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¶ 25-010-A-10
Trousse d’urgence
N. Crocheton
La trousse d’urgence est l’outil indispensable à chaque médecin, qu’il soit hospitalier ou libéral, au chevet
de son patient. Elle doit rendre un maximum de services diagnostiques et thérapeutiques dans un
minimum de place, de poids, et avec un maximum de sécurité thérapeutique pour le patient. Le contenu
de la trousse d’urgence est façonné par le mode d’exercice du médecin, sa compétence et sa connaissance
en médecine d’urgence, son lieu d’exercice. Dans tous les cas, le médecin doit en connaître le contenu,
assurer régulièrement le réapprovisionnement des médicaments, en vérifier les péremptions et désinfecter
régulièrement sa trousse.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Autres produits 6
Cette trousse est adaptée dans sa forme et son contenu à de
nombreux facteurs liés à la pratique médicale : médecin de
campagne, médecin d’unité mobile, de soins palliatifs ou
spécialisé dans la prise en charge des toxicomanes, médecin
■ Introduction urgentiste libéral.
Elle est façonnée également par des facteurs externes à la
La trousse d’urgence est le fruit d’un long travail d’ajustement pratique de la médecine, d’ordre météorologique et
des pratiques médicales au quotidien pour le médecin généra- géographique.
liste, et d’une décision collégiale pour les services d’urgences Elle doit être la plus petite possible, solide et compartimentée.
hospitalières ou préhospitalières.
Son contenu diagnostique et thérapeutique permet de pren-
Le déplacement d’un médecin auprès du patient est un atout
dre en charge un patient sans avoir à revenir à son véhicule.
majeur des urgences grâce au SAMU (Service d’aide médicale
urgente) ou au service médical des sapeurs-pompiers et la Elle doit être stockée dans un endroit propre et thermostable,
permanence des soins pour la médecine libérale. même s’il semble que la température n’altère pas fondamenta-
Cette trousse, confectionnée par le médecin, est adaptée au lement la structure des médicaments [3, 4].
mode d’exercice, au lieu d’installation, aux nécessités liées à L’utilisation des médicaments en urgence est sécurisée par le
l’éloignement des structures hospitalières publiques ou privées contrôle visuel (dénomination, péremption) avant toute injec-
et au délai d’intervention des unités mobiles hospitalières du tion au patient. L’urgence ne doit pas laisser la place à un doute
SAMU ou des pompiers [1]. thérapeutique.
Il existe autant de valises d’urgence que de médecins. Néan- Le recours à un médecin de permanence de soins notamment
moins, cette trousse doit permettre au praticien de remplir sa en ville est lié à une pathologie aiguë dans 92 % des cas, 35 %
mission de permanence de soins avec un maximum de confort de ces pathologies intéressent des enfants de moins de 13 ans
pour lui-même et surtout pour le patient, et sans mise en et lors de 43 % des interventions, une douleur doit être
danger de ce dernier par les thérapeutiques engagées. soulagée [5].
Médecine d’urgence 1
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2 Médecine d’urgence
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Tableau 1.
Médicaments injectables.
Médicament DCI Présentation Quantité
Antibiotique
Rocephine® ceftriaxone 1 g/3,5 ml 1 ampoule
Antalgiques
Xylocaïne® 2 % lidocaïne 400 mg/20 ml 1 flacon
Morphine® chlorhydrate de morphine 10 mg /1 ml 3 ampoules
Profénid® kétoprofène 100 mg/2 ml 2 ampoules
Acupan® néfopam 20 mg/2 ml 3 ampoules
Cardiologie
Aspégic® acide acétylsalicylique 500 mg 2 flacons
Adrénaline® épinéphrine 1 mg/1 ml 5 ampoules
Atropine® atropine 0,5 mg/1 ml 2 ampoules
Lasilix® furosémide 20 mg/2 ml 3 ampoules
Lovenox® énoxaparine sodique 800 UI/0,8 ml 1 ampoule
Striadyne® triphosadénine 20 mg/2 ml 2 ampoules
Gastroentérologie
Primpéran® métoclopramide 10 mg/2 ml 3 ampoules
Spasfon® phloroglucinol 40 mg/4 ml 3 ampoules
Pulmonaire, ORL, allergie
Salbumol® salbutamol 0,5 mg/1 ml 2 ampoules
Célestène® bétaméthasone 4 mg /1 ml 3 ampoules
Solu-Médrol® méthylprednisolone 40 mg/2 ml 3 ampoules
Atarax® hydroxyzine 100 mg/2 ml 2 ampoules
Polaramine® dexchlorphéniramine maléate 5 mg/1 ml 3 ampoules
Tanganil® acétylleucine 500 mg/5 ml 2 ampoules
Scopolamine® [10] scopolamine bromhydrate 0,5 mg/2 ml 3 ampoules
Psychiatrie, neurologie
Rivotril® [11] clonazépam 1 mg/1 ml 2 ampoules
Valium® diazépam 10 mg/2 ml 2 ampoules
Lepticur® chlorhydrate de tropatépine 10 mg/2 ml 1 ampoule
Tercian® cyamémazine 50 mg/5 ml 2 ampoules
Solutés, glucose
Glucose à 30 % 10 ml 2 ampoules
Eau pour préparation 10 ml 2 ampoules
Sérum physiologique 250 ml 1 poche
Glucose à 10 % 500 ml 1 poche
DCI : dénomination commune internationale.
Médecine d’urgence 3
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Instrumentation électronique
Pharmacie du sac d’urgence
Elle est composée de :
• un défibrillateur multiparamétrique avec électrocardiographe Le contenu de la pharmacie du sac d’urgence est présenté
intégré ; dans le Tableau 2.
4 Médecine d’urgence
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Tableau 3.
Médicaments de la pharmacie de l’unité mobile hospitalière.
Médicament DCI Présentation UMH
Adrénaline® épinéphrine 5 mg/5 ml 12
Agrastat® tirofiban anti-GP IIb-IIIa 50 µg/ml Protocole
Anexate® flumazénil 1 mg/10 ml 3
Aspégic® acide acétylsalicylique 500 mg/flacon 3
Atarax® hydroxyzine 100 mg/2 ml 3
Atropine® atropine 1 mg/ml 5
Augmentin® amoxicilline + acide clavulanique 1 g + 125 mg poudre 2
Avlocardyl® propanolol 5 mg/5 ml 2
Burinex® bumétanide 2 mg/4 ml 6
Chlorure de calcium® chlorure de calcium 10 g/100 ml ampoule 10
Celocurine® suxaméthonium 50 mg/ml 8
Chlorhexidine® monodose chlorhexidine 10
Chlorure de potassium chlorure de potassium 5
Chlorure de sodium chlorure de sodium 9 ‰/10 ml 10
Claforan® céfotaxime 1g 3
Cordarone® comprimé amiodarone 200 mg 10
Cordarone® injectable amiodarone 150 mg/3 ml 3
Digoxine® digoxine 0,25 mg 2
Dilantin® phénytoïne 250 mg/5 ml 5
Diprivan® propofol 200 mg/20 ml 3
Dobutrex® dobutamine 250 mg/20 ml 3
Dopamine® dopamine 200 mg/5 ml 3
Éphédrine® éphédrine 30 mg/ml 4
Gardénal® phénobarbital 200 mg/4 ml 4
Glucose 10 % glucose 10 % 2
Glucose 30 % glucose 30 % 6
Héparine® héparine 25 000 UI/5 ml 4
Hémisuccinate d’hydrocortisone hémisuccinate d’hydrocortisone 500 mg 2
Hypnomidate® étomidate 20 mg/ml 6
Hypnovel® 1 mg midazolam 1 mg/ml 10
Hypnovel® 5 mg midazolam 5 mg/ml 2
Ketalar® kétamine 250 mg/5 ml 3
Lexomil® bromazépam 6 mg/comprimé 10
Lovenox® injectable énoxaparine 4 000 UI/0,4 ml 2
Loxen® nicardipine 10 mg/10 ml 4
Narcan® naloxone 0,4 mg/ml 5
Natispray® trinitrine 0,30 mg 1
Nesdonal® thiopental 1g 2
Noradrénaline® norépinéphrine 8 mg/4 ml 4
Perfalgan® paracétamol 10 mg/10 ml 2
Plavix® clopidogrel 75 mg/comprimé 4
Profenid® kétoprofène 100 mg i.v. 2
Risordan® isosorbide dinitrate 10 mg/10 ml 10
Salbutamol® salbutamol 5 mg/5 ml 5
Scopolamine® scopolamine 0,5 mg/2 ml 2
Solu-Médrol® méthylprednisolone 120 mg/2 ml 4
Spasfon® phloroglucinol 40 mg/4 ml 5
Striadyne® triphosadénine 20 mg/2 ml 5
Sulfate de magnésium® sulfate de magnésium 1
Tenormine® aténolol 5 mg/10 ml 3
Tercian® cyamémazine 50 mg/5 ml i.m. 2
Tildiem® diltiazem 100 mg poudre 3
Trandate® labétalol 100 mg/20 ml 2
Valium® diazépam 10 mg/2 ml 20
Vancomycine® vancomycine 500 mg 2
Ventoline® salbutamol spray 1
Vogalene® métopimazine 10 mg/1 ml 6
Xylocaïne® 2 % lidocaïne 400 mg/20 ml 1
Xylocaïne® 5 % spray lidocaïne 5g 1
Xylocard® 5 % lidocaïne 1 g/20 ml 2
DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.
Médecine d’urgence 5
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Tableau 4.
Solutés.
Produits DCI Présentation Valise UMH
G5% G5% 500 ml 1 5
Ringer lactate® chlorure de calcium, chlorure de potassium, chlorure 500 ml 1 5
de sodium, lactate de sodium
Voluven® hydroxyéthylamidon 500 ml 2 5
Sérum physiologique chlorure de sodium 9 ‰ 50 ml 1 5
Sérum physiologique chlorure de sodium 9 ‰ 500 ml 1 5
Bicarbonate de sodium 4,2 % bicarbonate de sodium 250 ml 1 3
Sérum salé hypertonique chlorure de sodium 20 % 500 ml 0 1
DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.
Fluides Tableau 5.
Kits médicamenteux.
Les fluides emportés sont deux bouteilles d’oxygène de 3 m3,
Nom Médicaments DCI UMH
deux bouteilles d’oxygène de 1 m3 et une bouteille de MEOPA.
Thrombolyse Ténectéplase TNK-rTP 1
Immobilisation Altéplase
Héparine®
Le matériel d’immobilisation est composé d’un jeu complet
Aspégic®
de minerves, d’un jeu complet d’attelles à dépression et d’un
Plavix®
matelas à dépression.
Asthme Atrovent® 2
Bricanyl®
Kits médicaux et thérapeutiques
prêts à l’usage DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.
6 Médecine d’urgence
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■ Références
.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Crocheton N. Trousse d’urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-A-10,
2007.
Médecine d’urgence 7
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Pour augmenter la survie des arrêts cardiaques (AC), une amélioration de la chaîne de survie est indis-
pensable. Le diagnostic de l’AC repose sur l’absence de signe de vie et impose la mise en œuvre immédiate
de compressions thoraciques au rythme de 100/min. Il doit être reconnu le plus vite possible dès l’appel
téléphonique au « 15 ». La réanimation cardiopulmonaire (RCP) peut alors être guidée par téléphone.
L’alternance compression thoracique/insufflation est de 30:2. Si le rythme est une fibrillation ventri-
culaire ou une tachycardie ventriculaire sans pouls, la défibrillation est réalisée par un choc électrique
externe unique ayant une énergie de 150 à 200 joules en ondes biphasiques ou de 360 joules en ondes
monophasiques. Après chaque choc, deux minutes de RCP sont réalisées avant toute vérification du
pouls ou du rythme cardiaque sauf si le patient présente des signes manifestes de réveil. La défibrillation
automatique externe par le public améliore le pronostic des AC, et cette stratégie doit être renforcée
en France. La réanimation médicalisée impose l’intubation orotrachéale associée à une ventilation en
fraction d’oxygène dans les gaz inspirés égale à 1. Le masque laryngé est la meilleure alternative en
cas d’intubation difficile. L’adrénaline, vasoconstricteur de référence, est administrée à la dose de 1 mg
en intraveineuse, environ toutes les 4 minutes quel que soit le rythme présent. L’amiodarone est recom-
mandée pour les fibrillations ventriculaires et les tachycardies ventriculaires sans pouls résistantes. Lors
de l’obtention d’une reprise d’activité cardiaque spontanée, et dès la phase préhospitalière, le syndrome
post-AC doit être combattu et une hypothermie modérée doit être instituée.
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Mots clés : Arrêt cardiaque ; Mort subite de l’adulte ; Chaîne de survie ; Réanimation cardiopulmonaire de base ;
Massage cardiaque externe ; Réanimation cardiopulmonaire médicalisée ; Défibrillation automatisée externe ;
Défibrillateur semi-automatique ; Adrénaline ; Amiodarone
■ Évaluation du pronostic 9 les maillons suivants. Cependant les progrès récents de la réani-
■ Prévention des arrêts cardiaques préhospitaliers 9 mation post-AC participent à l’amélioration du pronostic et la
diminution des séquelles neurologiques des survivants.
■ Conclusion 9
Chaîne de survie
“ Point fort
Le concept de « chaîne de survie », introduit en 1990 [4] , décrit La reconnaissance de l’AC dès l’appel d’urgence permet
les actions nécessaires pour améliorer la survie des AC par FV à de guider la RCP par téléphone et ainsi d’améliorer le pro-
l’extérieur de l’hôpital. Cette chaîne comprend quatre maillons nostic.
(Fig. 1) :
• l’alerte immédiate en téléphonant aux services de secours par
l’appel au 15 en France (interconnecté au 18) ;
• la réanimation cardiopulmonaire (RCP) de base, réalisée par les
témoins ;
• la défibrillation précoce réalisée par les secouristes ou les Réanimation cardiopulmonaire
témoins avec un défibrillateur automatisé externe (DAE) ;
• la réanimation médicalisée par une équipe préhospitalière
de base
(Smur) et la réanimation post-AC immédiate sur le terrain. La RCP de base est une assistance cardiorespiratoire rudimen-
Les maillons de cette chaîne ont un poids pronostique différent. taire, réalisée sans matériel, mais qui permet de limiter l’ischémie
La RCP de base et la défibrillation précoces ont un effet majeur et ainsi de prolonger le temps pendant lequel on peut rétablir
sur le pronostic et leur défaillance ne peut être compensée par une circulation spontanée. Après la survenue d’un AC, on estime
qu’en l’absence de RCP, pour chaque minute qui passe, les chances
de survie diminuent d’environ 10 %. La précocité de sa réalisa-
tion conditionne largement le pronostic. C’est pour cela qu’elle
doit être réalisée par des témoins de l’AC puis continuée par les
secouristes et l’équipe médicalisée. Dès que l’AC est reconnu par
téléphone, au cours de l’appel d’urgence, le médecin régulateur du
15 Samu guide le témoin pour réaliser les gestes en attendant l’arrivée
des secours et de l’équipe de réanimation préhospitalière.
Algorithme de la réanimation
cardiopulmonaire de base
Pas de réaction Appeler de l'aide
Cet algorithme résume la conduite à tenir par tout témoin
d’un AC. La victime ne réagit pas ; après avoir demandé qu’on
vienne l’aider, le témoin libère les voies aériennes, et s’il constate
l’absence de signe de vie et une ventilation absente anormale Libérer les voies aériennes
(gasps agoniques), il fait appeler les secours, et commence la RCP
par 30 compressions alternées ensuite avec deux insufflations.
Cette réanimation basique est poursuivie jusqu’à l’arrivée d’un
défibrillateur et/ou d’une équipe de secouristes (Fig. 4). Respiration anormale ? Gasps ?
Défibrillation
donc un choc dont la valeur est comprise entre 150 et 200 J.
La précocité de ce geste conditionne le pronostic des FV et des L’énergie recommandée pour la défibrillation monophasique est
tachycardies ventriculaires (TV) sans pouls. Elle est réalisée en pré- d’emblée de 360 J.
hospitalier par des secouristes mais aussi de plus en plus par le Pour les chocs ultérieurs, l’augmentation de l’énergie par paliers
public. successifs paraît logique mais elle ne donne pas de meilleurs résul-
tats qu’une énergie fixe. Actuellement, la même énergie est donc
conservée pour le premier choc et les chocs suivants : 150-200 J
Technique de défibrillation pour les défibrillateurs biphasiques, 360 J pour les monopha-
Nombre de chocs siques.
RCP 30:2
en attendant l'arrivée du DAE
“ Points forts
• Les défibrillateurs à ondes biphasiques sont plus effi-
caces et lèsent moins le myocarde que les défibrillateurs à
Branchement du DAE ondes monophasiques. Le premier choc électrique externe
Analyse du rythme est délivré à 150-200 J pour un défibrillateur biphasique. Il
est immédiatement suivi par 2 minutes de RCP, avant de
réaliser un nouveau choc avec la même énergie, si la FV
Choc conseillé Choc non conseillé persiste.
• La défibrillation précoce pratiquée avec un DAE améliore
le pronostic de l’AC. Elle est réalisée par des secouristes
entraînés. L’utilisation de cette technique par le public
1 choc 150-200 J Reprendre immédiatement améliore encore le pronostic. Le développement de tels
biphasique RCP 30:2 pendant 2 min programmes est fortement recommandé, il est en cours
en France.
Le remplissage vasculaire systématique n’est pas indiqué, sauf du pronostic. La compression-décompression active, réalisée au
en cas d’hypovolémie patente. Le soluté d’entretien de la voie moyen d’un dispositif dérivé d’une ventouse appliquée sur le
veineuse est le sérum salé isotonique ; il faut éviter les solutés thorax, a donné des résultats contradictoires. Un résultat posi-
glucosés. tif sur la survie à long terme a été obtenu en France [24] mais n’a
pas été confirmé dans d’autres études. L’association d’une valve
d’impédance à la compression-décompression active améliore le
Vasopresseurs retour veineux en modifiant le régime de pression intrathora-
Les vasopresseurs permettent d’augmenter la perfusion céré- cique. Utilisée en préhospitalier, elle améliore la survie à court
brale et coronaire au cours de la RCP. L’adrénaline est toujours terme [25] .
le médicament de référence de la réanimation des asystoles et Deux appareils récemment introduits permettent un MCE
des FV résistantes aux premiers chocs. Ses effets alphamimétiques mécanique continu chez les patients intubés et ventilés. Le
semblent utiles mais il n’existe pas d’étude clinique de bonne LUCASTM réalise une compression-décompression active automa-
qualité confirmant un bénéfice sur la survie. Ses effets bêtamimé- tique à l’aide d’un piston pneumatique. Cette méthode permet un
tiques sont gênants car ils augmentent la demande en oxygène, MCE prolongé y compris pendant le transport [26] . Cependant, son
ils sont arythmogènes et accentuent le shunt intrapulmonaire. Il effet bénéfique sur la survie et son innocuité ne sont pas démon-
faut noter que si l’adrénaline a été depuis plusieurs années consa- trés. L’AutoPulse® utilise une planche sur laquelle est fixée une
crée par la pratique, il n’existe pas de démonstration claire de son bande constrictive thoracique. Cette méthode de MCE réalise une
effet sur la survie au long cours. Une étude récente comparant compression circonférentielle progressive du thorax. Ce dispositif
l’administration ou non d’adrénaline en préhospitalier constate fonctionne sur batterie et s’utilise facilement au cours du trans-
que l’adrénaline intraveineuse augmente seulement mais signi- port [27, 28] . Il a permis dans certains cas une augmentation de la
ficativement le taux de retour à une circulation spontanée des survie immédiate.
patients en asystolie [18] .
L’adrénaline est administrée en bolus de 1 mg toutes les 3-
5 minutes. La première injection est réalisée dès qu’une voie Algorithme de la réanimation
veineuse est accessible. cardiopulmonaire médicalisée
La vasopressine, jusque-là recommandée comme alternative
à l’adrénaline en cas de FV, a été l’objet d’études cliniques Une bonne coordination des intervenants avec une anticipa-
divergentes [19] . Sans confirmation d’un effet bénéfique sur la sur- tion des actions à entreprendre est nécessaire pour éviter toute
vie [20] , elle n’est donc plus utilisée seule ou en association avec perte de temps. La qualité du MCE est aussi contrôlée pour assurer
l’adrénaline. les meilleures compressions thoraciques possibles.
La réanimation médicalisée est résumée par l’algorithme repré-
senté sur la Figure 6. Il se sépare en deux bras pour les rythmes
Antiarythmiques « choquables » (FV, TV sans pouls) et « non choquables » (rythme
L’amiodarone est l’antiarythmique de première intention pour sans pouls et asystolie). Pour les rythmes choquables, le MCE
les FV réfractaires à la défibrillation. Elle améliore la survie à court est repris immédiatement après le choc électrique sans vérifier
terme [21] . Elle est injectée après le troisième choc. La dose recom- le rythme ou prendre le pouls. La RCP est poursuivie pen-
mandée est de 300 mg. Si la FV persiste ou récidive, une réinjection dant 2 minutes avec une alternance de 30 compressions pour
de 150 mg est possible. Si l’amiodarone n’est pas immédiatement deux ventilations, si le patient n’est pas intubé, puis avec des
disponible, elle peut être remplacée par la lidocaïne à la dose de compressions thoraciques en continu quand la victime est ven-
1 mg/kg. tilée mécaniquement. Le rythme est alors vérifié sur le moniteur
et si la FV persiste, un deuxième choc est délivré (150-200 J bipha-
sique, 360 J monophasique). La RCP est reprise sans délai si la FV
Autres médicaments persiste. La capnographie est mise en place dès que le patient est
intubé.
L’administration en routine de bicarbonates pendant ou au L’adrénaline est si possible injectée avant le troisième choc, sui-
décours d’un AC préhospitalier est déconseillée. Un bolus intra- vie immédiatement par la reprise du MCE. Il n’y a pas d’argument
veineux de 50 ml de solution molaire n’est justifié qu’en cas scientifique permettant de préciser exactement l’instant où il faut
d’hyperkaliémie, d’acidose métabolique sévère ou d’intoxication injecter les médicaments. Il est logique d’utiliser la séquence de
aux tricycliques. Après le retour à une circulation spontanée, les 2 minutes de RCP suivant le choc électrique pour faire circuler
bicarbonates peuvent servir à rétablir l’équilibre acidobasique. le médicament injecté. L’injection intraveineuse peut donc avoir
L’atropine intraveineuse n’est plus utilisée. Le magnésium reste lieu juste avant ou juste après ce choc sans interrompre le MCE. La
indiqué par les rares cas de « torsades de pointe ». même procédure est adoptée pour les autres médicaments comme
L’administration de thrombolytiques au cours de la RCP médi- la Cordarone® (300 mg par voie intraveineuse). Pour les rythmes
calisée est un sujet très controversé. Les thrombolytiques peuvent non choquables (rythmes sans pouls et asystolie), la RCP n’est pas
agir sur la cause de l’arrêt mais aussi sur l’activation de la coa- interrompue et une injection d’adrénaline est réalisée dès que la
gulation qui en est une conséquence. La thrombolyse n’est pas voie veineuse est mise en place. L’adrénaline est réinjectée toutes
à l’origine d’un surcroît d’accidents hémorragiques à la suite des les 3 à 5 minutes, soit après environ deux séquences de RCP de
compressions thoraciques. L’effet sur la survie au long cours de la 2 minutes.
thrombolyse utilisée au cours de la RCP n’est pas démontré. Une La réanimation post-AC immédiate est intégrée à l’algorithme.
amélioration du retour à une circulation spontanée ou de la survie Dès le retour à une circulation spontanée, un examen complet
à court terme a été observée dans certains travaux [22] mais les résul- de la victime est réalisé. Un électrocardiogramme 12 dérivations
tats cliniques d’études randomisées ne sont pas concluants [23] . La recherche des signes d’infarctus du myocarde. L’hypothermie thé-
thrombolyse n’est donc pas systématique et ne peut être envisa- rapeutique est instituée dès que possible.
gée qu’au cas par cas, quand une embolie pulmonaire massive est
suspectée. Il est alors nécessaire de prolonger de 30 à 60 minutes
la durée de la RCP pour tenir compte du délai d’action du médica-
ment. La thrombolyse peut être aussi utilisée après le retour à une
Causes immédiatement curables
circulation spontanée si on suspecte un infarctus du myocarde. En plus de la réanimation symptomatique, un certain nombre
de causes nécessitent une intervention immédiate pendant la RCP
Massage cardiaque instrumental médicalisée pour améliorer la possibilité de retour à une circula-
tion spontanée. Cette éventualité est à évoquer systématiquement
De nombreuses techniques instrumentales ont été proposées devant un rythme sans pouls autre qu’une FV ou une TV. Ces
pour améliorer le MCE au cours de la réanimation médicali- causes figurent sur l’algorithme de la Figure 6. Il convient de sou-
sée. Aucune n’a permis de mettre en évidence une amélioration ligner, à titre d’exemple, l’importance :
RCP 30:2
Brancher le défibrillateur/moniteur
Limiter les interruptions du MCE
Analyse du rythme
Figure 6. Arbre décisionnel. Réanimation cardiopulmonaire (RCP) médicalisée (d’après [2] ). MCE : massage cardiaque externe ; RSP : rythmes sans pouls ;
ECG : électrocardiogramme ; ACR : arrêt cardiorespiratoire ; i.v. : intraveineuse ; FV : fibrillation ventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire.
• de la décompression d’un pneumothorax suffocant dans le seulement de maintenir les fonctions vitales mais aussi de lutter
contexte d’un AC traumatique ; contre les conséquences de la reperfusion tissulaire. Dès le retour
• du traitement d’une dyskaliémie en cas de troubles métabo- à la circulation spontanée, il est nécessaire de maintenir une pres-
liques préexistants ; sion artérielle systolique suffisante de l’ordre de 100-120 mmHg,
• de l’injection d’un antidote dans certaines intoxications (cya- adaptée à la pression artérielle antérieure du patient, si possible
nure par exemple). sans utilisation de vasoconstricteur, de poursuivre la ventilation
Enfin, après le retour à une circulation spontanée, le traitement mécanique avec un objectif de saturation artérielle en oxygène
de la cause est aussi indispensable, par exemple la désobstruction (SaO2 ) de 92 % et une normocapnie, et de traiter d’éventuelles
coronaire d’un infarctus aigu du myocarde ayant provoqué une convulsions.
FV [29] . Il est établi qu’une hypothermie modérée améliore la survie
et le pronostic neurologique des FV [30, 31] . De ce fait, les patients
adultes et inconscients ayant une circulation spontanée après la
Signes de vie
per-RCP
Évaluation de la durée de
no-flow
Évaluation du rythme
TV, TP, FV
“ Point fort La RCP doit être pratiquée le plus tôt possible, commencée dans
l’eau par un sauveteur entraîné, puis sur le bateau de sauvetage
ou la berge. Compte tenu de l’origine asphyxique de l’arrêt, la
RCP commence dans ce cas par cinq insufflations. La protection
La réanimation post-AC est débutée dès la reprise d’une du rachis cervical par une minerve est réservée aux circonstances
activité cardiaque spontanée sur le terrain. Elle comprend évocatrices d’un traumatisme rachidien associé (plongeon ou surf
une hypothermie thérapeutique initiale, modérée (32- par exemple).
34 ◦ C), qui améliore le pronostic des patients comateux.
Hypothermie accidentelle
Le diagnostic d’AC est difficile. La RCP doit être poursuivie
jusqu’au réchauffement de la victime. Les chocs électriques en
Assistance circulatoire dessous de 30 ◦ C de température corporelle sont peu efficaces.
Après une première tentative inefficace, il faut réchauffer la vic-
time avant de rechoquer. Pour l’injection de médicaments, la dose
L’assistance circulatoire extracorporelle (extracorporeal mem-
est réduite en attendant le réchauffement.
brane oxygenation – ECMO) a été utilisée pour la réanimation d’AC
survenant à l’hôpital. L’ECMO est une technique de plus en plus
répandue dans les services de réanimation permettant son uti- Arrêt cardiaque traumatique
lisation pour des AC extrahospitaliers. Il est donc possible de
transporter un AC réfractaire en prolongeant la RCP pour le faire Le pronostic est en général très mauvais, mais quelques sur-
bénéficier d’une ECMO à l’hôpital. L’utilisation d’un dispositif vies inespérées ont été obtenues par la réanimation médicalisée.
de MCE mécanique est particulièrement adaptée à ce type de Le désamorçage cardiaque par collapsus hémorragique nécessite
transport. Une conférence d’experts [33] a permis d’indiquer les un remplissage rapide en plus des vasoconstricteurs. Le pneu-
cas où il est licite d’utiliser cette stratégie. La Figure 7 résume mothorax compressif impose une décompression immédiate par
ces indications [32] . Cependant, l’effet sur la survie des patients est ponction ou thoracostomie. Un choc violent sur le thorax peut
nécessaire [34] . L’utilisation de l’ECMO peut aussi aboutir à un don provoquer une FV qui peut répondre à la défibrillation. En cas de
d’organe pour les patients en état de mort cérébrale. traumatisme pénétrant du thorax, la réalisation d’une thoraco-
tomie de sauvetage peut permettre de récupérer une circulation [2] Hazinski MF, Nolan JP, Billi JE, Böttiger BW, Bossaert L, de
spontanée, mais ce geste, en dehors de quelques équipes entraî- Caen AR, et al. Part 1: Executive summary: 2010 International
nées, est rarement réalisé en préhospitalier. Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardio-
vascular Care Science With Treatment Recommendations. Circulation
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Arrêt cardiaque et grossesse [3] Recommandations formalisées d’expert SFAR-SRLF. Prise en
charge de l’arrêt cardiaque. Ann Fr Anesth Reanim 2007;26:
Le MCE est adapté dès la 20e semaine de grossesse en récli- 1008–19.
nant l’utérus vers la gauche par surélévation de la fesse droite, [4] Cummins RO, Ornato JP, Thies WH, Pepe PE. Improving survival from
ce qui favorise le retour veineux. Les mains sont appliquées plus sudden cardiac arrest: the “chain of survival” concept. A statement for
haut sur le sternum pour réaliser les compressions thoraciques. health professionals of the Advanced Cardiac Life Support Subcom-
La diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage mittee and the Emergency Cardiac Care Committee, American Heart
majore le risque de régurgitation au cours de la RCP et rend Association. Circulation 1991;83:1832–47.
l’intubation endotrachéale immédiatement indispensable. Elle est [5] Berdowski J, Beekhuis F, Zwinderman AH, Tijssen JGP, Koster
réalisée avec une compression cricoïdienne et une sonde de calibre RW. Importance of the first link: description and recognition of
inférieur à celui d’une femme non enceinte. an out-of-hospital cardiac arrest in an emergency call. Circulation
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[7] Eftestol T, Sunde K, Steen PA. Effects of interrupting precordial
Le pronostic de l’AC est difficile à évaluer au cours ou au décours compressions on the calculated probability of defibrillation suc-
de l’intervention préhospitalière. L’état neurologique immédia- cess during out-of-hospital cardiac arrest. Circulation 2002;105:
tement après le retour à une circulation spontanée n’a qu’une 2270–6.
valeur d’orientation : un coma profond aréactif est de mauvais [8] Yannopoulos D, McKnite S, Aufderheide TP, Sigurdsson G, Pirrallo
pronostic. De même, une instabilité hémodynamique nécessitant RG, Benditt D, et al. Effects of incomplete chest wall decompression
la perfusion de vasoconstricteurs pour maintenir la pression arté- during cardiopulmonary resuscitation on coronary and cerebral per-
fusion pressures in a porcine model of cardiac arrest. Resuscitation
rielle laisse présager une récidive de l’AC. À l’opposé, les facteurs 2005;64:363–72.
suivants sont considérés comme statistiquement de relativement [9] Fenici P, Idris AH, Lurie KG, Ursella S, Gabrielli A. What is the
bon pronostic : optimal chest compression-ventilation ratio? Curr Opin Crit Care
• AC survenant devant des témoins ; 2005;11:204–11.
• RCP par les témoins dans les 4 minutes qui suivent [10] Yu T, Weil MH, Tang W, Sun S, Klouche K, Povoas H, et al. Adverse
l’effondrement ou no flow très court ; outcomes of interrupted precordial compression during automated defi-
• rythme initial en FV avec défibrillation dans les 8 minutes. brillation. Circulation 2002;106:368–72.
Une évaluation fiable, clinique et paraclinique du pronos- [11] Morrison LJ, Dorian P, Long J, Vermeulen M, Schwartz B, Sawadsky
tic neurologique ne peut être obtenue qu’après environ 3 jours B, et al. Out-of-hospital cardiac arrest rectilinear biphasic to monopha-
d’hospitalisation d’autant plus que le maintien du patient en sic damped sine defibrillation waveforms with advanced life support
hypothermie thérapeutique pendant 24-48 heures perturbe cette intervention trial (ORBIT). Resuscitation 2005;66:149–57.
évaluation. [12] Meier P, Baker P, Jost D, Jacobs I, Henzi B, Knapp G, et al. Chest
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cardiaques préhospitaliers [14] Valenzuela TD, Roe DJ, Nichol G, Clark LL, Spaite DW, Hardman
RG. Outcomes of rapid defibrillation by security officers after cardiac
Le système préhospitalier du Samu doté d’une régulation médi- arrest in casinos. N Engl J Med 2000;343:1206–9.
cale peut jouer un rôle important dans la prévention de la [15] Page RL, Joglar JA, Kowal RC, Zagrodzky JD, Nelson LL, Ramas-
survenue des AC. En effet, dans certains cas, notamment lorsque wamy K, et al. Use of automated external defibrillators by a U.S. airline.
l’AC a des signes annonciateurs (douleur thoracique) ou survient N Engl J Med 2000;343:1210–6.
à la suite de l’aggravation d’un état clinique déjà perturbé (sepsis, [16] Capucci A, Aschieri D, Piepoli MF, Bardy GH, Iconomu E, Arvedi
insuffisance respiratoire, etc.), l’envoi de l’équipe médicale d’un M. Tripling survival from sudden cardiac arrest via early defibrilla-
Smur peut éviter la survenue d’un AC prévisible. C’est le rôle du tion without traditional education in cardiopulmonary resuscitation.
médecin régulateur du Samu d’analyser ce contexte et d’anticiper Circulation 2002;106:1065–70.
une aggravation brutale provoquant un AC qui grève considéra- [17] Rumball CJ, MacDonald D. The PTL® , Combitube® , laryngeal mask,
blement le pronostic. and oral airway: a randomized prehospital comparative study of ven-
tilatory device effectiveness and cost-effectiveness in 470 cases of
cardiorespiratory arrest. Prehosp Emerg Care 1997;1:1–10.
Conclusion
[18] Olasveengen TM, Sunde K, Brunborg C, Thowsen J, Steen PA, Wik L.
Intravenous drug administration during out-of-hospital cardiac arrest:
a randomized trial. JAMA 2009;302:2222–9.
La réanimation des AC évolue rapidement. Cependant, dans [19] Wenzel V, Krismer AC, Arntz HR, Sitter H, Stadlbauer KH, Lindner
de nombreux domaines, les résultats scientifiques sont fragmen- KH. A comparison of vasopressin and epinephrine for out-of-hospital
taires ou inexistants et il est nécessaire d’intensifier la recherche cardiopulmonary resuscitation. N Engl J Med 2004;350:105–13.
clinique concernant l’AC. La conduite à tenir intégrant les recom- [20] Aung K, Htay T. Vasopressin for cardiac arrest: a systematic review
mandations introduites en 2010 modifie très sensiblement la and meta-analysis. Arch Intern Med 2005;165:17–24.
réalisation des gestes de secourisme et de réanimation. Ceci sou- [21] Dorian P, Cass D, Schwartz B, Cooper R, Gelaznikas R, Barr A.
ligne l’importance de la formation des personnels et de la remise Amiodarone as compared with lidocaine for shock-resistant ventricular
à jour régulière des connaissances. fibrillation. N Engl J Med 2002;346:884–90.
[22] Bottiger BW, Bode C, Kern S, Gries A, Gust R, Glätzer R, et al.
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P. Carli (pierre.carli@nck.aphp.fr).
C. Télion.
M. Nahon.
Service d’aide médicale urgente (Samu) de Paris et service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Carli P, Télion C, Nahon M. Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation
précoce. EMC Médecine d’urgence 2012;7(1):1-10 [Article 25-010-B-10].
Malgré de nombreuses études sur l’arrêt cardiaque, il existe peu de données de médecine factuelle
concernant les substances utilisées au cours de la réanimation cardiopulmonaire. Le nombre de produits
utilisables est restreint. Les médicaments utiles, ainsi que le choix des solutés et des voies d’injections sont
proposées conformément aux recommandations 2005 de l’International Liaison Committee on
Resuscitation (ILCOR). Les substances vasopressives restent indiquées malgré l’absence de preuve
scientifique de leur efficacité et l’adrénaline reste le vasopresseur de choix bien que l’arginine-vasopressine
ne paraisse pas inférieure. L’amiodarone est devenu l’antiarythmique de référence pour la fibrillation
ventriculaire. La lidocaïne, le magnésium, l’atropine, l’aminophylline, le calcium ou l’alcalinisation ne
sont pas justifiés sauf cas particulier. La thrombolyse est indiquée en cas d’embolie pulmonaire mais pas
systématiquement en cas d’infarctus du myocarde. Le sérum salé isotonique est le soluté de première
intention à perfuser par voie veineuse périphérique, mais en quantité limitée : la voie intraosseuse est la
première alternative en cas d’accès vasculaire problématique chez l’adulte comme chez l’enfant.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Pharmacologie ; Arrêt cardiaque ; Vasopresseurs ; Antiarythmiques ; Solutés ; Voies d’abord
Plan
Asystole
¶ Introduction 1 AESP
¶ Vasopresseurs 2
Adrénaline ou vasopressine 2
Alpha-méthyl noradrénaline 3
Endothéline 3
¶ Médicaments antiarythmiques 3
Amiodarone 3 RCP
Lidocaïne 4 (VVP-IOT)
Magnésium 4
¶ Autres substances et perfusions 4
Atropine 4
Aminophylline 4
Calcium 4 Dès que possible, adrénaline : 1mg IVD*
Alcalinisation 4
Thrombolyse au cours de la réanimation cardiopulmonaire 5
Solutés de perfusion 5
¶ Voies alternatives pour l’injection de médicaments 5
Voie intraosseuse 5 Puis adrénaline IVD : 1 mg/4 min environ**
Voie endotrachéale 5
Médecine d’urgence 1
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire
Utilisation de la vasopressine
3e CEE Amiodarone : 300 mg IVD L’effet b-mimétique de l’adrénaline, entraînant des actions
chronotrope et inotrope positives, contribue à augmenter la
pression de perfusion coronaire et cérébrale, mais augmente
simultanément la consommation myocardique en oxygène,
3e CEE majore le risque d’arythmie ventriculaire (en particulier sur un
Amiodarone : 300 IVD
myocarde en acidose) et peut induire une hypoxie transitoire
par shunt artérioveineux pulmonaire.
Cet effet b-mimétique potentiellement délétère a conduit à
4e CEE rechercher des alternatives à cet agent vasopresseur. L’arginine-
Adrénaline : 1 mg IVD
vasopressine est une hormone polypeptidique d’origine hypo-
(puis à répéter
thalamique dont l’action physiologique est d’une part anti-
toutes les 4 minutes environ)
diurétique et d’autre part vasopressive par l’intermédiaire de
récepteurs V1-vasculaires. Le rôle de la vasopressine dans la RCP
a initialement été révélé dans des études sur des AC préhospi-
Amiodarone : taliers montrant que les patients ayant récupéré une activité
150 mg IVD circulatoire efficace présentaient des taux de vasopressine (ainsi
si FV tonique
que d’adrenocorticotrophic hormone [ACTH] et de rénine) plus
persistante ou sinon
élevés que les patients décédés [3, 4] . La plupart des études
Adrénaline : 1 mg IVD
(puis à répéter expérimentales animales ont montré une amélioration des
toutes les 4 minutes environ) constantes hémodynamiques lorsque la vasopressine était
utilisée à la place de l’adrénaline [5-7]. Parallèlement, la première
étude clinique utilisant la vasopressine au cours de l’AC en
Figure 2. Arbre décisionnel. Algorithme pharmacologique en cas de 1996 a été assez prometteuse. Dans cette étude, sur une série
fibrillation ventriculaire. FV : fibrillation ventriculaire ; CEE : choc électri- d’AC réfractaires à la thérapeutique standard par adrénaline, la
que externe ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; VVP : voie veineuse vasopressine avait permis la récupération d’une circulation
périphérique ; IOT : intubation orotrachéale ; IVD : intraveineux direct. spontanée sur les huit patients étudiés, parmi lesquels trois ont
évolué sans séquelle neurologique [8]. L’année suivante, le même
groupe publiait une courte série randomisée d’AC extrahospita-
voies d’injections sont présentés conformément aux dernières liers par fibrillation ventriculaire pour lesquels la fréquence de
recommandations de l’International Liaison Committee on récupération et de survie à 24 heures était significativement plus
Resuscitation (ILCOR) [1]. élevée chez les patients traités par vasopressine (avec une
injection de 40 unités internationales [UI]) que chez ceux traités
par adrénaline (1 mg). [9] À l’issue de ces deux études, l’Ameri-
■ Vasopresseurs can Heart Association (AHA) avait proposé, en 2000, que la
vasopressine puisse être une alternative à l’adrénaline dans le
Malgré une utilisation « historique » de l’adrénaline dans traitement de la fibrillation ventriculaire réfractaire [10]. Depuis,
l’arrêt cardiaque, et malgré plusieurs études utilisant la vaso- deux études prospectives randomisées importantes comparant
pressine, il n’existe pas d’études randomisées contre placebo vasopressine et adrénaline pour l’AC intrahospitalier [11] et
prouvant que l’utilisation en routine d’un vasopresseur, quel extrahospitalier [12] ont été réalisées. Ces deux études prospecti-
qu’il soit, améliore la survie des patients victimes d’AC à la ves ont inclus les patients pour recevoir soit de l’adrénaline, soit
2 Médecine d’urgence
Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20
Médecine d’urgence 3
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire
électrique à la dose de 300 mg (soit deux ampoules intraveineu- Cinq études prospectives contrôlées non randomisées, ou
ses directes) en cas de fibrillations ventriculaires (ou de tachy- études de cohortes chez l’adulte, ont montré que l’atropine
cardie ventriculaire sans pouls) résistantes. L’amiodarone doit n’apportait aucun bénéfice dans le traitement de l’AC intra- ou
être diluée dans du sérum glucosé à 5 % en un volume de extrahospitalier [35-39].
20 ml.
L’amiodarone pouvant être responsable de trombophlébites Recommandations de l’International Liaison
lorsqu’elle est injectée par voie périphérique, l’utilisation d’une Committee on Resuscitation
voie centrale est préférable, mais uniquement lorsque celle-ci est
L’atropine n’est pas indiquée dans le traitement de l’asystole.
en place avant l’AC. Dans le cas contraire, une voie veineuse
Elle peut se discuter au cas par cas devant une activité électrique
périphérique de bon calibre doit être privilégiée ainsi qu’un
sans pouls apparaissant à la suite d’une bradycardie initialement
large rinçage du cathéter après l’injection.
efficace et doit alors être administrée sous la forme d’un bolus
unique de 3 mg intraveineux.
Lidocaïne
Depuis les recommandations 2000 de l’Ilcor, la lidocaïne a
Aminophylline
perdu sa place d’antiarythmique de choix en cas de fibrillation L’aminophylline (Théophylline ® ) est un inhibiteur des
ventriculaire réfractaire au profit de l’amiodarone. Actuellement, phosphodiastérases qui augmente la concentration tissulaire en
elle n’est recommandée que lorsque l’amiodarone n’est pas acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique et facilite la
disponible. sécrétion adrénergique à partir de la médullosurrénale. Elle a des
actions chronotrope et inotrope positives. Des études restreintes
testant l’aminophylline dans des cas d’AC par asystoles secon-
Magnésium daires à une bradycardie n’ont pas démontré d’amélioration en
Le magnésium est un important constituant de nombreux termes de survie initiale ou à la sortie de l’hôpital [40-43]. Ces
systèmes enzymatiques, particulièrement ceux concernés par la mêmes études n’ont pas montré à l’opposé d’effets délétères de
synthèse de l’adénosine triphosphate (ATP) dans le tissu l’aminophylline.
musculaire. Le magnésium améliore la réponse contractile en
cas de sidération du muscle cardiaque et limite potentiellement Recommandations de l’International Liaison
la taille de l’infarctus par un mécanisme encore imparfaitement Committee on Resuscitation
élucidé [27] . L’hypomagnésémie est souvent associée à une
L’aminophylline n’est pas indiquée dans le traitement de
hypokaliémie, et peut participer à la genèse de troubles du l’AC... sauf en cas de bradycardie précédant l’AC et résistant à
rythme et d’AC. L’hypomagnésémie augmente par ailleurs la l’atropine.
sensibilité myocardique aux digitaliques et diminue l’activité
ATPasique de la cellule myocardique.
Alors que le bénéfice en apport en magnésium chez les Calcium
patients en hypomagnésémie est reconnu, les bénéfices d’un Le calcium joue un rôle essentiel dans les mécanismes
apport en magnésium au cours de l’AC n’ont pas été démontrés. cellulaires de la contraction myocardique. Cependant, des
Des études cliniques réalisées chez des adultes en AC intra- ou concentrations plasmatiques élevées après une injection de
extrahospitalier n’ont jamais démontré d’amélioration de calcium intraveineux peuvent être délétères en termes d’isché-
récupération d’une activité cardiaque avec le magnésium [28-33]. mie myocardique et de récupération neurologique.
Seule une étude de cas concernant cinq patients a retrouvé
d’éventuels bénéfices de l’utilisation de sulfate de magnésium Recommandations de l’International Liaison
en cas de fibrillation ventriculaire réfractaire [34]. Committee on Resuscitation
Recommandations de l’International Liaison Le calcium n’est pas recommandé en routine dans le traite-
ment de l’AC.
Committee on Resuscitation
Les seules indications sont les causes spécifiques suivantes
Le sulfate de magnésium est indiqué : d’activité électrique sans pouls comme :
• en cas de fibrillation ventriculaire résistante au choc dans un • l’hyperkaliémie ;
contexte d’hypomagnésémie suspectée ; • l’hypocalcémie ;
• en cas de torsade de pointes ; • l’intoxication aux bloqueurs calciques à l’origine de l’AC.
• en cas d’AC dans un contexte d’intoxication digitalique. La dose initiale est de 10 ml de chlorydrate de calcium à
Dans ces cas, une dose initiale intraveineuse de 2 g (4 ml 10 %, à répéter si nécessaire. Il ne faut pas injecter simultané-
(8 mmol) de sulfate de magnésium à 50 %) est injectée par voie ment du calcium et un soluté alcalin.
périphérique sur 1 à 2 minutes. Cette dose peut être répétée une
fois après 10 à 15 minutes de réanimation. Alcalinisation
Un AC entraîne une acidose mixte, respiratoire et métaboli-
que, induite par l’absence d’échanges alvéolocapillaires au
■ Autres substances et perfusions niveau pulmonaire et par le développement d’un métabolisme
cellulaire anaérobie. Le meilleur traitement de cette acidose est
Il n’y a pas d’évidence scientifique justifiant l’utilisation le massage cardiaque et accessoirement la ventilation.
d’autres substances en routine (par exemple les solutés alcalins, Il n’existe pas d’étude de niveaux 1, 2 ou 3 sur l’intérêt de
l’aminophylline, l’atropine, le calcium) pour espérer améliorer la l’utilisation du bicarbonate de sodium au cours de la RCP. Une
survie des AC à la sortie de l’hôpital. étude de niveau 2 [44] n’a pas montré de supériorité à une
perfusion de tribonate par rapport à un placebo, alors que cinq
Atropine études rétrospectives anciennes de niveau 4 n’ont pas non plus
permis de montrer une amélioration du pronostic avec du
L’atropine est un antagoniste de l’action de l’acétylcholine bicarbonate de sodium [45-49] . Seule une étude de niveau
comme neurotransmetteur parasympathicomimétique agissant 4 suggère une amélioration du pronostic vital et neurologique
sur les récepteurs muscariniques. Ainsi, l’atropine bloque l’effet initial et à la sortie de l’hôpital [50]. Une étude a en revanche
du nerf vague au niveau du nœud sinusal, de la conduction démontré l’intérêt d’une perfusion de bicarbonate de sodium en
auriculaire et du nœud auriculoventriculaire, augmentant ainsi cas d’AC induit par une intoxication aux antidépresseurs
l’automaticité sinusale et facilitant la conduction auriculoven- tricycliques ou par un autre bloqueur du canal sodique
triculaire. rapide [51].
4 Médecine d’urgence
Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20
Médecine d’urgence 5
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire
Recommandations de l’International Liaison [15] Aung K, Htay T. Vasopressin for cardiac arrest: a systematic review and
Committee on Resuscitation meta-analysis. Arch Intern Med 2005;165:17-24.
[16] Callaham M, Madsen CD, Barton CW, Saunders CE, Pointer J. A
Si l’abord vasculaire est retardé ou ne peut être obtenu, randomized clinical trial of high-dose epinephrine and norepinephrine
l’abord intraosseux doit être envisagé. vs standard-dose epinephrine in prehospital cardiac arrest. JAMA 1992;
Les médicaments peuvent être injectés au travers de la sonde 268:2667-72.
d’intubation si les deux abords précédents sont retardés ou [17] Klouche K, Weil MH, Sun S, Tang W, Zhao DH.Acomparison of alpha-
impossibles. methylnorepinephrine, vasopressin and epinephrine for cardiac
Il n’y a pas de bénéfice à l’injection distale endobronchique resuscitation. Resuscitation 2003;57:93-100.
par rapport à l’injection directement dans la sonde d’intubation. [18] Hilwig RW, Berg RA, Kern KB, Ewy GA. Endothelin-1
La dilution des produits utilisés doit être réalisée de préférence vasoconstriction during swine cardiopulmonary resuscitation improves
par de l’eau distillée plutôt que par du sérum physiologique coronary perfusion pressures but worsens postresuscitation outcome.
pour améliorer l’absorption du médicament. Circulation 2000;101:2097-102.
[19] Holzer M, Sterz F, Behringer W, Oschatz E, Kofler J, Eisenburger P,
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Gueugniaud P.-Y., Jardel B., David J.-S. Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-B-20, 2007.
8 Médecine d’urgence
25-010-B-30
Défibrillations semi-automatique
et entièrement automatique externes
J.-M. Agostinucci, P. Bertrand
Le traitement de la fibrillation ventriculaire (FV) par des électrodes externes transthoraciques chez
l’homme est connu depuis 1956, mais l’utilisation de défibrillateurs semi-automatiques (DSA) par les
paramédicaux et secouristes non médecins n’est autorisé en France que depuis 1998 (décret 98-239 du
27 mars 1998). Le décret du 4 mai 2007 met fin à la restriction d’utilisation des défibrillateurs automa-
tisés externes (DAE) et modifie le code de santé publique pour que toute personne, même non médecin,
soit habilitée à utiliser un DAE. En présence de tout arrêt cardiaque, quels que soient l’âge ou les cir-
constances, il est recommandé d’associer aux manœuvres classiques de réanimation l’utilisation d’un
défibrillateur le plus rapidement possible. La défibrillation externe est d’autant plus efficace qu’elle est
précoce. L’administration d’un choc électrique externe par un DAE est possible uniquement en cas de
détection d’une FV ou d’une tachycardie ventriculaire (TV). Cette spécificité est assurée grâce à un logi-
ciel d’analyse des signaux électrocardiographiques. Il est démontré que l’utilisation précoce des DAE par
le grand public favorise le pronostic de récupération des arrêts cardiaques. Il convient donc en 2015 de
multiplier les implantations dans les lieux publics de DAE et surtout de permettre leur accessibilité par une
signalisation efficace. Dans ce but, plusieurs applications mobiles existent à ce jour et une orientation
géographique de leur localisation lors de l’appel aux services d’urgence devrait, dans les années à venir,
permettre l’accroissement de la survie des patients en arrêt cardiaque.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
■ Nouveautés et perspectives
Aide au massage cardiaque externe
9
9
Physiologie de la fibrillation
Assistance au massage cardiaque automatisé 9 ventriculaire
Matériels communicants 9
Perspectives 9 La FV est un rythme ventriculaire inefficace et non réversible
■ Conclusion 9 spontanément qui correspond cliniquement à un arrêt cardiaque
fatal en quelques minutes.
Physiologiquement l’hyperexcitabilité des cellules myocar-
diques entraîne de multiples « micro-réentrées ». Cela provoque
une désynchronisation complète du myocarde.
Introduction La cause la plus fréquente des FV est l’ischémie myocardique
liée à l’athérosclérose coronarienne. Cette dernière est retrouvée
Les arrêts cardiaques hors de l’hôpital représentent aujourd’hui dans 70 à 85 % des morts subites [10, 11] .
en France environ 60 000 cas par an. Il est communément admis Mais l’apparition des FV peut aussi être associée à des causes
que la plupart des arrêts cardiaques sont dus à des fibrillations morphologiques : cardiopathies dilatées, dysplasies arythmo-
ventriculaires (FV) ou à des tachycardies ventriculaires (TV) sans gènes, fibrose diffuse, etc.
pouls. Il est démontré que la défibrillation précoce des patients Des causes purement électriques sont possibles, souvent sont
s’accompagne d’un taux de survie beaucoup plus élevé que celui incriminés les syndromes de QT longs, de Wolff-Parkinson-White
de 5 % retrouvé dans les études sur l’arrêt cardiaque [1] . Certains ou de Brugada.
auteurs ont même évalué que toute minute perdue correspondait Enfin, 10 % des FV semblent idiopathiques.
à 10 % de diminution de la survie [2] . Certains facteurs vont favoriser l’hyperexcitabilité des cellules
En 2007, face à ce constat et sur l’avis positif de l’Académie de myocardiques : les dyskaliémies, les dyscalcémies, une augmenta-
médecine, l’État a acté par décret que : « Toute personne, même tion des catécholamines circulantes ou encore l’action de certains
non médecin, est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé médicaments proarythmogènes [12] .
externe répondant aux caractéristiques définies à l’article R. 6311-
14 ».
Défibrillation externe
Historique de la défibrillation La défibrillation externe consiste en la délivrance d’un choc
électrique par voie transthoracique à travers deux électrodes de
En 1775, Abildgrad, un vétérinaire danois pratique la première grandes tailles. Il s’agit d’appliquer un courant pour dépolariser
expérience de défibrillation externe par un choc électrique sur le 100 % des cellules simultanément afin de reproduire un rythme
thorax d’une poule en état de mort apparente, et la ramène à la coordonné.
vie [3] .
Le phénomène de fibrillation ventriculaire (FV) est décrit en Facteurs influençant la défibrillation
1849 par Ludwig et Hoffa.
En 1899, les physiologistes Prévost et Batelli montrent par des L’efficacité du choc en termes d’énergie est fonction de
expériences sur des chiens que l’on peut induire une FV par des l’impédance rencontrée. Pour l’American Heart Association
décharges électriques et qu’ensuite on peut, par des décharges (AHA) : « Quelle que soit l’intensité du choc choisie (en joules [J]),
d’intensité supérieure, arrêter cette FV. Ils utilisent, à l’époque, c’est le courant qui défibrille » [13] .
un courant alternatif sinusoïdal de 45 Hz [4] . L’impédance varie en fonction de la résistance au passage du
À partir de 1933, les travaux de Hoocker bénéficient de courant, cette résistance peut être liée à la qualité de la peau du
budgets importants de recherche par les deux grandes compa- patient, la taille des électrodes et la qualité de leur contact, d’où
gnies d’électricité américaine pour réduire la mortalité de leurs l’importance de ce contact [14] .
employées victimes d’électrocution. Cette année-là, il décrit avec Pour renforcer l’efficacité de la défibrillation, plusieurs facteurs
Kouwenhoven le traitement de la FV par la décharge d’un conden- sont à prendre en compte : l’intensité du seuil de défibrillation, la
sateur [5] . période de décharge du courant et le type d’onde employé.
En 1947, Beck et al. pratiquent avec succès la première défi-
brillation interne chez un enfant de 14 ans après 45 minutes de
FV [6] .
Types d’onde de défibrillation
En 1956, Zoll et al. réalisent les premières défibrillations Plusieurs études expérimentales ont déterminé les critères
transthoraciques humaines par des électrodes externes ; un seul d’efficacité et d’innocuité des ondes de défibrillation.
de ses quatre patients va survivre, ce qui fait dire à Zoll L’onde ne doit pas durer plus de 100 ms car c’est l’excès en durée
que « le succès d’une défibrillation dépend de l’identification qui favorise la refibrillation. L’excès d’amplitude peut aller jusqu’à
immédiate de la FV et l’utilisation rapide du défibrillateur la FV irréversible et à la destruction totale des cellules myocar-
externe » [7] . diques [15] .
En 1966, à Belfast, un premier défibrillateur transpor- Plusieurs types d’onde peuvent être employés :
table placé dans une ambulance est utilisé en dehors de • les ondes monophasiques (Fig. 1). Elles sont caractérisées par
l’hôpital. la forme du courant électrique délivré. Les plus utilisées sont
En 1972, l’équipe de Rose et Press dans la ville de Portland confie la sinusoïdale amortie ou exponentielle tronquée. Les ondes
des défibrillateurs portables à des secouristes non médecins après monophasiques se caractérisent par le passage du courant d’une
une formation de 84 heures. Eisenberg et al. montrent alors une électrode à l’autre dans un seul sens. C’est l’onde utilisée dans
amélioration de la survie des arrêts cardiaques pris en charge par les premiers DAE ;
des secouristes équipés de défibrillateur [8] . • les ondes biphasiques (Fig. 2). Le type d’onde biphasique est
En Angleterre, en 1980, apparaissent les premiers appareils auto- celui délivré par les défibrillateurs modernes et disponibles
matiques et leur utilisation par des non médecins est acceptée à sur le marché français. Elle consiste en une inversion du pas-
titre expérimental par la Food and Drug Administration (FDA) sage du courant d’une électrode à l’autre pendant la décharge.
deux ans plus tard. Cela permet de délivrer des chocs de basse énergie (120 à
En France, ce n’est qu’en 1990 que le comité d’éthique puis trois 150 J). Les configurations de choc sont différentes suivant les
ans plus tard l’Académie de médecine donnent un avis favorable modèles : cette onde biphasique peut être tronquée, rectiligne
à l’utilisation de défibrillateur automatisé externe (DAE) par des ou pulsatile. Il n’existe aucune étude de comparaison entre
équipes non médicales pour une première expérimentation sur ces différentes configurations [16] . L’efficacité supérieure du choc
l’agglomération de Lyon [9] . biphasique chez l’homme a été démontrée ; en abaissant le seuil
50 40
40
30
30
20
Courant (ampère)
Courant (ampère)
20
10
10
0 0
–10
–10
–20
200 Joules à 50 Ohms –20
0 4 8 12 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Temps (msec)
Temps (msec)
Figure 1. Onde monophasique amortie.
Figure 2. Onde biphasique rectiligne (onde de type Zoll® ).
que les utilisateurs aient reçu une formation pour pourvoir les
manipuler efficacement.
Inconscient et ne respire
Cette formation aujourd’hui de courte durée, moins d’une
pas ou respiration
heure, est dispensée dans tous les programmes de formation aux
anormale (gasp)
premiers secours pour le grand public (initiations, prévention et
secours civique de niveau 1, premiers secours en équipe, etc.).
Pour les personnels de santé, depuis 2006, la pratique de la défi-
brillation semi-automatique est intégrée à la formation aux gestes Appeler à l’aide
et soins d’urgence (Attestation de formation aux gestes et soins Alerter les secours et
d’urgence [AFGSU]), niveau 1 obligatoire pour toute formation demander un DAE
initiale de santé [35] .
La direction de la sécurité civile a mis en place un référentiel
de formation à la défibrillation intitulé « Alerter, masser, défibril-
ler » [36] . Alternance de 30
compressions thoraciques
Avec deux ventilations
Place du défibrillateur artificielles
automatisé externe
dans la réanimation Évaluation du rythme
cardiopulmonaire par le DAE
Une fois le DAE sur place : l’enfant sont limitées et le modèle animal est beaucoup utilisé.
• il faut mettre immédiatement en marche l’appareil et suivre les Cette étude, malgré le peu de cas retenu, permet de conforter l’idée
directives audiovisuelles ; d’un choc plutôt unique à l’intensité assez forte. L’intensité rete-
• les électrodes sont collées de part et d’autre du cœur. Une élec- nue est de 4 J/kg, ce qui est aussi évoqué par le registre américain
trode est placée en haut et à droite à la face antérieure du thorax sur l’arrêt cardiaque où il est noté une moindre réduction de FV
sous la clavicule, une électrode est placée en bas et à gauche, à avec des intensités faibles de 2 J/kg [40] .
l’emplacement de V6 sur la ligne axillaire moyenne (Fig. 3). Les DAE modernes mesure la conductance de la victime et
• s’il y a plusieurs sauveteurs sur les lieux, la réanimation cardio- adapte, dans une certaine mesure, l’intensité du choc. Il est
pulmonaire peut être poursuivie pendant la pose des électrodes tout de même recommandé d’utiliser des électrodes pédiatriques
sur le thorax ; avec réducteur d’intensité ou un DAE pédiatrique. Beaucoup de
• les sauveteurs s’écartent à la demande du DAE ; défibrillateurs ne proposent pas de système pour s’adapter à la
• les compressions thoraciques peuvent être poursuivies après pédiatrie et, par défaut dans l’urgence, l’utilisation d’un DAE des-
l’analyse et arrêtées seulement au moment de la charge par le tiné à l’adulte est toléré [41] .
DAE ; Sur les cas rapportés de la littérature, la défibrillation chez
• le DAE va délivrer, si nécessaire, un choc à la fois ; ne pas enchaî- l’enfant de plus de 1 an est efficace et sans complication spécifique.
ner des séries consécutives de choc. Un choc seul, répété toutes Les cas de mise en œuvre d’un DAE chez le nourrisson de moins
les deux minutes si nécessaire, en alternance avec des compres- de 1 an se résument à quelques publications [42] . L’indication de
sions thoraciques, montre une baisse de récidive de la FV et une choc électrique chez un nourrisson est extrêmement rare et uni-
survie qui augmente. quement quand il existe une maladie cardiaque. Dans ces rares cas,
Les chances de conversion de la FV se réduisent si on inter- le rapport bénéfice/risque est favorable au choc par le DAE et son
rompt trop longtemps le MCE. Après la séquence et quelle que utilisation doit être envisagée de préférence avec un atténuateur
soit la décision de l’appareil, qu’il y ait eu un choc ou non, il d’intensité.
faut reprendre immédiatement la réanimation cardiopulmonaire. Les recommandations françaises pour le grand public formé aux
Même en cas de choc efficace, il est très difficile de contrôler la premiers secours ne font pas de distinction d’âge entre nourrisson,
présence d’un pouls juste après la reprise d’une activité cardiaque enfant et adulte pour la décision de mise en œuvre du DAE dans
efficace. En cas d’absence d’efficacité du choc, il y aurait une perte le cas d’un arrêt cardiaque [43] . Cela se justifie par la très faible
de chance en cas de non-reprise immédiate du MCE et, enfin, les incidence des arrêts cardiaques pédiatriques et par la part non
compressions thoraciques sur un cœur battant n’entraînent pas négligeable de l’origine cardiaque des arrêts chez les tout-petits.
de risque de reproduire l’arrêt cardiaque ou une FV. L’autre justification de cette non-distinction est l’objectif éduca-
Les consignes du DAE doivent être suivies jusqu’au relais par les tionnel qui est de former le plus grand pourcentage possible de la
secours spécialisés. Les gestes de réanimation sont arrêtés si la vic- population avec des informations faciles à mémoriser.
time présente des signes de réveil, des mouvements, une ouverture La technique d’utilisation est très proche des recommandations
des yeux ou reprend une respiration normale. pour l’adulte :
• un seul choc d’intensité suffisante à 4 J/ kg ;
• limiter le temps de non-massage ;
Procédures particulières avec défibrillateur • une onde biphasique est recommandée ;
manuel • les électrodes sont positionnées l’une antérieure sur le sternum,
l’autre postérieure pour éviter qu’elle se chevauche et de risquer
La probabilité pour un deuxième choc consécutif d’être efficace un arc électrique (Fig. 5).
est faible et il n’est pas recommandé d’enchaîner les chocs. Il y a
deux cas particuliers où une séquence de trois chocs consécutifs
reste recommandée, il s’agit de la post-chirurgie cardiaque et le
cathétérisme cardiaque. En cas de chirurgie cardiaque, le MCE est Contre-indications
retardé au troisième choc pour éviter un lâchage de suture, en
cas d’échec, cela se poursuit par une resternotomie, une reprise
et cas particuliers
chirurgicale, un choc électrique interne [39] .
Contre-indications
Pour la victime, Il n’existe pas de contre-indication à la mise
Précautions d’emploi
Défibrillation de l’enfant L’envoi d’un courant électrique entre deux électrodes entraîne
des interrogations quand le corps de la victime repose sur un
Une étude prospective sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque sol mouillé ou métallique. Sur un sol qui conduit le courant, il
de l’enfant en intrahospitalier sur une durée de deux ans a recensé n’y a pas de risque pour le sauveteur s’il n’est pas en contact
563 arrêts cardiaques chez 502 enfants. Il a été possible d’analyser direct avec la victime au moment du choc. En revanche, l’énergie
40 événements pour 37 enfants. Les causes retrouvées d’arrêts car- délivrée va diffuser à travers la surface conductrice et se perdre
diaques sont d’origine cardiaque dans 56,8 % des cas, 13,5 % dans le sol. L’efficacité optimale de la défibrillation est incertaine.
sont des sepsis, 10,8 % sont des maladies respiratoires, 5,4 % Dans certains lieux, par exemple sur un bateau métallique, le
sont d’origine neurologique et 13,5 % sont de causes diverses. Le DAE est accompagné d’une couverture isolante à placer sous la
nombre moyen de choc est de 2,4 et l’intensité pour le premier victime.
choc est de 3,7 J avec des doses croissantes pour les chocs suivants. Pour optimiser l’efficacité du choc, les électrodes doivent être
On obtient des doses cumulées de 10 J/kg. collées sur une surface cutanée parfaitement sèche. Tout disposi-
Il est admis que l’intensité et le nombre de chocs doivent être tif médicamenteux pouvant se retrouver entre les électrodes et la
optimisés pour limiter les lésions myocardiques. Les études chez peau doit être enlevé.
Cas particuliers
Femme enceinte “ Point fort
Dans une revue de la littérature, sur 44 cas de femmes enceintes
ayant été choquées avec des intensités allant de 50 à 400 J, il • L’utilisation du DAE chez l’enfant est identique à l’adulte
est décrit trois accouchements prématurés, deux césariennes en et sans limite d’âge.
urgence avec des enfants nés en bonne santé. Il semble difficile • Chez une femme enceinte, il n’y a pas de différence de
de faire un lien de cause à effet pour ces différents événements.
recommandation pour la défibrillation.
Pour ces cas, les chocs sont programmés pour traiter un trouble
du rythme et ce ne sont pas des situations de grande détresse
circulatoire ou d’arrêt cardiaque [44, 45] .
Chez la femme enceinte, le DAE est utilisable avec les recom- technologique des téléphones a remis en question cette idée, le
mandations habituelles. Il n’existe pas d’étude sur ce thème mais risque d’interférence est minime et contrôlable [1] .
uniquement des publications à propos de cas isolés. En théorie, il L’analyse de l’interaction des téléphones portables avec les dis-
existe un risque pour le fœtus. Les facteurs aggravants sont la durée positifs médicaux en général dans les hôpitaux conclus qu’une
et l’intensité du choc, le trajet du courant à travers l’utérus, le distance de un mètre est suffisante pour éviter les interactions [48] .
liquide intra-utérin conduit très bien le courant. Il est évoqué, sans En ce qui concerne les DAE, plusieurs études ont été menées,
étude formalisée, de déplacer l’électrode axillaire pour la ramener dont notamment l’analyse du fonctionnement de 12 DAE inter-
sous le sein gauche et limiter un trajet du courant intra-utérin. En férants avec deux types de téléphone d’une puissance respective
pratique la défibrillation transthoracique semble à risque faible, de deux et de huit watts (W) ; l’objectif étant la bonne indication
toutefois il est recommandé d’enlever le monitoring de l’enfant du choc mesurée sur un simulateur de rythme et sur deux volon-
au moment du choc pour éviter un arc électrique [46] . taires sains. Chaque DAE a été testé 720 fois et aucune erreur n’est
retrouvée, que ce soit par excès ou par défaut. La sensibilité et la
spécificité pour ces 12 appareils sont de 100 % pour un téléphone
Stimulateur cardiaque ou défibrillateur implanté
émettant sur la fréquence de 900 MHz, seul existe un parasitage
Lors du choc, il y a un risque d’échauffement, de déréglage ou du haut-parleur qui peut entraîner une mauvaise compréhension
de déprogrammation du dispositif, de panne permanente [47] . des messages du DAE [49] .
La peau ou les tissus sous-cutanés peuvent être brûlés. Les téléphones sont positionnés soit sur le thorax entre les
Il est recommandé de placer une électrode en antérieur et l’autre électrodes, sur le DAE ou sur la connexion électrodes et boîtier.
en postérieur sur un axe perpendiculaire à l’axe stimulateur-cœur. L’analyse montre un bruit parasite dans le haut-parleur du DAE
Il est nécessaire de faire réviser le dispositif après l’usage du DAE. qui apparaît deux à quatre secondes avant la sonnerie et pendant
toute sa durée puis à l’extinction du téléphone. Il n’y a pas de
dysfonction du défibrillateur et les interférences disparaissent si
Téléphone et défibrillateur le téléphone est éloigné de 15 cm du dispositif [50] .
Le téléphone portable devient aujourd’hui un outil d’aide à la
automatisé externe réanimation cardiopulmonaire en localisant les DAE ou en pro-
posant un métronome pour contrôler la fréquence du MCE ou
La notion d’interférence entre les dispositifs médicaux et encore une assistance à l’aide de l’accéléromètre inclus dans cer-
les téléphones portables date des années 1990. L’évolution tains smartphones [51] .
Sécurité et maintenance choc est délivré précocement pendant le vol. Dans ce but, les
personnels navigants sont maintenant systématiquement formés
Sécurité à l’utilisation de ce genre de dispositif. Par exemple, la compa-
gnie Air France forme l’ensemble de ses personnels navigants et
L’algorithme de la détection de la FV, la haute sensibilité et la au sol à l’utilisation des DAE, qui sont maintenant implantés
spécificité des appareils assurent la sécurité du patient. dans tous leurs appareils. Dans un article de 2004, Bertrand et al.
Celle du sauveteur est assurée par le respect des recomman- décrivent même une survie sans séquelles chez 17 % des patients
dations d’utilisation et par l’innocuité relative des courants en arrêt cardiaque pris en charge à bord des avions d’Air France [55] .
employés en défibrillation, notamment les courants bipha- Dans le même temps, suite à l’expérience de l’aéroport de Chi-
siques [52] . cago, les aéroports, notamment en France, ont développé un plan
d’équipement de leurs plates-formes.
À la suite d’expériences positives dans les transports aériens, la
Maintenance Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a installé des
Les défibrillateurs procèdent à des autotests journaliers qui per- DAE dans tous ses trains à grande vitesse (TGV) et dans la majorité
mettent à l’appareil de vérifier périodiquement l’état des circuits de ces gares.
électroniques et des batteries, et ainsi qu’il est immédiatement
prêt à l’emploi. Les résultats de ces autotests se traduisent sur un
témoin visuel qui permet à l’utilisateur de voir du premier coup Suivi d’intervention
d’œil si l’appareil a détecté un dysfonctionnement empêchant son
utilisation. Ces résultats sont stockés dans la mémoire de l’appareil Un registre des arrêts cardiaques préhospitaliers a été mis en
qui est accessible au constructeur en cas de problème. place en 2013 à la demande de la Direction générale de la santé
Il est également recommandé de contrôler périodiquement (DGS). Ce registre a été confié au Centre d’expertise mort subite
l’état extérieur de l’appareil et les dates de péremption des élec- (CEMS), Inserm unité 970.
trodes et des batteries. Toutes ces informations sont disponibles Il est établi à partir des données renseignées par les services
dans la notice d’instruction de l’appareil. d’aide médicale urgente (Samu) dans la fiche de la DGS : il consiste
Les défibrillateurs étant des dispositifs médicaux, ils sont régis à évaluer l’installation et l’utilisation des défibrillateurs auto-
par le code de la santé publique dans son article R5212-25 : matisés. Pour chaque arrêt cardiaque, cette fiche renseigne sur
« L’exploitant veille à la mise en œuvre de la maintenance et des l’utilisation d’un défibrillateur, la commune de survenue, la cause
contrôles de qualité prévus pour les dispositifs médicaux qu’il de l’arrêt cardiaque, le lieu de survenue, la présence de témoins
exploite. La maintenance est réalisée soit par le fabricant ou sous et les soins prodigués par ces derniers, les délais de premier choc
sa responsabilité, soit par un fournisseur de tierce maintenance, électrique et d’intervention des secours, le type d’accès au défi-
soit par l’exploitant lui-même. » brillateur, le niveau de formation des témoins ayant donné les
L’article R5212-28 du même code modifié par décret (no 2011- premiers soins, le devenir à moyen terme du patient et son état
968 du 16 août 2011, article 1) [53] précise les dispositions à neurologique à la sortie de l’hospitalisation. Cette fiche répond
respecter, portant en particulier sur : aux critères d’Utstein relatifs à la mise en place d’un registre de
• la définition d’une organisation de la maintenance ; recueil de données sur les arrêts cardiaques.
• le recueil des informations permettant d’apprécier la pertinence Un second registre reprenant les mêmes données, le registre
des modalités de cette maintenance et de son exécution ; électronique des arrêts cardiaques (RéAC), a été initié en 2009 par
• la tenue d’un registre pour assurer la traçabilité des opérations ; les professeurs Gueugniaud et Hubert à Lyon puis à Lille. Il est
• l’accès aux appareils et informations par les personnes chargées opérationnel depuis 2011 et regroupe les données issues de 60 %
de leur maintenance et contrôle. des Samu et services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur)
La maintenance des DAE trouve sa justification dans le vieillis- de France [56] .
sement de deux composants essentiels de l’appareil :
• les piles et/ou batteries qui doivent être changées périodique-
ment. Leur durée de vie est variable de un à cinq ans selon leur Implantations et applications
type, les fabricants et les conditions d’utilisation ;
• les électrodes dont le gel de contact se dessèche (selon les
numériques de localisation
modèles et l’exposition : entre deux et sept ans), rendant Implantation
l’ensemble inopérant.
Enfin, associé à cette maintenance, chaque utilisateur ainsi que Face aux coûts économiques que cela représente, l’implantation
le médecin référent de leur autorité d’emploi doivent signaler tout de DAE destinés au grand public nécessite de répondre à une
dysfonctionnement dans le cadre de la matériovigilance. question : les résultats dans la prise en charge de l’arrêt cardiaque
Jost et al. ont traduit cette capacité à décider, analyser et corriger sont-ils améliorés lorsque des DAE sont mis à disposition du public
un incident par le concept de « DSA-vigilance » [54] . pour permettre la délivrance plus rapide d’un choc électrique
externe en cas de FV ?
Un groupe multicentrique américain patronné par
l’AHA a formé à la réanimation cardiopulmonaire plus de
“ Point fort 19 000 volontaires en deux groupes. Dans l’un des groupes en
plus de cette formation, 1600 DAE était mis à disposition des
volontaires pour délivrer des chocs électriques externes en cas de
• La maintenance des DAE doit en priorité porter sur les FV avant l’arrivée des secours. Les auteurs de l’étude concluent
batteries et les électrodes. que la survie après un arrêt cardiaque extrahospitalier peut être
• Le médecin référent de l’autorité d’emploi doit signaler multipliée par deux grâce à la mise à disposition de DAE pour le
tout dysfonctionnement dans le cadre de la matériovigi- grand public [57] .
lance. D’autres travaux internationaux ont confirmé l’efficacité du
DAE utilisé par le grand public. Le plus célèbre est l’expérience
des aéroports de Chicago où plus de 50 défibrillateurs ont été mis
à disposition du public en libre-service. Sur deux ans, 18 patients
en FV sur 21 en arrêt cardiaque ont été défibrillés et ainsi dix
Utilisation dans les transports patients ont survécu sans séquelles neurologiques [58] .
En France, de nombreuses expériences ont confirmé ces résul-
Depuis le début des années 1990, les compagnies aériennes ont tats, notamment celles réalisées à Montbard où des DAE ont
équipé leurs appareils de DAE. Les premières études faites par ces été mis à disposition du public après une formation courte en
compagnies ont montré un taux de survie important lorsque le 2006 [59] .
Nouveautés et perspectives
Aide au massage cardiaque externe
La plupart des appareils est aujourd’hui équipée d’un métro-
nome permettant ainsi à l’utilisateur d’obtenir un rythme de
compressions régulier, il propose aussi un guidage vocal de la
réanimation cardiopulmonaire pour les utilisateurs novices.
Certains fabricants ont mis au point des systèmes d’aide au MCE
intégré à leurs appareils. Deux types d’aides sont proposés :
• le calcul de la variation de l’impédance thoracique ;
• le calcul de la profondeur à partir d’un accéléromètre intégré à
des électrodes « intelligentes ».
Ces aides permettent de modifier l’amplitude et la fréquence de
la compression pour adapter la conduite à tenir de l’utilisateur au
plus près des recommandations internationales.
Il peut être appelé à participer au projet de mise en place de DAE [23] Lapostolle F, Catineau J, Surget V, Houssaye T, Agostinucci JM, Adnet
dans sa commune ou dans son établissement. Il doit dans ce cas F. Quality of prehospital CPR based on AED records. Resuscitation
raisonner sur l’implantation géographique du dispositif et de son 2005;66:246–7.
accessibilité permanente et facile. [24] Kerber RE, Becker LB, Bourland JD, Cummins RO, Hallstrom AP,
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Agostinucci JM, Bertrand P. Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes.
EMC - Médecine d’urgence 2015;10(4):1-11 [Article 25-010-B-30].
Monitorage d’urgence
R. Jouffroy, P. Carli
hémorragique) ou le risque d’une situation clinique (dosage la Les techniques de mesure de la PA peuvent être divisées en deux
kaliémie en cas de troubles du rythme cardiaque) ou thérapeu- grandes catégories : la méthode indirecte ou non-invasive, et la
tique (dosage de la kaliémie avant induction en séquence rapide méthode directe ou invasive nécessitant un abord artériel.
utilisant la succinylcholine). Le monitorage permet aussi de suivre
l’effet des thérapeutiques entreprises (dosage de l’hémoglobine Mesure discontinue non-invasive de la pression
et transfusion de culots globulaires). Il permet aussi le suivi de artérielle
paramètres influençant la morbimortalité : hypothermie en cas
de choc hémorragique, hypotension artérielle, hypoxie et hyper- La mesure intermittente non-invasive de la PA, manuelle ou
capnie en cas de traumatisme crânien grave en constituent des automatique, repose sur l’utilisation d’un brassard pneumatique
exemples indiscutés. dont le gonflage induit l’occlusion d’une artère périphérique et
dont le dégonflage est suivi d’une séquence d’événements phy-
siques mesurables. La technique de mesure la plus ancienne et
la plus simple de la PA est la méthode manuelle reposant sur
Hémodynamique l’auscultation des bruits de Korotkow. Avec cette méthode, des
erreurs de mesure peuvent être générées par différents facteurs :
Fréquence et rythme cardiaque transmission insuffisante des sons, erreur de calibration du mano-
mètre, hypoperfusion périphérique avec production retardée des
L’électrocardioscope « classique » (trois ou quatre dérivations)
bruits et sous-estimation de la PA. La mesure nécessite dans tous
permet la surveillance continue de la fréquence et du rythme
les cas l’utilisation d’un brassard de taille adaptée au bras du
cardiaque. Si l’électrocardioscope permet de dépister des aryth-
patient avec un positionnement correct sur le trajet artériel [13] .
mies et des anomalies de la conduction et/ou de la repolarisation,
Elle est inutilisable en cas de collapsus ou en cas d’environnement
l’interprétation précise passe obligatoirement par la réalisation
bruyant.
d’un ECG 17 dérivations avec enregistrement papier et étalon-
Le développement des appareils de mesure automatique de la
nage précis. Par ailleurs, les moniteurs multiparamétriques sont
PA a permis de :
souvent associés à un défibrillateur permettant non seulement
• libérer du personnel soignant pour d’autres activités de soins ;
le diagnostic mais aussi le traitement immédiat des troubles du
• mesurer à intervalles réguliers la PA avec une estimation fiable ;
rythme les plus graves.
• attirer immédiatement l’attention en cas de variations impor-
Le monitorage électrocardioscopique est très répandu, voire sys-
tantes de la PA grâce à aux systèmes d’alarme ;
tématique, pour la surveillance des patients dans le contexte de
• mémoriser les valeurs de PA mesurées et réaliser un suivi évolu-
l’urgence. La tachycardie, signe le plus souvent observé dans le
tif.
contexte de l’urgence, est précoce mais très peu spécifique de
De rares complications ont été décrites avec ce type d’appareil
l’hypovolémie [5] . En revanche, la bradycardie doit être considé-
(compression nerveuse, thrombophlébite superficielle, syndrome
rée comme un signe d’alarme avec risque d’arrêt cardiaque dans
des loges) essentiellement lorsque la fréquence de mesure de la PA
un contexte d’hypovolémie sévère. La réalisation d’un ECG est
était excessive.
recommandée en cas de traumatisme grave [6] mais peut, dans des
La technique de mesure le plus souvent utilisée par ces appa-
situations moins graves, attendre l’arrivée à l’hôpital. Le monito-
reils est la méthode oscillométrique. L’amplitude maximale des
rage électrocardioscopique peut alors être une aide au diagnostic
pulsations correspond approximativement à la PA moyenne, les
étiologique (trouble de la conduction préexistant, source du trau-
valeurs de PA systolique et diastolique étant ensuite calculées.
matisme par exemple) ou une aide au dépistage des conséquences
Malgré l’existence d’une certaine approximation, liée directe-
du traumatisme (troubles du rythme, de la conduction ou de
ment au principe de mesure, de nombreuses études ont démontré
la repolarisation, révélateur d’une contusion myocardique ou
qu’il existait une excellente corrélation entre la PA mesurée par
microvoltage diffus, voire alternance électrique évocateur d’une
méthode oscillométrique et par méthode invasive [14] . La mesure
tamponnade). Un ECG normal n’exclut pas l’existence d’une
intermittente automatique de la PAM n’est pas fiable en cas
contusion myocardique [7, 8] .
d’hypotension, de frissons, d’arythmie et de mobilisation du
Le monitorage électrocardioscopique, indispensable dans le
patient (transport routier notamment) [6] , situations fréquentes
contexte de l’urgence, est cependant à lui seul insuffisant pour
dans le contexte de l’urgence.
surveiller efficacement les patients les plus graves.
Mesure continue non-invasive
Limites des multiparamètres et des filtres : Les progrès technologiques ont permis l’élaboration d’une tech-
nique non-invasive fournissant une représentation acceptable de
exemple du monitorage du segment ST l’onde de pression artérielle et une mesure continue de la PA,
Le signal ECG est un signal constitué de nombreux signaux alors qu’auparavant celle-ci nécessitait systématiquement l’abord
de fréquence et d’amplitude différentes pouvant être parasité par artériel. Cette mesure est réalisée à l’aide d’une petite manchette
tout paramètre de variation sinusoïdale. Pour dégager un signal photopléthysmographique placée sur la phalange d’un doigt. Les
ECG correct et non parasité, il est nécessaire d’éliminer certaines PA systolique, moyenne et diastolique sont calculées et la ten-
fréquences en utilisant des filtres. Ces filtres diminuent la qua- dance évolutive peut être visualisée en continu sur des périodes
lité du recueil et masquent ou amplifient des modifications du de temps prolongées. Le pouce semble être le meilleur site de
segment ST. De par la distorsion du signal liée à l’utilisation des mesure [15] . Une bonne corrélation entre PA mesurée de manière
filtres, il a été observé que les valeurs obtenues par le monitorage non-invasive et mesure invasive a été observée [15, 16] .
continu du segment ST sont supérieures à celles du Holter ou de
l’ECG de surface avec des variations différentes selon les dispositifs Monitorage invasif continu de la pression
médicaux [9–12] . artérielle
D’un point de vue théorique, toutes les artères périphériques
Pression artérielle peuvent être canulées ; en pratique, les artères radiale et fémorale
sont les plus utilisées. En intrahospitalier, il a été observé que la
Le monitorage de la pression artérielle (PA) est un élément clé méthode invasive permet d’obtenir une mesure fiable et conti-
du monitorage hémodynamique dans le contexte de l’urgence, nue, même en cas d’hypotension sévère ou de mobilisation du
notamment lors de la prise en charge d’un traumatisé grave [6] . patient [6] .
La PA moyenne (PAM) est l’un des principaux déterminants de la Il a été calculé que la mesure de la PA invasive dès la phase pré-
perfusion d’organes. Dans le contexte de l’urgence, il peut parfois hospitalière permettait un gain de temps sur la prise en charge
exister des variations aiguës et importantes de la PA, nécessitant globale pré- et intrahospitalière dans la mesure où la pose était
l’emploi d’appareils de mesure facilement et rapidement utili- effectuée dans un délai maximal de dix minutes [6] . La mesure des
sables, avec une fiabilité demeurant bonne dans une large gamme PA radiale et fémorale sont équivalentes [17] . Aussi, de par sa faci-
de mesure. lité d’accès et le calibre de l’artère fémorale par rapport à l’artère
PAW Δ down
Pause téléexpiratoire
radiale, l’abord fémoral est à privilégier en première intention faisabilité et l’intérêt du monitorage invasif de la PA a été obser-
dans le contexte de l’urgence. De plus, la mise en place du cathé- vée dans le contexte de l’urgence pré- et intrahospitalière [27] le
ter veineux central et la réalisation du bilan biologique peuvent recommandant de façon large dès la phase préhospitalière, en
être effectuées dans le même temps. particulier chez les malades instables sur le plan hémodynamique
Au niveau radial, la canulation artérielle peut entraîner une (polytraumatisme, hémorragie aiguë, sepsis grave) ou en neuro-
baisse du flux sanguin, source d’une ischémie distale par throm- traumatologie [6, 21] .
bose radiale (fréquence inférieure à 5 %) [18, 19] . Dans le contexte Le référentiel des compétences d’un médecin d’urgence rap-
de l’urgence, la voie fémorale doit être privilégiée car elle est pelle que l’abord artériel doit être acquis [28] . Un apprentissage et
associée à un très faible taux de complications (fistule artério- un entraînement régulier sont nécessaires pour la mise en œuvre
veineuse, pseudoanévrisme), et semble être à plus haut risque de rapide du monitorage invasif de la PA dès la phase préhospita-
complications infectieuses [20] . lière [6] .
La mesure invasive de la PA constitue la méthode de référence,
notamment en cas d’instabilité hémodynamique où elle reste
fiable [21] . Elle est très largement utilisée en réanimation pour les Échographie et Doppler
patients en état critique, notamment en cas d’état de choc où elle
permet de suivre en direct avec précision l’efficacité du traitement L’évaluation hémodynamique du patient en état critique ne se
entrepris. limite plus à la simple mesure de la PA. Actuellement, l’objectif
La mesure invasive de la PA donne quatre pressions apportant n’est plus uniquement d’optimiser la PA mais d’optimiser le
chacune des informations sur la situation cardiocirculatoire du débit cardiaque et, in fine, d’optimiser la perfusion tissulaire. De
patient : PA systolique (PAS), PA diastolique (PAD), PAM et pres- nombreuses techniques relativement complexes et nécessitant un
sion pulsée (PP). La PAD dépend du tonus vasculaire (résistances appareillage lourd souvent encombrant sont disponibles dans les
vasculaires systémiques) et de la durée de la diastole (fréquence services de soins intensifs et de réanimation. La miniaturisation
cardiaque). La PAS dépend de la PAD, du volume d’éjection systo- des dispositifs médicaux au cours des vingt dernières années a per-
lique et de la compliance artérielle. mis de rendre certaines de ces techniques accessibles au domaine
La PP est égale à la différence entre la PAS et la PAD. Chez un de l’urgence, même si toutes n’ont pas fait l’objet d’une évaluation
patient ventilé et sédaté en respectant les conditions de validité dans ce contexte.
de la mesure (fréquence cardiaque régulière, inférieure à 120/min,
absence de cycle respiratoire spontané et volume courant (VT)
d’au moins 7 ml/kg) [22] , la PP est maximale (PPmax) pendant Doppler œsophagien
l’inspiration et minimale (PPmin) pendant l’expiration. Les techniques de Doppler œsophagien permettent une éva-
Sa formule s’écrit : PP = (PPmax – PPmin)/[(PPmax + PPmin)/ luation non-invasive ou semi-invasive permettant un monitorage
2] × 100 (Fig. 1) [22] . hémodynamique continu du volume d’éjection systolique et du
Une valeur de PP supérieure à 13 % est prédictive d’une réponse débit cardiaque à partir de la mesure de la vélocité de la colonne de
positive au remplissage [23] . sang dans l’aorte descendante [29] . En cas d’hypotension artérielle,
La mesure invasive de la PA permet aussi d’apprécier indirec- le Doppler œsophagien permet de déterminer sur quelle portion
tement la volémie du patient par les variations de l’onde de de la courbe de Franck Starling se trouve le patient et d’opter
pression [22] et de guider la thérapeutique en cas d’hypotension pour la poursuite du remplissage vasculaire (portion ascendante
artérielle : poursuite ou non du remplissage vasculaire dans le dite « de précharge dépendance ») ou le recours aux vasopres-
but d’une optimisation du débit cardiaque tout en respectant les seurs (plateau de la courbe dit « de précharge indépendance ») afin
conditions de validité du critère décisionnel (fréquence cardiaque d’améliorer le débit cardiaque et la perfusion tissulaire [29] .
régulière, inférieure à 120/min, chez un patient en ventilation Le Doppler œsophagien est théoriquement réalisable en préhos-
contrôlée sans cycle respiratoire spontané et VT d’au moins pitalier chez des patients intubés, ventilés et sédatés. Cependant,
7 ml/kg pour le delta PP) [24] . la technique n’a pas encore été validée et ne semble pas pou-
La PAM est le reflet de la pression de perfusion tissulaire [25] . voir être retenue comme technique de monitorage de première
La PAM mesurée de façon invasive est la seule fiable [26] . La intention dans le contexte de l’urgence préhospitalière.
Réduction précharge Augmentation précharge Figure 2. Différents aspects observés avec le Doppler œso-
phagien (d’après [30] ). PV : pic de vélocité (vitesse maximale
des globules rouges dans l’aorte) ; TEJ : temps d’éjection ven-
triculaire ; TEJc : temps d’éjection ventriculaire corrigé vis-à-vis
de la durée du cycle cardiaque.
TEjc TEjc
Réduction postcharge
Augmentation postcharge PV
PV Tej PV
TEjc TEjc
Inotrope positif
Dépression myocardique
PV PV
Le schéma suivant représente les différents aspects observés sensibilité et spécificité diagnostiques (96–100 %) [34, 38] qui
avec le Doppler œsophagien (Fig. 2). peuvent être notablement affectées par un épanchement thora-
cique liquidien gauche [33] . Pour réaliser les échographies FAST
Échocardiographie et pleuropulmonaire, il n’est pas nécessaire d’être spécialiste
sans que cela n’ait d’influence sur les valeurs diagnostiques de
La miniaturisation des appareils d’échographie a permis de l’examen [33, 43, 44] .
les rendre utilisables en dehors de l’hôpital dans le contexte L’exploration pleuropulmonaire va rechercher un épanche-
de l’urgence. L’échographie transthoracique permet l’exploration ment pleural liquidien et/ou aérique. Un épanchement liquidien
péricardique par voie sous-costale et élimine un épanchement apparaît sous forme d’une image hypodense postérieure au-dessus
liquidien péricardique en cas d’instabilité hémodynamique [31] du diaphragme entre les plèvres pariétale et viscérale et présentant
(sensibilité et spécificité diagnostiques respectives de 100 % et de une variation respiratoire de la distance interpleurale [45] .
99 à 100 % selon les études [32–34] ). Elle permet aussi l’évaluation du Un épanchement aérique se caractérise par la disparition du
retentissement hémodynamique de la tamponnade, l’évaluation glissement pleural, la disparition des « queues de comètes » et
de la volémie, la recherche d’une contusion myocardique, d’une la présence d’un « point poumon ». L’échographie pleuropulmo-
rupture de l’isthme aortique [35] , d’embolies gazeuses systémiques naire est plus sensible que la radiographie thoracique pour la
lors de contusions pulmonaires sévères [36] . détection des pneumothorax antérieurs [45] . Sa sensibilité et sa
Dans 1 à 4 % des cas, la réalisation de l’échocardiographie spécificité sont bonnes (84 à 97 % et 100 % [45, 46] ). Elle peut être
transthoracique est impossible [31] . L’échographie cardiaque tran- impossible à réaliser en raison d’un emphysème sous-cutané [47] .
sœsophagienne (ETO) peut fournir des renseignements non Au final, la FAST doit être considérée comme un outil de moni-
donnés par l’abord transthoracique [37] . Cependant, compte tenu torage diagnostique et thérapeutique (décision d’une laparotomie
de la lourdeur logistique de sa mise en œuvre et de la nécessité d’un immédiate en cas d’instabilité hémodynamique chez un polytrau-
apprentissage initial et continu à sa pratique, l’ETO ne semble pas matisé).
pouvoir être retenue comme un examen de monitorage dans le Par ailleurs, l’échographie peut être utilisée dans le même temps
contexte de l’urgence préhospitalière. pour le repérage vasculaire préalable à la pose des cathéters fémo-
raux permettant un gain de temps [48] .
« Focus abdominal sonography for trauma »
échographie
L’échographie dite focus abdominal sonography for trauma (FAST) Ventilation
a été initialement décrite pour l’exploration des structures abdo-
minale et péricardique [38] . Son association pour l’exploration des Monitorage de l’oxygénation par oxymétrie
structures pleuropulmonaires a fait d’elle l’examen de référence de pouls
pour le bilan d’imagerie initial en salle de déchocage du patient
traumatisé grave. Elle est réalisée avec un échographe en mode La saturation mesurée par oxymétrie de pouls s’exprime par le
bidimensionnel et une sonde de 2 à 5 Mhz, chez un patient en terme SpO2 pour saturation pulsée en oxygène. Le monitorage
décubitus dorsal si possible la vessie en réplétion [39] . Elle est réa- de la SpO2 est essentiel dans le monitorage de l’oxygénation et
lisable en moins de cinq minutes [40] . fondamental dans le monitorage des patients hypoxémiques ou
L’exploration abdominale examine le pelvis et les hypocondres à risque d’hypoxémie. Le monitorage de la SpO2 permet de sur-
droit et gauche afin de rechercher et de quantifier un épanche- veiller, de façon simple, continue et non-invasive, l’oxygénation
ment intrapéritonéal détectable à partir d’un volume de 150 à artérielle. Il est plus performant que l’examen clinique permet-
250 ml. La sensibilité augmente avec le volume de l’épanchement tant une détection plus précoce et plus fiable de l’hypoxémie par
(97 % pour un épanchement de 600 ml) [41, 42] . rapport à l’évaluation clinique chez les patients en ventilation
L’exploration péricardique classiquement par voie sous-costale spontanée et contrôlée [49, 50] .
dans le même temps que l’exploration abdominale va per- L’oxymétrie de pouls combine la spectrophotométrie d’absor-
mettre de rechercher un épanchement liquidien péricardique en ption pour la mesure de l’oxymétrie et la photopléthysmogra-
cas d’instabilité hémodynamique [31] . Elle présente d’excellentes phie pour la détection de l’onde de pouls. La spectrophotométrie
d’absorption permet de mesurer les contenus relatifs en oxyhé- Monitorage de la ventilation mécanique
moglobine et en hémoglobine réduite (coefficients d’absorptions
différents). Les oxymètres de pouls fournissent un résultat Le monitorage de la ventilation mécanique dépend du mode
moyenné issu de plusieurs systoles et diastoles et n’explorent ventilatoire choisi : invasif ou non, ventilation en pression ou en
que l’absorption liée au sang artériel pulsatile (soustrac- volume, etc. Le monitorage du VT, de la fréquence respiratoire,
tion de l’absorption obtenue en diastole à l’absorption en de la ventilation minute, de la fraction inspiratoire en oxygène
systole). et des pressions d’insufflation est indispensable. Les paramètres
Avant d’utiliser cette technique à visée diagnostique et de moni- réglés sur le ventilateur comme ceux en découlant (rapport durée
torage, il faut connaître l’erreur de cette méthode par rapport à la de l’insufflation sur la durée de l’expiration [TI/TE] ou pause télé-
méthode de référence : la mesure de la saturation artérielle du sang inspiratoire) doivent être facilement et rapidement accessibles.
en oxygène (SaO2 ) par un co-oxymètre. Dans une étude, il a été Les paramètres suivants doivent être affichés en permanence :
observé des différences entre les valeurs de SaO2 et de SpO2 obte- • mode en débit : volume courant inspiré (VTI), fréquence res-
nues avec 14 oxymètres de pouls. Pour des saturations proches piratoire, ventilation minute (VE), TI/TE ou le rapport de la
de 55 %, l’exactitude (SpO2 -SaO2 ) variait entre –15,1 et +5,5 % [51] . durée de l’inspiration sur la durée totale du cycle ventilatoire
Ainsi, dans la plupart des situations cliniques, l’information four- (TI/TTOT), débit d’insufflation, durée du plateau inspiratoire,
nie par l’oxymètre de pouls (SpO2 ) est relativement assez précise, pression expiratoire positive (PEP) ;
excepté dans les cas d’hypoxémie extrême (SaO2 inférieure à • mode en pression : pression d’insufflation, PEP, fréquence res-
70 %). Il existe une variation moyenne de plus ou moins 4 % piratoire, TI/TE.
entre SpO2 et SaO2 [52] , aussi il est recommandé que la relation Les valeurs mesurées par le ventilateur devant être affichées en
entre SpO2 et SaO2 soit vérifiée par des mesures directes des gaz permanence sont : la pression maximale dans les voies aériennes
du sang [53] . (Pmax), la pression téléinspiratoire (Pplat), la PEP, le volume cou-
Avant toute interprétation, il est nécessaire de visualiser une rant expiré (VTE), la VE et la fréquence respiratoire.
courbe de phléthysmographie de bonne qualité pour que la valeur Les autres paramètres réglés (limites d’alarme) ou mesurés
de SpO2 puisse être interprétée correctement. doivent être disponibles sur demande [53] .
Dans nombre de situations, la SpO2 peut être prise en défaut :
• ambiance lumineuse fluorescente donnant des valeurs de SpO2 Volume courant et fréquence ventilatoire
faussement basses ;
• agitation du patient créant des artefacts de lecture ou la perte La mesure des paramètres ventilatoires (VT, fréquence ventila-
du recueil de la SpO2 [54] ; toire et VE) est obtenue facilement par l’utilisation de spiromètres.
• perte de la détection du signal du pouls, en cas d’état de choc Ces éléments permettent une adaptation des paramètres ventila-
ou d’hypothermie sévère (en dessous de 33 ◦ C) ; toires aux besoins du patient et permettent de détecter rapidement
• présence d’autres formes d’hémoglobine comme tout problème ventilatoire pathologique (bronchospasme, etc.)
l’hémoglobine réduite et l’oxyhémoglobine pouvant interférer ou mécanique (fuite sur le circuit, débranchement, etc.).
avec la mesure de la SpO2 [54] . La carboxyhémoglobine (HbCO),
la méthémoglobine (MetHb), ou la sulfhémoglobine (SulfHb) Pressions d’insufflation
ne sont pas détectées et exposent au risque d’une surestima-
La ventilation artificielle pendant le transport est en général réa-
tion, parfois importante, de la SaO2 par la mesure de la SpO2 .
lisée par un ventilateur mécanique obligatoirement muni d’une
La SpO2 n’est pas un mode d’évaluation adapté si les valeurs
alarme de débranchement et d’une alarme de surpression. La sur-
de HbCO et de MetHb sont élevées [53] ;
veillance de la pression d’insufflation permet ainsi de détecter
• anémie [55] ;
une surpression pulmonaire causée par un pneumothorax sous
• présence de pigments (vert d’indocyanine ou bleu de méthy-
tension apparu au cours de la ventilation mécanique.
lène) créant de fausses chutes de la SpO2 ;
La surveillance de la spirométrie expiratoire indiquant les
• présence de henné, d’encre, ou de vernis à ongles ;
volumes réellement reçus par le patient et non ceux délivrés par
• en revanche, la peau noire, les gants en vinyle, ou en plastique
le respirateur est indispensable. Le réglage des alarmes, notam-
transparent ne modifient pas la mesure de SpO2 .
ment de pression inspiratoire maximale, de pressions minimale
Si une valeur de SpO2 supérieure à 90 à 92 % peut être
et de plateau doit être systématique [63] . Une pression inspiratoire
considérée comme un signe a priori rassurant, à l’inverse, une
maximale voisine de 40 cmH2 O [63] est généralement recomman-
valeur basse indique soit que l’oxygénation est inadéquate, soit
dée ainsi qu’une pression de plateau inférieure à 30 cmH2 O [64] .
qu’il existe un défaut de perfusion [56, 57] modifiant les priorités
thérapeutiques. Spécificités des modes en volume
Chez un patient ventilé mécaniquement, il est recommandé • En ventilation contrôlée, la surveillance de la Pmax reflète à
que l’alarme basse soit fixée à 85 % et se déclenche après un délai la fois les résistances et l’élastance du système respiratoire et
d’environ 60 secondes [53] . l’auto-PEP (pression de départ dans le système) ;
Bien que la SpO2 serve préférentiellement à monitorer • en ventilation assistée contrôlée intermittente (VACI), la VE réa-
l’oxygénation d’un patient, elle peut également aider à la sur- lisée par les cycles assistés ou spontanés doit être affichée en
veillance de la fonction cardiovasculaire : permanence sous la forme de VE patient et comparée à la VE
• la disparition du caractère pulsatile de la SpO2 doit faire évoquer totale ;
une hypoperfusion distale ; • il doit être possible de régler le niveau d’alarme de Pmax jusqu’à
• l’étude des variations de la courbe de la SpO2 induite par la 100 cmH2 O afin d’assurer une VE minimale lors de situations
ventilation mécanique permet de prédire ou non la probabi- exceptionnelles (fibroscopie bronchique ou massage cardiaque
lité d’une réponse positive au remplissage vasculaire en cas automatisé par exemple) ;
d’hypotension artérielle [56, 57] . • l’alarme portant sur la pression minimale des voies aériennes
est nécessaire.
40 40
20 20
1 2 1 2
A B
Figure 4. Exemples d’aspect pathologique du capnographe. EtCO2 : valeur téléexpiratoire du gaz carbonique (CO2 ).
A. Augmentation des résistances expiratoires comme dans le bronchospasme (1) et augmentation de la pente du plateau expiratoire au cours des broncho-
pathies chroniques obstructives (2).
B. Encoche visible lors du plateau lors d’une reprise de la ventilation spontanée (1). Plateau biphasique lors d’un asynchronisme ventilatoire des deux poumons
(2).
Conclusion
Biologie L’évolution technologique a permis de rendre accessible au
monitorage continu ou non de nombreux paramètres physiolo-
giques et biologiques dans le contexte de l’urgence. Les dispositifs
Le monitorage biologique a été permis par la miniaturisa- médicaux disponibles permettent un suivi rapproché des patients
tion et la simplification des dispositifs médicaux autorisant la afin d’établir rapidement un diagnostic ou de dépister précoce-
réalisation d’analyses biologiques délocalisées, notamment en ment un incident permettant une amélioration du pronostic. La
extrahospitalier. Ces différents systèmes sont constitués d’un boî- diversité et la multiplicité des paramètres monitorés ne doivent
tier de petite taille permettant un transport aisé au lit du malade pas faire oublier les limites de chaque technique de monitorage
(dénomination anglaise : bed-side hand-held unit), dans lequel on qui doivent toujours être confrontées aux données de la clinique.
introduit une cassette avec l’échantillon de sang à tester. Les
mesures sont effectuées au moyen d’électrodes miniatures ion-
sélectives, par conductimétrie et ampérométrie associées à des
catalyses enzymatiques et permettent d’accéder au ionogramme
sanguin (Na+ , K+ , Cl– , Ca2+ i), à l’urée et à la créatinine sanguine,
à la glycémie, à la troponine, à la HbCO, aux gaz du sang (pH,
“ Points essentiels
PO2 , PCO2 , SaO2 , base excès et bicarbonates), au lactate et à
l’hématocrite. • L’examen clinique peut être pris en défaut dans le
Parmi les nombreux dispositifs médicaux disponibles sur le dépistage précoce des complications dans le contexte de
marché, on peut citer i-STAT® (Princeton, New Jersey, États-Unis ; l’urgence.
distribué en France par Abbott Diagnostics Division, Rungis), AVL • Le monitorage est une aide précieuse permettant un
Opti® (Roche/AVL Corporation, Roswell, Géorgie, États-Unis), dépistage plus précoce des complications.
Immediate Response Mobile Analysis (IRMA) (Diametrics Saint • Le monitorage a permis une amélioration du pronostic
Paul, Minnesota, États-Unis) qui permettent de réaliser un iono- des patients.
gramme sanguin et une gazométrie artérielle ainsi que le dosage • Les limites de chaque technique de monitorage doivent
de la troponine I et du BNP. être connues.
L’un des principaux avantages est la disponibilité quasi ins-
tantanée des résultats biologiques, pouvant être vital dans la
gestion des patients graves. Ces dispositifs médicaux sont par
ailleurs simples et ne nécessitent pas de formation particulière
(bonne fiabilité, bonne précision et bonne reproductibilité des
résultats [92, 93] ). L’utilisation de dispositifs de biologie délocalisée Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
est soumise à une réglementation où le biologiste hospitalier a relation avec cet article.
un rôle clé (responsable du respect des procédures qualité et de la
maintenance des appareils) [6] .
Chez le traumatisé grave, la mesure préhospitalière de certains Références
paramètres biologiques peut permettre de modifier les orienta-
tions diagnostiques et thérapeutiques. Chez le traumatisé grave, [1] Cayten C, Stahl W, Agarwal N, Murphy J. Analyses of preventable
le dosage de la glycémie et de l’hémoglobine sont incontour- deaths by mechanism of injury among 13,500 trauma admissions. Ann
nables [6] . Surg 1991;214:510–20 [discussion 520–1].
Il a été observé que l’utilisation des appareils de biologie délo- [2] SFAR. Conférence d’experts. Le monitorage du patient traumatisé
calisée (ABD) permettait une prise en charge rapide et efficace des grave en préhospitalier. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:R571.
patients avant leur arrivée aux urgences [94] . [3] Stratégie de prise en charge extrahospitalière d’un polytraumatisé. In:
Si les ABD accélèrent l’obtention des résultats et la prise en Conférences d’actualisation. Paris: Elsevier Masson-SFAR; 2000. p.
charge du patient, il n’a pas été observé de différence significa- 385–408.
tive sur la durée de séjour aux urgences, la mortalité, la durée de [4] Riou B, Thicoïpé M, Atain-Kouadio P. Comment évaluer la gravité ?
séjour à l’hôpital [95, 96] . Des résultats contradictoires ont été obser- Actualités en réanimation préhospitalière. Paris: Société française
vés par d’autres équipes, prouvant que les ABD ne représentent d’éditions médicales; 2002.
pas par eux-mêmes un élément majeur dans la prise en charge des [5] Vallet B. Le choc hémorragique. Rev Prat 1999;49:203–7.
[6] SFMU. Monitorage du patient traumatisé grave en préhospitalier -
patients en urgences [97] .
conférence d’experts. 2006.
Les études de coût montrent que les analyses effectuées en
[7] Wisner D, Reed W, Riddick R. Suspected myocardial contusion. Triage
biologie délocalisée sont plus coûteuses que celles réalisées au and indications for monitoring. Ann Surg 1990;212:82–6.
laboratoire [98–101] . Aussi, certains considèrent les ABD comme des [8] Fabian T, Cicala R, Croce M, Westbrook L, Coleman P, Minard G, et al.
dispositifs assez fiables et efficaces dans les services d’urgence ; A prospective evaluation of myocardial contusion: correlation of signi-
l’investissement étant justifié si leur utilisation permet une amé- ficant arrhythmias and cardiac output with CPK-MB measurements. J
lioration des soins [95] . Trauma 1991;31:653–9 [discussion 9–60].
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Jouffroy R, Carli P. Monitorage d’urgence. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(1):1-10 [Article 25-010-
C-10].
La prise en charge des arrêts cardiaques fait l’objet de recommandations régulières et actualisées dont la
dernière mise à jour date de décembre 2005. La spécificité intrahospitalière, en particulier l’organisation
de la « Chaîne de Survie », n’a été esquissée par les experts internationaux qu’en 1997. Pour approfondir
la problématique de la « Chaîne de Survie » intrahospitalière, une conférence d’experts française a
proposé des recommandations sur le thème en 2004. L’éditeur et le comité scientifique de ce traité
français ont souhaité proposer aux lecteurs le texte original des recommandations telles qu’elles ont été
rédigées par le groupe d’experts, accompagné par une introduction qui en commente les éléments
essentiels.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Urgences vitales intrahospitalières ; Chaîne de survie (intrahospitalière) ; Arrêt cardiaque ;
Chariot d’urgence ; Défibrillateur semi-automatique
■ Recommandations
■ Concept de « chaîne de survie » de la conférence d’experts
Des recommandations internationales pour la prise en charge Devant l’absence de développement de la spécificité hospita-
des arrêts cardiaques (AC) et des situations pouvant conduire à lière par les experts internationaux et au vu de la grande
ces AC sont proposées depuis les années 1960, et la dernière
disparité des organisations françaises pour cette problématique,
actualisation remonte à décembre 2005. En 1991, les experts
une conférence d’experts a été organisée par la Société française
internationaux ont, pour sensibiliser les esprits sur ce problème
d’anesthésie et de réanimation en collaboration avec le Service
de santé publique intéressant à la fois les professionnels de
santé et le grand public, décliné le concept de « chaîne de d’aide médicale d’urgence (SAMU) de France, la Société française
survie ». Il s’agit d’une chaîne composée de quatre maillons de cardiologie, la Société francophone de médecine d’urgence et
représentant les différentes étapes de la prise en charge d’un la Société de réanimation de langue française. Les recomman-
AC : le premier concerne l’alerte par le premier témoin, le dations issues de cette conférence concernent l’organisation de
deuxième représente les gestes élémentaires de survie, le la prise en charge des urgences vitales au sein des établissements
troisième est centré sur la défibrillation et le dernier concerne de santé. Elles ne traitent ni des urgences non vitales, ni de la
la réanimation médicalisée. L’absence de l’un de ces maillons permanence des soins qui relèvent de l’organisation des services
interdit tout espoir de succès pour la réanimation cardiopulmo- et de leurs responsables. Les urgences vitales sont représentées
naire (RCP). À l’opposé, la rapidité avec laquelle chacun des par la survenue d’une détresse pouvant conduire à tout instant
maillons de cette chaîne sera mis en place représente le facteur à un AC. La prise en charge d’un AC correspond à une procé-
essentiel de réussite de la RCP. dure décrite comme la « chaîne de survie intrahospitalière ».
Médecine d’urgence 1
25-010-C-15 ¶ Organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières
Ces recommandations déclinent successivement les modalités et Ces recommandations ont pour but d’uniformiser en France
procédures de l’alerte, le matériel nécessaire dans les services de les pratiques dans les établissements de santé et d’optimiser les
soins, l’organisation de la prise en charge de l’AC et des autres conditions de prise en charge des urgences vitales, et en
urgences vitales immédiates, la mise en place et l’évaluation de la .
particulier de l’AC : nous proposons dans ce chapitre le texte
.
chaîne de survie intrahospitalière, la formation des personnels, les intrégral issu de cette conférence.
aspects éthiques et, enfin, l’indispensable support institutionnel
permettant l’application de ces recommandations.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Gueugniaud P.-Y. Organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-15, 2007.
2 Médecine d’urgence
25-010-C-20
Face aux situations d’urgence inopinées, le médecin isolé doit mettre en œuvre les gestes de premiers
secours en y associant son savoir médical. La connaissance et la maîtrise de ces gestes sont souvent
insuffisantes même pour le professionnel de santé qu’est le praticien isolé. Le médecin doit successivement
entreprendre les préalables aux actions de secours (protection, dégagements d’urgence, bilan de la victime
et alerte des services spécialisés), identifier les détresses vitales et réaliser les gestes de premiers secours
adaptés. Dans cet article sont abordés successivement l’obstruction aiguë des voies aériennes supérieures
chez l’adulte et l’enfant, les hémorragies, le patient inconscient, les brûlures et les traumatismes osseux et
musculaires. Le praticien aura à sa disposition des données épidémiologiques, des explications détaillées
de chaque technique tant au niveau gestuel que médical et la séquence en temps réel à appliquer pour
chacune des situations. Dans la chaîne de secours, le médecin occupe habituellement le maillon de la
médicalisation. En situation de médecin isolé, il représente un premier maillon particulier. Il devient un
professionnel de santé à la fois effecteur privilégié et référent pour les équipes secouristes et les services
spécialisés.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Enfant et nourrisson
Trois manœuvres sont suggérées :
• les claques dans le dos ;
• les compressions thoraciques ;
• les compressions abdominales [9] .
Il y a un consensus sur le fait que, chez le nourrisson et
le jeune enfant, l’absence de protection par la cage thoracique
des organes hauts placés dans l’abdomen augmente le risque
d’atteinte iatrogène par les compressions abdominales [8] . Par
conséquent les compressions abdominales ne sont pas recomman-
dées pour désobstruer l’OAVACE chez le nourrisson. Figure 4. Compressions thoraciques chez le nourrisson.
Symptomatologie et épidémiologie
Chez l’enfant et le nourrisson, l’étouffement survient aussi bien la même que pour la mise en œuvre des compressions thora-
pendant les repas que pendant la période de jeu. Les parents ciques de la réanimation cardiopulmonaire. Les compressions
ou les gardes d’enfant sont habituellement présents et la phase sont délivrées à la fréquence d’une par seconde et sont pra-
d’étouffement a lieu le plus souvent devant témoin. Les sauveteurs tiquées avec le nourrisson positionné sur le dos, soutenu sur
interviennent alors que la victime est encore consciente [10] . l’avant-bras du sauveteur et sa tête déclive par rapport au corps
Les signes, chez l’enfant et le nourrisson, débutent brutalement (Fig. 4) ;
avec une détresse respiratoire, une toux, un stridor, un son fort et • il faut répéter la séquence des claques dans le dos et des
aigu, un wheezing. compressions thoraciques jusqu’à l’expulsion du corps étranger
En cas d’obstruction partielle et si l’enfant tousse vigoureuse- ou que la victime perde connaissance.
ment, il ne faut pas interférer avec cette toux spontanée et les
efforts de respiration [11] . Chez l’enfant conscient : compression abdominale
Il faut libérer l’obstruction uniquement quand la toux est ou (manœuvre de Heimlich)
devient inefficace. On retrouve les signes suivants :
La séquence claques dans le dos et compressions thoraciques
• une extinction des sons ;
peut être une alternative lors de l’intervention face à un enfant.
• une augmentation de la difficulté respiratoire ;
La manœuvre de Heimlich est identique à celle décrite pour
• un stridor ;
l’adulte.
• une perte de connaissance.
Si l’enfant ou le nourrisson perd connaissance pendant les
tentatives de désobstruction, on démarre la réanimation car- Chez l’enfant ou le nourrisson inconscient
diopulmonaire pendant une minute, puis on alerte les secours Si l’enfant ou le nourrisson perd connaissance, débutez la réani-
spécialisés et reprend les manœuvres de réanimation. mation cardiopulmonaire avec, comme objectif supplémentaire,
à chaque ouverture de bouche, de rechercher et d’extraire l’objet
Chez le nourrisson conscient : claque qui obstrue dans le fond de gorge.
dans le dos et compression thoracique L’extraction digitale à l’aveugle est peu efficace car le corps
étranger est souvent repoussé vers les voies aériennes.
Il faut alerter les secours aussi rapidement que possible dès que
La technique de traction du bloc mandibule-langue peut libérer
le nourrisson présente des difficultés respiratoires. Si vous n’êtes
partiellement l’obstruction ou mobiliser l’objet et permettre, s’il
pas seul, une personne va passer l’alerte pendant que vous agissez
est visible, de le retirer avec précaution.
sur l’enfant.
Si les voies aériennes sont libres, contrôler les signes de circula-
La séquence suivante est utilisée :
tion et poursuivre la réanimation cardiopulmonaire si nécessaire.
• le sauveteur est habituellement assis ou agenouillé avec l’enfant
Si le nourrisson ventile de façon efficace avec des signes de circu-
sur les genoux ;
lation, le placer en position latérale de sécurité.
• les claques dans le dos sont délivrées, tant que le nourrisson
conscient les supporte, face vers le sol, à cheval sur l’avant-bras
du sauveteur, avec la tête plus basse que le tronc. Elles sont
Surveillance après désobstruction
fermes au milieu du dos entre les omoplates, utilisez le talon de Tout patient ayant nécessité des manœuvres manuelles face
la main (Fig. 3) ; à une OAVACE doit être surveillé médicalement dans les suites
• après ces cinq claques dans le dos, si l’objet n’est pas expulsé immédiates. Le risque d’inhalation bronchique lors de la désobs-
pratiquez cinq poussées thoraciques. Ces poussées thoraciques truction et le risque de lésion des organes sous-jacents lors de la
consistent en compression sur la moitié inférieure du sternum, méthode de Heimlich justifient un bilan en milieu hospitalier avec
à un doigt sous la ligne intermamelonnaire. La zone d’appui est une imagerie diagnostique éventuelle.
Impossible
d’appuyer Oui Garrot
localement
Non
Compression
manuelle
Efficace Non
Oui
Premier tampon
relais
Non
Compression locale
“ Point fort Il s’agit d’un appui direct avec la paume de la main en regard
de la plaie hémorragique qui réalise ainsi une pression suffisante
pour écraser les vaisseaux à l’endroit même où ils sont lésés.
Séquence de désobstruction dans le cas d’une vic- Il est impératif de se protéger avec des gants afin d’éviter toute
time consciente contamination par les maladies transmissibles par voie sanguine.
• Cinq claques vigoureuses entre les omoplates. Si le sauveteur n’a pas accès rapidement à des gants, il utilise un
• En cas d’inefficacité, cinq compressions abdominales. autre moyen de protection qui va servir d’interface entre la paume
• En cas d’échec, alterner les claques dans le dos et les de main et la plaie, par exemple un linge épais, un paquet de
compresses, un sac en plastique. Si la main qui appuie ne présente
compressions abdominales. pas de plaie, il n’y a pas de risque infectieux. En cas de crainte sur
un risque infectieux, l’arrêt de l’hémorragie reste prioritaire et la
compression manuelle locale peut être effectuée par la victime
elle-même, aidée par le sauveteur. En cas de contact direct avec
du sang, la première étape sera un lavage des mains suivi d’une
Hémorragies désinfection à l’aide d’un produit iodé ou chloré.
La compression locale est améliorée en intercalant entre l’appui
Épidémiologie-Physiopathologie manuel et la plaie un linge ou des compresses. Cette interface va
améliorer la répartition de la compression en créant « un effet de
L’hémorragie est une cause fréquente d’appel d’urgence et il joint ». L’écrasement des vaisseaux au fond de la plaie sera meilleur
existe des gestes de secours simples, efficaces à réaliser immé- par cet élément en tissu.
diatement. En l’absence de geste d’urgence, le pronostic vital est L’efficacité de cette compression locale repose sur la consta-
rapidement engagé par hypoperfusion cérébrale et myocardique. tation de l’arrêt de l’hémorragie. Il ne faut pas relâcher cette
On peut classer les hémorragies en fonction des actions de compression jusqu’à la prise en charge par des secours spécia-
secours réalisables. On distingue les hémorragies externes et les lisés. Toutefois, le relais par un autre sauveteur, ou un tampon
hémorragies internes avec, parfois, un écoulement sanguin par compressif, est possible.
un orifice naturel, elle est extériorisée.
Tampon compressif
Hémorragies externes Le tampon compressif est un dispositif permettant de maintenir
la compression locale efficace tout en libérant la main du sauve-
Définition teur. Il existe des « coussins hémostatiques d’urgence » composés
C’est un écoulement abondant de sang par une plaie visible d’un tampon de mousse et d’une bande élastique, prêts à l’emploi.
ou masquée simplement par des vêtements, ce qui renforce Le tampon de mousse est appliqué en recouvrant la zone hémor-
l’importance d’un déshabillage systématique à la recherche de ragique, le sauveteur enlève sa main et l’ensemble est tenu par
l’origine de cet écoulement. L’arrêt d’hémorragie prévaut sur tous une bande élastique. Le tampon compressif peut être improvisé
les autres gestes de premiers secours. à l’aide de compresses stériles et d’un bandage serré. Si le tam-
La démarche des gestes de secourisme face à une hémorragie pon compressif est inefficace, alors que la compression manuelle
externe suit toujours l’enchaînement suivant (Fig. 5). l’était, il faut rajouter un deuxième tampon sur le premier.
Hémorragies extériorisées
Il s’agit d’hémorragie interne avec un écoulement sanguin Patient inconscient
par un des orifices naturels : épistaxis, hématémèse, hémoptysie,
méléna, rectorragie, métrorragie, urétrorragie. Complications immédiates de l’inconscience
L’inconscience entraîne une diminution du tonus musculaire,
Épistaxis en particulier de la langue chez le patient en décubitus dorsal,
L’épistaxis est la plus fréquente des hémorragies extériorisées. provoquant ainsi une obstruction en appuyant sur la paroi pos-
Elle se définit comme l’écoulement de sang par les voies nasales, térieure du pharynx. Elle entraîne aussi la perte des réflexes de
le plus souvent dû à la présence d’une tache vasculaire fragile sur la sécurité avec altération de la toux et de la déglutition. Associé
muqueuse nasale. Plusieurs études ont démontré que la majorité à une hypoventilation centrale, cela entraîne rapidement une
des individus ne connaît pas les gestes de secourisme à effectuer hypoxie. Cette dernière peut être prévenue quand le patient est
dans ce cas [16, 17] . Le niveau de preuve est pauvre et les gestes sont placé en décubitus latéral, facilitant ainsi le drainage des mucosités
donc plutôt empiriques. et vomissures facilement hors de la bouche.
Diagnostic
Évaluation de l’état de conscience
La méthode la plus communément admise pour évaluer l’état
de conscience est l’utilisation du score de Glasgow. Elle est fondée
sur l’appréciation de la réponse verbale, de l’ouverture des yeux
et de la réponse motrice du patient [19] .
En pratique, le médecin pose à haute et intelligible voix des
questions simples « ouvrez les yeux, serrez-moi les mains ». En
l’absence de réponse, des stimulations douloureuses nociceptives,
comme la manœuvre de Pierre Marie et Foix, sont pratiquées pour
confirmer l’inconscience.
A B C
Figure 7. Position latérale de sécurité.
D E
recommandé de pratiquer des compressions thoraciques seules • en cas d’appareil de défibrillation accessible dans un environ-
pour des sauveteurs non entraînés. nement proche, le prendre et le mettre en œuvre le plus tôt
Dès que possible, il faut alerter les secours médicalisés et récla- possible ; à défaut, le massage cardiaque externe seul sera conti-
mer et mettre en œuvre un DAE. Après la mise en route du nué ;
défibrillateur, quelle que soit son action, il faudra reprendre immé- • une fois le DAE sur place :
diatement les compressions thoraciques. ◦ il faut mettre immédiatement en marche l’appareil et suivre
La réanimation cardiopulmonaire doit être poursuivie jusqu’à les directives audiovisuelles,
la prise en charge par des secours médicalisés ou jusqu’à la reprise ◦ les électrodes sont collées de part et d’autre du cœur. Une
de la ventilation. électrode est placée en haut et à droite à la face antérieure
du thorax sous la clavicule, une électrode est placée en bas
et à gauche, à l’emplacement de V6 sur la ligne axillaire
Association compressions thoraciques moyenne,
et ventilations artificielles ◦ s’il y a plusieurs sauveteurs sur les lieux, la réanimation
Pour les secours spécialisés, l’association de 30 compressions cardiopulmonaire peut être poursuivie pendant la pose des
thoraciques et ventilations est indispensable. L’idée que le mas- électrodes sur le thorax,
sage cardiaque entraîne, par les mouvements thoraciques, une ◦ les sauveteurs s’écartent à la demande du DAE,
ventilation efficace n’est pas confirmée par une étude sur ◦ le DAE va délivrer, si nécessaire, un choc à la fois ; il ne faut
11 patients en arrêt cardiaque ; les volumes courants mesurés sont pas enchaîner de séries consécutives de choc,
très inférieurs à l’espace mort [27] . ◦ après la séquence et quelle que soit la décision de l’appareil,
Pour des sauveteurs occasionnels non professionnels, il n’a pas qu’il y ait eu un choc ou non, il faut reprendre immédia-
été montré de bénéfice pour l’association massage et ventilation tement la réanimation cardiopulmonaire. Même en cas de
artificielle contre le massage seul [28] . Il est donc recommandé de choc efficace, il est très difficile de contrôler la présence d’un
pratiquer des compressions thoraciques seules pour des secou- pouls juste après la reprise d’une activité cardiaque efficace.
ristes non entraînés. La fatigabilité semble identique quelle que Les consignes du DAE doivent être suivies jusqu’au relais par
soit la technique, compressions thoraciques associées ou non aux les secours spécialisés. Les gestes de réanimation sont arrêtés
ventilations [29] . si la victime présente des signes de réveil, des mouvements,
Dans une étude prospective au Japon, il n’y a pas de différence une ouverture des yeux ou reprend une respiration normale.
de récupération neurologique entre le massage seul et la réani-
mation cardiopulmonaire classique, dans tous les cas ces deux Technique chez l’enfant et le nouveau-né
techniques sont plus performantes que la passivité [30] .
Chez l’enfant, le bouche-à-bouche se fait de la même manière
Pour un sauveteur occasionnel, le message fort sera « alerter-
que chez l’adulte.
masser-défibriller ».
Chez le nouveau-né, la ventilation est pratiquée en englobant
la bouche et le nez.
Techniques chez l’adulte Les compressions thoraciques se font en appui avec un seul bras
chez l’enfant, en déprimant le thorax d’un tiers de son épaisseur,
Compressions thoraciques la zone d’appui étant identique à celle de l’adulte.
Elles sont pratiquées sur une personne en décubitus dorsal sur Chez le nourrisson, les compressions se font avec la pulpe de
un plan dur et le thorax dénudé. La zone de compression est située deux doigts en déprimant le thorax de un tiers de son épaisseur.
sur la ligne médiane, à la face antérieure du sternum, sur sa partie La zone d’appui se trouve sur le sternum à un travers de doigt
inférieure. Le talon de la main est placé deux travers de doigt au-dessus de sa limite inférieure.
au-dessus du bord inférieur du sternum. La fréquence instantanée du massage est au minimum de 100
La pression se fait avec le talon de la main dans le prolongement par minute sans dépasser 120.
de l’avant-bras, les épaules du sauveteur étant à la verticale de la La mise en œuvre du défibrillateur est identique à celle de
zone d’appui. La seconde main se positionne sur la première, les l’adulte, il peut exister des électrodes de taille pédiatrique avec
doigts sont relevés pour éviter de casser des côtes. réducteur d’intensité incorporé ; en leur absence, des électrodes
Les compressions thoraciques sont d’une amplitude de 5 à 6 cm ; adultes sont utilisables.
après la compression, le relâchement du thorax doit être complet
pour faciliter son remplissage.
La fréquence instantanée des compressions thoraciques se situe Brûlures
entre 100 et 120 par minute. L’arrêt des compressions pour effec-
tuer les ventilations doit être le plus court possible, moins de cinq Épidémiologie
secondes. En France, 150 000 personnes par an sont victimes de brû-
lures. La plupart d’entre elles sont d’origine thermique mais aussi
Ventilation artificielle chimique et électrique. Il s’agit le plus souvent d’accidents domes-
Le bouche-à-bouche se pratique en basculant prudemment la tiques.
tête de la victime en arrière, une main au front, l’autre au menton La conduite à tenir immédiate face à une brûlure grave consiste
pour décoller la langue du fond de gorge. Le nez est pincé pour à refroidir la surface brûlée par arrosage, évaluer la gravité, puis
éviter toute fuite. La bouche du sauveteur englobe celle de la vic- lutter contre l’hypothermie et surveiller la victime en attendant
time de façon étanche et l’insufflation se fait lentement sur une le transfert hospitalier.
seconde. Le volume est jugé suffisant dès que le thorax commence
à se soulever. Diagnostic
Il est recommandé d’utiliser un masque facial possédant un
Les facteurs de gravité d’une brûlure doivent être évalués rapide-
filtre antibactérien et une valve antiretour lors de la ventilation
ment pour permettre une orientation hospitalière la plus adaptée
artificielle.
possible à la situation : profondeur ou degré, superficie ou éten-
due, localisation, agent responsable et terrain.
Utilisation du défibrillateur automatisé externe L’aspect de la brûlure détermine la profondeur et le degré : pre-
L’enchaînement des gestes lors de la mise en œuvre du DAE est mier degré : érythème ; second degré : phlyctène ; troisième degré :
le suivant : brun-chamois.
• la victime et l’ensemble des personnes présentes, témoins et La gravité de la brûlure est mesurée par la surface brûlée au
sauveteurs, doivent être mis comme la victime en sécurité. minimum en deuxième degré qui dépasse la moitié de la surface
Il faut vérifier l’environnement (risque de suraccident, atmo- de la paume de la main de la victime. Cette règle est aussi bien
sphère explosive, etc.) ; applicable à l’enfant qu’à l’adulte.
Bilan visuel
Oui Hémorragie
Allongé
± jambes
Non surélevées
2 insufflations
Membres
Thorax Oui
Oui Pouls Non Bassin
Immobilisation
Insufflations Insufflations Non
MCE
Petits soins,
pansements
Le pronostic d’une brûlure peut être vital en cas de localisation bénéfice pour une température de l’eau de 10 à 15 ◦ C. Mais l’usage
au visage ou aux voies aériennes supérieures, fonctionnel en cas de d’une eau glacée entraîne une hypothermie, un risque d’ischémie
localisation aux articulations, aux mains, au périnée et esthétique et une hausse du taux de mortalité. Pour empêcher l’hypothermie,
en cas de localisation au visage. la température de l’arrosage doit se situer entre 10 et 25 ◦ C et la
Les brûlures chimiques et électriques sont considérées comme victime doit être couverte correctement dès que possible. De plus,
graves d’emblée. l’hypothermie entretient une éventuelle détresse circulatoire liée
Les autres critères classiques de gravité sont les âges extrêmes aux brûlures.
(nourrissons et personnes âgées) et en cas de terrain débilité, dia- La durée d’arrosage est également très controversée mais il sem-
bétique et éthylique par exemple. blerait qu’elle se situe entre 5 à 30 minutes. La durée d’arrosage
qui est retenue pour une brûlure thermique étendue est de cinq
minutes. La diminution de la douleur est un bon critère pour arrê-
Technique : arrosage ter l’arrosage. Dans tous les cas, l’arrosage ne doit pas retarder la
L’arrosage immédiat de la surface brûlée avec de l’eau fraîche prise en charge médicale de la victime.
est le premier geste de secours à effectuer. Le niveau de preuve L’arrosage peut être remplacé par l’application de gels d’eau
est très bon et cette recommandation est fiable. Plusieurs études (pansements préconditionnés constitués d’eau gélifiée et existant
montrent que cet arrosage immédiat est bien accepté par la majo- dans différents formats).
rité de la population [31–34] . Cependant, ce ne sont pas de vraies Il faut toujours penser à ôter les bijoux qui pourraient aggraver
études randomisées mais des études sur des sujets volontaires qui les dommages dus aux brûlures (exemple : bague en cas de brû-
mettent en pratique ces recommandations [35] . lures des mains) et à enlever les vêtements qui n’adhèrent pas à la
L’arrosage de la brûlure a plusieurs effets bénéfiques : une dimi- lésion.
nution de la douleur, une réduction de la formation d’œdème,
une diminution du risque infectieux, une réduction de la pro-
fondeur [36, 37] . L’ensemble de ces effets diminue la nécessité d’une Cas particuliers
greffe et la mortalité [38] . Les brûlures électriques et chimiques sont moins fréquentes
L’arrosage doit être effectué le plus tôt possible car il semblerait mais elles necessitent une prise en charge différente et spécialisée.
que plus le délai « brûlure-arrosage » est court, plus le bénéfice est
grand.
La température de l’eau et le temps d’arrosage varient considéra-
Brûlures de l’enfant
blement d’une étude à l’autre. L’étude d’Ofeigsson’s montre que La conduite à tenir est semblable à celle de l’adulte mais le ter-
le meilleur rapport entre température idéale de l’eau et taux de rain confère un critère de gravité à toute brûlure survenant chez
mortalité se situe entre 20 et 25 ◦ C. D’autres études ont prouvé un l’enfant. De plus, l’étendue est considérée comme grave à partir
de 5 % contre 10 % chez l’adulte [39, 40] . Chez le nourrisson et le [4] Morrison LJ, Deakin CD, Morley PT, Callaway CW. Part 8:
petit enfant de moins de 3 ans, il est important de contrôler le Advanced life support: 2010 International Consensus on Cardiopul-
refroidissement de la brûlure afin d’éviter l’hypothermie et une monary Resuscitation and emergency cardiovascular care science
vasoconstriction locale trop importante entraînant des troubles with treatment recommendations. Circulation 2010;122(16 Suppl. 2):
trophiques secondaires. Il faut refroidir la brûlure et réchauffer le S345–421.
patient [41] . [5] Croix-Rouge Française. Gestes qui sauvent, Guide 2001. Paris: XO
éditions; 2001.
[6] Julien H, Marchand P, Noto R, Thevenet M. Premiers secours. Paris
Brûlures oculaires France Sélection; 1991.
Toute brûlure oculaire nécessite une consultation spécialisée en [7] Fearing NM, Harrison PB. Complications of Heimlich manoeuvre:
urgence, et les premiers gestes consistent à rincer abondamment case report and literature review. J Trauma 2002;53:978–9.
les yeux, ce d’autant plus que l’agent est chimique, puis la vic- [8] Sternbach G, Kiskaddon RT. Henry Heimlich: a life-saving manoeuver
time est allongée les yeux fermés, éventuellement recouverts de for food chocking. J Emerg Med 1985;2:143–8.
compresses stériles humides [42, 43] . [9] Abman SH, Fan LL, Cotton EK. Emergency treatment of foreign-body
Les gestes de secourisme en cas de brûlures sont simples à réa- obstruction of the upper airway in children. J Emerg Med 1984;2:7–12.
liser et leurs bénéfices ont largement fait leurs preuves. [10] Jumbelic MI. Airway obstruction by a ball. J Forensic Sci
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subglottic foreign bodies. Ann Otol Rhinol Laryngol 1996;105:541–4.
“ Point fort [12] Kragh Jr JF, Baer DG, Walters TJ. Extended (16-Hour) Tourniquet
application after combat wounds: a case report and review of the current
literature. J Orthop Trauma 2007;21:274–8.
La conduite à tenir immédiate face à une brûlure grave [13] Kragh Jr JF, Walters TJ, Baer DG, Fox CJ, Wade CE, Salinas J, et al.
consiste à arroser la surface brûlée, évaluer la gravité, lutter Practical use of emergency Tourniquets to stop bleeding in major limb
contre l’hypothermie et surveiller la victime en attendant trauma. J Trauma 2008;64:S38–50.
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by accident and emergency department staff. Arch Emerg Med
Les traumatismes représentent 83 % des lésions lors des acci- 1993;10:298–300.
dents de la vie courante, principalement lors de chute. [19] Prasad K, Menon GR. Comparison of the three strategies of verbal
En cas d’accident traumatique, le médecin peut utiliser les tech- scoring of the Glasgow Coma Scale in patients with stoke. Cerebrovasc
niques de premiers secours en attendant la prise en charge par des Dis 1998;8:79–85.
moyens adaptés (Fig. 9). [20] Safar P, Escarrage LA. Compliance in apneic anesthetized adults. Anes-
thesiology 1959;20:283–9.
[21] Handley AJ, Becker LB, Allen M, Van Drenth A, Kramer EB, Montgo-
Conclusion mery WH. Single rescuer adult basic life support: an advisory statement
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son Committee on Resuscitation. Resuscitation 1997;34:101–8.
À tout moment de sa vie le médecin reste un professionnel de [22] Turner S, Turner I, Chapman D, Howard P, Champion P, Hatfield J,
santé et est donc un premier maillon privilégié de la chaîne des et al. A comparative study of the 1992 and 1997 recovery positions for
secours, et pour les secouristes (pompiers, associatifs, ambulan- use in the UK. Resuscitation 1998;39:153–60.
ciers, etc.), un référent en matière de santé et de premiers secours. [23] Handley AJ. Resuscitation Council (UK) wants everyone who uses
Les gestes décrits dans cet article permettront au médecin isolé new recovery position to report experiences. Br Med J 1997;315:1308.
d’attendre le renfort par une équipe envoyée par le Samu, et [24] Rathgeber J, Panzer W, Gunther U, Scholz M, Hoeft A, et al. Influence
la prise en charge du patient par des techniques adaptées de of different types of recovery positions on perfusion indices of the
réanimation. Pour toutes ces raisons, la simple lecture de cet forearm. Resuscitation 1996;32:13–7.
article ne pourrait suffire à l’enseignement de ces méthodes. [25] FulstowR, Smith GB. The new recovery position: a cautionary tale.
Nous conseillons à nos confrères de mettre en pratique ces gestes Resuscitation 1993;26:89–91.
en faisant appel à des formateurs qualifiés en secourisme issus [26] Lapostolle F, Le Toumelin P, Agostinucci JM, Catineau J, Adnet F.
d’organismes habilités que sont les Centres d’enseignement des Basic cardiac life support providers checking the carotid pulse: per-
soins d’urgence, les sapeurs-pompiers ou les associations de secou- formance, degree of conviction, and influencing factors. Acad Emerg
risme (par exemple la Croix-Rouge française, la Protection civile, Med 2004;11:878–80.
etc.). [27] Deakin CD, O’Neill JF, Tabor T. Does compression-only cardiopulmo-
nary resuscitation generate adequate passive ventilation during cardiac
arrest. Resuscitation 2007;75:53–9.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en [28] Dumas F, Rea TD, Fahrenbruch C, Rosenqvist M, Faxén J, Svens-
relation avec cet article. son L, et al. Chest compression alone cardiopulmonary resuscitation
is associated with better long-term survival compared with standard
cardiopulmonary resuscitation. Circulation 2013;127:435–41.
[29] Neset A, Birkenes TS, Myklebust H, Mykletun RJ, Odegaard S,
Références Kramer-Johansen J. A randomized trial of the capability of elderly
lay persons to perform chest compression only CPR versus standard
[1] Kouwenhoven WB, Knickerbocker GG, Jude JR. Closed chest cardiac 30:2 CPR. Resuscitation 2010;81:887–92.
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in inconscious patient. J Appl Physiol 1959;14:760. [31] Shulman AG. Ice water as primary treatment of burns: simple method
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1963;183:677–8. 2000;26:605–8.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Agostinucci JM, Bertrand P. Gestes de secourisme en urgence. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(4):1-12
[Article 25-010-C-20].
La prise en charge préhospitalière d’un patient a pour objectifs de traiter les détresses vitales, d’initier le
traitement d’une pathologie, de trier et d’orienter les patients sur la structure la plus adaptée, et d’assurer
le transport du patient. L’objectif de cet article est de préciser les caractéristiques du transport par voie
terrestre et héliportée mais également celles de la mise en condition initiale des patients. Enfin, nous
aborderons successivement la prise en charge des polytraumatisés, des détresses respiratoires,
cardiologiques et neurologiques.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Médecine d’urgence 1
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
il peut exister des associations lésionnelles avec le mécanisme la pathologie qui motive le transfert au bloc opératoire (choc
d’un traumatisme (décélération forte et rupture de l’isthme de hémorragique) comme en postopératoire. En sortie de bloc, le
l’aorte) [2]. Après avoir identifié la ou les détresses vitales, débuté transfert se fait donc, au mieux, après un passage en salle de
un traitement urgent et défini une ligne de conduite, l’examen surveillance postopératoire (SSPO). Le patient peut, à cette
clinique du patient est réalisé. Il est le plus complet possible et occasion, être réchauffé et, en l’absence d’indication de
doit être répété durant la prise en charge afin d’apprécier ventilation prolongée, réveillé et extubé.
l’évolution de la situation clinique. La mise sous monitorage
électrocardiographique (ECG), les mesures d’oxymétrie pulsée et
de capnométrie sont actuellement couramment utilisées, ainsi ■ Contraintes liées au transport
que les mesures de glycémie capillaire et de l’hémoglobinémie
par microméthode (Hemocue®). Lors de la prise en charge d’un Différents modes de transport
patient retrouvé inconscient à son domicile, le diagnostic
d’intoxication au monoxyde de carbone (CO) peut être étayé Les moyens terrestres sont représentés par les différents types
par la mesure de CO dans l’air ambiant ou par la saturation de véhicules sanitaires (Fig. 1) : unité mobile hospitalière
transcutanée en CO (Rad57™, Massimo, Irvine, CA, États- (UMH), véhicules de secours aux asphyxiés et victimes des
Unis). Un bilan médical doit être transmis le plus rapidement pompiers (VSAV), enfin ambulances privées.
possible au médecin régulateur. L’orientation du patient est Les moyens aériens comprennent l’hélicoptère et l’avion lors
ensuite décidée conjointement entre les deux médecins et doit des transferts interhospitaliers de longue distance.
tenir compte de la pathologie présentée par le patient et des Le choix du moyen de transport se fait en fonction de la
capacités d’accueil locales. Les décisions thérapeutiques sont distance du trajet (> 40 km), de la topographie de la zone
guidées en premier lieu par la nécessité de traitement des d’intervention (montagne/mer), du type de vecteur aérien
détresses vitales afin de stabiliser l’état du patient et, si possible, (Alouette III versus EC 145 : rayon d’action et volume cabine
de l’améliorer avant le transport. Ce traitement est essentielle- très différent), des conditions météorologiques et, enfin, du type
ment symptomatique lors de la prise en charge extrahospita- de pathologie [11]. Il semble que les pathologies ou terrains
lière. Il est fondé sur le rétablissement d’une fonction médicaux qui bénéficient le plus du transport héliporté soient :
respiratoire correcte et le contrôle des voies aériennes supérieu- le polytraumatisé (injury severity score > 16) [12], le traumatisé
res (les indications d’intubation trachéale et de ventilation crânien [13] , l’enfant traumatisé [14] , la néonatologie [15] et
assistée sont relativement larges chez un patient dans un état l’obstétrique [16]. À l’opposé, il a été suggéré que le transport
grave et qui doit être transporté). La fonction circulatoire est héliporté puisse être responsable d’une aggravation des lésions
optimisée par le remplissage vasculaire et/ou par l’administra- chez les patients présentant une pathologie coronaire [17], qui
tion de substances vasoactives. L’urgence du transport doit être pourrait être en relation avec une augmentation de la sécrétion
évaluée afin d’éviter toute perte de temps pour la réalisation de catécholamine liée au stress généré par le vol [18]. En fait, ces
d’un geste thérapeutique comme l’hémostase d’une lésion travaux soulignent l’importance de prévenir la survenue du
hémorragique. Le moyen de transport par ambulance ou par stress lié au vol par l’utilisation au besoin de benzodiazépine.
hélicoptère est choisi en fonction de l’urgence du transport, de L’utilisation de l’hélicoptère reste très intéressante dans cette
sa durée, de l’orientation du patient mais également des indication car elle permet d’acheminer au plus vite le patient
conditions météorologiques. Dans le cadre d’une prise en charge vers une unité spécialisée en vue d’une revascularisation
par des SMUR de centres hospitaliers généraux, si l’état du précoce [19].
patient le nécessite (traumatisme sévère...) et en fonction des
capacités hospitalières locales, il est parfois fait appel au SAMU Effets du transport
de centre hospitalier universitaire (CHU) afin d’orienter ces
patients rapidement sur une structure adaptée (notion de Mobilisation
primo-transfert ou jonction sur le terrain). Dans ce cadre, la
Les changements de position d’un patient influencent la
mise en place de réseau de soins est particulièrement intéres-
répartition du volume sanguin circulant et sont susceptibles
sante, en particulier dans les domaines de la néonatologie, de
d’entraîner ou d’aggraver une instabilité hémodynamique,
la traumatologie et des pathologies vasculaires cérébrales.
d’autant plus que le déficit volémique est important. Par
ailleurs, la mobilisation ou un défaut d’immobilisation, en plus
Lors d’un transfert intra- ou interhospitalier d’accentuer les phénomènes douloureux, peut avoir des effets
L’objectif de la médicalisation de ce type de transport est particulièrement délétères, spécialement dans un contexte
d’assurer, en plus de la continuité des soins, une surveillance traumatologique, avec une augmentation des risques de com-
continue des patients. Il existe trois types principaux de pression nerveuse ou vasculaire, d’embolie graisseuse (fracture
transfert : diaphysaire mal immobilisée), ou d’aggravation d’un déficit
• transport vers une unité de réanimation d’un patient déjà neurologique lié à un traumatisme rachidien.
hospitalisé dans un autre service et dont l’état s’aggrave ou
d’un patient admis aux urgences dans un état grave. La prise Accélérations. Décélérations
en charge de ce type de patient peut parfois s’apparenter à la
prise en charge préhospitalière avec nécessité d’une phase de Elles sont de type longitudinal, latéral ou vertical. Un patient
stabilisation avant le transport ; allongé perçoit surtout les accélérations longitudinales et
• transport depuis le service de réanimation vers un plateau
technique pour un examen à visée diagnostique. Ce type de
transport, très fréquent, n’est pas anodin pour autant et des
complications sont fréquemment rencontrées [3-8]. Il faut alors
peser soigneusement le rapport entre le bénéfice attendu et le
risque que l’on fait courir au patient en sachant que dans
seulement 20 à 40 % des cas, des modifications thérapeuti-
ques vont suivre le transfert interhospitalier (TIH) [9, 10]. Les
risques sont en partie liés à la longue durée des déplacements,
à l’inadaptation des sites et du personnel technique pour le
monitorage et la surveillance, ainsi qu’aux difficultés d’accès
au patient en cas d’incident. Un patient dont l’état clinique
reste instable nécessite que l’équipe de SMUR reste sur place
pendant la réalisation de l’examen ;
• transport en provenance de ou vers un bloc opératoire. Il
s’agit d’un transport à risque, en préopératoire en raison de Figure 1. Centre de réception et de régulation des appels (CRRA).
2 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Médecine d’urgence 3
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
Tableau 1.
Matériels de base d’un moyen de transport adulte.
Matériels de base
Électrocardioscope avec enregistreur de tracé ECG, défibrillateur, mesure
non invasive de la pression artérielle, oxymètre de pouls, capnographe
Dispositif d’entraînement électrosystolique externe
Matériels d’abord vasculaire périphérique et central
Dispositifs de perfusion à débit continu, accélérateur de perfusions
(« blood-pump »)
Pantalon antichoc
Matériels de drainage pleural, valve antiretour
Matériels d’intubation trachéale, mandrin, kit de minitrachéotomie
Respirateur de transport avec alarme de débranchement et mesure de la Figure 2. Ventilation non invasive au masque facial à l’aide d’un respi-
spirométrie, insufflateur manuel de secours, aspirateur de mucosités rateur de type Savina® (Draeger) au cours d’un transfert interhospitalier.
Sources d’oxygène
Brancard adapté avec matelas à dépression (« coquille »), dispositifs
d’immobilisation cervicale ou d’immobilisation de membres
Appareil de mesure de la température, de la glycémie, de l’hémoglobine
ou de l’hématocrite
Matériels optionnels
Surveillance d’une pression artérielle sanglante
Surveillance d’une sonde de Swan-Ganz
Respirateur de réanimation (Savina®, Draeger) (Fig. 1)
Kit d’intubation difficile (fibroscope bronchique, masque laryngé...)
■ Modalités d’organisation
et de réalisation
Figure 3. Unité mobile hospitalière (UMH).
Organisation
Moyens
La loi n° 86-11 du 6 janvier 1986 définit l’aide médicale
urgente comme une organisation qui a pour objet de faire assurer
aux patients, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se
trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état. De plus est
créé le centre de réception et régulation des appels (CRRA).
Le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 précise les
missions du service d’aide médicale d’urgence (SAMU) :
• assurer une écoute médicale permanente ;
• déterminer et déclencher, dans le délai le plus bref, la réponse
la mieux adaptée à la nature des appels ;
• s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation
publics ou privés adaptés à l’état du patient, compte tenu du
respect du libre choix, et faire préparer son accueil ; Figure 4. Hélicoptère de type EC135 dédié aux transports sanitaires.
• organiser, le cas échéant, le transport dans un établissement
public ou privé, en faisant appel à un service public ou à une de régulation médicale (PARM). Celui-ci doit obtenir les coor-
entreprise privée de transport sanitaire ; données de l’appelant. Si l’objet de l’appel est une demande de
• veiller à l’admission du patient ; renseignement simple, non directement médicale, le PARM peut
• participer à des tâches d’éducation sanitaire, de prévention et y répondre seul. Dans les autres cas, l’appel est transféré au
de recherche. médecin régulateur, anesthésiste-réanimateur ou urgentiste du
Le même décret met en place pour les CRRA un numéro SAMU. Pour les centres recevant un important flux d’appels, la
d’appel téléphonique unique, le 15. régulation médicale peut être organisée en deux pôles :
Le décret n° 97-620 du 30 mai 1997 stipule que le médecin • un pôle de médecine libérale, répondant aux demandes de
d’une équipe de SMUR doit être thésé (ou, pour les internes de conseils médicaux ou aux urgences médicales relatives,
spécialité, avoir validé quatre semestres) et doit avoir acquis une pouvant faire proposer une consultation au cabinet du
formation à la prise en charge des urgences, soit par une médecin traitant, une consultation à domicile par un méde-
qualification universitaire (capacité de médecine d’urgence ou cin de garde ou faisant partie d’une association privée de
diplôme d’études spécialisées complémentaires [DESC] de médecins urgentistes, ou l’envoi d’une ambulance privée pour
médecine d’urgence), soit par une expérience professionnelle assurer le transport vers un service d’accueil des urgences ;
d’au moins 1 an dans le domaine de l’urgence et de la réani- • un pôle de médecine hospitalière pour tous les cas justifiant
mation. De plus, pour les interventions du SMUR qui requièrent a priori d’une réponse urgente de type SMUR ou pour toutes
l’utilisation de techniques de réanimation, l’équipe doit com- les demandes de transferts intra- ou extrahospitaliers de
porter au moins trois personnes, dont le responsable médical de patients.
l’intervention et un infirmier. Il peut être fait appel aux pompiers par une demande d’envoi
d’un VSAV, dans le cadre d’urgences nécessitant des « prompts
Régulation secours », a fortiori pour les urgences sur la voie publique.
Les interventions des SMUR sont déclenchées et coordonnées Le médecin régulateur participe à la décision de transport,
par le CRRA du SAMU (Fig. 2). Lorsqu’un appel est reçu par le choisit le vecteur de transport le plus adapté à l’état du patient
CRRA, le premier interlocuteur est un permanencier auxiliaire (Fig. 3, 4), vérifie et assure la bonne coordination entre les
4 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
différents intervenants : le service d’origine (cas d’un transfert), L’anamnèse peut orienter sur une cause neurologique primitive
le service de destination du patient et, enfin, l’équipe médicale telle qu’une crise convulsive ou un état de mal, un accident
du SMUR. Cette dernière tient le CRRA informé du déroulement vasculaire cérébral.
de l’intervention. Les critères de décision pour l’envoi d’une L’examen clinique est orienté en fonction du type de patho-
équipe du SMUR concernent l’état du patient et les conditions logie présentée par le patient :
éventuelles du transport (distance, moyen de transport). La • auscultation soigneuse du cœur et des gros vaisseaux, mesure
réponse médicale doit être graduée, appropriée au type de la pression artérielle aux quatre membres, recherche des
d’urgence et au niveau de gravité estimé. Tout patient dans un pouls périphériques, ECG en cas de suspicion de pathologie
état grave ou susceptible de s’aggraver du fait de sa pathologie cardiovasculaire ;
et/ou du transport doit pouvoir bénéficier de soins de réanima- • auscultation des champs pulmonaires, percussion, recherche
tion adaptés à son état lors de son transfert. Sont concernés les d’un hippocratisme digital si une pathologie pulmonaire est
patients ayant une détresse vitale avérée ou potentielle, un suspectée ;
risque fonctionnel avéré ou potentiel, associés ou non à des • mesure du score de Glasgow, examen des pupilles et des
douleurs nécessitant une prise en charge spécifique. La décision paires crâniennes, recherche de déficit sensitivomoteur ou de
d’un transport intra- ou interhospitalier doit être justifiée au signes méningés si une pathologie neurologique est suspec-
regard du bénéfice attendu par rapport au risque potentiel du tée ;
transport. Le bénéfice attendu peut être lié à des moyens de • mesure de la température.
surveillance et de traitement plus adaptés à l’état du patient, à L’examen de l’abdomen peut être motivé par l’existence
l’existence d’un plateau technique de haute technologie per- d’une douleur spontanée ; il est systématique dans un contexte
mettant d’affiner un diagnostic, ou à une meilleure capacité de traumatologique. Enfin, dans le cadre de la traumatologie, le
l’équipe médicale du service d’accueil à poursuivre la prise en massif facial, le bassin et les membres seront soigneusement
charge du patient. Ces conditions sont fréquemment réunies inspectés. S’il existe une fracture, la recherche de complications
dans le cadre du transfert de patient des hôpitaux de proximité à type de compression vasculaire ou nerveuse est systématique.
vers les centres hospitaliers universitaires. Le transfert se fait À l’issue de l’examen clinique, une synthèse rapide permet
alors dans des délais qui dépendent d’une part de son urgence d’appréhender la physiopathologie ou le mécanisme lésionnel,
et, d’autre part de la disponibilité des moyens nécessaires, ainsi que l’état de gravité du patient. L’installation du monito-
moyens qui doivent être mobilisés en priorité pour des urgences rage se fera de manière concomitante à l’examen clinique.
préhospitalières. La notion de chaîne de soins est primordiale : Au niveau thérapeutique, les détresses vitales seront bien
il ne doit pas y avoir d’hiatus dans la surveillance et le suivi évidemment traitées en priorité. L’objectif est de stabiliser, voire
médical de ces patients. Aussi, la transmission du dossier et des d’améliorer l’état du patient avant le transport. Si seul un
traitement chirurgical urgent est susceptible d’améliorer la
consignes doit être systématique et rigoureuse, que ce soit au
symptomatologie, il convient de ne pas perdre de temps lors de
départ du service d’origine ou à l’arrivée dans le service de
la prise en charge : l’objectif de la réanimation initiale se limite
destination.
à la stabilisation du patient ou au minimum à l’obtention d’un
état permettant le transport jusqu’au bloc opératoire le plus
Réalisation pratique proche. La pose d’une voie veineuse périphérique de bon calibre
est systématique chez le patient dans un état grave et qui doit
Mise en condition avant le transport être transporté. Au niveau respiratoire, les indications d’intuba-
Prise en charge préhospitalière (intervention tion trachéale et de ventilation assistée sont larges en raison du
de type primaire) risque d’aggravation de l’état respiratoire au cours du transport.
La sédation et l’analgésie sont adaptées avant que ne débute le
Dès l’arrivée de l’équipe SMUR auprès du patient, l’examen transport, en particulier dans les contextes traumatiques.
du patient est la première des tâches que le médecin va effec- L’installation du patient pour le transport doit être soigneuse.
tuer. Il s’agit d’une étape indispensable à l’évaluation de la Le brancard doit être solidement arrimé dans l’habitacle ; une
situation et au dépistage des détresses médicales. vérification soigneuse de la fixation des voies d’abord veineuses,
Une détresse circulatoire est suspectée devant l’existence des drains et sondes doit être systématique. Le matériel contenu
d’une pâleur, de sueurs abondantes et froides, d’une agitation dans le véhicule doit être solidement attaché. Les médicaments
ou au contraire d’un état stuporeux, d’une augmentation du et solutés de perfusion éventuellement nécessaires doivent être
temps de recoloration capillaire, d’un pouls rapide et filant, à portée de main. Avant le transport, le médecin de l’équipe
d’une pression artérielle effondrée, d’une bradycardie. Les SMUR se met en contact avec le médecin régulateur afin de
circonstances et l’anamnèse recueillies auprès du patient et/ou préciser l’état et l’orientation à donner au patient.
des témoins éventuels, ainsi que l’examen clinique peuvent
orienter le diagnostic étiologique et préciser le mécanisme Prise en charge en vue d’un transport secondaire
physiopathologique : défaillance myocardique primitive ou Le plus souvent, l’état du patient a été stabilisé par l’équipe
secondaire (épanchement péricardique...), choc hypovolémique soignante du service d’origine. Cependant, la prise en charge
(contexte traumatologique ou brûlure importante), choc à peut parfois s’apparenter à une situation extrahospitalière : état
résistance vasculaire effondrée (sepsis, anaphylaxie). du patient s’aggravant dans un service de médecine, découverte
Une détresse respiratoire peut se manifester par une dyspnée fortuite lors d’un examen paraclinique d’une pathologie
avec tachypnée ou bradypnée, des mouvements respiratoires potentiellement grave, etc. Le médecin responsable du patient
volontiers anormaux de faible amplitude ; l’existence d’une transmet le dossier médical et l’observation au médecin qui va
respiration paradoxale (signe d’épuisement). Les signes associés assurer le transport. Ils évaluent ensemble l’état du patient et
fréquemment retrouvés sont une cyanose, des troubles de adaptent les soins en cours, ainsi que les éléments de sur-
conscience pouvant aller de l’agitation au coma, des troubles veillance nécessaires au transport. Les données sont ensuite
hémodynamiques pouvant se manifester par une hyper- ou une transmises au médecin régulateur avant le départ. Seul le
hypotension artérielle systémique. Là encore, les éléments médecin du SMUR assurant le transport a la responsabilité de
anamnestiques, circonstanciels et cliniques permettent de déterminer la faisabilité ou non du transfert, et les soins ou
déterminer ou d’approcher la cause de cette détresse. examens paracliniques éventuellement nécessaires avant celui-ci.
Devant une détresse neurologique, dont la principale mani-
festation est un trouble de la conscience, il convient d’abord Surveillance et soins pendant le transport
d’éliminer les causes secondaires de trouble de la conscience : Pendant le transport, la surveillance doit être absolument
détresse cardiaque, respiratoire, métabolique (hypo- ou hyper- constante et adaptée à l’état du patient. Elle porte sur des
glycémie, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale), éléments cliniques et sur le monitorage multimodal du patient.
intoxication ou traumatisme. Une mesure de la glycémie Il ne faut jamais oublier que les conditions du transport sont
capillaire doit également être effectuée le plus vite possible. toujours un élément perturbateur lors de la réalisation d’un
Médecine d’urgence 5
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
examen clinique ou de gestes de réanimation. Le médecin la seule solution thérapeutique est chirurgicale (hémorragie non
responsable du transport s’attache particulièrement à déceler les contrôlée, hématome extradural), il persiste des situations ou
modifications hémodynamiques, respiratoires et neurologiques une médicalisation préalable au transport pourrait être bénéfi-
liées au transport. Dans certains cas, l’état clinique du patient que au patient (obstruction des voies aériennes, traumatisme
nécessite la mise en place de dispositifs médicaux spécifiques crânien grave) [34-36]. D’une façon générale, la médicalisation
dans un but thérapeutique (ventilation non invasive, drain doit être la plus rapide possible et fondée sur le principe de faire
thoracique, sonde d’entraînement électrosystolique, dérivation ce qu’il y a à faire, sans que cela soit synonyme d’excès
de liquide céphalorachidien, contre-pulsion diastolique intra- thérapeutique ou de perte de temps [35, 37, 38].
aortique, etc.) (Fig. 1) ou de monitorage (pression artérielle
invasive, sonde de Swan-Ganz, capteur de pression intracrâ- Réanimation de « sauvetage »
nienne...). Ces techniques doivent être connues du médecin
Rétablir une ventilation alvéolaire efficace
transporteur ; il doit en connaître les indications, le fonction-
nement et les conduites à tenir en cas de dysfonctionnement. Le premier geste à faire est de s’assurer de la liberté des voies
aériennes et d’oxygéner largement le patient. Les détresses
Transmission à l’accueil hospitalier circulatoires ou respiratoires, les traumatismes crâniens graves,
Lors de l’arrivée du patient dans le service de destination, les gros délabrements maxillofaciaux sont des indications
celui-ci est confié par le médecin transporteur au médecin du d’intubation orotrachéale [34]. Après installation d’un monito-
service qui le prend en charge. La transmission est à la fois rage complet (pression non invasive, électrocardioscope, SpO2),
verbale et écrite et doit se faire de médecin à médecin. Elle mise en place d’une voie veineuse périphérique, préparation du
comporte, d’une part, les éléments anamnestiques et circons- matériel d’aspiration, préoxygénation pendant 3 minutes,
tanciels concernant le patient, ainsi que le type de pathologie l’intubation de la trachée est réalisée par voie orale avec une
présenté, l’examen clinique initial, les gestes thérapeutiques induction de l’anesthésie en séquence rapide [39]. Durant cette
effectués avant et pendant le transport, l’ensemble des paramè- phase, il est indispensable de maintenir la rectitude du rachis.
tres de surveillance notés à intervalles réguliers pendant le Dans certains traumatismes faciaux ou laryngés, une ponction
transfert et le dossier médical du patient. Une transmission des transtrachéale ou une cricothyroïdotomie, à l’aide d’un banal
soins infirmiers peut également être effectuée sous forme orale cathéter veineux (du plus gros calibre possible) ou de dispositifs
et/ou écrite par l’infirmier de l’équipe. L’ambulancier se charge spéciaux (Quicktrach® ou Minitrach II®) peuvent permettre une
de la transmission des renseignements administratifs et du ventilation de sauvetage et une oxygénation temporaire [40]. Un
vestiaire du patient. épanchement thoracique n’est à drainer qu’en cas de mauvaise
tolérance clinique [41].
Prise en charge hémodynamique
■ Cas particuliers
La sous-estimation d’une hémorragie lors de la prise en
charge préhospitalière est très fréquente. Quelques signes
Prise en charge du polytraumatisé cliniques peuvent, dans le contexte, aider au diagnostic, il s’agit
Les polytraumatisés ont constitué la première des raisons qui d’une pâleur des téguments, d’une élévation de la fréquence
ont conduit à la médicalisation des secours en France. cardiaque, d’une hypotension artérielle, d’un temps de recolo-
ration capillaire supérieur à 2 s, de points d’appels hémorragi-
But d’un bilan rapide de la situation avant ques (plaie vasculaire avec saignement extériorisé, défense
les soins abdominale, etc.). Un trouble du comportement peut parfois
accompagner ces signes (agitation, confusion, prostration, etc.).
À son arrivée sur les lieux, le médecin responsable de l’équipe Bien que l’interprétation des chiffres de fréquence cardiaque et
SMUR doit entrer en contact avec le responsable des premiers de pression artérielle reste difficile en préhospitalier (intrication
secours sur place (ou à défaut des témoins) afin de : des pathologies, tares associées et mise en œuvre de mécanismes
• s’assurer en priorité, même si cela est censé avoir été fait, compensateurs), la mesure immédiate de la fréquence cardiaque
qu’il n’y a pas de risque évolutif (suraccident, explosion, et de la pression artérielle reste l’un des premiers gestes à
etc.) ; effectuer : une chute de pression artérielle avec une tachycardie
• dénombrer, selon les circonstances, les victimes et apprécier étant un signe évident d’hypovolémie [42]. Une pression arté-
sommairement leurs gravités apparentes respectives. Ce triage rielle différentielle pincée (< 35 mmHg) est un indicateur de
rapide permet de décider des priorités thérapeutiques, en choc hypovolémique ou cardiogénique [43]. Un effondrement de
répartissant les tâches, et de demander d’éventuels renforts la pression artérielle, témoin d’un dépassement des mécanismes
matériels ou humains ; de compensation, serait le reflet d’une perte sanguine supérieure
• recueillir un minimum d’information permettant d’orienter le à 30 % de la volémie. La présence, dans ce contexte, d’une
bilan lésionnel en fonction des mécanismes du traumatisme bradycardie doit faire évoquer la possibilité d’une bradycardie
(impact direct, indirect, décélération) et de l’état initial (le dite paradoxale, témoin d’une hypovolémie sévère, qu’il est
blessé a-t-il été déplacé ? Quelle était sa position initiale ? impératif de respecter, sous peine de désamorçage de la pompe
Était-il conscient ?). cardiaque. L’atropine est alors strictement contre-indiquée. En
cas d’arrêt cardiorespiratoire, la réanimation suit les mêmes
Stratégie de prise en charge règles que pour un arrêt cardiaque d’origine médicale en plus de
Elle comprend les éléments suivants : la recherche systématique d’un pneumothorax (Fig. 5).
• identifier et traiter les détresses vitales, particulièrement celles Lors d’un état de choc, en particulier hémorragique, l’objectif
qui vont nécessiter un geste chirurgical d’urgence ; de pression artérielle va dépendre de l’association éventuelle à
• effectuer un bilan lésionnel complet « de la tête aux pieds » ; des lésions du système nerveux central mais également du
• lutter contre les facteurs aggravants (douleur, hypother- terrain sur lequel survient le traumatisme (âge, insuffisance
mie...) ; coronaire, etc.) [44]. Alors que chez un sujet jeune, sans antécé-
• décider, en accord avec le médecin régulateur, du lieu et du dents médicaux et en l’absence de traumatisme crânien sévère,
vecteur de transport le plus adapté à l’accueil et au transfert l’objectif de pression artérielle systolique est de 80-90 mmHg
de la victime ; (seuil d’autorégulation des circulations cérébrales et coronai-
• surveiller et poursuivre les soins pendant l’évacuation. res) [42] ; chez les sujets âgés et/ou porteurs d’une myocardiopa-
La controverse demeure entre l’attitude de « scoop and run », thie (ischémique et/ou hypertensive) ou lorsqu’un traumatisme
chère aux Anglo-Saxons, et celle de la médicalisation sur le crânien grave est associé, l’objectif de pression artérielle
terrain, adopté en France. Il semble que l’attitude à adopter systolique devient 110-120 mmHg [44]. De plus, il a été suggéré
dépende étroitement de la pathologie considérée. En effet, alors chez des patients présentant un traumatisme thoracique péné-
que le facteur temps est crucial dans certaines circonstances où trant isolé que la correction complète de l’hypotension par un
6 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Hypothermie + Dysfonctionnement
électrique
± mécanique
“ Mise au point
tion [49]. Ainsi, au-delà de 2 000 ml de soluté de remplissage ou
en cas de vasoplégie précoce, le recours aux catécholamines est
à discuter [42]. La noradrénaline est actuellement le vasopresseur
Prise en charge de l’arrêt cardiaque traumatique le plus utilisé chez le traumatisé [42, 47]. L’apport de produits
• Libération des voies aériennes supérieures (LVA) et sanguins reste relativement rare en préhospitalier. Il a pour
massage cardiaque externe (MCE) objectif d’assurer un transport en oxygène satisfaisant (hémato-
crite entre 25 et 30 %) [50] et une hémostase adéquate (hémato-
• Intubation orotrachéale (IOT), puis ventilation
crite > 25 %, nombre de plaquettes > 50 × 109 l–1, international
mécanique en O2 pur
normalized ratio (INR) < 1,6 et fibrinogène > 1 g l–1) [49, 51].
• Choc électrique externe (CEE) en cas de fibrillation
En situation de choc hémorragique ou plus généralement
ventriculaire (FV) d’hypovolémie sévère, l’instauration d’une ventilation mécani-
• Remplissage vasculaire : macromolécule, sérum salé que est en général proposée pour optimiser le transport d’oxy-
hypertonique gène et réduire la consommation d’oxygène. Cependant, si cela
• Recherche et traitement d’une cause curable ne se discute pas lorsque le patient présente des troubles de
(pneumothorax compressif) => thoracostomie mono- ou conscience sévères et/ou une détresse ventilatoire, la mise sous
bilatérale ventilation mécanique d’un patient très hypovolémique peut
• Adrénaline par bolus de 1 mg avoir des effets hémodynamiques très délétères en relation avec
• Hémostase de lésions hémorragiques (compression, l’application d’une pression positive intrathoracique, qui va
garrot, hémostase à la pince, point d’hémostase) alors constituer un véritable frein au remplissage du ventricule
droit [52]. De plus, sur une grande cohorte de patients en état de
• Pantalon antichocs en cas de traumatisme abdo-
choc hémorragique, il a été montré que la ventilation mécani-
minopelvien
que était susceptible d’aggraver le pronostic [53].
Dans le cas d’un traumatisme sous-diaphragmatique avec
hypovolémie importante, le pantalon antichocs peut être
installé sur le matelas à dépression, sans être gonflé. En cas
soluté cristalloïde pourrait être néfaste [45, 46]. Les traumatismes d’échec des premières mesures thérapeutiques (remplissage,
graves de la face avec hémorragie nasale et/ou buccale (en catécholamines) et de pression artérielle effondrée, il pourra
l’absence de lésions encéphaliques majeures) ainsi que les alors être gonflé, réalisant ainsi une compression du système
fractures de la ceinture pelvienne avec instabilité tensionnelle artériel et veineux sous-diaphragmatique. Les indications du
(en l’absence de lésion thoracoabdominale) justifient de la pantalon antichocs sont représentées par les traumatismes
même attitude thérapeutique lors de la prise en charge ini- abdominaux avec hémorragie incontrôlable, les saignements liés
tiale [47, 48]. à une fracture du bassin ou les hématomes rétropéritonéaux
Cet objectif de remplissage vasculaire est atteint par l’expan- (effet hémostatique) avec choc hémorragique [54-57]. Le gonflage
sion volumique, à base de solutés cristalloïdes et/ou colloïdes. se fait d’abord sur les membres inférieurs (pressions de gonflage
Il n’y a pas d’avantages démontrés des colloïdes par rapport aux 60 à 80 mmHg) puis, en cas de besoin, sur l’abdomen (pressions
cristalloïdes. En tout état de cause, une hémodilution trop de gonflage 40 mmHg). Le pantalon est gonflé après protection
importante est à éviter car elle est susceptible d’augmenter le des voies aériennes supérieures par une intubation de la trachée,
Médecine d’urgence 7
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
8 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Risque = anoxie/ischémie
Urgence thérapeutique
Médecine d’urgence 9
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
Figure 8. Coupe tomodensitométrique thoracique en fenêtre médias- lésion neurologique en cas de rachis cervical instable et d’intu-
tinale montrant une rupture de l’isthme de l’aorte (image en balle de bation difficile proprement dits. Ces complications potentielles
tennis) associée à un hématome médiastinal. imposent le recours à une technique d’intubation adaptée, soit
intubation vigile, soit intubation après induction en séquence
rapide avec compression cricoïdienne [61]. Il est classiquement
déconseillé de réaliser l’intubation par voie nasotrachéale chez
un traumatisé maxillofacial. En effet, même si le risque de
placement accidentel de la sonde d’intubation en position
intracrânienne semble réduit, il a été admis que la présence ou
la suspicion d’une lésion ethmoïdale avec brèche dure-mérienne
était une contre-indication absolue à l’intubation nasotra-
chéale [74]. L’intubation rétrograde est proposée comme une
alternative possible en cas d’intubation difficile [75]. Enfin, en
cas d’épistaxis importante, des sondes à ballonnets peuvent être
mises en place. Leur insertion en cas de traumatisme maxillo-
facial doit être très prudente car elles peuvent avoir, à l’instar
des sondes d’intubation ou nasogastrique, des trajets ectopiques.
Leur bonne position doit être vérifiée par la palpation du
ballonnet derrière le voile du palais [76].
Traumatismes des membres et du bassin
Une luxation ou une fracture de membre doivent s’accompa-
gner de la recherche d’une atteinte vasculonerveuse avant de
Figure 9. Coupe tomodensitométrique abdominale montrant une vo- tenter toute réduction et immédiatement après ce geste. En ce
lumineuse contusion hépatique droite associée à un hémopéritoine. qui concerne les membres arrachés, il semble que 6 heures
d’ischémie chaude soient actuellement le délai maximum
survivants, 30 % décèdent dans les 6 heures [70]. Le diagnostic généralement admis [77]. Le fragment amputé doit être ache-
est le plus souvent fait par le scanner thoracique avec injection miné dans des conditions optimales d’asepsie et de froid.
(Fig. 8). Cependant, en période préhospitalière, une asepsie stricte est
souvent illusoire et il faut se contenter d’un simple rinçage au
Traumatismes abdominaux sérum physiologique, tout en évitant les solutions susceptibles
Ils sont à évoquer de principe chez tout polytraumatisé car ils de colorer les tissus (Fig. 11). Au niveau du moignon restant, la
représentent la première cause de choc hémorragique (plaie pose d’un garrot est à éviter car elle peut ajouter une lésion
d’un organe plein avec hémopéritoine). Les traumatismes vasculaire et nerveuse supplémentaire. En fait, l’hémorragie peut
hépatiques sont les plus fréquents (Fig. 9) après les traumatismes être le plus souvent facilement contrôlée avec un simple
spléniques (Fig. 10) [71, 72]. Les traumatismes pénétrants abdo- pansement compressif [77].
minaux peuvent être responsables de choc hémorragique, de Les fractures du bassin sont d’une gravité particulière surtout
perforation des organes creux et d’atteintes viscérales variables. lorsqu’elles s’associent à des hématomes rétropéritoneaux
Une atteinte extra-abdominale (thorax) est toujours à rechercher (Fig. 12) [57, 78]. Dans ce cadre, la mise en place d’un pantalon
de principe [73]. antichocs peut être utile en permettant la contention des
fractures du bassin, la diminution du saignement par contre-
Traumatismes maxillofaciaux pression externe et l’augmentation de la pression artérielle par
Parmi les différentes atteintes rencontrées chez le polytrau- élévation du retour veineux [57].
matisé, les traumatismes maxillofaciaux sont fréquents [48]. Les
Défenestration
principaux risques sont représentés par l’encombrement respi-
ratoire (chute de dents, inhalation de sang, etc.) et par certaines Il s’agit d’une forme de polytraumatisme particulier par sa
formes d’hémorragie grave (lésion de l’artère ethmoïdale gravité habituelle liée à la fréquence des atteintes hémorragiques
antérieure, etc.). Les complications sont avant tout d’ordre (hémopéritoine, hémopneumothorax ou hématome rétropérito-
fonctionnel et esthétique. Quelques situations nécessitent une néal) et de traumatisme crânien grave [2]. Une atteinte du rachis
prise en charge chirurgicale rapide : plaies de face, fracture de et de l’isthme aortique sont à évoquer de principe.
l’orbite de type « trap door », fracture de la mandibule, héma-
Brûlure
tome de la cloison nasale [48].
L’un des problèmes posés lors de la prise en charge de ce type Un brûlé grave peut souffrir de choc hypovolémique,
de patient est celui de l’intubation trachéale car, dans le d’hypoxie, d’hypothermie en plus de phénomènes douloureux
contexte de l’urgence, celle-ci expose le traumatisé au risque très importants. Une intoxication au monoxyde de carbone et
d’inhalation bronchique (5 % en phase préhospitalière), de au cyanure est à rechercher systématiquement, en particulier en
10 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Tableau 3.
Prise en charge d’une brûlure grave.
1. Refroidissement : eau tiède pendant 10 à 15 minutes (hypothermie)
2. Remplissage vasculaire :
– Ringer-Lactate® (formule de Parkland) : 2 ml/kg/% de surface brûlée à
passer dans les 6-8 premières heures
– En cas d’hypotension persistante : macromolécules
3. Oxygénation, protection des voies aériennes supérieures (risque
d’œdème ++)
Intubation trachéale si :
– brûlures cervicofaciales, brûlures ≥ 50 %
– brûlure de l’arbre respiratoire, blast
– traumatisme grave associé
Figure 12. Coupe tomodensitométrique abdominale révélant un très – troubles de conscience (évoquer une intoxication au CO ou au cya-
volumineux hématome rétropéritonéal associé à un arrachement du nure : traitement par hydroxocobalamine : 5 g en 30 minutes, i.v.l.)
pédicule rénal gauche et à un hémopéritoine. 4. Anesthésie : induction, entretien
Induction : étomidate (0,3-0,5 mg kg–1) ou kétamine (3 mg kg–1) associés
à la succinylcholine (1 mg kg–1)
Entretien : midazolam (0,05 à 0,15 mg kg–1 h–1) et fentanyl (2,5 à
Médecine d’urgence 11
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
Asthme
On distingue différents types de crise d’asthme : la crise
Figure 13. Brûlure circulaire du 3e degré du pied gauche ayant béné- prolongée inhabituelle (durée prolongée et/ou mauvaise réponse
ficié d’aponévrotomie de décharge. au traitement), l’asthme aigu grave (crise d’intensité inhabi-
tuelle) et enfin, l’asthme suraigu (stade le plus aigu du bron-
chospasme, risque de mortalité important). Parmi les facteurs
déclenchants, on retrouve : l’exposition à un allergène, un
“ Conduite à tenir
nouveau traitement médicamenteux, une surinfection bronchi-
que, l’arrêt du traitement de fond (particulièrement les corticoï-
des). Les signes de gravité et la prise en charge thérapeutique
La prise en charge préhospitalière du brûlé sont détaillés dans le Tableau 4. La thérapeutique associe des
associe : bronchodilatateurs, des anticholinergiques, des corticoïdes au
• refroidissement et limitation de l’extension de la traitement d’un facteur déclenchant. En cas d’échec, il est
possible d’associer des b-agonistes intraveineux (i.v.) ou de
brûlure, prévention de l’hypothermie ;
l’hélium inhalé (transformation de flux turbulent en flux
• examen de la brûlure (surface, profondeur) et bilan laminaire et baisse du travail respiratoire) [87]. L’échec de ces
lésionnel approfondi en cas de traumatisme associé ; traitements entraîne le recours à la ventilation mécanique.
• analgésie par dérivés morphiniques. Anesthésie
générale en cas de surface cutanée brulée supérieure à Prise en charge d’une détresse
40 % et/ou atteinte des voies respiratoires ;
cardiogénique
• recherche d’une intoxication au CO ou au cyanure en
cas de trouble de conscience ; Les principales situations rencontrées sont la dissection
• remplissage précoce, adapté à la surface cutanée brulée aortique, l’infarctus du myocarde, l’insuffisance ventriculaire
gauche, les troubles du rythme et l’arrêt cardiorespiratoire.
et au poids du patient à base de cristalloïdes et de
colloïdes en cas d’hypotension ; Arrêt cardiorespiratoire
• orientation sur un centre spécialisé en cas de brûlure
La grande majorité des arrêts cardiaques inopinés sont
étendue et/ou d’atteinte de zones fonctionnelles et/ou en initialement des fibrillations ventriculaires (FV). La défibrillation
fonction du terrain (enfant, tares associées). immédiate peut permettre une survie jusque dans 90 % des cas,
alors que les chances de survie finale diminuent de 10 % par
minute de retard dans la mise en route des gestes élémentaires
marquée ou lors de lésions parenchymateuses susceptibles de de survie (GES) [88] . Lorsque la récupération d’une activité
modifier le gradient PetCO2-PaCO2 [84]. Une sonde thermique circulatoire spontanée (RACS) n’est pas obtenue après les seuls
peut être utile lors d’intervention prolongée ou en zone de premiers chocs électriques, la réanimation cardiopulmonaire
montagne. L’estimation de la concentration d’hémoglobine spécialisée, associant adrénaline et/ou substances antiarythmi-
avant le remplissage et régulièrement au cours de la prise en ques, est nécessaire. Les chances de survie se réduisent alors de
charge peut se faire par des dispositifs portables (Hemocue® AB, façon dramatique. L’accent est mis actuellement sur l’apprentis-
Angelhom, Sweden) ou des dispositifs à hématocrite. Il est sage au plus grand nombre des GES, seul moyen pour espérer
également actuellement possible de disposer d’appareillage améliorer la survie des patients en arrêt cardiaque. Dans cette
portable et léger de mesure des gaz du sang (I-stat ® , optique, les GES ont été simplifiés [89] . La prise en charge
Hewlett-Packard). thérapeutique de l’arrêt cardiaque vient d’être actualisée et de
nouvelles recommandations ont été proposées. Les principales
Prise en charge d’une détresse respiratoire modifications concernent le rythme de l’alternance massage-
ventilation (30/2 versus 15/2), le rythme du massage (100/
Les détresses respiratoires non traumatiques sont des situa- min), la prise en charge de la fibrillation ventriculaire (massage
tions fréquentes en médecine préhospitalière. Les principales cardiaque préalable), ainsi que la poursuite du traitement en
causes sont représentées par les décompensations aiguës réanimation après une RACS (intérêt de l’hypothermie)
d’insuffisance respiratoire chronique et par les crises d’asthme. (Fig. 14).
Les pneumopathies infectieuses et les embolies pulmonaires Lors d’une asystolie, la thérapeutique repose sur l’association
sont plus rarement rencontrées. des gestes de réanimation cardiopulmonaire (massage cardiaque
externe [MCE], intubation orotrachéale [IOT] et ventilation en
Décompensation aiguë d’insuffisance respiratoire
oxygène pur) à l’injection intraveineuse de bolus d’adrénaline
chronique (IRC) (1 mg/3 à 5 min) [90]. Celle de la FV (ou de la tachycardie
La principale étiologie est la surinfection bronchopulmonaire. ventriculaire sans pouls) repose avant tout sur la défibrillation
Parmi les autres étiologies, on peut trouver l’introduction d’un auquel est associée, en cas d’échec de la défibrillation, l’adréna-
nouveau traitement médicamenteux, l’embolie pulmonaire, ou line (bolus de 1 mg, à répéter toutes les 3 à 5 minutes) ou la
un pneumothorax. On retrouve fréquemment la notion d’une vasopressine (bolus unique de 40 unités internationales
12 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Tableau 4.
Signes de gravité et traitement des décompensations d’insuffisance respiratoire chronique (IRC) et des crises d’asthme.
Décompensation d’IRC Crise d’asthme
Modalités thérapeutiques Modalités thérapeutiques
Oxygénothérapie au masque à haute concentration pour SpO2 ≈ 90 % Oxygène au masque haute concentration
Traitement du bronchospasme (cf. asthme) Nébulisation (maximum 3/h) : Salbutamol® : 2,5 à 5 mg/15 min et Atro-
VNI : AI : 12 à 20 ; PEEP : 4 à 6, à adapter pour SpO2 > 90 % et FR [15-29] vent® : 0,5 mg, en cas d’échec : Salbutamol® : 0,5 à 4-6 mg h–1, i.v. (PSE)
Traitement de l’étiologie Méthylprednisolone : 1 à 1,5 mg kg–1, i.v.d
Malade assis, monitorage complet (SpO2, FC, PNI) Hélium (Héliox®) avec une fraction inspirée d’hélium ≥ 60 %
À discuter : sulfate de magnésium (bolus de 2 à 3 g) ; kétamine : 0,1 mg kg–1
puis 0,5 mg kg–1 h–1 (associé à atropine : 0,01 mg kg–1)
Signes de gravité Signes de gravité
Encombrement bronchique + toux inefficace, fréquence respiratoire > FR > 30, disparition des sibilants, cyanose, sueurs, malade aphone
35 cycles/min Trouble de la conscience, agitation
Trouble de la conscience Pouls paradoxal > 30 mmHg
Respiration paradoxale thoracoabdominale DEP < 120 l/min
Absence de correction SpO2 ⇒ Intubation trachéale après induction en séquence rapide ± kétamine. VAC,
Bradycardie, hypotension Vt : 5 à 7 ml/kg ; FR : 8 à 10 ; FiO2 : 1, ± curarisation : Tracrium® : 0,5 mg kg–1
⇒ Intubation trachéale après induction de l’anesthésie, VAC : Vt < 10 ml/kg, puis 0,5 mg kg–1 h–1
fréquence 8-12/min
VNI : ventilation non invasive ; AI : aide inspiratoire ; PEEP : positive end-expiratory pressure ; Vt : tidal volume ; FR : fréquence respiratoire ; PNI : pression non invasive ; VAC :
ventilation assistée contrôlée ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v. : intraveineux ; i.v.d. : intraveineux direct ; DEP : débit expiratoire de pointe.
Absence de mouvement
ou de réponse à l'appel
Demander de l'aide
Si pas de ventilation,
donner 2-5 insufflations
Si pas de réponse, vérifier le pouls
pendant 10 secondes a
Analyse du rythme
Réanimation spécialisée
1 choc électrique externe • IOT + ventilation en O2 pur
• Abord vasculaire
• Corriger les causes réversibles
• MCE continu après IOT
• Adrénaline 1 mg/3-5 min
Reprise RCP pour 5 cycles • Amiodarone si FV résistante RCP pour 5 cycles
de 30/2 (2 min) à 2 CEE de 30/2 (2 min)
Figure 14. Arbre décisionnel. Prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire. aLa prise de pouls est effectuée par tout secouriste entraîné ou professionnel de
santé. AESP : activité électrique sans pouls ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; IOT : intubation orotrachéale ; CEE : choc électrique externe ; FV : fibrillation
ventriculaire ; MCE : massage cardiaque externe. D’après [1].
[UI]) [90]. Il est actuellement proposé de commencer par une traitement de la FV, l’amiodarone (injection lente de 300 mg
courte séquence de massage cardiaque avant de défibriller le dilués dans 20 ml) est actuellement préférée dans les recom-
patient [90] . Des antiarythmiques peuvent être associés au mandations internationales à la lidocaïne (1,5 mg/kg, i.v.d.) [90].
Médecine d’urgence 13
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
Tableau 5.
Présentation clinique et traitement de la dissection aortique.
Présentation clinique Prise en charge thérapeutique
Douleur thoracique rétrosternale violente ± syncope inaugurale Contrôle tensionnel
Migratrice ± irradiations postérieures et descendantes – Hypo-PA : remplissage vasculaire ± catécholamine ⇒ PAS : 100-120 mmHg
Signes associés – HTA : PAS < 130 mmHg
– Asymétrie des pouls (mesure de la pression artérielle aux 4 membres +++) – Association b-bloquant + vasodilatateur
– Insuffisance aortique aiguë → Brevibloc® : 0,5 mg kg–1 en 1 min puis 100 à 200 µg kg–1 min–1 au PSE
– Accident ischémique transitoire → Nipride® : 0,5-10 µg kg–1 min–1 (PSE), palier de 0,5 à 1 µg kg–1 min–1
Signes de gravité → Loxen® : bolus de 1 mg min–1 puis 1 à 5 mg h–1
– HTA Analgésie
– État de choc (rupture aortique ?) – Paracétamol : 1 g i.v.d.
Complications – Titration morphine (bolus de 1 mg/3 min)
– Tamponnade Oxygénation
– Ischémie aiguë (membre, viscérale) Intubation si : trouble de conscience, hypoxémie sévère, état de choc
– Compression locale (dysphagie, syndrome cave supérieur ou de Claude
Bernard-Horner)
HTA : hypertension artérielle ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v.l. : intraveineux lent ; PA : pression artérielle ; PAS : pression artérielle systolique.
.4
Des dispositifs de massage cardiaque automatiques ont été 48 heures n’est que de 50 %. La présentation clinique est le plus
récemment proposés et permettent un MCE continu à la souvent celle d’une douleur thoracique violente, volontiers
fréquence de 80 à 100 compressions par minute. migrante (Tableau 5) [93]. Le principal diagnostic différentiel de
Les deux dispositifs actuellement disponibles sont l’Auto- la dissection est celui de l’infarctus du myocarde, qui peut être
pulse® (laboratoire Zoll) et le Lucas® (laboratoire Medtronic). difficile puisque les dissections aortiques s’accompagnent
S’ils sont potentiellement très intéressants, en particulier dans fréquemment de modification de l’électrocardiogramme (ECG)
une optique de prélèvement d’organe à cœur arrêté, l’efficacité (tachycardie, hypertrophie ventriculaire gauche, anomalie de la
.2
lors de la prise en charge de l’arrêt cardiaque d’origine médicale repolarisation). La prise en charge thérapeutique initiale est
reste à démontrer et les premiers résultats semblent contradic- guidée par le contrôle de la pression artérielle (Tableau 5).
toires [91, 92]. Compte tenu de la gravité de l’évolution spontanée, le patient
Il sera important de toujours chercher et traiter une étiologie doit impérativement être dirigé vers sur un centre de chirurgie
de l’arrêt cardiorespiratoire (ACR) (hypothermie, hypoxie, cardiovasculaire si le diagnostic est fortement suspecté.
hypovolémie, pneumothorax, hyper- ou hypokaliémie, tam-
ponnade, intoxication). Une fois la reprise d’activité cardiocir- Infarctus du myocarde
culatoire obtenue, le traitement de base de l’encéphalopathie Les syndromes coronaires aigus (SCA) étaient au préalable
anoxique sera entrepris (neuroprotection, maintien pression de répartis en infarctus du myocarde (IDM), infarctus sans onde Q
perfusion cérébrale). et angor instable. Ils sont actuellement classifiés en SCA avec ou
Enfin, en dehors de certaines intoxications (b-bloquant, sans élévation du segment ST. La prise en charge thérapeutique
digitalique) et de l’hypothermie (< 32 °C), la réanimation ne est actuellement bien définie. Elle repose sur l’association de
sera pas prolongée au-delà de 30-40 minutes. techniques de reperfusion (fibrinolyse, angioplastie ou pontage
coronaire) et de traitements symptomatiques (b-bloquant,
antiagrégant, anticoagulant, antalgique, dérivés nitrés). La
stratégie thérapeutique à mettre en œuvre dans les SCA va
14 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
ECG 12 dérivations
Sus-décalage de ST Sous-décalage de ST
BBG non connu Inversion onde T
- Traitements adjuvants :
Clopidogrel : 300 mg p.o. (600 mg si
angioplastie ?) ECG à répéter
β-bloquant : aténolol i.v. pour FC < 75 bat/min Dosage de la troponine
Analgésie : paracétamol, morphine en Surveillance
titration par bolus de 1 mg i.v.d. Test d'effort
Figure 15. Arbre décisionnel. Prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA). ECG : électrocardiogramme ; i.v.d : intraveineux direct ; UI : unités
internationales ; FC : fréquence cardiaque ; PA : pression artérielle ; VVP : voie veineuse périphérique ; s.c. : sous-cutanée ; p.o. : per os.
précharge. La morphine, qui était traditionnellement utilisée montré ces dernières années son efficacité pour réduire le
dans cette indication, est actuellement réservée au traitement de recours à l’intubation trachéale et la mortalité, que ce soit en
la douleur accompagnant un infarctus du myocarde. Il semble mode CPAP ou en mode ventilation spontanée avec aide
actuellement que le traitement, quand il est débuté en préhos- inspiratoire-positive end expiratory pressure (VSAI-PEEP) [98]. Il ne
pitalier, s’accompagne d’une réduction de la mortalité [96]. Le semble pas y avoir de bénéfice d’une modalité ventilatoire sur
mode d’administration des nitrés est également discuté. Cotter l’autre [99]. L’usage de la CPAP s’accompagne d’une amélioration
et al. ont ainsi montré que l’incidence de l’intubation trachéale de la fonction systolique et/ou d’une diminution de la pré-
et d’infarctus du myocarde était réduite par l’utilisation de bolus charge [100]. En ce qui concerne l’usage préhospitalier de la
i.v. de dérivés nitrés (3 mg 5 min–1) associés à de petites doses CPAP, très peu d’études sont disponibles mais il semble que les
de furosémide (40 mg) comparée à l’utilisation des dérivés nitrés dispositifs de CPAP légères de type Boussignac (Fig. 16) soient
au pousse-seringue (1 mg h–1, augmenté de 1 mg 10 min–1) aussi efficaces que des dispositifs conventionnels plus
associée à de plus fortes doses de furosémide
lourds [101].
(80 mg 15 min–1) [97]. La réduction de la postcharge, quand elle
est élevée (HTA), fait également partie des objectifs thérapeuti- Choc cardiogénique
ques. Cela peut être obtenu par plusieurs types d’agents
pharmacologiques tels que les dérivés nitrés à fortes doses et les Il peut être lié à différentes pathologies : IDM, lésions
inhibiteurs calciques. Les digitaliques sont classiquement utilisés valvulaires aiguës (insuffisance aortique ou mitrale), tampon-
en association avec les dérivés nitrés et peuvent être utiles pour nade, dissection aortique, myocardite toxique ou infectieuse. Il
ralentir la fréquence cardiaque. Les catécholamines ou le complique environ 10 % des IDM et sa mortalité est estimée à
levosimendan sont à réserver au traitement des états de choc. 80 % [102]. Il est vraisemblable qu’une prise en charge agressive
Ventilation non invasive. Les patients avec un œdème aigu est justifiée en cas de choc cardiogénique sur IDM. Elle associe
du poumon peuvent bénéficier de différentes modalités venti- au mieux une technique de revascularisation précoce par
latoires qui vont de l’administration d’O 2 à fort débit au angioplastie percutanée (APC) ou pontage coronaire (PAC). Si
masque à haute concentration jusqu’à la ventilation mécanique besoin, un soutien hémodynamique par un ballon de contre-
conventionnelle. Entre les deux, la ventilation non invasive a pulsion diastolique intra-aortique (CPBIA) pourra être initié [103].
Médecine d’urgence 15
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
Tableau 6.
Prise en charge du choc cardiogénique.
Traitement étiologique
Réduction d’un trouble du rythme ou de la conduction (cf. infra)
Traitement d’une poussée hypertensive : Loxen®, bolus de 1 mg min–1
i.v.d. puis relais par perfusion continue (2 à 4 mg h–1, palier de
0,5 mg h–1)
Revascularisation en urgence (angioplastie ou pontage coronaire) si ori-
gine ischémique
Drainage d’un hémopéricarde/traitement d’une dissection aortique
Traitement symptomatique
Oxygène à haut débit, CPAP (PEEP de 5 à 10 mmHg)
Diurétique type diurétique de l’anse, 40 à 80 mg, i.v.l.
Inotrope/vasoconstricteur (PAS < 100 mmHg) : objectif : PAM >
60 mmHg :
– dobutamine : 2 à 20 µg kg–1 min–1
– en cas d’échec : adrénaline : 0,1 à 0,15 µg kg–1 min–1
– en cas d’échec : noradrénaline : 0,1 à 0,15 µg kg–1 min–1
Dérivés nitrés (PAS > 100 mmHg) : ex. : Lénitral® : 0,25 à 1 µg kg–1 min–1
± dose de charge de 1 à 3 mg i.v.l.
Inodilatateur (PAS > 100 mmHg) : inhibiteur des phosphodiestérases
(ex. : milrinone : 0,3 à 0,75 µg kg–1 min–1)
Figure 16. Exemple de mise en place d’une continuous positive airway En cas d’échec des mesures pharmacologiques : CPBIA, assistance ven-
pressure (CPAP) de type Boussignac pour le traitement d’un œdème aigu triculaire externe (ex. : Thoratec™)
du poumon (OAP). CPAP : continuous positive airway pressure ; PEEP : positive end-expiratory pressure ;
i.v.d. : intraveineux direct ; PAM : pression artérielle moyenne ; PAS : pression
artérielle systolique ; i.v.l. : intraveineux lent ; CPBIA : contre-pulsion par ballon
intra-aortique.
16 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Tachycardie
- Oxygénation
- Voie veineuse périphérique
- Monitorage ECG
- Identifier et traiter une cause curable
Figure 18. Arbre décisionnel. Prise en charge des tachycardies. FA : fibrillation auriculaire ; TSV : tachycardie supraventriculaire ; WPW : Wolf-Parkinson-
White ; i.v. : intraveineux ; ECG : électrocardiogramme.
suppose une bonne connaissance de la sémiologie et des En dehors de la détermination de la glycémie capillaire
moyens diagnostiques et thérapeutiques à notre disposition. (réalisable avant la mise en condition pour le transport), la
natrémie et la calcémie seront systématiques à l’arrivée en
État de mal épileptique réanimation. Dans 15 à 20 % des cas, l’enquête étiologique est
L’état de mal épileptique (EDME) convulsif est une condition négative. L’objectif du traitement de l’EDME est d’obtenir la
menaçant le pronostic vital. Il se définit comme des crises cessation rapide et durable des crises [112].
partielles ou généralisées, prolongées, sans récupération com- Le traitement en urgence fait appel en première intention aux
plète entre les crises, et pouvant causer une anoxie cérébrale. benzodiazépines (diazépam : 10-20 mg ; clonazépam : 1-2 mg)
L’EDME généralisé ou larvé engage le pronostic vital et peut qui ont une action rapide et une bonne tolérance s’ils sont
laisser des séquelles neurologiques telles qu’un déficit moteur, administrés en injection intraveineuse lente. Ils permettent
une atteinte des fonctions cognitives, une détérioration intel-
d’obtenir la cessation des crises dans 80 % des EDME convulsifs
lectuelle, l’apparition d’une maladie épileptique ou l’aggravation
généralisés. L’injection peut être éventuellement répétée une
d’une épilepsie antérieure. La mortalité de l’EDME convulsif
fois après 15 à 20 minutes. Le lorazépam, d’action moins rapide
généralisé est de l’ordre de 10 à 20 % chez l’adulte.
mais plus longue, n’est pas disponible en France. Le midazolam
La reconnaissance rapide de l’EDME convulsif, une prise en
charge préhospitalière thérapeutique bien codifiée et une (0,2 mg kg–1) est en cours d’évaluation.
enquête étiologique rapidement conduite sont indispensables La phénytoïne (Dilantin ® , 18 mg kg –1 à compléter avec
pour améliorer le pronostic vital. 30 mg kg–1 maximun) est un antiépileptique très efficace et qui
D’un point de vue clinique, l’EMDE se présente le plus a l’avantage de n’être pas sédatif, ni dépressif respiratoire. En
souvent sous la forme convulsive tonicoclonique généralisée. Il revanche, elle peut entraîner des troubles du rythme cardiaque
existe parfois un état de mal larvé (subtle status epilepticus) [110]. et une hypotension artérielle, avec un intervalle thérapeutique
Le tableau est alors dominé par les troubles de conscience et les étroit. Son administration doit être lente en 20 à 30 minutes, ce
désordres neurovégétatifs. Les EDME partiels simples somato- qui retarde son délai d’action. Une forme plus récente est
moteurs sont caractérisés par la répétition sérielle de crises également disponible (fosphénytoïne, Prodilantin®) qui pourrait
partielles motrices [111]. L’EDME tonique est caractérisé par la entraîner moins d’irritation au site d’injection et moins de
répétition à intervalles brefs de crises toniques associées à des troubles cardiovasculaires. Pour les barbituriques, le phénobar-
manifestations végétatives. II s’observe essentiellement dans les bital (100 mg min–1 sans dépasser 10 mg kg–1, à compléter à
encéphalopathies épileptiques de l’enfant. 20 mg kg–1 maximum) agit en 5 à 10 minutes, il a un effet
Médecine d’urgence 17
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
0 à 30 min
prendre d’éventuelles décisions de limitation ou d’arrêt de
1re injection Diazépam/clonazépam i.v./i.r. traitement autre que de confort.
Actuellement encore rares en France, les unités neurovascu-
Si échec laires [114], comportant un personnel médical et paramédical
rompu aux urgences neurovasculaires, permettent d’établir
2e injection Diazépam/clonazépam i.v./i.r. rapidement le diagnostic, de mettre en œuvre immédiatement
le traitement et d’optimiser la surveillance. Il a été montré que
Si échec dans ces structures, la mortalité, les séquelles fonctionnelles et
la durée de l’hospitalisation sont réduites de 25 à 30 %. Enfin,
Si besoin il faut rappeler que tout AVC récent est un processus évolutif
Monitorage Phénytoïne ou phénobarbital i.v.
qui est susceptible de s’aggraver subitement.
Si échec
30 à 50 min
Augmenter posologie de la phénytoïne
ou phénobarbital i.v.
Si échec
“ Points forts
Les AVC ischémiques ou hémorragiques représentent de
50 à 80 min
18 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30
Médecine d’urgence 19
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée
de contraste (angio-IRM) peut également se révéler très intéres- [10] Hurst JM, Davis Jr. K, Johnson DJ, Branson RD, Campbell RS,
sante pour rechercher une malformation vasculaire (anévrysme, Branson PS. Cost and complication during in hospital transport of
.3
cavernome, ...) et/ou mettre en évidence des complications de critically ill patients: a prospective cohort study. J Trauma 1992;33:
l’HSA (ischémie). 582-5.
D’un point de vue thérapeutique, la prise en charge préhospi- [11] Goldstein P, Van Laer V, Mauriaucourt P, Lachery P, Marel V, Facon A.
talière va comprendre l’analgésie et l’anxiolyse, le maintien d’une Transports sanitaires héliportés. Pourquoi non? In: 42e Congrès natio-
PAS inférieure à 130 mmHg (inhibiteur calcique et/ou nal d’anesthésie et de réanimation. Paris: SFAR-Elsevier; 2000.
b-bloquant), le maintien dans un environnement calme, le p. 69-76.
traitement des complications (trouble de conscience, crise [12] Nicholl JP, Brazier JF, Snooks HA. Effects of London helicopter
convulsive) et l’orientation sur un centre spécialisé le plus emergency medical service on survival after trauma. BMJ 1995;311:
rapidement possible. La nimodipine sera ajoutée per os, dès que 217-22.
[13] Davis DP, Peay J, Serrano JA, Buono C, Vilke GM, Sise MJ, et al. The
possible, pour une durée de 3 semaines afin de prévenir les
impact of aeromedical response to patients with moderate to severe
complications ischémiques [123]. Enfin, le traitement spécifique de
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la malformation vasculaire fait actuellement appel aux techniques
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lière. Elle doit être la plus rapide possible tout en permettant de [24] Palmon SC, Liu M, Moore ME, Kirsch JR. Capnography facilitates
traiter les détresses vitales, d’initier des thérapeutiques à visée tight control of ventilation during transport. Crit Care Med 1996;24:
symptomatique ou curative, enfin, d’assurer le transport du 608-11.
patient dans de bonnes conditions de sécurité dans l’endroit le [25] Bekar A, Ipekoglu Z, Tureyen K, Bilgin H, Korfali G, Korfali E.
plus adapté à la prise en charge de son problème médical. Secondary insults during intrahospital transport of neurosurgical inten-
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Toute référence à cet article doit porter la mention : David J.-S., Capel O., Peguet O., Petit P., Gueugniaud P.-Y. Mise en condition d’un patient grave en vue
de son évacuation terrestre ou héliportée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-30, 2007.
22 Médecine d’urgence
¶ 25-010-D-10
Les abords veineux se divisent en deux grands groupes : les « abords veineux superficiels » où la veine
ponctionnée, sus-aponévrotique, est vue et palpée, et les « abords veineux profonds », concernant les
veines de gros calibre, sous-aponévrotiques, invisibles, mais dont les dimensions, la situation et les
rapports sont à peu près constants d’un individu à l’autre. On emploie les termes d’« abord
périphérique » lorsque l’extrémité du cathéter est dans une veine périphérique, de petit diamètre et à
faible débit sanguin, et d’« abord central » lorsque cette extrémité est dans une veine endothoracique,
généralement la veine cave supérieure. Depuis une trentaine d’années, les techniques de cathétérisme
veineux central se sont développées, initialement au bloc opératoire, dans les secteurs de réanimation et
de soins intensifs, puis dans les unités de nutrition parentérale, d’oncohématologie et d’infectiologie. Elles
sont utilisées le plus souvent dès la mise en route du traitement, la causticité des substances perfusées
induisant une altération précoce et irréversible du capital veineux des patients lorsqu’elles sont
administrées par voie périphérique. L’utilisation extensive des abords veineux, tant périphériques que
centraux, est responsable de la survenue de nombreuses complications. La gravité de certaines d’entre
elles implique que les modalités, les indications et les contre-indications des différentes techniques soient
parfaitement connues des praticiens. Sont donc envisagés successivement : le matériel d’abord veineux ;
les techniques des abords veineux ; leurs complications ; leurs indications et contre-indications.
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Mots clés : Abord veineux superficiel ; Abord veineux profond ; Abord central ; Cathéter ; Infection
Médecine d’urgence 1
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte
terminé par un raccord Luer, le tuyau rendant l’aiguille indé- d’introduction. Les longueurs courantes vont de 20 à 50 cm et
pendante des mouvements de la tubulure de perfusion. Pour la les diamètres (chez l’adulte) de 1,5 à 2 mm. Leur embout
ponction veineuse, les ailettes sont repliées l’une contre l’autre, proximal est de type Luer-Lock.
et tenues entre le pouce et l’index. Le moyen d’introduction le plus ancien est une aiguille
métallique externe, de diamètre supérieur à celui du cathéter. La
Matériel plastique veine est ponctionnée avec cette aiguille au travers de laquelle
La plupart des matériels actuellement utilisés sont recouverts le cathéter est ensuite introduit sans le sortir de sa gaine de
de silicone afin d’améliorer leur tolérance, la non-mouillabilité protection, jusqu’à ce que son extrémité soit présumée en
de ce dernier diminuant les phénomènes de thrombose locale. bonne position ; l’aiguille est ensuite retirée. Le premier
Les substances utilisées sont le Téflon ® , le silicone et le inconvénient des aiguilles externes est leur diamètre qui aggrave
polyuréthanne. les conséquences d’éventuelles blessures des organes de voisi-
nage. Le second est le risque, important, de sectionner le
Cathéters courts (ou canules) (Fig. 2) cathéter sur le biseau au cours des manœuvres d’introduction,
Ils sont présentés montés sur une aiguille-guide interne, ce risque persistant par ailleurs « sous le pansement », si
destinée à permettre le franchissement de la peau et de la paroi l’aiguille n’est pas démontable, même en présence d’un dispo-
veineuse grâce à son biseau. À l’autre extrémité de l’aiguille, une sitif (plaquette ou clip) destiné à neutraliser son biseau. Cette
chambre transparente permet de visualiser le reflux sanguin. La technique, particulièrement dangereuse, a donc été, à juste titre,
longueur habituelle des canules est de 4 à 8 cm et les diamètres progressivement abandonnée.
proposés vont de 0,7 à 2 mm. Elles peuvent comporter divers Un autre système d’introduction, plus récent, utilise une
accessoires : ailettes de fixation, embouts obturateurs adaptables, canule plastique de gros diamètre munie de son aiguille-guide :
sites pour injection extemporanée avec valve anti-retour, etc. une fois la veine ponctionnée, l’aiguille-guide est retirée, le
Une catégorie à part est constituée par les canules munies cathéter est glissé à travers la canule qui est à son tour retirée
d’un dispositif antipiqûre accidentelle (Protectiv®). Une fois la de la veine. Le risque de section du cathéter sur l’aiguille
ponction veineuse réalisée, la canule est introduite dans la n’existe plus, mais les manœuvres de recherche de la veine
veine. Ce mouvement provoque le retrait de l’aiguille qui restent dangereuses compte tenu du diamètre de l’ensemble
s’insère et s’enclique dans un étui rigide, réalisant un ensemble canule/aiguille-guide.
non démontable protégeant l’opérateur (et le personnel) du C’est la raison du succès de la technique décrite par Seldin-
risque de blessure par le biseau de l’aiguille après la pose de ger [1] : la veine est ponctionnée avec une aiguille de faible
cette dernière. calibre qui permet d’introduire un guide métallique souple,
droit ou préformé en « J ». Après ablation de l’aiguille, le guide
Cathéters longs
sert de tuteur à l’introduction d’une canule par l’intermédiaire
Fabriqués le plus souvent en polyuréthanne ou en silicone, de laquelle (après ablation du guide), le cathéter est mis en
habituellement rendus radio-opaques, ils sont présentés sous place. Cette technique présente donc l’avantage de faire réaliser
forme de nécessaires stériles, comprenant parfois leur système la ponction avec une aiguille plus fine que dans les techniques
2 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10
classiques, ce qui réduit les conséquences d’une éventuelle Cathéter multilumières (deux ou trois lumières)
ponction d’un organe de voisinage et diminue les risques de Les cathéters multilumières, réalisés le plus souvent en
fuite autour du cathéter. polyuréthanne, sont plutôt destinés aux patients de réanima-
Une variante (Fig. 3), initialement employée pour l’introduc- tion ; ils permettent l’administration simultanée de divers
tion des cathéters de gros calibre destinés aux mesures hémo- médicaments et solutés.
dynamiques (sondes de Swan-Ganz), combine les deux Le cathéter à site d’injection implantable ou « cathéter à
techniques précédentes, et est aujourd’hui la plus répandue : le chambre » (Fig. 4) est un cathéter en silicone dont l’extrémité
guide métallique souple, une fois en position intraveineuse, sert proximale est raccordée à un boîtier de petit volume (Port-a-
de tuteur à un dilatateur de veine (Désilet ® ). Celui-ci est cath®, Celsite®, Sitimplant®, etc.) implanté chirurgicalement
constitué de deux parties : une canule fine interne dilatatrice, dans les tissus sous-cutanés du patient. Cette « chambre »
relativement effilée, qui pénètre facilement dans la veine sur le (réservoir) est munie d’une membrane de silicone de 4 à 5 mm
guide, et une gaine externe de gros diamètre. Le passage cutané d’épaisseur destinée à permettre injections, perfusions et
de cette dernière n’est possible qu’au prix d’une petite incision prélèvements sanguins, évitant ainsi au patient de multiples
réalisée au moyen d’un bistouri à pointe fine. Une fois la gaine ponctions périphériques. Outre la fixation et la protection
externe introduite dans la veine, la canule dilatatrice est retirée ; parfaites du cathéter, le principal avantage de ce matériel est
la gaine est prête à recevoir le cathéter auquel elle est destinée. l’absence de continuité entre le milieu extérieur et la circulation
Certains matériels (Cordis®) permettent, par l’intermédiaire du patient, ce qui limite les risques infectieux et supprime le
d’un raccord supplémentaire intégré latéralement au Désilet®, risque d’embolie gazeuse.
l’administration simultanée d’une perfusion pendant l’utilisa- Le cathéter à chambre est utilisé en oncohématologie (chi-
tion de la sonde de Swan-Ganz ; à l’ablation de celle-ci, il est miothérapies itératives et prolongées), en nutrition parentérale
possible d’utiliser la gaine externe comme voie veineuse prolongée ou chez les patients atteints de syndrome de l’immu-
provisoire ou d’introduire un cathéter standard qui est, si nodéficience acquise (sida) pour l’administration de médica-
nécessaire, utilisé de façon durable. ments antiviraux.
Les cathéters en silicone ont une telle souplesse que leur
introduction dans la veine nécessite l’emploi d’un guide semi- Matériel de perfusion
rigide, métallique ou plastique. Leur grande fragilité (au moins
dans les diamètres usuels) les rend assez vulnérables aux Il a un peu évolué au cours de ces dernières années et
sections accidentelles. En dépit de ces inconvénients, leur certaines tendances s’affirment :
excellente tolérance physicochimique et clinique fait qu’ils sont • les flacons de verre sont progressivement abandonnés ;
très largement utilisés. • les tubulures à perfusion s’améliorent : leur site d’injection en
latex est volontiers remplacé par un robinet à trois voies, la
Différents types de cathéters longs prise d’air (débrayable) est filtrée et incorporée à la chambre
de goutte-à-goutte, elle-même pourvue d’un filtre antipyrogè-
Cathéter veineux central standard dit « à émergence nes de 10 à 20 µm ; l’extrémité de la tubulure est munie d’un
cutanée » raccord Luer-Lock ;
Il s’agit d’un cathéter en élastomère de silicone ou en • les appareils (pompes volumétriques, seringues autopulsées,
polyuréthanne, monolumière, qui peut être tunnellisé et qui est alarmes) et les accessoires (régulateurs de débit, filtres
pourvu d’un raccord externe, fixe ou amovible selon les antiagrégats, rampes à perfusion) ont eux aussi progressé et
modèles, qu’il convient de fixer solidement à la peau. sont de plus en plus employés.
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Une fois la veine repérée, on désinfecte largement et longue- Après avoir vérifié la date de péremption et la qualité de
ment (2 à 3 minutes) la peau avec un antiseptique (Hibitane® l’emballage des matériels utilisés, l’opérateur, muni d’un calot et
ou Bétadine®) et, du pouce de la main libre, on tend légèrement d’une bavette, se lave soigneusement les mains et revêt une
la peau au-dessous du point de ponction. L’aiguille, inclinée de casaque chirurgicale stérile ; en cas d’extrême urgence, il peut se
20° à 30° par rapport au plan cutané, perfore la peau et la paroi limiter à enfiler une paire de gants stériles (le cathéter introduit
veineuse, puis est redirigée tangentiellement à l’axe de la veine dans ces circonstances doit être retiré le plus vite possible et
afin de la cathétériser. Généralement, la pénétration endovei- remplacé par un autre posé dans des conditions de propreté
neuse donne une sensation de ressaut, suivi d’un reflux de sang adéquates, si un abord veineux central prolongé est jugé
dans l’embout de l’aiguille (ou de la canule) ; celle-ci est alors nécessaire). La peau de la zone de ponction, éventuellement
introduite complètement en suivant la lumière veineuse. On rasée, est nettoyée puis badigeonnée largement et longuement
desserre le garrot et on raccorde la tubulure de perfusion, en (de 2 à 3 minutes) avec une solution antiseptique (Hibitane®ou
vérifiant le bon écoulement du liquide, l’absence d’extravasation Bétadine®). La zone ainsi définie est limitée par des champs
locale et, si la veine est d’un diamètre suffisant, l’existence d’un stériles.
reflux sanguin dans la tubulure en abaissant le flacon de Sauf contre-indication, il est conseillé de réaliser une anes-
perfusion au-dessous du plan du lit. thésie locale par infiltration avec quelques millilitres de
Pour la ponction de la veine jugulaire externe, la tête est Xylocaïne® à 1 % ; cette manœuvre, effectuée à l’aide d’une
tournée du côté opposé à la ponction. Pour rendre la veine aiguille fine, est parfois mise à profit par certains opérateurs
turgescente, plusieurs méthodes peuvent être utilisées : mettre le pour repérer la veine.
patient en position tête déclive, lui demander de pratiquer une La pression régnant dans les veines profondes étant faible,
manœuvre de Valsalva, comprimer le pied de la jugulaire par un voire négative, il est recommandé d’installer le patient dans une
doigt placé dans le creux sus-claviculaire. En dépit de ces position qui positive cette pression : déclive modérée pour le
manœuvres, la veine n’est pas toujours franchement turges- territoire cave supérieur ; proclive modérée pour le territoire
cente ; il est donc recommandé de monter la canule sur une cave inférieur. Par ailleurs, la ponction doit se faire à l’aide
seringue et d’effectuer la ponction le « vide à la main » pour d’une aiguille montée sur une seringue, « le vide à la main ».
mieux visualiser le reflux sanguin. La saillie du maxillaire Dans ces conditions, la pénétration de l’aiguille dans le tronc
inférieur gêne parfois la ponction, et il est alors nécessaire de veineux, parfois ressentie comme un léger ressaut élastique, est
couder l’aiguille ou la canule. identifiée par un reflux franc et massif de sang foncé. Une
La mise en place d’un cathéter central à partir des veines du ponction blanche invite à retirer le trocart jusqu’au plan cutané
pli du coude ou de la veine jugulaire externe est souvent avant une nouvelle tentative, un changement de direction
difficile pour des raisons anatomiques (présence de valvules, quand le biseau se trouve dans les plans profonds risquant de
abouchement de ces veines dans les vaisseaux profonds à angle dilacérer les tissus. Le retrait de l’aiguille doit se faire lentement,
droit). La pénétration en force est contre-indiquée en raison du le reflux de sang pouvant se produire au cours de cette manœu-
risque de perforation vasculaire. La longueur du cathéter à vre. Une fois en place, l’opérateur désolidarise la seringue de
introduire est d’environ 40 à 50 cm à partir du pli du coude. l’aiguille en s’appliquant à ne pas mobiliser cette dernière. Après
avoir demandé au malade de se mettre en apnée, ou mieux de
Fixation, protection, surveillance réaliser une manœuvre de Valsalva, le guide métallique spiralé
La fixation d’un abord veineux doit être soigneuse afin de Seldinger est introduit dans l’aiguille qui est alors retirée.
d’éviter un arrachement accidentel. On emploie habituellement
du sparadrap ou un adhésif transparent, les fils transcutanés Abord veineux sous-clavier
étant réservés le plus souvent à la fixation des cathéters. Une Rappel anatomique
précaution utile consiste, après lui avoir fait décrire une demi-
boucle, à fixer soigneusement et solidement la tubulure de La veine sous-clavière naît de la veine axillaire au bord
perfusion à distance de l’abord veineux dont la fixation est ainsi externe de la première côte et se termine derrière l’articulation
protégée. sternoclaviculaire, en s’unissant à la veine jugulaire interne pour
Le pansement doit protéger parfaitement le point de pénétra- former le tronc veineux brachiocéphalique ou innominé. Sa
tion cutanée, afin d’éviter la contamination bactérienne. longueur est de 30 à 70 mm et son calibre de 15 à 25 mm. Elle
La surveillance est primordiale : elle doit s’exercer par un se dirige transversalement, presque horizontalement de dehors
examen quotidien de la courbe thermique et de l’état local à la en dedans, en passant par-dessus la première côte, et en avant
recherche d’œdème, de signes d’inflammation, de douleur du dôme pleural, restant toujours au-dessous et en avant de
spontanée ou provoquée, ou de lymphangite du membre. Tout l’artère sous-clavière. Elle reçoit, au niveau du confluent jugulo-
signe anormal doit faire procéder au retrait du matériel et au sous-clavier, les vaisseaux lymphatiques, le canal thoracique à
changement du lieu de perfusion. gauche (diamètre de 4 à 10 mm), la grande veine lymphatique
à droite (diamètre de 1 à 10 mm). Du fait de ses adhérences à
la gaine du muscle sous-clavier, aux expansions de l’aponévrose
Abords veineux profonds cervicale moyenne et aux tractus fibreux de voisinage, la veine
sous-clavière reste toujours béante, quel que soit l’état hémody-
Généralités namique du patient.
Les veines accessibles sont au nombre de quatre : la veine
Techniques
sous-clavière, la veine jugulaire interne, la veine fémorale et la
veine axillaire. Un certain nombre de considérations leur sont De nombreuses techniques ont été décrites. Elles ont en
communes. commun la nécessité d’une installation rigoureuse, identique
La ponction est effectuée à l’aveugle à travers la peau et le d’un malade à l’autre, et donc capable de produire des repères
tissu sous-cutané, et ne peut exclure complètement le risque de anatomiques comparables. Le malade est étendu en décubitus
blessures d’organes de voisinage. dorsal strict, les bras le long du corps, la tête tournée du côté
Les veines profondes ne peuvent être perfusées durablement opposé à la ponction, une position légèrement déclive permet-
que par l’intermédiaire d’un cathéter. La longueur à introduire tant de « positiver » la pression régnant dans le système veineux
pour atteindre une position centrale dépend de la veine cave supérieur.
ponctionnée (environ 10 à 15 cm pour la sous-clavière, la Voies sous-claviculaires.
jugulaire interne et la veine axillaire ; environ 40 à 50 cm pour Voie interne ou voie d’Aubaniac (Fig. 6). Elle a été la première
la veine fémorale). décrite en 1952 [2]. Elle a donné lieu à de multiples variantes,
La mise en place du cathéter doit être réalisée dans des qui visent à en augmenter la sécurité et la fiabilité, mais qui lui
conditions d’asepsie rigoureuse, sous anesthésie locale, chez un sont restées très proches. Après avoir éventuellement mis en
patient immobile. Un bilan préalable récent (radiopulmonaire, place sous l’épaule un coussin permettant d’ouvrir l’angle
coagulation) est recommandé. costoclaviculaire, l’opérateur se place sur le côté du malade.
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Ailleurs, la palpation d’un cordon douloureux en amont du intravasculaire du cathéter et adhèrent au matériel soit directe-
point d’entrée du cathéter dans la veine (jugulaire interne par ment, soit par l’intermédiaire du slime que certains d’entre eux
exemple) signe la thrombose localisée. Dans tous les cas de sécrètent (staphylocoques à coagulase négative).
suspicion clinique de thrombose sur cathéter, le diagnostic est Les germes responsables des infections sur cathéter sont des
confirmé par une échographie doppler associée à une phlébo- staphylocoques à coagulase négative, des staphylocoques dorés,
graphie ou une angiographie numérisée qui, seules, permettent des microcoques, des streptocoques ou des levures. En dehors
une évaluation précise de l’importance de la thrombose et de des secteurs de réanimation, les bacilles à Gram négatif sont
ses conséquences sur la circulation veineuse de retour qui, par plus rarement en cause.
ailleurs, sont indispensables si un traitement fibrinolytique est
Les manifestations cliniques des infections sur cathéter sont
entrepris.
de trois types :
La fréquence des thromboses sur cathéter varie entre 4 et
42 % [15, 20]. Aucun type de cathéter n’est exempt de ce risque. • des réactions inflammatoires locales isolées (rougeur, sérosité)
Cependant, certains matériaux (polyéthylène), certaines techni- siégeant à l’émergence cutanée d’un cathéter (ou à un site
ques (voie antébrachiale), certains territoires (cave inférieur), d’injection) ; si le patient n’est pas fébrile, et si les prélève-
sont connus pour favoriser la survenue de thromboses. D’autres ments bactériologiques et les hémocultures sont stériles, le
facteurs favorisants ont été décrits : cathéters laissés en « fausse cathéter peut être laissé en place et utilisé, mais il doit être
route », à contre-courant ou dont l’extrémité n’est pas en étroitement surveillé ; dans le cas d’une chambre, son
position strictement centrale, certains antimitotiques, les utilisation est différée jusqu’à la disparition complète des
mélanges nutritifs à forte osmolarité, la présence d’une masse signes locaux ;
tumorale intrathoracique. • des réactions inflammatoires locales douloureuses associées à
Le traitement d’une thrombose sur cathéter impose classique- un état fébrile ; cette situation doit faire pratiquer des
ment le retrait de celui-ci et la mise du patient sous anticoagu- prélèvements bactériologiques (écouvillonnage de la sérosité
lants à dose efficace, d’abord par l’héparine (héparine non suspecte, hémocultures qualitatives et si possible quantitati-
fractionnée par voie veineuse ou héparine de bas poids molécu- ves, centrales et périphériques), l’ablation du cathéter et sa
laire par voie sous-cutanée), ensuite, au bout de quelques jours mise en culture, l’instauration d’une antibiothérapie adaptée
et pour plusieurs mois, par les antivitamines K. au germe responsable de l’infection et maintenue pendant
une quinzaine de jours, ainsi que la réalisation de soins
Complications infectieuses locaux quotidiens ;
On peut considérer, avec Maki [21], que le fait de réaliser un • circonstance beaucoup plus fréquente, une bactériémie
abord veineux « revient à relier directement au monde extérieur (« clocher thermique » et frisson) dans les heures suivant une
et à sa flore microbienne abondante le sang du malade, et donc manipulation chez un patient porteur d’un cathéter depuis
à priver ce dernier d’une de ses barrières de défense les plus plusieurs mois ; l’examen clinique est négatif, seul le cathéter
importantes, à savoir la peau intacte » ; cet abord veineux se peut être impliqué dans la genèse de la symptomatologie, et
comporte alors « comme un modèle expérimental diabolique de les hémocultures mettent en évidence le germe en cause.
cause d’infection systémique ». Classiquement, le diagnostic de certitude repose sur l’ablation
Les facteurs favorisants sont le terrain (néoplasies, diabète, et la mise en culture du fragment distal du cathéter en milieu
cardiopathie, chirurgie lourde, etc), l’âge (vieillard), les traite- solide : culture semi-quantitative [25] ou quantitative [6] . La
ments associés (corticoïdes, immunodépresseurs, chimio- culture semi-quantitative, très sensible (100 %) mais peu
thérapie). spécifique (50 %), permet d’affirmer la contamination du
Infection et abord veineux périphérique cathéter pour moins de 15 unités formant colonies (colony
forming units [CFU]) ; le cathéter est dit infecté pour une valeur
La plupart des auteurs s’accordent à reconnaître une morbi-
supérieure ou égale à 15 CFU. Les cultures quantitatives sont
dité infectieuse nettement inférieure aux aiguilles métalliques
plus précises (sensibilité 97,3 %, spécificité 88 %) et facilement
(en particulier épicrâniennes) par rapport aux autres matériels
d’abord veineux. La positivité des cultures systématiques de ces réalisables en pratique courante. Le seuil de positivité du
aiguilles est inférieure à 10 % dans les grandes séries et les cathéter est supérieur ou égal à 1 000 CFU/ml.
septicémies qui leur sont imputables sont extrêmement Le traitement classique de toute infection liée au cathéter
rares [22]. implique son retrait et sa mise en culture ; en cas d’infection à
staphylocoque à coagulase négative, ce simple geste suffit et
Infection et cathéters entraîne la disparition des signes cliniques et bactériologiques.
La fréquence des infections sur cathéter a considérablement Depuis quelques années, certains cliniciens essaient de traiter
diminué ces dernières années et est estimée aujourd’hui, selon les infections sur cathéter, cathéter en place, par une antibio-
les auteurs, de 5 à 12 % [14, 23]. Ces chiffres tendent à diminuer thérapie systémique administrée dans le cathéter, seule ou
avec l’entraînement et la formation des équipes soignantes et associée à des verrous locaux d’antibiotiques [26]. Le verrou local
peuvent descendre jusqu’à 1 % dans les services de nutrition d’antibiotique consiste à mettre en contact 12 heures/j la
parentérale lorsque le cathéter est exclusivement réservé à cet lumière interne du cathéter colonisé avec une forte concentra-
usage [24]. tion (plus de 100 fois la concentration maximale inhibitrice
Les mécanismes de la colonisation du cathéter sont au d’un antibiotique adapté au germe) ; il est renouvelé tous les
nombre de quatre : jours, pendant 10 à 15 jours selon les auteurs. Cette technique
• la voie périluminale : les germes de la flore cutanée habituelle qui a fait la preuve de son efficacité en oncohématologie et en
ou de substitution viennent coloniser le trajet sous-cutané du
nutrition parentérale, est inapplicable en situation d’urgence, de
cathéter à partir de son émergence cutanée jusqu’à sa partie
réanimation ou de soins intensifs, car elle nécessite l’arrêt de
intravasculaire distale ;
l’utilisation du cathéter 12 heures par jour.
• la voie endoluminale, qui correspond à la contamination
microbienne de la lumière interne des raccords et des Ces modalités thérapeutiques avec conservation in situ du
connections Luer-Lock lors des manœuvres de branchement cathéter doivent être proscrites en cas de choc septique, de
du cathéter ; septicémie à Staphylococcus aureus ou à levures, de thrombo-
• la greffe microbienne sur l’extrémité intravasculaire du phlébite suppurée, de tunnellisation infectée, de syndrome
cathéter, à l’occasion d’une bactériémie, de germes provenant septicémique prouvé ne répondant pas à une antibiothérapie
d’un foyer septique situé à distance ; adaptée en 48 à 72 heures, et enfin en cas de septicémie à
• l’administration de solutés de perfusion hautement germes rares (Corynebacterium sp. ou Bacillus sp.). Dans tous ces
contaminés. cas, le cathéter doit être enlevé et mis en culture, et le patient
Quel que soit leur mode d’introduction, les micro-organismes traité pendant 15 à 30 jours par une antibiothérapie adaptée au
colonisent le manchon de fibrine qui recouvre la portion germe responsable.
Médecine d’urgence 11
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte
Tableau 1.
Proposition de choix raisonné de l’abord veineux en fonction des circonstances et du terrain (d’après [27]).
Perfusion prévue pour durer : - Durée de la perfusion non immédiatement Abord veineux prévu pour être
- quelques heures prévisible de longue durée et/ou véhiculer
- ou quelques jours - État du malade pouvant nécessiter des solutés agressifs pour l'endoveine
- état du malade non préoccupant un remplissage et/ou une transfusion rapide
Mesures hémodynamiques par voie sanglante Mesures hémodynamiques par voie sanglante
non nécessaires indispensables
12 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10
Médecine d’urgence 13
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte
sera, selon les circonstances, réalisé au moyen d’un cathéter [11] Haapaniemi L, Slatis P. Supraclavicular catheterization of the superior
standard en silicone et tunnellisé, d’un cathéter à manchon vena cava. Acta Anaesthesiol Scand 1974;18:12-22.
ou d’un cathéter à chambre. [12] Miller RE. Internal jugular pulmonary arteriography and removal of
catheter emboli. Radiology 1972;103:200-2.
■ Conclusion [13] English LC, Frew RM, Pigott JF, Zaki M. Percutaneous catheterization
of the internal jugular vein. Anaesthesia 1969;24:521-31.
Favorisée par l’amélioration et la diversification des méthodes [14] Failla P, De Boisblanc BP. Catheter-related sepsis in the ICU:
qui permettent sa mise en œuvre, la perfusion intraveineuse a characteristics and management. Crit Care Report 1991;2:188-94.
été à l’origine de progrès considérables ; compte tenu de la [15] Glaser P, Radoman V, Canonne O. Étude prospective de complications
gravité de certaines de ses complications, elle ne doit être mise de cathétérisme de la veine sous-clavière. Ann Chir 1973;27:911-6.
en œuvre qu’à la condition d’être absolument nécessaire et [16] Defalque RJ, Campbell C. Cardiac tamponade from central venous
parfaitement réalisée. catheter. Anesthesiology 1979;50:249-52.
[17] Blitt CD, Wright WA, Petty WC, Webster TA. Central venous
catheterization via the external jugular vein. JAMA 1974;229:817-8.
Cet article a été publié pour la première fois en 1997 dans le traité d’Urgences. [18] Kashuk JL, Penn I. Air embolism after central venous catheterization.
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Cathétérisme de la veine axillaire en réanimation. Analyse d’une série catheter-related sepsis in pediatric hematology and oncology patients.
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therapy. Ann Surg 1949;130:929-36. p. 3-11.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Boudaoud S., Alhomme P. Abords veineux percutanés chez l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-D-10, 2007.
14 Médecine d’urgence
¶ 25-010-D-20
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Le remplissage vasculaire constitue la pierre angulaire du
traitement de l’hypovolémie, qu’elle soit absolue ou relative, en
¶ Rappels physiologiques 2
association avec d’autres techniques comme la posture, le
Secteurs hydriques de l’organisme 2
pantalon antichoc et surtout l’utilisation d’amines
Mouvements d’eau entre secteurs plasmatique et interstitiel 2
sympathomimétiques.
Régulation de la volémie 3
Le choix d’un soluté de remplissage, longtemps subjectif ou
Paramètres de l’oxygénation tissulaire 3
lié à l’habitude, a évolué au cours des dernières années grâce à
¶ Pharmacologie des solutés de remplissage vasculaire 4 la tenue de conférences de consensus successives, de recom-
Cristalloïdes 4 mandations pour la pratique clinique et à une réglementation
Colloïdes artificiels 5 stricte de l’utilisation des colloïdes naturels. Les circulaires
Solutés salés hypertoniques (SSH) 9 ministérielles du 28 août 1987 et du 23 septembre 1992
Dérivés sanguins 10 établissent le principe de traçabilité des dérivés sanguins labiles
Transporteurs d’oxygène 11 et stables, et en restreignent considérablement les indications,
¶ Utilisation clinique et surveillance 11 essentiellement du fait du risque de transmission d’agents
Choc hypovolémique 11 infectieux, connus ou non. Les conférences de consensus de
Cas particuliers 15 1989, de 1995 sur l’albumine et celle de 1997, ainsi que de
Remplissage vasculaire à la phase aiguë des brûlures 15 nombreuses études, permettent aujourd’hui de proposer des
Choc septique 16 indications clarifiées des différents solutés. Cristalloïdes,
Choc anaphylactoïde 16 hydroxyéthylamidons (HEA), gélatines et solutions salées
Surveillance de l’efficacité du remplissage vasculaire 16 hypertoniques trouvent chacun leur place dans la stratégie du
Accidents du remplissage vasculaire 17 remplissage en fonction du tableau clinique et sont souvent
¶ Autres techniques de correction volémique 18 associés. Concernant les substituts du sang de type transporteurs
Autotransfusion 18 de l’oxygène (O2), les études cliniques restent à faire.
Posture et précautions de mobilisation 18 Le choix rationnel des solutés dans la conduite du remplis-
Pantalon antichoc 18 sage vasculaire nécessite tout d’abord le rappel des notions de
Traitements associés 19 physiologie et la connaissance des propriétés pharmacologiques
d’expansion volémique de chacun des solutés. De plus, il faut
¶ Conclusion 20
intégrer des facteurs économiques, le surcoût n’étant pas justifié
en dehors d’avantages cliniques clairement démontrés.
Médecine d’urgence 1
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
■ Rappels physiologiques Cette notion est très importante dans le remplissage vasculaire
chez le patient présentant une situation d’œdème cérébral ou
Après administration intraveineuse, un soluté va se répartir neuronal potentiel (traumatisme crânien, accident vasculaire
dans les différents secteurs hydriques de l’organisme en fonction cérébral, atteinte médullaire aiguë ...) [3].
de gradients de pression hydrostatique et/ou osmotique [1].
Mouvements d’eau entre secteurs
Secteurs hydriques de l’organisme
plasmatique et interstitiel
L’eau totale représente 60 % du poids du corps chez un
adulte moyen et se répartit en trois compartiments (Fig. 1) : L’étude de la persistance d’un soluté de remplissage dans
• secteur intracellulaire (40 % du poids du corps, soit les deux l’espace vasculaire, but premier de la thérapeutique, impose de
tiers de l’eau totale) ; connaître les mouvements d’eau entre les secteurs plasmatique
• secteur extracellulaire (20 % du poids du corps, soit le tiers et interstitiel. La voie d’administration habituelle est la voie
de l’eau totale), lui-même réparti en secteur interstitiel (15 % veineuse, mais une solution cristalloïde ne contenant pas de
du poids du corps, soit les trois quarts de l’eau extracellulaire) macromolécules peut aussi être administrée par voie sous-
et secteur intravasculaire (5 % du poids du corps, soit le quart cutanée (secteur interstitiel) : elle diffuse dans l’ensemble du
de l’eau extracellulaire) ; secteur extracellulaire, volémie comprise.
• secteur transcellulaire, inférieur à 1 % ; il est virtuel chez
l’homme normal, mais peut considérablement augmenter Facteurs régissant les mouvements d’eau
dans certaines situations pathologiques : c’est le cas lors d’une Pressions oncotiques
occlusion intestinale qui réalise alors un troisième secteur
conséquent. Pression oncotique du plasma. Les protéines plasmatiques,
Le volume sanguin total, ou volémie, d’environ 5 l chez un particulièrement l’albumine, qui en représente les deux tiers,
adulte, se distribue de façon très inégale dans le système exercent une pression colloïdo-osmotique qui tend à retenir
circulatoire. La plus grande partie se trouve en effet dans le l’eau dans les vaisseaux (1 g d’albumine exerce une pression de
système capacitif à basse pression, c’est-à-dire le système 0,4 mmHg). Cette pression est liée à la concentration en
veineux périphérique (65 %) et la circulation pulmonaire protéines exprimée en nombre de molécules ; elle n’est donc
(12 %), le reste étant partagé entre les vaisseaux artériels (15 %) pas strictement proportionnelle à la protidémie, surtout en
et les cavités cardiaques en diastole (8 %). Cette répartition urgence, en particulier en cas d’inflation hydrique. Elle peut être
explique les effets de la posture et du pantalon antichoc dans mesurée par un oncomètre, les valeurs normales se situant entre
le traitement de l’hypovolémie et les propriétés de redistribution 25 et 28 mmHg. Ces chiffres sont à comparer avec la pression
induites par les médicaments vasoactifs. osmotique qui dépasse 6 000 mmHg.
Les secteurs intra- et extracellulaire sont séparés par la Pression osmotique de l’interstitium. La membrane micro-
membrane cellulaire, perméable à l’eau mais imperméable aux vasculaire n’est pas strictement imperméable aux protéines.
grosses molécules et aux ions, pour lesquels il existe des Cette perméabilité relative est quantifiée par un coefficient de
mécanismes actifs de transfert. La répartition de l’eau de part et réflexion osmotique σ variant de 0 (perméabilité totale) à 1
d’autre de la membrane cellulaire est régie par l’osmolalité (imperméabilité complète). Ce coefficient, compris normale-
extracellulaire, elle-même sous la dépendance du sodium qui ment entre 0,8 et 0,9, descend entre 0,6 et 0,7 dans les capil-
constitue le squelette de ce secteur. laires pulmonaires et même à 0,5 dans le tube digestif ; il peut
C’est la membrane capillaire qui sépare le secteur intravascu- être inférieur à 0,3 dans certaines situations pathologiques (choc
laire du secteur interstitiel. Elle est perméable à l’eau et aux septique), traduisant une altération grave de la perméabilité
ions, imperméable aux grosses molécules dont l’encombrement capillaire. La pression oncotique ainsi générée tend à attirer
stérique dépasse 35 Å, qui restent ainsi dans le secteur plasma- l’eau dans le secteur interstitiel.
tique et sont à l’origine de la pression colloïdo-osmotique, qui Il en résulte la notion de pression oncotique efficace qui
tend à retenir l’eau dans le secteur vasculaire. En fait, la correspond à 90 % de la pression oncotique plasmatique, mais
membrane vasculaire est loin d’être semi-perméable et tous les à seulement 30 % dans les poumons et même 10 % dans le
colloïdes utilisés diffusent plus ou moins largement au travers tube digestif. On observe donc un passage physiologique
de celle-ci [2]. Dans le cerveau, la membrane microvasculaire est d’albumine vers le secteur interstitiel à un débit d’environ
particulière : c’est la barrière hématoencéphalique, peu perméa- 140 g/24 h, puis celle-ci regagne le secteur plasmatique par le
ble aux ions. Les mouvements hydriques y sont plus dépen- biais du drainage lymphatique qui est capable de s’accroître
dants des gradients osmotiques que des gradients oncotiques. considérablement, en particulier dans les poumons. En cas
d’hypoprotidémie, la concentration en protéines du secteur
interstitiel diminue également, entraînant une baisse parallèle
Plasma Membrane capillaire : de la pression oncotique interstitielle.
mouvements d'eau selon Au total, une solution cristalloïde diffuse dans l’ensemble du
Secteur un gradient oncotique secteur extracellulaire et, en fonction de son osmolalité, elle se
extracellulaire distribue en partie dans le secteur intracellulaire (solution
Interstitium
hypotonique) ou au contraire elle attire de l’eau intracellulaire
Membrane cellulaire : vers le secteur extracellulaire (solution hypertonique). Les
mouvements d'eau selon solutions colloïdales restent dans le secteur plasmatique,
un gradient osmotique diffusent en partie en interstitiel (solutions hypo-oncotiques) ou
attirent de l’eau de ce secteur vers le secteur vasculaire (solu-
tions hyperoncotiques).
Pression hydrostatique
Cellule La pression hydrostatique interstitielle est faible et n’aug-
Secteur mente significativement qu’en cas d’hyperhydratation supé-
intracellulaire rieure à 70 %. La pression hydrostatique intravasculaire est
mieux connue ; elle décroît du pôle artériel (35 mmHg) au pôle
veineux (15 mmHg).
Équilibre de Starling
Il intègre les données précédentes qui déterminent un flux
Figure 1. Secteurs hydriques de l’organisme. vers le secteur interstitiel au pôle artériel et un flux inverse au
2 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire
+7 + 16
+7 + 22
Médecine d’urgence 3
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
taux de l’hémoglobine doit être pris en compte pour optimiser à 273 mOsm·l–1. Cette donnée doit être prise en considération
le transport d’O 2 , et l’idéal réalise un compromis entre la dans toutes les situations potentielles d’œdème cérébral ou
quantité de transporteur d’O2 et la viscosité sanguine permet- neuronal où il est contre-indiqué.
tant un bon cheminement dans la microcirculation. La baisse
de l’hématocrite facilite cette circulation et est mise à profit Pharmacodynamie
dans les techniques d’hémodilution normovolémique. Les cristalloïdes isotoniques se distribuent en moins de
1 heure dans l’ensemble du secteur extracellulaire. Dans un
premier temps, l’apport de cristalloïdes isotoniques va compen-
■ Pharmacologie des solutés ser la relative déshydratation du secteur interstitiel dont le
contenu s’est trouvé rapidement mobilisé vers le secteur
de remplissage vasculaire plasmatique au début d’une hypovolémie [6].
Pour un remplissage de faible volume, la faible baisse de la
Cristalloïdes pression oncotique plasmatique liée à la dilution est compensée
Les cristalloïdes sont des solutés contenant de l’eau et des par l’augmentation de la pression hydrostatique interstitielle et
ions. Leur utilisation dans le traitement de l’hypovolémie est la répartition se fait pour 25 à 30 % dans le secteur vasculaire
très ancienne. contre 70 à 75 % dans le secteur interstitiel.
Pour un remplissage plus important, le secteur interstitiel va
Solutés isotoniques emmagasiner des quantités d’eau considérables sans élévation
notable de la pression interstitielle et seul un faible pourcentage
Propriétés physicochimiques du volume perfusé reste en intravasculaire ; l’inflation intersti-
On exclura d’emblée les solutés glucosés dépourvus d’électro- tielle élève cependant le flux lymphatique, qui ramène ainsi de
lytes qui ne sont pas des solutés de remplissage : ils diffusent l’albumine vers le secteur plasmatique.
dans l’eau totale et abaissent dangereusement l’osmolalité La perfusion de 1 000 ml de cristalloïdes isotoniques aug-
plasmatique. Ils sont particulièrement délétères chez le trauma- mente la volémie de 170 à 300 ml selon le contexte volémique
tisé crânien ou en situation d’ischémie cérébrale ou neuronale, de départ ; il faut donc administrer de trois à cinq fois le
car ils génèrent un œdème intracellulaire marqué. La perfusion volume à compenser et prolonger cet apport (Tableau 2). C’est
de 1 l de glucosé correspond en effet, après métabolisation du le Ringer lactate qui est utilisé préférentiellement, sauf en cas de
glucose, à l’apport de 1 l d’eau qui passe librement les traumatisme crânien ou médullaire, d’ischémie cérébrale,
membranes. d’insuffisance hépatocellulaire ou d’hyperkaliémie [7].
Le sérum salé à 0,9 % est isotonique, avec une osmolarité de
Avantages. Inconvénients
308 mOsm·l–1. En revanche, il porte assez mal sa dénomination
de sérum physiologique du fait d’une teneur élevée en chlore Avantages. Ce sont le faible coût, l’absence de toute réaction
qui expose à l’acidose hyperchlorémique (Tableau 1). de type allergique et l’absence de posologie maximale.
Le cristalloïde isotonique de référence est la solution dite de Inconvénients. Il s’agit essentiellement de l’inflation hydro-
Ringer lactate, plus équilibrée en chlore et qui apporte indirec- sodée, particulièrement dans le tissu sous-cutané, avec appari-
tement un tampon bicarbonate par métabolisation hépatique tion d’œdèmes cliniques au-delà de 3 l de surcharge. Les effets
du lactate, exposant en cas d’apports massifs à l’alcalose délétères réels de cette inflation restent à documenter, comme
métabolique. Sa composition (Tableau 1) peut légèrement varier le retard de cicatrisation ou le ralentissement du transit. La
selon le fabricant. Il est en revanche discrètement hypotonique, comparaison colloïdes/cristalloïdes isotoniques ne montre
Tableau 1.
Composition des solutés cristalloïdes.
Sérum salé à 0,9 % Ringer lactate Sérum salé hypertonique à 7,5 %
+ -1
Na (mmol l ) 154 130 1 275
Cl- (mmol l-1) 154 111 1 275
K+ (mmol l-1) - 5 -
Ca++ (mmol l-1) - 2 -
Lactate (mmol l-1) - 28 -
Osmolarité (mOsm l-1) 308 273 2 550
Tableau 2.
Comparaison de l’expansion volémique obtenue avec différents solutés. Le pouvoir d’expansion volémique et sa durée sont donnés à titre approximatif, en
raison des variations liées à l’état volémique du receveur.
Solutés Osmolalité (mOsm l-1) Oncocité relative Pouvoir d’expansion Durée de l’expansion
volémique initial (en volémique (heures)
produit du volume perfusé)
Albumine à 4 % 300 0,8 0,8 6-12
Albumine à 20 % 300 4,0 4,0 6-12
Hesteril® 300 1,2 1,0-1,3 4-8
Heafusine® 300 3,6 – 4,0 1,5-1,8 4-8
Hyperhes® 2 464 1,2 2,0-3,0 6-8
Gélofusine® 279 1,4 0,8-1,2 3-4
Plasmion® 320 1,2 0,6-1,0 3-4
Rescue Flow® 2 550 2,0 3,0 4-6
Ringer lactate 273 0 0,2-0,3 0,5
Sérum salé à 0,9 % 308 0 0,2-0,3 0,5
Sérum salé à 7,5 % 2 550 0 7,0 0,5
Voluven® 308 1,2 1,0-1,5 4-6
4 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
Tableau 3.
Caractéristiques physicochimiques et composition des gélatines.
Plasmion® Plasmagel désodé® Gélofusine®
+ -1
Na (mmol l ) 150 26 154
Cl- (mmol l-1) 100 1,2 125
Ca++ (mmol l-1) 0 0 0
Mg++ (mmol l-1) 1,5 0 0
K+ (mmol l-1) 5 0 0
Lactate (mmol l-1) 30 0 0
Glucose (g.l-1) 0 50 0
pH 5,5 - 5,6 5,5 - 6,5 7,4
PMp (kDa) 35 35 30
PMn (kDa) 14 22 22
Coefficient de dispersion 2,5 1,5 1,3
Pression oncotique (mmHg) 29 24 34
Osmolarité (mOsm.l-1) 320 320 279
Tableau 4.
aucune différence entre les types de solutés en ce qui concerne Incidence des accidents anaphylactoïdes selon le type de substitut
mortalité, œdème pulmonaire et durée de séjour. Cependant, plasmatique (d’après [14]).
elle objective une différence significative en faveur des cristal-
loïdes sur la mortalité dans le groupe des patients Substituts Incidence
traumatisés [8]. plasmatiques
Par patient %
Le risque d’œdème pulmonaire [9, 10] est plus lié aux éléva- Albumine 1/1 010 0,099
tions de la pression hydrostatique : la baisse de la pression
Amidon 1/1 715 0,058
oncotique plasmatique a peu d’effets sur l’eau intrapulmonaire
Dextran 1/367 0,273
car une perméabilité augmentée de la membrane alvéolocapil-
laire aux protéines abaisse le gradient oncotique plasma/ Gélatine 1/289 0,345
interstitium. De plus, la pression capillaire y est basse par
rapport au niveau systémique et le drainage lymphatique est
Après perfusion de gélatines, trois devenirs sont possibles en
capable de s’élever dans des proportions considérables.
fonction du poids moléculaire des molécules :
On observe également une hémodilution avec baisse de
• la majeure partie (90 %) est éliminée par le rein, dont 40 à
l’hématocrite et des facteurs de coagulation, commune à
50 % en 6 heures et plus particulièrement dans les 2 premiè-
l’utilisation des dérivés non sanguins en cas d’hémorragie. res heures, et 50 à 60 % en 24 heures ; les 10 % restants le
L’aggravation d’une acidose lactique par une perfusion de sont par le tube digestif ;
Ringer lactate n’est pas étayée, mais ce soluté fausse l’interpré- • les molécules de petite taille diffusent immédiatement dans le
tation de la lactatémie au cours de l’état de choc. secteur interstitiel (20 % de la dose administrée) ;
Enfin, le pouvoir d’expansion réduit et assez lent retarde la • une faible fraction est catabolisée par des enzymes protéoly-
correction volémique donc celle du choc et, pour des hypovo- tiques (trypsine, plasmine, cathepsine).
lémies importantes, les quantités à perfuser deviennent Leur demi-vie est d’environ 5 heures. Les gélatines ne
considérables. semblent pas s’accumuler dans l’organisme puisque, après
48 heures, il n’y a plus de trace de gélatine fluide modifiée dans
Colloïdes artificiels les tissus.
Pharmacodynamie
Gélatines Chez le malade hypovolémique, 500 ml de gélatine augmen-
En France, seules les gélatines fluides modifiées (Plasmion®, tent le compartiment vasculaire de 400 à 500 ml, mais il ne
Plasmagel désodé sorbitol ® , Gélofusine ® ) restent commer- reste au mieux que 300 ml 4 heures plus tard. D’autres études
cialisées. rapportent des chiffres plus bas [13] (Tableau 2).
Il s’agit de polypeptides obtenus par hydrolyse du collagène Réactions anaphylactoïdes. Les gélatines sont des produits
osseux de bœuf. Leur poids moléculaire moyen en poids (PMp) de remplissage avec un risque de réactions anaphylactoïdes
est d’environ 35 kDa, leur poids moléculaire moyen en nombre élevé (0,345 %), ce risque étant six fois plus élevé qu’avec les
HEA et l’albumine [14] (Tableau 4). Une origine immunologique
(PMn) de 23 kDa [11]. Les solutions sont légèrement hypertoni-
à ces réactions allergiques par la détection d’anticorps antigéla-
ques en dehors du Plasmagel désodé® et exercent un pouvoir
tines a été rapportée. Dans d’autres cas, il s’agit d’une histami-
oncotique proche de celui du plasma. Les gélatines sont en
nolibération non spécifique [15]. En raison du risque allergique
solution soit équilibrée (Plasmion®, Gélofusine®), soit glucosée
à la fois maternel et fœtal, les gélatines sont formellement
(Plasmagel désodé®) (Tableau 3).
contre-indiquées chez la femme enceinte.
Le point de gélification des gélatines se situe entre 0 et 4 °C, Effets sur l’hémostase. Les gélatines retentissent de manière
rendant difficiles le stockage et leur utilisation aux basses limitée sur l’hémostase. In vitro, toutes les gélatines diminuent
températures en médecine préhospitalière. Ces phénomènes de la formation du caillot [16]. Cet effet est lié à la formation d’un
gélification n’ont pas de conséquence clinique ; la gélification complexe résultant de la liaison fibronectine-gélatine s’incorpo-
est réversible au réchauffement, sans altération de la solution. rant au caillot en formation et interférant avec la polymérisa-
Pharmacocinétique tion des monomères de fibrine.
In vivo, les gélatines sont responsables de modifications
La pharmacocinétique des gélatines est mal connue devant modérées du complexe de Willebrand qui se fixe sur les molé-
l’absence de méthode de dosage précis de leur concentration cules de la gélatine sur des sites collagéniques [17]. L’agrégation
sanguine [12]. plaquettaire induite par la ristocétine est diminuée alors que
Médecine d’urgence 5
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
Tableau 5.
Contre-indications des colloïdes.
Contre-indication Non recommandé
Hydroxyéthylamidons Trouble de la coagulation acquis ou constitutionnels Chirurgie où le risque hémorragique est lourd de conséquen-
ces
Maladie de Willebrand connue ou suspectée Femme enceinte
Hémophilie
Insuffisance hépatique sévère
Insuffisants rénaux chroniques en cours d’hémodialyse
Solutés salés hypertoniques Hypersensibilité connue
Femme enceinte
Hypernatrémie
Hyperosmolarité
Hyperkaliémie sévère
Gélatine Femme enceinte
Hypersensibilité connue
Troubles majeurs de la coagulation
Hypercalcémie pour le Plasmagel®
Albumine Hypersensibilité connue En dehors de cas particulier, pas d’indication en première
intention en tant que produit de remplissage vasculaire
6 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
Tableau 7.
Caractéristiques physicochimiques et composition des hydroxyéthylamidons commercialisés en France.
Hestéril® Heafusine® Voluven® Hyperhes®
PMp (kDa) 240 250 130 200
PMn (kDa) 63 63
TSM (%) 0,5 0,5 0,4 0,43-0,55
Concentration (%) 6 10 6 6
Pression oncotique (mmHg) 25-30 75-80
pH 3,5-6,5 3,5-7 4-5,5 3,5-6
Na+ (mmol l-1) 154 154 154 1 232
Cl- (mmol l-1) 154 154 154 1 232
Osmolarité (mOsm.l-1) 308 310 308 2 464
PMp : poids moléculaire moyen en poids ; PMn : poids moléculaire moyen en nombre ; TSM : taux de substitution molaire.
Tableau 8. Pharmacocinétique
Caractéristiques physicochimiques des hydroxyéthylamidons [25].
La pharmacocinétique des HEA est complexe du fait de
PMp (kDa) Haut 450-480 l’hétérogénéité de ces solutions. Après administration unique, la
Moyen 130-200 pharmacocinétique des HEA dépend de quatre processus plus ou
Bas 40-70 moins simultanés :
• la diffusion dans le secteur interstitiel (20 % environ comme
TSM Élevé 0,6-0,7 tous les colloïdes) ;
Bas 0,4-0,5 • la filtration glomérulaire des petites molécules (poids molé-
Rapport C2/C6 Élevé >8 culaire inférieur ou égal à 60 kDa) ;
Bas <8 • la fragmentation progressive des grosses molécules en intra-
vasculaire par l’a-amylase plasmatique ; pour certains, il
Concentration (%) Élevée 10 pourrait s’agir de la formation d’un complexe avec l’enzyme,
Basse 6 incapable d’agir en raison de l’enveloppe hydrique qui
PMp : poids moléculaire moyen en poids ; TSM : taux de substitution molaire. entoure les molécules d’HEA ;
• la phagocytose [26] dans le système réticuloendothélial des
chaînes de poids moléculaire haut et moyen où elles subis-
25]. Chez l’homme, les solutions d’amidon naturel sont rapide-
sent l’action d’enzymes lysosomiales (maltases, isomaltases).
Cependant, les parts respectives de l’hydrolyse intravasculaire
ment hydrolysées par l’a-amylase plasmatique. L’hydroxyéthy- et de la captation par le système réticuloendothélial restent
lation ou éthérification permet de stabiliser la solution en controversées. Les mécanismes précis de l’élimination des HEA
augmentant l’hydrophilie de la molécule et de ralentir l’hydro- sont encore mal élucidés. Ainsi, le poids moléculaire in vitro de
lyse plasmatique. Des groupements hydroxyéthyles (C2H4OH) la solution va rapidement tendre vers un poids moléculaire in
substituant les groupements hydroxyles peuvent être placés en vivo inférieur, qui dépend à la fois du poids moléculaire initial
position, soit C2, soit C3, soit C6, sur chaque cycle hexose. et des caractéristiques d’hydroxyéthylation [27]. L’hydrolyse
L’hydroxyéthylation en C2 est celle qui confère à la molécule augmente le nombre des molécules osmotiquement actives.
de glucose la plus grande résistance à l’hydrolyse. Ainsi, les Cette caractéristique explique la stabilité de l’expansion volémi-
solutions d’HEA sont caractérisées par quatre variables que du fait du maintien de la pression oncotique développée.
(Tableau 8) : Après l’administration répétée d’HEA, l’élimination lente des
• poids moléculaire moyen in vitro : les HEA sont des solutions molécules de haut poids moléculaire conduit à leur accumula-
polydispersées, c’est-à-dire constituées d’un mélange de tion plasmatique puis tissulaire [27].
chaînes saccharidiques de poids moléculaire différent ; Pharmacodynamie des HEA
comme pour les autres colloïdes, on distingue le PMp et le
Effets d’expansion volémique. Les HEA ont un pouvoir
PMn ; d’expansion volémique à peu près identique à celui de l’albu-
• concentration : le pouvoir oncotique est déterminé par la mine à 4 % [28-31].
concentration de l’HEA ; Comparativement aux gélatines, l’utilisation d’HEA pourrait
• taux de substitution molaire (TSM) ou degré de substitution limiter les troubles de la perméabilité capillaire et l’extravasation
(DS) : le TSM correspond au rapport molaire des concentra- de liquide, améliorant le rapport PO 2 /FiO 2 dans le groupe
tions de radicaux hydroxyéthyles et de glucose ; plus le TSM HEA [28, 32].
est élevé, plus la quantité de radicaux hydroxyéthyles est Les données hémodynamiques sont représentées dans le
grande et plus les chaînes polysaccharidiques résistent à la Tableau 2.
dégradation par l’a-amylase ; cette caractéristique détermine Propriétés rhéologiques. Expérimentalement, des effets
la durée de persistance intravasculaire ; des taux de substitu- rhéologiques favorables ont été décrits [33] . Cependant, les
tions s’échelonnant de 0,45 à 0,70 ont été utilisés dans études cliniques n’ont pas permis d’observer de modification de
différentes préparations commercialisées à travers le monde ; la viscosité sanguine, ni de rouleau-formation érythrocytaire [34,
35]. Certains auteurs retrouvent même une augmentation de
• rapport C2/C6, qui correspond au nombre de carbones
hydroxyéthylés en C2 divisé par le nombre de ceux l’agrégation des hématies avec de l’HEA 10 % [36].
hydroxyéthylés en C6 sur les molécules de glucose ; plus le Effets secondaires
rapport d’hydroxyéthylation C2/C6 est élevé, plus la solution Effets secondaires après administration unique.
d’HEA résiste à l’hydrolyse enzymatique par l’a-amylase et Réaction anaphylactoïde. Tous les solutés de remplissage
plus le pouvoir d’expansion volémique se maintient. peuvent entraîner des réactions anaphylactoïdes. C’est avec les
Ces variables, caractérisant les solutions d’HEA, conditionnent amidons qu’elles sont le plus rarement observées, avec une
leur comportement intravasculaire. Ainsi, plus le PMp, le TSM fréquence proche de celle observée avec l’albumine :
et le rapport C2/C6 sont élevés, plus l’hydrolyse de l’HEA est 0,058 % [14].
ralentie et en conséquence plus les molécules en particulier de Cependant, le mécanisme précis des réactions aux HEA reste
poids moléculaire élevé s’accumulent. inconnu : réaction anaphylactique induite par des anticorps
Médecine d’urgence 7
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
spécifiques anti-HEA [37] , par mécanisme immunologique quantité perfusée supérieure à 20 ml kg–1 de HEA 450. Dès
indépendant des HEA [38] ou par activation directe du 1981, la quantité perfusée [63] a donc été limitée à
complément. 20 ml kg–1 j–1.
Toxicité rénale. À la suite de perfusions de colloïdes, deux Ces colloïdes sont capables d’aggraver une maladie de
types d’atteinte des fonctions rénales ont été décrits : la Willebrand préexistante [57, 64] et de provoquer des troubles de
néphrose osmotique et l’insuffisance rénale hyperoncotique. Ces la coagulation proches de ceux observés dans la maladie de
atteintes résultent de la perfusion de grandes quantités d’HEA, Willebrand de type I lors d’administrations répétées sur plu-
le plus souvent sur plusieurs jours, et sont favorisées par une sieurs jours [63, 65-72].
déshydratation chez des patients ayant une atteinte rénale L’utilisation de desmopressine (à la dose de 0,3 µg·kg–1) en
préalable en raison d’un terrain athéromateux et/ou d’un âge cas de troubles de la coagulation secondaires à l’utilisation
élevé. Les lésions histologiques, appelées osmotic nephrosis like d’HEA a été préconisée [23].
lesions, caractérisées par la présence de vacuoles dans le cyto- HEA de moyen ou bas poids moléculaire. In vitro, les HEA de
plasme des tubules rénaux proximaux et distaux, ont été mises poids moléculaire moyen ont des effets modestes sur l’hémo-
en évidence sur les biopsies de reins greffés lors d’administra- stase lorsque l’hémodilution est inférieure à 20 %. En revanche,
tion d’HEA 200/0,6 (HEA qui n’est plus commercialisé en pour des hémodilutions supérieures à 30 %, une profonde
France) chez les patients en mort encéphalique [39-43] . Les modification de la coagulation a été observée par altération des
conséquences délétères sur la fonction rénale ont été confirmées fonctions plaquettaires et du fibrinogène.
dans plusieurs circonstances : après les transplantations réna- In vivo, il faut différencier les HEA de première génération
les [44, 45], chez les patients présentant un sepsis grave [46]. En des autres HEA. Des accidents cliniques hémorragiques ont été
revanche, ces effets secondaires n’ont pas actuellement été mis
rapportés lors de l’utilisation répétée de l’HEA 200/0,6. Celle-ci
en évidence avec les HEA de nouvelle génération (HEA 200/
s’accompagne d’une diminution importante des facteurs du
0,5 et HEA 130/0,4) [47-54].
complexe FVIII/VWF correspondant à un syndrome de Wille-
brand de type I (quantitatif). Les auteurs ont suggéré que cette
diminution du VWF résultait d’une élimination accélérée des
“ Point fort
complexes VWF-HEA de haut poids moléculaire [58, 73, 74]. Ainsi,
les anomalies de la coagulation induites par l’HEA sont donc
directement liées au poids moléculaire in vivo et au degré de
substitution, ce qui explique la différence des effets entre l’HEA
HEA et fonction rénale
200/0,6 et l’HEA 200/0,5.
Les HEA de poids moléculaire moyen (HEA 200/0,5 et HEA
Dans le contexte périopératoire, l’influence des HEA sur le
130/0,4) peuvent être utilisés sans réserve chez les facteur VIII/facteur Willebrand est contrebalancée par l’aug-
patients ne présentant pas d’altération de la fonction mentation postopératoire des facteurs de coagulation avec
rénale, même à des posologies élevées [32, 48]. Chez les hypercoagulabilité postopératoire et par l’augmentation de ce
patients ayant une insuffisance rénale connue à diurèse complexe liée à l’activation des cellules endothéliales qui le
conservée, l’utilisation d’HEA 130/0,4 en administration produisent [75, 76].
unique ou répétée est autorisée en respectant strictement En revanche, les HEA de poids moléculaire moyen de seconde
les posologies [55, 56]. génération ont des effets modérés, liés à l’hémodilution [77-79],
peu différents de ceux de l’albumine et des gélatines [30, 31, 80,
81]. Les études cliniques sur le risque hémorragique en chirurgie
8 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
une diminution significative du volume plaquettaire est obser- la pression oncotique permettant le maintien du sodium dans
vée ; celle-ci semble dépendre de la concentration des HEA et du le compartiment sanguin, et d’autre part par augmentation du
poids moléculaire in vivo, puisque la diminution du volume volume circulant. Le gain d’expansion plasmatique obtenu par
plaquettaire la plus importante est observée [86] avec les HEA l’association a été mis en évidence et évalué [20, 98-101].
200/0,62. Cependant, ces perturbations ne sont pas encore Le SSH augmente la contractilité myocardique par l’intermé-
clairement expliquées et leurs conséquences cliniques restent diaire des catécholamines et du système sympathique. Dans
controversées [84]. Plusieurs études ont suggéré l’existence d’une l’état de choc, on observe également une diminution de
corrélation positive entre le volume plaquettaire, la fonction l’œdème intracellulaire myocardique et une amélioration de la
plaquettaire et le temps de saignement [87, 88] : la réduction des circulation splanchnique qui pourrait diminuer la sécrétion de
fonctions plaquettaires au cours d’un traitement prolongé par myocardial depressing factor.
les HEA pourrait favoriser les troubles de la coagulation.
Autres effets. Les HEA perturbent le groupage sanguin, d’où Avantages. Inconvénients
la nécessité du prélèvement sanguin avant leur perfusion.
Avantages
L’expansion volémique obtenue est rapide et importante pour
un faible volume perfusé, un coût très faible et un maniement
“ À retenir facile [99, 100]. La tolérance sur une voie veineuse périphérique
est correcte malgré l’hyperosmolarité considérable. La réalisation
du groupage sanguin n’est pas perturbée. L’efficacité du SSH
HEA de troisième génération : Voluven® dans le traitement de l’hypertension intracrânienne et dans
• Utilisation de Voluven® autorisée à 50 ml kg-1 le premier l’amélioration de la pression de perfusion cérébrale est confir-
jour mée dans plusieurs études [102-105]. Si la méta-analyse de Wade
• Absence d’accumulation tissulaire et al. avec l’association SSH/dextran [101] montre une améliora-
• Expansion volémique rapide, égale au volume perfusé tion globale du pronostic chez les traumatisés crâniens graves
hypotendus, une étude prospective, randomisée, récente ne
et de durée d’environ 6 heures
confirme pas cette hypothèse [106].
• Utilisation autorisée chez les patients ayant une
insuffisance rénale connue à diurèse conservée en Inconvénients
respectant les posologies Le premier inconvénient est l’élévation de l’osmolalité
plasmatique et de la natrémie, source de déshydratation
intracellulaire avec risque d’hémorragie cérébrale, voire de
Solutés salés hypertoniques (SSH) myélinolyse centropontine. À la posologie usuelle (250 ml pour
l’association SSH et colloïde ou de 4 à 6 ml/kg de SSH à 7,5 %),
Les premières expériences portant sur l’utilisation du SSH ont l’augmentation de la natrémie et de l’osmolarité est de l’ordre
été publiées en 1919 par Penfield. Depuis les années 1980, de de 10 %, soit respectivement 160 mmol l–1 et 320 mOsm l–1,
nombreux travaux expérimentaux et cliniques évaluant l’intérêt sans effet délétère neurologique ou cardiaque. Une surveillance
du SSH dans le traitement du choc hémorragique apparais- de la kaliémie est nécessaire, car un certain degré d’hypokalié-
sent [20, 89-95]. Les SSH sont d’ailleurs, par leur très important mie est constamment associé à la perfusion de sérum salé. De
pouvoir d’expansion volémique, à l’origine du concept de même, une acidose métabolique hyperchlorémique est égale-
réanimation à faible volume (small volume resuscitation). La ment décrite avec les SSH.
commercialisation récente de produits associant SSH et colloïdes L’hémorragie persistante ou récidivante constitue aussi une
ouvre des perspectives d’utilisation plus large. limite à l’utilisation du SSH, d’autant que la restauration
hémodynamique pourrait contribuer à augmenter le saignement
Propriétés physicochimiques non contrôlé. Cependant, la méta-analyse de Wade et al. [101] a
Aucun cristalloïde hypertonique pur n’est actuellement montré chez des blessés à plaie pénétrante une meilleure
disponible sur le marché français. Le SSH le plus étudié a une correction de la pression artérielle sans augmentation du
concentration de 7,5 %. L’utilisateur est contraint de le préparer saignement en phase pré- et peropératoire.
à partir d’une poche de 100 ml de sérum salé à 0,9 % par retrait L’association SSH-colloïde comporte un risque théorique de
de 35 ml remplacés par 35 ml de SSH à 20 % (ampoule de survenue de réaction allergique et de troubles de l’hémostase.
chlorure de sodium). Les colloïdes hypertoniques doivent être considérés comme
Du fait de la courte durée d’action du SSH, une solution des médicaments, et non comme de simples solutés de remplis-
colloïde lui a donc été associée afin d’assurer un effet prolongé. sage. La posologie de 250 ml chez un adulte de taille moyenne
Actuellement, deux produits sont commercialisés en France : ou de 4 à 6 ml/kg doit impérativement être respectée. Une
l’association SSH à 7,5 % / dextran 70 à 6 % (Rescue Flow®) et perfusion ultérieure n’est possible qu’après contrôle de la
l’association SSH à 7,5 % / hydroxyéthylamidon 200/0,5 natrémie. La perfusion doit être rapide, en 3 à 5 minutes.
(Hyperhes®). L’HEA hypertonique a obtenu l’AMM dans l’indication
« traitement initial de l’hypovolémie aiguë et de l’état de choc »
Pharmacodynamie permettant son utilisation dans un contexte traumatique et en
L’action du SSH est complexe, associant un effet d’expansion dehors du contexte traumatique, tandis que le dextran hyper-
volémique, des effets sur la microcirculation et une action tonique a obtenu l’AMM pour « l’hypovolémie avec hypoten-
cardiaque propre. L’expansion volémique obtenue est immé- sion en rapport avec un état de choc traumatique » limitant
diate et importante, de l’ordre de trois à sept fois le volume ainsi son administration à la période préhospitalière [96].
perfusé [90, 96, 97], mais transitoire, de moins de 1 heure
(Tableau 2). Elle se fait aux dépens d’un appel d’eau des secteurs
intracellulaire et interstitiel vers le secteur plasmatique par le
biais de l’hyperosmolarité. Un appel d’eau a aussi lieu à partir
des globules rouges et de la cellule endothéliale, créant des
“ À retenir
conditions rhéologiques favorables au traitement de l’état de
choc. Il s’y associe des mécanismes réflexes à médiation vagale Utilisation du SSH-colloïde
avec vasodilatation précapillaire au niveau des territoires • Ne pas dépasser un flacon (250 ml) par 24 heures
splanchnique, rénal et coronaire, et vasoconstriction • Attention au risque d’hypernatrémie et d’hypokaliémie
musculocutanée. • Efficacité de durée limitée, au maximum 1 heure.
L’association d’un SSH à un colloïde prolonge la durée de Prévoir le traitement étiologique précocement
l’expansion volémique du SSH d’une part par augmentation de
Médecine d’urgence 9
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
10 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
Tableau 9.
Classification de la gravité des hémorragies (d’après [7]).
Pertes sanguines (ml) < 750 800-1 500 1 500-2 000 > 2 000
Pression artérielle systolique inchangée normale diminuée très basse
Pression artérielle diastolique inchangée augmentée diminuée très basse
Pouls (min-1) tachycardie modérée 100 à 120 120 (faible) > 120 (très faible)
Recoloration capillaire normale lente (> 2 s) lente (> 2 s) indétectable
Fréquence respiratoire normale normale tachypnée (> 20/min) tachypnée (> 20/min)
Débit urinaire (ml h-1) > 30 20-30 10-20 0-10
Extrémités normales pâles pâles pâles et froides
Coloration normale pâle pâle grise
Conscience normale anxiété ou agressivité anxiété ou agressivité, ou altérée altérée ou coma
Médecine d’urgence 11
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
PAS instable
Objectif : PAS
+ – non atteint – +
Transport
Centre trauma
Près de 50 % des décès avant l’arrivée à l’hôpital, ainsi qu’une La mesure de la PAPO est utilisée en cas de dysfonction
grande part de ceux survenant dans les 24 heures suivant ventriculaire gauche (insuffisance coronarienne, hypertension
l’admission, sont liés à l’hypovolémie [5]. Si le terme de golden artérielle sévère, état septique grave, médicaments dépresseurs
hour, dans le choc hémorragique, créé par l’équipe du Trauma myocardiques, etc.). Toutefois, la PAPO peut surestimer la
Center de Baltimore, n’a pas de réelle justification scientifique, pression télédiastolique du ventricule gauche quand la fré-
celui-ci met cependant l’accent sur la nécessité de raccourcir les quence cardiaque est supérieure à 120-130 battements/min ou
délais avant l’hémostase chirurgicale. Adapté au système en cas de pathologie mitrale. À l’inverse, la PAPO peut sous-
médicalisé français, ceci signifie que le médecin doit savoir, en estimer la pression télédiastolique du ventricule gauche en cas
cas d’hémorragie non contrôlée, ne pas perdre de temps et de surcharge barométrique aiguë du ventricule gauche ou dans
transporter rapidement le patient vers l’hôpital. l’ischémie myocardique. Quoi qu’il en soit, la PAPO n’apprécie
qu’indirectement la précharge du ventricule gauche (volume
Critères prédictifs de l’efficacité du remplissage télédiastolique). Mais une PAPO inférieure à 5 mmHg laisse
Critères cliniques augurer d’une réponse positive au remplissage vasculaire [132].
Variations de la pression artérielle systolique induites par
Le contexte clinique est un élément important dans la
la ventilation contrôlée. Chez le patient ventilé artificielle-
décision de remplissage vasculaire. Celui-ci est le plus souvent
ment, l’existence d’une variabilité respiratoire de la pression
efficace en cas d’hémorragie avérée, de déshydratation aiguë, de
artérielle est un excellent critère prédictif de l’effet du remplis-
brûlure étendue, de « troisième secteur » évident, de sepsis
sage vasculaire [133]. La diminution de la pression artérielle
sévère, voire de choc anaphylactique. Chez le sujet conscient
systolique au cours de la ventilation artificielle est supposée
(dont le baroréflexe est conservé), l’augmentation de la fré-
traduire la diminution du retour veineux engendrée par l’aug-
quence cardiaque ou la survenue de malaise au passage en
mentation de pression intrathoracique lors de l’insufflation. En
position proclive sont les signes les plus sensibles d’une
clinique, il a été souligné que ce phénomène est exagéré par
hypovolémie. Sous sédation, du fait de l’altération du baroré-
l’hypovolémie. Si l’on prend la PAS en fin d’expiration pour
flexe, l’hypovolémie peut entraîner une diminution de la
pression artérielle sans augmentation de la fréquence cardiaque. référence, on peut définir un d down (différence entre PAS
La manœuvre de lever de jambe passif (angle de 45° avec le minimale et la référence) et un d up (différence entre PAS
plan du lit maintenu pendant 1 minute) semble reproduire de maximale et la référence). C’est essentiellement le d down qui
façon réversible, chez le malade sous ventilation mécanique, les est augmenté en hypovolémie ; une valeur supérieure à 4 ou
effets cardiovasculaires d’un remplissage vasculaire d’environ 5 mmHg prédit une réponse positive du débit cardiaque au
300 ml. L’élévation (plus de 10 %) de la pression artérielle remplissage. L’amplitude de la variabilité respiratoire de la PAS
pulsée (PAS – PAD [pression artérielle diastolique]) lors de cette (différence en PAS maximale et PAS minimale) permet de
manœuvre constitue un assez bon index prédictif de la réponse préjuger directement de l’importance de la réponse au remplis-
hémodynamique à un remplissage de 300 ml [129]. sage vasculaire, surtout pour des valeurs supérieures à 10 mmHg.
Il semblerait que la mesure de la variabilité respiratoire de la
Critères hémodynamiques invasifs pression artérielle pulsée ou pression artérielle différentielle
Des critères hémodynamiques invasifs et non invasifs peu- (PP = PAS-PAD) soit plus performante que les précédentes ; sa
vent être utilisés pour prédire l’efficacité d’un remplissage. mesure ne nécessite pas d’intervention sur le respirateur
Toutefois, ces mesures ne doivent pas faire retarder la prise en (dPP= (PPmax - PPmin) / (PPmax + PPmin) /2) [132, 134].
charge. En revanche, il n’y a pas actuellement d’argument suffisant
Pression veineuse centrale (PVC) et pression artérielle pour affirmer que l’analyse de la variabilité respiratoire de la
pulmonaire d’occlusion (PAPO). La PVC a longtemps été pléthysmographie pulsée serait un indice prédictif de la réponse
recommandée pour guider le remplissage vasculaire. La PVC est hémodynamique au remplissage.
dépendante de la volémie, du tonus intrinsèque des vaisseaux Critères hémodynamiques non invasifs
capacitifs et de la fonction cardiaque droite. Ainsi, la mesure de
la PVC comme indicateur de la volémie est médiocre [130]. En L’évolution de la pression expirée en CO2 (PetCO2) chez un
revanche, la mesure d’une PVC basse, inférieure à 5 mmHg, patient ventilé permet d’avoir un reflet indirect de l’état
constitue un bon indice en faveur d’une hypovolémie. L’obser- hémodynamique du patient. La PetCO2 est un bon indicateur
vation de variations de la PVC lors de l’inspiration des patients du débit cardiaque lors d’une ventilation adaptée et constante.
en ventilation spontanée constitue un argument supplémentaire Toutefois, en urgence, les limites sont nettes vu les différents
en faveur d’une réponse positive au remplissage [131, 132]. Son facteurs environnementaux. La mesure continue de la PetCO2
utilisation doit rester large dans le cadre de l’épreuve de permet la détection précoce des accès hypotensifs quand la
remplissage. mesure de la pression artérielle non invasive est utilisée.
12 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
Tableau 10.
Critères de choix d’un soluté de remplissage.
Type de soluté Avantages Inconvénients
Cristalloïdes isotoniques Compensation de la déshydratation des secteurs interstitiels Action de faible ampleur
et mobilisation de l’albumine interstitielle Action lente
Coût faible Apparition d’œdèmes périphériques
Pas d’effet secondaire
Sérum salé hypertonique Compensation rapide avec faibles volumes Quantité limitée : 4-6 ml kg-1 (natrémie - osmolalité)
« Protection cérébrale » Effet transitoire
Coût faible Augmentation des saignements en cas d’hémorragie non
Pas d’effet secondaire contrôlée
L’utilisation de l’échocardiographie doppler dans les services (≤ 1 000 ml) chez un sujet non dénutri, capable de mobiliser ses
d’urgence devient de plus en plus fréquente. C’est une techni- réserves d’albumine. Dans cette situation, ils sont les seuls à être
que non invasive, réalisable au lit du patient, rapide et repro- indiqués.
ductible. Elle apporte des informations morphologiques La perfusion première de colloïdes est recommandée
cardiaques exhaustives et hémodynamiques : évaluation de la lorsqu’une hypotension (PAS < 80 mmHg) est constatée initiale-
fonction ventriculaire gauche, mesure de la taille des cavités, ment [5, 140]. Les gélatines, qui n’ont pas de limitation quanti-
mesure des volumes ventriculaires gauche et droit, volume tative à leur emploi, restent indiquées pendant la phase de
d’éjection systolique [130, 135] . Une hypovolémie sévère est saignement, les limitations de volume faisant préférer les HEA
évoquée devant une valeur extrêmement basse de la surface plus tard pour maintenir l’effet de remplissage dans le temps.
télédiastolique ventriculaire gauche associée à une surface L’albumine ne garde qu’une place extrêmement limitée (sujet
télésystolique extrêmement réduite, quasi virtuelle. Mais des dénutri, pertes abondantes), d’autant qu’aucune étude n’a fait
mesures isolées de la surface télédiastolique ventriculaire gauche preuve de sa supériorité dans le traitement de
ou du volume télédiastolique ventriculaire gauche sont de l’hypovolémie [140-142] . Insistons sur le peu de valeur de
mauvais indicateurs prédictifs de la réponse au remplissage l’albuminémie dans la phase précoce de la réanimation volémi-
vasculaire ; il en est de même pour les mesures ventriculaires que, ainsi qu’en cas d’inflation hydrique avec ou sans hypona-
droites. Cependant, une dilatation majeure du ventricule droit trémie [9]. L’hypoalbuminémie n’est pas dans ces situations une
est une contre-indication au remplissage vasculaire. La variabi- indication de perfusion d’albumine. Son utilisation dans
lité respiratoire des vitesses maximales du flux aortique et celle l’hypovolémie de la femme enceinte et de l’enfant lorsqu’un
de l’intégrale temps-vitesse du flux aortique en échocardiogra- colloïde est nécessaire (hypotension artérielle persistante après
phie transœsophagienne chez des patients sous ventilation élimination d’une compression vasculaire par l’utérus gravide)
mécanique sont des indices prédictifs de réponse au fait l’objet d’un consensus. Enfin, les habitudes locales influent
remplissage [132]. encore beaucoup sur ces choix.
Un effet bénéfique du remplissage vasculaire est probable Le concept de « small volume resuscitation » connaît un essor
lorsque la mesure du diamètre de la veine cave inférieure par dans la prise en charge initiale des traumatisés graves. La méta-
échographie sous-xiphoïdienne est très basse (< 12 mm) [132, 136, analyse des travaux publiés montre une amélioration du taux de
137]. En présence d’une instabilité hémodynamique, l’absence de
survie des patients, notamment en cas d’administration initiale
variabilité respiratoire de la VCI est un indice de non-réponse au cours des traumatismes pénétrants [101, 102] . Ce soluté
au remplissage vasculaire. pourrait permettre d’amener vivants des patients au geste
d’hémostase salvateur. En cas de traumatisme crânien grave
Choix du soluté associé à une hypotension artérielle, les résultats des différentes
La controverse cristalloïdes/colloïdes a donné lieu à une études sont divergents [101, 102, 106].
abondante littérature, mais peu d’études peuvent être retenues Le rétablissement de l’hématocrite ne doit faire administrer
(non prospectives ou non randomisées, contextes ou patients des concentrés globulaires qu’en deçà de 25 % d’hématocrite ou
très différents, thérapeutiques évaluées différentes d’une étude à 7 g·100 ml–1 d’hémoglobine, sauf chez le sujet âgé, le corona-
l’autre) [138, 139]. Une méta-analyse de 1999 ne rapporte aucune rien, l’insuffisant respiratoire, le traumatisé crânien ou en cas
différence en ce qui concerne la mortalité, l’incidence de d’état septique où l’on ne doit pas descendre en dessous de
l’œdème pulmonaire et la durée de séjour hospitalier [8]. 30 % d’hématocrite ou 10 g·100 ml–1 d’hémoglobine [66]. On
En fait, plusieurs critères interviennent dans le choix du garde également à l’esprit la vitesse des déperditions hémorra-
soluté de remplissage et expliquent l’intérêt de leur association giques : en cas d’hémorragie massive, l’hématocrite a peu de
dans le temps (Tableau 10) : valeur.
• selon l’étiologie de l’hypovolémie : les pertes hydroélectroly- Le maintien de la pression oncotique est surtout important
tiques (pathologie digestive) relèvent logiquement des chez le sujet insuffisant cardiaque : elle joue un rôle de protec-
cristalloïdes ; tion relatif contre l’œdème pulmonaire lié à l’augmentation de
• selon l’efficacité immédiate et la durée d’action : le choix va la PAPO sous remplissage. Les colloïdes artificiels étant non
vers les colloïdes en cas de défaillance circulatoire aiguë avec dosés, l’hypoprotidémie ne signifie pas hypo-oncocité et seule la
hypotension artérielle ; mesure de pression oncotique permet d’authentifier le trouble.
• selon l’existence d’une altération de la membrane capillaire, Le développement d’une coagulopathie constitue une com-
qui diminue l’intérêt des colloïdes ; plication fréquente de l’hémorragie, favorisée par l’existence
• enfin, les effets secondaires et le coût doivent toujours être d’un traumatisme cérébral, d’un état de choc et/ou d’une
pris en compte. hypothermie, ou l’administration de quantités importantes de
L’indication qui peut être retenue pour les cristalloïdes colloïdes de synthèse. L’administration des dérivés sanguins à
isotoniques est la correction d’une hypovolémie modérée visée hémostatique doit être guidée prioritairement par les
Médecine d’urgence 13
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
Concentrés globulaires
Colloïdes
Facteurs V et VIII 35
Plasma frais
Plaquettes 25 Concentrés
50.106I -1 globulaires
Volume perfusé Colloïdes
% Volémie Plasma frais
10 25 50 100 150 Plaquettes
Novoseven R
résultats biologiques. Les tests d’hémostase les plus prédictifs Rôle du gradient de pression entre soluté et patient
d’un saignement microvasculaire [143] sont la numération D’après la loi de Poiseuille, le débit est directement propor-
plaquettaire (< 50 000·mm–3) et un taux de fibrinogène plasma- tionnel au gradient de pression. Le procédé le plus simple est la
tique inférieur à 1 g·l–1. Lorsque les valeurs de temps de Quick gravité par l’élévation du soluté à une hauteur supérieure à la
et le temps de céphaline activée sont 1,8 fois la valeur contrôle, pression veineuse du patient : il est inadapté au remplissage
ces résultats deviennent réellement spécifiques du risque de rapide. Le second moyen est la création d’une pression, soit par
saignement [143]. un manchon entourant un flacon souple, soit par le piston
Les facteurs de coagulation, surtout le facteur V, passent le d’une seringue branchée en dérivation sur la tubulure par
seuil de 30-35 % à partir d’un volume de remplacement d’une l’intermédiaire d’un robinet à trois voies, soit par la compres-
volémie [66] et nécessitent alors l’apport de plasma frais dans le sion d’une poire pour transfusion accélérée (Blood Pump®), soit
rapport d’un plasma pour trois concentrés globulaires. La par un accélérateur de perfusion (Level 1).
conduite de la compensation des pertes hémorragiques est
schématisée dans la Figure 6. Rôle de la viscosité du soluté
Plus un soluté est visqueux, plus son débit est faible, sa
Contraintes spécifiques du remplissage vasculaire viscosité dépendant de sa dilution et de sa température. À titre
d’exemple, un concentré globulaire dilué par 100 ml de Ringer
rapide lactate peut être perfusé avec un débit deux fois et demie
Un système de perfusion rapide doit être sûr, efficace et supérieur.
simple d’emploi, et permettre un débit de perfusion au moins
Nécessité de réchauffer les solutés et d’utiliser des filtres
équivalent à celui des pertes sanguines, tout en réchauffant et
sanguins
filtrant le soluté [144]. Il doit éviter les traumatismes vasculaires
liés aux surpressions, prévenir l’embolie gazeuse, éviter la Le réchauffement des solutés est impératif lors d’un remplis-
surchauffe des solutés et réduire l’hémolyse au minimum [144, sage massif pour lutter contre l’hypothermie. Un réchauffement
145] . Chez un adulte, il est habituel de considérer qu’il y a actif au cours de la réanimation du choc hémorragique pourrait
remplissage rapide à partir de 50 ou plutôt 100 ml min–1. En prévenir, voire corriger les troubles de l’hémostase induits, mais
règle générale, des débits de 400 à 600 ml min–1 permettent de aussi prévenir la dépression myocardique observée au cours de
faire face à la plupart des situations hémorragiques. l’hypothermie.
Un fluide qui s’écoule dans un système de perfusion est Les solutés peuvent être réchauffés dans un échangeur
assimilé à un flux laminaire et obéit à la loi de Poiseuille. thermique inclus dans le système de perfusion. L’échange
L’amélioration d’un débit de perfusion dépend donc de plu- s’effectue par conduction grâce au contact du système de
sieurs facteurs, incluant diamètre et longueur du système de perfusion, soit avec des surfaces métalliques chauffantes
perfusion (tubulure et cathéter), gradient de pression entre le (réchauffeur de type Ranger ® ), soit avec un réchauffeur à
soluté et la pression veineuse du patient, présence de filtres circulation d’eau (Hotline Graseby®). L’inconvénient principal
sanguins, et réchauffeurs efficaces et de faible résistance. du réchauffement par conduction est l’allongement de la
.
tubulure et donc une perte de débit de perfusion. Parmi les
Influence du diamètre et de la longueur du système systèmes les plus performants, du fait de l’association d’un
de perfusion accélérateur de perfusion, on peut citer le Level 1 System
.
HI025® (Graseby). Ce dernier semble particulièrement adapté à
Cathéter. Le débit est directement proportionnel à la puis- la pédiatrie, compte tenu de son petit volume d’amorçage
sance 4 du rayon du tube. Un tube de 2 mm de diamètre (80 ml environ) [147].
permet donc d’obtenir un débit 16 fois plus important qu’un Obligatoires lors de toute transfusion, les filtres dits « stan-
tube de 1 mm de diamètre. Le débit à travers un cathéter à dards », formés de fibres synthétiques, ont des pores de 170 à
introducteur 8 French (F) (diamètre interne de 2,20 mm) est 230 µm. Les techniques actuelles de déleucocytation des
supérieur de 21 % à celui obtenu avec un cathéter 14 Gauge (G) concentrés de globules rouges rendent inutile l’utilisation
(diamètre interne de 1,55 mm) et supérieur de 70 % à celui systématique de microfiltres.
obtenu avec un 16 G (diamètre interne de 1,18 mm) [146]. Le
débit est inversement proportionnel à la longueur du tube. En Nécessité d’éviter l’hémolyse et l’embolie gazeuse
pratique, un cathéter de 16 G court permet un débit deux fois L’hémolyse est la conséquence délétère principale des techni-
plus important qu’un cathéter 16 G pour voie centrale. ques de remplissage vasculaire rapide. Elle peut cependant être
Tubulure. Elle est caractérisée de même par son diamètre réduite au minimum par quelques mesures simples : dilution
interne et sa longueur. Connectée à un cathéter 8 F, une des poches de concentrés globulaires ; réchauffement correct ;
tubulure à irrigation vésicale (diamètre interne de 5 mm) suppression des turbulences en éliminant raccords et robinets
permet un débit quatre fois supérieur à celui obtenu avec une inutiles. Quant à l’embolie gazeuse, elle justifie des précautions
tubulure standard (diamètre interne de 3,2 mm). Au contraire, draconiennes. Le contrôle visuel pour les systèmes transfusion-
ajouter un prolongateur au système de perfusion ralentit nels classiques devient automatique sur les appareils sophisti-
significativement le débit [146]. qués grâce à des alarmes de pression et des détecteurs
14 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
ultrasoniques d’air. L’utilisation de plus en plus fréquente de colloïdes associés à l’atropine en cas de bradycardie symptoma-
solutés contenus dans des poches souples devrait limiter ce tique et aux amines sympathomimétiques telle la noradrénaline
risque. maintenant une PAS au moins supérieure à 100 mmHg, au
mieux une PAM égale ou supérieure à 80 mmHg [155].
Conséquences pratiques En obstétrique, le risque d’accident anaphylactoïde lié à
Lors du remplissage rapide chez le patient en choc hypovo- l’administration de solutés colloïdaux de synthèse est à l’origine
lémique, la supériorité des cathéters à introducteur sur les autres des conclusions des experts préconisant la perfusion de cristal-
cathéters est unanimement reconnue. En revanche, le choix de loïdes pour la prévention des hypotensions maternelles [108, 142].
la meilleure voie d’abord veineuse reste très débattu. L’American Toutefois, ces solutés ne sont pas adaptés à l’urgence hypovolé-
College of Surgeons [148] recommande l’utilisation exclusive de mique et l’albumine à 4 % garde dans ces conditions une de ses
veines périphériques, la voie centrale étant posée secondaire- indications reconnues. Lorsque l’on ne dispose pas d’albumine,
ment dans de bonnes conditions d’asepsie et pour le monito- par exemple en cas d’hypotension sévère en phase préhospita-
rage hémodynamique. Les veines médianes du pli du coude lière, l’utilisation des HEA peut être admise. Enfin, lorsque
sont habituellement plus accessibles. Cependant, la vasocons- apparaît une baisse de pression artérielle malgré un remplissage
triction périphérique du patient choqué rend parfois l’accès à vasculaire correctement conduit, les vasopresseurs type éphé-
une veine périphérique plus difficile que l’accès à une veine drine doivent être utilisés pour restaurer rapidement la pression
profonde. Après une brève tentative de canulation périphérique, artérielle et limiter l’hypoxie fœtale [156].
il est donc suggéré la mise en place d’un désilet dans une veine
profonde. Le choix du lieu de ponction (veine fémorale, Remplissage vasculaire à la phase aiguë
jugulaire interne ou sous-clavière) dépend de la localisation du des brûlures
traumatisme.
L’utilisation précoce d’un remplissage vasculaire abondant a
radicalement transformé le pronostic initial des brûlures
étendues. Tout patient brûlé sur plus de 10 % de la surface
▲ Mise en garde corporelle au-delà du premier degré doit être perfusé immédia-
tement. La phase de choc du brûlé se prolonge jusqu’à la
soixante-douzième heure [157]. En pratique, seul le remplissage
Ne pas perfuser dans le territoire cave inférieur en cas de des 24 premières heures débuté en milieu non spécialisé est
lésion intra-abdominale, en raison des risques de détaillé. L’hypovolémie initiale du brûlé est secondaire à
remplissage inefficace et de clampage peropératoire de la l’exsudation plasmatique intense dans la zone brûlée, propor-
veine cave inférieure tionnelle à la surface brûlée, mais aussi à la constitution des
œdèmes et à la diminution de la masse globulaire par hémolyse
intravasculaire. La restitution rapide du volume plasmatique
perdu et du pool sodé déplacé est habituellement basée sur le
La voie fémorale est également contre-indiquée en cas pourcentage de surface brûlée (% SB), sur le poids du malade et
d’utilisation du pantalon antichoc. Elle est à privilégier dans sur la surface corporelle (SC) chez l’enfant. Une cartographie
tous les autres cas [149]. Les avantages, inconvénients et compli- précise de la zone brûlée est indispensable et doit être consignée
cations (plus fréquentes en urgence) des différentes voies sur un schéma.
d’abord d’une veine centrale ne font pas l’objet de cet article.
Un incident mérite cependant d’être souligné : c’est le risque de Volumes perfusés
coudure du désilet, maximal lorsqu’il est placé dans la veine Différentes règles de réanimation hydroélectrolytique ont été
sous-clavière par abord sous-claviculaire. La conséquence en est proposées pour les 24 premières heures.
un ralentissement du débit de perfusion, d’autant plus impor-
tant que l’angulation du cathéter est forte et que ce cathéter est
connecté à une tubulure de large calibre [150].
Chez l’enfant [151] “ Points forts
Chez le nourrisson et l’enfant, tout va plus vite, tout est plus
difficile et tout est plus grave. Un des objectifs est de maintenir Règles de réanimation hydroélectrolytique pour
la pression artérielle systémique dans la zone de normalité pour les 24 premières heures
l’âge. La limite inférieure (en mmHg) de PAS peut être évaluée • Règle d’Evans (la plus ancienne)
par la formule : 70 + s (2 × âge en années) [140] . Les voies C 1 ml kg–1·% SB de Ringer lactate
veineuses sont difficiles à trouver. Exceptionnellement, en cas C 1 ml kg –1 · % SB de colloïdes (albumine 4 % de
d’échec répété de ponction veineuse, la voie intraosseuse doit
préférence)
être envisagée [152]. La ponction s’effectue par un trocart spécial
(dit de Jamshidi) sous asepsie stricte, soit dans la partie anté- C 2 000 ml de besoins de base (80 ml kg –1 chez
rieure du tibia, 2 cm en dessous de l’épine tibiale, soit dans la l’enfant)
partie antérieure de l’extrémité inférieure du tibia. Les risques • Règle de Parkland chez l’adulte (actuellement
septiques restent faibles [153]. recommandée)
C 4 ml kg–1·% SB de Ringer lactate
Cas particuliers • Formule de Carvajal (utilisée chez l’enfant)
Chez le traumatisé crânien, l’objectif prioritaire est de lutter
C 5 000 ml m–2SB de Ringer lactate
contre toute hypotension artérielle et de préserver la pression de C +2 000 ml m–2SC des besoins de base
perfusion cérébrale. L’intérêt du SSH dans ce cadre a déjà été
évoqué. Il faut surtout éviter toute baisse de l’osmolalité
plasmatique (administration intempestive de soluté glucosé Quelle que soit la formule utilisée, la précocité du remplissage
et/ou de Ringer lactate) et corriger l’hypovolémie relative liée à est capitale : au minimum, la moitié des volumes prévus sur
l’utilisation de la sédation en recourant aux catécholamines [128, 24 heures doit être perfusée les 8 premières heures.
154]. Trois types de patients nécessitent régulièrement des quantités
Chez le traumatisé médullaire, il faut de la même manière largement supérieures [157] :
veiller au maintien de la pression de perfusion médullaire, donc • les brûlés réanimés trop tardivement ;
de la pression artérielle [155]. À l’hypovolémie absolue liée aux • les brûlés par courant électrique à haut voltage : prévention
lésions associées s’ajoute une hypovolémie relative secondaire à de la rhabdomyolyse, justifiant une diurèse horaire alcaline
la vasoplégie. Le traitement en est le remplissage par solutés de 2 ml kg–1 ;
Médecine d’urgence 15
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique
• les brûlés respiratoires, ce qui majore en moyenne de 30 % la PaO2. Les colloïdes améliorent plus rapidement l’état de choc
les besoins, avec une marge thérapeutique faible, justifiant que les cristalloïdes, entraînent une moindre expansion du
l’intubation nasotrachéale et le recours précoce à la ventila- secteur interstitiel et diminuent le risque d’œdème pulmo-
tion artificielle. naire [159]. L’albumine doit être réservée aux cas où il existe une
hypoalbuminémie franche associée en dehors du contexte
Utilisation des colloïdes d’urgence hémodynamique ou d’inflation hydrosodée (albumi-
némie < 20 g·l –1 ou protidémie < 35 g·l –1 ) du fait de son
L’utilisation des colloïdes est généralement proposée systé-
coût [142] et de l’absence de supériorité documentée. Le plasma
matiquement à partir de la vingt-quatrième heure. En cas d’état
frais congelé n’est à utiliser qu’en cas de troubles de coagulation
de choc, l’albumine doit être utilisée en priorité, à défaut un
avérés. Pour les colloïdes de synthèse, il n’y a pas de critères
colloïde synthétique, de préférence HEA du fait de sa demi-vie
comparatifs permettant d’affirmer l’intérêt spécifique de l’un
plasmatique, la limite étant essentiellement les troubles de la
d’entre eux. Les HEA ont été utilisés chez le patient septique
crase sanguine.
sans augmentation de fréquence des troubles de l’hémostase ni
Chez l’enfant, les conséquences de l’hypoalbuminémie et les
hémorragie clinique. Une coagulopathie de consommation
besoins d’une supplémentation font l’objet d’une discussion qui
évolutive demeure une contre-indication de ces HEA. Du fait de
reste d’actualité. Avant la vingt-quatrième heure, l’équipe de
leurs propriétés pharmacocinétiques (demi-vie courte et réversi-
Percy [157] propose l’administration d’albumine aux alentours de
bilité de leur action), les gélatines pourraient être intéressantes
la huitième heure, ou avant en cas d’hypoprotidémie majeure :
en présence d’une atteinte cardiaque. Elles entraînent en
• Ringer lactate 2 ml·% SB kg–1 les 8 premières heures ;
revanche des accidents anaphylactoïdes plus fréquents. L’intérêt
• de la huitième à la vingt-quatrième heure, Ringer lactate
du SSH n’a pas été mis en évidence dans le choc septique.
0,5 ml·% SB kg–1 ; albumine 4,5 % 0,5 ml·% SB kg–1 ;
• le deuxième jour, quantité perfusée moitié moindre.
Le plasma frais congelé est rarement indiqué car la coagula- Choc anaphylactoïde
tion intravasculaire disséminée est le plus souvent uniquement
Les premières mesures devant un choc de ce type concernent
biologique. Les solutés salés hypertoniques pourraient réduire
l’arrêt de l’administration de l’agent supposé responsable, la
l’œdème dans la zone brûlée par restauration du potentiel
libération des voies aériennes et la mise en O2 pur, la suréléva-
transmembranaire, favoriser l’hémodynamique capillaire et être
tion des membres inférieurs. Le traitement d’urgence consiste
bénéfiques à l’inotropisme cardiaque. Leur utilisation chez le
essentiellement en l’administration d’adrénaline ; le remplissage
brûlé n’est cependant pas validée.
vasculaire est assuré par des solutés cristalloïdes isotoniques
Quoi qu’il en soit, la surveillance du remplissage vasculaire
(Ringer lactate ou sérum salé) car ils n’augmentent pas l’hista-
chez le brûlé grave est essentiellement clinique : diurèse horaire
minolibération. Les colloïdes sont substitués aux cristalloïdes
(> 1 ml kg–1), fréquence cardiaque, PAS, hématocrite inférieur à
lorsque le volume administré de ces derniers dépasse 30 ml kg–1.
50 %.
16 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20
Échocardiographie
Perfuser en 10 minutes
200 ml si PVC < 8 La diminution de la variation respiratoire de la vitesse
100 ml si 8 < PVC < 14 maximale ou de l’intégrale temps-vitesse du flux aortique
50 ml si PVC > 14 enregistrées à l’anneau aortique ou dans l’aorte thoracique
descendante est un bon critère d’efficacité du remplissage.
“ Point fort
>5
En pratique, quelle surveillance ?
• Patient jeune sans pathologie cardiaque antérieure
C s’il s’agit d’une hémorragie peu importante ou d’un
Variation de la PVC en fin d'épreuve Stop choc modéré, la surveillance du remplissage doit
rester simple : régression des signes cliniques,
surveillance non invasive de la pression artérielle et
<2 >5 électrocardioscopique (correction progressive de la
tachycardie)
C si l’hémorragie est plus abondante et durable, il
2-5 convient alors de débuter précocement un
monitorage plus invasif : pression artérielle
sanglante, diurèse horaire. Si l’origine de
Attendre 10 minutes
l’hémorragie est contrôlée, l’amélioration clinique
avec reprise de diurèse est obtenue le plus souvent
sans élévation de la PVC à plus de 7 mmHg
<2 2-5 Stop (10 cmH2O)
• patient aux antécédents de cardiopathie ou présentant
un état de choc sévère et prolongé
Figure 7. Arbre décisionnel. Conduite d’une épreuve de remplissage
guidée par la pression veineuse centrale (PVC) selon la règle des C utilisation d’un monitorage plus agressif (mise en
5-2 cmH20 (d’après [95]). place d’une sonde de Swan-Ganz, surveillance
échographique répétée)
C si le cathétérisme cardiaque droit n’est pas possible,
Pression veineuse périphérique on utilise l’épreuve de remplissage
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20 Médecine d’urgence
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24 Médecine d’urgence
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Oxygénothérapie et supports
ventilatoires
F. Templier, F. Thys
Médecine d’urgence 1
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
d’urgences, pour certaines pathologies et avec une équipe • toxicité de l’oxygène. L’hyperoxie, définie par une PaO2
formée. En Smur, il n’existe pas encore de données permettant supérieure à 100 mmHg, peut être responsable d’une toxicité
de recommander largement l’AI+PEP [4]. cellulaire par production de radicaux libres responsables de
Les nombreuses avancées technologiques récentes offrent au destructions cellulaires [6]. Le poumon semble être l’organe le
clinicien urgentiste des possibilités thérapeutiques nouvelles. plus sensible à l’hyperoxie en normobarie [7]. En médecine
Mais la formation à ces techniques issues de la réanimation est d’urgence, même si l’oxygène doit être administré à dose
encore auto-évaluée comme insuffisante [1]. Notre objectif sera optimisée, l’hypoxémie reste plus dangereuse que l’hyperoxie.
de rappeler les éléments physiopathologiques essentiels pour Chez le nouveau-né, la toxicité de l’oxygène est plus impor-
une bonne utilisation de ces techniques. Puis nous décrirons les tante, notamment au niveau oculaire avec risque de fibro-
modes ventilatoires utiles, les aspects techniques et les critères plastie rétrolentale ;
de choix des matériels d’oxygénothérapie et de support ventila- • cas particulier de l’insuffisant respiratoire chronique avec
toire. Enfin, nous préciserons les aspects généraux de la mise en hypercapnie chronique. Chez ces patients, l’hypoxémie est
œuvre pratique de ces techniques, sans détailler chaque patho- principalement liée à des anomalies des rapports ventilation-
logie. Les aspects spécifiques en pédiatrie et l’oxygénothérapie perfusion. Aucune étude n’a validé l’idée souvent avancée
hyperbare ne seront pas abordés. d’une diminution de la sensibilité des centres respiratoires de
ces patients au CO2. L’hypercapnie induite par l’inhalation
d’oxygène est sans doute principalement due à une modifi-
■ Rappels physiopathologiques cation délétère des rapports ventilation/perfusion par levée de
fondamentaux la vasoconstriction hypoxique de territoires mal ventilés [8].
2 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
aériennes sont de quelques cmH2O/l/s. Chez le patient intubé, Interdépendance ventriculaire gauche-droite
les résistances à l’écoulement sont principalement liées à la
Le fonctionnement des deux ventricules est étroitement lié.
sonde endotrachéale, favorisées par les sondes de petit diamètre
D’une part, le bon remplissage du ventricule gauche (VG)
et l’obstruction partielle. Le comportement des ventilateurs en
dépend de la qualité du volume éjecté par le ventricule droit
cas de résistances élevées est très inégal, certains pouvant être
(VD). D’autre part, le péricarde étant peu distensible, toute
mis en défaut.
augmentation du volume du VD se fait au dépend du volume
Pression de pic (Ppic) et pression de plateau du VG, par déplacement du septum. À l’inspiration, l’augmen-
tation du retour veineux plus marqué à droite qu’à gauche va
La mesure des pressions en ventilation mécanique doit déplacer légèrement le septum au détriment du VG, et participer
permettre l’évaluation du risque barotraumatique, au mieux au ainsi à la baisse du débit cardiaque gauche à l’inspiration.
niveau alvéolaire, principale zone exposée. La pression de pic
(ou pression de crête ou pression de pointe) est mesurée en Influence de la ventilation mécanique en pression
continu durant le cycle et notamment l’insufflation, par un positive intermittente et de la PEP
capteur situé au niveau du ventilateur, en amont du circuit (sauf
capteur proximal), de la sonde et du patient. Elle reflète L’application d’une ventilation mécanique (invasive ou non)
l’ensemble des pressions résistives et élastiques de ces différents inverse les régimes de pression intrathoracique. L’élévation de la
éléments et dépend en grande partie de la résistance de la pression alvéolaire à l’insufflation augmente la post-charge du
sonde. Elle est donc le reflet très imparfait de la pression VD par réduction du calibre des vaisseaux intra-alvéolaires. Cela
alvéolaire téléinspiratoire. Celle-ci s’évalue au mieux par la entraîne une baisse du débit cardiaque droit surtout en cas de
mesure de la pression de plateau (Pplat). Elle nécessite une volémie insuffisante, de vasodilatation médicamenteuse ou
pause téléinspiratoire durant laquelle les débits inspiratoire et d’insuffisance ventriculaire droite préexistante. La PEPi et/ou la
expiratoire sont nuls. La pression alvéolaire s’équilibre alors avec PEP externe, la pression alvéolaire moyenne élevée et l’utilisa-
la pression mesurée en amont par le capteur. Une pression de tion de volumes courants importants peuvent également
plateau supérieure à 30 cmH2O majore les risques barotrauma- diminuer le débit cardiaque droit [17]. La précharge du VG est
tiques et augmente la mortalité [11]. Cette Pplat est disponible diminuée (baisse du débit cardiaque droit surtout si volémie
sur certains ventilateurs de médecine d’urgence et sa sur- insuffisante ; déplacement du septum). La post-charge du VG est
veillance doit être favorisée. diminuée du fait de la diminution de la pression transmurale.
En cas de surcharge volémique et/ou d’insuffisance cardiaque
PEP intrinsèque (PEPi) et hyperinflation gauche, l’effet délétère sur la précharge du VG est moins
dynamique marqué, voire bénéfique.
Initialement décrite au cours du syndrome obstructif, c’est la
présence anormale d’une pression positive dans les voies
Conséquences ventilatoires
aériennes en fin d’expiration, en l’absence ou au-dessus d’une et hémodynamiques de la CPAP
pression expiratoire positive (PEP) externe [12]. La PEPi (ou auto La CPAP consiste à appliquer une pression positive continue
PEP) majore le travail ventilatoire et rend difficile le déclenche- dans les voies aériennes. Sur le plan ventilatoire, elle augmente
ment des triggers inspiratoires dans les modes assistés. La PEPi la capacité résiduelle fonctionnelle en réouvrant certaines
a des effets délétères hémodynamiques identiques à ceux d’une alvéoles collabées et en limitant l’extravasation du lit capillaire
PEP externe. La PEPi est liée le plus souvent à une hyperinfla- en cas de surcharge, et elle diminue les résistances expiratoires
tion dynamique, c’est-à-dire la persistance d’un débit expiratoire et le travail ventilatoire [18]. Sur le plan hémodynamique, les
lors de l’insufflation suivante, avec « vidange » incomplète effets de la CPAP sont controversés, certains trouvant une
(augmentation des résistances expiratoires ; diminution de la amélioration des index cardiaque et systolique en cas de
compliance pulmonaire) [13]. Chez les patients ventilés, l’aug- cardiopathie congestive par diminution de la précharge, de la
mentation de la fréquence ventilatoire est un facteur d’augmen- post-charge et de la pression transmurale du ventricule gau-
tation de la PEPi par réduction du temps expiratoire, y compris che [19, 20], mais pas d’autres [21]. En cas de pression trop élevée
sur poumon sain [14]. La mesure de la PEPi n’est pas accessible (sans doute > 10 cmH2O) ou d’insuffisance ventriculaire droite,
en médecine d’urgence. Il faut identifier les patients à risque de la CPAP peut s’avérer délétère pour certains patients. Enfin, le
PEPi et la limiter (bronchodilatateurs, augmentation du temps système de CPAP en lui même risque, s’il est mal choisi,
expiratoire). Chez les patients BPCO (bronchopneumopathie d’augmenter le travail ventilatoire, annulant ainsi son bénéfice.
obstructive), l’application d’une PEP externe proche mais
inférieure à la PEPi a montré un bénéfice lors du déclenchement
du trigger inspiratoire [15]. En pratique, le niveau de PEPi étant ■ Modes ventilatoires utilisés
inconnu, la PEP externe est augmentée « par titration » jusqu’à
obtention d’un déclenchement correct. en médecine d’urgence
Il est classique de séparer les modes volumétriques (volume
Conséquences hémodynamiques courant de consigne garanti) les plus couramment utilisés en
de la ventilation mécanique, interactions médecine d’urgence [3] et les modes barométriques ou en
cœur-poumons pression (pression de consigne garantie), surtout utiles lors des
transferts interhospitaliers pour ne pas rompre la prise en charge
Notion de pompes respiratoire et cardiaque ventilatoire de certains patients ventilés [22]. Pour chacune de
ces catégories, on distingue les modes contrôlés (cycle déclenché
On peut schématiser un système à deux pompes, une petite,
par le ventilateur), sans intervention possible ni souhaitée du
ou pompe cardiaque, contenue dans une plus grande, ou
patient, des modes assistés (cycle pouvant être déclenché par le
pompe respiratoire [10]. En ventilation spontanée, la pompe
patient) dans lesquels le patient doit fournir un travail ventila-
respiratoire agit comme une pompe aspirante à l’inspiration,
toire qui doit être réduit au minimum par des réglages adaptés.
favorisant l’entrée du sang dans les cavités cardiaques, surtout
L’aide inspiratoire, mode spontané en pression, doit être
à droite, sauf en cas d’hypovolémie. La pompe cardiaque agit
individualisée (Fig. 1). Le réglage de la FIO2 est un paramètre
comme une pompe refoulante, les débits des retours veineux
commun à tous ces modes (Tableau 1).
droit et gauche s’équilibrant avec les débits ventriculaires droit
et gauche. À l’inspiration, le ventricule gauche est soumis à une
charge supplémentaire par augmentation de la pression trans- Modes volumétriques
murale (différence entre les pressions aortique intraluminale et
intrathoracique autour de l’aorte) responsable d’une petite Ventilation contrôlée
baisse de la pression artérielle systémique à l’inspiration (pouls Le volume courant (VT) prédéterminé est délivré par le
paradoxal) [16]. ventilateur à une fréquence fixe et imposée, choisie par le
Médecine d’urgence 3
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
Tp
Temps
d'insufflation
Ti Te Ti Te
A1 A3
VAC VPAC
Dépression liée à un appel Dépression liée à un appel
inspiratoire du patient inspiratoire du patient
Pression Pression
dans les dans les
voies voies
aériennes aériennes
(cmH2O) (cmH2O)
Temps Temps
Débit Débit
(l/min) (l/min)
Tp Tp
Temps Temps
d'insufflation d'insufflation
Ti Te réel Ti Ti Te réel Ti
clinicien. Ce mode est généralement utilisé par défaut de mode Temps expiratoire (Te)
VAC (ventilation assistée contrôlée) disponible. Il nécessite une C’est la durée laissée par le ventilateur pour l’expiration
absence d’activité ventilatoire du patient et ne permet aucune passive du patient, entre la fin du Ti et le cycle suivant.
participation de sa part. La durée de chaque cycle contrôlé est
fonction de la fréquence machine, et comporte plusieurs phases. Rapport I/E = rapport Ti/Te
Une valeur de ce rapport à 1/2 est classiquement considérée
Temps d’inspiration (Ti) : temps d’insufflation + temps
comme suffisante. Mais la valeur absolue du Te varie avec la
de plateau
fréquence et peut s’avérer insuffisant pour assurer une « vidange
Le temps d’insufflation est la durée durant laquelle le pulmonaire » complète, avec risque de PEPi, sur poumon
ventilateur applique un débit d’insufflation pour délivrer le VT pathologique à compliance élevée, mais aussi sur poumon
réglé. Les pressions de pic générées sont fonction du volume sain [12, 13, 23].
courant et du débit d’insufflation, mais aussi du circuit patient,
de la sonde et des caractéristiques mécaniques du système Débit d’insufflation
thoracopulmonaire. Le temps de plateau (Tplat) ou pause Débit d’insufflation et rapport I/E (par le Ti) sont intimement
téléinspiratoire permet la mesure de la pression de plateau. liés. La modification de l’un entraîne la modification de l’autre.
4 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
Pression
dans les
AI
IPAP
IPAP
AI
voies Pente variable
EPAP
aériennes
PEP
de pressurisation
(cmH2O) des VA
Temps
Sans PEP Avec PEP
B
Figure 1. (suite) Les cinq principaux modes ventilatoires utilisés en médecine d’urgence.
B. Mode spontané avec aide inspiratoire + pression expiratoire positive (VS-AI+PEP). a. AI = 12 cmH2O (avec PEP = 5 cmH2O). Le niveau d’aide
inspiratoire est peu élevé. Le patient est tachypnéïque, son temps inspiratoire est court, aboutissant à un volume courant faible ; b. AI = 20 cmH2O (avec PEP
= 5 cmH2O). Le niveau d’aide inspiratoire a été augmenté. La fréquence patient diminue. Le volume courant augmente. À noter sur cet exemple l’association
avec une PEP. La pression d’insufflation est égale à la pression d’aide inspiratoire additionnée au niveau de PEP. IPAP : inspiratory positive airway pressure ; EPAP :
expiratory positive airway pressure
Sur les ventilateurs les plus rustiques, le débit d’insufflation est désadaptation [24, 25]. Un niveau trop élevé n’est pas non plus
choisi par celui-ci pour garantir un rapport I/E fixe à 1/2. Il peut souhaitable. Le débit optimal pour satisfaire la demande
être réglable indirectement en modifiant le rapport I/E sur les inspiratoire du patient est fonction de la présence ou non d’une
ventilateurs intermédiaires. Dans ces deux cas, toute modification pathologie pulmonaire et du niveau de la ventilation minute. Il
de fréquence ou de VT entraîne une modification du débit est donc important de privilégier les ventilateurs permettant de
d’insufflation. Au mieux, le débit d’insufflation se règle régler le débit d’insufflation, au mieux de façon directe.
directement.
Médecine d’urgence 5
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
Tableau 1.
Principaux paramètres réglables et monitorables pour les cinq modes ventilatoires essentiellement utilisés en médecine d’urgence.
Modes ventilatoires volumétriques Modes ventilatoires barométriques (ou en pression)
Contrôlé (VC) Assisté contrôlé (VAC) Aide inspira- Pression Pression assistée
toire (AI) contrôlée (VPC) contrôlée (VPAC)
Consignes machine
du ventilateur. Une évolution récente de la VACI a rajouté la mine un niveau de pression d’insufflation appliqué durant le Ti.
possibilité durant cette période réfractaire de déclencher un Selon les résistances, le ventilateur adapte son débit d’insuffla-
cycle avec aide inspiratoire. En pratique, il devient difficile de tion pour maintenir la pression d’insufflation de consigne. Le
déterminer réellement ce que fait le patient, rendant ce mode VT réellement délivré est alors fonction du Ti, du niveau de
complexe et peu intéressant. pression réglé et des propriétés du circuit et du système thoraco-
pulmonaire. Le monitorage du VT expiré s’impose. S’il est
Modes barométriques ou en pression insuffisant, le clinicien peut augmenter soit le Ti (et modifier
alors le rapport I/E), soit le niveau de pression. Et inversement.
Ventilation en pression contrôlée (VPC)
Ventilation en pression assistée contrôlée (VPAC)
C’est l’équivalent barométrique de la VC volumétrique. Son
utilisation en médecine d’urgence reste peu indiquée en dehors La VPAC est dérivée du mode précédent et permet le dé-
de la pédiatrie ou de la continuité de ce mode lors de transferts. clenchement de cycles assistés en pression, identiques aux cycles
La fréquence machine est déterminée, de même qu’un Ti. Le Te contrôlés en terme de Ti et de pression d’insufflation. Comme en
découle du réglage de ces deux paramètres. Le clinicien déter- VAC, le Te peut varier.
6 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
Ventilation spontanée avec aide inspiratoire l’inverse, un trigger trop sensible déclenche de façon inappro-
priée (autodéclenchement). Les triggers en pression enregistrent
En médecine d’urgence, ce mode spontané en pression sans la dépression liée à l’effort inspiratoire du patient. Les triggers
cycle machine imposé (sauf en cas d’apnée) est utilisé principa- en débit enregistrent son débit inspiratoire, la sensibilité
lement en VNI, généralement associé à une pression expiratoire pouvant être augmentée par l’adjonction d’un débit continu de
positive (AI+PEP). À chaque effort inspiratoire du patient détecté gaz (flow by) dans le circuit ouvert, mais au prix d’une consom-
(trigger inspiratoire), le ventilateur délivre une pression inspira- mation accrue de gaz médicaux. Ce type de trigger est proba-
toire constante appelée aide inspiratoire. Le ventilateur adapte blement supérieur au trigger en pression chez les patients les
son débit d’insufflation pour maintenir cette pression de plus fragiles et notamment les bronchopathes chroniques, voire
consigne. Celle-ci est maintenue tant que le patient maintient en VNI [15, 30]. L’utilisation d’un trigger inspiratoire en pression
son effort inspiratoire, jusqu’à détection par le ventilateur du de très bonne qualité est une alternative pour les modes
début de l’expiration (trigger expiratoire). Le Ti est donc volumétriques chez les patients intubés sans pathologie pulmo-
variable, de même que le VT délivré. Cela impose le monitorage naire majeure [31, 32]. Dans tous les cas, il ne faut pas utiliser de
du VT expiré (VTe). En pratique, plus le niveau de pression ventilateurs avec de mauvais triggers, ceux des ventilateurs de
d’aide est élevé, moins l’effort à fournir par le patient pour transport étant de qualité très inégale [33].
mobiliser un VT donné est important. En cas d’association
d’une PEP, la pression délivrée à l’insufflation correspond à la Trigger expiratoire
somme de la pression d’aide inspiratoire et de la PEP. Ce mode
AI doit être sécurisé par une ventilation de secours en cas Nécessaire en mode AI, le trigger expiratoire détecte le début
d’apnée, généralement de type VC ou VAC. de l’expiration du patient et stoppe l’insufflation du ventilateur.
En AI, comme pour les autres modes barométriques, le Il repose le plus souvent sur l’enregistrement de la chute du
ventilateur doit pouvoir atteindre rapidement la pression débit d’insufflation (généralement autour de 25 % du débit
demandée, afin de satisfaire rapidement la demande inspiratoire initial) provoquée par la « contrepression » liée à l’expiration du
du patient et diminuer son travail inspiratoire [27, 28]. Cette patient [1] . Le réglage du niveau de sensibilité du trigger
pente de montée en pression doit pouvoir être modulée pour expiratoire n’est pas toujours possible.
améliorer le confort et limiter les fuites.
Triggers et ventilation non invasive
Terminologie En VNI, les fuites et la PEP externe peuvent mettre en défaut
Des disparités de terminologie et de modes de réglage entraî- les triggers « classiques » en pression ou en débit, occasionnant
nent de fréquentes confusions. asynchronismes et intolérance de la VNI. Les différents fabri-
La traduction anglosaxone d’AI+PEP est BiPAP (bilevel positive cants de ventilateurs développent différentes techniques
airway pressure). Bien que couramment utilisé, le terme de BiPAP alternatives pour tenter de palier à ces défauts.
n’est pas idéal car propriété d’une marque de ventilateur d’une
part, et d’autre part source fréquente de confusion avec le mode Ventilation spontanée en pression positive
BIPAP (biphasic positive airway pressure) des ventilateurs Dräger®,
ne correspondant pas à une AI+PEP.
continue (VS-PPC ou CPAP)
Ce n’est pas réellement un mode de ventilation. Son principe
Réglages consiste à maintenir une pression positive continue durant la
Sur la plupart des ventilateurs, le réglage de l’AI et de la PEP totalité du cycle en ventilation spontanée (Ti et Te), sans
sont indépendants. La mise en route d’une PEP ne modifie pas délivrer d’aide inspiratoire ou de volume prédéfini, ni agir
le niveau d’aide, et la pression d’insufflation délivrée augmente directement sur la ventilation alvéolaire. Bien que souvent
d’autant (somme de la pression d’aide et de la PEP). Mais sur confondue avec lui, cette VS-PPC ou CPAP doit être distinguée
certains ventilateurs de domicile, on règle d’une part une du simple maintien d’une pression positive expiratoire (VS-
pression d’insufflation (appelée souvent IPAP = inspiratory PEP). L’absence de maintien d’une pression constante à l’inspi-
positive airway pressure) et d’autre part une pression expiratoire ration, voire sa négativation, est source d’une forte majoration
positive (appelée souvent EPAP = expiratory positive airway du travail ventilatoire pouvant annuler le bénéfice de ce
pressure), qui vient alors diminuer d’autant le niveau d’aide mode [34]. L’utilisation de matériels de CPAP sans valve (circuit
inspiratoire délivrée, l’IPAP restant au niveau de consigne réglé. à débit libre) évite les asynchronies et permet de ne pas
En pratique, pour garder le même niveau d’aide sur ces venti- augmenter de façon délétère le travail ventilatoire du patient.
lateurs, l’augmentation de l’EPAP doit entraîner une augmenta-
tion de même valeur de l’IPAP. Asynchronies patient/ventilateur
Dans les modes assistés ou spontanés, l’absence de synchro-
Pression expiratoire positive (PEP) nisation entre le patient et le ventilateur est source d’inconfort,
Cette PEP appliquée par le clinicien (PEP externe) doit être d’augmentation du travail ventilatoire et/ou de désadapta-
distinguée de la PEPi (cf. supra) et peut être associée à tous les tion [35, 36]. Détection et correction de ces asynchronies doivent
modes ventilatoires. Elle consiste à maintenir une pression être un objectif constant.
positive dans les voies aériennes en fin d’expiration, afin
d’améliorer l’oxygénation en augmentant la capacité résiduelle Asynchronie sur la durée (time asynchronism)
et en réduisant le shunt intrapulmonaire. Elle majore les C’est l’absence de concordance entre l’insufflation et/ou
conséquences hémodynamiques et respiratoires liées à la l’expiration du patient et du ventilateur : défaut de détection du
ventilation mécanique. Les indications d’une PEP d’emblée lors trigger inspiratoire, favorisé par une PEPi et/ou un trigger peu
de la mise en route de la ventilation en médecine d’urgence performant ; déclenchement inapproprié (autodéclenchement)
sont rares. du ventilateur en l’absence d’effort inspiratoire, favorisé par un
trigger trop sensible ; en mode AI et surtout en non invasif, non
Triggers inspiratoires et expiratoires détection par le ventilateur du début de l’expiration du patient.
Médecine d’urgence 7
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
un autre facteur d’apparition d’asynchronisme [37], justifiant de délivrer, leur effet sur la réinhalation (rebreathing) du CO2 et leur
pouvoir poursuivre le mode ventilatoire en cours lors des tolérance. Hormis le matériel choisi, le niveau exact de FIO2
transferts intra- ou interhospitaliers. délivré est soumis à de nombreux facteurs liés au patient :
fréquence ventilatoire, ventilation minute, débit d’inspi-
ration [39].
■ Matériel d’oxygénothérapie
Matériels délivrant une FIO2 faible :
Sources d’oxygène sonde nasopharyngée et lunettes à oxygène
.
La FIO2 délivrée est faible (< 30 %) et peut être diminuée par
Stockage de l’oxygène la ventilation bouche ouverte ou la présence de sécrétions
L’oxygène médical utilisé en thérapeutique est un médica- nasales épaisses. Ces matériels n’entraînent pas de rebreathing.
ment (article L-511 du Code de la santé publique) et doit .
Les lunettes à oxygène sont très faciles à poser et bien tolérées.
obtenir une Autorisation de mise sur le marché (AMM). Il peut La sonde nasopharyngée délivre des FIO2 sans doute un peu
être stocké sous diverses formes. supérieures aux lunettes pour un même débit d’oxygène. Mais
des incidents rares mais graves (rupture gastrique ; emphysème
Sous forme liquide sous-cutané avec pneumothorax et pneumomédiastin par trajet
Réservé aux grandes quantités (centre hospitalier), il est aberrant) ont rendu son usage non recommandé par
ramené en phase gazeuse et alimente des prises de distributions certains [40].
normalisées à trois crans sous 3,5 bars de pression.
Matériels délivrant une FIO2 modérée :
Sous forme gazeuse masque simple
Il est comprimé à une pression initiale de 200 bars dans une C’est un petit masque souple translucide couvrant la bouche
bouteille cylindroconique de couleur blanche, en acier ou en et le nez, muni d’une simple connexion avec le débitmètre et
alliage léger. Le volume disponible est calculé en multipliant la .
maintenu sans étanchéité absolue sur le visage par un élastique.
pression résiduelle par le volume interne de la bouteille Deux ouvertures latérales permettent l’expiration et l’inspiration
(pression × volume = constante). Les bouteilles de cinq litres de d’air en complément du débit d’oxygène.
volume interne et d’un poids modéré (1 m3) sont utilisées lors La FIO2 délivrée est fonction du débit d’oxygène et du débit
du déplacement des patients, les bouteilles plus volumineuses inspiratoire du patient. Plus ce débit inspiratoire est élevé, plus
.
(15 litres – 3 m3) étant le plus souvent à poste fixe. L’utilisation il y a d’air en complément du débit d’oxygène. La FIO2 maxi-
de bouteilles dites « intégrées », c’est-à-dire intégrant manomètre male ne dépasse guère les 50 %. L’autre limite, commune à tous
et débitmètre est recommandée [38]. les masques, est la réinhalation au début de chaque inspiration
des gaz expirés contenus dans l’espace mort du masque et
Par extraction de l’air
chargés en gaz carboniques (rebreathing). Ce phénomène peut
Les extracteurs d’oxygène concentrent l’oxygène de l’air majorer la capnie jusqu’à 5 %.
ambiant et nécessitent une source électrique (courant domesti-
que ± batterie de secours). Le débit maximum est faible (4 à 6 l/ Matériels délivrant une FIO2 élevée :
min). Ces extracteurs sont réservés aux patients à domicile sous masque à haute concentration, avec réserve
oxygénothérapie.
.
8 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
• fixation des bouteilles portables, à défaut les allonger ; Une source électrique est requise quasiment systématique-
• pas de bricolage ou de démontage par des personnes non ment. Les besoins sont très variables, allant d’une pile pour
qualifiées. alimenter l’alarme des ventilateurs pneumatiques basiques
Leur non-respect expose au risque rare mais gravissime jusqu’à des batteries de bonne capacité pour les ventilateurs de
d’explosion de la bouteille. haute performance [45]. Les types d’alimentation disponibles
La surveillance régulière de l’autonomie de la bouteille est (220 volts ; 12 volts ; batterie interne et/ou externe) varient
indispensable. Le calcul repose sur la formule P × V = Cons- selon les modèles et déterminent au final l’autonomie réelle
tante, en retranchant les 20 à 30 derniers bars et en appliquant possible. Idéalement, le ventilateur doit pouvoir être utilisé en
une marge de sécurité de consommation d’environ + 20 %. La continu et de façon autonome, si besoin au moyen de batteries
consommation des ventilateurs doit prendre en compte le additionnelles chargées indépendamment.
volume minute délivré au patient en fonction de la FIO2 et la
consommation propre du ventilateur, notamment en cas de Panneau de commande et de contrôle : interface
flow-by. L’oxygène en bouteille a un coût non négligeable, utilisateur
justifiant d’optimiser les consommations [38].
C’est l’ensemble des commandes et zones d’affichage des
paramètres du ventilateur. Il ne doit pas permettre de déré-
■ Ventilateurs de médecine glage accidentel. Cette interface est très succincte sur les
ventilateurs pneumatiques basiques et devient plus complexe
d’urgence sur les modèles sophistiqués. Elle doit permettre l’utilisation
rapide et sans erreur des différents éléments :
• consignes (ou paramètres) machine réglées par le clinicien ;
Description des différentes parties • paramètres patients (mesurés par le ventilateur) ;
d’un ventilateur • alarmes.
Système de pressurisation Circuit patient
Il génère le débit d’insufflation. Les ventilateurs de transport C’est l’ensemble des éléments permettant la délivrance des
utilisent deux techniques [41]. gaz insufflés du ventilateur vers le patient (circuit inspiratoire)
Ventilateur pneumatique et l’expiration des gaz (circuit expiratoire) sans se mélanger aux
gaz frais (valves), associé éventuellement au capteur de spiro-
C’est la technologie la plus fréquente. La force motrice est métrie expiratoire. Sur les ventilateurs pneumatiques et sur
créée par un gaz comprimé (en pratique, l’oxygène à 3,5 bars) certains ventilateurs à turbine, le circuit est de type monobran-
faisant fonctionner une association souvent complexe de che (circuit inspiratoire) avec valve unidirectionnelle proximale
cellules on/off de type logique pneumatique ou à déviation de près du patient. En cas de spirométrie expiratoire, le capteur
flux. Le réglage est en général simple, associant un bouton de proximal majore l’espace mort instrumental. La majorité des
réglage de la ventilation minute modulant le débit continu de ventilateurs à turbine utilisable en transport propose des circuits
gaz et un bouton de réglage de la fréquence permettant l’inter- double branche (type ventilateurs de réanimation), beaucoup
ruption régulière de ce débit. Le mélange air/oxygène (55 ou plus simples et nettement moins coûteux à l’utilisation.
60 %) est possible grâce à un système de venturi entraînant l’air
ambiant par le flux d’oxygène pressurisé mais au prix d’une
.
baisse des performances [42]. Les ventilateurs pneumatiques de Critères de choix entre les différents
première génération proposent le mode VC seul, avec PEP ventilateurs
intégrée ou non.
Les ventilateurs de transport actuels ont des performances très
Les ventilateurs de deuxième génération ont en plus le mode
différentes, de basiques à sophistiquées avec des caractéristiques
VAC, mais avec un trigger inspiratoire parfois insuffisamment
de ventilateurs de réanimation. Selon l’activité de chaque
.
performant et surtout une absence de réglage du débit d’insuf-
service d’urgence ou de Smur, les besoins en termes d’équipe-
flation. En pratique, ils ne permettent pas de réaliser toujours .
ment peuvent varier. Des recommandations ont été émises
correctement ce mode VAC. Le mode en pression proposé par
récemment pour le Smur. Elles sont facilement transposables
un de ces modèles (Osiris® 2 et 3, Taema – France) n’est pas du
aux services d’urgences [1] (Tableau 2).
tout performant.
Un ventilateur de troisième génération existe actuellement,
Critères de performance
.
avec une amélioration significative des modes assistés, l’appari-
tion de vrais modes en pression ainsi qu’un réglage de FIO2 plus Modes ventilatoires et possibilités de réglages
large. Les modes ventilatoires utiles requièrent des capacités
Ventilateurs à turbine techniques bien strictes. Il est indispensable d’être vigilant sur
les appellations commerciales cachant parfois des modes
La pressurisation des gaz est créée par une turbine fonc- dégradés : terme VAC du fabricant cachant en fait une VACI
tionnant à l’électricité. L’oxygène à 3,5 bars est nécessaire (Médumat® A, Weinmann – Allemagne) ; VAC ne permettant
pour obtenir des FIO 2 comprises entre 22 et 100 %, en pas de régler le débit d’insufflation ; mode en pression au final
mélange avec l’air ambiant. La technologie de mélange air/ très éloigné d’une AI, etc. [1].
oxygène n’entraîne pas de baisse de performances comme
avec un venturi. Leurs performances sont superposables aux Performances réellement délivrées
ventilateurs de réanimation [33, 43]. Limités initialement en L’étude sur banc des caractéristiques techniques des ventila-
préhospitalier par leur encombrement, l’apparition récente teurs est fréquente pour les appareils de réanimation, certaines
.
d’un modèle compact permet maintenant une utilisation de intégrant des ventilateurs utilisés en Smur.
ces machines hautes performances dans toutes situations de Étude du volume courant. La valeur du VT délivré peut
médecine d’urgence. diminuer jusqu’à moins 30 % de la valeur de consigne : faible
performance du système de pressurisation de certains ventila-
Sources en gaz et en énergie électrique teurs en cas de compliance basse et/ou de résistance élevée,
Une alimentation en oxygène à 3,5 bars est toujours néces- majorée par la compression d’une partie du volume insufflé
saire pour moduler la FIO2, et selon la technologie pour assurer dans le circuit inspiratoire [33, 46] ; ouverture du venturi pour les
le fonctionnement du système de pressurisation. La consomma- ventilateurs utilisant cette technologie [47] . Les solutions
tion est très variable et doit être connue de l’utilisateur. Les techniques existent sur les ventilateurs de réanimation (système
ventilateurs à turbine, surtout s’ils sont équipés d’un trigger de pressurisation performant, compensation du volume com-
avec flow-by sont les plus gros consommateurs [44]. primé dans le circuit, mélangeur n’utilisant pas le système
Médecine d’urgence 9
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
Tableau 2.
Type de ventilateur préconisé pour les unités mobiles hospitalières en fonction du type d’activité du Smur (d’après [1]).
Ventilateur
Activité de primaire exclusive, et pas de VNI, Activité de primaire et de transfert, et/ou VNI, et/ou
et situations pédiatriques rares situations de pédiatrie régulières
Ventilateur standard Ventilateur haut de gamme
Et ventilateur de secours (en sécurité)
Caractéristiques requises pour les différentes catégories de ventilateurs de Smur
Ventilateur haut de gamme Ventilateur standard Ventilateur de secours et/ou de situations d’exception
Turbine, voire pneumatique « optimisé » Pneumatique Pneumatique
(au mieux avec compensation de compliance
du circuit)
Batterie interchangeable (au mieux, batterie Batterie (au mieux interchangeable), courants Pile
interne en plus), courants continus 12-28 volts continus 12-28 volts et 220 volts
et 220 volts
Affichage précis du niveau des batteries, Information simple sur le niveau de charge des
avec alarmes batteries, avec alarmes
Modes : VC, VAC, VS-AI (avec ventilation Modes VC, VAC Mode VC
d’apnée), VPC, VPAC
Compatible pédiatrie = 6 mois Compatible pédiatrie = 3 ans Compatible pédiatrie = 3 ans
PEP intégrée PEP intégrée PEP externe possible
FIO2 21 à 100% (ou plage de réglage proche) FIO2 oxygène et air/oxygène FIO2 : oxygène et air/oxygène
Affichage de la consommation d’O2
Trigger inspiratoire sensible et réglable, Trigger inspiratoire sensible et réglable, en pres- Pas de trigger
en débit (au mieux avec flow-by) ± en pression sion
Réglage du débit de pointe (au mieux Réglage du I/E (au mieux avec affichage du débit I/E fixe à 1/2
par réglage direct) de pointe)
Montée en pression performante
mais modulable (modes en pression)
Trigger expiratoire en débit
Compensation de fuite en VNI
Pmax et Pmin avec alarme Pmax et Pmin avec alarme Pmax et Pmin avec alarme
Alarme de défaut d’alimentation O2 Alarme de défaut d’alimentation O2 Alarme de défaut d’alimentation O2
Alarme de panne ventilateur Alarme de panne ventilateur
Monitorage de la pression de plateau
Spirométrie expiratoire intégrée avec alarme, Spirométrie expiratoire intégrée (sinon spiromè-
pour VTe, V̇E, F patient (et au mieux tre indépendant) avec alarme, pour VTe, V̇E ,
monitorage du rapport I/E réel) F patient
L’ergonomie générale de tous ces ventilateurs (poids, encombrement, résistance aux vibrations) doit être compatible avec les contraintes du Smur,
en primaire comme en transfert. Pour les ventilateurs haut de gamme, la fragilité aux chutes de certains ventilateurs (turbines) doit être contrebalancée par le
niveau de performance
VNI : ventilation non invasive ; VC : ventilation contrôlée ; VAC : ventilation assistée contrôlée ; VS-AI : ventilation spontanée avec aide inspiratoire ; VPC : ventilation en
pression contrôlée ; VPAC : ventilation en pression assistée contrôlée ; PEP : pression expiratoire positive ; FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; VTe : volume courant expiré ;
V̇E : volume minute expiré.
venturi) mais ne sont intégrées que sur de rares ventilateurs de Autres critères
transport haut de gamme, seuls capables de ventiler correcte-
ment les patients les plus difficiles. Critères d’encombrement et d’ergonomie
Étude de la PEP. Le niveau de PEP est globalement maintenu, Il existe maintenant des ventilateurs conciliant performance
à l’exception des ventilateurs pneumatiques de 1re génération ou et encombrement compatibles avec toutes les situations de
le réglage du niveau de PEP est assez imprécis [33, 41, 44]. médecine d’urgence. La facilité d’utilisation du ventilateur est
Étude de la FIO2 délivrée. La FIO2 réellement délivrée peut aussi un élément très important du choix, a fortiori en Smur
varier en plus ou en moins par rapport à la consigne [44]. Peu (contexte d’urgence ; utilisation peu fréquente des ventilateurs ;
de ventilateurs offrent une plage de réglage large de FIO2 , médecins peu formés à la ventilation). L’évaluation de ces
pourtant souhaitable chez l’enfant ou en VNI. interfaces montre que certains ventilateurs sont plus faciles à
Étude de la sensibilité du trigger inspiratoire et du temps de utiliser que d’autres [51].
réponse du ventilateur. Ce point technique est fondamental
pour limiter le travail ventilatoire du patient. Les performances de Critères de sécurité, alarmes
certains ventilateurs de transport ne sont pas suffisantes [33, 48]. Le monitorage de paramètres avec des alarmes est indispen-
Étude de la rapidité de montée en pression (mode baro- sable pour la sécurité, en distinguant la surveillance du fonc-
métrique). En AI et pour les modes en pression, la pente de tionnement du ventilateur (défaut d’alimentation en gaz ou en
pressurisation doit être rapide et forte mais modulable, caracté- électricité, panne du système de pressurisation) de celle du
ristique présente uniquement sur les ventilateurs de transport de patient. Pour le patient, le niveau d’équipement minimum
haute performance [41, 49]. obligatoire (monitorage de la pression de pic avec valve de
Performance de la valve du ventilateur en cas de ventila- surpression et alarme pour un niveau réglable [Pmax] ; Pmin
tion spontanée. Tous les ventilateurs doivent avoir une valve parfois non réglable faisant office d’alarme de débranchement)
permettant au patient de respirer spontanément en cas de est insuffisant pour assurer une surveillance correcte. Il faut
panne, avec un travail respiratoire le plus bas possible. Certains disposer d’une spirométrie expiratoire mesurant la fréquence
sont moins performants que d’autres [50]. patient, le VTe et le volume expiré par minute (V̇E), couplés à
10 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
des alarmes [41, 52]. La précision de cette spirométrie varie selon ventilateur. Un filtre échangeur de chaleur et d’humidité (ECH)
les ventilateurs, jusqu’à ± 15 %. L’affichage de la pression de doit être mis en place dès le début de la ventilation, les
plateau est un atout indiscutable, de même probablement que humidificateurs chauffants n’étant pas utilisables en transport.
la visualisation des courbes de pression et de débit. Outre la protection microbiologique du patient mais surtout du
ventilateur [61] , son rôle est de maintenir un certain degré
Critères de coût d’humidité et de limiter la déperdition thermique en récupérant
Le budget consacré au ventilateur doit être adapté à l’activité, lors de l’insufflation la chaleur et l’humidité des gaz expirés.
en sachant qu’un ventilateur à bas coût ne permet pas de L’objectif final est d’insuffler des gaz à 32 °C contenant environ
ventiler de façon performante. 30 mg d’eau vapeur/l d’air. Ces filtres ECH gardent quelques
inconvénients :
■ Aspects spécifiques des matériels • augmentation du travail respiratoire lors de la ventilation en
pression chez les patients en décompensation aiguë d’une
de CPAP et de VNI insuffisance respiratoire chronique [62] ;
• augmentation de la PaCO2 du fait de l’espace mort instru-
Choix du matériel de CPAP mental, notamment lors de petits VT [63] ou en pédiatrie.
Par essence, le matériel de CPAP se doit de ne pas majorer le En mode non invasif, le filtre ECH peut diminuer l’efficacité
travail ventilatoire, être simple à utiliser, dès le domicile et de la VNI par augmentation de l’espace mort [64] ou du travail
durant le brancardage. On distingue deux types de matériel. ventilatoire [65]. En Smur, pour les patients les plus sévères, on
peut proposer au cours des deux premières heures de VNI de ne
Les systèmes de CPAP à débit libre ou continu pas utiliser de filtre ECH, l’utilisation de faibles FIO2 avec des
Indépendants d’un ventilateur, ils ne nécessitent pas de se ventilateurs prenant de l’air ambiant (turbine) limitant peut-
synchroniser aux temps inspiratoire et expiratoire du patient et être l’assèchement des gaz.
possèdent toutes les caractéristiques requises [53].
Les générateurs de débit se connectent sur une prise d’oxy-
gène à 3,5 bars. La PEP est obtenue grâce à une valve préréglée ■ Mise en œuvre pratique
.
positionnée sur le masque. Les différents niveaux de pression
sont obtenus en changeant de valve, ce qui ne dispense pas de Oxygénothérapie
monitorer la pression. La pression est maintenue en continu
grâce à un débit de gaz permanent au moins égal à 100 l/min. Indications, contre-indications et limites
Un système venturi permet de moduler la FIO2. En préhospita-
lier, celle-ci doit être limitée aux alentours de 35 % pour L’oxygénothérapie est indiquée devant toute situation
garantir une autonomie acceptable en oxygène [54]. nécessitant de normaliser ou au moins d’améliorer suffisam-
La CPAP Boussignac™ est plus récente. Elle fonctionne sur le ment l’état d’oxygénation du patient pour éviter le recours à la
.
principe d’injection de gaz dans un petit cylindre (en pratique ventilation mécanique. Elle est posée devant des signes clini-
de l’oxygène provenant d’un débitmètre), créant une hélice ques de défaillance ventilatoire associés à une baisse de la SpO2
virtuelle du fait des propriétés de friction de l’air. La pression (saturation de l’hémoglobine en oxygène mesurée par oxymètre
délivrée est fonction du débit de gaz. Elle est performante [46], de pouls), mais aussi devant une tachypnée isolée avec une
facilement monitorable et modulable, simple à utiliser aux SpO 2 normale, témoin d’une difficulté respiratoire encore
urgences et en Smur [55, 56], avec un meilleur rapport FIO 2 compensée ou d’une demande accrue en oxygène. Une désatu-
délivrée/consommation d’oxygène que les générateurs de ration rapide à l’arrêt de l’oxygène malgré l’oxygénation
débit [57]. préalable est un facteur de gravité.
Il n’existe pas de contre-indications à l’oxygénothérapie
Les CPAP à valves intégrés aux ventilateurs devant une dyspnée aiguë. Il faut surtout identifier l’inefficacité
Dans ce cas, le déclenchement des valves pour ouvrir alter- de cette technique, justifiant un support ventilatoire invasif ou
nativement les circuits inspiratoire et expiratoire est source non. Chez un patient hypercapnique chronique ne s’améliorant
d’augmentation du travail ventilatoire et d’asynchronies pas avec un débit faible en oxygène, la FIO2 doit être augmen-
patient/ventilateur. Ces systèmes n’apportent par ailleurs aucun tée, en surveillant très attentivement la majoration possible
bénéfice par rapport aux systèmes à débit libre et ne sont pas d’une hypercapnie (cf. supra), et recourir si nécessaire à des
recommandés, y compris avec des ventilateurs récents. supports ventilatoires invasifs ou non.
Médecine d’urgence 11
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
sang, la survenue d’une somnolence semble être un bon critère La surveillance a pour objectif d’évaluer l’effet de la ventila-
d’hypercapnie et d’acidose respiratoire chez le patient asthma- tion mécanique sur la pathologie, de détecter une majoration de
tique ou BPCO [67]. la pathologie initiale ou la survenue d’une complication liée à
En cas d’amélioration, l’apport d’oxygène doit être diminué. la ventilation mécanique, et enfin de contrôler le confort du
La diminution du débit d’un masque haute concentration ne patient.
permettant pas de baisser la FIO2, il faut le remplacer par un La surveillance clinique repose sur des éléments simples,
autre système d’inhalation (cf. supra). répétés aussi souvent que nécessaire :
• recherche de signes ventilatoires de lutte ou de détresse et
Complications
d’asynchronies patient/ventilateur ;
L’aggravation non détectée du patient avec risque d’arrêt • modification du niveau de réactivité du patient ;
ventilatoire ou d’inhalation est la complication la plus grave de • signes cliniques d’inefficacité circulatoire.
l’oxygénothérapie. Elle est parfaitement évitable par une
Le monitorage de la fréquence cardiaque et la SpO 2 est
surveillance rigoureuse. Les complications liées aux différents
essentiel, a fortiori durant les phases de brancardage, associé à
matériels sont rares et ne devraient pas survenir s’ils sont
une mesure discontinue de la PNI. Un seuil d’alarme minimum
correctement utilisés (cf. supra).
de SpO2 à 90 % est sans doute un bon compromis entre sécurité
et déclenchement intempestif. Le monitorage de la PETCO2
Ventilation mécanique invasive avec alarmes est recommandé, sauf pour de courtes durées de
Indications, contre-indications et limites ventilation chez des patients stables [52]. La surveillance par le
ventilateur des paramètres expirés par le patient est maintenant
La ventilation mécanique conventionnelle après abord accessible en médecine d’urgence. Elle est très fortement
endotrachéal doit être envisagée devant toute hypoxémie sévère recommandable. Un niveau de Pmax à 50 cmH2O est classique-
ne s’améliorant pas sous oxygénothérapie, en cas d’hypercapnie ment recommandé chez l’adulte, l’idéal étant une pression de
responsable de troubles profonds de conscience, lors d’une forte plateau < 30 cmH2O. Pour les paramètres expirés, un seuil
demande ventilatoire comme lors des chocs et dans toute
d’alarme minimum à 80 % de la consigne (VTe et V̇E) et un
situation justifiant un contrôle des voies aériennes supérieures.
seuil maximum à 150 % de la consigne (VTe et V̇E ; F patient
Les indications doivent rester cliniques [68, 69]. La décision ne
en mode assisté) semblent un bon compromis. Lors du déclen-
repose pas sur la mesure des gaz du sang. En cas d’insuffisance
cardiaque droite, les conséquences délétères de la ventilation chement d’une alarme, la cause doit être rapidement identifiée
mécanique sur l’hémodynamique doivent être considérées. et corrigée. (Tableau 3).
Devant une détresse vitale, il n’existe aucune contre-indication Le bon fonctionnement du ventilateur est à surveiller, ainsi
à la décision d’intuber un patient pour le ventiler, sauf en cas de que l’autonomie électrique et en gaz. Le contrôle des gaz du
situation clairement définie de soins palliatifs et de fin de vie. sang pour modifier éventuellement les paramètres initiaux de
Dans ces situations, une VNI peut être discutée en alternative. ventilation doit être réalisé après avoir obtenu un état stable. Le
bon positionnement de la sonde et sa perméabilité sont à
Mise en œuvre, surveillance clinique surveiller régulièrement.
et monitorage
L’intubation doit être réalisée selon les protocoles recomman- Complications au cours de la ventilation
dés [70], et la pression du ballonnet contrôlée avec un manomè- mécanique en médecine d’urgence
tre (objectif entre 25 et 30 cmH2O). Une période de ventilation
au ballon avant branchement du ventilateur permet de corriger Les complications de la ventilation mécanique sont connues
en grande partie l’hématose. Le mode assisté contrôlé doit être et décrites depuis de nombreuses années en milieu de réanima-
choisi préférentiellement. Il favorise la synchronisation patient/ tion [74, 75]. Les transferts intra- ou interhospitaliers des patients
ventilateur sans quasiment entraîner de travail ventilatoire. La ventilés les exposent au risque de détérioration de la fonction
fréquence machine initiale est réglée à 15 cycles/min, le VT aux ventilatoire et à un taux de pneumopathie nosocomiale plus
alentours de 7-8 ml/kg et le débit de pointe à 60 l/min. La élevé chez les patients déplacés [76-78]. L’utilisation de ventila-
sédation d’entretien doit être adaptée pour atteindre le score de teurs de type réanimation par des équipes entraînées à la
sédation recommandé selon chaque pathologie [71]. Si le mode ventilation mécanique semble pouvoir limiter ces risques [79].
VAC est indisponible ou insuffisamment performant, le mode Les principales complications aiguës pouvant survenir doivent
contrôlé doit être choisi, avec une fréquence entre 15 et être connues [73] (Tableau 4).
20 cycles/min et un VT identique. La sédation nécessaire sera Une désadaptation rapide et intense du ventilateur avec
alors généralement plus importante. Dans tous les cas, la FIO2 détresse respiratoire grave et brutale nécessite une démarche
est choisie en fonction de la SpO2. Il n’existe aucune justifica- rapide (Fig. 2). Devant une asynchronie, les facteurs favorisants
tion de ventiler obligatoirement ces patients en oxygène pur une doivent être recherchés et corrigés (cf. supra). Si ces mesures
fois la SpO 2 normalisée. L’indication d’une PEP est rare en sont insuffisantes, une augmentation de la sédation peut être
urgence. Un niveau à 5 cmH2O peut être envisagé devant un nécessaire. Le pneumothorax sous machine peut prendre un
œdème aigu pulmonaire (OAP) cardiogénique ou lésionnel, en aspect suffocant avec hyperpression rapidement extensive du
tenant compte des effets hémodynamiques [72]. De petits niveaux côté atteint associée à une défaillance respiratoire et circulatoire
peuvent se discuter en mode assisté chez un patient BPCO pour aiguë. Le diagnostic est clinique. Il impose une décompression
limiter les conséquences de la PEPi sur le trigger. La ventilation
simple à l’aiguille en urgence, suivie de la pose d’un drain
du patient en asthme aigu impose une stratégie d’hypoventila-
thoracique. Le collapsus de reventilation peut apparaître lors de
tion contrôlée, nécessitant un ventilateur haut de gamme et le
la mise en route de la ventilation mécanique (cf. supra),
recours systématique à une sédation, voire une curarisation.
notamment en cas de diminution pharmacologique de la
réponse sympathique à l’hypotension (sédatifs, analgésiques,
intoxication médicamenteuse) ou par correction rapide d’une
12 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
Tableau 3. Tableau 4.
Principales causes de déclenchement des alarmes les plus couramment Principaux accidents et incidents aigus pouvant survenir au cours de la
présentes sur les ventilateurs (modifié d’après [73]). ventilation mécanique (d’après [1]).
Alarme de pression maximale (Pmax) Au niveau du patient
Augmentation de pression Toux, encombrement Asynchronies patient/ventilateur Trigger pas assez sensible, ou trop
au niveau du patient Désadaptation patient/ventilateur ; (modes assistés) sensible (autodéclenchement)
Complications liées Débit d’insufflation insuffisant
à un barotraumatisme (pneumothorax (VAC)
sous machine, etc.) Pente de montée de pressurisation
Granulome devant l’orifice trop faible (mode en pression)
de la prothèse endotrachéale PEPi
Augmentation de pression Malposition de la prothèse Barotraumatisme Pneumothorax
au niveau de la prothèse endotrachéale Pneumomédiastin
endotrachéale Obstruction totale ou partielle, Emphysème sous-cutané
interne ou externe
Encombrement des voies aériennes
Augmentation de pression Plicature ou écrasement
Bouchons bronchiques
au niveau du circuit patient sur un point du circuit
Bronchospasme
du ventilateur
Atélectasie
Alarme de pression minimale
Collapsus de reventilation
Débranchement du ventilateur
Insuffisance cardiaque, ischémie myocardique
Ballonnet de la prothèse trachéale dégonflé
Embolie pulmonaire
Déplacement de la prothèse endotrachéale (auto-extubation)
Distension abdominale
Fuites sur le circuit patient du ventilateur.
Alarme de fréquence patient Activité respiratoire anormale Douleur
Seuil minimal Anxiété
Fréquence ventilatoire Stimulation sensorielle
déclenchée périphérique
par le patient insuffisante Majoration des conséquences hémodynamiques après administration
(modes médicamenteuse
ventilatoires spontanés).
Au niveau de la prothèse endotrachéale
Seuil maximal Intubation sélective ou à cheval sur la carène
Hyperventilation du patient Patient insuffisamment ventilé Auto-extubation
(toutes causes) ;
Obstruction interne de la prothèse endotrachéale
Réveil du patient.
Compression externe de la sonde d’intubation
Alarme de volume courant expiré et alarme de volume minute
Mauvais gonflage ou déformation du ballonnet
expiré
Seuil minimal Au niveau du ventilateur
Débranchement du ventilateur Chute du volume courant lors du passage en mélange air/oxygène avec
un ventilateur pneumatique (venturi)
Ballonnet de la prothèse
trachéale dégonflé Défaut d’alimentation en énergie électrique et/ou en gaz médicaux
Déplacement de la prothèse Débranchement du patient
endotrachéale (auto-extubation) Fuite sur le circuit patient
Fuites sur le circuit patient Défaut d’humidification de l’air insufflé
du ventilateur Déréglage accidentel du ventilateur
En mode VS-AI, ventilation Arrêt du ventilateur (panne)
superficielle (en cas de
VAC : ventilation assistée contrôlée ; PEPi : pression expiratoire positive
fréquence patient élevée, intrinsèque.
l’alarme V̇E peut ne pas s’activer
et seule l’alarme
de VTe s’activera).
éviter les fuites et être confortable, sans trop majorer l’espace
Seuil maximal
mort instrumental. Le masque nasobuccal (appelé souvent
Hyperventilation du patient
masque facial) couvrant juste la bouche et le nez du patient est
VS-AI : ventilation spontanée avec aide inspiratoire ; V̇E : volume minute expiré ; généralement choisi en urgence. Le masque nasal expose
VTe : volume courant expiré. fréquemment aux fuites par la bouche. [81]. Son positionnement
doit être optimisé, sans fuite ni appui excessif, source d’incon-
fort et de lésions cutanées. La surveillance de ces patients étant
Supports ventilatoires non invasifs : constante en médecine d’urgence, l’usage de harnais avec
système de retrait en urgence par le patient ne semble pas
CPAP et AI+PEP obligatoire. Plus récemment, des masques faciaux intégraux ont
Les supports non invasifs ont en commun l’utilisation d’un été proposés en réanimation [82], sans évaluation en médecine
masque comme interface entre le patient et le dispositif d’urgence. Les casques ne peuvent être recommandés dans ce
médical. Il faut distinguer la CPAP (méthode simple et contexte actuellement par manque de données.
d’apprentissage rapide) et les autres modes de VNI (plus
complexes et nécessitant une formation approfondie), le plus Indications de la CPAP et de l’AI+PEP
souvent en ventilation spontanée avec AI+PEP.
Depuis une vingtaine d’années, l’intérêt des modes ventila-
toires non invasifs lors des insuffisances respiratoires aiguës
Interface : les masques
(IRA) a été démontré en réanimation, diminuant le taux
C’est un point fondamental pour la réussite de la techni- d’intubation et la mortalité. Les meilleures indications ont été
que [80]. Le masque doit être adapté à la physionomie du visage, précisées, avec de grandes tendances actuellement admises. Au
Médecine d’urgence 13
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
Vérifier le ventilateur,
PET perméable PET non perméable
le circuit
et les sources
Rechercher une
complication au niveau
du patient Ventilation Ventilation
possible = impossible =
hernie du obstruction
ballonnet interne ou externe
Extubation, Pneumothorax Atélectasie Autres causes de la PET
intubation sélective
Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une détresse ventilatoire aiguë sous ventilation mécanique. PET : prothèse endotrachéale.
cours de l’œdème aigu pulmonaire cardiogénique hypercapni- préhospitalier, avec des matériels à débit libre et sur des critères
que ou non, les modes non invasifs réduisent le taux d’intuba- cliniques simples [1]. Le traitement médicamenteux recommandé
tion, voire la mortalité. Le bénéfice semble équivalent pour la doit être instauré simultanément.
CPAP et l’AI+PEP [83] , mais la simplicité de la CPAP la fait
recommander en première intention, l’AI+PEP devant être Indications sous certaines conditions
réservée à des praticiens formés et habitués. L’AI+PEP diminue Aux urgences, il existe de nombreux arguments pour recom-
la mortalité des décompensations aiguës de bronchopneumopa- mander l’AI+PEP au cours des décompensations aiguës de
thie obstructive, la CPAP n’ayant pas montré de bénéfice [84]. BPCO, voire lors des insuffisances respiratoires aiguës hypercap-
Pour les autres pathologies, les indications de l’AI+PEP restent niques, mais sous certaines conditions : équipe entraînée, avec
discutées, avec un intérêt possible au cours des détresses des matériels adaptés, et chaîne de soins dans l’établissement
ventilatoires hypercapniques à poumon antérieurement sain. montrant un intérêt à une mise en route aux urgences. Il est
Différentes études ont été menées pour déterminer si ces nécessaire d’identifier les patients ayant un meilleur bénéfice
techniques étaient utilisables aux urgences [85-87] avec des attendu de l’AI+PEP.
résultats positifs. Seule une étude rapporte une majoration de la Si la clinique est parfois caractéristique, la mesure des gaz du
mortalité dans le groupe VNI [42] . L’analyse de ce travail sang artériel permet d’identifier plus précisément ces patients,
démontre que l’absence de critères pertinents d’inclusion, le avec un pH artériel inférieur à 7,30 [88]. En préhospitalier, la
choix d’une interface inadaptée et des délais d’intubation trop décompensation aiguë d’une BPCO et l’IRA (insuffisance
tardifs en cas d’échec de la VNI sont délétères pour le patient. respiratoire aiguë) hypercapnique semblent des indications
Les études préhospitalières sont peu nombreuses et concernent intéressantes mais le rapport bénéfice/risque de l’AI+PEP n’ayant
surtout la CPAP. Lors de la récente conférence de consensus sur pas été évalué, des études complémentaires sont nécessaires
la VNI en aiguë, les indications suivantes en préhospitalier et pour recommander cette technique.
aux urgences ont été proposées [4] :
Indications non validées
Indication systématique
Les autres indications ne semblent pas suffisamment validées
Au cours de l’OAPc y compris hypercapnique, la CPAP devrait pour pouvoir être recommandées en pratique clinique, notam-
pouvoir être appliquée par tout médecin, aux urgences et en ment asthme et pneumopathie hypoxémiante sans hypercapnie.
14 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10
En cas de projet thérapeutique limité suspecté, une AI+PEP complétée par les paramètres d’expiration (volume courant
d’attente pour laisser le temps de la décision d’intubation ou expiré, fréquence patient). Le niveau initial d’aide inspiratoire est
non est sans doute une indication à évaluer, de même que la limité à 10 cmH20 pour faciliter l’acceptation de la technique
crise d’asthme aigu grave. par le patient, mais avec une pente de pressurisation forte pour
satisfaire sa demande. Un niveau de PEP minimum (2 cmH2O)
Contre-indications et limites de la CPAP permet de compenser une éventuelle PEPi non mesurable. Une
et de l’AI+PEP fois la technique acceptée et le masque fixé, le choix du niveau
de pression optimal se fait sur l’analyse de la spirométrie
Les contre-indications communes à la CPAP et à l’AI+PEP
expiratoire du ventilateur afin de garantir un VT expiré de 5 à
sont bien décrites (cf. encadré).
7 ml/kg et une fréquence ventilatoire entre 15 et 25 cycles/min.
La FIO2 est adaptée pour garantir une SpO2 > 90 %. Le niveau
de PEP est augmenté devant des signes évocateurs d’une PEPi
(activité des muscles respiratoires accessoires, efforts inspiratoires
“ À retenir non suivis d’un déclenchement du trigger inspiratoire). Le bon
positionnement du masque est contrôlé mais les fuites sont
beaucoup plus fréquentes qu’avec la CPAP. Elles peuvent gêner
Contre-indications de la ventilation non invasive la détection de l’expiration (trigger expiratoire) et favoriser une
(d’après la conférence de consensus inter- désadaptation. Un niveau important de fuites semble prédictif
nationale [81]) d’un échec de VNI [90], au mieux mesurées et compensées par le
Arrêt cardiaque ou respiratoire. ventilateur. La mauvaise tolérance clinique et/ou l’absence
Défaillance d’organe autre que respiratoire : d’amélioration du pH et de la PaCO2 dans l’heure qui suit sa
• encéphalopathie sévère (Glasgow coma score (GCS) mise en route sont des facteurs prédictifs d’échec [91], de même
< 10) ; qu’une hypoxémie initiale importante [92].
• saignement digestif haut sévère ;
• instabilité hémodynamique ou arythmie cardiaque
Complications
sévère. La principale complication à redouter est l’aggravation mal
Chirurgie faciale, traumatisme ou déformation. évaluée du patient avec détresse ventilatoire majeure imposant
Obstruction des voies aériennes supérieures. une intubation en catastrophe avec risque d’arrêt cardiaque
Impossibilité de coopération et/ou de protection des voies anoxique. Les complications liées à l’application d’une pression
positive intrathoracique peuvent survenir en VNI, mais de façon
aériennes supérieures.
sans doute limitée étant donné les niveaux de pression appli-
Impossibilité de drainer les sécrétions respiratoires. qués. La distension gastrique doit faire discuter la mise en place
Risque élevé d’inhalation. d’une sonde gastrique qui majore les fuites. Les complications
liées au masque (conjonctivite et sécheresse oculaire ; nécrose de
la racine du nez) doivent être prévenues en optimisant son
Le niveau de coopération requis pour la CPAP est sans doute positionnement.
moindre que pour l’AI+PEP. Il existe trois limites importantes.
Celles liées à l’interface et au matériel ont été décrites (cf.
supra). La troisième est liée à la formation des soignants. CPAP ■ Conclusion
et AI+PEP diffèrent grandement sur ce point. La CPAP est
L’oxygénothérapie est d’usage courant en médecine
facilement réalisable par toutes les équipes d’urgentistes après
d’urgence. Sa simplicité apparente ne doit pas être prétexte à
une formation simple et rapide. La formation à l’AI+PEP est plus
une connaissance insuffisante des indications et des limites, des
longue [89]. Chaque service d’urgence, voire chaque Smur, doit
différents matériels et des éléments de surveillance. La ventila-
donc déterminer le bénéfice attendu de cette technique par
tion mécanique invasive fait également partie des techniques
rapport à l’investissement en formation.
devant être connues par les médecins urgentistes, même si cette
thérapeutique est d’usage variable en fréquence selon le type
Mise en œuvre, surveillance clinique
d’activité. L’arrivée de nouveaux ventilateurs performants en
et monitorage médecine d’urgence ouvre de nouvelles possibilités avec une
Le monitorage habituel (fréquence cardiaque, SpO2 et mesure bien meilleure synchronisation patient/ventilateur. Reste à ne
discontinue de la PNI) est mis en place. Le patient est prévenu pas vouloir appliquer une ventilation performante avec un
de la technique afin d’optimiser sa coopération. La taille du ventilateur trop basique. Enfin, les supports ventilatoires non
masque nasobuccal est déterminée (cf. supra). La ventilation au invasifs font maintenant partie des techniques de médecine
masque avec un ballon et l’intubation trachéale doivent être d’urgence. La CPAP doit être maîtrisée par tous, en respectant
possibles à tout instant. Les critères de surveillance clinique les recommandations d’indications et de matériel. L’AI+PEP a sa
habituels au cours d’une dyspnée aiguë sont contrôlés place au cours des décompensations des BPCO aux urgences,
fréquemment. mais demande un investissement en matériel et en formation
Pour la CPAP, l’application du masque se fait initialement avec dont le bénéfice doit être évalué sur chaque site.
une pression positive nulle ou faible et un apport d’oxygène à .
Médecine d’urgence 15
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires
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SAMU 92 – SMUR Garches, Hôpital Raymond Poincaré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, 104, boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches, France.
F. Thys.
Service des urgences, Clinique universitaire Saint-Luc, Université Catholique de Louvain, 10, avenue Hippocrate, B-1200 Bruxelles, Belgique.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Templier F., Thys F. Oxygénothérapie et supports ventilatoires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-E-10, 2008.
Médecine d’urgence 17
¶ 25-010-E-20
Le contrôle des voies aériennes des patients présentant une détresse vitale est très souvent nécessaire en
médecine d’urgence. L’intubation orotrachéale est la technique de référence pour le contrôle des voies
aériennes. En dehors du cadre de la réanimation de l’arrêt cardiaque, l’intubation trachéale doit être
réalisée sur un patient sédaté et curarisé selon la technique d’intubation en séquence rapide. L’intubation
en urgence est une intubation à risques. L’inhalation pulmonaire et les épisodes de désaturation artérielle
profonde sont les deux complications les plus fréquemment associées à ce geste. En médecine d’urgence,
l’intubation difficile, rarement prévisible, est plus fréquente qu’au bloc opératoire. La prise en charge de
l’intubation difficile survenant dans le cadre de la médecine d’urgence repose sur l’utilisation de
techniques alternatives efficaces. Ces techniques doivent être utilisées selon un algorithme précis. Les
mandrins longs béquillés et le masque laryngé d’intubation de type Fastrach™ permettent de résoudre la
majorité des cas d’intubation difficile. En cas d’échec de ces deux techniques, une cricothyroïdotomie
permettant un abord trachéal direct doit être réalisée chez les patients impossibles à ventiler.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Médecine d’urgence 1
25-010-E-20 ¶ Protection des voies aériennes en médecine d’urgence
préhospitalière ont pour but d’assurer la ventilation des patients doit être préparé avant la réalisation de l’intubation. La liste du
dans le cadre d’une réanimation cardiopulmonaire spécialisée. matériel indispensable lors de la réalisation d’une intubation en
Le deuxième groupe de patients est constitué par ceux ayant urgence est décrite en encadré. Plusieurs types de lames de
une activité cardiaque spontanée lors de la réalisation de laryngoscope existent : plastique à usage unique ; métallique à
l’intubation. Parmi ces patients, la défaillance neurologique, usage unique ou réutilisable. Ces différents types de lames ne
qu’elle soit liée à une pathologie du système nerveux central possèdent pas les mêmes caractéristiques, et récemment deux
(accident vasculaire cérébral, état de mal épileptique) ou études cliniques ont rapporté un taux d’intubation difficile et
secondaire à la prise de toxiques (intoxication volontaire avec un nombre de complications plus élevés lorsque des lames
des psychotropes), est la principale indication d’intubation [1-3]. plastiques étaient utilisées pour l’intubation en situation
S’il est bien établi qu’un coma profond est associé à une perte d’urgence [8, 9]. L’utilisation de lames en métal est ainsi forte-
des réflexes de protection des voies aériennes, le risque d’inha- ment recommandée pour l’intubation en urgence. Outre le
lation pulmonaire existe aussi pour des troubles de conscience matériel nécessaire à l’intubation, un matériel de monitorage
d’intensité modérée. Ainsi, il a été rapporté un risque d’inhala- continu est nécessaire. En effet, lors de l’intubation d’un
tion pulmonaire lors d’intoxications médicamenteuses volon- patient, la surveillance continue de la fréquence cardiaque et de
taires chez des patients présentant un score de Glasgow la saturation artérielle en oxygène est indispensable. La sur-
intermédiaire [4, 5]. L’intubation trachéale a donc pour premier veillance tensionnelle est réalisée par méthode non invasive.
objectif dans ces circonstances de protéger les voies aériennes Une fois le patient intubé, le monitorage en continu de la
profondes d’une possible inhalation. Les autres indications capnométrie est recommandé.
d’intubation préhospitalière sont représentées par la polytrau-
matologie (de 10 % à 15 % des intubations), les détresses
respiratoires ou circulatoires, et quelques pathologies rares
comme les brûlures étendues.
Le nombre d’intubations réalisées chaque année en France
par les différents SMUR peut être assez facilement estimé. Si l’on
“ Point essentiel
considère que dans environ 8 % des interventions primaires une Matériel nécessaire à la réalisation d’une intu-
intubation trachéale est réalisée, de 40 000 à 50 000 intubations
bation
sont réalisées chaque année en France dans un contexte
extrahospitalier [1, 6]. On considère qu’un médecin exerçant en
• Source d’aspiration
SMUR intube annuellement de 15 à 20 patients. Ces chiffres • Sonde d’aspiration de gros diamètre
sont à mettre en parallèle avec les données disponibles pour • Source d’oxygène
l’activité anesthésique nationale où environ 3 millions de • Masque facial transparent
patients sont intubés tous les ans au bloc opératoire par des • Ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle
médecins anesthésistes qui intubent chacun en moyenne plus • Laryngoscopes avec lames métalliques de tailles
de 300 patients par an [5]. différentes
• Sondes d’intubation
Au service d’accueil des urgences • Canules de Guedel
• Pince de Magill
Dans le cadre de la médecine d’urgence intrahospitalière, • Seringue de 10 ml
c’est-à-dire essentiellement de l’activité dans les services • Système de fixation (sparadrap ou cordon)
d’accueil des urgences (SAU) et dans les services de réanimation,
• Filtre
très peu de données sont disponibles sur l’épidémiologie de
l’intubation et sur le déroulement de ces intubations. Il est
probable que quelques milliers de patients sont intubés tous les
ans dans les services d’accueil des urgences en France. Quelques
études réalisées dans des services d’urgence nord-américains Préoxygénation
rapportent une épidémiologie de l’intubation sensiblement
La préoxygénation est une manœuvre qui précède l’intuba-
différente de celle observée en préhospitalier. En effet, au SAU
tion. Elle ne peut être réalisée que sur des patients ayant une
l’indication d’une intubation dans le cadre de la réanimation
ventilation spontanée conservée au moment où l’indication
d’un arrêt cardiaque est moins fréquente, de l’ordre de 10 % de
d’intubation est posée et n’est dons pas réalisée lors de l’intu-
l’ensemble des patients intubés. En revanche, on retrouve un
bation des patients en arrêt cardiaque. Classiquement, la
large groupe de patients nécessitant une intubation en raison de
préoxygénation consiste à faire respirer au patient durant
troubles neurologiques (accident vasculaire cérébral, état de mal
3 minutes de l’oxygène pur. En médecine d’urgence, la préoxy-
épileptique et comas toxiques) et les patients en détresse
génation est souvent difficile à réaliser de manière correcte et
respiratoire nécessitant un contrôle invasif des voies aériennes
son efficacité est inconstante. Cette manœuvre est d’autant plus
sont proportionnellement plus nombreux qu’en médecine
efficace qu’elle est réalisée chez des patients ne présentant pas
préhospitalière [7]. En France, l’intubation des patients trauma-
de pathologie respiratoire aiguë et ayant conservé une capacité
tisés graves ne se fait, contrairement aux pratiques nord-
résiduelle fonctionnelle proche de la normale [10]. Récemment,
américaines, que très rarement dans les services d’urgences. Ces
la ventilation non invasive en mode ventilation spontanée avec
patients, pris en charge dès la phase préhospitalière par une
aide inspiratoire et pression expiratoire positive (VS AI-PEP) a
équipe médicalisée, sont lorsqu’il y a indication intubés le plus
été proposée comme technique de préoxygénation pour des
souvent avant l’arrivée à l’hôpital.
patients dont l’indication d’intubation était une détresse
respiratoire aiguë. Cette dernière technique de préoxygénation
■ Technique de contrôle des voies s’est avérée plus efficace que la traditionnelle préoxygénation de
3 minutes en oxygène pur [11].
aériennes
Techniques d’intubation
Matériel nécessaire au contrôle des voies
aériennes La technique d’intubation recommandée en situation
d’urgence est l’intubation orotrachéale sous laryngoscopie
Lors de la réalisation d’une intubation en urgence, un certain directe. La glotte est visualisée par l’opérateur lors de la
nombre de dispositifs sont indispensables. Outre le laryngos- laryngoscopie directe et la sonde d’intubation est avancée sous
cope et la sonde d’intubation, tout le matériel de ventilation contrôle de la vue entre les cordes vocales. Une autre technique
2 Médecine d’urgence
Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20
“ Point fort
Figure 1. Intubation en urgence avec réalisation d’une manœuvre de Sédation pour l’intubation
Sellick • La sédation des patients facilite l’intubation trachéale en
situation d’urgence.
• En urgence, la technique de sédation de référence est
l’induction en séquence rapide associant l’utilisation d’un
d’intubation consiste à passer la sonde par le nez afin de réaliser
hypnotique et d’un curare.
une intubation à l’aveugle. Cette technique nécessite que le
patient ait conservé une ventilation spontanée. L’intubation
• Les deux hypnotiques recommandés en situation
nasotrachéale de première intention n’est pas recommandée car d’urgence sont l’hypnomidate et la kétamine.
elle est associée à des taux d’échec et de complications très • Le curare recommandé est la succinylcholine.
élevés [12]. La technique d’intubation orotrachéale nécessite une
formation initiale indispensable. Celle-ci devrait être faite
d’entraînement sur mannequin puis d’apprentissage au bloc
opératoire chez des patients dont l’anesthésie est programmée et Vérification du positionnement de la sonde
qui ne présentent pas de critères d’intubation difficile. La
courbe d’apprentissage de l’intubation trachéale a été évaluée
d’intubation
chez des médecins en formation. Il a été montré qu’il fallait La vérification de la bonne position de la sonde d’intubation
pratiquer au moins 40 intubations orotrachéales pour pouvoir est une étape essentielle lors du processus de contrôle des voies
acquérir une expertise suffisante [13, 14]. aériennes. La non-reconnaissance d’une intubation œsopha-
gienne peut en effet conduire à des accidents graves, voire au
Manœuvre de Sellick décès du patient. L’intubation œsophagienne est souvent
l’événement initiateur de phénomènes de vomissements pou-
La manœuvre de Sellick fait partie intégrante du processus
vant entraîner une inhalation pulmonaire sévère [21]. Cette
d’intubation en urgence. Cette manœuvre consiste à appuyer
complication de l’intubation trachéale n’est pas rare et peut
fermement sur le cartilage cricoïde afin de comprimer l’œso-
atteindre de 5 % à 10 % en situation d’urgence [2, 7, 22]. Deux
phage contre le corps vertébral (Fig. 1). Cette manœuvre qui
techniques sont validées pour dépister une intubation œsopha-
doit être débutée dès le début de l’induction anesthésique a
gienne. La méthode de référence reste la capnographie. Lorsque
pour objectif d’éviter qu’une régurgitation de liquide gastrique
six cycles de capnogramme sont visualisés, l’intubation tra-
ne puisse être inhalée. Cette manœuvre doit être réalisée par un
chéale est affirmée. La mesure du CO2 expiré a une sensibilité
aide et maintenue jusqu’à ce que le ballonnet de la sonde
de 93 % et une spécificité de 97 % pour détecter une intubation
d’intubation soit gonflé, et la bonne position endotrachéale de
endotrachéale [23]. Cette technique peut être mise en défaut lors
la sonde d’intubation vérifié [15, 16].
d’intubation de patients en arrêt cardiaque pour lesquels la
fraction expirée de CO2 est très basse du fait de l’arrêt circula-
Sédation pour l’intubation toire. Chez ces patients, le test d’aspiration à la seringue peut
être utilisé afin de confirmer l’intubation trachéale. Ce test
Mis à part les patients intubés dans le cadre d’un arrêt consiste à utiliser une seringue à gros embout (seringue à gavage
cardiaque, la sédation est un élément indispensable lors de la gastrique) qui est connectée sur la sonde d’intubation. On aspire
réalisation d’une intubation trachéale. En effet, lorsque l’intuba- brutalement avec la seringue : si la sonde est dans la trachée, de
tion est réalisée sans aucune sédation pharmacologique, même l’air est facilement aspiré alors que si la sonde d’intubation est
chez des patients présentant un coma profond, les difficultés de située dans l’œsophage, la muqueuse de celui-ci va se collaber
contrôle des voies aériennes sont très importantes et le taux sur l’extrémité distale de la sonde et la seringue ne peut se
d’échec d’intubation élevé [17]. Plusieurs études, pour certaines remplir d’air. Un équivalent à ce test est l’utilisation de dispo-
anciennes, ont bien montré que la technique de sédation de sitifs spécifiques appelés par les Anglo-Saxons self inflating bulb.
référence pour faciliter l’intubation en urgence était l’intubation Ce type de méthode est très sensible pour détecter l’intubation
en séquence rapide [18]. Cette technique associe l’emploi d’un œsophagienne, mais il existe quelques cas de faux-négatifs
hypnotique et d’un curare de délai d’action et de durée d’action (résistance à l’aspiration alors que la sonde est en intratrachéal),
courts, la succinylcholine. La séquence d’intubation en séquence observés chez les patients obèses morbides.
rapide se déroule selon les modalités suivantes : le patient est Le processus d’intubation ne se termine pas dès le gonfle-
préoxygéné pendant 3 minutes en respirant de l’oxygène pur, ment du ballonnet de la sonde d’intubation. La vérification du
puis l’hypnotique est administré et en suivant la succinylcholine niveau de pression régnant dans le ballonnet de la sonde
(1 mg/kg). Les deux hypnotiques recommandés en situation d’intubation est une étape indispensable. Une surpression non
d’urgence sont l’hypnomidate (de 0,3 à 0,4 mg/kg) et la kéta- reconnue est fréquente et peut entraîner rapidement des
mine (de 2 à 3 mg/kg) en raison de leur très bonne tolérance complications graves : ischémie de la muqueuse trachéale,
Médecine d’urgence 3
25-010-E-20 ¶ Protection des voies aériennes en médecine d’urgence
“ Point fort
Vérification du caractère endotrachéal de l’intu-
bation
• La non-reconnaissance d’une intubation œsopha-
gienne est la source de complications graves
potentiellement létales.
• La vérification de la position de la sonde d’intubation
doit être systématique après intubation.
Figure 2. Combitube®.
• Deux techniques peuvent être utilisées : la capno-
graphie ou le test à la seringue.
succinylcholine ne sont pas les mêmes chez l’enfant que chez
l’adulte. Il faut administrer une dose relative plus importante
chez l’enfant : 2 mg/kg de succinylcholine.
nécrose voire plus rarement perforation trachéale [24] . La
Plusieurs types de lames peuvent être utilisés : lames courbes
vérification de la pression du ballonnet est réalisée simplement
classiques ou lames droites de Miller. L’intubation à l’aide d’une
à l’aide de manomètres manuels portatifs. Le niveau de pression
lame droite est souvent réalisée en chargeant l’épiglotte de
ne doit pas dépasser 30 cmH2O. La dernière étape du processus
l’enfant. Depuis quelques années, il a été bien démontré que
d’intubation consiste à fixer la sonde afin d’éviter tout mouve-
l’on pouvait utiliser en pédiatrie des sondes d’intubation à
ment de celle-ci. Cette fixation peut être réalisée avec du simple
ballonnet, même chez les nourrissons [31-33]. Les deux points
sparadrap ou bien avec un cordon non adhésif.
essentiels pour limiter le risque de lésions laryngées après
intubation chez l’enfant sont un choix adapté de la taille de la
Prothèses supraglottiques sonde et une surveillance obligatoire de la pression du ballon-
net. Il existe des formules pour déterminer la taille de la sonde
Si en France, et plus généralement dans tous les services d’intubation en fonction de l’âge. Chez l’enfant de plus de
d’urgences médicalisés, l’intubation trachéale est la technique 2 ans pour des sondes à ballonnet, la taille (diamètre interne
de référence pour contrôler les voies aériennes, d’autres dispo- en millimètres) est déterminée par la formule suivante : (âge en
sitifs sont parfois utilisés. Dans les pays anglosaxons et notam- années/4) + 4.
ment nord-américains, le système d’urgence extrahospitalier est
non médicalisé et l’intubation trachéale beaucoup moins Patient à terre
pratiquée que dans la plupart des pays européens. D’autres
dispositifs sont alors utilisés pour contrôler les voies aériennes. En médecine préhospitalière, les circonstances font que très
Ces dispositifs sont dits supraglottiques et se mettent en place souvent les patients qui nécessitent une intubation en urgence
à l’aveugle sans que la réalisation d’une laryngoscopie soit sont pris en charge alors qu’ils sont allongés sur le sol. L’intu-
nécessaire. Le plus ancien et le plus utilisé est le Combitube® bation d’un patient au sol présente quelques difficultés particu-
(Fig. 2) qui est une prothèse œsopharyngée à double ballonnet lières. L’opérateur est en effet dans une position le plus souvent
et double lumière. D’autres dispositifs comme le masque laryngé pénible pour réaliser son geste et l’intubation est rendue plus
classique, le tube laryngé ou l’Easytube® ont eux aussi été difficile. Une technique de positionnement de l’opérateur visant
utilisés en médecine d’urgence préhospitalière. Ces dispositifs à limiter les difficultés d’intubation a été décrite récemment.
sont probablement plus faciles à insérer pour des opérateurs Elle consiste à positionner la personne qui va intuber en
non médecins que la sonde d’intubation. Les deux problèmes décubitus latéral. Dans cette position, l’axe visuel de l’opérateur
majeurs rencontrés lors de l’utilisation de ce type de matériel est abaissé et la visualisation glottique, indispensable pour
sont le risque d’inhalation pulmonaire et le risque de perfora- réaliser l’intubation, est rendue beaucoup plus aisée [34, 35].
tion œsophagienne. En effet, ces dispositifs n’assurent pas une
protection complète des voies aériennes en cas de vomissement Immobilisation cervicale
et le risque d’inhalation est alors réel. Plusieurs cas de déchirure
du tiers supérieur de l’œsophage ont été rapportés lors de L’immobilisation cervicale est une mesure souvent nécessaire
l’utilisation du Combitube®, liés à la surpression régnant dans lors de la prise en charge des patients traumatisés. On considère
le ballonnet œsophagien de ce dispositif [25]. Le masque laryngé que tout patient présentant un traumatisme crânien grave est
classique a été utilisé dans des systèmes de soins d’urgences suspect de lésions cervicales associées et justifie donc jusqu’à
préhospitaliers non médicalisés, notamment dans le cadre de la explorations radiologiques complètes une immobilisation
réanimation de l’arrêt cardiaque [26]. Ce dernier dispositif semble cervicale. L’intubation d’un patient porteur d’un collier cervical
plus aisé à mettre en place pour des opérateurs peu entraînés est de fait une intubation difficile. Pour intuber un tel patient,
que la réalisation d’une intubation trachéale [27]. il faut retirer la partie antérieure du collier cervical afin que
celui-ci ne gêne pas l’ouverture de bouche. Lors de l’intubation,
un aide doit se placer derrière le patient et maintenir avec ses
■ Situations particulières deux mains la tête en position neutre. La laryngoscopie est
souvent plus difficile du fait de l’impossibilité pour l’opérateur
de pouvoir faire basculer en arrière la tête du patient. L’utilisa-
Pédiatrie tion du long mandrin béquillé (Fig. 3) est particulièrement
intéressante dans cette situation où la glotte est souvent mal,
L’intubation d’enfants dans le contexte de la médecine voire non visualisée durant la laryngoscopie [36].
d’urgence est une éventualité peu fréquente. Elle présente
quelques spécificités propres. De la même manière que pour
l’adulte, une préoxygénation est indispensable et l’intubation ■ Intubation difficile
est largement facilitée par une sédation associée. La technique
de sédation recommandée est l’intubation en séquence rapide Épidémiologie
associant un hypnotique et la succinylcholine [7, 28-30]. Pour les
enfants de moins de 2 ans, l’hypnomidate ne peut être utilisé. La fréquence de l’intubation difficile en médecine d’urgence
L’hypnotique de choix est alors la kétamine. Les posologies de est plus élevée qu’au bloc opératoire. Ceci s’explique aisément
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Succès Échec
Succès Échec
Oui Non
Oui Non
Figure 7. Arbre décisionnel. Algorithme en cas d’intubation difficile survenant en médecine préhospitalière. BURP : backward, upright, right pressure.
ciées à l’intubation sont nombreuses : traumatisme dentaire, le facteur favorisant majeur des accidents cardiovasculaires
lésions des structures pharyngées ou laryngées, luxation aryté- survenant dans les suites de l’intubation qui vont de la brady-
noïde, perforation œsophagienne et rupture trachéale. Les plus cardie à l’arrêt cardiaque en passant par la chute tensionnelle
graves de ces complications, les ruptures trachéales et œsopha- sévère. Dans un système préhospitalier médicalisé, une étude
giennes, restent exceptionnelles [82]. récente rapporte la survenue de 2 % d’arrêt cardiaque et de
15 % d’hypotension dans les suites immédiates d’une intuba-
tion en séquence rapide [84]. Ces complications hémodynami-
Complications générales ques faisant suite au processus d’intubation ont certainement
Les complications générales sont essentiellement respiratoires plusieurs facteurs favorisants, dont la pathologie rendant
et hémodynamiques. La fréquence de l’inhalation pulmonaire l’intubation nécessaire. Néanmoins, il est probable que le
durant le processus d’intubation en contexte d’urgence varie processus d’intubation en lui-même soit un facteur causal direct
d’une étude à l’autre et peut atteindre 20 %. L’évènement d’un certain nombre de complications hémodynamiques.
adverse le plus fréquent lors d’une intubation trachéale en
urgence semble être la survenue d’épisodes de désaturation
artérielle [83]. Malgré la réalisation d’une préoxygénation, un ■ Conclusion
grand nombre de patients intubés en urgence selon un proto-
cole d’intubation en séquence rapide vont présenter une L’intubation orotrachéale est la technique de référence en
désaturation artérielle profonde et parfois prolongée [18, 83]. Une médecine d’urgence lorsqu’il est nécessaire d’assurer la protec-
étude récente a rapportée une désaturation chez plus de 50 % tion des voies aériennes. La sédation selon la technique d’intu-
de patients traumatisés crâniens graves intubés en séquence bation en séquence rapide facilite l’intubation et diminue la
rapide. Dans cette étude, tous les patients avaient bénéficié survenue de complications. La prise en charge de l’intubation
d’une préoxygénation et la durée médiane de l’épisode difficile survenant dans le cadre de la médecine d’urgence
d’hypoxémie était de plus de 2,5 minutes, avec pour certains repose sur l’application d’algorithmes utilisant des techniques
patients une hypoxémie persistant plus de 10 minutes [83]. Ces éprouvées telles que les longs mandrins béquillés, le masque
épisodes de désaturation artérielle profonde sont probablement laryngé Fastrach™ et les kits de cricothyroïdotomie.
8 Médecine d’urgence
Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20
“ Point fort
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X. Combes (xavier.combes@hmn.aphp.fr).
SAMU SMUR 94, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
P. Jabre.
SAMU SMUR 94, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
EA 3409, CHU Avicenne, 126, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.
F. Soupizet.
SAMU SMUR 94, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Combes X., Jabre P., Soupizet F. Protection des voies aériennes en médecine d’urgence. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-E-20, 2009.
Médecine d’urgence 11
¶ 25-010-E-30
L’évacuation d’un épanchement pleural est une situation fréquente et parfois vitale rencontrée dans les
services d’urgences. Ses principales indications sont le pneumothorax spontané, l’hémopneumothorax
traumatique et la pleurésie d’étiologie infectieuse, cardiologique ou carcinologique. Les modalités de cette
évacuation dépendent du type d’épanchement, de son abondance présumée et de sa tolérance clinique.
En première intention, tout pneumothorax comprimant le médiastin et responsable d’une altération
hémodynamique doit faire pratiquer une pleurocentèse à l’aiguille en extrême urgence. Cette technique
ainsi que les principes de pose des différents types de drains disponibles sont détaillés. Une comparaison
des avantages et inconvénients des différents systèmes nous permet de conseiller l’utilisation des drains
de Monod pour l’évacuation des épanchements ainsi que des cathéters de Fuhrman pour la prise en
charge des pneumothorax spontanés nécessitant impérativement un drainage.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Médecine d’urgence 1
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences
Tableau 1. Tableau 2.
Syndromes cliniques retrouvés dans les pathologies pleurales. Principales causes de pneumothorax spontané secondaire.
Signes d’épanchement Signes non spécifiques Pathologies des voies aériennes
pleural - Toux et douleurs pariétales inconstantes - Bronchopneumopathie chronique obstructive
- Gêne respiratoire d’intensité variable - Fibrose pulmonaire kystique
- Abolition du murmure vésiculaire - Asthme aigu grave
unilatérale
Pathologies infectieuses
- Dyspnée, détresse respiratoire
- Pneumocystose
avec désaturation
- Tuberculose
Signes spécifiques d’épanchement gazeux
- Abcès pulmonaire
- Tympanisme à la percussion
Pathologies interstitielles
- Emphysème sous-cutané
- Sarcoïdose
Signes spécifiques d’épanchement liquidien
- Matité à la percussion - Fibrose pulmonaire idiopathique
- Abolition des vibrations vocales - Histiocytose X
- Lymphangio-léio-myomatose
Signes de compression - Distension thoracique unilatérale Connectivites
médiastinale - Signes aigus d’insuffisance cardiaque - Polyarthrite rhumatoïde
droite (turgescence jugulaire, reflux
- Spondylarthrite ankylosante
hépatojugulaire, hépatalgie)
- Polymyosite/dermatomyosite
- Pouls paradoxal
- Sclérodermie
- Hypotension artérielle, état de choc,
voire arrêt cardiocirculatoire - Syndrome de Marfan
- Syndrome d’Ehlers-Danlos
Pathologies carcinologiques
- Adénocarcinome pulmonaire
- Sarcome
Pneumothorax spontané
Par définition, il s’agit de l’irruption d’air dans la cavité
pleurale en l’absence de tout traumatisme sans contexte
iatrogène (ponctions, ventilation mécanique, fibroscopie...).
C’est une pathologie fréquente avec une incidence comprise
entre 2 et 18 cas par an pour 100 000 habitants avec une nette
prédominance masculine [3]. Un pneumothorax spontané est dit
« primaire » quand il survient sur un poumon antérieurement
sain et « secondaire » quand il existe une pathologie pulmonaire
favorisante (Tableau 2) [4].
Les signes cliniques à rechercher sont résumés dans le Tableau
1. La confirmation du diagnostic fait intervenir typiquement la
radiographie thoracique de face qui retrouve une hyperclarté
unilatérale avec visualisation du décollement pulmonaire
objectivée par la perte de la trame parenchymateuse en péri-
phérie d’une ligne bordante. Le pneumothorax est dit « com-
plet » quand le décollement intéresse toute la hauteur du
Figure 1. Radiographie pulmonaire représentant un pneumothorax poumon et « incomplet » quand il n’est visible que sur une
complet droit avec déviation médiastinale vers la gauche. partie du champ pulmonaire (en général l’apex). Dans les cas
plus difficiles (poumons pathologiques, pneumothorax anté-
rieur...), un scanner thoracique peut être réalisé afin de confir-
mer ou d’infirmer le diagnostic. L’échographie pleurale a
signes de pneumothorax et de signes de compression médiasti-
récemment été proposée en première intention pour le diagnos-
nale (Tableau 1). En cas d’instabilité hémodynamique et devant
tic des pneumothorax non visibles à la radiographie pulmo-
un tableau clinique typique, le traitement consiste en une
naire [5]. Cet examen présente l’avantage de ne pas nécessiter le
décompression ou pleurocentèse à l’aiguille en extrême urgence
déplacement du patient (qui est souvent problématique en cas
sans attendre la réalisation d’examen complémentaire. L’exté-
de mauvaise tolérance respiratoire) et de ne pas imposer
riorisation brutale et sonore d’air par l’aiguille confirme le
d’irradiation supplémentaire mais reste très opérateur-
diagnostic. La mise à la pression atmosphérique de la cavité
dépendant. En cas de doute diagnostique, l’échographie pleurale
pleurale ainsi réalisée permet d’abaisser la pression intrathora-
peut donc être une alternative au scanner, même si celui-ci reste
cique et ainsi de diminuer la compression du médiastin dont le
l’examen de référence.
recentrage aboutit à la résolution de l’état de choc.
La prise en charge du pneumothorax spontané doit tenir
L’évacuation complète du pneumothorax nécessite en général compte d’abord de son caractère primaire ou secondaire, ensuite
le recours au drainage thoracique dans un second temps. de son mode de survenue primitif ou récidivant, enfin de
Celui-ci doit toujours être fait après réalisation d’une radiogra- l’importance du décollement et de la symptomatologie (Fig. 2).
phie thoracique de face au lit qui permet de confirmer le
diagnostic en retrouvant une hyperclarté d’un hémichamp Premier épisode de pneumothorax spontané
pulmonaire sans trame parenchymateuse visible et un refoule-
ment plus ou moins important du médiastin vers le côté opposé
primaire (du sujet sain)
(Fig. 1). Si le pneumothorax n’est plus visible à la radiographie Dans ce cas, la décision de drainage de la cavité pleurale
thoracique, il faut compléter le bilan d’imagerie par un scanner doit être dictée par la tolérance clinique du patient et
thoracique afin d’éliminer tout pneumothorax résiduel, en l’importance des signes radiologiques de décollement. En
l’occurrence antérieur. effet, il est bien admis que l’évacuation de l’air intrapleural
2 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30
Suspicion de pneumothorax
Signes de compression
Pas de signes de compression
médiastinale
médiastinale
Instabilité hémodynamique
Pleurocentèse Radiographie
d'urgence thoracique
Persistance d'un
Confirmation doute diagnostique
du diagnostic
Scanner
thoracique
Pneumothorax
Pneumothorax
traumatique ou
spontané
iatrogène
Retour au
domicile Succès
Consultation à j2 et j7
n’est pas nécessaire en cas de bonne tolérance clinique d’un surveillance par l’entourage est possible. Un suivi en consul-
pneumothorax spontané incomplet, défini par un décolle- tation avec contrôle radiologique à j2 et j7 doit alors être
ment inférieur à 3 cm à l’apex et dont la surface ne dépasse proposé [9].
pas 20 % du champ pulmonaire radiologique [6]. Il est alors En cas de pneumothorax complet ou de mauvaise tolérance
légitime de proposer une surveillance clinicoradiologique en clinique, l’évacuation de l’air contenu dans la cavité pleurale est
milieu hospitalier pendant au moins 6 heures. Cette sur- impérative. Ce drainage peut être réalisé au moyen d’une
veillance doit s’accompagner d’une oxygénothérapie systéma- ponction-exsufflation, c’est-à-dire sans mise en place d’un
tique même en l’absence de désaturation [7]. En effet, des système d’aspiration prolongée. Dans le cas précis des premiers
études anciennes semblent montrer que l’augmentation de la épisodes de pneumothorax spontané sur poumons sains, ce
pression partielle en oxygène dans le sang contenu dans les mode de drainage a fait la preuve de son efficacité et de son
capillaires pleuraux améliore la réabsorption passive de l’azote innocuité comparé à la pose d’un drain thoracique convention-
contenu dans l’air du pneumothorax [7, 8] . S’il n’est pas nel. Ainsi, le taux de réussite immédiate est évalué à 59 % et le
retrouvé d’aggravation et en l’absence de contexte socioéco- risque de récidive précoce du pneumothorax à 15 % contre
nomique défavorable, un retour du patient à domicile avec 63 % de réussite et 7 % de récidive avec le drainage thoracique
Médecine d’urgence 3
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences
classique [10, 11]. Une méta-analyse et une étude randomisée entraîner des ponctions traumatisantes intraparenchymateuses
récente confirment ces résultats et suggèrent même que cette et l’importance du risque de décompensation aiguë de la
technique permettrait de diminuer le nombre et la durée maladie respiratoire impose une restauration du vide pleural
d’hospitalisation, ce qui incite les auteurs à la conseiller en rapide et certaine [10].
première intention [12, 13]. L’efficacité de ce geste doit bien sûr
être contrôlée par une radiographie thoracique. En cas de Pneumothorax iatrogène
succès, un retour à domicile est envisageable après une sur-
veillance de 4 à 6 heures [14]. En cas d’échec, la réalisation d’une Les circonstances de survenue des pneumothorax iatrogènes
deuxième ponction-exsufflation n’est pas souhaitable compte sont bien connues des praticiens des services d’urgences,
tenu de sa faible efficacité prévisible [10]. La mise en place d’un d’anesthésie-réanimation et de pneumologie. Elles sont classi-
drainage thoracique est alors la seule attitude thérapeutique quement principalement liées à une brèche parenchymateuse
proposable. Une étude française récente montre que ce drainage pulmonaire lors d’un geste invasif (ponction pleurale, cathéter
peut se faire au moyen d’un cathéter de petit calibre (cathéter central, fibroscopie), ou à une hyperpression alvéolaire chez un
de Fuhrman) introduit par méthode de Seldinger avec une patient en ventilation mécanique. Même si ce deuxième cas de
efficacité comparable au drainage classique (drain de Joly ou de figure est classiquement décrit chez les patients intubés, il a été
Monod) [15]. Ainsi, du fait de sa simplicité, de son caractère peu récemment rapporté plusieurs cas de pneumothorax iatrogène
douloureux et de son risque moindre de complication notam- secondaire à la ventilation non invasive [18]. Dans ce dernier cas,
ment à long terme, cette méthode est probablement à privilé- il existe un risque majeur d’aggravation rapide par pneumotho-
gier dans le contexte de premier épisode de pneumothorax rax compressif du fait de la ventilation en pression positive. Le
spontané primaire après échec de la ponction-exsufflation. Dans maintien d’une pression de plateau strictement inférieure à
la même étude, les auteurs suggèrent que ce type de drainage 30 cmH2O reste le meilleur moyen de limiter la survenue de ce
thoracique pourrait être utilisé en première intention (c’est-à- type de complication. Quelle qu’en soit la cause, le traitement
dire sans que la ponction-exsufflation ne soit tentée), mais les d’un pneumothorax iatrogène impose le drainage de la cavité
données de la littérature sont actuellement insuffisantes pour pleurale. La ponction-exsufflation est contre-indiquée compte
qu’une telle attitude soit consensuelle. tenu du risque important de récidive précoce. La réalisation
En dehors de cas très particuliers (plongeur professionnel, d’une pleurodèse chirurgicale peut être nécessaire en cas de
pilote d’avion, alpinistes...), il n’y a pas d’indications lors du persistance d’une fistule bronchopulmonaire après drainage.
premier épisode de pneumothorax spontané primaire à la
réalisation d’une intervention chirurgicale visant à diminuer le Hémopneumothorax traumatique
risque de récidive (symphyse pleurale) [9]. Seule la présence Le pneumothorax traumatique est fréquent puisqu’il
d’une fistule bronchopulmonaire, suspectée par la persistance concerne environ 20 % des traumatismes thoraciques impor-
d’un bullage continu après drainage thoracique, peut nécessiter tants [19]. Il est, par ailleurs, associé à un hémothorax d’abon-
le recours à la chirurgie. dance variable dans plus d’un cas sur deux [20]. Comme tous les
traumatismes thoraciques, le contexte de survenue des hémop-
Récidive de pneumothorax spontané
neumothorax est le plus souvent celui d’un polytraumatisme
Contrairement au premier épisode, une récidive de pneumo- (70 à 80 % des cas) et une contusion pulmonaire sous-jacente
thorax spontané requiert systématiquement l’hospitalisation et est presque toujours retrouvée. La physiopathologie du pneu-
l’évacuation de l’air intrapleural [9]. La ponction-exsufflation est mothorax traumatique fait intervenir deux mécanismes possi-
contre-indiquée car généralement peu efficace et le traitement blement responsables de l’irruption d’air dans la cavité pleurale.
immédiat repose sur la mise en place d’un drainage thoracique Il peut s’agir de l’embrochage du poumon par une côte fracturée
conventionnel. lors du traumatisme ou de l’hyperpression intra-alvéolaire
La récidive d’un pneumothorax spontané augmente considé- secondaire à un écrasement thoracique à glotte fermée. L’hémo-
rablement le risque de récurrences ultérieures. En effet, alors que thorax est, quant à lui, consécutif à une lésion thoracique qui
le risque de récidive après un seul pneumothorax spontané est peut intéresser le parenchyme pulmonaire ou un vaisseau
estimé à environ 30 %, il passe à 57 % après la première pariétal, intercostal, mammaire interne, voire dans les cas les
récidive, à 62 % après la deuxième et à 83 % après la troi- plus graves, médiastinal (crosse aortique, artère pulmonaire,
sième [16]. La grande majorité de ces récidives survient dans les artère sous-clavière...). En dehors de l’urgence que constitue le
2 ans suivant le premier épisode [6] . Compte tenu de ces pneumothorax compressif, le diagnostic repose sur la radiogra-
éléments et de la gravité potentielle de cette pathologie, il est phie thoracique qui permet de localiser le pneumothorax et
nécessaire de proposer une stratégie de prévention des récidives d’en préciser l’importance ainsi que son éventuelle association
dès le deuxième pneumothorax spontané, qu’il soit homo- ou à un hémothorax et/ou à des anomalies parenchymateuses.
controlatéral [17]. La technique de référence est la symphyse Chez un patient polytraumatisé, cette radiographie doit être au
pleurale par thoracoscopie qui permet de réduire le taux de mieux réalisée après la mise en place d’une sonde nasogastrique
récidive à moins de 5 % avec une morbidité bien inférieure à la afin de détecter plus facilement une rupture diaphragmatique
thoracotomie classique [17]. La pleurodèse médicamenteuse par gauche. La sensibilité de cet examen étant médiocre chez un
instillation d’agent sclérosant dans le drain thoracique en place patient couché, il doit être systématiquement complété par un
ne doit pas être proposée en première intention du fait d’un scanner (avec injection de produit de contraste) une fois le
taux de succès nettement inférieur [9]. Cette technique n’est patient stabilisé. Cet examen montre l’étendue des dégâts
donc envisageable, dans la prévention des récidives de pneumo- parenchymateux et pariétaux, permet la visualisation des gros
thorax, qu’en cas de risque opératoire important. vaisseaux médiastinaux et visualise les pneumothorax antérieurs
ou localisés invisibles sur le cliché thoracique de face.
Pneumothorax spontané secondaire En dehors du pneumothorax traumatique isolé de très faible
(sur poumon pathologique) abondance et totalement asymptomatique qui peut relever
La présence d’une pathologie pulmonaire sous-jacente impose d’une surveillance simple, la prise en charge de l’hémopneumo-
l’hospitalisation. L’indication de l’évacuation du pneumothorax thorax traumatique fait constamment intervenir le drainage
doit être large : une altération même minime de l’état respira- thoracique [21]. En effet, la ponction-exsufflation est strictement
toire basal et des douleurs importantes pouvant limiter la toux contre-indiquée du fait de son inefficacité en cas de lésion
incitent à réaliser rapidement le drainage [9]. Seuls les pneumo- parenchymateuse et de sa dangerosité en cas de mauvaise
thorax spontanés incomplets minimes totalement asymptoma- tolérance respiratoire. En cas d’hémothorax, le drainage permet,
tiques peuvent justifier d’une surveillance simple d’au moins en plus de l’amélioration respiratoire due à l’évacuation de la
24 heures. Le drainage thoracique doit être réalisé au moyen cavité pleurale, d’obtenir l’accolement des deux feuillets
d’un drain classique avec système d’aspiration continu. La pleuraux, ce qui favorise l’hémostase, de quantifier la perte
ponction-exsufflation est contre-indiquée car potentiellement sanguine et d’évacuer le sang et les caillots afin de réduire le
dangereuse. En effet, la présence d’adhérence pleurale peut risque d’infection secondaire et de séquelles. De ce fait, il n’est
4 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30
Tableau 3.
Situations d’épanchement liquidien non traumatique nécessitant un
drainage pleural.
Pour tout épanchement pleural non traumatique, en cas de :
- signes de compression médiastinale
- mauvaise tolérance respiratoire
Pour les épanchements possiblement infectieux, en cas de :
- culture ou examen direct du liquide pleural positif
- empyème thoracique (liquide macroscopiquement puriforme)
- pH du liquide pleural < 7,2
- échec du traitement antibiotique à 48 h
Pour les épanchements possiblement carcinologiques, en cas de :
- récidive précoce nécessitant une pleurodèse médicamenteuse
Médecine d’urgence 5
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences
sujet sain. Avant la réalisation de ce geste, il est nécessaire de systèmes sont classiquement séparés en drain dit « de gros
confirmer l’indication par une radiographie thoracique et de calibre » (drain de Joly ou de Monod) et drain dit « de petit
rechercher des contre-indications par l’anamnèse (antécédents calibre » (cathéter de Fuhrman ou Pleurocath®). En dehors de
respiratoires) et le bilan biologique : un taux de plaquettes contextes particuliers d’urgence extrême (hémothorax suffocant,
inférieur à 50 giga/l, un temps de céphaline activé (TCA) supé- détresse respiratoire), tous ces drains nécessitent une confirmation
rieur à 2 fois le témoin et un taux de prothrombine (TP) inférieur du diagnostic par une radiographie thoracique et un contrôle de
à 40 % sont des contre-indications relatives à la ponction l’hémostase (TCA < 1,5 fois le témoin, TP > 45 % et numération
pleurale. Un matériel spécifique est nécessaire. Le site de ponction plaquettaire supérieure à 100 giga/l). Nous détaillons ici les
est le même que pour la pleurocentèse. Après réalisation d’une différentes techniques de pose en excluant les drains chirurgicaux
anesthésie locale, l’aiguille est introduite comme précédemment, et ceux utilisés en néonatologie. Le Tableau 4 résume les
mais doit être connectée à une seringue en aspiration pour indications, les avantages et les inconvénients des différents
détecter l’entrée dans la cavité pleurale (lorsque l’aiguille pénètre .
types de drain.
dans l’air intrapleural, la résistance du piston de la seringue baisse
brutalement). Une fois le cathéter en place, l’aiguille est retirée et Pose d’un drain de Monod (Fig. 4)
la tubulure, préalablement clampée grâce au robinet, est immé- La pose d’un drain de Monod permet la mise en place d’un
diatement connectée. À l’aide d’une seringue de 50 ml, le tube de diamètre important idéal pour l’évacuation des hémo-
pneumothorax est aspiré en prenant soin d’obturer la tubulure pneumothorax traumatiques. Ce type de drain est également
avec le robinet avant chaque déconnexion de la seringue. indiqué dans l’évacuation des pneumothorax non traumatiques
Lorsqu’il n’y a plus d’air aspirable, l’ensemble du matériel est quand les techniques de ponction-exsufflation sont contre-
retiré et une radiographie de contrôle est réalisée au bout de indiquées et que l’utilisation d’un drain de plus petit calibre
2 heures afin d’apprécier l’efficacité de la ponction-exsufflation. n’est pas possible (poumon pathologique, fistule bronchopleu-
En cas d’inefficacité, la réalisation d’une nouvelle ponction n’est rale). Enfin, l’absence de consensus sur la taille du drain
pas conseillée et un drainage pleural doit être mis en place. Par nécessaire à l’évacuation d’une pleurésie purulente fait fré-
ailleurs, l’aspiration de plus de 2,5 l d’air fait suspecter une fistule quemment préférer l’utilisation d’un drain de Monod dans cette
bronchopulmonaire et doit également faire réaliser un drainage indication [25, 29].
thoracique conventionnel [28]. La pose de ce type de drain est potentiellement anxiogène et
douloureuse et doit donc être réalisée chez un patient calme,
informé, coopérant et au mieux 30 minutes après une prémé-
dication par morphine sous-cutanée à la dose de 5 à 10 mg [30].
“ Points importants L’utilisation de paracétamol ou de benzodiazépines en prémé-
dication, fréquemment retrouvée dans la pratique, n’a jamais
été évaluée. L’insertion du drain par voie axillaire doit être
Matériel nécessaire à la réalisation d’une privilégiée en l’absence de contre-indication [31]. Pour cela, le
ponction-exsufflation patient doit être allongé en décubitus dorsal en position demi-
• Gants stériles assise avec le bras homolatéral en abduction maximale et la
• Xylocaïne® 2 %, seringue de 10 ml et aiguille de 20 G main derrière la tête. Le « triangle de sécurité » où doit avoir
pour l’anesthésie locale .
lieu l’insertion est alors délimité par le bord externe du grand
• Compresses stériles pectoral en avant, le bord antérieur du grand dorsal en arrière
• Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine et l’horizontale passant par le mamelon en bas [32].
alcoolique) Le site de drainage est alors positionné au milieu de ce
• Cathéter court de 14 ou 16 G monté sur une aiguille triangle, ce qui correspond au 4e ou 5e espace intercostal sur la
ligne axillaire antérieure (Fig. 3). En cas de déplacement du bras
• Seringue de 5 ou 10 ml
impossible ou de pneumothorax purement antérieur, la voie
• Tubulure courte avec robinet deux ou trois voies antérieure peut être proposée mais expose au risque de lésion de
• Seringue de 50 ml l’artère mammaire interne et de cicatrice inesthétique. L’inser-
tion par voie antérieure se fait alors sur un patient en décubitus
dorsal strict au niveau du 2e espace intercostal et sur la ligne
médioclaviculaire comme pour la pleurocentèse d’urgence et la
Drainage thoracique ponction-exsufflation (Fig. 3).
Le terme « drainage thoracique » comprend tous les systèmes Le matériel spécifique est nécessaire à la pose d’un drain de
dont l’objectif est d’obtenir la vacuité pleurale grâce à la mise en Monod. La première étape est une désinfection complète de la
place et au maintien plus ou moins prolongé d’un tube (ou zone d’insertion parallèlement au lavage chirurgical des mains
« drain ») entre les feuillets pariétal et viscéral de la plèvre. Ces (standard ou à la solution hydroalcoolique) et à l’habillage
Tableau 4.
Comparaison des différents drains thoraciques disponibles.
Taille Indications principales Avantages Inconvénients
Drain de Monod 18 à 36 F Hémothorax, pneumothorax Drain de gros calibre, utilisable dans Cicatrice disgracieuse, nécessité
traumatiques, pleurésie purulente, toutes les circonstances, risque moindre d’utilisation d’un trocart restérilisable
empyème de lésions médiastinales, orientation
du drain plus facile
Drain de Joly 12 à 32 F Hémothorax, pneumothorax Drain de gros calibre, matériel Cicatrice disgracieuse, risque important
traumatique, pleurésie purulente, entièrement à usage unique de lésion pulmonaire et médiastinale
empyème
Cathéter 8,5 à 12 F Pneumothorax spontané, pleurésie Cicatrice minime, matériel entièrement Drain de faible calibre ne permettant
de Fuhrman carcinologique, pleurésie transsudative, à usage unique, pose très peu pas l’évacuation de caillots
± pneumothorax iatrogène douloureuse
Pleurocath® < 10 F Pneumothorax spontané Cicatrice minime, matériel entièrement Drain de faible calibre ne permettant
à usage unique, pose peu douloureuse pas l’évacuation de caillots, risque
important de lésion pulmonaire
6 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30
“ Points importants
Matériel nécessaire à la pose d’un drain de « gros
calibre » (Monod ou Joly)
• Masque et calot
• Gants et casaque stériles
• Xylocaïne® 2 %, seringue de 20 ml et aiguille de 20-
22 G pour l’anesthésie locale
• Compresses stériles
• Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine
alcoolique)
• Champs stériles
• Scalpel (lame n° 11)
• Pince cochère ou Kelly stérile
• Trocart de Monod et drain de taille adaptée (numéro du
trocart = taille du drain en French/3) ou drain de Joly
• Pince-clamp non vulnérant
• Deux fils de suture taille 0 ou supérieure (+ porte-
aiguille si aiguilles courbes)
• Système d’aspiration à usage unique préalablement
monté (« valisette »)
• Pansement stérile
Médecine d’urgence 7
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences
8 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30
Médecine d’urgence 9
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences
s’accompagner d’une chute de la pression artérielle. La suspicion système de drainage. Le maintien d’un drainage prolongé et la
de lésion médiastinale hémorragique (cœur ou gros vaisseaux) présence de sang dans le liquide pleural semblent être égale-
est le seul cas où un clampage du drain est impératif. Le drain ment des facteurs favorisants [40]. Les bactéries les plus souvent
en cause ne doit surtout pas être retiré car il permet une en cause sont les staphylocoques dorés et les entérobactéries. Le
obturation transitoire de la plaie et le patient doit être transféré diagnostic est principalement clinique et n’est confirmé par la
en urgence absolue au bloc opératoire de chirurgie cardiothora- culture du liquide pleural qu’en cas d’empyème. L’écouvillon-
cique. La mortalité de ces complications, rares, est malheureu- nage des sécrétions s’écoulant autour du drain n’a pas de
sement extrêmement élevée [21]. pertinence clinique compte tenu de leur contamination systé-
matique par la flore cutanée. Le traitement va du simple retrait
Malpositions du drain du drain en cas d’infection du site d’insertion à l’antibiothéra-
C’est une complication fréquente, particulièrement en cas pie intraveineuse prolongée (avec maintien du drain) en cas de
d’inexpérience de l’opérateur. Le cas le plus fréquent est celui de pleurésie purulente.
la pose du drain en sous-cutané en dehors de la cage thoracique.
Cette complication, le plus souvent sans conséquence en dehors
de l’inefficacité manifeste du drainage, se produit fréquemment
chez les patients ayant une paroi thoracique épaisse ou un
■ Conclusion
emphysème sous-cutané important. Toute difficulté lors de L’évacuation d’un pneumothorax ou d’un épanchement
l’introduction finale du drain doit la faire suspecter. Le diagnostic pleural liquidien est un geste courant dont les indications doivent
est en général aisé sur la radiographie de contrôle. être maîtrisées par les praticiens travaillant dans les services
Les autres malpositions possibles sont plus graves. En dehors d’urgences, de réanimation, de Samu, de chirurgie thoracique et
des lésions médiastinales décrites plus haut et des lésions de pneumologie. Sa dangerosité potentielle peut être limitée par
parenchymateuses pulmonaires qui doivent être prévenues par
une connaissance parfaite des différentes techniques de pose et de
le « toucher pleural », il est décrit également régulièrement des
gestion des différents matériels disponibles sur le marché. La
lésions abdominales secondaires à la pose d’un drain par voie
pleurocentèse d’urgence doit être utilisée en première intention
axillaire (plaies de la rate, du foie...). La cause peut être soit un
devant un pneumothorax compressif. L’utilisation des drains de
mauvais repérage du site d’insertion qui se situe alors sous le 5e
Monod et des cathéters de Fuhrman peut ensuite permettre de
espace intercostal, soit la méconnaissance d’une rupture
.
diaphragmatique lors de la prise en charge d’un polytraumatisé. faire face à l’ensemble des situations rencontrées avec un
La réalisation de la radiographie thoracique initiale avec sonde minimum de risques pour le patient.
gastrique en place limite grandement ce risque. .
10 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Guitard P.-G., Veber B., Joly L.-M. Drainage thoracique aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-E-30, 2009.
Médecine d’urgence 11
¶ 25-010-F-20
Les ponctions aux urgences sont des pratiques courantes. Elles ont pour but soit l’analyse, soit
l’évacuation d’un épanchement liquidien ; elles sont diagnostiques ou thérapeutiques. Pour être efficace
et limiter les éventuelles complications, il convient de respecter les règles de bonne réalisation du geste. Le
patient, à chaque fois que cela est possible, doit être informé de l’utilité et du déroulement de l’acte. La
sédation de la douleur doit être systématique et fait appel à divers moyens s’adaptant à chaque cas
particulier. Ces ponctions ont en commun la nécessité absolue du respect des règles d’asepsie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Ponction lombaire ; Ponction pleurale ; Ponction d’ascite ; Ponction de genou
Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les ponctions font partie des gestes indispensables à maîtriser
pour l’urgentiste. Elles ont comme objectif l’analyse du liquide
¶ Ponction lombaire 1 ou son évacuation. Elles s’insèrent à ce titre dans une stratégie
Indications 1 diagnostique ou thérapeutique. L’information du patient et la
Contre-indications 1 prévention de la douleur provoquée par la ponction doivent
Préparation 2 être des préoccupations constantes du praticien qui réalise le
Positionnement du patient 2 geste. Des procédures permettant l’évaluation de ces gestes sont
Préparation du site 2 recommandées au sein de chaque service. Le cathétérisme
Anesthésie locale 2 vésical suspubien et la ponction péricardique ne seront pas
Insertion de l’aiguille de ponction 2 développés dans cet article.
Retrait de l’aiguille 2
Complications 2
¶ Ponction pleurale 3 ■ Ponction lombaire
Indications 3
Contre-indications 3
Préparation 3
Indications
Positionnement du patient 3 Au service d’accueil des urgences, la ponction lombaire est
Repérage 3 habituellement diagnostique [1, 2]. Elle doit être pratiquée en
Préparation du site et anesthésie 4 première intention devant tout syndrome méningé et/ou
Insertion de l’aiguille et prélèvement de liquide pleural 4 encéphalitique fébrile en l’absence de signe de localisation
Complications 4 neurologique. Les raisons qui motivent le recours à la ponction
lombaire sont donc la suspicion de méningite, de méningo-
¶ Ponction d’ascite 4
encéphalite ou encore le besoin d’éliminer une hémorragie sous
Indications 4
arachnoïdienne.
Technique 4
Contre-indications 5
Complications 5 Contre-indications
¶ Ponction articulaire du genou 5 • Présence de symptômes ou de signes évoquant une élévation
Matériel 5 de la pression intracrânienne, tels qu’une altération rapide du
Voies d’abord 5 niveau de conscience, des signes de localisation neurologique,
Indications 6 des crises convulsives tonicocloniques ou partielles, un
Contre-indications 6 œdème papillaire au fond d’œil. Plusieurs études [3] ont
montré la nécessité de réaliser préalablement un scanner
¶ Conclusion 6
cérébral dans ces situations. Chez ces patients, la ponction
lombaire peut provoquer une herniation de l’uncus (engage-
ment cérébral) et le décès.
• Risque hémorragique avéré ; troubles de la coagulation ou
patient recevant une anticoagulothérapie.
• Infection du site de ponction (mal de Pott).
Médecine d’urgence 1
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences
2 Médecine d’urgence
Ponctions aux urgences ¶ 25-010-F-20
Céphalées postponction lombaire Les ponctions thérapeutiques ont pour but de soulager la
dyspnée associée à un épanchement pleural. Les ponctions
Elles sont généralement fronto-occipitales, soulagées quand le
pleurales à visée thérapeutique nécessitent le retrait d’un plus
patient s’allonge, débutant quelques heures à quelques jours
grand volume de liquide pleural.
après la ponction lombaire et pouvant durer jusqu’à quelques
semaines [5].
La prévention des céphalées postponction lombaire repose sur Contre-indications [13]
l’utilisation d’aiguilles d’un diamètre inférieur ou égal à
Les contre-indications de la ponction pleurale sont davantage
24 Gauges (G). L’utilisation d’aiguille de petit diamètre (22-
relatives. Il est habituel de citer les troubles de l’hémostase
26 G) et atraumatiques réduit l’incidence de la céphalée post-
constitutionnels ou acquis avec risque hémorragique (sans seuil
ponction lombaire. Celle-ci est d’environ 35 % avec une aiguille
défini), un très faible volume de l’épanchement exposant au
standard de 20 G, de 5 % avec une aiguille atraumatique de
risque de pneumothorax, une infection cutanée en regard du
22 G et de 1 % avec une aiguille atraumatique de 25 G [5].
point de ponction. La ventilation mécanique ne constitue pas
La prévention repose également sur la remise en place du
une contre-indication absolue. La décision de ponction dépend
mandrin avant le retrait de l’aiguille [8].
avant tout de son implication dans la stratégie thérapeutique.
Le traitement de la céphalée postponction lombaire repose
sur la prescription d’antalgiques et d’anti-nauséeux [2]. L’hyper-
hydratation post-PL ne semble pas diminuer l’incidence des Préparation
céphalées [9]. Le repos au lit après ponction ne prévient pas la
survenue de céphalées et serait responsable de lombalgies [10]. La Le plateau pour la ponction pleurale devrait contenir les
technique du « blood-patch » (15 à 20 ml de sang autologue éléments suivants [12] :
dans l’espace extradural adjacent au site de ponction) est • trocart métallique de plèvre ;
réservée au syndrome postponction lombaire prolongé. Cette • aiguilles à ponction pleurale à mandrin mousse pour franchir
technique sera réalisée par un anesthésiste, elle est efficace chez la plèvre pariétale ;
90 % des patients ; cette efficacité atteint 98 % si le « blood- • bistouri ;
patch » est répété chez les patients faiblement répondeurs • seringues de 2, 10 et 20 ml ;
initialement [11]. • aiguilles jetables ;
• une pince hémostatique courbe ;
Tumeur épidermoïde intrarachidienne • un robinet « trois voies » ;
Elle résulte de l’introduction de fragments épidermiques dans • trois tubes de prélèvement stériles ;
le canal rachidien, les symptômes les plus fréquents sont la • deux champs 50 × 50, un champ troué.
dorsalgie et des douleurs des membres inférieurs qui peuvent
apparaître quelques mois après la ponction lombaire. Positionnement du patient [10, 14]
Hématome sous-dural rachidien De préférence, le malade sera assis au bord du lit, les pieds
reposant sur un tabouret et les coudes appuyés sur un oreiller
Cette complication a été rapportée chez des patients ayant
posé sur une table de chevet. Cette table doit être placée assez
une thrombopénie chez lesquels une ponction lombaire était
haut de manière à permettre au malade de bien s’appuyer sur
réalisée. Les symptômes de l’hématome sous-dural rachidien
ses avant-bras et de dégager les omoplates qui sont alors
sont une faiblesse et une perte de sensibilité au niveau des
déplacées en latéral.
membres inférieurs ; certains patients peuvent avoir une
dysfonction vésicale. La soustraction de grandes quantités de On peut également pratiquer la ponction en décubitus latéral,
LCR chez les sujets âgés peut également être responsable d’un l’épanchement localisé vers le bas et le dos au bord du lit (le site
hématome sous-dural rachidien. Celui-ci sera prévenu en évitant de ponction dans cette position sera la ligne axillaire postérieure
la ponction lombaire chez les patients présentant une thrombo- au niveau de la partie déclive). Une autre alternative est de
pénie, sous anticoagulants ou ayant une coagulopathie. placer le patient en décubitus dorsal, la tête surélevée le plus
possible (dans cette position le site de ponction se situe au
Hématome extra-dural rachidien niveau de la ligne axillaire moyenne). Dans ces deux positions,
le niveau de l’épanchement sera repéré cliniquement par la
C’est une complication très rare de la ponction lombaire, les matité à la palpation.
cas rapportés étaient des patients recevant un traitement
anticoagulant ou présentant une dysfonction hépatique sévère.
Cet hématome est généralement dû à une déchirure de la veine Repérage
épidurale antérieure.
La hauteur de l’épanchement est repérée cliniquement par la
Infection matité à la percussion.
La radiographie pulmonaire n’est pas fiable pour évaluer le
Elle est due à une mauvaise préparation de la peau ou à la
niveau d’un épanchement, celui-ci variant avec la respiration et
réalisation d’une ponction lombaire chez un patient présentant
la position du malade [12].
une infection cutanée.
Le repérage échographique est une alternative élégante pour
Au cours de la ponction, une hémorragie par plaie vasculaire
ceux qui disposent d’un échographe aux urgences et sont
ou une douleur intense à type décharge électrique secondaire à
familiarisés avec la technique ; celle-ci est d’apprentissage aisé et
la ponction d’une racine nerveuse peuvent survenir.
devrait pouvoir se généraliser dans les années à venir.
Dans tous les cas, le niveau inférieur à ne pas dépasser est le
■ Ponction pleurale 8e espace intercostal postérieur. Le site de ponction se situe au
niveau de la ligne médiane passant par la pointe de l’omoplate
ou le long de la ligne axillaire postérieure.
Indications [12] Les ponctions pleurales sont habituellement pratiquées
La ponction pleurale aux urgences peut être réalisée dans un environ deux à trois espaces intercostaux sous la pointe de
but diagnostique ou thérapeutique. l’omoplate [14]. En pratique, la ponction est réalisée entre le 4e
La ponction diagnostique recherche la cause d’un épanche- et le 6e espace intercostal sur la ligne axillaire moyenne ou
ment et nécessite le retrait de 50 à 100 ml de liquide pleural qui postérieure.
sera analysé. Dans de très rares cas, il est possible de ponctionner la région
La plupart des épanchements pleuraux d’apparition récente antérieure du thorax. Un repérage préalable par des clichés
nécessiteront une ponction diagnostique, à l’exception de ceux radiologiques en oblique, une tomographie axiale, ou encore
pour lesquels le diagnostic est certain. une échographie est indispensable.
Médecine d’urgence 3
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences
■ Ponction d’ascite
Indications
La ponction exploratrice associée à l’interrogatoire et l’exa-
men clinique est la méthode la plus rapide pour diagnostiquer
la cause d’une ascite. Plusieurs études ont montré la sûreté de
cette procédure [15, 16].
Les indications de ponction exploratrice concernent tous les
patients présentant un premier épisode d’ascite ainsi que tous
les patients ayant une ascite admis à l’hôpital. Ce geste sera
réalisé dès les urgences lorsque s’associent à l’ascite des signes
d’infection comme douleur abdominale, fièvre, encéphalopa-
Figure 2. Ponction pleurale sur la ligne axillaire moyenne. thie, ictère, hypotension artérielle, élévation de la créatininémie,
acidose, hyperleucocytose [17].
Certains auteurs préconisent une ponction exploratrice
Préparation du site et anesthésie systématique chez tout patient cirrhotique admis aux urgences
Après s’être lavé les mains, le médecin met un masque et des ayant une ascite en raison de la faible sensibilité des critères
gants. La peau est lavée puis un antiseptique iodé est appliqué. cliniques et biologiques de l’infection spontanée du liquide
Une anesthésie locale est alors réalisée avec de la lidocaïne à d’ascite [18].
1 %. La peau, les tissus sous-cutanés et les muscles intercostaux
sont anesthésiés. L’aiguille est poussée jusqu’à la plèvre parié- Technique
tale. Au moment de perforer la plèvre, une légère résistance est
rencontrée. Une fois parvenu dans l’espace pleural, un peu de Le patient est positionné en décubitus dorsal. Le point de
liquide est aspiré, confirmant la pertinence du trajet. ponction se situe au niveau du tiers externe de la ligne reliant
l’ombilic à l’épine iliaque antéro-supérieure gauche (Fig. 3A). Il
faut éviter les vaisseaux et ne pas insérer l’aiguille trop près
Insertion de l’aiguille et prélèvement .6
4 Médecine d’urgence
Ponctions aux urgences ¶ 25-010-F-20
Contre-indications
Les contre-indications à la ponction d’ascite sont exception-
nelles. Il s’agit de fibrinolyse primaire ou de coagulation
intravasculaire disséminée entraînant une hémorragie clinique-
ment évidente.
Les troubles de la coagulation retrouvés chez la plupart des
patients cirrhotiques ne constituent pas une contre-indication à
la ponction. Il n’y a pas de limite des paramètres de la coagu-
lation au-delà de laquelle on ne peut pas ponctionner [15, 16].
Complications
Les complications surviennent dans moins de 1 % des cas
(hématome de la paroi abdominale ou fuite du liquide d’ascite
.
postponction). Les complications plus sérieuses (hémopéritoi-
nes, perforations intestinales par l’aiguille à ponction) sont
exceptionnelles (inférieures à 1/1000 paracentèses) [22].
Médecine d’urgence 5
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences
Une variante médiale est possible. L’aiguille est dirigée en [4] Thomas SR, Jamieson DR, Muir KW. Randomised controlled trial of
dehors et légèrement vers l’avant en suivant le condyle médial. atraumatic versus standard needles for diagnostic lumbar puncture.
L’innervation locale plus riche rend la ponction plus BMJ 2000;321:686-90.
douloureuse. [5] Sharma A. Preventing headache after lumbar puncture. BMJ 1998;317:
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Voie antérieure [6] Ellenby MS, Tegtmeyer K, Lai S, Braner DA. Videos in clinical
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Le patient est en décubitus dorsal, genou fléchi à 90° ou assis [7] Simon RR, Brenner BE. In: Emergency procedures and technique.
jambes pendantes. La ponction s’effectue 1,5 cm en dessous de Neurosurgical procedures. Philadelphia: Lippincott-Williams and
la pointe de la patella et 1,5 cm en dehors du tendon rotulien. Wilkins; 1994; p. 167-74.
L’aiguille est dirigée en dedans vers l’échancrure intercondy- [8] Deibel M. Reinsertion of the stylet prior to needle removal in diagnostic
lienne. Cette voie peut être intéressante, au décours d’un lumbar puncture. http://www.bestbets.org.
traumatisme, lorsque la position antalgique est en flexum [25]. [9] Evans R, Armon C, Frohman E. Assessment: prevention of post lumbar
En revanche, la cavité articulaire est parfois difficile d’atteinte puncture headaches: report of the therapeutics and technology
du fait de l’interposition du corps adipeux de Hoffa. assessment subcommittee of the American Academy of Neurology.
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Indications [11] Muldoon T. Lumbar puncture and headache. Obtaining fluid samples
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La ponction articulaire est indiquée pour confirmer le BMJ 1998;316:1018.
diagnostic d’arthrite septique, inflammatoire, microcristalline ou [12] Roberts JR, Hedges JR. Clinical procedures in emergency medicine.
l’existence d’une hémorragie généralement post-traumatique. Philadelphia: WB Saunders; 2006.
L’évacuation d’une hémarthrose post-traumatique, tendue, [13] Lemarié E, Abou-Hamdan K, Belleguic C, Bohadana A, Bonnaud F,
douloureuse doit être réalisée en urgence. Bréchot JM, et al. La pneumologie fondée sur les preuves. Paris:
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Contre-indications [14] Gauttier JJ, Balduc P, Carmier Y, Nadeau P. Pneumologie clinique.
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cuation d’une hémarthrose est indiquée. [16] McVay PA, Toy PT. Lack of increased bleeding after paracentesis and
Une fracture du genou constitue une contre-indication thoracentesis in patients with mild coagulation abnormalities. Transfu-
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que, le risque d’inoculation expose à des complications [17] Such J, Runyon BA. Spontaneous bacterial peritonitis. Clin Infect Dis
redoutables. 1998;27:669-76.
[18] Lafond P, Viallon A, Zeni F, Tardy A, Da Costa A, Page Y, et al. Justi-
fication de la ponction d’ascite systématique chez le patient cirrhotique
admis aux urgences. Presse Med 1995;24:531-3.
■ Conclusion [19] Herrine S, Runyon BA. Paracentesis. In: Merli GJ, Di Marino AJ,
editors. The clinics atlas of offıce procedures. Philadelphia: WB
Le recours aux ponctions est souvent d’une grande utilité tant Saunders; 1999. p. 285.
sur le plan diagnostique que thérapeutique. L’efficacité et [20] Shaheen NJ, Grimm IS. Comparison of the Caldwell needle/cannula
l’innocuité du geste passent par un respect des indications et with Angiocath needle in large volume paracentesis. Am J Gastro-
des contre-indications et une maîtrise parfaite des techniques enterol 1996;91:1731-3.
recommandées. Seule la rigueur protège le praticien d’éventuel- [21] Nazee SR, Dewbre H, Miller AH. Ultrasound-assisted paracentesis
les complications. performed by emergency physicians vs the traditional technique: a
.
prospective, randomized study. Am J Emerg Med 2005;23:363-7.
[22] Webster ST, Brown KL, Lucey MR, Nostrant TT. Hemorrhagic com-
■ Références plications of large volume abdominal paracentesis. Am J Gastroenterol
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[1] Ponction lombaire. http://www.mcgill.ca/emergency/links. [23] Boyer T, Legré V. Infiltration et ponction du genou. Rev Rhum Mal
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Paris: Arnette; 2000. [24] Boyer T, Hamadmad S. Les infiltrations intra-articulaires sont-elles
[3] Steigbigel NH. Computed tomography of the head before a lumbar toujours intra-articulaires? Rhumatologie 1998;50:127-30.
puncture in suspected meningitis- is it helpful? N Engl J Med 2001;345: [25] Brenner S. Orthopedic procedures. In: Emergency procedures and tech-
1768-70. niques. Baltimore: Williams and Wilkins; 1994.
M. Raphaël (mraphael@ch-montfermeil.fr).
E. Zamparini.
B. Chinardet.
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier, 93370 Le Raincy-Monfermeil, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Raphaël M., Zamparini E., Chinardet B. Ponctions aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-F-20, 2007.
6 Médecine d’urgence
25-010-G-10
En médecine d’urgence, la douleur aiguë est une réalité qui concerne la majorité des patients. Il est admis
que sa prise en charge est une urgence du fait de ses effets potentiellement délétères. Cette prise en
charge doit être individualisée, c’est-à-dire adaptée à la douleur, au patient et à la pathologie causale.
L’évaluation de la douleur et la mesure de son intensité sont indispensables à une bonne prise en charge
mais doivent être adaptées à chaque patient. La prise en charge de la douleur repose sur la multimodalité,
utilisant des moyens pharmacologiques et non pharmacologiques, avec notamment un accompagnement
et une attitude empathique du soignant. La morphine est un antalgique majeur dont l’utilisation pourrait
être davantage étendue moyennant des procédures précises et une formation adéquate des soignants.
Par ailleurs, les douleurs des soins et des gestes doivent être anticipées. Certains gestes nécessitent une
réelle sédation qui doit être parfaitement maîtrisée par les équipes soignantes afin de limiter le risque
d’effets indésirables.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan cas [2] . Aux urgences pédiatriques, dans un travail un peu ancien,
l’incidence était 69 %, avec 48 % de douleurs intenses chez les
■ Introduction 1 enfants de plus de 4 ans [3] . En médecine d’urgence extrahospita-
lière, l’incidence est un peu plus faible (de l’ordre de 40 %), avec
■ Prise en charge de la douleur 1
des douleurs intenses à sévères chez plus de 60 % des patients,
Douleur 1
aussi bien chez les enfants que chez les adultes [4–6] .
Pathologie 3
Malgré cette fréquence élevée et cette sévérité, toutes les études
Patient 3
concordent pour montrer que la prise en charge de la douleur
Contexte 3
aux urgences est inadaptée. Guéant et al. ont montré que 30 %
■ Traitement 3 des patients avec une douleur sévère ne recevaient aucun traite-
Principes du traitement antalgique 4 ment [2] .
Multimodalité 4 Or, la douleur aiguë est associée à des complications graves
Titration 5 en lien avec le stress (complications cardiovasculaires et respira-
Entretien de l’analgésie 5 toires), à des modifications de la perception nociceptive lors de
Douleurs dues à la réalisation d’un geste en urgence 5 stimulations ultérieures ou à une chronicisation [7–10] . Il semble
■ Antalgiques disponibles en médecine d’urgence 6 dès lors évident qu’elle doit être rapidement et efficacement prise
Antalgiques non opioïdes 6 en charge.
Opioïdes 7
Kétamine et « analgésie » 8
Analgésie locale et locorégionale 8 Prise en charge de la douleur
■ Analgésie-sédation procédurale 9
■ Traitement non médicamenteux 9 La prise en charge de la douleur aiguë doit prendre en compte
Moyens physiques 9 quatre éléments : la douleur, la pathologie, le patient et le contexte
Approche psychologique 10 dans lequel elle se manifeste.
■ Conclusion 10
Douleur
Pour l’International Association for the Study of Pain (IASP),
Introduction « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désa-
gréable liée à un dommage tissulaire réel ou potentiel, ou décrite
L’incidence de la douleur aiguë aux urgences est de 60 à 80 %. en ces termes » (1979). Cette définition exprime bien le fait qu’il
C’est la raison principale de consultation pour près de 80 % des y a bien sûr des éléments neurologiques liés à la stimulation noci-
patients adultes [1] . Cette douleur est sévère dans plus de 40 % des ceptive à l’origine de la sensation de douleur. Mais il y a aussi des
Tableau 1.
Questionnaire de diagnostic d’une douleur neuropathique.
Question 1 : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes ? Oui Non
1. Brûlure
2. Sensation de froid douloureux
3. Décharges électriques
Question 2 : la douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ?
4. Fourmillements
5. Picotements
6. Engourdissements
7. Démangeaisons
Question 3 : la douleur est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence :
8. Hypoesthésie au tact ?
9. Hypoesthésie à la piqûre ?
Question 4 : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par :
10. Le frottement a ?
a [13]
Parmi ces dix items, la présence d’au moins quatre permet de suspecter une douleur neuropathique .
éléments propres à chaque individu intégrant son comportement, en fonction de l’intensité ressentie. L’autre face est réservée au
son niveau d’anxiété et ses expériences douloureuses antérieures. soignant et est graduée de 0 à 100 mm, ce qui permet de chif-
Cette part émotionnelle signe la nécessité d’avoir une approche frer ce que le patient a indiqué avec le curseur. Un des intérêts
personnalisée de la douleur. revendiqués de cette échelle est que le patient n’a pas de chiffre
à mémoriser. Cela permet de répéter les mesures indépendam-
Mécanismes de la douleur ment les unes des autres, a priori. Cette échelle est fiable et
reproductible, comme l’ont démontré Bijur et al. [17] . Son utili-
La prise en charge prend en compte la douleur elle-même, c’est- sation est simple et faisable dans plus de 80 % des cas en situation
à-dire son mécanisme et son intensité. En médecine d’urgence, le d’urgence [18, 19] .
mécanisme est essentiellement nociceptif, secondaire à une réac- Par ailleurs, c’est avec cette même échelle que Todd et al. ont
tion inflammatoire, un traumatisme ou une lésion viscérale [11] . démontré qu’une variation moyenne de 13 mm était associée à
Cependant, dans près de 20 % des cas, il peut y avoir un méca- un changement cliniquement perceptible de l’intensité de la dou-
nisme neurogène [12] . Cela peut avoir des conséquences en termes leur [20] .
de traitement et il est utile d’y penser, notamment devant un Échelle numérique. Le patient doit définir son niveau de dou-
échec thérapeutique. Pour faire le diagnostic de douleur neuro- leur entre 0 et 10 tel que : « 0 correspond à l’absence de douleur
pathique, il faut utiliser l’échelle DN4 [13] (Tableau 1). Il a été et 10 à la douleur la pire imaginable ». Cette échelle est fiable,
récemment démontré aux urgences que, lors d’une douleur de ne nécessite pas d’outil particulier et est réalisable dans 96 % des
mécanisme neurogène d’intensité sévère, la morphine pouvait cas [18] . Par ailleurs, l’EN a une forte corrélation avec l’EVA [18, 21] .
être efficace [14] .
Échelle verbale simple. Il s’agit d’une échelle proposant au
patient cinq items : pas de douleur ; douleur légère ; douleur modé-
Mesure de l’intensité de la douleur rée ; douleur intense ; douleur horrible. L’item choisi est rattaché
La mesure de l’intensité de la douleur est indispensable à une ensuite par le soignant à un chiffre entre 0 à 4, respectivement de
analgésie adaptée. En réanimation, la simple évaluation de la dou- « pas de douleur » à « douleur horrible ».
leur était associée à une diminution de la durée de ventilation Cette échelle a le grand avantage d’être très simple, facile
mécanique et de séjour en réanimation. Cette évaluation permet- à comprendre et reproductible avec un taux de faisabilité de
tait en effet de proposer une analgésie adaptée au patient et surtout 89 % [18] . Elle a le défaut d’être peu sensible puisque offrant une
de limiter l’usage inutile de sédatifs [15] . faible amplitude de réponses.
La puissance des antalgiques utilisés et les modalités de mise en En pratique, l’EN est privilégiée. Si elle n’est pas comprise, il
place dépendront de l’intensité de la douleur. La consommation faudra essayer l’EVA puis l’EVS. Au total, tous les patients com-
de morphine nécessaire pour soulager la douleur est corrélée, fai- municants pourront être évalués.
blement mais positivement, à l’intensité initiale de la douleur [16] . Classification de l’intensité de la douleur et objectif théra-
La mesure de l’intensité de la douleur est donc une étape essen- peutique. L’intensité de la douleur est catégorisée selon trois
tielle avant la mise en place d’un traitement ainsi que pour le suivi niveaux :
de son efficacité. Cependant, l’outil de mesure doit être adapté au • EVA ≤ 30 ou EN ≤ 3 ou EVS = 1-2 : douleur faible ;
patient. • EVA > 30 ou EN > 3 ou EVS = 3 : douleur modérée à intense ;
• EVA ≥ 60 ou EN ≥ 6 ou EVS = 4 : douleur sévère.
Autoévaluation Cela permet aussi de se donner un objectif thérapeutique en
Contrairement à la douleur chronique pour laquelle des moda- définissant un niveau de soulagement : EVA ≤ 30 ou une EN ≤ 3
lités d’évaluation multidimensionnelles sont indispensables, des ou une EVS < 2.
échelles unidimensionnelles sont efficaces et a priori suffisantes Autoévaluation chez les enfants. Comme pour les adultes,
pour les douleurs aiguës. l’autoévaluation doit être privilégiée chez l’enfant. Il est évident
Il faut privilégier l’autoévaluation. Aucun signe clinique ou que cela va dépendre de son âge. À partir de 3 ans, les enfants
comportemental ne permet d’apprécier aussi précisément le sont potentiellement capables de différencier des niveaux de gran-
niveau de douleur que le patient lui-même. Pour le patient adulte, deur. Mais plus ils sont jeunes, plus le niveau de réponse est
trois échelles ont été validées en médecine d’urgence : l’échelle binaire. Avant l’âge de 8 ans, les enfants favorisent les extrêmes
visuelle analogique (EVA), l’échelle numérique (EN) et l’échelle puisque entre 4 et 7 ans, 35 % d’entre eux favorisent des intensités
verbale simple (EVS). extrêmes de la douleur contre 4 % entre 8 et 12 ans [22] .
Échelle visuelle analogique. L’EVA est une règle à deux faces À partir de 4 ans pour certains enfants, et plus sûrement à partir
qui doit être présentée horizontalement au patient. Une face est de 6 ans, il est recommandé d’utiliser l’EVA, présentée vertica-
réservée au patient et il y est inscrit à chaque extrémités sans lement [23] . Cependant, entre 4 et 6 ans, les experts de la Haute
aucune autre indication : « aucune douleur » et « pire douleur ima- Autorité de santé recommandent d’y associer l’échelle modifiée
ginable ». Il va positionner un curseur entre ces deux extrémités des visages.
Tableau 2.
Échelle Algoplus a .
Oui Non
1. Expression faciale : froncement des sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées, visage figé
2. Regard : inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs, yeux fermés
3. Plaintes : « aie/ouille », « j’ai mal », gémissements, cris
4. Corps : retrait ou protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées
5. Comportements : agitation, agressivité, agrippement
Total de oui sur 5
a
Cocher Oui ou Non en fonction de la présence ou non de chacun des items, sans a priori. Le seuil thérapeutique est de 2/5.
Échelle modifiée des visages. Cette échelle représente six forts. Cependant, pour certaines pathologies, une douleur aiguë
visages, du neutre au très grimaçant. C’est l’enfant qui choisit sévère peut être efficacement soulagée avec un antalgique de
le visage correspondant le mieux à la douleur qu’il ressent [24] . « palier 1 ». C’est le cas des coliques néphrétiques pour lesquelles
L’instruction doit être : « Ce sont des personnes qui ont mal, les AINS sont les antalgiques de première intention. C’est le cas
montre-moi le visage qui a autant mal que toi. » aussi des crises migraineuses, efficacement soulagées par les AINS
Attention, cette échelle ne sert pas de comparatif entre les ou des algies vasculaires de la face dont l’analgésie repose sur
visages de l’échelle et le visage de l’enfant ! Cette modalité l’administration d’un triptan et/ou l’oxygénothérapie.
d’utilisation n’a aucune validité.
Une variation d’un visage entre deux mesures est considérée Patient
être une différence significative. Cette échelle peut être utilisée
seule à partir de 6 ans. Les conditions physiologiques et/ou pathologiques du patient
Chez les plus petits, entre 3 et 4 ans, on peut proposer l’échelle vont déterminer aussi la nature des antalgiques et les modalités
des jetons de poker (poker chip tool) dans la mesure où ils sont de leur utilisation (contre-indications, adaptation de posologie,
capables de différencier plusieurs niveaux d’intensité. Quatre etc.). Chez les patients âgés, voire très âgés, il faut être très pru-
jetons sont présentés à l’enfant avec l’instruction suivante : dent, particulièrement s’il y a des signes de fragilité (dénutrition,
« Chaque jeton représente un morceau de ta douleur. Prends dépendance, comorbidités) [28] . Une étude faite en postopératoire
autant de jeton que tu as de douleur. Quatre jetons, c’est la douleur a montré que les patients âgés (65 ans et plus) n’avaient pas
la plus forte que tu peux avoir » (seuil de traitement : 2 jetons). moins mal que les plus jeunes et que la dose moyenne de mor-
phine titrée nécessaire pour les soulager n’était pas non plus
Hétéroévaluation
différente [29] . En clair, il faut probablement limiter la prescrip-
Aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, il est des situations tion d’AINS chez les plus âgés (altération physiologique de la
dans lesquelles l’autoévaluation est impossible à réaliser. Chez fonction rénale, augmentation du risque d’hémorragie) et adap-
l’adulte, cela concerne le plus souvent des patients âgés incapables ter les modalités de titration de morphine chez les plus fragiles.
de communiquer, que ce soit du fait de troubles cognitifs ou d’une Les patients très âgés (de plus 85 ou 90 ans), pour lesquels il
complication neurologique les empêchant de verbaliser (consé- n’y a quasiment pas de littérature, et les patients non commu-
quences d’un accident vasculaire cérébral, par exemple) [25] . Chez nicants font parties de cette catégorie. Devant une suspicion de
l’enfant, cela concerne évidemment les plus petits mais aussi des douleur intense chez un patient âgé fragile et/ou incapable de
enfants plus âgés qui ne comprennent pas les échelles. communiquer verbalement, la morphine peut être administrée
Les deux échelles comportementales concernées sont Algoplus mais sous certaines conditions. Ce n’est certainement pas une
pour les personnes âgées non commmunicantes et EVENDOL contre-indication mais l’administration doit être prudente. Par
(évaluation enfant douleur) pour les enfants de 0 à 7 ans. exemple, chez des patients non communicants, on peut propo-
Algoplus. Cette échelle comportementale a été validée pour ser d’injecter 0,5 à 1,5 mg par voie intraveineuse de morphine,
une population de patients âgés de 65 ans et plus incapables de avec une surveillance rapprochée, et d’évaluer l’évolution du score
communiquer verbalement [25] . Il s’agit de l’exploration de cinq d’Algoplus (test thérapeutique).
groupes d’items liés à l’observation du patient, la présence de deux Lors de la grossesse, de nombreux antalgiques sont contre-
items signant une douleur (Tableau 2). indiqués ou à éviter, en fonction du terme. Le site du Centre de
Il n’existe pas d’échelle comportementale validée permettant référence des agents tératogènes doit être consulté régulièrement
l’évaluation d’une douleur aiguë en médecine d’urgence chez pour s’informer sur l’évolution des connaissances sur ce sujet [30] .
les adultes jeunes non communicants (patients psychotiques par Le Tableau 4 synthétise l’utilisation possible des différents antal-
exemple). giques pendant la grossesse et l’allaitement (2014).
EVENDOL. Il s’agit d’une échelle comportementale spécifi-
quement construite pour évaluer la douleur aiguë des enfants de
0 à 7 ans aux urgences [26] . Elle est basée sur l’évaluation de cinq Contexte
items cotés de 0 à 3 en fonction de l’importance de la présence
La mise en place de protocoles antalgiques doit tenir compte des
du signe analysé. Cette évaluation doit se faire à trois temps dif-
particularités locales. Par exemple, l’administration de morphine
férents, au repos (avant de toucher l’enfant), lors de l’examen ou
par voie intraveineuse nécessite une logistique spécifique pour que
lors de la mobilisation et après traitement antalgique. EVENDOL
la surveillance soit efficace. Lors de la titration intraveineuse, la
a été validée aussi en médecine d’urgence extrahospitalière. Les
surveillance doit se faire toutes les cinq minutes.
résultats sont en cours de publication (2015) [27] (Tableau 3).
En cas de survenue d’un effet indésirable grave comme une
dépression respiratoire, il faut mettre rapidement en place une
Pathologie procédure spécifique comprenant l’alerte, l’oxygénothérapie et
la préparation de naloxone. Tout cela n’est possible qu’en pré-
L’Organisation mondiale de la santé avait classé l’intensité des sence d’un personnel soignant disponible et formé. Dans le cas
douleurs chroniques cancéreuses en trois paliers d’importance contraire, il n’est pas possible de proposer ce type de traitement.
croissante auxquels correspondaient des antalgiques de plus en
plus puissants. Les antalgiques du palier 1 comprenaient le paracé-
tamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l’aspirine et Traitement
maintenant le néfopam, ceux du palier 2 le tramadol et la codéine.
On pourrait y placer le mélange équimolaire d’oxygène et de pro- Les approches antalgiques et diagnostiques doivent être simul-
toxyde d’azote (MEOPA). Au palier 3, on retrouvait les opioïdes tanées. Il a été clairement démontré qu’une analgésie précoce
Tableau 3.
Critères pour l’évaluation de l’échelle EVENDOL (évaluation enfant douleur) (seuil thérapeutique : 4/15) [26] .
Absent Faible ou Moyen ou la Fort ou quasi Évaluation à l’admission Évaluations suivantes
passager moitié du temps permanent et/ou après analgésie
Repos Lors de R/M R/M
l’examen ou de
la mobilisation
Expression verbale : pleure 0 1 2 3
et/ou crie et/ou gémit et/ou
dit qu’il a mal
Mimiques : front plissé 0 1 2 3
et/ou sourcils froncés et
/ou bouche crispée
Mouvements : s’agite et/ou 0 1 2 3
se raidit et/ou se crispe
Positions : attitude 0 1 2 3
inhabituelle et/ou
antalgique, se protège
et/ou reste immobile
Interaction avec Normal Faible Très faible Absent
l’environnement : peut être 0 1 2 3
consolé et/ou s’intéresse
aux jeux et/ou
communique avec
l’entourage
Remarques Total/15
Date et heure
Signature
Tableau 4.
Utilisation des antalgiques pendant la grossesse et l’allaitement (d’après [30] ) (à consulter régulièrement).
Nombre de SA 0–12 13–20 21–36 > 37 Allaitement
Antalgiques
Paracétamol Oui Oui Oui Oui Oui
Néfopam Possible Possible Possible Oui Oui < 48 h post-partum, au-delà,
suspendre l’allaitement
Codéine Oui Oui Oui Risque de sevrage du nouveau-né Oui
Morphine Oui Oui Oui Risque de sevrage du nouveau-né Oui
Corticoïdes Oui Oui Oui Oui Oui
Antidépresseurs Oui Oui Oui Imprégnation du nouveau-né
Antiépileptiques Non ? Non ? Non Non
Migraine : Oui Oui Oui Oui
– sumatriptan
– triptans
Pizotifène Non Oui Oui Oui
Antispasmodiques Oui Oui Oui Oui
Tramadol Non Oui, cure courte Oui, cure courte Oui, cure courte Suspendre allaitement si
utilisation prolongée
Aspirine Possible mais bref Possible mais bref Non Non Possible mais bref
AINS Éviter Éviter Non Non Possible
Tableau 6.
Analgésie anticipée pour des procédures douloureuses.
Procédure Traitement
Ponction veineuse (prélèvement Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
sanguin, cathétérisation veineuse) MEOPA en fonction du patient et de son état. Distraction
Ponction pour anesthésie locorégionale Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
MEOPA en fonction du patient et de son état
Lidocaine 1 % sous-cutanée sans adrénaline au point de ponction
Ponction artérielle [50] En urgence : lidocaïne 1 % en sous-cutané sans adrénaline au point de ponction
Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
Cathétérisation d’une veine centrale Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
MEOPA en fonction du patient et de son état
Lidocaïne 1 % sous-cutané sans adrénaline au point de ponction. Localisation par échographie
Ponction lombaire Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
MEOPA en fonction du patient et de son état
Prévention des céphalées postponction : aiguille fine (25 ou 26 G) ; aiguille atraumatique
(pointe-crayon) ; remise en place du mandrin avant de retirer l’aiguille
Pose d’une sonde nasogastrique [51] Repérer la narine la plus « perméable »
5 ml de lidocaïne 2 % gel dans la narine 5 min avant la pose
Patient se gargarise avec le gel quand il atteint le pharynx puis l’avale
Pose d’une sonde vésicale 5 ml de lidocaïne 2 % gel spécifique administré dans l’urètre 5 min avant le geste
Mobilisation d’un membre fracturé [46] Titration de morphine
MEOPA 5 min avant la mobilisation
Anesthésie locorégionale si possible
Sédation : kétamine 0,5 mg/kg intraveineux à renouveler si nécessaire (en l’absence de contre-indication)
Exploration et suture de plaies MEOPA
Anesthésie locorégionale
Quelques modalités antalgiques anticipatoires sont proposées à six heures [53] . Son métabolisme est hépatique et son élimina-
au Tableau 6. tion urinaire. Son mode d’action repose sur le renforcement du
contrôle inhibiteur descendant nociceptif par inhibition de la
recapture des monoamines [54] . Ses contre-indications sont dues
Antalgiques disponibles en partie à ses effets atropiniques. Les effets indésirables sont
fréquents, dépendant, notamment, de la vitesse d’injection. Ils
en médecine d’urgence sont efficacement réduits par une administration continue sur
24 heures après une dose de charge initiale administrée sur une
Antalgiques non opioïdes période d’au moins 20 minutes.
En pratique, sa posologie d’induction est de 20 mg et d’entretien
Paracétamol de 80 à 120 mg en continu par 24 heures. Plusieurs études
C’est pratiquement le seul antalgique pouvant être utilisé en cliniques ont montré que le néfopam permettait de réduire signi-
cas de douleur aiguë, sans restriction, n’ayant quasiment aucune ficativement la consommation de morphine, notamment lors
contre-indication (hormis l’insuffisance hépatocellulaire aiguë) et de la période de titration [55, 56] . L’interaction avec les AINS est
ayant un large index thérapeutique puisque sa toxicité hépatique synergique [35] . En revanche, du fait de modalité d’action similaire
est associée à des doses dépassant 100 à 150 mg/kg. Il peut être (augmentation du tonus sérotoninergique), il n’est pas recom-
utilisé seul lors de douleurs faibles ou modérées et en association mandé de l’associer au tramadol [57] .
lors de douleurs modérées à sévères. Per os, sa biodisponibilité est
de 80 %. Son délai d’action est de 15 minutes par voie intravei- Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde
neuse et de 30 minutes per os. Sa durée d’action est de quatre à d’azote
six heures. Son métabolisme est hépatique et son élimination uri- Il s’agit d’un gaz incolore, inodore et non inflammable (à tem-
naire. Sa posologie est de 1 g chez l’adulte et de 15 mg/kg chez pérature ambiante), dont l’action est analgésique, anxiolytique et
l’enfant (sans dépasser 1 g), toutes les six heures. sédative [58] . Il est classé parmi les antalgiques de palier 2 et son
intérêt principal réside dans son délai d’action (5 minutes après le
Anti-inflammatoires non stéroïdiens début de l’inhalation) et sa durée d’action (5 minutes après la fin
Ils peuvent être utilisés seuls lors de douleurs faibles ou modé- de l’inhalation). Lors de la réalisation de gestes douloureux, il a été
rées et en association lors de douleurs modérées à sévères. montré efficace, soit seul, soit en association avec d’autres antal-
Cependant, lors d’une colique néphrétique avec une douleur giques en fonction de l’intensité de la douleur provoquée [59–61] .
intense à sévère, ils peuvent être efficaces seuls. Son utilisation Par exemple, lors de soins d’ulcères de jambe chez des personnes
est limitée par un certain nombre de contre-indications et d’effets âgées, le MEOPA seul ou associé à de la morphine était plus effi-
indésirables dont certains peuvent être graves. En premier lieu, il cace que la morphine seule [61] . Aux urgences, une étude a comparé
s’agit du risque d’hémorragies digestives et d’insuffisance rénale. l’association oxycodone-MEOPA-anesthésie locale injectée dans
C’est la raison pour laquelle il faut sélectionner les patients et l’hématome à l’association oxycodone-kétamine-midazolam chez
en limiter la durée de prescription (ne pas dépasser 5 jours), les des enfants avant réduction d’une fracture de l’avant-bras [62] . Il
patients les plus vulnérables étant les personnes âgées [52] . n’y avait pas de différence significative d’intensité de la dou-
leur pendant la procédure entre les deux groupes d’enfants [62] . Le
groupe recevant du MEOPA avait eu moins d’effets indésirables et
Néfopam un réveil plus rapide.
Cet antalgique peut être utilisé seul lors de douleurs faibles ou Le MEOPA peut améliorer l’analgésie des crises vaso-occlusives
modérées et en association lors de douleurs modérées à sévères. des drépanocytaires en association avec de la morphine [63] . De
Sa biodisponibilité per os est de 36 %, son délai d’action de 15 à même, il est efficace lors de la première partie du travail de
20 minutes (par voie intraveineuse) et sa durée d’action de quatre l’accouchement [64] . Mais il est clair que, dans cette situation,
ce traitement est rapidement insuffisant. Les limites du MEOPA en titration, à la dose de 1 à 2 g/kg par voie intraveineuse toutes
résident dans ses contre-indications liées essentiellement à la les trois minutes (ou 40 à 80 g chez l’adulte) avec pour objectif
grande diffusion du protoxyde d’azote dans toutes les cavités une fréquence respiratoire supérieure à dix cycles par minute et
closes (Tableau 7). Son utilisation nécessite une formation des un score de sédation de 2 ou plus. Il faut ensuite poursuivre la
soignants et demande une collaboration du patient qui doit être naloxone (1 à 2 g/kg/h) puisque sa durée d’action n’est que de
informé. Celui-ci peut, et c’est le mieux, pratiquer une auto- 45 minutes en moyenne alors que celle de la morphine est d’au
inhalation. Au cours d’une auto-inhalation, la chute de tonus moins quatre heures.
du patient fait tomber le masque, arrêtant spontanément toute Le dropéridol (1,25 mg en intraveineux) est utilisé pour pré-
inhalation. Sur un total de 7511 procédures sous MEOPA chez venir ou traiter nausée, vomissement ou prurit. L’ondansétron
des enfants, le taux d’effets indésirables majeurs était de 0,3 % (4 mg en intraveineux) est efficace pour traiter nausée et vomis-
(désaturation, obstruction des voies aériennes supérieures, apnée, sement, soit d’emblée, soit lorsque le dropéridol est inefficace
bradycardie et sédation profonde) [65] . Tous avaient été réversibles ou contre-indiqué. La nalbuphine peut être utilisée pour traiter
dans les minutes qui suivirent l’arrêt de l’inhalation et les facteurs une rétention urinaire et le prurit secondaire à la morphine. Le
de risque associés étaient l’âge de moins de 1 an et l’association lactulose (à la dose de 10 à 30 g/j [0,25 mg/kg/j chez l’enfant])
morphine-benzodiazépine [65] . Chez les enfants les plus jeunes, il est systématiquement prescrit pour prévenir la constipation, et
faut être particulièrement attentif et cesser toute inhalation en l’oxygène est indiquée chez les patients fragiles, âgés, corona-
présence d’une sédation. Par ailleurs, il faut s’assurer que le débit riens, insuffisants respiratoires. Il n’y a aucune contre-indication
de gaz est suffisant pour alimenter le ballon dans lequel le patient à l’administration d’opioïde, exception faite de l’allergie. Cepen-
respire. dant, les prescriptions doivent être adaptées dans certaines
situations. Les doses sont réduites et/ou la durée des interdoses
augmentée en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, et chez les
Opioïdes patients âgés ayant des facteurs de fragilité.
Les différents opioïdes agonistes purs se distinguent par leur
puissance, leur délai et leur durée d’action (Tableau 8). Deux Morphine
caractéristiques importantes sont cependant partagées par tous :
La morphine est l’opioïde de référence en médecine
l’absence d’effet plafond et l’existence d’un antidote efficace, anta-
d’urgence [46] . Elle a été comparée dans ce contexte à d’autres
goniste pur des récepteurs , la naloxone.
opioïdes, comme l’alfentanil, le fentanyl ou le sufentanil, a priori
plus puissants et avec des délais d’action plus courts [66–68] . Ces
Traitement des effets indésirables études n’avaient pas pu démontrer leur intérêt par rapport à la
La naloxone est l’antidote de référence. Ses indications sont la morphine, d’autant que leur durée d’action est nettement plus
dépression respiratoire et/ou une sédation profonde, le prurit et courte. L’hydromorphone, l’oxycodone et l’hydrocodone ont
la rétention urinaire. Elle est administrée par voie intraveineuse, été évalués aux urgences et comparés à la morphine ou entre
eux [69–71] . Aucun n’a montré d’avantages particuliers.
La morphine peut être administrée par voie entérale et paren-
Tableau 7.
térale. Elle a un haut index thérapeutique, ce qui en fait le leader
Contre-indications du mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde
des antalgiques d’action centrale. Son délai d’action dépend de
d’azote (MEOPA).
la voie d’administration utilisée et ce choix dépend notamment
Emphysème du délai de soulagement désiré (Tableau 6). Pour les douleurs
Syndrome occlusif sévères en urgence, la voie intraveineuse est très rapidement effi-
Sinus et oreille moyenne inflammatoire cace, avec un taux élevé de succès puisque 50 % des patients
Pneumothorax non drainé peuvent être soulagés avec trois boli [42] . Aux urgences, le taux
Traumatisme thoracique sévère d’effets indésirables lors de la titration était de 11 % dans une
Altération de la conscience étude incluant plus de 600 patients avec une douleur sévère [42] .
Hypertension intracrânienne (HTIC) Les nausées et/ou vomissements concernaient 4 % des patients et
Traumatisme crânien non évalué avec suspicion d’HTIC
la dépression respiratoire, sans gravité dans ce cas (définie par fré-
Suspicion d’embolie gazeuse
quence respiratoire [FR] < 12 ou saturation artérielle en oxygène
Accident de plongée
[SaO2 ] < 95 % et/ou besoin en oxygène), 3 %. Le taux de sédation
Traumatisme facial sévère
Refus du patient
était de 10 %. La constipation est constante et doit être systéma-
Gaz intraoculaire pour chirurgie de moins de trois mois tiquement prévenue. Lors de la grossesse, les opioïdes passent
Anomalies neurochirurgicales récentes non expliquées la barrière placentaire. Il y a un risque théorique de dépression
Déficit en vitamine B12 non compensé respiratoire lorsque l’opioïde est administré lors du travail et de
Température inférieure à –5 ◦ C syndrome de sevrage lors d’une administration prolongée. Dans
ces situations, le nouveau-né doit être étroitement surveillé.
Tableau 8.
Caractéristiques générales des différents opioïdes utilisés en urgence.
Molécules Voies d’administration Délais d’action (min) Durées d’action (h) Équianalgésie versus Posologies initiale (mg/kg)
morphine
Morphine PO LI 30 4à6 1 0,15 à 0,25
PO LP 60 à 180 12 à 24 0,5 à 1
SC 5 à 60 4à6 0,1
IV 5 à 15 4à6 A : 2 à 3 mg/5 min
E : DC : 0,05 à 0,1 puis 0,025/5 min
Fentanyl IV 2 20 à 30 min 0,01 à 0,02
Sufentanil IV 3 20 à 40 min 0,0015
Nalbuphine IR 3à6 2 0,3
IV 2à3 A : 20 mg
SC-IM 15 à 30 E : 0,2
PO : per os ; LI : libération immédiate ; LP : libération prolongée ; SC : sous-cutanée ; IV : intraveineux ; IR : intrarectal ; IM : intramusculaire ; DC : dose de charge ; A : adulte ;
E : enfant.
La voie orale devrait être utilisée dès que possible. La morphine d’inefficacité. Les effets indésirables les plus fréquents sont des
est métabolisée par le foie pour 90 % en morphine-3-glucuronide nausées, des vomissements, un syndrome vertigineux et une séda-
(M3G) et pour 10 % en morphine-6-glucuronide (M6G). Cepen- tion. Par ailleurs, il y a un risque de syndrome sérotoninergique. Le
dant, le M6G, contrairement au M3G, est actif et a même une tramadol a été montré dans une étude réalisée en extrahospitalier
action plus puissante que la morphine [47] . En présence d’une aussi efficace que la morphine [76] .
insuffisance rénale, et en fonction de son importance, le M6G
peut s’accumuler. Il y a donc un risque de surdosage. Kétamine et « analgésie »
Les indications de la morphine sont les douleurs aiguës sévères
et les douleurs intenses, soit après échec d’une analgésie mul- Une faible dose de kétamine a des effets antihyperalgésiques par
timodale de paliers 1 et 2 bien conduite, soit en présence de antagonisation des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) au
contre-indications à certains antalgiques. La morphine est contre- niveau du système nerveux central. L’ouverture de ces récepteurs
indiquée dans les douleurs idiopathiques, la fibromyalgie, la lors d’une stimulation nociceptive persistante ou lors d’une expo-
glossodynie ou les douleurs psychogènes (dépression). Par ailleurs, sition prolongée à des doses élevées d’opioïdes est responsable
elle n’est pas recommandée dans les migraines. d’une sensibilisation neuronale [77, 78] .
La mise en place de protocoles écrits et validés par tous En pratique clinique, il a été démontré que de faibles doses (0,1
(médicaux et paramédicaux) est un préalable à l’utilisation de à 0,25 mg/kg) étaient associées à une diminution de l’intensité
morphine. Le personnel soignant doit être formé et informé quant douloureuse postopératoire et du taux d’effet indésirable dus à la
aux modalités d’administration et de surveillance. Ces protocoles morphine [55, 79, 80] . En médecine d’urgence, l’administration d’une
doivent notamment prendre en compte la particularité de certains faible dose de kétamine (de 0,2 à 0,3 mg/kg) était associée à une
patients. En effet, les modalités d’administration et de surveillance baisse significative de la consommation de morphine avec ou sans
seront très différentes s’il s’agit d’un jeune adulte en bonne santé diminution de l’intensité de la douleur [81, 82] . Après analyse de
ou d’un patient âgé non communicant. la littérature, et en attendant d’autres travaux, les indications de
Les signes d’alerte lors de la titration puis lors de l’entretien faibles doses de kétamine (0,2 mg/kg en intraveineux) pourraient
doivent être connus. être la persistance d’une douleur spontanée intense malgré une
Afin de limiter le risque de dépression respiratoire, il ne faut titration morphinique bien conduite et un risque de chronicisa-
pas associer de sédatif. Il a été montré que le midazolam (à la tion de la douleur.
dose de 0,05 mg/kg) associé au fentanyl augmentait l’incidence
des apnées et des hypoxémies [72] . Le taux de dépression respi- Analgésie locale et locorégionale
ratoire aux urgences chez les patients recevant une association
fentanyl-midazolam était de 0,5 % [73] . En médecine d’urgence, de multiples situations peuvent béné-
ficier d’une analgésie locale ou locorégionale (AL-ALR), de la
simple ponction cutanée à la mobilisation de patients traumatisés
Nalbuphine (Tableau 5) en passant par des douleurs spontanées (douleurs den-
La nalbuphine est un opioïde agoniste-antagoniste ayant la taires, d’oreilles, etc.). Dans certaines situations, comme dans les
moitié de la puissance de la morphine (Tableau 6). Son action est traumatismes thoraciques sévères, l’ALR comme la péridurale est
limitée du fait d’un effet plafond pour l’analgésie [74] . Une titration une recommandation forte puisqu’elle a un impact sur l’évolution
n’est donc pas possible avec la nalbuphine. Elle est administrée à ultérieure du patient [83, 84] .
la dose de 20 mg par voie intraveineuse (0,2 mg/kg chez l’enfant).
Son effet antagoniste est 25 fois moins puissant que celui de la Anesthésique local
naloxone et ne contre-indique pas l’utilisation de morphine en cas Tous les anesthésiques locaux sont potentiellement toxiques
d’échec sur la douleur. La nalbuphine est indiquée en cas de dou- – toxicité neurologique et cardiaque – lors d’une augmentation
leur intense à sévère, seule ou en association avec des antalgiques brutale du taux plasmatique comme après une injection acci-
de palier 1, et doit être relayée par la morphine en cas d’échec. dentelle intravasculaire [85] . Quel que soit l’anesthésique local, les
signes précoces doivent être parfaitement connus. Les effets indé-
Codéine sirables sont les mêmes pour tous les anesthésiques locaux, la
La codéine est indiquée dans les douleurs modérées en première différence réside dans la chronologie de leur apparition. Les anes-
intention, ou quand la douleur est partiellement ou non soulagée thésiques locaux bloquent réversiblement le canal sodique des
avec des antalgiques de niveau 1. Pour être active, la codéine doit axones et arrêtent ainsi la conduction nerveuse.
subir un métabolisme hépatique pour être transformée en mor- Lidocaïne
phine (2 à 10 % de la dose) par le cytochrome P450 2D6. Cette La lidocaïne offre le meilleur rapport sécurité/efficacité par rap-
enzyme a une action très lente chez certains patients (5 à 10 % de port à la ropivacaïne et la bupivacaïne. Son délai d’action est
la population caucasienne) et très rapide (forme ultrarapide) chez de cinq à dix minutes et sa durée d’action de 60 à 120 minutes.
1 à 10 %. Dans le premier cas, la codéine n’a aucune action et Ses complications sont neurologiques (convulsion, coma) et car-
dans le second il y a un risque de surdosage. Des accidents graves diaques (trouble du rythme ventriculaire) [85] . La lidocaïne existe
sont d’ailleurs survenus ces dernières années chez des enfants, sous plusieurs formes, topique (anesthésie locale des muqueuse :
tous métaboliseurs ultrarapides [75] . C’est la raison pour laquelle bouche, cavité nasale, larynx, œsophage), injectable, crème pour
le Codenfan® codéine pour enfants a été retiré en 2013. Pour les la peau, gouttes oculaires ou auriculaires. Ainsi, ses indications
formes adultes, le plus souvent associées à du paracétamol, la dose sont très larges (Tableau 6).
est de 30 à 60 mg toutes les huit heures.
Analgésie locorégionale (ALR)
Tramadol L’intérêt principal de l’analgésie et de l’anesthésie locorégionale
Le tramadol a deux mécanismes d’action, une activité opioïde est son absence de retentissement neurologique, cardiovasculaire
faible et une inhibition de la recapture des monoamines. Son ou respiratoire.
absorption est rapide, avec une biodisponibilité de 70 %. Son Par ailleurs, il faut évaluer le rapport bénéfice/risque de la tech-
métabolisme est hépatique, avec un métabolite 200 fois plus puis- nique et minimiser le risque d’interférence avec une éventuelle
sant que la molécule mère. Son élimination est urinaire. Par voie ALR ultérieure pour une intervention chirurgicale.
intraveineuse, son action est essentiellement liée à l’inhibition de Conditions de réalisation d’une analgésie
la recapture des monoamines du fait de l’absence de premier pas-
sage hépatique. La dose initiale per os est de 50 mg et, si cette
locorégionale en médecine d’urgence
première dose est insuffisante, elle peut être répétée une heure La conférence d’experts français de 2002 stipulait bien que pour
après. Les administrations sont répétées toutes les quatre à six une simple anesthésie locale, l’injection de 2 à 3 ml de lidocaïne
heures, sans dépasser 400 mg par jour. Par voie intraveineuse, ne requiert pas la mise en place d’une surveillance sophisti-
les injections peuvent être répétées toutes les 20 minutes en cas quée [86] . En revanche, pour la réalisation d’une ALR demandant
Tableau 9.
Critères permettant l’anticipation d’une douleur procédurale (ponction
Analgésie-sédation procédurale
veineuse) chez l’enfant aux urgences par une application précoce d’une
Dans un certain nombre de situations, les patients doivent être
crème anesthésiante par l’infirmière d’accueil et d’orientation [90] .
sédatés. Il s’agit dans la majorité des cas de la réalisation d’un geste
1. Intolérance digestive totale depuis plus de 24 h entraînant une douleur de durée brève mais extrêmement sévère
2. Fièvre depuis plus de 3 jours chez un enfant de moins de 2 ans pour lequel une analgésie standard (en dehors de l’ALR) est insuf-
3. Fièvre de plus de 5 jours chez un enfant de plus de 2 ans fisante. Cela concerne par exemple la réduction de fracture ou de
4. Fièvre et douleur abdominale aiguë luxation et le choc électrique externe pour réduire un trouble du
5. Fièvre et brûlures urinaires rythme cardiaque.
6. Crise drépanocytaire En situation d’urgence, deux molécules peuvent être utilisées,
7. Boiterie non traumatique la kétamine et le propofol [46] . L’utilisation de ces molécules n’est
8. Trouble du comportement
pas limitée par leur efficacité puisque celle-ci est dose-dépendante
9. Syndrome hémorragique en dehors d’une urgence vitale
mais bien par la survenue de complications respiratoires, hémo-
10. Purpura sans fièvre
dynamique ou d’une perte du réflexe de protection des voies
11. Hypothermie
12. Hypotonie
aériennes supérieures. La revue générale de 11 études sur la kéta-
13. Convulsion mine a confirmé son efficacité au prix d’un taux d’agitation au
14. Crise d’asthme sévère sans détresse vitale réveil non négligeable (6 à 19 %) [91] . Le délai d’action de la kéta-
15. Malaise chez un enfant de moins de 1 an mine est inférieur à une minute et sa durée d’action de 10 à
16. Enfant envoyé par le médecin généraliste pour évaluation 15 minutes. La ventilation peut être altérée chez 6 % des patients
ayant une sédation modérée et une dépression respiratoire peut
survenir immédiatement après une injection intraveineuse de
kétamine [92–95] . Chez l’enfant, à propos de 8282 procédures, les
des volumes d’anesthésique local plus importants, il est indispen-
facteurs associés à la dépression respiratoire (3,9 %) étaient un âge
sable de mettre en place des précautions qui assurent la sécurité du
inférieur à 2 ans ou supérieur à 13, une dose initiale supérieure
patients, c’est-à-dire une voie veineuse et une surveillance adap-
à 2,5 mg/kg, ou totale supérieure à 5 mg/kg, la coadministration
tée avant la réalisation du bloc [86] . Avant la réalisation du bloc,
d’un anticholinergique et la coadministration d’une benzodiazé-
il faut faire un examen neurologique précis, à la recherche de
pine [95] . Dans la même cohorte, l’incidence des vomissements
lésions nerveuses. Les contre-indications classiques de ces tech-
était de 8,4 % [96] . Le risque d’effet indésirable et leur intensité
niques doivent être respectées (allergie, infection locale, troubles
augmentent avec la dose et la vitesse d’injection. La relation
majeurs de l’hémostase).
entre concentration plasmatique et effets psychodysleptiques est
linéaire, entre 50 et 200 mg/ml [97] . Les contre-indications et les
Analgésies locorégionales indiquées en médecine effets indésirables doivent être connus.
d’urgence Quant au propofol, son utilisation est délicate du fait de
ses effets hémodynamiques (hypotension artérielle), respiratoires
La réalisation d’une ALR est limitée par la possibilité de faire
(hyponée et apnée) et la perte de la protection des voies aériennes
un repérage ou non des éléments nerveux recherchés. Les deux
supérieures. Le taux d’effets indésirables avec le propofol aux
techniques utilisées sont la neurostimulation et l’échographie.
urgences lors de la réalisation d’un geste douloureux est de 5 %,
Cependant, un certain nombre de blocs peut être réalisé sans ces
avec une hypoxémie dans 5 à 30 % des cas [98] .
moyens et sans risque comme le bloc iliofascial (BIF) pour le nerf
Les avantages principaux sont un délai d’action de 45 à 60
fémoral. Ce bloc est indiqué pour les fractures du fémur et les
secondes, et une durée d’action de cinq minutes [98–100] . Le taux de
atteintes du genou. Le BIF, dans ce contexte, a été montré simple,
dépression respiratoire, détectée par l’augmentation de dioxyde
efficace et sans complication majeure [87] . Il faut cependant une
de carbone (CO2 ) expiré, était de 64 % chez des patients recevant
aiguille adaptée, à biseau court, pour repérer les fascias.
de la kétamine et 40 % chez ceux recevant du propofol [101] .
Les blocs du pied peuvent être réalisés pour la prise en charge
Les recommandations formalisées d’experts (RFE) proposent
de plaies (exploration, suture, extraction de corps étrangers). À ce d’utiliser la kétamine, après titration de morphine bien conduite,
niveau, cinq branches peuvent être bloquées, certains blocs néces- à la dose de 0,5 mg/kg, à renouveler si nécessaire. Ces mêmes
sitant l’utilisation d’un neurostimulateur ou d’un échographe [88] . RFE proposent aussi le propofol à la dose de 1 à 1,5 mg/kg [46] .
Au niveau du membre supérieur, les blocs concernent cinq nerfs Il est cependant important de préciser qu’il faut avoir recours à
accessibles au niveau du coude et de l’avant-bras. Les indications un anesthésiste-réanimateur et que cela se fait dans le cadre de
principales sont l’exploration et la suture de plaies au niveau de protocoles et après formation.
l’avant-bras, de la main et des doigts. L’utilisation de ces deux sédatifs ne se conçoit qu’en présence
L’anesthésie des doigts 2, 3 et 4 est obtenue par l’injection d’un matériel de réanimation par des personnes entraînées. Le rap-
d’anesthésique local dans la gaine des fléchisseurs [89] . port risque/bénéfice doit être discuté en permanence dans cette
Au niveau de la face, quatre types de blocs peuvent être réalisés, situation entre une sédation en ventilation spontanée ou une
concernant les trois branches sensitives du nerf du trijumeau qui intubation orotrachéale après une induction en séquence rapide
assurent l’essentiel de la sensibilité de la face. Lors de la réalisation pour protéger les voies aériennes. Ce geste n’est pas anodin non
de bloc à proximité de branches vasculaires terminales (extrémités plus.
distales), l’utilisation d’adrénaline en association avec l’anesthésie Toute sédation sera précédée d’une période de préoxygénation
locale est interdite. en ventilation spontanée et dans la mesure du possible on évite
de ventiler le patient au masque (limiter le risque d’inhalation).
Crème anesthésiante
La crème anesthésiante contient un mélange de lidocaïne et de
prilocaïne (50/50). Ses principales indications sont les douleurs
procédurales comme les ponctions. Son délai d’action nécessite Traitement non
une anticipation. En effet, le temps d’exposition sur la peau médicamenteux
conditionne la profondeur de son action : 60 minutes pour 3 mm,
90 minutes pour 4 mm et 120 minutes pour 5 mm. Quelques indi- Moyens physiques
cations sont présentées dans le Tableau 6. Aux urgences, pour
les enfants, l’infirmière d’accueil et d’orientation peut s’aider de Les moyens physiques sont représentés par l’immobilisation
critères permettant d’anticiper la nécessité d’une ponction vei- (attelles, collier, traction), le froid (qui a des effets anti-
neuse [90] (Tableau 9). La crème a la même efficacité que le MEOPA inflammatoires localement dans les douleurs traumatiques,
lors de la pose de cathéters veineux [60] . Chez les nouveau-nés, il y viscérales, provoque des brûlures), et la chaleur (spasmes mus-
a un risque de méthémoglobinémie avec la crème anesthésiante. culaires, destruction de venin thermolabile) [40, 102, 103] .
Approche psychologique [15] Payen JF, Bosson JL, Chanques G, Mantz J, Labarere J. DOLOREA
investigators. Pain assessment is associated with decreased duration of
Une attitude professionnelle, empathique et une explication mechanical ventilation in the intensive care unit: a post hoc analysis of
des actions et des examens menés mobilisent l’effet placebo [104] . the DOLOREA study. Anesthesiology 2009;111:1308–16.
Ainsi, l’efficacité des antalgiques prescrits pourrait augmenter de [16] Aubrun F, Langeron O, Quesnel C, Coriat P, Riou B. Relation-
30 à 40 % [105, 106] . Par ailleurs, la distraction est aussi un moyen effi- ships between measurement of pain using visual analog score and
cace pour réduire, notamment, les douleur provoquées [41, 107, 108] . morphine requirements during postoperative intravenous morphine
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est basée sur trois principes : une évaluation de l’intensité avec une [19] Ricard-Hibon A, Chollet C, Saada S, Loridant B, Marty J. A quality
échelle adaptée au patient, et un traitement adapté à l’intensité, control program for acute pain management in pre-hospital critical care
au patient et à la pathologie et des protocoles. L’objectif est de medicine. Ann Emerg Med 1999;34:738–44.
soulager le patient en évitant bien sûr les effets indésirables dus [20] Todd KH, Funk KG, Funk JP, Bonacci R. Clinical significance of
aux antalgiques. Dans ce sens, la formation et les connaissan- reported changes in pain severity. Ann Emerg Med 1996;27:485–9.
ces des soignants sont fondamentales, particulièrement en ce qui [21] Bijur PE, Latimer CT, Gallagher EJ. Validation of a verbally admi-
concerne l’utilisation des opioïdes. Chaque structure de soin doit nistered numerical rating scale of acute pain for use in the emergency
mettre en place des protocoles de soin et de surveillance adaptés department. Acad Emerg Med 2003;10:390–2.
au patient et à sa pathologie ainsi qu’au niveau de connaissance [22] Chambers CT, Johnston C. Developmental differences in children’s
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Samu 93, Hôpital Avicenne, AP–HP, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny cedex 9, France.
S. Beaune.
Service des urgences, Hôpital Ambroise-Paré, AP–HP, 92100 Boulogne-Billancourt, France.
F. Lapostolle.
F. Adnet.
Samu 93, Hôpital Avicenne, AP–HP, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny cedex 9, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Galinski M, Beaune S, Lapostolle F, Adnet F. Prise en charge de la douleur aiguë en urgence. EMC - Médecine
d’urgence 2015;10(3):1-12 [Article 25-010-G-10].
L’intérêt majeur des blocs nerveux périphériques en situation d’urgence réside en l’absence de retentisse-
ment général (neurologique central, hémodynamique, ventilatoire). Les deux situations les plus propices
à la mise en œuvre d’une analgésie locorégionale en urgence sont les traumatismes des membres et de
la face. Une fiche de surveillance indiquant les données de l’examen neurologique initial, les produits
utilisés, les paramètres de surveillance et la recherche de signes de toxicité systémique doivent figurer
dans le dossier médical. La lidocaïne, adrénalinée ou non selon le bloc analgésique envisagé, offre le
meilleur ratio efficacité/sécurité. En cas de plaie étendue, les blocs analgésiques de la face doivent sup-
planter au service d’urgence les anesthésies locales de la face qui peuvent déboucher sur l’infiltration de
volumes et de doses excessifs d’anesthésique local. Le bloc de la gaine des fléchisseurs doit remplacer
l’anesthésie « en bague » des nerfs collatéraux des doigts. Le bloc du nerf fémoral fait appel à la technique
du compartiment iliofascial, sans neurostimulateur. Un développement très important de l’échographie
dans le domaine de l’anesthésie locorégionale a eu lieu ces dernières années. Une formation théorique
et un apprentissage pratique doivent être délivrés par des médecins anesthésistes réanimateurs, notam-
ment au bloc opératoire. L’élaboration de protocoles d’analgésie locorégionale doit être intégrée dans
une approche globale de la prise en charge du patient en urgence, intégrant les contraintes des périodes
préhospitalières, d’accueil des urgences et, le cas échéant, du bloc opératoire.
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Mots-clés : Analgésie locorégionale ; Anesthésique local ; Urgence préhospitalière ; Accueil des urgences ;
Échographie
Plan Introduction
■ Introduction 1 Ce chapitre traite des techniques locorégionales appliquées à
■ Choix des techniques et particularités de l’analgésie l’analgésie dans le contexte des urgences, excluant l’utilisation
locorégionale en urgence 2 des blocs locorégionaux dans le cadre de l’anesthésie pour inter-
Choix des techniques 2 vention chirurgicale d’urgence.
Place de l’échographie pour la réalisation des techniques L’intérêt majeur des blocs nerveux périphériques en situation
d’analgésie locorégionale 2 d’urgence réside en son efficacité analgésique et en l’absence de
Surveillance du patient ayant une analgésie locorégionale 3 retentissement général. Les données de l’examen neurologique
Contraintes et spécificités de l’urgence 3 initial, les produits utilisés, les paramètres de surveillance et la
■
recherche de signes de toxicité systémique doivent figurer au
Analgésie locorégionale et traumatismes des membres 3
dossier médical. Généralement sous-utilisées au profit des voies
Blocs du membre inférieur 3
d’administration systémique, un certain nombre de techniques
Blocs du membre supérieur 7
d’analgésie locorégionale sont en effet adaptées à l’urgence,
■ Analgésie locorégionale, plaies de la face et du cuir chevelu 10 tout particulièrement à la gestion des urgences traumatiques des
Blocs des nerfs supraorbitaire et supratrochléaire 10 membres et de la face. Les analgésies locorégionales sont assez fré-
Bloc du nerf infraorbitaire 10 quemment pratiquées par les médecins urgentistes, qu’ils soient
Bloc mentonnier 10 ou non anesthésistes réanimateurs.
Blocs tronculaires du scalp 11 Cette pratique avait fait l’objet d’une conférence d’experts préa-
■ Conclusion 11 lablement [1] . Celle-ci doit reposer sur un apprentissage théorique
et technique encadré, et non sur un apprentissage « sur le tas »,
au gré des circonstances et de l’encadrement local. L’actualité • la nécessité de minimiser le risque d’interférence avec une tech-
sur les techniques d’analgésie locorégionale est essentiellement nique d’anesthésie locorégionale ultérieure, toujours possible
portée par l’essor de l’échographie, aussi bien en anesthésie- pour la réalisation d’un éventuel geste chirurgical.
réanimation qu’en médecine d’urgence. Les ultrasons occupent De manière schématique, deux situations se prêtent à la mise en
une place grandissante et vont devenir incontournables dans les œuvre de l’analgésie locorégionale en urgence : les traumatismes
années à venir. Il est probable que l’échoguidage améliore la des membres et les traumatismes de la face. Dans le premier cas,
sécurité des patients, réel apport de l’échographie dans la pra- un certain nombre de techniques paraissent bien connues, tout
tique de l’anesthésie locorégionale [2] . Cela tient largement au particulièrement la technique du bloc fémoral. Les blocs de la face,
développement d’appareils d’échographie simples d’emploi et très intéressants dans ce contexte, sont largement moins connus
compacts et utilisant des sondes avec des fréquences et des formes et ces techniques méritent sans conteste une plus large diffusion.
adaptées au besoin. La pratique de l’analgésie locorégionale sous Les blocs du tronc, intercostaux, paravertébraux, pleuraux ne sont
échographie nécessite des prérequis avec une évaluation de son pas inclus dans ces recommandations en raison, d’une part, de
apprentissage (courbes d’apprentissage). Ces points sont d’ailleurs leur efficacité variable et peu prévisible et, d’autre part, de leur
intégrés dans la formation initiale du médecin urgentiste. Cela iatrogénie potentielle. Les techniques décrites ici relèvent pour
souligne également la nécessité d’une réflexion pluridisciplinaire, l’essentiel de la pratique intrahospitalière, au service des urgences.
dans le contexte de l’urgence, sur le choix des techniques réelle- Pour l’urgence extrahospitalière, le seul bloc retenu de manière
ment utiles, réellement utilisables dans des conditions normales consensuelle est le bloc du nerf fémoral, chez l’adulte comme chez
de sécurité pour le patient, réellement et suffisamment utilisées l’enfant [1] .
pour garantir le nécessaire maintien des compétences, alors que
certains blocs analgésiques ne relèvent pas d’une pratique quoti-
dienne. Ce chapitre s’appuie largement sur les recommandations Place de l’échographie pour la réalisation
et conclusions, publiées en 2004, d’une conférence d’experts [1] des techniques d’analgésie locorégionale
organisée par la Société française d’anesthésie et de réanimation
(SFAR). Cela a été étayé par la création en 2012 d’un référentiel L’échoguidage a révolutionné la pratique de l’anesthésie
métiers compétences pour la spécialité de médecine d’urgence [3] , locorégionale [7] . Cette révolution a incité davantage
permettant de compléter la conférence d’experts de 2004. D’autres d’anesthésiologistes à intégrer l’anesthésie locorégionale
pays avaient fait œuvres pionnières en ce domaine en développant dans leur pratique [8] . Le débat concernant la supériorité de
un enseignement pratique et théorique de l’analgésie locorégio- l’échoguidage bat encore son plein [9, 10] . Une méta-analyse des
nale pour l’urgence. C’est le cas du collège nord-américain des études randomisées montre que les succès du bloc sont supérieurs
médecins de l’urgence (American College of Emergency Physi- en échoguidage, que le bloc est réalisé plus rapidement, est plus
cians [ACEP]) qui propose un cursus pédagogique très détaillé en rapidement installé et a une durée d’efficacité supérieure. Enfin,
matière de blocs locorégionaux périphériques (consultable sur le le risque de ponction vasculaire est moindre [11] . Cependant, la
site Internet : www.acep.org), ainsi que de l’Association des méde- Cochrane Database ne retient pas une supériorité du fait des
cins d’urgence du Québec (AMUQ) (www.amuq.qc.ca). résultats contradictoires observés [12] . En revanche, il est de plus
en plus accepté que la capacité de l’échoguidage à donner une
vue directe de l’aiguille, du nerf visé et de la distribution de
l’anesthésique local est un avantage majeur [7] . Il a été montré
aussi que l’échographie permet de diminuer la toxicité des
Choix des techniques anesthésiques locaux [13] , probablement par diminution des doses
injectées [14] .
et particularités de l’analgésie L’analgésie locorégionale est liée à la formation et à l’expérience
locorégionale en urgence de l’opérateur. Il demeure toutefois une courbe d’apprentissage
avant de réaliser une analgésie locorégionale sécuritaire et effi-
Choix des techniques cace [15] . Les études démontrant les avantages de l’analgésie
locorégionale, lorsqu’elle est réalisée par des résidents, comme
Les techniques d’analgésie locorégionale appliquées à celles d’Orebaugh [16] objectivant une plus grande facilité de réa-
l’analgésie en urgence ont pour principaux atouts les gains lisation d’un bloc et celle de Grau [17] , présentent des données
de temps et d’efficacité analgésique par comparaison avec convaincantes quant aux avantages de l’analgésie locorégionale.
l’administration systémique d’analgésiques. Un certain nombre La standardisation de la formation permet d’aborder la question
de techniques paraît tout à fait adapté à l’urgence [4–6] . Ce n’est du biais de l’opérateur dans les études futures. Les équipes com-
pas le cas des analgésies locorégionales périmédullaires (rachi- mencent seulement à déterminer les courbes d’apprentissage asso-
anesthésie, analgésie péridurale) qui n’ont aucune place dans ciées aux diverses techniques d’échoguidage [18] . L’échographie
l’urgence hospitalière, ni a fortiori préhospitalière pour des pourrait, par ailleurs, être intéressante pour les praticiens les
raisons évidentes de contraintes d’asepsie, de positionnement du moins expérimentés [19] .
patient et de conséquences hémodynamiques potentiellement La capacité d’imagerie par ultrason varie d’une machine et
délétères. Les anesthésies locorégionales intraveineuses n’ont d’une étude à l’autre. Les sondes à plus haute résolution et
à l’évidence aucune place non plus dans ce contexte pour des caractéristiques telles que l’imagerie combinée améliorent
des raisons aussi évidentes (nécessité de disposer de garrots considérablement la visualisation des tissus et de l’aiguille et pour-
pneumatiques, durée d’utilisation limitée, absence d’analgésie raient également améliorer l’efficacité du bloc. Quelle approche
résiduelle, risque neuro- et/ou cardiotoxique sévère en cas de de l’aiguille a été utilisée, dans le champ ou hors champ de
lâchage accidentel du garrot). La place des blocs périphériques, l’ultrason ? Quels critères d’évaluation ont été utilisés pour évaluer
plexiques et tronculaires, qui se caractérisent par leur absence le contact entre l’aiguille et le nerf ? L’efficacité d’un bloc est pro-
de retentissement sur les plans hémodynamique, respiratoire et bablement influencée par le site et la manière dont l’anesthésique
neurologique central, doit, en revanche, être précisée dans ce local se dépose, ainsi que par le volume administré. Des études
contexte tout à fait spécifique. Leur utilisation rationnelle repose récentes ont évalué le volume minimal nécessaire à réaliser effica-
sur des impératifs d’efficacité aussi bien que sur des impératifs cement divers blocs par échoguidage [20–22] et celui-ci est diminué
de sécurité, en tenant compte d’une part du contexte spécifique par l’échoguidage [23] . L’échoguidage procure des preuves d’effets
de l’urgence, mais aussi de la réalisation de ces blocs par des indésirables néfastes, comme par exemple l’injection intravas-
médecins non anesthésistes qui ne sont pas forcément familiers culaire (absence de propagation de l’anesthésique local) [24] et
des techniques locorégionales. Le choix des techniques retenues l’injection intraneurale (expansion du nerf) [25, 26] . Ce qui fait
par les experts de la conférence précédemment citée [1] a été fondé défaut encore actuellement, ce sont des données pour montrer
sur deux principes fondamentaux : que cela se traduit par une réduction indiscutable de l’incidence
• le rapport bénéfice/risque de la technique envisagée dans le des complications. La question de l’utilisation combinée du
contexte de l’urgence ; neurostimulateur et de l’échographie pour la réalisation de
Figure 4.
A. Bloc « trois en un » : injection au contact du
nerf fémoral.
B. Bloc iliofascial : injection dans l’espace iliofas-
cial, avasculaire, après franchissement des fascias.
angle de 30 degrés avec la peau jusqu’à l’obtention de paresthé- technique de choix dans le contexte de l’urgence. Quant au neuro-
sies sur le trajet du nerf fémoral. La technique de recherche de stimulateur, il est rarement disponible en préhospitalier, souvent
paresthésies est maintenant abandonnée et on lui préfère la neu- peu familier aux médecins de l’urgence, sauf aux anesthésistes
rostimulation qui provoque une réponse motrice quadricipitale réanimateurs rompus aux techniques d’anesthésie locorégionale.
(contraction du quadriceps avec ascension de la rotule). Pour Win-
nie et al. [47] , cette technique permet en une seule injection de Technique modifiée, dite du bloc « iliofascial
bloquer les nerfs fémoral, obturateur et cutané latéral de la cuisse sans échographie » [48] (Fig. 4B)
en raison de l’existence d’une gaine vasculonerveuse commune Elle peut être recommandée comme technique de choix en
à ces différents troncs. Cette notion est désormais controversée urgence pré- ou intrahospitalière [42] . Cette technique est surtout
et, en pratique, le nerf obturateur, qui innerve la partie supéro- très intéressante avec l’essor grandissant de l’échographie, rendant
interne de la cuisse et les muscles adducteurs de la cuisse, échappe son utilisation facilitée. Elle repose sur un repérage plus latéral du
souvent à la technique. La technique de Winnie ne paraît pas la point de ponction, à la jonction deux tiers moyen–un tiers externe
Nerf saphène
Nerf plantaire Nerf saphène
Nerf fibulaire superficiel Nerf plantaire
Nerf fibulaire profond Nerf fibulaire superficiel
Nerf sural Nerf sural
A B
par rapport au plan cutané, est dirigée sous l’artère jusqu’à obten- Blocs du membre supérieur [6]
tion du contact osseux, puis retirée de 1 à 2 mm avant d’injecter
l’anesthésique local [50] . Lorsque l’artère n’est pas palpée, le succès Les blocs du plexus nerveux brachial (interscalénique, suscla-
de ce bloc est plus aléatoire et d’autres repères sont proposés : le viculaire, axillaire, médiohuméral) n’ont pas été retenus dans
point de ponction peut ainsi être individualisé entre le médius et ce contexte. Les indications restent peu nombreuses, ce qui
l’index positionnés dans le sillon malléolaire, 3 à 4 cm au-dessus ne peut garantir un maintien de compétence des médecins de
de la pointe de la malléole médiale [50] . Le bloc du nerf tibial est, l’urgence, entretien indispensable à la réalisation de ces blocs en
dans ce cas, obtenu en déposant la solution d’anesthésique local toute sécurité et avec un faible taux d’échec. Quelques observa-
sur le plan sous-aponévrotique, en dedans du tendon du muscle tions anecdotiques ont été rapportées en pratique préhospitalière
long fléchisseur de l’hallux, facilement perçu à la mobilisation (incarcération de membre dans une machine industrielle ou un
active ou passive de l’hallux (gros orteil). Ce tendon reste d’ailleurs outillage agricole, etc.), mais la rareté des indications justifie
toujours perceptible en cas d’artérite ou d’œdème. L’aiguille peut l’appel exceptionnel à un anesthésiste réanimateur rompu à la
également être introduite perpendiculairement à la peau, dans le pratique de l’anesthésie locorégionale.
tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux. La mobilisation Seuls les blocs tronculaires ont été retenus par la conférence
passive ou active du gros orteil entraîne alors une mobilisation d’experts récente pour les indications d’exploration et de suture
conjointe de l’aiguille. Lorsque l’aiguille est enfoncée, des pares- de plaies n’intéressant qu’un ou deux territoires à l’avant-bras
thésies surviennent et l’on retire l’aiguille de 1 à 2 mm avant ou à la main [53] . Les volumes et les doses d’anesthésiques locaux
d’injecter la solution. Le nerf tibial peut enfin être bloqué en des- sont réduits comparés à la multiplication d’injections purement
sous du sustentaculum tali, rebord osseux perçu sous la malléole « locales », permettant de minimiser le risque toxique en cas
médiale [51] . Quel que soit le point de ponction choisi, l’utilisation d’injection intravasculaire accidentelle. L’anesthésique local uti-
d’un neurostimulateur peut en faciliter le repérage en provoquant lisé est la lidocaïne à 1 % non adrénalinée. Les complications sont
une flexion des orteils. Le bloc du nerf tibial doit toujours être asso- exceptionnelles, représentées pour l’essentiel par des hématomes
cié au bloc du rameau calcanéen médial du nerf tibial qui s’en au point de ponction, généralement proches des axes artériels
individualise, parfois très tôt au-dessus de la malléole médiale. correspondants.
Ainsi, après avoir bloqué le nerf tibial, l’aiguille est ramenée en Schématiquement, les blocs tronculaires des nerfs médian,
position sous-cutanée puis réorientée obliquement, vers le bas ulnaire et radial peuvent être pratiqués au coude ou au poignet.
lorsque la ponction a été effectuée en rétromalléolaire, ou vers le Associés entre eux si nécessaire, ces blocs permettent d’explorer
haut lorsque la ponction a été réalisée sous le sustentaculum tali. et de suturer toute plaie de la main et/ou des doigts, à l’exclusion
Une infiltration sous-cutanée est effectuée en direction du tendon des plaies imposant le passage au bloc opératoire en raison de
calcanéen sur le trajet du rameau calcanéen médial du nerf tibial. lésions articulaires et/ou vasculonerveuses. Au coude, il est préfé-
Il peut être intéressant d’utiliser l’échographie pour réaliser un rable d’employer un neurostimulateur et des aiguilles gainées et de
bloc du nerf tibial à la cheville. La sonde d’échographie est posi- rechercher la réponse motrice correspondante. Au poignet, seules
tionnée de 3 à 5 cm au-dessus du bord inférieur de la malléole subsistent en général les branches d’innervation sensitive puisque
médiale, au-dessus du sillon rétromalléolaire médial. La technique les branches motrices ont quitté plus haut le tronc nerveux et
d’hydrolocalisation permet un meilleur contrôle du biseau de l’utilisation d’un neurostimulateur n’offre généralement aucun
l’aiguille. Le nerf tibial est en situation médiale et ventrale par intérêt. Des aiguilles courtes (longueur : 25 mm) sont suffisantes,
rapport au muscle long fléchisseur de l’hallux et juste dorsale par quel que soit le modèle. Les aiguilles à biseau court munies d’un
rapport à l’artère tibiale postérieure. Une répartition circonféren- prolongateur sont également un bon choix. Les complications
tielle de l’anesthésique local autour du nerf tibial est recherchée. sont exceptionnelles, hormis la piqûre vasculaire, et notamment
d’une artère qui, dans tous les cas, est facilement accessible à une
compression digitale.
Nerf fibulaire profond
Il peut être bloqué sur un sujet en décubitus dorsal, jambe et
cuisse fléchies et le pied reposant sur la table. Le repérage n’est Blocs du nerf médian
pas douloureux s’il est réalisé après le bloc du nerf fibulaire super- Après avoir traversé la fosse axillaire et le canal brachial, le
ficiel. Le point de repère se situe entre le tendon des muscles long nerf médian descend au bord médial de l’artère brachiale pro-
extenseur de l’hallux et long extenseur des orteils [52] . Ces tendons fonde jusqu’à la face antérieure du coude. Il passe ensuite entre
sont aisément repérés en demandant au patient de relever succes- les deux chefs du muscle rond pronateur, croise en avant l’artère
sivement le gros orteil puis tous les orteils. L’aiguille est introduite ulnaire, née de l’artère brachiale profonde, et descend verticale-
perpendiculairement à la peau, pointe dirigée vers le talon, jusqu’à ment sur la ligne médiane de l’avant-bras avant de passer sous
obtenir le contact osseux puis retirée de 1 à 2 mm avant d’injecter le rétinaculum des fléchisseurs des doigts. Le nerf s’engage alors
2 à 3 ml d’anesthésique local. Une compression ferme réalisée dans le canal carpien entre les tendons des muscles fléchisseurs
par le pouce de l’opérateur au-dessus du point d’injection permet radial du carpe et long palmaire et se divise en cinq branches. Le
d’éviter que l’anesthésique local ne remonte vers la jambe. Le nerf nerf médian assure l’innervation sensitive de la paume de la main
fibulaire profond peut également être bloqué par une injection en dehors d’une ligne passant par l’axe médian de l’annulaire,
quelques millimètres en dedans de l’artère dorsale du pied [51] . ainsi que la face dorsale de P2 et P3 (deuxième et troisième
1 1/2
2
3
1
1/3
4
5
6
1/3
1
2
A B
Figure 11. Bloc de la gaine des fléchisseurs des doigts. Distribution de
l’anesthésie de la gaine des fléchisseurs des doigts.
A. Face dorsale.
B. Face palmaire.
V1
V2
V3
Blocs tronculaires du scalp [2] Neal JM. Ultrasound-guided regional anesthesia and patient safety:
an evidence-based analysis. Reg Anesth Pain Med 2010;35:
Très efficaces et ne nécessitant que de très faibles volumes S59–67.
d’anesthésique local, contrairement aux anesthésies locales, ils [3] Nemitz B, Carli P, Carpentier F, Ducassé JL, Giroud M, Pateron D,
permettent la suture de la plupart des plaies du cuir chevelu. et al. System of reference for profession and abilities on emergency
Pour le scalp temporal, une injection traçante dans la zone medicine specialty. Ann Fr Med Urg 2012;2:125–33.
allant du tragus au bord supérieur de l’arcade zygomatique et une [4] Bruelle P, Bassoul B, Eledjam JJ. Les blocs du membre inférieur. In:
seconde injection, dirigée vers le bas au bord antérieur de l’oreille Bonnet F, Eledjam JJ, editors. Actualité en anesthésie locorégionale.
externe permet d’obtenir un bloc analgésique des rameaux tem- Paris: Arnette-Blackwell; 1995. p. 189–216.
poral et temporofacial. [5] Dupré LJ. Les blocs du membre supérieur. In: Bonnet F, Eled-
Le scalp occipital est, quant à lui, innervé par le nerf grand jam JJ, editors. Actualité en anesthésie locorégionale. Paris:
Arnette-Blackwell; 1995. p. 165–88.
occipital ou grand nerf occipital d’Arnold, branche du second nerf
[6] Eledjam JJ, Ripart J, Bassoul B, Viel E. Les techniques de blocs
cervical, qui devient très superficiel dans son trajet terminal. Le périphériques des membres. In: Dalens B, editor. Traité d’anesthésie
bloc analgésique est obtenu par une infiltration sous-cutanée de générale (mises à jour périodiques), IV. Paris: Arnette; 2001.
3 à 4 ml d’anesthésique local sur une distance de 5 cm environ de p. 31.
part et d’autre de la protubérance occipitale. [7] Delaunay L, Plantet F, Jochum D. Échographie et anesthésie locoré-
gionale. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:140–60.
[8] Gray AT. Ultrasound-guided regional anesthesia: current state of the
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[9] Borgeat A, Capdevila X. Neurostimulation/ultrasonography: the Tro-
Un certain nombre de techniques d’anesthésie locorégionale jan ware will not take place. Anesthesiology 2007;106:896–8.
sont parfaitement utilisables dans le contexte de l’urgence. Elles [10] Kessler J, Marhofer P, Rapp HJ, Hollmann MW. Ultrasound-guided
doivent être pratiquées dans le cadre d’une approche globale de la anaesthesia of peripheral nerves. The new challenge for anaesthesio-
prise en charge du patient du lieu de la détresse au bloc opératoire logists. Der Anaesthesist 2007;56:642–55.
en passant par le service d’accueil des urgences. Le développe- [11] Abrahams MS, Aziz MF, Fu RF, Horn JL. Ultrasound guidance com-
ment de l’échographie pour la réalisation de ces actes d’analgésie pared with electrical neurostimulation for peripheral nerve block: a
locorégionale permet de développer encore plus ces techniques. systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials.
Br J Anaesth 2009;102:408–17.
En pratique, pour le préhospitalier, le bloc iliofascial sous écho-
[12] Walker KJ, McGrattan K, Aas-Eng K, Smith AF. Ultrasound gui-
graphie est particulièrement intéressant. Les blocs de la face et
dance for peripheral nerve blockade. Cochrane Database Syst Rev
des membres peuvent trouver une place de choix à l’accueil des 2009;(4):CD006459.
urgences. Dans tous les cas, leur utilisation ne se conçoit qu’après [13] Barrington MJ, Kluger R. Ultrasound guidance reduces the risk of local
une formation théorique et pratique initiale. Des protocoles de anesthetic systemic toxicity following peripheral nerve blockade. Reg
service et une formation continue doivent également encadrer Anesth Pain Med 2013;38:289–97.
cette pratique. [14] Liu SS, Ngeow JE, Yadeau JT. Ultrasound-guided regional anesthesia
and analgesia: a qualitative systematic review. Reg Anesth Pain Med
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“ Points essentiels [15] Sites BD, Spence BC, Gallagher JD, Wiley CW, Bertrand ML,
Blike GT. Characterizing novice behavior associated with learning
ultrasound-guided peripheral regional anesthesia. Reg Anesth Pain Med
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• L’examen clinique complet avant la réalisation d’une [16] Orebaugh SL, Williams BA, Kentor ML. Ultrasound guidance with
analgésie locorégionale est indispensable et doit être noté nerve stimulation reduces the time necessary for resident peripheral
dans le dossier médical. nerve blockade. Reg Anesth Pain Med 2007;32:448–54.
• L’analgésie locorégionale est destinée principalement en [17] Grau T, Bartusseck E, Conradi R, Martin E, Motsch J. Ultrasound
imaging improves learning curves in obstetric epidural anesthesia: a
urgence à la traumatologie des membres et de la face.
preliminary study. Can J Anaesth 2003;50:1047–50.
• En phase préhospitalière, le bloc iliofascial avec ou sans [18] Helayel PE, Conceicao DB, Nascimento BS, Kohler A, Boos GL,
contrôle échographique est particulièrement intéressant Oliveira Filho GR. Learning curve for the ultrasound anatomy of
pour la prise en charge de la douleur des fractures de the brachial plexus in the axillary region. Rev Bras Anestesiol
l’extrémité supérieure du fémur. 2009;59:187–93.
• Les blocs de la face sont encore sous-utilisés à l’accueil [19] Chin KJ, Chan V. Ultrasound-guided peripheral nerve blockade. Curr
Opin Anaesthesiol 2008;21:624–31.
des urgences.
[20] Duggan E, El Beheiry H, Perlas A, Lupu M, Nuica A, Chan
• L’analgésie locorégionale des membres bénéficie de VW, et al. Minimum effective volume of local anesthetic for
l’utilisation de l’échographie, permettant de diminuer les ultrasound-guided supraclavicular brachial plexus block. Reg Anesth
doses injectées et les complications. Pain Med 2009;34:215–8.
• La lidocaïne adrénalinée reste l’anesthésique local de [21] O’Donnell BD, Iohom G. An estimation of the minimum effective anes-
choix pour le bloc iliofascial en urgence. thetic volume of 2% lidocaine in ultrasound-guided axillary brachial
plexus block. Anesthesiology 2009;111:25–9.
[22] Liu SS, Ngeow J, John RS. Evidence basis for ultrasound-guided
block characteristics: onset, quality, and duration. Reg Anesth Pain
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Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en [23] Koscielniak-Nielsen ZJ. Ultrasound-guided peripheral nerve blocks:
relation avec cet article. what are the benefits? Acta Anaesthesiol Scand 2008;52:727–37.
[24] Brull R, Perlas A, Cheng PH, Chan VW. Minimizing the risk of intra-
vascular injection during ultrasound-guided peripheral nerve blockade.
Remerciements : au Dr Medhi Benkhadra et au Pr Éric Viel, qui avaient participé Anesthesiology 2008;109:1142.
à la version précédente de ce chapitre. [25] Chin KJ, Chan V. Evaluating outcomes in ultrasound-guided regional
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[26] Chan VW, Brull R, McCartney CJ, Xu D, Abbas S, Shannon P. An
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Références electrical stimulation in pigs. Anesth Analg 2007;104:1281–4.
[27] Jochum D, Bondar A, Delaunay L, Egan M, Bouaziz H. One size
[1] Pratique des anesthésies locales et locorégionales par des médecins does not fit all: proposed algorithm for ultrasonography in combination
non spécialisés en anesthésie-réanimation, dans le cadre des urgences. with nerve stimulation for peripheral nerve blockade. Br J Anaesth
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Mirek S, Freysz M. Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte. EMC - Médecine d’urgence
2014;9(4):1-12 [Article 25-010-G-20].
Techniques d’immobilisation
des membres
M. Raphaël, B. Adam
Les techniques d’immobilisation font partie de l’arsenal thérapeutique de traumatologie qu’il convient de
maîtriser aux urgences. La durée généralement prolongée du maintien de l’appareil impose une
confection initiale parfaite, au risque de voir se développer des complications parfois graves à bas bruit.
Seul le respect des règles de protection du membre et de modelage du matériau employé garantit
l’efficacité de l’immobilisation, quelle que soit la facture choisie pour la réalisation. Le plâtre reste le
matériau le plus employé dans les services d’urgences pour sa facilité à être travaillé, la sécurité que lui
confère son temps de séchage long et son coût modique. Les contentions souples, de réalisation souvent
fastidieuse, tendent aujourd’hui à être supplantées par des orthèses, certes un peu moins adaptées
anatomiquement, mais beaucoup plus pratiques et hygiéniques.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Médecine d’urgence 1
25-010-G-50 ¶ Techniques d’immobilisation des membres
d’urgence.
bulles d’air s’échappent, témoignant d’un bon mouillage. L’eau
doit être à température ambiante. La cristallisation du plâtre Réalisation d’une attelle simple
produit un dégagement de chaleur d’environ 15° ; une eau trop L’attelle permet d’immobiliser une ou plusieurs articulations
chaude ferait monter la température des bandes de façon en couvrant leur face d’extension ou de flexion (Fig. 2). Il s’agit
excessive, exposant le patient à un risque de brûlure. La bande d’une gouttière, généralement postérieure et par définition, non
sortie de l’eau est essorée avec précaution afin de ne pas trop circulaire. De facture plus rapide et plus simple, elle est utilisée
perdre de matériau plâtré. principalement pour des immobilisations temporaires. La
L’eau est changée à chaque nouvelle utilisation. préparation et la protection du membre sont identiques à celles
La technique générale consiste en la superposition de bandes d’une immobilisation circulaire. L’épaisseur de bande varie selon
posées de façon circulaire, éventuellement renforcées par des la localisation de pose ; 6 pour un poignet, 10 à 12 pour une
attelles, pour les zones fragiles, le tout recouvert de nouvelles jambe. Une fois lissée, l’attelle peut être glissée dans un jersey
couches circulaires. puis mise en place sur le membre à l’aide de bandes de crêpe.
2 Médecine d’urgence
Techniques d’immobilisation des membres ¶ 25-010-G-50
Médecine d’urgence 3
25-010-G-50 ¶ Techniques d’immobilisation des membres
.7
métatarsiens. Lorsque l’indication est l’immobilisation de
l’avant-pied une semelle dépassant les orteils de 1 à 2 cm est
créée.
Sur la face dorsale, la limite se situe un peu au-dessus des
métatarsophalangiennes autorisant une dorsiflexion des orteils
(Fig. 8).
Figure 6. Passage de la première commissure. Le patient est installé, soit en décubitus dorsal le genou fléchi
par appui poplité sur la barre à genou, soit en décubitus ventral
la limite proximale peut se situer au niveau de la première la jambe fléchie à 90°. Sauf indication contraire, la cheville doit
rangée du carpe (gantelet). Une syndactylie solidarise le doigt, être en position neutre, l’axe du pied perpendiculaire à celui de
dont le métacarpien est cassé, avec le doigt adjacent afin la jambe.
d’éviter un trouble rotatoire. L’immobilisation des premières Le rembourrage des malléoles et du cou-de-pied doit être
phalanges peut ne concerner que ces deux doigts en cas de conséquent puisque ces zones supportent le poids de l’appareil
fracture unique. Une variante consiste à immobiliser le méta- lors de la position verticale. Les contours malléolaires et la
carpien fracturé et le doigt adjacent à 90° sur une attelle de voûte plantaire doivent être soigneusement moulés pour limiter
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du membre inférieur
Botte pédieuse Crurojambier ou genouillère
Elle immobilise la jambe, la cheville et le pied. Sa confection La genouillère immobilise le genou.
nécessite trois bandes de 10 ou 15 cm de large. L’appareil s’étend du trochanter aux malléoles.
La limite proximale est oblique. En avant, l’appareil remonte La limite proximale passe en avant, trois travers de doigt sous
jusqu’au niveau de la tubérosité tibiale, puis descend en oblique le pli inguinal, latéralement en regard du grand trochanter et en
au niveau du bord supérieur de la tête de la fibula. Sur le bord arrière s’arrête dans le pli fessier.
médial, la même obliquité est reproduite. Sur la face postérieure, Pour le bord distal, l’appareil doit prendre appui sur les
la limite de l’appareil doit laisser libre la flexion du genou en malléoles pour empêcher son glissement (il s’arrête sur les
se terminant à trois travers de doigt du creux poplité, sous saillies osseuses, sans redescendre sur les pointes). L’appareil doit
l’insertion des tendons des ischiojambiers. être échancré en avant et en arrière, afin de laisser libre les
Au niveau distal, l’immobilisation doit recouvrir la plante du mouvements du tendon calcanéen (d’Achille) et du tibial
pied, dépassant au moins le coussinet plantaire de la tête des antérieur.
4 Médecine d’urgence
Techniques d’immobilisation des membres ¶ 25-010-G-50
supportent le poids de l’appareil lors de la position verticale. mieux que d’autres à l’emploi de la résine ; elles intègrent le
type de lésion, l’âge du patient, son degré d’autonomie et le
Cruropédieux
coût, trois à quatre fois supérieur. La résine n’est pas une simple
L’appareil doit en principe remonter jusqu’à la racine de la alternative matérielle mais une option réfléchie.
cuisse. Cependant, lorsque cette immobilisation est réalisée pour
éviter les mouvements de rotation du genou, la limite proxi-
male peut être plus basse. La limite proximale passe en avant ■ Contentions souples
trois travers de doigt sous le pli inguinal, latéralement en regard
du grand trochanter et en arrière au niveau du pli fessier. La Syndactylie
limite distale doit recouvrir la plante du pied, dépassant au La syndactylie est une immobilisation fonctionnelle. Elle est
moins le coussinet plantaire de la tête des métatarsiens et, sur souvent utilisée pour les traumatismes des doigts et des orteils
la face dorsale, s’arrêter un peu au-dessus des articulations en l’absence d’indication chirurgicale.
métatarsophalangiennes autorisant la dorsiflexion des orteils. Elle consiste à solidariser deux doigts en laissant les articula-
Le patient est en décubitus dorsal, cuisse fléchie, le genou tions libres. Pour éviter les frottements cutanés, une compresse
reposant sur une barre avec un angle de 15 à 20°. La cheville .9 au mieux enduite d’un corps gras, est insérée entre les doigts.
doit être à 90° sans pronation ni supination (Fig. 9).
Le rembourrage doit être soigneux en regard de la tête de la
fibula et du nerf fibulaire commun ainsi qu’en regard de la crête
Mayo Clinic
tibiale, des malléoles et du cinquième métatarsien (Fig. 10). Ce système permet une contention relative de la scapulohu-
mérale et de la coiffe, en maintenant le coude au corps.
Botte de Graffin La confection de l’appareil s’effectue sur un sujet assis torse
Cette immobilisation laisse libre la zone calcanéenne afin nu, coude au corps fléchi à 90°, épaule en rotation médiale.
qu’il n’y ait pas de conflit entre l’appareil et la zone lésée. Dans un jersey de 3 m de long environ et 7 cm de large, une
La réalisation est identique à celle de la botte, mais l’appui est incision au niveau du premier tiers du jersey permet d’enfiler le
situé sur l’avant-pied, justifiant un renforcement des faces membre supérieur à immobiliser jusqu’à la butée du creux
latérales qui transmettent les forces d’appui. axillaire. Le chef proximal du jersey est déroulé à la face
postérieure du cou pour revenir à la face antérieure du thorax
où il vient crocheter le poignet et se fixer au moyen d’une
■ Résines épingle à nourrice. Le chef distal, dans le prolongement de la
main, est déroulé dans le dos du patient pour venir crocheter
L’une des contraintes principales de l’appareil plâtré est son l’extrémité inférieure de l’humérus. Il est fixé par une épingle.
poids, d’autant plus importante que l’immobilisation est Une incision du jersey est pratiquée au niveau du poignet pour
prolongée. Fort de cette constatation, un industriel américain libérer la main. Pour éviter les risques de frottement et de
mit au point dans les années 1970 un matériau composite de macération, un pansement américain protège le poignet, le
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25-010-G-50 ¶ Techniques d’immobilisation des membres
M. Raphaël (maurice.raphael@libertysurf.fr).
B. Adam.
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier intercommunal, 10, avenue du Général-Leclerc, 93370 Le Raincy- Monfermeil, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Raphaël M., Adam B. Techniques d’immobilisation des membres. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-G-50, 2009.
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