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Tour Voltaire, 1, place des Degrés 92059 La Défense Cedex
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ÉDITORIAL Pour le comité de rédaction
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DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
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Secrétaire générale de rédaction

et hospitalière ensemble
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Secrétaire de rédaction
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Assistante éditoriale
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contre le TDAH de
Secrétariat de la rédaction
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COMITÉ DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
Jean-Michel Chabot, Jean-Noël Fiessinger, Olivier Fain,

l’enfant et l’adolescent
Bernard Gavid, Aurélie Pham, Alain Tenaillon
CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2019-2022
Elie Azria, Robert Benamouzig, Olivier Bonnot, Didier Bouccara,
Patrice Bourée, Antoine Brézin, Éric Caumes, Sylvain Choquet, Olivier
Chosidow, Sophie Christin-Maitre, Ariel Cohen, Camille Daste, Anne
de La Tour, Emmanuelle Dernis, François Desgrandchamps, Olivier
Fain, Claire Fourcade, Aline Frazier-Mironer, Olivier Gout, Alexandre
Hertig, Pascal Hilliquin, Delphine Kerob, Étienne Larger, Élise
Launay, Mathie Lorrot, Aurélien Lorthioir, Olivier Mermet,

D
Stéphane Mouchabac, Geneviève Plu-Bureau, Anne-Sophie
Rigaud, Sébastien Rivière, Angèle Soria, Camille Taillé ans ce numéro de La Revue du Prati- Le dernier chapitre, sous-titré « Conseiller et
Directrice artistique cien-Médecine générale est publié continuer à suivre le patient et sa famille »,
Cécile Formel cformel@gmsante.fr
RÉALISATION
un dossier spécifiquement destiné fourmille de détails pratiques : surveillance
Rédacteurs-graphistes Cristina Hoareau, Florence Mauduit aux médecins de premier recours sur du traitement médicamenteux, aménage-
Rédacteurs-réviseurs Jehanne Joly, Virginie Laforest le trouble du déficit de l’attention avec ments scolaires, demande d’ouverture de
La Revue du Praticien - Médecine Générale® ou sans hyperactivité (TDAH) chez droits à la maison de l’autonomie, etc.
est une publication de Global MÉDIA SANTÉ l’enfant et l’adolescent. Ce texte, rédigé à
SAS Principal actionnaire : SFP Expansion
www.globalmediasante.fr quatre mains par une équipe de l’université Les auteures ne concluent pas par des recom-
Capital de 4 289 852 € - Durée de 99 ans de Montpellier, le Dr Marie Nirdé, médecin mandations mais valorisent plutôt les mis-
à compter du 30.03.99 - ISSN : 0989-2737 - Dépôt légal
à parution - N° commission paritaire : 0624 T 81576 - généraliste libérale et maître de stage, et le sions dévolues au « médecin de famille », par
ROUTAGE : Siep - 77590 Bois-le-Roi Pr Diane Purper-Ouakil, professeur de pé- exemple orienter pour trouver du soutien :
DIRECTEUR GÉNÉRAL, DIRECTEUR DES PUBLICATIONS dopsychiatrie, est un modèle de pédagogie. « Il est essentiel de pouvoir mettre en lien les
Alain Trébucq (6801) atrebucq@gmsante.fr Les médecins de l’enfant (généraliste, pé- familles avec les ressources présentes sur le ter-
DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE diatre, médecin de PMI…) y trouveront les ritoire : groupes de guidance et associations.
Elena Zinovieva (6801) ezinovieva@gmsante.fr
DIRECTRICE FINANCIÈRE
informations pratiques et nécessaires pour [...] Une bonne connaissance du réseau permet
Corine Vandenbroucke (6824) cvandenbroucke@gmsante.fr une prise en charge optimale des enfants aussi d’orienter les membres de la famille, pour
DIRECTEUR MARKETING, ABONNEMENTS ET COMMUNICATION avec un TDAH. eux-mêmes, de façon pertinente, vers un CMP,
Vincent Cadio (6859) vcadio@gmsante.fr
un CMPP, une PCO ou une consultation hospi-
DIRECTION COMMERCIALE Le dossier s’articule en trois chapitres : « le
Directeur des opérations commerciales talière.»
Benoît Sibaud (6842) bsibaud@gmsante.fr
repérage, « l’orientation, « la coordination ».
Senior Business Developer L’intérêt de ce dossier pour les lecteurs de
Éric Durand (6843) edurand@gmsante.fr C’est en effet au médecin traitant qu’in-
Directrice de la publicité combe la responsabilité d’engager le par- La Revue du Praticien-Médecine générale ré-
Cécile Jallas (6839) cjallas@gmsante.fr
cours diagnostique initial devant des side enfin dans les tableaux qui accompagnent
Chefs de publicité
plaintes qui peuvent être multiples. Ce par- le texte : cotations pédiatriques en médecine
Agnès Chaminand (6840) achaminand@gmsante.fr
Irène Rakotoharime (6844) irakoto@gmsante.fr cours devrait se trouver simplifié par le dé- générale et nouveautés, liste des plateformes
Administratrice des ventes
veloppement des consultations infirmières de coordination et d’orientation, présentation
Maria Costa (6841) mcosta@gmsante.fr
PRODUCTION et par la création de nouvelles cotations des des différentes formes du méthylphénidate en
Directrice de projets actes pédiatriques en médecine générale. France. L’encadré « Que dire à vos patients ? »
Nadia Belehssen (6866) nbelehssen@gmsante.fr est également riche en informations : sites
Chef de projet digital et 360 Le diagnostic de TDAH évoqué, il appartient internet, ouvrages à conseiller aux familles.
Minh-Tu Nguyen (6869) mtnguyen@gmsante.fr
Chef de projet digital au praticien d’orienter le jeune patient vers
Virginie Michaud (6872) vmichaud@gmsante.fr un collègue de deuxième recours. Les au- Ce dossier, par la qualité des informations qu’il
ABONNEMENTS Tarif France 219 e/an (10 numéros) teures présentent les réseaux de soins adap- apporte, et par son illustration de la nécessaire
Tél. : 01 55 62 68 50 e-mail : abo@gmsante.fr
tés à la prise en charge de ces enfants. collaboration exemplaire entre médecine géné-
La revue adhère à la charte de formation médicale continue
Au terme de l’évaluation diagnostique et rale et médecine hospitalo-universitaire, devrait
par l’écrit du Syndicat national de la presse médicale et des
professions de santé (SNPM) et en respecte les règles (charte fonctionnelle, un projet thérapeutique est constituer une référence pour tous les praticiens
disponible sur demande). Reproduction interdite de tous les proposé, la prescription de méthylphéni- de premier recours amenés à accompagner ces
articles sauf accord avec la direction.
Provenance du papier (SIEP) : Suisse date étant réservée aux formes sévères. enfants tout au long de leur développement.
Taux de fibres recyclées : 55 %
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LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 263


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ENTRETIEN
Dr Céline Lamy,
CÉLINE LAMY

pédopsychiatre
(Montréal, Canada).

Après deux ans de pandémie,


quelles sont les répercussions sur
la santé mentale des enfants ?
Les données issues des études sont encore
contradictoires, avec des prévalences qui
peuvent varier du simple au double pour
certains troubles selon les pays – des varia-
tions qui peuvent en partie s’expliquer par
les différents référentiels utilisés pour les
diagnostiquer (DSM-5 en Amérique du
Nord versus CIM-10 en Europe). En re-
vanche, les constats de la pratique clinique
sont bien plus clairs : le Covid-19 a favorisé
l’émergence chez les enfants et adolescents
d’un certain nombre de troubles psy-
chiques : troubles anxieux, phobies spéci-
fiques centrées sur la contamination (appa-
rition à des âges de plus en plus précoces de
rituels pour échapper au virus, typiques des
troubles obsessionnels compulsifs [TOC]).
La communication dans les médias et la
fermeture des écoles ont été vécues par cer-
tains comme une stigmatisation, les pous-
sant à se considérer vecteurs de maladie,
© C. L.

avec l’idée centrale et obsessive de contami-


ner ses proches (bien plus que d’être conta-

Enfants et ados
miné soi-même !). Une culpabilité pouvait
s’y associer lorsque des proches sont décé-
dés : tout cela peut être vécu comme un vé-

en détresse : que
ritable traumatisme.
Ensuite, l’isolement scolaire a favorisé dans
certains cas les phobies scolaires et l’anxiété

peut faire le MG ?
sociale, aggravant la rupture du lien social.
Enfin, pour les cas les plus graves, une aug-
mentation des recours aux urgences pour
idées et tentatives suicidaires est observée
dans beaucoup de pays, et à des âges plus
Si les moments aigus de la crise sanitaire semblent jeunes que ce que l’on observait aupara-
vant.* Dans de nombreux cas, le lien avec la
derrière nous, la santé mentale des enfants et pandémie est énoncé, mais il faut distinguer
adolescents continue de pâtir du contexte d’incertitude. notamment deux situations. Chez certains,
la source de détresse se trouve dans la perte
Certains troubles apparaissent à des âges de plus de leur réseau, des ruptures de liens ami-
en plus jeunes ; d’autres – nouveaux – émergent, liés caux, voire amoureux, qui, dans la période
notamment aux réseaux sociaux… charnière de l’adolescence en particulier,
sont loin d’être anodines ! Surtout lorsque
Quels signes doivent alerter le médecin traitant, le terrain est défavorable : personnalités
et quelles interventions peut-il proposer ? fragiles, avec traits limites émergents, peurs
de l’abandon, dysrégulations émotion-
nelles, sentiments de vide et de solitude que
Par Christelle Angély et Laura Martin Agudelo le contexte ne peut qu’exacerber. Pour

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d’autres, il s’agissait plutôt de problèmes qui n’existent pas en réalité ou ne sont pas elle peut aussi signaler le début d’une ma-
familiaux portés à leur paroxysme, en par- observables par un tiers… Ce trouble, par- ladie bipolaire, dont les symptômes précur-
ticulier au début de la crise, lorsque les fois appelé la « dysmorphie de Snapchat », seurs peuvent apparaître à un âge précoce.
confinements ont accentué la promiscuité peut même conduire certains adolescents Les variations pondérales rapides doivent
au sein du foyer, et de ce fait l’aggravation à demander des interventions de chirurgie alerter : la perte mais aussi la prise de poids
des violences intrafamiliales. esthétique pour ressembler à leur image peuvent être associées à un trouble an-
Pour beaucoup d’adolescents et de jeunes retouchée (en Amérique du Nord, au cours xieux ou dépressif ; par ailleurs, dans les
adultes, des conséquences plus durables des deux années précédentes, les chirur- TCA, les comorbidités psychiatriques
– visibles encore aujourd’hui – ont trait à la giens ont vu ces demandes augmenter) ! sont fréquentes.
perte de perspective, la difficulté de se pro- Enfin, ces types d’obsession peuvent aussi Avec ces signes en tête, les médecins géné-
jeter dans le futur (études, métier, rela- favoriser le développement de troubles du ralistes, qui sont souvent le premier recours
tions…). Le fait d’être la « génération Covid » comportement alimentaire (TCA). des familles, peuvent mieux écouter et in-
peut encore leur peser : certains ont mal vécu terpréter les plaintes de parents et enfants.
le fait qu’on stigmatise leur insouciance Face à ces sources diverses Un dialogue peut alors s’instaurer, pour éva-
comme un manque de solidarité vis-à-vis de mal-être, quels signes doivent luer si l’enfant ou l’adolescent est conscient
des aînés, alors qu’ils sont au contraire pré- alerter le médecin généraliste et de son mal-être, pour interroger la percep-
occupés par les enjeux sociétaux ; ils ont été comment peut-il intervenir ? tion qu’il a de son environnement familial et
privés de certains rites de passage et, malgré Il faut être attentif aux signes d’évitement social, de soi-même et de son corps.
leur résilience, en portent les cicatrices… qui peuvent passer inaperçus car considérés En cas de troubles avérés (TOC, TCA, dys-
banals à ces âges. morphies, troubles anxieux, etc.), il faut
Quel a été le rôle des réseaux La procrastination, par exemple : quand un orienter sans délai vers un pédopsychiatre
sociaux dans ce contexte : ont-ils parent insiste sur la « fainéantise » de son et/ou un psychologue pour un suivi, pour
aidé ou aggravé la situation ? adolescent, sur la perte du goût des activités d’éventuels traitements médicamenteux ;
Bien que l’utilisation des réseaux sociaux ou rencontres (« il remet tout au lendemain » ; mais les temps d’attente étant longs, on
soit en théorie interdite pour les très jeunes « il ne veut pas appeler ses amis »…), il convient peut en parallèle entamer cette discussion
enfants [13 ans est l’âge minimum légal pour de vérifier que l’on n’est pas en présence médecin-parents-enfants/ados : par
ouvrir un compte, au Canada comme en d’un évitement, avec une vraie anxiété so- exemple, dans le cas des troubles liés aux
France, et jusqu’à 15 ans le consentement pa- ciale qui s’installe. réseaux sociaux, questionner le jeune pa-
rental est requis, NDLR], un grand nombre Chez des enfants plus jeunes, une ten- tient sur l’utilisation et la place de l’image,
d’entre eux utilisent ces plateformes sans dance à l’agitation, la multiplication des sur la perception de son corps (est-il
surveillance particulière (Instagram, questions – qui peut être une façon para- conscient que les filtres ne reflètent pas la
Snapchat, TikTok…). doxale d’éviter d’autres sujets – peuvent réalité, etc.).
Elles leur ont certes permis de garder un lien aussi signer une dynamique anxieuse. Il est donc surtout important de toujours
avec leurs pairs durant cette période diffi- Chez les 8-10 ans, ces symptômes peuvent bien considérer le symptôme dans l’envi-
cile, de contrecarrer un peu l’isolement. mimer un trouble du déficit de l’attention ronnement dans lequel le jeune vit : famille,
Cependant, cette utilisation – de ce fait plus avec ou sans hyperactivité (TDAH) ; avant école, groupe de pairs, réseaux sociaux (qui
massive et constante – a exacerbé les effets de conclure à celui-ci, il faut néanmoins sont aussi devenus un système à considé-
délétères que l’on observait déjà avant, évoquer une agitation anxieuse, interroger rer !). Le symptôme est en effet souvent la
concernant notamment l’estime de soi. La l’enfant sur l’émotion qui l’habite. manifestation d’interactions dysfonction-
vérification constante et obsessive de sa La multiplication des colères peut évidem- nelles dont il faut tenir compte pour propo-
propre image sur l’écran (et bien sûr de l’ap- ment être un signe évocateur d’un mal-être ser une aide la plus complète possible et qui
probation des autres, exprimée en « likes ») sous-jacent : je dis souvent que « la colère est ne saurait se limiter à la seule médication,
est du même registre que les TOC ; les en- de la tristesse ou de l’angoisse déguisées » ; ain- parfois trop rapidement proposée.
fants et adolescents – notamment les filles si, lorsque les parents évoquent un enfant
C. Lamy déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
– prennent l’habitude de scruter constam- « difficile », on peut rechercher la manifes-
ment leur visage et corps, et de les juger à tation d’affects dépressifs ou anxieux. * NDLR : En France, selon des chiffres
l’aune des filtres utilisés pour « améliorer » Le cycle nycthéméral doit également être récemment publiés par Santé publique France,
l’image sur ces réseaux. Ils peuvent aller surveillé : son inversion, pourtant banalisée les passages aux urgences des enfants et
jusqu’à vouloir y ressembler dans la vraie par l’idée que les adolescents ont l’habitude adolescents (jusqu’à 17 ans) pour gestes ou
vie, développant ainsi des pensées intru- de se coucher très tard, est non seulement idées suicidaires et troubles de l’humeur sont
toujours en augmentation par rapport à la
sives et obsessionnelles sur des « défauts » nuisible du point de vue somatique, mais période 2018-2020. https://bit.ly/37FMGxO

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 267


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FICHE PRATIQUE
Par Pascal Menecier Service d’addictologie, CH Les Chanaux, 71000 Mâcon ; institut de psychologie, université Lumière-Lyon-2,
équipe de recherche Développement, individu, processus, handicap, éducation (DIPHE), 69000 Lyon pamenecier@ch-macon.fr

Veisalgie, SIGNES CLINIQUES VARIÉS

lendemains d’ivresse Les signes apparaissent six à huit heures après l’alcoolisation,
au moment où l’alcoolémie redescend à zéro ; ils durent une
vingtaine d’heures.3
La clinique des lendemains d’ivresse, trivialement La veisalgie se manifeste comme un tableau physique,
« gueule de bois » (ou xylostome), a été théorisée dans psychique et cognitif associant des signes défavorables, avec
les années 2000 sous le terme de veisalgie (veisalgia ou une part subjective difficilement quantifiable. Il n’est pas
hangover pour les Anglo-Saxons).1 exclusif des patients atteints de troubles de l’usage d’alcool,
La veisalgie est la première conséquence négative il peut survenir chez tout consommateur.
de la surconsommation d’alcool. Plus qu’un prix à payer Les symptômes sont nombreux et variés :2 le patient peut
pour avoir trop bu (ou trop consommé de substance ressentir un malaise général, une faiblesse, de la fatigue, une
psychoactive), c’est une expérience déplaisante, avec un soif intense, une sécheresse buccale ; il peut être irritable et
tableau clinique spécifique et de possibles conséquences éprouver culpabilité, remords, anxiété, dysphorie, dépression,
individuelles et/ou collectives dommageables à court ou souffrir de divers troubles cognitifs concernant l’attention/
moyen terme. concentration, la mémoire, les aptitudes visuospatiales,
Elle peut survenir après de faibles consommations, même les habiletés psychomotrices. Des troubles digestifs sont
s’il s’agit essentiellement d’un aléa différé du binge drinking aussi possibles : anorexie, gastralgies, nausées, douleurs
(ou alcoolisation ponctuelle importante). En parler permet abdominales, vomissements, diarrhée (motrice). Céphalées,
d’aider à dénormaliser ce moment, ni banal ni nécessaire, qui crampes musculaires, hypersensibilité au son et à la lumière
peut justifier une médicalisation. et vertiges sont également décrits. Par ailleurs, le patient peut
ressentir des palpitations, une tachycardie, des sueurs, des
tremblements, voire présenter une hypertension artérielle.
PRODUITS CONCERNÉS Enfin, des troubles du sommeil associés peuvent majorer les
autres signes.
La veisalgie concerne surtout l’alcool mais peut aussi
résulter de la surconsommation de cannabis (weed hangover,
avec sécheresse buccale, fatigue, troubles cognitifs…) DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
ou de benzodiazépines (associée à des effets persistants
de molécules à demi-vie longue).2 Ces tableaux cliniques Le sevrage alcoolique, diagnostic différentiel essentiel,
peuvent d’ailleurs se combiner du fait de l’augmentation ne doit pas être confondu avec la veisalgie, même si celle-ci
des consommations associant alcool et autres substances peut parfois rapidement lui succéder.
psychoactives. Il ne s’agit pas non plus de manifestations d’alcoolopathies,
quelles qu’elles soient.

QUELS SONT LES MÉCANISMES ?


NON SYSTÉMATIQUE !
Les mécanismes physiopathologiques de la veisalgie
sont inconnus. L’intensité des symptômes est variable, avec au moins 25 %
Plusieurs hypothèses étiopathogéniques coexistent : de sujets asymptomatiques, dits résistants.
déshydratation, désordres métaboliques induits
Elle est proportionnelle aux quantités d’alcool bues et surtout
(hypoglycémie relative, acidose métabolique…),
au dépassement des niveaux habituels de consommation.
surproduction d’acétaldéhyde avec effet antabuse…
Stress oxydatifs, dysrégulations immunitaires ou des Il existerait une différence selon le type de boisson
cytokines sont également des voies potentiellement consommée et les substances ingérées autres que l’éthanol
impliquées. (polyphénols, histamine…).

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FICHE PRATIQUE VEISALGIE, LENDEMAINS D’IVRESSE

Des formes plus sévères surviendraient avec l’âge, notamment La priorité, la réhydratation associée à une alimentation
lorsque la consommation est associée au tabac (nicotine).2 modérée et au repos, fait consensus.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou l’aspirine, souvent
employés, sont peu efficaces (hormis sur les céphalées) ou
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES ? dangereux (ajoutant un risque gastrotoxique).2
De multiples conséquences négatives individuelles ou
Aucune « recette » plus ou moins complexe n’a jamais fait
collectives peuvent survenir, dépassant le seul inconfort.
preuve de son intérêt préventif ni curatif.5 Différentes herbes,
Sur le plan médical, des atteintes cardiovasculaires, avec champignons et même le cannabis sont parfois envisagés
troubles du rythme cardiaque et augmentation du travail comme remède, mais n’ont pas montré d’efficacité et ne sont
myocardique associée à une surmortalité et des morts pas dénués de risques. Consommer à nouveau de l’alcool
subites, ont été répertoriées.4 Des gastrites aiguës érosives n’est pas non plus adapté et encore moins recommandé.
ont également été décrites ainsi que des exacerbations de
La prévention repose surtout sur la limitation des
reflux gastro-œsophagien symptomatiques. De plus, il n’est
surconsommations d’alcool.
pas rare d’observer la survenue de traumatismes
(accidentologie domestique ou professionnelle), avec des Pascal Menecier déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
conséquences pour le patient lui-même et/ou pour les autres.
Enfin, le coût socio-économique n’est pas à négliger :
perte de productivité, accidents de travail ou de trajet
par privation de sommeil et perte de vigilance sont observés RÉFÉRENCES
1. Verster JC, Scholey A, van de Loo AJAE, Benson S, Stock, AK. Updating the
chez des sujets avec alcoolémie redescendue à zéro.4 Definition of the Alcohol Hangover. J Clin Med 2020;9(3):823.
2. Menecier P. Les illusions de l’ivresse. Paris: éd. In Press, 2022.
3. Razvodovsky Y. Hangover Syndrome: Pathogenesis and Treatment. Int Archives
TRAITER ET SURTOUT PRÉVENIR Subste Abuse and Rehabil 2021;3(009).
4. Wiese JG, Shlipak MG, Browner WS. The Alcohol Hangover. Ann Int Med
L’essentiel des soins consiste en une automédication, sans 2000;132(11):897-902.
intervention des professionnels de santé. 5. De Rudder O. Bréviaire de la gueule de bois. Paris: éd. Librio, 2005.

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DOSSIER
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TROUBLE DU DÉFICIT DE L’ATTENTION


AVEC OU SANS HYPERACTIVITÉ
CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT
Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), affection fréquente
et invalidante, fait encore l’objet de stigmatisation, entraînant une perte de chance
pour les personnes concernées. Le médecin traitant doit être familiarisé avec le repérage
et les modalités de suivi pour bien conseiller et orienter les jeunes et leur famille (aménagement
de l’environnement, traitement, etc.).

Un parcours de soins bien établi


Par Marie Nirdé1, Diane Purper-Ouakil2

L
e TDAH est un trouble du neurodéveloppement thérapeutique adapté. Le rôle du médecin traitant,
dont les critères sont définis dans la 5e version du détaillé dans les recommandations de 2014 de la Haute
Manuel diagnostique et statistique des troubles Autorité de santé,3 est central dans le parcours de l’en-
mentaux (DSM-5) : il associe un déficit de l’atten- fant avec une suspicion de TDAH.
1. Médecin tion, une impulsivité et une hyperactivité motrice,
généraliste, à des degrés divers. Ces symptômes entraînent
Gruissan, université une altération du fonctionnement (social, scolaire,
REPÉRER LE TROUBLE : DÉMARCHE
de Montpellier DIAGNOSTIQUE INITIALE
2. Service de psy- familial) et de la qualité de vie.1, 2
chiatrie de l’enfant Le médecin de premier recours de l’enfant (généra- Le diagnostic de TDAH repose sur un faisceau d’argu-
et de l’adolescent,
liste, pédiatre, médecin de PMI) doit être au fait des ments cliniques associant une anamnèse développe-
CHU de Montpellier
diane.ouakil@ dernières données et avancées sur le sujet afin d’opti- mentale à l’observation de l’enfant dans différents
gmail.com miser les chances de diagnostic précoce et de projet domaines de fonctionnement. Le diagnostic est vali-

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DOSSIER TROUBLE DU DÉFICIT DE L’ATTENTION AVEC OU SANS
HYPERACTIVITÉ CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT

TABLEAU 1. COTATIONS PÉDIATRIQUES EN MÉDECINE GÉNÉRALE ET NOUVEAUTÉS


Actes et majorations Tarif Indications
G + MEG 30 € Consultations enfant de moins de 6 ans

COD 30 € Consultations de prévention des moins de 6 ans, prises en charge à 100 %


en tiers payant, 1 par mois la première année, puis à M18, 3A, 4A, 5A, 6A
COB 25 € Consultation à 8-9 ans, 11-13 ans et 16-18 ans
CSO 46 € Consultation orientée surpoids de l’enfant, par le médecin traitant déclaré
COE 46 € Consultations obligatoires J8, M9, M24
CTE 60 € Consultation de repérage des TSA
(1 fois par enfant)
CSE 46 € Consultation de suivi des TSA
(suivi TSA, 1 fois/an par
le médecin traitant)
CDRP002 + BLQP010 48,51+25,10/2 = 61,17 € Épreuve de dépistage de surdité avant l’âge de 3 ans (dépistage clinique
ou audiométrique avant 3 ans)
Exemple : Sensory Baby Test : CDRP002 = 48,51 €
Dépistage de la vision binoculaire (valable pour un test de Lang) :
BLQP010 = 25,10 €
Depuis mars 2022
CTX 60 € Consultation pour 1er dossier MDPH
Extension de Troubles du neurodéveloppement et troubles de la relation précoce
la consultation CTE mère-enfant
Extension de la majoration + 30 €, 1 fois par enfant Troubles du spectre de l’autisme et troubles du neurodéveloppement
MIS NB :
MIS = majoration consultation très
complexe = consultation d’annonce
et prise en charge, soit G + MIS = 55 €
ou G + MEG + MIS = 60 €
G : consultation au cabinet avec la majoration pour le médecin généraliste ; MEG : majoration pour les enfants de 0 à 6 ans ; COD : examen obligatoire de l’enfant hors COE ;
COE : consultation pour les examens obligatoires ; COB : examen obligatoire de l’enfant ; CSO : consultation de suivi et coordination de la prise en charge des enfants de 3 à
12 ans en risque avéré d’obésité ; CTE : consultation de repérage des signes de trouble du spectre de l’autisme ; TSA : trouble du spectre de l’autisme ; CSE : consultation
de suivi et de coordination de la prise en charge d’un enfant autiste ; CTX : consultation très complexe ; MDPH : maison départementale des personnes handicapées ; MIS :
consultation initiale d’information du patient et de mise en place d’une stratégie thérapeutique pour les patients atteints de cancer ou de pathologie neurologique grave
ou neurodégénérative ; CDRP002 : épreuves de dépistage de surdité avant l'âge de 3 ans ; BLQP010 : examen de la vision binoculaire (test de Lang).

dé par l’utilisation de questionnaires (issus de sources Le plus souvent, ces difficultés se ressentent dans le
d’information différentes). Aucun examen paracli- milieu scolaire. L’enfant est alors vu comme un rêveur,
nique n’est nécessaire. « dans la lune », avec des capacités de concentration très
fluctuantes, des difficultés à mémoriser, à être auto-
PLAINTES ÉVOCATRICES nome et à tenir en place sur sa chaise : « La maîtresse m’a
Le médecin de premier recours a pour mission alerté sur des problèmes d’apprentissage que rencontre
d’amorcer le parcours diagnostique initial devant mon enfant », « J’ai besoin d’une ordonnance pour un
des plaintes pouvant être multiples. bilan orthophonique/orthoptiste/psychomoteur »,
L’enfant peut lui-même évoquer des difficultés : il a peu « Il faut établir un certificat médical pour la Maison de
ou pas d’amis, est en conflit avec ses parents, son estime l’autonomie (MDA) afin que mon enfant obtienne une
de soi est faible. Très fréquemment, c’est la famille qui aide humaine (AESH) » sont autant de demandes qui
évoque des problèmes : l’enfant est décrit comme facile- doivent faire évoquer un TDAH.
ment distrait, n’écoutant pas, rencontrant des difficultés
à s’organiser, oubliant souvent des choses (déficit de l’at- PREMIÈRE CONSULTATION : ÉVALUER LA SITUATION
tention) ; il coupe la parole, est impatient, a du mal à DE L’ENFANT DANS SA GLOBALITÉ
« obéir » (impulsivité) ; il peut également être dépeint La première consultation permet de recueillir les an-
comme agité, ne tenant pas en place, pouvant se mettre técédents familiaux et personnels de l’enfant. Des
en danger par ses comportements (hyperactivité motrice). anomalies développementales peuvent orienter vers

272 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068- JUIN 2022


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des diagnostics différentiels ou associés, tels que
d’autres troubles du neurodéveloppement (troubles
du spectre de l’autisme, troubles du langage, notam-
ment). Le médecin de premier recours explore égale- Orientation et prise en charge dans les plateformes
ment l’environnement social, scolaire et familial de
l’enfant. Un examen clinique complet est réalisé, le
de coordination et d’orientation (PCO) pour les enfants
carnet de santé et les courbes staturopondérales et
abaques remplis.
avec suspicion d’un trouble du neurodéveloppement
En fin de consultation, le médecin peut remettre des Dédiées aux enfants de la naissance à 6 ans et 11 mois, elles
questionnaires (questionnaire de Conners, question- jouent un rôle de mise en place d’un parcours coordonné et
précoce pour la prise en charge diagnostique des enfants dont le
naire ADHD-RS [Attention Deficit Hyperactivity Disor-
neurodéveloppement sort de la norme
der Rating Scale], questionnaire points forts-points
faibles SDQ [Strengths and Difficulties Questionnaire]), Une grille de repérage (disponible sur https://bit.ly/3xKOYGq) est
à remplir par les parents eux-mêmes mais également adressée à la PCO (en ligne pour certaines régions [Système de
par l’enseignant, dans le but d’orienter le diagnostic. partage d’informations et de coordination en Occitanie])
La PCO envoie une réponse au médecin qui adresse le jeune patient
RECHERCHER DES COMORBIDITÉS (son éligibilité ou non est déterminée par cette grille)
La deuxième consultation permet d’évaluer les cahiers Si l’enfant est éligible, la PCO organise la mise en œuvre des
d’école de l’enfant (en proposant au préalable à l’ensei- bilans nécessaires en son sein, dans d’autres structures (centre
gnant de décrire en quelques mots les difficultés ren- médicopsychologique, centre médico-psychopédagogique, centre
contrées) et les questionnaires remis la fois précédente. d’action médicosociale précoce) ou auprès de professionnels libéraux
Par ailleurs, elle recherche les principales comorbidi- Tout y est pris en charge (y compris ergothérapeute, psychologue,
tés que sont les troubles des apprentissages, le trouble psychomotricien) pour une durée de 1 an, renouvelable sous conditions
oppositionnel avec provocation et le trouble des
conduites, le trouble du développement intellectuel,
les troubles du sommeil, les troubles psychiatriques
et psychoaffectifs (dépression, anxiété, bipolarité). un possible trouble du neurodéveloppement (encadré)
Des bilans paramédicaux ou psychologiques sont né- et leur équivalent pour les 7-12 ans sont en cours de
cessaires en cas de signes d’appel. déploiement sur l’ensemble du territoire. Des disposi-
La troisième consultation permet une synthèse et une tifs expérimentaux existent également, dans le but de
discussion sur l’orientation de la prise en charge. faciliter le parcours gradué de soins : c’est le cas, par
Le développement des consultations des infirmiers exemple, du parcours « troubles spécifiques du langage
en pratique avancée (IPA) et des infirmiers délégués à et des apprentissages » (TSLA), porté par Occitadys, à
la santé publique (IDSP), comme dans le dispositif l’essai en Occitanie.
Asalée, permet de convertir ces trois consultations Les situations d’emblée complexes sont aiguillées vers
médicales en une consultation infirmière, associée à des équipes pluridisciplinaires (CMP de l’enfant et de
une ou deux consultations médicales, qui font l’objet l’adolescent, centre médico-psychopédagogique
de nouvelles cotations depuis mars 2022 (tableau 1). [CMPP]) ou des centres de référence hospitaliers
(centres de référence des troubles du langage et des
apprentissages [CRTLA], consultations spécialisées de
ORIENTATION DANS LE SYSTÈME DE SOINS psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des centres
Le TDAH du jeune patient est, à ce stade, une hypo- hospitaliers universitaires).
thèse diagnostique. Il est alors nécessaire d’orienter
vers un pédiatre, neuropédiatre ou pédopsychiatre CONFIRMER LE DIAGNOSTIC ET ÉTABLIR
quel que soit son mode d’exercice (centre médico­ LE PROJET DE SOINS
psychologique [CMP], libéral, hospitalier…), en tenant L’équipe de second recours étudie les éléments à dis-
compte du profil de comorbidités de l’enfant et des position, reçoit l’enfant et sa famille pour confirmer
éléments du contexte de vie. l’hypothèse de TDAH et réaliser une évaluation du
retentissement fonctionnel des symptômes. Elle a aus-
VERS QUELLE STRUCTURE ? si pour rôle d’identifier ou de confirmer les éventuelles
Le réseau de soins (personnel, communauté profes- comorbidités afin d’adapter au mieux le projet de soins
sionnelle territoriale de santé [CPTS], réseaux créés et et de rééducation.
soutenus par les agences régionales de santé) permet En amont (et pour réduire les délais diagnostiques),
d’identifier les médecins correspondants formés à le médecin de premier recours peut faire réaliser les
cette pathologie. Des plateformes de coordination et bilans orientés par son anamnèse (par exemple un
d’orientation (PCO) pour les enfants de 0 à 6 ans ayant bilan orthophonique en cas d’éléments en faveur

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 273


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DOSSIER TROUBLE DU DÉFICIT DE L’ATTENTION AVEC OU SANS
HYPERACTIVITÉ CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT

TABLEAU 2. MÉTHYLPHÉNIDATE : FORMES DISPONIBLES EN FRANCE EN 2021


Formes galéniques Durée d’effet Doses maximales Remarques
Ritaline à libération 3 à 6 heures Dose maximale avec AMM sur Plusieurs prises nécessaires
immédiate 0,3 à 1 mg/kg/j le marché en France : 60 mg/j
Ritaline à libération 8 heures Dose maximale avec AMM sur 50 % des microgranules contenus dans la gélule
prolongée (10, 20, 30 0,3 à 1 mg/kg/j le marché en France : 60 mg/j sont délivrés immédiatement, 50 % le sont
et 40 mg) 4 heures après la prise
Medikinet (5, 10, 20, 30, Ritaline LP : autorisé chez l’adulte
40 mg)
Quasym (10, 20, 30 mg) 8 heures Dose maximale avec AMM sur 30 % des microgranules contenus dans la gélule
0,3 à 1 mg/kg/j le marché en France : sont délivrés immédiatement, 70 % le sont
60 mg/j 4 heures après la prise
Concerta (18, 36, 52 mg) 12 heures Dose maximale certifiée par Deux modes de libération : l’enveloppe de la
la Food and Drug Administration gélule libère immédiatement une petite quantité
aux États-Unis (FDA) : de méthylphénidate, suivie d’une libération
72 mg/j prolongée ascendante au moyen d’une pompe
osmotique contenue dans la gélule (système
OROS). Le pic de concentration plasmatique
apparaît après 7 à 9 heures
AMM : autorisation de mise sur le marché.

d’un trouble du langage) et partager avec la famille MÉTHYLPHÉNIDATE POUR LES FORMES SÉVÈRES
ses hypothèses diagnostiques.1 Certaines explora- Le traitement médicamenteux par méthylphénidate est
tions peuvent être demandées en complément d’un indiqué lorsque les mesures correctives n’ont pas permis
bilan psychomoteur en cas de retard dans les acquisi- une amélioration suffisante (tableau 2).
tions motrices ou de troubles de la coordination. Il est Depuis septembre 2021, sa prescription initiale n’est plus
utile de s’appuyer sur des questionnaires de repérage, l’exclusivité des praticiens hospitaliers et peut être réali-
tels que le questionnaire sur le développement de la sée par les neurologues, neuropédiatres, pédiatres, psy-
coordination (DCDQ)4 avant la réalisation de ce type de chiatres et pédopsychiatres libéraux.
bilan. Les plateformes ou dispositifs expérimentaux en Sa mise en place nécessite un suivi régulier dont la fré-
cours de déploiement rendent accessibles des forfaits quence dépend des besoins de l’enfant (généralement
de rééducation ou de psychothérapie. Une évaluation dans le mois de l’introduction du traitement, puis tous les
psychométrique peut être indiquée, notamment si, cli- 6 à 12 mois). Le médecin de premier recours participe à la
niquement, d’autres particularités de développement surveillance (pression artérielle, fréquence cardiaque,
sont identifiées. poids, taille…), généralement sur une base mensuelle,
L’évaluation diagnostique et fonctionnelle aboutit entre les rendez-vous avec l’équipe de second recours.
à un projet personnalisé construit par le médecin de Souvent, les parents rencontrent des difficultés à accepter
second recours en tenant compte de la gravité des symp- le traitement médicamenteux. Le médecin de famille
tômes du TDAH, de l’existence éventuelle de comorbi- joue donc ici un rôle important d’information, notam-
dités et du retentissement des troubles. Réalisé en ment pour accueillir et discuter des réticences au trai-
groupe ou en individuel, le volet psychoéducatif est la tement, répondre aux interrogations et expliquer la
base indispensable du programme d’éducation théra- balance bénéfice-risque. Le méthylphénidate est
peutique. Des programmes en ligne5 et de nombreuses contre-indiqué chez l’enfant dans les situations suivantes :
ressources documentaires sont disponibles et acces- HTA modérée à sévère, pathologies cardiaques sympto-
sibles aux patients et à leur famille par le biais de dif­ matiques, troubles cérébrovasculaires – dont AVC, anoma-
férentes associations. lies vasculaires… –, hyperthyroïdie, phéochromocytome ;
en cas d’antécédents psychiatriques personnels ou fami-
liaux, le rapport bénéfice-risque doit être attentivement
COORDONNER LA PRISE EN CHARGE évalué initialement et au cours des consultations de suivi).
La médication peut s’avérer nécessaire, notamment Le traitement a pour objectif d’améliorer l’attention
lorsque la situation est de moins en moins bien tolé- soutenue, de réduire les erreurs d’inattention, d’atté-
rée par le patient et sa famille. Une proposition de nuer l’hyperactivité et de moduler l’impulsivité. Il est
traitement peut être initialement mal acceptée et prescrit pour une durée de vingt-huit jours sur une
demande une information approfondie de l’enfant ordonnance sécurisée mentionnant la pharmacie
et de la famille. de délivrance, valable soixante-douze heures.

274 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068- JUIN 2022


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Modalités de prise
Il existe, en France, quatre formes galéniques de mé-
thylphénidate (tableau 2).
Le schéma de prise (dose, heures, vacances, week-end) Que dire à vos patients ?
est propre à chaque enfant et peut varier en fonction Des recommandations internationales sont publiées concernant
des symptômes, de leur retentissement et des effets le diagnostic et le traitement du trouble neurodéveloppemental
indésirables du traitement. qu’est le TDAH.
La prise se fait le plus souvent en une fois le matin (avec
Le TDAH peut faire l’objet de désinformations, notamment
parfois un complément de dose à midi ou dans
concernant les traitements ; le médecin généraliste peut aider à y voir
l’après-midi). L’effet diminuant au cours de la jour- plus clair.
née, il est possible que la famille ne perçoive pas de
Un consensus d’experts a été publié en 2021 et est disponible à
différence de comportement quand elle retrouve
l’adresse suivante : https://www.tdah-france.fr/Declaration-de-
son enfant en fin de journée. Les effets indésirables
consensus-international-de-la-World-Federation-of-ADHD.html
doivent être évoqués par le médecin : difficultés d’en-
dormissement pouvant être dues à l’effet éveillant du Les associations de familles de patients proposent des informations
méthylphénidate mais aussi à la diminution de son et de l’entraide :
efficacité à l’heure de l’endormissement, ce qui laisse TDAH France (https://www.tdah-france.fr/)
place à l’agitation. Ces difficultés peuvent être majo- TDAH partout pareil (https://tdah-partout-pareil.info/)
rées si un trouble du sommeil préexiste (syndrome TDAH PACA (https://www.tdahpaca.org/)
d’apnées obstructives du sommeil, énurésie…) ou en
TDAH à l’âge adulte (https://tdah-age-adulte.fr/)
cas d’anxiété. Elles doivent donc être prises en charge :
meilleur respect des règles hygiéno-diététiques, adap- La lecture d’ouvrages peut être utile :
tation de l’heure de prise du méthylphénidate ou chan- Nathalie Franc N. L’hyperactivité chez l’enfant. 100 questions/
gement de galénique, recours à la mélatonine une réponses pour comprendre le TDAH. Paris: Ellipses, 2014.
heure avant l’endormissement, etc.6 Annick Vincent. Mon cerveau a besoin de lunettes. Vivre avec
l’hyperactivité. Montréal: Québecor, 2010.
Adapter la prescription initiale au besoin Anne Bargiacchi, Alexandre Hubert. Il est peut-être hyperactif ?
Le retentissement familial ou des comportements impul- Paris: Nathan, 2021.
sifs avec mise en danger peuvent amener à étendre le
Hervé Caci, Marie-Pierre Samitier. Toi, moi et le trouble du déficit de
traitement aux week-ends. Les effets sur les conséquences l’attention avec hyperactivité. Paris: Flammarion, 2021.
adverses à court et à long terme du TDAH (idées et com-
portements suicidaires, actes délinquants, accidents de
la voie publique, etc.) sont aujourd’hui mieux connus.7
La prescription initiale se fait par paliers, afin de réduire Alternatives au méthylphénidate
les effets indésirables potentiels (douleur abdominale En cas d’intolérance marquée au méthylphénidate ou
de fin de matinée, céphalées de fin de journée, irritabi- de réponse thérapeutique insuffisante après modifi-
lité). Lorsque le schéma thérapeutique est défini, il cations de la posologie et de la galénique, le médecin
est nécessaire que l’enfant consulte le médecin de de second recours peut envisager un traitement de
premier recours tous les mois pour le renouvelle- deuxième ligne en monothérapie ou, plus rarement,
ment. Cette consultation a pour but de rechercher les en association : alpha-agonistes (guanfacine, cloni-
effets bénéfiques et indésirables (perte d’appétit, ano- dine), inhibiteurs de recapture de la noradrénaline
rexie, nausées, diarrhées, palpitations, qualité du som- (atomoxétine), dérivés amphétaminiques (dexamphé­
meil). D’autres paramètres sont également évalués : tamine, lisdexamfétamine).
pression artérielle, fréquence cardiaque (à évaluer Enfin, les consultations mensuelles sont l’occasion de
lorsque l’enfant a pris son traitement), poids et taille (à faire le point sur les rééducations mises en place dans
reporter sur les courbes pour rechercher une cassure). le cadre de troubles des apprentissages spécifiques as-
Dans le cas où les effets secondaires sont trop invali- sociés, et d’en réévaluer la pertinence.
dants, il est possible de réduire ou augmenter la poso-
logie, changer de galénique, passer à une forme à libé- AMÉNAGEMENTS SCOLAIRES ET MESURES D’AIDE
ration prolongée ou immédiate, voire tenter une Des aménagements scolaires peuvent être requis : l’école
période d’interruption du traitement. Il est conseillé ou le collège demande fréquemment un certificat médi-
de mettre en place des fenêtres thérapeutiques cal pour la mise en place d’un plan d’accompagne-
à période variable durant l’été (en fonction du ment personnalisé (PAP). Cela permet d’octroyer à
retentissement et de la sévérité du TDAH), afin de l’enfant du temps supplémentaire, d’adapter les barèmes,
réévaluer le bénéfice et l’indication à poursuivre de demander la bienveillance orthographique ou d’adap-
ou non le traitement.8 ter l’environnement de la classe. Le certificat doit faire

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 275


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DOSSIER TROUBLE DU DÉFICIT DE L’ATTENTION AVEC OU SANS
HYPERACTIVITÉ CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT

état du diagnostic, de la prise en charge, de la gêne fonc- Les infirmières en santé publique du système Asalée
tionnelle occasionnée et peut également préconiser cer- trouvent leur place dans le parcours de l’enfant et de
tains aménagements. Dans le cadre de la simplification sa famille.
administrative, le PAP et a fortiori le projet personnalisé Les plateformes territoriales d’appui (PTA), quant à
de scolarité (PPS) ouvrent droit aux aménagements des elles, font le lien indispensable entre l’école et les in-
épreuves du brevet et du baccalauréat. tervenants médicaux et paramédicaux. Des travaux
Certaines situations nécessitent des aides et des aména- sur ces points sont actuellement menés.
gements plus conséquents. L’ouverture de droits à la
Maison de l’autonomie (MDA) nécessite un certificat POURSUIVRE LE SUIVI AU SORTIR DE L’ENFANCE
médical (rédigé sur un document spécifique appelé Le médecin généraliste accompagne les enfants et
« Geva-sco » qui correspond au volet établi par l’équipe adolescents souffrant de TDAH tout au long de leur
éducative de l’école ou collège) et le « Formulaire de de- développement. Il est donc tout désigné pour préparer
mande » (rempli par les parents). La demande peut la transition des suivis qui s’amorce à la fin de l’ado-
concerner, par exemple, un accompagnant d’élève en lescence. En effet, si l’hyperactivité motrice a ten-
situation de handicap (AESH) ou la mise à disposition dance à s’atténuer avec le temps, l’inattention et
d’un ordinateur pour compenser des troubles du gra- l’impulsivité peuvent subsister. La continuité du
phisme manuscrit ou un trouble du langage écrit. suivi, des aménagements de la scolarité et de la for-
Des aides peuvent être octroyées aux parents afin de fi- mation professionnelle, ainsi que la poursuite ou l’in-
nancer l’ergothérapie ou les consultations chez le psy- terruption guidée du traitement médicamenteux,
chomotricien pour les enfants ayant des besoins à long sont des points clés à réévaluer à cette étape.

L’ESSENTIEL
terme : l’allocation d’éducation pour enfant handicapé Un jeune adulte souhaitant reprendre un suivi et un traite-
(AEEH) est attribuée par la MDA et versée par la Caisse ment pour son TDAH après une interruption des soins doit
d’allocations familiales. Certains enfants évoluant pouvoir être conseillé et orienté de la meilleure façon pos-
Le TDAH est dans un environnement précaire ou sujets à de mul- sible. Une prise en compte optimisée du TDAH de l’adulte
un trouble du
neurodéveloppement tiples problèmes peuvent bénéficier d’un service se dessine au travers de la saisine de la HAS pour la produc-
associant troubles éducatif et de soins spécifiques à domicile (SESSAD). tion de lignes directrices et de l’autorisation de mise sur le
attentionnels, Un TDAH ne constitue pas à lui seul une affection de marché du méthylphénidate dans cette population.
impulsivité et longue durée (ALD). Cependant, en fonction de la gravité
hyperactivité à des M. Nirdé déclare n'avoir aucun liens d'intérêts.
des troubles, il est possible de demander la mise en place D. Purper-Ouakil déclare des interventions ponctuelles
degrés divers.
d’une ALD « hors liste » ou d’une ALD32 (« polypathologie depuis les trois dernières années pour H.A.C. Pharma, Medice
invalidante ») en fonction des comorbidités associées. et dans les cinq dernières années pour Takeda-Shire, Otsuka,
Le médecin de Leur octroi est laissé au soin du médecin-conseil. Janssen ainsi que des activités de conseil pour Takeda-Shire.
premier recours joue
un rôle pivot dans
la coordination du
CONSEILLER ET CONTINUER À SUIVRE RÉFÉRENCES
parcours de soins
LE PATIENT ET SA FAMILLE
d’un enfant avec 1. Purper-Ouakil D, Cortese S, Wohl M, et al., Predictors of diagnostic delay
suspicion de TDAH Le TDAH de l’enfant a des répercussions sur l’ensemble in a clinical sample of French children with attention-deficit/hyperactivity
et oriente vers des disorder. Eur Child Adolesc Psychiatry 2007;16(8):505-9.
de la famille et sur son organisation ; les liens parentaux
dispositifs de second 2. American Psychiatric Association. DSM-5. Manuel diagnostique et
recours. et ceux de la fratrie en sont affectés. Le terme de « mé- statistique des troubles mentaux. Traduction française coordonné par
decin de famille » prend ici tout son sens : le praticien M.-A. Crocq et J.-D. Guelfi. Paris: Elsevier Masson, 2015.

Le médecin de
apparaît comme un référent essentiel en qui la famille 3. HAS. Recommandation de bonne pratique. Conduite à tenir en mé-
place sa confiance. decine de premier recours devant un enfant ou un adolescent suscep-
premier recours tible d’avoir un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
réunit les éléments Décembre 2014.
nécessaires SOUTIEN FAMILIAL 4. Ray-Kaeser S, Thommen E, Martini R, et al. Psychometric assessment
pour faciliter le Il est essentiel de pouvoir mettre en lien les familles avec of the French European Developmental Coordination Disorder Question-
diagnostic, participe naire (DCDQ-FE). PLoS One 2019;14(5):e0217280.
les ressources présentes sur le territoire : groupes de
à la psychoéducation 5. Maurice V, Didillon A, Purper-Ouakil D, et al. Adaptation d’un groupe
et à la prise en guidance parentale (selon les programmes Barkley, In- de guidance parentale en ligne dans le cadre du confinement dû à la
charge psychosociale credible Years ou le programme de soutien à la parenta- crise sanitaire COVID-19 dans un service de pédopsychiatrie en France.
et rééducative. lité triple P [pour pratiques parentales positives]) et L’Encephale 2021;S0013-7006(21)00184-6.
associations de parents (Hypersupers TDAH France, 6. Le Heuzey M. Le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH)
chez l’enfant: approche médicale. Journal de pédiatrie et de puériculture
Le médecin de pre- TDAH partout pareil, TDAH PACA…). 2020;33(3):101-8.
mier recours informe, Les réseaux et CPTS sont une véritable ressource. Une 7. Faraone SV, Banaschewski T, Coghill D, et al. The World Federation of
soutient la famille et bonne connaissance du réseau permet aussi d’orienter ADHD International Consensus Statement: 208 Evidence-based Conclu-
le jeune, et surveille sions about the Disorder. Neurosci Biobehav Rev 2021;128:789-818.
les membres de la famille, pour eux-mêmes, de façon
le traitement médi- 8. Willig TN, Purper-Ouakil D, Gramond A, et al. Le rôle du pédiatre de
camenteux. pertinente, vers un CMP, un CMPP, une PCO ou une premier recours dans la thérapeutique du TDAH de l’enfant. Le pédiatre
consultation hospitalière. 2021;305(4):3-11.

276 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068- JUIN 2022


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MISE AU POINT
Diphtérie : une affection
encore mortelle
Restons vigilants !
Par Patrice Bourée1,2, Dorsaf Slama2, Francine Bisaro3, Dominique Salmon2
1. Institut Alfred-Fournier, 75014 Paris 2. Service des maladies infectieuses, Hôtel-Dieu, AP-HP, Paris
3. Direction générale de l’aviation civile, Paris patrice.bouree@gmail.com

L
a diphtérie (du grec diphthera,
membrane) est une affection haute-
ment contagieuse due à Corynebacte-
rium diphtheriae (ou bacille de Klebs-­ Un peu d’histoire…
Löffler), pouvant évoluer vers le décès Du fait de l’ignorance de son caractère contagieux, la diphtérie est une maladie qui a fait
par suffocation en raison de la forma- des ravages en France, notamment au XVIIIe siècle. La première description complète
tion de fausses membranes dans l’oropha- de la maladie par Pierre Bretonneau date de 1818 ; il propose alors un traitement par
rynx, qui obstruent les voies respiratoires. trachéotomie. Les différents aspects de la maladie, les complications et les principales
Cette évolution possiblement fatale est causes de décès chez l’enfant ont été précisés ensuite par Armand Trousseau. En 1884,
appelée « croup ». Si la diphtérie auto­ Friedrich Löffler parvient à cultiver des germes prélevés sur des fausses membranes.
chtone a disparu de la métropole française La toxine est isolée en 1889 par Émile Roux, et l’antitoxine en 1890 par Emil von Behring
depuis de nombreuses années (fig. 1) grâce (Prix Nobel de médecine en 1901). En 1923, Gaston Ramon met au point le premier
à une couverture vaccinale très élevée, vaccin à base de toxine inactivée. L’Académie de médecine instaure la vaccination
cette affection reste encore présente dans dès 1927 dans les écoles ; en 1938, elle est généralisée à tous les enfants. Au XIXe
de nombreux pays, en particulier dans les siècle, 1 personne sur 20 était atteinte de diphtérie (dont la majorité âgée de moins de
pays asiatiques (fig. 2 et 3).1 15 ans) avec une mortalité entre 10 et 50 %. Au cours de la Seconde Guerre mondiale,
de nombreux cas sont recensés en Europe (238 000 cas en Allemagne ; 56 000 cas
aux Pays-Bas ; 46 000 cas en France ; 22 000 cas en Norvège).
ENCORE PRÉSENTE
SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS !
Entre 2011 et 2020, 69 cas importés ont été
recensés en métropole, soit de pays endé- l’île. Ces patients, non ou mal vaccinés, tière : bien que le programme élargi de vac-
miques (Afrique de l’Ouest, Madagascar, chez qui les formes cutanées prédo- cinations de l’Organisation mondiale de la
Pakistan, Russie), soit de départements minent sur celles de la sphère ORL, santé (OMS) soit censé y être appliqué, de
d’outre-mer, comme Mayotte, chez des pa- viennent des Comores et entrent illégale- nombreux enfants continuent d’échap-
tients non ou mal vaccinés.2 ment sur le territoire. Devant cette per à la vaccination pour de multiples
À Mayotte (101e département français), entre situation, un rattrapage vaccinal, débuté raisons (manque d’information des fa-
janvier 2019 et juin 2021, 12 cas de diphtérie – en 2018 en centres de protection mater- milles, manque de fournitures de vaccins
chiffre probablement sous-estimé – ont été nelle et infantile (PMI) chez plus de dans les centres isolés, rupture de la chaîne
signalés, dont un nourrisson décédé. Ce 18 000 enfants de moins de 6 ans, a permis du froid, impossibilité pour les familles de
nombre relativement important est dû d’obtenir une couverture vaccinale se déplacer par manque de moyens, dis-
autantàlaméconnaissancedespraticiens de 76 % pour la primovaccination et de pensaires isolés, parfois inaccessibles pour
qu’à l’insuffisance de la vaccination.3 57 % pour la vaccination complète. des raisons climatiques, sentiments de
Depuis une dizaine d’années, il est pos- Les situations de l’archipel des Comores et méfiance si un vaccin précédent avait en-
sible de recenser jusqu’à 2 cas par an dans de Madagascar sont similaires en la ma- traîné une réaction secondaire…).

278 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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L’ESSENTIEL
La diphtérie, maladie infectieuse La complication majeure Le traitement par La vaccination
redoutable, sévit encore dans le monde ; elle se est le croup, ou suffocation amoxicilline, voire la est la meilleure
caractérise par une angine avec des fausses par obstruction des voies sérothérapie, doit être mis en prévention.
membranes adhérentes à la muqueuse. aériennes supérieures. place sans délai.

TOXINE DIPHTÉRIQUE : Nombre de cas de diphtérie et de décès ayant pour cause principale
LA FORCE DU MAL
la diphtérie, déclarés en France de 1975 à 2010
Corynaebacterium diphtheriae est un ba- 50 000
cille à Gram positif (fig. 4), dont l’homme 45 000 30
est le seul hôte, avec un portage au niveau 40 000 24 C. diphtheriae
de la peau et du pharynx. Cette bactérie Autres Corynebacterium toxinogènes
35 000 18
sécrète une toxine qui diffuse dans tout
30 000 12
l’organisme et agit sur le cœur et le sys-
tème nerveux périphérique en provo- 25 000 6
quant une mort cellulaire, d’abord lo- 20 000 0
cale puis à distance. Seules les souches de 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
15 000
C. diphtheriae infectées par un virus bac- 10 000
tériophage (ou phage bêta) sont toxino-
5 000
gènes (« tox+ ») ; les autres (« tox- ») ne pro-
0
voquent que des formes bénignes. 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975
La transmission interhumaine s’effec-
Cas déclarés (source : déclarations obligatoires) Décès déclarés (source : causes médicales de décès)
tue surtout par les sécrétions rhinopha-
ryngées, plus rarement par voie oculaire,
Figure 1. Nombre de cas et de décès ayant pour cause principale la diphtérie en France de 1975
auriculaire ou cutanée. à 2010 (source : Santé publique France).
D’autres corynébactéries peuvent provo-
quer une diphtérie, comme C. ulcerans
chez les sujets âgés ou immunodéprimés,
Afrique Région est de la Méditerranée
transmis par le lait cru ou le contact avec 14,000
Asie du Sud-Est Europe de l’Est
les bovins. En France, 18 cas d’infection par
Amérique du Sud et Caraïbes Total pour le monde entier
Nombre de cas rapportés de diphtérie

C. ulcerans ont été recensés depuis 12,000


Région ouest du Pacifique
vingt ans : 12 avaient une localisation cuta-
10,000
née et 6 une angine pseudomembraneuse
de surcroît ; 12 patients avaient un animal 8,000
domestique. Une autre espèce, C. pseudotu-
berculosis, transmise par contact avec des 6,000
chèvres, provoque une lymphadénite isolée.
4,000

DES TABLEAUX CLINIQUES VARIÉS 2,000


La maladie, due aux souches toxinogènes
0
de C. diphtheriae, peut se manifester sous 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
forme locale (due à la bactérie) et générale
(due à la toxine). Figure 2. Incidence de la diphtérie dans le monde (source : OMS).

DE L’ANGINE AU CROUP
Après une incubation de deux à cinq jours, pour éviter une évolution rapide vers gine virale ou bactérienne) et la mono-
l’angine diphtérique blanche se manifeste une forme sévère. nucléose infectieuse – dont l’une des
par la formation de fausses membranes, de En effet, dans le cas le plus grave, la voix manifestations cli­­niques typiques est
façon bilatérale et asymétrique. Clinique- est éteinte, un œdème cervical important l’angine érythémato-­pultacée, rarement
ment, ces fausses membranes prennent un (dit « proconsulaire ») se forme, et les à fausses membranes.
aspect blanc nacré, lisse, adhérant aux mu- fausses membranes obstruent le larynx,
queuses (fig. 5) et s’accompagnent d’adéno- provoquant une asphyxie rapidement COMPLICATIONS MULTIPLES
pathies cervicales et d’une fièvre modérée. mortelle (croup).4 DE LA FORME GÉNÉRALISÉE
Il est nécessaire d’instituer un traite- Deux diagnostics différentiels peuvent La forme généralisée est causée par la
ment sans délai après le prélèvement, être envisagés : l’angine blanche (d’ori- toxine, qui diffuse par voie sanguine.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 279


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MISE AU POINT DIPHTÉRIE : UNE AFFECTION ENCORE MORTELLE

Figure 4. Corynaebacterium diphtheriae


au microscope.

Figure 3. Couverture vaccinale mondiale du vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche (DTC) et nombre de


cas de diphtérie en 2018 (source : OMS).

Elle atteint le myocarde, le système nerveux mais est inefficace en cas de fixation
périphérique et les surrénales, pouvant être aux cellules cibles. Figure 5. Angine à fausses membranes
à l’origine de myocardite, paralysie du voile En cas de croup, une trachéotomie est de la diphtérie.
du palais, paralysie des membres inférieurs, pratiquée en urgence pour rétablir la voie
insuffisance rénale, respiratoire et car- respiratoire. Cette forme étant heureuse- antibiothérapie prophylactique, contrôle
diaque d’évolution mortelle. ment devenue rarissime, l’usage de cette de l’état vaccinal et rappel si nécessaire.
pratique n’est plus d’actualité (il fut un Il est essentiel d’insister sur l’importance
FORME CUTANÉE : MOINDRE GRAVITÉ temps où chaque médecin était équipé du des vaccinations dans tous les pays. En
La forme cutanée, observée surtout dans les matériel de trachéotomie au cabinet). Chine, par exemple, le taux de séropositivité
pays tropicaux, se manifeste par la forma- moyen de la population est de 66 %, mais
tion de fausses membranes, à partir d’une de seulement 25 % chez les plus de 25 ans.
plaie préexistante ou d’une piqûre d’in-
PRÉVENIR ABSOLUMENT
secte. Une guérison spontanée est possible La prévention repose sur la vaccination
en plusieurs semaines et l’évolution vers (toxine diphtérique purifiée et inactivée)
Y PENSER !
une insuffisance respiratoire est rare. obligatoire dès la petite enfance (vaccin Devant une angine blanche chez un sujet
combiné hexavalent). Des injections de originaire d’un pays étranger ou d’un dé-
rappel sont administrées tous les vingt ans partement d’outre-mer, il est important
TRAITEMENT : UNE URGENCE ! chez l’adulte. de savoir évoquer la possibilité d’une
Des prélèvements pharyngés sont effec- C’est une maladie à déclaration obligatoire. diphtérie, et avoir le réflexe de prélever,
tués sans délai (pour culture, identification Toute survenue d’un cas amène à une sur- isoler, traiter et déclarer.
par Maldi-Tof et recherche de toxine par veillance clinique et microbiologique des
PCR) et avant tout traitement ; ce dernier sujets contacts, avec prescription d’une Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
doit cependant être instauré avant même
la confirmation diagnostique apportée par
la mise en évidence du bacille.5 RÉFÉRENCES
Dès la suspicion clinique, le patient est iso- 1. Clarke K, MacNeil A, Hadler S, et al. Global epidemiology of diphtheria, 2000-2017. Emerg Inf Dis 2019;25(10):1834-42.
lé et les objets familiers sont désinfectés. 2. Scheifer C, Rolland-Debord C, Badell E, et al. Réémergence du Corynaebacterium diphtheriae. Med Mal Inf
2019;49(6):463-6.
L’antibiothérapie (amoxicilline ou macro-
3. Belchior E, Henry S, Badell E, et al. Diphteria in Mayotte 207-2015. Emerg Infect Dis 2017;23(7):1218-2007.
lides) est initiée immédiatement après le
4. Truelove SA, Keegan LT, Moss WJ, et al. Clinical and epidemiological aspects of diphtheria: a systematic review and
prélèvement. La sérothérapie anti- pooled analysis. Clin Infect Dis 2020;71(1):89-97.
toxique, instituée en urgence, permet 5. Williams M, Waller J, Aneke J, et al. Detection and characterization of diphtheria toxin gene-beating Corynaebacterium
de neutraliser la toxine circulante species through a new real-time PCR assay. J Clin Microbiol 2020;58(10):e00639-20.

280 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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MISE AU POINT
Diabète de type 2 chez le sujet âgé
Une prise en charge particulière ?
Par Lyse Bordier, Camille Rouanet, Julie Diss, Assa Zourak Ibrahim, Mathilde Sollier,
Sika Nassouri, Cyril Garcia, Bernard Bauduceau,
service d’endocrinologie, hôpital d’instruction des armées Bégin, Saint-Mandé
bordierlyse@gmail.com

L
e nombre de patients âgés vivant avec nérable, avec des limitations fonction- Le sujet âgé est souvent suivi pour plu-
un diabète croît, en raison de l’aug- nelles motrices et cognitives et une dimi- sieurs pathologies, prend de nombreux
mentation de la prévalence du dia- nution des capacités d’adaptation ; traitements ; il peut être dénutri, avoir
bète et de l’espérance de vie. Les pro- – les personnes dites « malades » : dépen- une sarcopénie, une fragilité osseuse,
grès réalisés au cours de ces dernières dantes, en mauvais état de santé en raison des troubles de la marche ou de l’équi-
années ont permis à de nombreux d’une polypathologie chronique évoluée libre, une détérioration des fonctions co-
patients de bien vieillir avec leur maladie. génératrice de handicaps et d’isolement gnitives, une dépression ; il peut enfin
Mais la population âgée et diabétique social. être isolé sur le plan social et familial et
reste hétérogène. Il est important pour le avoir de faibles revenus. Une évaluation
médecin généraliste, qui coordonne le gérontologique est indispensable
parcours de soins, de savoir bien appré-
LE DIABÈTE CHEZ LES SENIORS pour dépister ces complications liées
EN QUELQUES CHIFFRES
hender la complexité de ces patients, no- au vieillissement, qui sont souvent mé-
tamment leur fragilité, afin de choisir la En France, la prévalence du diabète de connues ou sous-estimées. Cette évalua-
meilleure stratégie thérapeutique. type 2 était de 5,3 % en 2020 contre 4,6 % tion permet d’individualiser les objectifs
en 2012. Cette prévalence augmente avec glycémiques.
l’âge, avec un pic entre 70 et 85 ans chez La fragilité a été caractérisée en 2011 par
PERSONNE ÂGÉE : DE QUI PARLE-T-ON ? l’homme et entre 75 et 85 ans chez la la Société française de gériatrie et de gé-
La « personne âgée » selon la définition femme. Ainsi, en 2016, 1 homme sur 5 rontologie comme « un syndrome clinique
actuelle de l’Organisation mondiale de la âgés de 70 à 85 ans et 1 femme sur 7 âgées qui reflète une diminution des capacités
santé (OMS) est une personne de plus de de 75 à 85 ans étaient traités pharmacolo- physiologiques de réserve qui altère les mé-
65 ans pour les malades ayant des affec- giquement pour un diabète.2 canismes d’adaptation au stress. Son ex-
tions invalidantes et de plus de 75 ans Les complications du diabète sont égale- pression clinique est modulée par les co-
pour les sujets qui ont bien vieilli. ment plus fréquentes chez le patient âgé. morbidités et des facteurs psychologiques,
En réalité, la population âgée est très L’âge moyen des hospitalisations est de sociaux, économiques et comportemen-
hétérogène, et la Haute Autorité de san- 69,5 ans pour les infarctus du myocarde, de taux ».
té (HAS) distingue trois catégories de 75 ans pour les accidents vasculaires céré- Plusieurs définitions peuvent être utili-
personnes après 75 ans :1 braux, de 72,6 ans pour la prise en charge sées.3 La plus classique repose sur cinq
– les personnes dites « vigoureuses » : en d’une plaie des membres inférieurs, de paramètres cliniques définis par Fried :4
bon état de santé, indépendantes et bien 71,3 ans pour les amputations et de 69,9 ans la perte de poids de plus de 4,5 kg (ou de
intégrées socialement, c’est-à-dire auto- pour la dialyse ou la greffe rénale.2 plus de 5 % du poids initial) depuis un an ;
nomes d’un point de vue décisionnel et l’épuisement ressenti par le patient ; la
fonctionnel, assimilables aux adultes vitesse de marche ralentie ; la baisse de la
plus jeunes ;
LA QUESTION DE LA FRAGILITÉ force musculaire ; la sédentarité.
– les personnes dites « fragiles » : à l’état Chez le sujet âgé, les complications du Le patient est considéré comme fragile en
de santé intermédiaire, à risque de bas- diabète et du vieillissement s’aggravent présence de plus de trois critères.
culer dans la catégorie des malades ; elles mutuellement et favorisent la perte d’au- La définition de Rockwood est plus large et
sont décrites comme une population vul- tonomie. prend en compte neuf éléments : cognition,

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 281


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MISE AU POINT DIABÈTE DE TYPE 2 CHEZ LE SUJET ÂGÉ

humeur, motivation, motricité, équilibre,


capacité pour les activités de la vie quoti-
dienne, nutrition, condition sociale et co-
morbidités.5 Une personne fragile est donc Sarcopénie : deux paramètres à évaluer
vulnérable sur le plan médical et social. Selon le consensus européen EWGSOP (European Working Group on Sarcopenia in
Facile à réaliser, l’échelle Short Emergency Older People) de 2019, la sarcopénie se définit par l’association de deux paramètres :
Geriatric Assessment (SEGA) permet, une réduction de la force et une réduction de la masse musculaire.7
quant à elle, une évaluation de la fragilité La force musculaire peut être évaluée par le temps que le patient met à se lever
par toutes les personnes qui interviennent 5 fois de sa chaise (plus ou moins de 15 secondes) et/ou par la force de préhension
auprès du patient. en kg d’un dynamomètre (avec des seuils qui diffèrent selon le sexe : anormal si la
force est < 16 kg chez la femme et < 27 kg chez l’homme). Un seul de ces critères
suffit pour traduire une réduction de la force musculaire.
DES COMPLICATIONS DU DIABÈTE
SPÉCIFIQUES DE LA PERSONNE ÂGÉE La masse musculaire est évaluée le plus souvent par DEXA (évaluation de la
composition corporelle par absorptiométrie biphotonique à rayons X) et impédance-
Les complications du diabète plus spéci- métrie. Une masse musculaire de moins de 15 kg chez la femme et de moins de 20 kg
fiquement gériatriques ne doivent pas chez l’homme est un critère suffisant. Il est possible également d’évaluer l’indice de
être méconnues. En effet, la dénutrition, masse musculaire : < 5,5 kg/m2 chez la femme et < 7 kg/m2 chez l’homme sont des
les troubles cognitifs – volontiers intri- valeurs anormales.
qués avec la dépression – et les hypo­
glycémies, souvent liées au diabète,
aggravent ses conséquences.
L’état nutritionnel doit être régulière- Une autre méta-analyse portant sur
ÉVALUER RÉGULIÈREMENT L’ÉTAT ment réévalué : une fois par mois, lors des 28 études confirme une augmentation de
NUTRITIONNEL DU PATIENT consultations ; une fois par semaine en risque de 73 % de développer tout type de
La Haute Autorité de santé (HAS) a récem- cas d’hospitalisation. démence, de 56 % une maladie d’Alzhei-
ment mis à jour les critères de la dénutri- L’évaluation de l’état buccodentaire et des mer et de 127 % une démence vasculaire.9
tion chez le sujet de plus de 70 ans ; elle est capacités de mastication et de déglutition Un trouble cognitif léger, sans retentisse-
ainsi définie par l’association d’un critère complète le dépistage de la dénutrition et ment sur la vie quotidienne, est fréquent
phénotypique et d’un critère étiologique :6 conditionne la réussite d’une prise en et touche 19 % des personnes de plus de
– les critères phénotypiques sont une charge diététique. 65 ans ; on estime que 46 % de ces patients
perte de poids ≥ 5 % en un mois ou ≥ 10 % développeront au cours du temps une
en six mois par rapport au poids habituel À noter : une personne obèse peut être authentique démence. Or le diabète ma-
et/ou un indice de masse corporelle (IMC) dénutrie, et le diagnostic est alors plus jore le risque d’évolution vers la démence
inférieur à 22 kg/m2 et/ou une sarcopénie difficile à évoquer. Il repose sur la consta- lorsque le patient a un trouble cognitif
confirmée (encadré). Pour calculer l’IMC, tation d’un seul critère phénotypique : léger, avec un OR de 1,65 (intervalle de
la HAS recommande de mesurer les pa- une perte de poids ≥ 5 % en un mois ou confiance [IC] à 95 % : 1,12-2,43).10
tients avec une toise. Un seul critère phé- ≥ 10 % en six mois ou par rapport au poids
notypique suffit ; habituel avant le début de la maladie, et / Des données françaises éloquentes !
– les critères étiologiques sont une ré- ou une sarcopénie confirmée. L’étude française multicentrique observa-
duction de la prise alimentaire de plus de tionnelle prospective de suivi de cohorte
50 % pendant plus d’une semaine ou une TOUJOURS RECHERCHER DES TROUBLES Gérodiab apporte des données instruc-
réduction des apports durant plus de deux COGNITIFS ET PSYCHIATRIQUES tives. L’objectif de ce travail était d’évaluer
semaines par rapport à la consommation Les troubles cognitifs sont plus fréquents le lien entre l’équilibre glycémique et la
habituelle ou aux besoins protéino-­ chez les patients vivant avec un diabète. morbidité et mortalité à cinq ans de 987
énergétiques. Dans une revue de la littérature concernant diabétiques de type 2 âgées de 70 ans et
La sévérité de la dénutrition se définit par plus de 8 656 patients diabétiques suivis plus. Parmi ces patients, 36,7 % avaient
l’un des critères suivants : IMC < 20 kg/m2, entre deux et dix-huit ans, le risque entre 75 et 80 ans et 28,5 % plus de 80 ans.11
et/ou une perte de poids ≥ 10 % en un mois de troubles cognitifs et de démence était Cette étude comportait une évaluation
ou ≥ 15 % en six mois ou par rapport au plus fréquent chez le sujet diabétique, avec des complications gériatriques, dont le
poids habituel avant le début de la mala- un odds ratio (OR) de 1,2 à 1,7 pour les dépistage des troubles cognitifs : le méde-
die, et/ou une albuminémie ≤ 30 g/L. troubles cognitifs et de 1,7 pour la démence.8 cin devait déclarer si le patient avait des

282 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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troubles cognitifs ou une démence, et pression altère le pronostic des patients, 1,78 (IC à 95 % : 1,44-2,21) et aux fractures,
cette information était confrontée au ré- en majorant la mortalité de 1,2 à 2,6 fois. avec un OR de 1,68 (IC à 95 % : 1,37-2,07).
sultat du Mini Mental State Examination Les liens entre la dépression et le diabète
(MMSE). Les médecins déclaraient 11 % de sont complexes : le diabète favorise l’appa- Facteur de risque d’hospitalisations
troubles cognitifs et 3 % de démences, tan- rition d’une dépression, du fait du poids de et de réhospitalisations
dis que 28,8 % des patients avaient un la maladie ; inversement, la dépression, par Une étude rétrospective américaine
MMSE anormal (score inférieur à 25). Ces les modifications comportementales et de 2009 à 2014 a évalué le risque de ré­
résultats démontrent qu’il ne suffit pas physiologiques qu’elle induit, favorise l’ap- hospitalisation après une première hospi-
d’apprécier grossièrement l’état cognitif parition d’un diabète ou son déséquilibre. talisation pour hypoglycémie et/ou hyper­
de la personne, mais que la réalisation glycémie.14 Au total, 13 291 hospitalisations
d’un test de dépistage est indispen- HYPOGLYCÉMIES : PLUS FRÉQUENTES ont été dénombrées chez 11 161 patients
sable pour ne pas sous-évaluer les ET PLUS GRAVES pour ces deux motifs. Les hypoglycémies
troubles chez ces patients à risque. Le risque d’hypoglycémie est particuliè- représentaient 6 419 hospitalisations chez
D’autres paramètres gériatriques étaient rement important chez les patients âgés. 5 911 patients. La durée de l’hospitalisation
également évalués : l’autonomie (par les Les facteurs de risque sont nombreux : était de cinq jours, et le taux de réhospita-
échelles Activity Daily Life [ADL] et Ins- antécédents d’hypoglycémie, objectifs lisation après une hypoglycémie était de
trumental Activities of Daily Living glycémiques trop ambitieux, traitements 10 %. Cette réhospitalisation survenait
[IADL]) et la dépression (Mini Geriatric par sulfamide ou insuline, comorbidités dans 12 % des cas pour une nouvelle hypo-
Depression Scale [mini GDS]). Après un et troubles cognitifs.14 glycémie. Pour seulement 25 % des pa-
suivi de cinq ans, on observe une dégra- Les résultats de nombreuses études tients, la prise d’un ou plusieurs traite-
dation des complications du diabète mais concordent, plaidant en faveur d’une pré- ments a été arrêtée après l’hospitalisation.
également des paramètres d’autonomie vention renforcée des hypoglycémies Les principaux facteurs déterminant les
(ADL augmenté de 74 %), de la dépression chez le patient âgé. hospitalisations pour hypoglycémie sont
(+ 128 %), des troubles cognitifs (+ 80 %) l’âge, le traitement par insuline et sulfa-
et de la malnutrition (+ 152 %).12 Fréquent ! mide, les complications du diabète, les
Dans l’étude Gérodiab, 33,6 % des patients comorbidités et la polymédicamentation.
Dépression : cause ou conséquence ? avaient eu une ou plusieurs hypoglycé-
La dépression est plus fréquente chez les mies durant les six mois précédant l’in- Hypoglycémie sévère, un sur-risque
diabétiques âgés : 30 % d’entre eux ont des clusion. Il s’agissait d’une hypoglycémie de mortalité
symptômes dépressifs et entre 12 et 18 % mineure dans 29,7 % des cas, sévère pour Dans une étude anglaise, le risque de mor-
ont une dépression avérée.13 La préva- 3,3 % des malades et s’accompagnant talité à cinq ans a été comparé chez les pa-
lence de la dépression est presque 2 fois d’un coma dans 0,6 % des cas.11 tients diabétiques avec ou sans antécé-
plus élevée chez les patients diabétiques dents d’hypoglycémie sévère.16 Parmi les
que chez ceux qui en sont indemnes Multitude de risques associés 74 610 patients suivis durant 7,1 ans, 0,5 %
(17,6 % versus 9,8 %), et ce chiffre est 2 fois Une méta-analyse récente de 44 études ont été hospitalisés pour une hypoglycé-
plus élevé chez les femmes que chez les a évalué, dans une population de mie sévère ; il s’agissait de malades plus
hommes. Enfin, la présence d’une dé- 2 507 434 patients, les risques liés aux âgés ayant des comorbidités et avec une
hypo­glycémies.15 Elles sont ainsi asso- hémoglobine glyquée (HbA1C) plus élevée.
ciées au décès, avec un OR de 2,02 (IC à Durant le suivi, le taux de mortalité était de
95 % : 1,75-2,32), principalement dans les 132/1 000 personnes-années chez les sujets
90 premiers jours après l’événement ; le ayant eu une hypoglycémie sévère versus
Que dire à vos patients ? sur-risque persiste au-delà mais diminue.
Les hypoglycémies sont également asso-
40/1 000 personnes-années chez les pa-
tients n’en ayant pas eu. Après ajustement,
Les objectifs glycémiques évoluent ciées à la mortalité cardiovasculaire, avec chez les patients de plus de 60 ans aux an-
au cours du temps et des années. un OR de 2,11 (IC à 95 % : 1,55-2,87), aux técédents d’hypoglycémie sévère, le risque
L’alimentation doit être équilibrée démences, avec un OR de 1,50 (IC à 95 % : de mortalité était de 6,6 % pour les mala-
et régulière. 1,29-1,74) ; aux complications macroangio- dies cardiovasculaires, 1,1 % pour les can-
pathiques, avec un OR de 1,81 (IC à 95 % : cers et 13,1 % pour les autres causes. Le
La poursuite d’une activité
physique adaptée est toujours 1,70-1,94), aux complications micro­ surrisque de mortalité étant de 21 %, pour
recommandée. angiopathiques, avec un OR de 1,77 (IC à l’auteur, les hypoglycémies sont des mar-
95 % : 1,49-2,10) ; aux chutes, avec un OR de queurs de risque de mortalité des patients.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 283


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MISE AU POINT DIABÈTE DE TYPE 2 CHEZ LE SUJET ÂGÉ

VIGILANCE VIS-À-VIS diabète des patients de plus de 75 ans.17 risque d’événement augmente en cas
DES COMPLICATIONS Les objectifs se différencient de ceux de d’utilisation d’un traitement à haut versus
Dans l’étude Gérodiab, après cinq ans de la HAS pour les catégories « fragiles » et bas risque d’hypoglycémie (OR : 1,48 [IC à
suivi, 13,3 % des patients ont été perdus de « dépendantes et/ou à la santé très alté- 95% : 1,18-1,85]). Un « surtraitement »
vue et 207 personnes sont décédées, soit rée » : la SFD définit une borne inférieure peut donc être particulièrement délé-
21 %.12 Les trois principales causes de dé- lorsque les patients utilisent des traite- tère sur le pronostic du patient, en par-
cès étaient les accidents cardiovasculaires ments à risque d’hypoglycémie. Ainsi, ticulier s’il comporte des traitements à
(34,3 %), les cancers et hémopathies ma- chez les sujets « fragiles », la cible d’HbA1c haut risque d’hypoglycémie.18
lignes (19,8 %) ou les infections (12,1 %). est inférieure ou égale à 8 % mais en res-
Les paramètres particulièrement asso- tant au-dessus de 7 % en cas de traitement
ciés à une réduction de la survie étaient par sulfamide, glinide ou insuline ; chez
STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE :
TOUJOURS LA METFORMINE
la vie en institution, la dégradation de les patients « dépendants et/ou à la santé EN PREMIÈRE INTENTION
l’autonomie (score d’activité dans la très altérée », la cible reste inférieure à 9 %
vie quotidienne ADL), les troubles co- et/ou glycémies capillaires préprandiales En cas d’échec des mesures hygiéno­
gnitifs, les hypoglycémies et une HbA1c entre 1 et 2 g/L mais avec des glycémies diététiques, la HAS recommande de dé-
≥ 8,6 %. Ces constats démontrent que préprandiales supérieures à 1,4 g/L et buter le traitement par la metformine et/
l’évaluation régulière de ces paramètres une HbA1c restant au-dessus de 8 % en ou les sulfamides, en l’absence de contre-­
gériatriques est indispensable. cas de traitement par sulfamide, glinide indication liée à une altération de la fonc-
ou insuline.17 tion rénale.1 En cas de contre-indication
aux sulfamides et en deuxième intention,
PERSONNALISER LES OBJECTIFS NE PAS SURTRAITER ! il convient d’utiliser les inhibiteurs de la
GLYCÉMIQUES
Une étude menée en Ontario (Canada) DPP-4 (iDPP-4) en association à la met-
Les objectifs glycémiques, pour être res- chez 108 620 patients de plus de 75 ans a formine. Enfin, si l’équilibre glycémique
pectés, doivent être personnalisés en évalué de façon rétrospective l’équilibre n’est pas obtenu ou en cas de contre-indi-
fonction de la situation et des capacités glycémique en distinguant les patients cation à tous les antidiabétiques oraux,
du patient. Fixer des objectifs irréali- sous traitement intensif (cible d’HbA1c < une insulinothérapie est débutée.
sables est une source d’échec. 7 %), sous traitement conventionnel (cible Dans la prise de position de la SFD, la met-
d’HbA1c entre 7,1 et 8,5 %), sous traitement formine reste en première position ; si
RECOMMANDATIONS HAS : ANCIENNES ! à haut risque d’hypoglycémie (sulfamides cela n’est pas suffisant, le traitement est
Pour la HAS en 2013, les objectifs d’HbA1c et/ou insuline) et sous traitement à bas intensifié par ajout d’un iDPP4 puis par
dépendent du tableau clinique des pa- risque d’hypoglycémie (tous les autres une insuline basale.
tients : traitements).18 Le critère d’évaluation était Les sulfamides et glinides peuvent être
– chez les patients âgés vigoureux, les ob- un critère composite regroupant les pas- utilisés chez les patients en bonne santé
jectifs sont les mêmes que chez les sujets sages aux urgences, les hospitalisations mais doivent être évités chez les patients
plus jeunes, avec une cible d’HbA1c infé- ou le décès. Les patients avaient en plus fragiles en raison du risque d’hypo-
rieure ou égale à 7 % ; moyenne 80,6 ans, un diabète évoluant glycémie.17
– chez les sujets fragiles, l’HbA1c doit res- depuis 13,7 ans, et 49,7 % étaient des
ter inférieure ou égale à 8 % ; femmes. Le traitement intensif concer-
– chez les sujets « malades », la priorité est nait 61 % des patients, et 21 % utilisaient
QUE PENSER DE L’UTILISATION DES
NOUVELLES CLASSES THÉRAPEUTIQUES
d’éviter les complications aiguës dues au un traitement à haut risque d’hypo­ CHEZ LE PATIENT ÂGÉ ?
diabète (déshydratation, coma hyper­ glycémie. Ces derniers avaient une aug-
osmolaire) et les hypoglycémies ; des gly- mentation de 50 % du risque de passage Les agonistes des récepteurs du GLP-1
cémies capillaires préprandiales com- aux urgences, d’hospitalisations ou de (AR GLP-1) et inhibiteurs des cotranspor-
prises entre 1 et 2 g/L et/ou un taux d’HbA1c décès par rapport aux patients traités de teurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2
inférieur à 9 % sont recommandés.1 façon conventionnelle avec des traite- ou gliflozines) sont efficaces sur le plan
ments à bas risque d’hypoglycémie. Si les métabolique : ils améliorent l’équilibre
AJOUTER UNE BORNE GLYCÉMIQUE patients ont un traitement à haut risque glycémique sans provoquer d’hypoglycé-
INFÉRIEURE À NE PAS FRANCHIR ? d’hypoglycémie, un objectif intensif ver- mie et induisent une perte de poids.
La dernière prise de position de la Société sus conventionnel augmente le risque Par ailleurs, ils ont démontré, dans les
francophone du diabète (SFD) récem- d’événement (RR : 1,25 [IC à 95% : 1,02- études de sécurité cardiovasculaire, une
ment publiée consacre plusieurs avis au 1,52]). De même, si l’objectif est intensif, le réduction des événements chez des po-

284 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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L’ESSENTIEL
La population Les complications du Les objectifs Les hypoglycémies Les nouvelles classes
âgée est vieillissement doivent glycémiques nécessitent sont particulièrement thérapeutiques peuvent
hétérogène. être systématiquement et d’être adaptés selon le délétères et doivent avoir un intérêt dans
régulièrement recherchées. degré de fragilité du patient. être évitées. cette population.

pulations à haut ou très haut risque. Les L. Bordier déclare des liens d’intérêts avec
CE QU’IL FAUT RETENIR
gliflozines ont également fait la preuve AstraZeneca, Bayer, BD, BMS, Boerhinger
d’une protection rénale sur des critères La prise en charge des personnes diabé- Ingelheim, MSD, Novartis, Lilly, Novo Nordisk,
durs (doublement de la créatininémie, tiques âgées est difficile car chaque patient Roche, Sanofi.
mise en dialyse et mort d’origine rénale) réussit différemment son vieillissement.
C. Rouanet, J. Diss et A. Z. Ibrahim déclarent
et une réduction très importante et rapide Si les sujets vigoureux doivent être traités n’avoir aucun lien d’intérêts.
des hospitalisations pour insuffisance comme les plus jeunes, une prudence
cardiaque. s’impose pour les sujets « fragiles » et les M. Sollier déclare des liens d’intérêts avec
Les sujets diabétiques et âgés, souvent à « malades » chez lesquels les complica- Novo Nordisk, Lilly, Ipsen Pharma, Sanofi.
haut ou très haut risque, pourraient donc tions gériatriques rendent plus difficile la S. Nassouri déclare des liens d’intérêts avec
particulièrement tirer bénéfice de ces prise en charge. Roche, Sanofi, Novo Nordisk, Lilly, Takeda,
thérapeutiques. Le médecin traitant, en dépistant la dénu- Dinno Santé, Medtronic.
Malheureusement, il n’y a pas eu d’étude trition, la perte d’autonomie et les troubles
dédiée dans la population âgée. Les cognitifs, peut mettre en place des mesures C. Garcia déclare des liens d’intérêts avec Novo
analyses post hoc sur de petits effectifs ont sociales d’accompagnement afin de soute- Nordisk, Lilly, Sanofi, Servier, Novartis, Ipsen.
permis de démontrer une efficacité méta- nir au mieux le patient diabétique et son B. Bauduceau déclare des liens d’intérêts
bolique et cardiorénale qui semble entourage. Enfin, une réévaluation régu- avec AstraZeneca, Bayer, BD, BMS, Boerhinger
conservée dans la population âgée, mais lière des objectifs glycémiques et des trai- Ingelheim, MSD, Novartis, Lilly, Novo Nordisk,
un certain nombre d’effets secondaires tements est indispensable. Roche, Sanofi.
pourraient limiter l’usage de ces traite-
ments chez des patients fragiles. En
­particulier la perte de poids, espérée avec
ces deux traitements par beaucoup de RÉFÉRENCES
­p atients, peut être particulièrement 1. HAS. Recommandation de bonne vational studies. Diabetologia 14. McCoy RG, Herrin J, Lipska KJ,
­délétère chez un patient fragile et sarco- pratique. Stratégie médicamen- 2005;48(12):2460-9. et al. Recurrent hospitalizations for
teuse du contrôle glycémique du severe hypoglycemia and hypergly-
pénique.Pour les AR GLP-1, les troubles 9. Gudala K, Bansal D, Schifano S,
diabète de type 2. Janvier 2013. et al. Diabetes mellitus and risk cemia among U.S. adults with dia-
digestifs (nausées, vomissements ou betes. J Diabetes Complications
2. Fosse-Edorh S, Mandereau-Bruno of dementia: A meta-analysis of
même simplement perte d’appétit) pour- L, Piffaretti C. Le poids du diabète 2018;32(7):693-701.
prospective observational studies.
raient également être préjudiciables. Les en France en 2016. Synthèse épi- J Diabetes Investig 2013;4(6):640- 15. Mattishent K, Loke YK. Me-
iSGLT2, qui induisent du fait de leur démiologique. Saint-Maurice: Santé 50. ta-Analysis: Association Between
mode d’action une déplétion volémique, publique France, 2018, 8 p. Hypoglycemia and Serious Adverse
10. Cooper C, Sommerlad A, Lyket-
Events in Older Patients Treated
pourraient favoriser une déshydratation, 3. HAS. Comment repérer la fragilité sos CG, et al. Modifiable predictors
en soins ambulatoires ? Juin 2013. With Glucose-Lowering Agents.
aggraver une hypotension orthostatique of dementia in mild cognitive im-
Front Endocrinol (Lausanne)
4. Fried LP, Tangen CM, Walston J, pairment: a systematic review and
ou une incontinence urinaire. 2021;12:571568.
et al. Frailty in older adults: evidence meta-analysis. Am J Psychiatry
Pour la SFD, après 75 ans, l’utilisation for a phenotype. J Gerontol A Biol 2015;172(4):323-34. 16. Zaccardi F, Ling S, Lawson C,
des AR GLP-1 et des iSGLT2 doit être Sci Med Sci Med Sci 2001;56(3): et al. Severe hypoglycaemia and
11. Doucet J, Le Floch JP, Baudu- absolute risk of cause-specific
réservée à une minorité de patients, M146-56. ceau B, et al. GERODIAB: Glycaemic mortality in individuals with type 2
idéalement après avis d’un endocrino- 5. Rockwood K, Song X, MacKnight control and 5-year morbidity/morta- diabetes: a UK primary care ob-
logue-diabétologue, car le rapport bé- C, et al. A global clinical measure of lity of type 2 diabetic patients aged servational study. Diabetologia
néfices/risques de ces molécules est fitness and frailty in elderly people. 70 years and older: 1. Description 2020;63(10):2129-39.
CMAJ 2005;173(5):489-95. of the population at inclusion. Dia-
insuffisamment évalué dans cette po- betes Metab 2012;38(6):523-30.
17. Darmon P, Bauduceau B, Bordier
6. HAS. Recommandation de bonne
pulation. Cette minorité de patients pratique. Diagnostic de la dénutri-
L, et al. Prise de position de la So-
12. Bauduceau B, Le Floch JP, Ha- ciété francophone du diabète (SFD)
pourrait être les sujets âgés « vigoureux » tion chez la personne de 70 ans et limi S, et al. Cardiovascular Com- sur les stratégies d’utilisation des
chez lesquels les bénéfices métabolique plus. Novembre 2021. plications Over 5 Years and Their traitements anti-hyperglycémiants
et cardio-rénal seraient évocateurs. Chez 7. Cruz-Jentoft AJ, Bahat G, Bauer J, Association With Survival in the dans le diabète de type 2 – 2021.
les personnes « fragiles », la prescription et al. Sarcopenia: revised European GERODIAB Cohort of Elderly French Med Mal Metab 2021;15:781-801.
consensus on definition and diagno- Patients With Type 2 Diabetes.
pourrait se discuter selon le bénéfice at- 18.Lega IC, Campitelli MA, Austin
sis. Age Ageing 2019;48(4):601. Diabetes Care 2018;41(1):156-62. PC, et al. Potential diabetes over­
tendu, notamment les iSGLT2 en cas d’in-
8. Cukierman T, Gerstein HC, Wil- 13. Park M, Reynolds CF 3rd. De- treatment and risk of adverse events
suffisance cardiaque. Enfin, pour les pa- liamson JD. Cognitive decline and pression among older adults with among older adults in Ontario: a po-
tients « malades », le rapport bénéfices/ dementia in diabetes-systematic diabetes mellitus. Clin Geriatr Med pulation-based study. Diabetologia
risques semble plutôt défavorable. overview of prospective obser- 2015;31(1):117-37. 2021;64(5):1093-102.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 285


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MISE AU POINT
Reflux gastro-œsophagien
chez l’enfant
Physiologique la plupart du temps
Par Olivier Mouterde, département de pédiatrie, CHU de Rouen olivier.mouterde@gmx.fr

L
e reflux gastro-œsophagien (RGO),
passage intermittent ou permanent
d’un contenu gastrique dans l’œso-
phage, est un phénomène générale-
1. RGO : définitions utiles
ment physiologique, survenant chez Le reflux gastro-œsophagien correspond au passage de liquide de l’estomac vers
l’adulte et l’enfant ; il en existe diffé- l’œsophage.
rents types (encadré 1). Néanmoins, depuis La régurgitation est un reflux gastro-œsophagien extériorisé.
les dernières décennies, il est qualifié de Le reflux « interne » est un reflux non extériorisé (impression subjective, ou avéré
pathologie redoutable, responsable de par une pH-impédancemétrie).
nombreux troubles atteignant toutes les
Le reflux gastro-œsophagien physiologique correspond aux régurgitations du
tranches d’âge.1 Il est ainsi à l’origine d’ex-
nourrisson, à un reflux non ressenti et sans conséquences ou à un pyrosis occasionnel.
plorations et de traitements plus ou moins
agressifs, souvent hors autorisation de Le reflux gastro-œsophagien compliqué est le responsable direct des troubles
mise sur le marché, se révélant inefficaces (avec preuves scientifiques d’un lien de cause à effet établi ou efficacité prouvée du
et potentiellement associés à des compli- traitement).
cations. Qu’en est-il véritablement ? Le reflux gastro-œsophagien typique correspond aux régurgitations du nourrisson,
à une œsophagite peptique ou à un pyrosis.

LE REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN Le reflux gastro-œsophagien atypique correspond à tous les autres symptômes
N’EST PAS UNE PATHOLOGIE et complications attribués au reflux (diagnostics différentiels).
Le vomissement est une extériorisation avec effort.
Le reflux est connu des médecins et des
patients. L’acide de l’estomac est perçu, Le mérycisme correspond à des régurgitations ou vomissements provoqués.
à tort, comme un adversaire redoutable
(il brûle, ronge, perce…) alors qu’il s’agit
le plus souvent d’un allié (diminution de
la charge bactérienne dans l’estomac, Les Anglo-Saxons, quant à eux, utilisent ÂGES ET AFFRES DU REFLUX
action de la pepsine, absorption du fer). deux termes : gastroesophageal reflux DE L’ENFANT
Le reflux est un phénomène normal sur- (GER), physiologique, et gastroesopha- La survenue de reflux gastro-œsopha-
venant plusieurs fois par jour chez tout geal reflux disease (GERD), en cas de ma- giens chez l’enfant pousse très souvent
individu quel que soit son âge. Une ladie avérée. les parents à consulter. Le surdiagnostic
pH-métrie normale chez l’enfant objec- En France, le seul terme de « reflux » – très et le surtraitement de cette affection sont
tive la survenue de 2,2 reflux acides par souvent utilisé de façon abusive – est fréquents en pédiatrie.
heure et les études en impédancemétrie faussement associé à un diagnostic de
notent autant de reflux non acides. Il est pathologie. Or tous les enfants ont des PRÉMATURÉ ET NOUVEAU-NÉ :
donc légitime de conclure qu’avoir une reflux. Il est donc nécessaire de distinguer SITUATIONS PARTICULIÈRES
centaine de reflux en vingt-quatre heures ceux qui sont pathologiques, s’ils doivent Immaturité de la sécrétion acide et du
semble physiologique. être traités et de quelle façon. sphincter inférieur de l’œsophage, ali-

288 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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mentation continue ou rapprochée tam- colites, de sepsis et de complications Quelles mesures prendre ?
ponnant l’acidité gastrique, position al- neuro­logiques.4 La prise en charge du RGO chez le nour-
longée, volume d’alimentation important Aucun prokinétique n’a prouvé son effi- risson consiste en une réassurance sur
(150 à 200 mL/kg !) et explorations diffi- cacité, ni les épaississants de l’alimenta- le caractère banal du « trouble », ainsi
cilement réalisables et interprétables tion, qui, au contraire, favorisent les en- qu’en la correction d’éventuelles erreurs
sont autant de caractéristiques partici- térocolites. diététiques, de la position proclive ven-
pant à la singularité de la situation.2 Plus étonnant encore, des interventions trale pour le rot et du sommeil à plat sur
chirurgicales antireflux ont été réalisées. le dos. Le fractionnement des biberons
Quelles précautions ? Elles ont effectivement mis fin aux mani- est également conseillé, mais plus diffi-
La prévention du reflux typique (régurgi- festations gastro-œsophagiennes ; tou- cile à mettre en œuvre. Les préparations
tations et mauvaise croissance à cet âge) tefois, ce fut aussi le cas chez tous les épaissies (laits antirégurgitations dits «
justifie de prendre des précautions quant enfants – non opérés – avec le temps, AR ») ont fait leurs preuves en diminuant
à la position et la gestion de la nutrition selon l’évolution naturelle de cette mani- le nombre de régurgitations.
par sonde. L’éviction de médicaments festation. Les prokinétiques, antisécrétoires et an-
aggravant le reflux (contenant de la café- Seuls les traitements à base d’alginate ont tiacides sont à bannir chez le nourrisson ;
ine et les aliments hyperosmolaires) est montré une diminution des signes de reflux ils ne sont d’ailleurs pas efficaces sur le
préconisée. typique (régurgitations et prise de poids). nombre des régurgitations. Les alginates
ne sont pas conseillés en traitement chro-
Symptômes abusivement MÉDICAMENTS : PAS NÉCESSAIRES nique, et le diméticone n’est pas indiqué
associés au RGO CHEZ LE NOURRISSON ! contre le reflux.
Un reflux pathologique est souvent sus- Le nourrisson ingère quotidiennement
pecté chez les nouveau-nés face à des 130 mL de lait/kg et une quantité variable Revoir la prescription d’inhibiteurs
désaturations, changements de teint, d’air, ce qui peut favoriser les régurgita- de la pompe à protons
bradycardies, apnées – tous phénomènes tions par la bouche et parfois par le nez. De nombreux nourrissons sont traités par
inquiétants et retardant la sortie de l’hô- Cela correspond, chez l’adulte, à une in- inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)
pital –, mais aussi inconfort, régurgita- gestion de 8 L de boisson gazeuse par jour, pour un reflux considéré comme patho-
tions et mauvaise croissance. répartis en quatre à six repas de quelques logique. Les symptômes amenant à leur
Des études (associant impédance­métrie, minutes ! Les régurgitations sont donc prescription sont des régurgitations fré-
surveillance cardiorespiratoire et enre- physiologiques, même si elles s’ins- quentes mais surtout de nombreux symp-
gistrements vidéo) ont montré l’absence crivent dans le cadre de « troubles » fonc- tômes associés habituellement au reflux :
totale de relation entre les événements tionnels digestifs définis par les critères pleurs importants, tortillements, refus du
cardiorespiratoires ou neurologiques et de Rome : régurgitations 2 fois ou plus par biberon, sifflement des voies respira-
les reflux ; elles n’ont pourtant pas permis jour pendant trois semaines ou plus, sans toires (wheezing), malaises, rhinopharyn-
de faire abandonner les traitements in- signes d’organicité (hématémèse, retard gite, otites répétées, toux, érythème du
dus. D’autres études ont même permis de de croissance, apnées, fausses routes, pharynx…4
constater des incidents plus courts lors- dysphagie, haut-le-cœur, positon anor- Or les IPP n’ont pas d’autorisation de mise
qu’ils étaient associés à des reflux. Le re- male). En s’appuyant sur cette définition, sur le marché (AMM) avant l’âge de 1 an.
flux pathologique n’est donc pas en ce symptôme concernerait 26 % des en- La prescription hors AMM engage donc la
cause ; il s’agit plutôt d’une immaturité fants (40 à 60 % si l’on abaisse le seuil à responsabilité du praticien et s’accom-
neurologique temporaire liée à l’âge.3 une régurgitation par jour). pagne de trois conséquences : le non-­
Les différents comités d’experts sont di- remboursement (inscrire « Hors AMM »
Primum non nocere visés sur le fait qu’une régurgitation sem- ou « Non remboursé » [« NR »] sur l’ordon-
Depuis des décennies , de nombreux pré- blant gêner l’enfant (grimaces, pleurs) nance), l’information éclairée des parents
maturés et anciens prématurés ont reçu soit pathologique ou non ; la majorité des et la justification notifiée dans le dossier
un traitement antireflux à l’hôpital, qui a experts conclut qu’il est normal de res- médical.
été poursuivi à la sortie. sentir un inconfort lors de certaines ré- Cependant, les recommandations en
Les traitements prescrits – souvent des gurgitations sans que cela relève du pa- cours autorisent l’utilisation des IPP quel
antisécrétoires – agissent sur les pH-­ thologique pour autant.5 que soit l’âge (y compris hors AMM) en cas
métries mais pas sur les symptômes, qui La situation s’améliore le plus souvent de reflux pathologique prouvé ou d’œso-
sont pourtant à l’origine de la prescrip- lors de la diversification alimentaire, ou phagite érosive. Cette dernière pathologie
tion, et augmentent le risque d’entéro­ au plus tard, à l’âge de la marche. est exceptionnelle chez le nourrisson.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 289


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MISE AU POINT REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN CHEZ L’ENFANT

Régurgitations simples Suspicion de reflux pathologique du nourrisson

Interrogatoire, examen clinique


Réassurance
Laits épaissis
Fractionner ? Oui
Signes d’alerte ? Référer au gastropédiatre
Attendre
Non
Éviter les erreurs diététiques
Amélioré
Épaississement des biberons Suivi
Poursuivre l’allaitement

Non amélioré
Envisager 2-4 semaines de régime
Amélioré Suivi, prévoir
sans PLV chez l’enfant, ou la mère
réintroduction PLV
allaitante

Non amélioré
Référer au gastropédiatre

Revoir les diagnostics différentiels


Envisager des explorations et/ou un traitement d’épreuve court par IPP

Figure 1. Démarche diagnostique et thérapeutique face à une suspicion de reflux pathologique du nourrisson (d’après réf. 5).
PLV : protéines de lait de vache. IPP : inhibiteurs de la pompe à protons .

Le seul signe clinique spécifique est l’hé- éventuelle décision thérapeutique8 – par transaminases, céphalées, étourdisse-
matémèse et elle est confirmée par endos- exemple, considérer la possibilité d’une ments, troubles visuels…).
copie. De plus, aucune étude n’a montré allergie au lait de vache (APLV) à forme Enfin, le sevrage des IPP peut s’avérer
à ce jour une quelconque efficacité des digestive (fig. 1). difficile, notamment chez un enfant
IPP dans les troubles habituellement as- Les IPP sont associés à une cinquan- coutumier des reflux dès son plus jeune
sociés au reflux.6 taine d’effets indésirables dont certains âge, pour plusieurs raisons : effet re-
Un effet placebo (atteignant 50 %) a été sont liés à la diminution de la sécrétion bond de la sécrétion acide à l’arrêt bru-
décrit pour ces prescriptions d’IPP, ce qui d’acide gastrique et à son action sur la tal, effet nocebo, effet des saisons (coïn-
peut conforter parents et prescripteurs flore du bol alimentaire (gastroenté- cidence avec une récidive de pathologies
sur leur utilité, faire craindre l’arrêt du rites, pneumopathies), d’autres à la di- respiratoires et ORL en cas d’arrêt à
traitement et le rendre populaire.7 Les gestion plus lente ou incomplète des l’automne), succession dans le temps
recommandations en cours suggèrent protéines par la pepsine (APLV, maladie des pathologies durant lesquelles le re-
plusieurs étapes avant de confier les pa- cœliaque) ; beaucoup sont sous-évalués flux a pu être impliqué (rhinopharyn-
tients à un gastropédiatre pour cette car non diagnostiqués (élévation des gites, otites, puis asthme…).4

290 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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Reflux typique de l’enfant (pyrosis)

Interrogatoire, examen clinique

Oui
Signes d’alerte ? Référer au gastropédiatre

Non
Hygiène de vie, position de
Amélioré
sommeil, lit surélevé, voire Suivi
surpoids éventuel

Non amélioré
Amélioré
Envisager 4-8 semaines d’IPP Suivi, essai de sevrage
Non amélioré
Référer au gastropédiatre

Endoscopie normale et IPP


Œsophagite :
Envisager endoscopie efficaces : poursuivre et
traitement adéquat
tentatives périodiques de sevrage

Endoscopie normale et
Œsophage hypersensible, pyrosis
IPP inefficaces : discuter pH-
fonctionnel, reflux sans érosions
métrie/pH-impédancemétrie

Figure 2. Démarche diagnostique et thérapeutique devant un reflux typique de l’enfant (d’après réf. 5).
IPP : inhibiteurs de la pompe à protons .

REFLUX ATYPIQUE DU JEUNE Prescription des IPP hors AMM prazole en cas d’œsophagite de l’enfant
ENFANT Jusqu’à 6-8 ans, l’enfant est souvent inca- de plus de 1 an ; oméprazole, ésomé-
Généralement, les régurgitations dis- pable de décrire le symptôme de reflux prazole ou pantoprazole en cas de symp-
paraissent progressivement à partir de typique ou pyrosis ; il ne s’agit donc pas tômes de reflux ou œsophagite de l’enfant
l’âge de 1 an. d’un motif de consultation, ce qui im- de plus de 12 ans ; ésoméprazole en cas de
Si elles persistent, il est nécessaire plique que la prescription d’IPP se fait symptômes de reflux typique de l’enfant
d’évoquer d’autres diagnostics comme sans AMM. Les troubles traditionnelle- de plus de 1 an ; le lansoprazole n’a pas
le mérycisme. ment liés au reflux sont cependant tou- d’AMM avant 15 ans).4,9
La dysphagie et l’odynophagie sont rare- jours présents : laryngites, bronchites,
ment dues à une œsophagite peptique, otites, asthme, voix enrouée, caries, toux, Un diagnostic difficile
mais doivent faire évoquer une œso- troubles du sommeil, érythème laryngé, Par exemple, une étude réalisée sur une
phagite infectieuse, caustique, aller- mauvaise haleine… centaine d’enfants asthmatiques sévères
gique, un corps étranger, ou toute situa- Les IPP ne doivent pas être prescrits en traités par IPP ou placebo a révélé l’ab-
tion justifiant une endoscopie. dehors des AMM (oméprazole ou ésomé- sence de différence entre les deux

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 291


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MISE AU POINT REFLUX GASTRO-ŒSOPHAGIEN CHEZ L’ENFANT

groupes, avec un suivi de six mois, que la de reflux pathologique, s’il n’a pas de pour une durée de deux mois et avec arrêt
pH-métrie soit normale ou pathologique. conséquences. Les micro-inhalations, progressif (selon les AMM du jeune enfant).
Le groupe IPP avait plus d’infections res- évoquées pour expliquer toux et asthme, Une consultation de gastropédiatrie est à
piratoires basses10 ; la situation illustre, voire pneumopathies, sont surtout l’apa- envisager en cas d’échec ou de dépendance.
ici, la difficulté du diagnostic et de la res- nage des enfants ayant des troubles de la
ponsabilité de reflux pathologiques. En déglutition, comme les polyhandicapés.
effet, dans cette étude, 40 % des enfants ET LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ?
avaient une pH-métrie pathologique GRAND ENFANT ET ADOLESCENT : Un reflux symptomatique se traduit par
orientant vers un reflux pathologique. La QUELQUES INDICATIONS À TRAITER des régurgitations chez le petit enfant et un
pH-métrie diagnostique le reflux acide, Comme chez l’adulte, le symptôme ty- pyrosis chez le (très) grand. Les examens
sur lequel les IPP sont très efficaces, mais pique est le pyrosis. La prise en charge ont peu de place dans cette indication.
ne changent rien à l’évolution d’un repose sur des conseils hygiénodiété-
asthme. L’interprétation est que l’asthme tiques, tels que la diminution des graisses DOIT-ON QUANTIFIER LE REFLUX ?
aggrave un reflux latent qui, en retour, n’a et du chocolat, l’éviction de grosses quan- Il est prouvé que les conséquences d’un
aucun effet sur l’évolution de l’asthme. tités de liquide avant le coucher, la sur­ reflux ne sont pas liées à l’abondance
Un IPP peut donc être prescrit chez un élévation de la tête pendant le sommeil ou au nombre d’épisodes (extériorisés
asthmatique en cas de pyrosis (reflux ty- par des cales placées sous les pieds du lit ou non, responsables de pyrosis ou non).
pique) mais n’influe aucunement sur et, éventuellement, le sommeil sur le côté Un enfant peut régurgiter de façon abon-
l’asthme (« reflux » atypique) et est donc gauche (fig. 2).8 Les alginates peuvent être dante sans aucune conséquence, un autre
à éviter en cas d’asthme isolé. Ces don- prescrits dans les cas les plus bénins. très peu et en souffrir du fait d’autres fac-
nées permettent également d’affirmer Le pyrosis du grand enfant, s’il est invali- teurs (protection des voies aériennes, ré-
qu’un seul score de pH-métrie patholo- dant, est la seule situation où des IPP paration de la muqueuse, immaturité
gique ne suffit pas à poser le diagnostic peuvent être prescrits sans explorations, neurologique, anomalie anatomique…).
La pH-métrie quantifie uniquement des
reflux acides, moins facilement les reflux
TABLEAU. REFLUX : LES SYMPTÔMES ET LEUR SIGNIFICATION alcalins.
Symptômes associés au reflux Signification La pH-impédancemétrie est l’examen le
Toux nocturne Asthme
plus complet, capable de distinguer les re-
flux acides, alcalins, neutres, d’air, leur
Asthme Pas de responsabilité du reflux abondance et leur cinétique. Mais il s’agit
Laryngites Pas de responsabilité du reflux d’un examen complexe à réaliser et à inter-
préter, nécessitant un milieu spécialisé.
Mauvaise haleine Problème ORL/dentaire
Des normes sont établies pour ces exa-
Rots Air dégluti mens, mais des résultats anormaux ne
Événements chez le prématuré Immaturité prouvent pas la responsabilité du reflux
dans les symptômes allégués ; des résul-
Caries Hygiène dentaire/pathologies de l’émail tats normaux ne prouvent pas l’absence
Malaises du nourrisson Hyperréactivité vagale ? de responsabilité (reflux nocturne acide
isolé avec toux, par exemple).
Érythème de la margelle postérieure Sans valeur

Rhinopharyngites/otites/bronchites Virus QUELLE EST LA RESPONSABILITÉ


Pleurs Coliques DU REFLUX DANS LE TROUBLE ?
C’est la question clé, et la réponse est dé-
Réveils nocturnes Rythme veille-sommeil
cevante.
Stridor Pas de responsabilité L’endoscopie est l’examen de référence
Hoquet chronique Rechercher un reflux, une œsophagite
pour diagnostiquer une œsophagite et sus-
pecter son origine peptique, mais cette si-
Hématémèse Toute causes d’hémorragies hautes, dont l’œsophagite tuation est rare (une œsophagite dite de
Dysphagie, odynophagie Toute lésion muqueuse, obstacle fonctionnel ou organique stade 1 est négligeable). L’érythème de la
margelle postérieure du larynx en naso-
Pneumopathies du polyhandicapé Reflux ou fausses routes
fibroscopie a été, et est toujours pour cer-

292 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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L’ESSENTIEL
Le reflux gastro- Le reflux passe souvent inaperçu Le reflux « atypique » concerne toutes L’AMM des IPP chez l’enfant
œsophagien n’est pas ou se manifeste par des régurgitations les manifestations extradigestives que l’on est précise et limitée : œsophagite
un diagnostic chez le nourrisson, un pyrosis attribue, à tort, au reflux ; diagnostic (> 1 an), reflux typique gênant
mais un phénomène au-delà de 6 ans et plus rarement à prendre avec réserve pour éviter examens (pyrosis), reflux pathologique
physiologique. une œsophagite. et traitements indus. objectivé.

d’être plus sévère. Une prise en charge


spécialisée est donc nécessaire. Un trai-
tement par IPP est parfois prescrit au
Que dire à vos patients ? long cours, en considérant ses risques
Les troubles fonctionnels digestifs sont fréquents et banals chez certains (infections respiratoires basses). Une
nourrissons : pleurs, tortillements, régurgitations, refus intermittent du biberon. inter­vention chirurgicale antireflux peut
Ils passent avec l’âge. L’état général, la croissance et l’absence de signes inquiétants là aussi être indiquée.
confirmés par votre médecin sont les éléments rassurants.
Un enfant se plaignant de brûlures ascendantes dans la poitrine peut bénéficier d’un L’auteur déclare des interventions
traitement par alginate, voire en continu par antisécrétoires. ponctuelles pour Blédina (conseil), AbbVie,
Le RGO est rarement à l’origine de symptômes autres que les régurgitations et Nestlé (études cliniques), Adare Biome,
les brûlures (problèmes ORL, respiratoires) et ne doit pas entraîner de traitements, Régilait, Danone Afrique, Blédina, Sodilac
souvent inefficaces et à risques d’effets indésirables. et Ipsen (conférences).
Pour des enfants particulièrement à risque, l’avis d’un gastropédiatre est souhaitable.

tains, considérée comme un signe de reflux. spécialisé pour évaluer une indication
Or il est prouvé que sa spécificité est nulle. chirurgicale (reflux sévère avec béance
La pH-métrie, ou mieux la pH-impédance- cardiale, hernie hiatale).
métrie, est l’examen de référence pour dia- L’endoscopie et l’échographie (par des
gnostiquer et quantifier les reflux. Son praticiens entraînés) peuvent aussi ap- RÉFÉRENCES
avantage est aussi de pouvoir prouver le porter des arguments dans ce sens. 1. Mouterde O. Reflux gastro-œsophagien : comment
respecter la présomption d’innocence, à la lumière des
lien de relation temporelle entre un événe- La manométrie n’est pas un examen de nouvelles recommandations ? Médecine et Enfance
ment et un reflux, au moyen de marqueurs pratique courante pour le reflux ; elle est 2018:214-8.
ou de polygraphies associées éventuelle- en général réservée aux troubles de mo- 2. Mouterde O, Vandenplas Y, Ferretti E, et al.
Réflexions sur le reflux gastro-œsophagien du prématuré.
ment à une surveillance vidéo. Or les résul- tricité (achalasie).
Médecine et Enfance 2008:187-9.
tats sont généralement négatifs pour le
3. Di Fiore J, Arko M, Herynk B, et al. Characterisation
prématuré et non conclusifs pour les ma- of cardiorespiratory events following GER in preterm
laises du nourrisson, l’asthme et la toux. LE REFLUX PATHOLOGIQUE EXISTE ! infants. J Perinatol 2010;30(10):683-7.
L’interprétation de cet examen est difficile ; Le reflux sévère, pathologique, et éven- 4. Mouterde O, Chouraqui JP, Ruemmele F, et al. Ces-
sons de prescrire des inhibiteurs de pompe à protons
la temporalité est importante : une toux ou tuellement associé à une hernie hiatale, pour suspicion de reflux gastro-œsophagien, en dehors
un malaise, une apnée du prématuré se manifeste par des régurgitations abon- des indications justifiées ! Arch Pediatr 2017;21(7):
peuvent provoquer un reflux ; la relation dantes chez le nourrisson, des signes 686-8.
de cause à effet (asthme aggravant un re- d’œsophagite (hématémèse chez le nour- 5. Benninga MA, Faure C, Hyman PA, et al. Childhood
functional gastrointestinal disorders: neonate/toddler.
flux) est également difficile à interpréter. risson), des difficultés de croissance, une Gastroenterology 2016;150(6):1443-55.
La scintigraphie œsophagienne est peu odynophagie, un syndrome de Sandifer 6.Orenstein SR, Hassal E, Furmaga-Jablona W, et al. Mul-
utilisée. Son avantage est de pouvoir (tics d’extension du cou). En cas de défaut ticenter, double blind, randomized, placebo-controlled
trial assessing the efficacy and safety of PPI lanso-
diag­nostiquer des inhalations de produit de protection des voies aériennes, des prazole in infants with symptoms of GERD. J Pediatr
de reflux par défaut de protection des fausses routes minimes ou importantes 2009;154(4):514-20.
voies aériennes (dans ce cas, le reflux peuvent engendrer des complications 7. Scherer LD, Zikmund-Fisher BJ, Fagerlin A, et al.
n’est pas responsable). respiratoires. Les enfants atteints de re- Influence of “GERD” label on parents’decision to medi-
cate infants. Pediatrics 2013;131(5):839-45.
flux sévère doivent être orientés vers un
8. Rosen R, Vandenplas Y, Singendonk M, et al. Pedia-
REFLUX PATHOLOGIQUE, ANOMALIE gastropédiatre, voire un chirurgien, pour tric gastroesophageal reflux clinical practice guide-
ANATOMIQUE ? exploration et traitement : hygiène de lines: Joint Recommendations of the North American
La suspicion d’une anomalie anatomique vie, IPP si traiter l’acide seul suffit, voire Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology,
and Nutrition and the European Society for Pediatric
est l’indication –­ somme toute rare – du chirurgie pour traiter un reflux sévère Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition. J Pediatr
transit œsogastroduodénal (TOGD). Inu- rebelle aux IPP. Gastroenterol Nutr 2018;66(3):516-54.
tile pour prouver ou quantifier un reflux, La mucoviscidose, les suites d’une atré- 9. Berg EA, Khlevner J. Treatment of gastroesophageal
reflux disease in children. Pediatr Rev 2021;42(1):51-3.
le TOGD permet en revanche d’apprécier sie de l’œsophage ou d’une hernie dia-
10. Holbrook JT, Wise RA, Gold BD, et al. Lansoprazole
l’anatomie et la fonction du système anti­ phragmatique, le polyhandicap sont des for children with poorly controlled asthma, a randomized
reflux. Cet examen est prescrit en milieu situations où le reflux est susceptible controlled trial. JAMA 2012;307(4):373-81.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 293


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MISE AU POINT
HTA chez le patient
insuffisant rénal
Automesure : le patient acteur de ses soins
Par Dominique Guerrot, service de néphrologie, CHU Rouen, Inserm U1096, 76031 Rouen,
dominique.guerrot@chu-rouen.fr

L’
hypertension artérielle (HTA) est
le principal facteur de risque modi­
fiable de mortalité et de morbidité Rechercher une cause de l’hypertension artérielle
cardiovasculaire dans les pays oc­ Créatininémie et estimation du DFG par CKD-EPI*
cidentaux. 1 Pourtant, plusieurs Recherche d’une protéinurie (BU ou protéinurie/créatininurie)
études montrent que moins de
Kaliémie
50 % des patients hypertendus sont iden­
tifiés et traités dans la population géné­
rale française.2
Évaluer le risque cardiovasculaire
Les patients ayant une insuffisance ré­
nale chronique (IRC) sont à haut risque
Glycémie à jeun
cardiovasculaire, et la grande majorité
Exploration d’anomalie lipidique à jeun
d’entre eux sont hypertendus. Chez les
patients avec une IRC, la surveillance et
la prise en charge de l’HTA sont donc un
enjeu majeur, avec des spécificités par Évaluer le retentissement cardiaque de l’HTA
rapport à celles des autres patients hy­
pertendus. ECG au repos
Les différents acteurs du réseau de soins
de ces patients participent ainsi à l’optimi­
sation de la prise en charge de leur HTA. Figure 1. Objectifs et éléments du bilan paraclinique initial devant la découverte d’une HTA (d’après
SFHTA-HAS 2016, réf. 3).
BU : bandelette urinaire ; DFG : débit de filtration glomérulaire ; CKD-EPI* : Chronic Kidney Disease
RECHERCHE SYSTÉMATIQUE Epidemiology Collaboration ; ECG : électrocardiogramme ; HTA : hypertension artérielle.
D’UNE NÉPHROPATHIE EN CAS D’HTA * Formule CKD-EPI : DFG = 141 × min(Scr/k)a× max(Scr/k)^–1,209× 0,993^âge× 1,018 (si femme) × k.
Scr : créatinine sérique. k : 0,7 pour les femmes et 0,9 pour les hommes. α : -0,329 pour les femmes
La découverte d’une HTA est un mode et -0,411 pour les hommes. min indique le minimum de Scr/k ou 1. max indique le maximum de Scr/k ou 1.
de révélation très fréquent des néphro­
pathies, parfois avant le stade d’insuffi­ Chronic Kidney Disease Epidemiology veillance spécifiques, et éviter qu’elle ne
sance rénale. Collaboration [CKD-EPI]) et la recherche soit découverte à un stade tardif. L’orien­
Le bilan recommandé par la Haute Auto­ d’une protéinurie (quelle que soit la mé­ tation vers un néphrologue (fig. 2) est le
rité de santé (HAS) lors de la découverte thode) [fig. 1].3 plus souvent nécessaire en cas de dépis­
d’une HTA doit donc être systématique. Ces examens, prescrits par le médecin tage positif, selon l’âge du patient, la sé­
Il comprend le dosage de la créatininémie traitant, permettent d’identifier sans vérité des anomalies et sous réserve de
(avec estimation du débit de filtration glo­ ­délai une maladie rénale pour mettre en l’absence d’un diabète ancien pouvant
mérulaire [DFG] selon l’équation de place d’emblée un traitement et une sur­ expliquer une protéinurie.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 295


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MISE AU POINT HTA CHEZ LE PATIENT INSUFFISANT RÉNAL

Rôle central du médecin Âge > 70 ans


Protéinurie g/g

traitant > 90
< 0,3

Non
0,3-1

Parfois
>1

Souvent

DFGe CKD-EPI (en


mL/min/1,73 m2)
Le médecin traitant est à l’initiative
de l’adaptation du traitement 60-90 Non Souvent Toujours
antihypertenseur du patient ayant
une insuffisance rénale chronique, 30-60 Souvent Souvent Toujours
en prenant en compte :
< 30 Toujours Toujours Toujours
– les valeurs de pression artérielle
observées en automesure ;
– la présence de signes de surcharge
hydrosodée ; Protéinurie g/g
Âge 40-70 ans
– d’éventuels signes cliniques ou < 0,3 0,3-1 >1
biologiques de mauvaise tolérance.
> 90 Non Souvent Toujours
DFGe CKD-EPI (en

En seconde intention, le néphrologue


mL/min/1,73 m2)

est amené à ajuster ou renforcer 60-90 Parfois Souvent Toujours


cette prise en charge, en fonction
des spécificités de l’HTA et de la 30-60 Souvent Toujours Toujours
maladie rénale du patient.
< 30 Toujours Toujours Toujours

HTA : FRÉQUENTE ET SOUVENT Protéinurie g/g


SÉVÈRE EN CAS D’IRC Âge 40-70 ans
< 0,3 0,3-1 >1

L’HTA est la comorbidité la plus fré­ > 90 Non Souvent Toujours


DFGe CKD-EPI (en
mL/min/1,73 m2)

quente dans l’IRC : elle concerne 70 à 95 %


60-90 Parfois Toujours Toujours
de ces patients, et sa prévalence augmente
avec la baisse du DFG. 30-60 Toujours Toujours Toujours
Les maladies cardiovasculaires sont la
première cause de mortalité chez les pa­ < 30 Toujours Toujours Toujours
tients insuffisants rénaux : le contrôle de
l’HTA est donc particulièrement impor­
tant. De nombreux mécanismes physio­
Figure 2. HTA et insuffisance rénale chronique : quand adresser au néphrologue en cas de bilan initial
pathologiques dans l’IRC concourent à
anormal ?
l’augmentation de la pression artérielle. Protéinurie exprimée en gramme par gramme de créatininurie sur échantillon (équivalent à
La majorité des insuffisants rénaux re­ des g/24 heures). DFGe : débit de filtration glomérulaire estimé.
quièrent donc plusieurs traitements anti­
hypertenseurs pour un contrôle tension­
nel satisfaisant. rielle, activation du système nerveux sym­ avec une IRC, notamment en cas d’HTA
pathique (par ordre général d’impor­ résistante. Il doit être évoqué en présence
tance). L’IRC peut compliquer le choix des d’éléments compatibles : ronflements,
SPÉCIFICITÉS DE L’HTA DANS L’IRC médicaments antihypertenseurs en rai­ somnolence diurne, obésité, etc. L’utili­
Comprendre la physiopathologie de l’HTA son de contre-indications liées au bas sation des scores de type Epworth (fig. 3)
dans l’IRC aide à ajuster la prise en charge DFG, de variations fonctionnelles du DFG ou STOP-BANG (Snoring, Tiredness, Ob-
thérapeutique. Selon le stade de l’IRC et le sous certains traitements ou de troubles served apnea, Blood Pressure, BMI, Age,
type de néphropathie, quatre mécanismes hydroélectrolytiques induits (en particu­ Neck Circumference, Gender : https://
prédominent : rétention hydrosodée, ac­ lier hyper­kaliémie et hyponatrémie). bit.ly/3yjP73P) facilite l’identification
tivation du système rénine-angiotensine, Le syndrome d’apnées du sommeil est des patients éligibles à une oxymétrie
dysfonction endothéliale et rigidité arté­ fréquent chez les patients hypertendus nocturne.

296 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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L’ESSENTIEL
La recherche systématique d’une Chez un patient hypertendu, Les inhibiteurs du système Une HTA résistante et/
néphropathie est recommandée par la la présence d’une IRC renforce rénine-angiotensine, l’adaptation ou une dégradation du DFG
HAS lors de la découverte d’une HTA le bénéfice attendu d’une prise des diurétiques et le régime pauvre chez un patient hypertendu
(dosages de la créatininémie et de la en charge optimale de l’HTA, en sel ont une place centrale dans avec IRC justifient le recours
protéinurie) et en cas d’HTA résistante. mais la rend aussi plus difficile. la gestion de l’HTA en cas d’IRC. à un néphrologue .

Enfin, face à un patient insuffisant rénal


ayant une HTA résistante, il convient de 0 : aucune chance de somnoler ou de s’endormir
rechercher, grâce à un avis néphrolo­ 1 : faible chance de s’endormir
gique, une progression de la néphropa­ 2 : chance moyenne de s’endormir
thie, une sténose d’artère rénale en cas de 3 : forte chance de s’endormir
terrain vasculaire ou de rein unique et
une cause d’HTA secondaire surajoutée.
Situation Chance de s’endormir

QUELLE PRISE EN CHARGE ? Assis en train de lire 0 1 2 3

Régime hyposodé, recours adapté aux


En train de regarder la télévision 0 1 2 3
diurétiques et aux inhibiteurs du sys­
tème rénine-angiotensine sont les trois
Assis, inactif dans un lieu public (cinéma, théâtre, réunion) 0 1 2 3
piliers de la prise en charge du patient
hypertendu avec IRC. Comme passager d’une voiture (ou transport en commun)
0 1 2 3
roulant sans arrêt pendant une heure
DES OBJECTIFS TENSIONNELS PLUS
STRICTS QU’EN POPULATION GÉNÉRALE ? Allongé l’après-midi lorsque les circonstances le permettent 0 1 2 3
Comme en population générale, la cible de
pression artérielle à atteindre dans l’IRC Étant assis en parlant avec quelqu’un 0 1 2 3
n’est pas consensuelle ; les multiples re­
commandations divergentes à ce sujet Assis au calme après un déjeuner sans alcool 0 1 2 3
sont source de confusion. En synthèse,
une pression artérielle systolique (PAS) Dans une voiture immobilisée depuis quelques minutes 0 1 2 3
inférieure à 135 mmHg et une pression ar­
térielle diastolique (PAD) inférieure à
85 mmHg en automesure sont un objectif TOTAL :
minimal à atteindre, réaliste et raison­
nable, recommandé par la Société fran­ Figure 3. Échelle de somnolence d’Epworth (source : Réseau Morphée). Un score supérieur à 10 est
çaise d’hypertension artérielle (SFHTA) et le signe d’une somnolence diurne excessive.
la HAS en 2016.3
En se fondant sur l’étude SPRINT, plu­
sieurs sociétés savantes ont recommandé au cabinet médical reste essentiellement giés dans l’IRC à partir du stade 4 (DFG
des objectifs plus stricts chez les patients utile pour le dépistage d’une hypoten­ inférieur à 30 mL/min).
avec une IRC, allant jusqu’à une cible de sion orthostatique. Néanmoins, une étude récente a égale­
PAS inférieure à 120 mmHg.4,5 Cet objectif ment démontré l’intérêt de la chlortha­
intensif, qui semble malheureusement CONTRÔLER LA VOLÉMIE : MOINS DE SEL lidone, renforçant la place des diuré­
peu réaliste en pratique courante, peut ET DES DIURÉTIQUES SPÉCIFIQUES tiques thiazidiques et apparentés
être envisagé chez des patients auto­ Pour atteindre la cible tensionnelle, (hydrochlorothiazide, indapamide,
nomes et motivés, chez qui le traitement le contrôle de la volémie est essentiel chlorthalidone) dans cette population.6
est bien toléré et la surveillance régulière. dans l’IRC.
Une restriction sodée (moins de 5 g/j de Place des diurétiques épargneurs
PRIVILÉGIER L’AUTOMESURE NaCl) et une adaptation régulière des diu­ de potassium
L’automesure renforce l’implication du rétiques à la clinique sont les préalables Les antagonistes du récepteur minéra­
patient et optimise les adaptations du d’un contrôle tensionnel adapté dans locorticoïde (spironolactone, éplérénone,
traitement en limitant les risques d’iner­ les stades avancés de la maladie rénale finérénone) sont d’excellents anti­
tie thérapeutique et de surdosage. chronique. hypertenseurs. Ils sont recommandés en
Dans la mesure du possible, cette moda­ cas d’HTA résistante à une trithérapie
lité de surveillance de la pression arté­ Diurétiques préconisés classique (inhibiteur du système ré­
rielle doit donc être favorisée, comme Les diurétiques de l’anse (furosémide, nine-angiotensine + inhibiteur calcique
chez tout patient hypertendu ; la mesure bumétanide) sont généralement privilé­ + diurétique thiazidique ou apparenté).

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 297


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MISE AU POINT HTA CHEZ LE PATIENT INSUFFISANT RÉNAL

Diurétiques thiazidiques ou apparentés


Que dire à vos patients ?
hydrochlorothiazide 12,5-50 mg/j, indapamide LP 1,5 mg/j Un bon contrôle de la pression
artérielle est le meilleur moyen
Diurétiques de première Antagonistes minéralocorticoïdes – à l’efficacité démontrée – pour
intention dans l’HTA spironolactone 12,5-100 mg/j, éplérénone 25-50 mg/j réduire le risque d’événements
Demi-vie de l’indapamide
cardiovasculaires.
> HCTZ Indiqués en cas d’HTA Diurétiques de l’anse
Plus efficaces si DFGe résistante ou d’hyper­ furosémide 20-500 mg/j Le contrôle de l’HTA repose au moins
> 30 mais restent utiles aldostéronisme primaire bumétanide 0,5-10 mg/j autant sur l’implication du patient et
si DFGe < 30, notamment Utiles en association avec de son entourage que sur celle des
en association aux un autre diurétique en cas Indiqués pour contrôler médecins et des soignants.
diurétiques de l’anse de surcharge hydrosodée la surcharge hydrosodée
Risque d’hyponatrémie difficile à contrôler ou Idéalement 2 prises par jour Une limitation raisonnable de la
(qui récidive à la d’hypokaliémie Si nécessaire (IRC évoluée consommation sodée et une bonne
réintroduction) et Posologies élevées ou syndrome cardiorénal), observance des traitements sont
d’hypokaliémie réservées à l’hyperaldosté- possibilité de majorer indispensables.
ronisme primaire progressivement
Contre-indiqués si DFGe < le furosémide jusqu’à Comme pour tout patient hypertendu
30 ou hyperkaliémie 500 mg/j et dans la mesure du possible, la
surveillance de la pression artérielle
doit se faire en automesure à
Figure 4. Utilisation des diurétiques dans la prise en charge de l’HTA en cas d’insuffisance rénale domicile et être discutée lors des
chronique. HCTZ : hydrochlorothiazide ; HTA : hypertension artérielle ; DFGe : débit de filtration consultations de suivi.
glomérulaire estimé par l’équation CKD-EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration) ;
IRC : insuffisance rénale chronique.

Leur utilisation dans l’IRC est cependant INHIBITEURS DU SYSTÈME RÉNINE- des inhibiteurs du système rénine-angio­
souvent limitée par des kaliémies à la li­ ANGIOTENSINE : ESSENTIELS ! tensine est généralement réévalué par le
mite supérieure de la normale. Ils sont par Avec les diurétiques, les inhibiteurs du sys­ néphrologue en fonction de la balance béné­
ailleurs contre-indiqués en cas de DFG tème rénine-angiotensine (inhibiteurs de fice-risque individuelle du patient (contrôle
inférieur à 30 mL/min. l’enzyme de conversion [IEC] ou antagonistes de la néphropathie, de la pression artérielle et
Un fractionnement des prises, des doses des récepteurs AT1 de l’angiotensine 2 [ARA2]) d’une éventuelle cardiopathie associée versus
accrues de diurétiques de l’anse et l’asso­ sont l’autre clé de voûte du traitement anti­ un risque d’hyper­kaliémie et de dégradation
ciation de plusieurs diurétiques doivent hypertenseur dans l’IRC. fonctionnelle accélérée du DFG).
ainsi être envisagés en cas d’hypertension Lors de leur instauration ou de leur majora­
artérielle non contrôlée chez ces patients tion, une baisse fonctionnelle et réversible L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
(fig. 4). du DFG de 10 à 20 % est fréquente ; elle est L’auteur remercie le Dr Samuel Autret (cabinet de
Ces mesures se font souvent au prix d’une généralement tolérée en l’absence d’hyper­ médecine générale, Lanrivoaré) et le Dr Steven
dégradation modérée, fonctionnelle et kaliémie. Au stade 5 de la maladie rénale chro­ Grangé (service de néphrologie, CHU Rouen)
réversible du DFG. nique(DFG<15mL/min),lapoursuiteou l’arrêt pour leur relecture et leurs conseils avisés.

RÉFÉRENCES
1. GBD 2015 Risk Factors Collaborators. 2. NCD Risk Factor Collaboration (NCD- artérielle de l’adulte. Octobre 2016. Group. KDIGO 2021 Clinical Practice Gui-
Global, regional, and national comparative RisC). Worldwide trends in hypertension deline for the Management of Blood Pres-
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risk assessment of 79 behavioural, en- prevalence and progress in treatment sure in Chronic Kidney Disease. Kidney Int
Jr, Williamson JD, et al. A Randomized
and control from 1990 to 2019: a pooled 2021;99(3S):S1-S87.
vironmental, and occupational, and me- analysis of 1201 population-representa- Trial of Intensive versus Standard
tabolic risks or clusters of risks, 1990- tive studies with 104 million participants. Blood-Pressure Control. N Engl J Med 6. Agarwal R, Sinha AD, Cramer AE, et
2015: a systematic analysis for the Lancet 2021;398(10304):957-80. 2015;373(22):2103-16. al. Chlorthalidone for Hypertension in
Global Burden of Disease Study 2015. 3. HAS. Recommandation de bonne pra- 5. Kidney Disease: Improving Global Advanced Chronic Kidney Disease. N Engl
Lancet 2016;388(10053):1659-724. tique. Prise en charge de l’hypertension Outcomes (KDIGO) Blood Pressure Work J Med 2021;385(27):2507-19.

298 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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MISE AU POINT
Surveiller l’épidémie de Covid-19
Les clés pour bien interpréter les chiffres
Par Catherine Hill, biostatisticienne et épidémiologiste, institut Gustave-Roussy, 94800 Villejuif,
catherine.hill@gustaveroussy.fr

P
our surveiller l’épidémie de Covid-19, DÉCALAGE ENTRE LES INDICATEURS NOMBRE VERSUS TAUX
les principaux indicateurs utilisés
ont été les nombres de décès, d’ad- Par rapport au déroulement de l’infec- On peut facilement convertir ces indicateurs
missions en réanimation ou en hos- tion, les différents indicateurs donnent (exprimés en nombres) en taux, en les divi-
pitalisation conventionnelle, et le des informations plus ou moins décalées sant par le nombre d’habitants, qui est de
nombre de nouveaux cas confir- dans le temps. Il en est ainsi des nombres 67,8 millions au 1er janvier 2022.* Si l’échelle
més. En France, ces indicateurs ont été de décès, d’admis­sions en réanimation et verticale est graduée de 678 en 678, on peut y
surveillés et publiés tous les soirs par en hospitalisa­tion conventionnelle, et de repérer les taux pour 100 000 directe­
Santé publique France. cas confirmés en France (figures dispo- ment car 678/67 800 000 = 1 pour 100 000
nibles sur https://bit.ly/3m2LOXD). (figures illustrant cette échelle en ligne
Les évolutions des admissions à l’hô- sur https://bit.ly/3m2LOXD). D’autres
SÉPARER LE BRUIT DU SIGNAL pital et en réanimation sont à peu près courbes peuvent comporter une échelle
Pour étudier l’évolution de l’épidémie à synchrones. Pendant longtemps, on a en taux par million (figures disponibles
partir des décès, des admissions à l’hô- observé environ une admission en réani- en ligne : https://bit.ly/3m2LOXD).
pital ou des cas confirmés, il est impor- mation pour cinq admissions à l’hôpital
tant de séparer le « bruit » du « signal ». (fig. 1A) : ces deux indicateurs étaient
En effet, tous ces chiffres sont beaucoup donc relativement redondants. Depuis
INCIDENCE
plus faibles les samedis et dimanches, et mars 2022, on observe une admission Pour mesurer la fréquence d’une mala-
particulièrement élevés les lundis ; pour en réanimation pour dix à douze ad- die, on étudie en général son incidence,
les décès, il s’agit probablement d’un re- missions à l’hôpital, peut-être parce c’est-à- dire le nombre de nouveaux cas
port des enregistrements des décès que les infections par Omicron sont survenant dans un laps de temps donné
du week-end au lundi suivant. À cause moins graves. dans une région géographique ou dans
de ce phénomène, observé dans la plu- Les nombres d’admissions à l’hôpital et de une population déterminée. L’incidence
part des pays, on étudie l’évolution de décès ne sont pas synchrones (fig. 1B) ; pour des infections par le SARS-CoV-2, donc
la moyenne glissante sur sept jours, retrouver la synchronicité, la figure 1C il- le nombre de nouvelles contaminations
c’est-à-dire qu’on remplace la valeur ob- lustre, pour chaque jour, les admissions du survenant chaque jour, n’est disponible
servée le jour J par la moyenne des sept jour et les décès dix jours plus tard. dans aucun pays. Pour la connaître,
valeurs observées entre J - 3 et J + 3. Les évolutions des cas confirmés et des il faudrait suivre des personnes qui ne
C’est ce que font les principaux sites qui décès ne sont pas non plus synchrones, sont pas infectées, et enregistrer les in-
présentent les données internationales et la figure 1D présente chaque jour fections et la durée du suivi de chaque
de l’épidémie.1,2 Ainsi, rien ne justifie le nombre de cas confirmés et le nombre personne. Dans une étude réalisée en
l’obstination de certains médias grand de décès quatorze jours plus tard. En août Israël, environ 600 000 personnes ayant
public à communiquer sur le nombre de 2021, le rapport était de 1 000 cas confir- reçu quatre doses de vaccin contre le Covid
décès survenant les dimanches. Par més pour 5 décès. et 600 000 personnes ayant reçu trois
exemple, Le Monde et Libération ont rap- Il y avait beaucoup plus de décès par rap- doses ont été suivies quelques semaines.
porté le nombre de décès du 10 avril 2022 port au nombre de cas avant cette période La fréquence quotidienne des infections
(45 !), ce qui pouvait paraître rassurant car de très nombreuses personnes conta- graves a été de 1,5 pour 100 000 personnes
alors qu’il a été suivi de 178 décès le len- minées (non hospitalisées) n’ont pas été avec quatre doses et de 3,9 pour 100 000 per-
demain. testées. sonnes avec trois doses.3

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 299


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MISE AU POINT SURVEILLER L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

En France, les autorités fondent une


partie de leur surveillance sur le nombre A
de cas confirmés divisé par le nombre 4 000 800
d’habitants, qu’elles appellent « taux
3 000 600

conventionnelle
d’incidence ».

Hospitalisation

Réanimation
Ce « pseudo-taux d’incidence » ne donne 2 000 400
pas une estimation acceptable de l’inci-
dence de l’infection. D’abord, le nombre 1 000 200
de cas confirmés dépend énormément de
la pratique des tests ; de plus, la sélection 0 0
de la population testée n’a jamais été 1/4/20 1/8/20 1/12/20 1/4/21 1/8/21 1/12/21 1/4/22
contrôlée et a varié au cours du temps. En B
4 200 600
effet, plusieurs études ont montré que
la comptabilisation des cas confirmés
conventionnelle
Hospitalisation

sous-estimait systématiquement les 2 800 400

Décès
nombres réels de personnes infectées.
Selon l’équipe de Vittoria Colizza,7 le 1 200 200
nombre de personnes testées positives
pour le SARS-CoV-2 entre le 13 mai et le
0 0
28 juin 2020 représentait 10 % des cas 1/4/20 1/8/20 1/12/20 1/4/21 1/8/21 1/12/21 1/4/22
pendant cette période, indiquant une
C
sous-estimation d’un facteur 10. Selon un 4 200 600
rapport du Conseil scientifique, 8

Décès 10 jours après


conventionnelle
Hospitalisation

le 1er mars 2021, 17 % de la population au- 2 800 400


rait été infectée en métropole, soit 11 mil-
lions de personnes, à comparer aux
1 200 200
3,8 millions de cas confirmés ; la circulation
du virus jusqu’à cette date a donc été
sous-estimée environ d’un facteur 3. 0 0
1/4/20 1/8/20 1/12/20 1/4/21 1/8/21 1/12/21 1/4/22
On peut aussi comparer les rapports entre
nombre cumulé de décès et nombre cumu- D
400 000 2 000
lé de cas entre différents pays. Ainsi, à la

Décès 14 jours après


date du 5 mai 2022, ce rapport s’élève à 300 000 1 500
Cas confirmés

0,21 % au Danemark et à 0,51 % en France ;


si on considère que le système de santé est 200 000 1 000
aussi efficace dans les deux pays, on peut
en déduire que le nombre de cas est 100 000 500
sous-estimé en France au moins d’un fac-
teur 2,4 (0,51 %/0,21 % = 2,4). 0 0
1/4/20 1/8/20 1/12/20 1/4/21 1/8/21 1/12/21 1/4/22

Figure 1.
A : nombres quotidiens d’admissions en E
350 000
hospitalisation conventionnelle et en
Décès 14 jours après

réanimation. B : nombres quotidiens 250 000


Cas confirmés

d’admissions en hospitalisation
conventionnelle et de décès. C : nombres 150 000
quotidiens d’admissions en hospitalisation
50 000
conventionnelle et de décès reculés de
10 jours. D : nombre de cas confirmés -250
et nombre de décès reculés de 14 jours.
Rapport des échelles : 5 décès pour 1 000 cas. -750
E : nombre de cas confirmés et nombre 1/4/20 1/8/20 1/12/20 1/4/21 1/8/21 1/12/21 1/4/22
de décès reculés de 14 jours et mis en miroir.
Rapport des échelles : 5 décès pour 1 000 cas.

300 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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L’ESSENTIEL
Les nombres de cas confirmés Seul le nombre des admissions La prévalence, les nombres de décès, d’admission
et de lits d’hospitalisation ne de patients atteints de Covid en réanimation et en hospitalisation conventionnelle sont
reflètent pas fidèlement l’évolution permet de surveiller les indicateurs les plus fiables, dans les pays développés,
de l’épidémie Covid. la dynamique de l’épidémie. pour surveiller l’évolution de l’épidémie.

PRÉVALENCE
C’est le nombre de cas présents à un ins- A 10.00

tant donné dans une région géogra- 1000

Décès quotidiens
phique déterminée, quelle que soit l’an- 1.00

Prévalence
cienneté de l’infection. Si on ne peut pas 100
déterminer le nombre de cas dans l’en-
0.10
semble de la population, réaliser une
10
recherche systématique dans un
0.01
échantillon représentatif de la popu-
lation est une méthode très efficace et B 10.00

Hospitalisations quotidiennes
beaucoup moins chère. Les organismes
de sondages savent en effet définir un
1.00
échantillon représentatif, contenant la 1000
Prévalence

même proportion de personnes que dans


l’ensemble de la population en termes de 0.10 100
sexe, d’âge, de niveau de vie, de type de
résidence urbaine ou rurale, etc. Ainsi, 0.01
10
pour connaître la prévalence des infec- Avr Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Dec Jan Fev Mars Avr Mai Juin Juil Août Sept Oct Nov Dec Jan Fev
tions Covid, des chercheurs anglais, as- 2020 2021 2022
sociés à un organisme de sondages, ont Jour du prélèvement
envoyé à des échantillons représentatifs
de la population un kit pour effectuer un Figure 2. Résultats des 17 premiers sondages de l’étude REACT-1 en Angleterre, avec surimposition
des décès en rouge et des hospitalisations en bleu.
autoprélèvement nasal, ce dernier étant
ensuite envoyé à un laboratoire pour
faire un test PCR. Des échantillons suc-
cessifs de 150 000 personnes ont ainsi été tifs chez les personnes qui ont été soit
RISQUE CUMULÉ
testés de mai 2020 à mars 2022. (La figure contaminées soit vaccinées et chez qui
représentant les résultats des 19 son- les anticorps sont encore détectables. Le nombre cumulé de décès attribués au
dages est disponible sur https://bit. En France, on a recherché les anticorps Covid-19 depuis le début de l’épidémie est
ly/3m2LOXD).4 La prévalence moyenne anti-SARS-CoV-2 dans tous les fonds de un indicateur important. Pour comparer
de l’infection dans le sondage de mars tube des prélèvements sanguins réalisés la mortalité cumulée dans différents pays,
2022 était d’environ 6 % en moyenne. par les laboratoires Cerba ou Eurofins il est nécessaire de rapporter les nombres
Quelle est la relation entre incidence et Biomnis pendant une semaine. 5,6 Ceci de décès à l’effectif de la population. Ainsi,
prévalence ? En première approxima- a été fait à sept reprises de la semaine la mortalité par Covid-19, cumulée depuis
tion, la prévalence est égale à l’incidence du 9 au 15 mars 2020 à la semaine du 18 le début de la pandémie jusqu’au 22 avril
multipliée par la durée moyenne de la au 24 octobre 2021. Les résultats des 2022 est, par million d’habitants, de 3 042
maladie. quatre premiers sondages montrent que aux États-Unis, 2 525 au Royaume-Uni et
Ainsi, si l’infection par le SARS-CoV-2 la séroprévalence du virus a augmenté de 2 210 en France métropolitaine.1
dure environ dix jours, la prévalence est 0,4 % en mars 2020 à 4,9 % en octobre
10 fois l’incidence. 2020, indépendamment de l’âge, suggé-
rant, contrairement à ce qu’on pensait
QU’EN RETENIR ?
initialement, que le SARS-CoV-2 a infecté L’ensemble des données montre que
SÉROPRÉVALENCE DES ANTICORPS toutes les tranches d’âge (y compris les le nombre de cas confirmés et son dérivé,
ANTI-SARS-COV-2
enfants) dès le début de la pandémie. le « pseudo »-taux d’incidence (nombre
La surveillance sérologique consiste à re- Dans les deux derniers sondages, en juin de cas confirmés divisé par le nombre
chercher les anticorps anti-SARS-CoV-2 et octobre 2021, la fréquence des anti- d’habitants), ne donnent pas une vision
dans des prélèvements sanguins. corps augmente avec l’âge, en lien avec la fiable de l’ensemble de l’épidémie.
La séroprévalence quotidienne est le vaccination, qui a débuté dans la popula- Le nombre de lits d’hospitalisation conven-
nombre de résultats positifs dans les pré- tion la plus âgée (figure disponible sur tionnelle et de réanimation occupés par des
lèvements du jour. Les résultats sont posi- https://bit.ly/3m2LOXD). patients atteints de Covid, sur lesquels les

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 301


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MISE AU POINT SURVEILLER L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

autorités se sont appuyées surtout lors des Pour faire le bilan de l’épidémie, et
premières vagues, n’est pas non plus un bon comparer ce bilan entre pays, l’indica- RÉFÉRENCES
1.Worldometer.Covid-10CoronavirusPandemic. 10 mai 2022.
indicateur de l’épidémie. En effet, l’occupa- teur le moins mauvais est le nombre 2. Ritchie H, Mathieu E, Rodés-Guirao L, et al. Coronavirus
tion des lits dépend non seulement des en- cumulé de décès attribués au Covid Pandemic (COVID-19). Our World in Data, 10 mai 2022.
trants mais aussi des sortants : ce sont les divisé par le nombre d’habitants. Ain- 3. Bar-On YM, Goldberg Y, Mandel M, et al. Protection
by a Fourth Dose of BNT162b2 against Omicron in Israel.
admissions qui permettent d’en surveiller si, d’après Worldometer,1 le 10 mai 2022, N Engl J Med 2022;386(18):1712-20.
la dynamique. les nombres cumulés de décès par Co- 4. Chadeau-Hyam M, Tang D, Eales O, et al. The Omicron
En conclusion, pour surveiller l’évolu- vid-19 par million d’habitants était de 5 SARS-CoV-2 epidemic in England during February 2022.
Imperial College London, 8 mars 2022.
tion de l’épidémie, les indicateurs les 400 en Bulgarie, 2 700 en Italie, 2 600 au 5. Le Vu S, Jones G, Anna F, et al. Prevalence of SARS-
plus fiables, en tout cas dans les pays Royaume-Uni, 2 200 en France, 290 en CoV-2 antibodies in France: results from nationwide
serological surveillance. Nat Commun 2021;12(1):3025.
développés, sont les nombres de décès, Australie et 165 en Nouvelle-Zélande. 6. Santé publique France. COVID-19 : études pour suivre
les nombres d’admissions en réanima- la part de la population infectée par le SARS-CoV-2 en
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
tion et en hospitalisation convention- France. 22 avril 2020.
7. Pullano G, Di Domenico L, Sabbatini CE, et al. Underde-
nelle, et la prévalence. En Angleterre, les tection of cases of COVID-19 in France threatens epide-
évolutions de la prévalence et de la morta- * La variation de la population passée mic control. Nature 2021;590(7844):134-9.
lité et les évolutions de la prévalence et des 8. Delfraissy JF, Etlani-Duault L, Benamouzig D, et al. Avis du
de 67,5 millions au 1er janvier 2020
Conseil scientifique COVID-19. Anticiper et différencier les
admissions à l’hôpital (fig. 2) sont relative- à 67,8 millions au 1er janvier 2022 peut stratégies pour sortir des phases aiguës de l’épidémie. Mi-
ment concordantes. être négligée. nistère des Solidarités et de la Santé, 11 mars 2021.

www.larevuedupraticien.fr
Retrouvez sur www.larevuedupraticien.fr les dernières actualités

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MALADIES RARES : LES ASTUCES MALADIE DE DUPUYTREN : PREMIER ALLERGIE ALIMENTAIRE : CHERCHEZ
POUR REPÉRER ET ORIENTER TRAITEMENT AUX STADES PRÉCOCES ! AUSSI EN DEHORS DE L’ASSIETTE !
En France, environ 3 millions de personnes sont atteintes d’une Liée à un épaississement de l’aponévrose palmaire, cette pathologie Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’allergène alimen-
maladie rare. Pour ces patients, l’errance diagnostique peut dépas- peut être très handicapante. Aujourd’hui, aucun traitement n’est taire ne se niche pas uniquement dans l’assiette. Les modes de
ser cinq ans. Le repérage et l’orientation par les généralistes, bien indiqué dans les stades débutants (pour prévenir sa progression), sensibilisation et les facteurs déclenchants sont multiples et
qu’essentiels, sont loin d’être évidents. C’est pourquoi le CMG, en les interventions médico-chirurgicales étant réservées aux atteintes parfois insoupçonnés : contact avec la peau, inhalation, conta-
partenariat avec les filières maladies rares, a élaboré des outils avec handicap fonctionnel. Pour la première fois, un traitement minations croisées… Il faut les connaître pour bien mener
pratiques pour aider les médecins traitants. pharmacologique précoce a montré une efficacité. l’interrogatoire. Par Catherine Quéquet, allergologue.

https://bit.ly/3Ogcctd https://bit.ly/3mp4BMK https://bit.ly/3Q3Z77O


DERMATITE ATOPIQUE : QUEL ÉMOLLIENT ? HDL-CHOLESTÉROL : PAS SI « BON » MONKEYPOX : QUATRE CHERCHEURS
La dermatite atopique touche 15 à 30 % des enfants. Le traite- QUE ÇA… FONT LE POINT
ment de fond repose sur l’application d’émollients, disponibles Le HDL-cholestérol est considéré comme un facteur protecteur vis- Retrouvez les toutes nouvelles données concernant l’émer-
dans le commerce sous différentes galéniques (crème, pommade, à-vis du risque cardiovasculaire, et il est d’ailleurs pris en compte gence du virus monkeypox, présentées par les Drs Alexandra
lait…). Pour la première fois, un essai randomisé anglais a dans les systèmes de calcul de ce risque. Une étude américaine Mailles, Xavier Lescure, Brigitte Autran et Steve Ahuka-
comparé l’efficacité et la sécurité de ces différents vecteurs. parue dans JAMA Cardiology remet en question cette notion : les Mundeke lors d’une conférence récente de l’ANRS Maladies
Retour sur ces résultats et les modalités d’utilisation des traite- patients dont le taux de HDL-cholestérol est très élevé auraient infectieuses émergentes. Bilan sur la situation actuelle, origine
ments locaux dans cette pathologie. paradoxalement une mortalité plus élevée. Explications… du virus, traitements, vaccin…

302 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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VOS PATIENTS
SÉRIE PROCTO

Impossible de
s’asseoir… !
Abcès de la fesse
Par Marie-Lise Thierry, Vincent de Parades
Service de proctologie médico-chirurgicale,
groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, 75014 Paris Figure 1.
thierrymarielise@gmail.com, vdeparades@ghpsj.fr

• Une femme de 37 ans consulte aux urgences pour


des douleurs permanentes, pulsatiles, insomniantes,
non rythmées par les selles, au niveau de la fesse
gauche.

• À l’examen, la peau apparaît rougeâtre, tendue et


luisante (fig. 1).

DISCUSSION
L’abcès de la fesse nécessite une prise en charge ur-
gente du fait de l’intensité de la douleur et du risque d’évo-
lution vers une fasciite nécrosante et/ou une septicémie.
Le diagnostic est clinique. Les douleurs insomniantes
sont évocatrices. L’aspect est évident, avec parfois un orifice
cutané et un écoulement purulent spontané.
Le traitement consiste en l’évacuation du pus collecté
sans tarder afin de prévenir la survenue de complications
Figure 2.
septiques. En pratique, une incision de la peau est réalisée
en regard de l’abcès, en consultation, sous anesthésie locale
ou au bloc opératoire si l’abcès est profond. Ce geste permet Le patient doit ensuite être adressé en consultation spé-
un soulagement rapide de la douleur et une régression de cialisée pour rechercher et prendre en charge la cause de l’ab-
l’inflammation adjacente en quelques jours. L’association cès : furoncle, fistule anale cryptoglandulaire (fig. 2), maladie
d’une antibiothérapie est nécessaire en cas de fasciite ou de Crohn, maladie de Verneuil…
de septicémie ; elle peut également être justifiée en cas de ter-
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
rain à risque : immunosuppression, prothèse, valve car-
diaque ou germe spécifique.
En revanche, l’antibiothérapie seule ne peut suffire à trai- POUR EN SAVOIR PLUS
ter un tel abcès.
Fathallah N, Ravaux A, de Parades V, et al. Conduite à tenir face à un abcès
Par ailleurs, les anti-inflammatoires non stéroïdiens anopérinéal. Ann Fr Med Urgence 2017;7:174-82.
(AINS) sont contre-indiqués car ils favorisent la diffusion Amato A, Bottini C, De Nardi P, et al. Evaluation and management of perianal abscess
de la suppuration, augmentant le risque de fasciite. and anal fistula: SICCR position statement. Tech Coloproctol 2020;24:127-43.

Cette fiche est la 15e de la série « Parlons d’anus ». Retrouvez la série complète sur www.larevuedupraticien.fr, en allant sur ce lien : https://bit.ly/3qRyIMM

LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE


MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME XX
36 - N°
N°XXX - XXXX
1068 - JUIN20XX
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VOS PATIENTS
Doc, j’ai mis trop
d’huile de coude !
Hygroma
du coude
Figure 1.

Par Charlène Fraysse1, Caroline Demurger2


1. Service de santé des armées, 54200 Toul
2. Hôpital d’instruction des armées Legouest, 57077 Metz
charlene.fraysse@orange.fr, carodem64@gmail.com

Un militaire de 50 ans, secrétaire, en mission


extérieure, consulte pour une douleur du coude gauche
persistant depuis une semaine. Le coude apparaît
œdématié, rouge (fig. 1 et 2), chaud, la peau sèche en
regard (fig. 3), mais sans impotence fonctionnelle.
À la palpation, une douleur est ressentie au niveau
de la tuméfaction.
Figure 2.
Le diagnostic décèle une bursite rétro-olécranienne,
liée à la position d’appui des coudes sur le bureau.
Le traitement mis en place est l’application de
pansements alcoolisés 3 fois par jour pendant vingt
minutes jusqu’à disparition de l’œdème.
L’évolution est favorable, après éviction de la posture
d’appui sur le coude.

DISCUSSION
La bursite rétro-olécranienne (ou hygroma du coude)
est un épaississement de la paroi de la bourse avec un épan-
chement liquidien séreux, dont la principale complication Figure 3.
à rechercher est l’infection.1 Son origine est mécanique ou
inflammatoire. Elle se développe en regard des zones d’appui
et est reconnue comme maladie professionnelle lorsque d’éventuels anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
les travaux comportent un appui prolongé sur la face posté- L’aménagement des conditions de travail (ergonomie du
rieure du coude.2 poste) est indispensable pour limiter l’appui sur les coudes.
Cliniquement, un œdème est visible au niveau de l’arti- Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
culation, qui est érythémateuse, chaude et indolore.
Les amplitudes articulaires en pronosupination et en RÉFÉRENCES
flexion-extension sont conservées, contrairement à ce qu’en-
1. Garcia L, Groff MH. Coup de coude... Hygroma du coude. Rev Prat Med Gen
traînerait une arthrite. 2010;24(848):716.
Le traitement consiste en la mise au repos, l’application 2. Descatha A, Jauffret P. Déclarer un TMS en maladie professionnelle.
de pansements d’alcool iodés alternés avec de la glace et Rev Prat Med Gen 2010;24(852):883-7.

304 LA
LAREVUE
REVUEDU PRATICIENMÉDECINE
DUPRATICIEN MEDECINEGÉNÉRALE
GÉNÉRALE--TOME
TOME36
XX--N° 1068- -XXXX
N°XXX JUIN 20XX
2022
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VOS PATIENTS
D’une paralysie
faciale à une autre…
Syndrome
de Melkersson-
Rosenthal La cause de ce syndrome est mal connue.2 En cas d’histoire
familiale, une prédisposition génétique est supposée (un
Par Eva Diab, Inès Masmoudi gène possiblement impliqué a été localisé sur le chromo-
Service de neurologie, CHU d’Amiens some 9 [chr9p11]). D’autres facteurs sont évoqués : influence
diab.eva@chu-amiens.fr du régime alimentaire, terrain allergique, infections virales,


déficit immunitaire, lymphogranulomatoses bénignes,
Une patiente de 46 ans consulte pour des épisodes
hyper­réactivité du système neurovasculaire et même in-
itératifs de paralysie faciale :
fluence du stress.3
– en 2011, une paralysie faciale périphérique gauche Le diagnostic est clinique. La survenue d’au moins un
survenue en absence de contexte viral ; épisode de paralysie faciale périphérique et/ou l’observation
– en 2014, un épisode de langue plicaturée (figure) d’une langue plicaturée associé à un œdème orofacial per-
et d’œdème orofacial droit sans contexte particulier met de poser le diagnostic de Melkersson-Rosenthal.
et avec un bilan étiologique négatif (dont une biopsie Les biopsies cutanées, non nécessaires au diagnostic,
de lèvre normale) ;
peuvent toutefois l’étayer. En effet, l’examen histopatholo-
– en 2020, un épisode de paralysie faciale périphérique gique retrouve dans 46 % des cas une inflammation granu-
survenue après une infection par le SARS-CoV-2. lomateuse,4 tandis qu’une inflammation non spécifique est
• Elle a pour antécédents principaux une algie
vasculaire de la face, une hypothyroïdie nécessitant
retrouvée dans 36 % des cas ; dans les 18 % restants, aucune
anomalie n’est retrouvée à l’examen histologique.
un traitement substitutif, un tabagisme actif, quatre Le traitement est symptomatique : corticostéroïdes et
grossesses dont deux fausses couches. anti-inflammatoires en priorité.5 Dans une série de sept pa-
• Le bilan étiologique exhaustif se révèle sans
anomalie : IRM cérébrale normale, pas d’argument
tients, le traitement par corticostéroïdes a amélioré l’œdème
orofacial et les paralysies faciales périphériques, mais pas la
pour une pathologie de système, notamment langue plicaturée.2 En cas de récurrence importante, un trai-
sarcoïdose ; le scanner thoracique et le taux d’enzyme tement de seconde ligne par immunosuppresseurs peut être
de conversion de l’angiotensine sont normaux.
proposé.
• Les multiples épisodes de paralysies faciales
périphériques, langue plicaturée et œdème orofacial
Des chirurgies de décompression du nerf facial ont pu être
proposées, mais leur efficacité n’est pas prouvée.
orientent vers un syndrome de Melkersson-Rosenthal.
E. Diab déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
I. Masmoudi déclare des interventions ponctuelles pour Novartis, Roche,
Biogene et Genzyme et déclare avoir été prise en charge à l’occasion de

DISCUSSION
Le syndrome de Melkersson-Rosenthal est une pathologie
déplacement par Novartis, Biogen, Genzyme, Teva, Roche, BMS et Merck.

RÉFÉRENCES
rare de la famille des granulomatoses non caséeuses, apparais- 1. Torabi M, Karimi Afshar M, Barati H. Melkersson-Rosenthal Syndrome: a Case
Report of the Classic Triad. J Dent (Shiraz) 2020;21(4):335-7.
sant généralement entre l’adolescence et l’âge de 40 ans.1 Il
2. Liu R, Yu S. Melkersson-Rosenthal syndrome: a review of seven patients.
associe la triade : œdème orofacial, langue plicaturée et para- J Clin Neurosci 2013;20(7):993-5.
lysies faciales périphériques à répétition. Son incidence est 3. Jasinska D, Boczon J. Melkersson-Rosenthal syndrome as an early manifes­
d’environ 0,08 %, avec un sex-ratio au détriment des femmes, tation of mixed connective tissue disease. Eur J Med Res 2015;20:100.
toutefois encore débattu. La triade classique est constatée uni- 4. Elias MK, Mateen FJ, Weiler CR. The Melkersson-Rosenthal syndrome: a retros-
pective study of biopsied cases. J Neurol 2013;260(1):138-43.
quement chez 8 à 18 % des patients, les formes mono- ou oligo- 5. Dhawan SR, Saini AG, Singhi PD. Management Strategies of Melkersson-­
symptomatiques étant les plus fréquentes. Rosenthal Syndrome: A Review. Int J Gen Med 2020;13:61-5.

LA REVUE DU PRATICIEN MEDECINE


MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME XX
36 - N°
N°XXX - XXXX
1068 - JUIN20XX
2022 305
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ARRÊT SUR IMAGE
Une tumeur cutanée rare
OBSERVATION
Un homme de 45 ans, sans
antécédents médicaux,
consulte pour une masse
érythémateuse violacée,
à surface lisse, ulcérée
par endroits, d’environ
7 cm de grand axe et non
douloureuse, située au
niveau de la région sus-
ombilicale (photo).
À l’étude anatomo­
pathologique, la présence
d’une prolifération
dermohypodermique
constituée de
cellules fusiformes
monomorphes exprimant
les anticorps anti-CD34
et anti-P53 oriente
vers le diagnostic de
DERMATOFIBROSARCOME
dermatofibrosarcome DE DARIER-FERRAND
de Darier-Ferrand.
Le traitement, chirurgical,
Rare (entre 0,1 et 1 % des tumeurs cutanées malignes), le dermatofibro­
a nécessité une exérèse sarcome de Darier-Ferrand est une tumeur dermique mésenchymateuse de
à marges latérales de malignité intermédiaire.
5 cm avec reconstruction
secondaire. Le diagnostic clinique est difficile : lorsqu’elle est infiltrante, la lésion
apparaît comme une plaque indurée. À un stade plus avancé, elle s’étend
Par et forme une masse multinodulaire plus ou moins douloureuse.1,2
Saïda Sefraoui1, Indispensable, l’analyse anatomopathologique affirme le diagnostic en
Soraya Aouali1, Nada révélant une prolifération essentiellement dermique de cellules fusiformes,
Zizi1,2, Siham Dikhaye1,2
1. Service de dermatologie,
monomorphes, à noyaux allongés, exprimant l’anticorps anti-CD34.
CHU Mohamed-VI ; L’exérèse chirurgicale large est le traitement de référence. Elle est réalisée
faculté de médecine et de
pharmacie d’Oujda, université par technique micrographique de Mohs ou par technique conventionnelle.
Mohammed-Ier, Oujda, Maroc L’imatinib, inhibiteur de la tyrosine kinase, a également une place dans la prise
2. Laboratoire d’épidémiologie en charge en cas de lésion inopérable, en rechute ou métastatique.1,2
de recherche clinique
et de santé publique ;
faculté de médecine et de RÉFÉRENCES
pharmacie d’Oujda, université
1. Penel N, El Bedoui S, Robin YM, et al. Dermatofibrosarcome : prise en charge. Bull Cancer 2018;105(11):1094-101.
Mohammed-Ier, Oujda, Maroc 2. El Amrani D, Droussi H, Boukind S, et al. Le dermatofibrosarcome de Darier et Ferrand, une tumeur cutanée particulière :
sefrsaida@gmail.com à propos de 32 cas et revue de la littérature. Pan Afr Med J 2014;19:196.

LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022 307


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ARRÊT SUR IMAGE
 villeuse
Langue noire
OBSERVATION
observation

Michèle, 67 ans,
consulte pour une
mycose linguale
qui persiste depuis
plusieurs mois malgré
différents traitements
antifongiques
Par
(miconazole ou
AUTEUR
amphotéricine B).
Adresse.
La patiente déclare
avoir une hygiène
AUTEUR
buccodentaire
Adresse.
irréprochable.
Sur le plan clinique, un
AUTEUR
enduit de couleur brune
Adresse.
est identifiable au niveau MYCOSE PERSISTANTE
du dos de la langue.
AUTEUR La langue noire villeuse est une affection fréquente située au niveau de la
Adresse. partie dorsale de la langue (la zone postérieure médiane peut être également
Par concernée) qui survient à la suite d’une prolifération bactérienne, de certaines
Pierre Francès variétés de Candida (Candida albicans le plus souvent) ou d’agents saprophytes.
Médecin généraliste,
66650 Banyuls-sur-Mer Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de cette lésion : radiothérapie
Widad Gallaf ou chimiothérapie, antibiothérapie intempestive, hygiène buccale excessive,
Interne en médecine TITRE
tabagisme.
générale, 34000 Montpellier
Cliniquement, la langue prend une coloration anormale : elle apparaît verte,
Thomas Duboux
Externe, 34000 Montpellier
jaune, brune ou, dans certains cas, noire. La coloration brune est due aux bactéries
chromogènes. Une dysgueusie est possible, souvent peu intense.
Sophie Sabatier
Externe 34000 Montpellier Sur le plan anatomopathologique, il existe un allongement des papilles
frances.pierre66650 filiformes au niveau de leurs prolongements kératinisés et une accumulation
@gmail.com de mucus visqueux (due à la présence de bactéries chromogènes).
La prise en charge repose en premier lieu sur l’éviction des facteurs inducteurs
(médicaments notamment) quand elle est possible.
Il est également important d’inciter le patient à modifier son comportement
(hygiène trop importante, éviction du tabac).
Le traitement curatif consiste en un simple brossage quotidien de la langue,
POUR EN SAVOIR PLUS et à des bains de bouche à base de bicarbonate de sodium si besoin. Il est enfin
POUR EN
Laskaris SAVOIR
G. Atlas PLUS
de poche des possible de prescrire une solution de trétinoïne diluée pour réduire l’expansion
maladies buccales. Paris: Flammarion

Médecine-Sciences, 2006. des kératinocytes.
Texte courant .

308 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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ARRÊT SUR IMAGE
SÉRIE ATTEINTE PÉRIBUCCALE

Doublées de volume !
OBSERVATION
Un homme de 60 ans
consulte pour un œdème
douloureux des lèvres ap-
paru 3 jours plus tôt, dans
un contexte de stress.
Un traitement par anti-
histaminique a été pres-
crit initialement, mais n’a
pas été efficace. Face à la
crainte d’un œdème de
Quincke, une corticothé-
rapie orale est débutée.
Lors de l’examen clinique
CHÉILITE HERPÉTIQUE
quarante-huit heures L’herpès orofacial est dû à une infection par le virus Herpes simplex 1
plus tard, le patient a un (HSV-1), plus rarement HSV-2. La transmission se fait par contact direct
œdème asymétrique des
cutanéomuqueux. La primo-infection (gingivostomatite) est fréquente avant
deux lèvres associé à des
lésions vésiculeuses, l’âge adulte. Le virus reste ensuite à l’état latent au niveau des ganglions
fibrineuses, sangui­ nerveux sensitifs. Les récurrences sont favorisées par de multiples facteurs :
nolentes et noirâtres. stress, rayons ultraviolets, fatigue, immunodépression…
Cliniquement, l’éruption est souvent précédée de prodromes (douleurs,
Par brûlures, prurit…), puis apparaissent des vésicules groupées en bouquet, uni­
Messane Delaunay latérales, avec un œdème, évoluant vers des érosions et la formation de croûtes.
Interne en médecine
générale, Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic.
Université de La Réunion Si l’expression clinique est atypique, une PCR du contenu d’une vésicule peut
Élisa Joly cependant être réalisée. La sérologie n’a pas d’intérêt dans ce contexte.
Service de dermatologie, Le traitement est principalement symptomatique, avec des antalgiques
CHU et université
de La Réunion et des émollients. La guérison spontanée se fait en une à deux semaines.
Un traitement antiviral oral peut être prescrit. Il est à débuter au plus tard
Antoine Bertolotti
Service de dermatologie, quarante-huit heures après le début des signes. Lors d’une primo-infection,
CHU et université il faut prescrire de l’aciclovir (200 mg, 5 fois/j) pendant cinq à dix jours. Si
de La Réunion
besoin, ce traitement peut être accompagné de mesures de réhydratation.
antoine.bertolotti@
chu-reunion.fr
Lors des récidives, l’aciclovir, à renouveler douze heures plus tard, est indiqué.
Les antiviraux topiques n’ont pas montré d’efficacité significative et sont, de plus,
POUR EN SAVOIR PLUS associés à la contrainte d’application toutes les deux heures pendant quatre jours.
Dauendorffer JN, Saiag P. Herpès Un traitement préventif suspensif par aciclovir (400 mg, 2 fois/j) au long
cutanéo-muqueux. Rev Prat
Med Gen 2010;24(835):99-100. cours est recommandé s’il existe plus de six récurrences par an.

Cette fiche est le 4e diagnostic différentiel d’une série de 4 à retrouver dans les prochains numéros et sur https://www.larevuedupraticien.fr/articles/cas-cliniques

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ARRÊT SUR IMAGE
 la nacre
Comme de
OBSERVATION
observation

Une femme de 75 ans


consulte pour renouveler
son traitement anti-
hypertenseur. Au
décours de l’examen
clinique, nous
remarquons une bande
Par
hypopigmentée et
AUTEUR
alopécique à la lisière
Adresse.
du cuir chevelu.
La patiente explique
AUTEUR
qu’il s’agit de « son
Adresse.
vitiligo ».
AUTEUR
Adresse.
Par
Pierre Francès
Médecin généraliste,
AUTEUR
66650-Banyuls-sur-Mer
Adresse.
David Hassid
Médecin généraliste,
66700 Argelès-sur-Mer
ALOPÉCIE FRONTALE FIBROSANTE
Mathieu Diallo
L’alopécie frontale fibrosante est une maladie peu fréquente observée
Interne en médecine
générale, 34000 Montpellier TITRE
chez les femmes ménopausées dans 80 % des cas. Elle se caractérise par
Aïda Tall une destruction des follicules pileux, souvent secondaire à une réaction
Interne en médecine inflammatoire (rôle des cytokines).
générale, 34000 Montpellier
Cliniquement, elle prend la forme d’une bande dépourvue de cheveux
Jules Cuquemelle
Externe, 34000 Montpellier
sur la totalité de la lisière du cuir chevelu. La largeur de cette zone alopécique
varie de 3 à 8 cm. Par son aspect nacré, dû à la perte de fibres élastiques, elle
frances.pierre@orange.fr
peut être confondue avec un vitiligo, comme pour cette patiente. Un érythème
périfolliculaire et une hyperkératose peuvent parfois y être associés.
Dans 60 % des cas, la disparition des sourcils précède l’alopécie.
Au niveau histologique, il existe un infiltrat lymphocytaire situé au niveau
POUR EN SAVOIR PLUS du collet du follicule pilaire. Cette anomalie s’observe également dans le cas
Baltazard T. Alopécies cicatricielles d’un lichen plan pilaire, dont l’alopécie frontale fibrosante est une des formes.
du cuir chevelu. Rev Prat Med Gen
2019;33(1032):892-3. Les traitements sont non spécifiques et non curatifs : dermocorticoïdes très forts
Tosti A, Piraccini BM, Iorizzo M,
POUR
et EN SAVOIR
al. Frontal PLUS
fibrosing alopecia et injections intralésionnelles de triamcinolone en première intention. Dans les cas
in postmenopausal women. J Am

Acad Dermatol 2005;52(1):55-60. sévères, hydroxychloroquine,
Texte courant . tacrolimus et finastéride peuvent être tentés.

310 LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 36 - N° 1068 - JUIN 2022


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