1 Place des Degrés, CS 80235, Puteaux 92059 Paris La Défense
Je complète mes coordonnées :

 M.  Mme Spécialité

q OUI, je m’abonne pour un an à Nom Prénom


SIMPLE

La Revue du Praticien (10 n ) os


N° Rue
+ accès aux articles et archives sur larevuedupraticien.fr Code postal Ville
au tarif de 182 € au lieu de 242 € soit 25 % de réduction
Tél. E-mail
q J’accepte de recevoir les newsletters de La Revue du Praticien
q OUI, je m’abonne pour un an au couplage
La Revue du Praticien (10 nos) Je m’abonne pour un an et je joins mon règlement :
DUO

+ accès aux articles et archives sur larevuedupraticien.fr


 par chèque à l’ordre de Global Média Santé
+ La Revue du Praticien - Médecine Générale (10 nos)
au tarif de 251 € au lieu de 472 € soit 47% de réduction  par carte bancaire (Sauf American Express) Date et signature obligatoires

Vous pouvez acquérir séparément La Revue du Praticien-Médecine Générale au prix de 172 € N°

Pour tous renseignements : abo@gmsante.fr - Tél. : 01 55 62 68 50 Expire fin


Offre valable jusqu’au 31/12/2023

q Je souhaite recevoir une facture acquittée Conformément à la loi Informatique et libertés, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour les informations vous concernant, que vous pouvez exercer
q J’accepte d’être inscrit au site egora.fr librement auprès de Global Média Santé, service abonnements - Tour Voltaire, 1 Place des Degrés, CS 800235 Puteaux 92059 Paris La Défense Cedex

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 145

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


VOS PATIENTS
À bout… Figure 1.

Fracture de
fatigue Figure 2.

Par Jérémy Comblet, Émilie Jarousseau-Dumontet,


Xavier Martin Cliniquement, le patient décrit une douleur localisée sous
Antenne médicale de Brie-la-Braconne, 16021 Angoulême Cedex la première tête métatarsienne à la phase digitigrade du pas,
comblet69@yahoo.fr d’apparition progressive lors de la pratique sportive en charge.
L’examen de la marche fait apparaître une boiterie d’évi-
Gilles, 25 ans, militaire et sportif régulier, consulte
tement, avec un report d’appui antalgique au bord latéral
pour une douleur de l’avant-pied droit à l’appui évoluant
du pied. La palpation confirme le caractère localisé de la dou-
depuis plusieurs semaines.
leur en regard du sésamoïde médial ou latéral, pouvant être
L’interrogatoire révèle que cette douleur, localisée en exacerbée par la flexion dorsale de l’hallux.2
regard de la face plantaire du premier rayon, est survenue L’examen cherche à mettre en évidence un trouble de la statique
de manière progressive dans un contexte de majoration plantaire (hallux valgus, hallux rigidus, pied creux pronateur)
notable de son volume d’entraînement sportif en vue de pouvant favoriser un hyper-appui sur le premier rayon du pied.
la préparation d’un marathon. Apparaissant initialement La radiographie est l’examen de première intention pour
lors de la course à pied prolongée, elle est désormais quasi les pathologies sésamoïdiennes. Les incidences axiales des sésa-
constante à la marche, et calmée par le repos en décharge. moïdes de Walter-Müller (en décharge) ou de Güntz (en charge)
À l’examen clinique, l’articulation métatarso- permettent de visualiser les sésamoïdes de l’hallux ,à la recherche
phalangienne du premier rayon est non œdématiée, d’un aspect fragmenté, et d’éliminer les diagnostics différen-
non inflammatoire. Le testing des tendons de l’extenseur tiels (sésamoïde bipartita, ostéonécrose avasculaire).3
propre et du fléchisseur propre de l’hallux est indolore. L’échographie, réalisée par un opérateur expérimenté, met en
La palpation retrouve une douleur élective localisée évidence une fragmentation de la corticale osseuse.
en regard du sésamoïde médial. L’IRM objective la fracture de fatigue du sésamoïde par un
La radiographie avec incidence axiale des sésamoïdes hypersignal en séquence T2.
met en évidence un aspect fragmenté et hétérogène du La prise en charge de première intention repose sur les
sésamoïde médial (fig. 1). antalgiques et sur la mise en place d’une décharge du sésa-
L’échographie décèle une effraction de la corticale moïde incriminé par la confection d’une orthèse plantaire com-
du sésamoïde médial, confirmant le diagnostic de fracture portant un appui rétrocapital et un évitement sésamoïdien, afin
de fatigue (fig. 2). de baisser les contraintes à l’appui.2
Des infiltrations locales de dérivés de la cortisone, à visée
antalgique, peuvent également être envisagées.
L’arrêt de la pratique sportive en cause est impératif. L’évo-

DISCUSSION lution vers la guérison est lente, de six mois à un an.


En l’absence d’efficacité, une immobilisation par botte plâtrée
en décharge pendant six semaines est parfois préconisée.4
La fracture de fatigue est une maladie d’adaptation de l’os En dernier recours, une prise en charge chirurgicale (sésamoï-
« sain » à l’effort lorsqu’il est soumis à des contraintes répétées dectomie) peut être discutée.
inférieures au seuil fracturaire. S’ensuit un remodelage du tissu
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
osseux entraînant une insuffisance osseuse focale et temporaire
pouvant conduire, lorsque le point de rupture est atteint, à une
fracture partielle ou complète. RÉFÉRENCES
Les fractures de fatigue des sésamoïdes de l’hallux sont peu 1. Ribbans WJ, Hintermann B. Hallucal sesamoid fractures in athletes: diagnosis
and treatment. Sports Orthop Traumatol 2016;32(3):295-303.
fréquentes (1 à 4 % des fractures de fatigue) et généralement
2. Mainard D. Hallux valgus, hallux rigidus et pathologies sésamoïdiennes.
retrouvées chez les sportifs pratiquant à haute intensité l’athlé- Rev Rhum 2014;81(2):93-9.
tisme, la danse ou la gymnastique. Le sésamoïde médial est 3. Damiano J. Douleurs de l’avant-pied : podologie. Rev Prat 2010;60(3):345-52.
atteint dans 77 % des cas.1 4. Cohen BE. Hallux sesamoid disorders. Foot Ankle Clin 2009;14(1):91-104.

150 LALA
REVUE DUDU
REVUE PRATICIEN MÉDECINE
PRATICIEN GÉNÉRALE
MEDECINE - TOME
GÉNÉRALE 37XX
- TOME - N° 1075 -- MARS
- N°XXX 2023
XXXX 20XX

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


ARRÊT SUR IMAGE
Taches sur tache
OBSERVATION
Inès, 53 ans, a constaté
que la « tache de
naissance » de l’une de
ses cuisses (figure) avait
évolué. La lésion était
auparavant composée
de papules pigmentées
polychromiques sur un
fond très discrètement
hyperpigmenté.
La base s’est éclaircie
et les lésions centrales
ont foncé.

Par
Pierre Francès1, TITRE
Thomas Cavailhès2, texte courant
Chloé Liger3,
Chloé Lebreton3
1. Médecin généraliste,
NÆVUS SPILUS OU NÆVUS SUR NÆVUS
66650 Banyuls-sur-Mer Le nævus sur nævus est une tumeur mélanique fréquente. Il apparaît
2. Interne en médecine
le plus souvent dans l’enfance, chez les sujets à phototype clair.
générale, 34000 Montpellier
3. Externe, 34000 Son incidence (près de 2 % de la population) ne dépend ni de l’origine ethnique
Montpellier
Externe, 34000 Montpellier
du patient ni de son sexe.
frances.pierre66650 Cliniquement, trois types macroscopiques sont décrits : petite ou
@gmail.com moyenne taille (< 20 cm), zoniforme et géant. La lésion a la forme d’une plage
café au lait surmontée de macules ou de papules plus pigmentées, donnant
un aspect moucheté à la lésion. Les bords sont nets. Les nævus sur nævus
peuvent être maculeux ou papuleux. La forme maculeuse est peu évolutive.
En revanche, la forme papuleuse peut évoluer : la pigmentation se modifie
en surface et la base s’éclaircit.
En histologie, il s’agit d’un lentigo (hyperplasie mélanocytaire) associé à
des cellules næviques.
POUR EN SAVOIR PLUS Même si elle est exceptionnelle, la transformation maligne reste possible.
Abecassis S, Spatz A, Cazeneuve C.
Mélanome malin sur nævus spilus :
La prise en charge repose donc sur une surveillance régulière : tout
cinq observations. Annales de changement de taille ou de forme de la lésion doit faire adresser le patient
dermatologie et de vénéréologie
2006;133(4):323-8. en consultation spécialisée.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 151

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


ARRÊT SUR IMAGE
CommeDroopy
OBSERVATION
observation

Eugénie, 64 ans,
consulte pour une
gêne au niveau des
paupières supérieures,
qui tombent, avec une
aggravation au fil des
années, entraînant une
Par
réduction
AUTEUR du champ
visuel et un désagrément
Adresse.
esthétique (figure).
AUTEUR
Adresse.
Par
Pierre
AUTEURFrancès ,
1

Adam Merikhi ,
Adresse.
2

Odile Halbout3,
Madeleine
AUTEUR Stoumen3
Adresse.
1. Médecin généraliste, DERMATOCHALASIS
66650 Banyuls-sur-Mer
Pathologie palpébrale fréquente, le dermatochalasis est bien souvent lié
2. Interne en médecine
générale, 34000 Montpellier au vieillissement cutané. Il apparaît généralement chez les patients âgés de plus de
3. Externe, 40 ans, bien que des cas de dermatochalasis congénitaux soient recensés.
34000 Montpellier
Certains facteurs sont favorisants : photoexposition importante, tabagisme,
frances.pierre66650
@gmail.com
TITRE
hérédité.
Cliniquement, le relâchement tissulaire de la paupière supérieure génère
un repli au-delà de la zone palpébrale classique, se prolongeant par le dessous,
vers le globe oculaire.
Le dermatochalasis peut être à l’origine d’une gêne visuelle du fait
d’une obstruction partielle du champ visuel supérieur. Cette anomalie anatomique
est souvent associée à un prolapsus du tissu adipeux mais aussi à une laxité des
septums orbitaires.
La prise en charge dépend du niveau de gêne fonctionnelle et esthétique.
Dans la majorité des cas, les patients refusent tout acte chirurgical. S’il est accepté,
il consiste en une blépharoplastie (excision myocutanée au niveau du pli naturel
de la paupière supérieure) et est pris en charge par l’Assurance maladie dès lors que
POUR EN SAVOIR PLUS
Schlote T, Grüb M, Mielke J, et al.
l’amputation du champ visuel est supérieure ou égale à 30 °. La cicatrice est souvent
POUR
Atlas deEN SAVOIR PLUS
poche d’ophtalmologie. discrète et la fonctionnalité palpébrale retrouvée dès le premier mois suivant
Paris: Flammarion Médecine-

Sciences; 2004. l’intervention.
Texte courant .

152 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023

Tous droits réservés La Revue du Praticien


ARRÊT SUR IMAGE
Majoration
OBSERVATION
Le jeune Vincent, 7 ans,
consulte car, depuis
quelques semaines,
il a des saignements
au niveau de la bouche.
Sa mère a constaté une
fragilité plus importante
de ses gencives. L’examen
objective une hyper-
trophie gingivale (figure).
Cette manifestation
est contemporaine de
la prise de ciclosporine
pour un syndrome
néphrotique résistant
aux traitements usuels.
HYPERTROPHIE GINGIVALE
Par DUE À LA CICLOSPORINE
Pierre Francès1, L’augmentation de volume gingival peut être d’origine iatrogène
Camila Quiterio (antagonistes calciques, anticonvulsivants, ciclosporine). Cette hypertrophie
De Carvalho2,
peut également survenir lors d’une grossesse, durant la ménopause, au cours
Nicolas Perolat3,
Jean-Baptiste Roussel4 d’une pathologie hématologique (leucémie notamment), d’une carence en
1. Médecin généraliste vitamine C ou de maladies systémiques (sarcoïdose, maladie de Crohn, amylose,
66650 Banyuls-sur-Mer sarcome de Kaposi, neurofibromatose…).
2. Interne en médecine
générale, programme L’hypertrophie gingivale à la ciclosporine est observée, selon les études,
Hippokrates, Saõ Paulo, chez 10 à 97 % des patients. Elle se manifeste dès le premier mois d’administration
Brésil
de l’immunosuppresseur et jusqu’au douzième mois après la dernière prise. Ce
3. Interne en médecine
générale, 93140 Bondy phénomène est favorisé par la préexistence de problèmes parodontaux (contexte
4. Externe, 34000 Montpellier d’hygiène buccale aléatoire). Il peut également être majoré lors de l’administration
frances.pierre66650
@gmail.com.
concomitante d’un traitement par macrolides, ou d’une corticothérapie.
Cliniquement, on observe des bourrelets gingivaux qui touchent le plus
POUR EN SAVOIR PLUS souvent une arcade dentaire sur deux. Dans certains cas, l’hypertrophie peut
Mahé E. Effets indésirables gêner considérablement certains mouvements mandibulaires. Parfois, les lèvres
cutanés des traitements immuno-
suppresseurs. Le Courrier de la
sont également le siège d’une hypertrophie.
transplantation 2010;X(1):10-4. Sur un plan histologique, on note une fibrose et un infiltrat inflammatoire.
Gauthier A, Rupin C, Rosec P, et al.
Accroissement gingival médica-
Le traitement repose sur l’arrêt ou la modulation du médicament en cause
menteux : un effet indésirable lorsque c’est possible. L’hygiène buccale doit être rigoureuse (réalisation de bains
parfois majeur. Sang Thrombose
Vaisseaux 2010;22(1):44-6. de bouche et de détartrages réguliers).

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 37 - N° 1075 - MARS 2023 153

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE


OXYGÈNE PUBLIEZ VOS IMAGES
SUR CETTE PAGE
Adressez vos photos à rdpmg@gmsante.fr, avec le nom de l’auteur, une légende (150 signes au maximum)
et une courte biographie du photographe (600 signes au maximum), sans oublier l’autorisation de publication.

« LÉONARD DE VINCI ET L’ANATOMIE, LA MÉCANIQUE DE LA VIE »


Exposition du 9 juin au 17 septembre 2023
au château du Clos Lucé, à Amboise (Indre-et-Loire)
Cette exposition plonge le visiteur au cœur des années du Léonard
de Vinci anatomiste, au moment de l’émergence de nouvelles
méthodes scientifiques, comme la dissection. L’artiste a cherché,
durant trente ans, à percer le mystère de la vie et à décrypter le corps
humain. Cette quête est présentée dans un parcours mêlant livres
d’époque, dessins originaux du XVIe siècle de ses disciples, fac-
similés, maquettes anatomiques, instruments de dissection…

Château du Clos Lucé - Parc Leonardo da Vinci


Léonard de Vinci, folio du Codex Windsor (fac-similé).
Os du pied et de l’épaule.
Château du Clos Lucé - Parc Leonardo da Vinci

Château du Clos Lucé - Parc Leonardo da Vinci


Château du Clos Lucé - Parc Leonardo da Vinci

Léonard de Vinci, folio du Codex Léonard de Vinci, folio du


Léonard de Vinci, folio du Codex Windsor (fac-similé). Windsor (fac-similé). Anatomie Codex Windsor (fac-similé).
Appareil cardiovasculaire et principaux organes de la femme. superficielle de l’épaule et du cou. Fœtus dans l’utérus.

LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GÉNÉRALE - TOME XX - N°XXX - XXXX 20XX 155

TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE GENERALE

Vous aimerez peut-être aussi