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santé mentale
w w w. s a n t e m e n t a l e . f r
Dossier
Burn-out: comprendre
et accompagner
S A N T É / S O C I A L / É D U CAT I O N / M É D I C O - S O C I A L
CERF,
400 formations
au service de votre
épanouissement professionnel
PSYCHOLOGIE - PSYCHIATRIE
Psychiatrie d’urgence, soins spécifiques en urgence psychiatrique 16 au 20/03/2015 Paris
- Niveau 1
Dépendance et conduites addictives 23 au 27/03/15 Paris
Deuil et clinique du deuil 07 au 10/04/15 Paris
Troubles des contenants de pensée et difficultés d’apprentissage 07 au 10/04/15 La Rochelle
EFFICACITÉ PROFESSIONNELLE ET TRAVAIL EN EQUIPE
Catalogue
Le “burn out”. L’épuisement professionnel et ses dangers 16 au 20/03/15 La Rochelle
Leadership “le personnel” et “le management” - Niveau 1 30/03 au 03/04/15 Lyon
2015
disponible
Changement et/ou permanence. 18 au 22/05/15 La Rochelle
Comment passer du subir au devenir ?
La fonction coordination et animation dans une équipe : 01 au 05/06/15 Lyon
le management sans lien hiérarchique
ACCOMPAGNEMENT D’ENFANTS ET D’ADOLESCENTS
La dépression et la maladie mentale des parents. 09 au 13/03/15 Paris
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Isabelle Lolivier
RÉDACTRICE EN CHEF
Isabelle Lolivier (01 42 77 55 30)
23
RÉDACTION
Valérie Westphal (Actualités)
Louis Joseph (Lu quelque part)
Virginie de Meulder
(Les petits bonheurs du soin)
Ascodocpsy (Pour en savoir plus)
Viviane Beltrame, Sophie Le Mignon Dossier :
Burn-out : comprendre
(indexation des articles)
PUBLICITÉ
et accompagner
Béatrice Bertelli (01 42 77 55 31)
ABONNEMENTS
Virginie Langlais (01 42 77 52 77)
CRÉATION GRAPHIQUE
24 Définir le burn-out – Michel Delbrouck
Laëtitia Loas, Mamma Mia Design 30 Risques organisationnels et burn-out – Christine Jeoffrion, Abdel Halim Boudoukha
MAQUETTE 36 Burn-out, idéal du moi et désir – Vincent Charazac
Brigitte Ourlin
42 La fatigue de soigner – Pierre Canouï
IMPRESSION
Imprimerie de 48 Le sentiment de satisfaction au travail – Jean-Paul Lanquetin
Champagne,
52200 Langres 54 Retrouver le plaisir de soigner – Martine Pacault-Cochet
ACTUALITÉS
ACTUALITÉS
©Psycom
sur les droits des usagers des services de psychiatrie, bap- équilibre alimentaire et plaisir : étude
tisé « Histoires de droits ». Depuis la conception jusqu’aux biocentrique sur la schizophrénie
phases de test, il a été élaboré avec la participation de tous les acteurs concernés. (CH Sainte-Anne) ;
« Histoires de droits » s’adresse à des petits groupes (de 2 à 8 personnes) et peut être – validation des tests d’évaluation
utilisé par les associations d’usagers et de proches, les soignants et les professionnels écologique des fonctions exécutives
de l’accompagnement (travailleurs sociaux, juristes, tuteurs…), ou encore dans le cadre chez des patients souffrant de schizophrénie
de formations. Le kit est composé de 18 fiches-questions, qui chacune s’appuie sur de (AP-HP) ;
courts récits pour questionner le groupe. Les 18 thèmes ont été identifiés par les per- – entraînement cognitif assisté par
sonnes de terrain auditionnées en amont. Les questions évoquent des cas concrets dans ordinateur chez des enfants avec un trouble
trois domaines : droits fondamentaux, droits dans la société et droits dans le soin. Elles déficit de l’attention avec ou sans
invitent les participants à approfondir leurs connaissances, à réfléchir à des situations hyperactivité (TDAH) (AP-HP) ;
ambivalentes et à des pistes d’actions pour améliorer ou renforcer le respect des droits. – étude randomisée d’un suivi ambulatoire
Il n’est pas nécessaire d’être un expert de la question pour jouer ou animer ce kit péda- infirmier dans le cadre de la prévention de la
gogique. Les sujets abordés invitent au débat et à la construction de réponses à plu- récidive suicidaire (CHU Montpellier).
sieurs. Une clé USB contenant des informations sourcées permet d’imprimer ou de www.sante.gouv.fr
consulter des contenus pour en savoir plus. Enfin, chaque participant garde une « fiche
mémo » listant ce qu’il a appris, ce qu’il souhaite mieux comprendre ou les démarches
qu’il aimerait réaliser. Cette fiche comporte une liste de structures et numéros utiles
L’URGENCE PSY EN QUESTION
Dans la Revue de droit sanitaire et social.
pour aider dans ces démarches.
S. Théron dresse un état des lieux de la
1– Enquête Loi du 5 juillet 2011, qu’en pensent les usagers. CH Gérard-Marchant, www.ch-marchant.fr
prise en charge psychiatrique dans
Kit pédagogique sur les droits des usagers en psychiatrie, Psycom-Valoremis. Gratuit (frais de port,
l’urgence. Elle constate que nombre
disponible sur le territoire national). Développé avec le soutien du Ministère de la Santé et des Affaires
d’urgences résultent d’« un délaissement
sociales. Contact : Sophie Arfeuillère, chargée de mission formation, s.arfeuillere@psycom.org.
préjudiciable des structures ambulatoires »,
Plus d’infos sur www.psycom.org
lié à un « défaut de lisibilité » dû à la
complexité du système. La conséquence de
Comment reconvertir une structure sanitaire cette orientation est la disparité et
L’accompagnement proposé aux personnes À partir de l’analyse de douze reconversions l’inégalité dans le traitement du patient.
souffrant de troubles psychiques doit tenir (présentées chacune séparément), l’Anap dégage Les urgences psychiatriques en établissement.
compte des particularités de leur situation des enseignements convergents et des éléments RDSS, n° 4, juillet-août 2014.
(impossibilité d’exprimer une demande de méthode qui pourraient contribuer à la
d’accompagnement, importance de prendre en réussite des nombreux projets de coopération ou
compte les relations avec l’entourage familial et d’adaptation en cours ou à venir. CANARD DE PSYCHANALYSE
de voisinage, évolution de leur situation…). Le Il ressort surtout de ces analyses que Comment c’est qu’on ment ? est un canard
soutien à leur apporter mobilise alors de les reconversions, qui doivent être replacées de psychanalyse édité sous la forme d’un
nombreux acteurs à la fois sanitaires et sociaux. au cœur d’une réflexion stratégique globale, blog, un des lieux d’expression de
Pour mettre en évidence les dynamiques améliorent incontestablement l’association « Dimensions de la
d’adaptation visant à développer ces prises en l’accompagnement des personnes et qu’il existe
psychanalyse ». Il publie des écrits à
charge et accompagnements multiples, l’Agence plusieurs éléments qui facilitent la réalisation
propos de littérature, d'expos, de films, de
nationale d'appui à la performance des de ces opérations.
établissements de santé et médico-sociaux rencontres, d'événements, de politique…
L’accompagnement médico-social des personnes adultes
(Anap) publie un retour d’expériences sur les handicapées psychiques. Retours d’expérience de reconversions un champ mettant en tension culture
créations ou reconversions d’établissements ou de créations. Anap, septembre 2014, à télécharger et psychanalyse.
sanitaires en structures médico-sociales. gratuitement sur www.anap.fr, onglet Publications et outils http://canardosatworpress.wordpress.com
ACTUALITÉS
PROTOCOLES DE COOPÉRATION
ENTRE PROFESSION DE SANTÉ L’information pharmaceutique à l’hôpital
Un peu plus de deux ans après la mise en
place de protocoles de coopération entre MÉDICAMENTS. La pharmacie de l’EPSM de Caen a mis en place une véritable
professionnels de santé permettant à des politique d’information pour les soignants.
soignants volontaires d’organiser des
a thérapeutique médicamen-
L
délégations d’actes ou d’activités à travers
des protocoles validés par les Agences teuse est en constante évolu-
régionales de santé, la Haute autorité de tion et les professionnels de
santé (HAS) dresse un bilan. Sur santé doivent donc disposer d’une
57 dossiers traités ou en instruction fin information actualisée de qualité.
2013, 29 concernaient le premier recours Cette information sur le bon usage
et 28 des actes ou activités hospitalières. du médicament est une des mis-
Notons encore que 34 correspondent à la sions du pharmacien hospitalier
réalisation de consultations par l’IDE. La (Code de la Santé publique). Au sein
© Stocklib.
HAS constate une qualité très variable des de la Pharmacie à usage intérieur
protocoles qui sont globalement « peu (PUI) de l’EPSM de Caen, cette infor-
reproductibles » car ils résultent souvent mation constitue une activité impor-
d’un historique propre au lieu émetteur. tante qui se traduit en particulier par la mise au point de supports de communica-
Dans ce contexte, la HAS suggère (entre tion. Les destinataires sont prioritairement les professionnels de santé de l’établis-
autres) de faire évoluer le dispositif « vers sement mais certains documents sont transmis aux pharmaciens hospitaliers et offi-
des protocoles qui auraient d’emblée une cinaux de la région ou partagés plus largement via des sites professionnels (1). Les
vocation nationale et contribueraient à une pharmaciens ont également participé à l’élaboration de fiches d’information sur les
évolution des métiers et/ou des psychotropes destinées aux patients de l’établissement.
organisations des soins. » Plusieurs supports d’information sont donc proposés aux professionnels :
En savoir plus : www.has-sante.fr • Deux bulletins d’information :
– l’un médico-pharmaceutique, la Lettre de votre Apothicaire, (4 pages, 2 à 4 numéros/an)
UNE CHAIRE EN ÉCONOMIE sur des prises en charge médicamenteuses ou thérapeutiques (synthèses bibliogra-
DE LA SANTÉ phiques, conduites à tenir, observations de pharmacovigilance…).
Cocréée par l’Assistance puplique-Hôpitaux – le second intitulé Info-Soignants (2 pages recto verso) a pour objectif de contribuer à
de Paris (AP-HP) et la Paris School la formation continue des infirmiers (nouveaux antipsychotiques présentés, diffusion de
Economics (PSE), Hospinnomics est protocoles de surveillance, rappels réglementaires concernant les stupéfiants…).
une chaire en économie de la santé centrée • Chaque année, Quoi de neuf en… ? compile les informations sur les nouveautés médi-
sur l’innovation à l’hôpital. Elle mobilise camenteuses. Ce document est découpé en chapitres traitant des nouveaux principes actifs,
les compétences des économistes au changements d’indications et de posologie, nouvelles formes, nouveaux dosages, nouvelles
service d’une prise de décision éclairée associations, arrêts de commercialisation… Un chapitre consacré aux nouveautés en phar-
et contribue à développer l’évaluation et macovigilance est confié à un pharmacien du Centre régional de pharmacovigilance.
l’expérimentation. • Le Livret du Médicament est conçu comme la liste des médicaments disponibles sur
En savoir plus www.hospinnomics.eu l’établissement. Classé par famille, il associe de nombreuses recommandations/proto-
coles de prescriptions (médicaments déconseillés chez la personne âgée), des tableaux
JEUNES ET ADDICTIONS d’équivalence et des conseils de bon usage aux infirmiers (logo devant les médicaments
Destiné aux professionnels, le manuel à ne pas écraser, durée de conservation des collyres ou solutions buvables…).
PAACT (Processus d’accompagnement • D’autres guides d’aide à la prescription et/ou à l’utilisation des produits de santé sont dis-
et d’alliance changement thérapeutique) ponibles, par exemple un Guide de choix et de bon usage des pansements pour les
est un outil d’aide pour la prise en charge plaies chroniques ou un Livret des dispositifs médicaux. Dans le domaine des médica-
des pratiques addictives chez les jeunes ments psychotropes, et dans l’objectif de contribuer à la formation continue des infir-
consommateurs. miers, un guide synthétique a été conçu en ciblant, pour les médicaments utilisés pour
Manuel PAACT, Fédération Addiction, 104 chaque famille médicamenteuse, le rôle infirmier en termes d’information du patient,
pages, gratuit sur www.federationaddiction.fr d’aide à l’observance et de surveillance pharmacothérapeutique.
• Des fiches de bon usage sont également remises au moment de la dispensation de
SUR GRAND ÉCRAN médicaments ou de dispositifs médicaux peu prescrits en psychiatrie (anticancéreux,
Cet automne, le cinéma fait la part belle anticoagulants, aérosols…).
à la santé. Parmi les films de la rentrée, • Enfin, certains travaux ou projets font l’objet de communications sous forme de
mention spéciale pour Mommy, de Xavier posters dans des congrès et sont ensuite exposés au niveau de l’accueil infirmier de
Dolan qui raconte le quotidien chaotique la pharmacie.
d’une veuve et de son fils, adolescent 1– Sites de l’ADIPH, Association pour le Développement de l’Internet en Pharmacie, www.adiph.org, ou du Réseau
hyperactif et violent, et Flore, PIC Psychiatrie Information Communication, www.reseau-pic.info
de Jean-Albert Lièvre qui évoque avec C. Roberge, C. Gabriel-Bordenave, V. Auclair, M. Colombe, pharmaciens. En savoir plus :
finesse la maladie d’Alzheimer. www.epsm-caen.fr, pharma.labo@epsm-caen.fr
PARAMÉDICAL et assurance
Exercez sereinement
votre métier !
3 questions à Sophie Charles,
infirmière hospitalière
Parce que
les métiers
paramédicaux
sont soumis à
des risques
professionnels
bien spécifiques, Contrat GMF
la GMF a conçu
Quels sont, à «Assurance Personnelle des Infirmiers(2)»
spécialement pour Une protection à la hauteur des risques encourus
les agents des vos yeux, les
L’Assurance Personnelle des Infirmiers s’adresse aux agents des
services publics avantages du services publics, c’est-à-dire aux fonctionnaires hospitaliers, aux
un produit offrant contrat GMF salariés des établissements privés participant au service public
hospitalier et aux salariés d’associations : auxiliaires médicaux
des garanties «Assurance
Serec Communication / mars 2014 - Photo Plain Picture - GMF Assurances : 76 rue de Prony, 75857 Paris cedex 17
(infirmiers, professions paramédicales telles que puéricultrices,
étudiées. Personnelle des podologues…), et aides-soignants (auxiliaire de vie sociale,
conducteur ambulancier…).
Infirmiers» ? Ce contrat conforte leur protection personnelle dans l’exercice
Avez-vous Si ma responsabilité de leur métier grâce à des plafonds de garantie appropriés :
des inquiétudes personnelle est engagée suite - responsabilité civile professionnelle : jusqu’à 3 millions d’euros
à une erreur ou une faute garantis par sinistre
lorsque vous personnelle détachable du - défense pénale et recours, protection juridique (assistance juridique,
exercez votre service, j’ai accès à un paiement des honoraires d’avocat)
métier ? avocat dans le meilleurs - garanties accidents corporels (décès, invalidité, frais de soins).
Jusqu’à présent, je me suis délais. Cette couverture
toujours efforcée de ne s’exerce aussi en dehors de
pas trop y penser d’autant mon lieu de travail, par
plus que je n’ai jamais eu exemple si je fais l’objet Ce contrat a-t-il Pour en savoir plus
sur ce contrat GMF :
de problèmes. Cela dit, le de poursuites après avoir changé quelque appelez le
métier d’infirmier comporte porté secours à une
un certain nombre de personne dans la rue…
chose dans la 0 970 824 970 (n° non surtaxé)
pratique de votre ou connectez-vous
risques… En cas de mise sur www.gmf.fr
en cause dans l’exercice profession ?
de mes fonctions, l’hôpital Pour 59 €(1) J’exerce plus sereinement
pour lequel je travaille me par an ! mon métier ! De plus,
défendrait… Mais on n’est l’Assurance Personnelle
jamais trop prudent ! Il n’est pas si rare de devoir des Infirmiers comporte des
Il peut arriver que mes intervenir dans l’urgence… prestations d’assistance
intérêts divergent de ceux Je suis également couverte bien utiles, notamment
de mon employeur… pour les activités de un accompagnement
C’est pourquoi j’ai souscrit formation qu’il m’arrive psychologique en cas de
le contrat Assurance d’avoir à titre bénévole, traumatisme survenu dans
Personnelle des Infirmiers. en dehors de l’hôpital. le cadre professionnel.
(1) Tarif au 01/04/2014
(2) Assurance Personnelle des Infirmiers et autres professions paramédicales, des aides-soignants et des professions à caractère social
ACTUALITÉS
Septembre noir pour les psy- – 27 septembre 2013 : nouvelle loi toi- – Les UMD perdent tout statut légal par-
chiatrisés ? Depuis le 1er septembre est lettant la précédente et dont la plupart ticulier, sans être pour autant suppri-
entrée pleinement en application la Loi des nouveautés voient leur application mées. Pour y entrer ou en sortir, c’est le
du 27 septembre 2013 modifiant certaines différée au 1er septembre 2014 (2). droit commun aux soins sans consente-
dispositions issues de la loi du Les principales modifications peuvent se ment qui s’applique.
5 juillet 2011 relative aux droits et à la résumer ainsi : – Les irresponsables pénaux font l’objet
protection des personnes faisant l’objet – Le JLD doit statuer avant l’expiration du d’un régime légal particulier seulement
de soins psychiatriques et aux modalités douzième jour (au lieu du quinzième), le s’ils ont commis des atteintes aux per-
de leur prise en charge. S’il est trop tôt délai de première saisine obligatoire étant sonnes entraînant une peine d’au moins
pour en faire le bilan, nous pouvons désormais précisé à 8 jours à compter de cinq ans d’emprisonnement ou des atteintes
cependant tirer quelques enseignements l’admission du patient. aux biens entraînant une peine d’au
des évolutions récentes pour les usagers. – Un seul certificat médical à remettre au moins dix ans d’emprisonnement.
JLD avant audience reste exigé au lieu – Les parlementaires ont le droit de visiter
LA NOUVELLE LOI de deux. Par ailleurs, le certificat au hui- à tout moment un service psychiatrique
Rappelons quelques dates et faits : tième jour est supprimé, vu que le JLD fermé (comme ils peuvent déjà visiter
– 2 décembre 2008 : discours sécuritaire sera saisi plus tôt qu’avant. une prison ou un centre de rétention).
de Nicolas Sarkozy à l’hôpital psychiatrique – L’assistance par un avocat devient obli-
Érasme d’Antony, qui sera suivi d’effets gatoire. L’INTERVENTION DU JLD
dans beaucoup d’établissements : vidéo- – Alors que jusqu’à présent, les deux En 2012, on dénombre 54 382 saisines
surveillance, perfectionnement des sys- tiers des audiences se tenaient au Tribu- du juge des libertés et de la détention (JLD)
tèmes de verrouillage des portes, aug- nal de grande instance (TGI), les audiences et 64 713 en 2013 (3). Les saisines (voir
mentation du nombre de chambres foraines à l’hôpital où réside le malade en lexique) concernant les hospitalisations
d’isolement et de places en Unités pour hospitalisation sans consentement devien- sans consentement (HSC) (la quasi-tota-
malades difficiles (UMD)… nent la règle en première instance. Ces lité) ont abouti à des mainlevées dans 8
– 5 juillet 2011 : loi facilitant l’admis- audiences hors tribunal ont désormais à 9 % des cas lors des saisines automa-
sion en soins sans consentement et dur- le statut juridique d’audiences délocali- tiques et plus ou moins 20 % des cas lors
cissant les conditions de sortie de celle- sées, des salles ad hoc devant être amé- des saisines à la demande. Quelques sai-
ci… avec toutefois l’introduction d’une nagées. Toutefois, une salle pourra ser- sines concernaient un programme de
intervention automatique du juge des vir pour plusieurs hôpitaux. En seconde soins (402 en 2012 et 569 en 2013) :
libertés et de la détention (JLD) devant instance, les audiences ont lieu à la Cour dans ce contexte, 16 % en 2012 et
statuer sur le bien-fondé du maintien en d’Appel. Les audiences par visioconférence 13,5 % en 2013 ont abouti à une main-
soins sans consentement avant la fin du sont par ailleurs supprimées. levée du programme de soins.
quinzième jour d’hospitalisation sans – La possibilité de sortie non accompagnée Les mainlevées ne sont donc pas négli-
consentement. est rétablie sans qu’elle interrompe le geables, mais peut-on s’en satisfaire ?
statut d’hospitalisation complète sans En effet, comment interpréter ces déci-
consentement en cours. Une telle sortie sions quand les statistiques n’en mention-
ne pourra excéder une durée de 48 heures. nent pas les motifs ? Il faudrait pouvoir
– Aucune mesure de contrainte ne peut lire le libellé complet de chaque ordon-
Nicole MAILLARD-DÉCHENANS être mise en œuvre à l’égard d’un patient nance de mainlevée. Notons cependant
pris en charge sous la forme d’un pro- que d’une part, les JLD, depuis le 1er jan-
Membre du Groupe information asiles (GIA), gramme de soins, c’est-à-dire sous une forme vier 2013, ont pris le relais des juges admi-
www.groupeinfoasiles.org ambulatoire. nistratifs en matière de compétence sur
ACTUALITÉS
une pseudo-judiciarisation?
une éventuelle irrégularité formelle de (CGLPL) (4) dans son rapport 2013. de leurs représentants légaux qui souhai-
l’HSC, et que, d’autre part, l’expérience Au regard des droits de l’Homme, une tent leur admission en soins psychia-
des adhérents du Groupe information telle interprétation du rôle du juge est triques. Leur hospitalisation n’est pas alors
asiles (GIA) montre qu’une ordonnance insatisfaisante puisqu’elle cautionne le considérée comme une HSC et ne peut donc
de mainlevée d’HSC peut tout à fait fait qu’une garde à vue de 12 jours est de faire l’objet d’aucun recours, même si le
présenter un argumentaire élogieux des toute façon légitime si elle est motivée par mineur s’y oppose farouchement !
« bons soins psychiatriques ». Dès lors des raisons prétendument psychiatriques ! • Admission en soins psychiatriques sur
comment attaquer ensuite sur le fond ? Cette judiciarisation est aussi très partielle décision du représentant de l’État (ASPDRE)
Même en appel, le président de la Cour pour une autre raison : la loi du 27 sep- La loi mentionne trois cas possibles :
n’hésite pas parfois à en « remettre une tembre 2013 continue de faire la part belle – ou bien il s’agit de personnes « dont les
couche » dans le même sens, comme s’il aux médecins qui gardent le pouvoir, troubles mentaux nécessitent des soins et
ACTUALITÉS
La gériatrie, comme les autres disciplines ayant à accompagner les aléas de la condition humaine,
Référence DPC n°12001400042 n'est pas exempte de situations dans lesquelles des personnes se présentent comme des alliés mais
se révèlent être des destructeurs. Sous leur emprise, des personnes âgées, des adultes, des équipes et
des professionnels peuvent paradoxalement être soumis au point d'adhérer aux demandes de leurs
prédateurs. Ces processus d'emprise n'ont pas disparu malgré les progrès de la psychologie indivi-
PROGRAMME * duelle, des foules et des masses. Invisibles, il s'agit de les identifier pour tenter de les neutraliser.
MATIN APRÈS-MIDI
08h15 Accueil des participants 14h00 - 15h15 Les équipes soignantes sous l'emprise
08h45 Ouverture du colloque : d'une famille qui épuise
Catherine Monfort, directrice fondatrice de l’Afar Modérateur : Dr Pierre Charazac, psychiatre, psychanalyste, Lyon
Dr Marie-Pierre Hervy, gériatre 14h00 - 14h15 Les situations rencontrées par les équipes. Analyse des
Dr Jean-Claude Monfort et Dr Anne-Marie Lezy pratiques : Dr Pierre Lutzler, gériatre, CHRU d’Embrun
14h15 - 14h30 Les résultats d'une enquête hospitalière :
09h15 - 10h30 Les personnes âgées sous l'emprise Dr Olivier Drunat, gérontopsychiatre, chef
d'un séducteur de service, Hôpital Bretonneau, AP-HP, Paris
Modérateur : Dr Joël Oberlin, psychiatre, CH de Rouffach 14h30 - 14h45 Un axe d'amélioration : l'échelle d'évaluation des
09h15 - 09h30 La captation affective : le syndrome d'Ulysse avec familles qui épuisent : Dr Anne-Marie Lezy,
Circée, Calypso et les sirènes : Dr Camille Lejeune, Dr Jean-Claude Monfort
gériatre, CH de Rouffach 14h45 - 15h00 Table ronde
09h30 - 09h45 Les agresseurs sexuels : les adultes pédophiles 15h00 - 15h15 Echanges avec la salle
devenus gérontophiles : Dr Véronique Villemur,
gériatre, CASVP, et Dr Sophie Baron-Laforêt, 15h15 - 15h30 Pause
psychiatre, SMPR Perpignan, CH de Thuir 15h30 - 16h45 Les professionnels sous l'emprise
09h45 - 10h00 L'emprise et les aménagement pervers. Violence d'une organisation pathologique
sexuelle et identification des passages à risques :
Sylvie Brochet, psychologue clinicienne, Modérateur : Dr Joël Laporte, gérontopsychiatre,
et Dr Gabrielle Arena, responsable médical, CRIAVS Clinique de Régennes
Ile-de-France, EPS Ville-Evrard, Neuilly-sur-Marne 15h30 - 15h45 L’enjeu des tutelles : aider sans contraindre,
10h00 - 10h15 Table ronde
une ligne de crête très étroite : Danielle Lorrot,
présidente de France Alzheimer 89
10h15 - 10h30 Echanges avec la salle
15h45 - 16h00 La solidarité des professionnels et ses limites : cécité,
10h30 - 11h00 Pause surdité, incrédulité et mutité : Dr Muriel Salmona,
psychiatre, Antenne 92 de l’Institut de Victimologie
11h00 - 12h15 Les enfants et les adultes sous l'emprise
16h00 - 16h15 Les managements pathologiques et leur prévention
d'un parent âgé dominateur
16h15 - 16h30 Table ronde
Modérateur : Dr Cyril Hazif-Thomas, psychogériatre, CHRU Brest
16h30 - 16h45 Echanges avec la salle
11h00 - 11h15 La soumission à un tyran familial : le syndrome de la
Reine de la nuit dans La Flûte enchantée de Mozart : 16h45 - 17h00 Clôture du colloque
Dr Annie Papin, gériatre, CH Le Mans
11h15 - 11h30 La soumission des enfants à des parents sous l'in-
fluence d'une secte et l'identification des premiers Inscriptions, informations et contact :
signes d'une emprise : Annick Benoist, reporter
honoraire à l’AFP, spécialiste des religions
11h30 - 11h45 La décision de se libérer d'une dissimulation familiale
11h45 - 12h00 Table ronde
www.afar.fr
colloque@afar.fr - 01 53 36 80 50
12h00 - 12h15 Echanges avec la salle
AFAR • 46 rue Amelot BP 436 75527 Paris cedex 11 • 01 53 36 80 50 • N° de déclaration d'activité : 11 75 04 139 75
SM190_agenda_SM190_P00_INT 16/09/14 18:54 Page10
OÙ EN EST
LA PROTECTION DE L’ENFANCE ?
KIOSQUE
L’enfant et son psychisme L’éthique soignante approche projective complète cette démarche
d’ensemble et fournit une méthode pour
Réflexions sur les principaux enjeux du soin
PIERRE DELION médiatiser la subjectivité propre du clinicien.
Cet ouvrage pratique s’adresse à tous ceux qui
PHILIPPE SVANDRA
Revenant sur son parcours sont soucieux d’une vue d’ensemble et actua-
aux dimensions multiples, lisée de l’approche clinique de la vie psychique
La démarche éthique peut se
Pierre Delion présente ici des et des formes de sa pathologie. Cette deuxième
concevoir comme une confron-
articles illustrant les points forts édition a été enrichie des nouvelles théma-
tation de réflexions. L’auteur pro-
de son travail de psychiatre tiques suivantes : le travail de psychothérapie
pose son point de vue, son
d’enfants et d’adolescents : et les médiations thérapeutiques, ainsi que
regard philosophique sur le
la psychiatrie du bébé, la prise la psychopathologie du sujet vieillissant.
soin. Il s’agit à la fois de dres-
en charge des enfants autistes, les réflexions Éd. Elsevier Masson, juillet 2014, 39 €.
ser les contours de l’éthique soi-
sur les institutions, sa philosophie des soins gnante et de tenter de déterminer la nature
et ses rapports avec l’éthique et le politique, et les fondements de l’activité de soin. Il
et enfin l’enseignement, ouvrant plus géné- montre aussi les liens immémoriaux qui unis- Soi-même, identité
ralement sur psychiatrie et culture. sent le soin et la philosophie. Ce livre peut et styles de personnalité
Éd. Dunod, janvier 2014, 24 €. ainsi constituer une introduction à la réflexion
éthique et philosophique pour un futur soignant GIAMPIERO ARCIERO ET GUIDO BONDOLFI
ou un soignant en exercice. En réinterrogeant
La thérapie neurocognitive du dehors ce qu’il est difficile de discerner du Ce livre, texte clé pour les psy-
et comportementale dedans, le détour par la philosophie peut enri- chiatres, les psychologues et
les psychothérapeutes, ainsi
Prise en charge neurocomportementale des chir et approfondir la perspective sur le soin
en plaçant les soignants dans une tension que pour les étudiants, pro-
troubles psychologiques et psychiatriques pose de fonder une approche
salutaire entre le concept et la réalité.
Éd. Seli Arslan, août 2014, 22 €. scientifique de l’expérience
JACQUES FRADIN ET CAMILLE LEFRANÇOIS subjective et de l’unicité de la
personne, sans toutefois renoncer aux inva-
S’appuyant sur des recherches Manuel de psychologie riances existentielles qui permettent de cer-
pluridisciplinaires et plus de et de psychopathologie ner la continuité entre la normalité et la psy-
vingt-cinq ans d’expérience cli- clinique générale chopathologie, ainsi que d’établir un dia-
nique, ce manuel présente une logue et un nouveau champ de recherche avec
nouvelle forme de thérapie, ins- SOUS LA DIRECTION DE RENÉ ROUSSILLON les neurosciences. La première partie est
crite dans la lignée des trois consacrée à l’illustration des principes théo-
vagues de Thérapies Cognitivo Ce manuel présente la logique riques dans le cadre de référence de la tra-
Comportementales : la Thérapie Neurocognitive des processus de la vie psy- dition phénoménologique et herméneutique.
et Comportementale (TNC). Centré sur la dimen- chique à tous les âges de la Ces quatre premiers chapitres montrent com-
sion comportementale, ce livre apporte un vie, de la naissance à la ment le sens de soi découle des expériences
regard neuf sur le diagnostic et le traitement vieillesse. Les auteurs, issus à la première personne et comment l’iden-
de troubles psychologiques ou psychiatriques, de la pensée psychanalytique, tité narrative émerge du vécu émotionnel. Dans
y compris sur certains troubles jugés incu- retracent l’histoire de la réa- la deuxième partie, la description des cinq
rables. Cet ouvrage intéressera les praticiens en lité psychique de la subjectivité. Ils présen- styles de personnalité est enrichie par de
demande d’outils pratiques dans leur quoti- tent ensuite les logiques, en large partie nombreuses vignettes cliniques et éclairée par
dien professionnel (fiches diagnostics, des- inconscientes, qui sous-tendent les formes des dimensions littéraires, psychologiques
criptions d’exercices, de cas cliniques…). d’expression de la psychopathologie. L’apport et neuroscientifiques.
Éd. De Boeck, mai 2014, 30 €. des neurosciences est également abordé. Une Éd. Médecine & Hygiène, juin 2014, 29 €.
REÇUS À LA RÉDACTION
LE SENTIMENT DE SOI HIKIKOMORI, CES ADOLESCENTS SURMONTER LES TRAUMATISMES PENSER LE MANAGEMENT EN ACTION
Histoire de la perception du corps EN RETRAIT DE L’ENFANCE SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE
Georges Vigarello M. Fansten, C. Figueiredo, N. Pionnié-Dax Helen Kennerley Jean-René Loubat
Éd. Seuil, septembre 2014, 21 €. et N. Vellut (dir.) Éd. Dunod, juin 2014, 22 €. Éd. Dunod, juillet 2014, 35 €.
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L’ère du savoir-relation VIOLENCES PSYCHOLOGIQUES RÉALITÉ DES FAMILLES Prise en charge psychologique des victimes
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Éd. PUF, août 2014, 19 €. R. Coutanceau et J. Smith (dir.) Éd. Dunod, juin 2014, 23,90 €. Éd. Elsevier Masson, juin 2014, 34 €.
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LU QUELQUE PART…
PAR LOUIS JOSEPH
La rédaction a lu…
– Analyse des obstacles à l’intervention infirmière auprès des familles dans les unités de soins de santé mentale à la lumière du modèle de changement de Collerette, S. Daneau,
J. Goudreau, C. Sarrazin, Recherche en soins infirmiers, n° 117, juin 2014.
– L’expérience subjective du schizophrène. Examen critique de la notion de qualité de vie, F. Jardon, C. Glineur, S. Heenen-Wolff, N. Vercruysse, P. Fouchet, Bulletin de
psychologie, tome 67 (3), n°531, mai-juin 2014.
– Les féminismes. Questions sur la liberté et l’égalité, dossier du Journal Français de Psychiatrie, n° 40, éditions Érès, 2014.
– Individu, organisation société, changer le travail. 20 pistes pour améliorer la qualité de vie au travail, Sciences humaines, Les grands dossiers, n°36, septembre-octobre-
novembre 2014.
AVEC L E C . G . O . S
N U E Z V O S I M P Ô T S
DIMI
CHAQ U E A N N É E
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Du lundi au vendredi : 9h/12h et 14h/17h
ART DE SOIGNER
Un programme mère-
Le programme mère-bébé des Hôpitaux universitaires de
Genève accueille des mères en souffrance psychique, avec
ou sans antécédents psychiatriques. Au fil des années, les
infirmiers ont acquis une véritable expertise dans les soins
aux mères et à leurs proches.
ART DE SOIGNER
ART DE SOIGNER
est géographiquement intégrée à l’hôpital autour de la naissance, avec ou sans de soins communautaires (UMSCO). À
général et bénéficie ainsi du plateau tech- antécédent psychiatrique : dépressions, son arrivée, elle est enceinte de 8 mois
nique nécessaire à sa mission. Trois pro- décompensations psychotiques, troubles mais présente un déni de grossesse et
grammes de soins sont proposés : du comportement alimentaire, troubles de évoque « une goutte d’huile dans son
– le programme de soins complexes (11 lits) la personnalité, addiction… ventre ». Elle présente un état d’agitation
concerne les patients qui souffrent La première année, en 2000, le pro- psychomotrice, des hallucinations et un
conjointement de pathologies psychiatriques gramme a accueilli cinq mamans. Il s’agis- délire enkysté. Annie ne connaît pas l’iden-
et physiques, dont les soins requièrent sait surtout d’admissions en urgence, avec tité du père de son enfant. Suite à une
les deux dimensions intégrées : soma une durée moyenne de séjour de 30 jours. fugue de l’hôpital, une mise en danger et
et psyché ; Par la suite, un travail de communication des comportements à risque, elle passe
– le programme mère-bébé (3 lits), axé sur sur ce programme a été réalisé (dépliant, les dernières semaines avant son accou-
le lien mère-enfant, existe depuis 2000. congrès médicaux et infirmiers…). chement en chambre d’isolement. Durant
L’investissement, la créativité des soi- La durée de séjour, très variable et peu ce temps, le déni de grossesse perdure.
gnants ont été récompensés par le « Prix prévisible, tient compte du rythme de la Elle semble prendre conscience de son état
coup de cœur » dans le cadre du Prix Qua- résolution de la crise et des ressources alors qu’elle part en salle d’accouche-
lité des HUG en 2003 ; familiales et sociales de la patiente. En ment. Elle est accompagnée par l’infirmière
– le programme pour patients souffrant de 2011, la durée moyenne dans le pro- de l’unité qui reste avec elle pour la durée
troubles de la conduite alimentaire (ano- gramme mère-bébé est de près de 51 de la naissance. Lorsqu’Annie tient son
rexie, boulimie et hyperphagie) (4 lits) a jours, avec des durées individuelles pou- fils dans ses bras, elle répète : « Qu’est-
intégré l’UPHA en 2007, il était aupara- vant atteindre 150 jours. ce qu’il est beau ! » Elle prend soudain
vant implanté dans le service de médecine. La proportion d’hospitalisations conjointes conscience de la réalité et se montre
La richesse et la variété de la population mère-bébé est le plus souvent égale ou supé- inquiète de l’avenir de son fils.
accueillie témoignent d’une réelle com- rieure à celle des hospitalisations sépa- Après l’accouchement, Annie revient à
plexité des soins au quotidien, ce qui rées, ce qui reste pour nous un gage de l’UPHA et son fils est hospitalisé à l’Unité
nécessite une coordination efficace et réussite et un témoin de confiance de la de développement de pédiatrie des HUG.
pertinente de tous les intervenants, inté- part des différents intervenants (pédiatrie, Tout au long de ce séjour, le lien entre
grés ou non à l’équipe de soins. La plu- obstétrique, psychiatrie). Le pourcentage la mère et l’enfant est maintenu. Annie
ridisciplinarité dans ce contexte prend de patientes hospitalisées en cours de rend visite quotidiennement à son bébé
tout son sens. grossesse oscille entre 14 et 40 % tan- puis l’enfant vient pour des demi-jour-
Au départ, l’équipe soignante était confron- dis que celui des patientes admises pour nées à l’UPHA. Tous ces moments sont
tée à des demandes d’hospitalisation en une IVG dans le cadre d’un trouble psy- accompagnés et encadrés par les soi-
urgence sans moyen spécifique pour y chique reste faible. Ces parents accueillis gnants du service, en collaboration avec
faire face, ce qui a entraîné des ajuste- sont en souffrance dans leur fonction, ou les professionnels de pédiatrie.
ments. Cela a été aussi le début d’une future fonction parentale qui les sub- L’équipe pluridisciplinaire travaille la
réflexion et d’un travail commun entre le merge, soit de leur propre constat, soit de relation dans l’ici et maintenant tout en
service d’obstétrique, le département de celui de tiers. Ils se sentent en décalage préparant le projet de sortie. Les recherches
psychiatrie et la pédiatrie. Cette collabo- avec leur projet initial, la réalité ne cor- d’une structure pouvant accueillir la
ration a permis progressivement de struc- respond plus au bonheur attendu. Dans mère et l’enfant en France s’intensifient.
turer l’accueil des mères et de leurs bébés, le cadre du suivi prénatal, la maternité des Les troubles psychiques restent pré-
et de créer des outils d’observation de la HUG propose également une consulta- gnants. Annie choisit de faire adopter son
relation mère-enfant dans un cadre de tion hebdomadaire et pluridisciplinaire enfant. Cette décision est prise en concer-
référence commun. Le savoir-faire infir- (gynécologues, sages femmes, assistantes tation entre la maman, les équipes de psy-
mier et l’autonomie des soignants dans ce sociales, pédopsychiatres, psychiatres), chiatrie et de pédiatrie et les services de
programme mère-bébé se sont construits pour les femmes en situations psychoso- protection des mineurs. Après cinq mois
dans une pratique réflexive en collaboration ciales à risque. Dans ce contexte, ce pro- passés à l’UPHA, Annie fugue à nou-
avec une sage-femme. gramme mère-bébé propose une expertise veau, et l’enfant est placé dans l’attente
dans un cadre de prévention primaire d’une adoption.
ÉVOLUTION DES BESOINS mais aussi de soins curatifs, pré et post-
Au fil du temps, l’équipe pluridisciplinaire partum. OBJECTIFS ET CADRE
a dû s’adapter à la complexité et à la diver- L’hospitalisation à l’UPHA offre un cadre
sité des demandes de soins en périnatalité. • Annie, « une goutte d’huile dans spatio-temporel qui favorise l’observation
Nous rencontrons des situations fami- mon ventre » et l’évaluation de la relation mère-bébé.
liales multiples : mariage mixte, sépara- Annie, 38 ans, sans-domicile fixe, est Ce temps s’inscrit dans une chaîne de col-
tion, famille recomposée, monoparenta- une patiente française en rupture de tout laboration : le département de l’enfant et
lité ou homoparentalité, procréation lien social. Elle souffre d’une psychose infan- de l’adolescent, le département d’obsté-
médicalement assistée… ainsi que des dif- tile et a été victime de maltraitance phy- trique et de gynécologie, le département
ficultés sociales : immigration, pauvreté, sique et psychique durant son enfance. de santé mentale et psychiatrie, les ser-
isolement, violence. Il s’agit d’accueillir Elle a également fait plusieurs voyages patho- vices de protection des mineurs et les
chaque mère, quelle que soit sa souf- logiques (3). Elle est admise à l’UPHA en structures d’accueil (foyers, familles,
france en lien avec une crise majeure soins sans consentement via l’Unité mobile crèches).
ART DE SOIGNER
Chaque famille, chaque situation, reste Son investissement et son soutien ont mieux aider les patientes à réaliser leurs
singulière. Une admission est toujours largement contribué au développement et projets.
une nouvelle rencontre. Pour bien accom- à la pérennité du programme. Grâce à cette – Projection/clivage/identification pro-
pagner ces mères (ou mères en devenir) collaboration, nous avons appris à pen- jective. Le soignant doit garder à dis-
en difficultés psychiques, les soignants ser le soin à l’enfant au travers des théo- tance ce qui est de sa propre histoire et
doivent les accepter de manière incon- ries de Brazelton (2). de sa conception de la parentalité afin de
ditionnelle et porter sur elles un regard En parallèle, nous avons affiné notre capa- rester ouvert aux représentations et aux
bienveillant, sans jugement, avec ce que cité d’observation en créant des grilles spé- attentes des familles.
cela comporte parfois comme incidence cifiques. Peu à peu, l’équipe a ainsi acquis Ces mécanismes de défense, avec lesquels
sur les émotions des soignants. des compétences dans les soins du post- nous devons évoluer, peuvent entraver
ART DE SOIGNER
Chaque sortie est évaluée lors d’entre- Face à la stagnation de la situation et Cet article a également été rédigé avec la participation
tiens familiaux qui peuvent être poursuivis à l’épuisement de la famille, le bébé est d’Anne Bardet Blochet, sociologue, et Brigitte Corabœuf,
en ambulatoire. placé en pédiatrie. Pour Ingrid, cette déci- infirmière spécialiste clinique, HUG et avec le soutien de
sion crée l’occasion d’éprouver le manque Christel Alberque, médecin adjoint du service de psychia-
• Ingrid et son « manque d’amour » de son enfant. Elle initie un travail de trie de liaison et d’intervention de crise, Sylvie Beyoux, infir-
Ingrid, 35 ans, est adressée à l’UPHA par rapprochement avec l’aide des pédo- mière responsable d’unité de soins et du Prof. Alessandra
la consultation de périnatalité. Mariée, psychiatres. Après une dizaine de jours, Canuto, médecin cheffe du service du service de psychia-
avec un emploi stable, elle n’a pas d’an- l’enfant rejoint sa mère à l’UPHA. Au trie de liaison et d’intervention de crise, HUG.
técédent psychiatrique. Elle présente un état bout de quelques semaines, Ingrid sort 1 – L’épigénétique désigne l’étude des influences de l’en-
d’épuisement et un syndrome dépressif malgré la persistance de ses craintes et vironnement cellulaire ou physiologique sur l’expression
suite à la naissance de son deuxième fils. sa peur de « ne pas y arriver ». Elle nous des gènes.
Dans un premier temps, Ingrid est hos- recontacte quelques mois plus tard via 2 – Le pédiatre américain T. B. Brazelton est un des pre-
pitalisée seule et ses proches s’occupent une carte postale pour témoigner de miers à avoir fait connaître les compétences du tout-petit.
des deux enfants. Au cours des semaines son évolution et de son attachement à On lui doit notamment Écoutez votre enfant (Petite biblio-
précédentes, la patiente avait perçu son petit dernier. thèque Payot, 2006). Il a également mis au point une
ses difficultés à domicile mais persé- échelle d’observation du nouveau-né, dite échelle Brazel-
véré dans son rôle de maman. Aujour- CONCLUSION ton, très utilisée en pédiatrie.
d’hui, à bout, épuisée, elle ne trouve plus Près de quinze ans après la création du 3 – Le voyage pathologique est un déplacement réel motivé
les ressources pour continuer. programme-mère bébé au sein de l’Unité par des causes psychopathologiques : le patient explique par
Elle n’a pas d’idée suicidaire mais pleure de psychiatrie hospitalière adulte des exemple qu’il fuit un complot, qu’il a une mission à accom-
beaucoup, se sent angoissée, a l’im- HUG, nous mesurons le chemin parcouru. plir, que ses voix lui ont ordonné de se rendre sur un lieu
pression de ne pas aimer ce nouveau-né Pluridisciplinarité et partage des connais- précis.
et d’être une mauvaise mère. Son mari sances ont fait de cet espace un lieu
se montre très présent et soutenant mais d’expertise dans les soins apportés aux
se sent impuissant à l’aider davantage. mères, mais aussi à leurs proches. La BIBLIOGRAPHIE
– Ansermet F. 1999, Clinique de l’origine : l’enfant
Ingrid décrit une relation très fusionnelle diversité des situations accueillies et trai-
entre le médecin et la psychanalyse. Lausanne :
avec son fils aîné, ce qui la culpabilise tées en fait aussi sa spécificité. L’UPHA Payot.
d’autant plus du « manque d’amour » peut accueillir des mères souffrant de – De Grâce GR, Joshi P. 1986, Les crises de la vie
qu’elle dit éprouver pour son cadet. toxicodépendance, de troubles psychotiques adulte, Montréal, édition Décarie.
Ingrid a besoin de temps et d’espace pour ou de schizophrénie, avec ou sans anté- – Guédeney N, Guédeney, A. 2006, L’attachement :
se recentrer sur elle, se reposer, reprendre cédent psychiatrique, ce qui la distingue concepts et applications, Paris : Masson.
ses marques et réapprendre à se faire d’autres programmes. – Guédeney N, Guédeney A. 2010, L’attachement :
confiance. L’équipe l’accueille dans ses On ne saurait conclure sans reconnaître approche clinique, Paris : Masson.
– Racamier P.C. 1978, Mère mortifère, mère
difficultés, l’aide à contenir son angoisse, l’importance des moyens mobilisés, la
meurtrière, mère mortifiée. Paris, ESF.
à la mettre en mots en l’apprivoisant. nécessité de travailler au sein d’un réseau – Winnicott D.W. 2006, La mère suffisamment bonne.
Les soignants l’entourent, la soutiennent, très élargi et l’investissement quotidien des Éditions Payot et Rivages, Paris.
l’aident à décrypter et à décoder ce soignants. Nous avons conscience des
qu’elle vit, la « maternent » afin qu’elle coûts engendrés par ces hospitalisations
puisse elle-même redevenir mère. Au prolongées et complexes. D’un point de
début de la prise en charge, Ingrid reste vue soignant et humain, la rencontre et
très angoissée lors des visites de son la création du lien mère-enfant restent un
enfant. Elle a des crises de panique, ne crédit pris sur l’avenir.
peut concevoir l’hospitalisation conjointe
et répète qu’elle n’est pas prête.
Résumé : Créé en 2003, le programme mère-bébé de l’Unité psychiatrique hospitalière adulte (UPHA) des Hôpitaux universitaires de Genève
accueille des mères (ou future mères) en difficultés, notamment psychiques, mais aussi sociales, économiques. L’équipe infirmière a développé des
compétences et une expertise particulière dans l’observation et le soin du lien précoce mère-enfant.
Mots-clés : Accompagnement thérapeutique – Attachement – Cas clinique – Équipe pluridisciplinaire – Hospitalisation mère-
enfant – Interaction précoce – Supervision.
« On dirait un bébé!… »
des grands « non ! » du doigt tout en fron-
çant les sourcils et en me repoussant du
bras. C’était si théâtral et si drôle que j’ai
éclaté de rire. Il a souri et continué ses
mimiques tout en m’acceptant quand même.
À 16 ans, Ismaël a l’apparence d’un jeune adulte. Mais dans À table, il commence toujours par servir de
sa tête, il reste un petit garçon qui a besoin de rituels et de l’eau à tout le monde, remplissant à nou-
veau rapidement chaque verre qui se vide.
la présence réconfortante des soignants. Comme un enfant qui a besoin de vérifier
chaque chose pour se rassurer, il me pose
toujours les mêmes questions : « Virginie,
VIRGINIE DE MEULDER est-ce que je peux prendre toute la sauce
Infirmière, Hôpital de jour pour adolescents, Association de santé mentale de Paris-13e.
sans en laisser aux autres ?
– Bien sûr que non, Ismaël.
– Et pourquoi je n’ai pas le droit de prendre
toute la sauce pour moi ?
– Parce qu’il faut en laisser pour les autres,
tu l’as dit toi-même. »
Et il répète sa question au moment du
fromage, des yaourts, des fruits… Il m’in-
terroge avec un sourire rieur comme si
cela faisait partie d’un jeu entre nous. Un
jour, un de ses voisins de table, exaspéré
par son manège, s’est mis à hurler : « Mais
arrête avec toutes tes questions, on dirait
un bébé ! » Comme un enfant, Ismaël
© Tarokichi – Fotolia.com.
« Le 19 juillet, je vais me lever père a quitté le foyer conjugal dans son « C'EST QUOI, UNE PETITE AMIE ? »
et faire ma valise avec ma maman. Elle enfance et le garçon a fugué de nom- Le temps lui semble un éternel recom-
mettra cinq pantalons, cinq shorts, des breuses fois pour partir à sa recherche. Ismaël mencement : « Après l’été, ce sera l’hiver,
t-shirts, des chaussettes, des slips, des san- a cinq sœurs et une maman très pieuse n’est-ce pas, et puis Noël, et tout va recom-
dales et un maillot de bain. Ensuite, on qui élève seule ses enfants. Entouré de mencer comme l’an passé, n’est-ce pas, tout
ira chez ma tata et on prendra la voiture femmes, il se dessine parfois au milieu de va recommencer pareil et le temps va pas-
pour aller au Souffle neuf. Je vais retrou- sa famille avec une robe et des cheveux ser pareil. »
ver mes copines Océane, Laurie et Mégane. longs. À son entrée à l’hôpital de jour, il Le temps continue de s’écouler néan-
Après on partira à la mer et Océane met- gérait difficilement toute forme d’excita- moins à l’hôpital de jour… Ismaël a beau-
tra son maillot de bain rose et moi mon tion qui dérapait alors en agitation psy- coup grandi, son corps est celui d’un jeune
maillot noir et on se baignera ensemble dans chomotrice difficilement contrôlable. homme. Pas sûr qu’il en soit conscient.
les vagues. » Entre avril et juillet, Ismaël Curieux du vent, il s’amusait à jeter par Alors qu’il racontait à Myriam, une patiente,
a récité chaque jour à qui voulait l’en- la fenêtre sacs en plastique, feuilles de une baignade avec Océane, elle lui a
tendre cette belle tirade, les yeux pétillants papier… pour les regarder voltiger. Il souf- demandé si Océane était sa petite amie.
comme s’il était déjà dans l’eau avec flait aussi sur les cheveux longs du per- « Oui », a répondu Ismaël, puis il s’est tourné
Océane. Ses phrases en boucle semblaient sonnel féminin pour les faire voler. Aujour- vers moi pour vérifier : « C’est quoi Virgi-
avoir chez lui un fort pouvoir calmant, d’hui, il a fortement investi les soignants nie une petite amie ?
apaisant et manifestement jouissif. qu’il «utilise», au sens winnicottien du terme, – C’est quand on s’embrasse », a coupé
selon ses besoins. Myriam.
UN UNIVERS FÉMININ – Sur la bouche », ai-je précisé.
Très soigné, Ismaël, 16 ans, est un bel ado- RITUELS BAVARDS – Ah, alors non, c’est pas ma petite amie
lescent d’origine marocaine et mauricienne En ce moment, Ismaël me demande chaque Océane, c’est mon amie. »
à la peau dorée et aux yeux clairs. Souf- jour s’il peut déjeuner à ma table. Pour- Et Ismaël m’a lancé son regard complice
frant de troubles du comportement depuis tant, il n’a pas toujours été aussi soucieux et son grand sourire enfantin et rieur.
la maternelle, il fréquente des institutions d’être près de moi. À ses débuts à l’ate-
soignantes depuis l’âge de 4 ans. Son lier informatique, je me suis approchée
CLASSIQUE DU SOIN
DOSSIER
Burn-out : comprendre
et accompagner
Le burn-out apparaît comme un syndrome en trois phases : l’épuisement émotionnel, la
déshumanisation de la relation à l’autre, le sentiment d’échec professionnel. Ces stades
s’installent progressivement en réponse à un stress émotionnel chronique et répétitif. Chez les
soignants, quand la relation d’aide « tombe malade », il faut mettre en œuvre non seulement
des réponses individuelles et collectives mais aussi une réflexion éthique.
24 Définir le burn-out
Michel Delbrouck
42 La fatigue de soigner
Pierre Canouï
82 L’après burn-out
Sabine Bataille
Définir le burn-out
L’épuisement professionnel se caractérise par la survenue de trois phases : l’épuisement
émotionnel, la déshumanisation de la relation à l’autre et le sentiment d’échec
professionnel. Histoire du concept et principales caractéristiques.
L’histoire du concept de burn- dirigeants, cadres, avocats, entrepre- Le burn-out, concept récent, ne se super-
out commence en 1974, à New York. neurs, soignants, enseignants, forma- pose pas à un diagnostic psychiatrique
Un psychologue, Herbert Freudenberger, teurs, journalistes, architectes, policiers, et peut mener à la dépression. Consi-
constate que des professionnels en santé commerçants… Toutes les professions déré au départ comme une maladie spé-
mentale développent au contact de leurs où la relation est primordiale sont sus- cifique de la relation d’aide, il englobe
patients un état d’épuisement particulier, ceptibles d’entraîner ce type de réac- et dépasse le stress et donne une perte
accompagné de plaintes pour des douleurs tion. Cette notion peut être étendue à tout du sens du travail. Le burn-out révèle
diverses. Ces soignants montrent des dif- professionnel débordé par sa tâche. un malaise existentiel singulier et social.
ficultés à gérer les situations frustrantes Il paraît indispensable de distinguer épui- Il pose la question du sens de la vie.
et cultivent des sentiments de colère et sement professionnel (ou burn-out) et épui- L’épuisement professionnel se rencontre
de suspicion à l’égard de leur entourage. sement émotionnel, qui en est le premier surtout chez la personne qui poursuit
Ils deviennent butés, rigides, inflexibles stade et passe avec du repos. De même, des idéaux (5) élevés dans sa vie person-
et sont dans l’incapacité de fournir les la confusion peut régner entre burn-out et nelle, familiale ou professionnelle, puis-
efforts d’adaptation nécessaires à leur dépression, insatisfaction passagère ou qu’elle consacre toute son énergie à
vie professionnelle. « Certaines personnes durable au travail, stress au travail, démo- atteindre un but irréaliste dans les condi-
sont parfois victimes d’incendie, comme tivation ou envie de changement. tions données, mais il peut aussi résul-
une maison, rapporte le psychologue. Sous S’agit-il d’un processus ? D’un état ? Est- ter d’un travail où on a l’impression de
l’effet de la tension, leurs ressources en vien- ce le stade final d’un mal-être qui se déve- répéter la même routine, de tourner en
nent à se consumer, comme sous l’effet de loppe progressivement, avec l’accumulation rond, jour après jour, semaine après
flammes, ne laissant qu’un vide immense continue du stress sans qu’aucune atti- semaine, de s’ennuyer, de se sentir déso-
à l’intérieur, même si l’enveloppe externe tude de coping (3) ou d’adaptation ne soit rienté, de soupçonner les autres de ne pas
semble plus ou moins intacte. » (1) adoptée ? nous apprécier… Dans ces cas, certains
Aujourd’hui, la notion de burn-out (2) Du côté de la prise en charge, seuls les ont parlé de bore-out (6).
est passée dans le langage courant : dès praticiens reçoivent des personnes en C’est à C. Maslach et S. Jackson (7)
que quelqu’un ressent de la fatigue ou burn-out pathologique. La difficulté pour que l’on doit d’avoir éclairci le syn-
est excédé par son travail, il clame au burn- aborder et résoudre cette question réside drome en trois stades décrits ci-des-
out. Rappelons ce que nous entendons dans le fait que les causes sont mul- sous. Selon elles, le burn-out découle-
exactement par ce terme. Ce syndrome tiples, variées, collectives mais aussi que rait d’une inadéquation entre la personne
peut atteindre toute personne qui assume le soin est essentiellement individuel. et son contexte organisationnel. Ces
des responsabilités importantes ou est auteurs abordent le burn-out à travers
en relation d’aide au sens large du terme : UN SYNDROME EN TROIS TEMPS l’analyse de la relation de la personne
Le syndrome complet du burn-out comprend avec son travail et notamment de l’exis-
un trépied de phases progressivement tence d’un décalage entre ce qu’elle vit
évolutives : et six dimensions de l’organisation de son
– l’épuisement émotionnel ; environnement :
Michel DELBROUCK – la déshumanisation de la relation à – la charge de travail ;
l’autre ; – la reconnaissance de son travail ;
Médecin, psychothérapeute, formateur, – le sentiment d’échec professionnel ou – le soutien de la communauté de travail,
ex-président de la Société Balint Belge la diminution de l’accomplissement. – le sentiment d’équité ou de justice au
et de la Société Belge de Gestalt, Membre affilié La plupart des personnes ne présen- travail ;
de l’Institut International de Psychanalyse et tent heureusement que la première – le respect des valeurs ;
de Psychothérapie Charles Baudouin (Genève), phase (près de 50 % de la population – le respect du sens du sens donné à son
Maître de stage intra et post-universitaire. concernée, [4]). travail.
excessif pour la compétition, les multiples en a besoin pour survivre. Elle travaille facteurs pronostics qui vont lui permettre
projets à délais trop courts, l’inorganisation alors le minimum de temps requis, éviter de bénéficier de l’aide requise en fonction
ou le manque de structuration et d’orga- si possible les défis et les clients, et se pro- de ces trois niveaux. Ceci va influer le dia-
nisation, l’impatience et le manque d’an- tège de tout ce qui pourrait mettre en dan- gnostic et la prise en charge.
ticipation… ger cette pseudo-position de sécurité qui
Les facteurs de stress internes (histoire semble compenser son mal-être, de manière FACTEURS ÉTIOPATHOGÉNIQUES
personnelle et/ou familiale chaotique, passé inadéquate toutefois, pour la satisfaction Certaines conceptions sur l’origine et la
dépressif, antécédents de traumatismes au travail. On observe parfois un absentéisme prise en charge du burn-out risquent de
par négligence ou par excès…) et externes important et des difficultés de réadapta- freiner le processus de délivrance au lieu
(harcèlement professionnel, environnement tion fonctionnelle au travail. de le favoriser. Nous voulons éviter les
agressif, excès de bruit, insalubrité…) Toute la panoplie des mécanismes de visions univoques tant au niveau causal
seront à dépister et à traiter. défense ou d’évitement s’installe : déni, qu’au niveau curatif. Le développement
désensibilisation, projection, refoulement, de nouvelles conceptions étiopathogé-
DÉNI ET PRISE DE CONSCIENCE identification projective. Mais la personne niques (13), avec le modèle bio-psycho-
La personne qui développe un burn-out y continue inexorablement, sans écouter social, vise à contourner cet écueil. Les
entre très progressivement. Des indices son corps, les appels désespérés de ses facteurs étiologiques sont en effet mul-
fournissent des pistes pour éviter que ce proches et les mises en garde de ses col- tiples, interconnectés, interactifs et com-
processus ne se développe vers des stades lègues à poursuivre son travail effréné et plémentaires. Le professionnel dans sa
de gravité plus importants. La mise en évi- même parfois à en rajouter. Poussée dans toute-puissance risquerait de figer et de
dence de facteurs prédictifs du burn-out ses derniers retranchements, elle finit par renforcer la situation bloquée. L’approche
permet aussi de le dépister et le prévenir « craquer », décompenser, déprimer ou pré- systémique de circularité aide à dépas-
chez les étudiants (12), les jeunes cadres, senter une ou des affections physiques ser celle de la causalité directe et donne
ou les personnes à responsabilités. qui l’obligeront malgré elle à s’arrêter paradoxalement « de la capacité à agir ».
Les étapes du burn-out se présentent dans contrainte et forcée. Tout changement, si minime soit-il, d’un
un ordre quasi habituel. Il débute par un Lorsque la personne en burn-out vient seul paramètre du système le fait déjà faire
enthousiasme idéaliste, où le travail pro- consulter, il va lui falloir un certain temps évoluer. Inversement, isoler une seule
met de tout combler, avec une suridenti- pour prendre conscience et accepter sa cause et le traitement qui s’y rapporte risque
fication avec la clientèle et une dépense situation. Comme dans le cas du deuil, d’amener à terme un échec.
d’énergie excessive et inefficace. Par la d’une maladie ou d’un accident, la personne La collaboration du patient demeure donc
suite, une stagnation s’installe où le tra- passe par une série d’émotions et d’états essentielle car c’est lui qui va engager le
vail n’est plus perçu comme aussi excitant d’esprit avant d’accepter son problème. processus du changement là où il lui
et n’est plus le substitut de tout dans la Le thérapeute doit la soutenir dans ces paraîtra plus aisé consciemment ou incons-
vie. La personne traverse ensuite une étapes de déni ou de refus et l’accompa- ciemment d’agir. Nous comprenons com-
période de frustration pendant laquelle gner dans la découverte de ce qu’elle a tou- bien humilité, gestion de la honte et de
elle s’interroge sur son efficacité au travail jours refusé consciemment ou inconsciem- la compétence professionnelle demeu-
et sur la pertinence et la valeur du travail ment. Parallèlement, il mesure le degré rent indispensables. Chaque patient jugera
comme tel, et enfin une apathie où elle se de gravité du burn-out, à quel stade d’évo- et ira là où il se sent prêt à aller inves-
sent chroniquement frustrée au travail mais lution le patient se situe et quels sont les tiguer. Nous partirons donc de la sur-
face pour aller vers le cœur, vers le plus
profond, du plus simple au plus com-
À lire. Comment traiter le burn-out. plexe, en sachant que les causes et les
Principes de prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel solutions sont et resteront multifacto-
rielles. Toutes les hypothèses, qu’elles
Le burn-out, syndrome d’épuisement professionnel, affecte l’ensemble des catégories sociales.
soient sociologiques, environnementales,
Dépisté trop tardivement, ce syndrome peut déboucher sur une dépression sévère, parfois
accompagnée de répercussions physiques sérieuses. Confronté quotidiennement au vécu de ses comportementales, psychologiques et
patients, Michel Delbrouck dresse dans cet ouvrage un panorama exhaustif et détaillé de la prise psychanalytiques, de même que biologiques
en charge du burn-out. Il décrit le syndrome, les différentes phases et passe en revue les facteurs ou basées sur les récentes découvertes
étiopathogéniques et les fondements philosophiques de la pathologie afin de permettre de mieux des neurosciences, seront à envisager
la détecter et d’en évaluer le degré d’intensité. Suivant un modèle évolutif, il propose un du point de vue étiopathogénique.
traitement efficace en dix phases pour avancer à son rythme. Combinant outils de prévention et
pistes de traitement, ce guide pratique s’adresse aux thérapeutes, psychologues et responsables LE CONTEXTE DE TRAVAIL
des ressources humaines. Selon P. Canoui et d’autres auteurs, le burn-
• M. Delbrouck, Bruxelles, De Boeck, 2e éd. 2013, 461 p. out est lié étroitement aux facteurs de tra-
Et aussi : Le burn-out du soignant vail et à l’environnement. Dans ce type
de conception, le burn-out est indissociable
Fruit d’une collaboration internationale, cet ouvrage constitue une référence en matière d’analyse du contexte de travail. Bien que nous
conceptuelle et étiologique du syndrome d’épuisement professionnel des personnels de santé. soyons pour une approche plus globalisante,
Dépassant le cadre théorique, il est aussi un outil d’autoévaluation pour le soignant, et de pistes évoquons sans les développer quelques
de concrètes de gestion du burn-out.
facteurs composants cette hypothèse
• M. Delbrouck, Bruxelles, De Boeck, rééd. 2011. sociologique (14).
• Facteurs spécifiques à l’activité de sérieuses répercussions organiques, 5– Voir La notion de Moi idéal dans les hypothèses étio-
professionnelle vivre un burn-out peut pourtant être un for- pathogéniques, in Delbrouck M., Comment traiter le burn-
Certains éléments concernent le type de midable clin d’œil de la vie ou à la vie. Cette out, principes de prise en charge du syndrome d’épuise-
travail effectué : implication trop importante dans la vie ment professionnel, Bruxelles, de Boeck, 2011, p. 54.
– le volume et les exigences du travail ; professionnelle par rapport à la vie privée 6– Le terme vient de l’anglais to bore, ennuyer.
– le manque de reconnaissance et de peut résonner comme un signal d’alarme 7– C. Maslach & S.E. Jackson, Burnout in health profes-
soutien au travail ; pour qui sait l’entendre. Quel sens cela a- sions : a social psychological analysis, in G.S. Sanders &
– le rythme de travail ; t-il pour la personne qui consulte ? Avec J. Suls (Eds.), Social Psychology of Health and Ilness,
– les aspects psychologiques vécus au le recul de quinze ans de prise en charge London, Laurence Erlbaum Associates, 1982.
travail ; du burn-out, nous pensons que celui qui 8– Le présentéisme s’oppose à absentéisme et désigne la pré-
– les critères de pénibilité au travail (pour a la capacité d’oser s’arrêter et analyser sence abusive de la personne sur le lieu de travail, menant
les soignants notamment) ; ce qu’il a vécu et ce qu’il est en train de à un état pathologique de surmenage (personne démotivée,
– les facteurs de stress psychosociaux. vivre, acquiert une chance inouïe et ines- fatiguée, peu productive et souffrant de somatisations
pérée de modifier sa trajectoire de vie diverses).
• Facteurs organisationnels avant qu’il ne soit trop tard. 9– P. Gil-Monte, B. Moreno & J.-P. Neveu, 2006, cité in
et relationnels Un fossé existe entre les idéaux défen- S. Claeys, Quand le travail agresse le professionnel ou le
Quelle que soit l’activité, elle suppose dif- dus par ces personnes et les contraintes burn-out de l’intervenant en violence scolaire, mémoire en
férentes structures et processus opératoires. de la réalité de terrain, ce qui oblige une vue de l’obtention du Master en psychologie, Université Catho-
Dans ce registre, les facteurs de risque adaptation de la posture thérapeutique pour lique de Louvain, promoteur professeur B. Galant, p. 265.
sont : soigner le burn-out, modifiée par rap- 10– Sur les types de personnalités, voir Delbrouck M.,
– l’ambiguïté de rôles ; port au modèle médical ou psychothéra- Comment traiter le burn-out, Bruxelles, De Boeck, 2011,
– le conflit de rôle dans la répartition peutique habituel. Car ce qui caracté- chapitre 8, p. 147.
des responsabilités et dans les tâches ; rise la personne en burn-out, contrairement 11– Maslacch C., Letter M., Burn-out, le syndrome d’épui-
– la nature des relations émotionnelles et à une personne qui entame une psycha- sement professionnel, Paris, Ed. Arènes, 2011.
sociales entre les collègues, entre le nalyse ou une psychothérapie, c’est que 12– Évaluer les traits et les troubles de la personnalité in
patron et ses subordonnés ; la seconde recherche une réflexion Delbrouck M., Comment traiter le burn-out, opus cité p. 89.
– la structure de l’organisation ; consciente et volontaire par rapport à Pour les facteurs prédictifs de burn-out chez les étudiants
– les difficultés relationnelles avec le elle-même. Alors que dans le cas de en médecine, voir M. Delbrouck, Le Burn-out du soignant,
client ou le patient ; l’épuisement professionnel, ce sont les Bruxelles, De Boeck, chapitre 6, p. 139.
– le harcèlement moral ou professionnel. événements de vie ou bien la symptoma- 13– Etiopathogéniques : étiologiques (origine) et pathogé-
tologie physique, le corps qui n’en peut niques (mode de fonctionnement).
• Facteurs liés à l’environnement plus qui vont déclencher ou « forcer » 14– Cet aspect est développé dans Delbrouck M., Comment
professionnel quelque peu la démarche. traiter le burn-out, opus cité, p. 44-66.
Dans ce registre, on relève que les rai-
sons pour lesquelles un collaborateur
décompense sont souvent liées à des
changements dans les lois de l’écono- BIBLIOGRAPHIE
mie ou du marché. Le burn-out prend – Canoui P., Maurange A., (1998), Le syndrome d’épui-
ainsi racine sur des terrains où les condi- sement professionnel. De l’analyse du burn-out aux
tions dans lesquelles le métier s’exerce réponses, Paris, Masson, 2001.
– Delbrouck M. (2007), Psychopathologie, manuel à
changent ou doivent être relativisées. 1– Freudenberger H., L’Épuisement professionnel. La brû-
l’usage du médecin et du psychothérapeute,
lure interne, Québec, Gaétan Morin éditeur, 1987.
Bruxelles, De Boeck, 2e édition, 2013.
EN CONCLUSION 2– Le terme vient de l’anglais to burn : se consumer. – Lebrun J.-P., De la maladie médicale, Bruxelles,
Le concept du burn-out peut être étendu 3– Le Coping décrit des stratégies d’ajustement que l’on De Boeck, 1993.
à l’ensemble des situations de l’homme adopte en fonction des agents stressants. Ils peuvent être – Revue Balint Belge, n°103, Le travail, c’est la
en relation d’aide et de l’homme « sim- orientés vers la diminution de la réaction de stress ou vers
santé ? Nos patients souffrant au travail, Bruxelles.
– Salathe N. K., Psychothérapie existentielle, une
plement » au travail. Bien que ce syndrome le contrôle de la situation stressante.
perspective gestaltiste, Paris, Amers, 1992.
puisse devenir une maladie et débou- 4– Voir Delbrouck M., Le burn-out du soignant, le syndrome – Winckler M., La maladie de Sachs, Paris, POL éd,
cher sur une dépression sévère, et/ou sur d’épuisement professionnel Bruxelles, de Boeck, 2008. 1998.
Résumé : Concept relativement récent, le syndrome du burn-out ou épuisement professionnel touche toutes les catégories professionnelles. Il se déve-
loppe selon un trépied, progressif qui comprend l’épuisement émotionnel, la déshumanisation de la relation à l’autre, le sentiment d’échec professionnel ou la
diminution de l’accomplissement. L’auteur, médecin, psychothérapeute et spécialiste du burn-out en particulier chez les soignants, en présente des symptômes phy-
siques et psychiques, les facteurs de risque, ceux liés à l’individu et à l’environnement. Multifactoriel, le burn-out appelle une prise en charge globalisante.
Risques organisationnels
Parmi les Risques psychoso-
ciaux (RPS) au travail, le burn-out occupe Plusieurs facteurs de risque du burn-out sont liés à l’organi-
une place particulière. S’il trouve une par-
tie de ses racines dans des facteurs indi-
sation du travail et notamment au changement. Différentes
viduels, l’environnement de travail ne peut mesures peuvent être prises pour accompagner les évolu-
en être exclu : le burn-out est avant tout
le résultat produit par des contextes situa- tions, afin de préserver la santé psychique des salariés.
tionnels, même si ce phénomène se tra-
duit essentiellement au niveau de l’indi-
vidu. Notre première partie s’attachera
donc à définir les RPS et le burn-out. La
deuxième partie sera l’occasion de présen-
ter les facteurs de risque organisation-
nels, traversés par la question du change-
ment organisationnel, et leurs répercussions
sur la santé mentale des salariés. Enfin nous
proposerons des pistes de prévention de
la santé psychologique au travail.
Christine JEOFFRION*,
Abdel Halim BOUDOUKHA**
et burn-out
complété cette législation en ajoutant l’obli- – L’épuisement émotionnel réfère à une Le burn-out a été initialement identifié
gation de prendre en compte les risques sensation de restriction ou de souffrance chez des personnels médico-sociaux en
psychosociaux au même titre que les autres lors du ressenti ou de l’expression des souffrance (Freudenberger, 1974). Or, les
risques professionnels. émotions. Il est d’autant plus intense que recherches montrent que la relation à
Selon Nasse et Légeron (2008), les RPS le sujet semble ne disposer d’aucun moyen l’autre chronique et stressante est un élé-
sont des « risques pour la santé mentale, de régulation émotionnelle. ment clé dans l’expression et le dévelop-
physique et sociale, engendrés par les condi- – Le désinvestissement ou désengage- pement du burn-out, ouvrant progressive-
tions d’emploi et les facteurs organisa- ment de la relation à l’autre se traduit par ment l’étude du burn-out vers d’autres
tionnels et relationnels susceptibles d’in- une attitude négative et détachée de la domaines comme le sport (Smith, Lemyre,
teragir avec le fonctionnement mental » personne envers autrui qui peut être trai- & Raedeke, 2007), l’enseignement (Bren-
(p. 49). Ils résultent donc d’une combi- tée comme un objet. ninkmeijer, Van Yperen, & Buunk, 2001),
naison entre les dimensions individuelles, – Enfin, la diminution du sens de l’accom- ou encore la sécurité (Boudoukha, Haute-
collectives et organisationnelles de l’ac- plissement et de la réalisation de soi est une keete, Abdellaoui, Groux, & Garay, 2011).
tivité professionnelle. Il est cependant forme de sentiment d’inefficacité person- Comme le propose Boudoukha (2009), il
nécessaire de distinguer la notion de nelle. Cette perte de confiance en soi résul- paraît donc primordial de faire une dis-
« risque », à savoir la probabilité d’y être tant de ce type d’attitude est associée à des tinction entre deux formes de burn-out :
confronté, de celle de « trouble » en tant états dépressifs importants et à une inca- – le burn-out en tant qu’objet de recherche.
que conséquence d’une exposition aux pacité à faire face aux obligations. La forte Il s’agit de la souffrance plus ou moins
risques (Montreuil, 2011). sensation d’être inefficace peut aboutir à intense qu’expriment des professionnels
Le premier accord-cadre européen signé long terme sur un verdict d’échec que l’in- mesurée à l’aide d’instruments validés.
le 8 octobre 2004 (3) a été exclusivement dividu s’impose et dont les conséquences – le burn-out en tant que concept psycho-
consacré au stress, considéré dans de peuvent être particulièrement graves. pathologique. Il désigne l’état des personnes
nombreuses études internationales comme
le premier risque psychosocial. Le stress
en tant que risque est donc à relier ici à
l’organisation du travail, notamment son
intensification et les changements mis en
place… On parle alors d’agents stres-
seurs. Mais le stress, du point de vue
des salariés, peut aussi être considéré
comme un trouble, une conséquence : les
salariés « stressés » décompensent de dif-
férentes manières : troubles musculo-
squelettiques (première maladie profes-
sionnelle répertoriée) (Roquelaure et al.,
2006), burn-out (Boudoukha, 2009)…
Considéré comme une conséquence spé-
cifique de stress notamment profession-
nel, le burn-out occupe une place telle
qu’il est nécessaire de revenir sur une défi-
nition consensuelle.
qui souffrent tellement des stress relation- RPS, qu’il nomme les « facteurs psycho- participation dans la prise de décisions
nels chroniques auxquels elles sont expo- sociaux de risque au travail » (Gollac & le concernant et aussi l’utilisation et le
sées que leur mal-être clinique nécessite Bodier, 2011). Ces facteurs sont au développement de compétences.
une prise en charge psychothérapique. nombre de six. – Les rapports sociaux au travail se mesu-
Pour le distinguer du précédent, les termes – L’intensité du travail et le temps de tra- rent à travers le soutien social perçu
de « burn-out pathologique », de « burn- vail : ce facteur étend les concepts de (Karasek & Theorell, 1990) de la part
out dysfonctionnel », « burn-out clinique » « demande psychologique » (Karasek, des collègues et de la hiérarchie, et/ou
ou encore trouble de burn-out sont plus 1979) et d’« efforts » (Siegrist, 1996). des partenaires extérieurs. Il est en lien
appropriés. Les déterminants immédiats renvoient avec les concepts d’intégration, de jus-
Quelle que soit la forme étudiée, l’envi- d’une part à la durée et l’organisation du tice organisationnelle et de reconnais-
ronnement plus global dans lequel il prend temps de travail (nombre d’heures et de sance (Bagger, Cropanzano, et Ko, 2006).
naissance (organisation de l’entreprise, jours travaillés…) et d’autre part à son inten- Les relations avec les collègues sont à com-
administration, famille, relation…) est sité et à sa complexité (objectifs flous…). prendre par rapport à la coopération. Les
une variable importante. Dans un contexte – L’exigence émotionnelle renvoie au fait formes plus abstraites de la relation à l’en-
professionnel, ce sont alors les facteurs de devoir contrôler ses émotions, afin de treprise comme la rémunération ou les pers-
de risque psychosociaux qui devront néces- maîtriser celles des personnes avec les- pectives de carrières, sont aussi à prendre
sairement être pris en compte. quelles on travaille. C’est souvent le cas en compte. Les formes de violence interne
dans les emplois où l’on est en contact à l’entreprise ont toute leur importance :
LES FACTEURS DE RISQUE avec un public (élèves, patients…). insultes, harcèlement moral ou sexuel…
Un Collège d’expertise de suivi des RPS – L’autonomie au travail explore la latitude – La souffrance éthique fait partie des rap-
a sélectionné des « variables à mesu- décisionnelle (Karasek, 1979), en incluant ports sociaux au travail, mais renvoie
rer » en vue d’élaborer des indicateurs de la marge de manœuvre du salarié, sa essentiellement aux conflits de valeurs.
– L’insécurité de la situation de travail com-
prend l’insécurité socio-économique et le
risque de changement non maîtrisé de la
tâche et des conditions de travail.
D’autres facteurs méritent également
d’être considérés : le genre, l’âge, l’ori-
gine sociale, le niveau scolaire, la trajec-
toire professionnelle et les éléments rela-
tifs au statut socioprofessionnel.
LE CONTEXTE DU CHANGEMENT
Nombre d’auteurs s’accordent pour dési-
gner les transformations modernes d’or-
ganisation du travail comme facteur d’ex-
plication à l’intensification de la souffrance
au travail. Ainsi, mondialisation, restruc-
turations, nouvelle organisation, affaiblis-
sement des collectifs de travail, se situe-
raient bel et bien en amont des souffrances
au travail.
Le contexte contribue à légitimer des pra-
tiques professionnelles dysfonctionnelles,
plus fréquentes dans les organisations
présentant une centration interne comme
les administrations, les établissements
médicaux et sociaux (Viaux et Bernaud,
2001). Paradoxalement, les institutions
censées aider, soigner, rendre service sont
celles où les pratiques harcelantes sont
les plus fréquentes (Desrumaux-Zagrod-
nicki, 2003).
Les conséquences de ces différents fac-
teurs sur la santé physique et psychique
des salariés sont nombreuses. Selon Bou-
doukha et Jeoffrion (2013), ces éléments
peuvent avoir des effets sur la tension,
mais aussi sur le sommeil, les troubles
musculosquelettiques, cardiovasculaires,
digestifs, rhumatologiques, ou la prise du projet de changement. Ces représen- de demandes déraisonnables, ou encore
de poids, les troubles endocriniens, diges- tations ont un pouvoir d’orientation et de la difficulté voire l’incapacité à faire des
tifs… Les effets s’exercent également structuration de l’action (Jeoffrion, 2013). demandes raisonnables de services, ont
sur la peau, l’asthme, le cancer et les mala- Au cours de notre intervention auprès de des conséquences professionnelles. Aussi,
dies chroniques. deux structures médico-sociales en cours la mise en œuvre d’ateliers de gestion des
Concernant les conséquences sur la santé de fusion (Jeoffrion & Barré, 2011), nous compétences sociales destinés aux mana-
psychique, le burn-out est de plus en avons travaillé sur les représentations des gers, décideurs et employés permet par
plus fréquent, de même que les séquelles salariés (cadres et non cadres). Ce travail une action collective, de diminuer des
psychologiques car les salariés sont éga- individuel a fait l’objet d’un partage des repré- conséquences psychiques individuelles.
lement confrontés à des situations trau- sentations en grand groupe, et a permis de
matisantes (agressions, violences ver- se rendre compte que les salariés, au-delà • Encourager un management participatif
bales, harcèlement, décès de collègues, des résistances exprimées, partageaient Sur la base d’audits de climat social
d’usagers…). Les répercussions sont alors une vision commune du changement pré- réalisés dans des dizaines d’entreprise
de divers ordres : senté comme « un mal nécessaire » favo- de différentes tailles et de différents
– émotionnelles (choc, terreur, culpabi- risant une clarification des fonctions de cha- secteurs d’activité, Landier (2010)
lité, anxiété, hostilité, dépression…) ; cun, et donc aussi une amélioration souhaitée montre que ce ne sont pas tant les chan-
– cognitives (affaiblissement ou diminu- de l’ambiance de travail. Des obstacles gements qui sont critiquables, car sou-
tion des capacités) ; ont pu ainsi être franchis, et chacun est vent inévitables, mais bien la façon dont
– somatiques (perturbation du sommeil devenu acteur du changement, en y appor- ils sont menés. Selon l’auteur, les
avec insomnies, cauchemars), ou psy- tant les modulations qui lui semblaient réformes décidées par le haut, puis
chosomatiques ; importantes, au lieu de se réfugier dans une imposées aux salariés, ont pour effet
– comportementales (stratégies d’évite- conduite d’hostilité qui, à long terme, pou- bien souvent de détruire les collectifs de
ment, retrait social, stress interpersonnel, vait les rendre vulnérables. De même, Sar- travail. À cela s’ajoute la place de plus
voire abus de substance). nin, Bobillier Chaumon, Cuvillier, et Gros- en plus importante des messages élec-
Les cas de dépression et de troubles psy- jean (2012) ont observé que le rôle le plus troniques qui remplacent les échanges
chosomatiques sont nombreux, résultant important qu’ils ont pu jouer dans la prise de vive voix entre collègues. Enfin,
d’un état d’anxiété chronique et s’ac- en charge des souffrances au travail au « l’unité de lieu, de temps et d’action,
compagnant d’un ensemble de symp- sein d’une grande entreprise est d’avoir qui caractérisait l’entreprise traditionnelle,
tômes (ralentissement psychomoteur, participé à l’évolution des représentations a ainsi laissé place à “l’entreprise
humeur triste, pensées morbides…) et de l’encadrement. nomade”, fondée sur des processus déci-
un risque de passage à l’acte. Les consé- dés de l’extérieur et non plus sur la
quences sont aussi importantes sur le • Développer des compétences coopération entre personnes impliquées
plan organisationnel, puisque les arrêts sociales des professionnels dans un même projet » (p. 85).
maladies, les turn-overs ou les départs d’une La dimension relationnelle est primor- Divers autres travaux montrent l’intérêt
organisation génèrent des coûts finan- diale dans le développement de l’épui- de favoriser la participation des salariés
ciers parfois importants. sement émotionnel, du désinvestisse- pour faciliter la mise en place de chan-
ment et du sentiment d’inefficacité gements. C’est notamment ce que Koua-
MODALITÉS DE PRÉVENTION DES RPS personnelle. Il est donc nécessaire d’y inté- benan, Doutre, Dubois et Joud (1997) révè-
Le changement organisationnel, qui tra- grer une dimension assertivité-affirma- lent à partir de l’analyse de l’introduction
verse la notion de RPS, permet aux orga- tion. L’assertivité (fait d’exprimer son d’une démarche qualité au sein de deux
nisations « de répondre au problème cru- point de vue et ses intérêts avec aisance, structures, tout en relativisant certaines
cial de l’adaptation à l’environnement sans anxiété et sans dénier ceux des de leurs observations.
dont elle se nourrit et dont elle dépend » autres) trouve son origine avec le concept Intéressé par ces questions, Colombat
(Perret, 1996, p. 2). d’assertion (acte de parole par lequel un (2012) a proposé le concept de
La question à se poser devient alors : locuteur pose une proposition comme « démarche participative » dans les
est-ce que ce sont les changements qui vraie) qui recouvre une gamme large de structures de soins (4). Étayée par deux
posent problème ou la façon de les appré- comportements (Boisvert & Beaudry, études de terrain qui essaient d’établir
hender ? Comment expliquer les inégali- 1979). La taxonomie de Lazarus (1973) une cohérence entre la souffrance res-
tés de ressources des salariés face aux distingue quatre grandes catégories d’as- sentie, le management participatif et
changements ? sertion : la qualité de vie au travail, sa démarche
– l’expression des émotions positives ou est fondée sur le désir de mettre en
• Les représentations du changement négatives appropriées ; exergue « l’importance des relations
Une voie d’entrée insuffisamment explo- – le refus des demandes déraisonnables ; sociales et interprofessionnelles, la
rée semble être celle des représentations – la demande raisonnable de services ou nécessité de clarifier le rôle des inter-
que les acteurs ont du changement. Elles de faveurs ; venants et leur place dans l’équipe de
vont en effet influencer les choix, les – et enfin l’art de la conversation, c’est- soins » (p. XIX). Le management parti-
objectifs, les actions des agents de chan- à-dire savoir amorcer, soutenir et clôtu- cipatif proposé vise à améliorer la qua-
gement et des destinataires, qui sont les rer une conversation. lité de prise en charge des patients en
acteurs de l’organisation quels que soient Dans le cadre du travail, la non-expres- passant par l’amélioration de la qualité
leur niveau hiérarchique et leur maîtrise sion des émotions adaptées, l’acceptation de vie au travail des soignants.
CONCLUSION – Boudoukha, A. H. (2009). Burn-out et Traumatismes des risques psycho-sociaux dans un établissement
Psychologiques. Paris : Dunod. d’accueil pour personnes âgées : l’intérêt d’une
La prévention des RPS et du burn-out est approche mixte et participative. Le Travail Humain.
– Boudoukha, Hautekeete, Abdellaoui, Groux, & Garay,
un enjeu majeur pour l’ensemble des acteurs (2011) Burnout et victimisations : effets des agres- – Karasek, R. A. (1979). Job demands, job decision
du monde du travail. Pour l’employeur, elle sions des personnes détenues envers les personnels latitude, and mental strain : implication for job
permet d’éviter des dysfonctionnements de surveillance. L’Encéphale, 37(4), 284-292. redesign. Admin Science Quartely, 24, 285–308.
– Boudoukha, A. H., & Jeoffrion, C. (2013). Les risques – Karasek, R. A., & Theorell, T. (1990). Healthy Work :
organisationnels et des coûts directs et Stress, Productivity and the Reconstruction of the
psychosociaux. Formation proposée au Groupe pluri-
indirects. Pour les autres acteurs de la pré- disciplinaire de réflexion sur les Risques Psychoso- Working Life. New York : Basic Books.
vention (CHSCT, médecins du travail, syn- ciaux (Présidence de l’Université). Université de – Kouabenan, D. R., Doutre, E., Dubois, M., & Joud, P.
dicats…), elle contribue à la protection de Nantes, 19 février. (1997). La participation comme modalité d’intro-
– Brenninkmeijer, V., Van Yperen, N. W., & Buunk, B. P. duction d’une démarche qualité. Cahier de La
la santé physique et psychique des salariés. Recherche Scientifique En Qualité, 3(2).
(2001). I am a better teacher, but other are doing
Elle est inévitablement liée à la question worse : Burn-out and perceptions of superiority – Lazarus, A. A. (1973). Multimodal Behavior Therapy,
du changement organisationnel et à celle among teachers. Social Psychology of Education, Treating the «basic id». Journal of Nervous and
des valeurs que l’on souhaite promouvoir. 43(3-4), 259-274. Mental Disease, 156, 404-411.
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Ce n’est pas uniquement l’individu qu’il peut réussir le changement contre ceux qui en subis-
les risques psychosociaux. Paris : La Découverte.
faut soigner, mais également son environ- – Colombat, P. (Ed.). (2012). Qualité de vie au travail sent les effets. Humanisme & Entreprise, 296, 81–92.
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4– Le concept de démarche participative repose sur quatre
lences au travail : Facteurs organisationnels pou- nisationnel : articulation de représentations
points : la formation interne de l’équipe ; le projet de service, vant générer des violences physiques et du harcèle- ambivalentes. Article présenté à la 5ème Confé-
ou plus généralement la démarche projet, qui permet à ment sexuel et moral sur les lieux de travail. rence Internationale de management stratégique,
l’équipe, à partir d’une difficulté de fonctionnement, de Louvain : Université Catholique de Louvain. Lille, 13-15 mai.
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s’approprier le problème et de faire des propositions pour le
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résoudre; les staffs pluriprofessionnels; le soutien aux équipes Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques Troubles musculo-squelettiques en France : don-
qui permet d’analyser les difficultés à l’origine d’une situa- psychosociaux au travail, faisant suite à la demande nées du réseau pilote de surveillance épidémiolo-
tion de crise et de proposer des processus d’adaptation ou du Ministre du travail, de l’emploi et de la santé. gique dans les entreprises des Pays de la Loire en
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Résumé : Les Risques psychosociaux (RPS) au travail, qui incluent le burn-out, trouvent leurs racines non seulement dans l’individu, mais égale-
ment dans son environnement de travail. Tout employeur a l’obligation de prendre en compte ces risques au même titre que les autres risques profession-
nels. La prise en charge des RPS et du burn-out doit conjuguer un volet individuel et un volet organisationnel. Sur ce deuxième volet, il s’avère que la ques-
tion du changement organisationnel traverse ces risques et peut influencer la santé physique et psychique des salariés. Une meilleure prise en compte des
représentations lors des changements organisationnels, des ateliers d’affirmation de soi ainsi que la mise en place d’un management participatif pourraient
constituer des garants du maintien de la santé psychologique au travail.
Burn-out,
idéal du moi et désir
Cadre depuis plus de quinze ans dans une grande institution, Estelle souffre jusqu’au
burn-out de ne pas satisfaire sa hiérarchie, illustrant ainsi son rapport douloureux avec
l’idéal du moi.
Cet article présente la prise en Le terme de prise en charge a été volon- La prise en charge d’un sujet épuisé pro-
charge psychologique d’une patiente confron- tairement écarté, l’institution qui met en fessionnellement peut utilement conduire
tée à un épisode d’épuisement profession- tension pouvant difficilement être aussi celle le thérapeute à interroger le rapport du
nel. Ce suivi s’est déroulé sur le lieu de tra- qui soigne ; l’accompagnement proposé y patient à ses instances internes (moi,
vail sous la forme d’une psychothérapie prend la forme d’entretiens psychothéra- surmoi et idéal du moi). Cette investiga-
brève d’inspiration psychanalytique. peutiques. Les séances durent entre 40 et tion élargit la profondeur de vue sur la situa-
Avant de détailler la vignette clinique, 60 minutes, selon un rythme guidé par l’état tion du sujet, en ne se restreignant pas
quelques mots sur l’institution et les dis- clinique du patient et ses objectifs. Je à la scène professionnelle et en stimulant
positifs déployés pour y prendre en charge les assure en qualité de psychologue cli- les associations avec les autres champs
la souffrance au travail. Il s’agit d’un orga- nicien référencé à la métapsychologie psy- de son monde interne. Elle repositionne
nisme privé gérant un service public de santé. chanalytique : la règle de l’association également le patient dans une position
Il s’inscrit dans un réseau constitué il y a libre (Roussillon, 2007) permet d’explo- active, et par conséquent susceptible de
près d’un siècle mais qui connaît une pro- rer des liens inconscients ; le repérage et changer sa perception, voire de se réap-
fonde mutation depuis une dizaine d’an- l’analyse des phénomènes transférentiels proprier une capacité de changement de
nées. Aux restrictions budgétaires régu- permettent de « caractériser la projection la situation vécue.
lières se sont ajoutées des démarches de du monde interne du sujet, de ses angoisses,
restructuration entraînant la fusion d’une de ses conflits, de ses défenses, de ses fan- « FAIRE BIEN TOUT DE SUITE »
centaine d’organismes départementaux en tasmes spécifiques (…) » (Ciccone, 2010). À 37 ans, Estelle, cadre, travaille dans l’ins-
une vingtaine de superstructures régio- Dès la première séance, il est précisé au titution depuis plus de quinze ans. Elle
nales. Progressivement, les salariés ont patient que l’accompagnement s’étend l’a intégré immédiatement après un solide
développé des symptômes de souffrance au sur 2 à 6 séances (à l’inverse de l’offre de cursus universitaire en comptabilité.
travail (1), sous les formes et avec l’am- soins hospitalière ou libérale sans terme Diverses promotions et formations internes
pleur constatées depuis les années 1990 prédéfini). Il n’y a pas de contre-indica- lui ont permis de passer du statut d’em-
dans d’autres secteurs d’activité. tion psychopathologique, la coordination ployée à celui de cadre, l’amenant depuis
La direction a donc décidé en 2012 de créer avec le médecin du travail est dynamique, 2010 à manager quatre agents.
un service chargé d’identifier les situa- et l’accompagnement peut ouvrir sur une À partir de 2011, l’institution s’engage
tions de mal-être au travail, de les diagnos- orientation externe (CMP, hospitalisation dans une profonde restructuration qui
tiquer en lien avec la médecine du travail ambulatoire ou cabinet libéral), étant pré- entraîne une instabilité majeure pour ses
puis de proposer un accompagnement. cisé au patient qu’il pourra alors se tour- cadres. Estelle change de directeur en 2012
ner vers d’autres types de psychothéra- et doit s’adapter à un style de manage-
pie s’il le souhaite (TCC, thérapies ment beaucoup plus exigeant, dans un
systémiques…). contexte tendu. Elle demande à me ren-
Notons enfin que j’interviens comme sala- contrer fin 2012.
Vincent CHARAZAC rié, avec donc le même employeur que les
patients. Dans ce contexte, l’énoncé et la • Lors du premier entretien, Estelle pré-
Psychologue d’entreprise, psychologue garantie absolue de la déontologie du psy- sente un rapport douloureux au travail.
clinicien, psychothérapeute, doctorant chologue constituent une condition incon- Bien que s’y investissant intensément,
à l’Université Lyon 2. tournable de l’alliance thérapeutique. elle n’en tire plus de satisfaction durable :
« Je suis nulle, transparente, sans valeur satisfaire l’instance surmoïque qui lui
ajoutée… N’importe qui pourrait faire indique de « tout donner pour son travail »
mon travail, cela ne changerait rien. » Cette (le père déçu par la carrière d’expert-
tension se prolonge le soir et souvent le comptable avortée, le directeur lui repro-
week-end. Elle identifie un détachement chant la qualité de ses productions) ou ses
progressif vis-à-vis de « l’objet » travail : deux enfants « qui ont aussi besoin de moi ».
elle sent ne plus rien y apporter et en attend
« de moins en moins : je suis très déta- « C’ÉTAIT LE RÊVE DE MON PÈRE »
chée, absente ». Des membres de son • Le second entretien a lieu un mois plus
équipe lui confirment cette dépersonna- tard, en janvier 2013. Il s’engage sur une
lisation (Dejours & Gernet, 2012), la sensation un peu confuse : « Je ne sais pas
trouvant de plus en plus « distante et froide, ce que je ressens, si c’est bien ou mal,
moins impliquée qu’avant ». Elle n’inves- agréable ou désagréable. » Estelle l’ex-
tit plus les relations humaines, ne fré- plique par un récent courrier qu’elle a
quente plus le restaurant d’entreprise ni transmis à sa hiérarchie pour exprimer son
les temps de pause collectifs. Si certains mal-être. Elle s’étonne d’avoir « réussi à
signes cliniques relèvent d’une dimen- l’écrire et être allée au bout : d’habitude,
sion anxio-dépressive (altération durable je n’aurais pas osé par peur d’être mal
du sommeil, trouble de l’humeur et de l’ap- vue » (pas osé décevoir ses parents ?),
pétit, rumination), deux éléments lais- d’autant que sa démarche a effectivement
sent supposer un état d’épuisement pro- irrité son directeur. Elle me demande plus
fessionnel. Estelle confie s’être énormément tard « comment sortir d’un conflit œdi-
investie depuis le début de l’année 2012, pien » prolongeant nos échanges de la
redoublant d’efforts pour satisfaire sa première séance sur la rivalité dans la fra-
nouvelle hiérarchie ; les vacances lui per- trie vis-à-vis du regard des parents. Ensemble,
mettent de se détacher provisoirement nous constatons que l’enjeu actuel est
de « l’écho interne » de ce contexte dou- moins de « sortir » du conflit œdipien que
loureux. L’anamnèse psychopathologique de se dégager de cette confusion des affects
relève un épisode dépressif pré-partum en consécutifs à une décision importante, en
2011 : « Je pleurais tous les matins dans l’occurrence, l’expression d’une difficulté
ma voiture avant d’aller bosser. » auprès d’une hiérarchie. Estelle est désta-
Parmi ces signes cliniques, un élément bilisée par la perspective de son prochain
confirme l’altération du sentiment d’ac- entretien annuel d’évaluation qu’elle appré-
complissement personnel : Estelle est très hende sur un mode très dévalorisé.
affectée par l’insatisfaction que sa hiérar- « Expert-comptable, c’était le rêve de
chie exprime progressivement vis-à-vis de mon père… Quand j’ai dû renoncer, je lui
son travail. Elle me relate un épisode où son ai demandé si ça lui convenait que j’entre
directeur « est entré dans mon bureau, a dans cette institution… Finalement, il a
fermé la porte et m’a fait des reproches. Je dit oui. » Dans la dimension œdipienne,
me suis sentie comme une petite fille, hon- il est effectivement question de faire plai-
teuse ». Elle associe avec « les reproches sir au père et de tenir à distance l’angoisse
de mon père qui était déçu que j’entre de castration. Ainsi, quand je demande
dans cette institution et que je ne sois pas à Estelle quel est son plus beau souve-
devenue expert-comptable après mes études. nir d’enfance, elle me cite « le jour où j’ai
(…) Il a longtemps refusé de me parler », renversé mon chocolat et que mon père
tout comme ce supérieur hiérarchique très m’en a refait un autre, sans me disputer…
distant… Elle indique chercher « à faire bien Je ne me suis jamais sentie aimée de
tout de suite, dès la première fois… J’ai du façon inconditionnelle autant que ce jour-
mal à simplement “essayer” »… Tout ça pour là ». Être aimée par le père malgré ses mal-
être la première, la préférée ». Nous consta- adresses ou ses échecs, tels l’inaboutis-
© Christian Fafet. No Face A n° 33, 2009.
tons ensemble que les imagos parentales sement professionnel ou le courrier sensible
sont régulièrement projetées sur son enca- adressé à la hiérarchie… Mais il faut
drement. Si la honte est éprouvée dans de aussi entendre ici le rapport à l’idéal du
nombreuses circonstances professionnelles, moi, l’ambition professionnelle s’étant
la colère et la révolte sont peu mobilisées. constituée en référence au désir du père.
D’une façon générale, l’angoisse de castra-
tion domine, les situations de rivalité étant • Je retrouve Estelle un mois plus tard pour
douloureuses. un troisième entretien, dominé par une
En fin d’entretien, Estelle me fait part sensation de malaise dont elle regrette « de
de son tiraillement de mère, hésitant à ne pas pouvoir trier la part professionnelle
et professionnelle (la collègue) est mani- cacher mes faiblesses, être forte… Ce pas comme une voie d’étayage interne.
feste. Estelle conclut : « À la fin de ce matin, devant la glace, je ne voulais pas La souffrance s’étant réduite, nous évo-
rêve, je me suis réveillée, mais je n’étais mettre mes lunettes, ne pas montrer mon quons l’interruption de ce suivi après six
pas libérée » : explicitement « toujours handicap, rester désirable. » Cet exemple séances. J’indique à Estelle qu’elle pour-
pas libérée du choix », mais implicitement traduit, par le corps, le conflit intra-psy- rait utilement le prolonger « à l’exté-
« pas libérée du désir de l’homme » ! chique provoqué par l’aliénation de son rieur » : le monde interne et les mouve-
Estimant que ses rêves-oracles ne l’éclai- désir au regard de l’Autre – l’homme, le ments transférentiels sont utilement
rent pas, Estelle rédige un tableau « points père, le directeur. « J’ai tellement voulu mobilisés, les associations et la vie onirique
forts – points faibles » des trois postes et bien faire, faire plaisir que je me suis sont d’une grande richesse. Je suggère
s’étonne de parvenir à exprimer par écrit cer- « l’idéalisation est le processus psychique parentales lui a permis d’identifier une
taines difficultés à son employeur. P. Moli- par lequel les qualités et la valeur de entrave à l’expression d’un désir propre,
nier (2008) rappelle que « l’agressivité l’objet sont élevées au rang de la perfec- avatar d’un idéal du moi envahissant. L’iden-
suscitée par les interdits parentaux est tion » (ibid.). Lorsqu’elle remarque qu’elle tification de cette tension a sans doute
“retournée” contre le moi, tandis que par cherche « à faire bien tout de suite, dès contribué à la restauration partielle d’une
le mécanisme de l’identification celui-ci la première fois (…) pour être la pre- capacité d’investissement professionnel.
prend en lui la puissance, la sévérité, la ten- mière, la préférée », l’idéal du moi semble Estelle a pu choisir un poste en cohérence
dance à “surveiller et punir” des parents ». « sévir contre le moi de façon cruelle » avec ses aspirations de future mère, tenant
Estelle évoque un sentiment de « culpabi- (Freud, op. cit.) et comparable à la « sévé- à distance les injonctions épuisantes de
lité » vis-à-vis de l’équipe, dont M. Houser rité » du surmoi. La clinique l’illustre ses instances internes.
(2008) souligne qu’il relève de la fonction également à travers l’image du rêve de cette
de « conscience morale » du surmoi. « femme directrice » (fusion des ima-
Le lien entre le burn-out et l’idéalité fait gos ?), qui se moque de son conjoint, ou
consensus chez les « psychistes » réfé- lorsqu’elle (dis)-qualifie de « caprice » un 1 – On notera que le burn-out est un symptôme psycho-
rencés à la psychanalyse (Delbrouck, choix professionnel légitime et cohérent. pathologique dont l’apparition est potentialisée par les
2010) ou non (Delgènes, 2014). Il implique La dimension œdipienne et l’angoisse de réorganisations organisationnelles (enquête HIRES sur la
donc d’interroger le choix d’objet profes- castration prédominent. S. Freud sou- santé dans les restructurations, 2009).
sionnel, ce dernier pouvant représenter « un ligne que « l’être idéal, qui est devenu l’idéal
autre facteur de fragilité ou de faille pos- du moi, représentait autrefois la menace BIBLIOGRAPHIE
sible » (Delbrouck, op. cit.). Estelle met de castration » (op. cit.), se transformant
– Ciccone A. (2010), L’observation clinique, Paris :
cette question au travail à travers son plus tard en angoisse et « scrupules de
Dunod.
rapport à l’idéal du moi. M. Houser (op. conscience ». Dans cette dynamique, – Dejours C. & Gernet I. (2012), Psychopathologie du
cit.) le définit comme « un modèle auquel Estelle est tiraillée entre son développe- travail, Issy-les-Moulineaux : Elsevier-Masson.
le sujet cherche à se conformer », en ment de carrière et son rôle de mère ; en – Delbrouck M. (2010), Je suis épuisé(e) par ma char-
ge de travail. Que puis-je faire ? Le burn-out ou la
soulignant sa fonction « essentielle » de rêve, elle se voit prendre la place d’un otage
souffrance des soignants, in Imaginaire & Incons-
« référence au sentiment d’estime de sous le regard de son père. cient, 2010, 25, 157-165.
soi » dont l’origine « reste principale- P. Molinier (op. cit.) note que « l’idéali- – Delgènes JC. et al. (2014), Le syndrome d’épuise-
ment narcissique ». L’auteur souligne sation pose le problème de la dépen- ment, une maladie professionnelle, Paris : Cabinet
Technologia.
« l’actualisation renforcée [de cette ins- dance à l’objet (…) et de l’aliénation
– Freud S. (1920), Au-delà du principe de plaisir, in
tance] au moment de l’Œdipe ». Pour dans l’idéal lorsque celui-ci est entière- Essais de psychanalyse, Paris : Petite bibliothèque
S. Freud (1923), cette instance est une ment inféodé à un autre externe ». Le Payot (1963).
« formation substitutive de la passion rapport de la patiente à son idéal du moi – Freud S. (1922), Introduction à la psychanalyse,
pour le père »; Estelle situe l’acmé de cette aboutit à des conflits internes entre ses Paris : Petite bibliothèque Payot (1990).
– Freud S. (1923), Le moi et le ça, in Essais de psy-
passion dans l’infantile, lorsque l’amour investissements professionnels et person- chanalyse, Paris : Petite bibliothèque Payot (1963).
de son père avait résisté au « raté » du nels, traduisant une prédominance du – Gollac M. et al. (2011), Mesurer les facteurs psycho-
chocolat renversé. Mais la clinique illustre désir paternel sur le sien propre. Mon sociaux de risque au travail pour les maîtriser,
surtout le rapport douloureux qu’elle entre- option thérapeutique avec Estelle a donc DARES, Paris : Ministère du travail et de l’emploi.
– HIRES (2009), La santé dans les restructurations :
tient avec l’idéal du moi. Elle souffre été d’interroger l’influence de l’Autre approches innovantes et recommandations de prin-
d’échouer à satisfaire son père, ou son (notamment paternel) sur son désir pour cipe, rapport consultable sur le site internet
représentant professionnel dans le trans- stimuler une pulsion d’investissement qui www.travailler-mieux.gouv.fr.
fert qu’elle opère sur le travail. De cette inca- lui soit propre. Le choix parmi les postes – Houser M. in Bergeret J. et al. (2008), Psychologie
pathologique théorique et clinique, Paris : Masson.
pacité découle un sentiment d’infériorité proposés permettait d’éprouver in situ – Molinier P. (2008), Les enjeux psychiques du travail,
« en rapport avec la fonction d’idéal » cette capacité. Après avoir décidé, et pour Paris : Petite bibliothèque Payot.
(Houser, op. cit.) faisant d’Estelle « une petite conclure ce suivi, Estelle me confie : « Ce – Perlman B. & Hartman E.A., (1982), Burn-out : sum-
fille, honteuse ». « Nulle, transparente, qui m’a aidée, c’est ce que vous m’avez mary and future research, in Human relations, 35,
529-535.
sans valeur ajoutée » : le narcissisme secon- dit : “Pourquoi se laisser guider par le – Roussillon R. et al. (2007), Manuel de psychologie et
daire est affecté (Molinier, op. cit.) à la désir d’un autre” ». On peut supposer que psychopathologie clinique générale, Issy-les-Mouli-
mesure de l’exigence qu’Estelle a d’elle-même : ce parcours à travers le rapport aux imagos neaux : Elsevier-Masson.
Résumé : Dans la prise en charge d’un patient confronté à un épisode d’épuisement professionnel, le thérapeute peut utilement interroger le rap-
port du sujet à ses instances internes (moi, surmoi et idéal du moi), le burn-out étant notamment une « maladie de l’idéal ». Cette investigation élargit la
profondeur de vue sur la situation du sujet, en ne se restreignant pas à la « scène » professionnelle et en stimulant les associations avec les autres champs
de son « monde interne ». Elle repositionne également le patient dans une position « active », et par conséquent susceptible de changer sa perception des
choses, voire de se réapproprier une capacité de changement de la situation vécue.
Mots-clés : Accompagnement – Angoisse de castration – Cas clinique – Conflit psychique – Culpabilité – Épuisement professionnel
– Idéal du moi – Imago – Médecine du travail – Psychologue – Psychothérapie brève – Psychothérapie psychanalytique – Stress – Travail.
La fatigue de soigner
Le burn-out du soignant a une psychopathologie particulière, liée à la perte de la capacité
d’empathie. Mais il renvoie aussi à une réflexion sur l’éthique du soin et la relation d’aide.
Apparu dans les années 1970, que la personne est déjà installée dans une de la vie de la personne. Pour cela il est
le burn-out ou syndrome d’épuisement pro- maladie psychiatrique. Certes, une des important de dépister les états précli-
fessionnel a connu depuis un curieux et caractéristiques du burn-out est de faire niques.
intéressant destin. Le terme a été créé le lit d’un trouble psychiatrique anxieux Les premières enquêtes françaises et
par des soignants pour des soignants : les et/ou dépressif mais ce n’est pas tou- d’autres travaux internationaux (2) poin-
premières publications sur le sujet étaient jours le cas. taient un des éléments particuliers du
consacrées au problème spécifique de L’objet de cet article est d’étudier la spé- burn-out des soignants, que je retrouve
la fatigue et des risques de soigner (cf. cificité du burn-out des soignants afin de toujours régulièrement à l’occasion de
infra). Progressivement, le terme s’est mieux comprendre le phénomène et sur- consultations et de conférences sur le
élargi pour définir un ensemble de symp- tout de penser la prévention, qui reste le sujet, et qui consiste à vouloir changer
tômes qui caractérise le trouble de l’adap- véritable enjeu. de métier. Ainsi, dans l’étude de Rodary
tation de l’homme à son travail. et Gauvain Piquard (3) réalisée parmi
Le burn-out combine une fatigue pro- UN TROUBLE TABOU les personnels paramédicaux de deux
fonde, un désinvestissement de l’activité Une des premières caractéristiques du pro- grands hôpitaux, environ 25 % des per-
professionnelle, et un sentiment d’échec blème réside dans la réticence des soi- sonnes souffraient d’un état de burn-out.
et d’incompétence dans le travail. Il est gnants eux-mêmes à en parler. Il existe Près de la moitié d’entre elles avaient pensé
considéré comme le résultat d’un stress une incapacité à exprimer que prendre soin changer de travail dans l’année précédente,
professionnel chronique (par exemple lié d’autrui est un métier à risque pour soi. marquant ainsi une perte significative
à une surcharge de travail). L’individu ne Cette omerta a longtemps été puissante d’accomplissement au travail alors que,
parvient pas à faire face aux exigences adap- dans les milieux infirmiers et paramédi- fait remarquable, près de 85 % restaient
tatives de son environnement profession- caux. Elle l’est encore chez les médecins, passionnées par leur métier.
nel et son énergie, sa motivation et son les chirurgiens-dentistes et certains cadres
estime de soi déclinent. de santé. C’est peut-être une des rai- UN PEU D’HISTOIRE
Si le burn-out est un sujet d’actualité sons qui explique le taux important de En 1969, aux États-Unis, Harold Brad-
dont les journaux font régulièrement leur dépressions et de suicides dans cette ley (4) est le premier à désigner un stress
Une, il est malheureusement aussi devenu population (1). particulier lié aux conditions de travail sous
un fourre-tout dans lequel se concentrent Les soignants victimes de burn-out ne se le terme de burn-out, à propos de soignants
toute la psychopathologie du travail et la soignent pas, par idéal de don de soi, travaillant dans des conditions difficiles
détresse de l’individu. Beaucoup de troubles par ignorance ou par vanité. Ils négligent auprès de toxicomanes. Le psychiatre
psychiatriques (des troubles de la person- les signaux d’alerte. Déprimés, ils conti- américain Herbert Freudenberger (5) en
nalité, des troubles anxieux graves et des nuent à travailler, un peu moins bien, un fait une première description dans son
dépressions) qui n’ont rien à voir avec le peu plus lentement, avec surtout beaucoup ouvrage consacré au sujet. Il écrit avec
burn-out, sont considérés comme tel, alors moins de plaisir et d’efficacité jusqu’à finesse : « Je me suis rendu compte au
l‘instant fatal où tout bascule. cours de mon exercice quotidien que les
Or, ce n’est pas quand le soignant est tota- gens sont parfois victimes d’incendies
lement épuisé, déprimé, tellement usé qu’il tout comme les immeubles ; sous l’effet
ne peut plus travailler ni penser à lui et de la tension produite par notre monde
Pierre CANOUÏ que la seule issue est alors l’arrêt de tra- complexe, leurs ressources internes en vien-
vail, l’effondrement dépressif voire le nent à se consumer comme sous l’ac-
Pédopsychiatre, Psychothérapeute, suicide, qu’il faut réfléchir à la fatigue tion des flammes, ne laissant qu’un vide
Docteur en éthique médicale, Praticien d’être soignant. Au contraire, il faut recon- immense à l’intérieur, même si l’enveloppe
hospitalier, hôpital Necker-Enfants Malades Paris, naître les symptômes, repérer les petits externe semble plus ou moins intacte. »
Président de la Fédération française de Psychothérapie signes d’alerte pour agir avant que le Mais si l’on veut être honnête, il faut
et Psychanalyse (FF2P). phénomène n’envahisse toutes les facettes rendre au psychiatre français Claude Veil
Résumé : Le burn-out touche en particulier les soignants, dont la relation à l’autre constitue le cœur de leur métier et souvent leur motivation prin-
cipale. L’auteur explore les spécificités du burn-out du soignant et montre comment le dépistage en amont et la réflexion éthique sont des facteurs de pro-
tection importants.
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Le sentiment de satisfac
Une recherche en soins sur l’activité informelle des infirmiers en psychiatrie permet de
dégager les principaux facteurs qui contribuent à générer un sentiment de satisfaction au
travail, meilleur rempart contre le burn-out. Dans cette perspective, les soignants pointent
en particulier l’importance de parvenir à un équilibre entre travail prescrit et initiative.
La satisfaction professionnelle d’expériences positives, si elles sont moins n’avoir pas fait d’erreur… avoir pu finir mon
est souvent liée au fait que les travailleurs souvent convoquées et énoncées que les travail » entendu ici avec sa marge d’ap-
aiment ou non leur métier. Un travail insatisfactions, constituent néanmoins des propriation.
apprécié donne alors un sentiment d’ac- séquences riches d’enseignements. La crainte d’être débordé se traduit par
complissement, de réponse à ses aspira- Les éléments de satisfaction au travail nous la mise en cause de la disponibilité, de
tions, au premier rang desquelles, la pos- sont apparus comme un indicateur puis- la qualité de réponse (« pouvoir répondre
sibilité d’être en mesure de « bien faire » sant mobilisant les questions d’organisa- sans débordement ») et par une perte de
son travail (1). tion, de finalités, de sens, d’utilité sociale, chance (« avoir raté une occasion »). Une
Dans le cadre d’une recherche en soins d’autonomie et de plaisir. Ces derniers forte sollicitation peut satisfaire le cadre
(voir encadré) sur l’activité informelle termes agissent comme autant d’élé- de santé : « Moi par contre j’étais content
des infirmiers en psychiatrie (en hospi- ments protecteurs face à des situations parce que la masse de problèmes qui
talisation temps plein), cette question exposantes. Inversement, l’absence de m’était présentée ce matin avait trouvé
de notre guide d’entretien concluait l’in- ces facteurs protecteurs, notamment dans une réponse », mais ne pas être parta-
terview : « Pour vous, quels sont les élé- un contexte d’insatisfactions profession- gée par l’infirmier. Ce même cadre de santé
ments à réunir pour dire que vous avez nelles soutenues et récurrentes, génère relève des exigences liées aux logiques
passé une bonne journée au travail ? » anxiété, stress négatifs, et détresse pou- soignantes : « Mais ce n’était pas suffi-
Initialement, nous avions pensé aborder vant évoluer vers un burn-out. samment satisfaisant, il n’y avait eu pas
cette thématique de la satisfaction au Ces éléments protecteurs traduisent le réel, assez de temps mort. L’enchaînement
travail sous l’angle d’un questionnement ils sont le fruit de l’expérience et fixent avait été trop fort, ce qui lui nuisait était
visant à en réunir les éléments constitu- les priorités des soignants. le manque de temps informels. »
tifs. Cette démarche prospective ren- 12 thèmes ont été dégagés lors de l’ana- Les éléments qualitatifs sont formulés
voyait alors appel aux manques, aux lyse thématique, nous en présentons de différentes manières : pour un infir-
attentes non satisfaites, aux correctifs à quatre, numériquement et symboliquement mier, « avoir bien bossé est différent
apporter au réel de l’activité des profes- importants. d’avoir beaucoup travaillé ». Pour d’autres,
sionnels. Mais ce type d’interrogation cela résulte de l’atteinte des objectifs
nous éloignait de notre objectif. Notre LA MARGE D’INITIATIVE qu’il s’était assigné : « ce qui devait être
propos n’était pas de repérer ce qui est Plus des deux tiers des personnes inter- fait a été fait » et la référence au devoir
par nature perfectible, mais de s’appuyer viewées évoquent spontanément l’impor- n’est pas liée ici à la seule réalisation du
sur l’expérience de ce qui fonctionne. tance d’un équilibre entre le travail pres- prescriptif. Avoir pu « effectuer mon rôle
Nous avons donc choisi une formulation crit et l’initiative. Plusieurs idées convergent propre », « atteindre mes objectifs, vis-
qui recherche cet existant et avons constaté pour définir ce critère, parmi lesquelles à-vis de moi, des patients et des col-
que la mobilisation et l’identification nous retrouvons l’importance de garder une lègues » constitue des objectifs profes-
marge d’amortissement devant la pres- sionnels individualisés.
sion des tâches à réaliser. Dans ce rapport entre travail prescrit et
Celle-ci est évoquée à travers des formu- initiative, un objectif apparaît bien par-
lations comme « ne pas courir… voir au tagé, celui « d’avoir vu tous les patients
Jean-Paul LANQUETIN fur et à mesure… faire trop vite empêche un moment », « d’avoir pu voir tout le
d’avoir un temps de retour… prendre le temps monde », « d’avoir pu parler à tout le
ISP, Praticien chercheur en soins infirmiers, de faire ». La peur de faire des erreurs est monde » ou encore « d’avoir eu un mot
CH de Saint-Cyr au Mont d’Or. aussi présente : « n’avoir rien oublié… pour chacun ».
tion au travail
© Christian Fafet. No Face C n° 25, 2009.
une stabilisation. » Un autre infirmier s’est noué. Le sentiment d’avoir avancé assise à table, pour qu’untel agisse autre-
témoigne « du sentiment d’avoir aidé avec un patient, pouvoir se dire “J’y suis ment qu’avec violence, et qu’une telle par-
des personnes, d’avoir suffi, d’avoir contri- arrivé” quand on n’arrivait pas à le faire vienne à quitter son lit ? Qu’est ce qui les
bué à ce que les choses se dénouent un les jours précédents. Bien bosser, ce a rendus un instant désirants ? Désirants
peu ». Pour ce médecin, la satisfaction n’est pas, j’ai fait des choses, c’est je ou seulement un peu plus présents ? Bien
passe par « des indices montrant que le suis arrivé à accrocher une relation avec sûr, il est souterrain, ce travail-là. Diffi-
travail qu’ils font (les infirmiers, Ndr) un patient, je suis arrivé à dépasser une cile à repérer à quantifier, très obscur… »
apporte des bénéfices au patient, que peur. Cela ne se voit pas, cela se vit ». Dans ce travail infirmier, il existe une
ça bouge un tout petit peu ». Ce témoignage résume bien les facettes appropriation de ces actions informelles.
Plusieurs soignants évoquent une satis- de la satisfaction au travail en lien avec Le sentiment d’utilité et d’efficacité
faction et un sentiment d’utilité quand le sentiment d’utilité, qui se situe dans résonne (et raisonne) de son lien organique
ils arrivent à « construire du lien… créer les méandres et les plis du quotidien, avec la tâche primaire et constitue un puis-
du lien… apporter du lien » et cela par- dans les recoins de l’activité. Rien de sant vecteur de l’identité soignante.
ticulièrement quand ils ont pu provoquer spectaculaire, que du vernaculaire… un
une occasion au bon moment : « Là où travail en profondeur sur l’ordinaire dont UN SERVICE CALME
je suis satisfaite, c’est quand j’ai le sen- les effets se mesurent par des critères sen- Le fait de trouver en arrivant et de lais-
timent d’avoir été là au bon moment (...) sibles et une lente maturation. ser en partant un service calme et une
d’avoir pu accueillir l’autre correctement, Le sentiment d’utilité se construit sur l’hu- régulation satisfaisante est citée dans
d’avoir pu l’aider, d’avoir pu dégager du milité d’accepter de modestes avancées. un quart de nos réponses. Parmi elles, les
sens. » Dans ces moments, ces soignants Pour ces soignants, l’avancée compte infirmiers de nuit sont très représentés.
peuvent « accrocher le patient, avan- au final moins que le mouvement, qui sym- Le calme de la nuit est logiquement asso-
cer », « trouver une accroche », c’est-à- bolise la vie et définit l’effet de l’acti- cié à un critère qualitatif qui rejoint ici
dire le bon moment, le bon mot, le bon vité soignante. L’utilité et l’efficacité se la tâche primaire. Ce soignant résume
support, la bonne proximité pour qu’une situent dans les détails, dans cet acces- ainsi son appréciation : « Quand tout
rencontre se produise. soire dont nous avons vu le côté essen- s’est bien passé, quand tout a été très
tiel, dans ce « miracle de l’ordinaire » calme, alors c’est aussi une bonne nuit
« PAS UN CHAPEAU DE VENDU » évoquée par Blandine Ponet (3) : « Seuls de travail. » Un premier infirmier de nuit
« On fait un boulot passionnant, mais par- l’invisible, l’inouï permettent de tenir explique qu’une bonne nuit se définit
fois usant parce qu’on a l’impression compte de ces “petits riens” ». Il ne quand « tout s’est bien passé, quand les
que cela n’avance pas. Se dire que les s’agit pas de surestimer de modestes patients ont passé une bonne nuit avec
choses ont avancé, c’est important. Un évolutions, même s’il n’y a pas d’évolu- un sommeil réparateur », un deuxième
collègue me dit “Encore une journée de tions modestes en psychiatrie, mais de affirme : « Le sentiment de satisfaction,
travail et pas un chapeau de vendu”, prendre la mesure du sens de cette évo- c’est le sommeil, ça, c’est clair ! » et un
pour dire que rien n’a avancé, que l’on lution ainsi que de l’investissement et du troisième confirme : « s’ils arrivent à
part en se disant que ça n’a servi à travail qu’elle a représenté. dormir, à avoir un bon sommeil, on est
rien. Et je crois que c’est important Anne Marie Norgeux (4) prend cette quand même là pour que le sommeil se
d’avoir l’impression que des choses ont mesure quand elle écrit : « Quel travail passe le mieux possible ». Du côté des
progressé ; quelqu’un qui va mieux, une invisible a été accompli pour que Mon- infirmiers de jour, ce souci est partagé.
rencontre avec une famille, une situation sieur X. prenne enfin une douche et Le sentiment de satisfaction s’exprime alors
que l’on a comprise. Ou encore que l’on change de vêtements sans être saisi de par un : « Si je laisse un service relati-
a accroché une relation, quelque chose panique, pour que Madame Y. soit là, vement calme à mes collègues. »
Enfin, un petit nombre de profession-
L’informel dans les soins en psychiatrie nels associe une bonne journée à la qua-
lité d’ambiance générée dans l’unité entre
Validée et financée par le Conseil scientifique de la recherche du CH le Vinatier (69), ce travail sur soignant et soigné. Le sentiment de satis-
l’informel dans les soins en psychiatrie est une recherche qualitative descriptive appliquée au faction s’exprime alors : « Des fois, cela
domaine des soins infirmier. Elle vise à identifier, qualifier et surtout caractériser les fonctions de
ne tient à pas grand-chose, des fois juste
l’informel dans le soin infirmier en psychiatrie, objectiver les savoir-faire mobilisés, mais aussi
leurs impacts et leurs spécificités, et affirmer la nécessité d’asseoir ces pratiques. l’ambiance du service » ou simplement
lorsqu’« on passe des bons moments
Les résultats présentés ici proviennent de l’outil d’investigation par entretien, avec un avec les patients » ou que le climat de
questionnaire destiné aux populations infirmières et aux populations témoins ; professions cadres l’unité est propice à ce qu’il règne « une
et médicales (dans une proportion de quatre infirmiers pour un cadre et un médecin). bonne entente ».
43 personnes ont été interviewées sur quatre sites hospitaliers représentant huit unités de soins.
L’ambiance de travail agréable est évo-
Les éléments recueillis ont fait l’objet d’une analyse thématique à partir du dégagement des idées
centrales. quée de manière significative. Les infir-
miers soulignent une séquence de travail
• L’informel dans le travail infirmier en psychiatrie, Groupe de recherche en soins infirmier, non vécue « avec des bons moments », « des
publié, 2013, 430 pages, disponible auprès J.-P. Lanquetin, grsi@ch-st-cyr69.fr et S. Tchukriel, moments de convivialité partagée » à
grsi@ch-le-vinatier.fr
l’occasion d’événements de vie pour un
À lire également : Travail d’équipe et activité informelle, J.-P. Lanquetin, Santé mentale, n° 186, des membres de l’équipe. Le rire et l’hu-
mars 2014. mour sont retenus comme indicateurs
qualitatifs d’une bonne journée : « Une Le corollaire de l’absence de « paquet » tâche. En psychiatrie, dans le travail
bonne journée, c’est une journée où l’on se traduit par « l’envie de retourner tra- infirmier, c’est l’appropriation qui permet
a bien bossé et un peu ri », nous dit ce vailler, de continuer ». Ce sentiment est de générer le sentiment bénéfique du
médecin. Le rire peut aussi être destiné partagé par cette infirmière qui constate : travail « bien fait ». Ne prendre en compte
au patient : « Il est important de faire rire « Si je ne suis pas là à ressasser ! C’est que la tache au détriment des dimensions
ou sourire » commentera un infirmier. grâce à cela que je sais si cela s’est bien de satisfaction au travail amène à un
D’autres aspects concernent une « conflic- passé. Et si j’ai envie de revenir le len- constat également porté par Marie Alder-
tualité non dangereuse » capable d’ac- demain. » Enfin, un quart des réponses son (5) : « L’ensemble de ces éléments
cueillir les désaccords sans les vitrifier. associent la question du sens, en termes restreint le plaisir, génère un manque de
Il s’agit, quand on quitte son service, de de réflexions sur les soins, et « l’envie de sens dans le travail, porte atteint à l’iden-
pouvoir « dire au revoir à tout le monde revenir le lendemain ». Cette dernière tité professionnelle des infirmières et
avec le sourire » ou pour ce cadre de perception agissant comme un indica- fragilise leur santé mentale. »
santé « quand on sort et que l’on a le teur également du sens de leur travail. La satisfaction au travail, si elle a un
sourire, c’est que l’on a passé une bonne effet bénéfique sur la santé des soi-
journée ». EN CONCLUSION gnants, entretient des effets directs sur
Les résultats de notre recherche don- la qualité des soins, et dans le cadre de
L’ABSENCE DE « PAQUET » APRÈS nent une visibilité au réel de l’activité des notre recherche, sur la qualité du soin.
LE TRAVAIL infirmiers en psychiatrie. Par sa sou-
Le constat d’une absence de charge men- plesse, sa malléabilité, sa réactivité et sa
tale et psychique résiduelle apparaît comme capacité à s’immiscer dans les moindres
un indicateur pertinent de la bonne jour- méandres du quotidien avec le malade,
née. Un premier cadre de santé exprime l’activité informelle dans les soins fon-
ainsi sa perception : « Je pense que je sais dent la pertinence de ce métier. C’est
très vite si j’ai passé une bonne journée une possibilité pertinente des soins. 1– Yves Clot, Le travail à cœur. Pour en finir avec les
ou pas. Quand je sors du service et que Nous notons que la thématique de la risques psychosociaux, Paris, 2010, Éditions La Découverte,
je n’y pense plus, alors c’est que j’ai passé reconnaissance (voir l’article de B. Vidaillet, 190 pages, page 172.
une bonne journée. (…) si je me mets à p. 56), souvent mise en avant dans le repé- 2– Madeleine Estryn-Behar, Protocolisation et/ou collectif
ruminer, alors ce n’était pas le cas. » Ce rage sur les éléments d’insatisfaction au de travail? Outil informatique et/ou personnalisation des soins? »,
propos est repris par d’autres profession- travail, est quasiment absente des résul- 2009, www.presst-next.fr
nels dont cette infirmière, satisfaite quand tats de notre étude. Cette reconnaissance 3– Blandine Ponet, L’ordinaire de la folie, Éditions Érès,
« elle ne part pas avec un paquet trop est à différencier de la gratitude, éma- mai 2006, 110 pages, page 86.
difficile à porter ». Le temps de trajet vers nant ici du côté des patients qui, elle, appa- 4– Anne Marie Norgeux, La Borde, le château des chercheurs
le domicile est parfois propice au dépôt : raît dans nos thématiques liée à la satis- de sens, Éditions Érès, 2009, 123 pages.
« Si l’on part avec des choses difficiles à faction au travail. 5– Marie Alderson, Analyse psychodynamique du travail infir-
vivre et qu’on les garde jusqu’à arriver L’émergence de ces thématiques liées à mier en unités de soins de longue durée, entre plaisir et
chez soi, alors on n’a pas passé une très la satisfaction au travail confirme que le souffrance, Recherche en Soins Infirmiers, nº 80, mars
bonne journée. » travail ne peut jamais être ramené à la 2005, p. 76-86, p. 80.
Résumé : Une recherche en soins, intitulée L’impact de l’informel dans le travail infirmier en psychiatrie a mis en évidence quatre facteurs impor-
tants de satisfaction au travail. Parmi eux, le fait d’atteindre un équilibre entre ce que le professionnel doit faire (la prescription) et ce qu’il veut faire (du
côté de son initiative et donc du rôle propre) est un élément majeur et peut être considéré comme une protection face au burn-out.
Mots-clés : Infirmier – Prévention – Recherche – Reconnaissance professionnelle – Relation soignant soigné – Risques
psychosociaux – Rôle propre – Satisfaction – Soin psychiatrique – Temps informel – Travail.
Depuis 2012, le Groupe Pasteur Mutualité propose à ses adhérents une consultation de
prévention de l’épuisement professionnel destinée aux soignants
a souffrance au travail des soignants avec son cortège d’ad- RETROUVER LE PLAISIR DE SOIGNER
Les adhérents de Groupe Pasteur Mutualité peuvent être mis en relation avec un des médecins du réseau via le
Service d’Entraide du Groupe en contactant le 01 40 54 53 77 ou en adressant un message à consultationprevention@gpm.fr
• Le site www.souffrancedusoignant.fr permet aux professionnels de santé de s’informer sur le burn-out, d’évaluer leur niveau
d’épuisement professionnel et de prendre connaissance des dispositifs d’accompagnement mis à leur disposition par Groupe
Pasteur Mutualité.
• L’Association pour la Promotion des Soins aux Soignants (APSS) dont Groupe Pasteur Mutualité est un des membres fon-
dateurs vise à promouvoir les actions de prévention menées en matière de pathologie psychique et addictive et à organiser
la prise en charge médicale et sociale des médecins qui en font la demande.
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Reconnaissance au travail :
© Christian Fafet, No Face A n° 7, 2009.
mission impossible?
Pour les paramédicaux, la question de la reconnaissance
est importante et paraît faire sens. Sans une place
« garantie », leur lutte pour être reconnu risque d’absorber
une grande partie de leur énergie psychique.
notamment que ce questionnement n’est même. Le « moi » du sujet se précipite est reconnu par l’Autre que se pose en
jamais définitivement résolu pour le sujet (au sens employé en chimie), prend consis- même temps l’énigme insoluble de ce
et qu’il serait illusoire d’imaginer un sys- tance, au prix d’une double aliénation : le qu’il est pour Lui. Cette impossibilité,
tème prétendant la régler une bonne fois sujet « se reconnaît » dans une image qui liée à la nature même du langage, met
pour toutes. Essayons de comprendre lui apparaît initialement comme celle d’un son désir en route. Dans cette optique,
pourquoi. autre ; cette reconnaissance passe d’abord le fameux « besoin de reconnaissance »
Le psychanalyste Jacques Lacan définis- par la reconnaissance par l’Autre. Pour est impossible à résoudre définitivement
sait le sujet par son « manque-à-être » : Lacan, cet Autre est l’Autre symbolique : puisque la reconnaissance par l’Autre
au départ, le sujet existe mais n’a pas d’es- même s’il s’agit d’une personne réelle, rouvre toujours une forme d’énigme pour
sence (1). C’est ce qu’expérimente cha- celle-ci parle, utilise des mots qui ren- le sujet. Le processus est dialectique.
cun face à la vertigineuse question de savoir voient à un ordre plus vaste, préexistant Pour employer une métaphore, on pour-
« ce qu’il est », « qui il est ». S’il existe à l’enfant, avec ses règles et ses lois rait comparer la demande de reconnais-
une infinité de méthodes (tests de per- propres, qui lui a indiqué une place, avant sance au tonneau des Danaïdes, impos-
sonnalité, typologies de comportement, même sa naissance, dans une filiation sible à rendre étanche. Il y a toujours un
astrologie…) pour y répondre, c’est que (son nom) et dans le désir de ses parents. « trou » dans le tonneau de la recon-
chacune passe toujours immanquable- Cette opération de reconnaissance, qui est naissance.
ment à côté de la réponse. Une tentative fondamentale, se reproduit régulière- Le problème – l’arnaque, même – est
essentielle de répondre à cette question ment, notamment à chaque fois qu’un nou- alors de faire comme s’il était possible
est de la poser sous la forme suivante : veau mot est « collé » sur le sujet pour de répondre au « besoin de reconnais-
« Que suis-je pour l’Autre ? » Dans le le désigner : lorsqu’il est amené à occu- sance » une fois pour toutes. Or c’est
vocabulaire lacanien, l’Autre s’écrit alors per une nouvelle place, qu’il acquiert un ce que prétendent faire des outils de
avec un A majuscule, pour le distinguer nouveau titre, un nouveau grade, un nou- management contemporains.
de ce « petit autre », double de soi, rival, veau statut, il devient par exemple
modèle, voisin, celui qui nous ressemble « mari de » ou « femme de », « père » LA FAUSSE RÉPONSE
ou dont on cherche à se distinguer. Bien « mère »… Il faut alors qu’à son tour il DU MANAGEMENT
au contraire, l’Autre, le grand Autre, a un parvienne, par le regard de l’Autre, à Sous prétexte d’y répondre, certaines
statut particulier et asymétrique pour le faire correspondre une image à cette pratiques managériales alimentent ainsi
sujet, puisque c’est à ses yeux et par sa place qui lui est donnée dans le système la plainte sur la reconnaissance, voire
bouche que le sujet essaie d’être reconnu, symbolique. l’aggravent. Examinons de plus près ce
c’est-à-dire d’avoir la confirmation de ce L’Autre, en passant par le langage, attache paradoxe à partir des systèmes d’évalua-
qu’il est dans son désir, et pour lui. ainsi des mots à l’image. Or ceux-ci ne tion individualisée de la performance
Pour comprendre cela, revenons à la peuvent être définis que par d’autres mots. appuyés sur la fixation d’objectifs chif-
fameuse scène du stade du miroir célèbre Le sujet a beau être reconnu comme « ceci », frés (chiffre d’affaires, taux d’activité,
dans l’enseignement de Lacan. Vers l’âge ou « cela », « untel » ou « une telle », il volume de clients, indice de publica-
de 12 à 18 mois environ, l’enfant ne se ne sait pas pour autant « qui il est » ni « ce tion…) sur lesquels les salariés sont éva-
reconnaît dans « je », ne s’éprouve comme qu’il est ». C’est ici que se constitue quelque lués individuellement et récompensés
« je », qu’au moment où l’image de lui qui chose d’essentiel dans la subjectivité : d’un (sous forme de primes, promotions…)
lui est tendue dans le miroir est authen- côté le sujet est nommé, et de l’autre il n’a et/ou sanctionnés. Ces systèmes se déve-
tifiée comme étant « lui » par un Autre (un pas accès à ce que signifie ce par quoi il loppent dans toutes les organisations : à
adulte référent à ses côtés). Il a tout est nommé. Le sens de qui il est pour l’hôpital par exemple, certains services
d’abord besoin du regard de l’Autre, puisque l’Autre, ce qu’il est dans le désir de l’Autre, d’urgence sont évalués sur le temps d’at-
c’est via ce regard que se constitue son est définitivement perdu. Mais c’est préci- tente par patient soigné, ce qui conditionne
moi. Il a également besoin de la voix et sément dans cet interstice que peut se les moyens du service mais également les
des mots de l’Autre qui le confortent : loger le désir du sujet lui-même, alimenté primes attribuées aux soignants et chefs
« Regarde, c’est bien toi, là. » Le langage par ce manque fondamental. de service (2). Ces outils sont souvent « ven-
vient se superposer à l’image, le sujet Le paradoxe de l’opération de reconnais- dus » avec, entre autres, l’argument sui-
peut relier son prénom à une image de lui- sance apparaît : c’est lorsque le sujet vant : on pourrait satisfaire en continu le
besoin de reconnaissance du salarié en
lui donnant un retour objectif, juste et per-
À lire. Évaluez-moi ! Évaluation au travail : les ressorts d’une fascination manent sur son travail, via une note et
L’évaluation a fait l’objet de nombreuses critiques de spécialistes du travail. Pourquoi alors des « signes de reconnaissance ».
continue-t-elle de se développer dans tous les secteurs d’activité ? Cet essai passionnant Certes, avec ces systèmes, nul doute que
propose une réponse : les salariés veulent être évalués, parce que cela leur promet de l’Autre semble être là. On pourrait même
résoudre des problématiques qui se posent à chacun au travail. Ainsi l’évaluation semble-t- dire qu’on est dans un « excès d’Autre ».
elle offrir une reconnaissance nécessaire à l’équilibre psychique. Mais elle fonctionne comme – D’une part, le propre des systèmes
un piège. En montrant à partir de nombreux exemples concrets sur quels ressorts psychiques d’évaluation contemporains est en effet
l’évaluation joue pour nous séduire alors qu’elle contribue grandement à détruire notre désir de s’appuyer sur des dispositifs parti-
de travailler et notre relation à l’autre, cet essai tranchant et fouillé donne aux salariés les culièrement sophistiqués supposés maté-
moyens de cesser de s’y plier.
rialiser le regard de l’Autre : il s’agit des
• B. Vidaillet, Seuil, 219 pages. appareillages technologiques et outils
informatiques destinés à « capter » et à est « vraiment » pour l’Autre. Mais c’est Nous avons vu que dans le stade du
intégrer un ensemble de données concer- précisément ce mystère qui fait surgir miroir, il fallait que le sujet ait été
nant les évalués tout à fait gigantesque. le désir du sujet. reconnu dans l’ordre symbolique pour
L’omniprésence du regard peut aussi se Au contraire, dans le système d’évalua- pouvoir se reconnaître dans sa propre
matérialiser par les auditeurs des démarches tion individualisée de la performance, la image, cette reconnaissance restant
SNCF, Michel, qui forme un élève conduc- autonomie plus élevée, semblent peu s’en suffisamment forte pour ne pas avoir
teur. Michel arrive en gare du Nord, d’un préoccuper : ainsi 62 %, soit presque les besoin de signes permanents supposés
abord réputé difficile qui oblige les deux tiers, ne répondent pas à cette ques- objectiver sa valeur.
conducteurs à freiner en plusieurs fois. tion ou déclarent qu’ils ne savent pas.
« Je me souviens avoir donné un grand Plus précisément, à la question « Votre tra- EN CONCLUSION
coup de frein, car j’arrivais assez vite. Et vail est-il reconnu à sa juste valeur? », 42 % Lorsqu’il n’y a pas de cadre symbolique
puis j’ai desserré par petits à-coups. Le des médecins répondent ne pas savoir ou pour lester les personnes qui travaillent,
jeune élève observait tous mes gestes, ne répondent pas. Ils semblent donc glo- leur donner un statut associé à une place
et quand nous sommes arrivés aux trois- balement assez peu sensibles à l’idée que bien identifiable, ou bien que le cadre existe
quarts du quai, ne restant alors qu’une leur administration ou leur chef de service mais ne permet pas de donner une place,
vingtaine de mètres à parcourir, il me dit : se fait d’eux, et semblent même assez la lutte pour se « faire reconnaître »
“Dis donc, l’ancien, champion ton coup embarrassés par la question de leur recon- risque d’absorber, vainement, une grande
de frein ! Un seul coup de frein pour naissance. partie de l’énergie psychique des sujets.
s’arrêter en gare du Nord, chapeau !” À l’inverse, pour les paramédicaux, plus Or, c’est ce qui se produit dans de nom-
Effectivement, je me suis soudainement encadrés, moins autonomes et plus breuses entreprises, dans lesquelles les
rendu compte que j’avais ainsi bousculé dépendants de leur hiérarchie, la ques- réorganisations permanentes, le dévelop-
des tabous. Je venais de faire un arrêt tion paraît faire sens et être importante. pement de la polyvalence, le culte de la
à Paris d’un seul coup de frein. (…) On peut déduire de cette enquête que mobilité et de la flexibilité, l’invocation
J’étais quand même très fier de moi et plus les personnes qui travaillent dis- systématique du changement, justifiés
je dis à mon jeune : “Tu as vu un ancien, posent d’autonomie dans leurs pratiques par l’impératif d’augmenter sans fin les
comment ça bosse ! Prends-en de la et se sentent légitimes, moins elles sont objectifs de croissance et de rentabilité,
graine !” Sur ces paroles, nous avons susceptibles d’être sensibles à la problé- concourent à faire disparaître l’idée d’une
bien rigolé. » (3) Le conducteur prend matique de la reconnaissance et à recher- structure symbolique suffisamment stable
soudain conscience que ce qu’il fait de cher une visibilité auprès de leur hiérar- pour affecter des places différenciées et
manière tacite est en fait exceptionnel chie, une meilleure mise en avant de déterminantes, auxquelles les personnes
et relève d’une compétence forgée par leurs « performances »… Ainsi, pour la puissent se référer identitairement. S’il
des années de pratique. Mais le plus plupart des médecins, l’évolution dans y a un combat à mener, au lieu de gémir
intéressant ici est que cette découverte la carrière impose le franchissement sans cesse de ne pas être suffisamment
aurait pu ne pas se produire : elle arrive d’étapes successives, marquées par des reconnu, c’est bien celui d’une structure
comme un « cadeau » pour le conduc- concours, des changements de statuts bien symbolique à maintenir coûte que coûte.
teur, comme un élément qui lui fait réel- balisés et ritualisés (externe, interne, Une structure organisationnelle qui ne
lement plaisir sans qu’il l’ait pour autant chef de clinique, praticien hospitalier…) soit pas pensée comme une variable
attendu ni qu’il ait été dépendant d’une ainsi qu’une hiérarchie clairement iden- d’ajustement permanente mais bien au
telle appréciation. Sa place au sein du tifiée. Le compagnonnage est également contraire comme un préalable garantis-
groupe des conducteurs, sa légitimité présent lors de nombreuses étapes, ce sant les sujets de leurs fondements pour
dans son métier (il est formateur, ce qui qui permet, lentement mais sûrement, pouvoir travailler.
atteste de fait son expérience et ses d’accompagner l’évolution et l’accroisse-
compétences) lui permettent de se recon- ment progressif de légitimité. Ce déve-
naître suffisamment dans ce qu’il fait sans loppement s’inscrit dans un cadre sym-
qu’il attende avec angoisse ou excitation bolique porté par une longue tradition, 1– Lacan, Le Stade du miroir comme formateur de la fonc-
un jugement extérieur censé lui révéler opérant sur un territoire précis, enca- tion du Je : telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience
quelque chose d’essentiel sur lui. dré par des règles strictes et même par psychanalytique, Revue française de psychanalyse, T 13,
• Prenons un autre exemple. À la ques- certaines lois, contrôlé par de nom- n° 4, octobre 1949, p. 449-455.
tion de savoir s’ils s’estiment correctement breuses instances (universitaires, éta- 2– Cf. Les recherches passionnantes du sociologue Nico-
évalués par leur hiérarchie, des soignants tiques…). Tous ces aspects sont essen- las Belorgey, L’hôpital sous pression, la Découverte, 2010.
d’un service d’urgence répondent de tiels si l’on veut comprendre comment 3– G. Fernandez, F. Gatounes, P. Herblain, P. Vallejo, 2003,
manière très contrastée (4). Les paramé- se mettent en place les conditions per- Nous, conducteurs de train, Paris, La Dispute, 2003, p. 39.
dicaux s’estiment très majoritairement mettant à un professionnel d’asseoir pro- Cf. également Y. Clot, Le Travail à cœur, Paris, La Décou-
correctement évalués, alors que les méde- gressivement sa légitimité et surtout verte, 2010.
cins, qui disposent d’un statut et d’une d’intégrer une identité professionnelle 4–Nicolas Belorgey, 2010, op. cit.
Résumé : Les personnes en burn-out évoquent souvent un manque de reconnaissance dans leur travail. Mais de quoi parle-t-on ? Cette notion fourre-
tout peut porter sur les résultats, l’effort fourni, les compétences, la personne… En proposant un petit détour par la psychanalyse, l’auteur éclaire d’une façon
nouvelle ce besoin, et montre pourquoi les outils de management contemporains, censés répondre à ce besoin, l’aggravent.
VIENT DE PARAÎTRE
EXISTE EN VERSION EBOOK
SM190_08_CHABOT_SM189_P0_INT 17/09/14 16:37 Page62
Je voulais écrire un livre sur l’âme, Qu’est-ce que le burn-out, sinon une
notion essentielle et désuète, et plus pré- conséquence de ces régimes effrénés ? Ses
cisément sur l’âme aujourd’hui… Mais symptômes de fatigue, d’anxiété, de stress
voyant autour de moi, dans beaucoup d’en- ingérable, de dépersonnalisation et de
vironnement professionnel, un des destins sentiment d’incompétence dressent le
contemporains de l’âme : être brûlée, en portrait de personnes qui ont trop donné,
anglais to burn-out, c’est-à-dire s’épuiser, sans recevoir ce dont elles avaient besoin.
ne plus pouvoir avancer, j’ai voulu com- Elles se sont souvent oubliées, sans tou-
prendre ce qui lui arrivait et pourquoi. jours avoir le choix de faire autrement.
Ma thèse est que le burn-out est une C’est le travail qu’il faut défendre. Au
pathologie de civilisation. Il n’est pas seu- fond de ce trouble, il n’y a pas un désir
lement un trouble individuel qui affecte de paresse. Les personnes affectées ont
certaines personnes mal adaptées au sys- été consciencieuses, ardentes, dures à la
tème, ou trop dévouées, ou ne sachant pas tâche. C’est d’ailleurs en partie leur pro-
(ou ne pouvant pas) mettre des limites à blème. Mais ces qualités prouvent que la
leur investissement professionnel. Il est aussi pire erreur serait de rabattre le débat sur
un trouble miroir où se reflètent certaines l’opposition entre l’activité et l’oisiveté. Le
valeurs insoutenables de notre société : son travail est une valeur qui est source d’éman-
culte du plus, du trop, de la performance, cipation. Son organisation est d’emblée poli-
de la maximisation, tout cela démultiplié tique. La « coopération » qu’il institue, pour
par des technologies qui imposent souvent reprendre le terme de Christophe Dejours (1),
leur temporalité à l’homme. est une école où s’apprennent les manières
Le syndrome du burn-out n’est pas uni- de vivre ensemble.
quement un problème individuel. Il appa- La question du sens, longuement tue,
raît plutôt lié aux questions du progrès, refait alors surface avec toute la vigueur
de la technologie et des envies qui par- d’une requête insistante qu’on n’a pu
courent notre ère d’expérimentation. Dans étouffer. Qu’est-ce qui importe vraiment ?
l’air du temps se lisent les signes d’une Où est le centre ? Quelle est la valeur de
frénésie étrange, à la fois inquiétante et cette vie ? L’œuvre au noir du burn-out est
© Christian Fafet, No Face C n° 22 (détail), 2009.
logie de civilisation
où un personnel, souvent bénévole, accueille L’ADAPTATION PARFAITE ? sont des œuvres culturelles importantes,
et cherche à aider des toxicomanes. Pour Dans son essai l’Éloge du carburateur (4), conduit à la création d’un « milieu tech-
ces derniers, to burn-out signifie « se Matthew Crawford raconte son expérience nique » complexe, auquel chacun doit
cramer ». professionnelle de compilateur d’articles s’adapter. Ce milieu a ses lois et ses exi-
Or Freudenberger s’est vu, lui aussi, scientifiques. Il avait d’abord 5 articles gences, menant à ce que le sociologue
épuisé et même « cramé ». C’est là que à résumer par jour, puis 8, puis 15… Hartmut Rosa a nommé « l’accélération »,
la métaphore de l’incendie prend son Sommé de toujours accélérer, il s’appa- (5) devenue source d’aliénation. Pour en
sens : l’individu sent en lui un vide se rentait à un frère lointain du Charlie Cha- sortir, nous avions avancé le thème de la
propager, aussi rapide qu’un feu, aussi plin des Temps modernes, quoique dépourvu « polychronie » (6).
étrange qu’une flamme. Il devient ce de gestuelle comique, car la chaîne de Il y a une autre façon de dire la dangero-
vide, cette terre brûlée. montage ressemblait plutôt, dans sa tête, sité d’un désir continuel de perfection,
On distingue dans ces cas trois aspects à un chaos de termes savants. qui mise tout sur une adaptation parfaite,
qui permettent de reconnaître un burn-out : Crawford a toujours voulu s’adapter au sys- sans se soucier d’épanouissement. Quel est
– d’abord une dimension d’épuisement : tème, mais il a vite compris que cela ne en effet le modèle d’un comportement
c’est la plus visible, car elle est la pre- pouvait être une fin en soi. Le burn-out parfaitement adapté, mais qui ne se sou-
mière réaction au stress. Il peut s’agir d’un est le miroir d’une adaptation devenue cie en rien de la réalisation de soi? La seule
sentiment d’énorme lassitude, ou davan- absurde et frustrante, car elle ne vise réponse convaincante est : le fonctionne-
tage encore, d’une incapacité à agir. plus qu’elle-même. Il est le piège d’un ment d’un objet technique. Quand on
– ensuite, une dimension de déperson- perfectionnisme impossible. L’histoire de exige d’une personne qu’elle opère avec
nalisation, dont l’apparition de jugements Crawford et de ses résumés peut être lue perfectionnisme mais sans question, on est
cyniques est le meilleur révélateur. comme la tentative d’un homme de bonne souvent inconsciemment guidé par le désir
– enfin, une troisième dimension est l’in- volonté pour s’acclimater au mieux à des de la faire ressembler à une machine,
efficacité. contraintes qui, chaque fois qu’elles com- fiable, polyvalente et sans état d’âme. La
mencent à être supportables, évoluent rivalité entre l’humain et la machine hante
UN ANCÊTRE, L’ACÉDIE vers plus de difficulté. Dans son cas, le l’inconscient de nos sociétés.
Au Moyen Âge, l’acédie (3) fut pour l’Église management avait prévu de ne jamais le
ce que le burn-out est au monde de l’en- laisser souffler et de profiter de chaque PROGRÈS UTILE ET PROGRÈS SUBTIL
treprise : un affect redouté qui touche l’in- signe d’adaptation pour lui poser ce que À l’origine, le burn-out affectait surtout les
dividu, mais qui sape aussi la foi dans l’on appelle un nouveau défi. professions d’aide : le personnel soignant,
le système, ce qui explique qu’il soit pris Dans beaucoup de cas de burn-out, ces les enseignants et les éducateurs. C’est par
au sérieux. Car l’acédie n’est pas une difficultés d’adaptation se traduisent la suite que les cadres, les employés et les
paresse comme les autres : elle est le burn- aussi par un sentiment de course perpé- ouvriers, viendront grossir ces rangs.
out du moine qui affecte sa vie surnatu- tuelle contre la montre. Le temps s’est On peut se demander pourquoi ces pro-
relle et ses relations avec Dieu. métamorphosé en une denrée dont l’épui- fessions d’aide ont été en première ligne.
L’acédie a été traitée avec effroi, car elle sement est source d’inquiétude. L’indi- Les premières explications soulignent
est la paresse de Dieu. Elle surprend, vidu a l’impression de ne jamais pouvoir qu’aider, c’est voir souffrir, et se confron-
parmi les moines, les perfectionnistes de souffler, de ne jamais profiter du temps. ter à l’imperfection et au défaut. La mala-
la foi aux tâches réglées et aux prières quo- Pour cette dimension aussi, le parallèle die induit toujours du stress. Les difficul-
tidiennes, qui ne reculent ordinairement avec notre civilisation techno-scienti- tés scolaires d’un enfant peuvent être
pas devant un jeûne supplémentaire, mais fique, est incontournable. Car notre époque lourdes de conséquences. Il n’est pas
qui, parfois, s’effondrent. Dans ces cas, a produit de nombreux objets techniques anodin de remarquer que ces métiers
comme aussi dans de nombreux épisodes destinés à nous faire gagner du temps d’aide sont exactement les mêmes que
contemporains de burn-out, la croyance alors que, pourtant, nous trouvons fré- ceux dont Freud (7) disait qu’il s’agissait
dans le système est définitivement ébran- quemment que nous en manquons, au de « métiers impossibles », comme édu-
lée. Le burn-out est toujours une remise point que nous devons aller plus vite, cou- quer, soigner ou gouverner. Ce sont des
en cause des valeurs dominantes. On rir et nous agiter, simplement pour conti- métiers où l’on peut, dit-il encore être,
peut dire qu’il engendre les nouveaux nuer à exister. C’est que la multiplication « d’emblée sûr d’un succès insuffisant ».
athées du techno-capitalisme. des technologies, qui individuellement Dans ce contexte, le burn-out confirme son
rôle de miroir des dysfonctionnements de
l’époque. Il est un symptôme de la diffi-
À lire. Global burn-out culté de soigner, éduquer et civiliser le sujet
Cet ouvrage établit un constat : avant d’être un problème individuel, le burn-out est d’abord une dans une société technicienne. Le trouble
pathologie de civilisation. Marquée par l’accélération du temps, la soif de rentabilité, les tensions contemporain a lieu dans ce qui nous est
entre le dispositif technique et des humains déboussolés, la postmodernité est devenue un piège le plus précieux, et on peut dire, dans cette
pour certaines personnes trop dévouées à un système dont elles cherchent en vain la ligne, que le burn-out atteste un épuise-
reconnaissance. Mais ce piège n’est pas une fatalité. Face aux exigences de la civilisation ment de l’humanisme.
postmoderne, on peut se demander comment transformer l’œuvre au noir du burn-out afin qu’il Dans le sillage de mes précédentes ana-
devienne le théâtre d’une métamorphose, et que naisse de son expérience un être moins fidèle lyses (6), j’ai voulu voir dans le burn-out
au système, mais en accord avec ses paysages intérieurs.
un symptôme du conflit profond qui, aujour-
• Pascal Chabot, PUF, perspectives critiques, 2013, 147 pages. d’hui, oppose deux formes de progrès.
riser. Son sens lui échappe, et c’est comme l’intelligence », en même temps peut-être,
s’il était alors deux fois épuisé : de faire, faut-il ajouter, que son talon d’Achille. Les
d’abord, de faire en vain, ensuite. Les hommes dominants, dit encore Molinier,
causes en sont multiples. Elles peuvent être « ont progressivement empli le monde des
intrapsychiques. Certaines personnes, trop concrétisations de leur intelligence abs-
dures avec elles-mêmes, parcimonieuses traite : chiffres, ratios, diagrammes, régu-
voire avares dans leur jouissance, sont larités quantifiées, systèmes complexes,
incapables de quitter la sphère de la souf- robots, plans rationnels et stratégiques,
france pour gagner celle du plaisir. programmes d’action, nouvelles techno-
La reconnaissance est centrale dans la logies de la communication ». Il en a
construction identitaire. Les individus, en résulté ce qui est peut-être le trait domi-
société ou dans le microcosme d’une nant de notre époque, ce grand sérieux
qui est comme une chape sur la planète toute-puissance d’un système. Une parenté Être équilibré, c’est pouvoir être déséqui-
et qui, sous couvert de tolérer quelques secrète lie entre eux tous ces symptômes libré sans tomber. Telle pourrait une
divertissements qui lui profitent, exige en de civilisation, de même qu’elle rapproche conclusion, sur un plan personnel.
réalité de chacun qu’il s’incline devant les les individus sensibles qui, à travers les âges, Mais sur un plan global, on perçoit que nous
nombres, obtempère aux diktats écono- auraient souhaité voir chez leurs contem- avons aujourd’hui besoin d’un nouveau
miques et accepte que la vie soit dure. porains un peu plus de raison et de dignité. pacte, qui serait un contrat technologique
De nombreux spécialistes estiment que La condamnation du système est la pierre affirmant que le but à préserver est l’être
les femmes sont souvent en première ligne angulaire de ces états mentaux. humain et la biosphère, au service duquel
dans les cas de burn-out. Plusieurs expli- Il semble qu’aujourd’hui, le burn-out soit doivent travailler les logiques de dévelop-
cations peuvent être avancées pour le devenu le nom contemporain de ce trouble. pement en abdiquant leur violence.
comprendre. La difficulté de faire ses Malaise dû à l’excès, au stress, à la perte J’ai l’impression que c’est en vue de ce
preuves dans un monde parfois très mas- de sens, au diktat de la rentabilité, à la pacte qu’il faut agir, car il est l’expres-
culin peut amener certains individus à difficulté de porter des valeurs humanistes sion d’un humanisme compatible avec les
vouloir toujours en faire plus, dans une sorte dans un système technocratique, il est le progrès utiles dont bénéficie notre civi-
de course au perfectionnisme. Molinier révélateur des aspects sombres de l’orga- lisation, mais mettant aussi au centre
évoque ces femmes qui ressentent incons- nisation contemporaine du travail. ce qui me paraît le plus important : les
ciemment qu’elles sont en « dette » par Si l’on accepte de regarder les choses de progrès subtils de l’humain.
rapport à une entreprise, peut-être parce cette manière, l’expression « pathologie
qu’on leur a fait comprendre que c’était de civilisation » prend un sens plus pré-
une faveur d’engager une femme. Elles cis : elle est une maladie de la relation
compensent alors par un déploiement entre l’individu et la société, dont la res-
anormal d’énergie ce qu’elles croient lui ponsabilité ne peut être attribuée totale-
devoir. Pour certaines, la perfection se ment ni à l’un ni à l’autre. Les patholo-
présente parfois comme la meilleure issue, gies de civilisation sont globales et se
puisqu’elle semble victorieuse sur tous nourrissent autant de petits faits que
les tableaux : totalement femme, entière- d’une atmosphère générale. La postmo- 1– Christophe Dejours, Travail vivant. 2. Travail et éman-
ment active. Mais c’est oublier que son prix dernité, comme toutes les époques inté- cipation, Paris, Payot, 2009.
peut être élevé. Il faut aussi souligner, ressantes, est marquée par la plus haute 2– Freudenberger H., L’Épuisement professionnel. La brû-
pour comprendre les chiffres plus élevés ambiguïté. Aucun manichéisme ne lui lure interne, Québec, Gaétan Morin éditeur, 1987.
de burn-out chez les femmes que chez les convient, car une condamnation globale 3– L’acédie est une dépression se manifestant par un
hommes, que ce sont elles, encore trop sou- des sphères techniques et économiques dégoût de vivre, une indifférence affective, de l’inhibition
vent, qui doivent rendre compatible la vie apparaîtrait la moins crédible des réponses et même de la peur, considérée par les théologiens du
professionnelle avec la vie familiale, ce à cette maladie de civilisation. Moyen-Âge comme un péché car volontairement entretenue
qui peut parfois ressembler à deux véritables par le sujet. In : Dictionnaire de psychiatrie et de psycho-
plein-temps… De même, ce sont souvent EN CONCLUSION pathologie clinique, J. Postel, Larousse, 1998.
elles qui s’investissent dans ces métiers de J’ai également voulu placer cette étude 4– Éloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du
l’humain, dont on a pu voir qu’ils pou- sur le burn-out sous le signe de la méta- travail. Matthew Crawford. La découverte, Cahiers libres, 2010.
vaient être plus difficiles en raison de ce morphose, c’est-à-dire de la possibilité d’un 5– Hartmut Rosa, Aliénation et accélération. Vers une théo-
que Freud appelait le « succès toujours insuf- changement. La prise de conscience phi- rie critique de la modernité tardive, Paris, La Découverte,
fisant », c’est-à-dire l’impossibilité de la losophique et l’élucidation des circons- 2012.
perfection. tances de ce problème, peuvent, me 6– Après le progrès, P. Chabot. PUF, 2008.
semble-t-il, contribuer à ouvrir la voie à 7– L’analyse avec fin et l’analyse sans fin, S. Freud. In :
UN TROUBLE CONTEMPORAIN des améliorations. On le voit dans de Résultats, idées, problèmes, T. 2, PUF, ed. 1985, p. 263.
Chaque époque développe sa propre patho- nombreuses entreprises, où les questions 8– L’énigme de la femme active. Égoïsme, sexe et compas-
logie de civilisation : la mélancolie au du bien-être au travail sont prises en sion. P. Molinier. Payot, 2003.
XIXe siècle, la neurasthénie au début du XXe, compte. On le voit aussi chez certains indi- 9– Par exemple, Kafka dans Le Procès, Huxley dans Le Meilleur
ou plus tard, dans l’entre-deux-guerres, la vidus, qui accordent plus de crédit à la des mondes et Orwell dans 1984 montrent leurs pitoyables
paranoïa si visible dans les écrits de Kafka, question de l’équilibre, qui ne peut être héros broyés par des organisations anonymes, cruelles par
d’Huxley et d’Orwell (9), qui disaient la nourri que de déséquilibres… idéologie.
Résumé : Le burn-out ou épuisement professionnel touche des individus dépassés par leur tâche. On peut également y voir une pathologie de civi-
lisation. Dans une perspective sociologique, l’auteur, philosophe, montre comment la société postmoderne, marquée par l’accélération du temps, le dictat
des technologies… pousse à l’épuisement certaines personnes.
santé mentale
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SM190_09_BILHERAN_SM190_P0_INT 17/09/14 11:59 Page68
« Toute ma vie,
j’ai voulu être utile »
Victime de conditions de travail dégradées et violentes, Mathilde, la cinquantaine, souffre
de burn-out. Une consultation spécialisée « Souffrance et travail » lui permet d’analyser
les processus à l’œuvre dans l’organisation pathogène de l’entreprise mais également
dans son histoire personnelle.
Selon ses propres termes, certaines situations professionnelles qui sur un mode somatique (accidents vas-
Mathilde (1) se présente « tard » à la consul- l’empêchent de dormir sereinement, et culaires cérébraux, crises cardiaques…),
tation Souffrance et travail (voir enca- d’une phobie du lieu de l’entreprise. Elle ou encore, des conduites suicidaires ?
dré). Elle a « beaucoup attendu », car elle éprouve des difficultés à retranscrire avec Mathilde travaille dans le secteur finan-
« ne sait plus où elle en est ». Elle se dit précision la chronologie des événements cier et bancaire. Son entreprise, c’était
« perdue ». Effectivement, le regard et ressent une tristesse intense. Un syn- « comme une histoire d’amour », la pre-
hagard et, dès les premières minutes, drome anxio-dépressif se surajoute à ce mière et la seule, puisqu’elle y était
embué de larmes, Mathilde ne comprend tableau clinique, entraînant un senti- entrée à l’âge de vingt ans. « Il m’a fallu
pas ce qui lui arrive. Elle est en arrêt de ment de culpabilité, une honte et un attendre cinquante-trois ans pour m’aper-
travail depuis quinze jours, et son méde- jugement sans appel sur son « incapacité » cevoir qu’on m’avait menti, que je ne
cin traitant l’a mise sous antidépres- professionnelle. Cette autodévalorisation méritais aucune reconnaissance ». Cette
seurs, car elle ne pensait plus qu’à mou- est telle que Mathilde a le sentiment entreprise, au départ plutôt « familiale »,
rir. Cela ne lui est jamais arrivé. qu’elle ne s’en « sortira jamais ». où il faisait bon vivre et où existait du lien
Sa parole est confuse : « J’ai le cerveau social avec les clients, s’est vue sauva-
embrouillé », dit-elle. « UNE HISTOIRE D’AMOUR » gement rachetée par un grand groupe
Mathilde présente tous les signes d’un burn- En psychopathologie traditionnelle, nous financier. Derrière cette « fusion-acqui-
out consécutif à plusieurs chocs trau- interrogerions les liens du sujet à son sition » se cachent des logiques de rachats
matiques aigus, sur fond de surmenage histoire, la répétition des situations et des extrêmement meurtrières, s’apparentant
professionnel. rôles, pour en dégager des modes de à la « conquête » de marché. En clair, les
Elle dit se « sentir vide », « ne plus avoir fonctionnement psychiques récurrents. salariés de l’entreprise achetée sont « les
goût à rien », ne plus trouver de sens, se Dans notre consultation, nous ajoutons la vaincus », qui doivent se plier à une nou-
sentir désormais inutile au travail. Elle pré- dimension de la clinique du travail. Sans velle culture, des nouveaux process, voir
fère s’isoler. « Je suis incapable, je ne suis écarter une réflexion sur la participation leur direction se faire limoger pour lais-
pas parvenue à gérer cette agence, c’est de l’individu à ce qui lui arrive, notre ser la place aux « vainqueurs ». Ces
de ma faute », répète-t-elle régulière- valeur ajoutée est d’interroger le système périodes de rachat sont extrêmement
ment. Elle explique souffrir de trous de « organisation du travail », dans lequel éprouvantes pour les salariés de l’entre-
mémoire, de flash-back récurrents sur l’individu est broyé, à un moment donné, prise rachetée. Souvent, l’entreprise
sans avoir conscience des processus en acquérante ne daigne même pas mettre
jeu et de la violence engendrés sur les en place de processus d’accompagne-
travailleurs, jusqu’à créer des troubles ment au changement, au motif que « l’hu-
psychosociaux en chaîne. main s’adapte à son environnement ». De
Ariane BILHERAN Que s’est-il passé, dans l’organisation du façon très cynique, ces modes de mana-
travail, qui a conduit Mathilde, comme beau- gement peuvent entraîner des départs et
Normalienne, psychologue clinicienne, coup de ses collègues, à subir des troubles des démissions, ce qui permet de renou-
consultante et présidente de la société psychosociaux graves, comme le burn- veler le personnel ou, tout simplement,
de conseil Sémiode. out, la dépression, des décompensations de « dégraisser la masse salariale »…
Dans ce contexte, que s’est-il passé pour et mentir aux clients jusqu’à la fermeture C’est alors qu’une étrange proposition lui
Mathilde ? définitive de l’agence. est faite. Il s’agit de reprendre un poste
Son directeur d’agence est parti, lui aussi C’en est trop. Mathilde s’effondre, pour de « simple » conseillère de clientèle,
victime d’un burn-out, sans doute lié aux plusieurs raisons : dans une agence située à 80 km de chez
pressions de la nouvelle direction et à – cette agence, qu’elle a portée à bout elle, sous les ordres d’un directeur connu
ses exigences démesurées. Mathilde a de bras, va être fermée, en dépit de tout pour son tempérament harceleur. Mathilde
donc assuré l’interim, exerçant deux bon sens, puisqu’elle fait l’un des meilleurs juge cet homme « incompétent, carriériste,
métiers à la fois, celui habituel de conseillère chiffres de la région. Cela entraîne un sen- opportuniste ». Elle sait qu’ils ne pour-
de clientèle, et celui de directrice d’agence timent d’incompréhension, d’injustice et ront pas s’entendre. D’ailleurs, ce supé-
qu’elle ne connaît pas. Elle a tout de de colère ; rieur hiérarchique l’a avertie : « Je reprends
même accepté cette charge, mue par une – cette agence est fermée dans la préci- tous tes gros portefeuilles clients », et
forme d’héroïsme : « Il fallait bien que pitation, ce qui prive Mathilde de la pos- l’a déjà humiliée devant autrui.
l’agence tourne, pour les clients. » sibilité de prendre du recul et de poser Mathilde refuse ce changement. La direc-
On retrouve là un des traits saillants du des décisions sereines ; tion lui propose alors un poste dans une
burn-out au travail : il touche des popu- – les clients sont méprisés par une entre- autre agence, mais cette fois sans bureau !
lations extrêmement investies dans leur prise qui les prend en otage. Cette déci- Mathilde comprend qu’elle est devenue
vie professionnelle, concernées par l’image sion heurte les valeurs et l’éthique pro- indésirable. Elle sollicite néanmoins un
et la culture de l’entreprise, et avec une fessionnelles de Mathilde, pour qui les entretien avec les ressources humaines,
forte éthique. « Je n’ai jamais compté mes clients sont au cœur du travail, et l’ob- au cours duquel on lui reproche « sa
heures », ajoute Mathilde, qui s’est donc jet d’un service au sens noble, allié à mauvaise foi », et « sa résistance au
mise, comme toujours, au service de son un profond respect. Ce cynisme choque changement ».
entreprise. profondément sa sensibilité ; Mathilde fond en larmes, rencontre la
Mais c’est sans entrevoir l’orientation de – Mathilde doit se charger du déména- médecine du travail qui l’oriente vers
la nouvelle direction, désireuse de se gement, c’est-à-dire qu’elle doit mettre son médecin traitant. En urgence, il lui
débarrasser des « anciens », qui coûtent en œuvre une décision incompréhensible, prescrit des antidépresseurs, un arrêt de
trop cher, sont trop imprégnés par la cul- absurde et amorale de son point de vue. travail, et l’envoie vers notre consultation
ture de l’ancienne entreprise et ont déve- Bien entendu, elle souffre là d’un conflit spécialisée.
loppé un fort esprit critique. On ne peut de loyauté ;
pas leur faire tout accepter… – Mathilde doit dissimuler la nouvelle aux « LES AUTRES Y ARRIVENT BIEN… »
Mathilde assure donc les deux fonctions clients, ce qui exige une attitude contra- Nous entreprenons alors un travail régu-
de façon concomitante et fait tourner dictoire. Elle doit en effet orchestrer ce lier avec Mathilde, afin qu’elle sorte de
l’agence. Elle n’en reçoit aucune recon- déménagement auquel elle ne souscrit son état de sidération et retrouve ses
naissance, ni morale, ni symbolique, ni finan- pas sans en informer les clients, ce qui facultés. Elle est tiraillée entre sa
cière. « Cela ne me dérangeait pas, je est contre son éthique professionnelle et conscience, ses valeurs, qui lui comman-
savais qu’ils ne me paieraient pas pour exer- la désignera d’ailleurs directement à la dent de ne pas perdre son intégrité, et
cer les fonctions de directeur par intérim, vindicte, puisque les clients risqueront un sentiment de culpabilité intense, car
d’ailleurs je n’attendais pas d’argent. » bien de lui attribuer ce comportement, « les autres se soumettent, et pas moi,
Certes, mais cette absence de reconnais- et de l’en incriminer. je dois avoir un problème ». Mathilde
sance fragilise Mathilde, en surmenage, qui Mais ce n’est pas tout. Mathilde s’entend souffre beaucoup du rejet, seul son ancien
voit peu à peu s’écorner son image d’elle- très bien avec un collègue, avec qui elle collègue la soutient. Les autres se sou-
même au travail. La charge devient de a tenu l’agence durant plusieurs mois. mettent effectivement, et le mot d’ordre
plus en plus importante, et elle ne parvient Suite à des pressions majeures de la part est de ne plus la contacter.
plus à tout absorber, ce qui la conduit à de la direction, ce dernier quitte l’entre- Nous engageons sur plusieurs mois un tra-
travailler en « mode dégradé » et au sen- prise et retrouve rapidement un emploi. vail de type analytique. Nous pouvons
timent d’échec qui s’ensuit. Mathilde est désormais seule, avec un en extraire la maltraitance organisation-
sentiment d’isolement face à la « barba- nelle mais aussi un surinvestissement
« SEULE FACE À LA BARBARIE » rie » ambiante. au travail. Cela nous mène à enquêter sur
Le premier choc traumatique aigu pour
Mathilde intervient au terme de huit mois
d’investissement acharné dans cette situa-
À lire. Se sentir en sécurité.
tion. Par téléphone, on la prévient que Comment se protéger de l’anxiété, de la peur et du stress
l’agence va fermer deux semaines plus tard. Si la société n'offre plus d'appui ni de reconnaissance, chacun doit pouvoir se créer un espace
Les clients ne doivent pas en être aver- intérieur de sécurité. Protéger son intimité, savoir dire non, choisir ce qui est bon pour soi,
tis. Ils découvriront l’agence fermée, ce échapper au stress et aux personnes toxiques, ou juste s'offrir un peu de repos psychique : ce livre
qui les obligera à se rabattre sur l’agence montre comment, à l'aide de méditation et d'exercices simples, il est possible de se créer, dans la
de la même enseigne située non loin de vie professionnelle et familiale, un nid psychique douillet où l'on se sentira en sécurité, un havre
là. Ils n’auront ainsi pas le temps de par- de paix intérieure où l'on reviendra à volonté pour se ressourcer, se renforcer, se recentrer. Des
tir à la concurrence. Mathilde doit se
exercices audio accompagnent la lecture de cet ouvrage : visualisation, autohypnose et
méditation à pratiquer régulièrement.
charger de déménager elle-même les
locaux (vider les bureaux, faire les cartons…) • A. Bilheran, Paris, Payot, 2013, 208 pages.
son histoire familiale : si les symptômes Mathilde, en exerçant des pressions sur un espace pour retrouver du sens, ren-
dépressifs sont aussi violents et persis- d’anciens collègues afin qu’ils l’accu- forcer son intégrité, lui redonner le désir
tent, par-delà le burn-out, c’est bien sent de fautes professionnelles. Mathilde d’agir. Le travail psychothérapeutique a
parce que la maltraitance de l’entreprise souffre considérablement de la lâcheté et été le lieu pour analyser les processus à
lui évoque celle de sa mère, son rejet, sa de la soumission de ses anciens col- l’œuvre dans cette organisation du travail
froideur, sa dureté, tandis que la passi- lègues : « Je me sens punie, en prison pathogène, et se départir du sentiment
vité de ses collègues et leur soumission dans un château-fort dont je ne sortirai de culpabilité. Ayant repéré des répéti-
lui rappellent l’attitude de son père. jamais, car j’ai désobéi ». tions inconscientes, Mathilde considère
Mathilde a par ailleurs été mariée à « un S’appuyant sur son travail thérapeutique, désormais qu’elle a « bien le droit d’exis-
pervers narcissique », un homme qu’elle Mathilde finit par changer d’avocat. Dès ter pour elle-même, sans être systéma-
décrit être comme sa mère, froid, dur, et lors, l’horizon commence à se dégager, tiquement utile aux autres ». Elle ajoute,
violent physiquement. Elle a divorcé juste et une entente est enfin trouvée avec avec humour, qu’elle « n’acceptera plus
avant que son entreprise ne soit rachetée. l’employeur, afin que Mathilde quitte jamais de patron. »
Mathilde croise alternativement ces figures l’entreprise. Elle ne souhaite pas enga-
maltraitantes soit dans la vie privée, soit au ger un procès car elle sait que ce sera « le
travail, et c’est lorsqu’elle s’en est défaite pot de terre contre le pot de fer ».
dans sa vie privée que la maltraitance est Mathilde renaît doucement, entrevoit des 1– Le prénom a été changé.
arrivée par le biais du travail. projets, décide de s’occuper d’elle. Dans
Sa déception est immense, car « toute sa le même temps, elle apure ses relations
vie », elle a voulu être « utile » dans son familiales, et cesse de subir les sar-
travail. N’existant ni dans le regard de sa casmes de sa mère, en posant des limites
BIBLIOGRAPHIE
propre mère ni dans celui de son mari, il et de la distance.
– Bilheran A. (coll). 2010. Comprendre les troubles
fallait qu’elle existe au travers de son tra- Chaque jour couronne un petit exploit : psychosociaux par l’approche organisationnelle, in
vail. Sa désillusion est à la hauteur de ce aller se baigner en affrontant la honte de La souffrance au travail (coll.), Paris, Armand Colin.
surinvestissement. son propre corps (depuis l’annonce de la – Clot, Y., Gollac, M. 2014. Le travail peut-il devenir
fermeture de son agence, Mathilde a pris supportable ?, Paris, Armand Colin.
– Dejours, C. 2000. Travail, usure mentale. De la psy-
« JE ME SENS PUNIE » vingt kilos), consulter un médecin homéo- chopathologie à la psychodynamique du travail,
En même temps que le travail psychothé- pathe pour dormir mieux, voir un ostéo- Paris, Bayard éditions.
rapeutique, Mathilde enclenche une pro- pathe pour soulager son dos, ne plus – Dejours, C. 2012. Psychopathologie du travail, Paris,
cédure juridique pour négocier son départ répondre au téléphone lorsqu’elle ne le Elsevier Masson.
– Pezé, M. 2008. Ils ne mouraient pas tous mais tous
de l’entreprise, avec un premier avocat souhaite pas… Elle entrevoit l’avenir : « J’ai- étaient frappés, Pearson Éducation.
par lequel elle ne se sent absolument pas merais refaire ma vie à l’étranger. » Par-
soutenue. Elle a l’impression qu’il décon- fois, ce projet lui paraît irréalisable,
sidère le dossier mais elle ne parvient pas d’autres fois, il nourrit son désir. FILMOGRAPHIE
à s’en dégager, se sentant « trop cou- – Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés,
pable », « vilaine fille », qui ose attaquer CONCLUSION documentaire de Sophie Bruneau et Marc-Antoine
la « mère entreprise » en justice, société La crise traversée par Mathilde aura duré Roudil, ADR productions/Alter Ego Films, 76 mn, 2005.
qui l’a « nourrie » durant toutes ces années. près de trois ans, le burn-out apparent – La mise à mort du travail. La destruction, l’aliéna-
tion, la dépossession. Comment les logiques de ren-
Les processus pathologiques à l’œuvre cachant une dépression qui a trouvé ici
tabilité pulvérisent les liens sociaux et humains,
dans l’organisation du travail continuent. l’opportunité de s’exprimer et d’être prise série documentaire de J.R. Viallet, sur une idée
L’entreprise refuse une négociation amiable, en charge. La consultation spécialisée a originale de Christophe Nick, France Télévisions
et constitue un dossier calomnieux contre permis de l’accompagner, et de lui offrir Distribution, 2009.
Résumé : La consultation spécialisée Souffrance et travail propose une aide concrète (travail en réseau et prise en charge pluridisciplinaire) et psy-
chique à des personnes en souffrance sur leur lieu de travail. La psychopathologie du travail permet d’élargir le point de vue de la psychopathologie tradi-
tionnelle, en introduisant une réflexion sur les organisations du travail pathogènes et les impacts psychiques et somatiques sur les individus, sans pour autant
écarter une analyse des collusions entre l’histoire personnelle et le vécu dans l’entreprise. Illustration avec le cas de Mathilde, en burn-out lié à un rachat
de l’entreprise et masquant une dépression plus profonde et étant l’occasion pour la personne de mettre en lumière des répétitions inconscientes tout au
long de son histoire.
Mots-clés : Cas clinique – Clinique – Entreprise – Épuisement professionnel – Maltraitance – Psychopathologie – Psychothérapie –
Répétition – Traumatisme psychique – Travail.
Le concept de burn-out reste Le mot burn-out est employé pour la pre- avec le burn-out, est plus important que
discuté et le diagnostic n’est pas réper- mière fois en 1969 par Harold Bradley (8). dans la population générale avec un sexe-
torié dans les principales classifications, Le psychologue Herbert Freudenberger le ratio identique, ce qui n’est pas habi-
la CIM-10 (1) et le DSM-5 (2). En effet, reprend, en 1974 à propos des bénévoles tuel. La dépression et le suicide apparais-
les corrélations entre troubles dépres- de son équipe (9). Il fait déjà clairement sent alors comme la conséquence ultime
sifs, troubles anxieux, fatigue chronique, le lien entre les aspirations, l’investisse- du burn-out.
troubles du sommeil, addictions et d’autres ment des soignants et les déceptions Devant l’ampleur du problème, les méde-
pathologies comme les troubles de la vécues dans le domaine du travail. cins se sont mobilisés. Des numéros verts
personnalité sont si importantes (3) que En 1996, Christina Maslach (10) pré- auxquels les praticiens peuvent faire
les experts n’ont pas tranché. Le burn- cise le concept avec la mise en évidence appel 24 heures sur 24 s’ils se sentent
out favorise-t-il la survenue de troubles de trois critères nécessaires pour poser en burn-out ou en danger en Suisse et en
psychiatriques ou inversement, les troubles le diagnostic (11) : France (18) ont été mis en place.
psychiatriques favorisent-ils le burn-out, – l’épuisement émotionnel, caractérisé Dans le traitement du burn-out, les thé-
cela reste en discussion. La « vérité » se par une fatigue importante, souvent mar- rapies comportementales et cognitives
trouve probablement dans les deux sens. quée dès le matin, évoquant la fatigue (TCC) ont fait la preuve de leur effica-
Un problème médical est pratiquement dépressive ; cité (19, 20, 21).
toujours une diathèse : la rencontre entre – le désintérêt pour les autres, voire le
un terrain (la personne, ses antécédents développement d’un cynisme par rap- UN GÉNÉRALISTE EXEMPLAIRE
génétiques, familiaux et personnels) et un port à la souffrance d’autrui. Le terme Le cas de Dominique, un généraliste de
contexte (dans le cas du burn-out, l’en- anglais depersonalisation a souvent été 56 ans, est typique du burn-out rencon-
vironnement de travail). traduit par déshumanisation. tré chez les médecins et exemplaire pour
À notre connaissance, cette pathologie n’est – la perte du sens de la vie profession- l’application de la psychothérapie. Je l’ai
reconnue officiellement qu’en Suède et nelle ; reçu en consultation alors que depuis
aux Pays-Bas. Il s’agit cependant d’une Ce syndrome se développe progressivement, un mois il ne pouvait plus se rendre à son
réalité clinique fréquente dans la popu- avec l’apparition dans un premier temps cabinet.
lation générale et particulièrement parmi de troubles émotionnels comme l’irritabi- Que s’est-il passé ? Un lundi matin,
les soignants (4). Les premières descrip- lité, l’anxiété puis la fatigue. Dans un Dominique s’est levé comme d’habitude
tions font d’ailleurs références aux infir- second temps, les symptômes concer- vers 6 heures et s’est préparé pour aller
mières. nant le désintérêt pour les autres et la perte travailler. Il s’est soudain senti très mal,
Le burn-out est indissociable du stress chro- du sens du travail apparaissent (12). Pour avec une tachycardie importante et le sen-
nique (5) dont il est l’évolution logique. d’autres chercheurs (13), le problème timent d’être en train de mourir. Son
Cette réalité est déjà décrite par Walter commence par le désintérêt pour autrui épouse, Chantal, a appelé les urgences.
Bradford Cannon (6) et Hans Selye (7) et évolue ensuite vers les troubles émo- Une ambulance l’a transporté à l’hôpi-
même si ces deux chercheurs n’utilisent tionnels puis l’épuisement. tal. Un bilan médical en particulier car-
pas le terme. Les professionnels du soin sont particu- dio-vasculaire n’a rien relevé de grave
lièrement touchés par le burn-out. Dans et Dominique a pu rentrer chez lui. Le
différents pays, des enquêtes (14, 15) mon- lendemain, au moment de se rendre à
trent clairement un taux important de son cabinet, des sueurs, une tachycar-
médecins souffrant de burn-out. Une die, un sentiment de malaise sont à
Charly CUNGI étude Suisse (16) indique qu’un praticien nouveau apparus. Un de ses amis, infir-
sur trois en médecine générale est concerné. mier installé en libéral non loin de son
Psychiatre, psychothérapeute FMH, Clinique Enfin, le risque suicidaire des méde- cabinet, lui conseille de s’arrêter et
Belmont, Genève. cins (17), au moins en partie en rapport l’oriente vers moi.
– Dominique exerce depuis vingt ans, dans tout le monde est gâté et je participe au (22) apparaît : pessimisme sur soi-même,
une ville de moyenne importance. Sa “gâtage” général » ; « Je suis devenu un sur le contexte (profession, entourage…),
consultation est surchargée (au moins distributeur de médicaments et d’arrêts de sur l’avenir. L’anxiété est également
20 consultations par jour et parfois jus- travail » ; « A quoi sert de s’occuper des importante.
qu’à 35 et plus). Ses vacances d’été vieux, pour prolonger leurs souffrances ? »
durent rarement plus de deux semaines, Cette perte de sens envahit sa vie per- « JE NE SUIS PAS UN CAS ISOLÉ »
et il ne part jamais plus de quelques sonnelle et familiale : « Je ne vois jamais Ces premiers éléments sont recueillis au
jours dans l’année. mes enfants, ils ont grandi sans moi » ; cours du premier entretien, où s’établit
Il commence son travail tôt le matin, « Nous ne sommes plus un couple, sim- une alliance thérapeutique (23) sur les
vers sept heures, et termine rarement plement des colocataires. » « Si je n’avais diagnostics et la conceptualisation du
avant vingt et une heures. pas la charge familiale, j’arrêterais tout. » problème. L’hypothèse que nous formu-
Chantal, son épouse, assure la gestion du – Plutôt soucieux depuis toujours, comme lons ensemble est la suivante : l’engage-
cabinet : prise de rendez-vous, comptabi- d’ailleurs l’étaient ses parents, Dominique ment de Dominique dans ses études,
lité, administration. Le couple a deux enfants. dort mal depuis plusieurs années. Il pré- puis dans sa vie professionnelle, résul-
– Dominique m’explique qu’il a commencé sente à la fois des difficultés d’endormis- tait des vertus qui sont les siennes :
à exercer dès la fin de son internat, et a sement et des réveils vers quatre heures altruisme, ténacité, courage. L’anxiété
été rapidement débordé de demandes de du matin, un rendormissement difficile familiale préexistait au trouble et rend
soins. Il ne refuse jamais de recevoir un et un lever très pénible vers six heures compte en grande partie des craintes de
patient, ce n’est pas dans ses valeurs, et et demie. Il éprouve des difficultés pour refuser, et aussi de sa disponibilité conti-
apaise aussi sa crainte de « perdre des se concentrer et maintenir son attention, nuelle : peur de laisser passer un diagnos-
patients ». des troubles de la mémoire. Il a perdu tic, de ne pas avoir fait assez, des consé-
Chantal éprouve aussi beaucoup de réti- quatre kilos ces derniers mois, et n’a quences en cas d’erreur.
cence à refuser les demandes des patients, plus d’appétit. La surcharge professionnelle durant des
même quand elles n’ont aucun caractère – Épuisé, il est pessimiste sur lui-même, années a entraîné un épuisement com-
d’urgence. Dominique a la vocation ! les autres, le contexte et l’avenir. Des idées plet. « Le nez dans le guidon » en per-
Prendre soin des autres est prioritaire dans de mort et parfois suicidaires lui pas- manence a réduit le sentiment altruiste
sa vie. Au cours de ses études, il passait sent par l’esprit, par exemple lorsqu’il de Dominique et lui a fait perdre le sens
déjà une grande partie de son temps à l’hô- est au volant : « Si je rentrais dans cet de son métier. La dépression dans ce
pital. Mais avec l’âge, les pressions conti- arbre, je serai tranquille » ; « Un accident, contexte apparaît logique et alimente le
nuelles et la surcharge permanente ont ce serait le mieux… ». désespoir : pas de solutions autres que
érodé considérablement sa disponibilité. Dominique n’a plus goût pour rien, et disparaître.
– Dominique exerce son métier de façon même des activités habituellement plai- Je délivre à Dominique une information
plutôt solitaire. Il rencontre ses confrères santes ne l’intéressent plus. scientifique sur son syndrome. Je détaille
et d’autres professionnels de santé de – Ayant facilement accès aux médica- les trois critères du burn-out selon Chris-
façon épisodique, uniquement lors de ments, en prescrivant « pour son épouse » tina Maslasch, que l’on retrouve aisément
soirées de formation médicale continue. ou « ses parents », il a tout essayé : les dans sa problématique, mais également
– De plus en plus fatigué, Dominique a perdu antidépresseurs, les anxiolytiques et les le modèle de Robert Karasek et Thores Theo-
l’intérêt qu’il portait aux patients. Ceux- neuroleptiques. Il prend un antidépresseur rell (24) sur les trois points constitutifs
ci sont même devenus un « poids ». Il sérotoninergique en continu, et très réguliè- de la souffrance au travail : surcharge
se sent de plus en plus irrité, découragé, rement des benzodiazépines, parfois un neu- professionnelle, perte d’autonomie, manque
voire parfois hostile. « J’en ai marre de roleptique. de soutien et d’aide par les autres.
m’occuper de ces “tout m’est dû”, qui n’hé- – Dominique a arrêté de fumer depuis six J’indique également la fréquence du burn-
siteront pas une seconde à me coller un ans au moment de la première consulta- out des médecins, le taux de suicide.
procès si c’est rentable pour eux ! », tion, mais sa consommation d’alcool est Comme première tâche assignée, je lui
répète-t-il souvent. Son discours devient devenue plus importante. Souvent un double recommande un film sur ce thème, que je
cynique, envers les patients, l’adminis- whisky le soir lui sert de somnifère. lui remets sous la forme d’un compact-disc
tration, ses confrères et même l’humanité (25). Je conclus qu’il s’agit d’une patho-
en général : « Ils feraient mieux de tra- DIAGNOSTIC CLAIR logie bien connue et que les solutions
vailler, seuls les arrêts de travail les inté- Selon les critères de Christina Maslach, existent. Nous convenons également de la
ressent ! » ; « La Sécu ne fait que nous le burn-out de Dominique est assez évi- nécessité de maintenir l’arrêt de travail tant
emm… » ; « On ne peut plus compter dent et clairement relié à la surcharge de que le problème n’est pas réglé, ce qui sou-
sur les confrères, tout le monde se défile… travail. Un trouble dépressif est également lage visiblement beaucoup Dominique.
Impossible de trouver un psychiatre pour repéré : humeur triste, fatigue, trouble du Les faits de bien identifier son problème,
un patient… » ; « L’homme est un loup sommeil, troubles cognitifs (difficultés de disposer d’une information, lui permet-
pour l’homme » ; « Ça ne vaut pas le coup pour maintenir son attention, troubles tent déjà de modifier sa manière de voir
de faire quelque chose pour l’être humain! »; mnésiques), perte d’appétit et amaigris- les choses :
« Tout le monde s’en fout ! »… sement, perte d’intérêt pour tout, y com- – « Il s’agit d’un burn-out, c’est clair et
À fond, sa vie professionnelle n’a plus de pris les activités habituellement plai- visiblement cela n’arrive pas qu’aux
sens à ses yeux : « À quoi je sers? »; « Nous santes et enfin des idées suicidaires. autres, mais nous sommes nombreux
sommes dans une drôle de civilisation, La triade cognitive dépressive de Beck dans ce cas. » [Je ne suis pas un cas isolé]
Therapy, 33), deux heures hebdomadaires 1– CIM 10, Classification Internationale des maladies, 10e 19– Therapy of the burn-out syndrome (17 studies ), Korc-
durant huit semaines avec comme objec- édition, OMS Genève. zak D., Wastian M., SchneiderM, GMS Health Technol
tif la prévention des rechutes dépres- 2– DSM-5 Diagnostic and statistical maual of mental disor- Assess. 2012.
sives et une meilleure gestion du stress. ders, fifth edition, American Psychiatric Association, 2013. 20– Stressmanagement als Burn-out-Prophylaxe (Preven-
3– Voir l’excellente revue faite par Ulrich Michael Hemme- tion of burn-out by stress management) Günthner A., Batra
EN CONCLUSION ter : Treatment of burn-out : overlap of diagnosis, in Bah- A., Bundesgesundheitsblatt Gesundheitsforschung Gesund-
La TCC de Dominique a été réalisée au rer- Kohler S., Burn-out for experts, Springer New York, 2013 heitsschutz, 55(2):183-9.2012.
cours de 32 consultations individuelles 4– Burn-out syndrome in an international setting, Javier Carod- 21– Take charge : patients’ experiences during participa-
ou en couple, 8 sessions de groupe pour Artal F., Vásquez-Cabrera C. in Bahrer- Kohler S., Burn-out tion in a rehabilitation programme for burn-out Fjellman-
la pratique de la pleine conscience. Ces for experts, Springer New York, 2013 Wiklund A., Stenlund, Steinholtz K. Christina Ahlgren C.,
séances se sont étalées sur seize mois. 5– Savoir gérer son stress, Cungi C., éditions Retz, Paris Rehabil. Med ; 42: 475–481.2010.
La reprise du travail a démarré après une 2005, Pocket 2013. 22– Cognitive therapy of depression, Beck AT., Rush AJ.,
année de prise en charge. Relevons que 6– The Wisdom Of The Body, Cannon W. B. WW. Norton Shaw BF, Emery G., Guilford Press, New-York 1979.
la participation active de l’épouse a consi- and Company, Inc. Ré édition 1963 23– L’alliance thérapeutique, Cungi C, Retz, Paris 2006.
dérablement facilité le processus théra- 7– The stress of life, Selye H., New York : McGraw-Hill, 1956 24– Healthy work : stress, productivity and the recons-
peutique et modifié le fonctionnement du 8– Community based treatment for young adult offenders, truction of working life. Karasek, R. A., & Theorell, T., New
couple. Bradley HB., Crime and delinquency, 15(3), 359-370. York : Basic Books, 1990.
Des évaluations réalisées quatre ans après 1969. 25– Emission de télévision de la Ratio télévision Suisse
la fin de la thérapie montrent que les 9– Staff burn-out, Freudenberger HJ . Journal of social (TSR) : Mise au point, 12 février 2012.
bénéfices sont maintenus. Le traitement issues, 30, 159-165. 1974. 26– SECCA pour Stimulus emotion cognition comportement
antidépresseur et anxiolytique a été arrêté 10– Burn-out : recent developments in theory and research. anticipation. Cottraux J, Bouvard M, Legeron P, Méthodes
et la consommation d’alcool n’est plus que Maslach C., Marek T., Schaufelin W., CRC ed. new york. et échelles d’évaluation des comportements, ed. EAP,
conviviale. 1996. 1985.
Dominique a ainsi pu bénéficier d’un 11– Burn-out, the cost of caring, Maslach C., Malor book, 27– The Maslach burnout inventory : manual edition, Mas-
soutien thérapeutique relativement court, Los Altos 2003. lach C, Jackson SE., Palo Alto, Consulting Psychologists Press;
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d’appréhender son métier et au-delà, sa DE., Needham Heights, MA Allyn & Bacon, 1996. 28– Adaptation canadienne-française de la forme révisée
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recherche en thérapie comportementale et BIBLIOGRAPHIE
cognitive (IFFORTHECC), qui dispense plu- Assessment (Meta-Analysis), Schernhammer ES., Colditz GA.,
Am J Psychiatry 161 : 12, December 2004.
– Les psychothérapies comportementales et cogni-
sieurs diplômes et des cycles de perfectionne-
tives, Jean Cottraux, éditions Masson 2011.
ment à la pratique des TCC. Plus d’infos sur 18– Pour la Suisse : Remed, Réseau de soutien pour méde-
– Savoir gérer son stress, Charly Cungi, éditions Retz
www.ifforthecc.org. Des programmes de forma- cins 0800 0 73633, help@swiss-remed.ch ; pour la France :
et Pocket, 2012.
tion et d’entraînement en ligne sont également AAPML Association d’aide professionnelle aux médecins libé- – L’alliance thérapeutique, Charly Cungi, éditions
diffusés sur : www.tccformation.com
raux 0826 004 580 Retz, 2006 (avec un DVD d’entraînement).
Résumé : Après un point sur le concept de burn-out, l’auteur, psychiatre, présente l’apport des thérapies comportementales et cognitives dont l’as-
pect pratique favorise certainement les bons résultats reconnus par la littérature scientifique. À travers la thérapie de Dominique, médecin généraliste « à
bout », il expose les étapes et les méthodes.
Mots-clés : Cas clinique – Concept – Épuisement professionnel – Médecin généraliste – Processus – Thérapie cognitive –
Thérapie comportementale.
L’après burn-out
Une enquête sociologique menée auprès de cadres victimes d’épuisement professionnel a
mis en évidence les étapes de leur reconstruction. Ce parcours est ponctué de stades
inscrits dans le temps et l’espace. Autant de repères pour accompagner le salarié.
Après un burn-out, le retour au Hôpitaux, institutions, entreprises publiques social. Le salarié subit alors une double
travail ne va pas de soi et les approches ou privées, tous les actifs de l’emploi sont peine : celle d’un investissement anté-
classiques des services de ressources déstabilisés et impactés par la logique rieur non reconnu et cher payé et celle
humaines sont généralement insuffi- gestionnaire. Les notions de rentabilité de la restriction dans sa possibilité et
santes. Dans ce contexte, nous avons déséquilibrent le système sociétal tout ses espoirs de retour.
effectué en 2012 une enquête sociolo- entier. De ces cinq paradoxes, découle une pro-
gique (1) auprès de cadres victimes (trois 2e paradoxe : la sur-médiatisation banalise blématique tripartite (salarié, médecin,
à cinq ans après leur burn-out). Il s’agis- le burn-out et masque un phénomène DRH). Quand rien n’est fait, les consé-
sait d’étudier les conditions et les moyens plus grave, la peur de retourner travailler. quences sont les suivantes :
de leur reconstruction. Basé sur une Ces salariés traumatisés souffrent par- – sans retour dans l’emploi, le salarié perd
approche pragmatique, constructiviste fois de syndrome de stress post-trauma- confiance en lui et ancre son traumatisme lié
et non-pathologisante, ce travail a cher- tique (2), et manifestent parfois des au travail (risque de désocialisation et
ché à éclairer le « Comment on se recons- symptômes et des malaises rien qu’à difficulté de réinsertion) ;
truit » plus que le « Pourquoi le travail l’évocation de leur CV ou d’un projet pro- – sans retour ou accompagnement adapté du
consume ». Cette posture méthodolo- fessionnel. « Arrêtés-actifs » (en arrêt, mais salarié, l’entreprise se prive d’une compé-
gique a évité les écueils de la stigmati- ni au chômage, ni à l’âge de la retraite), tence sur laquelle elle avait pourtant investi
sation des victimes. Le burn-out laisse une ils sont paralysés face au monde du tra- (fuite des compétences, mauvaise image
cicatrice indélébile dans la carrière d’un vail. Pour eux, l’urgence n’est pas de interne du management et des RH) ;
cadre. Les résultats posent la question du changer de travail, mais de changer leur – sans soutien des RH, le médecin du tra-
capital social et des ressources humaines rapport au travail. Les entrelacs sont si vail ne peut aider son patient-salarié à retrou-
de l’entreprise dans les années à venir. complexes que bien souvent, le salarié vic- ver sa place et son estime profession-
time et le médecin (du travail, psychiatre nelle (sentiment d’inutilité et d’impasse).
DE QUELQUES PARADOXES… ou généraliste) sont démunis et déso- À cela s’ajoute un phénomène de plus en
1er paradoxe : la médiatisation du burn- rientés. plus récurrent : les personnes épuisées,
out est exponentielle et confuse, or aler- 3e paradoxe : reprendre le travail après laissées sur le bas-côté du chemin de
ter ne suffit plus, puisque le nombre de un burn-out ne garantit rien en matière l’emploi, ne réinvestissent plus jamais
victimes et de plaintes autour du travail de santé au travail. Les médecins restent leur travail de la même façon.
ne cessent d’augmenter. Cette contagion d’ailleurs dubitatifs devant l’équilibre
sociale qui exprime le mal-être des sala- bénéfices/coûts. Retrouver une activité QUE RESTE-T-IL APRÈS UN BURN-OUT?
riés pose de gros problèmes en matière sociale peut-être bénéfique en effet mais Le burn-out est un chagrin d’honneur qui
de ressources humaines. Sur fond de les risques de rechutes sont importants. blesse à vie. Ses conséquences en matière
crise économique et de pression des 4e paradoxe : reprendre le travail est devenu de trajectoires professionnelles sont défini-
actionnaires, les salariés et les entre- un risque psychosocial. Il arrive que des tives et représentent un véritable casse-
© Christian Fafet, No Face A n° 21, 2009.
prises doivent faire plus avec moins de Directions de ressources humaines (DRH) tête pour les services de santé au travail,
moyens et de qualité ressentie. Le sens rejettent l’avis du médecin-conseil pré- qui doivent se former aux métiers de l’orien-
du travail et la belle ouvrage se perdent. conisant la reprise car elles redoutent tation. Les résultats de notre enquête mon-
les conséquences juridiques (risque pénal trent que pour l’ensemble des interviewés,
et faute inexcusable, art. L. 4121-1 du les phases de reconstructions sont longues…
Code du travail) en cas de rechute grave (entre 6 et 24 mois). « On ne se remet pas
du salarié (suicide sur le lieu de travail). d’un burn-out : on vit avec ».
Sabine BATAILLE 5e paradoxe : bloquer l’accès et le retour Dans tous les cas, le vécu du burn-out et
à l’emploi devient une sécurité para- les étapes de la reconstruction révèlent que
Sociologue, RPBO Conseil, Paris. doxale, qui bloque l’ensemble du système la finalité du travail (l’intrinsèque) reste
plus importante que la centralité du tra- important à leurs yeux mais contribue périodes sont décrites comme ascen-
vail (la place occupée dans la vie de la juste à l’équilibre (temps partiel…). Les dantes, d’autres stagnantes, mais avec très
victime), car la finalité est plus structu- promotions et les opportunités profes- peu de retour arrière. Des personnes sont
rante pour le cadre qui reconstruit son iden- sionnelles sont rejetées si elles mettent restées bloquées sur des paliers plusieurs
tité professionnelle. en péril ce nouvel équilibre. mois, voire plusieurs années. Néanmoins,
L’axe de l’espace
? ? ?
L’ère du « Je » 9
L’aire de réflexion 5
L’endroit réservé,
le repaire 4
L’aire de repos 3
La convalescence 2
Le lieu de soin 1
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
© S. Bataille (2013).
L’axe du temps
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Destinée aux accompagnants, cette grille est un outil pour aider les personnes en situation de post burn-out à se situer dans le processus
de reconstruction. Elle permet de tracer un axe personnel de progression, ici représenté de façon idéalement linéaire.
Les quelques points dédoublés symbolisent le fait que certains individus peuvent rester bloqués plus longtemps que d’autres
sur un palier, avant de reprendre une progression voire de s’interroger sur leur seuil maximal.
professionnelle (RH et consultant spécia- « positions temporelles » qui suivent – le pouvoir-agir : capacité de mise en mou-
lisé en mobilité professionnelle). trois grands jalons : le passé, le pré- vement orientée vers un but.
Insistons sur le fait qu’évoquer le travail sent, l’avenir. Ces 12 positions s’enchaînent de façon
est un travail sur soi, ce qui implique d’être – le retrait : date de diagnostic de burn- séquentielle mais à des rythmes et des
encadré par des professionnels rigoureu- out ou arrêt de travail. fréquences différents en fonction des
sement formés à cette pratique. – l’arrêt : début réconciliation temps personnes.
quantitatif/temps qualitatif. • L’espace (2e axe), comme lieu et conte-
PRÉSERVER L’IDENTITÉ – le repos : temps de pause, temps calme, nant l’action, dévoile les lieux de la
RECONSTRUITE temps suspendu. reconstruction. L’espace se séquence en
Le salarié peut s’appuyer sur deux axes – les ressources à stocker : période de réap- neuf jalons symboliques à traverser.
réparateurs de la matrice : l’axe du temps provisionnement, réserves d’énergie. – le lieu du soin : espace protecteur et
et l’axe de l’espace. Abstraites, ces deux – la réflexion : imaginaire, idées, pistes. institutionnel (l’hôpital ou le cabinet de
dimensions sont pourtant très contex- – le désir : frémissement, envie de (re)faire médecin).
tualisantes. Elles ont la spécificité de des activités. – l’espace de convalescence : espace
générer une qualité émergente et de per- – le risque : enjeux, le pour/ le contre. privé, intime (la maison).
mettre à l’identité professionnelle de se – l’écologie : équation désir-risque-béné- – l’aire de repos : convalescence avec
« mailler » entre ces deux repères. fices. quelques interactions sociales.
• Le temps (1er axe) permet de repérer des – l’agir : résolution de l’équation désir- – le repaire : endroit réservé, connu,
indices de la reconstruction dans la risques mesurés-bénéfices garantis. apprécié et protégé par des repères sécu-
façon qu’ont les victimes de transformer – le pouvoir : capacité d’agir sur et pour risants (espace à soi).
leurs contraintes en opportunités. Le faire les choses. – l’aire de réflexion : lieu où la personne
temps se séquence en étapes, en douze – le vouloir-agir : volonté d’action. réfléchit à ce qui lui semble essentiel
(cabinet d’un consultant-coach-théra- – affirmer leur décision et la faire res- bénéficier de l’aire de repos trop long-
peute ou groupe d’échanges et de ren- pecter ; temps (espace échelle 3), elles disent
contres). – se faire aider ou soutenir dans cette acqui- ne pas avoir d’endroit, ni de repaire
– l’aire de projection : endroit où le sym- sition de nouveaux réflexes. (espace échelle 4) où elles pourraient
bolique (idées) précède le rationnel (prag- Ce travail aide les salariés à se situer prendre le temps du recul ou de la
matique de l’action). dans la matrice RPBO©, puis à perce- réflexion (espace échelle 5) sur leur
– l’aire d’intégration : endroit où s’imbri- voir leur progression (sentiment de réap- avenir professionnel. Leur ascension
quent les idées, les actions et leurs com- propriation de leur identité professionnelle). dans la reconstruction est donc plus
binatoires. lente et plus incertaine.
– l’aire de « jeu » : lieu où la personne L’ETHOS ET LA CENTRALITÉ • Claude, quant à lui, est déjà dans la
commence à prendre plaisir à agir, à DU TRAVAIL période de projection (espace échelle 6)
inventer, à innover. – Dans les épisodes de burn-out, c’est l’ethos alors que son médecin le freine dans son
– l’ère du « Je » : la personne s’ex- qui souffre (le temps de la faille) et envie de reprendre le travail et l’invite
prime de nouveau comme sujet et mani- l’éthique (la morale, l’évaluation) qui à garder le repos quelque temps (temps
feste la renaissance de l’identité pro- finit par trancher. échelle 3 et 4) : « J’ai plein de pistes
fessionnelle. – Dans les épisodes de post burn-out, il intéressantes, des beaux projets [temps
Ces neuf espaces ou jalons se dévelop- semblerait que ce soit l’inverse qui se pro- échelle 6] et j’ai des rendez-vous la
pent et s’étendent de façon linéaire, mais duise : c’est l’éthique qui souffre durant semaine prochaine [temps échelle 9].
avec des retours en arrière parfois néces- l’arrêt de travail (de ne plus rien avoir à Ça fait rager mon médecin, parce que
saires pour consolider les étapes. évaluer, ni trancher, car les repères ont je suis encore en arrêt maladie [espace
• Enfin, l’identité (3e axe), comme maillage été momentanément perdus), et l’ethos échelle 2 et 3], il ne veut pas… (il rit),
émergeant, exprime la reconstruction de qui rebranche le système pour repartir et mais bon moi il faut que j’avance, hein,
l’identité professionnelle au carrefour entre offrir l’énergie d’un nouveau départ moi j’ai besoin de ça… [temps échelle
le psychique et le social (Bidart, 2010). (reconstruction). 6 et 7] ». Claude a connu malheureu-
En réalisant un focus sur les logiques sement un second burn-out quelque
dynamiques et les façons de cheminer, DES HAUTS ET DES BAS… temps plus tard.
l’enquête montre l’articulation entre l’évé- • Cinq ans après un burn-out, Céline
nement (le burn-out) et la bifurcation savoure son ascension au-delà du « EN CONCLUSION
(changement de cap) dans les trajectoires seuil de l’Ethos » professionnel, quand La mobilité professionnelle et la trajec-
professionnelles et les changements de elle dit qu’elle se « réalise » dans son toire d’un cadre se construisent para-
représentations accompagnant les bifur- job actuel. Elle considère son travail doxalement a posteriori car la construc-
cations durables (Bataille, 2012). comme une aire de jeu (espace échelle tion du sens se fait après coup et sur la
Devant les efforts qu’exige la reconstruc- 8) dans laquelle elle peut s’exprimer, base parfois du trauma. Les plans de
tion, les interviewés évoquent leur fragi- elle veut agir (temps échelle 11) et elle carrière n’existent plus. Il est à déplorer
lité de façon récurrente. La peur sub- a la compétence et le pouvoir-agir (temps que dans les écoles d’ingénieurs, de com-
siste au point de faire apparaître des échelle 12) : « Aujourd’hui, je me sens merce et les universités, la communica-
syndromes du survivant (5), qui attend qu’on bien dans mon nouveau job, je m’amuse tion corporate (institutionnelle) insiste
le délivre de cette souffrance invisible même ! C’est facile après ce que j’ai fait… sur cette planification, idée restrictive
(mélange de sentiments de culpabilité J’ai profité d’une réorganisation [espace et dangereuse. D’une part, elle ne tient
et impression d’imposture). Cependant, échelle 5] et pour me repositionner pas compte du contexte que la personne
la fonction de leur souvenir est double et [espace échelle 7 et 8] et je me sens va rencontrer, ni des interactions que
nécessaire : protéger (la simple évocation vraiment bien là où je suis… [espace cela va provoquer ; d’autre part, elle laisse
suffit à prévenir) et alerter (suffit à stop- échelle 9]. En regardant derrière, je germer l’idée qu’il serait possible d’évi-
per). La nécessité de réinstaurer un cadre suis fière de moi (…), j’ai retrouvé un ter de penser, de se penser soi-même
de travail protégé post burn-out, passe pour équilibre » [espace échelle 9]. dans son rapport au travail. Au contraire,
les victimes par trois conditions : • Annabelle et Clara disent connaître des il serait plus responsable d’expliquer
– réviser leurs enjeux, leurs priorités, hauts et des bas. Toutes les deux en qu’une carrière ou un parcours profes-
leurs habitudes ; profession libérale, elles ne peuvent sionnel sont semés d’obstacles et que
pour se construire, il est nécessaire de ren-
À lire. Se reconstruire après un burn-out. contrer ces embûches, ces fameux « trous
dans le CV » redoutés par les cadres et
Les chemins de la résilience traqués par les recruteurs. Il serait bon de
Consultante RH, conseil et formatrice, spécialisée dans le suivi de l’épuisement professionnel, découvrir derrière chaque zone aveugle ou
l’auteur propose un guide pratique destiné à la personne ayant traversé un épisode de burn-out. point obscur, comment le cadre a réussi
Ce manuel décrit les étapes de reconstruction visant un retour à l’emploi. Il éclaire les leviers à exploiter ses ressources internes pour
d’action et montre comment mener une nouvelle vie, faite d’équilibre et de dynamisme. Vrai guide les combiner en ressources disponibles :
de résilience, il s’adresse plus globalement aux soignants et aux accompagnants RH. c’est cette attitude qui fait de lui un pro-
• S. Bataille, Dunod, Inter éditions, 2013 fessionnel.
À découvrir également : le site www.rpbo.fr, animé par S. Bataille, présente actualités, témoignages, informations L’équation du burn-out dans une carrière
sur le cadre juridique… change ainsi la donne et reste une vraie
Résumé : Une enquête menée auprès de cadres victimes de burn-out a permis de recueillir des témoignages et de tracer le cheminement de la
reconstruction. L’auteur présente les résultats de l’enquête et propose un outil à destination des soignants qui accompagnent des salariés en souffrance au
travail (4). Le burn-out, qui laisse une trace indélébile dans le parcours de la personne, est une vraie problématique RH.
Mots-clés : Cadre – Enquête – Épuisement professionnel – Espace – Gestion du personnel – Reconstruction – Risques psycho-
sociaux – Sociologie – Syndrome post-traumatique – Temps – Travail.
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• RECHERCHE EFFECTUÉE PAR : Carine Herbez (CH Montfavet) et Viviane Beltrame (GH Paul Guiraud, Villejuif) avec la collaboration de Sophie
Karavokyros (CH Valvert, Marseille), Marie-Agnès Potton (CH Sainte-Marie, Le Puy-en-Velay), Danièle Alouani (CH Henri Guérin).
• CONTACT ASCODOCPSY : Nathalie Berriau, coordonnatrice du groupement d’intérêt public (GIP) Ascodocpsy, CH Saint-
Jean-de-Dieu, 290 route de Vienne, 69373 Lyon cedex 08. Tél. : 04 37 90 13 07 ; fax : 04 37 90 13 37 ; mobile :
06 82 44 18 24. Courriel : nberriau@arhm-sjd.fr ; internet : www.ascodocpsy.org
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