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Trousse d’urgence
N. Crocheton

La trousse d’urgence est l’outil indispensable à chaque médecin, qu’il soit hospitalier ou libéral, au chevet
de son patient. Elle doit rendre un maximum de services diagnostiques et thérapeutiques dans un
minimum de place, de poids, et avec un maximum de sécurité thérapeutique pour le patient. Le contenu
de la trousse d’urgence est façonné par le mode d’exercice du médecin, sa compétence et sa connaissance
en médecine d’urgence, son lieu d’exercice. Dans tous les cas, le médecin doit en connaître le contenu,
assurer régulièrement le réapprovisionnement des médicaments, en vérifier les péremptions et désinfecter
régulièrement sa trousse.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Trousse ; Médicaments ; Médecin généraliste ; SAMU ; Permanence de soins

Plan Cet article décrit une trousse médicale pour le médecin


généraliste ou urgentiste libéral et une trousse d’urgence type
¶ Introduction 1
pour les SMUR (Service mobile d’urgence et de réanimation).
Dans tous les cas, la maintenance de cette trousse doit être
¶ Trousse d’urgence pour la médecine générale 1
effectuée régulièrement (remplacement des composants utilisés,
Contenant de la trousse d’urgence du médecin généraliste 2
vérification des dates de péremption, nettoyage et désinfection).
Contenu de la trousse d’urgence du médecin généraliste 2
Parallèlement à cette trousse, une attention toute particulière
¶ Trousse d’urgence de l’unité mobile hospitalière 3 doit être portée aux moyens de communication, aux aides à
Matériels 3 l’orientation et à la cartographie.
Instrumentation électronique 4
Pharmacie du sac d’urgence 4
Fluides 6
Immobilisation 6 ■ Trousse d’urgence
Kits médicaux et thérapeutiques prêts à l’usage 6
Pharmacie 6
pour la médecine générale [2]

Autres produits 6
Cette trousse est adaptée dans sa forme et son contenu à de
nombreux facteurs liés à la pratique médicale : médecin de
campagne, médecin d’unité mobile, de soins palliatifs ou
spécialisé dans la prise en charge des toxicomanes, médecin
■ Introduction urgentiste libéral.
Elle est façonnée également par des facteurs externes à la
La trousse d’urgence est le fruit d’un long travail d’ajustement pratique de la médecine, d’ordre météorologique et
des pratiques médicales au quotidien pour le médecin généra- géographique.
liste, et d’une décision collégiale pour les services d’urgences Elle doit être la plus petite possible, solide et compartimentée.
hospitalières ou préhospitalières.
Son contenu diagnostique et thérapeutique permet de pren-
Le déplacement d’un médecin auprès du patient est un atout
dre en charge un patient sans avoir à revenir à son véhicule.
majeur des urgences grâce au SAMU (Service d’aide médicale
urgente) ou au service médical des sapeurs-pompiers et la Elle doit être stockée dans un endroit propre et thermostable,
permanence des soins pour la médecine libérale. même s’il semble que la température n’altère pas fondamenta-
Cette trousse, confectionnée par le médecin, est adaptée au lement la structure des médicaments [3, 4].
mode d’exercice, au lieu d’installation, aux nécessités liées à L’utilisation des médicaments en urgence est sécurisée par le
l’éloignement des structures hospitalières publiques ou privées contrôle visuel (dénomination, péremption) avant toute injec-
et au délai d’intervention des unités mobiles hospitalières du tion au patient. L’urgence ne doit pas laisser la place à un doute
SAMU ou des pompiers [1]. thérapeutique.
Il existe autant de valises d’urgence que de médecins. Néan- Le recours à un médecin de permanence de soins notamment
moins, cette trousse doit permettre au praticien de remplir sa en ville est lié à une pathologie aiguë dans 92 % des cas, 35 %
mission de permanence de soins avec un maximum de confort de ces pathologies intéressent des enfants de moins de 13 ans
pour lui-même et surtout pour le patient, et sans mise en et lors de 43 % des interventions, une douleur doit être
danger de ce dernier par les thérapeutiques engagées. soulagée [5].

Médecine d’urgence 1
25-010-A-10 ¶ Trousse d’urgence

Contenant de la trousse d’urgence • un appareil de mesure de la glycémie capillaire et ses bande-


lettes ;
du médecin généraliste • un set de ventilation d’urgence de type « Life for Two ».
On peut utiliser un sac renforcé compartimenté et modulaire,
spécifique ou non à l’urgence, ou une valise à roulettes avec des Compartiment petite chirurgie
compartiments pour les médicaments et les différents instru- Il contient des kits de petite chirurgie à usage unique :
ments nécessaires au diagnostic et au traitement [6]. • une pince de Hartmann moyenne (extraction de corps
Les médecins travaillant en permanence de soins intègrent étrangers des cavités naturelles), un bistouri à usage unique ;
leur trousse d’urgence au sein de leur valise médicale de tous les • deux fils à peau de 3.0 et 4.0, un sachet de sutures autocol-
jours afin de ne pas être pris au dépourvu face à un doute lantes ;
diagnostique ou un traitement [7]. • un sachet de compresses vaselinées (pour les épistaxis), trois
Il faut veiller à ce que cette trousse ne pèse pas plus de 10 kg. sachets de compresses stériles ;
• deux sondes vésicales CH 12 ;
• un rouleau de sparadrap, un rouleau de bande élastique
Contenu de la trousse d’urgence adhésive de 6 cm ;
du médecin généraliste • des paires de gants stériles à la taille du médecin et des paires
de gants non stériles ;
Compartiment administratif [8] • des flacons monodose d’antiseptiques iodé et non iodé ;
Il est au mieux placé dans une poche extérieure de la saco- • 1 mètre de couturière, une paire de ciseaux forts ;
che, puisque l’on utilise son contenu en fin de consultation, • des canules de Guedel adulte et enfant.
une fois que la sacoche est refermée. Cette astuce permet de ne
pas oublier du matériel chez le patient. Compartiment traitement
Il comprend : Matériel d’injection et perfusion
• des stylos, un petit calepin pour prendre toutes sortes de
Il comprend :
notes (matériel et drogues utilisées, patients à rappeler, etc.),
• dix aiguilles 21G, dix aiguilles 25G, cinq seringues stériles à
et un plan détaillé de la région ;
trois corps (2, 5, 10 et 20 ml) ;
• un ordonnancier simple, ALD (affection longue durée) et • trois cathéters courts avec clapet semi-automatique ;
sécurisé ; • une boîte de recueil des aiguilles usagées ;
• des feuilles de soins, bons de transport, certificats d’arrêt de • dix tampons alcoolisés, dix petits pansements ;
travail, d’accident de travail, de décès, de non-contagiosité, et • deux garrots élastiques.
des modèles de certificats d’hospitalisation en milieu psy-
chiatrique ; Médicamenteux oraux
• un moniteur de télétransmission des feuilles de soins électro- Ils sont classés par spécialité :
niques ; • cardiologie : une plaquette de Plavix® 75 mg (clopidogrel), un
• un annuaire du réseau de soin local et des correspondants spray de Natispray® 0,30 mg (trinitrine), une plaquette de
habituels rapidement accessibles permettant une bonne Loxen® 50 mg (nicardipine), une plaquette de Cordarone®
orientation du patient en cas de nécessité ; 200 mg (amiodarone) ;
• une base de données sur les médicaments (Doroz ou Vidal sur • digestif : un flacon de Primpéran® goutte (métoclopramide),
ordinateur de poche) ; une plaquette de Mopral® 20 mg (oméprazole), une plaquette
• un tampon de médecin avec adresse et numéro ADELI ; de Spasfon Lyoc® (phloroglucinol), une boîte d’Acupan®
• un appareil photo numérique, des piles de rechange aux (néfopam) ;
formats des appareils de la trousse. • pulmonaire et ORL : une plaquette de Solupred ® 20 mg
(prednisolone), un spray de Ventoline ® (salbutamol), un
Compartiment diagnostic flacon de Célestène ® (bétaméthasone) [9] , une plaquette
d’anti-h1 ;
Il peut être utile de doubler certains de ces appareils dans un • antalgiques : un tube d’Efferalgan Codéiné® (paracétamol-
sac à bord du véhicule pour prévenir d’éventuels incidents codéine), une plaquette de Doliprane® (paracétamol), une
(panne, bris, oubli, etc.). plaquette de Skénan ® 30 mg (sulfate de morphine), une
Ce compartiment contient : plaquette de Zomig® (zolmitriptan) ;
• un stéthoscope, marteau à réflexes, un oxymètre de pouls, un • psychiatrie : une plaquette de Lexomil® (bromazépam), un
manomètre tensionnel (avec trois brassards : adulte, enfant, flacon de Neuleptil® 1 % (propériciazine).
obèse) et un thermomètre tympanique et ses embouts protec- Médicaments injectables
teurs ;
• un électrocardiographe intégrant optionnellement un écran Le Tableau 1 propose une liste exclusivement destinée au
permettant la surveillance continue du patient, voire un médecin généraliste et urgentiste libéral, pour des patients ne
défibrillateur semi-automatique ; nécessitant pas de surveillance prolongée. Le médecin ne peut
• une lampe de poche ; se substituer aux services de secours médicalisés, exception faite
de circonstances exceptionnelles (arrêt cardiorespiratoire
• un débitmètre de pointe (peak-flow meter) et ses embouts à
inopiné, purpura fulminans fébrile, etc.), où un traitement doit
usage unique ;
être débuté par le médecin généraliste en même temps que
• un otoscope et ses spéculums auriculaires jetables de 4 mm
l’alerte est donnée.
et 2,5 mm (et une ampoule de rechange) ;
Chaque médecin doit prendre soin de respecter les indica-
• un ophtalmoscope, une ampoule souple de fluorescéine et un tions des différents médicaments en fonction des différentes
sachet de doigtiers à deux doigts ; conférences de consensus, à toujours vérifier l’absence de
• une anse de Billeau, anse de Snellen ou leur équivalent à contre-indication au traitement entrepris, et son absolue
usage unique ; nécessité sur le moment, malgré un bilan clinique ne permet-
• un détecteur de monoxyde de carbone (CO-tester) ; tant pas de réaliser tous les examens complémentaires
• des bandelettes urinaires (pH, glycosurie, protéinurie, leuco- nécessaires.
cyturie, hématurie, nitrite) ; Par ailleurs, le choix de ces médicaments, de leur concentra-
• un petit flacon de gel antiseptique hydroalcoolique pour peau tion et de leur forme galénique est dicté par leur disponibilité
saine ; en officine pharmaceutique de ville.

2 Médecine d’urgence
Trousse d’urgence ¶ 25-010-A-10

Tableau 1.
Médicaments injectables.
Médicament DCI Présentation Quantité
Antibiotique
Rocephine® ceftriaxone 1 g/3,5 ml 1 ampoule
Antalgiques
Xylocaïne® 2 % lidocaïne 400 mg/20 ml 1 flacon
Morphine® chlorhydrate de morphine 10 mg /1 ml 3 ampoules
Profénid® kétoprofène 100 mg/2 ml 2 ampoules
Acupan® néfopam 20 mg/2 ml 3 ampoules
Cardiologie
Aspégic® acide acétylsalicylique 500 mg 2 flacons
Adrénaline® épinéphrine 1 mg/1 ml 5 ampoules
Atropine® atropine 0,5 mg/1 ml 2 ampoules
Lasilix® furosémide 20 mg/2 ml 3 ampoules
Lovenox® énoxaparine sodique 800 UI/0,8 ml 1 ampoule
Striadyne® triphosadénine 20 mg/2 ml 2 ampoules
Gastroentérologie
Primpéran® métoclopramide 10 mg/2 ml 3 ampoules
Spasfon® phloroglucinol 40 mg/4 ml 3 ampoules
Pulmonaire, ORL, allergie
Salbumol® salbutamol 0,5 mg/1 ml 2 ampoules
Célestène® bétaméthasone 4 mg /1 ml 3 ampoules
Solu-Médrol® méthylprednisolone 40 mg/2 ml 3 ampoules
Atarax® hydroxyzine 100 mg/2 ml 2 ampoules
Polaramine® dexchlorphéniramine maléate 5 mg/1 ml 3 ampoules
Tanganil® acétylleucine 500 mg/5 ml 2 ampoules
Scopolamine® [10] scopolamine bromhydrate 0,5 mg/2 ml 3 ampoules
Psychiatrie, neurologie
Rivotril® [11] clonazépam 1 mg/1 ml 2 ampoules
Valium® diazépam 10 mg/2 ml 2 ampoules
Lepticur® chlorhydrate de tropatépine 10 mg/2 ml 1 ampoule
Tercian® cyamémazine 50 mg/5 ml 2 ampoules
Solutés, glucose
Glucose à 30 % 10 ml 2 ampoules
Eau pour préparation 10 ml 2 ampoules
Sérum physiologique 250 ml 1 poche
Glucose à 10 % 500 ml 1 poche
DCI : dénomination commune internationale.

Autres matériels Pochette administrative


La bouteille d’oxygène est d’un apport indéniable en médecine Elle contient cinq fiches d’intervention, un plan détaillé de
générale et en permanence de soins. Il est possible de l’intégrer la région, un certificat de naissance, de décès, de non-
à la trousse d’urgence à partir du moment où il existe un contagiosité, et des modèles de certificats d’hospitalisation en
moyen de la fixer dans le véhicule. milieu psychiatrique.
Les modèles avec manomètre intégré d’une contenance de
1 m3 sont préférés. Pochette d’examen clinique
L’oxygène est indispensable en zone rurale ou montagneuse
Elle comprend :
mais plus discutable en zone urbaine du fait de la proximité des
• un stéthoscope, un tensiomètre, un marteau à réflexe ;
secours.
• un appareil à glycémie capillaire, un thermomètre électroni-
Les défibrillateurs semi-automatiques ou automatiques sont
que et hypothermique et une protection ;
également à recommander dans la mesure du possible pour le
• un rasoir à usage unique, des ciseaux forts ;
médecin généraliste de permanence de soins. Leur coût et leur
• dix compresses non stériles, dix abaisse-langue, un sachet de
volume en nette diminution doivent, dans un proche avenir,
doigtiers ;
démocratiser leur utilisation en médecine de ville.
• une lampe de poche, une couverture de survie ;
• une boîte de recueil d’aiguilles usagées.

■ Trousse d’urgence de l’unité Pochette ventilation et sondes


mobile hospitalière Elle contient :
• un BAVU (ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle) et
Matériels [8, 12] raccord d’oxygène ;
• un débit mètre de pointe (peak-flow meter) et deux embouts ;
Il semble intéressant de regrouper tout le matériel dans un • des masques (tailles 4 et 5), un masque de nébulisation, un
même sac. kit asthme, un filtre antibactérien ;

Médecine d’urgence 3
25-010-A-10 ¶ Trousse d’urgence

• des lunettes d’oxygénothérapie adulte, des sondes d’oxygéno- Tableau 2.


thérapie (8, 10, 12), un masque d’oxygénothérapie à haute Pharmacie du sac d’urgence.
concentration adulte ; Médicament DCI Valise
• deux dosettes d’Atrovent® (0,5 g/2 ml), quatre dosettes de
salbutamol (5 mg/2,5 ml) ; Adrénaline® épinéphrine 8
• deux drains thoraciques (Ch 12, 16, 18, 28), deux valves de Anexate® flumazénil 1
Heimlich ; Aspégic® acide acétylsalicylique 1
• des sondes d’aspiration (14, 16, 18), des sondes gastriques Atarax® hydroxyzine 2
(12, 14, 18), des sondes vésicales de Foley Ch12 et Ch18 ; Atropine® atropine 2
• une seringue 60 ml gros embout ; Avlocardyl® propanolol 0
• des poches collectrices (sondes gastriques et vésicales, drain
Burinex® bumétanide 3
thoracique).
Celocurine® suxaméthonium 2
Chlorhexidine® monodose chlorhexidine 5
Pochette petit soins
Chlorure de sodium chlorure de sodium 2
Elle contient : Cordarone® injectable amiodarone 2
• des paires de gants non stériles (petit, moyen, grand) ;
Cordarone® comprimés amiodarone 10
• un kit de petite chirurgie (champ stérile absorbant plastifié,
Diprivan® propofol 2
pince à disséquer, paire de ciseaux droits, tampons d’alcool
isopropylique), deux bistouris lame droite, un champ stérile ; Dobutrex® dobutamine 1
• deux fils à peau de 3.0 et 4.0, trois sachets de sutures Digoxine® digoxine 0
adhésives ; Dopamine® dopamine 2
• cinq sachets de compresses stériles, deux pansements améri- Éphédrine® éphédrine 2
cains stériles petits et grands, des petits pansements, un Glucose 30 % glucose 30 % 2
rouleau de sparadrap, une bande élastique adhésive de 6 cm.
Lovenox® énoxaparine 1
Héparine® héparine 1
Pochette intubation
Hypnomidate® étomidate 2
Elle contient : Hypnovel® 1 mg midazolam 2
• un manche de laryngoscope, un kit Minitrach® (canule de Hypnovel® 5 mg midazolam 1
cricothyroïdotomie et matériels annexes), une lame de
Ketalar® kétamine 3
laryngoscope à usage unique n° 3 et n° 4, des piles de
Lexomil® bromazépam 4
rechange ;
• un manomètre de pression de ballonnet, un mandrin à Loxen® nicardipine 1
extrémité souple ; Morphine® chlorhydrate de morphine 3
• des sondes d’intubation (8,5, 8, 6,5, 6), deux sondes d’intu- Narcan® naloxone 2
bation 7,5 ; Natispray® trinitrine 1
• 1 pince de Magill, un rouleau de sparadrap, une seringue de Nesdonal® thiopental 1
10 ml ; Noradrénaline® norépinéphrine 2
• Canules de Guedel 4, 3, 2.
Plavix® clopidogrel 8
Risordan® isosorbide dinitrate 3
Pochette injection
Salbutamol® salbutamol 1
Elle comporte une seringue de 1 ml, deux de 2 ml, quatre de Solu-Médrol® méthylprednisolone 2
5 ml, quatre de 10 ml, quatre de 20 ml, cinq aiguilles (pompeu- Striadyne® triphosphate 2
ses, intraveineuses, intramusculaires) et des tubes de prélève-
Sufenta® 50 µg sufentanil 3
ments sanguins (numération formule sanguine, ionogramme
Sulfate de magnésium® sulfate de magnésium 1
sanguin, hémostase, etc.).
Tenormine® aténolol 1
Pochette perfusion Tercian® cyamémazine 1
Tildiem® diltiazem 2
Elle comprend :
Valium® diazépam 3
• trois tubulures, deux prolongateurs de seringue électrique,
Xylocard® 5 % lidocaïne 1
deux seringues de 50 ml pour seringue électrique, un kit de
perfusion osseuse, quatre cathlons (22G, 20G, 18G, 16G, Perfalgan® paracétamol 1
14G) ; Xylocaïne® 5 % lidocaïne 1
• quatre robinets trois voies, quatre bouchons de perfusion ; Xylocaïne® 2 % lidocaïne 1
• trois sachets de compresses stériles, quatre compresses de DCI : dénomination commune internationale.
Bétadine®, deux compresses avec chlorhexidine, un rouleau
de sparadrap, deux garrots, trois Opsite®.
• un laboratoire embarqué type Istat (gaz du sang, ionogramme
Pochette solutés
sanguin) et de type Triage (peptide natriurétique de type B,
Elle contient du sérum physiologique (50 ml), du Voluven® troponine, D-dimère) ;
(500 ml), du Ringer Lactate® (500 ml), du bicarbonate 4,2 % • un aspirateur de mucosités électrique avec batterie auto-
(250 ml), deux sérums glucosés 10 % (250 ml), du Perfalgan® nome ;
(1 g). • quatre pousse-seringue ;
Une CardioPump® et un CO-tester sont accrochés à l’extérieur • un appareil de mesure de l’hémoglobine (HémoCue®) ;
du sac d’urgence. • un respirateur permettant la ventilation non invasive.

Instrumentation électronique
Pharmacie du sac d’urgence
Elle est composée de :
• un défibrillateur multiparamétrique avec électrocardiographe Le contenu de la pharmacie du sac d’urgence est présenté
intégré ; dans le Tableau 2.

4 Médecine d’urgence
Trousse d’urgence ¶ 25-010-A-10

Tableau 3.
Médicaments de la pharmacie de l’unité mobile hospitalière.
Médicament DCI Présentation UMH
Adrénaline® épinéphrine 5 mg/5 ml 12
Agrastat® tirofiban anti-GP IIb-IIIa 50 µg/ml Protocole
Anexate® flumazénil 1 mg/10 ml 3
Aspégic® acide acétylsalicylique 500 mg/flacon 3
Atarax® hydroxyzine 100 mg/2 ml 3
Atropine® atropine 1 mg/ml 5
Augmentin® amoxicilline + acide clavulanique 1 g + 125 mg poudre 2
Avlocardyl® propanolol 5 mg/5 ml 2
Burinex® bumétanide 2 mg/4 ml 6
Chlorure de calcium® chlorure de calcium 10 g/100 ml ampoule 10
Celocurine® suxaméthonium 50 mg/ml 8
Chlorhexidine® monodose chlorhexidine 10
Chlorure de potassium chlorure de potassium 5
Chlorure de sodium chlorure de sodium 9 ‰/10 ml 10
Claforan® céfotaxime 1g 3
Cordarone® comprimé amiodarone 200 mg 10
Cordarone® injectable amiodarone 150 mg/3 ml 3
Digoxine® digoxine 0,25 mg 2
Dilantin® phénytoïne 250 mg/5 ml 5
Diprivan® propofol 200 mg/20 ml 3
Dobutrex® dobutamine 250 mg/20 ml 3
Dopamine® dopamine 200 mg/5 ml 3
Éphédrine® éphédrine 30 mg/ml 4
Gardénal® phénobarbital 200 mg/4 ml 4
Glucose 10 % glucose 10 % 2
Glucose 30 % glucose 30 % 6
Héparine® héparine 25 000 UI/5 ml 4
Hémisuccinate d’hydrocortisone hémisuccinate d’hydrocortisone 500 mg 2
Hypnomidate® étomidate 20 mg/ml 6
Hypnovel® 1 mg midazolam 1 mg/ml 10
Hypnovel® 5 mg midazolam 5 mg/ml 2
Ketalar® kétamine 250 mg/5 ml 3
Lexomil® bromazépam 6 mg/comprimé 10
Lovenox® injectable énoxaparine 4 000 UI/0,4 ml 2
Loxen® nicardipine 10 mg/10 ml 4
Narcan® naloxone 0,4 mg/ml 5
Natispray® trinitrine 0,30 mg 1
Nesdonal® thiopental 1g 2
Noradrénaline® norépinéphrine 8 mg/4 ml 4
Perfalgan® paracétamol 10 mg/10 ml 2
Plavix® clopidogrel 75 mg/comprimé 4
Profenid® kétoprofène 100 mg i.v. 2
Risordan® isosorbide dinitrate 10 mg/10 ml 10
Salbutamol® salbutamol 5 mg/5 ml 5
Scopolamine® scopolamine 0,5 mg/2 ml 2
Solu-Médrol® méthylprednisolone 120 mg/2 ml 4
Spasfon® phloroglucinol 40 mg/4 ml 5
Striadyne® triphosadénine 20 mg/2 ml 5
Sulfate de magnésium® sulfate de magnésium 1
Tenormine® aténolol 5 mg/10 ml 3
Tercian® cyamémazine 50 mg/5 ml i.m. 2
Tildiem® diltiazem 100 mg poudre 3
Trandate® labétalol 100 mg/20 ml 2
Valium® diazépam 10 mg/2 ml 20
Vancomycine® vancomycine 500 mg 2
Ventoline® salbutamol spray 1
Vogalene® métopimazine 10 mg/1 ml 6
Xylocaïne® 2 % lidocaïne 400 mg/20 ml 1
Xylocaïne® 5 % spray lidocaïne 5g 1
Xylocard® 5 % lidocaïne 1 g/20 ml 2
DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.

Médecine d’urgence 5
25-010-A-10 ¶ Trousse d’urgence

Tableau 4.
Solutés.
Produits DCI Présentation Valise UMH
G5% G5% 500 ml 1 5
Ringer lactate® chlorure de calcium, chlorure de potassium, chlorure 500 ml 1 5
de sodium, lactate de sodium
Voluven® hydroxyéthylamidon 500 ml 2 5
Sérum physiologique chlorure de sodium 9 ‰ 50 ml 1 5
Sérum physiologique chlorure de sodium 9 ‰ 500 ml 1 5
Bicarbonate de sodium 4,2 % bicarbonate de sodium 250 ml 1 3
Sérum salé hypertonique chlorure de sodium 20 % 500 ml 0 1
DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.

Fluides Tableau 5.
Kits médicamenteux.
Les fluides emportés sont deux bouteilles d’oxygène de 3 m3,
Nom Médicaments DCI UMH
deux bouteilles d’oxygène de 1 m3 et une bouteille de MEOPA.
Thrombolyse Ténectéplase TNK-rTP 1
Immobilisation Altéplase
Héparine®
Le matériel d’immobilisation est composé d’un jeu complet
Aspégic®
de minerves, d’un jeu complet d’attelles à dépression et d’un
Plavix®
matelas à dépression.
Asthme Atrovent® 2
Bricanyl®
Kits médicaux et thérapeutiques
prêts à l’usage DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.

Kit de pression artérielle sanglante


Tableau 6.
Il est composé de : Produits à conserver dans le réfrigérateur de l’UMH.
• une tête de pression, un cordon de connexion ;
Produits DCI Présentation UMH
• deux films adhésifs, deux fils à suture avec aiguille droite ;
• un cathéter artériel fémoral 5F, un cathéter artériel radial 3F ; Syntocinon® oxytocine 5 UI/ml 4
• un bistouri, une poche de contrepression, une poche de Isuprel® isoprénaline 0,2 mg/ml 10
chlorure de sodium 0,9 % (250 ml) ; Somatostatine® somatostatine 3 mg
• trois paquets de compresses stériles, des paires de gants Rivotril® clonazépam 1 mg/ml 5
stériles 7, 7,5, 8, 9, un champ troué stérile, deux plaques de Celocurine® suxaméthonium 100 mg/2 ml 6
Stéristrip®, deux monodoses de Bétadine®.
Glucagen® glucagon 1 mg/ml poudre 4
Kit accouchement Insuline Actra- insuline 100 UI/ml 2
pid®
Il comprend : Metalyse® ténectéplase 10 000/10 ml 1
• un plateau en plastique 30 × 30 cm, trois clamps de Barr, un
Actilyse® altéplase 10 mg 1
bistouri lame 23, une paire de ciseaux à épisiotomie ;
• deux champs absorbants, un champ stérile 75 × 75 cm, trois DCI : dénomination commune internationale ; UMH : unité mobile hospitalière.
sachets de compresses stériles, des paires de gants stériles 6,
7, 7,5, 8, une bande élastique de 4 cm ;
• un bonnet jersey enfant, une couverture métallisée pédiatri- Tableau 7.
que, un raccord biconique pédiatrique ; Antidotes spécifiques.
• des flacons monodose de chlorhexidine et de Bétadine® ; Produits DCI Présentation SAMU
• un sonde vésicale béquillée CH 12, une sonde d’aspiration
BAL® dimercaprol 200 mg/2 ml 5
CH6/CH8, une poche de recueil d’urines.
Bleu de méthylène bleu de méthylène 5
Kit fibrinolyse Contrathion® pralidoxime 200 mg 5
Digidot® anticorps antidigitaline 80 mg 1
Il comprend :
Dantrium® dantrolène 20 mg 5
• un kit Metalyse® ;
• un flacon d’héparine 25 000 UI/5 ml, un flacon d’Actylise® Kelocyanor® EDTA dicobaltique 300 mg/20 ml 5
50 mg, un flacon d’Aspégic® 500 mg ; Fomepizole® fomépizole 5 mg/ml 10
• une seringue de 50 ml, une de 10 ml, une de 5 ml, trois Prostigmine® néostigmine méthylsulfate 0,5 mg/ml 4
aiguilles pompeuses ; Vitamine B6 pyridoxine 250 mg/5 ml 3
• quatre comprimés de Plavix®, une ampoule de 10 ml de Kaskadil® PPSB poudre 3
chlorure de sodium 9 ‰. + solvant/20 ml
Atropine® atropine sulfate 1 mg/1 ml 20
Pharmacie DCI : dénomination commune internationale ; PPSB : prothrombine-
proconvertine-Stuart-B.
Les médicaments de la pharmacie de l’unité mobile hospita-
lière [12] sont présentés dans le Tableau 3.

Les kits médicamenteux sont regroupés dans le Tableau 5. Les


Autres produits produits à conserver dans le réfrigérateur de l’unité mobile
Les solutés sont présentés dans le Tableau 4. Le fluide médical hospitalière sont répertoriés dans le Tableau 6. Les antidotes
utilisé est le Kalinox® (MEOPA). spécifiques sont conservés au SAMU (Tableau 7).

6 Médecine d’urgence
Trousse d’urgence ¶ 25-010-A-10

■ Références
.

[8] Domanski L, Camilleri G, Malgras G, Loupiac E, Kowalski JL. Trousse


d’urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Urgences, 24-000-B-
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cabinet. Paediatr Child Health 1999;4:219-20. 2004.

N. Crocheton, Praticien hospitalier (nicolas.crocheton@avc.aphp.fr).


Hôpital Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Crocheton N. Trousse d’urgence. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-A-10,
2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 7
 25-010-B-10

Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte.


Chaîne de survie et défibrillation précoce
P. Carli, C. Télion, M. Nahon

Pour augmenter la survie des arrêts cardiaques (AC), une amélioration de la chaîne de survie est indis-
pensable. Le diagnostic de l’AC repose sur l’absence de signe de vie et impose la mise en œuvre immédiate
de compressions thoraciques au rythme de 100/min. Il doit être reconnu le plus vite possible dès l’appel
téléphonique au « 15 ». La réanimation cardiopulmonaire (RCP) peut alors être guidée par téléphone.
L’alternance compression thoracique/insufflation est de 30:2. Si le rythme est une fibrillation ventri-
culaire ou une tachycardie ventriculaire sans pouls, la défibrillation est réalisée par un choc électrique
externe unique ayant une énergie de 150 à 200 joules en ondes biphasiques ou de 360 joules en ondes
monophasiques. Après chaque choc, deux minutes de RCP sont réalisées avant toute vérification du
pouls ou du rythme cardiaque sauf si le patient présente des signes manifestes de réveil. La défibrillation
automatique externe par le public améliore le pronostic des AC, et cette stratégie doit être renforcée
en France. La réanimation médicalisée impose l’intubation orotrachéale associée à une ventilation en
fraction d’oxygène dans les gaz inspirés égale à 1. Le masque laryngé est la meilleure alternative en
cas d’intubation difficile. L’adrénaline, vasoconstricteur de référence, est administrée à la dose de 1 mg
en intraveineuse, environ toutes les 4 minutes quel que soit le rythme présent. L’amiodarone est recom-
mandée pour les fibrillations ventriculaires et les tachycardies ventriculaires sans pouls résistantes. Lors
de l’obtention d’une reprise d’activité cardiaque spontanée, et dès la phase préhospitalière, le syndrome
post-AC doit être combattu et une hypothermie modérée doit être instituée.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Arrêt cardiaque ; Mort subite de l’adulte ; Chaîne de survie ; Réanimation cardiopulmonaire de base ;
Massage cardiaque externe ; Réanimation cardiopulmonaire médicalisée ; Défibrillation automatisée externe ;
Défibrillateur semi-automatique ; Adrénaline ; Amiodarone

Plan ■ Réanimation médicalisée 5


Contrôle des voies aériennes et de la ventilation 5
■ Introduction 2 Voie veineuse 5
Vasopresseurs 6
■ Chaîne de survie 2 Antiarythmiques 6
■ Alerte et reconnaissance de l’arrêt cardiaque 2 Autres médicaments 6
■ Réanimation cardiopulmonaire de base 2 Massage cardiaque instrumental 6
Libération des voies aériennes 2 Algorithme de la réanimation cardiopulmonaire médicalisée 6
Massage cardiaque externe (MCE) 3 Causes immédiatement curables 6
Ventilation par le bouche-à-bouche 3 ■ Réanimation post-arrêt cardiaque 7
Algorithme de la réanimation cardiopulmonaire de base 4 ■ Arrêt de la réanimation 7
Réanimation cardiopulmonaire guidée par téléphone 4
■ Assistance circulatoire 8
■ Défibrillation 4
■ Circonstances particulières 8
Technique de défibrillation 4
Défibrillation automatisée externe 4 Noyades 8
Algorithme de défibrillation 5 Hypothermie accidentelle 8
Arrêt cardiaque traumatique 8
Arrêt cardiaque et grossesse 9

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 25-010-B-10 2012
doi:10.1016/S1959-5182(12)59016-1
25-010-B-10  Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

■ Évaluation du pronostic 9 les maillons suivants. Cependant les progrès récents de la réani-
■ Prévention des arrêts cardiaques préhospitaliers 9 mation post-AC participent à l’amélioration du pronostic et la
diminution des séquelles neurologiques des survivants.
■ Conclusion 9

 Introduction “ Point fort


On estime que l’arrêt cardiaque (AC) de l’adulte et sa forme La survie d’une victime d’AC dépend de la rapidité avec
inopinée la mort subite touchent en Europe près de 700 000 laquelle se déploie la « chaîne de survie » qui comprend :
patients par an. Plus de 40 % de ces AC sont dus à une fibrillation l’alerte, la RCP de base par les témoins, la DAE et la RCP
ventriculaire (FV) [1] et la majorité est l’expression de l’ischémie
médicalisée. Elle dépend aussi de la qualité des gestes réa-
coronarienne. En l’absence de prise en charge efficace précoce,
lisés sur le terrain.
la survie dépasse rarement 3 %. Une organisation préhospitalière
coordonnée et efficace peut permettre jusqu’à 30 % de survie.
Pour améliorer cette prise en charge, des travaux scientifiques
récents ont conduit à modifier les pratiques des intervenants qu’il
s’agisse du public, des secouristes ou des professionnels de santé.
 Alerte et reconnaissance
Ces modifications ont été publiées sous la forme d’un consensus de l’arrêt cardiaque
scientifique international en 2010 [2] actualisant les recommanda-
tions formalisées d’experts français [3] . La précocité et la qualité de l’alerte sont des facteurs impor-
La réanimation préhospitalière des AC prend un relief particu- tants du pronostic de l’AC. L’absence de circulation est facilement
lier en France car elle est réalisée par les équipes médicales des objectivée par les professionnels de santé par l’absence de pouls.
service d’aide médicale d’urgence-service médical d’urgence et de Cependant, pour les AC préhospitaliers, c’est avant tout le public,
réanimation (Samu-Smur). Cette réanimation médicalisée précoce témoin de l’effondrement de la victime, qui doit reconnaître l’AC
est un point fort de notre système, mais il est nécessaire, en France, et donner l’alerte. La reconnaissance de l’AC se heurte ainsi à la
d’améliorer, à l’instar des pays anglo-saxons, la prise en charge par prise du pouls qui n’est pas un geste simple pour le public. Elle
les premiers intervenants qu’il s’agisse des témoins de l’AC ou des a donc été remplacée par l’observation de la victime. La consta-
secouristes. tation d’absence de « signe de vie », définie par un sujet aréactif,
ne bougeant pas et ne respirant pas (ou respirant de façon fran-
chement anormale avec des gasps agoniques) est suffisante pour
“ Point fort affirmer l’AC et inciter le témoin à donner l’alerte et agir immé-
diatement. La reconnaissance de l’AC au téléphone dès l’appel
d’urgence améliore le pronostic. Il est important de former les
Le consensus international de 2010 confirme le rôle très personnels recevant ces appels à détecter les signes de l’AC [5] et à
important des premiers intervenants pour améliorer la sur- ne pas se laisser abuser par les gasps agoniques [6] . Cette reconnais-
sance immédiate permet de faire intervenir les équipes de secours
vie des AC préhospitaliers.
dans les meilleurs délais et aussi de guider la RCP par téléphone.

 Chaîne de survie
“ Point fort
Le concept de « chaîne de survie », introduit en 1990 [4] , décrit La reconnaissance de l’AC dès l’appel d’urgence permet
les actions nécessaires pour améliorer la survie des AC par FV à de guider la RCP par téléphone et ainsi d’améliorer le pro-
l’extérieur de l’hôpital. Cette chaîne comprend quatre maillons nostic.
(Fig. 1) :
• l’alerte immédiate en téléphonant aux services de secours par
l’appel au 15 en France (interconnecté au 18) ;
• la réanimation cardiopulmonaire (RCP) de base, réalisée par les
témoins ;
• la défibrillation précoce réalisée par les secouristes ou les  Réanimation cardiopulmonaire
témoins avec un défibrillateur automatisé externe (DAE) ;
• la réanimation médicalisée par une équipe préhospitalière
de base
(Smur) et la réanimation post-AC immédiate sur le terrain. La RCP de base est une assistance cardiorespiratoire rudimen-
Les maillons de cette chaîne ont un poids pronostique différent. taire, réalisée sans matériel, mais qui permet de limiter l’ischémie
La RCP de base et la défibrillation précoces ont un effet majeur et ainsi de prolonger le temps pendant lequel on peut rétablir
sur le pronostic et leur défaillance ne peut être compensée par une circulation spontanée. Après la survenue d’un AC, on estime
qu’en l’absence de RCP, pour chaque minute qui passe, les chances
de survie diminuent d’environ 10 %. La précocité de sa réalisa-
tion conditionne largement le pronostic. C’est pour cela qu’elle
doit être réalisée par des témoins de l’AC puis continuée par les
secouristes et l’équipe médicalisée. Dès que l’AC est reconnu par
téléphone, au cours de l’appel d’urgence, le médecin régulateur du
15 Samu guide le témoin pour réaliser les gestes en attendant l’arrivée
des secours et de l’équipe de réanimation préhospitalière.

1 2 3 4 Libération des voies aériennes


Figure 1. Chaîne de survie. 1. Alerte précoce ; 2. réanimation cardio- Elle est effectuée de la manière la plus simple possible en attirant
pulmonaire (RCP) de base précoce ; 3. défibrillation précoce ; 4. RCP le menton vers le haut (Fig. 2), geste plus facile à réaliser que la
médicalisée et réanimation immédiate post-arrêt cardiaque. classique subluxation du maxillaire.

2 EMC - Médecine d’urgence


Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce  25-010-B-10

La fréquence du MCE est d’au moins 100/min avec une dépres-


sion de 5 à 6 cm du thorax chez un adulte et un temps égal pour
la compression et la relaxation du thorax. Il est important de res-
pecter complètement la période de relaxation du thorax après
la compression [8] car elle conditionne l’efficacité du geste. Pour
effectuer efficacement ce geste, la position précise du sauveteur
doit être respectée : à l’aplomb du thorax de la victime, bras tendus
perpendiculairement à la victime, talons des mains posés au centre
du thorax de la victime (Fig. 3). La RCP commence par 30 compres-
sions thoraciques suivies de deux insufflations. On alterne ensuite
30 compressions et deux insufflations. Le rapport 30 pour 2 a été
retenu pour la RCP de l’adulte comme pour celle de l’enfant. Ce
choix permet en effet une séquence de compressions plus longue
réduisant les interruptions du MCE dues à la ventilation et simpli-
fie l’enseignement [9] . Cependant, il n’a pas été possible de mettre
en évidence une amélioration du pronostic liée exclusivement au
rapport 30 compressions pour deux insufflations.

Figure 2. Libération des voies aériennes. “ Point fort


La RCP commence par le MCE. Le rapport entre les
La recherche d’un corps étranger obstruant les voies aériennes
n’est pas systématique. Elle est réalisée par le secouriste entraîné compressions thoraciques et les insufflations est de 30:2.
seulement s’il existe un corps étranger visible ou des signes évi-
dents d’obstruction. Tout geste de désobstruction doit être réalisé
sous le contrôle de la vue.
Si, après avoir libéré les voies aériennes, la respiration est
absente ou franchement anormale, le témoin doit alors immé- Ventilation par le bouche-à-bouche
diatement appeler ou faire appeler le 15 (interconnecté au 18) et
commencer les compressions thoraciques. La ventilation par le bouche-à-bouche dans les minutes suivant
l’AC n’est plus considérée comme le premier geste à réaliser chez
l’adulte. En effet, les besoins en ventilation au cours de la RCP
sont limités et la ventilation a aussi un inconvénient majeur :
Massage cardiaque externe (MCE) elle interrompt le MCE et a ainsi un effet délétère sur la survie [7] .
Le MCE est la composante la plus importante de la RCP de base. Chaque insufflation est réalisée rapidement, pendant environ 1
Les compressions thoraciques sont un geste prioritaire par lequel seconde avec un volume courant limité, juste suffisant pour per-
débute la RCP. Le public est incité à réaliser le MCE dans tous les mettre au thorax de la victime de se soulever. Ceci s’applique aussi
cas même s’il ne le veut pas ou ne peut pas réaliser la ventilation à la ventilation au masque et au ballon autoremplisseur.
par le bouche-à-bouche. La crainte d’une contamination au cours du bouche-à-bouche
Le MCE permet de maintenir un minimum de perfusion pour reste d’actualité. Plus que le virus de l’immunodéficience humaine
les coronaires et le cerveau. Il doit être le plus continu possible, (VIH) dont la transmission n’a pas été rapportée, le risque de
en limitant drastiquement les interruptions et en reprenant au contracter la tuberculose ou plus récemment le syndrome respi-
plus vite les compressions thoraciques. Toute interruption pro- ratoire aigu sévère (SRAS) a été décrit. Les professionnels de santé
voque un effondrement de la pression de perfusion et compromet sont incités à utiliser pour la RCP un masque à usage unique, un
les chances de succès de la défibrillation [7] . Il faut ensuite plu- champ protecteur ou un ballon autoremplisseur et à réaliser deux
sieurs compressions avant de réobtenir une pression de perfusion insufflations pour 30 compressions tant que les voies aériennes
suffisante dans les coronaires. n’ont pas été contrôlées par l’intubation endotrachéale.

Figure 3. Massage cardiaque externe (A, B).

EMC - Médecine d’urgence 3


25-010-B-10  Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

Algorithme de la réanimation
cardiopulmonaire de base
Pas de réaction Appeler de l'aide
Cet algorithme résume la conduite à tenir par tout témoin
d’un AC. La victime ne réagit pas ; après avoir demandé qu’on
vienne l’aider, le témoin libère les voies aériennes, et s’il constate
l’absence de signe de vie et une ventilation absente anormale Libérer les voies aériennes
(gasps agoniques), il fait appeler les secours, et commence la RCP
par 30 compressions alternées ensuite avec deux insufflations.
Cette réanimation basique est poursuivie jusqu’à l’arrivée d’un
défibrillateur et/ou d’une équipe de secouristes (Fig. 4). Respiration anormale ? Gasps ?

Réanimation cardiopulmonaire guidée


Appeler le 15
par téléphone
Lorsqu’un témoin confronté à un AC donne l’alerte par télé-
phone, tout doit être fait pour l’inciter à débuter la RCP de base. 30 compressions thoraciques
Le médecin régulateur du Samu peut, pour aider l’intervenant
qui n’a que peu ou pas de pratique de la RCP, guider ses gestes
par téléphone jusqu’à l’arrivée des secours. Dans ce cas, lorsque
l’intervenant n’est pas formé à la ventilation par le bouche-à- 2 insufflations alternées
bouche, on lui donne uniquement l’instruction de réaliser le MCE avec 30 compressions thoraciques
car l’improvisation de ce geste est à la portée de tout intervenant
et sa réalisation même imparfaite est préférable à l’absence totale
de RCP. Figure 4. Arbre décisionnel. Réanimation cardiopulmonaire basique.

 Défibrillation
donc un choc dont la valeur est comprise entre 150 et 200 J.
La précocité de ce geste conditionne le pronostic des FV et des L’énergie recommandée pour la défibrillation monophasique est
tachycardies ventriculaires (TV) sans pouls. Elle est réalisée en pré- d’emblée de 360 J.
hospitalier par des secouristes mais aussi de plus en plus par le Pour les chocs ultérieurs, l’augmentation de l’énergie par paliers
public. successifs paraît logique mais elle ne donne pas de meilleurs résul-
tats qu’une énergie fixe. Actuellement, la même énergie est donc
conservée pour le premier choc et les chocs suivants : 150-200 J
Technique de défibrillation pour les défibrillateurs biphasiques, 360 J pour les monopha-
Nombre de chocs siques.

La défibrillation est réalisée sous la forme d’un choc électrique


suivi de 2 minutes de RCP avant d’administrer le deuxième choc.
Réanimation cardiopulmonaire et défibrillation
Le choix de ne réaliser qu’un seul choc est justifié par plu- Il semble que même si la défibrillation a d’autant plus de chance
sieurs arguments tels que la mise en évidence de l’effet néfaste de succès qu’elle est précoce, son efficacité est augmentée par
de l’interruption prolongée du MCE due aux trois chocs [10] et la réalisation préalable de quelques minutes de RCP. La réalisa-
le taux de succès pouvant dépasser 70 % du premier choc réa- tion systématique d’une période de 2 ou 3 minutes de RCP avant
lisé avec un défibrillateur à ondes biphasiques [11] . Cependant de défibriller n’a pas démontré d’effet sur le pronostic, elle n’est
dans certaines circonstances, on peut délivrer trois chocs élec- donc plus recommandée. Cependant, la RCP est commencée et
triques en valves, lorsque l’AC survient devant des secouristes, continuée pendant qu’on met en place le défibrillateur [12] .
chez un patient encore conscient ou lorsque le patient est
monitoré.
Il est très important de limiter le plus possible l’interruption du Défibrillation automatisée externe
MCE pour réaliser le choc. Elle ne peut pas dépasser 5 secondes
Défibrillateurs
encadrée par le MCE. Les contrôles de sécurité vérifiant l’absence
de contact avec un intervenant doivent être très rapides d’autant Les DAE permettent de réaliser la défibrillation sans que
plus que le risque de recevoir un choc électrique dangereux est l’intervenant ne reconnaisse le rythme cardiaque. Les appareils
très faible lorsque les secouristes portent des gants. Dès le choc analysent le rythme cardiaque au moyen de deux électrodes auto-
administré, il faut donc reprendre la RCP sans vérifier le pouls collantes connectées à un système informatique. Si la FV ou la TV
car il est en effet très rare qu’il réapparaisse immédiatement. La est présente, l’appareil permet de réaliser un choc à la demande
poursuite du MCE 1 à 2 minutes correspond alors à une assistance (défibrillateur semi-automatique) ou automatiquement (défibril-
circulatoire rudimentaire le temps que le rythme se stabilise et lateur automatique). Une voix synthétique permet de guider la
qu’un débit sanguin efficace apparaisse. RCP entre les chocs et émet des messages d’alerte au moment
du choc. Ces appareils sont très sûrs, faciles à utiliser et relati-
Énergie du choc vement bon marché. Ils sont exclusivement de type biphasique.
Leur sécurité d’emploi, leur fiabilité et leur simplicité d’utilisation
Il est clairement établi que les défibrillateurs à ondes bipha- leur permettent d’être utilisés non seulement par des secouristes
siques sont plus efficaces et moins agressifs pour le myocarde mais aussi par le public. De nombreux modèles sont disponibles.
que les défibrillateurs à ondes monophasiques [11] . Il existe plu-
sieurs types d’ondes biphasiques qui sont considérés comme
équivalents. Les deux formats d’ondes biphasiques les plus cou-
Modalités
rants, biphasique tronqué exponentiel et biphasique linéaire, sont L’introduction de la DAE avec des défibrillateurs semi-
équivalents. Les défibrillateurs biphasiques modernes peuvent automatiques ou automatiques, réalisée par des secouristes,
compenser les variations d’impédance thoracique et ajuster a considérablement réduit le délai de défibrillation. De très
l’amplitude et la durée de l’onde pour délivrer l’énergie exacte- nombreux travaux confirment le bénéfice sur le pronostic de
ment nécessaire au choc. Tout défibrillateur biphasique délivre cette évolution [13] . En France, l’utilisation de cette technique

4 EMC - Médecine d’urgence


Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce  25-010-B-10

RCP 30:2
en attendant l'arrivée du DAE
“ Points forts
• Les défibrillateurs à ondes biphasiques sont plus effi-
caces et lèsent moins le myocarde que les défibrillateurs à
Branchement du DAE ondes monophasiques. Le premier choc électrique externe
Analyse du rythme est délivré à 150-200 J pour un défibrillateur biphasique. Il
est immédiatement suivi par 2 minutes de RCP, avant de
réaliser un nouveau choc avec la même énergie, si la FV
Choc conseillé Choc non conseillé persiste.
• La défibrillation précoce pratiquée avec un DAE améliore
le pronostic de l’AC. Elle est réalisée par des secouristes
entraînés. L’utilisation de cette technique par le public
1 choc 150-200 J Reprendre immédiatement améliore encore le pronostic. Le développement de tels
biphasique RCP 30:2 pendant 2 min programmes est fortement recommandé, il est en cours
en France.

Reprendre immédiatement Continuer jusqu'à la reprise


RCP 30:2 pendant 2 min d'une ventilation spontanée
 Réanimation médicalisée
Figure 5. Arbre décisionnel. Conduite à tenir en cas de défibrilla-
tion. RCP : réanimation cardiopulmonaire ; DAE : défibrillateur automatisé Elle est réalisée par l’équipe médicalisée d’un Smur. Pendant
externe. qu’on effectue les gestes spécialisés, il faut limiter les interruptions
de la RCP de base ; le MCE doit être le plus continu possible.

est maintenant maîtrisée par les secouristes professionnels. La


volonté de réduire encore le temps d’accès à un défibrillateur a Contrôle des voies aériennes
conduit à faire réaliser ce geste par d’autres personnels ou même et de la ventilation
par le public. Cette stratégie améliore le pronostic quand elle est
bien intégrée aux secours organisés. Ainsi, des défibrillateurs ont En France, où interviennent des équipes préhospitalières médi-
été mis à la disposition des personnels de sécurité des casinos [14] calisées, l’intubation endotrachéale reste le meilleur moyen de
et des personnels de compagnies aériennes [15] . Plusieurs travaux contrôle des voies aériennes. Pour réaliser l’intubation, l’arrêt de
ont montré que l’utilisation de DAE en « libre service » dans les la RCP doit être très bref, en tout cas inférieur à 30 secondes.
lieux publics améliorait le pronostic. En Amérique du Nord, la L’intubation est importante pour la ventilation et la protection
mise à disposition du public de défibrillateurs est généralisée dans des voies aériennes, mais elle n’est pas essentielle immédiate-
les aéroports et les parcs d’attractions. De bons résultats ont été ment : si elle n’a pas pu être réalisée pendant la RCP, elle peut
aussi obtenus en Europe [16] conduisant à recommander vivement l’être après le retour à une circulation spontanée. L’intubation
le développement de tels programmes. Sur le plan international, permet de réaliser le MCE en continu (sans pause ventilatoire),
il a été proposé de mettre à la disposition du public un DAE à 100 de fréquence. La ventilation manuelle ou mécanique est
dans les lieux où un AC devant témoins peut survenir tous les alors effectuée à une fréquence de 10 par minute avec une frac-
2 ans. Les équipements sportifs sont aussi un lieu d’implantation tion d’oxygène dans les gaz inspirés (FiO2 ) à 1, sans alternance
privilégié en raison du risque accru de mort subite à avec les compressions thoraciques. Le contrôle des voies aériennes
l’effort. par l’intubation endotrachéale rend possible le monitorage de la
En France, les implantations de défibrillateurs automatiques en capnographie. Ce monitorage est fortement recommandé car il
« libre service » et la mise à disposition de DAE dans les lieux permet de vérifier la bonne position de la sonde d’intubation mais
publics se répandent rapidement. Il semble que des formations aussi d’évaluer la qualité du MCE et de signaler précocement le
très courtes (30 min) et les campagnes d’information facilitent retour à une circulation spontanée.
l’utilisation de ce matériel par le public. En cas d’échec de l’intubation, la meilleure alternative est la
mise en place d’un masque laryngé [17] . Ce dispositif est simple et
rapide à mettre en place et assure une protection satisfaisante des
voies aériennes. En Amérique du Nord, où seules des auxiliaires
“ Point fort médicaux interviennent en préhospitalier, la pose d’un masque
laryngé est préférée à l’intubation endotrachéale. En effet, la pose
du masque laryngé se révèle plus simple malgré un faible entraî-
Conditions nécessaires de ces équipements et mise nement.
en place de DAE à la disposition du public « en libre
service »
• Coordination efficace avec les secours organisés : alerte
Voie veineuse
systématique au 15 La voie veineuse périphérique est préférée à la voie veineuse
• Information de la population et proposition de forma- centrale pour injecter les médicaments au cours de la réanimation
tion courte des intervenants potentiels préhospitalière car elle est plus simple, plus sûre et plus rapide à
mettre en place. Premier geste de la RCP médicalisée, il ne doit pas
être différé. En cas de difficulté d’abord veineux, la voie intraos-
seuse est une alternative efficace, non seulement chez l’enfant
Algorithme de défibrillation mais aussi chez l’adulte, avec un dispositif adapté. En France,
la voie veineuse reste l’abord vasculaire standard. Dans les pays
La Figure 5 résume la conduite de la défibrillation en pré- anglo-saxons, elle est de plus en plus remplacée en première inten-
hospitalier avec un DAE. La RCP ne doit pas être interrompue tion par la voie intraosseuse dont la courbe d’apprentissage est
plus de 5 secondes pour délivrer le choc. La RCP, si le choc est plus rapide.
inefficace ou non indiqué, est continuée jusqu’à l’arrivée des La voie trachéale (par la sonde d’intubation) n’est plus utilisée
secours. car les concentrations plasmatiques obtenues sont imprévisibles.

EMC - Médecine d’urgence 5


25-010-B-10  Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

Le remplissage vasculaire systématique n’est pas indiqué, sauf du pronostic. La compression-décompression active, réalisée au
en cas d’hypovolémie patente. Le soluté d’entretien de la voie moyen d’un dispositif dérivé d’une ventouse appliquée sur le
veineuse est le sérum salé isotonique ; il faut éviter les solutés thorax, a donné des résultats contradictoires. Un résultat posi-
glucosés. tif sur la survie à long terme a été obtenu en France [24] mais n’a
pas été confirmé dans d’autres études. L’association d’une valve
d’impédance à la compression-décompression active améliore le
Vasopresseurs retour veineux en modifiant le régime de pression intrathora-
Les vasopresseurs permettent d’augmenter la perfusion céré- cique. Utilisée en préhospitalier, elle améliore la survie à court
brale et coronaire au cours de la RCP. L’adrénaline est toujours terme [25] .
le médicament de référence de la réanimation des asystoles et Deux appareils récemment introduits permettent un MCE
des FV résistantes aux premiers chocs. Ses effets alphamimétiques mécanique continu chez les patients intubés et ventilés. Le
semblent utiles mais il n’existe pas d’étude clinique de bonne LUCASTM réalise une compression-décompression active automa-
qualité confirmant un bénéfice sur la survie. Ses effets bêtamimé- tique à l’aide d’un piston pneumatique. Cette méthode permet un
tiques sont gênants car ils augmentent la demande en oxygène, MCE prolongé y compris pendant le transport [26] . Cependant, son
ils sont arythmogènes et accentuent le shunt intrapulmonaire. Il effet bénéfique sur la survie et son innocuité ne sont pas démon-
faut noter que si l’adrénaline a été depuis plusieurs années consa- trés. L’AutoPulse® utilise une planche sur laquelle est fixée une
crée par la pratique, il n’existe pas de démonstration claire de son bande constrictive thoracique. Cette méthode de MCE réalise une
effet sur la survie au long cours. Une étude récente comparant compression circonférentielle progressive du thorax. Ce dispositif
l’administration ou non d’adrénaline en préhospitalier constate fonctionne sur batterie et s’utilise facilement au cours du trans-
que l’adrénaline intraveineuse augmente seulement mais signi- port [27, 28] . Il a permis dans certains cas une augmentation de la
ficativement le taux de retour à une circulation spontanée des survie immédiate.
patients en asystolie [18] .
L’adrénaline est administrée en bolus de 1 mg toutes les 3-
5 minutes. La première injection est réalisée dès qu’une voie Algorithme de la réanimation
veineuse est accessible. cardiopulmonaire médicalisée
La vasopressine, jusque-là recommandée comme alternative
à l’adrénaline en cas de FV, a été l’objet d’études cliniques Une bonne coordination des intervenants avec une anticipa-
divergentes [19] . Sans confirmation d’un effet bénéfique sur la sur- tion des actions à entreprendre est nécessaire pour éviter toute
vie [20] , elle n’est donc plus utilisée seule ou en association avec perte de temps. La qualité du MCE est aussi contrôlée pour assurer
l’adrénaline. les meilleures compressions thoraciques possibles.
La réanimation médicalisée est résumée par l’algorithme repré-
senté sur la Figure 6. Il se sépare en deux bras pour les rythmes
Antiarythmiques « choquables » (FV, TV sans pouls) et « non choquables » (rythme
L’amiodarone est l’antiarythmique de première intention pour sans pouls et asystolie). Pour les rythmes choquables, le MCE
les FV réfractaires à la défibrillation. Elle améliore la survie à court est repris immédiatement après le choc électrique sans vérifier
terme [21] . Elle est injectée après le troisième choc. La dose recom- le rythme ou prendre le pouls. La RCP est poursuivie pen-
mandée est de 300 mg. Si la FV persiste ou récidive, une réinjection dant 2 minutes avec une alternance de 30 compressions pour
de 150 mg est possible. Si l’amiodarone n’est pas immédiatement deux ventilations, si le patient n’est pas intubé, puis avec des
disponible, elle peut être remplacée par la lidocaïne à la dose de compressions thoraciques en continu quand la victime est ven-
1 mg/kg. tilée mécaniquement. Le rythme est alors vérifié sur le moniteur
et si la FV persiste, un deuxième choc est délivré (150-200 J bipha-
sique, 360 J monophasique). La RCP est reprise sans délai si la FV
Autres médicaments persiste. La capnographie est mise en place dès que le patient est
intubé.
L’administration en routine de bicarbonates pendant ou au L’adrénaline est si possible injectée avant le troisième choc, sui-
décours d’un AC préhospitalier est déconseillée. Un bolus intra- vie immédiatement par la reprise du MCE. Il n’y a pas d’argument
veineux de 50 ml de solution molaire n’est justifié qu’en cas scientifique permettant de préciser exactement l’instant où il faut
d’hyperkaliémie, d’acidose métabolique sévère ou d’intoxication injecter les médicaments. Il est logique d’utiliser la séquence de
aux tricycliques. Après le retour à une circulation spontanée, les 2 minutes de RCP suivant le choc électrique pour faire circuler
bicarbonates peuvent servir à rétablir l’équilibre acidobasique. le médicament injecté. L’injection intraveineuse peut donc avoir
L’atropine intraveineuse n’est plus utilisée. Le magnésium reste lieu juste avant ou juste après ce choc sans interrompre le MCE. La
indiqué par les rares cas de « torsades de pointe ». même procédure est adoptée pour les autres médicaments comme
L’administration de thrombolytiques au cours de la RCP médi- la Cordarone® (300 mg par voie intraveineuse). Pour les rythmes
calisée est un sujet très controversé. Les thrombolytiques peuvent non choquables (rythmes sans pouls et asystolie), la RCP n’est pas
agir sur la cause de l’arrêt mais aussi sur l’activation de la coa- interrompue et une injection d’adrénaline est réalisée dès que la
gulation qui en est une conséquence. La thrombolyse n’est pas voie veineuse est mise en place. L’adrénaline est réinjectée toutes
à l’origine d’un surcroît d’accidents hémorragiques à la suite des les 3 à 5 minutes, soit après environ deux séquences de RCP de
compressions thoraciques. L’effet sur la survie au long cours de la 2 minutes.
thrombolyse utilisée au cours de la RCP n’est pas démontré. Une La réanimation post-AC immédiate est intégrée à l’algorithme.
amélioration du retour à une circulation spontanée ou de la survie Dès le retour à une circulation spontanée, un examen complet
à court terme a été observée dans certains travaux [22] mais les résul- de la victime est réalisé. Un électrocardiogramme 12 dérivations
tats cliniques d’études randomisées ne sont pas concluants [23] . La recherche des signes d’infarctus du myocarde. L’hypothermie thé-
thrombolyse n’est donc pas systématique et ne peut être envisa- rapeutique est instituée dès que possible.
gée qu’au cas par cas, quand une embolie pulmonaire massive est
suspectée. Il est alors nécessaire de prolonger de 30 à 60 minutes
la durée de la RCP pour tenir compte du délai d’action du médica-
ment. La thrombolyse peut être aussi utilisée après le retour à une
Causes immédiatement curables
circulation spontanée si on suspecte un infarctus du myocarde. En plus de la réanimation symptomatique, un certain nombre
de causes nécessitent une intervention immédiate pendant la RCP
Massage cardiaque instrumental médicalisée pour améliorer la possibilité de retour à une circula-
tion spontanée. Cette éventualité est à évoquer systématiquement
De nombreuses techniques instrumentales ont été proposées devant un rythme sans pouls autre qu’une FV ou une TV. Ces
pour améliorer le MCE au cours de la réanimation médicali- causes figurent sur l’algorithme de la Figure 6. Il convient de sou-
sée. Aucune n’a permis de mettre en évidence une amélioration ligner, à titre d’exemple, l’importance :

6 EMC - Médecine d’urgence


Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce  25-010-B-10

RCP 30:2
Brancher le défibrillateur/moniteur
Limiter les interruptions du MCE

Analyse du rythme

Chocable Retour à une Non chocable


FV, TV sans pouls circulation spontanée Asystole, RSP

Pendant la RCP : Causes « curables » :


- assurer un MCE de qualité : Un choc - hypoxie
fréquence, profondeur, relaxation - hypovolémie
- préparer les interventions avant - hypo- hyperkaliémie/
d’interrompre le MCE causes métaboliques
- oxygénation Reprendre immédiatement la Reprendre immédiatement - hypothermie
- envisager l’intubation et la RCP pendant 2 min la RCP pendant 2 min - thrombose
capnographie Limiter les interruptions du MCE Limiter les interruptions du MCE - tamponnade
- compression thoracique en continu - toxique
après contrôle des voies aériennes Réanimation immédiate post-ACR : - pneumothorax
- accès vasculaire (i.v. ou intraosseux) - examen clinique « ABCDE » suffocant
- adrénaline toutes les 3-5 min - oxygénation et ventilation contrôlée
- traitement des causes curables - ECG 12 dérivations
- traitement des causes déclenchantes
- contrôle de la température et hypothermie thérapeutique

Figure 6. Arbre décisionnel. Réanimation cardiopulmonaire (RCP) médicalisée (d’après [2] ). MCE : massage cardiaque externe ; RSP : rythmes sans pouls ;
ECG : électrocardiogramme ; ACR : arrêt cardiorespiratoire ; i.v. : intraveineuse ; FV : fibrillation ventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire.

• de la décompression d’un pneumothorax suffocant dans le seulement de maintenir les fonctions vitales mais aussi de lutter
contexte d’un AC traumatique ; contre les conséquences de la reperfusion tissulaire. Dès le retour
• du traitement d’une dyskaliémie en cas de troubles métabo- à la circulation spontanée, il est nécessaire de maintenir une pres-
liques préexistants ; sion artérielle systolique suffisante de l’ordre de 100-120 mmHg,
• de l’injection d’un antidote dans certaines intoxications (cya- adaptée à la pression artérielle antérieure du patient, si possible
nure par exemple). sans utilisation de vasoconstricteur, de poursuivre la ventilation
Enfin, après le retour à une circulation spontanée, le traitement mécanique avec un objectif de saturation artérielle en oxygène
de la cause est aussi indispensable, par exemple la désobstruction (SaO2 ) de 92 % et une normocapnie, et de traiter d’éventuelles
coronaire d’un infarctus aigu du myocarde ayant provoqué une convulsions.
FV [29] . Il est établi qu’une hypothermie modérée améliore la survie
et le pronostic neurologique des FV [30, 31] . De ce fait, les patients
adultes et inconscients ayant une circulation spontanée après la

“ Points forts réanimation doivent bénéficier d’une hypothermie modérée à


32-34 ◦ C pendant 12-24 heures, qui peut être commencée de façon
passive ou active dès la phase préhospitalière de la prise en charge.
Il faut éviter de provoquer une hyperoxie dont l’effet peut être
• Les gestes de RCP médicalisée ne doivent pas provoquer grave pendant la phase de reperfusion tissulaire. L’hyperglycémie
d’interruptions du MCE de base car elles nuisent considé- doit aussi être contrôlée, mais il faut éviter toute hypoglycémie.
rablement à la perfusion coronaire et cérébrale. La recherche d’un syndrome coronarien (infarctus du myocarde)
• L’adrénaline en bolus de 1 mg toutes les 3-5 minutes est conduit à réaliser très largement une coronarographie avec si
le premier médicament à injecter. Elle agit principalement nécessaire une angioplastie [29] . Enfin, la standardisation de cette
grâce à son action vasoconstrictrice. réanimation, en précisant les objectifs thérapeutiques, améliore
• La Cordarone® (300 mg par voie intraveineuse) est l’efficacité de la prise en charge.
l’antiarythmique indiqué de première intention en cas de D’autres approches thérapeutiques sont possibles. Elles visent
à combattre les phénomènes complexes d’ischémie-reperfusion
FV réfractaire aux chocs électriques.
qui suivent le retour à une circulation spontanée et qui peuvent
s’apparenter à un sepsis sévère [32] .

 Réanimation post-arrêt  Arrêt de la réanimation


cardiaque En l’absence de facteur de protection cérébrale tel qu’une hypo-
thermie profonde avant l’arrêt, il est licite d’arrêter les efforts de
Le pronostic de l’AC dépend aussi de la réanimation post-AC. réanimation s’ils deviennent futiles. Il est classiquement admis
Cette réanimation est spécifique, elle doit être débutée sur le ter- d’arrêter la réanimation après 30 minutes de RCP sans qu’aucun
rain, par le Smur, dès le retour à une circulation spontanée. Elle est retour à une circulation spontanée ne soit survenu alors que
poursuivie dans un service de réanimation habitué à traiter de tels l’ensemble des gestes de l’algorithme médicalisé a été correcte-
patients et contacté par la régulation du Samu. Elle a pour but non ment réalisé. Il s’agit dans tous les cas d’une décision médicale

EMC - Médecine d’urgence 7


25-010-B-10  Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

Figure 7. Arbre décisionnel. Indication d’une assistance cir-


Indication possible Incertitude Pas d’indication culatoire par extracorporeal membrane oxygenation (ECMO)
thérapeutique pour un arrêt cardiaque (AC) préhospitalier
(d’après [32] ). EtCO2 : end-tidal carbon dioxide concentration in
AC réfractaire the expired air ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; FV : fibril-
Intoxication + Cormorbidités lation ventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire ; TP : temps
Hypothermie + de prothrombine.
(≤ 32 °C)

Signes de vie
per-RCP

Évaluation de la durée de
no-flow

0-5 min > 5 min ou pas de témoin

Évaluation du rythme

TV, TP, FV

Évaluation de la durée de Asystole


low-flow Rythme agonique

EtCO2 ≥ 10 mmHg EtCO2 < 10 mmHg


et ou
low-flow ≤ 100 min low-flow > 100 min

adaptée au cas du patient que le médecin explique à l’ensemble


de l’équipe préhospitalière. Dans cette décision, le temps où aucun
 Circonstances particulières
geste n’a été effectué (no flow) et la durée de réanimation dès La réanimation symptomatique n’est pas le plus souvent modi-
les premiers gestes (low flow) sont pris en compte. Il appartient fiée par les circonstances de survenue de l’AC ; cependant, il existe
aussi au médecin d’informer la famille, ou les proches présents, des particularités dont les principales figurent ci-dessous.
de la réanimation entreprise et de son résultat même si celui-ci est
négatif.
Noyades

“ Point fort La RCP doit être pratiquée le plus tôt possible, commencée dans
l’eau par un sauveteur entraîné, puis sur le bateau de sauvetage
ou la berge. Compte tenu de l’origine asphyxique de l’arrêt, la
RCP commence dans ce cas par cinq insufflations. La protection
La réanimation post-AC est débutée dès la reprise d’une du rachis cervical par une minerve est réservée aux circonstances
activité cardiaque spontanée sur le terrain. Elle comprend évocatrices d’un traumatisme rachidien associé (plongeon ou surf
une hypothermie thérapeutique initiale, modérée (32- par exemple).
34 ◦ C), qui améliore le pronostic des patients comateux.
Hypothermie accidentelle
Le diagnostic d’AC est difficile. La RCP doit être poursuivie
jusqu’au réchauffement de la victime. Les chocs électriques en
 Assistance circulatoire dessous de 30 ◦ C de température corporelle sont peu efficaces.
Après une première tentative inefficace, il faut réchauffer la vic-
time avant de rechoquer. Pour l’injection de médicaments, la dose
L’assistance circulatoire extracorporelle (extracorporeal mem-
est réduite en attendant le réchauffement.
brane oxygenation – ECMO) a été utilisée pour la réanimation d’AC
survenant à l’hôpital. L’ECMO est une technique de plus en plus
répandue dans les services de réanimation permettant son uti- Arrêt cardiaque traumatique
lisation pour des AC extrahospitaliers. Il est donc possible de
transporter un AC réfractaire en prolongeant la RCP pour le faire Le pronostic est en général très mauvais, mais quelques sur-
bénéficier d’une ECMO à l’hôpital. L’utilisation d’un dispositif vies inespérées ont été obtenues par la réanimation médicalisée.
de MCE mécanique est particulièrement adaptée à ce type de Le désamorçage cardiaque par collapsus hémorragique nécessite
transport. Une conférence d’experts [33] a permis d’indiquer les un remplissage rapide en plus des vasoconstricteurs. Le pneu-
cas où il est licite d’utiliser cette stratégie. La Figure 7 résume mothorax compressif impose une décompression immédiate par
ces indications [32] . Cependant, l’effet sur la survie des patients est ponction ou thoracostomie. Un choc violent sur le thorax peut
nécessaire [34] . L’utilisation de l’ECMO peut aussi aboutir à un don provoquer une FV qui peut répondre à la défibrillation. En cas de
d’organe pour les patients en état de mort cérébrale. traumatisme pénétrant du thorax, la réalisation d’une thoraco-

8 EMC - Médecine d’urgence


Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce  25-010-B-10

tomie de sauvetage peut permettre de récupérer une circulation [2] Hazinski MF, Nolan JP, Billi JE, Böttiger BW, Bossaert L, de
spontanée, mais ce geste, en dehors de quelques équipes entraî- Caen AR, et al. Part 1: Executive summary: 2010 International
nées, est rarement réalisé en préhospitalier. Consensus on Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardio-
vascular Care Science With Treatment Recommendations. Circulation
2010;122(16suppl2);S250-S275.
Arrêt cardiaque et grossesse [3] Recommandations formalisées d’expert SFAR-SRLF. Prise en
charge de l’arrêt cardiaque. Ann Fr Anesth Reanim 2007;26:
Le MCE est adapté dès la 20e semaine de grossesse en récli- 1008–19.
nant l’utérus vers la gauche par surélévation de la fesse droite, [4] Cummins RO, Ornato JP, Thies WH, Pepe PE. Improving survival from
ce qui favorise le retour veineux. Les mains sont appliquées plus sudden cardiac arrest: the “chain of survival” concept. A statement for
haut sur le sternum pour réaliser les compressions thoraciques. health professionals of the Advanced Cardiac Life Support Subcom-
La diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage mittee and the Emergency Cardiac Care Committee, American Heart
majore le risque de régurgitation au cours de la RCP et rend Association. Circulation 1991;83:1832–47.
l’intubation endotrachéale immédiatement indispensable. Elle est [5] Berdowski J, Beekhuis F, Zwinderman AH, Tijssen JGP, Koster
réalisée avec une compression cricoïdienne et une sonde de calibre RW. Importance of the first link: description and recognition of
inférieur à celui d’une femme non enceinte. an out-of-hospital cardiac arrest in an emergency call. Circulation
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[6] Roppolo LP, Westfall A, Pepe PE, Nobel L, Cowan J, Kay JJ, et al. Dis-
patcher assessments for agonal breathing improve detection of cardiac
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[7] Eftestol T, Sunde K, Steen PA. Effects of interrupting precordial
Le pronostic de l’AC est difficile à évaluer au cours ou au décours compressions on the calculated probability of defibrillation suc-
de l’intervention préhospitalière. L’état neurologique immédia- cess during out-of-hospital cardiac arrest. Circulation 2002;105:
tement après le retour à une circulation spontanée n’a qu’une 2270–6.
valeur d’orientation : un coma profond aréactif est de mauvais [8] Yannopoulos D, McKnite S, Aufderheide TP, Sigurdsson G, Pirrallo
pronostic. De même, une instabilité hémodynamique nécessitant RG, Benditt D, et al. Effects of incomplete chest wall decompression
la perfusion de vasoconstricteurs pour maintenir la pression arté- during cardiopulmonary resuscitation on coronary and cerebral per-
fusion pressures in a porcine model of cardiac arrest. Resuscitation
rielle laisse présager une récidive de l’AC. À l’opposé, les facteurs 2005;64:363–72.
suivants sont considérés comme statistiquement de relativement [9] Fenici P, Idris AH, Lurie KG, Ursella S, Gabrielli A. What is the
bon pronostic : optimal chest compression-ventilation ratio? Curr Opin Crit Care
• AC survenant devant des témoins ; 2005;11:204–11.
• RCP par les témoins dans les 4 minutes qui suivent [10] Yu T, Weil MH, Tang W, Sun S, Klouche K, Povoas H, et al. Adverse
l’effondrement ou no flow très court ; outcomes of interrupted precordial compression during automated defi-
• rythme initial en FV avec défibrillation dans les 8 minutes. brillation. Circulation 2002;106:368–72.
Une évaluation fiable, clinique et paraclinique du pronos- [11] Morrison LJ, Dorian P, Long J, Vermeulen M, Schwartz B, Sawadsky
tic neurologique ne peut être obtenue qu’après environ 3 jours B, et al. Out-of-hospital cardiac arrest rectilinear biphasic to monopha-
d’hospitalisation d’autant plus que le maintien du patient en sic damped sine defibrillation waveforms with advanced life support
hypothermie thérapeutique pendant 24-48 heures perturbe cette intervention trial (ORBIT). Resuscitation 2005;66:149–57.
évaluation. [12] Meier P, Baker P, Jost D, Jacobs I, Henzi B, Knapp G, et al. Chest
compressions before defibrillation for out-of-hospital cardiac arrest:
a meta-analysis of randomized controlled clinical trials. BMC Med
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tic external defibrillators. Curr Opin Anaesthesiol 2005;18:175–80.
cardiaques préhospitaliers [14] Valenzuela TD, Roe DJ, Nichol G, Clark LL, Spaite DW, Hardman
RG. Outcomes of rapid defibrillation by security officers after cardiac
Le système préhospitalier du Samu doté d’une régulation médi- arrest in casinos. N Engl J Med 2000;343:1206–9.
cale peut jouer un rôle important dans la prévention de la [15] Page RL, Joglar JA, Kowal RC, Zagrodzky JD, Nelson LL, Ramas-
survenue des AC. En effet, dans certains cas, notamment lorsque wamy K, et al. Use of automated external defibrillators by a U.S. airline.
l’AC a des signes annonciateurs (douleur thoracique) ou survient N Engl J Med 2000;343:1210–6.
à la suite de l’aggravation d’un état clinique déjà perturbé (sepsis, [16] Capucci A, Aschieri D, Piepoli MF, Bardy GH, Iconomu E, Arvedi
insuffisance respiratoire, etc.), l’envoi de l’équipe médicale d’un M. Tripling survival from sudden cardiac arrest via early defibrilla-
Smur peut éviter la survenue d’un AC prévisible. C’est le rôle du tion without traditional education in cardiopulmonary resuscitation.
médecin régulateur du Samu d’analyser ce contexte et d’anticiper Circulation 2002;106:1065–70.
une aggravation brutale provoquant un AC qui grève considéra- [17] Rumball CJ, MacDonald D. The PTL® , Combitube® , laryngeal mask,
blement le pronostic. and oral airway: a randomized prehospital comparative study of ven-
tilatory device effectiveness and cost-effectiveness in 470 cases of
cardiorespiratory arrest. Prehosp Emerg Care 1997;1:1–10.
 Conclusion
[18] Olasveengen TM, Sunde K, Brunborg C, Thowsen J, Steen PA, Wik L.
Intravenous drug administration during out-of-hospital cardiac arrest:
a randomized trial. JAMA 2009;302:2222–9.
La réanimation des AC évolue rapidement. Cependant, dans [19] Wenzel V, Krismer AC, Arntz HR, Sitter H, Stadlbauer KH, Lindner
de nombreux domaines, les résultats scientifiques sont fragmen- KH. A comparison of vasopressin and epinephrine for out-of-hospital
taires ou inexistants et il est nécessaire d’intensifier la recherche cardiopulmonary resuscitation. N Engl J Med 2004;350:105–13.
clinique concernant l’AC. La conduite à tenir intégrant les recom- [20] Aung K, Htay T. Vasopressin for cardiac arrest: a systematic review
mandations introduites en 2010 modifie très sensiblement la and meta-analysis. Arch Intern Med 2005;165:17–24.
réalisation des gestes de secourisme et de réanimation. Ceci sou- [21] Dorian P, Cass D, Schwartz B, Cooper R, Gelaznikas R, Barr A.
ligne l’importance de la formation des personnels et de la remise Amiodarone as compared with lidocaine for shock-resistant ventricular
à jour régulière des connaissances. fibrillation. N Engl J Med 2002;346:884–90.
[22] Bottiger BW, Bode C, Kern S, Gries A, Gust R, Glätzer R, et al.
Efficacy and safety of thrombolytic therapy after initially unsuccess-
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 Références 2001;357:1583–5.
[23] Bottiger BW, Amntz HR, Chamberlain DA, Blulimki E, Bel-
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EMC - Médecine d’urgence 9


25-010-B-10  Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation précoce

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sion device for out-of-hospital cardiac arrest resuscitation. JAMA et al. Extracorporeal life support following out-of-hospital refractory
2006;295:2629–37. cardiac arrest. Crit Care 2011;15:R29.

P. Carli (pierre.carli@nck.aphp.fr).
C. Télion.
M. Nahon.
Service d’aide médicale urgente (Samu) de Paris et service d’anesthésie-réanimation, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Carli P, Télion C, Nahon M. Arrêt cardiaque préhospitalier de l’adulte. Chaîne de survie et défibrillation
précoce. EMC Médecine d’urgence 2012;7(1):1-10 [Article 25-010-B-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Médecine d’urgence


¶ 25-010-B-20

Pharmacologie pour la réanimation


cardiopulmonaire
P.-Y. Gueugniaud, B. Jardel, J.-S. David

Malgré de nombreuses études sur l’arrêt cardiaque, il existe peu de données de médecine factuelle
concernant les substances utilisées au cours de la réanimation cardiopulmonaire. Le nombre de produits
utilisables est restreint. Les médicaments utiles, ainsi que le choix des solutés et des voies d’injections sont
proposées conformément aux recommandations 2005 de l’International Liaison Committee on
Resuscitation (ILCOR). Les substances vasopressives restent indiquées malgré l’absence de preuve
scientifique de leur efficacité et l’adrénaline reste le vasopresseur de choix bien que l’arginine-vasopressine
ne paraisse pas inférieure. L’amiodarone est devenu l’antiarythmique de référence pour la fibrillation
ventriculaire. La lidocaïne, le magnésium, l’atropine, l’aminophylline, le calcium ou l’alcalinisation ne
sont pas justifiés sauf cas particulier. La thrombolyse est indiquée en cas d’embolie pulmonaire mais pas
systématiquement en cas d’infarctus du myocarde. Le sérum salé isotonique est le soluté de première
intention à perfuser par voie veineuse périphérique, mais en quantité limitée : la voie intraosseuse est la
première alternative en cas d’accès vasculaire problématique chez l’adulte comme chez l’enfant.
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Mots clés : Pharmacologie ; Arrêt cardiaque ; Vasopresseurs ; Antiarythmiques ; Solutés ; Voies d’abord

Plan
Asystole
¶ Introduction 1 AESP
¶ Vasopresseurs 2
Adrénaline ou vasopressine 2
Alpha-méthyl noradrénaline 3
Endothéline 3
¶ Médicaments antiarythmiques 3
Amiodarone 3 RCP
Lidocaïne 4 (VVP-IOT)
Magnésium 4
¶ Autres substances et perfusions 4
Atropine 4
Aminophylline 4
Calcium 4 Dès que possible, adrénaline : 1mg IVD*
Alcalinisation 4
Thrombolyse au cours de la réanimation cardiopulmonaire 5
Solutés de perfusion 5
¶ Voies alternatives pour l’injection de médicaments 5
Voie intraosseuse 5 Puis adrénaline IVD : 1 mg/4 min environ**
Voie endotrachéale 5

Figure 1. Arbre décisionnel. Algorithme pharmacologique en cas


d’asystole ou d’activité électrique sans pouls (AESP). RCP : réanimation

■ Introduction cardiopulmonaire ; VVP : voie veineuse périphérique ; IOT : intubation


orotrachéale ; IVD ; intraveineux direct. *En cas d’impossibilité d’accès
veineux immédiat, 1 mg par voie intraosseuse ou à défaut 3 mg par voie
Le nombre de substances utilisables au cours de la réanima-
intratrachéale ; **En cas d’inefficacité après deux injections IVD. Augmen-
tion cardiopulmonaire (RCP) est restreint et il existe peu de
tation possible des doses d’adrénaline jusqu’à 5 mg. Alternative possible :
données de médecine factuelle concernant leur utilisation.
arginine-vasopressine (40 unités internationales [UI]).
Aucune substance ne doit être utilisée pour traiter un arrêt
cardiaque (AC) avant la réalisation de chocs électriques lorsque
ceux-ci sont indiqués et avant que compressions thoraciques et La place des vasopresseurs, des antiarythmiques et de quel-
ventilation ne soient débutées (Fig. 1, 2). ques autres substances, ainsi que le choix des solutés et des

Médecine d’urgence 1
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire

sortie de l’hôpital. Ainsi, il n’existe pas d’évidence scientifique


suffisante à ce jour pour indiquer ou contre-indiquer l’utilisa-
FV tion systématique d’un vasopresseur, pour choisir l’un par
rapport à l’autre et pour proposer une séquence thérapeutique
indiscutable. Néanmoins, malgré l’absence de données scienti-
< 4 minutes > 4 minutes fiques chez l’homme, il paraît nécessaire de continuer à utiliser
des vasopresseurs dans le traitement de l’AC, comme moyen
pour augmenter les pressions de perfusion cérébrale et coronaire
au cours de la RCP.
FV tonique FV atonique
Adrénaline ou vasopressine
Utilisation de l’adrénaline
RCP = 2 minutes
1er CEE
(VVP-IOT) L’adrénaline est recommandée dans l’AC depuis plus de
40 ans. Son efficacité est due à ses propriétés a-mimétiques
entraînant une vasoconstriction systémique permettant d’aug-
RCP = 2 minutes menter les pressions de perfusion coronaire et cérébrale au
(VVP-IOT) cours de la RCP. Pour cela, elle est administrée à des doses
1er CEE
intraveineuses de 1 mg répétées. L’utilisation de doses plus
importantes d’adrénaline chez les patients présentant un AC
réfractaire n’a jamais mis en évidence d’amélioration de la
survie à la sortie de l’hôpital, mais a montré une amélioration
2e CEE Adrénaline : 1 mg IVD de la récupération initiale lorsque 5 mg étaient utilisés à la
place de 1 mg [2]. Cette amélioration concerne également la
survie à l’admission pour le sous-groupe des asystoles, alors
2e CEE
qu’il n’existe aucune différence de survie pour le sous-groupe
Adrénaline : 1 mg IVD des fibrillations ventriculaires [2].

Utilisation de la vasopressine
3e CEE Amiodarone : 300 mg IVD L’effet b-mimétique de l’adrénaline, entraînant des actions
chronotrope et inotrope positives, contribue à augmenter la
pression de perfusion coronaire et cérébrale, mais augmente
simultanément la consommation myocardique en oxygène,
3e CEE majore le risque d’arythmie ventriculaire (en particulier sur un
Amiodarone : 300 IVD
myocarde en acidose) et peut induire une hypoxie transitoire
par shunt artérioveineux pulmonaire.
Cet effet b-mimétique potentiellement délétère a conduit à
4e CEE rechercher des alternatives à cet agent vasopresseur. L’arginine-
Adrénaline : 1 mg IVD
vasopressine est une hormone polypeptidique d’origine hypo-
(puis à répéter
thalamique dont l’action physiologique est d’une part anti-
toutes les 4 minutes environ)
diurétique et d’autre part vasopressive par l’intermédiaire de
récepteurs V1-vasculaires. Le rôle de la vasopressine dans la RCP
a initialement été révélé dans des études sur des AC préhospi-
Amiodarone : taliers montrant que les patients ayant récupéré une activité
150 mg IVD circulatoire efficace présentaient des taux de vasopressine (ainsi
si FV tonique
que d’adrenocorticotrophic hormone [ACTH] et de rénine) plus
persistante ou sinon
élevés que les patients décédés [3, 4] . La plupart des études
Adrénaline : 1 mg IVD
(puis à répéter expérimentales animales ont montré une amélioration des
toutes les 4 minutes environ) constantes hémodynamiques lorsque la vasopressine était
utilisée à la place de l’adrénaline [5-7]. Parallèlement, la première
étude clinique utilisant la vasopressine au cours de l’AC en
Figure 2. Arbre décisionnel. Algorithme pharmacologique en cas de 1996 a été assez prometteuse. Dans cette étude, sur une série
fibrillation ventriculaire. FV : fibrillation ventriculaire ; CEE : choc électri- d’AC réfractaires à la thérapeutique standard par adrénaline, la
que externe ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; VVP : voie veineuse vasopressine avait permis la récupération d’une circulation
périphérique ; IOT : intubation orotrachéale ; IVD : intraveineux direct. spontanée sur les huit patients étudiés, parmi lesquels trois ont
évolué sans séquelle neurologique [8]. L’année suivante, le même
groupe publiait une courte série randomisée d’AC extrahospita-
voies d’injections sont présentés conformément aux dernières liers par fibrillation ventriculaire pour lesquels la fréquence de
recommandations de l’International Liaison Committee on récupération et de survie à 24 heures était significativement plus
Resuscitation (ILCOR) [1]. élevée chez les patients traités par vasopressine (avec une
injection de 40 unités internationales [UI]) que chez ceux traités
par adrénaline (1 mg). [9] À l’issue de ces deux études, l’Ameri-
■ Vasopresseurs can Heart Association (AHA) avait proposé, en 2000, que la
vasopressine puisse être une alternative à l’adrénaline dans le
Malgré une utilisation « historique » de l’adrénaline dans traitement de la fibrillation ventriculaire réfractaire [10]. Depuis,
l’arrêt cardiaque, et malgré plusieurs études utilisant la vaso- deux études prospectives randomisées importantes comparant
pressine, il n’existe pas d’études randomisées contre placebo vasopressine et adrénaline pour l’AC intrahospitalier [11] et
prouvant que l’utilisation en routine d’un vasopresseur, quel extrahospitalier [12] ont été réalisées. Ces deux études prospecti-
qu’il soit, améliore la survie des patients victimes d’AC à la ves ont inclus les patients pour recevoir soit de l’adrénaline, soit

2 Médecine d’urgence
Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20

de la vasopressine. L’étude intrahospitalière comparait une seule Alpha-méthyl noradrénaline


injection de chaque vasopresseur (1 mg d’adrénaline versus
Une étude clinique ancienne avait montré une efficacité
40 UI de vasopressine), alors que l’étude extrahospitalière
comparable de la noradrénaline par rapport à l’adrénaline [16].
comparait deux injections successives d’adrénaline et de
Des études expérimentales préliminaires ont également montré
vasopressine aux mêmes doses. Pour les deux études, le traite-
un effet bénéfique, mais seulement à court terme sur des cas de
ment complémentaire en cas d’inefficacité du protocole consis- fibrillations ventriculaires [17].
tait dans tous les cas en des injections répétées d’adrénaline,
conformément aux recommandations en vigueur. L’étude Recommandations de l’International Liaison
intrahospitalière incluant 200 AC n’a montré aucune différence Committee on Resuscitation
entre les deux groupes, tant en termes de récupération d’activité En l’absence d’étude supplémentaire, la noradrénaline n’est
circulatoire initiale, qu’en termes de survie à l’admission et à la pas recommandée comme alternative à l’adrénaline.
sortie de l’hôpital [11]. Dans l’étude préhospitalière, 1 186 pa-
tients en AC ont été inclus. Sur l’ensemble des AC, il n’y a pas Endothéline
de différence significative (p = 0,06) entre les deux groupes pour
la survie à l’admission, critère principal de jugement. L’analyse Il existe plusieurs études expérimentales chez l’animal
montrant une amélioration de la perfusion coronaire [18] ou
secondaire de sous-groupes a montré que la vasopressine
cérébrale [19] obtenue grâce à l’endothéline-1, sans amélioration
améliorait significativement la survie à l’admission et à la sortie
concomitante ni du débit sanguin myocardique ni de la
de l’hôpital des patients initialement en asystole, sans modifier
survie [18].
le pronostic neurologique [12] . Dans cette même étude, sur
l’ensemble des 732 patients n’ayant pas récupéré une activité Recommandations de l’International Liaison
cardiaque spontanée après les deux injections, le traitement Committee on Resuscitation
complémentaire par adrénaline a eu pour conséquence une Il n’y a pas d’étude clinique réalisée avec l’endothéline-1.
augmentation du nombre de survivants à l’admission et à la Celle-ci n’a donc pas sa place dans les recommandations.
sortie de l’hôpital dans le groupe vasopressine par rapport au
groupe adrénaline.
Expérimentalement, dans une étude chez le cochon, la survie ■ Médicaments antiarythmiques
des animaux, ainsi que leur pression de perfusion coronaire ont Comme pour les vasopresseurs, il n’y a pas d’évidence
été significativement améliorées par l’association d’adrénaline et scientifique démontrant que l’utilisation d’un médicament
de vasopressine (quelles que soient les doses utilisées) par antiarythmique améliore la survie à la sortie de l’hôpital.
rapport à l’utilisation d’une seule de ces substances [13]. L’intérêt Néanmoins, en comparaison avec un placebo [20] et avec la
de l’association adrénaline et vasopressine a été également lidocaïne, [21] l’utilisation d’amiodarone dans les fibrillations
retrouvé expérimentalement par la même équipe chez le ventriculaires réfractaires au choc électrique améliore la survie
porcelet [14] . L’association de ces deux vasopresseurs fait à l’admission. Ainsi, en dépit de preuves sur le long terme, il
actuellement l’objet d’une vaste étude clinique multicentrique paraît raisonnable de continuer à utiliser un médicament
réalisée dans différents services d’aide médicale urgente (SAMU)- antiarythmique pour le traitement des fibrillations ventriculaires
services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) français. résistantes.
Une récente méta-analyse de cinq travaux randomisés, mais
méthodologiquement de niveaux très différents, montrait qu’il Amiodarone
n’existe pas de différence significative entre vasopressine et L’amiodarone est un antiarythmique stabilisant de membrane
adrénaline pour la récupération de l’activité circulatoire sponta- qui augmente la durée du potentiel d’action et de la période
née, ainsi que pour les décès à 24 heures ou à la sortie de réfractaire au niveau auriculaire et ventriculaire. La conduction
l’hôpital. L’analyse de sous-groupes en fonction du rythme auriculoventriculaire est ralentie ainsi que la conduction des
initial de l’AC n’a pas non plus, dans cette méta-analyse, faisceaux annexes. L’amiodarone a un discret effet inotrope
montré de différences significatives en termes de décès avant la négatif et est responsable d’une vasodilatation périphérique en
sortie de l’hôpital [15]. raison d’un effet a-bloquant non spécifique. L’hypotension
rencontrée à l’injection d’amiodarone apparaît dépendante du
Recommandations de l’International Liaison solvant (polysorbate 80) qui est histaminolibérateur, plutôt que
du principe actif lui-même. En effet, l’utilisation d’une prépara-
Committee on Resuscitation tion aqueuse d’amiodarone évite cet effet indésirable [22, 23].
Malgré l’absence d’études contrôlées versus placebo, l’adréna- Dans deux études cliniques prospectives randomisées en double
line reste le vasopresseur standard préconisé dans le traitement aveugle chez l’adulte victime en extrahospitalier d’une fibrilla-
de l’AC. Il n’existe pas de données scientifiques suffisantes pour tion ventriculaire résistant à trois chocs électriques, l’adminis-
proposer ou interdire l’utilisation de la vasopressine comme tration d’amiodarone (300 mg, soit 5 mg/kg) par des
alternative ou en association avec l’adrénaline, pour tout type « paramedics » a amélioré la survie à l’admission à l’hôpital par
d’AC. rapport à l’administration d’un placebo, [20] ou par rapport à
l’utilisation de lidocaïne (1,5 mg/kg) [21]. Des études complé-
Ainsi, l’adrénaline doit rester la première substance à utiliser
mentaires ont également montré que l’amiodarone améliorait la
dans l’AC quelle qu’en soit l’étiologie. Elle doit être injectée
réponse à la défibrillation chez l’homme ou chez l’animal [23-
suivant l’algorithme universel toutes les 3 à 5 minutes au cours 26] . En revanche, il n’existe pas de données scientifiques
de la RCP. La dose initiale préconisée est de 1 mg. En cas de permettant de déterminer le moment optimal pour l’injection
fibrillation ventriculaire (FV), la première injection d’adrénaline de l’amiodarone, en particulier dans le contexte d’une stratégie
est réalisée après le deuxième choc électrique. Quand une voie de défibrillation par choc isolé. Actuellement, les études
d’abord vasculaire et/ou intraosseuse n’est pas immédiatement cliniques ont été réalisées avec une injection d’amiodarone
accessible, l’adrénaline peut être injectée au travers de la sonde suivant une séquence de trois chocs : pour cette raison, et en
d’intubation trachéale à la dose de 2 à 3 mg diluée dans 10 ml l’absence d’alternatives testées, l’amiodarone est recommandée
d’eau stérile. Si les doses répétées de 1 mg d’adrénaline s’avèrent en cas de fibrillation ventriculaire résistante à un troisième choc
inefficaces en cas d’asystole réfractaire, une augmentation des électrique.
doses jusqu’à 5 mg par injection est une alternative possible, en
dépit du risque d’induire une tachycardie, une arythmie Recommandations de l’International Liaison
ventriculaire, une ischémie myocardique. Committee on Resuscitation
Enfin, dans certains cas, une perfusion continue d’adrénaline À la lumière du bénéfice rencontré sur la survie à court
peut être nécessaire pendant la période de post-RCP. terme, l’amiodarone est recommandée après le troisième choc

Médecine d’urgence 3
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire

électrique à la dose de 300 mg (soit deux ampoules intraveineu- Cinq études prospectives contrôlées non randomisées, ou
ses directes) en cas de fibrillations ventriculaires (ou de tachy- études de cohortes chez l’adulte, ont montré que l’atropine
cardie ventriculaire sans pouls) résistantes. L’amiodarone doit n’apportait aucun bénéfice dans le traitement de l’AC intra- ou
être diluée dans du sérum glucosé à 5 % en un volume de extrahospitalier [35-39].
20 ml.
L’amiodarone pouvant être responsable de trombophlébites Recommandations de l’International Liaison
lorsqu’elle est injectée par voie périphérique, l’utilisation d’une Committee on Resuscitation
voie centrale est préférable, mais uniquement lorsque celle-ci est
L’atropine n’est pas indiquée dans le traitement de l’asystole.
en place avant l’AC. Dans le cas contraire, une voie veineuse
Elle peut se discuter au cas par cas devant une activité électrique
périphérique de bon calibre doit être privilégiée ainsi qu’un
sans pouls apparaissant à la suite d’une bradycardie initialement
large rinçage du cathéter après l’injection.
efficace et doit alors être administrée sous la forme d’un bolus
unique de 3 mg intraveineux.
Lidocaïne
Depuis les recommandations 2000 de l’Ilcor, la lidocaïne a
Aminophylline
perdu sa place d’antiarythmique de choix en cas de fibrillation L’aminophylline (Théophylline ® ) est un inhibiteur des
ventriculaire réfractaire au profit de l’amiodarone. Actuellement, phosphodiastérases qui augmente la concentration tissulaire en
elle n’est recommandée que lorsque l’amiodarone n’est pas acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique et facilite la
disponible. sécrétion adrénergique à partir de la médullosurrénale. Elle a des
actions chronotrope et inotrope positives. Des études restreintes
testant l’aminophylline dans des cas d’AC par asystoles secon-
Magnésium daires à une bradycardie n’ont pas démontré d’amélioration en
Le magnésium est un important constituant de nombreux termes de survie initiale ou à la sortie de l’hôpital [40-43]. Ces
systèmes enzymatiques, particulièrement ceux concernés par la mêmes études n’ont pas montré à l’opposé d’effets délétères de
synthèse de l’adénosine triphosphate (ATP) dans le tissu l’aminophylline.
musculaire. Le magnésium améliore la réponse contractile en
cas de sidération du muscle cardiaque et limite potentiellement Recommandations de l’International Liaison
la taille de l’infarctus par un mécanisme encore imparfaitement Committee on Resuscitation
élucidé [27] . L’hypomagnésémie est souvent associée à une
L’aminophylline n’est pas indiquée dans le traitement de
hypokaliémie, et peut participer à la genèse de troubles du l’AC... sauf en cas de bradycardie précédant l’AC et résistant à
rythme et d’AC. L’hypomagnésémie augmente par ailleurs la l’atropine.
sensibilité myocardique aux digitaliques et diminue l’activité
ATPasique de la cellule myocardique.
Alors que le bénéfice en apport en magnésium chez les Calcium
patients en hypomagnésémie est reconnu, les bénéfices d’un Le calcium joue un rôle essentiel dans les mécanismes
apport en magnésium au cours de l’AC n’ont pas été démontrés. cellulaires de la contraction myocardique. Cependant, des
Des études cliniques réalisées chez des adultes en AC intra- ou concentrations plasmatiques élevées après une injection de
extrahospitalier n’ont jamais démontré d’amélioration de calcium intraveineux peuvent être délétères en termes d’isché-
récupération d’une activité cardiaque avec le magnésium [28-33]. mie myocardique et de récupération neurologique.
Seule une étude de cas concernant cinq patients a retrouvé
d’éventuels bénéfices de l’utilisation de sulfate de magnésium Recommandations de l’International Liaison
en cas de fibrillation ventriculaire réfractaire [34]. Committee on Resuscitation
Recommandations de l’International Liaison Le calcium n’est pas recommandé en routine dans le traite-
ment de l’AC.
Committee on Resuscitation
Les seules indications sont les causes spécifiques suivantes
Le sulfate de magnésium est indiqué : d’activité électrique sans pouls comme :
• en cas de fibrillation ventriculaire résistante au choc dans un • l’hyperkaliémie ;
contexte d’hypomagnésémie suspectée ; • l’hypocalcémie ;
• en cas de torsade de pointes ; • l’intoxication aux bloqueurs calciques à l’origine de l’AC.
• en cas d’AC dans un contexte d’intoxication digitalique. La dose initiale est de 10 ml de chlorydrate de calcium à
Dans ces cas, une dose initiale intraveineuse de 2 g (4 ml 10 %, à répéter si nécessaire. Il ne faut pas injecter simultané-
(8 mmol) de sulfate de magnésium à 50 %) est injectée par voie ment du calcium et un soluté alcalin.
périphérique sur 1 à 2 minutes. Cette dose peut être répétée une
fois après 10 à 15 minutes de réanimation. Alcalinisation
Un AC entraîne une acidose mixte, respiratoire et métaboli-
que, induite par l’absence d’échanges alvéolocapillaires au
■ Autres substances et perfusions niveau pulmonaire et par le développement d’un métabolisme
cellulaire anaérobie. Le meilleur traitement de cette acidose est
Il n’y a pas d’évidence scientifique justifiant l’utilisation le massage cardiaque et accessoirement la ventilation.
d’autres substances en routine (par exemple les solutés alcalins, Il n’existe pas d’étude de niveaux 1, 2 ou 3 sur l’intérêt de
l’aminophylline, l’atropine, le calcium) pour espérer améliorer la l’utilisation du bicarbonate de sodium au cours de la RCP. Une
survie des AC à la sortie de l’hôpital. étude de niveau 2 [44] n’a pas montré de supériorité à une
perfusion de tribonate par rapport à un placebo, alors que cinq
Atropine études rétrospectives anciennes de niveau 4 n’ont pas non plus
permis de montrer une amélioration du pronostic avec du
L’atropine est un antagoniste de l’action de l’acétylcholine bicarbonate de sodium [45-49] . Seule une étude de niveau
comme neurotransmetteur parasympathicomimétique agissant 4 suggère une amélioration du pronostic vital et neurologique
sur les récepteurs muscariniques. Ainsi, l’atropine bloque l’effet initial et à la sortie de l’hôpital [50]. Une étude a en revanche
du nerf vague au niveau du nœud sinusal, de la conduction démontré l’intérêt d’une perfusion de bicarbonate de sodium en
auriculaire et du nœud auriculoventriculaire, augmentant ainsi cas d’AC induit par une intoxication aux antidépresseurs
l’automaticité sinusale et facilitant la conduction auriculoven- tricycliques ou par un autre bloqueur du canal sodique
triculaire. rapide [51].

4 Médecine d’urgence
Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20

Recommandations de l’International Liaison vasculaire et qui aggrave le pronostic neurologique des AC


Committee on Resuscitation récupérés en augmentant l’hyperglycémie post-AC [63-66].
Sinon, l’utilisation d’une expansion volémique de routine au
L’utilisation systématique de bicarbonate de sodium au cours cours du traitement de l’AC reste controversée. Il n’existe pas de
de la RCP ou dans les suites d’une récupération d’activité données cliniques publiées dans le cas d’AC normovolémiques.
circulatoire spontanée n’est pas recommandée.
Quatre études expérimentales sur des fibrillations ventriculaires
La perfusion de sodium de bicarbonate peut être indiquée en n’ont pas pu conclure sur l’intérêt ou l’inintérêt d’une expan-
cas d’hyperkaliémie menaçante ou en cas d’AC survenant dans sion volémique [67-70].
un contexte d’hyperkaliémie ou d’acidose métabolique préexis-
tante, et enfin en cas d’AC par overdose aux antidépresseurs
tricycliques. Recommandations de l’International Liaison
Dans ce cas, une perfusion de 50 mmol de bicarbonate de Committee on Resuscitation
sodium par voie intraveineuse doit être réalisée (50 ml de soluté Une expansion volémique doit être réalisée si l’AC est
de bicarbonate à 8,4 % ou 100 ml de soluté de bicarbonate à associée à une hypovolémie. Il n’y a pas lieu de réaliser une
4,2 %). Cette injection peut être répétée si nécessaire, mais elle expansion volémique en routine en cas d’AC normovolémique :
est au mieux guidée par une analyse de l’équilibre acidobasique
il faut utiliser un soluté de perfusion de type cristalloïde pour
(soit artériel, soit du niveau veineux central). Des lésions
purger la voie veineuse après chaque injection de substance.
tissulaires peuvent être causées par une perfusion sous-cutanée
de soluté de bicarbonate.

Thrombolyse au cours de la réanimation ■ Voies alternatives pour


cardiopulmonaire l’injection de médicaments
L’AC, chez l’adulte, est fréquemment dû à une ischémie La voie veineuse est nécessaire pour traiter un AC. Une voie
myocardique aiguë apparaissant dans les suites d’une occlusion veineuse située dans le territoire cave supérieur serait préférable
par thrombus d’une artère coronaire. Il y a plusieurs cas à une voie située dans le territoire cave inférieur [71]. La voie
rapportés de l’efficacité de l’utilisation d’un thrombolytique au veineuse périphérique serait aussi efficace que la voie veineuse
cours de l’AC, en particulier lorsqu’une embolie pulmonaire est centrale [72, 73].
la cause de l’AC. Des études ont d’abord montré des améliora-
tions du pronostic cérébral lorsqu’un thrombolytique était
utilisé au cours de la RCP expérimentalement [52] ou clinique- Voie intraosseuse
ment [53]. Puis, deux études ont montré une amélioration de la
récupération initiale de l’activité circulatoire spontanée avec un Si un accès veineux ne peut être rapidement obtenu, l’injec-
thrombolytique, sans modification de la survie à la sortie de tion des substances par voie intraosseuse permet d’obtenir des
l’hôpital [54, 55]. Une série limitée de trois cas cliniques a, quant concentrations plasmatiques adéquates. De nombreuses études
à elle, rapporté une amélioration de la survie à la sortie de ont démontré que la voie intraosseuse était sûre et efficace, à la
l’hôpital en cas de fibrillation ou d’activité électrique sans fois pour la distribution des substances, mais également pour la
pouls [56] . Toutefois, à l’opposé, une vaste étude clinique perfusion de solutés [74-79].
prospective a au contraire démontré que la thrombolyse Traditionnellement, la voie intraosseuse est largement utilisée
n’améliorait pas le pronostic d’une série de 233 activités chez l’enfant, elle peut l’être également chez l’adulte.
électriques sans pouls [57].
En revanche, en cas d’AC par embolie pulmonaire, plusieurs
études cliniques [54, 55, 58, 59] et quelques séries de cas [56, 60] ont Voie endotrachéale
montré un bénéfice clinique sans augmentation des complica- Les médicaments pour la RCP peuvent également être utilisés
tions hémorragiques dans des cas d’AC non traumatiques.
par l’intermédiaire de la sonde d’intubation, mais la concentra-
Actuellement, une étude multicentrique européenne en cours tion plasmatique obtenue par cette voie est variable et est
étudie l’efficacité de l’injection intraveineuse directe d’un
significativement inférieure à celle obtenue par voie intravei-
thrombolytique en préhospitalier précocement injecté en cas
neuse ou intraosseuse. Les doses d’adrénaline trois à dix fois
d’AC par fibrillation ventriculaire.
supérieures aux doses utilisées par voie intraveineuse seraient
nécessaires pour obtenir des concentrations plasmatiques
Recommandations de l’International Liaison équivalentes [80] . Dans une étude non randomisée avec un
Committee on Resuscitation groupe de sujets témoins historiques, la fréquence de récupéra-
Une thrombolyse doit être réalisée en cas d’embolie pulmo- tion initiale et de survie à l’admission était plus élevée lorsque
naire avérée ou suspectée. Sinon, les données cliniques restent les substances (adrénaline et atropine) étaient injectées par voie
insuffisantes pour recommander en routine l’utilisation d’un intraveineuse (i.v.) que par voie endotrachéale [81]. Par ailleurs,
thrombolytique au cours d’un AC non traumatique. Elle peut l’adrénaline endotrachéale donnait des concentrations plasma-
être envisagée au cas par cas lorsque la RCP médicale initiale est tiques plus élevées lorsqu’elle était utilisée diluée avec de l’eau
infructueuse et lorsqu’une étiologie coronarienne aiguë est distillée que lorsqu’elle était utilisée dans du sérum salé
suspectée. La thrombolyse ne contre-indique pas la poursuite de isotonique [82]. Au cours de la RCP, la perfusion pulmonaire ne
la RCP, mais, doit faire prolonger celle-ci pendant 60 à dépasse pas 10 à 30 % de sa valeur normale, entraînant ainsi
90 minutes, délai au cours duquel son efficacité peut apparaî- une stagnation de l’adrénaline distillée par voie endobronchi-
tre [61, 62]. que. Lorsqu’une activité cardiaque spontanée est retrouvée après
de fortes doses d’adrénaline endotrachéale, une réabsorption
prolongée d’adrénaline depuis les poumons vers la circulation
Solutés de perfusion pulmonaire peut survenir, entraînant d’éventuelles hyperten-
L’hypovolémie est une cause potentiellement réversible d’un sions artérielles, arythmies ou récidives de fibrillations [80]. La
AC. En cas d’hypovolémie, une expansion volémique rapide lidocaïne et l’atropine peuvent également être données au
doit être réalisée. Au début de la RCP, l’utilisation de colloïdes travers de la sonde d’intubation, mais la concentration plasma-
n’a pas montré d’avantages : le soluté salé isotonique est le tique obtenue est également variable, [83, 84] de même que la
soluté de choix en première intension. Il faut contre-indiquer le vasopressine. L’amiodarone ne peut être utilisée par voie
soluté glucosé qui diffuse rapidement en dehors du secteur endotrachéale.

Médecine d’urgence 5
25-010-B-20 ¶ Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire

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Si l’abord vasculaire est retardé ou ne peut être obtenu, randomized clinical trial of high-dose epinephrine and norepinephrine
l’abord intraosseux doit être envisagé. vs standard-dose epinephrine in prehospital cardiac arrest. JAMA 1992;
Les médicaments peuvent être injectés au travers de la sonde 268:2667-72.
d’intubation si les deux abords précédents sont retardés ou [17] Klouche K, Weil MH, Sun S, Tang W, Zhao DH.Acomparison of alpha-
impossibles. methylnorepinephrine, vasopressin and epinephrine for cardiac
Il n’y a pas de bénéfice à l’injection distale endobronchique resuscitation. Resuscitation 2003;57:93-100.
par rapport à l’injection directement dans la sonde d’intubation. [18] Hilwig RW, Berg RA, Kern KB, Ewy GA. Endothelin-1
La dilution des produits utilisés doit être réalisée de préférence vasoconstriction during swine cardiopulmonary resuscitation improves
par de l’eau distillée plutôt que par du sérum physiologique coronary perfusion pressures but worsens postresuscitation outcome.
pour améliorer l’absorption du médicament. Circulation 2000;101:2097-102.
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Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire ¶ 25-010-B-20

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Médecine d’urgence 7
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P.-Y. Gueugniaud (pierre-yves.gueugniaud@chu-lyon.fr).


SAR 1-SAMU de Lyon, CHU Lyon-Sud, 69495 Lyon-Pierre-Bénite, France.
B. Jardel.
SAMU 76, hôpital Charles Nicolle, 76031, Rouen cedex, France.
J.-S. David.
SAR 1-SAMU de Lyon, CHU Lyon-Sud, 69495 Lyon-Pierre-Bénite, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gueugniaud P.-Y., Jardel B., David J.-S. Pharmacologie pour la réanimation cardiopulmonaire. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-B-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

8 Médecine d’urgence
 25-010-B-30

Défibrillations semi-automatique
et entièrement automatique externes
J.-M. Agostinucci, P. Bertrand

Le traitement de la fibrillation ventriculaire (FV) par des électrodes externes transthoraciques chez
l’homme est connu depuis 1956, mais l’utilisation de défibrillateurs semi-automatiques (DSA) par les
paramédicaux et secouristes non médecins n’est autorisé en France que depuis 1998 (décret 98-239 du
27 mars 1998). Le décret du 4 mai 2007 met fin à la restriction d’utilisation des défibrillateurs automa-
tisés externes (DAE) et modifie le code de santé publique pour que toute personne, même non médecin,
soit habilitée à utiliser un DAE. En présence de tout arrêt cardiaque, quels que soient l’âge ou les cir-
constances, il est recommandé d’associer aux manœuvres classiques de réanimation l’utilisation d’un
défibrillateur le plus rapidement possible. La défibrillation externe est d’autant plus efficace qu’elle est
précoce. L’administration d’un choc électrique externe par un DAE est possible uniquement en cas de
détection d’une FV ou d’une tachycardie ventriculaire (TV). Cette spécificité est assurée grâce à un logi-
ciel d’analyse des signaux électrocardiographiques. Il est démontré que l’utilisation précoce des DAE par
le grand public favorise le pronostic de récupération des arrêts cardiaques. Il convient donc en 2015 de
multiplier les implantations dans les lieux publics de DAE et surtout de permettre leur accessibilité par une
signalisation efficace. Dans ce but, plusieurs applications mobiles existent à ce jour et une orientation
géographique de leur localisation lors de l’appel aux services d’urgence devrait, dans les années à venir,
permettre l’accroissement de la survie des patients en arrêt cardiaque.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Arrêt cardiaque ; Défibrillation ; Défibrillateur automatisé externe ; Semi-automatique ;


Fibrillation ventriculaire

Plan ■ Priorités au massage cardiaque externe ou à la défibrillation 5


■ Mise en œuvre du défibrillateur : recommandations,
■ Introduction 2 fréquence des chocs 5
■ Historique de la défibrillation 2 Conduite à tenir avec un défibrillateur automatisé externe 5
Procédures particulières avec défibrillateur manuel 6
■ Physiologie de la fibrillation ventriculaire 2
■ Défibrillation de l’enfant 6
■ Défibrillation externe 2
■ Contre-indications et cas particuliers 6
Facteurs influençant la défibrillation 2
Types d’onde de défibrillation 2 Contre-indications 6
Énergie délivrée 3 Précautions d’emploi 6
Cas particuliers 7
■ Matériels 3
■ Téléphone et défibrillateur automatisé externe 7
Différents types de défibrillateurs automatisés externes 3
Caractéristiques d’un défibrillateur automatisé externe 3 ■ Sécurité et maintenance 8
Critères de détection 3 Sécurité 8
Choc électrique 4 Maintenance 8
Accessoires utiles 4 ■ Utilisation dans les transports 8
■ Utilisation par du personnel non médical 4 ■ Suivi d’intervention 8
Expériences internationales et françaises 4
■ Implantations et applications numériques de localisation 8
Législation 4
Implantation 8
Formation des utilisateurs 4
Signalétique 9
■ Place du défibrillateur automatisé externe Géolocalisation 9
dans la réanimation cardiopulmonaire 5 Au sein des établissements de soins 9

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 10 > n◦ 4 > décembre 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(15)61633-6
25-010-B-30  Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

■ Nouveautés et perspectives
Aide au massage cardiaque externe
9
9
 Physiologie de la fibrillation
Assistance au massage cardiaque automatisé 9 ventriculaire
Matériels communicants 9
Perspectives 9 La FV est un rythme ventriculaire inefficace et non réversible
■ Conclusion 9 spontanément qui correspond cliniquement à un arrêt cardiaque
fatal en quelques minutes.
Physiologiquement l’hyperexcitabilité des cellules myocar-
diques entraîne de multiples « micro-réentrées ». Cela provoque
une désynchronisation complète du myocarde.
 Introduction La cause la plus fréquente des FV est l’ischémie myocardique
liée à l’athérosclérose coronarienne. Cette dernière est retrouvée
Les arrêts cardiaques hors de l’hôpital représentent aujourd’hui dans 70 à 85 % des morts subites [10, 11] .
en France environ 60 000 cas par an. Il est communément admis Mais l’apparition des FV peut aussi être associée à des causes
que la plupart des arrêts cardiaques sont dus à des fibrillations morphologiques : cardiopathies dilatées, dysplasies arythmo-
ventriculaires (FV) ou à des tachycardies ventriculaires (TV) sans gènes, fibrose diffuse, etc.
pouls. Il est démontré que la défibrillation précoce des patients Des causes purement électriques sont possibles, souvent sont
s’accompagne d’un taux de survie beaucoup plus élevé que celui incriminés les syndromes de QT longs, de Wolff-Parkinson-White
de 5 % retrouvé dans les études sur l’arrêt cardiaque [1] . Certains ou de Brugada.
auteurs ont même évalué que toute minute perdue correspondait Enfin, 10 % des FV semblent idiopathiques.
à 10 % de diminution de la survie [2] . Certains facteurs vont favoriser l’hyperexcitabilité des cellules
En 2007, face à ce constat et sur l’avis positif de l’Académie de myocardiques : les dyskaliémies, les dyscalcémies, une augmenta-
médecine, l’État a acté par décret que : « Toute personne, même tion des catécholamines circulantes ou encore l’action de certains
non médecin, est habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé médicaments proarythmogènes [12] .
externe répondant aux caractéristiques définies à l’article R. 6311-
14 ».
 Défibrillation externe
 Historique de la défibrillation La défibrillation externe consiste en la délivrance d’un choc
électrique par voie transthoracique à travers deux électrodes de
En 1775, Abildgrad, un vétérinaire danois pratique la première grandes tailles. Il s’agit d’appliquer un courant pour dépolariser
expérience de défibrillation externe par un choc électrique sur le 100 % des cellules simultanément afin de reproduire un rythme
thorax d’une poule en état de mort apparente, et la ramène à la coordonné.
vie [3] .
Le phénomène de fibrillation ventriculaire (FV) est décrit en Facteurs influençant la défibrillation
1849 par Ludwig et Hoffa.
En 1899, les physiologistes Prévost et Batelli montrent par des L’efficacité du choc en termes d’énergie est fonction de
expériences sur des chiens que l’on peut induire une FV par des l’impédance rencontrée. Pour l’American Heart Association
décharges électriques et qu’ensuite on peut, par des décharges (AHA) : « Quelle que soit l’intensité du choc choisie (en joules [J]),
d’intensité supérieure, arrêter cette FV. Ils utilisent, à l’époque, c’est le courant qui défibrille » [13] .
un courant alternatif sinusoïdal de 45 Hz [4] . L’impédance varie en fonction de la résistance au passage du
À partir de 1933, les travaux de Hoocker bénéficient de courant, cette résistance peut être liée à la qualité de la peau du
budgets importants de recherche par les deux grandes compa- patient, la taille des électrodes et la qualité de leur contact, d’où
gnies d’électricité américaine pour réduire la mortalité de leurs l’importance de ce contact [14] .
employées victimes d’électrocution. Cette année-là, il décrit avec Pour renforcer l’efficacité de la défibrillation, plusieurs facteurs
Kouwenhoven le traitement de la FV par la décharge d’un conden- sont à prendre en compte : l’intensité du seuil de défibrillation, la
sateur [5] . période de décharge du courant et le type d’onde employé.
En 1947, Beck et al. pratiquent avec succès la première défi-
brillation interne chez un enfant de 14 ans après 45 minutes de
FV [6] .
Types d’onde de défibrillation
En 1956, Zoll et al. réalisent les premières défibrillations Plusieurs études expérimentales ont déterminé les critères
transthoraciques humaines par des électrodes externes ; un seul d’efficacité et d’innocuité des ondes de défibrillation.
de ses quatre patients va survivre, ce qui fait dire à Zoll L’onde ne doit pas durer plus de 100 ms car c’est l’excès en durée
que « le succès d’une défibrillation dépend de l’identification qui favorise la refibrillation. L’excès d’amplitude peut aller jusqu’à
immédiate de la FV et l’utilisation rapide du défibrillateur la FV irréversible et à la destruction totale des cellules myocar-
externe » [7] . diques [15] .
En 1966, à Belfast, un premier défibrillateur transpor- Plusieurs types d’onde peuvent être employés :
table placé dans une ambulance est utilisé en dehors de • les ondes monophasiques (Fig. 1). Elles sont caractérisées par
l’hôpital. la forme du courant électrique délivré. Les plus utilisées sont
En 1972, l’équipe de Rose et Press dans la ville de Portland confie la sinusoïdale amortie ou exponentielle tronquée. Les ondes
des défibrillateurs portables à des secouristes non médecins après monophasiques se caractérisent par le passage du courant d’une
une formation de 84 heures. Eisenberg et al. montrent alors une électrode à l’autre dans un seul sens. C’est l’onde utilisée dans
amélioration de la survie des arrêts cardiaques pris en charge par les premiers DAE ;
des secouristes équipés de défibrillateur [8] . • les ondes biphasiques (Fig. 2). Le type d’onde biphasique est
En Angleterre, en 1980, apparaissent les premiers appareils auto- celui délivré par les défibrillateurs modernes et disponibles
matiques et leur utilisation par des non médecins est acceptée à sur le marché français. Elle consiste en une inversion du pas-
titre expérimental par la Food and Drug Administration (FDA) sage du courant d’une électrode à l’autre pendant la décharge.
deux ans plus tard. Cela permet de délivrer des chocs de basse énergie (120 à
En France, ce n’est qu’en 1990 que le comité d’éthique puis trois 150 J). Les configurations de choc sont différentes suivant les
ans plus tard l’Académie de médecine donnent un avis favorable modèles : cette onde biphasique peut être tronquée, rectiligne
à l’utilisation de défibrillateur automatisé externe (DAE) par des ou pulsatile. Il n’existe aucune étude de comparaison entre
équipes non médicales pour une première expérimentation sur ces différentes configurations [16] . L’efficacité supérieure du choc
l’agglomération de Lyon [9] . biphasique chez l’homme a été démontrée ; en abaissant le seuil

2 EMC - Médecine d’urgence


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50 40

40
30

30
20
Courant (ampère)

Courant (ampère)
20
10
10

0 0

–10
–10

–20
200 Joules à 50 Ohms –20

0 4 8 12 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
Temps (msec)
Temps (msec)
Figure 1. Onde monophasique amortie.
Figure 2. Onde biphasique rectiligne (onde de type Zoll® ).

de défibrillation, on augmente le taux de succès de la défibrilla-


tion et de récupération d’une activité cardiaque spontanée [17, 18] d’utilisateur potentiel : il convient d’équiper les secouristes for-
tout en réduisant sa nocivité. més d’un matériel semi-automatique leur permettant de ne pas
délivrer le choc si la situation le contre-indique. À l’inverse, il est
préférable de mettre à disposition d’un public non formé ou en
Énergie délivrée libre-service un DEA pour supprimer la réticence d’un public non
entraîné lors de la délivrance du choc.
Comme citée ci-dessus, l’énergie délivrée doit être suffi- Enfin, certains DSA sont débrayables et peuvent être utilisés en
sante mais non nocive. Les recommandations internationales de mode manuel si un médecin se présente. Ce type d’appareil a toute
l’European Resuscitation Council (ERC), de l’International Liai- sa place sur un chariot d’urgence au sein d’un service hospitalier.
son Committee (ILCOR) et de l’AHA incitent à utiliser une onde
biphasique et un seuil d’énergie de 120 à 150 J (qui correspond à
200 J en monophasique) lors du premier choc [19] . Caractéristiques d’un défibrillateur
Néanmoins, l’utilisation de basse énergie (120 à 150 J), si elle a automatisé externe
démontré une supériorité concernant la récupération d’une acti-
vité cardiaque spontanée comparée aux hautes énergies (200 à Un DAE est principalement composé d’un condensateur de
360 J), ne semble pas améliorer le pronostic neurologique lors de forte capacité dont la charge est assurée par un courant continu de
la survie [20] . tension variant de 1000 à 5000 volts (V) en fonction de l’énergie
Certaines études cliniques proposent, dans le cas d’une FV demandée. Sa charge est obtenue avec une pile longue durée.
réfractaire d’utiliser une stratégie de chocs de niveaux croissants Il lui est associé un module d’analyse qui lui permet de détec-
d’énergie : 100–150–200 J [21] . ter les troubles du rythme choquables et de calculer l’impédance
thoracique du patient.
Cette mesure se fait grâce à un courant continu de faible
 Matériels intensité généré entre les électrodes pendant l’analyse du rythme
cardiaque.
Il est associé à des électrodes autocollantes de grandes dimen-
Différents types de défibrillateurs sions (50 cm2 minimum) et gélifiées. La qualité de l’adhérence de
automatisés externes ces électrodes est le facteur déterminant d’une bonne analyse du
rythme et de la qualité de défibrillation (Fig. 3)
Sous l’appellation DAE, on trouve sur le marché français deux Chaque appareil est doté de deux types de mémoire : une
types d’appareil utilisables par le grand public : Les défibrilla- mémoire destinée aux constructeurs qui permet d’assurer la maté-
teurs semi-automatiques (DSA) et les défibrillateurs entièrement riovigilance, et une seconde mémoire dédiée à l’enregistrement
automatiques (DEA). La différence entre les deux appareils est du rythme électrique du patient et aux incidents survenant lors
essentiellement technique. Les DSA nécessitent pour la délivrance de la réanimation. Cette dernière permet a posteriori d’étudier
du choc une action d’un secouriste sur proposition de l’appareil l’étiologie de l’arrêt cardiaque du patient et de contrôler la qualité
contrairement aux DEA qui délivrent le choc automatiquement de la réanimation cardiopulmonaire pratiquée par les secou-
dès la reconnaissance de la FV. ristes [23] .
Tous deux utilisent des messages visuels (diodes lumineuses Les caractéristiques d’un DAE varient peu d’un constructeur à
ou messages écrits) et vocaux pour guider l’utilisateur. Leurs l’autre, leurs modes de fonctionnement et d’utilisation sont stan-
caractéristiques techniques en termes de sensibilité et spécificité dardisés.
d’analyse, d’énergie délivrée ou de maintenance sont similaires.
Aucune étude n’a démontré une supériorité de l’un ou de l’autre
appareil. Dans son étude d’utilisation par des personnels entraî- Critères de détection
nés, l’équipe de Monsieurs et al. a montré que la seule différence
réside dans le temps moyen écoulé entre la pose des électrodes et Le plus souvent, l’appareil effectue deux analyses successives en
l’administration du premier choc qui est de 22 secondes pour les mode interne pour déterminer la possibilité de choc électrique ;
DEA et de 24 secondes pour les DSA, mais cette différence n’est en cas de discordance, une troisième est effectuée et le résultat est
pas significative [22] . obtenu à la majorité des trois analyses.
Le choix de l’appareil repose uniquement sur des arguments Les critères utilisés dans les algorithmes de fonctionnement des
psychologiques en faveur du DEA ou sécuritaire en faveur du DAE sont :
DSA. En effet, le choix d’achat d’un DAE est fonction du type • une fréquence cardiaque supérieure à 150 par minute ;

EMC - Médecine d’urgence 3


25-010-B-30  Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

• une paire de ciseaux pour découper les vêtements et avoir accès


plus rapide au thorax ;
• des compresses pour essuyer un thorax en sueur ;
• un rasoir pour améliorer l’adhérence des électrodes sur un tho-
rax velu ;
• une paire de gant nitrile de préférence pour le sauveteur ;
• éventuellement un masque permettant une ventilation par
bouche-à-bouche en sécurité.

 Utilisation par du personnel


non médical
Expériences internationales et françaises
Eisenberg et al. étudient au début des années 1990 dans 29 villes
des États-Unis le taux de survie des arrêts cardiaques en fonction
de la précocité de la défibrillation. Il constate que ce taux de survie
est supérieur chez les patients présentant un rythme choquable et
pris en charge en première intention par une équipe dotée d’un
défibrillateur [26] .
En 1991, Cummings par le concept de la chaîne de survie met en
évidence le rôle majeur de la défibrillation précoce dans la récupé-
ration des arrêts cardiaques. Dès 1992, l’AHA et l’ERC établissent
les recommandations dans le même sens [27, 28] .
Dans leur méta-analyse regroupant plus de 1800 patients en FV,
Auble et al. observent une diminution significative de la morta-
lité dans le groupe de patients pris en charge par des équipes de
secouristes munis de DSA [29] .
Dans le même temps, une étude rétrospective de Hargarten
sur dix ans, montre que le taux de survie s’effondre rapidement
lorsque la défibrillation est effectuée au-delà de la troisième ou
quatrième minute en l’absence de geste immédiat de défibrilla-
tion [30] .
En France, à la suite de l’avis du comité d’éthique puis de
l’Académie de médecine, la première expérimentation de défibril-
lation par des secouristes est réalisée à Lyon avec des résultats
prometteurs, sur 60 patients pris en charge, chez les malades défi-
brillés par les premiers secours, le taux de survie est de l’ordre de
30 %.
S’ensuivent des études de faisabilité à Lille et à Paris qui per-
Figure 3. Position des électrodes de défibrillation chez l’adulte. mettent la mise en place d’un texte législatif en 1997 [31, 32] . Déjà,
en 1994, la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR)
précisait que la défibrillation est le premier geste à effectuer en cas
• une amplitude du QRS supérieure à 1 mV ; de FV.
• une durée du QRS allongée supérieure à 120 ms ;
• l’impédance thoracique du patient dans une plage de 10 à 300 
(en fonction des modèles). Législation
Pour ces algorithmes de défibrillation, la spécificité doit être
proche de 100 % et la sensibilité supérieure à 95 %. Ces caractéris- Suite à la circulaire du 6 janvier 1962 relative à l’utilisation
tiques permettent en toute sécurité de ne choquer que les FV ou des défibrillateurs, cette technique est réservée uniquement à la
les TV supérieures à 150 par minute. profession médicale. Il faut attendre le premier décret en 1996
Lors de cette analyse, toute anomalie du rythme ne correspon- autorisant les personnels paramédicaux à utiliser les DAE dans le
dant pas à ces critères exclut la possibilité de choc électrique [24, 25] . cadre de protocole écrit sous le contrôle médical.
La durée moyenne d’analyse et de chargement du défibrillateur Le décret de mars 1998 défini juridiquement l’utilisation du
est inférieure à 30 secondes, variant selon le matériel et l’intensité DSA ; il précise les catégories de personnel habilitées à l’utiliser
du choc. ainsi que les conditions techniques auxquelles doit répondre les
appareils : analyse automatique de l’électrocardiogramme (ECG),
chargement automatique de l’appareil, déclenchement du choc
Choc électrique par l’utilisateur et enregistrement de l’ECG et des données
Le choc électrique est délivré à travers les mêmes électrodes d’utilisation de l’appareil [33] . La formation spécifique des utilisa-
que celles utilisées pour l’analyse du rythme cardiaque du patient. teurs est précisée par un arrêté l’année suivante.
L’énergie dispensée est ajustée par les DAE modernes en fonction Le décret 2007-705 du 4 mai 2007 met fin à la restriction
du calcul de l’impédance thoracique du patient. d’utilisation des DAE et modifie le code de santé publique : « Toute
Le choc électrique externe est délivré automatiquement par personne, même non médecin, est habilitée à utiliser un défi-
l’appareil dans le cas des DEA ou par l’opérateur appuyant sur brillateur automatisé externe correspondant aux caractéristiques
un bouton bien identifié dans le cas des DSA ; cela à la suite d’un définies à l’article 6311-14 ». Ainsi, chaque citoyen français est
message vocal et visuel annonçant ce choc. autorisé à utiliser un DAE [34] .

Accessoires utiles Formation des utilisateurs


Certains accessoires sont utiles pour améliorer l’utilisation du Même si le décret de 2007 indique que les DAE peuvent juridi-
DEA et optimiser son analyse. Il convient de joindre à l’appareil : quement être mis en œuvre par « toute personne », il est préférable

4 EMC - Médecine d’urgence


Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes  25-010-B-30

que les utilisateurs aient reçu une formation pour pourvoir les
manipuler efficacement.
Inconscient et ne respire
Cette formation aujourd’hui de courte durée, moins d’une
pas ou respiration
heure, est dispensée dans tous les programmes de formation aux
anormale (gasp)
premiers secours pour le grand public (initiations, prévention et
secours civique de niveau 1, premiers secours en équipe, etc.).
Pour les personnels de santé, depuis 2006, la pratique de la défi-
brillation semi-automatique est intégrée à la formation aux gestes Appeler à l’aide
et soins d’urgence (Attestation de formation aux gestes et soins Alerter les secours et
d’urgence [AFGSU]), niveau 1 obligatoire pour toute formation demander un DAE
initiale de santé [35] .
La direction de la sécurité civile a mis en place un référentiel
de formation à la défibrillation intitulé « Alerter, masser, défibril-
ler » [36] . Alternance de 30
compressions thoraciques
Avec deux ventilations
 Place du défibrillateur artificielles

automatisé externe
dans la réanimation Évaluation du rythme
cardiopulmonaire par le DAE

La chaîne de survie résume les étapes obligatoires nécessaires


à une réanimation cardiopulmonaire efficace. Une chaîne est
Rythme Rythme
solide par la solidité de chacun de ses maillons qui sont les
choquable + choc non choquable
quatre suivants : l’alerte immédiate dès la reconnaissance de l’arrêt électrique
cardiaque, la réanimation précoce par le premier témoin, la défi-
brillation précoce et la réanimation médicalisée précoce et, enfin,
une protection cérébrale en service hospitalier de réanimation.
Une réanimation cardiopulmonaire et la défibrillation mise en Reprendre immédiatement
route en moins de trois à cinq minutes améliorent la survie de 49 La réanimation
à 79 % [29] . Chaque minute de perdue diminue la survie de 10 %. cardiopulmonaire pendant
En mesurant la durée de l’appel au secours, le trajet des secours, deux minutes
le bilan des sauveteurs et la mise en œuvre du DAE, il se passe en
moyenne dix minutes avant le premier choc potentiel. Ce retard
justifie l’apparition de DAE en accès libre utilisable simplement
Continuer jusqu’aux signes
par un public non ou peu formé [37] .
de réveil, mouvements,
ouverture des yeux,

 Priorités au massage cardiaque


respiration normale

externe ou à la défibrillation Figure 4. Arbre décisionnel. Mise en œuvre du défibrillateur automatisé


externe (DAE). FV : fibrillation ventriculaire ; TV : tachycardie ventriculaire.
Quelle est la priorité de mise en œuvre entre les compressions
thoraciques et la défibrillation automatisée externe ?  Mise en œuvre
En cas d’arrêt cardiaque prolongé supérieur à cinq minutes,
sans démarrage des gestes de premiers secours, la pratique d’une
du défibrillateur :
réanimation cardiopulmonaire de 1,5 à trois minutes avant de recommandations, fréquence
mettre en place le DAE a été proposée. La notion de faciliter
le choc électrique par un massage cardiaque externe (MCE) n’a des chocs
pas été prouvée. La comparaison de l’utilisation du DAE avec
ou sans réanimation cardiopulmonaire préliminaire ne montre
Conduite à tenir avec un défibrillateur
pas d’augmentation significative d’une reprise d’une activité car- automatisé externe
diaque efficace et une augmentation de la survie. L’enchaînement des gestes lors de la mise en œuvre du DAE est
Une interruption de cinq à dix secondes des compressions tho- la suivante (Fig. 4) : la victime et l’ensemble des personnes pré-
raciques avant le choc, pendant l’analyse par l’appareil, diminue sentes, témoins et sauveteurs, doivent être mis comme la victime
les chances de délivrer un choc. Il est certain que les compressions en sécurité. Il faut vérifier l’environnement (risque de suraccident,
thoraciques doivent être débutées immédiatement et ne pas être atmosphère explosive, etc.).
interrompues ou le moins possible. L’alternance des ventilations Le bilan montre une victime inconsciente, qui ne respire pas ou
artificielles ou la mise en œuvre complète du défibrillateur doivent très mal et de façon inefficace (gasp).
être effectuées en moins de cinq secondes. Pendant l’analyse du L’alerte des secours doit être précoce. Le téléphone portable
rythme par les DAE, l’opérateur et les autres sauveteurs s’écartent est devenu incontournable et le sauveteur peut, dans la majo-
pour ne pas provoquer d’artefact dès la demande de l’appareil. Il rité des cas, appeler les secours sans quitter la victime et débuter
faut raccourcir le temps de non MCE avant et après le choc. Pour des manœuvres de réanimation. Si le sauveteur est seul, sans télé-
cela, il est recommandé de masser pendant la charge du DAE [38] , phone, il appelle à l’aide pour se faire aider d’un témoin pour
mais le MCE doit être interrompu pendant la délivrance du l’appel des secours et rechercher un DAE.
choc. La réanimation cardiopulmonaire est mise en œuvre immédia-
La continuité du MCE pendant le temps de charge est pos- tement. Le sauveteur pratique des compressions thoraciques plus
sible avec une équipe de secours entraînée et qui communique. ou moins associées à une ventilation artificielle.
Le risque électrique est négligeable si tous les sauveteurs sont En cas d’appareil de défibrillation accessible dans un environ-
équipés de gants. Le temps post-choc est raccourci en faisant nement proche, le prendre et le mettre en œuvre le plus tôt
reprendre immédiatement la réanimation cardiopulmonaire après possible ; à défaut, le seul MCE est poursuivi, plutôt que d’attendre
la séquence de choc. l’appareil.

EMC - Médecine d’urgence 5


25-010-B-30  Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

Une fois le DAE sur place : l’enfant sont limitées et le modèle animal est beaucoup utilisé.
• il faut mettre immédiatement en marche l’appareil et suivre les Cette étude, malgré le peu de cas retenu, permet de conforter l’idée
directives audiovisuelles ; d’un choc plutôt unique à l’intensité assez forte. L’intensité rete-
• les électrodes sont collées de part et d’autre du cœur. Une élec- nue est de 4 J/kg, ce qui est aussi évoqué par le registre américain
trode est placée en haut et à droite à la face antérieure du thorax sur l’arrêt cardiaque où il est noté une moindre réduction de FV
sous la clavicule, une électrode est placée en bas et à gauche, à avec des intensités faibles de 2 J/kg [40] .
l’emplacement de V6 sur la ligne axillaire moyenne (Fig. 3). Les DAE modernes mesure la conductance de la victime et
• s’il y a plusieurs sauveteurs sur les lieux, la réanimation cardio- adapte, dans une certaine mesure, l’intensité du choc. Il est
pulmonaire peut être poursuivie pendant la pose des électrodes tout de même recommandé d’utiliser des électrodes pédiatriques
sur le thorax ; avec réducteur d’intensité ou un DAE pédiatrique. Beaucoup de
• les sauveteurs s’écartent à la demande du DAE ; défibrillateurs ne proposent pas de système pour s’adapter à la
• les compressions thoraciques peuvent être poursuivies après pédiatrie et, par défaut dans l’urgence, l’utilisation d’un DAE des-
l’analyse et arrêtées seulement au moment de la charge par le tiné à l’adulte est toléré [41] .
DAE ; Sur les cas rapportés de la littérature, la défibrillation chez
• le DAE va délivrer, si nécessaire, un choc à la fois ; ne pas enchaî- l’enfant de plus de 1 an est efficace et sans complication spécifique.
ner des séries consécutives de choc. Un choc seul, répété toutes Les cas de mise en œuvre d’un DAE chez le nourrisson de moins
les deux minutes si nécessaire, en alternance avec des compres- de 1 an se résument à quelques publications [42] . L’indication de
sions thoraciques, montre une baisse de récidive de la FV et une choc électrique chez un nourrisson est extrêmement rare et uni-
survie qui augmente. quement quand il existe une maladie cardiaque. Dans ces rares cas,
Les chances de conversion de la FV se réduisent si on inter- le rapport bénéfice/risque est favorable au choc par le DAE et son
rompt trop longtemps le MCE. Après la séquence et quelle que utilisation doit être envisagée de préférence avec un atténuateur
soit la décision de l’appareil, qu’il y ait eu un choc ou non, il d’intensité.
faut reprendre immédiatement la réanimation cardiopulmonaire. Les recommandations françaises pour le grand public formé aux
Même en cas de choc efficace, il est très difficile de contrôler la premiers secours ne font pas de distinction d’âge entre nourrisson,
présence d’un pouls juste après la reprise d’une activité cardiaque enfant et adulte pour la décision de mise en œuvre du DAE dans
efficace. En cas d’absence d’efficacité du choc, il y aurait une perte le cas d’un arrêt cardiaque [43] . Cela se justifie par la très faible
de chance en cas de non-reprise immédiate du MCE et, enfin, les incidence des arrêts cardiaques pédiatriques et par la part non
compressions thoraciques sur un cœur battant n’entraînent pas négligeable de l’origine cardiaque des arrêts chez les tout-petits.
de risque de reproduire l’arrêt cardiaque ou une FV. L’autre justification de cette non-distinction est l’objectif éduca-
Les consignes du DAE doivent être suivies jusqu’au relais par les tionnel qui est de former le plus grand pourcentage possible de la
secours spécialisés. Les gestes de réanimation sont arrêtés si la vic- population avec des informations faciles à mémoriser.
time présente des signes de réveil, des mouvements, une ouverture La technique d’utilisation est très proche des recommandations
des yeux ou reprend une respiration normale. pour l’adulte :
• un seul choc d’intensité suffisante à 4 J/ kg ;
• limiter le temps de non-massage ;
Procédures particulières avec défibrillateur • une onde biphasique est recommandée ;
manuel • les électrodes sont positionnées l’une antérieure sur le sternum,
l’autre postérieure pour éviter qu’elle se chevauche et de risquer
La probabilité pour un deuxième choc consécutif d’être efficace un arc électrique (Fig. 5).
est faible et il n’est pas recommandé d’enchaîner les chocs. Il y a
deux cas particuliers où une séquence de trois chocs consécutifs
reste recommandée, il s’agit de la post-chirurgie cardiaque et le
cathétérisme cardiaque. En cas de chirurgie cardiaque, le MCE est  Contre-indications
retardé au troisième choc pour éviter un lâchage de suture, en
cas d’échec, cela se poursuit par une resternotomie, une reprise
et cas particuliers
chirurgicale, un choc électrique interne [39] .
Contre-indications
Pour la victime, Il n’existe pas de contre-indication à la mise

“ Point fort en place d’un DAE, on peut parler de non-indication quand la


victime est consciente et/ou réceptive, qu’elle respire ou qu’un
pouls est décelable.
• Dès que le DAE est présent auprès de la victime, sa mise Quand il y a un risque explosif dans l’environnement, en entre-
prise spécialisée avec un risque d’émanation de gaz ou de vapeur
en place devient prioritaire. explosive ou une station-service au niveau des pompes, la mise en
• Il faut interrompre le moins possible le massage car- œuvre du DAE est interdite. Il faut donc éloigner la victime de la
diaque lors de l’utilisation d’un DAE. zone dangereuse avant de mettre en œuvre un DAE.

Précautions d’emploi
 Défibrillation de l’enfant L’envoi d’un courant électrique entre deux électrodes entraîne
des interrogations quand le corps de la victime repose sur un
Une étude prospective sur la prise en charge de l’arrêt cardiaque sol mouillé ou métallique. Sur un sol qui conduit le courant, il
de l’enfant en intrahospitalier sur une durée de deux ans a recensé n’y a pas de risque pour le sauveteur s’il n’est pas en contact
563 arrêts cardiaques chez 502 enfants. Il a été possible d’analyser direct avec la victime au moment du choc. En revanche, l’énergie
40 événements pour 37 enfants. Les causes retrouvées d’arrêts car- délivrée va diffuser à travers la surface conductrice et se perdre
diaques sont d’origine cardiaque dans 56,8 % des cas, 13,5 % dans le sol. L’efficacité optimale de la défibrillation est incertaine.
sont des sepsis, 10,8 % sont des maladies respiratoires, 5,4 % Dans certains lieux, par exemple sur un bateau métallique, le
sont d’origine neurologique et 13,5 % sont de causes diverses. Le DAE est accompagné d’une couverture isolante à placer sous la
nombre moyen de choc est de 2,4 et l’intensité pour le premier victime.
choc est de 3,7 J avec des doses croissantes pour les chocs suivants. Pour optimiser l’efficacité du choc, les électrodes doivent être
On obtient des doses cumulées de 10 J/kg. collées sur une surface cutanée parfaitement sèche. Tout disposi-
Il est admis que l’intensité et le nombre de chocs doivent être tif médicamenteux pouvant se retrouver entre les électrodes et la
optimisés pour limiter les lésions myocardiques. Les études chez peau doit être enlevé.

6 EMC - Médecine d’urgence


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Figure 5. Position des électrodes de défibrilla-


tion chez l’enfant.

Cas particuliers
Femme enceinte “ Point fort
Dans une revue de la littérature, sur 44 cas de femmes enceintes
ayant été choquées avec des intensités allant de 50 à 400 J, il • L’utilisation du DAE chez l’enfant est identique à l’adulte
est décrit trois accouchements prématurés, deux césariennes en et sans limite d’âge.
urgence avec des enfants nés en bonne santé. Il semble difficile • Chez une femme enceinte, il n’y a pas de différence de
de faire un lien de cause à effet pour ces différents événements.
recommandation pour la défibrillation.
Pour ces cas, les chocs sont programmés pour traiter un trouble
du rythme et ce ne sont pas des situations de grande détresse
circulatoire ou d’arrêt cardiaque [44, 45] .
Chez la femme enceinte, le DAE est utilisable avec les recom- technologique des téléphones a remis en question cette idée, le
mandations habituelles. Il n’existe pas d’étude sur ce thème mais risque d’interférence est minime et contrôlable [1] .
uniquement des publications à propos de cas isolés. En théorie, il L’analyse de l’interaction des téléphones portables avec les dis-
existe un risque pour le fœtus. Les facteurs aggravants sont la durée positifs médicaux en général dans les hôpitaux conclus qu’une
et l’intensité du choc, le trajet du courant à travers l’utérus, le distance de un mètre est suffisante pour éviter les interactions [48] .
liquide intra-utérin conduit très bien le courant. Il est évoqué, sans En ce qui concerne les DAE, plusieurs études ont été menées,
étude formalisée, de déplacer l’électrode axillaire pour la ramener dont notamment l’analyse du fonctionnement de 12 DAE inter-
sous le sein gauche et limiter un trajet du courant intra-utérin. En férants avec deux types de téléphone d’une puissance respective
pratique la défibrillation transthoracique semble à risque faible, de deux et de huit watts (W) ; l’objectif étant la bonne indication
toutefois il est recommandé d’enlever le monitoring de l’enfant du choc mesurée sur un simulateur de rythme et sur deux volon-
au moment du choc pour éviter un arc électrique [46] . taires sains. Chaque DAE a été testé 720 fois et aucune erreur n’est
retrouvée, que ce soit par excès ou par défaut. La sensibilité et la
spécificité pour ces 12 appareils sont de 100 % pour un téléphone
Stimulateur cardiaque ou défibrillateur implanté
émettant sur la fréquence de 900 MHz, seul existe un parasitage
Lors du choc, il y a un risque d’échauffement, de déréglage ou du haut-parleur qui peut entraîner une mauvaise compréhension
de déprogrammation du dispositif, de panne permanente [47] . des messages du DAE [49] .
La peau ou les tissus sous-cutanés peuvent être brûlés. Les téléphones sont positionnés soit sur le thorax entre les
Il est recommandé de placer une électrode en antérieur et l’autre électrodes, sur le DAE ou sur la connexion électrodes et boîtier.
en postérieur sur un axe perpendiculaire à l’axe stimulateur-cœur. L’analyse montre un bruit parasite dans le haut-parleur du DAE
Il est nécessaire de faire réviser le dispositif après l’usage du DAE. qui apparaît deux à quatre secondes avant la sonnerie et pendant
toute sa durée puis à l’extinction du téléphone. Il n’y a pas de
dysfonction du défibrillateur et les interférences disparaissent si
 Téléphone et défibrillateur le téléphone est éloigné de 15 cm du dispositif [50] .
Le téléphone portable devient aujourd’hui un outil d’aide à la
automatisé externe réanimation cardiopulmonaire en localisant les DAE ou en pro-
posant un métronome pour contrôler la fréquence du MCE ou
La notion d’interférence entre les dispositifs médicaux et encore une assistance à l’aide de l’accéléromètre inclus dans cer-
les téléphones portables date des années 1990. L’évolution tains smartphones [51] .

EMC - Médecine d’urgence 7


25-010-B-30  Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

 Sécurité et maintenance choc est délivré précocement pendant le vol. Dans ce but, les
personnels navigants sont maintenant systématiquement formés
Sécurité à l’utilisation de ce genre de dispositif. Par exemple, la compa-
gnie Air France forme l’ensemble de ses personnels navigants et
L’algorithme de la détection de la FV, la haute sensibilité et la au sol à l’utilisation des DAE, qui sont maintenant implantés
spécificité des appareils assurent la sécurité du patient. dans tous leurs appareils. Dans un article de 2004, Bertrand et al.
Celle du sauveteur est assurée par le respect des recomman- décrivent même une survie sans séquelles chez 17 % des patients
dations d’utilisation et par l’innocuité relative des courants en arrêt cardiaque pris en charge à bord des avions d’Air France [55] .
employés en défibrillation, notamment les courants bipha- Dans le même temps, suite à l’expérience de l’aéroport de Chi-
siques [52] . cago, les aéroports, notamment en France, ont développé un plan
d’équipement de leurs plates-formes.
À la suite d’expériences positives dans les transports aériens, la
Maintenance Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a installé des
Les défibrillateurs procèdent à des autotests journaliers qui per- DAE dans tous ses trains à grande vitesse (TGV) et dans la majorité
mettent à l’appareil de vérifier périodiquement l’état des circuits de ces gares.
électroniques et des batteries, et ainsi qu’il est immédiatement
prêt à l’emploi. Les résultats de ces autotests se traduisent sur un
témoin visuel qui permet à l’utilisateur de voir du premier coup  Suivi d’intervention
d’œil si l’appareil a détecté un dysfonctionnement empêchant son
utilisation. Ces résultats sont stockés dans la mémoire de l’appareil Un registre des arrêts cardiaques préhospitaliers a été mis en
qui est accessible au constructeur en cas de problème. place en 2013 à la demande de la Direction générale de la santé
Il est également recommandé de contrôler périodiquement (DGS). Ce registre a été confié au Centre d’expertise mort subite
l’état extérieur de l’appareil et les dates de péremption des élec- (CEMS), Inserm unité 970.
trodes et des batteries. Toutes ces informations sont disponibles Il est établi à partir des données renseignées par les services
dans la notice d’instruction de l’appareil. d’aide médicale urgente (Samu) dans la fiche de la DGS : il consiste
Les défibrillateurs étant des dispositifs médicaux, ils sont régis à évaluer l’installation et l’utilisation des défibrillateurs auto-
par le code de la santé publique dans son article R5212-25 : matisés. Pour chaque arrêt cardiaque, cette fiche renseigne sur
« L’exploitant veille à la mise en œuvre de la maintenance et des l’utilisation d’un défibrillateur, la commune de survenue, la cause
contrôles de qualité prévus pour les dispositifs médicaux qu’il de l’arrêt cardiaque, le lieu de survenue, la présence de témoins
exploite. La maintenance est réalisée soit par le fabricant ou sous et les soins prodigués par ces derniers, les délais de premier choc
sa responsabilité, soit par un fournisseur de tierce maintenance, électrique et d’intervention des secours, le type d’accès au défi-
soit par l’exploitant lui-même. » brillateur, le niveau de formation des témoins ayant donné les
L’article R5212-28 du même code modifié par décret (no 2011- premiers soins, le devenir à moyen terme du patient et son état
968 du 16 août 2011, article 1) [53] précise les dispositions à neurologique à la sortie de l’hospitalisation. Cette fiche répond
respecter, portant en particulier sur : aux critères d’Utstein relatifs à la mise en place d’un registre de
• la définition d’une organisation de la maintenance ; recueil de données sur les arrêts cardiaques.
• le recueil des informations permettant d’apprécier la pertinence Un second registre reprenant les mêmes données, le registre
des modalités de cette maintenance et de son exécution ; électronique des arrêts cardiaques (RéAC), a été initié en 2009 par
• la tenue d’un registre pour assurer la traçabilité des opérations ; les professeurs Gueugniaud et Hubert à Lyon puis à Lille. Il est
• l’accès aux appareils et informations par les personnes chargées opérationnel depuis 2011 et regroupe les données issues de 60 %
de leur maintenance et contrôle. des Samu et services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur)
La maintenance des DAE trouve sa justification dans le vieillis- de France [56] .
sement de deux composants essentiels de l’appareil :
• les piles et/ou batteries qui doivent être changées périodique-
ment. Leur durée de vie est variable de un à cinq ans selon leur  Implantations et applications
type, les fabricants et les conditions d’utilisation ;
• les électrodes dont le gel de contact se dessèche (selon les
numériques de localisation
modèles et l’exposition : entre deux et sept ans), rendant Implantation
l’ensemble inopérant.
Enfin, associé à cette maintenance, chaque utilisateur ainsi que Face aux coûts économiques que cela représente, l’implantation
le médecin référent de leur autorité d’emploi doivent signaler tout de DAE destinés au grand public nécessite de répondre à une
dysfonctionnement dans le cadre de la matériovigilance. question : les résultats dans la prise en charge de l’arrêt cardiaque
Jost et al. ont traduit cette capacité à décider, analyser et corriger sont-ils améliorés lorsque des DAE sont mis à disposition du public
un incident par le concept de « DSA-vigilance » [54] . pour permettre la délivrance plus rapide d’un choc électrique
externe en cas de FV ?
Un groupe multicentrique américain patronné par
l’AHA a formé à la réanimation cardiopulmonaire plus de
“ Point fort 19 000 volontaires en deux groupes. Dans l’un des groupes en
plus de cette formation, 1600 DAE était mis à disposition des
volontaires pour délivrer des chocs électriques externes en cas de
• La maintenance des DAE doit en priorité porter sur les FV avant l’arrivée des secours. Les auteurs de l’étude concluent
batteries et les électrodes. que la survie après un arrêt cardiaque extrahospitalier peut être
• Le médecin référent de l’autorité d’emploi doit signaler multipliée par deux grâce à la mise à disposition de DAE pour le
tout dysfonctionnement dans le cadre de la matériovigi- grand public [57] .
lance. D’autres travaux internationaux ont confirmé l’efficacité du
DAE utilisé par le grand public. Le plus célèbre est l’expérience
des aéroports de Chicago où plus de 50 défibrillateurs ont été mis
à disposition du public en libre-service. Sur deux ans, 18 patients
en FV sur 21 en arrêt cardiaque ont été défibrillés et ainsi dix
 Utilisation dans les transports patients ont survécu sans séquelles neurologiques [58] .
En France, de nombreuses expériences ont confirmé ces résul-
Depuis le début des années 1990, les compagnies aériennes ont tats, notamment celles réalisées à Montbard où des DAE ont
équipé leurs appareils de DAE. Les premières études faites par ces été mis à disposition du public après une formation courte en
compagnies ont montré un taux de survie important lorsque le 2006 [59] .

8 EMC - Médecine d’urgence


Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes  25-010-B-30

 Nouveautés et perspectives
Aide au massage cardiaque externe
La plupart des appareils est aujourd’hui équipée d’un métro-
nome permettant ainsi à l’utilisateur d’obtenir un rythme de
compressions régulier, il propose aussi un guidage vocal de la
réanimation cardiopulmonaire pour les utilisateurs novices.
Certains fabricants ont mis au point des systèmes d’aide au MCE
intégré à leurs appareils. Deux types d’aides sont proposés :
• le calcul de la variation de l’impédance thoracique ;
• le calcul de la profondeur à partir d’un accéléromètre intégré à
des électrodes « intelligentes ».
Ces aides permettent de modifier l’amplitude et la fréquence de
la compression pour adapter la conduite à tenir de l’utilisateur au
plus près des recommandations internationales.

Assistance au massage cardiaque automatisé


Les dispositifs de massage cardiaque automatisé (MCA) tendent
aujourd’hui à se généraliser, notamment dans le cadre de la prise
en charge de l’arrêt cardiaque réfractaire. L’association de ce type
de dispositif avec un défibrillateur permettant l’analyse du rythme
cardiaque en continu, peut éviter les interruptions de compression
thoracique et favoriser ainsi le maintien de la perfusion cérébrale.
De plus, la synchronisation du dispositif de MCA avec le
DSA permet d’effectuer le choc électrique pendant la phase de
Figure 6. Signalétique internationale indiquant l’emplacement d’un compression thoracique au moment où la densité du muscle car-
défibrillateur automatisé externe. diaque est maximale.
À ce jour, seul un constructeur propose ce type de dispositif [67] .
En revanche, l’étude menée par Bardy et al. n’a pas mis en évi-
dence l’amélioration de la survie en cas d’installation de DAE au Matériels communicants
domicile de sujets coronariens [60] .
En 2007, l’académie de médecine proposait une alerte systé-
Depuis, de nombreuses villes ont mis en place des programmes
matique, voire automatique, du Samu quand le défibrillateur mis
d’équipement en DAE dans des sites fréquentés par le public ou
à disposition du grand public est mis en marche, associée à un
accessibles par celui-ci.
système de localisation de type Global Positioning System (GPS).
En 2008, le Conseil français de réanimation cardiopulmonaire
Aujourd’hui déjà, des coffrets « communicants » reliés au réseau
(CFRC) a réuni une conférence d’experts et a établi les Recom-
téléphonique existent pour ce type de DAE, ils communiquent
mandations pour l’organisation de programmes de défibrillation
automatiquement avec les services de secours permettant de
automatisée externe par le public [61] .
connaître la cause de la demande de DAE et de localiser l’endroit
de l’arrêt cardiaque.
Signalétique
Mais encore faut-il que le public sache où sont implantés les Perspectives
appareils ! Une signalétique internationale a été créée et a été L’implantation systématique dans les lieux recevant du public,
approuvée par l’International Liaison Committee on Ressucita- au même titre que les extincteurs, pourrait être associée à des
tion (ILCOR) en septembre 2008. L’arrêté du 16 août 2010 en dispositifs communicants permettant une augmentation de la
France fixe désormais les modalités de signalisation des DAE dans défibrillation précoce et donc de la survie des patients pris en
les lieux publics [62] . Elle représente un cœur blanc sur fond vert charge pour arrêt cardiaque. Une proposition de loi a été dépo-
barré d’un éclair et accompagné d’une croix blanche (la couleur sée dans ce sens le 21 février 2012 pour l’obligation de disposer
normalisée est le RAL 6032) (Fig. 6). d’un DAE dans tout établissement recevant du public.
De même, pour faciliter l’utilisation des DAE, l’augmentation
Géolocalisation des formations aux premiers secours est en cours par leur ensei-
gnement systématique pour l’obtention du brevet des collèges et
Pour faciliter l’accès aux DAE à disposition du public, plusieurs lors des journées d’appel de préparation à la défense.
applications pour téléphone mobile ou Internet existent. Elles Enfin, certains auteurs ont envisagé pour améliorer l’efficacité
émanent de sociétés privées (mutuelles, station de radio, etc.) avec des compressions thoraciques en éliminant les périodes
des sites à destination du grand public, ou d’associations comme d’interruption du MCE, de pratiquer ces compressions pen-
l’Association pour le recensement et la localisation des défibril- dant l’administration du choc électrique [68] . Or cette étude ne
lateurs (ARLoD), qui met à disposition des secours publics une fournit que des indications partielles sur la fiabilité des gants
base de données de géolocalisation des appareils [63–65] . Cette base utilisés pour ces compressions, à ce jour aucune étude n’a montré
de données a pour but, lors de l’appel aux services d’urgence, de une innocuité totale du MCE pour le sauveteur pendant la
guider rapidement l’appelant vers un défibrillateur. défibrillation, sachant qu’un défibrillateur biphasique génère
une tension de 2200 V [69] . Sullivan recommandait, en attendant
que des gants adaptés à la défibrillation isolant le sauveteur du
Au sein des établissements de soins patient soient fabriqués, que les sauveteurs respectent les règles
Il n’existe aucun texte réglementaire imposant un chariot en vigueur avant d’administrer le choc [70] .
d’urgence et spécifiant sa composition pour les établissements
hospitaliers. Néanmoins, de nombreuses recommandations
existent et conseillent la présence d’un défibrillateur sur ce cha-  Conclusion
riot. En l’absence de présence permanente d’un médecin dans le
service, il est admis qu’un DAE, si possible débrayable, est indis- Tout médecin, à l’instar du grand public, doit connaître
pensable pour une utilisation par le personnel soignant [66] . l’utilisation d’un DAE, voire d’en posséder un lui-même.

EMC - Médecine d’urgence 9


25-010-B-30  Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes

Il peut être appelé à participer au projet de mise en place de DAE [23] Lapostolle F, Catineau J, Surget V, Houssaye T, Agostinucci JM, Adnet
dans sa commune ou dans son établissement. Il doit dans ce cas F. Quality of prehospital CPR based on AED records. Resuscitation
raisonner sur l’implantation géographique du dispositif et de son 2005;66:246–7.
accessibilité permanente et facile. [24] Kerber RE, Becker LB, Bourland JD, Cummins RO, Hallstrom AP,
Michos MB, et al. Automatic external defibrillators for public access
defibrillation: recommendations for specifying and reporting arrhyth-
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en mia analysis algorithm performance, incorporating new waveforms,
relation avec cet article. and enhancing safety. A statement for health professionals from the
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10 EMC - Médecine d’urgence


Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes  25-010-B-30

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J.-M. Agostinucci (jean-marc.agostinucci@avc.aphp.fr).


Samu 93, CHU Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93000 Bobigny, France.
P. Bertrand.
Croix-Rouge française, PSD93, 96, rue Didot, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Agostinucci JM, Bertrand P. Défibrillations semi-automatique et entièrement automatique externes.
EMC - Médecine d’urgence 2015;10(4):1-11 [Article 25-010-B-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Médecine d’urgence 11


 25-010-C-10

Monitorage d’urgence
R. Jouffroy, P. Carli

Le monitorage correspond à un ensemble de techniques consistant à surveiller, de manière continue ou dis-


continue, différents paramètres en complément de l’examen clinique. Son intérêt en termes d’amélioration
du pronostic n’est plus à démontrer. Le contexte de l’urgence impose un cahier des charges simple mais
strict. Le monitorage peut concerner des paramètres cliniques, biologiques et/ou iconographiques. Un
monitorage « ciblé et adapté » au contexte est à privilégier par rapport à un monitorage « multiple et
systématique ». Le monitorage vient en complément de la surveillance clinique, mais ne dispense pas de
celle-ci.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Urgence ; Monitorage ; Surveillance

Plan de l’urgence, s’adresse principalement aux grandes fonctions


vitales (cardiocirculatoire, respiratoire et métabolique). Le moni-
■ Introduction 1 torage peut concerner des paramètres cliniques, biologiques, voire
iconographiques. Cependant, un monitorage « ciblé et adapté »
■ Hémodynamique 2 au contexte doit être privilégié par rapport à un monitorage
Fréquence et rythme cardiaque 2 « multiple et systématique ». Dans certaines situations, le moni-
Pression artérielle 2 torage est inutile (dosage des enzymes cardiaques chez un patient
Échographie et Doppler 3 avec un examen clinique et un électrocardiogramme [ECG] clai-
■ Ventilation 4 rement en faveur d’un syndrome coronarien aigu).
Monitorage de l’oxygénation par oxymétrie de pouls 4 Le contexte particulier de l’urgence impose un cahier des
Monitorage de la pression du ballonnet 5 charges commun aux différents types de monitorage. Pour le dis-
Monitorage de la ventilation mécanique 5 positif médical lui-même : un appareil portable, de volume réduit,
■ Température 7 autonome (batteries), robuste, peu sensible aux variations de

l’environnement, facile à utiliser, permettant une analyse rapide,
Fonction neurologique 7
présentant une faible variabilité intra- et interobservateurs dans
Doppler transcrânien 7
les résultats délivrés, nécessitant une maintenance simple et limi-
Indice bispectral 7
tée ainsi qu’un coût acceptable est à privilégier. Les éventuels
■ Douleur 8 consommables associés doivent également être faciles à utiliser
■ Biologie 8 et à stocker tout en gardant un coût acceptable.
■ Monitorage au cours des transferts interhospitaliers L’intérêt du monitorage n’est plus à démontrer depuis
médicalisés 8 l’émergence du « concept de mort évitable » (20 % des patients
décédés présentent une cause curable de décès dont une par-
■ Conclusion 8 tie aurait pu être dépistée grâce au monitorage) [1] . Le rapport
« bénéfice/risque » doit être évalué pour chaque technique de
monitorage dans le contexte de l’urgence, notamment le délai de
mise en œuvre de la technique [2, 3] . La connaissance des limites
 Introduction de chacune des techniques de monitorage est essentielle pour
éviter tout égarement diagnostique et/ou thérapeutique. Enfin,
Le monitorage vise à permettre une surveillance, continue ou les valeurs fournies par les appareils de monitorage doivent tou-
discontinue, de différents paramètres physiologiques cliniques jours être interprétées en fonction du contexte clinique. Au-delà
et/ou paracliniques au moyen d’appareils automatiques venant de la valeur absolue fournie par le monitorage, la variation de
en complément de la clinique. Le monitorage est un atout cette valeur en fonction des thérapeutiques entreprises est plus
supplémentaire, notamment dans les situations urgentes, voire informative [4] .
extrêmes, où la clinique est souvent prise à défaut. Le monitorage s’inscrit dans un objectif diagnostique et/ou
Le monitorage d’urgence s’adresse à des patients atteints de thérapeutique pour le patient. Il peut se révéler être un test diag-
lésion(s) grave(s) ou potentiellement grave(s) pris en charge ou nostique et/ou pronostique (dosage du brain natriuretic peptide
non en préhospitalier et pouvant être transférés vers, entre ou [BNP] en cas d’insuffisance cardiaque). Il peut aussi permettre
au sein de structures de soins. Le monitorage, dans le contexte d’évaluer la sévérité (dosage de la lactatémie dans l’état de choc

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 10 > n◦ 1 > mars 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(14)58697-7
25-010-C-10  Monitorage d’urgence

hémorragique) ou le risque d’une situation clinique (dosage la Les techniques de mesure de la PA peuvent être divisées en deux
kaliémie en cas de troubles du rythme cardiaque) ou thérapeu- grandes catégories : la méthode indirecte ou non-invasive, et la
tique (dosage de la kaliémie avant induction en séquence rapide méthode directe ou invasive nécessitant un abord artériel.
utilisant la succinylcholine). Le monitorage permet aussi de suivre
l’effet des thérapeutiques entreprises (dosage de l’hémoglobine Mesure discontinue non-invasive de la pression
et transfusion de culots globulaires). Il permet aussi le suivi de artérielle
paramètres influençant la morbimortalité : hypothermie en cas
de choc hémorragique, hypotension artérielle, hypoxie et hyper- La mesure intermittente non-invasive de la PA, manuelle ou
capnie en cas de traumatisme crânien grave en constituent des automatique, repose sur l’utilisation d’un brassard pneumatique
exemples indiscutés. dont le gonflage induit l’occlusion d’une artère périphérique et
dont le dégonflage est suivi d’une séquence d’événements phy-
siques mesurables. La technique de mesure la plus ancienne et
la plus simple de la PA est la méthode manuelle reposant sur
 Hémodynamique l’auscultation des bruits de Korotkow. Avec cette méthode, des
erreurs de mesure peuvent être générées par différents facteurs :
Fréquence et rythme cardiaque transmission insuffisante des sons, erreur de calibration du mano-
mètre, hypoperfusion périphérique avec production retardée des
L’électrocardioscope « classique » (trois ou quatre dérivations)
bruits et sous-estimation de la PA. La mesure nécessite dans tous
permet la surveillance continue de la fréquence et du rythme
les cas l’utilisation d’un brassard de taille adaptée au bras du
cardiaque. Si l’électrocardioscope permet de dépister des aryth-
patient avec un positionnement correct sur le trajet artériel [13] .
mies et des anomalies de la conduction et/ou de la repolarisation,
Elle est inutilisable en cas de collapsus ou en cas d’environnement
l’interprétation précise passe obligatoirement par la réalisation
bruyant.
d’un ECG 17 dérivations avec enregistrement papier et étalon-
Le développement des appareils de mesure automatique de la
nage précis. Par ailleurs, les moniteurs multiparamétriques sont
PA a permis de :
souvent associés à un défibrillateur permettant non seulement
• libérer du personnel soignant pour d’autres activités de soins ;
le diagnostic mais aussi le traitement immédiat des troubles du
• mesurer à intervalles réguliers la PA avec une estimation fiable ;
rythme les plus graves.
• attirer immédiatement l’attention en cas de variations impor-
Le monitorage électrocardioscopique est très répandu, voire sys-
tantes de la PA grâce à aux systèmes d’alarme ;
tématique, pour la surveillance des patients dans le contexte de
• mémoriser les valeurs de PA mesurées et réaliser un suivi évolu-
l’urgence. La tachycardie, signe le plus souvent observé dans le
tif.
contexte de l’urgence, est précoce mais très peu spécifique de
De rares complications ont été décrites avec ce type d’appareil
l’hypovolémie [5] . En revanche, la bradycardie doit être considé-
(compression nerveuse, thrombophlébite superficielle, syndrome
rée comme un signe d’alarme avec risque d’arrêt cardiaque dans
des loges) essentiellement lorsque la fréquence de mesure de la PA
un contexte d’hypovolémie sévère. La réalisation d’un ECG est
était excessive.
recommandée en cas de traumatisme grave [6] mais peut, dans des
La technique de mesure le plus souvent utilisée par ces appa-
situations moins graves, attendre l’arrivée à l’hôpital. Le monito-
reils est la méthode oscillométrique. L’amplitude maximale des
rage électrocardioscopique peut alors être une aide au diagnostic
pulsations correspond approximativement à la PA moyenne, les
étiologique (trouble de la conduction préexistant, source du trau-
valeurs de PA systolique et diastolique étant ensuite calculées.
matisme par exemple) ou une aide au dépistage des conséquences
Malgré l’existence d’une certaine approximation, liée directe-
du traumatisme (troubles du rythme, de la conduction ou de
ment au principe de mesure, de nombreuses études ont démontré
la repolarisation, révélateur d’une contusion myocardique ou
qu’il existait une excellente corrélation entre la PA mesurée par
microvoltage diffus, voire alternance électrique évocateur d’une
méthode oscillométrique et par méthode invasive [14] . La mesure
tamponnade). Un ECG normal n’exclut pas l’existence d’une
intermittente automatique de la PAM n’est pas fiable en cas
contusion myocardique [7, 8] .
d’hypotension, de frissons, d’arythmie et de mobilisation du
Le monitorage électrocardioscopique, indispensable dans le
patient (transport routier notamment) [6] , situations fréquentes
contexte de l’urgence, est cependant à lui seul insuffisant pour
dans le contexte de l’urgence.
surveiller efficacement les patients les plus graves.
Mesure continue non-invasive
Limites des multiparamètres et des filtres : Les progrès technologiques ont permis l’élaboration d’une tech-
nique non-invasive fournissant une représentation acceptable de
exemple du monitorage du segment ST l’onde de pression artérielle et une mesure continue de la PA,
Le signal ECG est un signal constitué de nombreux signaux alors qu’auparavant celle-ci nécessitait systématiquement l’abord
de fréquence et d’amplitude différentes pouvant être parasité par artériel. Cette mesure est réalisée à l’aide d’une petite manchette
tout paramètre de variation sinusoïdale. Pour dégager un signal photopléthysmographique placée sur la phalange d’un doigt. Les
ECG correct et non parasité, il est nécessaire d’éliminer certaines PA systolique, moyenne et diastolique sont calculées et la ten-
fréquences en utilisant des filtres. Ces filtres diminuent la qua- dance évolutive peut être visualisée en continu sur des périodes
lité du recueil et masquent ou amplifient des modifications du de temps prolongées. Le pouce semble être le meilleur site de
segment ST. De par la distorsion du signal liée à l’utilisation des mesure [15] . Une bonne corrélation entre PA mesurée de manière
filtres, il a été observé que les valeurs obtenues par le monitorage non-invasive et mesure invasive a été observée [15, 16] .
continu du segment ST sont supérieures à celles du Holter ou de
l’ECG de surface avec des variations différentes selon les dispositifs Monitorage invasif continu de la pression
médicaux [9–12] . artérielle
D’un point de vue théorique, toutes les artères périphériques
Pression artérielle peuvent être canulées ; en pratique, les artères radiale et fémorale
sont les plus utilisées. En intrahospitalier, il a été observé que la
Le monitorage de la pression artérielle (PA) est un élément clé méthode invasive permet d’obtenir une mesure fiable et conti-
du monitorage hémodynamique dans le contexte de l’urgence, nue, même en cas d’hypotension sévère ou de mobilisation du
notamment lors de la prise en charge d’un traumatisé grave [6] . patient [6] .
La PA moyenne (PAM) est l’un des principaux déterminants de la Il a été calculé que la mesure de la PA invasive dès la phase pré-
perfusion d’organes. Dans le contexte de l’urgence, il peut parfois hospitalière permettait un gain de temps sur la prise en charge
exister des variations aiguës et importantes de la PA, nécessitant globale pré- et intrahospitalière dans la mesure où la pose était
l’emploi d’appareils de mesure facilement et rapidement utili- effectuée dans un délai maximal de dix minutes [6] . La mesure des
sables, avec une fiabilité demeurant bonne dans une large gamme PA radiale et fémorale sont équivalentes [17] . Aussi, de par sa faci-
de mesure. lité d’accès et le calibre de l’artère fémorale par rapport à l’artère

2 EMC - Médecine d’urgence


Monitorage d’urgence  25-010-C-10

Δ up Figure 1. Variations respiratoires de la pression


SPmax SPréf SPmin artérielle pulsée. SP : systolic pressure ou pression
PA SPV artérielle systolique ; PA : pression artérielle ; PAW :
pression dans les voies aériennes ; SPV : systolic
pressure variation ou variation de la pression sys-
tolique ; PP : pulse pressure ou pression pulsée ; 
up : différence entre pression artérielle systolique
(PAS) maximale et référence ;  down : différence
entre PAS minimale et référence.

PAW Δ down

Pause téléexpiratoire

Δ PP = 100 x (PPmax-PPmin)/[PPmax + PPmin)/2]


PPmax
PA
PPmin

radiale, l’abord fémoral est à privilégier en première intention faisabilité et l’intérêt du monitorage invasif de la PA a été obser-
dans le contexte de l’urgence. De plus, la mise en place du cathé- vée dans le contexte de l’urgence pré- et intrahospitalière [27] le
ter veineux central et la réalisation du bilan biologique peuvent recommandant de façon large dès la phase préhospitalière, en
être effectuées dans le même temps. particulier chez les malades instables sur le plan hémodynamique
Au niveau radial, la canulation artérielle peut entraîner une (polytraumatisme, hémorragie aiguë, sepsis grave) ou en neuro-
baisse du flux sanguin, source d’une ischémie distale par throm- traumatologie [6, 21] .
bose radiale (fréquence inférieure à 5 %) [18, 19] . Dans le contexte Le référentiel des compétences d’un médecin d’urgence rap-
de l’urgence, la voie fémorale doit être privilégiée car elle est pelle que l’abord artériel doit être acquis [28] . Un apprentissage et
associée à un très faible taux de complications (fistule artério- un entraînement régulier sont nécessaires pour la mise en œuvre
veineuse, pseudoanévrisme), et semble être à plus haut risque de rapide du monitorage invasif de la PA dès la phase préhospita-
complications infectieuses [20] . lière [6] .
La mesure invasive de la PA constitue la méthode de référence,
notamment en cas d’instabilité hémodynamique où elle reste
fiable [21] . Elle est très largement utilisée en réanimation pour les Échographie et Doppler
patients en état critique, notamment en cas d’état de choc où elle
permet de suivre en direct avec précision l’efficacité du traitement L’évaluation hémodynamique du patient en état critique ne se
entrepris. limite plus à la simple mesure de la PA. Actuellement, l’objectif
La mesure invasive de la PA donne quatre pressions apportant n’est plus uniquement d’optimiser la PA mais d’optimiser le
chacune des informations sur la situation cardiocirculatoire du débit cardiaque et, in fine, d’optimiser la perfusion tissulaire. De
patient : PA systolique (PAS), PA diastolique (PAD), PAM et pres- nombreuses techniques relativement complexes et nécessitant un
sion pulsée (PP). La PAD dépend du tonus vasculaire (résistances appareillage lourd souvent encombrant sont disponibles dans les
vasculaires systémiques) et de la durée de la diastole (fréquence services de soins intensifs et de réanimation. La miniaturisation
cardiaque). La PAS dépend de la PAD, du volume d’éjection systo- des dispositifs médicaux au cours des vingt dernières années a per-
lique et de la compliance artérielle. mis de rendre certaines de ces techniques accessibles au domaine
La PP est égale à la différence entre la PAS et la PAD. Chez un de l’urgence, même si toutes n’ont pas fait l’objet d’une évaluation
patient ventilé et sédaté en respectant les conditions de validité dans ce contexte.
de la mesure (fréquence cardiaque régulière, inférieure à 120/min,
absence de cycle respiratoire spontané et volume courant (VT)
d’au moins 7 ml/kg) [22] , la PP est maximale (PPmax) pendant Doppler œsophagien
l’inspiration et minimale (PPmin) pendant l’expiration. Les techniques de Doppler œsophagien permettent une éva-
Sa formule s’écrit : PP = (PPmax – PPmin)/[(PPmax + PPmin)/ luation non-invasive ou semi-invasive permettant un monitorage
2] × 100 (Fig. 1) [22] . hémodynamique continu du volume d’éjection systolique et du
Une valeur de PP supérieure à 13 % est prédictive d’une réponse débit cardiaque à partir de la mesure de la vélocité de la colonne de
positive au remplissage [23] . sang dans l’aorte descendante [29] . En cas d’hypotension artérielle,
La mesure invasive de la PA permet aussi d’apprécier indirec- le Doppler œsophagien permet de déterminer sur quelle portion
tement la volémie du patient par les variations de l’onde de de la courbe de Franck Starling se trouve le patient et d’opter
pression [22] et de guider la thérapeutique en cas d’hypotension pour la poursuite du remplissage vasculaire (portion ascendante
artérielle : poursuite ou non du remplissage vasculaire dans le dite « de précharge dépendance ») ou le recours aux vasopres-
but d’une optimisation du débit cardiaque tout en respectant les seurs (plateau de la courbe dit « de précharge indépendance ») afin
conditions de validité du critère décisionnel (fréquence cardiaque d’améliorer le débit cardiaque et la perfusion tissulaire [29] .
régulière, inférieure à 120/min, chez un patient en ventilation Le Doppler œsophagien est théoriquement réalisable en préhos-
contrôlée sans cycle respiratoire spontané et VT d’au moins pitalier chez des patients intubés, ventilés et sédatés. Cependant,
7 ml/kg pour le delta PP) [24] . la technique n’a pas encore été validée et ne semble pas pou-
La PAM est le reflet de la pression de perfusion tissulaire [25] . voir être retenue comme technique de monitorage de première
La PAM mesurée de façon invasive est la seule fiable [26] . La intention dans le contexte de l’urgence préhospitalière.

EMC - Médecine d’urgence 3


25-010-C-10  Monitorage d’urgence

Réduction précharge Augmentation précharge Figure 2. Différents aspects observés avec le Doppler œso-
phagien (d’après [30] ). PV : pic de vélocité (vitesse maximale
des globules rouges dans l’aorte) ; TEJ : temps d’éjection ven-
triculaire ; TEJc : temps d’éjection ventriculaire corrigé vis-à-vis
de la durée du cycle cardiaque.
TEjc TEjc

Réduction postcharge
Augmentation postcharge PV

PV Tej PV
TEjc TEjc

Inotrope positif
Dépression myocardique

PV PV

Le schéma suivant représente les différents aspects observés sensibilité et spécificité diagnostiques (96–100 %) [34, 38] qui
avec le Doppler œsophagien (Fig. 2). peuvent être notablement affectées par un épanchement thora-
cique liquidien gauche [33] . Pour réaliser les échographies FAST
Échocardiographie et pleuropulmonaire, il n’est pas nécessaire d’être spécialiste
sans que cela n’ait d’influence sur les valeurs diagnostiques de
La miniaturisation des appareils d’échographie a permis de l’examen [33, 43, 44] .
les rendre utilisables en dehors de l’hôpital dans le contexte L’exploration pleuropulmonaire va rechercher un épanche-
de l’urgence. L’échographie transthoracique permet l’exploration ment pleural liquidien et/ou aérique. Un épanchement liquidien
péricardique par voie sous-costale et élimine un épanchement apparaît sous forme d’une image hypodense postérieure au-dessus
liquidien péricardique en cas d’instabilité hémodynamique [31] du diaphragme entre les plèvres pariétale et viscérale et présentant
(sensibilité et spécificité diagnostiques respectives de 100 % et de une variation respiratoire de la distance interpleurale [45] .
99 à 100 % selon les études [32–34] ). Elle permet aussi l’évaluation du Un épanchement aérique se caractérise par la disparition du
retentissement hémodynamique de la tamponnade, l’évaluation glissement pleural, la disparition des « queues de comètes » et
de la volémie, la recherche d’une contusion myocardique, d’une la présence d’un « point poumon ». L’échographie pleuropulmo-
rupture de l’isthme aortique [35] , d’embolies gazeuses systémiques naire est plus sensible que la radiographie thoracique pour la
lors de contusions pulmonaires sévères [36] . détection des pneumothorax antérieurs [45] . Sa sensibilité et sa
Dans 1 à 4 % des cas, la réalisation de l’échocardiographie spécificité sont bonnes (84 à 97 % et 100 % [45, 46] ). Elle peut être
transthoracique est impossible [31] . L’échographie cardiaque tran- impossible à réaliser en raison d’un emphysème sous-cutané [47] .
sœsophagienne (ETO) peut fournir des renseignements non Au final, la FAST doit être considérée comme un outil de moni-
donnés par l’abord transthoracique [37] . Cependant, compte tenu torage diagnostique et thérapeutique (décision d’une laparotomie
de la lourdeur logistique de sa mise en œuvre et de la nécessité d’un immédiate en cas d’instabilité hémodynamique chez un polytrau-
apprentissage initial et continu à sa pratique, l’ETO ne semble pas matisé).
pouvoir être retenue comme un examen de monitorage dans le Par ailleurs, l’échographie peut être utilisée dans le même temps
contexte de l’urgence préhospitalière. pour le repérage vasculaire préalable à la pose des cathéters fémo-
raux permettant un gain de temps [48] .
« Focus abdominal sonography for trauma »
échographie
L’échographie dite focus abdominal sonography for trauma (FAST)  Ventilation
a été initialement décrite pour l’exploration des structures abdo-
minale et péricardique [38] . Son association pour l’exploration des Monitorage de l’oxygénation par oxymétrie
structures pleuropulmonaires a fait d’elle l’examen de référence de pouls
pour le bilan d’imagerie initial en salle de déchocage du patient
traumatisé grave. Elle est réalisée avec un échographe en mode La saturation mesurée par oxymétrie de pouls s’exprime par le
bidimensionnel et une sonde de 2 à 5 Mhz, chez un patient en terme SpO2 pour saturation pulsée en oxygène. Le monitorage
décubitus dorsal si possible la vessie en réplétion [39] . Elle est réa- de la SpO2 est essentiel dans le monitorage de l’oxygénation et
lisable en moins de cinq minutes [40] . fondamental dans le monitorage des patients hypoxémiques ou
L’exploration abdominale examine le pelvis et les hypocondres à risque d’hypoxémie. Le monitorage de la SpO2 permet de sur-
droit et gauche afin de rechercher et de quantifier un épanche- veiller, de façon simple, continue et non-invasive, l’oxygénation
ment intrapéritonéal détectable à partir d’un volume de 150 à artérielle. Il est plus performant que l’examen clinique permet-
250 ml. La sensibilité augmente avec le volume de l’épanchement tant une détection plus précoce et plus fiable de l’hypoxémie par
(97 % pour un épanchement de 600 ml) [41, 42] . rapport à l’évaluation clinique chez les patients en ventilation
L’exploration péricardique classiquement par voie sous-costale spontanée et contrôlée [49, 50] .
dans le même temps que l’exploration abdominale va per- L’oxymétrie de pouls combine la spectrophotométrie d’absor-
mettre de rechercher un épanchement liquidien péricardique en ption pour la mesure de l’oxymétrie et la photopléthysmogra-
cas d’instabilité hémodynamique [31] . Elle présente d’excellentes phie pour la détection de l’onde de pouls. La spectrophotométrie

4 EMC - Médecine d’urgence


Monitorage d’urgence  25-010-C-10

d’absorption permet de mesurer les contenus relatifs en oxyhé- Monitorage de la ventilation mécanique
moglobine et en hémoglobine réduite (coefficients d’absorptions
différents). Les oxymètres de pouls fournissent un résultat Le monitorage de la ventilation mécanique dépend du mode
moyenné issu de plusieurs systoles et diastoles et n’explorent ventilatoire choisi : invasif ou non, ventilation en pression ou en
que l’absorption liée au sang artériel pulsatile (soustrac- volume, etc. Le monitorage du VT, de la fréquence respiratoire,
tion de l’absorption obtenue en diastole à l’absorption en de la ventilation minute, de la fraction inspiratoire en oxygène
systole). et des pressions d’insufflation est indispensable. Les paramètres
Avant d’utiliser cette technique à visée diagnostique et de moni- réglés sur le ventilateur comme ceux en découlant (rapport durée
torage, il faut connaître l’erreur de cette méthode par rapport à la de l’insufflation sur la durée de l’expiration [TI/TE] ou pause télé-
méthode de référence : la mesure de la saturation artérielle du sang inspiratoire) doivent être facilement et rapidement accessibles.
en oxygène (SaO2 ) par un co-oxymètre. Dans une étude, il a été Les paramètres suivants doivent être affichés en permanence :
observé des différences entre les valeurs de SaO2 et de SpO2 obte- • mode en débit : volume courant inspiré (VTI), fréquence res-
nues avec 14 oxymètres de pouls. Pour des saturations proches piratoire, ventilation minute (VE), TI/TE ou le rapport de la
de 55 %, l’exactitude (SpO2 -SaO2 ) variait entre –15,1 et +5,5 % [51] . durée de l’inspiration sur la durée totale du cycle ventilatoire
Ainsi, dans la plupart des situations cliniques, l’information four- (TI/TTOT), débit d’insufflation, durée du plateau inspiratoire,
nie par l’oxymètre de pouls (SpO2 ) est relativement assez précise, pression expiratoire positive (PEP) ;
excepté dans les cas d’hypoxémie extrême (SaO2 inférieure à • mode en pression : pression d’insufflation, PEP, fréquence res-
70 %). Il existe une variation moyenne de plus ou moins 4 % piratoire, TI/TE.
entre SpO2 et SaO2 [52] , aussi il est recommandé que la relation Les valeurs mesurées par le ventilateur devant être affichées en
entre SpO2 et SaO2 soit vérifiée par des mesures directes des gaz permanence sont : la pression maximale dans les voies aériennes
du sang [53] . (Pmax), la pression téléinspiratoire (Pplat), la PEP, le volume cou-
Avant toute interprétation, il est nécessaire de visualiser une rant expiré (VTE), la VE et la fréquence respiratoire.
courbe de phléthysmographie de bonne qualité pour que la valeur Les autres paramètres réglés (limites d’alarme) ou mesurés
de SpO2 puisse être interprétée correctement. doivent être disponibles sur demande [53] .
Dans nombre de situations, la SpO2 peut être prise en défaut :
• ambiance lumineuse fluorescente donnant des valeurs de SpO2 Volume courant et fréquence ventilatoire
faussement basses ;
• agitation du patient créant des artefacts de lecture ou la perte La mesure des paramètres ventilatoires (VT, fréquence ventila-
du recueil de la SpO2 [54] ; toire et VE) est obtenue facilement par l’utilisation de spiromètres.
• perte de la détection du signal du pouls, en cas d’état de choc Ces éléments permettent une adaptation des paramètres ventila-
ou d’hypothermie sévère (en dessous de 33 ◦ C) ; toires aux besoins du patient et permettent de détecter rapidement
• présence d’autres formes d’hémoglobine comme tout problème ventilatoire pathologique (bronchospasme, etc.)
l’hémoglobine réduite et l’oxyhémoglobine pouvant interférer ou mécanique (fuite sur le circuit, débranchement, etc.).
avec la mesure de la SpO2 [54] . La carboxyhémoglobine (HbCO),
la méthémoglobine (MetHb), ou la sulfhémoglobine (SulfHb) Pressions d’insufflation
ne sont pas détectées et exposent au risque d’une surestima-
La ventilation artificielle pendant le transport est en général réa-
tion, parfois importante, de la SaO2 par la mesure de la SpO2 .
lisée par un ventilateur mécanique obligatoirement muni d’une
La SpO2 n’est pas un mode d’évaluation adapté si les valeurs
alarme de débranchement et d’une alarme de surpression. La sur-
de HbCO et de MetHb sont élevées [53] ;
veillance de la pression d’insufflation permet ainsi de détecter
• anémie [55] ;
une surpression pulmonaire causée par un pneumothorax sous
• présence de pigments (vert d’indocyanine ou bleu de méthy-
tension apparu au cours de la ventilation mécanique.
lène) créant de fausses chutes de la SpO2 ;
La surveillance de la spirométrie expiratoire indiquant les
• présence de henné, d’encre, ou de vernis à ongles ;
volumes réellement reçus par le patient et non ceux délivrés par
• en revanche, la peau noire, les gants en vinyle, ou en plastique
le respirateur est indispensable. Le réglage des alarmes, notam-
transparent ne modifient pas la mesure de SpO2 .
ment de pression inspiratoire maximale, de pressions minimale
Si une valeur de SpO2 supérieure à 90 à 92 % peut être
et de plateau doit être systématique [63] . Une pression inspiratoire
considérée comme un signe a priori rassurant, à l’inverse, une
maximale voisine de 40 cmH2 O [63] est généralement recomman-
valeur basse indique soit que l’oxygénation est inadéquate, soit
dée ainsi qu’une pression de plateau inférieure à 30 cmH2 O [64] .
qu’il existe un défaut de perfusion [56, 57] modifiant les priorités
thérapeutiques. Spécificités des modes en volume
Chez un patient ventilé mécaniquement, il est recommandé • En ventilation contrôlée, la surveillance de la Pmax reflète à
que l’alarme basse soit fixée à 85 % et se déclenche après un délai la fois les résistances et l’élastance du système respiratoire et
d’environ 60 secondes [53] . l’auto-PEP (pression de départ dans le système) ;
Bien que la SpO2 serve préférentiellement à monitorer • en ventilation assistée contrôlée intermittente (VACI), la VE réa-
l’oxygénation d’un patient, elle peut également aider à la sur- lisée par les cycles assistés ou spontanés doit être affichée en
veillance de la fonction cardiovasculaire : permanence sous la forme de VE patient et comparée à la VE
• la disparition du caractère pulsatile de la SpO2 doit faire évoquer totale ;
une hypoperfusion distale ; • il doit être possible de régler le niveau d’alarme de Pmax jusqu’à
• l’étude des variations de la courbe de la SpO2 induite par la 100 cmH2 O afin d’assurer une VE minimale lors de situations
ventilation mécanique permet de prédire ou non la probabi- exceptionnelles (fibroscopie bronchique ou massage cardiaque
lité d’une réponse positive au remplissage vasculaire en cas automatisé par exemple) ;
d’hypotension artérielle [56, 57] . • l’alarme portant sur la pression minimale des voies aériennes
est nécessaire.

Monitorage de la pression du ballonnet Spécificités des modes en pression


La surveillance de la ventilation en pression contrôlée (PC) ou
Elle est nécessaire pour limiter les complications liées à assistée contrôlée (PAC) doit permettre de détecter les variations
l’intubation trachéale dont l’incidence est très variable [58, 59] du VT pouvant résulter des modifications des caractéristiques
selon les critères étudiés mais représentent 6 % des plaintes mécaniques du système respiratoire du patient (compliance,
déposées par les patients après une anesthésie générale aux États- résistance) ou des paramètres réglés (pressions inspiratoire et expi-
Unis [60] . Ces complications sont le plus souvent bénignes, les ratoire, pente de la montée de pression inspiratoire, fréquence
complications graves étant minoritaires [61] . Pour prévenir ces respiratoire, rapport I/E) ;
complications, il est recommandé de maintenir une pression infé- • en PC, PAC et aide inspiratoire (AI), VTE, volume minute expiré
rieure à 30 cmH2 O [62] . et fréquence respiratoire doivent être affichés en continu ;

EMC - Médecine d’urgence 5


25-010-C-10  Monitorage d’urgence

• en PC et en PAC, volume minute expiré maximal, volume


minute expiré minimal et fréquence respiratoire maximale EtCO2 (mmHg)
doivent bénéficier d’une alarme ;
• lors de la ventilation en biphasic positive airway pressure (BIPAP)
ou en airway pressure release ventilation (APRV), VE et la fré-
quence respiratoire sont les deux paramètres de surveillance les
plus pertinents ; 40
2 3
• la surveillance essentielle d’une ventilation en AI concerne la
ventilation spontanée du patient et sa répartition en VT et fré-
quence respiratoire. Le seuil supérieur d’alarme de fréquence
20
respiratoire dépend du patient (la valeur ne doit pas être infé-
rieure à 30/min) :
◦ une acidose respiratoire indique une ventilation alvéolaire
trop basse pouvant correspondre à un VT et une pression 1 4 1
d’aide insuffisants,
◦ une alcalose respiratoire suggère une ventilation alvéolaire
Figure 3. Aspect de capnographe normal. EtCO2 : valeur téléex-
excessive pouvant correspondre à une pression d’aide et un
piratoire du gaz carbonique (CO2 ).1. Fin de l’expiration initiale avec
VT excessifs.
normalement une valeur de CO2 égale à zéro en fin d’inspiration ;
Spécificités de la ventilation non-invasive 1–2. partie ascendante : apparition du CO2 dans les gaz expiratoires ;
• La surveillance sous ventilation non-invasive (VNI) est réali- 2–3. partie horizontale : expiration du gaz provenant uniquement des
sée essentiellement par les données de l’examen clinique, les alvéoles ; 3. PETCO2 ; 3–4. partie descendante : début de l’inspiration d’un
gaz du sang, et quelques éléments fournis par le monitorage gaz dépourvu de CO2 entraîne une diminution brutale de la courbe qui
ventilatoire ; se termine par la phase (4–1) de valeur.
• la fréquence respiratoire est essentielle au monitorage ;
• la pression d’insufflation, le VTI et le VE sont parfois peu fiables
en VNI en raison des fuites [53] .
ne reflètent pas avec précision celles de la PaCO2 en raison du
mélange du CO2 expiré avec l’air ambiant ou l’oxygène. Cepen-
Fraction inspirée d’oxygène dant, la baisse de l’EtCO2 détecte plus précocement la dépression
La surveillance de la fraction inspirée d’oxygène (FIO2 ) est respiratoire ou l’obstruction des voies aériennes que la mesure de
nécessaire pour le bon fonctionnement du mélangeur et l’arrivée la SpO2 , réduisant l’incidence des accidents notamment lors de la
adéquate des gaz [53] . chirurgie dentoalvéolaire [66–68] .
Intubation dans le contexte de l’urgence
Gaz carbonique télé-expiratoire L’intérêt de l’utilisation de la capnométrie pour l’intubation
Le gaz carbonique (CO2 ), produit du métabolisme, est trans- trachéale est largement reconnu et démontré grâce à une sen-
porté dans le sang sous différentes formes pour être en partie sibilité et une spécificité très élevées dans la prédiction de la
éliminé au niveau pulmonaire via la ventilation alvéolaire. position endotrachéale de la sonde en préhospitalier [69] . Elle est
Lorsque le poumon ne constitue pas le facteur limitant la dif- recommandée au décours de toute procédure d’intubation tra-
fusion des gaz au niveau alvéolaire, il existe très rapidement un chéale [53, 70] .
équilibre entre la pression capillaire en CO2 (PaCO2 ) et la pres- Monitorage des patients en état critique
sion alvéolaire en CO2 (PaCO2 ) [53] . En fin d’expiration, la pression L’EtCO2 a été très largement utilisé pour monitorer de façon
partielle en CO2 dans le circuit ventilatoire ou au niveau des continue les patients en état critique aussi bien au bloc opératoire,
fosses nasales est un reflet direct et proportionnel de la pression en réanimation que lors des transports inter- et intrahospitaliers.
capillaire en CO2 . Il existe cependant un gradient entre PaCO2 et Schématiquement, il existe deux grandes anomalies pouvant
EtCO2 (CO2 expiré téléexpiratoire) de l’ordre de 2 à 3 mmHg (en survenir lors du monitorage de l’EtCO2 dans le contexte de
situation stable), du fait de l’espace mort physiologique, cela pou- l’urgence : l’absence brutale d’EtCO2 et la diminution brutale de
vant être modifié dans diverses situations (anomalies du rapport l’EtCO2 .
ventilation/perfusion, administration de médicaments, instabi- En cas d’absence brutale de capnogramme. Au cours ou
lité hémodynamique ou troubles ventilatoires obstructifs) [65] . au décours immédiat de l’intubation, l’intubation œsophagienne
L’EtCO2 est un paramètre particulièrement intéressant en urgence doit être évoquée d’emblée, l’oxymétrie de pouls pouvant res-
car il reflète rapidement avec une bonne sensibilité deux grandes ter normale pendant plusieurs dizaines de secondes. Après avoir
fonctions vitales de l’organisme : la ventilation et la circulation. éliminé l’intubation œsophagienne, il faut rechercher un bron-
Les capnomètres ou les capnographes à infrarouges, matériels chospasme et un arrêt cardiaque [70] . Dans un contexte de
précis et fiables, analysent soit un échantillon de l’air expiré pré- ventilation contrôlée, il faut évoquer la déconnexion du circuit
levé par une pompe, soit directement le flux expiré. respiratoire et l’arrêt cardiaque.
La Figure 3 [65] représente une courbe capnographique normale. La nullité de la spirométrie dans le premier cas permettant de
Le point 1 correspond à l’expiration initiale d’une partie des gaz les différencier.
qui n’ont pas participé aux échanges gazeux (espace mort absolu). En cas de diminution brutale de l’EtCO2 . En dehors d’une
L’apparition de CO2 dans les gaz expirés se traduit par la partie augmentation de la ventilation artificielle, la première cause à
ascendante de la courbe (1—2). Une phase de plateau (légèrement évoquer est une baisse brutale du débit cardiaque (hypovolé-
ascendante) (2–3) fait suite à cette augmentation rapide du CO2 mie, compression cave, pneumothorax compressif, par exemple),
expiré traduisant l’expiration de gaz provenant uniquement des embolie pulmonaire gazeuse ou non [70] .
alvéoles. Le CO2 expiré téléexpiratoire correspond au point 3. Le L’avantage du capnogramme est de permettre une analyse
début de la phase inspiratoire est marqué par une décroissance visuelle immédiate plus fine que la simple interprétation de don-
brutale et rapide de la courbe (3–4) qui revient, en dehors de nées numériques. Il se révèle dans ce contexte plus performant
terrain pathologique, au niveau initial égal à zéro [65] . que d’autres techniques de surveillance plus classiques, telle que
La capnographie est notamment utilisée pour monitorer la la mesure de la SpO2 , de la PA ou de la fréquence cardiaque [71] .
réanimation des arrêts cardiorespiratoires, l’intubation endotra- La Figure 4 montre des exemples de capnogrammes patholo-
chéale en urgence [53] , le monitorage des patients en état critique giques.
ou dans certains cas en ventilation spontanée. En ventilation
spontanée, le monitorage est accessible par la mesure de l’EtCO2 Réanimations des arrêts cardiorespiratoires
grâce à des systèmes aspiratifs reliés à un cathéter nasal ou à un Le monitorage de l’EtCO2 au cours des arrêts cardiorespiratoires
raccord relié à un masque facial. Les valeurs mesurées de l’EtCO2 est capital. En effet, ce paramètre simple, non invasif et facile

6 EMC - Médecine d’urgence


Monitorage d’urgence  25-010-C-10

EtCO2 (mmHg) EtCO2 (mmHg)

40 40

20 20

1 2 1 2

A B
Figure 4. Exemples d’aspect pathologique du capnographe. EtCO2 : valeur téléexpiratoire du gaz carbonique (CO2 ).
A. Augmentation des résistances expiratoires comme dans le bronchospasme (1) et augmentation de la pente du plateau expiratoire au cours des broncho-
pathies chroniques obstructives (2).
B. Encoche visible lors du plateau lors d’une reprise de la ventilation spontanée (1). Plateau biphasique lors d’un asynchronisme ventilatoire des deux poumons
(2).

à obtenir chez les patients intubés, permet d’apprécier plusieurs


points fondamentaux de la réanimation cardiopulmonaire (RCP).
 Fonction neurologique
Il constitue en effet un monitorage simple de l’efficacité du mas- Le monitorage clinique neurologique « général » repose sur
sage cardiaque externe. Il a été observé que le débit cardiaque au l’utilisation du score de Glasgow (GCS) considéré comme le
cours de la RCP était directement corrélé à l’EtCO2 et que, de la score de référence utilisé pour évaluer la gravité des traumati-
même façon, l’EtCO2 était proportionnel à la circulation pulmo- sés crâniens, et ce même si sa description initiale a été faite
naire [72, 73] . Ainsi, l’EtCO2 constitue un reflet simple de l’efficacité dans le cadre des hémorragies sous-arachnoïdiennes [80] . Dans le
du massage cardiaque externe [74, 75] . contexte de l’urgence, compte tenu des associations lésionnelles,
L’EtCO2 constitue aussi un indicateur pronostique au cours de l’interprétation pronostique du GCS peut être rendue difficile par
la RCP. Il a été montré que, lors de la réanimation d’un arrêt car- la présence de nombreux facteurs confondants (hypoxie, hypo-
diaque (avec activité électrique), tous les patients dont l’EtCO2 tension et intoxication associée). De plus, en cas de traumatisme
demeurait constamment inférieure à 10 mmHg décédaient [76] . Au crânien grave (GCS initial inférieur ou égal à 8), la sédation avec
cours de la réanimation préhospitalière, des résultats comparables l’intubation et la ventilation mécanique sont recommandées [81]
ont été obtenus [77] . L’utilisation de l’EtCO2 comme indicateur et rendent le GCS inutilisable.
pronostique au cours des arrêts cardiaques doit rester d’une inter- Deux outils de monitorage neurologique paraclinique dis-
prétation prudente, c’est avant tout l’absence de détection de ponibles dans le contexte de l’urgence ne nécessitent pas le
CO2 qui a une signification, d’autant plus que la valeur exacte déplacement du patient vers un service d’imagerie.
de la limite inférieure d’EtCO2 n’est pas bien précisée, même si
elle semble se situer vers 10 mmHg [78] . Cependant, de très nom-
breux facteurs peuvent venir modifier la valeur absolue de l’EtCO2 Doppler transcrânien
(injection de bicarbonates, sonde d’intubation obstruée ou cou-
dée, etc.), en conséquence, il convient de rester très prudent dans En extrahospitalier, le seul moyen de s’assurer de l’adéquation
l’interprétation d’un chiffre isolé. de l’objectif de PAM choisi est de mesurer la vélocité dans
L’EtCO2 présente de nombreuses limites qui peuvent surve- l’artère cérébrale moyenne à l’aide du Doppler transcrânien (DTC)
nir chez tout patient intubé et ventilé : anomalies des rapports puisque la mesure de la pression intracrânienne (PIC) et le cal-
ventilation–perfusion, observées par exemple au cours d’embolies cul de la pression de perfusion cérébrale (PAM–PIC) ne sont pas
pulmonaires massives. accessibles. Le DTC permet de calculer l’index de pulsatilité (reflet
Malgré les limites et les difficultés d’interprétation que l’on peut de la vasoconstriction cérébrale) et d’identifier précocement un
observer pour ce paramètre, il s’agit cependant d’une méthode bas débit sanguin cérébral [82, 83] . Aussi, il est supposé que le DTC
particulièrement simple et efficace à utiliser dans le contexte de permette un traitement plus précoce des patients et un suivi de
l’urgence. l’efficacité des traitements des traumatisés crâniens graves. Facile
à réaliser, le DTC demande une bonne connaissance théorique
et pratique, ce qui en limite son utilisation dans le contexte de
l’urgence, notamment extrahospitalière [81] .
 Température
Indice bispectral
La mesure de la température en extrahospitalier est recomman-
dée [6] , elle peut contribuer au diagnostic, à la thérapeutique ou L’indice bispectral (BIS) est couramment utilisé en anesthésie
permettre la prévention de l’hypothermie. Cette dernière est fré- pour ajuster les doses d’hypnotiques en fonction de la profon-
quente chez le polytraumatisé et constitue un facteur de risque de deur de sédation souhaitée. C’est un monitorage continu non
mortalité entrant dans la triade létale du choc hémorragique [79] . invasif fondé sur l’analyse spectrale de l’enregistrement électroen-
La température de référence, celle de l’artère pulmonaire située céphalographique. Son utilisation est actuellement limitée par
entre 37 et 37,5 ◦ C, est non accessible dans le cadre de l’urgence. À la méconnaissance des valeurs du BIS en cas d’atteinte anato-
cette dernière, se substitue le monitorage discontinu de la tempé- mique cérébrale ou métabolique [84] . Les valeurs du BIS pouvant
rature tympanique (patient non intubé) ou le monitorage continu être influencées par les mobilisations du patient rendent ce der-
de la température œsophagienne (patient intubé). Un monitorage nier difficile à utiliser dans le contexte de l’urgence immédiate
discontinu par voie tympanique est préféré en cas d’hypothermie (extrahospitalière). Le BIS s’avère cependant être un outil simple
sévère, situation où la voie œsophagienne est contre-indiquée en et facile à utiliser, une fois la situation stabilisée, pour le monito-
raison des risques de troubles du rythme cardiaque (fibrillation rage de la sédation d’une part [85, 86] et la détection de la survenue
ventriculaire). d’un état de mort encéphalique d’autre part [87] .

EMC - Médecine d’urgence 7


25-010-C-10  Monitorage d’urgence

 Douleur  Monitorage au cours


Le traitement et le monitorage de la douleur sont souvent des transferts interhospitaliers
laissés à tort au second plan dans le contexte de l’urgence, médicalisés
ce malgré les effets néfastes hémodynamiques, respiratoires
et neuropsychologiques connus de la douleur [88] . Les études Il est recommandé de disposer du matériel d’anesthésie-
rapportent des taux variables entre 14 et 23 % de patients réanimation de base nécessaire pour prendre en charge une
insuffisamment traités pour la douleur dans le contexte de détresse respiratoire, circulatoire ou neurologique et un arrêt car-
l’urgence [89] . Ainsi, il est recommandé que la douleur soit sys- diorespiratoire (intubation endotrachéale, drainage pleural, mise
tématiquement évaluée pour être correctement traitée [88, 90] . Le en place d’une perfusion intraveineuse et administration des
monitorage de l’intensité initiale de la douleur et de son évo- médicaments).
lution sous traitement est recommandé en utilisant l’échelle La liste du matériel nécessaire recommandé a été établie par les
verbale analogique (EVA) ou l’échelle numérique (EN) puis, à sociétés savantes françaises dont la dernière mise à jour date de
défaut, l’échelle verbale simple (EVS) et l’échelle observationnelle 2013 [102] .
comportementale [91] .

 Conclusion
 Biologie L’évolution technologique a permis de rendre accessible au
monitorage continu ou non de nombreux paramètres physiolo-
giques et biologiques dans le contexte de l’urgence. Les dispositifs
Le monitorage biologique a été permis par la miniaturisa- médicaux disponibles permettent un suivi rapproché des patients
tion et la simplification des dispositifs médicaux autorisant la afin d’établir rapidement un diagnostic ou de dépister précoce-
réalisation d’analyses biologiques délocalisées, notamment en ment un incident permettant une amélioration du pronostic. La
extrahospitalier. Ces différents systèmes sont constitués d’un boî- diversité et la multiplicité des paramètres monitorés ne doivent
tier de petite taille permettant un transport aisé au lit du malade pas faire oublier les limites de chaque technique de monitorage
(dénomination anglaise : bed-side hand-held unit), dans lequel on qui doivent toujours être confrontées aux données de la clinique.
introduit une cassette avec l’échantillon de sang à tester. Les
mesures sont effectuées au moyen d’électrodes miniatures ion-
sélectives, par conductimétrie et ampérométrie associées à des
catalyses enzymatiques et permettent d’accéder au ionogramme
sanguin (Na+ , K+ , Cl– , Ca2+ i), à l’urée et à la créatinine sanguine,
à la glycémie, à la troponine, à la HbCO, aux gaz du sang (pH,
“ Points essentiels
PO2 , PCO2 , SaO2 , base excès et bicarbonates), au lactate et à
l’hématocrite. • L’examen clinique peut être pris en défaut dans le
Parmi les nombreux dispositifs médicaux disponibles sur le dépistage précoce des complications dans le contexte de
marché, on peut citer i-STAT® (Princeton, New Jersey, États-Unis ; l’urgence.
distribué en France par Abbott Diagnostics Division, Rungis), AVL • Le monitorage est une aide précieuse permettant un
Opti® (Roche/AVL Corporation, Roswell, Géorgie, États-Unis), dépistage plus précoce des complications.
Immediate Response Mobile Analysis (IRMA) (Diametrics Saint • Le monitorage a permis une amélioration du pronostic
Paul, Minnesota, États-Unis) qui permettent de réaliser un iono- des patients.
gramme sanguin et une gazométrie artérielle ainsi que le dosage • Les limites de chaque technique de monitorage doivent
de la troponine I et du BNP. être connues.
L’un des principaux avantages est la disponibilité quasi ins-
tantanée des résultats biologiques, pouvant être vital dans la
gestion des patients graves. Ces dispositifs médicaux sont par
ailleurs simples et ne nécessitent pas de formation particulière
(bonne fiabilité, bonne précision et bonne reproductibilité des
résultats [92, 93] ). L’utilisation de dispositifs de biologie délocalisée Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
est soumise à une réglementation où le biologiste hospitalier a relation avec cet article.
un rôle clé (responsable du respect des procédures qualité et de la
maintenance des appareils) [6] .
Chez le traumatisé grave, la mesure préhospitalière de certains  Références
paramètres biologiques peut permettre de modifier les orienta-
tions diagnostiques et thérapeutiques. Chez le traumatisé grave, [1] Cayten C, Stahl W, Agarwal N, Murphy J. Analyses of preventable
le dosage de la glycémie et de l’hémoglobine sont incontour- deaths by mechanism of injury among 13,500 trauma admissions. Ann
nables [6] . Surg 1991;214:510–20 [discussion 520–1].
Il a été observé que l’utilisation des appareils de biologie délo- [2] SFAR. Conférence d’experts. Le monitorage du patient traumatisé
calisée (ABD) permettait une prise en charge rapide et efficace des grave en préhospitalier. Ann Fr Anesth Reanim 2006;25:R571.
patients avant leur arrivée aux urgences [94] . [3] Stratégie de prise en charge extrahospitalière d’un polytraumatisé. In:
Si les ABD accélèrent l’obtention des résultats et la prise en Conférences d’actualisation. Paris: Elsevier Masson-SFAR; 2000. p.
charge du patient, il n’a pas été observé de différence significa- 385–408.
tive sur la durée de séjour aux urgences, la mortalité, la durée de [4] Riou B, Thicoïpé M, Atain-Kouadio P. Comment évaluer la gravité ?
séjour à l’hôpital [95, 96] . Des résultats contradictoires ont été obser- Actualités en réanimation préhospitalière. Paris: Société française
vés par d’autres équipes, prouvant que les ABD ne représentent d’éditions médicales; 2002.
pas par eux-mêmes un élément majeur dans la prise en charge des [5] Vallet B. Le choc hémorragique. Rev Prat 1999;49:203–7.
[6] SFMU. Monitorage du patient traumatisé grave en préhospitalier -
patients en urgences [97] .
conférence d’experts. 2006.
Les études de coût montrent que les analyses effectuées en
[7] Wisner D, Reed W, Riddick R. Suspected myocardial contusion. Triage
biologie délocalisée sont plus coûteuses que celles réalisées au and indications for monitoring. Ann Surg 1990;212:82–6.
laboratoire [98–101] . Aussi, certains considèrent les ABD comme des [8] Fabian T, Cicala R, Croce M, Westbrook L, Coleman P, Minard G, et al.
dispositifs assez fiables et efficaces dans les services d’urgence ; A prospective evaluation of myocardial contusion: correlation of signi-
l’investissement étant justifié si leur utilisation permet une amé- ficant arrhythmias and cardiac output with CPK-MB measurements. J
lioration des soins [95] . Trauma 1991;31:653–9 [discussion 9–60].

8 EMC - Médecine d’urgence


Monitorage d’urgence  25-010-C-10

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EMC - Médecine d’urgence 9


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R. Jouffroy, Chef de clinique, assistant des Hôpitaux.


P. Carli, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service (pierre.carli@nck.aphp.fr).
Département d’anesthésie réanimation, SAMU de Paris, Hôpital Necker–Enfants-malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jouffroy R, Carli P. Monitorage d’urgence. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(1):1-10 [Article 25-010-
C-10].

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10 EMC - Médecine d’urgence


¶ 25-010-C-15

Organisation de la prise en charge


des urgences vitales intrahospitalières
P.-Y. Gueugniaud

La prise en charge des arrêts cardiaques fait l’objet de recommandations régulières et actualisées dont la
dernière mise à jour date de décembre 2005. La spécificité intrahospitalière, en particulier l’organisation
de la « Chaîne de Survie », n’a été esquissée par les experts internationaux qu’en 1997. Pour approfondir
la problématique de la « Chaîne de Survie » intrahospitalière, une conférence d’experts française a
proposé des recommandations sur le thème en 2004. L’éditeur et le comité scientifique de ce traité
français ont souhaité proposer aux lecteurs le texte original des recommandations telles qu’elles ont été
rédigées par le groupe d’experts, accompagné par une introduction qui en commente les éléments
essentiels.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Urgences vitales intrahospitalières ; Chaîne de survie (intrahospitalière) ; Arrêt cardiaque ;
Chariot d’urgence ; Défibrillateur semi-automatique

Plan Pour cette « chaîne de survie », la spécificité intrahospitalière


n’a été abordée que tardivement lors d’une mise à jour des
¶ Concept de « chaîne de survie » 1 recommandations en 1997, ce qui explique le retard pris dans
l’élaboration d’une version intrahospitalière de ce concept.
¶ Recommandations de la conférence d’experts 1

■ Recommandations
■ Concept de « chaîne de survie » de la conférence d’experts
Des recommandations internationales pour la prise en charge Devant l’absence de développement de la spécificité hospita-
des arrêts cardiaques (AC) et des situations pouvant conduire à lière par les experts internationaux et au vu de la grande
ces AC sont proposées depuis les années 1960, et la dernière
disparité des organisations françaises pour cette problématique,
actualisation remonte à décembre 2005. En 1991, les experts
une conférence d’experts a été organisée par la Société française
internationaux ont, pour sensibiliser les esprits sur ce problème
d’anesthésie et de réanimation en collaboration avec le Service
de santé publique intéressant à la fois les professionnels de
santé et le grand public, décliné le concept de « chaîne de d’aide médicale d’urgence (SAMU) de France, la Société française
survie ». Il s’agit d’une chaîne composée de quatre maillons de cardiologie, la Société francophone de médecine d’urgence et
représentant les différentes étapes de la prise en charge d’un la Société de réanimation de langue française. Les recomman-
AC : le premier concerne l’alerte par le premier témoin, le dations issues de cette conférence concernent l’organisation de
deuxième représente les gestes élémentaires de survie, le la prise en charge des urgences vitales au sein des établissements
troisième est centré sur la défibrillation et le dernier concerne de santé. Elles ne traitent ni des urgences non vitales, ni de la
la réanimation médicalisée. L’absence de l’un de ces maillons permanence des soins qui relèvent de l’organisation des services
interdit tout espoir de succès pour la réanimation cardiopulmo- et de leurs responsables. Les urgences vitales sont représentées
naire (RCP). À l’opposé, la rapidité avec laquelle chacun des par la survenue d’une détresse pouvant conduire à tout instant
maillons de cette chaîne sera mis en place représente le facteur à un AC. La prise en charge d’un AC correspond à une procé-
essentiel de réussite de la RCP. dure décrite comme la « chaîne de survie intrahospitalière ».

Médecine d’urgence 1
25-010-C-15 ¶ Organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières

Ces recommandations déclinent successivement les modalités et Ces recommandations ont pour but d’uniformiser en France
procédures de l’alerte, le matériel nécessaire dans les services de les pratiques dans les établissements de santé et d’optimiser les
soins, l’organisation de la prise en charge de l’AC et des autres conditions de prise en charge des urgences vitales, et en
urgences vitales immédiates, la mise en place et l’évaluation de la .
particulier de l’AC : nous proposons dans ce chapitre le texte
.
chaîne de survie intrahospitalière, la formation des personnels, les intrégral issu de cette conférence.
aspects éthiques et, enfin, l’indispensable support institutionnel
permettant l’application de ces recommandations.

P.-Y. Gueugniaud (pierre-yves.gueugniaud@chu-lyon.fr).


Président du groupe d’experts SFAR – SAMU de France – SFC – SFMU – SRLF, SAR 1-CHU Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gueugniaud P.-Y. Organisation de la prise en charge des urgences vitales intrahospitalières. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-15, 2007.

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2 Médecine d’urgence
 25-010-C-20

Gestes de secourisme en urgence


J.-M. Agostinucci, P. Bertrand

Face aux situations d’urgence inopinées, le médecin isolé doit mettre en œuvre les gestes de premiers
secours en y associant son savoir médical. La connaissance et la maîtrise de ces gestes sont souvent
insuffisantes même pour le professionnel de santé qu’est le praticien isolé. Le médecin doit successivement
entreprendre les préalables aux actions de secours (protection, dégagements d’urgence, bilan de la victime
et alerte des services spécialisés), identifier les détresses vitales et réaliser les gestes de premiers secours
adaptés. Dans cet article sont abordés successivement l’obstruction aiguë des voies aériennes supérieures
chez l’adulte et l’enfant, les hémorragies, le patient inconscient, les brûlures et les traumatismes osseux et
musculaires. Le praticien aura à sa disposition des données épidémiologiques, des explications détaillées
de chaque technique tant au niveau gestuel que médical et la séquence en temps réel à appliquer pour
chacune des situations. Dans la chaîne de secours, le médecin occupe habituellement le maillon de la
médicalisation. En situation de médecin isolé, il représente un premier maillon particulier. Il devient un
professionnel de santé à la fois effecteur privilégié et référent pour les équipes secouristes et les services
spécialisés.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Techniques de premiers secours ; Manœuvre de Heimlich ; Hémorragie ;


Position latérale de sécurité ; Brûlures

Plan ■ Patient en arrêt cardiorespiratoire 8


Diagnostic 8
■ Introduction 1 Séquence de prise en charge quel que soit l’âge 8
Association compressions thoraciques et ventilations artificielles 9
■ Préalables à toute action de secours 2 Techniques chez l’adulte 9
Protection du sauveteur et de la victime 2 Technique chez l’enfant et le nouveau-né 9
Dégagement d’urgence 2
■ Brûlures 9
Bilan de la victime 2
Alerte des secours médicalisés 2 Épidémiologie 9
Diagnostic 9
■ Obstruction aiguë des voies aériennes 2 Technique : arrosage 10
Épidémiologie-Étiologie 2 Cas particuliers 10
Diagnostic 2
■ Traumatologie musculaire et osseuse 11
Obstruction incomplète 2
Techniques de libération des voies aériennes 2 ■ Conclusion 11
Séquence de désobstruction des voies aériennes 3
Enfant et nourrisson 4
■ Hémorragies
Épidémiologie-Physiopathologie
5
5
 Introduction
Hémorragies externes 5
Hémorragies internes 6
Tout médecin peut être confronté à une situation d’urgence
Hémorragies extériorisées 6
inopinée aussi bien dans le cadre de son exercice professionnel
Section de membre 6
que dans sa vie familiale. Il est alors un maillon particulier de la
chaîne de secours. Mais le médecin est généralement mal préparé
■ Patient inconscient 6 pour faire face à des situations de détresse aiguë d’autant qu’il
Complications immédiates de l’inconscience 6 se retrouve alors seul et sans matériel. Par des gestes simples de
Diagnostic 7 secourisme conjugués à son savoir médical, il pourra maintenir les
Technique de sauvegarde des voies aériennes 7 fonctions vitales du patient, en attendant les secours médicalisés.

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 10 > n◦ 4 > décembre 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(15)65178-9
25-010-C-20  Gestes de secourisme en urgence

Le médecin généraliste ou spécialiste a non seulement un rôle Message d’alerte


de sauveteur mais aussi de « transmetteur de savoir » vers le grand
Lors du contact avec le CRRA, un certain nombre de renseigne-
public. Il se doit de connaître et maîtriser les gestes de premiers
ments sont indispensables pour permettre une réponse efficace à
secours, d’autant plus qu’il est sur le terrain un référent pour les
la situation d’urgence :
équipes secouristes qui interviennent à ses côtés.
• localisation de l’événement très précise (ville, rue, numéro de
Issus de la médecine militaire, les gestes de secourisme sont
la rue, numéro du bâtiment, code d’entrée, escalier, etc.) ;
enseignés depuis le début du XXe siècle, mais c’est avec les tra-
• nature du problème et risques éventuels (accident, incendie,
vaux de P. Safar et de W.B. Kouwenhoven dans les années 1960 et
etc.) ;
l’apparition du bouche-à-bouche et du massage cardiaque qu’ils
• nombre et état de gravité apparent des victimes ;
ont trouvé leur pleine utilité [1, 2] .
• numéro de téléphone de contre-appel.
En 2010, l’European Resuscitation Council (ERC) a édité des
recommandations dans ce domaine permettant d’adapter ces dif-
férentes techniques aux connaissances actuelles en matière de
réanimation. Ces recommandations ont depuis été reprises par
 Obstruction aiguë des voies
l’International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR) [3, 4] . aériennes
Cet article aborde ces gestes simples diffusés depuis plusieurs
années au grand public : Épidémiologie-Étiologie
• les préalables aux actions de secours : protection, dégagement L’obstruction complète des voies aériennes est une urgence pou-
d’urgence, bilan de la victime, alerte des secours spécialisés ; vant entraîner le décès dans les minutes qui suivent en l’absence
• les détresses vitales : obstruction des voies aériennes supé- de traitement. L’étiologie la plus fréquente est l’obstruction par
rieures, hémorragies externes, arrêt cardiorespiratoire ; la chute de la langue en arrière dans le pharynx chez une per-
• les gestes de premiers secours face à diverses situations médi- sonne inconsciente ou en arrêt cardiorespiratoire. Une personne
cales et traumatologiques. peut développer une obstruction des voies aériennes intrinsèque
(langue, épiglotte) ou extrinsèque (corps étranger).

 Préalables à toute action Diagnostic


de secours L’obstruction des voies aériennes peut être partielle ou totale.
Protection du sauveteur et de la victime En cas d’obstruction partielle, il faut évaluer la qualité de la
ventilation ; si elle est bonne, la personne reste réactive et peut
En préalable de toute action de secours, il faut toujours recher- tousser fortement, fréquemment il existe un wheezing entre les
cher un danger pouvant générer un suraccident, par exemple : épisodes de toux.
• devant un accident de la voie publique, protéger la zone de La victime d’une obstruction aiguë des voies aériennes peut
l’accident en utilisant les moyens à disposition (triangle, feux présenter immédiatement des signes de détresse ventilatoire ou
de détresse, témoin, etc.) placés en amont et aval du lieu de secondairement suite à une respiration initialement satisfaisante.
l’accident à environ 200 mètres en tenant compte des condi- Les signes de détresse ventilatoire suite à une obstruction par-
tions de visibilité [5] ; tielle sont :
• devant un accident domestique, vérifier la présence de fils élec- • un épuisement ;
triques apparents, d’odeur de gaz, de matériaux menaçant de • une toux inefficace ;
chuter... • un son aigu pendant l’inspiration ;
• une gêne respiratoire grandissante ;
• une cyanose.
Dégagement d’urgence Les signes de l’obstruction complète sont les suivants :
Devant l’impossibilité de supprimer un danger vital réel et • la personne est incapable de parler, respirer, tousser ;
immédiat, il convient de soustraire la victime à celui-ci sans délai. • elle s’agrippe le cou avec pouces et doigts ;
Plusieurs techniques ont été décrites, seule ou à plusieurs : • il n’y a pas de mouvement d’air.
traction par les poignets, traction par les chevilles, extraction En présence de ces signes, on demande à la victime si elle
d’un véhicule, etc. Toutes ont pour principe de préserver un s’étouffe. Si elle opine par l’affirmative, il faut lui demander si elle
axe tête-cou-tronc. Ces techniques, souvent complexes, montrent peut parler. Si elle ne peut pas, il y a une obstruction complète des
rapidement leurs limites ; en termes d’extraction rapide l’efficacité voies aériennes et il faut agir immédiatement.
prime sur la technique [6] . Si l’obstruction complète n’est pas levée, la personne va perdre
connaissance et le décès peut survenir rapidement.
L’obstruction aiguë des voies aériennes par corps étranger
Bilan de la victime (OAVACE) doit être évoquée rapidement chez toute personne, en
C’est un acte diagnostique particulier qui permet une analyse particulier jeune, qui arrête soudainement de respirer, se cyanose
rapide de la situation d’urgence et de l’état des fonctions vitales ou perd connaissance sans raison apparente.
de la victime. Il consiste à évaluer la détresse vitale immédiate,
l’état de conscience, la fonction ventilatoire et circulatoire. Obstruction incomplète
La prise en charge d’une personne présentant une obstruction
Alerte des secours médicalisés partielle des voies aériennes mal supportée est la même que lors
L’alerte des secours médicalisés ne doit pas faire retarder les d’une obstruction complète, il faut agir immédiatement.
gestes de sauvetage face à une détresse vitale immédiate. Tant que les échanges gazeux sont efficaces, il faut encourager
la personne à tousser et à ventiler. Dans ces conditions, le sau-
veteur ne doit pas interférer avec les tentatives de la personne
Centre de réception et de régulation des appels
pour expulser le corps étranger, mais la placer en position assise,
Le 15 est le numéro unique et gratuit des secours médicaux l’encourager à poursuivre les efforts de toux, et la surveiller.
en France. Il permet de joindre le centre de réception et régu-
lation des appels (CRRA) du département souvent situé au sein
des locaux du Service d’aide médicale urgente (Samu). L’appel au
Techniques de libération des voies aériennes
15 permet au médecin un colloque confraternel rapide avec un De nombreuses techniques de désobstruction sont utilisées
médecin régulateur. De ce dialogue débouche l’envoi des secours à travers le monde. Il est difficile de comparer leur efficacité.
adaptés à la situation : unité mobile hospitalière, véhicule de Plusieurs sociétés savantes préconisent une ou plusieurs des
sapeurs-pompiers, ambulance privée ou parfois un simple conseil. méthodes de désobstruction suivantes :

2 EMC - Médecine d’urgence


Gestes de secourisme en urgence  25-010-C-20

Figure 2. Méthode de Heimlich : malade couché.

Figure 1. Méthode de Heimlich : malade debout (A, B).


• Répéter les compressions jusqu’à ce que l’objet soit expulsé ou
que la personne perde connaissance.
• les claques dans le dos ; Chaque compression doit être détachée de la suivante.
• les compressions abdominales par la méthode de Heimlich ; Si la victime perd connaissance, une fois l’alerte transmise, le
• les compressions thoraciques. sauveteur doit pratiquer la réanimation cardiopulmonaire.
Personne allongée
Claques dans le dos Pour pratiquer des compressions abdominales sur une victime
inconsciente :
Le but de cette manœuvre est de créer l’équivalent d’une « toux
• s’agenouiller à cheval sur les cuisses de la victime ;
artificielle » et expulser le corps étranger en dehors des voies
• situer le talon d’une main sur la ligne médiane légèrement au-
aériennes.
dessus du nombril et juste au-dessous de l’appendice xiphoïde ;
Le sauveteur débute les manœuvres de désobstruction par cinq
• placer la deuxième main sur le dessus de la première ;
claques dans le dos :
• effectuer des poussées sèches, avec les deux mains sur
• pencher la personne en avant en soutenant la face antérieure du
l’abdomen, ascendantes et en arrière (Fig. 2).
thorax d’une main, avec l’autre main pratiquer successivement
Il est possible d’utiliser le poids de son propre corps pour amé-
cinq claques vigoureuses entre les omoplates ;
liorer la technique.
• les claques sont réalisées avec le talon de la main entre les omo-
plates ;
Compressions thoraciques : cas de l’obèse
• en cas d’échec, il faut alors pratiquer la manœuvre de Heimlich.
ou de la femme enceinte
Manœuvre de Heimlich Les compressions thoraciques peuvent être une alternative à la
manœuvre de Heimlich chez une femme dans les derniers mois
Il s’agit d’une compression abdominale sous-diaphragmatique. de grossesse ou chez une personne présentant une obésité impor-
Elle est recommandée chez l’adulte et l’enfant conscient à partir tante [8] .
de 1 an.
Les compressions abdominales par la méthode de Heimlich Nettoyage digital avec traction du bloc
élèvent le diaphragme et augmentent la pression à l’intérieur des
voies aériennes, en poussant l’air venant des poumons. langue-mandibule
Les compressions abdominales peuvent créer des complications Il ne doit être pratiqué que dans le cas d’une personne incons-
comme la rupture ou des lacérations de viscères thoraciques ou ciente avec obstruction complète des voies aériennes.
abdominaux [7] . Pour ces raisons, cette manœuvre sera utilisée en
dernier recours et les personnes l’ayant subi devront avoir un exa-
men médical pour exclure une complication vitale. Pour diminuer
Séquence de désobstruction
le risque de complications, il faut une technique précise. Quelques des voies aériennes
complications peuvent apparaître malgré tout, une régurgitation Séquence de désobstruction dans le cas
peut survenir consécutivement aux compressions et il faut y asso-
cier une aspiration endobuccale.
d’une victime consciente
C’est la suivante :
Sur une personne debout ou assise • pratiquer cinq claques vigoureuses entre les omoplates ;
• Se placer debout derrière la victime, entourer vos bras autour • extraire l’objet s’il se retrouve dans la bouche ;
de sa taille, et procéder de la façon suivante. • en cas d’inefficacité des claques, pratiquer cinq compressions
• Placer le poing fermé, côté pouce contre l’abdomen de la vic- abdominales (méthode de Heimlich) ;
time, sur la ligne médiane, entre le nombril et sous la pointe de • rechercher l’accessibilité du corps étranger dans les voies
l’appendice xiphoïde et le bord inférieur de la cage thoracique aériennes ;
(Fig. 1). • en cas d’échec, alterner les claques dans le dos et les compres-
• Empoigner le poing avec l’autre main et donner une pression sions abdominales jusqu’à réussite de la manœuvre ou que la
sèche vers l’abdomen en haut et en arrière. personne perde connaissance.

EMC - Médecine d’urgence 3


25-010-C-20  Gestes de secourisme en urgence

Séquence de désobstruction dans le cas


d’une victime inconsciente
• Il faut alerter rapidement le Samu, si un témoin est disponible,
l’envoyer alerter pendant que vous vous occupez de la victime.
• Libérer les voies aériennes et tenter les insufflations. En cas
d’inefficacité, modifier la position de la tête pour mobiliser
l’objet et essayer de ventiler de nouveau.
• Après cinq tentatives maximales de ventilation inefficace, pra-
tiquer 15 compressions thoraciques. Ensuite, ouvrir la bouche
en tractant le bloc mandibule-langue et effectuer un nettoyage
digital pour enlever l’objet.
• Répéter la séquence deux insufflations et 15 compressions tho-
raciques jusqu’à ce que l’obstruction soit levée ou que des
techniques avancées soient disponibles (clamp de Kelly, pince Figure 3. Méthode de Mofenson.
de Magill, cricothyroïdectomie).
• Après libération des voies aériennes, effectuer un bilan des fonc-
tions vitales et effectuer les manœuvres adaptées.

Enfant et nourrisson
Trois manœuvres sont suggérées :
• les claques dans le dos ;
• les compressions thoraciques ;
• les compressions abdominales [9] .
Il y a un consensus sur le fait que, chez le nourrisson et
le jeune enfant, l’absence de protection par la cage thoracique
des organes hauts placés dans l’abdomen augmente le risque
d’atteinte iatrogène par les compressions abdominales [8] . Par
conséquent les compressions abdominales ne sont pas recomman-
dées pour désobstruer l’OAVACE chez le nourrisson. Figure 4. Compressions thoraciques chez le nourrisson.

Symptomatologie et épidémiologie
Chez l’enfant et le nourrisson, l’étouffement survient aussi bien la même que pour la mise en œuvre des compressions thora-
pendant les repas que pendant la période de jeu. Les parents ciques de la réanimation cardiopulmonaire. Les compressions
ou les gardes d’enfant sont habituellement présents et la phase sont délivrées à la fréquence d’une par seconde et sont pra-
d’étouffement a lieu le plus souvent devant témoin. Les sauveteurs tiquées avec le nourrisson positionné sur le dos, soutenu sur
interviennent alors que la victime est encore consciente [10] . l’avant-bras du sauveteur et sa tête déclive par rapport au corps
Les signes, chez l’enfant et le nourrisson, débutent brutalement (Fig. 4) ;
avec une détresse respiratoire, une toux, un stridor, un son fort et • il faut répéter la séquence des claques dans le dos et des
aigu, un wheezing. compressions thoraciques jusqu’à l’expulsion du corps étranger
En cas d’obstruction partielle et si l’enfant tousse vigoureuse- ou que la victime perde connaissance.
ment, il ne faut pas interférer avec cette toux spontanée et les
efforts de respiration [11] . Chez l’enfant conscient : compression abdominale
Il faut libérer l’obstruction uniquement quand la toux est ou (manœuvre de Heimlich)
devient inefficace. On retrouve les signes suivants :
La séquence claques dans le dos et compressions thoraciques
• une extinction des sons ;
peut être une alternative lors de l’intervention face à un enfant.
• une augmentation de la difficulté respiratoire ;
La manœuvre de Heimlich est identique à celle décrite pour
• un stridor ;
l’adulte.
• une perte de connaissance.
Si l’enfant ou le nourrisson perd connaissance pendant les
tentatives de désobstruction, on démarre la réanimation car- Chez l’enfant ou le nourrisson inconscient
diopulmonaire pendant une minute, puis on alerte les secours Si l’enfant ou le nourrisson perd connaissance, débutez la réani-
spécialisés et reprend les manœuvres de réanimation. mation cardiopulmonaire avec, comme objectif supplémentaire,
à chaque ouverture de bouche, de rechercher et d’extraire l’objet
Chez le nourrisson conscient : claque qui obstrue dans le fond de gorge.
dans le dos et compression thoracique L’extraction digitale à l’aveugle est peu efficace car le corps
étranger est souvent repoussé vers les voies aériennes.
Il faut alerter les secours aussi rapidement que possible dès que
La technique de traction du bloc mandibule-langue peut libérer
le nourrisson présente des difficultés respiratoires. Si vous n’êtes
partiellement l’obstruction ou mobiliser l’objet et permettre, s’il
pas seul, une personne va passer l’alerte pendant que vous agissez
est visible, de le retirer avec précaution.
sur l’enfant.
Si les voies aériennes sont libres, contrôler les signes de circula-
La séquence suivante est utilisée :
tion et poursuivre la réanimation cardiopulmonaire si nécessaire.
• le sauveteur est habituellement assis ou agenouillé avec l’enfant
Si le nourrisson ventile de façon efficace avec des signes de circu-
sur les genoux ;
lation, le placer en position latérale de sécurité.
• les claques dans le dos sont délivrées, tant que le nourrisson
conscient les supporte, face vers le sol, à cheval sur l’avant-bras
du sauveteur, avec la tête plus basse que le tronc. Elles sont
Surveillance après désobstruction
fermes au milieu du dos entre les omoplates, utilisez le talon de Tout patient ayant nécessité des manœuvres manuelles face
la main (Fig. 3) ; à une OAVACE doit être surveillé médicalement dans les suites
• après ces cinq claques dans le dos, si l’objet n’est pas expulsé immédiates. Le risque d’inhalation bronchique lors de la désobs-
pratiquez cinq poussées thoraciques. Ces poussées thoraciques truction et le risque de lésion des organes sous-jacents lors de la
consistent en compression sur la moitié inférieure du sternum, méthode de Heimlich justifient un bilan en milieu hospitalier avec
à un doigt sous la ligne intermamelonnaire. La zone d’appui est une imagerie diagnostique éventuelle.

4 EMC - Médecine d’urgence


Gestes de secourisme en urgence  25-010-C-20

Figure 5. Arbre décisionnel. Prise en charge


Hémorragie externe d’une hémorragie externe.

Impossible
d’appuyer Oui Garrot
localement

Non

Compression
manuelle

Efficace Non

Oui

Premier tampon
relais
Non

Deuxième Alerte des secours


Efficace Non Efficace Oui
tampon relais spécialisés

Compression locale
“ Point fort Il s’agit d’un appui direct avec la paume de la main en regard
de la plaie hémorragique qui réalise ainsi une pression suffisante
pour écraser les vaisseaux à l’endroit même où ils sont lésés.
Séquence de désobstruction dans le cas d’une vic- Il est impératif de se protéger avec des gants afin d’éviter toute
time consciente contamination par les maladies transmissibles par voie sanguine.
• Cinq claques vigoureuses entre les omoplates. Si le sauveteur n’a pas accès rapidement à des gants, il utilise un
• En cas d’inefficacité, cinq compressions abdominales. autre moyen de protection qui va servir d’interface entre la paume
• En cas d’échec, alterner les claques dans le dos et les de main et la plaie, par exemple un linge épais, un paquet de
compresses, un sac en plastique. Si la main qui appuie ne présente
compressions abdominales. pas de plaie, il n’y a pas de risque infectieux. En cas de crainte sur
un risque infectieux, l’arrêt de l’hémorragie reste prioritaire et la
compression manuelle locale peut être effectuée par la victime
elle-même, aidée par le sauveteur. En cas de contact direct avec
du sang, la première étape sera un lavage des mains suivi d’une
 Hémorragies désinfection à l’aide d’un produit iodé ou chloré.
La compression locale est améliorée en intercalant entre l’appui
Épidémiologie-Physiopathologie manuel et la plaie un linge ou des compresses. Cette interface va
améliorer la répartition de la compression en créant « un effet de
L’hémorragie est une cause fréquente d’appel d’urgence et il joint ». L’écrasement des vaisseaux au fond de la plaie sera meilleur
existe des gestes de secours simples, efficaces à réaliser immé- par cet élément en tissu.
diatement. En l’absence de geste d’urgence, le pronostic vital est L’efficacité de cette compression locale repose sur la consta-
rapidement engagé par hypoperfusion cérébrale et myocardique. tation de l’arrêt de l’hémorragie. Il ne faut pas relâcher cette
On peut classer les hémorragies en fonction des actions de compression jusqu’à la prise en charge par des secours spécia-
secours réalisables. On distingue les hémorragies externes et les lisés. Toutefois, le relais par un autre sauveteur, ou un tampon
hémorragies internes avec, parfois, un écoulement sanguin par compressif, est possible.
un orifice naturel, elle est extériorisée.
Tampon compressif
Hémorragies externes Le tampon compressif est un dispositif permettant de maintenir
la compression locale efficace tout en libérant la main du sauve-
Définition teur. Il existe des « coussins hémostatiques d’urgence » composés
C’est un écoulement abondant de sang par une plaie visible d’un tampon de mousse et d’une bande élastique, prêts à l’emploi.
ou masquée simplement par des vêtements, ce qui renforce Le tampon de mousse est appliqué en recouvrant la zone hémor-
l’importance d’un déshabillage systématique à la recherche de ragique, le sauveteur enlève sa main et l’ensemble est tenu par
l’origine de cet écoulement. L’arrêt d’hémorragie prévaut sur tous une bande élastique. Le tampon compressif peut être improvisé
les autres gestes de premiers secours. à l’aide de compresses stériles et d’un bandage serré. Si le tam-
La démarche des gestes de secourisme face à une hémorragie pon compressif est inefficace, alors que la compression manuelle
externe suit toujours l’enchaînement suivant (Fig. 5). l’était, il faut rajouter un deuxième tampon sur le premier.

EMC - Médecine d’urgence 5


25-010-C-20  Gestes de secourisme en urgence

Garrot Le premier geste à effectuer est le mouchage délicat pour évacuer


les éventuels caillots de sang puis la victime s’installe assise, la
En l’absence d’efficacité des techniques précédentes, la dernière
tête penchée en avant en comprimant les deux narines pendant
technique pour arrêter une hémorragie externe demeure le gar-
15 minutes environ.
rot [12, 13] . Les indications sont rares et limités :
Au terme de cette compression locale, soit l’épistaxis cesse et
• l’hémorragie est incoercible malgré une compression locale cor-
une simple surveillance suffit, soit il récidive et un méchage anté-
rectement réalisée ;
rieur, voire postérieur, sera nécessaire ainsi qu’une consultation
• le sauveteur est isolé et doit prévenir les secours ;
spécialisée en oto-rhino-laryngologie (ORL) [18] .
• le sauveteur est en présence de plusieurs victimes ;
• l’hémorragie est sur une amputation de membre.
Le garrot s’effectue à l’aide d’un lien de toile solide et inex-
Hématémèse
tensible. Il peut être pneumatique ou posséder un dispositif avec En cas d’hématémèse, la victime doit être allongée avec une
un tourniquet. Le médecin, dans sa pratique quotidienne, peut oxygénation dès que possible et une surveillance régulière des
utiliser un tensiomètre manuel pour faire un garrot. différentes fonctions vitales. Le risque principal est l’installation
L’inconvénient majeur du garrot est qu’il comprime aussi bien rapide d’un choc hypovolémique due à la diminution brutale de
l’artère que le réseau veineux, les trajets nerveux et les masses la masse sanguine circulante.
musculaires, et peut aboutir à une ischémie complète du membre
concerné s’il est laissé plus de six heures en place. La pose d’un Autres hémorragies extériorisées
garrot pendant moins de deux heures semble limiter les risques.
Les gestes de secourisme pour les autres causes d’hémorragies
Les complications semblent proportionnelles à la force de serrage
extériorisées reposent sur la mise au repos de la victime dans une
et à l’étroitesse du lien.
position de confort non aggravante, dite « position d’attente ».
Le garrot doit toujours rester visible et son heure de mise en
Cette mise au repos est complétée par l’administration d’oxygène
place doit figurer dessus afin d’optimiser la prise en charge médi-
et la surveillance régulière des fonctions vitales.
cale et ne pas omettre sa présence.
La position d’attente a pour but de soulager la victime et de
limiter les conséquences hémodynamiques de la perte sanguine :
Surveillance couchée, jambes fléchies pour les mélénas, rectorragies, urétrorra-
Lorsque l’hémorragie est stoppée, la victime doit être allongée gies et métrorragies ; assis ou semi-assis pour les hémoptysies.
sur le dos. La surveillance d’aval est régulière : coloration, chaleur, La surveillance des fonctions vitales doit être complétée par la
motricité si possible, sensibilité et pouls d’aval en cas de compres- recherche de signes de choc : tachycardie, hypotension artérielle,
sion locale, dans le cas du garrot, le pouls d’aval est logiquement pouls filant, marbrures, extrémités froides, sueurs, soif, oligurie.
absent. Les gestes de secourisme, dans de telles situations, visent à sta-
Il faut toujours penser à couvrir la victime pour lutter contre biliser l’état de la victime en attendant le relais par une équipe de
l’hypothermie et administrer de l’oxygène au plus vite pour enri- réanimation.
chir le volume sanguin restant.
Enfin, la surveillance des fonctions vitales de la victime repose Section de membre
sur la conscience, la fréquence respiratoire et la fréquence car-
diaque. Cette surveillance doit être régulière, environ toutes les L’arrêt de l’hémorragie est prioritaire. La compression locale est
cinq minutes et jusqu’au relais des secours spécialisés. le plus souvent réalisable et efficace, un tampon compressif peut
suffire à stopper l’hémorragie. Si la compression locale s’avère inef-
ficace ou impossible à réaliser, on met alors en place un garrot qui
Hémorragies internes permet au secouriste de se libérer et permet une prise en charge
ultérieure de la victime plus aisée.
Le saignement est occulte ce qui rend le diagnostic par-
Dès que l’hémorragie est maîtrisée et la victime stabilisée, il
fois plus difficile. Le meilleur indicateur reste les circonstances
faut s’occuper impérativement de la partie sectionnée du membre.
de l’événement : antécédents d’ulcère gastrique, de cirrhose,
Il s’agit d’un geste de secours impératif. La partie sectionnée est
la prise d’anticoagulant, d’anti-inflammatoire, un traumatisme,
recherchée et une fois retrouvée, elle est conditionnée dans un
une chute, une agression, etc. Le second indicateur repose sur
linge propre et mise dans un sac plastique ; ce dernier est placé
l’examen clinique de la victime. La recherche porte essentielle-
dans un autre sac plastique rempli de glaçons. L’heure de condi-
ment sur la reconnaissance de signes de détresse circulatoire :
tionnement doit être relevée car la réimplantation tient compte,
hypotension artérielle, tachycardie, pouls filant, marbrures, extré-
entre autres, de ce critère.
mités froides.
La prise en charge médicalisée de ces victimes doit se faire en
urgence. Le patient sera laissé en décubitus dorsal strict.
La surélévation des membres inférieurs, souvent préconisée, ne
repose sur aucune étude randomisée. De plus lors d’un collapsus
“ Point fort
cardiovasculaire, la vasoconstriction des membres inférieurs est
importante et l’effet de surélévation n’apporte donc aucun intérêt L’arrêt d’une hémorragie prévaut sur tous les autres gestes
en matière de volémie [14, 15] . de secourisme.

Hémorragies extériorisées
Il s’agit d’hémorragie interne avec un écoulement sanguin  Patient inconscient
par un des orifices naturels : épistaxis, hématémèse, hémoptysie,
méléna, rectorragie, métrorragie, urétrorragie. Complications immédiates de l’inconscience
L’inconscience entraîne une diminution du tonus musculaire,
Épistaxis en particulier de la langue chez le patient en décubitus dorsal,
L’épistaxis est la plus fréquente des hémorragies extériorisées. provoquant ainsi une obstruction en appuyant sur la paroi pos-
Elle se définit comme l’écoulement de sang par les voies nasales, térieure du pharynx. Elle entraîne aussi la perte des réflexes de
le plus souvent dû à la présence d’une tache vasculaire fragile sur la sécurité avec altération de la toux et de la déglutition. Associé
muqueuse nasale. Plusieurs études ont démontré que la majorité à une hypoventilation centrale, cela entraîne rapidement une
des individus ne connaît pas les gestes de secourisme à effectuer hypoxie. Cette dernière peut être prévenue quand le patient est
dans ce cas [16, 17] . Le niveau de preuve est pauvre et les gestes sont placé en décubitus latéral, facilitant ainsi le drainage des mucosités
donc plutôt empiriques. et vomissures facilement hors de la bouche.

6 EMC - Médecine d’urgence


Gestes de secourisme en urgence  25-010-C-20

Diagnostic
Évaluation de l’état de conscience
La méthode la plus communément admise pour évaluer l’état
de conscience est l’utilisation du score de Glasgow. Elle est fondée
sur l’appréciation de la réponse verbale, de l’ouverture des yeux
et de la réponse motrice du patient [19] .
En pratique, le médecin pose à haute et intelligible voix des
questions simples « ouvrez les yeux, serrez-moi les mains ». En
l’absence de réponse, des stimulations douloureuses nociceptives,
comme la manœuvre de Pierre Marie et Foix, sont pratiquées pour
confirmer l’inconscience.

Évaluation de la fonction ventilatoire


La manœuvre précédemment décrite étant effectuée, le méde-
cin apprécie l’existence d’une ventilation en dix secondes
maximum [3] :
• il place sa joue au-dessus du visage de la victime ;
• il observe les mouvements de la cage thoracique ;
• il écoute et sent le flux aérien pendant l’expiration.

Évaluation de la présence de la fonction


circulatoire
En moins de dix secondes, le médecin vérifie la présence du Figure 6. Intérêt de la bascule de la tête en hyperextension.
pouls carotidien. Il se place du côté de la carotide qu’il va palper
et maintient la tête avec l’autre main sur le front ; le pouls doit
être cherché sur la face latérale du cou chez l’enfant et l’adulte. Position latérale de sécurité
Cette méthode est bien codifiée :
• poser doucement l’extrémité de deux ou trois doigts sur la ligne La position latérale de sécurité est utilisée pour la prise en charge
médiane du cou ; des victimes qui sont inconscientes (ou avec un score de Glasgow
• ramener la main vers soi la pulpe des trois doigts restants au inférieur à 11) mais dont la ventilation et les signes de circulation
contact de la peau jusqu’au bord du chef antérieur du sterno- sont conservés (classe indéterminée).
cléido-mastoïdien ; Le compromis est nécessaire entre une position idéale pour
• pousser la pulpe des doigts vers le plan profond osseux, vers les dégager au maximum les voies aériennes et la position optimale
apophyses transverses des vertèbres cervicales, pour appuyer sur pour surveiller le patient et garder une bonne rectitude du corps.
la carotide ; Une position latérale modifiée est utilisée parce qu’une position
• chez le nourrisson, la prise de pouls se fait au niveau de l’artère latérale vraie tend à être instable, obligeant une position latérale
humérale ; excessive de la colonne cervicale, et entraînant un drainage moins
• la main du sauveteur se pose sur la partie moyenne du bras en libre de la bouche.
face interne ; Une position proche de la pronation, en revanche, gêne une
• la pulpe des doigts recherche à ce niveau les battements de parfaite ventilation parce qu’elle réduit la compliance thoracique
l’artère. et pulmonaire [20] .
Lorsque le sauveteur n’a pas de connaissances médicales, la
recherche du pouls n’est plus indispensable. Principes
Plusieurs versions de la position latérale de sécurité existent,
chacune avec ses propres avantages. Aucune position n’est parfaite
Technique de sauvegarde des voies aériennes pour toutes les victimes.
Pour décider quelle position utiliser, il faut considérer six prin-
Ouverture de la bouche et de la filière cipes [21] :
pharyngolaryngée • la victime doit être mise dans la position latérale la plus stricte
L’objectif est de compenser la chute de la langue et des muscles possible, avec la tête positionnée de façon à laisser libre le drai-
peauciers du cou liée à la baisse du tonus musculaire. L’ouverture nage des fluides ;
de la bouche complète le dégagement de la filière pharyngolaryn- • cette position doit être stable ;
gée (Fig. 6). La méthode la plus efficace est la technique d’Esmarsh. • éviter une pression sur le thorax qui pourrait gêner la ventila-
On place les mains de chaque côté du visage du patient. Les doigts tion ;
accrochent l’angle du maxillaire inférieur, les pouces appuyant sur • la bonne observation du malade et un accès aux voies aériennes
la branche horizontale. Les doigts pratiquent la subluxation de la possible ;
mandibule tandis que la pression des pouces ouvre la bouche. Elle • la position elle-même ne doit pas être la cause d’une lésion pour
est associée à une bascule prudente de la tête vers l’arrière dans la victime ;
l’axe du rachis cervical, sauf dans le cas de suspicion de lésion du • il est particulièrement important d’éviter une lésion lors du
rachis. retournement de la victime [22, 23] .
Une alternative à cette méthode consiste à basculer prudem-
Technique
ment la tête vers l’arrière une main sur le front et avec l’autre
main, attirer le menton vers l’avant mettant les peauciers du coup La technique conseillée par l’ERC et enseignée en France est la
en tension et souvent ainsi le massif lingual (manœuvre dite de suivante (Fig. 7A à E) :
chin lift). • resserrer délicatement les membres inférieurs de la victime ;
• mettre le bras le plus proche en abduction à l’angle droit du côté
du retournement, coude plié, paume de la main en supination
Désobstruction buccopharyngée (Fig. 7A) ;
La désobstruction se fait au doigt dans le but d’ôter des débris • placer le dos de la main du bras opposé contre l’oreille de la
alimentaires ou un fracas dentaire. Elle peut être complétée par victime du côté du retournement. La maintenir (Fig. 7B) ;
une aspiration à l’aide d’un aspirateur de mucosités manuel. • saisir le genou opposé au retournement par le creux poplité ;

EMC - Médecine d’urgence 7


25-010-C-20  Gestes de secourisme en urgence

A B C
Figure 7. Position latérale de sécurité.

D E

• faire rouler lentement le corps de la victime, en tirant sur le


genou vers soi, tout en tenant la main de la victime contre son
oreille (Fig. 7C) ; Inconscient
• retirer sa main située à la tête tout en maintenant le coude de Absence de
ventilation ou gasp
la victime pour ne pas bouger la tête ;
• ajuster la jambe pliée, de sorte qu’elle forme avec le genou un
angle droit et vienne, en prenant appui sur le sol, stabiliser la
victime ;
Alerter 15, 18
• ouvrir la bouche sans mobiliser le rachis (Fig. 7D).
Précautions Non
Si un traumatisme rachidien est présent ou suspecté, la victime
ne doit être bougée que si l’ouverture des voies aériennes ne peut Compressions
être maintenue d’une autre manière (manœuvre d’Esmarch par thoraciques x 30
exemple). Cela peut être le cas si le médecin, seul, a besoin de
quitter la victime pour appeler les secours médicalisés.
En position latérale de sécurité, il convient de surveiller la vic-
time, particulièrement pour la chute de débit sanguin dans le bras ± Ventilations Faire
du dessous [24] . artificielles x 2 venir un …
Certains auteurs préconisent de tourner la victime du côté
opposé, si celle-ci reste en position latérale de sécurité plus de
30 minutes [25] . Lors de la position latérale de sécurité chez la
Toutes les 2
femme enceinte, la rotation se fait sur le côté gauche de la patiente
minutes
pour éviter la compression de l’aorte et de la veine cave inférieure
par le fœtus.

 Patient en arrêt Défibrillateur


automatisé externe
cardiorespiratoire
Figure 8. Arbre décisionnel. Conduite à tenir face à un arrêt cardiores-
Diagnostic piratoire.
La victime est inconsciente et elle ne respire pas. Chez l’adulte
en dehors de cas particuliers, l’arrêt respiratoire est secondaire à
les secours médicalisés, débuter la réanimation cardiopulmo-
l’arrêt cardiaque et il est inutile de rechercher un pouls [26] .
naire et réclamer un défibrillateur automatisé externe (DAE)
Une ventilation agonique, très lente, inefficace, appelée gasp,
(Fig. 8).
peut être présente dans les premières minutes de l’arrêt cardiaque.
Par soucis de simplification de l’enseignement, il n’est pas fait
Il ne faut pas la confondre avec la présence d’une respiration ce
de différence dans la prise en charge entre l’adulte, l’enfant et le
qui ferait perdre le bénéfice d’une réanimation précoce [3] .
nourrisson. Après la constatation de l’arrêt de la ventilation, le
diagnostic d’arrêt cardiaque est fait et il faut démarrer les com-
Séquence de prise en charge quel pressions thoraciques au nombre de 30. Pour les professionnels
entraînés, il faut alterner les compressions avec deux ventilations
que soit l’âge artificielles. Il n’a pas été montré de bénéfice pour l’association
Dès la constatation de l’arrêt cardiaque, il faut, presque en massage et ventilation artificielle contre le massage seul pour
même temps, alerter ou faire alerter le plus rapidement possible des sauveteurs occasionnels non professionnels. Il est donc

8 EMC - Médecine d’urgence


Gestes de secourisme en urgence  25-010-C-20

recommandé de pratiquer des compressions thoraciques seules • en cas d’appareil de défibrillation accessible dans un environ-
pour des sauveteurs non entraînés. nement proche, le prendre et le mettre en œuvre le plus tôt
Dès que possible, il faut alerter les secours médicalisés et récla- possible ; à défaut, le massage cardiaque externe seul sera conti-
mer et mettre en œuvre un DAE. Après la mise en route du nué ;
défibrillateur, quelle que soit son action, il faudra reprendre immé- • une fois le DAE sur place :
diatement les compressions thoraciques. ◦ il faut mettre immédiatement en marche l’appareil et suivre
La réanimation cardiopulmonaire doit être poursuivie jusqu’à les directives audiovisuelles,
la prise en charge par des secours médicalisés ou jusqu’à la reprise ◦ les électrodes sont collées de part et d’autre du cœur. Une
de la ventilation. électrode est placée en haut et à droite à la face antérieure
du thorax sous la clavicule, une électrode est placée en bas
et à gauche, à l’emplacement de V6 sur la ligne axillaire
Association compressions thoraciques moyenne,
et ventilations artificielles ◦ s’il y a plusieurs sauveteurs sur les lieux, la réanimation
Pour les secours spécialisés, l’association de 30 compressions cardiopulmonaire peut être poursuivie pendant la pose des
thoraciques et ventilations est indispensable. L’idée que le mas- électrodes sur le thorax,
sage cardiaque entraîne, par les mouvements thoraciques, une ◦ les sauveteurs s’écartent à la demande du DAE,
ventilation efficace n’est pas confirmée par une étude sur ◦ le DAE va délivrer, si nécessaire, un choc à la fois ; il ne faut
11 patients en arrêt cardiaque ; les volumes courants mesurés sont pas enchaîner de séries consécutives de choc,
très inférieurs à l’espace mort [27] . ◦ après la séquence et quelle que soit la décision de l’appareil,
Pour des sauveteurs occasionnels non professionnels, il n’a pas qu’il y ait eu un choc ou non, il faut reprendre immédia-
été montré de bénéfice pour l’association massage et ventilation tement la réanimation cardiopulmonaire. Même en cas de
artificielle contre le massage seul [28] . Il est donc recommandé de choc efficace, il est très difficile de contrôler la présence d’un
pratiquer des compressions thoraciques seules pour des secou- pouls juste après la reprise d’une activité cardiaque efficace.
ristes non entraînés. La fatigabilité semble identique quelle que Les consignes du DAE doivent être suivies jusqu’au relais par
soit la technique, compressions thoraciques associées ou non aux les secours spécialisés. Les gestes de réanimation sont arrêtés
ventilations [29] . si la victime présente des signes de réveil, des mouvements,
Dans une étude prospective au Japon, il n’y a pas de différence une ouverture des yeux ou reprend une respiration normale.
de récupération neurologique entre le massage seul et la réani-
mation cardiopulmonaire classique, dans tous les cas ces deux Technique chez l’enfant et le nouveau-né
techniques sont plus performantes que la passivité [30] .
Chez l’enfant, le bouche-à-bouche se fait de la même manière
Pour un sauveteur occasionnel, le message fort sera « alerter-
que chez l’adulte.
masser-défibriller ».
Chez le nouveau-né, la ventilation est pratiquée en englobant
la bouche et le nez.
Techniques chez l’adulte Les compressions thoraciques se font en appui avec un seul bras
chez l’enfant, en déprimant le thorax d’un tiers de son épaisseur,
Compressions thoraciques la zone d’appui étant identique à celle de l’adulte.
Elles sont pratiquées sur une personne en décubitus dorsal sur Chez le nourrisson, les compressions se font avec la pulpe de
un plan dur et le thorax dénudé. La zone de compression est située deux doigts en déprimant le thorax de un tiers de son épaisseur.
sur la ligne médiane, à la face antérieure du sternum, sur sa partie La zone d’appui se trouve sur le sternum à un travers de doigt
inférieure. Le talon de la main est placé deux travers de doigt au-dessus de sa limite inférieure.
au-dessus du bord inférieur du sternum. La fréquence instantanée du massage est au minimum de 100
La pression se fait avec le talon de la main dans le prolongement par minute sans dépasser 120.
de l’avant-bras, les épaules du sauveteur étant à la verticale de la La mise en œuvre du défibrillateur est identique à celle de
zone d’appui. La seconde main se positionne sur la première, les l’adulte, il peut exister des électrodes de taille pédiatrique avec
doigts sont relevés pour éviter de casser des côtes. réducteur d’intensité incorporé ; en leur absence, des électrodes
Les compressions thoraciques sont d’une amplitude de 5 à 6 cm ; adultes sont utilisables.
après la compression, le relâchement du thorax doit être complet
pour faciliter son remplissage.
La fréquence instantanée des compressions thoraciques se situe  Brûlures
entre 100 et 120 par minute. L’arrêt des compressions pour effec-
tuer les ventilations doit être le plus court possible, moins de cinq Épidémiologie
secondes. En France, 150 000 personnes par an sont victimes de brû-
lures. La plupart d’entre elles sont d’origine thermique mais aussi
Ventilation artificielle chimique et électrique. Il s’agit le plus souvent d’accidents domes-
Le bouche-à-bouche se pratique en basculant prudemment la tiques.
tête de la victime en arrière, une main au front, l’autre au menton La conduite à tenir immédiate face à une brûlure grave consiste
pour décoller la langue du fond de gorge. Le nez est pincé pour à refroidir la surface brûlée par arrosage, évaluer la gravité, puis
éviter toute fuite. La bouche du sauveteur englobe celle de la vic- lutter contre l’hypothermie et surveiller la victime en attendant
time de façon étanche et l’insufflation se fait lentement sur une le transfert hospitalier.
seconde. Le volume est jugé suffisant dès que le thorax commence
à se soulever. Diagnostic
Il est recommandé d’utiliser un masque facial possédant un
Les facteurs de gravité d’une brûlure doivent être évalués rapide-
filtre antibactérien et une valve antiretour lors de la ventilation
ment pour permettre une orientation hospitalière la plus adaptée
artificielle.
possible à la situation : profondeur ou degré, superficie ou éten-
due, localisation, agent responsable et terrain.
Utilisation du défibrillateur automatisé externe L’aspect de la brûlure détermine la profondeur et le degré : pre-
L’enchaînement des gestes lors de la mise en œuvre du DAE est mier degré : érythème ; second degré : phlyctène ; troisième degré :
le suivant : brun-chamois.
• la victime et l’ensemble des personnes présentes, témoins et La gravité de la brûlure est mesurée par la surface brûlée au
sauveteurs, doivent être mis comme la victime en sécurité. minimum en deuxième degré qui dépasse la moitié de la surface
Il faut vérifier l’environnement (risque de suraccident, atmo- de la paume de la main de la victime. Cette règle est aussi bien
sphère explosive, etc.) ; applicable à l’enfant qu’à l’adulte.

EMC - Médecine d’urgence 9


25-010-C-20  Gestes de secourisme en urgence

Figure 9. Arbre décisionnel. Prise en charge


d’un patient traumatisé. PLS : position latérale
Protection de sécurité ; MCE : massage cardiaque externe.
balisage

Bilan visuel

Oui Hémorragie
Allongé
± jambes
Non surélevées

Stopper Conscience Oui Oui

Non Détresse Non Détresse


ventilatoire circulatoire

Oui Ventilation Oui Non

PLS Non Semi-assis Non Rachis

2 insufflations
Membres
Thorax Oui
Oui Pouls Non Bassin

Immobilisation
Insufflations Insufflations Non
MCE

Petits soins,
pansements

Le pronostic d’une brûlure peut être vital en cas de localisation bénéfice pour une température de l’eau de 10 à 15 ◦ C. Mais l’usage
au visage ou aux voies aériennes supérieures, fonctionnel en cas de d’une eau glacée entraîne une hypothermie, un risque d’ischémie
localisation aux articulations, aux mains, au périnée et esthétique et une hausse du taux de mortalité. Pour empêcher l’hypothermie,
en cas de localisation au visage. la température de l’arrosage doit se situer entre 10 et 25 ◦ C et la
Les brûlures chimiques et électriques sont considérées comme victime doit être couverte correctement dès que possible. De plus,
graves d’emblée. l’hypothermie entretient une éventuelle détresse circulatoire liée
Les autres critères classiques de gravité sont les âges extrêmes aux brûlures.
(nourrissons et personnes âgées) et en cas de terrain débilité, dia- La durée d’arrosage est également très controversée mais il sem-
bétique et éthylique par exemple. blerait qu’elle se situe entre 5 à 30 minutes. La durée d’arrosage
qui est retenue pour une brûlure thermique étendue est de cinq
minutes. La diminution de la douleur est un bon critère pour arrê-
Technique : arrosage ter l’arrosage. Dans tous les cas, l’arrosage ne doit pas retarder la
L’arrosage immédiat de la surface brûlée avec de l’eau fraîche prise en charge médicale de la victime.
est le premier geste de secours à effectuer. Le niveau de preuve L’arrosage peut être remplacé par l’application de gels d’eau
est très bon et cette recommandation est fiable. Plusieurs études (pansements préconditionnés constitués d’eau gélifiée et existant
montrent que cet arrosage immédiat est bien accepté par la majo- dans différents formats).
rité de la population [31–34] . Cependant, ce ne sont pas de vraies Il faut toujours penser à ôter les bijoux qui pourraient aggraver
études randomisées mais des études sur des sujets volontaires qui les dommages dus aux brûlures (exemple : bague en cas de brû-
mettent en pratique ces recommandations [35] . lures des mains) et à enlever les vêtements qui n’adhèrent pas à la
L’arrosage de la brûlure a plusieurs effets bénéfiques : une dimi- lésion.
nution de la douleur, une réduction de la formation d’œdème,
une diminution du risque infectieux, une réduction de la pro-
fondeur [36, 37] . L’ensemble de ces effets diminue la nécessité d’une Cas particuliers
greffe et la mortalité [38] . Les brûlures électriques et chimiques sont moins fréquentes
L’arrosage doit être effectué le plus tôt possible car il semblerait mais elles necessitent une prise en charge différente et spécialisée.
que plus le délai « brûlure-arrosage » est court, plus le bénéfice est
grand.
La température de l’eau et le temps d’arrosage varient considéra-
Brûlures de l’enfant
blement d’une étude à l’autre. L’étude d’Ofeigsson’s montre que La conduite à tenir est semblable à celle de l’adulte mais le ter-
le meilleur rapport entre température idéale de l’eau et taux de rain confère un critère de gravité à toute brûlure survenant chez
mortalité se situe entre 20 et 25 ◦ C. D’autres études ont prouvé un l’enfant. De plus, l’étendue est considérée comme grave à partir

10 EMC - Médecine d’urgence


Gestes de secourisme en urgence  25-010-C-20

de 5 % contre 10 % chez l’adulte [39, 40] . Chez le nourrisson et le [4] Morrison LJ, Deakin CD, Morley PT, Callaway CW. Part 8:
petit enfant de moins de 3 ans, il est important de contrôler le Advanced life support: 2010 International Consensus on Cardiopul-
refroidissement de la brûlure afin d’éviter l’hypothermie et une monary Resuscitation and emergency cardiovascular care science
vasoconstriction locale trop importante entraînant des troubles with treatment recommendations. Circulation 2010;122(16 Suppl. 2):
trophiques secondaires. Il faut refroidir la brûlure et réchauffer le S345–421.
patient [41] . [5] Croix-Rouge Française. Gestes qui sauvent, Guide 2001. Paris: XO
éditions; 2001.
[6] Julien H, Marchand P, Noto R, Thevenet M. Premiers secours. Paris
Brûlures oculaires France Sélection; 1991.
Toute brûlure oculaire nécessite une consultation spécialisée en [7] Fearing NM, Harrison PB. Complications of Heimlich manoeuvre:
urgence, et les premiers gestes consistent à rincer abondamment case report and literature review. J Trauma 2002;53:978–9.
les yeux, ce d’autant plus que l’agent est chimique, puis la vic- [8] Sternbach G, Kiskaddon RT. Henry Heimlich: a life-saving manoeuver
time est allongée les yeux fermés, éventuellement recouverts de for food chocking. J Emerg Med 1985;2:143–8.
compresses stériles humides [42, 43] . [9] Abman SH, Fan LL, Cotton EK. Emergency treatment of foreign-body
Les gestes de secourisme en cas de brûlures sont simples à réa- obstruction of the upper airway in children. J Emerg Med 1984;2:7–12.
liser et leurs bénéfices ont largement fait leurs preuves. [10] Jumbelic MI. Airway obstruction by a ball. J Forensic Sci
1999;44:1079–81.
[11] Halvorson DJ, Merritt RM, Mann C, Porubsky ES. Management of
subglottic foreign bodies. Ann Otol Rhinol Laryngol 1996;105:541–4.
“ Point fort [12] Kragh Jr JF, Baer DG, Walters TJ. Extended (16-Hour) Tourniquet
application after combat wounds: a case report and review of the current
literature. J Orthop Trauma 2007;21:274–8.
La conduite à tenir immédiate face à une brûlure grave [13] Kragh Jr JF, Walters TJ, Baer DG, Fox CJ, Wade CE, Salinas J, et al.
consiste à arroser la surface brûlée, évaluer la gravité, lutter Practical use of emergency Tourniquets to stop bleeding in major limb
contre l’hypothermie et surveiller la victime en attendant trauma. J Trauma 2008;64:S38–50.
[14] Schou J, Ginz HF, Herion HP. Abdominal haemorrhage-a preventable
le transfert hospitalier. cause of death after stabilization? Resuscitation 2000;43:185–93.
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[16] Lavy JA, Koay CB. First aid treatment of epistaxis: are the patients
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 Traumatologie musculaire [17] Eisenburger P, Safar P. Life supporting first aid training of the
public-review and recommendations. Resuscitation 1999;41:3–18.
et osseuse [18] McGarry GW, Moulon C. The first aid treatment of epistaxis
by accident and emergency department staff. Arch Emerg Med
Les traumatismes représentent 83 % des lésions lors des acci- 1993;10:298–300.
dents de la vie courante, principalement lors de chute. [19] Prasad K, Menon GR. Comparison of the three strategies of verbal
En cas d’accident traumatique, le médecin peut utiliser les tech- scoring of the Glasgow Coma Scale in patients with stoke. Cerebrovasc
niques de premiers secours en attendant la prise en charge par des Dis 1998;8:79–85.
moyens adaptés (Fig. 9). [20] Safar P, Escarrage LA. Compliance in apneic anesthetized adults. Anes-
thesiology 1959;20:283–9.
[21] Handley AJ, Becker LB, Allen M, Van Drenth A, Kramer EB, Montgo-
 Conclusion mery WH. Single rescuer adult basic life support: an advisory statement
from the Basic Life Support Working Group of the International Liai-
son Committee on Resuscitation. Resuscitation 1997;34:101–8.
À tout moment de sa vie le médecin reste un professionnel de [22] Turner S, Turner I, Chapman D, Howard P, Champion P, Hatfield J,
santé et est donc un premier maillon privilégié de la chaîne des et al. A comparative study of the 1992 and 1997 recovery positions for
secours, et pour les secouristes (pompiers, associatifs, ambulan- use in the UK. Resuscitation 1998;39:153–60.
ciers, etc.), un référent en matière de santé et de premiers secours. [23] Handley AJ. Resuscitation Council (UK) wants everyone who uses
Les gestes décrits dans cet article permettront au médecin isolé new recovery position to report experiences. Br Med J 1997;315:1308.
d’attendre le renfort par une équipe envoyée par le Samu, et [24] Rathgeber J, Panzer W, Gunther U, Scholz M, Hoeft A, et al. Influence
la prise en charge du patient par des techniques adaptées de of different types of recovery positions on perfusion indices of the
réanimation. Pour toutes ces raisons, la simple lecture de cet forearm. Resuscitation 1996;32:13–7.
article ne pourrait suffire à l’enseignement de ces méthodes. [25] FulstowR, Smith GB. The new recovery position: a cautionary tale.
Nous conseillons à nos confrères de mettre en pratique ces gestes Resuscitation 1993;26:89–91.
en faisant appel à des formateurs qualifiés en secourisme issus [26] Lapostolle F, Le Toumelin P, Agostinucci JM, Catineau J, Adnet F.
d’organismes habilités que sont les Centres d’enseignement des Basic cardiac life support providers checking the carotid pulse: per-
soins d’urgence, les sapeurs-pompiers ou les associations de secou- formance, degree of conviction, and influencing factors. Acad Emerg
risme (par exemple la Croix-Rouge française, la Protection civile, Med 2004;11:878–80.
etc.). [27] Deakin CD, O’Neill JF, Tabor T. Does compression-only cardiopulmo-
nary resuscitation generate adequate passive ventilation during cardiac
arrest. Resuscitation 2007;75:53–9.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en [28] Dumas F, Rea TD, Fahrenbruch C, Rosenqvist M, Faxén J, Svens-
relation avec cet article. son L, et al. Chest compression alone cardiopulmonary resuscitation
is associated with better long-term survival compared with standard
cardiopulmonary resuscitation. Circulation 2013;127:435–41.
[29] Neset A, Birkenes TS, Myklebust H, Mykletun RJ, Odegaard S,
 Références Kramer-Johansen J. A randomized trial of the capability of elderly
lay persons to perform chest compression only CPR versus standard
[1] Kouwenhoven WB, Knickerbocker GG, Jude JR. Closed chest cardiac 30:2 CPR. Resuscitation 2010;81:887–92.
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[3] Koster RW, Baubin MA, Bossaert LL, Caballero A, Cassan P, Castrén of emergency treatment of burns to alleviate pain, reduce sequelae, and
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EMC - Médecine d’urgence 11


25-010-C-20  Gestes de secourisme en urgence

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1963;183:677–8. 2000;26:605–8.

J.-M. Agostinucci (jean-marc.agostinucci@avc.aphp.fr).


Service d’aide médicale urgente 93 (Samu 93), Centre hospitalier universitaire Avicenne, 125, rue de Stalingrad, 93000 Bobigny cedex, France.
P. Bertrand.
Croix-Rouge française, 1, place Henry-Dunant, 75008 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Agostinucci JM, Bertrand P. Gestes de secourisme en urgence. EMC - Médecine d’urgence 2015;10(4):1-12
[Article 25-010-C-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Médecine d’urgence


¶ 25-010-C-30

Mise en condition d’un patient grave


en vue de son évacuation terrestre
ou héliportée
J.-S. David, O. Capel, O. Peguet, P. Petit, P.-Y. Gueugniaud

La prise en charge préhospitalière d’un patient a pour objectifs de traiter les détresses vitales, d’initier le
traitement d’une pathologie, de trier et d’orienter les patients sur la structure la plus adaptée, et d’assurer
le transport du patient. L’objectif de cet article est de préciser les caractéristiques du transport par voie
terrestre et héliportée mais également celles de la mise en condition initiale des patients. Enfin, nous
aborderons successivement la prise en charge des polytraumatisés, des détresses respiratoires,
cardiologiques et neurologiques.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Réanimation préhospitalière ; SAMU ; Transport ; Polytraumatisé ; Détresse circulatoire ;


Détresse respiratoire ; Détresse neurologique

Plan L’ensemble de ces contraintes justifie la prise en charge de ces


patients graves par des services mobiles d’urgence et de réanimation
(SMUR). On distingue deux catégories de transport SMUR :
¶ Introduction 1
• Les transports primaires assurent l’acheminement de patients
¶ Contraintes liées aux circonstances 1 préalablement non hospitalisés vers la structure hospitalière
Lors d’un transfert primaire 1 la plus adaptée à leur prise en charge ;
Lors d’un transfert intra- ou interhospitalier 2 • Les transports secondaires intrahospitaliers ou interhospita-
¶ Contraintes liées au transport 2 liers permettent d’amener les patients vers une structure de
Différents modes de transport 2 soins mieux adaptée à leur état clinique ou vers un plateau
Effets du transport 2 technique où pourront être réalisés certains gestes chirurgi-
Conséquences générales 3 caux ou examens paracliniques spécifiques, tout en assurant
¶ Modalités d’organisation et de réalisation 4 la continuité des soins ainsi qu’une surveillance rapprochée.
Organisation 4
Réalisation pratique 5
¶ Cas particuliers
Prise en charge du polytraumatisé
Prise en charge d’une détresse respiratoire
6
6
12
“ Points forts
Prise en charge d’une détresse cardiogénique 12 En France, le système des SAMU-SMUR permet d’assurer
Prise en charge d’une détresse neurologique 16 un haut niveau de prise en charge médicale des urgences
¶ Conclusion 20 préhospitalières.

■ Introduction ■ Contraintes liées


Le transport d’un patient présentant une pathologie grave
aux circonstances
représente une situation à risque qu’il convient d’évaluer au
mieux avant de décider un transfert. Les risques du transport
Lors d’un transfert primaire
paraissent faibles, ils sont évalués à 5 % et semblent être plus La prise en charge extrahospitalière du patient peut être liée
en relation avec l’état clinique et la difficulté de réaliser des à un certain nombre de contraintes. Ainsi, l’environnement est
soins qu’avec le transport et la mobilisation du patient [1]. La parfois hostile (mauvaises conditions météorologiques, terrain
mise en condition initiale du patient va permettre d’assurer le accidenté, etc.) et l’accès au patient peut être difficile, en
transport dans des conditions optimales de sécurité et doit particulier lorsque celui-ci est incarcéré comme lors d’un
remplir trois types d’objectifs : rétablissement et maintien des accident de la voie publique. La présence fréquente de témoins
grandes fonctions physiologiques (hémodynamique, respiratoire peut gêner la prise en charge du patient mais peut aussi
et neurologique), prévention ou traitement d’une aggravation apporter des renseignements importants, en particulier sur les
de l’état clinique du patient et prévention ou traitement des circonstances de l’accident. L’anamnèse est en effet souvent
conséquences du transport (douleurs, stress, etc.). Enfin, difficile à connaître, en particulier lorsque la gravité de l’état du
l’expérience et la formation du médecin, ainsi que le type de patient ne permet pas un interrogatoire direct. Elle doit cepen-
matériels devront être adaptés à chaque type de transport [1]. dant être établie le plus précisément possible dans la mesure où

Médecine d’urgence 1
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

il peut exister des associations lésionnelles avec le mécanisme la pathologie qui motive le transfert au bloc opératoire (choc
d’un traumatisme (décélération forte et rupture de l’isthme de hémorragique) comme en postopératoire. En sortie de bloc, le
l’aorte) [2]. Après avoir identifié la ou les détresses vitales, débuté transfert se fait donc, au mieux, après un passage en salle de
un traitement urgent et défini une ligne de conduite, l’examen surveillance postopératoire (SSPO). Le patient peut, à cette
clinique du patient est réalisé. Il est le plus complet possible et occasion, être réchauffé et, en l’absence d’indication de
doit être répété durant la prise en charge afin d’apprécier ventilation prolongée, réveillé et extubé.
l’évolution de la situation clinique. La mise sous monitorage
électrocardiographique (ECG), les mesures d’oxymétrie pulsée et
de capnométrie sont actuellement couramment utilisées, ainsi ■ Contraintes liées au transport
que les mesures de glycémie capillaire et de l’hémoglobinémie
par microméthode (Hemocue®). Lors de la prise en charge d’un Différents modes de transport
patient retrouvé inconscient à son domicile, le diagnostic
d’intoxication au monoxyde de carbone (CO) peut être étayé Les moyens terrestres sont représentés par les différents types
par la mesure de CO dans l’air ambiant ou par la saturation de véhicules sanitaires (Fig. 1) : unité mobile hospitalière
transcutanée en CO (Rad57™, Massimo, Irvine, CA, États- (UMH), véhicules de secours aux asphyxiés et victimes des
Unis). Un bilan médical doit être transmis le plus rapidement pompiers (VSAV), enfin ambulances privées.
possible au médecin régulateur. L’orientation du patient est Les moyens aériens comprennent l’hélicoptère et l’avion lors
ensuite décidée conjointement entre les deux médecins et doit des transferts interhospitaliers de longue distance.
tenir compte de la pathologie présentée par le patient et des Le choix du moyen de transport se fait en fonction de la
capacités d’accueil locales. Les décisions thérapeutiques sont distance du trajet (> 40 km), de la topographie de la zone
guidées en premier lieu par la nécessité de traitement des d’intervention (montagne/mer), du type de vecteur aérien
détresses vitales afin de stabiliser l’état du patient et, si possible, (Alouette III versus EC 145 : rayon d’action et volume cabine
de l’améliorer avant le transport. Ce traitement est essentielle- très différent), des conditions météorologiques et, enfin, du type
ment symptomatique lors de la prise en charge extrahospita- de pathologie [11]. Il semble que les pathologies ou terrains
lière. Il est fondé sur le rétablissement d’une fonction médicaux qui bénéficient le plus du transport héliporté soient :
respiratoire correcte et le contrôle des voies aériennes supérieu- le polytraumatisé (injury severity score > 16) [12], le traumatisé
res (les indications d’intubation trachéale et de ventilation crânien [13] , l’enfant traumatisé [14] , la néonatologie [15] et
assistée sont relativement larges chez un patient dans un état l’obstétrique [16]. À l’opposé, il a été suggéré que le transport
grave et qui doit être transporté). La fonction circulatoire est héliporté puisse être responsable d’une aggravation des lésions
optimisée par le remplissage vasculaire et/ou par l’administra- chez les patients présentant une pathologie coronaire [17], qui
tion de substances vasoactives. L’urgence du transport doit être pourrait être en relation avec une augmentation de la sécrétion
évaluée afin d’éviter toute perte de temps pour la réalisation de catécholamine liée au stress généré par le vol [18]. En fait, ces
d’un geste thérapeutique comme l’hémostase d’une lésion travaux soulignent l’importance de prévenir la survenue du
hémorragique. Le moyen de transport par ambulance ou par stress lié au vol par l’utilisation au besoin de benzodiazépine.
hélicoptère est choisi en fonction de l’urgence du transport, de L’utilisation de l’hélicoptère reste très intéressante dans cette
sa durée, de l’orientation du patient mais également des indication car elle permet d’acheminer au plus vite le patient
conditions météorologiques. Dans le cadre d’une prise en charge vers une unité spécialisée en vue d’une revascularisation
par des SMUR de centres hospitaliers généraux, si l’état du précoce [19].
patient le nécessite (traumatisme sévère...) et en fonction des
capacités hospitalières locales, il est parfois fait appel au SAMU Effets du transport
de centre hospitalier universitaire (CHU) afin d’orienter ces
patients rapidement sur une structure adaptée (notion de Mobilisation
primo-transfert ou jonction sur le terrain). Dans ce cadre, la
Les changements de position d’un patient influencent la
mise en place de réseau de soins est particulièrement intéres-
répartition du volume sanguin circulant et sont susceptibles
sante, en particulier dans les domaines de la néonatologie, de
d’entraîner ou d’aggraver une instabilité hémodynamique,
la traumatologie et des pathologies vasculaires cérébrales.
d’autant plus que le déficit volémique est important. Par
ailleurs, la mobilisation ou un défaut d’immobilisation, en plus
Lors d’un transfert intra- ou interhospitalier d’accentuer les phénomènes douloureux, peut avoir des effets
L’objectif de la médicalisation de ce type de transport est particulièrement délétères, spécialement dans un contexte
d’assurer, en plus de la continuité des soins, une surveillance traumatologique, avec une augmentation des risques de com-
continue des patients. Il existe trois types principaux de pression nerveuse ou vasculaire, d’embolie graisseuse (fracture
transfert : diaphysaire mal immobilisée), ou d’aggravation d’un déficit
• transport vers une unité de réanimation d’un patient déjà neurologique lié à un traumatisme rachidien.
hospitalisé dans un autre service et dont l’état s’aggrave ou
d’un patient admis aux urgences dans un état grave. La prise Accélérations. Décélérations
en charge de ce type de patient peut parfois s’apparenter à la
prise en charge préhospitalière avec nécessité d’une phase de Elles sont de type longitudinal, latéral ou vertical. Un patient
stabilisation avant le transport ; allongé perçoit surtout les accélérations longitudinales et
• transport depuis le service de réanimation vers un plateau
technique pour un examen à visée diagnostique. Ce type de
transport, très fréquent, n’est pas anodin pour autant et des
complications sont fréquemment rencontrées [3-8]. Il faut alors
peser soigneusement le rapport entre le bénéfice attendu et le
risque que l’on fait courir au patient en sachant que dans
seulement 20 à 40 % des cas, des modifications thérapeuti-
ques vont suivre le transfert interhospitalier (TIH) [9, 10]. Les
risques sont en partie liés à la longue durée des déplacements,
à l’inadaptation des sites et du personnel technique pour le
monitorage et la surveillance, ainsi qu’aux difficultés d’accès
au patient en cas d’incident. Un patient dont l’état clinique
reste instable nécessite que l’équipe de SMUR reste sur place
pendant la réalisation de l’examen ;
• transport en provenance de ou vers un bloc opératoire. Il
s’agit d’un transport à risque, en préopératoire en raison de Figure 1. Centre de réception et de régulation des appels (CRRA).

2 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

latérales. Lors du transport terrestre, ces accélérations peuvent Neurologiques


être importantes, en particulier lors de freinage (0,6 à 1,85 g) ou Le transport peut être responsable d’une aggravation des
dans les virages (0,4 g). Elles sont plus importantes lorsque le lésions du système nerveux lors d’un traumatisme rachidien ou
transport se fait à haute vitesse (70 km/h de moyenne) avec lors d’un traumatisme crânien grave [8, 25, 26]. L’aggravation des
accélération et freinage, que lorsqu’il s’effectue à vitesse lésions neurologiques rachidiennes se rencontre essentiellement
régulière (40 km/h), et peuvent être alors responsables de à l’occasion des manipulations (ramassage, brancardage, etc.)
variations significatives de la fréquence cardiaque et de la alors que l’aggravation des lésions neurologiques cérébrales est
pression artérielle [20]. Lors d’un transport héliporté, les accélé- en relation avec un défaut de ventilation, un défaut de sédation
rations verticales sont faibles et n’ont pas de répercussion ou une hypoperfusion cérébrale. Chez des patients présentant
hémodynamique. un traumatisme crânien sévère, à leur arrivée en salle de
déchocage, Gentelman et al. retrouvent une hypoxie dans 22 %
Vibrations des cas alors que David et al. retrouvent respectivement une
hypercapnie ou une hypocapnie profonde chez 43 et 38 %
Les vibrations mécaniques qui sont générées par le moteur ou
d’entre eux [27, 28]. Ces anomalies étaient essentiellement en
par le contact du véhicule avec le sol sont caractérisées par leur
relation avec un défaut de ventilation (sur- ou sous-estimation
fréquence. Les basses fréquences correspondent aux bornes de
des besoins) ou un défaut de sédation. La fréquence et l’impor-
résonance du corps humain (12 Hz pour la colonne vertébrale,
tance du retentissement de ces lésions cérébrales secondaires
6 Hz pour le cœur, 60 à 90 Hz pour le globe oculaire) [21]. Ces
induites par des modifications hémodynamiques ou respiratoires
vibrations sont la source de trépidations qui vont gêner la
lors du transport des patients ont été bien décrites par Gentel-
surveillance du patient (parasites au niveau du monitorage, gêne
man et Jennet [27]. L’utilisation de la capnographie permettrait
pour réitérer l’examen clinique) ou la réalisation d’un geste
de mieux adapter la ventilation lors de la prise en charge des
éventuel. Elles peuvent être la source de chute de matériel mal
traumatisés crâniens sévères [29]. Cependant, il a également été
fixé dans la cabine sanitaire, de déplacement de cathéter, voire
montré que le gradient entre la PaCO2 et l’EtCO2 était non
de la sonde d’intubation. La nécessité absolue d’une bonne
prévisible et variable dans le temps [30].
fixation de tous les éléments de surveillance et de traitement du
patient n’est donc pas une vue de l’esprit. Les vibrations Thermiques
mécaniques peuvent également induire une mobilisation, voire
Le brûlé, le polytraumatisé, l’enfant, a fortiori s’il est préma-
un déplacement des foyers de fracture mal immobilisés et
turé, sont particulièrement sensibles à l’hypothermie [31] .
augmenter ainsi les phénomènes douloureux. Elles sont parti-
Celle-ci peut être présente lors de la prise en charge ou apparaî-
culièrement dangereuses lors d’une plaie oculaire, avec un
tre lors du transport [32]. Elle sera alors liée à une absence de
risque accru d’issue du contenu de l’œil. Les vibrations étant
protection thermique ou à la perfusion de solutés de remplis-
maximales lors d’un transport héliporté, ce vecteur n’est pas
sage non réchauffés. L’hypothermie est délétère car elle est
indiqué lors des plaies pénétrantes de l’œil.
responsable de troubles multiples parmi lesquels des troubles
hémodynamiques ou rythmiques, infectieux, de coagulation ou
Conséquences générales métaboliques [33]. Elle est responsable d’une mortalité et d’une
morbidité accrues.
Sur le patient
Conséquences digestives
Conséquences hémodynamiques
Leur fréquence est difficile à évaluer. Elles sont représentées
Les modifications hémodynamiques sont les modifications les par les nausées et les vomissements lors du transport terrestre et
plus fréquentes lors du transport de patient dans un état grave. par les phénomènes de dilatation des gaz digestifs lors du
Elles sont liées à l’état hémodynamique mais également à transport aérien (dysbarisme). Leur prévention passe par la mise
l’excès ou au défaut d’analgésie et de sédation des patients. La en place d’une sonde nasogastrique et/ou la prise
fréquence des modifications hémodynamiques liées au transport d’antiémétique.
est très variable d’une étude à l’autre, en fonction des critères
retenus d’une part, et de l’état de santé sous-jacent du patient
d’autre part. Szem et al. [22] ont retrouvé une fréquence de
5,9 % de complications lors de transports intrahospitaliers, dont
41 % d’origine hémodynamique, et 16 % d’hypotensions,
nécessitant une intervention médicale. Pour Bellinger et al. [23],
“ Points forts
lors du transport de patient présentant un infarctus du myo- Les transferts intra- ou interhospitaliers représentent une
carde, une hypotension artérielle était la complication la plus situation à risque où il importe d’assurer la continuité des
fréquemment retrouvée, devant les blocs auriculoventriculaires soins.
du 3e degré et les tachycardies ventriculaires non soutenues.
Des complications sont fréquemment observées et sont
Conséquences respiratoires surtout d’origines cardiovasculaire, respiratoire ou en
relation avec une dysfonction du matériel.
Les modifications respiratoires survenant lors du transport de
patients sont liées au contrôle des voies aériennes supérieures et Un monitorage multiparamétrique doit être prévu.
sont en relation avec une aggravation de la fonction ventila- Une équipe et du matériel adapté doivent permettre
toire, une ventilation inadéquate ou un défaut de sédation du d’assurer le transfert dans les meilleures conditions de
patient. Lorsqu’elles sont liées au contrôle des voies aériennes, sécurité.
il peut s’agir d’un patient non intubé dont la fonction ventila-
toire se dégrade en cours de transfert ou d’un patient intubé et
ventilé, avec une obstruction ou un déplacement de la sonde
d’intubation, voire une extubation. La difficulté vient alors des
Conditions de surveillance et de soins
conditions dans lesquelles le patient doit être éventuellement La surveillance et les soins dont bénéficie le patient doivent
(ré)intubé. Les problèmes ventilatoires vrais sont également très être de qualité équivalente à ce qu’ils seraient en service de
fréquents. Waydhas et al. ont observé, lors de 49 transports réanimation et ce, malgré un environnement parfois défavora-
intrahospitaliers, une diminution du rapport PaO2/FiO2 chez ble. Cela impose la présence d’un matériel d’anesthésie-
84 % des patients [4]. Actuellement, les modifications respiratoi- réanimation et de surveillance prévu pour le transport
res en cours de transport sont plus rapidement mises en (Tableau 1) (Fig. 1). Ce matériel doit permettre de réaliser une
évidence grâce à la surveillance de la saturation périphérique en intubation endotrachéale, la ventilation du patient, la mise en
oxygène (SpO2) et la mesure de CO2 expiré (PeTCO2) par la place d’une perfusion intraveineuse ou d’un drainage pleural,
capnographie [24]. enfin d’administrer des médicaments d’urgence.

Médecine d’urgence 3
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Tableau 1.
Matériels de base d’un moyen de transport adulte.
Matériels de base
Électrocardioscope avec enregistreur de tracé ECG, défibrillateur, mesure
non invasive de la pression artérielle, oxymètre de pouls, capnographe
Dispositif d’entraînement électrosystolique externe
Matériels d’abord vasculaire périphérique et central
Dispositifs de perfusion à débit continu, accélérateur de perfusions
(« blood-pump »)
Pantalon antichoc
Matériels de drainage pleural, valve antiretour
Matériels d’intubation trachéale, mandrin, kit de minitrachéotomie
Respirateur de transport avec alarme de débranchement et mesure de la Figure 2. Ventilation non invasive au masque facial à l’aide d’un respi-
spirométrie, insufflateur manuel de secours, aspirateur de mucosités rateur de type Savina® (Draeger) au cours d’un transfert interhospitalier.
Sources d’oxygène
Brancard adapté avec matelas à dépression (« coquille »), dispositifs
d’immobilisation cervicale ou d’immobilisation de membres
Appareil de mesure de la température, de la glycémie, de l’hémoglobine
ou de l’hématocrite
Matériels optionnels
Surveillance d’une pression artérielle sanglante
Surveillance d’une sonde de Swan-Ganz
Respirateur de réanimation (Savina®, Draeger) (Fig. 1)
Kit d’intubation difficile (fibroscope bronchique, masque laryngé...)

■ Modalités d’organisation
et de réalisation
Figure 3. Unité mobile hospitalière (UMH).
Organisation
Moyens
La loi n° 86-11 du 6 janvier 1986 définit l’aide médicale
urgente comme une organisation qui a pour objet de faire assurer
aux patients, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se
trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état. De plus est
créé le centre de réception et régulation des appels (CRRA).
Le décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 précise les
missions du service d’aide médicale d’urgence (SAMU) :
• assurer une écoute médicale permanente ;
• déterminer et déclencher, dans le délai le plus bref, la réponse
la mieux adaptée à la nature des appels ;
• s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation
publics ou privés adaptés à l’état du patient, compte tenu du
respect du libre choix, et faire préparer son accueil ; Figure 4. Hélicoptère de type EC135 dédié aux transports sanitaires.
• organiser, le cas échéant, le transport dans un établissement
public ou privé, en faisant appel à un service public ou à une de régulation médicale (PARM). Celui-ci doit obtenir les coor-
entreprise privée de transport sanitaire ; données de l’appelant. Si l’objet de l’appel est une demande de
• veiller à l’admission du patient ; renseignement simple, non directement médicale, le PARM peut
• participer à des tâches d’éducation sanitaire, de prévention et y répondre seul. Dans les autres cas, l’appel est transféré au
de recherche. médecin régulateur, anesthésiste-réanimateur ou urgentiste du
Le même décret met en place pour les CRRA un numéro SAMU. Pour les centres recevant un important flux d’appels, la
d’appel téléphonique unique, le 15. régulation médicale peut être organisée en deux pôles :
Le décret n° 97-620 du 30 mai 1997 stipule que le médecin • un pôle de médecine libérale, répondant aux demandes de
d’une équipe de SMUR doit être thésé (ou, pour les internes de conseils médicaux ou aux urgences médicales relatives,
spécialité, avoir validé quatre semestres) et doit avoir acquis une pouvant faire proposer une consultation au cabinet du
formation à la prise en charge des urgences, soit par une médecin traitant, une consultation à domicile par un méde-
qualification universitaire (capacité de médecine d’urgence ou cin de garde ou faisant partie d’une association privée de
diplôme d’études spécialisées complémentaires [DESC] de médecins urgentistes, ou l’envoi d’une ambulance privée pour
médecine d’urgence), soit par une expérience professionnelle assurer le transport vers un service d’accueil des urgences ;
d’au moins 1 an dans le domaine de l’urgence et de la réani- • un pôle de médecine hospitalière pour tous les cas justifiant
mation. De plus, pour les interventions du SMUR qui requièrent a priori d’une réponse urgente de type SMUR ou pour toutes
l’utilisation de techniques de réanimation, l’équipe doit com- les demandes de transferts intra- ou extrahospitaliers de
porter au moins trois personnes, dont le responsable médical de patients.
l’intervention et un infirmier. Il peut être fait appel aux pompiers par une demande d’envoi
d’un VSAV, dans le cadre d’urgences nécessitant des « prompts
Régulation secours », a fortiori pour les urgences sur la voie publique.
Les interventions des SMUR sont déclenchées et coordonnées Le médecin régulateur participe à la décision de transport,
par le CRRA du SAMU (Fig. 2). Lorsqu’un appel est reçu par le choisit le vecteur de transport le plus adapté à l’état du patient
CRRA, le premier interlocuteur est un permanencier auxiliaire (Fig. 3, 4), vérifie et assure la bonne coordination entre les

4 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

différents intervenants : le service d’origine (cas d’un transfert), L’anamnèse peut orienter sur une cause neurologique primitive
le service de destination du patient et, enfin, l’équipe médicale telle qu’une crise convulsive ou un état de mal, un accident
du SMUR. Cette dernière tient le CRRA informé du déroulement vasculaire cérébral.
de l’intervention. Les critères de décision pour l’envoi d’une L’examen clinique est orienté en fonction du type de patho-
équipe du SMUR concernent l’état du patient et les conditions logie présentée par le patient :
éventuelles du transport (distance, moyen de transport). La • auscultation soigneuse du cœur et des gros vaisseaux, mesure
réponse médicale doit être graduée, appropriée au type de la pression artérielle aux quatre membres, recherche des
d’urgence et au niveau de gravité estimé. Tout patient dans un pouls périphériques, ECG en cas de suspicion de pathologie
état grave ou susceptible de s’aggraver du fait de sa pathologie cardiovasculaire ;
et/ou du transport doit pouvoir bénéficier de soins de réanima- • auscultation des champs pulmonaires, percussion, recherche
tion adaptés à son état lors de son transfert. Sont concernés les d’un hippocratisme digital si une pathologie pulmonaire est
patients ayant une détresse vitale avérée ou potentielle, un suspectée ;
risque fonctionnel avéré ou potentiel, associés ou non à des • mesure du score de Glasgow, examen des pupilles et des
douleurs nécessitant une prise en charge spécifique. La décision paires crâniennes, recherche de déficit sensitivomoteur ou de
d’un transport intra- ou interhospitalier doit être justifiée au signes méningés si une pathologie neurologique est suspec-
regard du bénéfice attendu par rapport au risque potentiel du tée ;
transport. Le bénéfice attendu peut être lié à des moyens de • mesure de la température.
surveillance et de traitement plus adaptés à l’état du patient, à L’examen de l’abdomen peut être motivé par l’existence
l’existence d’un plateau technique de haute technologie per- d’une douleur spontanée ; il est systématique dans un contexte
mettant d’affiner un diagnostic, ou à une meilleure capacité de traumatologique. Enfin, dans le cadre de la traumatologie, le
l’équipe médicale du service d’accueil à poursuivre la prise en massif facial, le bassin et les membres seront soigneusement
charge du patient. Ces conditions sont fréquemment réunies inspectés. S’il existe une fracture, la recherche de complications
dans le cadre du transfert de patient des hôpitaux de proximité à type de compression vasculaire ou nerveuse est systématique.
vers les centres hospitaliers universitaires. Le transfert se fait À l’issue de l’examen clinique, une synthèse rapide permet
alors dans des délais qui dépendent d’une part de son urgence d’appréhender la physiopathologie ou le mécanisme lésionnel,
et, d’autre part de la disponibilité des moyens nécessaires, ainsi que l’état de gravité du patient. L’installation du monito-
moyens qui doivent être mobilisés en priorité pour des urgences rage se fera de manière concomitante à l’examen clinique.
préhospitalières. La notion de chaîne de soins est primordiale : Au niveau thérapeutique, les détresses vitales seront bien
il ne doit pas y avoir d’hiatus dans la surveillance et le suivi évidemment traitées en priorité. L’objectif est de stabiliser, voire
médical de ces patients. Aussi, la transmission du dossier et des d’améliorer l’état du patient avant le transport. Si seul un
traitement chirurgical urgent est susceptible d’améliorer la
consignes doit être systématique et rigoureuse, que ce soit au
symptomatologie, il convient de ne pas perdre de temps lors de
départ du service d’origine ou à l’arrivée dans le service de
la prise en charge : l’objectif de la réanimation initiale se limite
destination.
à la stabilisation du patient ou au minimum à l’obtention d’un
état permettant le transport jusqu’au bloc opératoire le plus
Réalisation pratique proche. La pose d’une voie veineuse périphérique de bon calibre
est systématique chez le patient dans un état grave et qui doit
Mise en condition avant le transport être transporté. Au niveau respiratoire, les indications d’intuba-
Prise en charge préhospitalière (intervention tion trachéale et de ventilation assistée sont larges en raison du
de type primaire) risque d’aggravation de l’état respiratoire au cours du transport.
La sédation et l’analgésie sont adaptées avant que ne débute le
Dès l’arrivée de l’équipe SMUR auprès du patient, l’examen transport, en particulier dans les contextes traumatiques.
du patient est la première des tâches que le médecin va effec- L’installation du patient pour le transport doit être soigneuse.
tuer. Il s’agit d’une étape indispensable à l’évaluation de la Le brancard doit être solidement arrimé dans l’habitacle ; une
situation et au dépistage des détresses médicales. vérification soigneuse de la fixation des voies d’abord veineuses,
Une détresse circulatoire est suspectée devant l’existence des drains et sondes doit être systématique. Le matériel contenu
d’une pâleur, de sueurs abondantes et froides, d’une agitation dans le véhicule doit être solidement attaché. Les médicaments
ou au contraire d’un état stuporeux, d’une augmentation du et solutés de perfusion éventuellement nécessaires doivent être
temps de recoloration capillaire, d’un pouls rapide et filant, à portée de main. Avant le transport, le médecin de l’équipe
d’une pression artérielle effondrée, d’une bradycardie. Les SMUR se met en contact avec le médecin régulateur afin de
circonstances et l’anamnèse recueillies auprès du patient et/ou préciser l’état et l’orientation à donner au patient.
des témoins éventuels, ainsi que l’examen clinique peuvent
orienter le diagnostic étiologique et préciser le mécanisme Prise en charge en vue d’un transport secondaire
physiopathologique : défaillance myocardique primitive ou Le plus souvent, l’état du patient a été stabilisé par l’équipe
secondaire (épanchement péricardique...), choc hypovolémique soignante du service d’origine. Cependant, la prise en charge
(contexte traumatologique ou brûlure importante), choc à peut parfois s’apparenter à une situation extrahospitalière : état
résistance vasculaire effondrée (sepsis, anaphylaxie). du patient s’aggravant dans un service de médecine, découverte
Une détresse respiratoire peut se manifester par une dyspnée fortuite lors d’un examen paraclinique d’une pathologie
avec tachypnée ou bradypnée, des mouvements respiratoires potentiellement grave, etc. Le médecin responsable du patient
volontiers anormaux de faible amplitude ; l’existence d’une transmet le dossier médical et l’observation au médecin qui va
respiration paradoxale (signe d’épuisement). Les signes associés assurer le transport. Ils évaluent ensemble l’état du patient et
fréquemment retrouvés sont une cyanose, des troubles de adaptent les soins en cours, ainsi que les éléments de sur-
conscience pouvant aller de l’agitation au coma, des troubles veillance nécessaires au transport. Les données sont ensuite
hémodynamiques pouvant se manifester par une hyper- ou une transmises au médecin régulateur avant le départ. Seul le
hypotension artérielle systémique. Là encore, les éléments médecin du SMUR assurant le transport a la responsabilité de
anamnestiques, circonstanciels et cliniques permettent de déterminer la faisabilité ou non du transfert, et les soins ou
déterminer ou d’approcher la cause de cette détresse. examens paracliniques éventuellement nécessaires avant celui-ci.
Devant une détresse neurologique, dont la principale mani-
festation est un trouble de la conscience, il convient d’abord Surveillance et soins pendant le transport
d’éliminer les causes secondaires de trouble de la conscience : Pendant le transport, la surveillance doit être absolument
détresse cardiaque, respiratoire, métabolique (hypo- ou hyper- constante et adaptée à l’état du patient. Elle porte sur des
glycémie, insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale), éléments cliniques et sur le monitorage multimodal du patient.
intoxication ou traumatisme. Une mesure de la glycémie Il ne faut jamais oublier que les conditions du transport sont
capillaire doit également être effectuée le plus vite possible. toujours un élément perturbateur lors de la réalisation d’un

Médecine d’urgence 5
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

examen clinique ou de gestes de réanimation. Le médecin la seule solution thérapeutique est chirurgicale (hémorragie non
responsable du transport s’attache particulièrement à déceler les contrôlée, hématome extradural), il persiste des situations ou
modifications hémodynamiques, respiratoires et neurologiques une médicalisation préalable au transport pourrait être bénéfi-
liées au transport. Dans certains cas, l’état clinique du patient que au patient (obstruction des voies aériennes, traumatisme
nécessite la mise en place de dispositifs médicaux spécifiques crânien grave) [34-36]. D’une façon générale, la médicalisation
dans un but thérapeutique (ventilation non invasive, drain doit être la plus rapide possible et fondée sur le principe de faire
thoracique, sonde d’entraînement électrosystolique, dérivation ce qu’il y a à faire, sans que cela soit synonyme d’excès
de liquide céphalorachidien, contre-pulsion diastolique intra- thérapeutique ou de perte de temps [35, 37, 38].
aortique, etc.) (Fig. 1) ou de monitorage (pression artérielle
invasive, sonde de Swan-Ganz, capteur de pression intracrâ- Réanimation de « sauvetage »
nienne...). Ces techniques doivent être connues du médecin
Rétablir une ventilation alvéolaire efficace
transporteur ; il doit en connaître les indications, le fonction-
nement et les conduites à tenir en cas de dysfonctionnement. Le premier geste à faire est de s’assurer de la liberté des voies
aériennes et d’oxygéner largement le patient. Les détresses
Transmission à l’accueil hospitalier circulatoires ou respiratoires, les traumatismes crâniens graves,
Lors de l’arrivée du patient dans le service de destination, les gros délabrements maxillofaciaux sont des indications
celui-ci est confié par le médecin transporteur au médecin du d’intubation orotrachéale [34]. Après installation d’un monito-
service qui le prend en charge. La transmission est à la fois rage complet (pression non invasive, électrocardioscope, SpO2),
verbale et écrite et doit se faire de médecin à médecin. Elle mise en place d’une voie veineuse périphérique, préparation du
comporte, d’une part, les éléments anamnestiques et circons- matériel d’aspiration, préoxygénation pendant 3 minutes,
tanciels concernant le patient, ainsi que le type de pathologie l’intubation de la trachée est réalisée par voie orale avec une
présenté, l’examen clinique initial, les gestes thérapeutiques induction de l’anesthésie en séquence rapide [39]. Durant cette
effectués avant et pendant le transport, l’ensemble des paramè- phase, il est indispensable de maintenir la rectitude du rachis.
tres de surveillance notés à intervalles réguliers pendant le Dans certains traumatismes faciaux ou laryngés, une ponction
transfert et le dossier médical du patient. Une transmission des transtrachéale ou une cricothyroïdotomie, à l’aide d’un banal
soins infirmiers peut également être effectuée sous forme orale cathéter veineux (du plus gros calibre possible) ou de dispositifs
et/ou écrite par l’infirmier de l’équipe. L’ambulancier se charge spéciaux (Quicktrach® ou Minitrach II®) peuvent permettre une
de la transmission des renseignements administratifs et du ventilation de sauvetage et une oxygénation temporaire [40]. Un
vestiaire du patient. épanchement thoracique n’est à drainer qu’en cas de mauvaise
tolérance clinique [41].
Prise en charge hémodynamique
■ Cas particuliers
La sous-estimation d’une hémorragie lors de la prise en
charge préhospitalière est très fréquente. Quelques signes
Prise en charge du polytraumatisé cliniques peuvent, dans le contexte, aider au diagnostic, il s’agit
Les polytraumatisés ont constitué la première des raisons qui d’une pâleur des téguments, d’une élévation de la fréquence
ont conduit à la médicalisation des secours en France. cardiaque, d’une hypotension artérielle, d’un temps de recolo-
ration capillaire supérieur à 2 s, de points d’appels hémorragi-
But d’un bilan rapide de la situation avant ques (plaie vasculaire avec saignement extériorisé, défense
les soins abdominale, etc.). Un trouble du comportement peut parfois
accompagner ces signes (agitation, confusion, prostration, etc.).
À son arrivée sur les lieux, le médecin responsable de l’équipe Bien que l’interprétation des chiffres de fréquence cardiaque et
SMUR doit entrer en contact avec le responsable des premiers de pression artérielle reste difficile en préhospitalier (intrication
secours sur place (ou à défaut des témoins) afin de : des pathologies, tares associées et mise en œuvre de mécanismes
• s’assurer en priorité, même si cela est censé avoir été fait, compensateurs), la mesure immédiate de la fréquence cardiaque
qu’il n’y a pas de risque évolutif (suraccident, explosion, et de la pression artérielle reste l’un des premiers gestes à
etc.) ; effectuer : une chute de pression artérielle avec une tachycardie
• dénombrer, selon les circonstances, les victimes et apprécier étant un signe évident d’hypovolémie [42]. Une pression arté-
sommairement leurs gravités apparentes respectives. Ce triage rielle différentielle pincée (< 35 mmHg) est un indicateur de
rapide permet de décider des priorités thérapeutiques, en choc hypovolémique ou cardiogénique [43]. Un effondrement de
répartissant les tâches, et de demander d’éventuels renforts la pression artérielle, témoin d’un dépassement des mécanismes
matériels ou humains ; de compensation, serait le reflet d’une perte sanguine supérieure
• recueillir un minimum d’information permettant d’orienter le à 30 % de la volémie. La présence, dans ce contexte, d’une
bilan lésionnel en fonction des mécanismes du traumatisme bradycardie doit faire évoquer la possibilité d’une bradycardie
(impact direct, indirect, décélération) et de l’état initial (le dite paradoxale, témoin d’une hypovolémie sévère, qu’il est
blessé a-t-il été déplacé ? Quelle était sa position initiale ? impératif de respecter, sous peine de désamorçage de la pompe
Était-il conscient ?). cardiaque. L’atropine est alors strictement contre-indiquée. En
cas d’arrêt cardiorespiratoire, la réanimation suit les mêmes
Stratégie de prise en charge règles que pour un arrêt cardiaque d’origine médicale en plus de
Elle comprend les éléments suivants : la recherche systématique d’un pneumothorax (Fig. 5).
• identifier et traiter les détresses vitales, particulièrement celles Lors d’un état de choc, en particulier hémorragique, l’objectif
qui vont nécessiter un geste chirurgical d’urgence ; de pression artérielle va dépendre de l’association éventuelle à
• effectuer un bilan lésionnel complet « de la tête aux pieds » ; des lésions du système nerveux central mais également du
• lutter contre les facteurs aggravants (douleur, hypother- terrain sur lequel survient le traumatisme (âge, insuffisance
mie...) ; coronaire, etc.) [44]. Alors que chez un sujet jeune, sans antécé-
• décider, en accord avec le médecin régulateur, du lieu et du dents médicaux et en l’absence de traumatisme crânien sévère,
vecteur de transport le plus adapté à l’accueil et au transfert l’objectif de pression artérielle systolique est de 80-90 mmHg
de la victime ; (seuil d’autorégulation des circulations cérébrales et coronai-
• surveiller et poursuivre les soins pendant l’évacuation. res) [42] ; chez les sujets âgés et/ou porteurs d’une myocardiopa-
La controverse demeure entre l’attitude de « scoop and run », thie (ischémique et/ou hypertensive) ou lorsqu’un traumatisme
chère aux Anglo-Saxons, et celle de la médicalisation sur le crânien grave est associé, l’objectif de pression artérielle
terrain, adopté en France. Il semble que l’attitude à adopter systolique devient 110-120 mmHg [44]. De plus, il a été suggéré
dépende étroitement de la pathologie considérée. En effet, alors chez des patients présentant un traumatisme thoracique péné-
que le facteur temps est crucial dans certaines circonstances où trant isolé que la correction complète de l’hypotension par un

6 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Figure 5. Arbre décisionnel. Mécanismes


Plaie du cœur Plaie artérielle Détresse Troubles neurovégétatifs et traitement des arrêts circulatoires trau-
Rupture aorte respiratoire aiguë Traumatisme myocardique matiques.
Désinsertion
gros vaisseaux
- Contusion pulmonaire
- Pneumothorax
- Hémothorax
Tamponnade

Hémorragie massive +++ Anoxie aiguë ++ Trouble du rythme / conduction

Désamorçage Choc Anémie


cardiaque hémorragique aiguë

Hypothermie + Dysfonctionnement
électrique
± mécanique

Asystole Fibrillation ventriculaire Dissociation électromécanique

risque hémorragique par dilution des facteurs de coagula-

“ Mise au point
tion [49]. Ainsi, au-delà de 2 000 ml de soluté de remplissage ou
en cas de vasoplégie précoce, le recours aux catécholamines est
à discuter [42]. La noradrénaline est actuellement le vasopresseur
Prise en charge de l’arrêt cardiaque traumatique le plus utilisé chez le traumatisé [42, 47]. L’apport de produits
• Libération des voies aériennes supérieures (LVA) et sanguins reste relativement rare en préhospitalier. Il a pour
massage cardiaque externe (MCE) objectif d’assurer un transport en oxygène satisfaisant (hémato-
crite entre 25 et 30 %) [50] et une hémostase adéquate (hémato-
• Intubation orotrachéale (IOT), puis ventilation
crite > 25 %, nombre de plaquettes > 50 × 109 l–1, international
mécanique en O2 pur
normalized ratio (INR) < 1,6 et fibrinogène > 1 g l–1) [49, 51].
• Choc électrique externe (CEE) en cas de fibrillation
En situation de choc hémorragique ou plus généralement
ventriculaire (FV) d’hypovolémie sévère, l’instauration d’une ventilation mécani-
• Remplissage vasculaire : macromolécule, sérum salé que est en général proposée pour optimiser le transport d’oxy-
hypertonique gène et réduire la consommation d’oxygène. Cependant, si cela
• Recherche et traitement d’une cause curable ne se discute pas lorsque le patient présente des troubles de
(pneumothorax compressif) => thoracostomie mono- ou conscience sévères et/ou une détresse ventilatoire, la mise sous
bilatérale ventilation mécanique d’un patient très hypovolémique peut
• Adrénaline par bolus de 1 mg avoir des effets hémodynamiques très délétères en relation avec
• Hémostase de lésions hémorragiques (compression, l’application d’une pression positive intrathoracique, qui va
garrot, hémostase à la pince, point d’hémostase) alors constituer un véritable frein au remplissage du ventricule
droit [52]. De plus, sur une grande cohorte de patients en état de
• Pantalon antichocs en cas de traumatisme abdo-
choc hémorragique, il a été montré que la ventilation mécani-
minopelvien
que était susceptible d’aggraver le pronostic [53].
Dans le cas d’un traumatisme sous-diaphragmatique avec
hypovolémie importante, le pantalon antichocs peut être
installé sur le matelas à dépression, sans être gonflé. En cas
soluté cristalloïde pourrait être néfaste [45, 46]. Les traumatismes d’échec des premières mesures thérapeutiques (remplissage,
graves de la face avec hémorragie nasale et/ou buccale (en catécholamines) et de pression artérielle effondrée, il pourra
l’absence de lésions encéphaliques majeures) ainsi que les alors être gonflé, réalisant ainsi une compression du système
fractures de la ceinture pelvienne avec instabilité tensionnelle artériel et veineux sous-diaphragmatique. Les indications du
(en l’absence de lésion thoracoabdominale) justifient de la pantalon antichocs sont représentées par les traumatismes
même attitude thérapeutique lors de la prise en charge ini- abdominaux avec hémorragie incontrôlable, les saignements liés
tiale [47, 48]. à une fracture du bassin ou les hématomes rétropéritonéaux
Cet objectif de remplissage vasculaire est atteint par l’expan- (effet hémostatique) avec choc hémorragique [54-57]. Le gonflage
sion volumique, à base de solutés cristalloïdes et/ou colloïdes. se fait d’abord sur les membres inférieurs (pressions de gonflage
Il n’y a pas d’avantages démontrés des colloïdes par rapport aux 60 à 80 mmHg) puis, en cas de besoin, sur l’abdomen (pressions
cristalloïdes. En tout état de cause, une hémodilution trop de gonflage 40 mmHg). Le pantalon est gonflé après protection
importante est à éviter car elle est susceptible d’augmenter le des voies aériennes supérieures par une intubation de la trachée,

Médecine d’urgence 7
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

puis mise sous ventilation artificielle [54, 55] . La principale Tableau 2.


contre-indication est représentée par les lésions sus- Mise en conditions standardisée du patient.
diaphragmatiques. Circulation
Prévention et traitement d’une détresse neurologique Monitorage multimodal (FC, SpO2, PNI, EtCO2)
Deux voies d’abord veineuses de gros calibre (14 à 16 G) ± blood-pump
Lors d’un traumatisme crânien (TC), le risque principal est
représenté par l’ischémie cérébrale [58]. Celle-ci est en relation Remplissage vasculaire, cristalloïde et/ou colloïde
avec les lésions primaires dues au traumatisme (hématome Concentrés de globules rouges si hémoglobine < 60-70 g/l
intracrânien, contusion cérébrale...) et peut être aggravée par la Objectif PAS : 90 mmHg (120 mmHg si traumatisme crânien grave, per-
survenue de lésions dites secondaires en relation avec la sonne âgée ou porteuse de myocardiopathie ischémique ou hyperten-
survenue d’agressions d’origine centrale (hypertension intracrâ- sive)
nienne, crise comitiale, etc.) ou systémique (agressions cérébra- Contrôle régulier de l’hémoglobine à l’aide de dispositif de type
les secondaires d’origine systémique [ACSOS] : hypotension Hémocue®
artérielle, hypoxie, hypo- ou hypercapnie, anémie, hyperglycé- Mise en place d’un pantalon antichocs (à gonfler si besoin)
mie.). Les ACSOS doivent être traitées et prévenues lors de la Ventilation
prise en charge préhospitalière [59, 60]. Oxygénation au masque à haute concentration
L’objectif de pression artérielle est de maintenir une pression Intubation après induction en séquence rapide :
artérielle moyenne supérieure à 80 mmHg [61]. Il s’agit d’un
– GCS < 8
objectif prioritaire puisque le débit sanguin cérébral (DSC) et la
– détresse circulatoire ou respiratoire
pression de perfusion cérébrale (PPC) dépendent étroitement de
la pression artérielle moyenne (autorégulation du DSC/PAM). – brûlure étendue (> 40 %) et/ou avec atteinte cervicofaciale
Après le remplissage vasculaire, la noradrénaline est utilisée Ventilation : volume courant de 6 à 10 ml/kg, fréquence respiratoire de
pour atteindre l’objectif de pression. L’osmothérapie par 12 à 16 cycles/min
mannitol 20 % ou sérum salé hypertonique est à réserver aux Objectif : normocapnie et SpO2 > 96 %
situations d’hypertension intracrânienne avec apparition de Analgésie
signes d’engagement cérébraux [62]. La tendance actuelle est Réduction, immobilisation des foyers de fracture
d’augmenter les posologies des bolus de mannitol à 20 % Paracétamol (1 g), titration morphine : bolus de 1 mg/3 min i.v.l.
jusqu’à 1,5 à 3 g kg–1 [63].
Analgésie locorégionale, bloc tronculaire ou plexique, mépivacaïne 2 %
Les indications d’intubation trachéale et de ventilation (maximum : 4-6 mg kg–1). Examen neurologique au préalable +++
mécanique seront larges (score de Glasgow < 8) compte tenu
Prévention, traitement de l’hypothermie
des dangers bien établis de l’hypoxémie et de l’hypercapnie
mais également du risque de régurgitation et de pneumopathie FC : fréquence cardiaque ; PNI : pression non invasive ; G : gauge ; PAS : pression
artérielle systolique ; GCS : Glasgow coma score (score de Glasgow) ; i.v.l. :
d’inhalation. Celle-ci est idéalement réalisée après une induc- intraveineuse lente.
tion en séquence rapide [61] . L’intubation est réalisée de
préférence par voie orotrachéale en cas de traumatisme de la
face. La mobilisation du rachis cervicale est, dans tous les cas,
limitée et très prudente. Les objectifs de la ventilation mécani-
que sont de maintenir une PaO2 supérieure à 80 mmHg (SpO2
> 96 %) et une PaCO2 de 35-38 mmHg. L’hyperventilation avec
“ Conduite à tenir
hypocapnie profonde n’est justifiée que devant l’apparition de
Cinq conduites pratiques chez le traumatisé
signes d’engagement cérébraux [64].
sévère
La sédation du patient neurotraumatisé (neurosédation) est
débutée après un examen neurologique détaillé. Ses objectifs • Faire rapidement le bilan lésionnel, définir les gestes
sont multiples : adaptation au respirateur, analgésie, etc. Il est thérapeutiques d’urgence à réaliser et leur hiérarchisation,
recommandé d’utiliser l’association d’une benzodiazépine tenir précocement informé son médecin régulateur.
(midazolam) et d’un morphinique (fentanyl ou sufentanil). • Éviter toute perte de temps et ne pas chercher à
L’utilisation du pentobarbital est à réserver en seconde inten- stabiliser « à tout prix » un patient instable pour le
tion pour le traitement de l’hypertension intracrânienne transport, en particulier si celui-ci est court.
réfractaire [65]. • Orienter rapidement les patients les plus graves sur les
De la même manière qu’une réanimation précoce et de structures les plus adaptées à leur prise en charge.
qualité est capable de réduire de façon significative la mortalité • Les objectifs de la prise en charge hémodynamique sont
des traumas crâniens (TC) graves [66], un transfert rapide dans
le maintien d’une PAM voisine de 60 mmHg en l’absence
un centre spécialisé peut également améliorer le pronostic
global [67].
de TC grave, et voisine de 80 mmHg en cas de TC grave.
• La protection contre l’hypothermie est impérative,
compte tenu du risque d’aggravation d’une coagulo-
Mise en conditions standardisée du patient
pathie sous-jacente.
La mise en conditions d’un patient vise d’une part à restaurer
ou préserver les grandes fonctions physiologiques (essentielle-
ment ventilatoires et circulatoires) et d’autre part à assurer le
transport dans des conditions optimales de sécurité (Tableau 2). parfaitement connues : évacuation d’un hématome extra-
dural compressif, thoracotomie, laparotomie ou cervicotomie
d’hémostases. Enfin, la mise en condition ne doit pas aggraver
Bilan lésionnel
certaines lésions occultes, comme les lésions rachidiennes et ne
Les objectifs du bilan lésionnel sont multiples. Il permet doit pas faire perdre un temps précieux à un geste chirurgical.
d’établir une véritable cartographie du traumatisme et, ainsi, de Enfin, il ne faut pas perdre de vue que certains symptômes
déterminer le niveau d’urgence du transport, le moyen d’éva- peuvent être masqués par les conséquences d’associations
cuation (terrestre ou aéroporté) et enfin l’orientation optimale lésionnelles ou d’autres pathologies comme une intoxication
du patient traumatisé. éthylique.
Il ne s’agit pas de rappeler ici toutes les symptomatologies et
Traumatismes neurologiques (Fig. 6)
tous les diagnostics possibles, mais plutôt de préciser les
objectifs et la démarche qui en découle et d’attirer l’attention Le score de Glasgow est déterminé initialement puis réguliè-
sur les pièges les plus habituels. Par ailleurs, les indications rement. L’examen s’attache également à déterminer la présence
chirurgicales constituant une urgence extrême doivent être ou l’apparition de signe de focalisation, l’apparition de signes de

8 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Figure 6. Traumatismes neurologiques. Prise


Traumatisme crânien Traumatisme médullaire
en charge et risque de la mise en conditions.
grave grave
ACSOS : agression cérébrale secondaire d’ori-
gine systémique.

Hypotension, hypoxie, etc. Compression médullaire

Risque = anoxie/ischémie

Urgence thérapeutique

Objectifs thérapeutiques Urgences chirurgicales


• Contrôle des ACSOS • Avis neurochirurgical
• Intubation (séquence rapide) • Hématome extradural
- Hypnomidate® : 0,3 mg/kg i.v.l., puis - Intervalle libre
- Célocurine® : 1 mg/kg i.v.d. - Mydriase unilatérale
• VM à régler pour SpO2 > 96 % et EtCO2 - Aggravation régulière
35-38 mmHg ➔ Protection cérébrale
- Fréquence respiratoire : 12 à 18/min ➔ Traitement hypertension intracrânienne
- Volume courant : 6 à 10 ml/kg ➔ Évacuation de l'hématome
• Sédation (Ramsay 3-4) • Plaies craniocérébrales
- Hypnovel® : 4 à 10 mg/h, PSE ➔ Protection cérébrale
- Fentanyl® : 2 à 6 µg/kg/h, PSE ➔ Antibiothérapie
➔ Parage chirurgical
• PAS > 120 mmHg (ou PAM > 80 mmHg)
- Sérum salé isotonique, colloïde • Entorse, luxation vertébrales
- Noradrénaline si échec remplissage ➔ Immobilisation stricte, coquille + collier
cervical
• Décubitus dorsal ➔ Respecter axe tête-cou-tronc
• Si signes d'engagement : ➔ Empêcher hyperflexion et extension
- Mannitol 20 % : 2 ml/kg/4 h • Compression médullaire
- Thiopental : 1 à 2 mg/kg, i.v.l. (délai ++ < 6 heures)
- Hyperventilation ➔ Maintenir PAS > 120 mmHg
• Prévention hypothermie ➔ Décompression, fixation
• Contre-indiqué :
- Sérum glucosé, Ringer-Lactate®

déficit neurologiques périphériques. La fréquence du trauma-


tisme cervical chez le traumatisé crânien impose la mise en
rectitude systématique du rachis par un collier cervical.
Traumatismes thoraciques
L’arrêt respiratoire ou l’hypoventilation alvéolaire majeure
sont les situations de détresse vitale immédiate les plus habi-
tuellement rencontrées en pathologie traumatique. Elles peu-
vent être en relation avec une atteinte thoracique ou
extrathoracique. Quand elles sont thoraciques, elles peuvent
être dues à des troubles de la mécanique ventilatoire (volet
thoracique), la douleur (limitation de l’ampliation thoracique),
des épanchements pleuraux (hémo- et/ou pneumothorax) et,
enfin, des contusions pulmonaires (Fig. 7). Quand elles sont
extrathoraciques, elles peuvent être liées à un traumatisme
crânien (responsable de trouble de la conscience avec perte du
réflexe de déglutition, hypotonie musculaire et chute de la
langue en arrière), à une lésion médullaire haute (au-dessus de
C4) avec paralysie diaphragmatique, à un traumatisme maxillo-
facial (risque d’obstruction des voies aériennes supérieures par Figure 7. Coupe tomodensitométrique thoracique en fenêtre paren-
des corps étrangers tels que des dents, des débris osseux...), chymateuse montrant une contusion pulmonaire bilatérale sévère.
enfin, et beaucoup plus rarement, à une atteinte cardiaque avec
incompétence myocardique (contusion myocardique) et/ou de traumatisme, qui atteint préférentiellement l’isthme aortique,
rupture de pilier entraînant un tableau d’œdème aigu du doit être envisagé de principe chez tout traumatisé thoracique
poumon. (décélération horizontale ou verticale brutale). La présentation
clinique en est extrêmement variable [69]. Les lésions de l’aorte
Traumatismes des gros vaisseaux sont responsables d’une partie des décès préhospitaliers et
L’incidence des lésions aortiques lors de traumatisme thora- constituent une véritable urgence chirurgicale puisque 85 % des
cique est de 25 % dans un travail de Vignon et al. [68]. Ce type patients décèdent avant l’arrivée à l’hôpital et que, sur les 15 %

Médecine d’urgence 9
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Figure 10. Coupe tomodensitométrique abdominale montrant une


rupture splénique associée à un hémopéritoine.

Figure 8. Coupe tomodensitométrique thoracique en fenêtre médias- lésion neurologique en cas de rachis cervical instable et d’intu-
tinale montrant une rupture de l’isthme de l’aorte (image en balle de bation difficile proprement dits. Ces complications potentielles
tennis) associée à un hématome médiastinal. imposent le recours à une technique d’intubation adaptée, soit
intubation vigile, soit intubation après induction en séquence
rapide avec compression cricoïdienne [61]. Il est classiquement
déconseillé de réaliser l’intubation par voie nasotrachéale chez
un traumatisé maxillofacial. En effet, même si le risque de
placement accidentel de la sonde d’intubation en position
intracrânienne semble réduit, il a été admis que la présence ou
la suspicion d’une lésion ethmoïdale avec brèche dure-mérienne
était une contre-indication absolue à l’intubation nasotra-
chéale [74]. L’intubation rétrograde est proposée comme une
alternative possible en cas d’intubation difficile [75]. Enfin, en
cas d’épistaxis importante, des sondes à ballonnets peuvent être
mises en place. Leur insertion en cas de traumatisme maxillo-
facial doit être très prudente car elles peuvent avoir, à l’instar
des sondes d’intubation ou nasogastrique, des trajets ectopiques.
Leur bonne position doit être vérifiée par la palpation du
ballonnet derrière le voile du palais [76].
Traumatismes des membres et du bassin
Une luxation ou une fracture de membre doivent s’accompa-
gner de la recherche d’une atteinte vasculonerveuse avant de
Figure 9. Coupe tomodensitométrique abdominale montrant une vo- tenter toute réduction et immédiatement après ce geste. En ce
lumineuse contusion hépatique droite associée à un hémopéritoine. qui concerne les membres arrachés, il semble que 6 heures
d’ischémie chaude soient actuellement le délai maximum
survivants, 30 % décèdent dans les 6 heures [70]. Le diagnostic généralement admis [77]. Le fragment amputé doit être ache-
est le plus souvent fait par le scanner thoracique avec injection miné dans des conditions optimales d’asepsie et de froid.
(Fig. 8). Cependant, en période préhospitalière, une asepsie stricte est
souvent illusoire et il faut se contenter d’un simple rinçage au
Traumatismes abdominaux sérum physiologique, tout en évitant les solutions susceptibles
Ils sont à évoquer de principe chez tout polytraumatisé car ils de colorer les tissus (Fig. 11). Au niveau du moignon restant, la
représentent la première cause de choc hémorragique (plaie pose d’un garrot est à éviter car elle peut ajouter une lésion
d’un organe plein avec hémopéritoine). Les traumatismes vasculaire et nerveuse supplémentaire. En fait, l’hémorragie peut
hépatiques sont les plus fréquents (Fig. 9) après les traumatismes être le plus souvent facilement contrôlée avec un simple
spléniques (Fig. 10) [71, 72]. Les traumatismes pénétrants abdo- pansement compressif [77].
minaux peuvent être responsables de choc hémorragique, de Les fractures du bassin sont d’une gravité particulière surtout
perforation des organes creux et d’atteintes viscérales variables. lorsqu’elles s’associent à des hématomes rétropéritoneaux
Une atteinte extra-abdominale (thorax) est toujours à rechercher (Fig. 12) [57, 78]. Dans ce cadre, la mise en place d’un pantalon
de principe [73]. antichocs peut être utile en permettant la contention des
fractures du bassin, la diminution du saignement par contre-
Traumatismes maxillofaciaux pression externe et l’augmentation de la pression artérielle par
Parmi les différentes atteintes rencontrées chez le polytrau- élévation du retour veineux [57].
matisé, les traumatismes maxillofaciaux sont fréquents [48]. Les
Défenestration
principaux risques sont représentés par l’encombrement respi-
ratoire (chute de dents, inhalation de sang, etc.) et par certaines Il s’agit d’une forme de polytraumatisme particulier par sa
formes d’hémorragie grave (lésion de l’artère ethmoïdale gravité habituelle liée à la fréquence des atteintes hémorragiques
antérieure, etc.). Les complications sont avant tout d’ordre (hémopéritoine, hémopneumothorax ou hématome rétropérito-
fonctionnel et esthétique. Quelques situations nécessitent une néal) et de traumatisme crânien grave [2]. Une atteinte du rachis
prise en charge chirurgicale rapide : plaies de face, fracture de et de l’isthme aortique sont à évoquer de principe.
l’orbite de type « trap door », fracture de la mandibule, héma-
Brûlure
tome de la cloison nasale [48].
L’un des problèmes posés lors de la prise en charge de ce type Un brûlé grave peut souffrir de choc hypovolémique,
de patient est celui de l’intubation trachéale car, dans le d’hypoxie, d’hypothermie en plus de phénomènes douloureux
contexte de l’urgence, celle-ci expose le traumatisé au risque très importants. Une intoxication au monoxyde de carbone et
d’inhalation bronchique (5 % en phase préhospitalière), de au cyanure est à rechercher systématiquement, en particulier en

10 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Figure 11. Délabrement sévère du pied droit


avec l’image radiographique correspondante.

Tableau 3.
Prise en charge d’une brûlure grave.
1. Refroidissement : eau tiède pendant 10 à 15 minutes (hypothermie)
2. Remplissage vasculaire :
– Ringer-Lactate® (formule de Parkland) : 2 ml/kg/% de surface brûlée à
passer dans les 6-8 premières heures
– En cas d’hypotension persistante : macromolécules
3. Oxygénation, protection des voies aériennes supérieures (risque
d’œdème ++)
Intubation trachéale si :
– brûlures cervicofaciales, brûlures ≥ 50 %
– brûlure de l’arbre respiratoire, blast
– traumatisme grave associé
Figure 12. Coupe tomodensitométrique abdominale révélant un très – troubles de conscience (évoquer une intoxication au CO ou au cya-
volumineux hématome rétropéritonéal associé à un arrachement du nure : traitement par hydroxocobalamine : 5 g en 30 minutes, i.v.l.)
pédicule rénal gauche et à un hémopéritoine. 4. Anesthésie : induction, entretien
Induction : étomidate (0,3-0,5 mg kg–1) ou kétamine (3 mg kg–1) associés
à la succinylcholine (1 mg kg–1)
Entretien : midazolam (0,05 à 0,15 mg kg–1 h–1) et fentanyl (2,5 à

“ Points forts 10 µg kg–1 h–1) ou kétamine (3 à 5 mg kg–1 h–1)


5. Analgésie
Morphine : titration par paliers de 1 mg/3 minutes
Chercher des lésions associées à celle du bassin.
6. Prévention, traitement de l’hypothermie
Le traitement préhospitalier associe le remplissage
vasculaire aux catécholamines en cas d’hypotension
persistante. Il faut penser à la contention pelvienne Parkland [81]. Le soluté de référence est le Ringer-Lactate®. Il est
précoce en cas de forte suspicion de trauma grave du possible d’associer des colloïdes en cas de choc hypotensif [82].
bassin et d’échec des mesures de réanimation. L’analgésie préhospitalière est impérative en raison du
Les patients instables avec une forte suspicion de caractère extrême des phénomènes douloureux (exception faite
traumatisme grave du bassin doivent être orientés des brûlures du 3e degré). Elle fait appel à la titration par un
prioritairement sur des centres disposant d’une capacité morphinique. L’anesthésie est induite en séquence rapide. Il
chirurgicale et artériographique H24. faut néanmoins avoir à l’esprit, lors de l’utilisation de la
succinylcholine, le risque d’hyperkaliémie en cas de brûlure
sévère très étendue. L’entretien de l’anesthésie repose sur
l’association benzodiazépine-morphinique ou benzodiazépine-
cas de feu dans un espace clos. La qualité des premiers soins va kétamine. Durant le transport, une attention particulière est
conditionner l’évolution locale et systémique de la brûlure [79]. accordée à la prévention de l’hypothermie. Enfin, les brûlures
Le premier geste à effectuer est de refroidir la brûlure (limitation profondes de plus de 15 %, les brûlures des voies respiratoires,
de la profondeur de la brûlure) en prenant garde à ne pas les brûlures avec un risque fonctionnel (extrémités) ou esthéti-
surajouter une hypothermie (personnes âgées, enfants) [80]. que important et les brûlures chimiques doivent être adressées
L’évaluation de l’importance de la brûlure repose sur la combi- à un centre spécialisé [79]. Les brûlures circulaires doivent faire
naison de la profondeur (définie en 1er, 2e et 3e degré) et sur la évoquer et rechercher une ischémie d’un membre qui justifie la
surface totale de brûlure, évaluée le plus souvent par la règle des réalisation d’incisions de décharge en urgence (Fig. 13).
9 de Wallace (9 % : extrémité céphalique et chaque bras ; 18 % :
tronc antérieur, tronc postérieur et chaque membre inférieur,
Surveillance du patient polytraumatisé
1 % des organes génitaux externes [OGE]). Chez l’enfant, des Elle doit être de type « multimodal » et comporter obligatoi-
tables en fonction de l’âge sont disponibles. La prise en charge rement la fréquence cardiaque, la pression artérielle non
thérapeutique des brûlés graves va comporter trois axes princi- invasive, la SpO2. La surveillance de la fraction expirée de gaz
paux : hydratation, protection des voies aériennes et oxygéna- carbonique (EtCO 2 ) permet de détecter précocement une
tion, analgésie (Tableau 3). L’hydratation d’un brûlé est capitale intubation œsophagienne [83], d’évaluer la perfusion tissulaire,
en raison des pertes hydriques cutanées très importantes, sous de surveiller la ventilation mécanique et d’adapter la ventilation
peine de voir apparaître rapidement une insuffisance rénale. Le mécanique [29]. Il s’agit d’un paramètre fiable à condition de
remplissage vasculaire est guidé par la formule modifiée de tenir compte des aléas de la mesure lors d’une hypotension

Médecine d’urgence 11
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

histoire pulmonaire ancienne (tabagisme, bronchopneumopa-


thie chronique obstructive [BPCO]). Le tableau clinique peut
associer : tachypnée, cyanose, sueurs, tirage sus-sternal et sus-
claviculaire, respiration paradoxale. Un encombrement bron-
chique est souvent présent. Différents signes de gravité sont à
repérer et font proposer une stratégie thérapeutique d’emblée
agressive (Tableau 4). La thérapeutique associe au traitement
étiologique un traitement symptomatique (bronchodilatateur,
corticoïde) et de plus en plus fréquemment une ventilation non
invasive (VNI) (Tableau 4). La VNI est une technique d’assis-
tance respiratoire (Fig. 1) qui permet de diminuer le travail
respiratoire en améliorant l’oxygénation tout en réduisant la
fréquence d’intubation orotrachéale et la mortalité hospita-
lière [85, 86]. Cependant, son utilisation réclame une formation
particulière et très peu d’études sont disponibles quant à son
utilisation en situation préhospitalière.

Asthme
On distingue différents types de crise d’asthme : la crise
Figure 13. Brûlure circulaire du 3e degré du pied gauche ayant béné- prolongée inhabituelle (durée prolongée et/ou mauvaise réponse
ficié d’aponévrotomie de décharge. au traitement), l’asthme aigu grave (crise d’intensité inhabi-
tuelle) et enfin, l’asthme suraigu (stade le plus aigu du bron-
chospasme, risque de mortalité important). Parmi les facteurs
déclenchants, on retrouve : l’exposition à un allergène, un

“ Conduite à tenir
nouveau traitement médicamenteux, une surinfection bronchi-
que, l’arrêt du traitement de fond (particulièrement les corticoï-
des). Les signes de gravité et la prise en charge thérapeutique
La prise en charge préhospitalière du brûlé sont détaillés dans le Tableau 4. La thérapeutique associe des
associe : bronchodilatateurs, des anticholinergiques, des corticoïdes au
• refroidissement et limitation de l’extension de la traitement d’un facteur déclenchant. En cas d’échec, il est
possible d’associer des b-agonistes intraveineux (i.v.) ou de
brûlure, prévention de l’hypothermie ;
l’hélium inhalé (transformation de flux turbulent en flux
• examen de la brûlure (surface, profondeur) et bilan laminaire et baisse du travail respiratoire) [87]. L’échec de ces
lésionnel approfondi en cas de traumatisme associé ; traitements entraîne le recours à la ventilation mécanique.
• analgésie par dérivés morphiniques. Anesthésie
générale en cas de surface cutanée brulée supérieure à Prise en charge d’une détresse
40 % et/ou atteinte des voies respiratoires ;
cardiogénique
• recherche d’une intoxication au CO ou au cyanure en
cas de trouble de conscience ; Les principales situations rencontrées sont la dissection
• remplissage précoce, adapté à la surface cutanée brulée aortique, l’infarctus du myocarde, l’insuffisance ventriculaire
gauche, les troubles du rythme et l’arrêt cardiorespiratoire.
et au poids du patient à base de cristalloïdes et de
colloïdes en cas d’hypotension ; Arrêt cardiorespiratoire
• orientation sur un centre spécialisé en cas de brûlure
La grande majorité des arrêts cardiaques inopinés sont
étendue et/ou d’atteinte de zones fonctionnelles et/ou en initialement des fibrillations ventriculaires (FV). La défibrillation
fonction du terrain (enfant, tares associées). immédiate peut permettre une survie jusque dans 90 % des cas,
alors que les chances de survie finale diminuent de 10 % par
minute de retard dans la mise en route des gestes élémentaires
marquée ou lors de lésions parenchymateuses susceptibles de de survie (GES) [88] . Lorsque la récupération d’une activité
modifier le gradient PetCO2-PaCO2 [84]. Une sonde thermique circulatoire spontanée (RACS) n’est pas obtenue après les seuls
peut être utile lors d’intervention prolongée ou en zone de premiers chocs électriques, la réanimation cardiopulmonaire
montagne. L’estimation de la concentration d’hémoglobine spécialisée, associant adrénaline et/ou substances antiarythmi-
avant le remplissage et régulièrement au cours de la prise en ques, est nécessaire. Les chances de survie se réduisent alors de
charge peut se faire par des dispositifs portables (Hemocue® AB, façon dramatique. L’accent est mis actuellement sur l’apprentis-
Angelhom, Sweden) ou des dispositifs à hématocrite. Il est sage au plus grand nombre des GES, seul moyen pour espérer
également actuellement possible de disposer d’appareillage améliorer la survie des patients en arrêt cardiaque. Dans cette
portable et léger de mesure des gaz du sang (I-stat ® , optique, les GES ont été simplifiés [89] . La prise en charge
Hewlett-Packard). thérapeutique de l’arrêt cardiaque vient d’être actualisée et de
nouvelles recommandations ont été proposées. Les principales
Prise en charge d’une détresse respiratoire modifications concernent le rythme de l’alternance massage-
ventilation (30/2 versus 15/2), le rythme du massage (100/
Les détresses respiratoires non traumatiques sont des situa- min), la prise en charge de la fibrillation ventriculaire (massage
tions fréquentes en médecine préhospitalière. Les principales cardiaque préalable), ainsi que la poursuite du traitement en
causes sont représentées par les décompensations aiguës réanimation après une RACS (intérêt de l’hypothermie)
d’insuffisance respiratoire chronique et par les crises d’asthme. (Fig. 14).
Les pneumopathies infectieuses et les embolies pulmonaires Lors d’une asystolie, la thérapeutique repose sur l’association
sont plus rarement rencontrées. des gestes de réanimation cardiopulmonaire (massage cardiaque
externe [MCE], intubation orotrachéale [IOT] et ventilation en
Décompensation aiguë d’insuffisance respiratoire
oxygène pur) à l’injection intraveineuse de bolus d’adrénaline
chronique (IRC) (1 mg/3 à 5 min) [90]. Celle de la FV (ou de la tachycardie
La principale étiologie est la surinfection bronchopulmonaire. ventriculaire sans pouls) repose avant tout sur la défibrillation
Parmi les autres étiologies, on peut trouver l’introduction d’un auquel est associée, en cas d’échec de la défibrillation, l’adréna-
nouveau traitement médicamenteux, l’embolie pulmonaire, ou line (bolus de 1 mg, à répéter toutes les 3 à 5 minutes) ou la
un pneumothorax. On retrouve fréquemment la notion d’une vasopressine (bolus unique de 40 unités internationales

12 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Tableau 4.
Signes de gravité et traitement des décompensations d’insuffisance respiratoire chronique (IRC) et des crises d’asthme.
Décompensation d’IRC Crise d’asthme
Modalités thérapeutiques Modalités thérapeutiques
Oxygénothérapie au masque à haute concentration pour SpO2 ≈ 90 % Oxygène au masque haute concentration
Traitement du bronchospasme (cf. asthme) Nébulisation (maximum 3/h) : Salbutamol® : 2,5 à 5 mg/15 min et Atro-
VNI : AI : 12 à 20 ; PEEP : 4 à 6, à adapter pour SpO2 > 90 % et FR [15-29] vent® : 0,5 mg, en cas d’échec : Salbutamol® : 0,5 à 4-6 mg h–1, i.v. (PSE)
Traitement de l’étiologie Méthylprednisolone : 1 à 1,5 mg kg–1, i.v.d
Malade assis, monitorage complet (SpO2, FC, PNI) Hélium (Héliox®) avec une fraction inspirée d’hélium ≥ 60 %
À discuter : sulfate de magnésium (bolus de 2 à 3 g) ; kétamine : 0,1 mg kg–1
puis 0,5 mg kg–1 h–1 (associé à atropine : 0,01 mg kg–1)
Signes de gravité Signes de gravité
Encombrement bronchique + toux inefficace, fréquence respiratoire > FR > 30, disparition des sibilants, cyanose, sueurs, malade aphone
35 cycles/min Trouble de la conscience, agitation
Trouble de la conscience Pouls paradoxal > 30 mmHg
Respiration paradoxale thoracoabdominale DEP < 120 l/min
Absence de correction SpO2 ⇒ Intubation trachéale après induction en séquence rapide ± kétamine. VAC,
Bradycardie, hypotension Vt : 5 à 7 ml/kg ; FR : 8 à 10 ; FiO2 : 1, ± curarisation : Tracrium® : 0,5 mg kg–1
⇒ Intubation trachéale après induction de l’anesthésie, VAC : Vt < 10 ml/kg, puis 0,5 mg kg–1 h–1
fréquence 8-12/min
VNI : ventilation non invasive ; AI : aide inspiratoire ; PEEP : positive end-expiratory pressure ; Vt : tidal volume ; FR : fréquence respiratoire ; PNI : pression non invasive ; VAC :
ventilation assistée contrôlée ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v. : intraveineux ; i.v.d. : intraveineux direct ; DEP : débit expiratoire de pointe.

Absence de mouvement
ou de réponse à l'appel

Demander de l'aide

Libérer les voies aériennes


Rechercher des « signes de vie »

Appel des secours (15 ou 18)

Si pas de ventilation,
donner 2-5 insufflations
Si pas de réponse, vérifier le pouls
pendant 10 secondes a

Débuter RCP de base = 30 : 2


Continuer jusqu'au branchement du défibrillateur

Analyse du rythme

Fibrillation ventriculaire Asystole / AESP

Réanimation spécialisée
1 choc électrique externe • IOT + ventilation en O2 pur
• Abord vasculaire
• Corriger les causes réversibles
• MCE continu après IOT
• Adrénaline 1 mg/3-5 min
Reprise RCP pour 5 cycles • Amiodarone si FV résistante RCP pour 5 cycles
de 30/2 (2 min) à 2 CEE de 30/2 (2 min)

Figure 14. Arbre décisionnel. Prise en charge de l’arrêt cardiorespiratoire. aLa prise de pouls est effectuée par tout secouriste entraîné ou professionnel de
santé. AESP : activité électrique sans pouls ; RCP : réanimation cardiopulmonaire ; IOT : intubation orotrachéale ; CEE : choc électrique externe ; FV : fibrillation
ventriculaire ; MCE : massage cardiaque externe. D’après [1].

[UI]) [90]. Il est actuellement proposé de commencer par une traitement de la FV, l’amiodarone (injection lente de 300 mg
courte séquence de massage cardiaque avant de défibriller le dilués dans 20 ml) est actuellement préférée dans les recom-
patient [90] . Des antiarythmiques peuvent être associés au mandations internationales à la lidocaïne (1,5 mg/kg, i.v.d.) [90].

Médecine d’urgence 13
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Tableau 5.
Présentation clinique et traitement de la dissection aortique.
Présentation clinique Prise en charge thérapeutique
Douleur thoracique rétrosternale violente ± syncope inaugurale Contrôle tensionnel
Migratrice ± irradiations postérieures et descendantes – Hypo-PA : remplissage vasculaire ± catécholamine ⇒ PAS : 100-120 mmHg
Signes associés – HTA : PAS < 130 mmHg
– Asymétrie des pouls (mesure de la pression artérielle aux 4 membres +++) – Association b-bloquant + vasodilatateur
– Insuffisance aortique aiguë → Brevibloc® : 0,5 mg kg–1 en 1 min puis 100 à 200 µg kg–1 min–1 au PSE
– Accident ischémique transitoire → Nipride® : 0,5-10 µg kg–1 min–1 (PSE), palier de 0,5 à 1 µg kg–1 min–1
Signes de gravité → Loxen® : bolus de 1 mg min–1 puis 1 à 5 mg h–1
– HTA Analgésie
– État de choc (rupture aortique ?) – Paracétamol : 1 g i.v.d.
Complications – Titration morphine (bolus de 1 mg/3 min)
– Tamponnade Oxygénation
– Ischémie aiguë (membre, viscérale) Intubation si : trouble de conscience, hypoxémie sévère, état de choc
– Compression locale (dysphagie, syndrome cave supérieur ou de Claude
Bernard-Horner)
HTA : hypertension artérielle ; PSE : pousse-seringue électrique ; i.v.l. : intraveineux lent ; PA : pression artérielle ; PAS : pression artérielle systolique.

.4
Des dispositifs de massage cardiaque automatiques ont été 48 heures n’est que de 50 %. La présentation clinique est le plus
récemment proposés et permettent un MCE continu à la souvent celle d’une douleur thoracique violente, volontiers
fréquence de 80 à 100 compressions par minute. migrante (Tableau 5) [93]. Le principal diagnostic différentiel de
Les deux dispositifs actuellement disponibles sont l’Auto- la dissection est celui de l’infarctus du myocarde, qui peut être
pulse® (laboratoire Zoll) et le Lucas® (laboratoire Medtronic). difficile puisque les dissections aortiques s’accompagnent
S’ils sont potentiellement très intéressants, en particulier dans fréquemment de modification de l’électrocardiogramme (ECG)
une optique de prélèvement d’organe à cœur arrêté, l’efficacité (tachycardie, hypertrophie ventriculaire gauche, anomalie de la
.2
lors de la prise en charge de l’arrêt cardiaque d’origine médicale repolarisation). La prise en charge thérapeutique initiale est
reste à démontrer et les premiers résultats semblent contradic- guidée par le contrôle de la pression artérielle (Tableau 5).
toires [91, 92]. Compte tenu de la gravité de l’évolution spontanée, le patient
Il sera important de toujours chercher et traiter une étiologie doit impérativement être dirigé vers sur un centre de chirurgie
de l’arrêt cardiorespiratoire (ACR) (hypothermie, hypoxie, cardiovasculaire si le diagnostic est fortement suspecté.
hypovolémie, pneumothorax, hyper- ou hypokaliémie, tam-
ponnade, intoxication). Une fois la reprise d’activité cardiocir- Infarctus du myocarde
culatoire obtenue, le traitement de base de l’encéphalopathie Les syndromes coronaires aigus (SCA) étaient au préalable
anoxique sera entrepris (neuroprotection, maintien pression de répartis en infarctus du myocarde (IDM), infarctus sans onde Q
perfusion cérébrale). et angor instable. Ils sont actuellement classifiés en SCA avec ou
Enfin, en dehors de certaines intoxications (b-bloquant, sans élévation du segment ST. La prise en charge thérapeutique
digitalique) et de l’hypothermie (< 32 °C), la réanimation ne est actuellement bien définie. Elle repose sur l’association de
sera pas prolongée au-delà de 30-40 minutes. techniques de reperfusion (fibrinolyse, angioplastie ou pontage
coronaire) et de traitements symptomatiques (b-bloquant,
antiagrégant, anticoagulant, antalgique, dérivés nitrés). La
stratégie thérapeutique à mettre en œuvre dans les SCA va

“ Points forts dépendre étroitement de différents paramètres dont le type de


SCA, la durée d’évolution des symptômes, le délai pour la
réalisation d’une angioplastie et les antécédents du patient [94].
Le pronostic de l’arrêt cardiaque est d’autant meilleur La prise en charge est résumée sur la Figure 15.
qu’une réanimation a été débutée précocement. L’accent Insuffisance ventriculaire gauche
est actuellement mis sur le massage cardiaque et la
Il s’agit d’une cause fréquente d’hospitalisation en urgence.
défibrillation précoce. Le massage est réalisé sur la base de
La présentation clinique va de l’œdème aigu du poumon
30 massages pour 2 insufflations. jusqu’au choc cardiogénique.
Une courte phase de réanimation doit précéder la
délivrance d’un choc électrique externe (CEE). Œdème aigu du poumon
L’adrénaline reste le médicament de référence dans l’arrêt Différents facteurs peuvent contribuer à déclencher un
cardiaque quel que soit le rythme initial. Elle s’injecte par œdème aigu du poumon (trouble du rythme, IDM, traitement
bolus de 1 mg/3 à 5 minutes. L’amiodarone s’utilise dans médicamenteux, poussée hypertensive...). L’insuffisance ventri-
la FV en cas de FV résistante. culaire gauche entraîne une augmentation des pressions vei-
neuses pulmonaires qui conduit à une inondation du
Après la reprise d’activité cardiocirculatoire, en cas de FV,
compartiment alvéolaire par un transsudat qui limite ainsi le
une hypothermie à 32-34 °C doit être induite. En cas transfert de l’oxygène de l’alvéole vers le vaisseau [95]. Le tableau
d’asystole ou d’activité électrique sans pouls, est stéréotypé : crise aiguë dyspnéique de début brutal et le plus
l’hypothermie peut également être proposée. souvent nocturne. L’auscultation révèle des râles crépitants des
deux champs, plus rarement des râles sibilants (pseudoasthme
cardiaque).
La prise en charge repose sur le traitement du facteur déclen-
Dissection aortique
chant (trouble du rythme, infarctus du myocarde, poussée
Il s’agit d’une pathologie vasculaire fréquente qui concerne hypertensive...) et le traitement symptomatique. Celui-ci fait
avant tout l’homme hypertendu, âgé de 50 à 70 ans. Chez actuellement appel à l’association d’un traitement médicamen-
l’homme jeune, une douleur thoracique typique doit faire teux et de la continuous positive airway pressure (CPAP).
évoquer le diagnostic, en particulier s’il existe un profil de type Traitement médicamenteux. Il associe classiquement les
marfanoïde. Le pronostic spontané est grave puisque la survie à dérivés nitrés à un diurétique de l’anse afin de réduire la

14 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Douleur thoracique évocatrice de SCA

- Pouls, PA, examen clinique, ECG


- VVP + Aspégic® : 250 mg i.v.d.
- O2
- Dérivé nitré en spray
- Analgésie, titration morphine (1 mg)

ECG 12 dérivations

Sus-décalage de ST Sous-décalage de ST
BBG non connu Inversion onde T

- Reperfusion : Si < 75 ans = énoxaparine : 0,3 ml


Si douleur < 3 heures = fibrinolyse i.v.d. puis 0,1 mg/kg/12 h s.c.
• Métalyse®, bolus selon le poids Si > 75 ans = héparine : bolus de 60 UI/kg
(max 4000 UI) puis 12 UI/kg/h
• < 75 ans = énoxaparine : 0,3 ml i.v.d.
(70 kg, max 1000 UI/h)
puis 0,1 mg/kg/12 h s.c.
Clopidogrel : 300 mg p.o.
• > 75 ans = héparine : bolus de 60 UI/kg
(max 4000 UI) puis 12 UI/kg/h (> 70 kg, Inhibiteur GpIIbIIIa
max 1000 UI/h) β-bloquant i.v. pour FC < 75 bat/min
Si douleur 3-6 heures
• Délai pour angioplastie
< 90 min = angioplastie
> 90 min = fibrinolyse
Douleur > 6 heures = angioplastie Pas de modification de l'ECG

- Traitements adjuvants :
Clopidogrel : 300 mg p.o. (600 mg si
angioplastie ?) ECG à répéter
β-bloquant : aténolol i.v. pour FC < 75 bat/min Dosage de la troponine
Analgésie : paracétamol, morphine en Surveillance
titration par bolus de 1 mg i.v.d. Test d'effort

Figure 15. Arbre décisionnel. Prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA). ECG : électrocardiogramme ; i.v.d : intraveineux direct ; UI : unités
internationales ; FC : fréquence cardiaque ; PA : pression artérielle ; VVP : voie veineuse périphérique ; s.c. : sous-cutanée ; p.o. : per os.

précharge. La morphine, qui était traditionnellement utilisée montré ces dernières années son efficacité pour réduire le
dans cette indication, est actuellement réservée au traitement de recours à l’intubation trachéale et la mortalité, que ce soit en
la douleur accompagnant un infarctus du myocarde. Il semble mode CPAP ou en mode ventilation spontanée avec aide
actuellement que le traitement, quand il est débuté en préhos- inspiratoire-positive end expiratory pressure (VSAI-PEEP) [98]. Il ne
pitalier, s’accompagne d’une réduction de la mortalité [96]. Le semble pas y avoir de bénéfice d’une modalité ventilatoire sur
mode d’administration des nitrés est également discuté. Cotter l’autre [99]. L’usage de la CPAP s’accompagne d’une amélioration
et al. ont ainsi montré que l’incidence de l’intubation trachéale de la fonction systolique et/ou d’une diminution de la pré-
et d’infarctus du myocarde était réduite par l’utilisation de bolus charge [100]. En ce qui concerne l’usage préhospitalier de la
i.v. de dérivés nitrés (3 mg 5 min–1) associés à de petites doses CPAP, très peu d’études sont disponibles mais il semble que les
de furosémide (40 mg) comparée à l’utilisation des dérivés nitrés dispositifs de CPAP légères de type Boussignac (Fig. 16) soient
au pousse-seringue (1 mg h–1, augmenté de 1 mg 10 min–1) aussi efficaces que des dispositifs conventionnels plus
associée à de plus fortes doses de furosémide
lourds [101].
(80 mg 15 min–1) [97]. La réduction de la postcharge, quand elle
est élevée (HTA), fait également partie des objectifs thérapeuti- Choc cardiogénique
ques. Cela peut être obtenu par plusieurs types d’agents
pharmacologiques tels que les dérivés nitrés à fortes doses et les Il peut être lié à différentes pathologies : IDM, lésions
inhibiteurs calciques. Les digitaliques sont classiquement utilisés valvulaires aiguës (insuffisance aortique ou mitrale), tampon-
en association avec les dérivés nitrés et peuvent être utiles pour nade, dissection aortique, myocardite toxique ou infectieuse. Il
ralentir la fréquence cardiaque. Les catécholamines ou le complique environ 10 % des IDM et sa mortalité est estimée à
levosimendan sont à réserver au traitement des états de choc. 80 % [102]. Il est vraisemblable qu’une prise en charge agressive
Ventilation non invasive. Les patients avec un œdème aigu est justifiée en cas de choc cardiogénique sur IDM. Elle associe
du poumon peuvent bénéficier de différentes modalités venti- au mieux une technique de revascularisation précoce par
latoires qui vont de l’administration d’O 2 à fort débit au angioplastie percutanée (APC) ou pontage coronaire (PAC). Si
masque à haute concentration jusqu’à la ventilation mécanique besoin, un soutien hémodynamique par un ballon de contre-
conventionnelle. Entre les deux, la ventilation non invasive a pulsion diastolique intra-aortique (CPBIA) pourra être initié [103].

Médecine d’urgence 15
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

Tableau 6.
Prise en charge du choc cardiogénique.
Traitement étiologique
Réduction d’un trouble du rythme ou de la conduction (cf. infra)
Traitement d’une poussée hypertensive : Loxen®, bolus de 1 mg min–1
i.v.d. puis relais par perfusion continue (2 à 4 mg h–1, palier de
0,5 mg h–1)
Revascularisation en urgence (angioplastie ou pontage coronaire) si ori-
gine ischémique
Drainage d’un hémopéricarde/traitement d’une dissection aortique
Traitement symptomatique
Oxygène à haut débit, CPAP (PEEP de 5 à 10 mmHg)
Diurétique type diurétique de l’anse, 40 à 80 mg, i.v.l.
Inotrope/vasoconstricteur (PAS < 100 mmHg) : objectif : PAM >
60 mmHg :
– dobutamine : 2 à 20 µg kg–1 min–1
– en cas d’échec : adrénaline : 0,1 à 0,15 µg kg–1 min–1
– en cas d’échec : noradrénaline : 0,1 à 0,15 µg kg–1 min–1
Dérivés nitrés (PAS > 100 mmHg) : ex. : Lénitral® : 0,25 à 1 µg kg–1 min–1
± dose de charge de 1 à 3 mg i.v.l.
Inodilatateur (PAS > 100 mmHg) : inhibiteur des phosphodiestérases
(ex. : milrinone : 0,3 à 0,75 µg kg–1 min–1)
Figure 16. Exemple de mise en place d’une continuous positive airway En cas d’échec des mesures pharmacologiques : CPBIA, assistance ven-
pressure (CPAP) de type Boussignac pour le traitement d’un œdème aigu triculaire externe (ex. : Thoratec™)
du poumon (OAP). CPAP : continuous positive airway pressure ; PEEP : positive end-expiratory pressure ;
i.v.d. : intraveineux direct ; PAM : pression artérielle moyenne ; PAS : pression
artérielle systolique ; i.v.l. : intraveineux lent ; CPBIA : contre-pulsion par ballon
intra-aortique.

qu’une bradycardie bien tolérée est surveillée étroitement, la


présence de signes de mauvaise tolérance, qui peuvent se
manifester par un tableau de défaillance myocardique (œdème
aigu du poumon [OAP], choc cardiogénique), de trouble de
conscience (agitation, coma) ou de douleur thoracique (tachy-
cardie anginogène) sont à traiter de manière énergique. Un ECG
est à réaliser immédiatement lors de la prise en charge d’un
trouble du rythme. Il va permettre de différencier les tachycar-
dies (supraventriculaire et ventriculaire) des bradycardies, et de
donner une orientation sur le mécanisme du trouble du rythme,
ainsi que sur la démarche thérapeutique à suivre [109].
Dans les formes les plus graves de tachycardie, le traitement
de choix est le plus souvent représenté par le choc électrique
externe. Il faut cependant garder à l’esprit que la réalisation
d’un choc électrique nécessite l’anesthésie du patient, ce qui, en
préhospitalier, n’est pas sans risque (estomac plein...). De la
même façon, l’utilisation des antiarythmiques n’est pas dénuée
de complications. Les indications seront à discuter très précisé-
ment, au mieux directement avec le cardiologue du service
d’accueil. Dans la plupart des cas, la mise en route du traite-
ment peut attendre l’arrivée dans un service spécialisé. La prise
en charge des tachycardies est résumée sur la Figure 18.
Figure 17. Transfert interhospitalier d’un patient sous contre-pulsion
Les bradycardies, quand elles sont mal tolérées et quand elles
diastolique intra-aortique.
sont liées à un trouble de conduction auriculoventriculaire de
haut degré, sont traitées par l’isoprotérénol (0,5 à 1,5 µg min–1),
L’utilisation du CPBIA, suivie d’une coronarographie diagnosti- par l’adrénaline (2 à 10 µg min–1) ou par entraînement électro-
que, voire d’un geste de revascularisation peut réduire la systolique externe (EEE) et plus rarement par la mise en place
mortalité [104-106]. Ainsi, pour les patients présentant un IDM d’une sonde d’entraînement intracavitaire [109]. La posologie des
compliqué d’un choc cardiogénique dans un centre ne dispo- catécholamines ou la fréquence de stimulation sont ensuite
sant pas de possibilité de revascularisation (APC ou PAC), la ajustées en fonction de la réponse clinique. On considère que
mise en place d’une CPBIA pourrait permettre le transport dans l’objectif minimum est d’au moins 50 bat/min. L’utilisation de
de meilleures conditions hémodynamiques. De la même façon, l’EEE nécessite, en raison de sa pénibilité, l’association d’une
les chocs cardiogéniques d’origine non ischémique (toxique, sédation, le plus souvent à base de benzodiazépine. Il est
infectieux) pourraient bénéficier de la mise en place de indispensable dans ces circonstances d’éliminer des causes
CPBIA [107]. Cependant, cela suppose une formation adéquate secondaires de bradycardies telles que l’hypoglycémie, l’hypo-
des équipes de transport (Fig. 17) et des relations étroites avec thermie, l’hypovolémie et de rechercher une intoxication
les services de soins intensifs cardiologiques ou de réanimation médicamenteuse (b-bloquant, digitalique).
chirurgicale cardiologique [108]. Les modalités de prise en charge
sont détaillées dans le Tableau 6. Prise en charge d’une détresse
Troubles du rythme cardiaque neurologique
L’attitude thérapeutique face à un trouble du rythme est Les détresses neurologiques suivantes sont fréquemment
étroitement dépendante de sa tolérance clinique [109]. Alors rencontrées en médecine d’urgence. Leur prise en charge

16 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

Tachycardie

- Oxygénation
- Voie veineuse périphérique
- Monitorage ECG
- Identifier et traiter une cause curable

Stable Patient stable Instable

ECG 12 dérivations Cardioversion


- Après sédation
- Avis cardiologique

QRS fins QRS larges

TC régulière TC irrégulière TC régulière TC irrégulière

- Manœuvres vagales Probable FA ou flutter - Si tachycardie - Torsade de pointes :


- Adénosine : 6 mg auriculaire : ventriculaire ou rythme magnésium 3 g i.v.d.
en bolus i.v., 12 mg contrôle du rythme : incertain : - FA + trouble conduction :
si échec • Diltiazem (0,3 mg/kg) amiodarone : 150 mg diltiazem (0,3 mg/kg)
ou β-bloquant en i.v.l. ou β-bloquant
- Si échec, • Avis cardiologique - Si TSV avec trouble - FA + WPW :
TSV avec réentrée ?
conduction : • éviter les agents
• Diltiazem (0,3 mg/kg)
adénosine (6 mg en bloqueurs du nœud AV
ou β-bloquant
bolus i.v.) (diltiazem, adénosine,
• Avis cardiologique
- Avis cardiologique digoxine)
• amiodarone
(150 mg i.v.l.)
• avis cardiologique

Figure 18. Arbre décisionnel. Prise en charge des tachycardies. FA : fibrillation auriculaire ; TSV : tachycardie supraventriculaire ; WPW : Wolf-Parkinson-
White ; i.v. : intraveineux ; ECG : électrocardiogramme.

suppose une bonne connaissance de la sémiologie et des En dehors de la détermination de la glycémie capillaire
moyens diagnostiques et thérapeutiques à notre disposition. (réalisable avant la mise en condition pour le transport), la
natrémie et la calcémie seront systématiques à l’arrivée en
État de mal épileptique réanimation. Dans 15 à 20 % des cas, l’enquête étiologique est
L’état de mal épileptique (EDME) convulsif est une condition négative. L’objectif du traitement de l’EDME est d’obtenir la
menaçant le pronostic vital. Il se définit comme des crises cessation rapide et durable des crises [112].
partielles ou généralisées, prolongées, sans récupération com- Le traitement en urgence fait appel en première intention aux
plète entre les crises, et pouvant causer une anoxie cérébrale. benzodiazépines (diazépam : 10-20 mg ; clonazépam : 1-2 mg)
L’EDME généralisé ou larvé engage le pronostic vital et peut qui ont une action rapide et une bonne tolérance s’ils sont
laisser des séquelles neurologiques telles qu’un déficit moteur, administrés en injection intraveineuse lente. Ils permettent
une atteinte des fonctions cognitives, une détérioration intel-
d’obtenir la cessation des crises dans 80 % des EDME convulsifs
lectuelle, l’apparition d’une maladie épileptique ou l’aggravation
généralisés. L’injection peut être éventuellement répétée une
d’une épilepsie antérieure. La mortalité de l’EDME convulsif
fois après 15 à 20 minutes. Le lorazépam, d’action moins rapide
généralisé est de l’ordre de 10 à 20 % chez l’adulte.
mais plus longue, n’est pas disponible en France. Le midazolam
La reconnaissance rapide de l’EDME convulsif, une prise en
charge préhospitalière thérapeutique bien codifiée et une (0,2 mg kg–1) est en cours d’évaluation.
enquête étiologique rapidement conduite sont indispensables La phénytoïne (Dilantin ® , 18 mg kg –1 à compléter avec
pour améliorer le pronostic vital. 30 mg kg–1 maximun) est un antiépileptique très efficace et qui
D’un point de vue clinique, l’EMDE se présente le plus a l’avantage de n’être pas sédatif, ni dépressif respiratoire. En
souvent sous la forme convulsive tonicoclonique généralisée. Il revanche, elle peut entraîner des troubles du rythme cardiaque
existe parfois un état de mal larvé (subtle status epilepticus) [110]. et une hypotension artérielle, avec un intervalle thérapeutique
Le tableau est alors dominé par les troubles de conscience et les étroit. Son administration doit être lente en 20 à 30 minutes, ce
désordres neurovégétatifs. Les EDME partiels simples somato- qui retarde son délai d’action. Une forme plus récente est
moteurs sont caractérisés par la répétition sérielle de crises également disponible (fosphénytoïne, Prodilantin®) qui pourrait
partielles motrices [111]. L’EDME tonique est caractérisé par la entraîner moins d’irritation au site d’injection et moins de
répétition à intervalles brefs de crises toniques associées à des troubles cardiovasculaires. Pour les barbituriques, le phénobar-
manifestations végétatives. II s’observe essentiellement dans les bital (100 mg min–1 sans dépasser 10 mg kg–1, à compléter à
encéphalopathies épileptiques de l’enfant. 20 mg kg–1 maximum) agit en 5 à 10 minutes, il a un effet

Médecine d’urgence 17
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

pour les rares survivants. Ces préjugés doivent être combattus


car le pronostic est très variable et peu prévisible d’emblée. Les
État de mal épileptique indications de réanimation préhospitalière sont donc à discuter
avec rigueur au cas par cas, et en tenant compte de l’avis du
Contrôle de la glycémie patient et de sa famille, et du terrain sur lequel survient l’AVC.
- Prévention des traumatismes Bien souvent, tous les éléments de la décision ne sont pas
- Oxygénothérapie
- Lutte contre l'hyperthermie recueillis d’emblée et la mise en condition de type réanimation
doit, dans le doute, être entreprise. Il faut ultérieurement savoir

0 à 30 min
prendre d’éventuelles décisions de limitation ou d’arrêt de
1re injection Diazépam/clonazépam i.v./i.r. traitement autre que de confort.
Actuellement encore rares en France, les unités neurovascu-
Si échec laires [114], comportant un personnel médical et paramédical
rompu aux urgences neurovasculaires, permettent d’établir
2e injection Diazépam/clonazépam i.v./i.r. rapidement le diagnostic, de mettre en œuvre immédiatement
le traitement et d’optimiser la surveillance. Il a été montré que
Si échec dans ces structures, la mortalité, les séquelles fonctionnelles et
la durée de l’hospitalisation sont réduites de 25 à 30 %. Enfin,
Si besoin il faut rappeler que tout AVC récent est un processus évolutif
Monitorage Phénytoïne ou phénobarbital i.v.
qui est susceptible de s’aggraver subitement.
Si échec

30 à 50 min
Augmenter posologie de la phénytoïne
ou phénobarbital i.v.

Si échec
“ Points forts
Les AVC ischémiques ou hémorragiques représentent de
50 à 80 min

Thiopental i.v. Intubation obligatoire véritables urgences neurovasculaires. La mise en place de


Ventilation mécanique réseau de prise en charge est indispensable afin de
proposer des solutions thérapeutiques précoces.
Figure 19. Arbre décisionnel. Prise en charge des états de mal épilep- L’IRM précoce est l’examen de référence. À défaut, un
tique. i.v. : intraveineux ; i.r. : intrarectal. scanner cérébral sera réalisé rapidement.
La thrombolyse précoce permet d’améliorer le pronostic
sédatif et dépresseur respiratoire qui apparaît progressivement et des AVC ischémiques si elle est réalisée dans les 3 heures
pour des doses en général importantes. Ces effets sont potentia- qui suivent le début des symptômes. Cependant, le risque
lisés par son association avec les benzodiazépines. L’anesthésie d’augmentation du risque d’hémorragie intracérébrale
barbiturique par le thiopental (3-5 mg kg–1 puis 50 mg 5 min–1) doit être pris en compte.
n’est utilisée qu’en dernier recours, en raison de la sédation L’utilisation de facteur VIIa permet d’améliorer la survie et
profonde avec dépression respiratoire et circulatoire qu’elle
le pronostic fonctionnel des patients qui présentent un
induit et qui rend son maniement plus difficile.
L’EDME est une affection grave qui doit être prise en charge
AVC hémorragique. Son utilisation doit être proposée en
rapidement par une équipe de réanimation préhospitalière tenant compte de l’âge du patient, du terrain sur lequel
(SMUR). Un arbre décisionnel est proposé sur la Figure 19 [112]. survient l’AVC et de la gravité de l’hémorragie.

Accidents vasculaires cérébraux


L’accident vasculaire cérébral (AVC) est une urgence fréquente
Accident vasculaire cérébral ischémique
(125 000 nouveaux cas par an en France). Environ 10 % des
patients justifient une prise en charge de type réanimation, L’accident ischémique transitoire (AIT) est un épisode de
souvent dès la phase préhospitalière [113]. On distingue les AVC dysfonctionnement oculaire ou neurologique d’installation
hémorragiques (20 % des cas) et les AVC ischémiques artériels brutale et de durée brève, de quelques minutes à moins de
(80 % des cas). Le diagnostic d’AVC est évoqué sur les données 1 heure le plus souvent. Il peut rester isolé, se reproduire à très
cliniques dès la prise en charge préhospitalière et sera confirmé brève échéance, ou précéder de quelques heures un accident
par l’imagerie dès l’arrivée à l’hôpital. L’examen clinique est très plus grave. L’AVCI, qui vient de survenir, doit impérativement
important. Il permet souvent de situer la lésion (signes de être considéré comme étant en évolution et des facteurs très
focalisation) et de rechercher les signes de gravité clinique. La divers peuvent influer sur son allure évolutive (hypotension,
présence de fièvre doit faire discuter la possibilité d’une hypoxie, hypercapnie ou hypocapnie excessive, etc.).
méningoencéphalite ou d’une endocardite. Le scanner cérébral Dans un AVCI en cours d’évolution, on distingue une zone
sans injection de produit de contraste doit être réalisé rapide- d’ischémie sévère, où des lésions irréversibles vont être obser-
ment. Il permet d’éliminer une pathologie simulant un AVC et vées et une zone dite de pénombre, où les lésions cellulaires
apporte le diagnostic précis du type de l’AVC. Le scanner peut sont potentiellement réversibles si le débit sanguin est rétabli.
être normal dans les premières heures, tout particulièrement en La viabilité tissulaire dépend du degré et de la durée de l’isché-
cas de pathologie ischémique, situation où l’imagerie par mie subie. Il importe d’interrompre ou de ralentir les consé-
résonance magnétique (IRM) est très performante mais difficile quences de l’agression cérébrale qui a tendance à se pérenniser.
à obtenir en urgence. Il existe une fenêtre thérapeutique durant laquelle il est crucial
La prise en charge de l’AVC s’intègre idéalement dans le cadre de restaurer le flux et de protéger les neurones. Cette fenêtre,
d’une filière de soins incluant le patient et son entourage, le souvent estimée à 3 heures, est en fait variable selon de
médecin de ville, le SAMU et les structures hospitalières (unités nombreux facteurs dont la circulation collatérale cérébrale.
neurovasculaires, urgences, parfois réanimation, les services de Ultérieurement, on peut espérer agir sur le parenchyme cérébral,
neurologie et/ou de médecine, les soins de suite, rééducation, mais de manière plus limitée.
moyen et long séjour). La prise en charge en réanimation des Le traitement vise à limiter les conséquences de l’ischémie
AVC se discute dans 10 à 20 % des cas. Ainsi la réanimation (mesures générales, reperfusion de la zone ischémique, neuro-
préhospitalière et surtout la ventilation mécanique sont souvent protection) et à prévenir la survenue de complications qui
considérées avec fatalisme devant le pronostic très défavorable peuvent aggraver les lésions ischémiques et aggraver le pronos-
supposé de ces patients et la qualité de vie médiocre escomptée tic vital et fonctionnel.

18 Médecine d’urgence
Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée ¶ 25-010-C-30

En préhospitalier, la mise en condition du patient nécessite


quelques principes :
• contrôle de la fonction respiratoire : une oxygénation
optimale paraît indispensable pour éviter la souffrance
neuronale. La mise en œuvre d’une ventilation mécanique est
parfois nécessaire ;
• contrôle hémodynamique : le maintien d’une pression de
perfusion cérébrale efficace est un objectif prioritaire [115]. La
perte de l’autorégulation circulatoire cérébrale dans le
territoire lésionnel rend en effet sa perfusion tributaire de la
pression systémique. Il n’est légitime de contrôler les chiffres
d’hypertension qu’en cas de dissection aortique ou d’insuffi-
sance cardiaque associée, si le recours à des fibrinolytiques ou
à des anticoagulants à dose hypocoagulante est nécessaire ou
si l’hypertension artérielle est sévère (pression artérielle
systolique [PAS] > 180-200 mmHg et pression artérielle
diastolique [PAD] > 100-120 mmHg, documentées sur deux
mesures à 10 minutes d’intervalle). En cas d’hypotension, au
contraire, il convient d’améliorer rapidement la perfusion Figure 20. Scanner cérébral avec injection montrant la présence d’une
cérébrale pour maintenir une PAS supérieure à hémorragie sous-arachnoïdienne diffuse en relation avec une rupture
120 mmHg [115] ; d’anévrisme de l’artère communicante antérieure.
• contrôle métabolique : une glycémie élevée est associée à un
plus pronostic plus défavorable dans le cadre des AVC. II faut
éviter les solutés concentrés en hydrates de carbone et il est
nécessaire de maintenir la glycémie inférieure à
10 mmol [116]. Toute fièvre (supérieure à 38 °C) doit faire
l’objet d’une enquête étiologique et être traitée par des
antipyrétiques car il s’agit d’un facteur d’agression cérébrale
supplémentaire. Les infections pulmonaires rendent compte
de près de 25 % des décès après AVC ;
• contrôle de l’œdème cérébral et de l’hypertension intracrâ-
nienne : l’œdème cérébral atteint typiquement son maximum
entre 3 à 5 jours mais est parfois bien plus précoce. Il peut
être responsable du décès par engagement cérébral. II faut en
premier lieu chercher à contrôler tous les facteurs d’agression
cérébrale. La tête doit être placée en rectitude et à 30° sauf
instabilité hémodynamique. Si la ventilation mécanique est
décidée, il est proposé de mettre le patient en hypocapnie
modérée (35 mmHg). Le recours aux agents osmotiques
(mannitol) est transitoirement efficace. Le thiopental est à
réserver au traitement de l’hypertension intracrânienne Figure 21. Scanner cérébral avec injection de produit de contraste et
(HTIC) réfractaire. reconstruction montrant la présence d’un volumineux anévrisme du tronc
Le traitement peut associer antiagrégants et anticoagulants. Le basilaire.
véritable défi est d’assurer une reperfusion cérébrale. Différents
travaux ont montré le bénéfice d’un traitement précoce par
thrombolytique [117, 118]. Un certain nombre de facteurs de
risque de transformation hémorragique de l’AVC ont été Hémorragie méningée
identifiés : âge avancé, sévérité du déficit initial, présence d’une Les hémorragies sous-arachnoïdiennes (HSA) non traumati-
hypodensité étendue au scanner initial, œdème cérébral pré- ques constituent une urgence neurologique et se caractérisent
coce. On peut limiter les risques en n’administrant pas de par l’extravasation de sang dans les espaces recouvrant le
fibrinolytiques dans ces circonstances. L’administration de système nerveux central. L’HSA est, dans environ 80 % des cas,
thrombolytique ne doit se faire que dans le cadre de protocole en relation avec la rupture d’un anévrisme intracérébral. Les
de prise en charge défini conjointement avec les neurologues et conséquences de l’HSA sont particulièrement lourdes puisque la
n’est habituellement proposée que dans les 3 heures qui suivent
mortalité est voisine de 50 % et qu’environ un tiers des
le début de la symptomatologie.
survivants nécessiteront des soins pendant toute leur vie. De
Accident vasculaire cérébral hémorragique plus, 46 % des patients survivants auront des séquelles cogniti-
ves à long terme avec un retentissement sur le statut fonction-
Il constitue la deuxième cause d’AVC [119]. Comme dans les
nel et la qualité de vie [122]. Les facteurs associés au pronostic
accidents ischémiques, divers facteurs peuvent contribuer à
l’aggravation neurologique. La prise en charge des hémorragies sont représentés par le niveau de conscience, l’âge et la quantité
intraparenchymateuses est comparable à celle des accidents de sang vue sur le scanner initial [123]. L’HSA doit être évoquée
ischémiques à l’exception des traitements anticoagulants et de principe devant un tableau typique comportant une céphalée
antiagrégants. Les objectifs de contrôle tensionnel doivent violente de début brutal associée à un syndrome méningé, des
prendre en compte le bénéfice éventuel d’une augmentation de signes de focalisation et/ou une altération du niveau de cons-
la pression artérielle par rapport à l’augmentation du risque cience [122, 123] . Cependant, la présentation peut être plus
hémorragique. Les rares indications neurochirurgicales reposent trompeuse et ne comporter que des céphalées banales qui vont
sur la tolérance clinique (niveau de vigilance, déficits, signes spontanément céder [123]. Dès que le diagnostic est évoqué, un
d’engagement), le terrain, la topographie et le volume de scanner cérébral est à réaliser en urgence, sans injection de
l’hématome, enfin, la présence d’une hydrocéphalie (pose d’une produit de contraste (diagnostic de l’HSA) (Fig. 20) puis avec
dérivation ventriculaire externe). L’évacuation des hématomes (recherche d’un anévrisme) (Fig. 21). Si le scanner se révèle
ne semble pas apporter de bénéfice clinique [120]. Enfin, un négatif, une ponction lombaire est réalisée. Si celle-ci est
travail récent a montré que l’administration précoce de rFVIIa positive ou équivoque, un angioscanner ou une artériographie
(NovoSeven®) pourrait améliorer le pronostic des AVCH [121]. cérébrale sont proposées [123]. L’IRM avec injection de produit

Médecine d’urgence 19
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

de contraste (angio-IRM) peut également se révéler très intéres- [10] Hurst JM, Davis Jr. K, Johnson DJ, Branson RD, Campbell RS,
sante pour rechercher une malformation vasculaire (anévrysme, Branson PS. Cost and complication during in hospital transport of
.3
cavernome, ...) et/ou mettre en évidence des complications de critically ill patients: a prospective cohort study. J Trauma 1992;33:
l’HSA (ischémie). 582-5.
D’un point de vue thérapeutique, la prise en charge préhospi- [11] Goldstein P, Van Laer V, Mauriaucourt P, Lachery P, Marel V, Facon A.
talière va comprendre l’analgésie et l’anxiolyse, le maintien d’une Transports sanitaires héliportés. Pourquoi non? In: 42e Congrès natio-
PAS inférieure à 130 mmHg (inhibiteur calcique et/ou nal d’anesthésie et de réanimation. Paris: SFAR-Elsevier; 2000.
b-bloquant), le maintien dans un environnement calme, le p. 69-76.
traitement des complications (trouble de conscience, crise [12] Nicholl JP, Brazier JF, Snooks HA. Effects of London helicopter
convulsive) et l’orientation sur un centre spécialisé le plus emergency medical service on survival after trauma. BMJ 1995;311:
rapidement possible. La nimodipine sera ajoutée per os, dès que 217-22.
[13] Davis DP, Peay J, Serrano JA, Buono C, Vilke GM, Sise MJ, et al. The
possible, pour une durée de 3 semaines afin de prévenir les
impact of aeromedical response to patients with moderate to severe
complications ischémiques [123]. Enfin, le traitement spécifique de
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la malformation vasculaire fait actuellement appel aux techniques
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lière. Elle doit être la plus rapide possible tout en permettant de [24] Palmon SC, Liu M, Moore ME, Kirsch JR. Capnography facilitates
traiter les détresses vitales, d’initier des thérapeutiques à visée tight control of ventilation during transport. Crit Care Med 1996;24:
symptomatique ou curative, enfin, d’assurer le transport du 608-11.
patient dans de bonnes conditions de sécurité dans l’endroit le [25] Bekar A, Ipekoglu Z, Tureyen K, Bilgin H, Korfali G, Korfali E.
plus adapté à la prise en charge de son problème médical. Secondary insults during intrahospital transport of neurosurgical inten-
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Médecine d’urgence 21
25-010-C-30 ¶ Mise en condition d’un patient grave en vue de son évacuation terrestre ou héliportée

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J.-S. David, Praticien hospitalier (jean-stephane.david@chu-lyon.fr).


O. Capel, Praticien hospitalier.
O. Peguet, Praticien hospitalier.
P. Petit, Professeur des Universités.
Département d’anesthésie-réanimation et SAMU de Lyon, hôpital Edouard Herriot ; 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France.
P.-Y. Gueugniaud, Professeur des Universités.
Département d’anesthésie-réanimation, centre hospitalier Lyon-Sud, 69495 Pierre-Bénite cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : David J.-S., Capel O., Peguet O., Petit P., Gueugniaud P.-Y. Mise en condition d’un patient grave en vue
de son évacuation terrestre ou héliportée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-C-30, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

22 Médecine d’urgence
¶ 25-010-D-10

Abords veineux percutanés chez l’adulte


S. Boudaoud, P. Alhomme

Les abords veineux se divisent en deux grands groupes : les « abords veineux superficiels » où la veine
ponctionnée, sus-aponévrotique, est vue et palpée, et les « abords veineux profonds », concernant les
veines de gros calibre, sous-aponévrotiques, invisibles, mais dont les dimensions, la situation et les
rapports sont à peu près constants d’un individu à l’autre. On emploie les termes d’« abord
périphérique » lorsque l’extrémité du cathéter est dans une veine périphérique, de petit diamètre et à
faible débit sanguin, et d’« abord central » lorsque cette extrémité est dans une veine endothoracique,
généralement la veine cave supérieure. Depuis une trentaine d’années, les techniques de cathétérisme
veineux central se sont développées, initialement au bloc opératoire, dans les secteurs de réanimation et
de soins intensifs, puis dans les unités de nutrition parentérale, d’oncohématologie et d’infectiologie. Elles
sont utilisées le plus souvent dès la mise en route du traitement, la causticité des substances perfusées
induisant une altération précoce et irréversible du capital veineux des patients lorsqu’elles sont
administrées par voie périphérique. L’utilisation extensive des abords veineux, tant périphériques que
centraux, est responsable de la survenue de nombreuses complications. La gravité de certaines d’entre
elles implique que les modalités, les indications et les contre-indications des différentes techniques soient
parfaitement connues des praticiens. Sont donc envisagés successivement : le matériel d’abord veineux ;
les techniques des abords veineux ; leurs complications ; leurs indications et contre-indications.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Abord veineux superficiel ; Abord veineux profond ; Abord central ; Cathéter ; Infection

Plan (conicité identique, mais verrouillage de sécurité interdisant à


l’ensemble de se désolidariser). Ces matériels sont fabriqués en
différents diamètres, ce qui permet l’adéquation entre le type de
¶ Matériel 1
liquide de perfusion utilisé et le calibre de la veine choisie par
Matériel d’abord veineux 1
l’opérateur.
Matériel de perfusion 3
¶ Techniques 4
Abords veineux superficiels 4 Matériel d’abord veineux
Abords veineux profonds 5
Matériel métallique (Fig. 1)
¶ Complications 8
Complications mécaniques 8 Aiguilles classiques
Complications thrombotiques 10 Constituées d’un fût métallique et d’un cône de raccorde-
Complications infectieuses 11 ment métallique ou plastique, leur prise en main est difficile :
¶ Indications et contre-indications 12 la ponction ne peut s’effectuer commodément que si elles sont
Abords veineux superficiels périphériques 12 préalablement montées à l’extrémité d’une seringue, d’un
Abords veineux centraux profonds 13 système de prélèvement ou d’une tubulure de perfusion.
Cas particuliers 13 Délaissées dans cette dernière indication au profit des aiguilles
Dans la pratique 13 épicrâniennes et des cathéters courts, elles sont pratiquement
¶ Conclusion 14 réservées à l’injection intraveineuse simple (ou aux
prélèvements).
Aiguilles épicrâniennes
■ Matériel Conçues à l’origine pour la perfusion dans les veines du scalp
du nourrisson et du nouveau-né, elles sont parfois utilisées chez
Il est représenté par deux grandes catégories : le matériel l’adulte. Elles sont constituées d’une aiguille courte (de 2 à
métallique et le matériel plastique. Leur système de raccorde- 3 cm), à paroi mince, à biseau court, les diamètres usuels (chez
ment aux dispositifs d’injection (seringues, tubulures de l’adulte) allant de 0,8 à 1,6 mm ; l’aiguille est montée sur une
perfusion) est constitué par deux structures tronconiques, mâle embase plastique munie d’une ou deux ailettes qui facilitent la
pour les seringues et tubulures, femelle pour le matériel d’abord prise en main et permettent une fixation solide sur la peau.
veineux ; il est normalisé Luer (conicité 6 %) ou Luer-Lock L’ensemble se continue par un tuyau souple de 10 à 30 cm

Médecine d’urgence 1
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

Figure 1. Matériel métallique.


A. Aiguille classique. 1. Embase en polypropylène ; 2. triple biseau ; 3. tube hypodermique siliconé ; 4. identification des diamètres par code couleur.
B. Aiguille épicrânienne. 1. Aiguille à parois minces et à biseau court ; 2. ailette permettant une prise plus sûre lors de l’insertion de l’aiguille ; 3. tubulure
spéciale pouvant se couder sans interrompre le flux du liquide ; 4. adaptateur Luer avec verrouillage.
C. Pose d’une aiguille épicrânienne.

Figure 2. Pose d’une canule à aiguille interne.


A. Pénétration dans la veine.
B. Retrait de l’aiguille.
C. Canule en place.

terminé par un raccord Luer, le tuyau rendant l’aiguille indé- d’introduction. Les longueurs courantes vont de 20 à 50 cm et
pendante des mouvements de la tubulure de perfusion. Pour la les diamètres (chez l’adulte) de 1,5 à 2 mm. Leur embout
ponction veineuse, les ailettes sont repliées l’une contre l’autre, proximal est de type Luer-Lock.
et tenues entre le pouce et l’index. Le moyen d’introduction le plus ancien est une aiguille
métallique externe, de diamètre supérieur à celui du cathéter. La
Matériel plastique veine est ponctionnée avec cette aiguille au travers de laquelle
La plupart des matériels actuellement utilisés sont recouverts le cathéter est ensuite introduit sans le sortir de sa gaine de
de silicone afin d’améliorer leur tolérance, la non-mouillabilité protection, jusqu’à ce que son extrémité soit présumée en
de ce dernier diminuant les phénomènes de thrombose locale. bonne position ; l’aiguille est ensuite retirée. Le premier
Les substances utilisées sont le Téflon ® , le silicone et le inconvénient des aiguilles externes est leur diamètre qui aggrave
polyuréthanne. les conséquences d’éventuelles blessures des organes de voisi-
nage. Le second est le risque, important, de sectionner le
Cathéters courts (ou canules) (Fig. 2) cathéter sur le biseau au cours des manœuvres d’introduction,
Ils sont présentés montés sur une aiguille-guide interne, ce risque persistant par ailleurs « sous le pansement », si
destinée à permettre le franchissement de la peau et de la paroi l’aiguille n’est pas démontable, même en présence d’un dispo-
veineuse grâce à son biseau. À l’autre extrémité de l’aiguille, une sitif (plaquette ou clip) destiné à neutraliser son biseau. Cette
chambre transparente permet de visualiser le reflux sanguin. La technique, particulièrement dangereuse, a donc été, à juste titre,
longueur habituelle des canules est de 4 à 8 cm et les diamètres progressivement abandonnée.
proposés vont de 0,7 à 2 mm. Elles peuvent comporter divers Un autre système d’introduction, plus récent, utilise une
accessoires : ailettes de fixation, embouts obturateurs adaptables, canule plastique de gros diamètre munie de son aiguille-guide :
sites pour injection extemporanée avec valve anti-retour, etc. une fois la veine ponctionnée, l’aiguille-guide est retirée, le
Une catégorie à part est constituée par les canules munies cathéter est glissé à travers la canule qui est à son tour retirée
d’un dispositif antipiqûre accidentelle (Protectiv®). Une fois la de la veine. Le risque de section du cathéter sur l’aiguille
ponction veineuse réalisée, la canule est introduite dans la n’existe plus, mais les manœuvres de recherche de la veine
veine. Ce mouvement provoque le retrait de l’aiguille qui restent dangereuses compte tenu du diamètre de l’ensemble
s’insère et s’enclique dans un étui rigide, réalisant un ensemble canule/aiguille-guide.
non démontable protégeant l’opérateur (et le personnel) du C’est la raison du succès de la technique décrite par Seldin-
risque de blessure par le biseau de l’aiguille après la pose de ger [1] : la veine est ponctionnée avec une aiguille de faible
cette dernière. calibre qui permet d’introduire un guide métallique souple,
droit ou préformé en « J ». Après ablation de l’aiguille, le guide
Cathéters longs
sert de tuteur à l’introduction d’une canule par l’intermédiaire
Fabriqués le plus souvent en polyuréthanne ou en silicone, de laquelle (après ablation du guide), le cathéter est mis en
habituellement rendus radio-opaques, ils sont présentés sous place. Cette technique présente donc l’avantage de faire réaliser
forme de nécessaires stériles, comprenant parfois leur système la ponction avec une aiguille plus fine que dans les techniques

2 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

Figure 3. Méthode de Seldinger utilisant un dilatateur de veine (Désilet®).


A. Ponction veineuse, utilisation du guide souple.
B. Ablation de l’aiguille.
C. Introduction de la canule dilatatrice et de la gaine externe.
D. Ablation du guide souple.
E. Ablation de la canule dilatatrice.
F. Introduction du cathéter.
G. Ablation de la gaine externe.

classiques, ce qui réduit les conséquences d’une éventuelle Cathéter multilumières (deux ou trois lumières)
ponction d’un organe de voisinage et diminue les risques de Les cathéters multilumières, réalisés le plus souvent en
fuite autour du cathéter. polyuréthanne, sont plutôt destinés aux patients de réanima-
Une variante (Fig. 3), initialement employée pour l’introduc- tion ; ils permettent l’administration simultanée de divers
tion des cathéters de gros calibre destinés aux mesures hémo- médicaments et solutés.
dynamiques (sondes de Swan-Ganz), combine les deux Le cathéter à site d’injection implantable ou « cathéter à
techniques précédentes, et est aujourd’hui la plus répandue : le chambre » (Fig. 4) est un cathéter en silicone dont l’extrémité
guide métallique souple, une fois en position intraveineuse, sert proximale est raccordée à un boîtier de petit volume (Port-a-
de tuteur à un dilatateur de veine (Désilet ® ). Celui-ci est cath®, Celsite®, Sitimplant®, etc.) implanté chirurgicalement
constitué de deux parties : une canule fine interne dilatatrice, dans les tissus sous-cutanés du patient. Cette « chambre »
relativement effilée, qui pénètre facilement dans la veine sur le (réservoir) est munie d’une membrane de silicone de 4 à 5 mm
guide, et une gaine externe de gros diamètre. Le passage cutané d’épaisseur destinée à permettre injections, perfusions et
de cette dernière n’est possible qu’au prix d’une petite incision prélèvements sanguins, évitant ainsi au patient de multiples
réalisée au moyen d’un bistouri à pointe fine. Une fois la gaine ponctions périphériques. Outre la fixation et la protection
externe introduite dans la veine, la canule dilatatrice est retirée ; parfaites du cathéter, le principal avantage de ce matériel est
la gaine est prête à recevoir le cathéter auquel elle est destinée. l’absence de continuité entre le milieu extérieur et la circulation
Certains matériels (Cordis®) permettent, par l’intermédiaire du patient, ce qui limite les risques infectieux et supprime le
d’un raccord supplémentaire intégré latéralement au Désilet®, risque d’embolie gazeuse.
l’administration simultanée d’une perfusion pendant l’utilisa- Le cathéter à chambre est utilisé en oncohématologie (chi-
tion de la sonde de Swan-Ganz ; à l’ablation de celle-ci, il est miothérapies itératives et prolongées), en nutrition parentérale
possible d’utiliser la gaine externe comme voie veineuse prolongée ou chez les patients atteints de syndrome de l’immu-
provisoire ou d’introduire un cathéter standard qui est, si nodéficience acquise (sida) pour l’administration de médica-
nécessaire, utilisé de façon durable. ments antiviraux.
Les cathéters en silicone ont une telle souplesse que leur
introduction dans la veine nécessite l’emploi d’un guide semi- Matériel de perfusion
rigide, métallique ou plastique. Leur grande fragilité (au moins
dans les diamètres usuels) les rend assez vulnérables aux Il a un peu évolué au cours de ces dernières années et
sections accidentelles. En dépit de ces inconvénients, leur certaines tendances s’affirment :
excellente tolérance physicochimique et clinique fait qu’ils sont • les flacons de verre sont progressivement abandonnés ;
très largement utilisés. • les tubulures à perfusion s’améliorent : leur site d’injection en
latex est volontiers remplacé par un robinet à trois voies, la
Différents types de cathéters longs prise d’air (débrayable) est filtrée et incorporée à la chambre
de goutte-à-goutte, elle-même pourvue d’un filtre antipyrogè-
Cathéter veineux central standard dit « à émergence nes de 10 à 20 µm ; l’extrémité de la tubulure est munie d’un
cutanée » raccord Luer-Lock ;
Il s’agit d’un cathéter en élastomère de silicone ou en • les appareils (pompes volumétriques, seringues autopulsées,
polyuréthanne, monolumière, qui peut être tunnellisé et qui est alarmes) et les accessoires (régulateurs de débit, filtres
pourvu d’un raccord externe, fixe ou amovible selon les antiagrégats, rampes à perfusion) ont eux aussi progressé et
modèles, qu’il convient de fixer solidement à la peau. sont de plus en plus employés.

Médecine d’urgence 3
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

interne de l’avant-bras pour se réunir au niveau de l’épitro-


chlée à la veine médiane basilique, en formant avec elle la
veine basilique du bras ;
• la veine radiale accessoire naît à la face postérieure de l’avant-
bras, contournant son bord externe au pli du coude, pour se
réunir à la veine médiane céphalique en formant la veine
céphalique du bras.
Veines superficielles du bras
Ce sont :
• la veine basilique, qui chemine le long du bord interne du
biceps pour traverser l’aponévrose vers le milieu du bras et se
jeter dans la veine humérale interne ;
• la veine céphalique, qui longe le bord externe du bras pour
plonger en profondeur dans le sillon deltopectoral et débou-
cher dans la veine axillaire en formant la crosse de la
céphalique.
Veines superficielles du membre inférieur
Ce sont :
• la veine saphène interne, née de l’arcade dorsale superficielle,
qui passe en avant de la malléole interne, monte sur la face
interne de la jambe, passe en arrière du condyle fémoral et
décrit sur la cuisse un trajet oblique en haut et en dehors
Figure 4. Cathéter à chambre. pour se jeter dans la veine fémorale quelques centimètres en
A. Vue en coupe du site d’injection. 1. Septum (silicone) ; 2. boîtier (titane dessous de l’arcade crurale (crosse de la saphène) ;
ou silicone) ; 3. sortie du cathéter. • la veine saphène externe, née de l’extrémité externe de
B. Après insertion. l’arcade, passe en arrière de la malléole externe et chemine à
la face postérieure de la jambe ; elle disparaît en profondeur
à la partie moyenne de la jambe et est peu utilisable en
■ Techniques pratique.
Veines superficielles du cou
Abords veineux superficiels La veine jugulaire externe naît dans l’épaisseur de la paro-
tide : elle devient superficielle en arrière de l’angle de la
Rappel anatomique (Fig. 5) mâchoire, puis se dirige obliquement en bas et en arrière,
Veines superficielles du membre supérieur croisant le muscle sterno-cléido-mastoïdien, pour rentrer en
profondeur dans le creux sus-claviculaire et s’aboucher à la face
L’arcade veineuse dorsale de la main, née des veines digitales, supérieure de la veine sous-clavière.
donne naissance aux trois principales veines superficielles de
l’avant-bras :
Généralités sur les différentes techniques
• la veine radiale superficielle naît au bord externe de l’avant-
bras, en regard de la tabatière anatomique, et monte oblique- Le premier temps de la ponction consiste à faire apparaître les
ment en haut et en dedans, pour se terminer au milieu du pli veines superficielles grâce au garrot. Pour que la ponction soit
du coude en se divisant en deux branches, l’une interne, la aisée, la veine doit être vue et surtout palpée. Sa perception peut
médiane basilique, l’autre externe, la médiane céphalique ; être facilitée par le massage et/ou le tapotement de la zone
• la veine cubitale superficielle naît de l’extrémité interne de traversée, la mise du membre en position déclive, le réchauffe-
l’arcade dorsale de la main et chemine le long du bord ment et la mise en confiance du patient.

Figure 5. Rappel anatomique des principales veines superficielles.


A. 1. Veine cubitale superficielle ; 2. veine radiale superficielle.
B. 1. Parotide ; 2. glande sous-maxillaire ; 3. jugulaire oblique antérieure ; 4. muscle sterno-cléido-mastoïdien ; 5. muscle peaucier du cou ; 6. muscle trapèze ;
7. veine jugulaire externe ; 8. veine auriculaire postérieure.
C. 1. Veine saphène interne.

4 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

Une fois la veine repérée, on désinfecte largement et longue- Après avoir vérifié la date de péremption et la qualité de
ment (2 à 3 minutes) la peau avec un antiseptique (Hibitane® l’emballage des matériels utilisés, l’opérateur, muni d’un calot et
ou Bétadine®) et, du pouce de la main libre, on tend légèrement d’une bavette, se lave soigneusement les mains et revêt une
la peau au-dessous du point de ponction. L’aiguille, inclinée de casaque chirurgicale stérile ; en cas d’extrême urgence, il peut se
20° à 30° par rapport au plan cutané, perfore la peau et la paroi limiter à enfiler une paire de gants stériles (le cathéter introduit
veineuse, puis est redirigée tangentiellement à l’axe de la veine dans ces circonstances doit être retiré le plus vite possible et
afin de la cathétériser. Généralement, la pénétration endovei- remplacé par un autre posé dans des conditions de propreté
neuse donne une sensation de ressaut, suivi d’un reflux de sang adéquates, si un abord veineux central prolongé est jugé
dans l’embout de l’aiguille (ou de la canule) ; celle-ci est alors nécessaire). La peau de la zone de ponction, éventuellement
introduite complètement en suivant la lumière veineuse. On rasée, est nettoyée puis badigeonnée largement et longuement
desserre le garrot et on raccorde la tubulure de perfusion, en (de 2 à 3 minutes) avec une solution antiseptique (Hibitane®ou
vérifiant le bon écoulement du liquide, l’absence d’extravasation Bétadine®). La zone ainsi définie est limitée par des champs
locale et, si la veine est d’un diamètre suffisant, l’existence d’un stériles.
reflux sanguin dans la tubulure en abaissant le flacon de Sauf contre-indication, il est conseillé de réaliser une anes-
perfusion au-dessous du plan du lit. thésie locale par infiltration avec quelques millilitres de
Pour la ponction de la veine jugulaire externe, la tête est Xylocaïne® à 1 % ; cette manœuvre, effectuée à l’aide d’une
tournée du côté opposé à la ponction. Pour rendre la veine aiguille fine, est parfois mise à profit par certains opérateurs
turgescente, plusieurs méthodes peuvent être utilisées : mettre le pour repérer la veine.
patient en position tête déclive, lui demander de pratiquer une La pression régnant dans les veines profondes étant faible,
manœuvre de Valsalva, comprimer le pied de la jugulaire par un voire négative, il est recommandé d’installer le patient dans une
doigt placé dans le creux sus-claviculaire. En dépit de ces position qui positive cette pression : déclive modérée pour le
manœuvres, la veine n’est pas toujours franchement turges- territoire cave supérieur ; proclive modérée pour le territoire
cente ; il est donc recommandé de monter la canule sur une cave inférieur. Par ailleurs, la ponction doit se faire à l’aide
seringue et d’effectuer la ponction le « vide à la main » pour d’une aiguille montée sur une seringue, « le vide à la main ».
mieux visualiser le reflux sanguin. La saillie du maxillaire Dans ces conditions, la pénétration de l’aiguille dans le tronc
inférieur gêne parfois la ponction, et il est alors nécessaire de veineux, parfois ressentie comme un léger ressaut élastique, est
couder l’aiguille ou la canule. identifiée par un reflux franc et massif de sang foncé. Une
La mise en place d’un cathéter central à partir des veines du ponction blanche invite à retirer le trocart jusqu’au plan cutané
pli du coude ou de la veine jugulaire externe est souvent avant une nouvelle tentative, un changement de direction
difficile pour des raisons anatomiques (présence de valvules, quand le biseau se trouve dans les plans profonds risquant de
abouchement de ces veines dans les vaisseaux profonds à angle dilacérer les tissus. Le retrait de l’aiguille doit se faire lentement,
droit). La pénétration en force est contre-indiquée en raison du le reflux de sang pouvant se produire au cours de cette manœu-
risque de perforation vasculaire. La longueur du cathéter à vre. Une fois en place, l’opérateur désolidarise la seringue de
introduire est d’environ 40 à 50 cm à partir du pli du coude. l’aiguille en s’appliquant à ne pas mobiliser cette dernière. Après
avoir demandé au malade de se mettre en apnée, ou mieux de
Fixation, protection, surveillance réaliser une manœuvre de Valsalva, le guide métallique spiralé
La fixation d’un abord veineux doit être soigneuse afin de Seldinger est introduit dans l’aiguille qui est alors retirée.
d’éviter un arrachement accidentel. On emploie habituellement
du sparadrap ou un adhésif transparent, les fils transcutanés Abord veineux sous-clavier
étant réservés le plus souvent à la fixation des cathéters. Une Rappel anatomique
précaution utile consiste, après lui avoir fait décrire une demi-
boucle, à fixer soigneusement et solidement la tubulure de La veine sous-clavière naît de la veine axillaire au bord
perfusion à distance de l’abord veineux dont la fixation est ainsi externe de la première côte et se termine derrière l’articulation
protégée. sternoclaviculaire, en s’unissant à la veine jugulaire interne pour
Le pansement doit protéger parfaitement le point de pénétra- former le tronc veineux brachiocéphalique ou innominé. Sa
tion cutanée, afin d’éviter la contamination bactérienne. longueur est de 30 à 70 mm et son calibre de 15 à 25 mm. Elle
La surveillance est primordiale : elle doit s’exercer par un se dirige transversalement, presque horizontalement de dehors
examen quotidien de la courbe thermique et de l’état local à la en dedans, en passant par-dessus la première côte, et en avant
recherche d’œdème, de signes d’inflammation, de douleur du dôme pleural, restant toujours au-dessous et en avant de
spontanée ou provoquée, ou de lymphangite du membre. Tout l’artère sous-clavière. Elle reçoit, au niveau du confluent jugulo-
signe anormal doit faire procéder au retrait du matériel et au sous-clavier, les vaisseaux lymphatiques, le canal thoracique à
changement du lieu de perfusion. gauche (diamètre de 4 à 10 mm), la grande veine lymphatique
à droite (diamètre de 1 à 10 mm). Du fait de ses adhérences à
la gaine du muscle sous-clavier, aux expansions de l’aponévrose
Abords veineux profonds cervicale moyenne et aux tractus fibreux de voisinage, la veine
sous-clavière reste toujours béante, quel que soit l’état hémody-
Généralités namique du patient.
Les veines accessibles sont au nombre de quatre : la veine
Techniques
sous-clavière, la veine jugulaire interne, la veine fémorale et la
veine axillaire. Un certain nombre de considérations leur sont De nombreuses techniques ont été décrites. Elles ont en
communes. commun la nécessité d’une installation rigoureuse, identique
La ponction est effectuée à l’aveugle à travers la peau et le d’un malade à l’autre, et donc capable de produire des repères
tissu sous-cutané, et ne peut exclure complètement le risque de anatomiques comparables. Le malade est étendu en décubitus
blessures d’organes de voisinage. dorsal strict, les bras le long du corps, la tête tournée du côté
Les veines profondes ne peuvent être perfusées durablement opposé à la ponction, une position légèrement déclive permet-
que par l’intermédiaire d’un cathéter. La longueur à introduire tant de « positiver » la pression régnant dans le système veineux
pour atteindre une position centrale dépend de la veine cave supérieur.
ponctionnée (environ 10 à 15 cm pour la sous-clavière, la Voies sous-claviculaires.
jugulaire interne et la veine axillaire ; environ 40 à 50 cm pour Voie interne ou voie d’Aubaniac (Fig. 6). Elle a été la première
la veine fémorale). décrite en 1952 [2]. Elle a donné lieu à de multiples variantes,
La mise en place du cathéter doit être réalisée dans des qui visent à en augmenter la sécurité et la fiabilité, mais qui lui
conditions d’asepsie rigoureuse, sous anesthésie locale, chez un sont restées très proches. Après avoir éventuellement mis en
patient immobile. Un bilan préalable récent (radiopulmonaire, place sous l’épaule un coussin permettant d’ouvrir l’angle
coagulation) est recommandé. costoclaviculaire, l’opérateur se place sur le côté du malade.

Médecine d’urgence 5
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

Figure 6. Ponction de la veine sous-clavière. a. Voie d’Aubaniac [2] ; b.


voie de Yoffa [3].

Figure 7. Ponction de la veine jugulaire interne : voie de Daily [6].

L’index de sa main libre posé dans la fourchette sternale lui


permet d’apprécier la direction et la profondeur de l’articulation
sternoclaviculaire. Le point de ponction se trouve à 1 cm sous muscle forme, avec la clavicule, le triangle de Sédillot. La veine
le bord inférieur de la clavicule, à la jonction du tiers moyen et jugulaire interne se projette en arrière de ce triangle, partant de
du tiers interne de celle-ci. L’aiguille est dirigée en dedans, son sommet et se dirigeant en bas et légèrement en dedans. Sa
légèrement en haut et en arrière en visant la face postérieure de longueur est de 120 à 150 mm ; son diamètre varie de 10 à
la fourchette sternale, le but étant de « raser la face postérieure 13 mm de son origine à sa terminaison, la jugulaire droite étant
de l’extrémité interne de la clavicule ». Elle entre dans la veine plus grosse que la gauche. Ne bénéficiant pas, comme la veine
à une distance de 20 à 50 mm de l’orifice d’entrée cutané.
sous-clavière, de liaisons avec des structures aponévrotiques ou
Voie externe ou voie de Testart [4]. Le point de ponction est situé
fibreuses qui garantiraient sa réplétion permanente, elle se
dans l’espace deltopectoral, entre le muscle grand pectoral et le
collabe donc aisément en cas d’hypovolémie.
deltoïde. L’aiguille est dirigée à 1 cm en arrière de l’articulation
sternoclaviculaire, ce qui réalise un trajet frontal et permet de Techniques
cathétériser la veine dans son axe.
Voie médiane ou voie de Wilson [5]. La ponction s’effectue à La prévention des complications passe par une installation
l’union de la moitié interne et de la moitié externe de la rigoureuse : décubitus dorsal strict, les bras le long du corps. La
clavicule, à un travers de doigt au-dessous de son bord inférieur. position déclive, plus franche que dans le cas de la sous-
L’aiguille est orientée en dedans et en haut, parallèle au plan clavière (de 20 à 30°), ne représente pas seulement une sécurité
frontal, soit vers la base du triangle de Sédillot, soit vers la face contre le risque d’embolie gazeuse, mais surtout un impératif
postérieure de l’extrémité interne de la clavicule. pour obtenir un vaisseau en réplétion. Un coussin peut être
Voies sus-claviculaires. Elles ont plusieurs variantes, mais glissé sous les deux épaules, ce qui est particulièrement indiqué
seule la voie de Yoffa [3] sera décrite (Fig. 6). Le patient est chez les patients obèses, musclés, au cou court, et chez les
installé à plat, sans coussin. La tête reste droite, les bras le long enfants. La plupart des auteurs préconisent de choisir préféren-
du corps, et l’opérateur se place derrière la tête du malade. Le tiellement la jugulaire interne droite dont l’axe se confond avec
repère est l’angle clavi-sterno-mastoïdien, décrit par l’auteur celui de la veine cave supérieure, ce qui facilite la descente du
comme le point de rencontre entre le bord externe du sterno- cathéter et évite le risque de « fausse route ».
cléido-mastoïdien avec le bord supérieur de la clavicule. S’il Selon la localisation du point de ponction par rapport au
n’est pas vu, il peut être facilement perçu chez tout patient, muscle sterno-cléido-mastoïdien, on peut distinguer les voies
quel que soit son morphotype, en lui demandant de lever la postérieures, les voies axiales ou médianes, et les voies antérieu-
tête. L’aiguille introduite à ce point exact est dirigée caudale- res. Parmi toutes ces voies, on ne retiendra que la voie axiale de
ment à 45° du plan sagittal et à 15° en avant du plan frontal.
Daily [7] . La tête du patient restant en position normale,
Elle atteint la veine après avoir traversé l’aponévrose cervicale
l’opérateur se place derrière elle, le point de ponction est repéré
profonde, à une distance de 5 à 40 mm. Le biseau est orienté
au centre du triangle de Sédillot, préalablement dessiné au
vers l’avant, afin d’éviter la fausse route du cathéter dans la
veine jugulaire homolatérale. crayon dermographique. L’aiguille est enfoncée en direction
caudale, parallèlement au plan sagittal, faisant un angle
Abord veineux jugulaire interne (Fig. 7) d’environ 30° avec le plan frontal ; la veine est abordée à
profondeur de 15 à 25 mm. Un échec invite à diriger l’aiguille
Rappel anatomique légèrement en dehors de 5 à 10°.
La veine jugulaire interne sort du crâne par le trou déchiré
postérieur, en arrière de la carotide interne. Elle descend presque Abord veineux axillaire
verticalement, vient se placer sur la face antéroexterne de la
carotide primitive et se termine à l’orifice supérieur du thorax, La veine axillaire, dont le calibre varie de 13 à 16 mm, peut
en arrière de l’articulation sternoclaviculaire. Elle s’unit alors à être abordée soit par voie axillaire [8], réputée facile (de 90 à
la veine sous-clavière pour donner naissance au tronc veineux 95 % de succès), soit par voie sous-coraco-claviculaire [9] .
innominé. Au cours de son trajet, elle est recouverte en avant L’abord de la veine axillaire est proposé comme une alternative
par le muscle sterno-cléido-mastoïdien et son aponévrose ; la aux abords veineux jugulaire interne et sous-clavier. Cette
séparation entre les deux chefs (sternal et claviculaire) de ce technique reste cependant peu répandue.

6 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

contraste hydrosoluble pendant la prise du cliché. Pour limiter


les risques de thrombose, tout cathéter dont l’extrémité n’est
pas en situation « centrale », c’est-à-dire à la jonction de la
veine cave supérieure et de l’oreillette droite, doit être reposi-
tionné. Pour les mêmes raisons, un cathéter veineux central ne
doit pas être laissé à contre-courant, en boucle ou en « fausse
route ».
Fixation
Le cathéter une fois posé doit être immobilisé de façon
soigneuse. Une solution prudente consiste à le suturer à la peau
par un point au niveau de l’embout Luer, et par un autre au
niveau de sa pénétration cutanée. Le verrouillage de la tubulure
sur le cathéter doit être effectué au moyen d’un système Luer-
Lock, et la tubulure elle-même doit être fixée solidement à la
peau par plusieurs morceaux de sparadrap. Cet ensemble de
précautions est destiné à limiter la mobilité du cathéter et à en
éviter le retrait accidentel, que ce soit au cours des manipula-
tions de la ligne de la perfusion ou à l’occasion des mouve-
ments du malade.
Protection
Le pansement doit protéger efficacement et permettre la
surveillance de l’état local. Réalisé au mieux par un pansement
Figure 8. Veine fémorale au triangle de Scarpa. 1. Épine pubienne ; 2. prêt à l’emploi, autocollant, sec et stérile, il est refait « à la
crosse de la saphène ; 3. triangle de Scarpa ; 4. nerf crural ; 5. arcade demande », en moyenne deux fois par semaine. Il est conseillé
crurale ; 6. épine iliaque antérosupérieure ; 7. artère fémorale ; 8. veine d’éviter les films transparents semi-perméables qui augmente-
fémorale ; P : point de ponction.
raient la fréquence des infections locales, ainsi que l’application
d’une pommade antibiotique qui favoriserait la sélection de
Abord veineux fémoral (Fig. 8) germes résistants.
L’impératif de durée et/ou le choix de certains accès vasculai-
Rappel anatomique res (veines jugulaires internes ou fémorales) nécessitent une
La veine fémorale est habituellement ponctionnée dans le tunnellisation du cathéter pour éloigner l’émergence cutanée de
triangle de Scarpa, au-dessous de l’arcade crurale, tendue entre zones infectées (radionécroses de sein, trachéotomie) ou de
l’épine iliaque antérosupérieure et l’épine du pubis. À cet régions où sa présence est inconfortable pour le patient (cou).
endroit, la veine chemine sous l’aponévrose, au contact en La tunnellisation des cathéters est une technique aujourd’hui
dedans, et parfois légèrement en arrière, de l’artère. Elle pénètre extrêmement répandue, mais son intérêt dans la prévention des
dans l’abdomen en passant sous l’arcade pour donner naissance complications infectieuses du cathétérisme veineux n’est pas
à la veine iliaque. certain. La principale source de contamination d’un cathéter est
la colonisation interne du premier raccord à l’occasion de ses
Technique
manipulations.
Initialement décrite par Duffy [10] en 1949, elle est simple. Le
patient est installé en décubitus dorsal et en position proclive Surveillance
modérée, le membre inférieur choisi en abduction et rotation La préparation des flacons de perfusion, leur raccordement
externe ; chez les grands obèses, un aide peut être nécessaire sur les tubulures, le branchement de ces dernières sur le
afin de repousser vers le haut la paroi abdominale ptosée. Le cathéter, doivent s’effectuer dans des conditions d’asepsie
repère principal est l’artère fémorale dont les battements sont draconiennes. Le nombre élevé des manipulations quotidiennes
perçus par les doigts de la main libre de l’opérateur. La ponction et la gravité du risque infectieux qu’elles comportent justifient
se fait juste en dedans de l’artère (à 10-15 mm de l’axe de celle- l’utilisation de certains matériels, accessoires ou procédures
ci), habituellement à 20 mm au-dessous de l’arcade crurale, (robinets et rampes de robinets à trois voies, filtres antibacté-
l’aiguille faisant avec la peau un angle d’environ 30° et orientée riens, hottes à flux laminaires, etc). Ces perfectionnements
dans l’axe du membre. La veine est abordée à une profondeur techniques ne doivent pas pour autant faire négliger le respect
de 5 à 30 mm suivant l’adiposité du patient. Cette voie peut
des règles élémentaires de propreté (lavage des mains).
rendre de grands services dans les situations d’urgence. Sa durée
La vérification de la perméabilité du cathéter (perfusion
d’utilisation doit rester courte en raison des risques thrombogè-
rapide et reflux sanguin aisé) doit être pluriquotidienne. Le
nes et septiques particulièrement élevés.
« caillottage » à l’intérieur du cathéter est un incident relative-
Contrôle. Fixation. Protection. Surveillance. ment bénin qui peut être prévenu en assurant à la perfusion un
Ablation débit régulier et constant, ce qui s’obtient au mieux en utilisant
une pompe à perfusion ou un pousse-seringue électrique. Il faut
Contrôle rincer le cathéter au sérum physiologique après toute adminis-
Le contrôle de la position du cathéter immédiatement après tration de médicaments, prélèvement sanguin ou transfusion.
sa pose est impératif. Une présomption de position correcte Compte tenu du risque d’obstruction définitive du cathéter, il
peut, certes, être donnée par la clinique : écoulement franc et est enfin recommandé de vérifier la compatibilité des solutés
rapide du liquide de perfusion, reflux sanguin net lorsqu’on entre eux avant de les injecter dans le cathéter ou dans la
abaisse le flacon au-dessous du plan du lit, constatation tubulure.
d’oscillations cardiaques et respiratoires sur une courbe de En cas d’utilisation intermittente d’un cathéter à émergence
pression sanglante. La radiographie de contrôle permet de cutanée, après rinçage au sérum physiologique et occlusion par
vérifier l’absence de complications (fausse route, hémothorax, un obturateur à membrane, on injecte au travers de ce dernier
pneumothorax, etc.) et sa position, le cathéter ne devant pas se de 2 à 3 ml soit d’une solution contenant 100 unités
projeter au-dessous du corps de D5 sur un cliché thoracique de d’héparine/ml (Pharmacie centrale des Hôpitaux), soit de sérum
face. En cas de doute sur la position du cathéter, il faut opacifier physiologique ; cette procédure doit être répétée tous les
ce dernier en injectant quelques millilitres de produit de 15 jours.

Médecine d’urgence 7
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

Devant une obstruction de cathéter, en particulier en silicone, Perfusion extraveineuse


toute manœuvre de désobstruction sous pression est formelle-
Elle est beaucoup plus fréquente. L’épanchement sous-cutané
ment contre-indiquée (risque de fissure, de rupture et de
migration). La seule attitude raisonnable consiste à laisser qui la caractérise n’a habituellement d’autre conséquence que
pendant une trentaine de minutes de 1 à 2 ml d’une solution l’arrêt de la perfusion en cours et la nécessité de « repiquer » le
fibrinolytique (Urokinase®), pure ou diluée au quart, au contact malade. Il n’en est bien entendu pas de même lors de l’admi-
du thrombus ; il est parfois nécessaire de prolonger la durée de nistration de solutés ou de médicaments ayant des propriétés
contact pendant 24 heures pour obtenir la désobstruction. Ces nécrosantes sur le tissu cellulaire sous-cutané, comme par
mesures, presque toujours efficaces en cas d’obstruction cruori- exemple certains anesthésiques (thiopental, diazépam ...), les
que, sont évidemment sans effet sur une obstruction « particu- vasoconstricteurs puissants (aramine, dopamine ...), de nom-
laire » due à la précipitation, dans la lumière du cathéter, de breux antimitotiques (adriamycine, méthotrexate ...), les solutés
substances incompatibles entre elles. hypertoniques ou alcalins. Il est donc recommandé, lors de
La surveillance du point de pénétration cutanée du cathéter l’utilisation de ces produits par voie veineuse périphérique, de
(et de son éventuel trajet sous-cutané) doit être régulière, à la s’assurer de la perméabilité de la veine utilisée et d’exercer une
recherche de toute anomalie évocatrice d’une complication surveillance draconienne.
mécanique ou infectieuse. Elle est l’occasion de désinfecter le ou
les orifices cutanés et de changer le pansement. Abords veineux profonds
L’utilisation d’un cathéter à chambre requiert certaines
précautions particulières : désinfection cutanée du site à l’alcool Échec
iodé, à la chlorhexidine, ou à la Bétadine® ; repérage du septum
Sa fréquence est diversement appréciée, selon les auteurs et
par la palpation d’une dépression ronde limitée par le rebord du
en fonction du lieu de ponction. On admet généralement qu’il
site ; introduction de l’aiguille (aiguille de Huber, Gripper® ou
représente pour un opérateur entraîné, quelle que soit la
Perfusite®) ; la membrane de silicone doit être traversée perpen-
diculairement sur toute son épaisseur par l’aiguille qui doit technique employée, moins de 5 % des cas pour la veine sous-
« buter » sur le plan postérieur rigide de la chambre ; mise en clavière [11] et moins de 10 % des cas pour la veine jugulaire
évidence d’un reflux sanguin par aspiration à la seringue. En interne [12]. L’échec de ponction est un incident plus qu’un
l’absence de reflux sanguin, situation assez fréquente au bout de accident, sauf lorsque l’abord veineux est un impératif vital
quelques mois d’utilisation, l’injection d’une vingtaine de immédiat (ce qui est assez rare) et surtout lorsqu’il conduit
millilitres de sérum physiologique permet de contrôler la l’opérateur à un acharnement générateur d’une ou plusieurs des
perméabilité du cathéter et l’étanchéité du système (injection complications évoquées (cf. infra).
indolore, absence d’infiltration sous-cutanée). Ces mesures de
précaution doivent être respectées avant chaque utilisation de la Blessures veineuses ou artérielles
chambre, avant toute administration d’antimitotiques ou de Elles restent relativement bénignes lorsqu’elles se produisent
solutés hypertoniques. Comme pour tout autre cathéter, la à un endroit où la compression manuelle est possible (cou,
prévention des risques d’obstruction impose plusieurs précau- racine de cuisse) et chez des malades ayant une hémostase
tions : respect des incompatibilités médicamenteuses ; rinçage normale. Elles ne se traduisent alors le plus souvent que par un
du site ; héparinisation de l’ensemble cathéter/site après chaque
hématome. Les blessures artérielles sont habituellement moins
manipulation ; héparinisation toutes les 4 à 6 semaines en
graves mais plus fréquentes au cours des abords de la veine
l’absence d’utilisation régulière.
jugulaire interne (de 1 à 7 % [13]) qu’à l’occasion des abords
Ablation du cathéter veineux sous-claviers (environ 2 % [14]). Les abords de la veine
Elle doit s’effectuer avec les mêmes précautions d’asepsie que jugulaire interne peuvent donner lieu à des accidents neurolo-
les autres manipulations : nettoyage du point d’entrée à l’aide giques (hémiplégie secondaire à une ponction carotidienne) ou
d’une solution alcoolique, iodée ou mercurielle, section des fils respiratoires (compression trachéale par hématome extensif). La
de fixation, retrait du cathéter préalablement occlus. Les gravité des complications des abords veineux sous-claviers
derniers centimètres sont sectionnés stérilement et mis en (hémothorax et/ou hémomédiastin) est fonction de l’impor-
culture en cas de suspicion d’infection liée au cathéter. tance de la brèche et des possibilités d’hémostase spontanée du
malade. Leur caractère massif impose alors le recours à une
■ Complications transfusion importante, parfois au drainage thoracique, voire à
la thoracotomie d’hémostase.
Les complications des abords veineux sont extrêmement
Pneumothorax
nombreuses et très diverses.
Consécutif à une blessure du dôme pleural, c’est une compli-
Complications mécaniques cation classique des techniques de cathétérisme percutané de la
Celles des abords veineux superficiels sont fréquentes, mais veine sous-clavière (moins de 5 % [15]) mais aussi, quoique
habituellement bénignes. Celles des abords veineux profonds, moins fréquente, de celles intéressant la veine jugulaire interne
plus rares, sont aussi généralement beaucoup plus graves. et surtout des plus basses d’entre elles. Sa fréquence, variable
selon la technique utilisée, augmente chez les sujets de mor-
Abords veineux superficiels phologie atypique (cachectiques, obèses, emphysémateux) et
diminue avec l’expérience de l’opérateur. Suspecté le plus
Blessure de la veine
souvent dès la ponction par l’issue d’air dans la seringue, il est
Rançon fréquente et sans gravité d’un geste difficile ou affirmé secondairement par la clinique et l’examen radiologique.
maladroit, elle se traduit par un hématome bénin, incident plus Il est assez souvent retardé, n’apparaissant que sur le cliché
que complication véritable.
systématique « du lendemain ». Il est quelquefois d’importance
Injection intra-artérielle accidentelle minime et bien toléré, n’entraînant d’autres soins que la
C’est une complication exceptionnelle. L’artère le plus surveillance clinique et radiologique associée à la kinésithérapie
souvent en cause est l’artère humérale au pli du coude, mais de respiratoire. Il en va différemment lorsqu’il est massif d’emblée,
tels accidents ont été décrits avec les artères du dos de la main s’il se produit chez un insuffisant respiratoire ou chez un
ou de la cheville. Ils sont susceptibles d’avoir des conséquences malade soumis à la ventilation artificielle. Il doit alors être
extrêmement graves (artériospasme, gangrène du membre sous- exsufflé ou drainé. Il paraît indispensable de rappeler que tout
jacent). Ils peuvent être prévenus en s’assurant de la réalité de échec de ponction (en particulier de la veine sous-clavière)
la position endoveineuse de l’aiguille avant toute injection interdit une tentative du côté opposé avant un délai de plu-
médicamenteuse. sieurs heures en raison du risque de pneumothorax bilatéral.

8 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

Blessures des canaux lymphatiques Perforations cardiaques


Elles sont rares ; elles ont été rapportées après abord veineux Complication gravissime, la perforation cardiaque peut
aussi bien jugulaire interne que sous-clavier. C’est habituelle- survenir au décours immédiat ou à distance de la pose d’un
ment le canal thoracique qui est en cause, plus souvent en cas cathéter veineux central rigide, soit introduit trop profondé-
d’hypertension portale, en raison de l’hypertrophie dont il est ment, soit rompu et ayant migré en position intracardiaque.
l’objet dans cette circonstance. La gravité de ces accidents est La clinique est parfois très fruste [16] et dans un quart des cas
relativement élevée, la lymphostase n’ayant que peu de ten- la perforation est pratiquement asymptomatique, le diagnostic
dance à s’effectuer spontanément et nécessitant souvent la n’étant évoqué qu’à l’occasion d’un arrêt cardiaque inopiné ou
ligature chirurgicale du vaisseau. Quelques cas mortels ont été ne constituant qu’une découverte nécropsique. Trois fois plus
signalés. souvent, c’est après un intervalle libre de quelques heures à
quelques jours que le malade présente brutalement un certain
Lésions nerveuses nombre de signes inquiétants, non spécifiques mais évocateurs :
Beaucoup plus rares, elles sont plus fréquentes par voie cyanose cervicofaciale, dyspnée, douleur rétrosternale, agitation,
jugulaire interne que par voie sous-clavière. Elles sont en confusion ou coma. Quelques minutes ou quelques heures
général bénignes. Tout a été décrit : atteinte du plexus brachial, après, s’installe un tableau de tamponnade. Il évolue inexora-
du nerf phrénique, du ganglion stellaire, etc. blement jusqu’à l’arrêt cardiaque en l’absence de diagnostic et
de traitement.
Fausses routes Le diagnostic repose sur la constatation d’une pression
La fréquence des fausses routes de cathéter est très variable veineuse centrale très élevée et sur l’existence des signes
d’un auteur à l’autre (de 0 à 20 %). Leur prévention repose à la électrocardiographiques, radiologiques et/ou échographiques
fois sur le choix des veines les moins sujettes à cette complica- d’épanchement péricardique. Il est malheureusement rarement
tion (jugulaire interne droite plutôt que gauche, sous-clavière fait avant que ne survienne l’arrêt cardiaque, ce qui explique
gauche plutôt que droite, basilique plutôt que céphalique), sur probablement la mortalité élevée (80 %).
le respect d’une procédure rigoureuse dans l’introduction du Leur prévention est donc fondamentale et il est admis que :
cathéter et sur la recherche pendant celle-ci de tous les petits • le cathétérisme veineux central doit faire rejeter l’utilisation
signes faisant suspecter un trajet aberrant : difficulté d’introduc- de cathéters rigides ou dont l’extrémité effilée risque d’être
tion, défaut de retour franc de sang par le cathéter lors d’un traumatisante, qu’ils soient introduits par voie antébrachiale
essai d’aspiration à la seringue, etc. Leur dépistage, comme celui (plus de 50 % des cas) ou par l’intermédiaire d’un abord
des autres trajets aberrants, justifie le contrôle radiologique veineux profond ; l’utilisation préférentielle des cathéters en
systématique immédiatement après la pose du cathéter. silicone ou en polyuréthanne a pratiquement fait disparaître
En cas de localisation de l’extrémité du cathéter dans une cette complication ;
veine de petit calibre (mammaire interne, jugulaire antérieure, • les repères anatomiques externes ne permettent en aucun cas
thyroïdienne, etc.), son retrait s’impose en raison du risque de de mesurer avec une précision suffisante la profondeur
thrombose ou de perforation veineuse. Si l’extrémité distale du d’introduction du cathéter et que sa position exacte doit être
cathéter est située dans un vaisseau de gros calibre (tronc localisée au moyen d’un contrôle radiologique ;
veineux innominé, sous-clavière controlatérale, jugulaire interne • l’obtention de chiffres interprétables de pression veineuse
homolatérale ou controlatérale), il faut reculer le cathéter de centrale ne nécessite pas que le cathéter soit dans une
quelques centimètres ; son utilisation est alors possible pour une position intracardiaque : la plupart des auteurs recomman-
courte durée. En revanche, si le cathéter est prévu pour être dent de se limiter à la partie supérieure de la veine cave
utilisé pour une longue durée, il est indispensable de procéder supérieure ;
à son ablation et de le reposer. • la fixation du cathéter à la peau doit être assurée de façon
efficace et durable, en particulier au moyen d’un fil de suture
Perforations veineuses chirurgical ;
Selon les circonstances, le trajet du cathéter peut se faire : • compte tenu de leur effet vulnérant sur l’endoveine et
• dans les parties molles, se traduisant dès l’introduction du l’endocarde, il convient d’éviter autant que possible l’admi-
cathéter par une gêne à sa progression, par l’impossibilité ou nistration, par l’intermédiaire d’un cathéter veineux central,
l’extrême difficulté de perfusion, par l’absence de reflux de perfusions sous forte pression et de produits de contraste
sanguin ; le contrôle radiologique avec injection de produit en quantités importantes ;
de contraste montre une flaque appendue à l’extrémité du • tout malade porteur d’un cathéter veineux central doit être
cathéter ; l’objet d’une surveillance assidue : elle doit en particulier
• dans certaines cavités naturelles, comme la plèvre thoracique vérifier fréquemment l’existence d’un retour veineux franc et
ou médiastinale, ou la cavité péritonéale ; à la différence du dépister les premiers signes cliniques évocateurs de la
cas précédent, c’est le contraste entre l’écoulement aisé de la complication.
perfusion et l’absence de retour sanguin (ou le retour d’un Le traitement implique tout d’abord l’arrêt immédiat de la
liquide rosé) qui doit faire suspecter la complication ; la perfusion et la réaspiration partielle de l’épanchement péricar-
confirmation est là aussi apportée par le contrôle radiologi- dique, si elle est possible, en abaissant le flacon de perfusion
que ; au-dessous du plan du malade. Cette simple manœuvre permet
• dans un vaisseau artériel ou lymphatique, généralement après quelquefois une restauration rapide de conditions hémodyna-
ponction directe du vaisseau ; le plus souvent, le diagnostic miques satisfaisantes. Le cathéter est alors reculé de quelques
est évoqué dès l’épreuve de retour sanguin devant l’aspect du centimètres et une injection de produit de contraste vérifie
liquide revenant du cathéter. l’absence de fuite vers le péricarde. En cas d’échec de la
Compte tenu de la symptomatologie évocatrice, le diagnostic réaspiration, il faut sans attendre évacuer l’épanchement
de perforation veineuse primitive, contemporaine de la pose du péricardique, par ponction à l’aiguille en cas d’extrême urgence,
cathéter, est assez souvent précoce et les conséquences en sont plus sûrement et avec moins de risque par péricardotomie
minimes, n’imposant alors que l’ablation du cathéter. En chirurgicale.
l’absence de ce diagnostic ou si la perforation survient plus
Embolies de cathéter [17]
tardivement à distance du cathétérisme, elle peut entraîner des
complications sérieuses. L’épanchement pleural, médiastinal ou Autrefois, avant l’utilisation en routine de la méthode de
abdominal se traduit par l’inefficacité des perfusions ou des Seldinger, c’était lors de la pose du cathéter que l’opérateur
transfusions, l’aggravation progressive de l’état du malade et sectionnait celui-ci au cours d’un retrait malencontreux sur le
l’apparition de signes évocateurs, variables selon la localisation biseau de l’aiguille ; parfois, la section était plus tardive et se
du cathéter : dyspnée croissante, collapsus aggravé par les passait « sous le pansement » au contact du biseau non, ou mal,
perfusions, distension abdominale progressive ... protégé d’une aiguille introductrice non démontable.

Médecine d’urgence 9
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

La généralisation de la méthode de Seldinger a pratiquement Complications propres aux cathéters à chambre


supprimé le risque de section accidentelle du cathéter sur Ils peuvent être le siège de complications spécifiques : défaut
l’aiguille d’introduction ; l’emploi du silicone, matériau particu- de cicatrisation lié en général à une brûlure cutanée par bistouri
lièrement fragile, a en revanche mis en évidence le danger des électrique ou à une infection initiale de la loge du boîtier,
manœuvres de désobstruction sous pression des cathéters ulcération cutanée en regard d’un boîtier trop proéminent.
occlus. Assez souvent évident, le diagnostic peut nécessiter une confir-
Le fragment de cathéter peut se fixer à plusieurs niveaux de mation radiologique. Dans tous les cas, un abord chirurgical du
l’axe veineux : dans le membre, dans la veine cave supérieure site d’injection est nécessaire pour changer ou replacer le boîtier.
ou inférieure, dans le cœur droit, dans l’artère pulmonaire ou La complication la plus invalidante est la nécrose cutanée par
une de ses branches. Le plus souvent (75 % des cas), l’embolie injection extravasculaire d’antimitotiques (anthracyclines). Elle
de cathéter est asymptomatique et bien tolérée. Elle doit survient soit en raison d’un mauvais repérage du septum, soit
cependant être considérée comme une complication grave dans lors de la désunion du raccord entre la chambre et le cathéter,
la mesure où plus de 10 % des malades décèdent dans des soit encore à cause d’une injection sous pression dans un
tableaux divers : fibrillation auriculaire, thrombose, endocardite, système en partie obstrué (fissuration ou rupture du cathéter) ;
perforation cardiaque, etc. elle peut enfin être due à la mobilisation secondaire d’une
Le diagnostic d’embolie de cathéter est fait sur l’anamnèse. aiguille correctement placée dans le septum. Le diagnostic est
Selon les circonstances de survenue, il est confirmé par des simple devant la survenue d’une douleur intense lors de
clichés du membre éventuellement en cause, du thorax (de face l’injection et de l’existence de signes locaux rapidement
mais surtout de profil), et par une échographie cardiaque. Si le extensifs : rougeur, empâtement, œdème. Le traitement com-
fragment est encore situé dans le membre, un garrot posé à la porte l’arrêt d’utilisation de la chambre et la surveillance
racine de ce dernier stoppe la progression du cathéter et permet quotidienne puis bihebdomadaire de la lésion ; on pratique
au chirurgien de procéder facilement à son ablation. S’il a migré secondairement, et seulement en cas de nécrose, l’ablation du
dans les cavités cardiaques droites (ou dans une branche de matériel, l’excision de la zone nécrotique et la greffe cutanée
que celle-ci implique.
l’artère pulmonaire), il peut être récupéré en milieu radiologique
La prévention de ce type d’accident repose sur le respect de
sous amplificateur de brillance par la technique dite du « lasso »,
règles simples : recherche du reflux sanguin avant toute injec-
ou en cas d’échec par voie chirurgicale.
tion de médicament dangereux et, en son absence, injection-
Embolie gazeuse test de 20 ml de sérum physiologique ; en cas d’hésitation sur
l’étanchéité du système, opacification du cathéter à la recherche
Le cathétérisme veineux central représente la situation la plus d’une « flaque » de produit de contraste ; surveillance du patient
propice à la survenue d’une aspiration d’air accidentelle. pendant toute la durée d’une perfusion réputée dangereuse.
L’extrémité du cathéter est située à un endroit où règne, de La rupture spontanée de cathéters veineux implantables en
façon physiologique, une pression négative inspiratoire et la silicone (ou en polyuréthanne) introduits par voie sous-clavière
communication du cathéter avec l’air ambiant peut s’observer est rare [19], mais doit être connue. Le mécanisme en cause
dans plusieurs circonstances : lors du cathétérisme à l’occasion semblerait être la section progressive et tardive, survenant après
d’une fausse manœuvre de l’opérateur, au cours des perfusions plusieurs semaines ou mois d’utilisation, du cathéter dans la
à la suite d’un débranchement accidentel de la tubulure, en fin pince costoclaviculaire ; il conviendrait donc d’éviter l’intro-
de perfusion si le flacon est rigide et/ou a été muni d’une prise duction de ce type de cathéters par un abord sous-clavier trop
d’air. L’aspiration d’air est favorisée par les mouvements interne.
d’inspiration profonde, la position assise ou debout (malades
ambulatoires), l’hypovolémie et le calibre important du cathéter. Complications thrombotiques
La fréquence de survenue des accidents d’aéroembolisme dus
au cathétérisme et à la perfusion n’est pas connue, et est très Thrombophlébite périphérique
vraisemblablement sous-estimée. La mortalité des observations
Inflammation de la veine perfusée souvent associée à une
publiées est lourde, de 30 à 50 %, les séquelles neurologiques
thrombose locale, c’est une complication fréquente des abords
observées chez les survivants s’élevant à 40 % [18]. veineux superficiels. La douleur locale, l’inflammation cutanée
La relation entre la quantité d’air introduite et la gravité de et sous-cutanée périveineuse, l’existence d’un cordon induré,
la symptomatologie n’est pas établie de façon précise. La permettent de la reconnaître aisément.
présence d’air dans le cœur droit provoque une gêne importante Les facteurs favorisants sont d’ordre physicochimique. Ils sont
au retour veineux et finit par aboutir au désamorçage de la représentés principalement par la localisation distale du point
pompe cardiaque. Dans les formes mineures, la clinique est de ponction et de l’extrémité du matériel utilisé, le diamètre de
fruste : léger malaise, cyanose et polypnée modérées, petite ce dernier, sa nature irritante, ainsi que celle des liquides
chute tensionnelle, le tableau rétrocédant spontanément, ou perfusés et des drogues injectées, enfin la durée de la perfusion
sous traitement, en quelques dizaines de minutes. Dans les au même endroit. Dans le cas de perfusions réalisées aux veines
formes graves, s’installe brutalement un tableau de détresse du membre inférieur, c’est la stase veineuse qui semble être le
cardiocirculatoire, respiratoire et neurologique. L’auscultation facteur prédominant.
cardiaque retrouve le bruit de « roue de moulin », caractéristique Le traitement des thrombophlébites repose en premier lieu
de la complication. Rapidement apparaissent des troubles du sur le retrait précoce du matériel d’abord veineux et la mise au
rythme divers, évoluant jusqu’à l’arrêt circulatoire dans un repos de la veine, l’application de pommades contenant des
certain nombre de cas. Le diagnostic d’embolie gazeuse doit agents anti-inflammatoires ou de pansements alcoolisés.
toujours être évoqué devant une dyspnée aiguë et un collapsus La prévention repose sur la limitation de la durée des perfu-
brutal chez un patient porteur d’un cathéter central ; si le degré sions, le choix d’un matériel peu agressif, l’abstention d’admi-
d’urgence et les circonstances le permettent, il est confirmé par nistration de solutés veinotoxiques.
une échographie cardiaque.
Le traitement de l’embolie gazeuse repose sur plusieurs Thrombose profonde sur cathéter
mesures : mise en décubitus latéral gauche avec position de Dans la plupart des cas, la symptomatologie initiale est fruste,
Trendelenburg (pour retenir la bulle d’air dans la pointe du le plus souvent limitée à un léger œdème du membre corres-
ventricule droit afin d’éviter le désamorçage cardiaque) ; pondant à l’axe veineux en cause ou à une fièvre inexpliquée,
aspiration de l’air intracardiaque par le cathéter laissé en place ; et sa fréquence est donc très vraisemblablement sous-estimée
oxygénation large dès que possible, suivie par une oxygénothé- dans la plupart des publications. Plus tardivement, le diagnostic
rapie hyperbare afin de réduire le volume des bulles, d’accélérer peut en revanche être évident si la thrombose est complète :
leur dissolution et de favoriser la diffusion de l’oxygène dans les douleur, œdème, gonflement du territoire situé en amont du
tissus. thrombus, avec ou sans circulation collatérale superficielle.

10 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

Ailleurs, la palpation d’un cordon douloureux en amont du intravasculaire du cathéter et adhèrent au matériel soit directe-
point d’entrée du cathéter dans la veine (jugulaire interne par ment, soit par l’intermédiaire du slime que certains d’entre eux
exemple) signe la thrombose localisée. Dans tous les cas de sécrètent (staphylocoques à coagulase négative).
suspicion clinique de thrombose sur cathéter, le diagnostic est Les germes responsables des infections sur cathéter sont des
confirmé par une échographie doppler associée à une phlébo- staphylocoques à coagulase négative, des staphylocoques dorés,
graphie ou une angiographie numérisée qui, seules, permettent des microcoques, des streptocoques ou des levures. En dehors
une évaluation précise de l’importance de la thrombose et de des secteurs de réanimation, les bacilles à Gram négatif sont
ses conséquences sur la circulation veineuse de retour qui, par plus rarement en cause.
ailleurs, sont indispensables si un traitement fibrinolytique est
Les manifestations cliniques des infections sur cathéter sont
entrepris.
de trois types :
La fréquence des thromboses sur cathéter varie entre 4 et
42 % [15, 20]. Aucun type de cathéter n’est exempt de ce risque. • des réactions inflammatoires locales isolées (rougeur, sérosité)
Cependant, certains matériaux (polyéthylène), certaines techni- siégeant à l’émergence cutanée d’un cathéter (ou à un site
ques (voie antébrachiale), certains territoires (cave inférieur), d’injection) ; si le patient n’est pas fébrile, et si les prélève-
sont connus pour favoriser la survenue de thromboses. D’autres ments bactériologiques et les hémocultures sont stériles, le
facteurs favorisants ont été décrits : cathéters laissés en « fausse cathéter peut être laissé en place et utilisé, mais il doit être
route », à contre-courant ou dont l’extrémité n’est pas en étroitement surveillé ; dans le cas d’une chambre, son
position strictement centrale, certains antimitotiques, les utilisation est différée jusqu’à la disparition complète des
mélanges nutritifs à forte osmolarité, la présence d’une masse signes locaux ;
tumorale intrathoracique. • des réactions inflammatoires locales douloureuses associées à
Le traitement d’une thrombose sur cathéter impose classique- un état fébrile ; cette situation doit faire pratiquer des
ment le retrait de celui-ci et la mise du patient sous anticoagu- prélèvements bactériologiques (écouvillonnage de la sérosité
lants à dose efficace, d’abord par l’héparine (héparine non suspecte, hémocultures qualitatives et si possible quantitati-
fractionnée par voie veineuse ou héparine de bas poids molécu- ves, centrales et périphériques), l’ablation du cathéter et sa
laire par voie sous-cutanée), ensuite, au bout de quelques jours mise en culture, l’instauration d’une antibiothérapie adaptée
et pour plusieurs mois, par les antivitamines K. au germe responsable de l’infection et maintenue pendant
une quinzaine de jours, ainsi que la réalisation de soins
Complications infectieuses locaux quotidiens ;
On peut considérer, avec Maki [21], que le fait de réaliser un • circonstance beaucoup plus fréquente, une bactériémie
abord veineux « revient à relier directement au monde extérieur (« clocher thermique » et frisson) dans les heures suivant une
et à sa flore microbienne abondante le sang du malade, et donc manipulation chez un patient porteur d’un cathéter depuis
à priver ce dernier d’une de ses barrières de défense les plus plusieurs mois ; l’examen clinique est négatif, seul le cathéter
importantes, à savoir la peau intacte » ; cet abord veineux se peut être impliqué dans la genèse de la symptomatologie, et
comporte alors « comme un modèle expérimental diabolique de les hémocultures mettent en évidence le germe en cause.
cause d’infection systémique ». Classiquement, le diagnostic de certitude repose sur l’ablation
Les facteurs favorisants sont le terrain (néoplasies, diabète, et la mise en culture du fragment distal du cathéter en milieu
cardiopathie, chirurgie lourde, etc), l’âge (vieillard), les traite- solide : culture semi-quantitative [25] ou quantitative [6] . La
ments associés (corticoïdes, immunodépresseurs, chimio- culture semi-quantitative, très sensible (100 %) mais peu
thérapie). spécifique (50 %), permet d’affirmer la contamination du
Infection et abord veineux périphérique cathéter pour moins de 15 unités formant colonies (colony
forming units [CFU]) ; le cathéter est dit infecté pour une valeur
La plupart des auteurs s’accordent à reconnaître une morbi-
supérieure ou égale à 15 CFU. Les cultures quantitatives sont
dité infectieuse nettement inférieure aux aiguilles métalliques
plus précises (sensibilité 97,3 %, spécificité 88 %) et facilement
(en particulier épicrâniennes) par rapport aux autres matériels
d’abord veineux. La positivité des cultures systématiques de ces réalisables en pratique courante. Le seuil de positivité du
aiguilles est inférieure à 10 % dans les grandes séries et les cathéter est supérieur ou égal à 1 000 CFU/ml.
septicémies qui leur sont imputables sont extrêmement Le traitement classique de toute infection liée au cathéter
rares [22]. implique son retrait et sa mise en culture ; en cas d’infection à
staphylocoque à coagulase négative, ce simple geste suffit et
Infection et cathéters entraîne la disparition des signes cliniques et bactériologiques.
La fréquence des infections sur cathéter a considérablement Depuis quelques années, certains cliniciens essaient de traiter
diminué ces dernières années et est estimée aujourd’hui, selon les infections sur cathéter, cathéter en place, par une antibio-
les auteurs, de 5 à 12 % [14, 23]. Ces chiffres tendent à diminuer thérapie systémique administrée dans le cathéter, seule ou
avec l’entraînement et la formation des équipes soignantes et associée à des verrous locaux d’antibiotiques [26]. Le verrou local
peuvent descendre jusqu’à 1 % dans les services de nutrition d’antibiotique consiste à mettre en contact 12 heures/j la
parentérale lorsque le cathéter est exclusivement réservé à cet lumière interne du cathéter colonisé avec une forte concentra-
usage [24]. tion (plus de 100 fois la concentration maximale inhibitrice
Les mécanismes de la colonisation du cathéter sont au d’un antibiotique adapté au germe) ; il est renouvelé tous les
nombre de quatre : jours, pendant 10 à 15 jours selon les auteurs. Cette technique
• la voie périluminale : les germes de la flore cutanée habituelle qui a fait la preuve de son efficacité en oncohématologie et en
ou de substitution viennent coloniser le trajet sous-cutané du
nutrition parentérale, est inapplicable en situation d’urgence, de
cathéter à partir de son émergence cutanée jusqu’à sa partie
réanimation ou de soins intensifs, car elle nécessite l’arrêt de
intravasculaire distale ;
l’utilisation du cathéter 12 heures par jour.
• la voie endoluminale, qui correspond à la contamination
microbienne de la lumière interne des raccords et des Ces modalités thérapeutiques avec conservation in situ du
connections Luer-Lock lors des manœuvres de branchement cathéter doivent être proscrites en cas de choc septique, de
du cathéter ; septicémie à Staphylococcus aureus ou à levures, de thrombo-
• la greffe microbienne sur l’extrémité intravasculaire du phlébite suppurée, de tunnellisation infectée, de syndrome
cathéter, à l’occasion d’une bactériémie, de germes provenant septicémique prouvé ne répondant pas à une antibiothérapie
d’un foyer septique situé à distance ; adaptée en 48 à 72 heures, et enfin en cas de septicémie à
• l’administration de solutés de perfusion hautement germes rares (Corynebacterium sp. ou Bacillus sp.). Dans tous ces
contaminés. cas, le cathéter doit être enlevé et mis en culture, et le patient
Quel que soit leur mode d’introduction, les micro-organismes traité pendant 15 à 30 jours par une antibiothérapie adaptée au
colonisent le manchon de fibrine qui recouvre la portion germe responsable.

Médecine d’urgence 11
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

■ Indications et contre-indications du malade ainsi que la sécurité et la régularité des perfusions


incitent à éviter de « piquer » aux plis de flexion. Enfin, on
Le choix du type d’abord veineux et du site de ponction est essaie, dans la mesure du possible, de se limiter au membre non
fonction de nombreux facteurs : la notion ou non d’urgence, dominant.
l’état clinique et morphologique du patient, le type de solutés La veine jugulaire externe, relativement facile à ponctionner
et de produits à administrer, la durée et le débit prévisible de la mais assez inconfortable, est réservée à certaines situations
perfusion, le matériel disponible, les risques liés à la technique d’urgence et à des perfusions de courte durée. Il en est de même
.
envisagée, les contre-indications générales ou particulières de plus exceptionnellement pour les veines du membre inférieur,
chaque voie d’abord, les habitudes et l’expérience de l’opérateur compte tenu du risque majeur de phlébite et d’infection qui les
(Tableau 1) (Fig. 9) [27]. caractérise.
Les matériels les plus adaptés à l’utilisation du réseau veineux
périphérique sont les épicrâniennes et les canules de petit
Abords veineux superficiels périphériques calibre (de 0,8 à 1,2 mm) :
Compte tenu de leur nombre et de leur bonne tolérance, les • les épicrâniennes ont un risque infectieux minime, le métal
veines du membre supérieur sont utilisées en priorité. On offrant la meilleure résistance à la colonisation bactérienne ;
commence habituellement les perfusions par l’extrémité distale en revanche, leur rigidité facilite les traumatismes de l’endo-
du membre (radiale et cubitale superficielles, radiale accessoire), veine et oblige à des changements fréquents ;
ce qui permet de préserver l’intégrité du réseau veineux sus- • les canules, au contraire, ont une bonne tolérance mécani-
jacent en vue des ponctions ultérieures. Par ailleurs, le confort que, mais un risque infectieux majoré ;

Tableau 1.
Proposition de choix raisonné de l’abord veineux en fonction des circonstances et du terrain (d’après [27]).

Voies veineuses centrales Voie veineuse


a périphérique
Jugulaire interne Sous-clavière Fémorale Axillaire
Arrêt circulatoire + + +++ b NR ++++
Choc hypovolémique + + +++ NR ++++
Choc cardiogénique ++++ +++ + NR NR
Hémodialyse + + +++ + NR
Réanimation extrahospitalière + + +++ NR ++++
Nutrition parentérale totale ++++ +++ + +++ NR
Chimiothérapie ++++ +++ NR +++ +
Obésité +++ ++++ + + +
Troubles de l’hémostase + NR + +++ ++++
Insuffisance respiratoire chronique +++ NR + + ++++
NR : non recommandé.
a
Les indications proposées concernent la voie axillaire et non la voie sous-coraco-claviculaire.
b
Dans cette circonstance, l’extrémité du cathéter doit être positionnée au-dessus du diaphragme.

Nécessité d'une voie d'abord

Perfusion prévue pour durer : - Durée de la perfusion non immédiatement Abord veineux prévu pour être
- quelques heures prévisible de longue durée et/ou véhiculer
- ou quelques jours - État du malade pouvant nécessiter des solutés agressifs pour l'endoveine
- état du malade non préoccupant un remplissage et/ou une transfusion rapide

- Veine périphérique du membre supérieur Abord veineux profond d'emblée


Cas particuliers :
- veine jugulaire externe
- exceptionnellement, veine saphène
à la malléole

Mesures hémodynamiques par voie sanglante Mesures hémodynamiques par voie sanglante
non nécessaires indispensables

Abord veineux périphérique Abord veineux profond :


- veine jugulaire interne droite
- veine sous-clavière gauche

Figure 9. Arbre décisionnel. Choix de la voie d’abord.

12 Médecine d’urgence
Abords veineux percutanés chez l’adulte ¶ 25-010-D-10

• lorsque l’on souhaite réaliser des injections intermittentes Dans la pratique


sans perfusion continue, on peut installer un bouchon
multiperforable sur l’embout d’une canule ou d’une épicrâ- On se retrouve habituellement confronté à l’un des cas de
nienne ; le montage doit être rincé après chaque injection figure suivants :
avec quelques millilitres de sérum physiologique, éventuelle- • la perfusion est prévue pour durer quelques heures (transfu-
ment hépariné ; sions réglées, chimiothérapie, antibiothérapie...), ou quelques
• dans le cas de perfusion ou de transfusion à fort débit, il est jours (réhydratation simple, alimentation parentérale iso-
nécessaire d’utiliser un matériel de calibre plus important (de osmolaire, etc), et l’état du malade n’est pas préoccupant : on
1,5 à 2,1 mm), habituellement des canules ; assez rapidement utilise en priorité une veine périphérique du membre supé-
mal tolérées, elles sont retirées dès que possible ; rieur selon les règles énoncées plus haut ; la veine est perfusée
• les cathéters « mi-longs » posés par voie superficielle et dont avec une canule de petit calibre (0,8 à 1,2 mm) ; on sera,
l’extrémité reste dans le réseau veineux périphérique n’ont dans certains cas particuliers, amené à ponctionner la veine
plus d’indications actuellement. jugulaire externe (ou même, exceptionnellement, la veine
saphène à la malléole) ;
• la durée de la perfusion n’est pas immédiatement prévisible
Abords veineux centraux profonds et l’état du malade peut nécessiter un remplissage et/ou une
Leurs indications générales naissent des limites des abords transfusion rapide (urgence médicale ou chirurgicale) :
veineux superficiels. Il existe en effet un certain nombre de • si l’état du malade ne nécessite pas de mesures hémodynami-
situations où ces derniers sont soit irréalisables (sujets « impi- ques par voie sanglante, on réalise l’abord veineux comme
quables »), soit incapables de permettre l’acte envisagé (mesure dans le cas précédent, mais il sera souvent multiple (2 ou 3)
de pression centrale), soit inutilisables de façon durable (chi- et l’une au moins des veines choisies sera ponctionnée avec
miothérapie, nutrition parentérale totale, malades atteints de un matériel de fort calibre (canule de 1,5 à 2 mm) ;
sida). Le cathétérisme central de longue durée impose le recours • si, au contraire, ces mesures hémodynamiques sont indispen-
d’emblée au système veineux profond en privilégiant le terri- sables, on réalisera un abord veineux profond (veine jugulaire
toire cave supérieur : les veines sous-clavières, jugulaires internes interne droite, veine sous-clavière gauche) qui permettra la
et axillaires. mise en place par méthode de Seldinger d’une sonde de
Leurs contre-indications générales découlent de la dispropor- Swan-Ganz ; une perfusion centrale pourra être administrée
tion entre le risque encouru et le bénéfice escompté. Deux simultanément par la même voie, si le Désilet® utilisé est de
d’entre elles sont donc absolues : l’absence d’indication réelle et type Cordis®. à l’ablation de la sonde de Swan-Ganz, cette
l’existence d’un état septique au lieu de ponction. D’autres sont dernière sera éventuellement remplacée par un cathéter
appréciées cas par cas : l’inexpérience de l’opérateur, les troubles standard en silicone ou en polyuréthanne ;
de l’hémostase, l’existence d’un état septicémique. • l’abord veineux est prévu pour être de longue durée et/ou
Le cathétérisme de la veine sous-clavière réalise un abord doit véhiculer des solutés agressifs pour l’endoveine (chimio-
veineux profond particulièrement confortable pour le malade. thérapies lourdes, nutrition parentérale totale, etc) : il est
Les risques qu’il comporte imposent qu’il ne soit effectué que indiqué de pratiquer d’emblée un abord veineux profond qui
par un opérateur particulièrement expérimenté. Il doit être évité
dans la mesure du possible chez les sujets agités ou non
coopérants, chez les grands insuffisants respiratoires et chez les
patients à « haut risque pleural » (cachectiques, emphysé-
mateux).
Le cathétérisme de la veine jugulaire interne est le choix de
“ Points essentiels
première intention en raison du plus faible risque de pneumo- • Nombreux sont les malades chez qui l’indication d’une
thorax et des possibilités de compression manuelle des blessures perfusion veineuse (et a fortiori de la pose d’un
vasculaires les plus fréquentes. Il peut être en revanche relative-
cathétérisme veineux central) n’est qu’une
ment difficile à réaliser chez les obèses et les sujets à cou court,
et son taux d’échec est supérieur à celui du cathétérisme sous- « commodité » abusive dans la mesure où des méthodes
clavier. Compte tenu de la tunnellisation qui doit lui être moins dangereuses sont utilisables (alimentation entérale
associée, il offre au patient un confort égal à celui de ce dernier. par sonde par exemple).
Le cathétérisme de la veine fémorale peut être utilisé dans les • L’abord veineux doit être réalisé dans des conditions de
situations d’urgence, ou lorsque les autres sites sont inaccessi- sécurité optimales : la voie veineuse et le matériel doivent
bles ou contre-indiqués, mais il faut rappeler que cette voie est être choisis avec prudence et discernement par un
à haut potentiel thrombogène et septique. Sa durée d’utilisation opérateur familier de la technique qu’il met en œuvre,
doit rester inférieure à une semaine. conscient des risques qu’il fait courir au malade et capable
de faire face à une complication immédiate.
Cas particuliers • L’asepsie doit être rigoureuse lors de la pose de tout
abord veineux. Les cathéters centraux, sauf impossibilité
Abords veineux centraux par l’intermédiaire absolue, sont posés au bloc opératoire. Une asepsie
des veines superficielles continue doit être respectée lors de leur utilisation, ainsi
Cette solution, théoriquement séduisante dans la mesure où qu’une surveillance clinique associée si besoin à des
elle est accessible aux opérateurs peu entraînés et exempte de prélèvements microbiologiques.
risque important lié à la ponction veineuse, est aujourd’hui • Dans la pratique courante, le meilleur moment pour
pratiquement tombée en désuétude dans les indications de arrêter une perfusion et retirer le matériel d’abord veineux
longue durée, en raison du risque thrombotique accru. est certainement « le plus tôt possible », c’est-à-dire avant
que le risque encouru par le patient ne devienne supérieur
Dénudations au bénéfice qu’il en retire.
La dénudation d’une veine superficielle n’a actuellement • Les cathéters veineux centraux de longue durée sont
théoriquement plus d’indication en raison de son risque aujourd’hui devenus indispensables, par exemple pour le
infectieux particulièrement élevé, et du fait qu’elle interdit traitement des hémopathies malignes et de certains
définitivement l’usage de la veine concernée. Il faut cependant cancers, et chez les patients en nutrition parentérale. Ils
constater qu’aujourd’hui encore de nombreux chirurgiens ont transformé le confort des patients, adultes ou enfants,
implantent des cathéters à chambre par dénudation de la veine et simplifié le travail de l’équipe soignante.
céphalique dans le sillon deltopectoral.

Médecine d’urgence 13
25-010-D-10 ¶ Abords veineux percutanés chez l’adulte

sera, selon les circonstances, réalisé au moyen d’un cathéter [11] Haapaniemi L, Slatis P. Supraclavicular catheterization of the superior
standard en silicone et tunnellisé, d’un cathéter à manchon vena cava. Acta Anaesthesiol Scand 1974;18:12-22.
ou d’un cathéter à chambre. [12] Miller RE. Internal jugular pulmonary arteriography and removal of
catheter emboli. Radiology 1972;103:200-2.
■ Conclusion [13] English LC, Frew RM, Pigott JF, Zaki M. Percutaneous catheterization
of the internal jugular vein. Anaesthesia 1969;24:521-31.
Favorisée par l’amélioration et la diversification des méthodes [14] Failla P, De Boisblanc BP. Catheter-related sepsis in the ICU:
qui permettent sa mise en œuvre, la perfusion intraveineuse a characteristics and management. Crit Care Report 1991;2:188-94.
été à l’origine de progrès considérables ; compte tenu de la [15] Glaser P, Radoman V, Canonne O. Étude prospective de complications
gravité de certaines de ses complications, elle ne doit être mise de cathétérisme de la veine sous-clavière. Ann Chir 1973;27:911-6.
en œuvre qu’à la condition d’être absolument nécessaire et [16] Defalque RJ, Campbell C. Cardiac tamponade from central venous
parfaitement réalisée. catheter. Anesthesiology 1979;50:249-52.
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therapy. Ann Surg 1949;130:929-36. p. 3-11.

S. Boudaoud, Praticien hospitalier.


P. Alhomme, Praticien hospitalier (palhomme@noos.fr).
Service d’anesthésie-réanimation chirurgicale (Professeur Eurin), hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris cedex 10, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Boudaoud S., Alhomme P. Abords veineux percutanés chez l’adulte. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-D-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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14 Médecine d’urgence
¶ 25-010-D-20

Remplissage vasculaire et autres


techniques de correction volémique
S. Seltzer, D. Honnart, S. Chefchaouni, M. Freysz

Le traitement d’un état de choc nécessite la connaissance de son mécanisme physiopathologique et


comporte toujours une part étiologique. Le remplissage vasculaire reste cependant la pierre angulaire de
son traitement, une hypovolémie absolue ou relative étant presque constamment présente. L’utilisation
des solutés de remplissage vasculaire nécessite une connaissance précise de leurs caractéristiques, de leurs
avantages et de leurs effets secondaires. L’utilisation des cristalloïdes est limitée par leur faible persistance
intravasculaire et la surcharge hydrosodée extravasculaire induite par leur utilisation. Les colloïdes ont
donc une place majeure dans l’état de choc avéré. La place de l’albumine humaine est actuellement très
restreinte. Les indications des solutés salés hypertoniques ont été récemment définies. En médecine
d’urgence, il convient de connaître précisément les objectifs cliniques et la surveillance du remplissage
vasculaire. De la même manière, les autres techniques de correction volémique, position du patient,
autotransfusion et utilisation du pantalon antichoc, doivent être connues.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Solutés de remplissage vasculaire ; Cristalloïdes ; Colloïdes ; Pharmacocinétique ;


Pharmacodynamie ; Effets secondaires ; Pantalon antichoc ; Posture

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Le remplissage vasculaire constitue la pierre angulaire du
traitement de l’hypovolémie, qu’elle soit absolue ou relative, en
¶ Rappels physiologiques 2
association avec d’autres techniques comme la posture, le
Secteurs hydriques de l’organisme 2
pantalon antichoc et surtout l’utilisation d’amines
Mouvements d’eau entre secteurs plasmatique et interstitiel 2
sympathomimétiques.
Régulation de la volémie 3
Le choix d’un soluté de remplissage, longtemps subjectif ou
Paramètres de l’oxygénation tissulaire 3
lié à l’habitude, a évolué au cours des dernières années grâce à
¶ Pharmacologie des solutés de remplissage vasculaire 4 la tenue de conférences de consensus successives, de recom-
Cristalloïdes 4 mandations pour la pratique clinique et à une réglementation
Colloïdes artificiels 5 stricte de l’utilisation des colloïdes naturels. Les circulaires
Solutés salés hypertoniques (SSH) 9 ministérielles du 28 août 1987 et du 23 septembre 1992
Dérivés sanguins 10 établissent le principe de traçabilité des dérivés sanguins labiles
Transporteurs d’oxygène 11 et stables, et en restreignent considérablement les indications,
¶ Utilisation clinique et surveillance 11 essentiellement du fait du risque de transmission d’agents
Choc hypovolémique 11 infectieux, connus ou non. Les conférences de consensus de
Cas particuliers 15 1989, de 1995 sur l’albumine et celle de 1997, ainsi que de
Remplissage vasculaire à la phase aiguë des brûlures 15 nombreuses études, permettent aujourd’hui de proposer des
Choc septique 16 indications clarifiées des différents solutés. Cristalloïdes,
Choc anaphylactoïde 16 hydroxyéthylamidons (HEA), gélatines et solutions salées
Surveillance de l’efficacité du remplissage vasculaire 16 hypertoniques trouvent chacun leur place dans la stratégie du
Accidents du remplissage vasculaire 17 remplissage en fonction du tableau clinique et sont souvent
¶ Autres techniques de correction volémique 18 associés. Concernant les substituts du sang de type transporteurs
Autotransfusion 18 de l’oxygène (O2), les études cliniques restent à faire.
Posture et précautions de mobilisation 18 Le choix rationnel des solutés dans la conduite du remplis-
Pantalon antichoc 18 sage vasculaire nécessite tout d’abord le rappel des notions de
Traitements associés 19 physiologie et la connaissance des propriétés pharmacologiques
d’expansion volémique de chacun des solutés. De plus, il faut
¶ Conclusion 20
intégrer des facteurs économiques, le surcoût n’étant pas justifié
en dehors d’avantages cliniques clairement démontrés.

Médecine d’urgence 1
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

■ Rappels physiologiques Cette notion est très importante dans le remplissage vasculaire
chez le patient présentant une situation d’œdème cérébral ou
Après administration intraveineuse, un soluté va se répartir neuronal potentiel (traumatisme crânien, accident vasculaire
dans les différents secteurs hydriques de l’organisme en fonction cérébral, atteinte médullaire aiguë ...) [3].
de gradients de pression hydrostatique et/ou osmotique [1].
Mouvements d’eau entre secteurs
Secteurs hydriques de l’organisme
plasmatique et interstitiel
L’eau totale représente 60 % du poids du corps chez un
adulte moyen et se répartit en trois compartiments (Fig. 1) : L’étude de la persistance d’un soluté de remplissage dans
• secteur intracellulaire (40 % du poids du corps, soit les deux l’espace vasculaire, but premier de la thérapeutique, impose de
tiers de l’eau totale) ; connaître les mouvements d’eau entre les secteurs plasmatique
• secteur extracellulaire (20 % du poids du corps, soit le tiers et interstitiel. La voie d’administration habituelle est la voie
de l’eau totale), lui-même réparti en secteur interstitiel (15 % veineuse, mais une solution cristalloïde ne contenant pas de
du poids du corps, soit les trois quarts de l’eau extracellulaire) macromolécules peut aussi être administrée par voie sous-
et secteur intravasculaire (5 % du poids du corps, soit le quart cutanée (secteur interstitiel) : elle diffuse dans l’ensemble du
de l’eau extracellulaire) ; secteur extracellulaire, volémie comprise.
• secteur transcellulaire, inférieur à 1 % ; il est virtuel chez
l’homme normal, mais peut considérablement augmenter Facteurs régissant les mouvements d’eau
dans certaines situations pathologiques : c’est le cas lors d’une Pressions oncotiques
occlusion intestinale qui réalise alors un troisième secteur
conséquent. Pression oncotique du plasma. Les protéines plasmatiques,
Le volume sanguin total, ou volémie, d’environ 5 l chez un particulièrement l’albumine, qui en représente les deux tiers,
adulte, se distribue de façon très inégale dans le système exercent une pression colloïdo-osmotique qui tend à retenir
circulatoire. La plus grande partie se trouve en effet dans le l’eau dans les vaisseaux (1 g d’albumine exerce une pression de
système capacitif à basse pression, c’est-à-dire le système 0,4 mmHg). Cette pression est liée à la concentration en
veineux périphérique (65 %) et la circulation pulmonaire protéines exprimée en nombre de molécules ; elle n’est donc
(12 %), le reste étant partagé entre les vaisseaux artériels (15 %) pas strictement proportionnelle à la protidémie, surtout en
et les cavités cardiaques en diastole (8 %). Cette répartition urgence, en particulier en cas d’inflation hydrique. Elle peut être
explique les effets de la posture et du pantalon antichoc dans mesurée par un oncomètre, les valeurs normales se situant entre
le traitement de l’hypovolémie et les propriétés de redistribution 25 et 28 mmHg. Ces chiffres sont à comparer avec la pression
induites par les médicaments vasoactifs. osmotique qui dépasse 6 000 mmHg.
Les secteurs intra- et extracellulaire sont séparés par la Pression osmotique de l’interstitium. La membrane micro-
membrane cellulaire, perméable à l’eau mais imperméable aux vasculaire n’est pas strictement imperméable aux protéines.
grosses molécules et aux ions, pour lesquels il existe des Cette perméabilité relative est quantifiée par un coefficient de
mécanismes actifs de transfert. La répartition de l’eau de part et réflexion osmotique σ variant de 0 (perméabilité totale) à 1
d’autre de la membrane cellulaire est régie par l’osmolalité (imperméabilité complète). Ce coefficient, compris normale-
extracellulaire, elle-même sous la dépendance du sodium qui ment entre 0,8 et 0,9, descend entre 0,6 et 0,7 dans les capil-
constitue le squelette de ce secteur. laires pulmonaires et même à 0,5 dans le tube digestif ; il peut
C’est la membrane capillaire qui sépare le secteur intravascu- être inférieur à 0,3 dans certaines situations pathologiques (choc
laire du secteur interstitiel. Elle est perméable à l’eau et aux septique), traduisant une altération grave de la perméabilité
ions, imperméable aux grosses molécules dont l’encombrement capillaire. La pression oncotique ainsi générée tend à attirer
stérique dépasse 35 Å, qui restent ainsi dans le secteur plasma- l’eau dans le secteur interstitiel.
tique et sont à l’origine de la pression colloïdo-osmotique, qui Il en résulte la notion de pression oncotique efficace qui
tend à retenir l’eau dans le secteur vasculaire. En fait, la correspond à 90 % de la pression oncotique plasmatique, mais
membrane vasculaire est loin d’être semi-perméable et tous les à seulement 30 % dans les poumons et même 10 % dans le
colloïdes utilisés diffusent plus ou moins largement au travers tube digestif. On observe donc un passage physiologique
de celle-ci [2]. Dans le cerveau, la membrane microvasculaire est d’albumine vers le secteur interstitiel à un débit d’environ
particulière : c’est la barrière hématoencéphalique, peu perméa- 140 g/24 h, puis celle-ci regagne le secteur plasmatique par le
ble aux ions. Les mouvements hydriques y sont plus dépen- biais du drainage lymphatique qui est capable de s’accroître
dants des gradients osmotiques que des gradients oncotiques. considérablement, en particulier dans les poumons. En cas
d’hypoprotidémie, la concentration en protéines du secteur
interstitiel diminue également, entraînant une baisse parallèle
Plasma Membrane capillaire : de la pression oncotique interstitielle.
mouvements d'eau selon Au total, une solution cristalloïde diffuse dans l’ensemble du
Secteur un gradient oncotique secteur extracellulaire et, en fonction de son osmolalité, elle se
extracellulaire distribue en partie dans le secteur intracellulaire (solution
Interstitium
hypotonique) ou au contraire elle attire de l’eau intracellulaire
Membrane cellulaire : vers le secteur extracellulaire (solution hypertonique). Les
mouvements d'eau selon solutions colloïdales restent dans le secteur plasmatique,
un gradient osmotique diffusent en partie en interstitiel (solutions hypo-oncotiques) ou
attirent de l’eau de ce secteur vers le secteur vasculaire (solu-
tions hyperoncotiques).
Pression hydrostatique
Cellule La pression hydrostatique interstitielle est faible et n’aug-
Secteur mente significativement qu’en cas d’hyperhydratation supé-
intracellulaire rieure à 70 %. La pression hydrostatique intravasculaire est
mieux connue ; elle décroît du pôle artériel (35 mmHg) au pôle
veineux (15 mmHg).

Équilibre de Starling
Il intègre les données précédentes qui déterminent un flux
Figure 1. Secteurs hydriques de l’organisme. vers le secteur interstitiel au pôle artériel et un flux inverse au

2 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire

+7 + 16
+7 + 22

Pression hydrostatique interstitielle Pression oncotique interstitielle


Pression hydrostatique interstitielle Pression oncotique interstitielle -2 + 11
-2 + 14
+9 -5 = 4 mmHg
+9 -8 = 1 mmHg Figure 3. Membrane capillaire normale et pression oncotique abaissée.
Figure 2. Membrane capillaire et pression oncotique normales. Gra- Baisse parallèle de la pression oncotique interstitielle avec gradient de
dient de pression résultant quasi nul, pas de fuite d’eau extravasculaire. pression résultant limité à 4 mmHg. Le flux extravasculaire est pris en
charge par le drainage lymphatique.

pôle veineux. Ceci permet les échanges assurant les besoins


nutritionnels des tissus et contribue au maintien de la volémie. Pression hydrostatique capillaire Pression oncotique capillaire
Le flux net est d’environ 2 à 4 l/24 h vers le secteur interstitiel
et le drainage lymphatique en assure le retour vers le secteur
plasmatique.
Cet équilibre est modifié dans certaines situations pathologi-
ques :
• en cas d’hypoprotidémie (dénutrition ou plus souvent +7 + 20
hémodilution), la pression oncotique plasmatique baisse,
favorisant la fuite liquidienne extravasculaire ; le phénomène
est limité par la baisse parallèle de la pression oncotique
interstitielle et une accélération du drainage lymphatique ;
• en cas d’altération de la perméabilité capillaire (choc septique
ou état de choc prolongé), les pressions oncotiques plasmati- Pression hydrostatique interstitielle Pression oncotique interstitielle
que et interstitielle tendent à se rapprocher, avec une baisse
de la pression oncotique efficace ; la fuite liquidienne est +1 + 18
encore compensable par une accélération du drainage lym-
phatique qui met à l’abri de l’œdème interstitiel ; +6 -2 = 4 mmHg
• en cas d’hypovolémie, la baisse de pression hydrostatique
capillaire entraîne un passage immédiat d’eau de l’intersti- Figure 4. Membrane capillaire altérée et pression oncotique normale.
tium vers le secteur plasmatique ; Élévation parallèle de la pression oncotique interstitielle avec gradient de
• dans tous les cas, une augmentation de la pression hydrosta- pression résultant limité à 4 mmHg. Le flux extravasculaire est pris en
tique capillaire accroît la fuite liquidienne car l’augmentation charge par le drainage lymphatique.
de la pression hydrostatique interstitielle reste modérée.
Ainsi, on n’observe pas d’augmentation significative de l’eau
intrapulmonaire et donc de l’incidence de l’œdème pulmonaire qu’une pression veineuse centrale (PVC) très élevée pourrait en
en cas d’hypo-oncocité, sauf si la pression hydrostatique limiter l’ampleur. En cas d’hypovolémie, la baisse de pression
capillaire s’élève. Il n’est donc pas nécessaire de corriger la hydrostatique microvasculaire par fermeture du sphincter
baisse de la protidémie [4, 5], sauf si la pression hydrostatique précapillaire limite le flux d’eau vers le secteur interstitiel, tandis
s’élève : dans ce cas, le recours aux colloïdes est justifié, mais que le drainage lymphatique se poursuit.
doit rester prudent puisque l’apport de solutés macromoléculai- La complexité des mécanismes de régulation explique les
res est lui-même un facteur d’augmentation des pressions de difficultés d’établir la pharmacologie précise des solutés de
remplissage (Fig. 2–4). remplissage, dont l’effet dépend en ampleur et en durée de la
volémie initiale et des mécanismes régulateurs mis en jeu. Les
Régulation de la volémie données pharmacodynamiques obtenues chez le volontaire sain
sont ainsi très différentes de celles observées en pathologie.
Elle fait appel au rein qui régule les pertes d’eau et d’électro-
lytes, particulièrement le sodium. Plusieurs mécanismes inter-
viennent : des mécanismes rénaux directs ; l’autorégulation ; les
Paramètres de l’oxygénation tissulaire
mécanismes nerveux ; le système nerveux sympathique ; des La correction de la volémie a pour finalité l’oxygénation
mécanismes hormonaux ; le système rénine-angiotensine- tissulaire : l’objectif de la circulation est représenté par le
aldostérone ; le facteur atrial natriurétique ; l’hormone antidiu- transport de l’O2, dont les facteurs sont le débit cardiaque et le
rétique [1]. D’autres mécanismes sont impliqués en cas d’hyper- contenu artériel en O2.
hydratation extracellulaire : l’espace de diffusion des protéines Sur un cœur sain, c’est le retour veineux qui est le principal
augmente et accroît le gradient de pression oncotique plasma- déterminant du débit cardiaque (loi de Starling), les modifica-
interstitium. Il en résulte une rétention d’eau dans le secteur tions de contractilité intervenant peu. Ainsi, c’est le remplissage
interstitiel, surtout si la pression hydrostatique interstitielle et/ou l’augmentation du tonus vasomoteur qui augmentent le
s’élève. Enfin, la lymphe joue un rôle fondamental en ramenant retour veineux, donc le débit cardiaque. Sur un cœur défaillant,
vers le système cave un flux de liquide interstitiel comportant le remplissage vasculaire nécessite cependant un soutien
de l’albumine. L’énergie qui mobilise les flux provient des inotrope, l’augmentation de la précharge pouvant être mal
battements artériels, des contractions musculaires et de la tolérée si le ventricule ne peut en assurer l’éjection.
compression respiratoire des septa alvéolaires. Le drainage Le contenu artériel en O2 dépend de l’oxygénation sanguine
lymphatique peut être multiplié par dix dans les poumons, alors (saturation artérielle en O2) et de la quantité d’hémoglobine. Le

Médecine d’urgence 3
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

taux de l’hémoglobine doit être pris en compte pour optimiser à 273 mOsm·l–1. Cette donnée doit être prise en considération
le transport d’O 2 , et l’idéal réalise un compromis entre la dans toutes les situations potentielles d’œdème cérébral ou
quantité de transporteur d’O2 et la viscosité sanguine permet- neuronal où il est contre-indiqué.
tant un bon cheminement dans la microcirculation. La baisse
de l’hématocrite facilite cette circulation et est mise à profit Pharmacodynamie
dans les techniques d’hémodilution normovolémique. Les cristalloïdes isotoniques se distribuent en moins de
1 heure dans l’ensemble du secteur extracellulaire. Dans un
premier temps, l’apport de cristalloïdes isotoniques va compen-
■ Pharmacologie des solutés ser la relative déshydratation du secteur interstitiel dont le
contenu s’est trouvé rapidement mobilisé vers le secteur
de remplissage vasculaire plasmatique au début d’une hypovolémie [6].
Pour un remplissage de faible volume, la faible baisse de la
Cristalloïdes pression oncotique plasmatique liée à la dilution est compensée
Les cristalloïdes sont des solutés contenant de l’eau et des par l’augmentation de la pression hydrostatique interstitielle et
ions. Leur utilisation dans le traitement de l’hypovolémie est la répartition se fait pour 25 à 30 % dans le secteur vasculaire
très ancienne. contre 70 à 75 % dans le secteur interstitiel.
Pour un remplissage plus important, le secteur interstitiel va
Solutés isotoniques emmagasiner des quantités d’eau considérables sans élévation
notable de la pression interstitielle et seul un faible pourcentage
Propriétés physicochimiques du volume perfusé reste en intravasculaire ; l’inflation intersti-
On exclura d’emblée les solutés glucosés dépourvus d’électro- tielle élève cependant le flux lymphatique, qui ramène ainsi de
lytes qui ne sont pas des solutés de remplissage : ils diffusent l’albumine vers le secteur plasmatique.
dans l’eau totale et abaissent dangereusement l’osmolalité La perfusion de 1 000 ml de cristalloïdes isotoniques aug-
plasmatique. Ils sont particulièrement délétères chez le trauma- mente la volémie de 170 à 300 ml selon le contexte volémique
tisé crânien ou en situation d’ischémie cérébrale ou neuronale, de départ ; il faut donc administrer de trois à cinq fois le
car ils génèrent un œdème intracellulaire marqué. La perfusion volume à compenser et prolonger cet apport (Tableau 2). C’est
de 1 l de glucosé correspond en effet, après métabolisation du le Ringer lactate qui est utilisé préférentiellement, sauf en cas de
glucose, à l’apport de 1 l d’eau qui passe librement les traumatisme crânien ou médullaire, d’ischémie cérébrale,
membranes. d’insuffisance hépatocellulaire ou d’hyperkaliémie [7].
Le sérum salé à 0,9 % est isotonique, avec une osmolarité de
Avantages. Inconvénients
308 mOsm·l–1. En revanche, il porte assez mal sa dénomination
de sérum physiologique du fait d’une teneur élevée en chlore Avantages. Ce sont le faible coût, l’absence de toute réaction
qui expose à l’acidose hyperchlorémique (Tableau 1). de type allergique et l’absence de posologie maximale.
Le cristalloïde isotonique de référence est la solution dite de Inconvénients. Il s’agit essentiellement de l’inflation hydro-
Ringer lactate, plus équilibrée en chlore et qui apporte indirec- sodée, particulièrement dans le tissu sous-cutané, avec appari-
tement un tampon bicarbonate par métabolisation hépatique tion d’œdèmes cliniques au-delà de 3 l de surcharge. Les effets
du lactate, exposant en cas d’apports massifs à l’alcalose délétères réels de cette inflation restent à documenter, comme
métabolique. Sa composition (Tableau 1) peut légèrement varier le retard de cicatrisation ou le ralentissement du transit. La
selon le fabricant. Il est en revanche discrètement hypotonique, comparaison colloïdes/cristalloïdes isotoniques ne montre

Tableau 1.
Composition des solutés cristalloïdes.
Sérum salé à 0,9 % Ringer lactate Sérum salé hypertonique à 7,5 %
+ -1
Na (mmol l ) 154 130 1 275
Cl- (mmol l-1) 154 111 1 275
K+ (mmol l-1) - 5 -
Ca++ (mmol l-1) - 2 -
Lactate (mmol l-1) - 28 -
Osmolarité (mOsm l-1) 308 273 2 550

Tableau 2.
Comparaison de l’expansion volémique obtenue avec différents solutés. Le pouvoir d’expansion volémique et sa durée sont donnés à titre approximatif, en
raison des variations liées à l’état volémique du receveur.
Solutés Osmolalité (mOsm l-1) Oncocité relative Pouvoir d’expansion Durée de l’expansion
volémique initial (en volémique (heures)
produit du volume perfusé)
Albumine à 4 % 300 0,8 0,8 6-12
Albumine à 20 % 300 4,0 4,0 6-12
Hesteril® 300 1,2 1,0-1,3 4-8
Heafusine® 300 3,6 – 4,0 1,5-1,8 4-8
Hyperhes® 2 464 1,2 2,0-3,0 6-8
Gélofusine® 279 1,4 0,8-1,2 3-4
Plasmion® 320 1,2 0,6-1,0 3-4
Rescue Flow® 2 550 2,0 3,0 4-6
Ringer lactate 273 0 0,2-0,3 0,5
Sérum salé à 0,9 % 308 0 0,2-0,3 0,5
Sérum salé à 7,5 % 2 550 0 7,0 0,5
Voluven® 308 1,2 1,0-1,5 4-6

4 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Tableau 3.
Caractéristiques physicochimiques et composition des gélatines.
Plasmion® Plasmagel désodé® Gélofusine®
+ -1
Na (mmol l ) 150 26 154
Cl- (mmol l-1) 100 1,2 125
Ca++ (mmol l-1) 0 0 0
Mg++ (mmol l-1) 1,5 0 0
K+ (mmol l-1) 5 0 0
Lactate (mmol l-1) 30 0 0
Glucose (g.l-1) 0 50 0
pH 5,5 - 5,6 5,5 - 6,5 7,4
PMp (kDa) 35 35 30
PMn (kDa) 14 22 22
Coefficient de dispersion 2,5 1,5 1,3
Pression oncotique (mmHg) 29 24 34
Osmolarité (mOsm.l-1) 320 320 279

Tableau 4.
aucune différence entre les types de solutés en ce qui concerne Incidence des accidents anaphylactoïdes selon le type de substitut
mortalité, œdème pulmonaire et durée de séjour. Cependant, plasmatique (d’après [14]).
elle objective une différence significative en faveur des cristal-
loïdes sur la mortalité dans le groupe des patients Substituts Incidence
traumatisés [8]. plasmatiques
Par patient %
Le risque d’œdème pulmonaire [9, 10] est plus lié aux éléva- Albumine 1/1 010 0,099
tions de la pression hydrostatique : la baisse de la pression
Amidon 1/1 715 0,058
oncotique plasmatique a peu d’effets sur l’eau intrapulmonaire
Dextran 1/367 0,273
car une perméabilité augmentée de la membrane alvéolocapil-
laire aux protéines abaisse le gradient oncotique plasma/ Gélatine 1/289 0,345
interstitium. De plus, la pression capillaire y est basse par
rapport au niveau systémique et le drainage lymphatique est
Après perfusion de gélatines, trois devenirs sont possibles en
capable de s’élever dans des proportions considérables.
fonction du poids moléculaire des molécules :
On observe également une hémodilution avec baisse de
• la majeure partie (90 %) est éliminée par le rein, dont 40 à
l’hématocrite et des facteurs de coagulation, commune à
50 % en 6 heures et plus particulièrement dans les 2 premiè-
l’utilisation des dérivés non sanguins en cas d’hémorragie. res heures, et 50 à 60 % en 24 heures ; les 10 % restants le
L’aggravation d’une acidose lactique par une perfusion de sont par le tube digestif ;
Ringer lactate n’est pas étayée, mais ce soluté fausse l’interpré- • les molécules de petite taille diffusent immédiatement dans le
tation de la lactatémie au cours de l’état de choc. secteur interstitiel (20 % de la dose administrée) ;
Enfin, le pouvoir d’expansion réduit et assez lent retarde la • une faible fraction est catabolisée par des enzymes protéoly-
correction volémique donc celle du choc et, pour des hypovo- tiques (trypsine, plasmine, cathepsine).
lémies importantes, les quantités à perfuser deviennent Leur demi-vie est d’environ 5 heures. Les gélatines ne
considérables. semblent pas s’accumuler dans l’organisme puisque, après
48 heures, il n’y a plus de trace de gélatine fluide modifiée dans
Colloïdes artificiels les tissus.
Pharmacodynamie
Gélatines Chez le malade hypovolémique, 500 ml de gélatine augmen-
En France, seules les gélatines fluides modifiées (Plasmion®, tent le compartiment vasculaire de 400 à 500 ml, mais il ne
Plasmagel désodé sorbitol ® , Gélofusine ® ) restent commer- reste au mieux que 300 ml 4 heures plus tard. D’autres études
cialisées. rapportent des chiffres plus bas [13] (Tableau 2).

Propriétés physicochimiques Effets secondaires

Il s’agit de polypeptides obtenus par hydrolyse du collagène Réactions anaphylactoïdes. Les gélatines sont des produits
osseux de bœuf. Leur poids moléculaire moyen en poids (PMp) de remplissage avec un risque de réactions anaphylactoïdes
est d’environ 35 kDa, leur poids moléculaire moyen en nombre élevé (0,345 %), ce risque étant six fois plus élevé qu’avec les
HEA et l’albumine [14] (Tableau 4). Une origine immunologique
(PMn) de 23 kDa [11]. Les solutions sont légèrement hypertoni-
à ces réactions allergiques par la détection d’anticorps antigéla-
ques en dehors du Plasmagel désodé® et exercent un pouvoir
tines a été rapportée. Dans d’autres cas, il s’agit d’une histami-
oncotique proche de celui du plasma. Les gélatines sont en
nolibération non spécifique [15]. En raison du risque allergique
solution soit équilibrée (Plasmion®, Gélofusine®), soit glucosée
à la fois maternel et fœtal, les gélatines sont formellement
(Plasmagel désodé®) (Tableau 3).
contre-indiquées chez la femme enceinte.
Le point de gélification des gélatines se situe entre 0 et 4 °C, Effets sur l’hémostase. Les gélatines retentissent de manière
rendant difficiles le stockage et leur utilisation aux basses limitée sur l’hémostase. In vitro, toutes les gélatines diminuent
températures en médecine préhospitalière. Ces phénomènes de la formation du caillot [16]. Cet effet est lié à la formation d’un
gélification n’ont pas de conséquence clinique ; la gélification complexe résultant de la liaison fibronectine-gélatine s’incorpo-
est réversible au réchauffement, sans altération de la solution. rant au caillot en formation et interférant avec la polymérisa-
Pharmacocinétique tion des monomères de fibrine.
In vivo, les gélatines sont responsables de modifications
La pharmacocinétique des gélatines est mal connue devant modérées du complexe de Willebrand qui se fixe sur les molé-
l’absence de méthode de dosage précis de leur concentration cules de la gélatine sur des sites collagéniques [17]. L’agrégation
sanguine [12]. plaquettaire induite par la ristocétine est diminuée alors que

Médecine d’urgence 5
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Tableau 5.
Contre-indications des colloïdes.
Contre-indication Non recommandé
Hydroxyéthylamidons Trouble de la coagulation acquis ou constitutionnels Chirurgie où le risque hémorragique est lourd de conséquen-
ces
Maladie de Willebrand connue ou suspectée Femme enceinte
Hémophilie
Insuffisance hépatique sévère
Insuffisants rénaux chroniques en cours d’hémodialyse
Solutés salés hypertoniques Hypersensibilité connue
Femme enceinte
Hypernatrémie
Hyperosmolarité
Hyperkaliémie sévère
Gélatine Femme enceinte
Hypersensibilité connue
Troubles majeurs de la coagulation
Hypercalcémie pour le Plasmagel®
Albumine Hypersensibilité connue En dehors de cas particulier, pas d’indication en première
intention en tant que produit de remplissage vasculaire

Tableau 6. • une fraction moins importante passe dans le secteur intersti-


Caractéristiques physicochimiques et composition du Rescue Flow®. tiel, avec soit retour dans la circulation sanguine par l’inter-
PMp (kDa) 70
médiaire du drainage lymphatique, soit métabolisation dans
certains organes ;
Pression oncotique (mmHg) 70
• une petite fraction est éliminée par le tube digestif.
pH 6
Na+ (mmol l-1) 1 275 Pharmacodynamie
- -1
Cl (mmol l ) 1 275 Effets d’expansion volémique. Chez le patient hypovolémi-
PMp : poids moléculaire moyen en poids. que, l’expansion volémique obtenue avec le dextran 70 à 6 %
est de 217 % [20]. L’effet est prolongé puisque la moitié du
volume perfusé est retrouvée au bout de 8 heures (Tableau 2).
l’agrégation induite par d’autres agents (acide adénosine Effets secondaires
diphosphate, adrénaline, collagène...) n’est pas modifiée.
Réactions anaphylactoïdes. Le mécanisme des réactions avec
L’agrégation érythrocytaire est augmentée.
les dextrans est lié à la présence d’anticorps antidextrans de
Risque rénal. Au plan histologique, la perfusion de gélatines type immunoglobulines (Ig) G [21]. Près de 70 % de la popula-
peut entraîner des lésions transitoires de « néphrose osmotique » tion possède des anticorps circulants antidextrans, avec des
localisées aux cellules endothéliales des tubes proximaux. concentrations élevées dans 15 à 25 % des cas. Ces anticorps
Cependant, quelques cas d’insuffisance rénale aiguë ont été sont vraisemblablement induits par les dextrans de haut poids
rapportés avec les gélatines [18]. moléculaire ingérés dans la nourriture ou produits par les
Autres effets. Des erreurs d’appréciation du facteur Rhésus bactéries du tube digestif. Une protection hapténique par le
peuvent survenir en présence de gélatines, d’où la nécessité du dextran 1 000 Da (Promit®) injecté avant la perfusion avait
prélèvement sanguin pour groupage avant la perfusion de permis de réduire l’intensité et la fréquence des réactions [22].
gélatines. Effets sur l’hémostase. Un allongement du temps de saigne-
Risque de transmission d’agents non conventionnels. À ce ment est classiquement observé avec des doses de 1,5 g·kg–1. Les
jour, les gélatines n’ont jamais été impliquées dans un accident études ont permis de rapporter les troubles de l’hémostase
de transmission de virus pathogènes ou d’agents transmissibles induits par la perfusion de dextran à un syndrome de Wille-
pathogènes non conventionnels, grâce à l’application de brand acquis de type I, réversible par l’administration de
l’ensemble des mesures de sécurité [19]. desmopressine [23] . De plus, les dextrans sont susceptibles
Les contre-indications des gélatines figurent dans le d’altérer la polymérisation de la fibrine, facilitant la lyse des
Tableau 5. caillots de fibrine par la plasmine. L’adhésion plaquettaire est
diminuée ; celle-ci est en rapport avec la diminution du facteur
Dextrans VIII.
Les dextrans ont été largement utilisés pendant 40 ans ; leur
usage a nettement décru dans la plupart des pays en raison de Hydroxyéthylamidons
la gravité de leurs effets secondaires (accidents anaphylactoïdes). Introduits en France en 1991, les HEA sont les colloïdes les
En France, seul le Rescue Flow® (association sérum salé hyper- plus utilisés depuis 2001. Seuls les HEA de poids moléculaire
tonique [SSH] à 7,5 % et dextran 70 à 6 %) reste disponible moyen sont actuellement disponibles (Heafusine®, Hesteril®,
(Tableau 6). Voluven®).
Propriétés physicochimiques Propriétés physicochimiques
Les dextrans sont des polysaccharides monocaténaires d’ori- Les effets des HEA dépendent de leur poids moléculaire in
gine bactérienne. vivo qui détermine l’expansion volémique et l’accumulation
tissulaire, d’où l’importance des caractéristiques physicochimi-
Pharmacocinétique
ques (Tableau 7).
Après perfusion de dextran, trois devenirs sont possibles en Les HEA sont des polymères naturels modifiés du glucose
fonction du poids moléculaire moyen [12] : composés de chaînes polysaccharidiques, dérivées de l’amylo-
• la majeure partie est éliminée par le rein ; pectine d’amidons végétaux (le plus souvent extrait du maïs) [24,

6 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Tableau 7.
Caractéristiques physicochimiques et composition des hydroxyéthylamidons commercialisés en France.
Hestéril® Heafusine® Voluven® Hyperhes®
PMp (kDa) 240 250 130 200
PMn (kDa) 63 63
TSM (%) 0,5 0,5 0,4 0,43-0,55
Concentration (%) 6 10 6 6
Pression oncotique (mmHg) 25-30 75-80
pH 3,5-6,5 3,5-7 4-5,5 3,5-6
Na+ (mmol l-1) 154 154 154 1 232
Cl- (mmol l-1) 154 154 154 1 232
Osmolarité (mOsm.l-1) 308 310 308 2 464
PMp : poids moléculaire moyen en poids ; PMn : poids moléculaire moyen en nombre ; TSM : taux de substitution molaire.

Tableau 8. Pharmacocinétique
Caractéristiques physicochimiques des hydroxyéthylamidons [25].
La pharmacocinétique des HEA est complexe du fait de
PMp (kDa) Haut 450-480 l’hétérogénéité de ces solutions. Après administration unique, la
Moyen 130-200 pharmacocinétique des HEA dépend de quatre processus plus ou
Bas 40-70 moins simultanés :
• la diffusion dans le secteur interstitiel (20 % environ comme
TSM Élevé 0,6-0,7 tous les colloïdes) ;
Bas 0,4-0,5 • la filtration glomérulaire des petites molécules (poids molé-
Rapport C2/C6 Élevé >8 culaire inférieur ou égal à 60 kDa) ;
Bas <8 • la fragmentation progressive des grosses molécules en intra-
vasculaire par l’a-amylase plasmatique ; pour certains, il
Concentration (%) Élevée 10 pourrait s’agir de la formation d’un complexe avec l’enzyme,
Basse 6 incapable d’agir en raison de l’enveloppe hydrique qui
PMp : poids moléculaire moyen en poids ; TSM : taux de substitution molaire. entoure les molécules d’HEA ;
• la phagocytose [26] dans le système réticuloendothélial des
chaînes de poids moléculaire haut et moyen où elles subis-
25]. Chez l’homme, les solutions d’amidon naturel sont rapide-
sent l’action d’enzymes lysosomiales (maltases, isomaltases).
Cependant, les parts respectives de l’hydrolyse intravasculaire
ment hydrolysées par l’a-amylase plasmatique. L’hydroxyéthy- et de la captation par le système réticuloendothélial restent
lation ou éthérification permet de stabiliser la solution en controversées. Les mécanismes précis de l’élimination des HEA
augmentant l’hydrophilie de la molécule et de ralentir l’hydro- sont encore mal élucidés. Ainsi, le poids moléculaire in vitro de
lyse plasmatique. Des groupements hydroxyéthyles (C2H4OH) la solution va rapidement tendre vers un poids moléculaire in
substituant les groupements hydroxyles peuvent être placés en vivo inférieur, qui dépend à la fois du poids moléculaire initial
position, soit C2, soit C3, soit C6, sur chaque cycle hexose. et des caractéristiques d’hydroxyéthylation [27]. L’hydrolyse
L’hydroxyéthylation en C2 est celle qui confère à la molécule augmente le nombre des molécules osmotiquement actives.
de glucose la plus grande résistance à l’hydrolyse. Ainsi, les Cette caractéristique explique la stabilité de l’expansion volémi-
solutions d’HEA sont caractérisées par quatre variables que du fait du maintien de la pression oncotique développée.
(Tableau 8) : Après l’administration répétée d’HEA, l’élimination lente des
• poids moléculaire moyen in vitro : les HEA sont des solutions molécules de haut poids moléculaire conduit à leur accumula-
polydispersées, c’est-à-dire constituées d’un mélange de tion plasmatique puis tissulaire [27].
chaînes saccharidiques de poids moléculaire différent ; Pharmacodynamie des HEA
comme pour les autres colloïdes, on distingue le PMp et le
Effets d’expansion volémique. Les HEA ont un pouvoir
PMn ; d’expansion volémique à peu près identique à celui de l’albu-
• concentration : le pouvoir oncotique est déterminé par la mine à 4 % [28-31].
concentration de l’HEA ; Comparativement aux gélatines, l’utilisation d’HEA pourrait
• taux de substitution molaire (TSM) ou degré de substitution limiter les troubles de la perméabilité capillaire et l’extravasation
(DS) : le TSM correspond au rapport molaire des concentra- de liquide, améliorant le rapport PO 2 /FiO 2 dans le groupe
tions de radicaux hydroxyéthyles et de glucose ; plus le TSM HEA [28, 32].
est élevé, plus la quantité de radicaux hydroxyéthyles est Les données hémodynamiques sont représentées dans le
grande et plus les chaînes polysaccharidiques résistent à la Tableau 2.
dégradation par l’a-amylase ; cette caractéristique détermine Propriétés rhéologiques. Expérimentalement, des effets
la durée de persistance intravasculaire ; des taux de substitu- rhéologiques favorables ont été décrits [33] . Cependant, les
tions s’échelonnant de 0,45 à 0,70 ont été utilisés dans études cliniques n’ont pas permis d’observer de modification de
différentes préparations commercialisées à travers le monde ; la viscosité sanguine, ni de rouleau-formation érythrocytaire [34,
35]. Certains auteurs retrouvent même une augmentation de
• rapport C2/C6, qui correspond au nombre de carbones
hydroxyéthylés en C2 divisé par le nombre de ceux l’agrégation des hématies avec de l’HEA 10 % [36].
hydroxyéthylés en C6 sur les molécules de glucose ; plus le Effets secondaires
rapport d’hydroxyéthylation C2/C6 est élevé, plus la solution Effets secondaires après administration unique.
d’HEA résiste à l’hydrolyse enzymatique par l’a-amylase et Réaction anaphylactoïde. Tous les solutés de remplissage
plus le pouvoir d’expansion volémique se maintient. peuvent entraîner des réactions anaphylactoïdes. C’est avec les
Ces variables, caractérisant les solutions d’HEA, conditionnent amidons qu’elles sont le plus rarement observées, avec une
leur comportement intravasculaire. Ainsi, plus le PMp, le TSM fréquence proche de celle observée avec l’albumine :
et le rapport C2/C6 sont élevés, plus l’hydrolyse de l’HEA est 0,058 % [14].
ralentie et en conséquence plus les molécules en particulier de Cependant, le mécanisme précis des réactions aux HEA reste
poids moléculaire élevé s’accumulent. inconnu : réaction anaphylactique induite par des anticorps

Médecine d’urgence 7
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

spécifiques anti-HEA [37] , par mécanisme immunologique quantité perfusée supérieure à 20 ml kg–1 de HEA 450. Dès
indépendant des HEA [38] ou par activation directe du 1981, la quantité perfusée [63] a donc été limitée à
complément. 20 ml kg–1 j–1.
Toxicité rénale. À la suite de perfusions de colloïdes, deux Ces colloïdes sont capables d’aggraver une maladie de
types d’atteinte des fonctions rénales ont été décrits : la Willebrand préexistante [57, 64] et de provoquer des troubles de
néphrose osmotique et l’insuffisance rénale hyperoncotique. Ces la coagulation proches de ceux observés dans la maladie de
atteintes résultent de la perfusion de grandes quantités d’HEA, Willebrand de type I lors d’administrations répétées sur plu-
le plus souvent sur plusieurs jours, et sont favorisées par une sieurs jours [63, 65-72].
déshydratation chez des patients ayant une atteinte rénale L’utilisation de desmopressine (à la dose de 0,3 µg·kg–1) en
préalable en raison d’un terrain athéromateux et/ou d’un âge cas de troubles de la coagulation secondaires à l’utilisation
élevé. Les lésions histologiques, appelées osmotic nephrosis like d’HEA a été préconisée [23].
lesions, caractérisées par la présence de vacuoles dans le cyto- HEA de moyen ou bas poids moléculaire. In vitro, les HEA de
plasme des tubules rénaux proximaux et distaux, ont été mises poids moléculaire moyen ont des effets modestes sur l’hémo-
en évidence sur les biopsies de reins greffés lors d’administra- stase lorsque l’hémodilution est inférieure à 20 %. En revanche,
tion d’HEA 200/0,6 (HEA qui n’est plus commercialisé en pour des hémodilutions supérieures à 30 %, une profonde
France) chez les patients en mort encéphalique [39-43] . Les modification de la coagulation a été observée par altération des
conséquences délétères sur la fonction rénale ont été confirmées fonctions plaquettaires et du fibrinogène.
dans plusieurs circonstances : après les transplantations réna- In vivo, il faut différencier les HEA de première génération
les [44, 45], chez les patients présentant un sepsis grave [46]. En des autres HEA. Des accidents cliniques hémorragiques ont été
revanche, ces effets secondaires n’ont pas actuellement été mis
rapportés lors de l’utilisation répétée de l’HEA 200/0,6. Celle-ci
en évidence avec les HEA de nouvelle génération (HEA 200/
s’accompagne d’une diminution importante des facteurs du
0,5 et HEA 130/0,4) [47-54].
complexe FVIII/VWF correspondant à un syndrome de Wille-
brand de type I (quantitatif). Les auteurs ont suggéré que cette
diminution du VWF résultait d’une élimination accélérée des

“ Point fort
complexes VWF-HEA de haut poids moléculaire [58, 73, 74]. Ainsi,
les anomalies de la coagulation induites par l’HEA sont donc
directement liées au poids moléculaire in vivo et au degré de
substitution, ce qui explique la différence des effets entre l’HEA
HEA et fonction rénale
200/0,6 et l’HEA 200/0,5.
Les HEA de poids moléculaire moyen (HEA 200/0,5 et HEA
Dans le contexte périopératoire, l’influence des HEA sur le
130/0,4) peuvent être utilisés sans réserve chez les facteur VIII/facteur Willebrand est contrebalancée par l’aug-
patients ne présentant pas d’altération de la fonction mentation postopératoire des facteurs de coagulation avec
rénale, même à des posologies élevées [32, 48]. Chez les hypercoagulabilité postopératoire et par l’augmentation de ce
patients ayant une insuffisance rénale connue à diurèse complexe liée à l’activation des cellules endothéliales qui le
conservée, l’utilisation d’HEA 130/0,4 en administration produisent [75, 76].
unique ou répétée est autorisée en respectant strictement En revanche, les HEA de poids moléculaire moyen de seconde
les posologies [55, 56]. génération ont des effets modérés, liés à l’hémodilution [77-79],
peu différents de ceux de l’albumine et des gélatines [30, 31, 80,
81]. Les études cliniques sur le risque hémorragique en chirurgie

ont confirmé que, même pour des volumes de 30 à 40 ml kg–1,


Effets secondaires en cas d’administrations répétées.
les effets des HEA 200/0,5 ne sont pas différents. Ces études
Réactions cutanées. Un effet secondaire fréquemment observé
rassurantes expliquent que la restriction d’utilisation, initiale-
et survenant uniquement après l’administration chronique
ment limitée à 20 ml kg–1, a été portée à 33 ml kg–1 le premier
d’HEA est l’apparition d’un prurit résistant aux diverses théra-
jour, puis 20 ml kg–1 j-1. Mais les HEA de troisième génération
peutiques. Ce prurit serait lié à un dépôt extravasculaire
(Voluven®) ont obtenu une autorisation de mise sur le marché
d’amidon [57].
(AMM) permettant une perfusion de 50 ml kg–1 le premier jour
Atteintes biologiques, pancréatiques et hépatiques. Une augmen-
car ils sembleraient, pour l’instant, ne pas présenter les mêmes
tation de l’amylasémie pouvant parfois atteindre cinq fois la
inconvénients [49, 50, 82, 83].
valeur initiale a été constatée après l’administration d’HEA [58].
Cette réaction est liée à la fixation de l’amidon sur l’amylase : Ainsi, les doses limites d’HEA doivent être respectées. Pour
ainsi, la molécule échappe à l’excrétion rénale et induit une l’HEA 200/0,6, qui n’est plus commercialisé en France, la dose
hyperamylasémie. Pendant plusieurs jours après l’administration administrée devait être strictement limitée à 33 ml kg–1 et la
d’HEA, les résultats de l’analyse plasmatique ne peuvent donc durée du traitement inférieure à 4 jours. La dose maximale
pas être utilisés comme l’unique critère diagnostique d’une administrée ne devait pas dépasser 80 ml kg–1.
pancréatite [25]. Pour les autres HEA, un traitement d’une durée supérieure à
Plusieurs cas de surcharge des cellules de Kupffer ont été 4 jours et d’une dose cumulée supérieure à 80 ml kg–1 nécessite
rapportés lors d’administrations itératives d’HEA 200/0,6 chez une surveillance régulière de l’hémostase par une mesure du
des patients présentant ou non des antécédents de cirrhose temps de céphaline plus activateur, du cofacteur de la ristocé-
hépatique [59]. Cette surcharge peut se traduire par une altéra- tine et éventuellement du facteur VIII C. Cette surveillance doit
tion de l’état général et un dysfonctionnement hépatique, et être renforcée chez les patients recevant un traitement pouvant
entraîner ou aggraver une hypertension portale. Ces accidents retentir sur l’hémostase et chez les patients de groupe sanguin
ont tous été observés après utilisation d’HEA 200/0,6, ceci étant O.
probablement en rapport avec sa longue demi-vie plasmatique. L’administration des HEA est contre-indiquée en cas de
Par ailleurs, une administration unique est sans conséquence maladie de Willebrand connue ou suspectée, de troubles de
clinique [60]. l’hémostase constitutionnels ou acquis, d’hémophilie, d’insuffi-
Effets sur la coagulation. Les effets sont différents en sance hépatique sévère et chez les patients insuffisants rénaux
fonction du type d’HEA administré. L’effet sur les plaquettes est chroniques en cours d’hémodialyse (Tableau 5).
également précisé. Influence sur les plaquettes. Après l’administration d’un seul
HEA de haut poids moléculaire. Dès 1965, plusieurs études flacon d’HEA, une diminution de la concentration plaquettaire
constatent un effet délétère des HEA de haut poids moléculaire en rapport avec l’effet de dilution exercé par ces molécules a été
sur l’hémostase, avec diminution des facteurs de la coagulation, notée lors de plusieurs études [84, 85].
diminution de la concentration du fibrinogène, cette action Lors de l’administration répétée d’HEA de moyen et bas poids
étant indépendante de l’effet de l’hémodilution [61]. Le risque moléculaires, une diminution du nombre des plaquettes, due à
hémorragique est significativement plus élevé [62] à partir d’une l’effet de dilution durant les 3 premiers jours, est observée. Puis

8 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

une diminution significative du volume plaquettaire est obser- la pression oncotique permettant le maintien du sodium dans
vée ; celle-ci semble dépendre de la concentration des HEA et du le compartiment sanguin, et d’autre part par augmentation du
poids moléculaire in vivo, puisque la diminution du volume volume circulant. Le gain d’expansion plasmatique obtenu par
plaquettaire la plus importante est observée [86] avec les HEA l’association a été mis en évidence et évalué [20, 98-101].
200/0,62. Cependant, ces perturbations ne sont pas encore Le SSH augmente la contractilité myocardique par l’intermé-
clairement expliquées et leurs conséquences cliniques restent diaire des catécholamines et du système sympathique. Dans
controversées [84]. Plusieurs études ont suggéré l’existence d’une l’état de choc, on observe également une diminution de
corrélation positive entre le volume plaquettaire, la fonction l’œdème intracellulaire myocardique et une amélioration de la
plaquettaire et le temps de saignement [87, 88] : la réduction des circulation splanchnique qui pourrait diminuer la sécrétion de
fonctions plaquettaires au cours d’un traitement prolongé par myocardial depressing factor.
les HEA pourrait favoriser les troubles de la coagulation.
Autres effets. Les HEA perturbent le groupage sanguin, d’où Avantages. Inconvénients
la nécessité du prélèvement sanguin avant leur perfusion.
Avantages
L’expansion volémique obtenue est rapide et importante pour
un faible volume perfusé, un coût très faible et un maniement
“ À retenir facile [99, 100]. La tolérance sur une voie veineuse périphérique
est correcte malgré l’hyperosmolarité considérable. La réalisation
du groupage sanguin n’est pas perturbée. L’efficacité du SSH
HEA de troisième génération : Voluven® dans le traitement de l’hypertension intracrânienne et dans
• Utilisation de Voluven® autorisée à 50 ml kg-1 le premier l’amélioration de la pression de perfusion cérébrale est confir-
jour mée dans plusieurs études [102-105]. Si la méta-analyse de Wade
• Absence d’accumulation tissulaire et al. avec l’association SSH/dextran [101] montre une améliora-
• Expansion volémique rapide, égale au volume perfusé tion globale du pronostic chez les traumatisés crâniens graves
hypotendus, une étude prospective, randomisée, récente ne
et de durée d’environ 6 heures
confirme pas cette hypothèse [106].
• Utilisation autorisée chez les patients ayant une
insuffisance rénale connue à diurèse conservée en Inconvénients
respectant les posologies Le premier inconvénient est l’élévation de l’osmolalité
plasmatique et de la natrémie, source de déshydratation
intracellulaire avec risque d’hémorragie cérébrale, voire de
Solutés salés hypertoniques (SSH) myélinolyse centropontine. À la posologie usuelle (250 ml pour
l’association SSH et colloïde ou de 4 à 6 ml/kg de SSH à 7,5 %),
Les premières expériences portant sur l’utilisation du SSH ont l’augmentation de la natrémie et de l’osmolarité est de l’ordre
été publiées en 1919 par Penfield. Depuis les années 1980, de de 10 %, soit respectivement 160 mmol l–1 et 320 mOsm l–1,
nombreux travaux expérimentaux et cliniques évaluant l’intérêt sans effet délétère neurologique ou cardiaque. Une surveillance
du SSH dans le traitement du choc hémorragique apparais- de la kaliémie est nécessaire, car un certain degré d’hypokalié-
sent [20, 89-95]. Les SSH sont d’ailleurs, par leur très important mie est constamment associé à la perfusion de sérum salé. De
pouvoir d’expansion volémique, à l’origine du concept de même, une acidose métabolique hyperchlorémique est égale-
réanimation à faible volume (small volume resuscitation). La ment décrite avec les SSH.
commercialisation récente de produits associant SSH et colloïdes L’hémorragie persistante ou récidivante constitue aussi une
ouvre des perspectives d’utilisation plus large. limite à l’utilisation du SSH, d’autant que la restauration
hémodynamique pourrait contribuer à augmenter le saignement
Propriétés physicochimiques non contrôlé. Cependant, la méta-analyse de Wade et al. [101] a
Aucun cristalloïde hypertonique pur n’est actuellement montré chez des blessés à plaie pénétrante une meilleure
disponible sur le marché français. Le SSH le plus étudié a une correction de la pression artérielle sans augmentation du
concentration de 7,5 %. L’utilisateur est contraint de le préparer saignement en phase pré- et peropératoire.
à partir d’une poche de 100 ml de sérum salé à 0,9 % par retrait L’association SSH-colloïde comporte un risque théorique de
de 35 ml remplacés par 35 ml de SSH à 20 % (ampoule de survenue de réaction allergique et de troubles de l’hémostase.
chlorure de sodium). Les colloïdes hypertoniques doivent être considérés comme
Du fait de la courte durée d’action du SSH, une solution des médicaments, et non comme de simples solutés de remplis-
colloïde lui a donc été associée afin d’assurer un effet prolongé. sage. La posologie de 250 ml chez un adulte de taille moyenne
Actuellement, deux produits sont commercialisés en France : ou de 4 à 6 ml/kg doit impérativement être respectée. Une
l’association SSH à 7,5 % / dextran 70 à 6 % (Rescue Flow®) et perfusion ultérieure n’est possible qu’après contrôle de la
l’association SSH à 7,5 % / hydroxyéthylamidon 200/0,5 natrémie. La perfusion doit être rapide, en 3 à 5 minutes.
(Hyperhes®). L’HEA hypertonique a obtenu l’AMM dans l’indication
« traitement initial de l’hypovolémie aiguë et de l’état de choc »
Pharmacodynamie permettant son utilisation dans un contexte traumatique et en
L’action du SSH est complexe, associant un effet d’expansion dehors du contexte traumatique, tandis que le dextran hyper-
volémique, des effets sur la microcirculation et une action tonique a obtenu l’AMM pour « l’hypovolémie avec hypoten-
cardiaque propre. L’expansion volémique obtenue est immé- sion en rapport avec un état de choc traumatique » limitant
diate et importante, de l’ordre de trois à sept fois le volume ainsi son administration à la période préhospitalière [96].
perfusé [90, 96, 97], mais transitoire, de moins de 1 heure
(Tableau 2). Elle se fait aux dépens d’un appel d’eau des secteurs
intracellulaire et interstitiel vers le secteur plasmatique par le
biais de l’hyperosmolarité. Un appel d’eau a aussi lieu à partir
des globules rouges et de la cellule endothéliale, créant des
“ À retenir
conditions rhéologiques favorables au traitement de l’état de
choc. Il s’y associe des mécanismes réflexes à médiation vagale Utilisation du SSH-colloïde
avec vasodilatation précapillaire au niveau des territoires • Ne pas dépasser un flacon (250 ml) par 24 heures
splanchnique, rénal et coronaire, et vasoconstriction • Attention au risque d’hypernatrémie et d’hypokaliémie
musculocutanée. • Efficacité de durée limitée, au maximum 1 heure.
L’association d’un SSH à un colloïde prolonge la durée de Prévoir le traitement étiologique précocement
l’expansion volémique du SSH d’une part par augmentation de

Médecine d’urgence 9
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Dérivés sanguins Effets secondaires


Effets secondaires immédiats. Les effets indésirables de
Albumine l’albumine humaine préparée de façon rigoureuse sont rares, et
L’albumine, colloïde naturel, a longtemps été utilisée comme consistent essentiellement en frissons-hyperthermie et en
soluté de remplissage vasculaire en première intention. Depuis d’exceptionnels chocs anaphylactiques [111].
les conférences de consensus de 1989 et de 1995, ses indications Réaction frissons-hyperthermie. Ces réactions sont liées à la
sont restreintes [107, 108]. présence d’endotoxines non décelées par les tests aux pyrogè-
L’albumine est labélisée comme médicament dérivé du sang nes. Ces réactions ont été observées dans un contexte de
(décret du 13 mars 1995). Ainsi, ce colloïde d’origine humaine perfusion massive. Il n’a pas été rapporté de conséquence
a été soumis à de nouvelles réglementations sur sa production, clinique notable.
sa dispensation, sa traçabilité et son AMM. En tant que produit Réactions anaphylactoïdes. Des réactions de type anaphylac-
sanguin stable, sa dispensation relève de la pharmacie. Ce toïde, bien que le mécanisme IgE-dépendant n’ait pas été
produit est coûteux du fait de la complexité de sa préparation formellement établi, peuvent être exceptionnellement obser-
et de sa production. Deux solutions d’albumine sont actuelle- vées : elles vont de l’érythème à l’hypotension et au collapsus
ment disponibles en France : l’albumine à 4 % et l’albumine à cardiovasculaire [112, 113]. Une enquête prospective multicentri-
20 %. que française confirme que l’albumine est, avec les amidons, le
substitut plasmatique le moins souvent associé à un accident
Propriétés physicochimiques anaphylactoïde (0,01 %) (Tableau 4) [14]. Les réactions seraient
L’albumine est une protéine dont le poids moléculaire est de liées aux agrégats protéiques produits par le chauffage de la
68 000 Da. C’est la protéine plasmatique la plus abondante de solution ou au stabilisant contenu dans cette solution [114, 115].
l’organisme. Elle joue un rôle essentiel dans les phénomènes de Quelques rares travaux ont permis d’établir un mécanisme
transport de nombreuses substances endogènes (bilirubine non anaphylactique médié par les IgE [116].
conjuguée, acides gras, hormones) et exogènes (médica- Troubles de la coagulation. L’albumine n’exerce aucun effet
ments) [109]. Elle joue également un rôle central dans la genèse sur l’hémostase en dehors des effets de l’hémodilution [76].
et le maintien de la pression oncotique ou colloïdo-osmotique Effets secondaires retardés. Plusieurs auteurs ont signalé la
plasmatique qu’elle assure de 75 à 80 % [110]. L’albumine aurait contamination de lots d’albumine par des métaux (aluminium,
des fonctions d’agent d’élimination pour les radicaux libres et chrome, nickel, manganèse, fer, ammonium), celle-ci pouvant
d’agent de cohésion de la membrane capillaire. être responsable d’accumulation dans l’organisme et de consé-
Les solutions d’albumine sont obtenues après extraction et quences cliniques [117-120]. Ces contaminations soulignent la
purification par fractionnement du plasma humain. La fabrica- nécessité d’une évaluation et d’un contrôle rigoureux de la
tion intègre un nombre important de contrôles, en cours de chaîne de fabrication.
production et sur les produits finis. Ces contrôles permettent de Effets secondaires liés à la contamination par agents
vérifier sur chaque lot la reproductibilité des méthodes de transmissibles de type virus ou par agents non convention-
fabrication, validées tant sur le plan de la pureté protéique ou nels. Tout matériel d’origine humaine est associé à un risque
minérale que sur celui de la sécurité : respect des protocoles possible de transmission d’agents pathogènes de type virus ou
validés d’inactivation et/ou d’élimination des virus et des agents d’agents transmissibles non conventionnels. Ainsi, l’albumine,
non conventionnels, sécurité bactériologique et prévention de la produit dérivé du sang, bénéficie pour sa sécurité anti-
contamination bactérienne. infectieuse de la sélection des donneurs de sang et, après
L’albumine humaine peut être prescrite sous forme de deux inactivation, d’un contrôle virologique du produit fini réalisé
préparations de concentrations différentes : l’albumine à 4 %, sur chaque lot. Cependant, le risque biologique ne peut pas être
qui contient 4 g d’albumine pour 100 ml de solution, et considéré comme étant égal à zéro.
l’albumine à 20 %, qui est cinq fois plus concentrée. Les deux Compte tenu de son rapport coût-efficacité, l’albumine ne
types d’albumine diffèrent par leur pouvoir oncotique lié aux doit pas être proposée comme soluté de remplissage de première
concentrations, et par la charge sodée plus importante pour intention, sauf dans le traitement des hypovolémies de la
l’albumine à 4 %. L’albumine à 4 % est légèrement hypo- femme enceinte, du nouveau-né et de l’enfant de moins de 1 an
oncotique, tandis que celle à 20 % est hyperoncotique. Les deux (Tableau 5).
solutions sont iso-osmotiques par rapport au plasma. Pour une
même quantité d’albumine, la solution à 4 % apporte cinq fois Plasma frais congelé
plus de chlorure de sodium (Na) et d’eau (66 mmol de Na pour
Le plasma frais congelé n’est pas un produit de remplissage.
500 ml de solution à 4 % et 14,8 mmol de Na pour 100 ml de
Les indications d’utilisation du plasma frais congelé sont strictes
solution à 20 %).
et doivent être respectées.
Pharmacocinétique
Après administration intraveineuse, l’albumine se distribue
lentement entre le secteur vasculaire et le secteur interstitiel : en
24 heures, 60 % de la masse injectée se retrouve dans le secteur
interstitiel. Le catabolisme (tube digestif, rein, système réticu-
“ Points essentiels
loendothélial) est d’environ 10 %. La demi-vie métabolique de
l’albumine est de 18 à 20 jours. Les trois indications d’utilisation du plasma frais
congelé
Pharmacodynamie • Coagulopathies graves de consommation avec
L’albumine est très hydrophile et très soluble dans l’eau effondrement de tous les facteurs de coagulation
puisque 1 g d’albumine retient environ 18 ml d’eau. En prati- • Hémorragies aiguës avec déficit global de facteurs de
que, cette efficacité est moindre et moins durable en cas coagulation
d’hypoprotidémie ou de trouble de la perméabilité capillaire. • Déficits complexes rares en facteurs de coagulation
Le pouvoir d’expansion volémique dépend de la concentra-
tion de la solution. L’albumine à 4 % permet d’obtenir une
expansion volémique initiale égale ou légèrement inférieure au
volume perfusé, tandis que l’albumine à 20 % a un fort pouvoir Lors de la prescription de ce produit, il est impérativement
d’expansion volémique initial puisqu’il atteint quatre fois le conseillé d’indiquer le motif et d’informer le patient étant
volume perfusé [11] (Tableau 2). Le pouvoir d’expansion décroît donné que, à l’heure actuelle, il n’est pas possible d’éliminer la
progressivement sur une durée de 24 heures. Ainsi, à la vingt- transmission des prions par le plasma. La distribution de ces
quatrième heure, l’expansion volémique n’est plus que la moitié produits sanguins labiles est assurée par l’Établissement français
de l’expansion initiale. du sang.

10 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Facteur VII activé (NovoSeven®) ■ Utilisation clinique


®
Le NovoSeven est un facteur de coagulation VIIa recombi-
nant. Actuellement, son utilisation est autorisée dans le traite-
et surveillance
ment des épisodes hémorragiques et dans la prévention des Sont exclues ici les techniques de remplissage vasculaire
hémorragies lors d’interventions chirurgicales ou de procédures utilisées en anesthésie qui font l’objet d’articles spécifiques :
invasives chez les patients ayant une hémophilie congénitale ou hémodilution normovolémique périopératoire ; circulation
acquise, chez les patients ayant un déficit congénital en facteur extracorporelle ; anesthésies rachidiennes.
VII et chez les patients ayant une thrombasthénie de Glanz-
mann. Cette thérapeutique a été étudiée comme traitement
adjuvant dans les hémorragies incontrôlables lors de traumatis- Choc hypovolémique
mes graves. Elle a permis de réduire de façon significative la L’hypovolémie absolue est définie par la baisse du volume
transfusion de concentrés de globules rouges [121]. Le facteur VII sanguin circulant. Il faut y ajouter un déficit hydrique du
recombinant est administré devant un tableau d’hémorragie secteur interstitiel (ce secteur a compensé initialement la perte
active non contrôlable ayant nécessité une transfusion de plus volémique), la constitution fréquente d’un troisième secteur
de huit concentrés de globules rouges avec coagulopathie, (région traumatisée) et une tendance à l’hyperhydratation
nécessité de poursuivre les transfusions sanguines et une intracellulaire. Le choc est caractérisé par des apports insuffi-
hémostase interventionnelle inefficace (chirurgie et/ou emboli- sants d’O2 à la cellule, avec apparition d’une dette en O2 : plus
sation) depuis plus de 1 heure. Cette thérapeutique ne se le choc se prolonge, plus on est exposé aux lésions de reperfu-
conçoit qu’après avoir vérifié l’absence d’acidose majeure sion, avec augmentation du risque de syndrome de défaillance
(pH < 7,00) ou d’hypothermie (température supérieure à 34 °C) multiviscérale.
et obtenu une numération plaquettaire supérieure à 50 000 La situation la plus fréquente est réalisée par le choc hémor-
par mm3 et un taux de fibrinogène supérieur à 1 g/l. Les non- ragique : la priorité est la reconstitution du volume sanguin
indications sont les lésions incompatibles avec la vie ou un circulant qui conditionne le retour veineux, donc le débit
pronostic catastrophique, un arrêt cardiorespiratoire préhospita- cardiaque et la perfusion tissulaire. Tout retard au rétablissement
lier, un traumatisme crânien grave avec un score de Glasgow à de la volémie aggrave le pronostic [126] et nécessite des quantités
3, une plaie intracrânienne par balle. croissantes de solutés du fait de l’altération de la perméabilité
capillaire. En cas d’hémorragie, il faut tenir compte de la
Transporteurs d’oxygène persistance ou non du saignement et prolonger le remplissage
du fait de l’action transitoire des colloïdes artificiels qui sont
Les transporteurs artificiels comprennent les émulsions de progressivement éliminés. Au-delà d’un certain seuil (cf. infra),
fluorocarbone et les solutions modifiées d’hémoglobine. Ce ne l’apport des dérivés sanguins devient indispensable [111]. Il est
sont pas à proprement parler des solutés de remplissage, mais ils essentiel de pouvoir évaluer la gravité de l’hémorragie
exercent cependant une certaine expansion volémique à côté de (Tableau 9). Il convient de souligner que, chez l’enfant, l’hypo-
leur pouvoir oxyphorique. volémie est plus grave et s’installe plus vite que chez l’adulte.
Les perfluorocarbones (PFC) sont des molécules inertes, se Paradoxalement, la chute de la pression artérielle est beaucoup
présentant sous la forme d’émulsions claires et incolores. Ils ont plus tardive [127].
la capacité de dissoudre des quantités importantes de nombreux Le traitement du choc hypovolémique vise à maîtriser
gaz dont l’O 2 , le dioxyde de carbone et l’azote, avec une l’hémorragie et à compenser la spoliation en essayant d’amélio-
relation linéaire entre la pression partielle d’O2 dans le sang et rer la microcirculation et l’oxygénation. L’importance du
le contenu en O2. La capacité d’oxygénation de ces émulsions remplissage vasculaire doit être évaluée en fonction du type de
a été démontrée et le Fluosol® a été approuvé par la Food and traumatisme, du degré de tachycardie et d’hypotension, de la
Drug Administration (FDA) américaine [122, 123] en décembre présence ou non de signes patents de choc, et de la rapidité et
1998. Les effets secondaires sont marqués par une inhibition des des possibilités avec lesquelles le contrôle du saignement peut
leucocytes et de l’activation du complément, des réactions être obtenu (Fig. 5). Dans les hémorragies dont l’origine du
fébriles. Le métabolisme de ces PFC n’est pas bien connu, la saignement n’est pas contrôlée, le remplissage peut s’avérer
demi-vie d’élimination est de 3 à 8 jours, jusqu’à 65 jours. Les délétère en augmentant le saignement par élévation des pres-
émulsions de deuxième génération comme l’Oxygent® sont sions artérielles et veineuses. Dans ces circonstances, un objectif
caractérisées par une efficacité supérieure à celle de la transfu- de pression artérielle systolique (PAS) à 90 mmHg (pression
sion de sang autologue ou de l’administration de colloïdes [124]. artérielle moyenne [PAM] entre 50-60 mmHg) semble suffisant
Les solutions d’hémoglobine en cours d’expérimentation pour conserver une perfusion périphérique correcte, dans
fixent l’O2 selon un mécanisme de type coopératif et présentent l’attente d’un traitement étiologique efficace. Chez le traumatisé
les mêmes caractéristiques biochimiques que l’hémoglobine crânien grave, une PAM à 90 mmHg est souhaitable afin d’éviter
contenue dans les globules rouges. Elles ont aussi, à volume toute aggravation des phénomènes d’ischémie cérébrale [128]. La
égal, une capacité d’expansion supérieure à l’albumine. L’utili- rapidité de la prise en charge du choc hypovolémique est
sation des solutions d’hémoglobine lors de la réanimation du fondamentale : en cas de transfusion massive, le taux de
choc hémorragique d’origine traumatique a fait l’objet d’études mortalité est de 11 % si le choc est corrigé en 15 à 30 minutes,
controversées [125]. alors qu’il dépasse 90 % si le choc persiste plus de 30 minutes.

Tableau 9.
Classification de la gravité des hémorragies (d’après [7]).

Pertes sanguines (ml) < 750 800-1 500 1 500-2 000 > 2 000
Pression artérielle systolique inchangée normale diminuée très basse
Pression artérielle diastolique inchangée augmentée diminuée très basse
Pouls (min-1) tachycardie modérée 100 à 120 120 (faible) > 120 (très faible)
Recoloration capillaire normale lente (> 2 s) lente (> 2 s) indétectable
Fréquence respiratoire normale normale tachypnée (> 20/min) tachypnée (> 20/min)
Débit urinaire (ml h-1) > 30 20-30 10-20 0-10
Extrémités normales pâles pâles pâles et froides
Coloration normale pâle pâle grise
Conscience normale anxiété ou agressivité anxiété ou agressivité, ou altérée altérée ou coma

Médecine d’urgence 11
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Figure 5. Objectif de pression artérielle (PAS) dans le


PAS initiale < 90 mmHg
Trauma fermé + choc hypovolémique : schéma de remplissage des
Trauma crânien blessés graves.
Trauma pénétrant GCS : score de Glasgow ; Hte : hématocrite.
sévère GCS < 8
Objectif : Remplissage Objectif :
PAS 90 mmHg, Hte 20 % vasculaire PAS 120 mmHg,
Hte 30 %

PAS instable
Objectif : PAS
+ – non atteint – +

Stop remplissage Stop remplissage


Vasoconstricteur

Priorité chirurgie d'hémostase

Transport
Centre trauma

Près de 50 % des décès avant l’arrivée à l’hôpital, ainsi qu’une La mesure de la PAPO est utilisée en cas de dysfonction
grande part de ceux survenant dans les 24 heures suivant ventriculaire gauche (insuffisance coronarienne, hypertension
l’admission, sont liés à l’hypovolémie [5]. Si le terme de golden artérielle sévère, état septique grave, médicaments dépresseurs
hour, dans le choc hémorragique, créé par l’équipe du Trauma myocardiques, etc.). Toutefois, la PAPO peut surestimer la
Center de Baltimore, n’a pas de réelle justification scientifique, pression télédiastolique du ventricule gauche quand la fré-
celui-ci met cependant l’accent sur la nécessité de raccourcir les quence cardiaque est supérieure à 120-130 battements/min ou
délais avant l’hémostase chirurgicale. Adapté au système en cas de pathologie mitrale. À l’inverse, la PAPO peut sous-
médicalisé français, ceci signifie que le médecin doit savoir, en estimer la pression télédiastolique du ventricule gauche en cas
cas d’hémorragie non contrôlée, ne pas perdre de temps et de surcharge barométrique aiguë du ventricule gauche ou dans
transporter rapidement le patient vers l’hôpital. l’ischémie myocardique. Quoi qu’il en soit, la PAPO n’apprécie
qu’indirectement la précharge du ventricule gauche (volume
Critères prédictifs de l’efficacité du remplissage télédiastolique). Mais une PAPO inférieure à 5 mmHg laisse
Critères cliniques augurer d’une réponse positive au remplissage vasculaire [132].
Variations de la pression artérielle systolique induites par
Le contexte clinique est un élément important dans la
la ventilation contrôlée. Chez le patient ventilé artificielle-
décision de remplissage vasculaire. Celui-ci est le plus souvent
ment, l’existence d’une variabilité respiratoire de la pression
efficace en cas d’hémorragie avérée, de déshydratation aiguë, de
artérielle est un excellent critère prédictif de l’effet du remplis-
brûlure étendue, de « troisième secteur » évident, de sepsis
sage vasculaire [133]. La diminution de la pression artérielle
sévère, voire de choc anaphylactique. Chez le sujet conscient
systolique au cours de la ventilation artificielle est supposée
(dont le baroréflexe est conservé), l’augmentation de la fré-
traduire la diminution du retour veineux engendrée par l’aug-
quence cardiaque ou la survenue de malaise au passage en
mentation de pression intrathoracique lors de l’insufflation. En
position proclive sont les signes les plus sensibles d’une
clinique, il a été souligné que ce phénomène est exagéré par
hypovolémie. Sous sédation, du fait de l’altération du baroré-
l’hypovolémie. Si l’on prend la PAS en fin d’expiration pour
flexe, l’hypovolémie peut entraîner une diminution de la
pression artérielle sans augmentation de la fréquence cardiaque. référence, on peut définir un d down (différence entre PAS
La manœuvre de lever de jambe passif (angle de 45° avec le minimale et la référence) et un d up (différence entre PAS
plan du lit maintenu pendant 1 minute) semble reproduire de maximale et la référence). C’est essentiellement le d down qui
façon réversible, chez le malade sous ventilation mécanique, les est augmenté en hypovolémie ; une valeur supérieure à 4 ou
effets cardiovasculaires d’un remplissage vasculaire d’environ 5 mmHg prédit une réponse positive du débit cardiaque au
300 ml. L’élévation (plus de 10 %) de la pression artérielle remplissage. L’amplitude de la variabilité respiratoire de la PAS
pulsée (PAS – PAD [pression artérielle diastolique]) lors de cette (différence en PAS maximale et PAS minimale) permet de
manœuvre constitue un assez bon index prédictif de la réponse préjuger directement de l’importance de la réponse au remplis-
hémodynamique à un remplissage de 300 ml [129]. sage vasculaire, surtout pour des valeurs supérieures à 10 mmHg.
Il semblerait que la mesure de la variabilité respiratoire de la
Critères hémodynamiques invasifs pression artérielle pulsée ou pression artérielle différentielle
Des critères hémodynamiques invasifs et non invasifs peu- (PP = PAS-PAD) soit plus performante que les précédentes ; sa
vent être utilisés pour prédire l’efficacité d’un remplissage. mesure ne nécessite pas d’intervention sur le respirateur
Toutefois, ces mesures ne doivent pas faire retarder la prise en (dPP= (PPmax - PPmin) / (PPmax + PPmin) /2) [132, 134].
charge. En revanche, il n’y a pas actuellement d’argument suffisant
Pression veineuse centrale (PVC) et pression artérielle pour affirmer que l’analyse de la variabilité respiratoire de la
pulmonaire d’occlusion (PAPO). La PVC a longtemps été pléthysmographie pulsée serait un indice prédictif de la réponse
recommandée pour guider le remplissage vasculaire. La PVC est hémodynamique au remplissage.
dépendante de la volémie, du tonus intrinsèque des vaisseaux Critères hémodynamiques non invasifs
capacitifs et de la fonction cardiaque droite. Ainsi, la mesure de
la PVC comme indicateur de la volémie est médiocre [130]. En L’évolution de la pression expirée en CO2 (PetCO2) chez un
revanche, la mesure d’une PVC basse, inférieure à 5 mmHg, patient ventilé permet d’avoir un reflet indirect de l’état
constitue un bon indice en faveur d’une hypovolémie. L’obser- hémodynamique du patient. La PetCO2 est un bon indicateur
vation de variations de la PVC lors de l’inspiration des patients du débit cardiaque lors d’une ventilation adaptée et constante.
en ventilation spontanée constitue un argument supplémentaire Toutefois, en urgence, les limites sont nettes vu les différents
en faveur d’une réponse positive au remplissage [131, 132]. Son facteurs environnementaux. La mesure continue de la PetCO2
utilisation doit rester large dans le cadre de l’épreuve de permet la détection précoce des accès hypotensifs quand la
remplissage. mesure de la pression artérielle non invasive est utilisée.

12 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Tableau 10.
Critères de choix d’un soluté de remplissage.
Type de soluté Avantages Inconvénients
Cristalloïdes isotoniques Compensation de la déshydratation des secteurs interstitiels Action de faible ampleur
et mobilisation de l’albumine interstitielle Action lente
Coût faible Apparition d’œdèmes périphériques
Pas d’effet secondaire
Sérum salé hypertonique Compensation rapide avec faibles volumes Quantité limitée : 4-6 ml kg-1 (natrémie - osmolalité)
« Protection cérébrale » Effet transitoire
Coût faible Augmentation des saignements en cas d’hémorragie non
Pas d’effet secondaire contrôlée

Colloïdes artificiels Compensation rapide Accidents allergiques


Durée variable selon le produit Coût élevé
Maintien de la pression oncotique Effets sur hémostase (sauf gélatines fluides modifiées)
Albumine Maintien de l’albuminémie et de la pression oncotique Disponibilité finie, coût très élevé
(phase chronique) Pas de supériorité prouvée
Peu d’effets secondaires

L’utilisation de l’échocardiographie doppler dans les services (≤ 1 000 ml) chez un sujet non dénutri, capable de mobiliser ses
d’urgence devient de plus en plus fréquente. C’est une techni- réserves d’albumine. Dans cette situation, ils sont les seuls à être
que non invasive, réalisable au lit du patient, rapide et repro- indiqués.
ductible. Elle apporte des informations morphologiques La perfusion première de colloïdes est recommandée
cardiaques exhaustives et hémodynamiques : évaluation de la lorsqu’une hypotension (PAS < 80 mmHg) est constatée initiale-
fonction ventriculaire gauche, mesure de la taille des cavités, ment [5, 140]. Les gélatines, qui n’ont pas de limitation quanti-
mesure des volumes ventriculaires gauche et droit, volume tative à leur emploi, restent indiquées pendant la phase de
d’éjection systolique [130, 135] . Une hypovolémie sévère est saignement, les limitations de volume faisant préférer les HEA
évoquée devant une valeur extrêmement basse de la surface plus tard pour maintenir l’effet de remplissage dans le temps.
télédiastolique ventriculaire gauche associée à une surface L’albumine ne garde qu’une place extrêmement limitée (sujet
télésystolique extrêmement réduite, quasi virtuelle. Mais des dénutri, pertes abondantes), d’autant qu’aucune étude n’a fait
mesures isolées de la surface télédiastolique ventriculaire gauche preuve de sa supériorité dans le traitement de
ou du volume télédiastolique ventriculaire gauche sont de l’hypovolémie [140-142] . Insistons sur le peu de valeur de
mauvais indicateurs prédictifs de la réponse au remplissage l’albuminémie dans la phase précoce de la réanimation volémi-
vasculaire ; il en est de même pour les mesures ventriculaires que, ainsi qu’en cas d’inflation hydrique avec ou sans hypona-
droites. Cependant, une dilatation majeure du ventricule droit trémie [9]. L’hypoalbuminémie n’est pas dans ces situations une
est une contre-indication au remplissage vasculaire. La variabi- indication de perfusion d’albumine. Son utilisation dans
lité respiratoire des vitesses maximales du flux aortique et celle l’hypovolémie de la femme enceinte et de l’enfant lorsqu’un
de l’intégrale temps-vitesse du flux aortique en échocardiogra- colloïde est nécessaire (hypotension artérielle persistante après
phie transœsophagienne chez des patients sous ventilation élimination d’une compression vasculaire par l’utérus gravide)
mécanique sont des indices prédictifs de réponse au fait l’objet d’un consensus. Enfin, les habitudes locales influent
remplissage [132]. encore beaucoup sur ces choix.
Un effet bénéfique du remplissage vasculaire est probable Le concept de « small volume resuscitation » connaît un essor
lorsque la mesure du diamètre de la veine cave inférieure par dans la prise en charge initiale des traumatisés graves. La méta-
échographie sous-xiphoïdienne est très basse (< 12 mm) [132, 136, analyse des travaux publiés montre une amélioration du taux de
137]. En présence d’une instabilité hémodynamique, l’absence de
survie des patients, notamment en cas d’administration initiale
variabilité respiratoire de la VCI est un indice de non-réponse au cours des traumatismes pénétrants [101, 102] . Ce soluté
au remplissage vasculaire. pourrait permettre d’amener vivants des patients au geste
d’hémostase salvateur. En cas de traumatisme crânien grave
Choix du soluté associé à une hypotension artérielle, les résultats des différentes
La controverse cristalloïdes/colloïdes a donné lieu à une études sont divergents [101, 102, 106].
abondante littérature, mais peu d’études peuvent être retenues Le rétablissement de l’hématocrite ne doit faire administrer
(non prospectives ou non randomisées, contextes ou patients des concentrés globulaires qu’en deçà de 25 % d’hématocrite ou
très différents, thérapeutiques évaluées différentes d’une étude à 7 g·100 ml–1 d’hémoglobine, sauf chez le sujet âgé, le corona-
l’autre) [138, 139]. Une méta-analyse de 1999 ne rapporte aucune rien, l’insuffisant respiratoire, le traumatisé crânien ou en cas
différence en ce qui concerne la mortalité, l’incidence de d’état septique où l’on ne doit pas descendre en dessous de
l’œdème pulmonaire et la durée de séjour hospitalier [8]. 30 % d’hématocrite ou 10 g·100 ml–1 d’hémoglobine [66]. On
En fait, plusieurs critères interviennent dans le choix du garde également à l’esprit la vitesse des déperditions hémorra-
soluté de remplissage et expliquent l’intérêt de leur association giques : en cas d’hémorragie massive, l’hématocrite a peu de
dans le temps (Tableau 10) : valeur.
• selon l’étiologie de l’hypovolémie : les pertes hydroélectroly- Le maintien de la pression oncotique est surtout important
tiques (pathologie digestive) relèvent logiquement des chez le sujet insuffisant cardiaque : elle joue un rôle de protec-
cristalloïdes ; tion relatif contre l’œdème pulmonaire lié à l’augmentation de
• selon l’efficacité immédiate et la durée d’action : le choix va la PAPO sous remplissage. Les colloïdes artificiels étant non
vers les colloïdes en cas de défaillance circulatoire aiguë avec dosés, l’hypoprotidémie ne signifie pas hypo-oncocité et seule la
hypotension artérielle ; mesure de pression oncotique permet d’authentifier le trouble.
• selon l’existence d’une altération de la membrane capillaire, Le développement d’une coagulopathie constitue une com-
qui diminue l’intérêt des colloïdes ; plication fréquente de l’hémorragie, favorisée par l’existence
• enfin, les effets secondaires et le coût doivent toujours être d’un traumatisme cérébral, d’un état de choc et/ou d’une
pris en compte. hypothermie, ou l’administration de quantités importantes de
L’indication qui peut être retenue pour les cristalloïdes colloïdes de synthèse. L’administration des dérivés sanguins à
isotoniques est la correction d’une hypovolémie modérée visée hémostatique doit être guidée prioritairement par les

Médecine d’urgence 13
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

Figure 6. Compensation selon la perte volémique


% Normale
100 dans le choc hémorragique.
Cristalloïdes
Volémie 90
Cristalloïdes + colloïdes
Hématocrite 75
30 % Concentrés globulaires
50 Colloïdes

Concentrés globulaires
Colloïdes
Facteurs V et VIII 35
Plasma frais
Plaquettes 25 Concentrés
50.106I -1 globulaires
Volume perfusé Colloïdes
% Volémie Plasma frais
10 25 50 100 150 Plaquettes
Novoseven R

résultats biologiques. Les tests d’hémostase les plus prédictifs Rôle du gradient de pression entre soluté et patient
d’un saignement microvasculaire [143] sont la numération D’après la loi de Poiseuille, le débit est directement propor-
plaquettaire (< 50 000·mm–3) et un taux de fibrinogène plasma- tionnel au gradient de pression. Le procédé le plus simple est la
tique inférieur à 1 g·l–1. Lorsque les valeurs de temps de Quick gravité par l’élévation du soluté à une hauteur supérieure à la
et le temps de céphaline activée sont 1,8 fois la valeur contrôle, pression veineuse du patient : il est inadapté au remplissage
ces résultats deviennent réellement spécifiques du risque de rapide. Le second moyen est la création d’une pression, soit par
saignement [143]. un manchon entourant un flacon souple, soit par le piston
Les facteurs de coagulation, surtout le facteur V, passent le d’une seringue branchée en dérivation sur la tubulure par
seuil de 30-35 % à partir d’un volume de remplacement d’une l’intermédiaire d’un robinet à trois voies, soit par la compres-
volémie [66] et nécessitent alors l’apport de plasma frais dans le sion d’une poire pour transfusion accélérée (Blood Pump®), soit
rapport d’un plasma pour trois concentrés globulaires. La par un accélérateur de perfusion (Level 1).
conduite de la compensation des pertes hémorragiques est
schématisée dans la Figure 6. Rôle de la viscosité du soluté
Plus un soluté est visqueux, plus son débit est faible, sa
Contraintes spécifiques du remplissage vasculaire viscosité dépendant de sa dilution et de sa température. À titre
d’exemple, un concentré globulaire dilué par 100 ml de Ringer
rapide lactate peut être perfusé avec un débit deux fois et demie
Un système de perfusion rapide doit être sûr, efficace et supérieur.
simple d’emploi, et permettre un débit de perfusion au moins
Nécessité de réchauffer les solutés et d’utiliser des filtres
équivalent à celui des pertes sanguines, tout en réchauffant et
sanguins
filtrant le soluté [144]. Il doit éviter les traumatismes vasculaires
liés aux surpressions, prévenir l’embolie gazeuse, éviter la Le réchauffement des solutés est impératif lors d’un remplis-
surchauffe des solutés et réduire l’hémolyse au minimum [144, sage massif pour lutter contre l’hypothermie. Un réchauffement
145] . Chez un adulte, il est habituel de considérer qu’il y a actif au cours de la réanimation du choc hémorragique pourrait
remplissage rapide à partir de 50 ou plutôt 100 ml min–1. En prévenir, voire corriger les troubles de l’hémostase induits, mais
règle générale, des débits de 400 à 600 ml min–1 permettent de aussi prévenir la dépression myocardique observée au cours de
faire face à la plupart des situations hémorragiques. l’hypothermie.
Un fluide qui s’écoule dans un système de perfusion est Les solutés peuvent être réchauffés dans un échangeur
assimilé à un flux laminaire et obéit à la loi de Poiseuille. thermique inclus dans le système de perfusion. L’échange
L’amélioration d’un débit de perfusion dépend donc de plu- s’effectue par conduction grâce au contact du système de
sieurs facteurs, incluant diamètre et longueur du système de perfusion, soit avec des surfaces métalliques chauffantes
perfusion (tubulure et cathéter), gradient de pression entre le (réchauffeur de type Ranger ® ), soit avec un réchauffeur à
soluté et la pression veineuse du patient, présence de filtres circulation d’eau (Hotline Graseby®). L’inconvénient principal
sanguins, et réchauffeurs efficaces et de faible résistance. du réchauffement par conduction est l’allongement de la
.
tubulure et donc une perte de débit de perfusion. Parmi les
Influence du diamètre et de la longueur du système systèmes les plus performants, du fait de l’association d’un
de perfusion accélérateur de perfusion, on peut citer le Level 1 System
.
HI025® (Graseby). Ce dernier semble particulièrement adapté à
Cathéter. Le débit est directement proportionnel à la puis- la pédiatrie, compte tenu de son petit volume d’amorçage
sance 4 du rayon du tube. Un tube de 2 mm de diamètre (80 ml environ) [147].
permet donc d’obtenir un débit 16 fois plus important qu’un Obligatoires lors de toute transfusion, les filtres dits « stan-
tube de 1 mm de diamètre. Le débit à travers un cathéter à dards », formés de fibres synthétiques, ont des pores de 170 à
introducteur 8 French (F) (diamètre interne de 2,20 mm) est 230 µm. Les techniques actuelles de déleucocytation des
supérieur de 21 % à celui obtenu avec un cathéter 14 Gauge (G) concentrés de globules rouges rendent inutile l’utilisation
(diamètre interne de 1,55 mm) et supérieur de 70 % à celui systématique de microfiltres.
obtenu avec un 16 G (diamètre interne de 1,18 mm) [146]. Le
débit est inversement proportionnel à la longueur du tube. En Nécessité d’éviter l’hémolyse et l’embolie gazeuse
pratique, un cathéter de 16 G court permet un débit deux fois L’hémolyse est la conséquence délétère principale des techni-
plus important qu’un cathéter 16 G pour voie centrale. ques de remplissage vasculaire rapide. Elle peut cependant être
Tubulure. Elle est caractérisée de même par son diamètre réduite au minimum par quelques mesures simples : dilution
interne et sa longueur. Connectée à un cathéter 8 F, une des poches de concentrés globulaires ; réchauffement correct ;
tubulure à irrigation vésicale (diamètre interne de 5 mm) suppression des turbulences en éliminant raccords et robinets
permet un débit quatre fois supérieur à celui obtenu avec une inutiles. Quant à l’embolie gazeuse, elle justifie des précautions
tubulure standard (diamètre interne de 3,2 mm). Au contraire, draconiennes. Le contrôle visuel pour les systèmes transfusion-
ajouter un prolongateur au système de perfusion ralentit nels classiques devient automatique sur les appareils sophisti-
significativement le débit [146]. qués grâce à des alarmes de pression et des détecteurs

14 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

ultrasoniques d’air. L’utilisation de plus en plus fréquente de colloïdes associés à l’atropine en cas de bradycardie symptoma-
solutés contenus dans des poches souples devrait limiter ce tique et aux amines sympathomimétiques telle la noradrénaline
risque. maintenant une PAS au moins supérieure à 100 mmHg, au
mieux une PAM égale ou supérieure à 80 mmHg [155].
Conséquences pratiques En obstétrique, le risque d’accident anaphylactoïde lié à
Lors du remplissage rapide chez le patient en choc hypovo- l’administration de solutés colloïdaux de synthèse est à l’origine
lémique, la supériorité des cathéters à introducteur sur les autres des conclusions des experts préconisant la perfusion de cristal-
cathéters est unanimement reconnue. En revanche, le choix de loïdes pour la prévention des hypotensions maternelles [108, 142].
la meilleure voie d’abord veineuse reste très débattu. L’American Toutefois, ces solutés ne sont pas adaptés à l’urgence hypovolé-
College of Surgeons [148] recommande l’utilisation exclusive de mique et l’albumine à 4 % garde dans ces conditions une de ses
veines périphériques, la voie centrale étant posée secondaire- indications reconnues. Lorsque l’on ne dispose pas d’albumine,
ment dans de bonnes conditions d’asepsie et pour le monito- par exemple en cas d’hypotension sévère en phase préhospita-
rage hémodynamique. Les veines médianes du pli du coude lière, l’utilisation des HEA peut être admise. Enfin, lorsque
sont habituellement plus accessibles. Cependant, la vasocons- apparaît une baisse de pression artérielle malgré un remplissage
triction périphérique du patient choqué rend parfois l’accès à vasculaire correctement conduit, les vasopresseurs type éphé-
une veine périphérique plus difficile que l’accès à une veine drine doivent être utilisés pour restaurer rapidement la pression
profonde. Après une brève tentative de canulation périphérique, artérielle et limiter l’hypoxie fœtale [156].
il est donc suggéré la mise en place d’un désilet dans une veine
profonde. Le choix du lieu de ponction (veine fémorale, Remplissage vasculaire à la phase aiguë
jugulaire interne ou sous-clavière) dépend de la localisation du des brûlures
traumatisme.
L’utilisation précoce d’un remplissage vasculaire abondant a
radicalement transformé le pronostic initial des brûlures
étendues. Tout patient brûlé sur plus de 10 % de la surface

▲ Mise en garde corporelle au-delà du premier degré doit être perfusé immédia-
tement. La phase de choc du brûlé se prolonge jusqu’à la
soixante-douzième heure [157]. En pratique, seul le remplissage
Ne pas perfuser dans le territoire cave inférieur en cas de des 24 premières heures débuté en milieu non spécialisé est
lésion intra-abdominale, en raison des risques de détaillé. L’hypovolémie initiale du brûlé est secondaire à
remplissage inefficace et de clampage peropératoire de la l’exsudation plasmatique intense dans la zone brûlée, propor-
veine cave inférieure tionnelle à la surface brûlée, mais aussi à la constitution des
œdèmes et à la diminution de la masse globulaire par hémolyse
intravasculaire. La restitution rapide du volume plasmatique
perdu et du pool sodé déplacé est habituellement basée sur le
La voie fémorale est également contre-indiquée en cas pourcentage de surface brûlée (% SB), sur le poids du malade et
d’utilisation du pantalon antichoc. Elle est à privilégier dans sur la surface corporelle (SC) chez l’enfant. Une cartographie
tous les autres cas [149]. Les avantages, inconvénients et compli- précise de la zone brûlée est indispensable et doit être consignée
cations (plus fréquentes en urgence) des différentes voies sur un schéma.
d’abord d’une veine centrale ne font pas l’objet de cet article.
Un incident mérite cependant d’être souligné : c’est le risque de Volumes perfusés
coudure du désilet, maximal lorsqu’il est placé dans la veine Différentes règles de réanimation hydroélectrolytique ont été
sous-clavière par abord sous-claviculaire. La conséquence en est proposées pour les 24 premières heures.
un ralentissement du débit de perfusion, d’autant plus impor-
tant que l’angulation du cathéter est forte et que ce cathéter est
connecté à une tubulure de large calibre [150].
Chez l’enfant [151] “ Points forts
Chez le nourrisson et l’enfant, tout va plus vite, tout est plus
difficile et tout est plus grave. Un des objectifs est de maintenir Règles de réanimation hydroélectrolytique pour
la pression artérielle systémique dans la zone de normalité pour les 24 premières heures
l’âge. La limite inférieure (en mmHg) de PAS peut être évaluée • Règle d’Evans (la plus ancienne)
par la formule : 70 + s (2 × âge en années) [140] . Les voies C 1 ml kg–1·% SB de Ringer lactate
veineuses sont difficiles à trouver. Exceptionnellement, en cas C 1 ml kg –1 · % SB de colloïdes (albumine 4 % de
d’échec répété de ponction veineuse, la voie intraosseuse doit
préférence)
être envisagée [152]. La ponction s’effectue par un trocart spécial
(dit de Jamshidi) sous asepsie stricte, soit dans la partie anté- C 2 000 ml de besoins de base (80 ml kg –1 chez
rieure du tibia, 2 cm en dessous de l’épine tibiale, soit dans la l’enfant)
partie antérieure de l’extrémité inférieure du tibia. Les risques • Règle de Parkland chez l’adulte (actuellement
septiques restent faibles [153]. recommandée)
C 4 ml kg–1·% SB de Ringer lactate
Cas particuliers • Formule de Carvajal (utilisée chez l’enfant)
Chez le traumatisé crânien, l’objectif prioritaire est de lutter
C 5 000 ml m–2SB de Ringer lactate
contre toute hypotension artérielle et de préserver la pression de C +2 000 ml m–2SC des besoins de base
perfusion cérébrale. L’intérêt du SSH dans ce cadre a déjà été
évoqué. Il faut surtout éviter toute baisse de l’osmolalité
plasmatique (administration intempestive de soluté glucosé Quelle que soit la formule utilisée, la précocité du remplissage
et/ou de Ringer lactate) et corriger l’hypovolémie relative liée à est capitale : au minimum, la moitié des volumes prévus sur
l’utilisation de la sédation en recourant aux catécholamines [128, 24 heures doit être perfusée les 8 premières heures.
154]. Trois types de patients nécessitent régulièrement des quantités
Chez le traumatisé médullaire, il faut de la même manière largement supérieures [157] :
veiller au maintien de la pression de perfusion médullaire, donc • les brûlés réanimés trop tardivement ;
de la pression artérielle [155]. À l’hypovolémie absolue liée aux • les brûlés par courant électrique à haut voltage : prévention
lésions associées s’ajoute une hypovolémie relative secondaire à de la rhabdomyolyse, justifiant une diurèse horaire alcaline
la vasoplégie. Le traitement en est le remplissage par solutés de 2 ml kg–1 ;

Médecine d’urgence 15
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

• les brûlés respiratoires, ce qui majore en moyenne de 30 % la PaO2. Les colloïdes améliorent plus rapidement l’état de choc
les besoins, avec une marge thérapeutique faible, justifiant que les cristalloïdes, entraînent une moindre expansion du
l’intubation nasotrachéale et le recours précoce à la ventila- secteur interstitiel et diminuent le risque d’œdème pulmo-
tion artificielle. naire [159]. L’albumine doit être réservée aux cas où il existe une
hypoalbuminémie franche associée en dehors du contexte
Utilisation des colloïdes d’urgence hémodynamique ou d’inflation hydrosodée (albumi-
némie < 20 g·l –1 ou protidémie < 35 g·l –1 ) du fait de son
L’utilisation des colloïdes est généralement proposée systé-
coût [142] et de l’absence de supériorité documentée. Le plasma
matiquement à partir de la vingt-quatrième heure. En cas d’état
frais congelé n’est à utiliser qu’en cas de troubles de coagulation
de choc, l’albumine doit être utilisée en priorité, à défaut un
avérés. Pour les colloïdes de synthèse, il n’y a pas de critères
colloïde synthétique, de préférence HEA du fait de sa demi-vie
comparatifs permettant d’affirmer l’intérêt spécifique de l’un
plasmatique, la limite étant essentiellement les troubles de la
d’entre eux. Les HEA ont été utilisés chez le patient septique
crase sanguine.
sans augmentation de fréquence des troubles de l’hémostase ni
Chez l’enfant, les conséquences de l’hypoalbuminémie et les
hémorragie clinique. Une coagulopathie de consommation
besoins d’une supplémentation font l’objet d’une discussion qui
évolutive demeure une contre-indication de ces HEA. Du fait de
reste d’actualité. Avant la vingt-quatrième heure, l’équipe de
leurs propriétés pharmacocinétiques (demi-vie courte et réversi-
Percy [157] propose l’administration d’albumine aux alentours de
bilité de leur action), les gélatines pourraient être intéressantes
la huitième heure, ou avant en cas d’hypoprotidémie majeure :
en présence d’une atteinte cardiaque. Elles entraînent en
• Ringer lactate 2 ml·% SB kg–1 les 8 premières heures ;
revanche des accidents anaphylactoïdes plus fréquents. L’intérêt
• de la huitième à la vingt-quatrième heure, Ringer lactate
du SSH n’a pas été mis en évidence dans le choc septique.
0,5 ml·% SB kg–1 ; albumine 4,5 % 0,5 ml·% SB kg–1 ;
• le deuxième jour, quantité perfusée moitié moindre.
Le plasma frais congelé est rarement indiqué car la coagula- Choc anaphylactoïde
tion intravasculaire disséminée est le plus souvent uniquement
Les premières mesures devant un choc de ce type concernent
biologique. Les solutés salés hypertoniques pourraient réduire
l’arrêt de l’administration de l’agent supposé responsable, la
l’œdème dans la zone brûlée par restauration du potentiel
libération des voies aériennes et la mise en O2 pur, la suréléva-
transmembranaire, favoriser l’hémodynamique capillaire et être
tion des membres inférieurs. Le traitement d’urgence consiste
bénéfiques à l’inotropisme cardiaque. Leur utilisation chez le
essentiellement en l’administration d’adrénaline ; le remplissage
brûlé n’est cependant pas validée.
vasculaire est assuré par des solutés cristalloïdes isotoniques
Quoi qu’il en soit, la surveillance du remplissage vasculaire
(Ringer lactate ou sérum salé) car ils n’augmentent pas l’hista-
chez le brûlé grave est essentiellement clinique : diurèse horaire
minolibération. Les colloïdes sont substitués aux cristalloïdes
(> 1 ml kg–1), fréquence cardiaque, PAS, hématocrite inférieur à
lorsque le volume administré de ces derniers dépasse 30 ml kg–1.
50 %.

Choc septique Surveillance de l’efficacité du remplissage


vasculaire
La survenue d’un état septique entraîne une hypovolémie
dont la correction est un des facteurs essentiels de la prise en L’objectif thérapeutique devant une situation d’hypovolémie
charge. La base du traitement est l’éradication du foyer et est d’assurer une oxygénation périphérique adaptée aux besoins
l’antibiothérapie. Le traitement symptomatique comprend aussi de chaque organe [160]. Il convient de ne pas compromettre la
les amines sympathomimétiques vasoactives et inotropes. fonction pulmonaire en réalisant cet objectif.
L’objectif est de rétablir rapidement et complètement une
perfusion tissulaire et une délivrance d’O2 adaptées aux besoins. Surveillance clinique
Il n’y a pas d’intérêt pronostique démontré pour adopter des Régression des signes d’hypovolémie
valeurs supranormales. Le remplissage vasculaire est le traite-
ment initial du choc septique. On s’attache à :
Le choix du soluté doit tenir compte des altérations circula- • la régression de la tachycardie ;
toires associées lors du choc septique : hypovolémie et augmen- • la régression des signes liés à la vasoconstriction périphérique,
tation de la perméabilité capillaire, mais aussi dysfonction en particulier : amélioration de la coloration périphérique,
myocardique et modification de la répartition des débits meilleur pouls capillaire, disparition du pincement de la
sanguins régionaux [142]. Pour le remplissage vasculaire, aucun pression artérielle différentielle ;
consensus ne se dégage de la littérature concernant l’usage des • la disparition des troubles de vigilance et du comportement ;
cristalloïdes et des colloïdes. Aucune étude comparative ne • la régression de l’acidose lactique (témoin de la gravité de
permet actuellement de choisir entre les deux classes de solutés. l’état de choc).
Les colloïdes ont été recommandés en 1989, et il n’y a pas
Challenge orthostatique
d’argument pour renoncer actuellement à cette
recommandation. On peut également évaluer la persistance de l’hypovolémie
Chez l’enfant, il faut apporter au moins 40 ml kg–1 d’un par le challenge orthostatique ou tilt test. Exceptionnellement
colloïde dans la première heure. Ce remplissage permet vrai- réalisable, celui-ci est considéré comme positif quand la fré-
semblablement d’améliorer la survie initiale sans accroître le quence cardiaque augmente de 20 battements/min ou quand la
risque d’œdème pulmonaire. Chez l’adulte, en cas d’hypoten- PAS baisse d’au moins 20 mmHg au passage en position debout
sion (PAS < 90 mmHg ou PAM < 70 mmHg), il faut débuter une chez le sujet conscient (dont le baroréflexe est conservé). On
expansion volémique avec de 20 à 40 ml de cristalloïde (ou évalue alors le déficit volémique à 20 %. Le plus souvent,
l’équivalent de colloïde) par kg de poids corporel estimé [158]. lorsque seule la mise en position assise est possible, une
L’expansion volémique doit être répétée tant que la pression augmentation isolée de la fréquence cardiaque de 20 batte-
artérielle et la diurèse ne sont pas satisfaisantes et en l’absence ments/min lors du tilt test traduit une hypovolémie d’au moins
de signes de surcharge volémique intravasculaire. Le recours 500 ml [161].
précoce au traitement vasopresseur (noradrénaline ou dopa-
Reprise de diurèse
mine) s’impose pendant et après l’expansion volémique initiale
en cas d’hypotension. Le niveau de remplissage satisfaisant peut Parmi les signes cliniques, la reprise de la diurèse est un signe
être apprécié par la pression veineuse centrale ou les données de de grande valeur. Malheureusement, ce signe est parfois décalé
l’échographie cardiaque ; l’objectif est de maintenir une pression dans le temps. Il implique la mise en place d’une sonde urinaire
veineuse centrale entre 8 et 12 mmHg. La mauvaise tolérance et son absence peut relever d’autres causes qu’une hypovolémie
du remplissage doit être en permanence recherchée clinique- et, inversement, l’utilisation de diurétiques lui enlève sa
ment et par le monitorage de la SpO2 ou la mesure répétée de valeur [51].

16 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Échocardiographie
Perfuser en 10 minutes
200 ml si PVC < 8 La diminution de la variation respiratoire de la vitesse
100 ml si 8 < PVC < 14 maximale ou de l’intégrale temps-vitesse du flux aortique
50 ml si PVC > 14 enregistrées à l’anneau aortique ou dans l’aorte thoracique
descendante est un bon critère d’efficacité du remplissage.

Variation de la PVC en cours d'épreuve

“ Point fort
>5
En pratique, quelle surveillance ?
• Patient jeune sans pathologie cardiaque antérieure
C s’il s’agit d’une hémorragie peu importante ou d’un
Variation de la PVC en fin d'épreuve Stop choc modéré, la surveillance du remplissage doit
rester simple : régression des signes cliniques,
surveillance non invasive de la pression artérielle et
<2 >5 électrocardioscopique (correction progressive de la
tachycardie)
C si l’hémorragie est plus abondante et durable, il
2-5 convient alors de débuter précocement un
monitorage plus invasif : pression artérielle
sanglante, diurèse horaire. Si l’origine de
Attendre 10 minutes
l’hémorragie est contrôlée, l’amélioration clinique
avec reprise de diurèse est obtenue le plus souvent
sans élévation de la PVC à plus de 7 mmHg
<2 2-5 Stop (10 cmH2O)
• patient aux antécédents de cardiopathie ou présentant
un état de choc sévère et prolongé
Figure 7. Arbre décisionnel. Conduite d’une épreuve de remplissage
guidée par la pression veineuse centrale (PVC) selon la règle des C utilisation d’un monitorage plus agressif (mise en
5-2 cmH20 (d’après [95]). place d’une sonde de Swan-Ganz, surveillance
échographique répétée)
C si le cathétérisme cardiaque droit n’est pas possible,
Pression veineuse périphérique on utilise l’épreuve de remplissage

Elle est facile à réaliser avec un système intraveineux à débit


libre. Le flacon de perfusion est placé au niveau où le retour
veineux se produit. La pression veineuse périphérique corres- Accidents du remplissage vasculaire
pond à la hauteur de la colonne de liquide située au-dessus du
niveau estimé de l’oreillette droite. Sans risque, cette méthode
représente une évaluation fiable de la pression veineuse Accidents de surcharge
centrale.
Le remplissage vasculaire peut être source d’extravasation
dans l’espace interstitiel, en particulier dans les poumons, à la
Surveillance hémodynamique
source d’œdème pulmonaire avec hypoxémie augmentant la
Variations cycliques de la pression artérielle morbidité et la mortalité. Le risque d’œdème pulmonaire est
faible en dehors d’une lésion de la membrane alvéolocapillaire
Chez le patient ventilé artificiellement, la diminution de la
ou d’une élévation marquée de la PAPO. Il apparaît pour un
variabilité respiratoire de la PAS, ou diminution du dPP (pres-
gradient pression oncotique-PAPO inférieur à 4 mmHg, surtout
sion artérielle pulsée), ou diminution du d down est attendue.
en cas d’élévation de la PAPO [159] ; dans ce cas, le maintien
Pressions de remplissage d’une pression oncotique plasmatique protégerait le poumon.
Les facteurs de risque sont les suivants : insuffisance ventricu-
L’augmentation des pressions intravasculaires (PVC et PAPO) laire gauche ; hypothermie ; hypocalcémie (transfusion mas-
ne préjuge en rien de l’efficacité du remplissage, mais traduit sive) ; traitement par bêtabloquants ; syndrome de détresse
une modification effective de précharge [132]. respiratoire aiguë ... L’utilisation d’un accélérateur de perfusion
Leur surveillance est essentielle lors de l’épreuve de expose plus particulièrement à une surcharge absolue. Le risque
remplissage. d’œdème pulmonaire doit être prévenu par une surveillance
clinique et paraclinique rigoureuse, et par des indications larges
Épreuve de remplissage de ventilation artificielle. Donc, la surveillance de l’évolution de
Toute situation d’hypovolémie doit conduire à une épreuve la SpO2 ou de la PaO2 doit être accrue au cours du remplissage
de remplissage vasculaire. Certains ont proposé de la réaliser par vasculaire.
le biais de manœuvres de posture ou de gonflement du panta-
lon antichoc. En pratique, le protocole de Weil et Henning [95] Accidents anaphylactoïdes
(Fig. 7) est souvent utilisé, associé avec la surveillance de
l’évolution des paramètres cliniques précédemment décrits. Ce Une enquête prospective française [14] (1991-1992) a porté sur
protocole peut utiliser la PVC (règle des 5-2 cmH20) ou la PAPO 19 593 patients et a recensé 43 accidents anaphylactoïdes
(règle des 7-3 mmHg) avec des modalités pratiques identiques. (0,219 %). La fréquence actuelle des accidents est donc de
Dans ce dernier cas, l’évolution du débit cardiaque lors de 1/456 patients. Le risque avec les amidons est six fois moindre
l’épreuve de remplissage est très informative. qu’avec les gélatines et proche de celui de l’albumine. Les

Médecine d’urgence 17
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

facteurs de risque à l’origine de la réaction anaphylactoïde ont Tableau 11.


été évalués. Leur risque relatif (odd ratio) confirme l’importance Pantalon antichoc : indications, conséquences, accidents.
de ces facteurs : le risque relatif est de cinq quand des gélatines Indications Faible pression de gonflage :
sont administrées, de quatre après dextrans, de trois si le patient • hématomes rétropéritonéaux
a une allergie médicamenteuse. Il est presque doublé si le
• hémorragies pelviennes d’origine vei-
patient est un homme. Il convient de rappeler la nécessité non neuse
seulement d’arrêter la perfusion, mais également de changer la
Forte pression de gonflage :
tubulure en cas d’accident aux substituts plasmatiques.
• choc hypovolémique grave
• arrêt circulatoire hypovolémique
Mise en place sans gonflage :
■ Autres techniques de correction • anévrisme fissuré de l’aorte abdominale
• transport d’un polytraumatisé à fort po-
volémique tentiel hémorragique
Conséquences des fortes Ischémie des membres inférieurs
Autotransfusion pressions de gonflage Effets ventilatoires :
L’autotransfusion est actuellement largement utilisée en per- • aggrave l’hémorragie intrathoracique
et postopératoire, même dans le cadre d’intervention • nécessite une intubation et une ventila-
d’urgence [141]. Il est alors recommandé d’utiliser les techniques tion
de récupération sanguine avec lavage qui améliorent la qualité Douleur
du produit récupéré en vue d’une autotransfusion. De plus, Œdème cérébral
pour les hémorragies abondantes et/ou brutales, la technique Accidents Persistance du saignement (plaie artérielle
avec lavage apporte une plus grande sécurité : absence de limite des membres inférieurs)
aux volumes récupérés, automatisation des systèmes. Hernie intrathoracique d’organes abdomi-
En ce qui concerne la période préopératoire, préhospitalière naux en cas de hernie diaphragmatique
ou en médecine de guerre ou de catastrophe, l’autotransfusion
des hémothorax peut être envisagée [162]. En particulier, l’hémo-
Description. Mise en place
thorax par blessure de gros vaisseaux intrathoraciques ou du
cœur s’accompagne d’un débit hémorragique très important. En Composition
l’absence d’hémostase chirurgicale immédiate, la seule solution Le matériel utilisé pour le PAC est du polyvinyle enduit de
thérapeutique est l’autotransfusion avec un système élémentaire polyuréthane. Celui-ci est ainsi radiotransparent, lavable et
simple et facile à utiliser [1]. Le recueil du sang et sa réinjection relativement résistant. Il existe une taille adulte et une taille
se font par simple gravité. Le traitement du sang consiste pédiatrique.
seulement en une double filtration, en amont de la poche de Il comporte trois éléments distincts raccordés chacun à un
transfert et sur la tubulure de réinjection. Un certain nombre de manomètre de pression permettant le gonflage séparé : deux
systèmes sont commercialisés : Solcotrans® (FH France), Pleur- compartiments enveloppant les membres inférieurs, du pubis
Evac ® (Deknatel), Receptal ® (Abbott France) [141] . Le sang aux chevilles et un compartiment abdominal allant du rebord
autotransfusé est pauvre en plaquettes, en facteurs de coagula- costal inférieur jusqu’au pubis.
tion et en fibrinogène, et par conséquent l’anticoagulation n’est Installation
pas nécessaire. Cette technique permet de limiter l’hémodilu-
La mise en place est rapide avec ou sans gonflage ultérieur,
tion de patients en état de choc hémorragique grave et donc
environ 3 à 5 minutes pour une équipe entraînée. Le pantalon
d’améliorer le transport en O2 ; elle améliorerait la survie de ces est déplié puis glissé sous le patient, les attaches Velcro® sont
blessés graves du thorax [1]. rabattues sur les membres puis sur l’abdomen par dessus le rabat
antérieur. Il faut veiller à ce que le compartiment abdominal ne
gêne pas l’expansion des dernières côtes. L’accès au périnée est
Posture et précautions de mobilisation laissé libre, ainsi que les pieds, permettant de palper les pouls
La surélévation des membres inférieurs ou la position de pédieux.
Trendelenburg permettent la mobilisation immédiate de 500 à Modalités de gonflage
1 000 ml de sang du système veineux capacitif des membres Le gonflage doit impérativement se faire par paliers. On
inférieurs vers le compartiment central. Cette augmentation de distingue deux niveaux de gonflage : le gonflage à basse
la précharge est plus ou moins marquée selon l’état vasomoteur pression et le gonflage à haute pression. Le gonflage à basse
préalable. À la phase initiale d’un choc hypovolémique, il existe pression est représenté par des niveaux de pression inférieurs à
déjà une vasoconstriction qui limite l’effet de la posture. 40 mmHg. Le gonflage à haute pression est défini par une
À l’inverse, tout obstacle au retour veineux peut avoir des pression de 70 à 80 mmHg aux membres inférieurs et de 40 à
conséquences néfastes sur le patient hypovolémique : brutale 60 mmHg à l’abdomen.
mise en position proclive lors d’un brancardage, pose de
Modalités de dégonflage
matériel lourd sur l’abdomen, accélération et/ou décélération
brusque lors du transport. Le dégonflage doit impérativement se faire par paliers
progressifs, en débutant par le compartiment abdominal sous
remplissage vasculaire accéléré, idéalement en salle d’opération
Pantalon antichoc avec un chirurgien prêt à intervenir. Le risque d’arrêt cardiaque
par désamorçage est maximal lors du dégonflage, même lent, en
Les premières utilisations du pantalon antichoc (PAC) ou cas d’hypovolémie sévère.
combinaison antigravité remontent à la guerre du Viêt-Nam où il
fut utilisé pour le transfert des blessés. Il est dérivé de la tenue Principaux effets et inconvénients (Tableau 11)
de vol des pilotes de l’armée de l’air. Le PAC réalise une compression pneumatique, circonféren-
L’utilisation du PAC en préhospitalier est un moyen tielle, externe et sous-diaphragmatique. Il permet l’application
controversé [163-167]. Plusieurs études cliniques ont montré une d’une pression uniforme à la moitié inférieure du corps.
utilité clinique limitée. Les indications d’utilisation du PAC ont Chez le polytraumatisé, le PAC a une triple action : hémody-
fortement diminué ces dernières années [148]. namique, hémostatique, contensive.

18 Médecine d’urgence
Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique ¶ 25-010-D-20

Effets hémodynamiques Les études cliniques publiées permettent de classer les


indications en plusieurs catégories.
Selon le niveau de gonflage, on décrit deux effets hémodyna- Dans les hypotensions artérielles liées à une rupture d’un
miques du PAC : anévrisme de l’aorte abdominale, le PAC est généralement
• un effet veineux capacitif, décrit chez l’homme normotendu, indiqué et son efficacité clinique est démontrée avec l’utilisation
qui résulte de la mobilisation du sang des territoires veineux de fortes pressions de gonflage.
sous-diaphragmatiques ; cet effet, observé pour de faibles Dans les hypotensions artérielles par fracture du bassin, les
pressions de gonflage (pressions inférieures à 40 mmHg) est hémorragies des membres inférieurs non contrôlées, le choc
intéressant dans les hématomes rétropéritonéaux et les anaphylactique ne répondant pas au traitement standard, le
saignements pelviens d’origine veineuse ; PAC peut être efficace, même à faibles pressions de gonflage.
• un effet artériel résistif, mode essentiel d’action du PAC dans L’efficacité du PAC est incertaine chez le sujet âgé, dans les
le maintien de la pression artérielle lors d’une hémorragie hémorragies urologiques, gynécologiques ou des membres
majeure avec élévation progressive des résistances artérielles inférieurs sans répercussions hémodynamiques.
Cependant, le PAC peut avoir un effet délétère le contre-
systémiques, qui s’observe lors de l’application de fortes
indiquant chez les patients présentant une hémorragie sus-
pressions de gonflage ; il est responsable d’une augmentation
diaphragmatique (hémothorax, hémomédiastin, rupture aortique,
de la pression artérielle ainsi que d’une bradycardie
plaie cardiaque ...), une rupture diaphragmatique, un traumatisme
baroréflexe. pénétrant thoracique, une éviscération abdominale et chez les
Effet hémostatique traumatisés crâniens. Le PAC n’est pas indiqué pour les patients
présentant une défaillance cardiaque par tamponnade cardiaque
L’effet mécanique facilite l’arrêt des saignements par diminu- ou infarctus du myocarde. Le vieillard, le coronarien, l’insuffisant
tion des flux sanguins régionaux, diminution de la surface des cardiaque sont des terrains défavorables à l’utilisation du
brèches vasculaires et diminution du débit d’écoulement à système.
travers les plaies vasculaires.
Traitements associés
Effet de contention
Installé en regard des fractures osseuses, le PAC réalise une Catécholamines
véritable attelle pneumatique. Dans le choc hémorragique, l’adaptation du système vascu-
laire se fait grâce à la mise en jeu d’une vasoconstriction
Effets secondaires
intense, essentiellement par le biais du système nerveux
Ventilatoires. Le PAC entraîne une diminution de la ventila- sympathique. Il en résulte une redistribution vasculaire tendant
tion alvéolaire par limitation de la participation abdominale à préserver les organes privilégiés, cerveau et cœur, aux dépens
dans la mécanique ventilatoire et par l’ascension des coupoles des circulations cutanée, splanchnique et rénale.
diaphragmatiques [168] . Ces troubles s’observent dès que la Si la prescription de catécholamines est susceptible d’aug-
pression de gonflage du compartiment abdominal est supérieure menter la pression artérielle, c’est au prix d’une vasoconstriction
accrue et de toute manière sans augmentation de la perfusion
à 25 mmHg. De plus, il existe un risque majeur de reflux gastro-
tissulaire [169]. De plus, la contractilité myocardique est normale
œsophagien et d’inhalation chez les patients présentant un
ou modérément élevée lors de la phase initiale du choc hémor-
trouble de la conscience. Ainsi, l’utilisation du PAC à pression
ragique. Les catécholamines occupent donc une place restreinte
abdominale efficace nécessite généralement l’intubation tra- dans la réanimation du choc hémorragique : elles représentent
chéale et une ventilation mécanique du patient. un traitement symptomatique utile pour passer un cap difficile,
Douleur. Les pressions élevées ou efficaces sont souvent mal en association au remplissage et au traitement de la cause.
tolérées, surtout si le foyer hémorragique est abdominal. Une Certaines circonstances doivent y faire recourir :
analgésie et une sédation sont alors indispensables, sous • chez le patient traité par des substances bloquant totalement
ventilation mécanique contrôlée. ou partiellement la réponse sympathique (bêtabloquants,
Acidose respiratoire. Elle est due à une hypoventilation amiodarone ...) ou interférant avec les réponses physiologi-
alvéolaire. Elle peut s’associer à l’acidose métabolique du choc ques (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, inhibiteurs
hémorragique. L’acidose respiratoire est corrigée par la ventila- calciques) ;
tion assistée. • lors des hypovolémies relatives liées à une sympathoplégie :
traumatisme médullaire, anesthésies locorégionales rachi-
Ischémie des membres inférieurs. Lors de l’utilisation du diennes ;
PAC, le risque d’ischémie des membres inférieurs est important. • dans le choc hémorragique évolué où une défaillance ventri-
Pour prévenir ou limiter ce risque, il importe de maintenir des culaire nécessite un soutien inotrope pour tolérer le remplis-
pressions prolongées le minimum de temps ; ainsi, 60 minutes sage ;
d’application de pressions efficaces semblent être un maximum • lors de l’arrêt circulatoire par désamorçage où l’utilisation
admissible. d’adrénaline est d’efficacité immédiate, améliorant les
Une surveillance régulière de la coloration et des pouls chances de succès des manœuvres de réanimation en atten-
pédieux à la recherche de signes évocateurs d’ischémie des dant l’effet du remplissage vasculaire massif qui reste toujours
membres inférieurs est nécessaire. la pierre angulaire du traitement ;
Hernie diaphragmatique. En cas de rupture diaphragmati- • lors de l’induction d’une sédation chez un patient en choc
hémorragique qui s’accompagne d’une chute de l’activité
que, le PAC peut faciliter une hernie intrathoracique d’organes
sympathique et des concentrations plasmatiques de catécho-
abdominaux.
lamines ;
Autres. La survenue d’un œdème pulmonaire et de lésions • chez le traumatisé crânien grave où la pression de perfusion
cutanées a été décrite. cérébrale doit à tout prix être préservée ; le cas du traumatisé
médullaire est analogue.
Indications Les catécholamines sont bien adaptées pour traiter les
situations aiguës du fait d’une demi-vie courte qui les rend très
Dans les pays anglo-saxons, en 1997, le comité scientifique maniables, avec une posologie qui peut être adaptée de manière
américain (NAEMSP) a analysé et classé les indications d’utilisa- précise. Le choix va porter sur :
tion du PAC [148]. Le but était de servir de recommandations de • l’adrénaline qui possède un effet a et b, avec un effet
pratique clinique et d’encourager à faire des études futures dans vasopresseur nettement prédominant ; cependant, elle aug-
les domaines où les données cliniques sont incomplètes. mente plus la consommation d’O 2 du myocarde que la

Médecine d’urgence 19
25-010-D-20 ¶ Remplissage vasculaire et autres techniques de correction volémique

contractilité, diminue le débit splanchnique et rénal, et élève


dangereusement la postcharge chez le coronarien [169] ;
• la noradrénaline, qui a un effet a quasi exclusif ; son utilisa-
“ Points essentiels
tion à faible posologie est actuellement large ; l’administra-
tion par voie veineuse centrale est souhaitable : dans le cas Questions à se poser avant de traiter un état de
échéant, une voie veineuse uniquement dédiée à son admi- choc
nistration doit être utilisée ; • Mettre en place une voie veineuse périphérique de gros
• la dopamine, qui montre des effets a, b, mais aussi dopami- calibre
nergiques, variables selon la posologie ; son effet protecteur • Poser l’indication éventuelle d’un remplissage
sur le risque d’insuffisance rénale hémodynamique n’est plus vasculaire
retenu actuellement [170] ; • Se fixer des objectifs tensionnels en fonction de l’état
• la dobutamine, qui par un effet b1 prédominant est utile en clinique du patient
cas de défaillance ventriculaire et qui, bien qu’augmentant la • Connaître la pharmacocinétique des produits de
demande d’O2 du myocarde, garde une résultante favorable ; remplissage utilisés
ses effets vasodilatateurs nécessitent une optimisation préala- • Évaluer le rapport bénéfice/risque du remplissage
ble du remplissage ; vasculaire en lui-même (hémodilution) et des solutés
• l’éphédrine, sympathicomimétique direct et indirect, qui utilisés
affiche un effet vasopresseur franc et prolongé (cinq fois plus • Prévenir l’hypothermie, les troubles de la coagulation.
long que les amines précédentes) ; elle est de ce fait utilisable La survenue d’une acidose métabolique est un facteur de
en bolus pour redresser en urgence une situation tensionnelle gravité
compromise. • Ne pas retarder l’avis d’un réanimateur et/ou d’un
chirurgien pour le traitement étiologique (chirurgie,
embolisation)
Alcalinisation
• Utiliser l’évolution clinique et le monitorage pour guider
Elle a longtemps été proposée comme une thérapeutique le remplissage vasculaire
complémentaire nécessaire et presque systématique dans l’état
de choc. En fait, il a été démontré qu’elle avait au contraire des .

effets délétères puisqu’elle augmente la lactacidémie et l’acidose


paradoxale intracellulaire [171]. ■ Références
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Elle a cependant, chez le patient hypovolémique, un retentisse- 19:316-25.
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au cours des hypovolémies relatives ou absolues. Texte des recomman-
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pronostic. Le choix du soluté de remplissage doit être fonction
des effets pharmacologiques qui sont attendus en ampleur et en [9] Grostendorst AF, van Wilgenburg MG, de Laat PH, van der Hoven B.
durée, en mettant toujours en balance les effets délétères de Albumine abuse in intensive care medicine. Intensive Care Med 1988;
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chaque soluté et en les détectant par une surveillance rigoureuse
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sent à une prescription encore plus restreinte avec l’avènement [12] Conseiller C, Ozier Y. Composition, propriétés physico-chimiques et
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sont qu’un traitement symptomatique qui ne doit pas occulter [14] Laxenaire MC, Charpentier C, Feldman L. Réactions anaphylactoïdes
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S. Seltzer, Praticien hospitalier (sandrine.seltzer@chu-dijon.fr).


D. Honnart, Praticien hospitalier.
S. Chefchaouni, Interne d’anesthésie-réanimation.
M. Freysz, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation, service d’accueil des urgences, centre hospitalier universitaire, Hôpital général, 3, rue du Faubourg-Raines, BP 1519,
21033 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Seltzer S., Honnart D., Chefchaouni S., Freysz M. Remplissage vasculaire et autres techniques de
correction volémique. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-D-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

24 Médecine d’urgence
¶ 25-010-E-10

Oxygénothérapie et supports
ventilatoires
F. Templier, F. Thys

La pratique de l’oxygénothérapie, de la ventilation mécanique, de la CPAP et de l’AI+PEP est fréquente en


médecine d’urgence. Une optimisation de la formation initiale théorique et pratique, ainsi que la mise en
place de formations médicales continues sont absolument nécessaires. La connaissance des mécanismes
physiopathologiques principaux, des matériels utilisés et de leurs limites est fondamentale pour garantir
la sécurité des patients. Les avantages et les limites des modes ventilatoires utilisables en médecine
d’urgence doivent être connus, notamment le mode volumétrique assisté contrôlé avec réglage du débit
d’insufflation. L’arrivée des nouveaux ventilateurs compacts et performants dédiés à la médecine
d’urgence et au Smur permet de ventiler de façon beaucoup plus adaptée nos patients, à condition
d’apprendre à les utiliser. Enfin, si la CPAP doit pouvoir être mise en route par toutes les équipes aux
urgences et en Smur au cours de l’OAPc, l’AI+PEP au cours des décompensations de BPCO n’est
aujourd’hui recommandable qu’aux urgences, sous conditions matérielles et de formation strictes.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Médecine d’urgence ; Oxygénothérapie ; Ventilation mécanique ; Ventilateur ; VS-PPC ;


Ventilation non invasive

Plan ¶ Mise en œuvre pratique 11


Oxygénothérapie 11
¶ Introduction 1 Ventilation mécanique invasive 12
Supports ventilatoires non invasifs : CPAP et AI+PEP 13
¶ Rappels physiopathologiques fondamentaux 2
Hypoxémie, hypercapnie et ventilation alvéolaire 2 ¶ Conclusion 15
Effets de l’inhalation d’oxygène 2
Conséquences respiratoires de la ventilation mécanique, invasive
et non invasive
Conséquences hémodynamiques de la ventilation mécanique,
2 ■ Introduction
interactions cœur-poumons 3 L’oxygénothérapie définit l’apport d’oxygène en inhalation à
Conséquences ventilatoires et hémodynamiques de la CPAP 3 un patient, sans action directe sur son travail ventilatoire. Elle
¶ Modes ventilatoires utilisés en médecine d’urgence 3 est schématiquement indiquée pour corriger une hypoxémie ou
Modes volumétriques 3
compenser l’augmentation de la consommation en oxygène
d’un patient en détresse. Les techniques de support ventilatoire
Modes barométriques ou en pression 6
sont indiquées en cas d’hypoventilation alvéolaire liée à une
Ventilation spontanée avec aide inspiratoire 7
pathologie aiguë ou induite par une sédation analgésie pro-
Pression expiratoire positive (PEP) 7
fonde. Elles permettent une prise en charge totale ou partielle
Triggers inspiratoires et expiratoires 7
de la ventilation alvéolaire du patient et peuvent être associées
Ventilation spontanée en pression positive continue (VS-PPC ou
à un apport d’oxygène. Elles sont réalisables soit après abord
CPAP) 7
endotrachéal (ventilation mécanique invasive), soit par l’inter-
Asynchronies patient/ventilateur 7 médiaire d’un masque (support ventilatoire non invasif).
¶ Matériel d’oxygénothérapie 8 Bien qu’il n’existe que peu de données chiffrées, ces techni-
Sources d’oxygène 8 ques sont quotidiennement utilisées en médecine d’urgence [1].
Humidificateurs 8 Pour la ventilation mécanique invasive, l’incidence en Smur est
Matériels d’inhalation 8 évaluée entre 1,3 et 4,6 % pour les interventions primaires (hors
¶ Ventilateurs de médecine d’urgence 9 arrêt cardiaque non récupéré), principalement en mode volu-
Description des différentes parties d’un ventilateur 9 métrique [2, 3], et à 20 % pour les transferts interhospitaliers
Critères de choix entre les différents ventilateurs 9 d’un Smur urbain, avec des modes ventilatoires plus variés [3].
Les patients sont souvent instables et fragiles, nécessitant une
¶ Aspects spécifiques des matériels de CPAP et de VNI 11 ventilation mécanique performante. Parmi les techniques non
Choix du matériel de CPAP 11 invasives, la CPAP (continuous positive airway pressure) reste
Caractéristiques spécifiques requises pour les ventilateurs en VNI 11 insuffisamment utilisée [1, 4]. La ventilation non invasive (VNI)
¶ Humidification des voies aériennes 11 à deux niveaux de pression (aide inspiratoire + pression expira-
toire positive = AI+PEP) peut être mise en route au service

Médecine d’urgence 1
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

d’urgences, pour certaines pathologies et avec une équipe • toxicité de l’oxygène. L’hyperoxie, définie par une PaO2
formée. En Smur, il n’existe pas encore de données permettant supérieure à 100 mmHg, peut être responsable d’une toxicité
de recommander largement l’AI+PEP [4]. cellulaire par production de radicaux libres responsables de
Les nombreuses avancées technologiques récentes offrent au destructions cellulaires [6]. Le poumon semble être l’organe le
clinicien urgentiste des possibilités thérapeutiques nouvelles. plus sensible à l’hyperoxie en normobarie [7]. En médecine
Mais la formation à ces techniques issues de la réanimation est d’urgence, même si l’oxygène doit être administré à dose
encore auto-évaluée comme insuffisante [1]. Notre objectif sera optimisée, l’hypoxémie reste plus dangereuse que l’hyperoxie.
de rappeler les éléments physiopathologiques essentiels pour Chez le nouveau-né, la toxicité de l’oxygène est plus impor-
une bonne utilisation de ces techniques. Puis nous décrirons les tante, notamment au niveau oculaire avec risque de fibro-
modes ventilatoires utiles, les aspects techniques et les critères plastie rétrolentale ;
de choix des matériels d’oxygénothérapie et de support ventila- • cas particulier de l’insuffisant respiratoire chronique avec
toire. Enfin, nous préciserons les aspects généraux de la mise en hypercapnie chronique. Chez ces patients, l’hypoxémie est
œuvre pratique de ces techniques, sans détailler chaque patho- principalement liée à des anomalies des rapports ventilation-
logie. Les aspects spécifiques en pédiatrie et l’oxygénothérapie perfusion. Aucune étude n’a validé l’idée souvent avancée
hyperbare ne seront pas abordés. d’une diminution de la sensibilité des centres respiratoires de
ces patients au CO2. L’hypercapnie induite par l’inhalation
d’oxygène est sans doute principalement due à une modifi-
■ Rappels physiopathologiques cation délétère des rapports ventilation/perfusion par levée de
fondamentaux la vasoconstriction hypoxique de territoires mal ventilés [8].

Hypoxémie, hypercapnie et ventilation Conséquences respiratoires de la ventilation


alvéolaire mécanique, invasive et non invasive
Ces techniques reposent sur l’application d’une pression
Une valeur de pression artérielle en oxygène (PaO2) inférieure
positive au niveau du système respiratoire du patient. Les
à 60 mmHg (8 kPa), voire inférieure à 50 mmHg (6,66 kPa) a
mécanismes induits sont complexes, les éléments de base
été proposée pour définir l’hypoxémie. Ce sont surtout les
indispensables à la pratique de la ventilation mécanique devant
antécédents du patient et l’histoire clinique qui doivent être
être connus [9, 10].
analysés. Cette hypoxémie peut avoir quatre causes principales
Le système respiratoire est un ensemble d’éléments mécani-
pouvant s’associer [5] :
ques associant un système actif (muscles) et un système passif
• anomalies de diffusion et shunt vrai : associés à une hypo-
(voies aériennes, poumon et paroi thoracoabdominale). Ce
capnie sauf en cas d’épuisement respiratoire du patient.
système passif représente un élément résistif d’importance
L’oxygénothérapie permet en général de restaurer une PaO2
variable à l’écoulement des gaz, à l’inspiration et à l’expiration.
suffisante. En cas de shunt important, cet objectif est parfois
Le poumon s’oppose à son expansion lors de l’inspiration, mais
plus difficile à atteindre, une part non négligeable de sang
favorise l’expiration, du fait de ses structures élastiques et de
non oxygéné (shunt) venant se mélanger au sang oxygéné ;
l’interface air/liquide des bronchioles distales et des alvéoles.
• inégalités des rapports ventilation-perfusion entraînant une
Lors de la ventilation mécanique, une pression positive est
capnie variable ;
appliquée (1,35 cmH 2 O = 1 mmHg = 1 Torr et 1 kPa
• hypoventilation alvéolaire par altération de la « pompe
= 10,19 cmH2O = 7,5 mmHg ; pression barométrique = zéro de
ventilatoire » : associant hypoxémie plus ou moins profonde
référence). Elle permet un changement de volume (l ou ml)
et hypercapnie constante. Cette dernière situation peut
durant un temps d’insufflation pendant lequel est appliqué un
nécessiter le recours à un support ventilatoire pour augmenter
débit d’insufflation (l/min). Il existe donc une étroite relation
la ventilation alvéolaire du patient.
entre pression, volume, débit et temps d’insufflation. La
possibilité de régler tout ou partie de ces paramètres varie selon
Effets de l’inhalation d’oxygène le mode ventilatoire et le degré de sophistication du ventilateur.
L’inhalation d’oxygène permet d’améliorer la PaO 2 par
augmentation de la FIO2 (fraction inspirée en oxygène). Notion de compliance
Le système thoracopulmonaire est soumis d’une part à des
forces de rétraction élastique (élastance) qui s’opposent à son
expansion mais facilitent son retour à sa position initiale, et
“ Points forts d’autre part à des forces de distension, l’équilibre étant atteint
à la capacité résiduelle fonctionnelle. La compliance, inverse de
l’élastance, correspond au volume mobilisé pour une pression
PIO2 = FIO2 × (PB – PH2O) donnée (compliance pulmonaire : 100 ml/cmH 2 O). Cette
PAO2= PIO2 – (PACO2/quotient respiratoire) compliance a une grande importance en clinique. Un poumon
PAO2 = PAO2 – gradient alvéolocapillaire emphysémateux (compliance élevée) a la capacité de mobiliser
PIO2 = pression inspiratoire en oxygène un volume donné avec de faibles pressions à l’insufflation mais
FIO2 = fraction inspirée en oxygène nécessite un temps expiratoire prolongé. À l’inverse, sur un
PB = pression barométrique poumon à compliance basse (fibrose, syndrome de détresse
respiratoire aiguë [SDRA], atélectasies, anomalie de la paroi
PH2O = pression de vapeur d’eau
thoracique, etc.), le volume mobilisé à l’insufflation pour une
PAO2 = pression alvéolaire en oxygène
pression donnée est diminué, nécessitant d’augmenter les
PACO2 = pression alvéolaire en gaz carbonique pressions d’insufflations pour obtenir le volume souhaité ou
PAO2 = pression artérielle en oxygène d’accepter de ventiler le patient avec des volumes moindres. Au
cours du SDRA, elle peut atteindre 20 à 40 ml/cmH2O. En cas
de compliance basse, de nombreux ventilateurs de transport
Trois limites essentielles sont à considérer, en dehors des peuvent être mis en défaut.
incidents pouvant être liés aux matériels :
• absence d’effet sur la ventilation alvéolaire. Dans ce cas, Notion de résistance
l’application de FIO2 élevées peut améliorer la PAO2 et donc La résistance (cmH2O/l/s) représente la perte de charge (ou de
la PAO2, mais sans effet sur l’élimination du CO2. L’amélio- pression) lors de l’écoulement d’un gaz dans un circuit. Elle
ration de la SaO2 (saturation de l’hémoglobine en oxygène correspond à la diminution de pression entre l’amont et l’aval
dans le sang artériel) peut alors être faussement rassurante du système. Les résistances sont dynamiques et fonction du
avec en fait une majoration de la capnie ; débit. Chez le sujet normal et au repos, les résistances des voies

2 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

aériennes sont de quelques cmH2O/l/s. Chez le patient intubé, Interdépendance ventriculaire gauche-droite
les résistances à l’écoulement sont principalement liées à la
Le fonctionnement des deux ventricules est étroitement lié.
sonde endotrachéale, favorisées par les sondes de petit diamètre
D’une part, le bon remplissage du ventricule gauche (VG)
et l’obstruction partielle. Le comportement des ventilateurs en
dépend de la qualité du volume éjecté par le ventricule droit
cas de résistances élevées est très inégal, certains pouvant être
(VD). D’autre part, le péricarde étant peu distensible, toute
mis en défaut.
augmentation du volume du VD se fait au dépend du volume
Pression de pic (Ppic) et pression de plateau du VG, par déplacement du septum. À l’inspiration, l’augmen-
tation du retour veineux plus marqué à droite qu’à gauche va
La mesure des pressions en ventilation mécanique doit déplacer légèrement le septum au détriment du VG, et participer
permettre l’évaluation du risque barotraumatique, au mieux au ainsi à la baisse du débit cardiaque gauche à l’inspiration.
niveau alvéolaire, principale zone exposée. La pression de pic
(ou pression de crête ou pression de pointe) est mesurée en Influence de la ventilation mécanique en pression
continu durant le cycle et notamment l’insufflation, par un positive intermittente et de la PEP
capteur situé au niveau du ventilateur, en amont du circuit (sauf
capteur proximal), de la sonde et du patient. Elle reflète L’application d’une ventilation mécanique (invasive ou non)
l’ensemble des pressions résistives et élastiques de ces différents inverse les régimes de pression intrathoracique. L’élévation de la
éléments et dépend en grande partie de la résistance de la pression alvéolaire à l’insufflation augmente la post-charge du
sonde. Elle est donc le reflet très imparfait de la pression VD par réduction du calibre des vaisseaux intra-alvéolaires. Cela
alvéolaire téléinspiratoire. Celle-ci s’évalue au mieux par la entraîne une baisse du débit cardiaque droit surtout en cas de
mesure de la pression de plateau (Pplat). Elle nécessite une volémie insuffisante, de vasodilatation médicamenteuse ou
pause téléinspiratoire durant laquelle les débits inspiratoire et d’insuffisance ventriculaire droite préexistante. La PEPi et/ou la
expiratoire sont nuls. La pression alvéolaire s’équilibre alors avec PEP externe, la pression alvéolaire moyenne élevée et l’utilisa-
la pression mesurée en amont par le capteur. Une pression de tion de volumes courants importants peuvent également
plateau supérieure à 30 cmH2O majore les risques barotrauma- diminuer le débit cardiaque droit [17]. La précharge du VG est
tiques et augmente la mortalité [11]. Cette Pplat est disponible diminuée (baisse du débit cardiaque droit surtout si volémie
sur certains ventilateurs de médecine d’urgence et sa sur- insuffisante ; déplacement du septum). La post-charge du VG est
veillance doit être favorisée. diminuée du fait de la diminution de la pression transmurale.
En cas de surcharge volémique et/ou d’insuffisance cardiaque
PEP intrinsèque (PEPi) et hyperinflation gauche, l’effet délétère sur la précharge du VG est moins
dynamique marqué, voire bénéfique.
Initialement décrite au cours du syndrome obstructif, c’est la
présence anormale d’une pression positive dans les voies
Conséquences ventilatoires
aériennes en fin d’expiration, en l’absence ou au-dessus d’une et hémodynamiques de la CPAP
pression expiratoire positive (PEP) externe [12]. La PEPi (ou auto La CPAP consiste à appliquer une pression positive continue
PEP) majore le travail ventilatoire et rend difficile le déclenche- dans les voies aériennes. Sur le plan ventilatoire, elle augmente
ment des triggers inspiratoires dans les modes assistés. La PEPi la capacité résiduelle fonctionnelle en réouvrant certaines
a des effets délétères hémodynamiques identiques à ceux d’une alvéoles collabées et en limitant l’extravasation du lit capillaire
PEP externe. La PEPi est liée le plus souvent à une hyperinfla- en cas de surcharge, et elle diminue les résistances expiratoires
tion dynamique, c’est-à-dire la persistance d’un débit expiratoire et le travail ventilatoire [18]. Sur le plan hémodynamique, les
lors de l’insufflation suivante, avec « vidange » incomplète effets de la CPAP sont controversés, certains trouvant une
(augmentation des résistances expiratoires ; diminution de la amélioration des index cardiaque et systolique en cas de
compliance pulmonaire) [13]. Chez les patients ventilés, l’aug- cardiopathie congestive par diminution de la précharge, de la
mentation de la fréquence ventilatoire est un facteur d’augmen- post-charge et de la pression transmurale du ventricule gau-
tation de la PEPi par réduction du temps expiratoire, y compris che [19, 20], mais pas d’autres [21]. En cas de pression trop élevée
sur poumon sain [14]. La mesure de la PEPi n’est pas accessible (sans doute > 10 cmH2O) ou d’insuffisance ventriculaire droite,
en médecine d’urgence. Il faut identifier les patients à risque de la CPAP peut s’avérer délétère pour certains patients. Enfin, le
PEPi et la limiter (bronchodilatateurs, augmentation du temps système de CPAP en lui même risque, s’il est mal choisi,
expiratoire). Chez les patients BPCO (bronchopneumopathie d’augmenter le travail ventilatoire, annulant ainsi son bénéfice.
obstructive), l’application d’une PEP externe proche mais
inférieure à la PEPi a montré un bénéfice lors du déclenchement
du trigger inspiratoire [15]. En pratique, le niveau de PEPi étant ■ Modes ventilatoires utilisés
inconnu, la PEP externe est augmentée « par titration » jusqu’à
obtention d’un déclenchement correct. en médecine d’urgence
Il est classique de séparer les modes volumétriques (volume
Conséquences hémodynamiques courant de consigne garanti) les plus couramment utilisés en
de la ventilation mécanique, interactions médecine d’urgence [3] et les modes barométriques ou en
cœur-poumons pression (pression de consigne garantie), surtout utiles lors des
transferts interhospitaliers pour ne pas rompre la prise en charge
Notion de pompes respiratoire et cardiaque ventilatoire de certains patients ventilés [22]. Pour chacune de
ces catégories, on distingue les modes contrôlés (cycle déclenché
On peut schématiser un système à deux pompes, une petite,
par le ventilateur), sans intervention possible ni souhaitée du
ou pompe cardiaque, contenue dans une plus grande, ou
patient, des modes assistés (cycle pouvant être déclenché par le
pompe respiratoire [10]. En ventilation spontanée, la pompe
patient) dans lesquels le patient doit fournir un travail ventila-
respiratoire agit comme une pompe aspirante à l’inspiration,
toire qui doit être réduit au minimum par des réglages adaptés.
favorisant l’entrée du sang dans les cavités cardiaques, surtout
L’aide inspiratoire, mode spontané en pression, doit être
à droite, sauf en cas d’hypovolémie. La pompe cardiaque agit
individualisée (Fig. 1). Le réglage de la FIO2 est un paramètre
comme une pompe refoulante, les débits des retours veineux
commun à tous ces modes (Tableau 1).
droit et gauche s’équilibrant avec les débits ventriculaires droit
et gauche. À l’inspiration, le ventricule gauche est soumis à une
charge supplémentaire par augmentation de la pression trans- Modes volumétriques
murale (différence entre les pressions aortique intraluminale et
intrathoracique autour de l’aorte) responsable d’une petite Ventilation contrôlée
baisse de la pression artérielle systémique à l’inspiration (pouls Le volume courant (VT) prédéterminé est délivré par le
paradoxal) [16]. ventilateur à une fréquence fixe et imposée, choisie par le

Médecine d’urgence 3
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

Modes volumétriques Modes barométriques


VC VPC
Pression de pic
(= pression de crête = pression de pointe)
1 2
Pression de plateau
Pression Pression
dans les dans les
voies voies
aériennes aériennes
(cmH2O) (cmH2O)
Temps Temps
Débit Débit
(l/min) (l/min)

Tp
Temps
d'insufflation

Ti Te Ti Te
A1 A3

VAC VPAC
Dépression liée à un appel Dépression liée à un appel
inspiratoire du patient inspiratoire du patient
Pression Pression
dans les dans les
voies voies
aériennes aériennes
(cmH2O) (cmH2O)
Temps Temps
Débit Débit
(l/min) (l/min)

Tp Tp
Temps Temps
d'insufflation d'insufflation

Ti Te réel Ti Ti Te réel Ti

Temps d'expiration théorique Temps d'expiration théorique


selon la fréquence machine A2 selon la fréquence machine A4
Figure 1. Les cinq principaux modes ventilatoires utilisés en médecine d’urgence.
A. Modes contrôlés et assistés contrôlés, volumétriques et barométriques. Ti : temps d’inspiration ; Te : temps d’expiration ; Te réel : temps
d’expiration réellement enregistré. A1. Ventilation (volumétrique) contrôlée (VC). Le débit d’insufflation est ici un débit carré, c’est-à-dire constant
durant l’ensemble du temps d’insufflation. Sur certains ventilateurs, un débit décélérant peut être choisi. Le débit d’insufflation réglé alors (ou débit de pointe)
correspond au débit initial. Pour délivrer un volume courant identique, le temps d’insufflation est allongé en débit décélérant par rapport au débit carré. En
pratique, il n’y a pas de bénéfice prouvé du débit décélérant par rapport au débit carré. A2. Ventilation (volumétrique) assistée contrôlée (VAC). Le
cycle initial de type contrôlé (bleu foncé) est déclenché par le ventilateur. Le cycle suivant est de type assisté (bleu clair), déclenché suite à un effet inspiratoire
du patient (déclenchement du trigger). Les caractéristiques inspiratoires du cycle assisté sont identiques à celles du cycle contrôlé. Le Te réel est en revanche
raccourci. Le cycle contrôlé qui aurait dû survenir en fonction de la fréquence machine réglée n’est pas délivré (gris clair avec trait pointillé). A3. Ventilation
en pression contrôlée (VPC). Selon le niveau des résistances globales, le ventilateur adapte son débit d’insufflation pour respecter le niveau de pression
choisi. Le VT délivré varie : en 1, les résistances sont peu importantes et le débit d’insufflation diminue doucement ; en 2, les résistances sont plus élevées. Le
débit décroît beaucoup plus rapidement, le VT délivré (il correspond à l’aire sous la courbe de débit) étant alors moindre qu’en 1. A4. Ventilation en
pression assistée contrôlée (VPAC). C’est l’équivalent en mode barométrique de la VAC volumétrique. En cas de cycle assisté, le Te réel devient variable
et diminué par rapport au Te théorique en VPC.

clinicien. Ce mode est généralement utilisé par défaut de mode Temps expiratoire (Te)
VAC (ventilation assistée contrôlée) disponible. Il nécessite une C’est la durée laissée par le ventilateur pour l’expiration
absence d’activité ventilatoire du patient et ne permet aucune passive du patient, entre la fin du Ti et le cycle suivant.
participation de sa part. La durée de chaque cycle contrôlé est
fonction de la fréquence machine, et comporte plusieurs phases. Rapport I/E = rapport Ti/Te
Une valeur de ce rapport à 1/2 est classiquement considérée
Temps d’inspiration (Ti) : temps d’insufflation + temps
comme suffisante. Mais la valeur absolue du Te varie avec la
de plateau
fréquence et peut s’avérer insuffisant pour assurer une « vidange
Le temps d’insufflation est la durée durant laquelle le pulmonaire » complète, avec risque de PEPi, sur poumon
ventilateur applique un débit d’insufflation pour délivrer le VT pathologique à compliance élevée, mais aussi sur poumon
réglé. Les pressions de pic générées sont fonction du volume sain [12, 13, 23].
courant et du débit d’insufflation, mais aussi du circuit patient,
de la sonde et des caractéristiques mécaniques du système Débit d’insufflation
thoracopulmonaire. Le temps de plateau (Tplat) ou pause Débit d’insufflation et rapport I/E (par le Ti) sont intimement
téléinspiratoire permet la mesure de la pression de plateau. liés. La modification de l’un entraîne la modification de l’autre.

4 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

Ti variable défini par la durée


de l'effort inspiratoire patient

Pression
dans les

AI
IPAP

IPAP
AI
voies Pente variable

EPAP
aériennes

PEP
de pressurisation
(cmH2O) des VA
Temps
Sans PEP Avec PEP

Trigger inspiratoire Trigger expiratoire


Déclenchement de l'inspiration Déclenchement de l'expiration
(dépression variable selon
l'effort du patient)

B
Figure 1. (suite) Les cinq principaux modes ventilatoires utilisés en médecine d’urgence.
B. Mode spontané avec aide inspiratoire + pression expiratoire positive (VS-AI+PEP). a. AI = 12 cmH2O (avec PEP = 5 cmH2O). Le niveau d’aide
inspiratoire est peu élevé. Le patient est tachypnéïque, son temps inspiratoire est court, aboutissant à un volume courant faible ; b. AI = 20 cmH2O (avec PEP
= 5 cmH2O). Le niveau d’aide inspiratoire a été augmenté. La fréquence patient diminue. Le volume courant augmente. À noter sur cet exemple l’association
avec une PEP. La pression d’insufflation est égale à la pression d’aide inspiratoire additionnée au niveau de PEP. IPAP : inspiratory positive airway pressure ; EPAP :
expiratory positive airway pressure

Sur les ventilateurs les plus rustiques, le débit d’insufflation est désadaptation [24, 25]. Un niveau trop élevé n’est pas non plus
choisi par celui-ci pour garantir un rapport I/E fixe à 1/2. Il peut souhaitable. Le débit optimal pour satisfaire la demande
être réglable indirectement en modifiant le rapport I/E sur les inspiratoire du patient est fonction de la présence ou non d’une
ventilateurs intermédiaires. Dans ces deux cas, toute modification pathologie pulmonaire et du niveau de la ventilation minute. Il
de fréquence ou de VT entraîne une modification du débit est donc important de privilégier les ventilateurs permettant de
d’insufflation. Au mieux, le débit d’insufflation se règle régler le débit d’insufflation, au mieux de façon directe.
directement.

Ventilation assistée contrôlée


Ce mode dérivé de la VC est le mode de choix en phase aiguë
chez le patient intubé. Il assure la même sécurité, avec une
“ Point fort
autonomie de déclenchement et une meilleure synchronisation
patient/ventilateur. Le travail respiratoire est faible, si ce mode En mode VAC, un débit d’insufflation initial de 60 (voire
est correctement paramétré. Le patient peut déclencher un cycle 50) l/min est recommandé, éventuellement augmenté en
(assisté) lors d’un effort inspiratoire. Pour cela, le ventilateur cas de forte demande inspiratoire, ou diminué en cas
détecte l’effort inspiratoire du patient grâce au trigger inspira- d’insufflation ressentie comme trop forte, mais sans jamais
toire et déclenche le cycle. Les caractéristiques du cycle assisté descendre en dessous de 35 l/min.
sont identiques à l’inspiration au cycle contrôlé (VT, débit
d’insufflation, Ti, Tplat). Le cycle suivant intervient soit après le
Te théorique correspondant à la fréquence machine (cycle
contrôlé) si le patient ne fournit pas de nouvel effort, soit lors De plus, cette approche du réglage direct du débit d’insuffla-
d’un nouvel effort inspiratoire du patient détecté par le trigger tion aux valeurs proposées va favoriser un temps expiratoire
(cycle assisté), le Te étant alors raccourci. La fréquence patient plus long et plus adapté. Mal paramétré ou avec des matériels
en VAC (somme des cycles contrôlés et des cycles assistés) peut inadaptés, le mode VAC entraîne une majoration du travail
être supérieure à la fréquence machine et doit être surveillée par ventilatoire (cf. infra) [26], pouvant aller jusqu’à 65 % du travail
une spirométrie expiratoire. total nécessaire aux échanges en cas de trigger peu sensible et
de débit inspiratoire trop faible.
Importance du réglage adapté du débit d’insufflation
Ventilation assistée contrôlée intermittente
Une fois le cycle assisté déclenché, le patient poursuit
généralement son effort inspiratoire. Le débit d’insufflation
(VACI)
appliqué par le ventilateur doit être suffisant pour prendre en Par rapport au mode VAC, une période réfractaire interdisant
charge la totalité de la demande inspiratoire du patient. Sinon, le déclenchement du trigger inspiratoire est présente après la fin
pour compenser, le patient doit fournir un travail inspiratoire du Ti, interdisant le déclenchement d’un cycle assisté. Durant
parfois important [23], source d’inconfort, d’épuisement et de cette période, le patient doit vaincre les résistances du circuit et

Médecine d’urgence 5
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

Tableau 1.
Principaux paramètres réglables et monitorables pour les cinq modes ventilatoires essentiellement utilisés en médecine d’urgence.
Modes ventilatoires volumétriques Modes ventilatoires barométriques (ou en pression)
Contrôlé (VC) Assisté contrôlé (VAC) Aide inspira- Pression Pression assistée
toire (AI) contrôlée (VPC) contrôlée (VPAC)
Consignes machine

Fréquence (F) machine oui oui - oui oui


Volume courant (VT) a oui oui - - -
FIO2 oui oui oui oui oui
PEP oui oui oui oui oui
Trigger inspiratoire non (ou réglé sur Off) oui oui non (ou réglé sur Off) oui
Trigger expiratoire - - oui (souvent - -
automatique)
Rapport I/E ou débit I/E fixe (débit I/E fixe (débit - I/E réglable indirectement I/E réglable indirectement
d’insufflation d’insufflation adapté d’insufflation adapté selon Ti et F Machine selon Ti et F Machine
par le ventilateur) par le ventilateur) Débit d’insufflation Débit d’insufflation
Ou I/E réglable (débit Ou I/E réglable (débit de type décélérant, adapté de type décélérant, adapté
d’insufflation réglable d’insufflation réglable par le ventilateur par le ventilateur
indirectement via I/E) indirectement via I/E)
Ou au mieux débit Ou au mieux débit
d’insufflation réglable d’insufflation réglable
Temps de plateau parfois parfois - - -
Temps d’insufflation - - - oui oui
Aide inspiratoire b - - oui oui oui
Pente de pressurisation - - oui oui oui
Ventilation d’apnée - - oui (souvent - -
type VC
ou VAC)
Paramètres patient devant être monitorés
Pression de pic toujours toujours toujours toujours toujours
Pression de plateau fortement souhaitable fortement souhaitable - - -
Fréquence patient - oui oui - oui
VT expiré oui oui oui oui oui
Volume minute oui oui oui oui oui
expiré (V̇E)
Rapport I/E réel souhaitable souhaitable souhaitable souhaitable souhaitable
Alarmes

Pression maximale = Pmax obligatoire obligatoire obligatoire obligatoire obligatoire


Débranchement c obligatoire obligatoire obligatoire obligatoire obligatoire
F patient haute - oui oui - oui
VT expiré (mini-maxi) oui oui oui oui oui
V̇E (mini-maxi) oui oui oui oui oui
Fuite - - en VNI - -
Apnée - - oui - -
VT : volume courant ; FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; PEP : pression expiratoire positive ; VC : ventilation contrôlée ; VAC : ventilation assistée contrôlée ; VNI :
ventilation non invasive ; Ti : temps d’inspiration ; V̇E : volume minute expiré.
a
Parfois via le volume minute sur les ventilateurs basiques.
b
Appelée pression d’insufflation en modes VPC et VPAC.
c
Par mesure de la chute du VT expiré, voire de la chute de la pression de pic.

du ventilateur. Une évolution récente de la VACI a rajouté la mine un niveau de pression d’insufflation appliqué durant le Ti.
possibilité durant cette période réfractaire de déclencher un Selon les résistances, le ventilateur adapte son débit d’insuffla-
cycle avec aide inspiratoire. En pratique, il devient difficile de tion pour maintenir la pression d’insufflation de consigne. Le
déterminer réellement ce que fait le patient, rendant ce mode VT réellement délivré est alors fonction du Ti, du niveau de
complexe et peu intéressant. pression réglé et des propriétés du circuit et du système thoraco-
pulmonaire. Le monitorage du VT expiré s’impose. S’il est
Modes barométriques ou en pression insuffisant, le clinicien peut augmenter soit le Ti (et modifier
alors le rapport I/E), soit le niveau de pression. Et inversement.
Ventilation en pression contrôlée (VPC)
Ventilation en pression assistée contrôlée (VPAC)
C’est l’équivalent barométrique de la VC volumétrique. Son
utilisation en médecine d’urgence reste peu indiquée en dehors La VPAC est dérivée du mode précédent et permet le dé-
de la pédiatrie ou de la continuité de ce mode lors de transferts. clenchement de cycles assistés en pression, identiques aux cycles
La fréquence machine est déterminée, de même qu’un Ti. Le Te contrôlés en terme de Ti et de pression d’insufflation. Comme en
découle du réglage de ces deux paramètres. Le clinicien déter- VAC, le Te peut varier.

6 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

Ventilation spontanée avec aide inspiratoire l’inverse, un trigger trop sensible déclenche de façon inappro-
priée (autodéclenchement). Les triggers en pression enregistrent
En médecine d’urgence, ce mode spontané en pression sans la dépression liée à l’effort inspiratoire du patient. Les triggers
cycle machine imposé (sauf en cas d’apnée) est utilisé principa- en débit enregistrent son débit inspiratoire, la sensibilité
lement en VNI, généralement associé à une pression expiratoire pouvant être augmentée par l’adjonction d’un débit continu de
positive (AI+PEP). À chaque effort inspiratoire du patient détecté gaz (flow by) dans le circuit ouvert, mais au prix d’une consom-
(trigger inspiratoire), le ventilateur délivre une pression inspira- mation accrue de gaz médicaux. Ce type de trigger est proba-
toire constante appelée aide inspiratoire. Le ventilateur adapte blement supérieur au trigger en pression chez les patients les
son débit d’insufflation pour maintenir cette pression de plus fragiles et notamment les bronchopathes chroniques, voire
consigne. Celle-ci est maintenue tant que le patient maintient en VNI [15, 30]. L’utilisation d’un trigger inspiratoire en pression
son effort inspiratoire, jusqu’à détection par le ventilateur du de très bonne qualité est une alternative pour les modes
début de l’expiration (trigger expiratoire). Le Ti est donc volumétriques chez les patients intubés sans pathologie pulmo-
variable, de même que le VT délivré. Cela impose le monitorage naire majeure [31, 32]. Dans tous les cas, il ne faut pas utiliser de
du VT expiré (VTe). En pratique, plus le niveau de pression ventilateurs avec de mauvais triggers, ceux des ventilateurs de
d’aide est élevé, moins l’effort à fournir par le patient pour transport étant de qualité très inégale [33].
mobiliser un VT donné est important. En cas d’association
d’une PEP, la pression délivrée à l’insufflation correspond à la Trigger expiratoire
somme de la pression d’aide inspiratoire et de la PEP. Ce mode
AI doit être sécurisé par une ventilation de secours en cas Nécessaire en mode AI, le trigger expiratoire détecte le début
d’apnée, généralement de type VC ou VAC. de l’expiration du patient et stoppe l’insufflation du ventilateur.
En AI, comme pour les autres modes barométriques, le Il repose le plus souvent sur l’enregistrement de la chute du
ventilateur doit pouvoir atteindre rapidement la pression débit d’insufflation (généralement autour de 25 % du débit
demandée, afin de satisfaire rapidement la demande inspiratoire initial) provoquée par la « contrepression » liée à l’expiration du
du patient et diminuer son travail inspiratoire [27, 28]. Cette patient [1] . Le réglage du niveau de sensibilité du trigger
pente de montée en pression doit pouvoir être modulée pour expiratoire n’est pas toujours possible.
améliorer le confort et limiter les fuites.
Triggers et ventilation non invasive
Terminologie En VNI, les fuites et la PEP externe peuvent mettre en défaut
Des disparités de terminologie et de modes de réglage entraî- les triggers « classiques » en pression ou en débit, occasionnant
nent de fréquentes confusions. asynchronismes et intolérance de la VNI. Les différents fabri-
La traduction anglosaxone d’AI+PEP est BiPAP (bilevel positive cants de ventilateurs développent différentes techniques
airway pressure). Bien que couramment utilisé, le terme de BiPAP alternatives pour tenter de palier à ces défauts.
n’est pas idéal car propriété d’une marque de ventilateur d’une
part, et d’autre part source fréquente de confusion avec le mode Ventilation spontanée en pression positive
BIPAP (biphasic positive airway pressure) des ventilateurs Dräger®,
ne correspondant pas à une AI+PEP.
continue (VS-PPC ou CPAP)
Ce n’est pas réellement un mode de ventilation. Son principe
Réglages consiste à maintenir une pression positive continue durant la
Sur la plupart des ventilateurs, le réglage de l’AI et de la PEP totalité du cycle en ventilation spontanée (Ti et Te), sans
sont indépendants. La mise en route d’une PEP ne modifie pas délivrer d’aide inspiratoire ou de volume prédéfini, ni agir
le niveau d’aide, et la pression d’insufflation délivrée augmente directement sur la ventilation alvéolaire. Bien que souvent
d’autant (somme de la pression d’aide et de la PEP). Mais sur confondue avec lui, cette VS-PPC ou CPAP doit être distinguée
certains ventilateurs de domicile, on règle d’une part une du simple maintien d’une pression positive expiratoire (VS-
pression d’insufflation (appelée souvent IPAP = inspiratory PEP). L’absence de maintien d’une pression constante à l’inspi-
positive airway pressure) et d’autre part une pression expiratoire ration, voire sa négativation, est source d’une forte majoration
positive (appelée souvent EPAP = expiratory positive airway du travail ventilatoire pouvant annuler le bénéfice de ce
pressure), qui vient alors diminuer d’autant le niveau d’aide mode [34]. L’utilisation de matériels de CPAP sans valve (circuit
inspiratoire délivrée, l’IPAP restant au niveau de consigne réglé. à débit libre) évite les asynchronies et permet de ne pas
En pratique, pour garder le même niveau d’aide sur ces venti- augmenter de façon délétère le travail ventilatoire du patient.
lateurs, l’augmentation de l’EPAP doit entraîner une augmenta-
tion de même valeur de l’IPAP. Asynchronies patient/ventilateur
Dans les modes assistés ou spontanés, l’absence de synchro-
Pression expiratoire positive (PEP) nisation entre le patient et le ventilateur est source d’inconfort,
Cette PEP appliquée par le clinicien (PEP externe) doit être d’augmentation du travail ventilatoire et/ou de désadapta-
distinguée de la PEPi (cf. supra) et peut être associée à tous les tion [35, 36]. Détection et correction de ces asynchronies doivent
modes ventilatoires. Elle consiste à maintenir une pression être un objectif constant.
positive dans les voies aériennes en fin d’expiration, afin
d’améliorer l’oxygénation en augmentant la capacité résiduelle Asynchronie sur la durée (time asynchronism)
et en réduisant le shunt intrapulmonaire. Elle majore les C’est l’absence de concordance entre l’insufflation et/ou
conséquences hémodynamiques et respiratoires liées à la l’expiration du patient et du ventilateur : défaut de détection du
ventilation mécanique. Les indications d’une PEP d’emblée lors trigger inspiratoire, favorisé par une PEPi et/ou un trigger peu
de la mise en route de la ventilation en médecine d’urgence performant ; déclenchement inapproprié (autodéclenchement)
sont rares. du ventilateur en l’absence d’effort inspiratoire, favorisé par un
trigger trop sensible ; en mode AI et surtout en non invasif, non
Triggers inspiratoires et expiratoires détection par le ventilateur du début de l’expiration du patient.

Trigger inspiratoire Asynchronie sur le débit (flow asynchronism)


Son rôle est de détecter l’appel inspiratoire du patient pour Ce type d’asynchronie survient en mode volumétrique en cas
déclencher le cycle assisté ou spontané en pression. Sa perfor- de débit d’insufflation insuffisant pour satisfaire la demande
mance (sensibilité, temps de réponse) est essentielle pour la inspiratoire du patient, ou en mode barométrique en cas de
synchronisation patient/ventilateur [26]. Un trigger « trop dur » pente de montée en pression inadaptée (souvent trop lente mais
augmente inutilement le travail ventilatoire du patient [29]. À parfois trop forte). Le changement de mode de ventilation est

Médecine d’urgence 7
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

un autre facteur d’apparition d’asynchronisme [37], justifiant de délivrer, leur effet sur la réinhalation (rebreathing) du CO2 et leur
pouvoir poursuivre le mode ventilatoire en cours lors des tolérance. Hormis le matériel choisi, le niveau exact de FIO2
transferts intra- ou interhospitaliers. délivré est soumis à de nombreux facteurs liés au patient :
fréquence ventilatoire, ventilation minute, débit d’inspi-
ration [39].
■ Matériel d’oxygénothérapie
Matériels délivrant une FIO2 faible :
Sources d’oxygène sonde nasopharyngée et lunettes à oxygène
.
La FIO2 délivrée est faible (< 30 %) et peut être diminuée par
Stockage de l’oxygène la ventilation bouche ouverte ou la présence de sécrétions
L’oxygène médical utilisé en thérapeutique est un médica- nasales épaisses. Ces matériels n’entraînent pas de rebreathing.
ment (article L-511 du Code de la santé publique) et doit .
Les lunettes à oxygène sont très faciles à poser et bien tolérées.
obtenir une Autorisation de mise sur le marché (AMM). Il peut La sonde nasopharyngée délivre des FIO2 sans doute un peu
être stocké sous diverses formes. supérieures aux lunettes pour un même débit d’oxygène. Mais
des incidents rares mais graves (rupture gastrique ; emphysème
Sous forme liquide sous-cutané avec pneumothorax et pneumomédiastin par trajet
Réservé aux grandes quantités (centre hospitalier), il est aberrant) ont rendu son usage non recommandé par
ramené en phase gazeuse et alimente des prises de distributions certains [40].
normalisées à trois crans sous 3,5 bars de pression.
Matériels délivrant une FIO2 modérée :
Sous forme gazeuse masque simple
Il est comprimé à une pression initiale de 200 bars dans une C’est un petit masque souple translucide couvrant la bouche
bouteille cylindroconique de couleur blanche, en acier ou en et le nez, muni d’une simple connexion avec le débitmètre et
alliage léger. Le volume disponible est calculé en multipliant la .
maintenu sans étanchéité absolue sur le visage par un élastique.
pression résiduelle par le volume interne de la bouteille Deux ouvertures latérales permettent l’expiration et l’inspiration
(pression × volume = constante). Les bouteilles de cinq litres de d’air en complément du débit d’oxygène.
volume interne et d’un poids modéré (1 m3) sont utilisées lors La FIO2 délivrée est fonction du débit d’oxygène et du débit
du déplacement des patients, les bouteilles plus volumineuses inspiratoire du patient. Plus ce débit inspiratoire est élevé, plus
.
(15 litres – 3 m3) étant le plus souvent à poste fixe. L’utilisation il y a d’air en complément du débit d’oxygène. La FIO2 maxi-
de bouteilles dites « intégrées », c’est-à-dire intégrant manomètre male ne dépasse guère les 50 %. L’autre limite, commune à tous
et débitmètre est recommandée [38]. les masques, est la réinhalation au début de chaque inspiration
des gaz expirés contenus dans l’espace mort du masque et
Par extraction de l’air
chargés en gaz carboniques (rebreathing). Ce phénomène peut
Les extracteurs d’oxygène concentrent l’oxygène de l’air majorer la capnie jusqu’à 5 %.
ambiant et nécessitent une source électrique (courant domesti-
que ± batterie de secours). Le débit maximum est faible (4 à 6 l/ Matériels délivrant une FIO2 élevée :
min). Ces extracteurs sont réservés aux patients à domicile sous masque à haute concentration, avec réserve
oxygénothérapie.
.

Il permet d’atteindre des niveaux de FIO2 élevés proches de


Manodétendeur 100 %, grâce d’une part à une poche souple alimentée en
.
oxygène lors de la phase expiratoire du patient et servant de
Indispensable au fonctionnement d’une bouteille, la partie réserve à l’inspiration, et d’autre part à deux clapets anti-retour
détendeur abaisse et régularise la pression pour assurer une sur les orifices latéraux empêchant l’entrée d’air à l’inspiration
valeur de sortie de 3,5 bars sur une prise d’oxygène normalisée. .
mais permettant l’expiration.
Le manomètre indique la pression résiduelle dans la bouteille et Ce type de masque fonctionne « tout ou rien » pour la FIO2
permet le calcul de l’autonomie. et doit être alimenté à 15 l/min.
À l’inspiration, l’apport d’oxygène pur au patient est assuré
Débitmètres par le débit instantané venant de la bouteille, complété par la
.
Également appelés débilitres, ils permettent de régler le débit réserve. Tant que la ventilation minute du patient est inférieure
d’oxygène (0 à 15 l/min) délivré au patient par les différents au débit de la bouteille, le système est efficace. Si la ventilation
matériels d’inhalation. Il existe des débitmètres crantés (rota- minute est supérieure, la réserve se vide (pas toujours de façon
.
mètres) généralement robustes avec des plages de débits définis, visible) et le patient risque d’étouffer. Dans ce cas, il est
et des débitmètres à bille, plus modulables mais plus fragiles et nécessaire d’enlever un ou deux clapets latéraux pour permettre
moins adaptés au transport. une admission d’air, la FIO2 diminuant alors. Le seul intérêt de
Certains systèmes de CPAP imposent un débitmètre à bille diminuer le débit de la bouteille est d’augmenter son autono-
spécifique gradué de 0 à 30 l/min. Tous ces débitmètres peuvent mie. Cela n’a pas d’effet sur la FIO2 délivrée mais apporte le
être indépendants et se connecter sur une prise 3,5 bars, ou faire risque de passer sous le seuil du débit inspiratoire du patient.
partie d’une bouteille intégrée. Leur débit réel peut varier en Ces masques présentent aussi un effet de rebreathing.
fonction des variations de pression sur la prise 3,5 bars.
Autres matériels
Humidificateurs Des masques avec système venturi permettent théoriquement
de contrôler la FIO2 délivrée. Ils semblent peu répandus en
L’oxygène médical est un gaz sec exposant à un assèchement France. Les matériels d’insufflation manuelle doivent être
des voies aériennes. L’interposition entre le débitmètre et le .
réservés à la préoxygénation avant intubation trachéale. Les
matériel d’inhalation d’un humidificateur à eau stérile et à nébuliseurs pneumatiques ne doivent pas être considérés
usage unique est recommandée en cas d’administration prolon- comme des matériels d’oxygénothérapie.
gée. Les contraintes notamment positionnelles de ces humidifi-
cateurs ne permettent raisonnablement pas leur utilisation sur Règles d’utilisation des matériels
des bouteilles portables. d’oxygénothérapie et calcul d’autonomie
des bouteilles
Matériels d’inhalation Elles doivent être strictement respectées :
Les différents matériels d’inhalation se raccordant au débit- • pas de sources de chaleur ;
mètre se distinguent par les niveaux de FIO2 qu’ils peuvent • aucun corps gras en contact avec le matériel ;

8 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

• fixation des bouteilles portables, à défaut les allonger ; Une source électrique est requise quasiment systématique-
• pas de bricolage ou de démontage par des personnes non ment. Les besoins sont très variables, allant d’une pile pour
qualifiées. alimenter l’alarme des ventilateurs pneumatiques basiques
Leur non-respect expose au risque rare mais gravissime jusqu’à des batteries de bonne capacité pour les ventilateurs de
d’explosion de la bouteille. haute performance [45]. Les types d’alimentation disponibles
La surveillance régulière de l’autonomie de la bouteille est (220 volts ; 12 volts ; batterie interne et/ou externe) varient
indispensable. Le calcul repose sur la formule P × V = Cons- selon les modèles et déterminent au final l’autonomie réelle
tante, en retranchant les 20 à 30 derniers bars et en appliquant possible. Idéalement, le ventilateur doit pouvoir être utilisé en
une marge de sécurité de consommation d’environ + 20 %. La continu et de façon autonome, si besoin au moyen de batteries
consommation des ventilateurs doit prendre en compte le additionnelles chargées indépendamment.
volume minute délivré au patient en fonction de la FIO2 et la
consommation propre du ventilateur, notamment en cas de Panneau de commande et de contrôle : interface
flow-by. L’oxygène en bouteille a un coût non négligeable, utilisateur
justifiant d’optimiser les consommations [38].
C’est l’ensemble des commandes et zones d’affichage des
paramètres du ventilateur. Il ne doit pas permettre de déré-
■ Ventilateurs de médecine glage accidentel. Cette interface est très succincte sur les
ventilateurs pneumatiques basiques et devient plus complexe
d’urgence sur les modèles sophistiqués. Elle doit permettre l’utilisation
rapide et sans erreur des différents éléments :
• consignes (ou paramètres) machine réglées par le clinicien ;
Description des différentes parties • paramètres patients (mesurés par le ventilateur) ;
d’un ventilateur • alarmes.
Système de pressurisation Circuit patient
Il génère le débit d’insufflation. Les ventilateurs de transport C’est l’ensemble des éléments permettant la délivrance des
utilisent deux techniques [41]. gaz insufflés du ventilateur vers le patient (circuit inspiratoire)
Ventilateur pneumatique et l’expiration des gaz (circuit expiratoire) sans se mélanger aux
gaz frais (valves), associé éventuellement au capteur de spiro-
C’est la technologie la plus fréquente. La force motrice est métrie expiratoire. Sur les ventilateurs pneumatiques et sur
créée par un gaz comprimé (en pratique, l’oxygène à 3,5 bars) certains ventilateurs à turbine, le circuit est de type monobran-
faisant fonctionner une association souvent complexe de che (circuit inspiratoire) avec valve unidirectionnelle proximale
cellules on/off de type logique pneumatique ou à déviation de près du patient. En cas de spirométrie expiratoire, le capteur
flux. Le réglage est en général simple, associant un bouton de proximal majore l’espace mort instrumental. La majorité des
réglage de la ventilation minute modulant le débit continu de ventilateurs à turbine utilisable en transport propose des circuits
gaz et un bouton de réglage de la fréquence permettant l’inter- double branche (type ventilateurs de réanimation), beaucoup
ruption régulière de ce débit. Le mélange air/oxygène (55 ou plus simples et nettement moins coûteux à l’utilisation.
60 %) est possible grâce à un système de venturi entraînant l’air
ambiant par le flux d’oxygène pressurisé mais au prix d’une
.
baisse des performances [42]. Les ventilateurs pneumatiques de Critères de choix entre les différents
première génération proposent le mode VC seul, avec PEP ventilateurs
intégrée ou non.
Les ventilateurs de transport actuels ont des performances très
Les ventilateurs de deuxième génération ont en plus le mode
différentes, de basiques à sophistiquées avec des caractéristiques
VAC, mais avec un trigger inspiratoire parfois insuffisamment
de ventilateurs de réanimation. Selon l’activité de chaque
.
performant et surtout une absence de réglage du débit d’insuf-
service d’urgence ou de Smur, les besoins en termes d’équipe-
flation. En pratique, ils ne permettent pas de réaliser toujours .
ment peuvent varier. Des recommandations ont été émises
correctement ce mode VAC. Le mode en pression proposé par
récemment pour le Smur. Elles sont facilement transposables
un de ces modèles (Osiris® 2 et 3, Taema – France) n’est pas du
aux services d’urgences [1] (Tableau 2).
tout performant.
Un ventilateur de troisième génération existe actuellement,
Critères de performance
.
avec une amélioration significative des modes assistés, l’appari-
tion de vrais modes en pression ainsi qu’un réglage de FIO2 plus Modes ventilatoires et possibilités de réglages
large. Les modes ventilatoires utiles requièrent des capacités
Ventilateurs à turbine techniques bien strictes. Il est indispensable d’être vigilant sur
les appellations commerciales cachant parfois des modes
La pressurisation des gaz est créée par une turbine fonc- dégradés : terme VAC du fabricant cachant en fait une VACI
tionnant à l’électricité. L’oxygène à 3,5 bars est nécessaire (Médumat® A, Weinmann – Allemagne) ; VAC ne permettant
pour obtenir des FIO 2 comprises entre 22 et 100 %, en pas de régler le débit d’insufflation ; mode en pression au final
mélange avec l’air ambiant. La technologie de mélange air/ très éloigné d’une AI, etc. [1].
oxygène n’entraîne pas de baisse de performances comme
avec un venturi. Leurs performances sont superposables aux Performances réellement délivrées
ventilateurs de réanimation [33, 43]. Limités initialement en L’étude sur banc des caractéristiques techniques des ventila-
préhospitalier par leur encombrement, l’apparition récente teurs est fréquente pour les appareils de réanimation, certaines
.
d’un modèle compact permet maintenant une utilisation de intégrant des ventilateurs utilisés en Smur.
ces machines hautes performances dans toutes situations de Étude du volume courant. La valeur du VT délivré peut
médecine d’urgence. diminuer jusqu’à moins 30 % de la valeur de consigne : faible
performance du système de pressurisation de certains ventila-
Sources en gaz et en énergie électrique teurs en cas de compliance basse et/ou de résistance élevée,
Une alimentation en oxygène à 3,5 bars est toujours néces- majorée par la compression d’une partie du volume insufflé
saire pour moduler la FIO2, et selon la technologie pour assurer dans le circuit inspiratoire [33, 46] ; ouverture du venturi pour les
le fonctionnement du système de pressurisation. La consomma- ventilateurs utilisant cette technologie [47] . Les solutions
tion est très variable et doit être connue de l’utilisateur. Les techniques existent sur les ventilateurs de réanimation (système
ventilateurs à turbine, surtout s’ils sont équipés d’un trigger de pressurisation performant, compensation du volume com-
avec flow-by sont les plus gros consommateurs [44]. primé dans le circuit, mélangeur n’utilisant pas le système

Médecine d’urgence 9
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

Tableau 2.
Type de ventilateur préconisé pour les unités mobiles hospitalières en fonction du type d’activité du Smur (d’après [1]).

Ventilateur
Activité de primaire exclusive, et pas de VNI, Activité de primaire et de transfert, et/ou VNI, et/ou
et situations pédiatriques rares situations de pédiatrie régulières
Ventilateur standard Ventilateur haut de gamme
Et ventilateur de secours (en sécurité)
Caractéristiques requises pour les différentes catégories de ventilateurs de Smur
Ventilateur haut de gamme Ventilateur standard Ventilateur de secours et/ou de situations d’exception
Turbine, voire pneumatique « optimisé » Pneumatique Pneumatique
(au mieux avec compensation de compliance
du circuit)
Batterie interchangeable (au mieux, batterie Batterie (au mieux interchangeable), courants Pile
interne en plus), courants continus 12-28 volts continus 12-28 volts et 220 volts
et 220 volts
Affichage précis du niveau des batteries, Information simple sur le niveau de charge des
avec alarmes batteries, avec alarmes
Modes : VC, VAC, VS-AI (avec ventilation Modes VC, VAC Mode VC
d’apnée), VPC, VPAC
Compatible pédiatrie = 6 mois Compatible pédiatrie = 3 ans Compatible pédiatrie = 3 ans
PEP intégrée PEP intégrée PEP externe possible
FIO2 21 à 100% (ou plage de réglage proche) FIO2 oxygène et air/oxygène FIO2 : oxygène et air/oxygène
Affichage de la consommation d’O2
Trigger inspiratoire sensible et réglable, Trigger inspiratoire sensible et réglable, en pres- Pas de trigger
en débit (au mieux avec flow-by) ± en pression sion
Réglage du débit de pointe (au mieux Réglage du I/E (au mieux avec affichage du débit I/E fixe à 1/2
par réglage direct) de pointe)
Montée en pression performante
mais modulable (modes en pression)
Trigger expiratoire en débit
Compensation de fuite en VNI
Pmax et Pmin avec alarme Pmax et Pmin avec alarme Pmax et Pmin avec alarme
Alarme de défaut d’alimentation O2 Alarme de défaut d’alimentation O2 Alarme de défaut d’alimentation O2
Alarme de panne ventilateur Alarme de panne ventilateur
Monitorage de la pression de plateau
Spirométrie expiratoire intégrée avec alarme, Spirométrie expiratoire intégrée (sinon spiromè-
pour VTe, V̇E, F patient (et au mieux tre indépendant) avec alarme, pour VTe, V̇E ,
monitorage du rapport I/E réel) F patient
L’ergonomie générale de tous ces ventilateurs (poids, encombrement, résistance aux vibrations) doit être compatible avec les contraintes du Smur,
en primaire comme en transfert. Pour les ventilateurs haut de gamme, la fragilité aux chutes de certains ventilateurs (turbines) doit être contrebalancée par le
niveau de performance
VNI : ventilation non invasive ; VC : ventilation contrôlée ; VAC : ventilation assistée contrôlée ; VS-AI : ventilation spontanée avec aide inspiratoire ; VPC : ventilation en
pression contrôlée ; VPAC : ventilation en pression assistée contrôlée ; PEP : pression expiratoire positive ; FiO2 : fraction inspirée en oxygène ; VTe : volume courant expiré ;
V̇E : volume minute expiré.

venturi) mais ne sont intégrées que sur de rares ventilateurs de Autres critères
transport haut de gamme, seuls capables de ventiler correcte-
ment les patients les plus difficiles. Critères d’encombrement et d’ergonomie
Étude de la PEP. Le niveau de PEP est globalement maintenu, Il existe maintenant des ventilateurs conciliant performance
à l’exception des ventilateurs pneumatiques de 1re génération ou et encombrement compatibles avec toutes les situations de
le réglage du niveau de PEP est assez imprécis [33, 41, 44]. médecine d’urgence. La facilité d’utilisation du ventilateur est
Étude de la FIO2 délivrée. La FIO2 réellement délivrée peut aussi un élément très important du choix, a fortiori en Smur
varier en plus ou en moins par rapport à la consigne [44]. Peu (contexte d’urgence ; utilisation peu fréquente des ventilateurs ;
de ventilateurs offrent une plage de réglage large de FIO2 , médecins peu formés à la ventilation). L’évaluation de ces
pourtant souhaitable chez l’enfant ou en VNI. interfaces montre que certains ventilateurs sont plus faciles à
Étude de la sensibilité du trigger inspiratoire et du temps de utiliser que d’autres [51].
réponse du ventilateur. Ce point technique est fondamental
pour limiter le travail ventilatoire du patient. Les performances de Critères de sécurité, alarmes
certains ventilateurs de transport ne sont pas suffisantes [33, 48]. Le monitorage de paramètres avec des alarmes est indispen-
Étude de la rapidité de montée en pression (mode baro- sable pour la sécurité, en distinguant la surveillance du fonc-
métrique). En AI et pour les modes en pression, la pente de tionnement du ventilateur (défaut d’alimentation en gaz ou en
pressurisation doit être rapide et forte mais modulable, caracté- électricité, panne du système de pressurisation) de celle du
ristique présente uniquement sur les ventilateurs de transport de patient. Pour le patient, le niveau d’équipement minimum
haute performance [41, 49]. obligatoire (monitorage de la pression de pic avec valve de
Performance de la valve du ventilateur en cas de ventila- surpression et alarme pour un niveau réglable [Pmax] ; Pmin
tion spontanée. Tous les ventilateurs doivent avoir une valve parfois non réglable faisant office d’alarme de débranchement)
permettant au patient de respirer spontanément en cas de est insuffisant pour assurer une surveillance correcte. Il faut
panne, avec un travail respiratoire le plus bas possible. Certains disposer d’une spirométrie expiratoire mesurant la fréquence
sont moins performants que d’autres [50]. patient, le VTe et le volume expiré par minute (V̇E), couplés à

10 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

des alarmes [41, 52]. La précision de cette spirométrie varie selon ventilateur. Un filtre échangeur de chaleur et d’humidité (ECH)
les ventilateurs, jusqu’à ± 15 %. L’affichage de la pression de doit être mis en place dès le début de la ventilation, les
plateau est un atout indiscutable, de même probablement que humidificateurs chauffants n’étant pas utilisables en transport.
la visualisation des courbes de pression et de débit. Outre la protection microbiologique du patient mais surtout du
ventilateur [61] , son rôle est de maintenir un certain degré
Critères de coût d’humidité et de limiter la déperdition thermique en récupérant
Le budget consacré au ventilateur doit être adapté à l’activité, lors de l’insufflation la chaleur et l’humidité des gaz expirés.
en sachant qu’un ventilateur à bas coût ne permet pas de L’objectif final est d’insuffler des gaz à 32 °C contenant environ
ventiler de façon performante. 30 mg d’eau vapeur/l d’air. Ces filtres ECH gardent quelques
inconvénients :
■ Aspects spécifiques des matériels • augmentation du travail respiratoire lors de la ventilation en
pression chez les patients en décompensation aiguë d’une
de CPAP et de VNI insuffisance respiratoire chronique [62] ;
• augmentation de la PaCO2 du fait de l’espace mort instru-
Choix du matériel de CPAP mental, notamment lors de petits VT [63] ou en pédiatrie.
Par essence, le matériel de CPAP se doit de ne pas majorer le En mode non invasif, le filtre ECH peut diminuer l’efficacité
travail ventilatoire, être simple à utiliser, dès le domicile et de la VNI par augmentation de l’espace mort [64] ou du travail
durant le brancardage. On distingue deux types de matériel. ventilatoire [65]. En Smur, pour les patients les plus sévères, on
peut proposer au cours des deux premières heures de VNI de ne
Les systèmes de CPAP à débit libre ou continu pas utiliser de filtre ECH, l’utilisation de faibles FIO2 avec des
Indépendants d’un ventilateur, ils ne nécessitent pas de se ventilateurs prenant de l’air ambiant (turbine) limitant peut-
synchroniser aux temps inspiratoire et expiratoire du patient et être l’assèchement des gaz.
possèdent toutes les caractéristiques requises [53].
Les générateurs de débit se connectent sur une prise d’oxy-
gène à 3,5 bars. La PEP est obtenue grâce à une valve préréglée ■ Mise en œuvre pratique
.
positionnée sur le masque. Les différents niveaux de pression
sont obtenus en changeant de valve, ce qui ne dispense pas de Oxygénothérapie
monitorer la pression. La pression est maintenue en continu
grâce à un débit de gaz permanent au moins égal à 100 l/min. Indications, contre-indications et limites
Un système venturi permet de moduler la FIO2. En préhospita-
lier, celle-ci doit être limitée aux alentours de 35 % pour L’oxygénothérapie est indiquée devant toute situation
garantir une autonomie acceptable en oxygène [54]. nécessitant de normaliser ou au moins d’améliorer suffisam-
La CPAP Boussignac™ est plus récente. Elle fonctionne sur le ment l’état d’oxygénation du patient pour éviter le recours à la
.
principe d’injection de gaz dans un petit cylindre (en pratique ventilation mécanique. Elle est posée devant des signes clini-
de l’oxygène provenant d’un débitmètre), créant une hélice ques de défaillance ventilatoire associés à une baisse de la SpO2
virtuelle du fait des propriétés de friction de l’air. La pression (saturation de l’hémoglobine en oxygène mesurée par oxymètre
délivrée est fonction du débit de gaz. Elle est performante [46], de pouls), mais aussi devant une tachypnée isolée avec une
facilement monitorable et modulable, simple à utiliser aux SpO 2 normale, témoin d’une difficulté respiratoire encore
urgences et en Smur [55, 56], avec un meilleur rapport FIO 2 compensée ou d’une demande accrue en oxygène. Une désatu-
délivrée/consommation d’oxygène que les générateurs de ration rapide à l’arrêt de l’oxygène malgré l’oxygénation
débit [57]. préalable est un facteur de gravité.
Il n’existe pas de contre-indications à l’oxygénothérapie
Les CPAP à valves intégrés aux ventilateurs devant une dyspnée aiguë. Il faut surtout identifier l’inefficacité
Dans ce cas, le déclenchement des valves pour ouvrir alter- de cette technique, justifiant un support ventilatoire invasif ou
nativement les circuits inspiratoire et expiratoire est source non. Chez un patient hypercapnique chronique ne s’améliorant
d’augmentation du travail ventilatoire et d’asynchronies pas avec un débit faible en oxygène, la FIO2 doit être augmen-
patient/ventilateur. Ces systèmes n’apportent par ailleurs aucun tée, en surveillant très attentivement la majoration possible
bénéfice par rapport aux systèmes à débit libre et ne sont pas d’une hypercapnie (cf. supra), et recourir si nécessaire à des
recommandés, y compris avec des ventilateurs récents. supports ventilatoires invasifs ou non.

Caractéristiques spécifiques requises Mise en œuvre, surveillance clinique


et monitorage
pour les ventilateurs en VNI
En VNI (hors CPAP), le mode ventilatoire couramment La « posologie » doit être adaptée au besoin (ni trop, ni trop
appliqué est l’AI+PEP, les modes volumétriques utilisés initiale- peu) et le mode d’administration choisi en conséquence. Devant
ment ayant montré une moins bonne tolérance. La perfor- une détresse importante, l’objectif d’une FIO2 proche de 100 %
mance du ventilateur est fondamentale, a fortiori dans le doit faire choisir le masque à haute concentration, avec un débit
contexte plus difficile de la médecine d’urgence : triggers suffisant pour assurer son bon fonctionnement, soit à 15 l/min
inspiratoire et expiratoire performants, pressurisation rapide et (cf. supra). Le masque simple, modulable en terme de FIO2, sera
modulable, FIO2 réglable de façon large, spirométrie expiratoire, choisi dans les situations intermédiaires. Pour une dyspnée
compensation des fuites. En médecine d’urgence et surtout en légère, il faut préférer un matériel délivrant une FIO2 faible
Smur, les ventilateurs de réanimation sont inadaptés ou trop (lunettes à oxygène), a fortiori en cas d’hypercapnie chronique.
coûteux. Les ventilateurs de domicile à turbine sont une Le débit initial est de 3 à 4 l/min. Chez l’hypercapnique
alternative proposée par certains [43, 58] et discutée par chronique, il est préférable de débuter à 1 l/min et augmenter
d’autres [59, 60] . La nouvelle génération de ventilateurs de progressivement. Au cours de l’asthme aigu grave, un apport
médecine d’urgence haute performance pourrait s’avérer trop important d’oxygène peut majorer une hypercapnie. Au
intéressante dans cette indication, la technologie à turbine étant cours de cette pathologie, il semble préférable de délivrer un
en théorie préférable. débit d’oxygène pour obtenir une saturation à 92 % [66].
Outre les éléments spécifiques à chaque pathologie, il faut
surveiller l’apparition de signes cliniques d’épuisement ventila-
■ Humidification des voies toire et mesurer régulièrement la fréquence ventilatoire. Le
monitorage de la fréquence cardiaque et de la SpO2, ainsi que
aériennes la mesure discontinue de la PNI sont systématiques. L’appari-
Au cours de la ventilation mécanique, les gaz médicaux tion ou l’augmentation d’une tachycardie peuvent être un signe
insufflés sont froids et secs, quelle que soit la technologie du précoce de majoration d’une hypoxémie. En l’absence de gaz du

Médecine d’urgence 11
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

sang, la survenue d’une somnolence semble être un bon critère La surveillance a pour objectif d’évaluer l’effet de la ventila-
d’hypercapnie et d’acidose respiratoire chez le patient asthma- tion mécanique sur la pathologie, de détecter une majoration de
tique ou BPCO [67]. la pathologie initiale ou la survenue d’une complication liée à
En cas d’amélioration, l’apport d’oxygène doit être diminué. la ventilation mécanique, et enfin de contrôler le confort du
La diminution du débit d’un masque haute concentration ne patient.
permettant pas de baisser la FIO2, il faut le remplacer par un La surveillance clinique repose sur des éléments simples,
autre système d’inhalation (cf. supra). répétés aussi souvent que nécessaire :
• recherche de signes ventilatoires de lutte ou de détresse et
Complications
d’asynchronies patient/ventilateur ;
L’aggravation non détectée du patient avec risque d’arrêt • modification du niveau de réactivité du patient ;
ventilatoire ou d’inhalation est la complication la plus grave de • signes cliniques d’inefficacité circulatoire.
l’oxygénothérapie. Elle est parfaitement évitable par une
Le monitorage de la fréquence cardiaque et la SpO 2 est
surveillance rigoureuse. Les complications liées aux différents
essentiel, a fortiori durant les phases de brancardage, associé à
matériels sont rares et ne devraient pas survenir s’ils sont
une mesure discontinue de la PNI. Un seuil d’alarme minimum
correctement utilisés (cf. supra).
de SpO2 à 90 % est sans doute un bon compromis entre sécurité
et déclenchement intempestif. Le monitorage de la PETCO2
Ventilation mécanique invasive avec alarmes est recommandé, sauf pour de courtes durées de
Indications, contre-indications et limites ventilation chez des patients stables [52]. La surveillance par le
ventilateur des paramètres expirés par le patient est maintenant
La ventilation mécanique conventionnelle après abord accessible en médecine d’urgence. Elle est très fortement
endotrachéal doit être envisagée devant toute hypoxémie sévère recommandable. Un niveau de Pmax à 50 cmH2O est classique-
ne s’améliorant pas sous oxygénothérapie, en cas d’hypercapnie ment recommandé chez l’adulte, l’idéal étant une pression de
responsable de troubles profonds de conscience, lors d’une forte plateau < 30 cmH2O. Pour les paramètres expirés, un seuil
demande ventilatoire comme lors des chocs et dans toute
d’alarme minimum à 80 % de la consigne (VTe et V̇E) et un
situation justifiant un contrôle des voies aériennes supérieures.
seuil maximum à 150 % de la consigne (VTe et V̇E ; F patient
Les indications doivent rester cliniques [68, 69]. La décision ne
en mode assisté) semblent un bon compromis. Lors du déclen-
repose pas sur la mesure des gaz du sang. En cas d’insuffisance
cardiaque droite, les conséquences délétères de la ventilation chement d’une alarme, la cause doit être rapidement identifiée
mécanique sur l’hémodynamique doivent être considérées. et corrigée. (Tableau 3).
Devant une détresse vitale, il n’existe aucune contre-indication Le bon fonctionnement du ventilateur est à surveiller, ainsi
à la décision d’intuber un patient pour le ventiler, sauf en cas de que l’autonomie électrique et en gaz. Le contrôle des gaz du
situation clairement définie de soins palliatifs et de fin de vie. sang pour modifier éventuellement les paramètres initiaux de
Dans ces situations, une VNI peut être discutée en alternative. ventilation doit être réalisé après avoir obtenu un état stable. Le
bon positionnement de la sonde et sa perméabilité sont à
Mise en œuvre, surveillance clinique surveiller régulièrement.
et monitorage
L’intubation doit être réalisée selon les protocoles recomman- Complications au cours de la ventilation
dés [70], et la pression du ballonnet contrôlée avec un manomè- mécanique en médecine d’urgence
tre (objectif entre 25 et 30 cmH2O). Une période de ventilation
au ballon avant branchement du ventilateur permet de corriger Les complications de la ventilation mécanique sont connues
en grande partie l’hématose. Le mode assisté contrôlé doit être et décrites depuis de nombreuses années en milieu de réanima-
choisi préférentiellement. Il favorise la synchronisation patient/ tion [74, 75]. Les transferts intra- ou interhospitaliers des patients
ventilateur sans quasiment entraîner de travail ventilatoire. La ventilés les exposent au risque de détérioration de la fonction
fréquence machine initiale est réglée à 15 cycles/min, le VT aux ventilatoire et à un taux de pneumopathie nosocomiale plus
alentours de 7-8 ml/kg et le débit de pointe à 60 l/min. La élevé chez les patients déplacés [76-78]. L’utilisation de ventila-
sédation d’entretien doit être adaptée pour atteindre le score de teurs de type réanimation par des équipes entraînées à la
sédation recommandé selon chaque pathologie [71]. Si le mode ventilation mécanique semble pouvoir limiter ces risques [79].
VAC est indisponible ou insuffisamment performant, le mode Les principales complications aiguës pouvant survenir doivent
contrôlé doit être choisi, avec une fréquence entre 15 et être connues [73] (Tableau 4).
20 cycles/min et un VT identique. La sédation nécessaire sera Une désadaptation rapide et intense du ventilateur avec
alors généralement plus importante. Dans tous les cas, la FIO2 détresse respiratoire grave et brutale nécessite une démarche
est choisie en fonction de la SpO2. Il n’existe aucune justifica- rapide (Fig. 2). Devant une asynchronie, les facteurs favorisants
tion de ventiler obligatoirement ces patients en oxygène pur une doivent être recherchés et corrigés (cf. supra). Si ces mesures
fois la SpO 2 normalisée. L’indication d’une PEP est rare en sont insuffisantes, une augmentation de la sédation peut être
urgence. Un niveau à 5 cmH2O peut être envisagé devant un nécessaire. Le pneumothorax sous machine peut prendre un
œdème aigu pulmonaire (OAP) cardiogénique ou lésionnel, en aspect suffocant avec hyperpression rapidement extensive du
tenant compte des effets hémodynamiques [72]. De petits niveaux côté atteint associée à une défaillance respiratoire et circulatoire
peuvent se discuter en mode assisté chez un patient BPCO pour aiguë. Le diagnostic est clinique. Il impose une décompression
limiter les conséquences de la PEPi sur le trigger. La ventilation
simple à l’aiguille en urgence, suivie de la pose d’un drain
du patient en asthme aigu impose une stratégie d’hypoventila-
thoracique. Le collapsus de reventilation peut apparaître lors de
tion contrôlée, nécessitant un ventilateur haut de gamme et le
la mise en route de la ventilation mécanique (cf. supra),
recours systématique à une sédation, voire une curarisation.
notamment en cas de diminution pharmacologique de la
réponse sympathique à l’hypotension (sédatifs, analgésiques,
intoxication médicamenteuse) ou par correction rapide d’une

“ Point fort hypercapnie. Ce collapsus est prévenu en limitant les médica-


ments pouvant entraîner une vasoplégie. Il est traité d’abord par
remplissage vasculaire modéré complété si besoin par des
Tout patient ventilé doit pouvoir être « repris au ballon » amines vasoconstrictrices en cas de vasoplégie prédominante
au moindre problème et sans délai, et ventilé au masque si avec fonction cardiaque normale, à action inotrope positive
besoin (extubation accidentelle ou justifiée par une prédominante en cas d’altération de la fonction cardiaque.
obstruction totale de la sonde). Toutes ces complications peuvent aussi survenir chez le patient
trachéotomisé.

12 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

Tableau 3. Tableau 4.
Principales causes de déclenchement des alarmes les plus couramment Principaux accidents et incidents aigus pouvant survenir au cours de la
présentes sur les ventilateurs (modifié d’après [73]). ventilation mécanique (d’après [1]).
Alarme de pression maximale (Pmax) Au niveau du patient
Augmentation de pression Toux, encombrement Asynchronies patient/ventilateur Trigger pas assez sensible, ou trop
au niveau du patient Désadaptation patient/ventilateur ; (modes assistés) sensible (autodéclenchement)
Complications liées Débit d’insufflation insuffisant
à un barotraumatisme (pneumothorax (VAC)
sous machine, etc.) Pente de montée de pressurisation
Granulome devant l’orifice trop faible (mode en pression)
de la prothèse endotrachéale PEPi
Augmentation de pression Malposition de la prothèse Barotraumatisme Pneumothorax
au niveau de la prothèse endotrachéale Pneumomédiastin
endotrachéale Obstruction totale ou partielle, Emphysème sous-cutané
interne ou externe
Encombrement des voies aériennes
Augmentation de pression Plicature ou écrasement
Bouchons bronchiques
au niveau du circuit patient sur un point du circuit
Bronchospasme
du ventilateur
Atélectasie
Alarme de pression minimale
Collapsus de reventilation
Débranchement du ventilateur
Insuffisance cardiaque, ischémie myocardique
Ballonnet de la prothèse trachéale dégonflé
Embolie pulmonaire
Déplacement de la prothèse endotrachéale (auto-extubation)
Distension abdominale
Fuites sur le circuit patient du ventilateur.
Alarme de fréquence patient Activité respiratoire anormale Douleur
Seuil minimal Anxiété
Fréquence ventilatoire Stimulation sensorielle
déclenchée périphérique
par le patient insuffisante Majoration des conséquences hémodynamiques après administration
(modes médicamenteuse
ventilatoires spontanés).
Au niveau de la prothèse endotrachéale
Seuil maximal Intubation sélective ou à cheval sur la carène
Hyperventilation du patient Patient insuffisamment ventilé Auto-extubation
(toutes causes) ;
Obstruction interne de la prothèse endotrachéale
Réveil du patient.
Compression externe de la sonde d’intubation
Alarme de volume courant expiré et alarme de volume minute
Mauvais gonflage ou déformation du ballonnet
expiré
Seuil minimal Au niveau du ventilateur
Débranchement du ventilateur Chute du volume courant lors du passage en mélange air/oxygène avec
un ventilateur pneumatique (venturi)
Ballonnet de la prothèse
trachéale dégonflé Défaut d’alimentation en énergie électrique et/ou en gaz médicaux
Déplacement de la prothèse Débranchement du patient
endotrachéale (auto-extubation) Fuite sur le circuit patient
Fuites sur le circuit patient Défaut d’humidification de l’air insufflé
du ventilateur Déréglage accidentel du ventilateur
En mode VS-AI, ventilation Arrêt du ventilateur (panne)
superficielle (en cas de
VAC : ventilation assistée contrôlée ; PEPi : pression expiratoire positive
fréquence patient élevée, intrinsèque.
l’alarme V̇E peut ne pas s’activer
et seule l’alarme
de VTe s’activera).
éviter les fuites et être confortable, sans trop majorer l’espace
Seuil maximal
mort instrumental. Le masque nasobuccal (appelé souvent
Hyperventilation du patient
masque facial) couvrant juste la bouche et le nez du patient est
VS-AI : ventilation spontanée avec aide inspiratoire ; V̇E : volume minute expiré ; généralement choisi en urgence. Le masque nasal expose
VTe : volume courant expiré. fréquemment aux fuites par la bouche. [81]. Son positionnement
doit être optimisé, sans fuite ni appui excessif, source d’incon-
fort et de lésions cutanées. La surveillance de ces patients étant
Supports ventilatoires non invasifs : constante en médecine d’urgence, l’usage de harnais avec
système de retrait en urgence par le patient ne semble pas
CPAP et AI+PEP obligatoire. Plus récemment, des masques faciaux intégraux ont
Les supports non invasifs ont en commun l’utilisation d’un été proposés en réanimation [82], sans évaluation en médecine
masque comme interface entre le patient et le dispositif d’urgence. Les casques ne peuvent être recommandés dans ce
médical. Il faut distinguer la CPAP (méthode simple et contexte actuellement par manque de données.
d’apprentissage rapide) et les autres modes de VNI (plus
complexes et nécessitant une formation approfondie), le plus Indications de la CPAP et de l’AI+PEP
souvent en ventilation spontanée avec AI+PEP.
Depuis une vingtaine d’années, l’intérêt des modes ventila-
toires non invasifs lors des insuffisances respiratoires aiguës
Interface : les masques
(IRA) a été démontré en réanimation, diminuant le taux
C’est un point fondamental pour la réussite de la techni- d’intubation et la mortalité. Les meilleures indications ont été
que [80]. Le masque doit être adapté à la physionomie du visage, précisées, avec de grandes tendances actuellement admises. Au

Médecine d’urgence 13
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

Détresse ventilatoire sous ventilation mécanique


Débrancher le patient, ventiler manuellement en FIO2 100 % (ballon autogonflable)

Ventilation manuelle Ventilation manuelle difficile


possible facilement (si ventilation impossible, dégonfler le ballonnet)

Vérifier la perméabilité de la PET

Vérifier le ventilateur,
PET perméable PET non perméable
le circuit
et les sources

Vérifier cliniquement la position de la PET

PET déplacée PET en place


Dégonfler le ballonnet

Rechercher une
complication au niveau
du patient Ventilation Ventilation
possible = impossible =
hernie du obstruction
ballonnet interne ou externe
Extubation, Pneumothorax Atélectasie Autres causes de la PET
intubation sélective

Traitement Regonfler Lever


Corriger Exsufflation
Repositionner Fibro- médical prudemment l'obstruction,
la panne à l'aiguille
la PET aspiration +/- modification le ballonnet, voire changer
ou changer le puis drainage
du réglage voire changer la PET
ventilateur pleural
du ventilateur la PET

Ventilation mécanique possible

Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une détresse ventilatoire aiguë sous ventilation mécanique. PET : prothèse endotrachéale.

cours de l’œdème aigu pulmonaire cardiogénique hypercapni- préhospitalier, avec des matériels à débit libre et sur des critères
que ou non, les modes non invasifs réduisent le taux d’intuba- cliniques simples [1]. Le traitement médicamenteux recommandé
tion, voire la mortalité. Le bénéfice semble équivalent pour la doit être instauré simultanément.
CPAP et l’AI+PEP [83] , mais la simplicité de la CPAP la fait
recommander en première intention, l’AI+PEP devant être Indications sous certaines conditions
réservée à des praticiens formés et habitués. L’AI+PEP diminue Aux urgences, il existe de nombreux arguments pour recom-
la mortalité des décompensations aiguës de bronchopneumopa- mander l’AI+PEP au cours des décompensations aiguës de
thie obstructive, la CPAP n’ayant pas montré de bénéfice [84]. BPCO, voire lors des insuffisances respiratoires aiguës hypercap-
Pour les autres pathologies, les indications de l’AI+PEP restent niques, mais sous certaines conditions : équipe entraînée, avec
discutées, avec un intérêt possible au cours des détresses des matériels adaptés, et chaîne de soins dans l’établissement
ventilatoires hypercapniques à poumon antérieurement sain. montrant un intérêt à une mise en route aux urgences. Il est
Différentes études ont été menées pour déterminer si ces nécessaire d’identifier les patients ayant un meilleur bénéfice
techniques étaient utilisables aux urgences [85-87] avec des attendu de l’AI+PEP.
résultats positifs. Seule une étude rapporte une majoration de la Si la clinique est parfois caractéristique, la mesure des gaz du
mortalité dans le groupe VNI [42] . L’analyse de ce travail sang artériel permet d’identifier plus précisément ces patients,
démontre que l’absence de critères pertinents d’inclusion, le avec un pH artériel inférieur à 7,30 [88]. En préhospitalier, la
choix d’une interface inadaptée et des délais d’intubation trop décompensation aiguë d’une BPCO et l’IRA (insuffisance
tardifs en cas d’échec de la VNI sont délétères pour le patient. respiratoire aiguë) hypercapnique semblent des indications
Les études préhospitalières sont peu nombreuses et concernent intéressantes mais le rapport bénéfice/risque de l’AI+PEP n’ayant
surtout la CPAP. Lors de la récente conférence de consensus sur pas été évalué, des études complémentaires sont nécessaires
la VNI en aiguë, les indications suivantes en préhospitalier et pour recommander cette technique.
aux urgences ont été proposées [4] :
Indications non validées
Indication systématique
Les autres indications ne semblent pas suffisamment validées
Au cours de l’OAPc y compris hypercapnique, la CPAP devrait pour pouvoir être recommandées en pratique clinique, notam-
pouvoir être appliquée par tout médecin, aux urgences et en ment asthme et pneumopathie hypoxémiante sans hypercapnie.

14 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

En cas de projet thérapeutique limité suspecté, une AI+PEP complétée par les paramètres d’expiration (volume courant
d’attente pour laisser le temps de la décision d’intubation ou expiré, fréquence patient). Le niveau initial d’aide inspiratoire est
non est sans doute une indication à évaluer, de même que la limité à 10 cmH20 pour faciliter l’acceptation de la technique
crise d’asthme aigu grave. par le patient, mais avec une pente de pressurisation forte pour
satisfaire sa demande. Un niveau de PEP minimum (2 cmH2O)
Contre-indications et limites de la CPAP permet de compenser une éventuelle PEPi non mesurable. Une
et de l’AI+PEP fois la technique acceptée et le masque fixé, le choix du niveau
de pression optimal se fait sur l’analyse de la spirométrie
Les contre-indications communes à la CPAP et à l’AI+PEP
expiratoire du ventilateur afin de garantir un VT expiré de 5 à
sont bien décrites (cf. encadré).
7 ml/kg et une fréquence ventilatoire entre 15 et 25 cycles/min.
La FIO2 est adaptée pour garantir une SpO2 > 90 %. Le niveau
de PEP est augmenté devant des signes évocateurs d’une PEPi
(activité des muscles respiratoires accessoires, efforts inspiratoires
“ À retenir non suivis d’un déclenchement du trigger inspiratoire). Le bon
positionnement du masque est contrôlé mais les fuites sont
beaucoup plus fréquentes qu’avec la CPAP. Elles peuvent gêner
Contre-indications de la ventilation non invasive la détection de l’expiration (trigger expiratoire) et favoriser une
(d’après la conférence de consensus inter- désadaptation. Un niveau important de fuites semble prédictif
nationale [81]) d’un échec de VNI [90], au mieux mesurées et compensées par le
Arrêt cardiaque ou respiratoire. ventilateur. La mauvaise tolérance clinique et/ou l’absence
Défaillance d’organe autre que respiratoire : d’amélioration du pH et de la PaCO2 dans l’heure qui suit sa
• encéphalopathie sévère (Glasgow coma score (GCS) mise en route sont des facteurs prédictifs d’échec [91], de même
< 10) ; qu’une hypoxémie initiale importante [92].
• saignement digestif haut sévère ;
• instabilité hémodynamique ou arythmie cardiaque
Complications
sévère. La principale complication à redouter est l’aggravation mal
Chirurgie faciale, traumatisme ou déformation. évaluée du patient avec détresse ventilatoire majeure imposant
Obstruction des voies aériennes supérieures. une intubation en catastrophe avec risque d’arrêt cardiaque
Impossibilité de coopération et/ou de protection des voies anoxique. Les complications liées à l’application d’une pression
positive intrathoracique peuvent survenir en VNI, mais de façon
aériennes supérieures.
sans doute limitée étant donné les niveaux de pression appli-
Impossibilité de drainer les sécrétions respiratoires. qués. La distension gastrique doit faire discuter la mise en place
Risque élevé d’inhalation. d’une sonde gastrique qui majore les fuites. Les complications
liées au masque (conjonctivite et sécheresse oculaire ; nécrose de
la racine du nez) doivent être prévenues en optimisant son
Le niveau de coopération requis pour la CPAP est sans doute positionnement.
moindre que pour l’AI+PEP. Il existe trois limites importantes.
Celles liées à l’interface et au matériel ont été décrites (cf.
supra). La troisième est liée à la formation des soignants. CPAP ■ Conclusion
et AI+PEP diffèrent grandement sur ce point. La CPAP est
L’oxygénothérapie est d’usage courant en médecine
facilement réalisable par toutes les équipes d’urgentistes après
d’urgence. Sa simplicité apparente ne doit pas être prétexte à
une formation simple et rapide. La formation à l’AI+PEP est plus
une connaissance insuffisante des indications et des limites, des
longue [89]. Chaque service d’urgence, voire chaque Smur, doit
différents matériels et des éléments de surveillance. La ventila-
donc déterminer le bénéfice attendu de cette technique par
tion mécanique invasive fait également partie des techniques
rapport à l’investissement en formation.
devant être connues par les médecins urgentistes, même si cette
thérapeutique est d’usage variable en fréquence selon le type
Mise en œuvre, surveillance clinique
d’activité. L’arrivée de nouveaux ventilateurs performants en
et monitorage médecine d’urgence ouvre de nouvelles possibilités avec une
Le monitorage habituel (fréquence cardiaque, SpO2 et mesure bien meilleure synchronisation patient/ventilateur. Reste à ne
discontinue de la PNI) est mis en place. Le patient est prévenu pas vouloir appliquer une ventilation performante avec un
de la technique afin d’optimiser sa coopération. La taille du ventilateur trop basique. Enfin, les supports ventilatoires non
masque nasobuccal est déterminée (cf. supra). La ventilation au invasifs font maintenant partie des techniques de médecine
masque avec un ballon et l’intubation trachéale doivent être d’urgence. La CPAP doit être maîtrisée par tous, en respectant
possibles à tout instant. Les critères de surveillance clinique les recommandations d’indications et de matériel. L’AI+PEP a sa
habituels au cours d’une dyspnée aiguë sont contrôlés place au cours des décompensations des BPCO aux urgences,
fréquemment. mais demande un investissement en matériel et en formation
Pour la CPAP, l’application du masque se fait initialement avec dont le bénéfice doit être évalué sur chaque site.
une pression positive nulle ou faible et un apport d’oxygène à .

forte concentration. Une fois le masque accepté, il est fixé au


moyen d’un harnais et la pression est augmentée de façon rapide ■ Références
mais non brutale jusqu’à 7,5 cmH2O. La position du masque est
optimisée : correction des fuites, confort. Le niveau de pression [1] Templier F, Thys F, Durand JS, Jardel B. Oxygénothérapie et supports
ventilatoires. In: Dyspnée aiguë. Journées scientifiques de Samu de
est surveillé fréquemment, ce paramètre n’étant généralement
France, Deauville 2004. Paris: SFEM éditions; 2005. p. 87-158.
pas couplé à une alarme. Une baisse de pression fait rechercher
[2] Base régionale Smur primaire de Midi-Pyrénées : rapport annuel 2001.
un déplacement du masque ou une diminution de l’alimentation Rev SAMU 2002;6:435-44.
en oxygène. En Smur, la surveillance de la quantité d’oxygène [3] Goddet S, Templier F, Liberge O, Dolveck F, Baer M, Chauvin M, et al.
disponible doit être particulièrement attentive. Selon l’évolution, Ventilation mécanique invasive en Smur : analyse des pathologies et
le niveau de CPAP peut être augmenté à 10 cmH 2 O en cas des modalités ventilatoires. Rev SAMU 2003(n°spécial):343-9.
d’amélioration insuffisante ou à l’inverse diminué progressive- [4] Thys F, Templier F. Ventilation spontanée en pression positive continue
ment devant une évolution favorable. (CPAP) et ventilation non invasive à 2 niveaux de pression (AI+PEP) :
La mise en œuvre de l’AI+PEP est plus longue et plus com- aspects spécifiques aux urgences et en préhospitalier. Conférence de
plexe, l’explication donnée au patient jouant un rôle encore plus consensus commune SFAR, SPILF, SRLF. Ann Fr Anesth Reanim
important. La surveillance déjà décrite est impérativement 2006;25:104-10.

Médecine d’urgence 15
25-010-E-10 ¶ Oxygénothérapie et supports ventilatoires

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16 Médecine d’urgence
Oxygénothérapie et supports ventilatoires ¶ 25-010-E-10

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F. Templier (francois.templier@rpc.aphp.fr).
SAMU 92 – SMUR Garches, Hôpital Raymond Poincaré, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, 104, boulevard Raymond Poincaré, 92380 Garches, France.
F. Thys.
Service des urgences, Clinique universitaire Saint-Luc, Université Catholique de Louvain, 10, avenue Hippocrate, B-1200 Bruxelles, Belgique.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Templier F., Thys F. Oxygénothérapie et supports ventilatoires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-E-10, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Médecine d’urgence 17
¶ 25-010-E-20

Protection des voies aériennes


en médecine d’urgence
X. Combes, P. Jabre, F. Soupizet

Le contrôle des voies aériennes des patients présentant une détresse vitale est très souvent nécessaire en
médecine d’urgence. L’intubation orotrachéale est la technique de référence pour le contrôle des voies
aériennes. En dehors du cadre de la réanimation de l’arrêt cardiaque, l’intubation trachéale doit être
réalisée sur un patient sédaté et curarisé selon la technique d’intubation en séquence rapide. L’intubation
en urgence est une intubation à risques. L’inhalation pulmonaire et les épisodes de désaturation artérielle
profonde sont les deux complications les plus fréquemment associées à ce geste. En médecine d’urgence,
l’intubation difficile, rarement prévisible, est plus fréquente qu’au bloc opératoire. La prise en charge de
l’intubation difficile survenant dans le cadre de la médecine d’urgence repose sur l’utilisation de
techniques alternatives efficaces. Ces techniques doivent être utilisées selon un algorithme précis. Les
mandrins longs béquillés et le masque laryngé d’intubation de type Fastrach™ permettent de résoudre la
majorité des cas d’intubation difficile. En cas d’échec de ces deux techniques, une cricothyroïdotomie
permettant un abord trachéal direct doit être réalisée chez les patients impossibles à ventiler.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Intubation ; Intubation difficile ; Sédation ; Intubation en séquence rapide

Plan supérieures peut être ainsi réalisé en situation intra- ou extra-


hospitalière. Si plusieurs techniques et dispositifs de contrôle
¶ Introduction 1 invasifs des voies aériennes existent, l’intubation trachéale reste
de très loin la technique la plus utilisée.
¶ Épidémiologie de l’intubation en médecine d’urgence 1 L’intubation en situation d’urgence présente des particularités
En médecine préhospitalière 1 propres qui la différencient en de nombreux points de l’intuba-
Au service d’accueil des urgences 2
tion réalisée au bloc opératoire. Ainsi, la recherche de facteurs
¶ Technique de contrôle des voies aériennes 2 prédictifs d’intubation difficile est souvent impossible du fait du
Matériel nécessaire au contrôle des voies aériennes 2 court laps de temps disponible pour réaliser l’intubation chez
Préoxygénation 2 des patients présentant une détresse vitale. Par ailleurs, l’inci-
Techniques d’intubation 2 dence de l’intubation difficile en situation d’urgence est plus
Sédation pour l’intubation 3 élevée qu’au bloc opératoire et les complications associées à ce
Vérification du positionnement de la sonde d’intubation 3 geste sont elles aussi plus fréquentes. Cet article a pour objectif
Prothèses supraglottiques 4 de rappeler les indications de l’intubation en situation
¶ Situations particulières 4 d’urgence, de décrire la technique d’intubation standard et les
Pédiatrie 4 techniques alternatives utilisables en cas d’intubation difficile,
Patient à terre 4 et d’indiquer quelles sont les principales complications associées
Immobilisation cervicale 4 à l’intubation en urgence.
¶ Intubation difficile 4
Épidémiologie 4
Techniques alternatives 5 ■ Épidémiologie de l’intubation
Algorithmes 7
¶ Complications de l’intubation en urgence 7
en médecine d’urgence
Complications locales 7
Complications générales 8 En médecine préhospitalière
¶ Conclusion 8
Dans un pays comme la France, doté d’un système de soins
préhospitalier médicalisé, l’épidémiologie de l’intubation
trachéale est assez bien connue. On estime qu’environ 8 % des
■ Introduction interventions primaires des services mobiles d’urgence et de
réanimation (SMUR) vont conduire à l’intubation trachéale des
Le contrôle des voies aériennes est fréquemment nécessaire patients pris en charge [1]. La première indication de l’intuba-
en médecine d’urgence lors de la prise en charge de patients tion trachéale en médecine préhospitalière est l’arrêt cardiores-
présentant une détresse vitale. Le contrôle des voies aériennes piratoire. De 30 % à 45 % des intubations réalisées en médecine

Médecine d’urgence 1
25-010-E-20 ¶ Protection des voies aériennes en médecine d’urgence

préhospitalière ont pour but d’assurer la ventilation des patients doit être préparé avant la réalisation de l’intubation. La liste du
dans le cadre d’une réanimation cardiopulmonaire spécialisée. matériel indispensable lors de la réalisation d’une intubation en
Le deuxième groupe de patients est constitué par ceux ayant urgence est décrite en encadré. Plusieurs types de lames de
une activité cardiaque spontanée lors de la réalisation de laryngoscope existent : plastique à usage unique ; métallique à
l’intubation. Parmi ces patients, la défaillance neurologique, usage unique ou réutilisable. Ces différents types de lames ne
qu’elle soit liée à une pathologie du système nerveux central possèdent pas les mêmes caractéristiques, et récemment deux
(accident vasculaire cérébral, état de mal épileptique) ou études cliniques ont rapporté un taux d’intubation difficile et
secondaire à la prise de toxiques (intoxication volontaire avec un nombre de complications plus élevés lorsque des lames
des psychotropes), est la principale indication d’intubation [1-3]. plastiques étaient utilisées pour l’intubation en situation
S’il est bien établi qu’un coma profond est associé à une perte d’urgence [8, 9]. L’utilisation de lames en métal est ainsi forte-
des réflexes de protection des voies aériennes, le risque d’inha- ment recommandée pour l’intubation en urgence. Outre le
lation pulmonaire existe aussi pour des troubles de conscience matériel nécessaire à l’intubation, un matériel de monitorage
d’intensité modérée. Ainsi, il a été rapporté un risque d’inhala- continu est nécessaire. En effet, lors de l’intubation d’un
tion pulmonaire lors d’intoxications médicamenteuses volon- patient, la surveillance continue de la fréquence cardiaque et de
taires chez des patients présentant un score de Glasgow la saturation artérielle en oxygène est indispensable. La sur-
intermédiaire [4, 5]. L’intubation trachéale a donc pour premier veillance tensionnelle est réalisée par méthode non invasive.
objectif dans ces circonstances de protéger les voies aériennes Une fois le patient intubé, le monitorage en continu de la
profondes d’une possible inhalation. Les autres indications capnométrie est recommandé.
d’intubation préhospitalière sont représentées par la polytrau-
matologie (de 10 % à 15 % des intubations), les détresses
respiratoires ou circulatoires, et quelques pathologies rares
comme les brûlures étendues.
Le nombre d’intubations réalisées chaque année en France
par les différents SMUR peut être assez facilement estimé. Si l’on
“ Point essentiel
considère que dans environ 8 % des interventions primaires une Matériel nécessaire à la réalisation d’une intu-
intubation trachéale est réalisée, de 40 000 à 50 000 intubations
bation
sont réalisées chaque année en France dans un contexte
extrahospitalier [1, 6]. On considère qu’un médecin exerçant en
• Source d’aspiration
SMUR intube annuellement de 15 à 20 patients. Ces chiffres • Sonde d’aspiration de gros diamètre
sont à mettre en parallèle avec les données disponibles pour • Source d’oxygène
l’activité anesthésique nationale où environ 3 millions de • Masque facial transparent
patients sont intubés tous les ans au bloc opératoire par des • Ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle
médecins anesthésistes qui intubent chacun en moyenne plus • Laryngoscopes avec lames métalliques de tailles
de 300 patients par an [5]. différentes
• Sondes d’intubation
Au service d’accueil des urgences • Canules de Guedel
• Pince de Magill
Dans le cadre de la médecine d’urgence intrahospitalière, • Seringue de 10 ml
c’est-à-dire essentiellement de l’activité dans les services • Système de fixation (sparadrap ou cordon)
d’accueil des urgences (SAU) et dans les services de réanimation,
• Filtre
très peu de données sont disponibles sur l’épidémiologie de
l’intubation et sur le déroulement de ces intubations. Il est
probable que quelques milliers de patients sont intubés tous les
ans dans les services d’accueil des urgences en France. Quelques
études réalisées dans des services d’urgence nord-américains Préoxygénation
rapportent une épidémiologie de l’intubation sensiblement
La préoxygénation est une manœuvre qui précède l’intuba-
différente de celle observée en préhospitalier. En effet, au SAU
tion. Elle ne peut être réalisée que sur des patients ayant une
l’indication d’une intubation dans le cadre de la réanimation
ventilation spontanée conservée au moment où l’indication
d’un arrêt cardiaque est moins fréquente, de l’ordre de 10 % de
d’intubation est posée et n’est dons pas réalisée lors de l’intu-
l’ensemble des patients intubés. En revanche, on retrouve un
bation des patients en arrêt cardiaque. Classiquement, la
large groupe de patients nécessitant une intubation en raison de
préoxygénation consiste à faire respirer au patient durant
troubles neurologiques (accident vasculaire cérébral, état de mal
3 minutes de l’oxygène pur. En médecine d’urgence, la préoxy-
épileptique et comas toxiques) et les patients en détresse
génation est souvent difficile à réaliser de manière correcte et
respiratoire nécessitant un contrôle invasif des voies aériennes
son efficacité est inconstante. Cette manœuvre est d’autant plus
sont proportionnellement plus nombreux qu’en médecine
efficace qu’elle est réalisée chez des patients ne présentant pas
préhospitalière [7]. En France, l’intubation des patients trauma-
de pathologie respiratoire aiguë et ayant conservé une capacité
tisés graves ne se fait, contrairement aux pratiques nord-
résiduelle fonctionnelle proche de la normale [10]. Récemment,
américaines, que très rarement dans les services d’urgences. Ces
la ventilation non invasive en mode ventilation spontanée avec
patients, pris en charge dès la phase préhospitalière par une
aide inspiratoire et pression expiratoire positive (VS AI-PEP) a
équipe médicalisée, sont lorsqu’il y a indication intubés le plus
été proposée comme technique de préoxygénation pour des
souvent avant l’arrivée à l’hôpital.
patients dont l’indication d’intubation était une détresse
respiratoire aiguë. Cette dernière technique de préoxygénation
■ Technique de contrôle des voies s’est avérée plus efficace que la traditionnelle préoxygénation de
3 minutes en oxygène pur [11].
aériennes
Techniques d’intubation
Matériel nécessaire au contrôle des voies
aériennes La technique d’intubation recommandée en situation
d’urgence est l’intubation orotrachéale sous laryngoscopie
Lors de la réalisation d’une intubation en urgence, un certain directe. La glotte est visualisée par l’opérateur lors de la
nombre de dispositifs sont indispensables. Outre le laryngos- laryngoscopie directe et la sonde d’intubation est avancée sous
cope et la sonde d’intubation, tout le matériel de ventilation contrôle de la vue entre les cordes vocales. Une autre technique

2 Médecine d’urgence
Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20

hémodynamique. Une fois l’intubation réalisée, une sédation


continue est le plus souvent nécessaire afin que le patient reste
adapté au ventilateur. La sédation continue en médecine
d’urgence des patients intubés a fait l’objet de recommandations
récentes lors d’une conférence d’experts [19] . Cette sédation
continue doit débuter le plus rapidement possible dès que le
patient est intubé. Le protocole de sédation continue le plus
fréquemment recommandé associe une benzodiazépine de durée
d’action courte, le midazolam, et un morphinique, le fentanyl
ou le sufentanil. Ces deux molécules sont administrées en
continu au pousse-seringue électrique. Un bolus de morphinique
peut précéder le début de la sédation continue afin de prévenir
des épisodes de désadaptation précoce du patient [20].

“ Point fort
Figure 1. Intubation en urgence avec réalisation d’une manœuvre de Sédation pour l’intubation
Sellick • La sédation des patients facilite l’intubation trachéale en
situation d’urgence.
• En urgence, la technique de sédation de référence est
l’induction en séquence rapide associant l’utilisation d’un
d’intubation consiste à passer la sonde par le nez afin de réaliser
hypnotique et d’un curare.
une intubation à l’aveugle. Cette technique nécessite que le
patient ait conservé une ventilation spontanée. L’intubation
• Les deux hypnotiques recommandés en situation
nasotrachéale de première intention n’est pas recommandée car d’urgence sont l’hypnomidate et la kétamine.
elle est associée à des taux d’échec et de complications très • Le curare recommandé est la succinylcholine.
élevés [12]. La technique d’intubation orotrachéale nécessite une
formation initiale indispensable. Celle-ci devrait être faite
d’entraînement sur mannequin puis d’apprentissage au bloc
opératoire chez des patients dont l’anesthésie est programmée et Vérification du positionnement de la sonde
qui ne présentent pas de critères d’intubation difficile. La
courbe d’apprentissage de l’intubation trachéale a été évaluée
d’intubation
chez des médecins en formation. Il a été montré qu’il fallait La vérification de la bonne position de la sonde d’intubation
pratiquer au moins 40 intubations orotrachéales pour pouvoir est une étape essentielle lors du processus de contrôle des voies
acquérir une expertise suffisante [13, 14]. aériennes. La non-reconnaissance d’une intubation œsopha-
gienne peut en effet conduire à des accidents graves, voire au
Manœuvre de Sellick décès du patient. L’intubation œsophagienne est souvent
l’événement initiateur de phénomènes de vomissements pou-
La manœuvre de Sellick fait partie intégrante du processus
vant entraîner une inhalation pulmonaire sévère [21]. Cette
d’intubation en urgence. Cette manœuvre consiste à appuyer
complication de l’intubation trachéale n’est pas rare et peut
fermement sur le cartilage cricoïde afin de comprimer l’œso-
atteindre de 5 % à 10 % en situation d’urgence [2, 7, 22]. Deux
phage contre le corps vertébral (Fig. 1). Cette manœuvre qui
techniques sont validées pour dépister une intubation œsopha-
doit être débutée dès le début de l’induction anesthésique a
gienne. La méthode de référence reste la capnographie. Lorsque
pour objectif d’éviter qu’une régurgitation de liquide gastrique
six cycles de capnogramme sont visualisés, l’intubation tra-
ne puisse être inhalée. Cette manœuvre doit être réalisée par un
chéale est affirmée. La mesure du CO2 expiré a une sensibilité
aide et maintenue jusqu’à ce que le ballonnet de la sonde
de 93 % et une spécificité de 97 % pour détecter une intubation
d’intubation soit gonflé, et la bonne position endotrachéale de
endotrachéale [23]. Cette technique peut être mise en défaut lors
la sonde d’intubation vérifié [15, 16].
d’intubation de patients en arrêt cardiaque pour lesquels la
fraction expirée de CO2 est très basse du fait de l’arrêt circula-
Sédation pour l’intubation toire. Chez ces patients, le test d’aspiration à la seringue peut
être utilisé afin de confirmer l’intubation trachéale. Ce test
Mis à part les patients intubés dans le cadre d’un arrêt consiste à utiliser une seringue à gros embout (seringue à gavage
cardiaque, la sédation est un élément indispensable lors de la gastrique) qui est connectée sur la sonde d’intubation. On aspire
réalisation d’une intubation trachéale. En effet, lorsque l’intuba- brutalement avec la seringue : si la sonde est dans la trachée, de
tion est réalisée sans aucune sédation pharmacologique, même l’air est facilement aspiré alors que si la sonde d’intubation est
chez des patients présentant un coma profond, les difficultés de située dans l’œsophage, la muqueuse de celui-ci va se collaber
contrôle des voies aériennes sont très importantes et le taux sur l’extrémité distale de la sonde et la seringue ne peut se
d’échec d’intubation élevé [17]. Plusieurs études, pour certaines remplir d’air. Un équivalent à ce test est l’utilisation de dispo-
anciennes, ont bien montré que la technique de sédation de sitifs spécifiques appelés par les Anglo-Saxons self inflating bulb.
référence pour faciliter l’intubation en urgence était l’intubation Ce type de méthode est très sensible pour détecter l’intubation
en séquence rapide [18]. Cette technique associe l’emploi d’un œsophagienne, mais il existe quelques cas de faux-négatifs
hypnotique et d’un curare de délai d’action et de durée d’action (résistance à l’aspiration alors que la sonde est en intratrachéal),
courts, la succinylcholine. La séquence d’intubation en séquence observés chez les patients obèses morbides.
rapide se déroule selon les modalités suivantes : le patient est Le processus d’intubation ne se termine pas dès le gonfle-
préoxygéné pendant 3 minutes en respirant de l’oxygène pur, ment du ballonnet de la sonde d’intubation. La vérification du
puis l’hypnotique est administré et en suivant la succinylcholine niveau de pression régnant dans le ballonnet de la sonde
(1 mg/kg). Les deux hypnotiques recommandés en situation d’intubation est une étape indispensable. Une surpression non
d’urgence sont l’hypnomidate (de 0,3 à 0,4 mg/kg) et la kéta- reconnue est fréquente et peut entraîner rapidement des
mine (de 2 à 3 mg/kg) en raison de leur très bonne tolérance complications graves : ischémie de la muqueuse trachéale,

Médecine d’urgence 3
25-010-E-20 ¶ Protection des voies aériennes en médecine d’urgence

“ Point fort
Vérification du caractère endotrachéal de l’intu-
bation
• La non-reconnaissance d’une intubation œsopha-
gienne est la source de complications graves
potentiellement létales.
• La vérification de la position de la sonde d’intubation
doit être systématique après intubation.
Figure 2. Combitube®.
• Deux techniques peuvent être utilisées : la capno-
graphie ou le test à la seringue.
succinylcholine ne sont pas les mêmes chez l’enfant que chez
l’adulte. Il faut administrer une dose relative plus importante
chez l’enfant : 2 mg/kg de succinylcholine.
nécrose voire plus rarement perforation trachéale [24] . La
Plusieurs types de lames peuvent être utilisés : lames courbes
vérification de la pression du ballonnet est réalisée simplement
classiques ou lames droites de Miller. L’intubation à l’aide d’une
à l’aide de manomètres manuels portatifs. Le niveau de pression
lame droite est souvent réalisée en chargeant l’épiglotte de
ne doit pas dépasser 30 cmH2O. La dernière étape du processus
l’enfant. Depuis quelques années, il a été bien démontré que
d’intubation consiste à fixer la sonde afin d’éviter tout mouve-
l’on pouvait utiliser en pédiatrie des sondes d’intubation à
ment de celle-ci. Cette fixation peut être réalisée avec du simple
ballonnet, même chez les nourrissons [31-33]. Les deux points
sparadrap ou bien avec un cordon non adhésif.
essentiels pour limiter le risque de lésions laryngées après
intubation chez l’enfant sont un choix adapté de la taille de la
Prothèses supraglottiques sonde et une surveillance obligatoire de la pression du ballon-
net. Il existe des formules pour déterminer la taille de la sonde
Si en France, et plus généralement dans tous les services d’intubation en fonction de l’âge. Chez l’enfant de plus de
d’urgences médicalisés, l’intubation trachéale est la technique 2 ans pour des sondes à ballonnet, la taille (diamètre interne
de référence pour contrôler les voies aériennes, d’autres dispo- en millimètres) est déterminée par la formule suivante : (âge en
sitifs sont parfois utilisés. Dans les pays anglosaxons et notam- années/4) + 4.
ment nord-américains, le système d’urgence extrahospitalier est
non médicalisé et l’intubation trachéale beaucoup moins Patient à terre
pratiquée que dans la plupart des pays européens. D’autres
dispositifs sont alors utilisés pour contrôler les voies aériennes. En médecine préhospitalière, les circonstances font que très
Ces dispositifs sont dits supraglottiques et se mettent en place souvent les patients qui nécessitent une intubation en urgence
à l’aveugle sans que la réalisation d’une laryngoscopie soit sont pris en charge alors qu’ils sont allongés sur le sol. L’intu-
nécessaire. Le plus ancien et le plus utilisé est le Combitube® bation d’un patient au sol présente quelques difficultés particu-
(Fig. 2) qui est une prothèse œsopharyngée à double ballonnet lières. L’opérateur est en effet dans une position le plus souvent
et double lumière. D’autres dispositifs comme le masque laryngé pénible pour réaliser son geste et l’intubation est rendue plus
classique, le tube laryngé ou l’Easytube® ont eux aussi été difficile. Une technique de positionnement de l’opérateur visant
utilisés en médecine d’urgence préhospitalière. Ces dispositifs à limiter les difficultés d’intubation a été décrite récemment.
sont probablement plus faciles à insérer pour des opérateurs Elle consiste à positionner la personne qui va intuber en
non médecins que la sonde d’intubation. Les deux problèmes décubitus latéral. Dans cette position, l’axe visuel de l’opérateur
majeurs rencontrés lors de l’utilisation de ce type de matériel est abaissé et la visualisation glottique, indispensable pour
sont le risque d’inhalation pulmonaire et le risque de perfora- réaliser l’intubation, est rendue beaucoup plus aisée [34, 35].
tion œsophagienne. En effet, ces dispositifs n’assurent pas une
protection complète des voies aériennes en cas de vomissement Immobilisation cervicale
et le risque d’inhalation est alors réel. Plusieurs cas de déchirure
du tiers supérieur de l’œsophage ont été rapportés lors de L’immobilisation cervicale est une mesure souvent nécessaire
l’utilisation du Combitube®, liés à la surpression régnant dans lors de la prise en charge des patients traumatisés. On considère
le ballonnet œsophagien de ce dispositif [25]. Le masque laryngé que tout patient présentant un traumatisme crânien grave est
classique a été utilisé dans des systèmes de soins d’urgences suspect de lésions cervicales associées et justifie donc jusqu’à
préhospitaliers non médicalisés, notamment dans le cadre de la explorations radiologiques complètes une immobilisation
réanimation de l’arrêt cardiaque [26]. Ce dernier dispositif semble cervicale. L’intubation d’un patient porteur d’un collier cervical
plus aisé à mettre en place pour des opérateurs peu entraînés est de fait une intubation difficile. Pour intuber un tel patient,
que la réalisation d’une intubation trachéale [27]. il faut retirer la partie antérieure du collier cervical afin que
celui-ci ne gêne pas l’ouverture de bouche. Lors de l’intubation,
un aide doit se placer derrière le patient et maintenir avec ses
■ Situations particulières deux mains la tête en position neutre. La laryngoscopie est
souvent plus difficile du fait de l’impossibilité pour l’opérateur
de pouvoir faire basculer en arrière la tête du patient. L’utilisa-
Pédiatrie tion du long mandrin béquillé (Fig. 3) est particulièrement
intéressante dans cette situation où la glotte est souvent mal,
L’intubation d’enfants dans le contexte de la médecine voire non visualisée durant la laryngoscopie [36].
d’urgence est une éventualité peu fréquente. Elle présente
quelques spécificités propres. De la même manière que pour
l’adulte, une préoxygénation est indispensable et l’intubation ■ Intubation difficile
est largement facilitée par une sédation associée. La technique
de sédation recommandée est l’intubation en séquence rapide Épidémiologie
associant un hypnotique et la succinylcholine [7, 28-30]. Pour les
enfants de moins de 2 ans, l’hypnomidate ne peut être utilisé. La fréquence de l’intubation difficile en médecine d’urgence
L’hypnotique de choix est alors la kétamine. Les posologies de est plus élevée qu’au bloc opératoire. Ceci s’explique aisément

4 Médecine d’urgence
Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20

Figure 3. Long mandrin béquillé ou bougie d’Eschmann.

par plusieurs facteurs qui rendent le contrôle des voies aériennes


plus complexe dans le contexte de l’urgence. En médecine
d’urgence, l’intubation difficile est rarement prévisible. Le
praticien n’a le plus souvent que très peu de temps pour
prendre connaissance des antécédents du patient, notamment
d’une éventuelle intubation difficile antérieure. Les critères
cliniques prédictifs d’une intubation difficile qui sont recherchés
dans le contexte d’une anesthésie programmée sont souvent
impossibles à vérifier dans le contexte de l’urgence. Ainsi, le
dépistage systématique d’une intubation difficile par la classifi-
cation de Mallampati, la mesure de la distance thyromentale et
l’examen de la mobilité cervicale sont apparus peu rentables
Figure 4. Manœuvre de la backward, upright, right pressure (BURP) :
dans un service d’urgences traumatologiques puisque applica-
pression sur le cartilage thyroïde de l’avant vers l’arrière, du bas vers le
bles à moins du tiers des patients intubés. Seuls 32 % des
haut et vers la droite du patient.
patients étaient à la fois capables d’obéir à un ordre simple et
non porteurs d’une immobilisation cervicale [37] . Dans le
contexte de l’urgence, certaines situations doivent faire envisa-
ger une intubation difficile : des antécédents oto-rhino-
laryngologiques (chirurgie carcinologique et radiothérapie), une adéquate des opérateurs et la pratique d’une sédation quasi
obésité morbide, un traumatisme facial, des difficultés d’accès systématique, un pourcentage d’intubation difficile persiste en
dont la plus fréquente est le positionnement du patient au médecine d’urgence. De 8 % à 15 % des patients restent ainsi
sol [1, 35]. difficiles à intuber sous laryngoscopie directe [1, 6, 42].
La fréquence de l’intubation difficile en médecine préhospi-
talière varie beaucoup dans la littérature médicale, notamment
lorsque les études nord-américaines sont comparées aux études Techniques alternatives
européennes. Le taux de succès de l’intubation en situation
d’urgence est un index intéressant à considérer. En médecine Pour pallier ces difficultés d’intubation, de nombreuses
préhospitalière, ce taux varie d’une manière très importante techniques alternatives ont été proposées mais très peu ont fait
d’une étude à l’autre. Des taux de 45 % à 100 % sont ainsi l’objet d’évaluation clinique. Seuls quelques dispositifs ont été
rapportés [1, 18, 38, 39] . En analysant les principales études réellement évalués dans des situations d’intubation difficile
publiées, il est intéressant de noter que la plupart des travaux imprévue et pour la plupart d’entre eux les données cliniques
ayant trait à l’intubation en situation d’urgence réalisée dans disponibles proviennent d’études réalisées au bloc opératoire
des systèmes de soins préhospitaliers médicalisés rapportent des dans un contexte qui reste très différent de celui de la médecine
taux de succès d’intubation trachéale très élevés, le plus souvent d’urgence. Avant d’envisager l’utilisation de techniques alterna-
supérieur à 99 %. À l’opposé, dans les études menées dans des tives, certaines manœuvres simples et non invasives permettent
systèmes de soins paramédicalisés, notamment aux États-Unis, parfois d’améliorer suffisamment la vision glottique afin de
les pourcentages de succès d’intubation rapportés sont beaucoup permettre une intubation rapide. Ainsi, une manipulation
moins bons, rarement supérieurs à 95 % et parfois très bas, laryngée externe peut améliorer la laryngoscopie chez un grand
jusqu’à 50 %. Ces différences peuvent être expliquées par nombre de patients. Plusieurs manipulations laryngées externes
plusieurs facteurs. Le premier tient à la formation initiale et à ont été décrites. La plus connue consiste à appliquer une
la formation continue des opérateurs. Un médecin français pression d’avant en arrière sur le cartilage thyroïde et est
exerçant la médecine d’urgence a reçu une formation théorique dénommée back par les Anglo-Saxons. Une manipulation
mais aussi pratique concernant la gestion des voies aériennes. laryngée externe semblant plus efficace a récemment été décrite.
Cette formation initiale a lieu le plus souvent au bloc opératoire Cette dernière manipulation externe consiste à déplacer le
où les médecins urgentistes en formation réalisent plusieurs cartilage thyroïde du patient dans un mouvement postérieur,
dizaines d’intubations. Par ailleurs, un médecin urgentiste céphalique et légèrement orienté vers la droite (Fig. 4). Cette
intube régulièrement lors de son activité préhospitalière, de dix manœuvre dénommée backward, upright, right pressure (BURP) a
à 30 patients par an. À la différence des médecins français, les été comparée à la simple pression antéroexterne (back) [43, 44]. Le
paramédicaux nord-américains ont une formation initiale à BURP s’est toujours avéré plus efficace que le back et près de
l’intubation beaucoup plus courte et la fréquence de la pratique 50 % des patients présentant une laryngoscopie difficile avec
de ce geste est très faible, environ une intubation par an [40]. une vision laryngée classée 3 ou 4 selon Cormack ont vu leur
Un autre facteur qui influe de manière importante sur le taux vision laryngée améliorée après réalisation du BURP.
de succès et donc sur les difficultés d’intubation concerne En cas d’échec d’intubation malgré un positionnement
l’utilisation d’une sédation. Lorsque l’on compare les taux de optimal du patient et de l’opérateur, l’utilisation de techniques
succès d’intubation d’une étude à l’autre en fonction de alternatives à la laryngoscopie directe permet de résoudre
l’utilisation ou non d’un protocole précis de sédation, on l’immense majorité des situations d’intubation difficile. On peut
constate que les taux d’intubation les plus élevés sont rapportés classer les dispositifs alternatifs à l’intubation sous laryngoscopie
lorsque un protocole d’intubation en séquence rapide est directe en plusieurs groupes. Les plus simples d’utilisation
largement pratiqué [1, 6, 29]. Plusieurs études ont montré que restent les dispositifs dits transglottiques que sont les mandrins.
lorsque l’on introduit un protocole d’intubation en séquence Trois types de mandrins d’intubation existent : les mandrins
rapide au sein d’un SMUR, le taux de succès de l’intubation est courts malléables, les mandrins longs béquillés et les mandrins
extrêmement amélioré et les difficultés rencontrées beaucoup lumineux. Les mandrins lumineux, dont le plus connu est le
moins fréquente [3, 41] . Cependant, malgré une formation Trachlight®, sont des dispositifs qui ont été surtout évalués au

Médecine d’urgence 5
25-010-E-20 ¶ Protection des voies aériennes en médecine d’urgence

bloc opératoire [45] . Les mandrins lumineux sont souvent


inadaptés en cas d’intubation en urgence. En effet, la luminosité
extérieure lors d’une intubation préhospitalière est susceptible
d’interférer avec la qualité de la transillumination. Il en est de
même pour l’obésité et enfin, lorsqu’une pression cricoïdienne
est exercée, le nombre de tentatives et la durée de la procédure
sont significativement augmentés [46].
L’utilisation des mandrins courts malléables est dans certains
pays, notamment en Amérique du Nord, un standard lors de
l’intubation d’un patient en urgence. Le principe d’utilisation
de ce type de mandrin est de l’insérer dans la sonde d’intuba-
tion puis d’imposer une forme prédéfinie, le plus souvent en J,
à la sonde d’intubation, ce qui permet lors de la laryngoscopie
un passage plus aisé de la sonde entre les cordes vocales,
notamment lorsque la glotte est haut située. Une morbidité
importante lors de l’utilisation de ce type de mandrin a été
rapportée et surtout leur efficacité lors d’une intubation difficile
est moindre que celle des mandrins longs béquillés [47]. Les
mandrins longs béquillés sont probablement une des techniques
alternatives à l’intubation difficile les plus intéressantes (Fig. 3).
Plusieurs types de mandrins longs sont disponibles. Les man-
drins longs béquillés peuvent être appelés aussi bougie d’Esch-
mann, mandrin de Macinthosh ou bougie élastique. Le mandrin
long béquillé a été évalué dans des conditions d’intubation Figure 5. Utilisation du masque laryngé Fastrach™ en médecine
difficile simulées par une immobilisation cervicale et s’est avéré préhospitalière.
plus efficace que la simple laryngoscopie. De nombreux cas
cliniques d’intubation difficile anticipée ou imprévue résolus
avec l’utilisation des mandrins longs ont été publiés [48-50]. Les
longs mandrins ont été utilisés en dehors du bloc opératoire et dans le contexte de la médecine d’urgence. D’autres types de
notamment en préhospitalier en cas d’intubation difficile non masques laryngés tels que le masque laryngé classique ou le
prévue avec un taux de succès de 80 % [51, 52]. La technique masque laryngé ProSeal® ont été proposés dans le cadre de la
d’intubation avec un long mandrin béquillé consiste à intuber prise en charge de l’intubation difficile [65-67] . Si ces deux
en premier lieu le patient avec le mandrin en introduisant la dispositifs permettent la réalisation d’une ventilation en
partie recourbée à travers l’orifice glottique. La perception tactile pression positive, ils ne sont pas conçus pour permettre une
soit du passage des anneaux trachéaux (sensation de clicks) soit intubation trachéale et donc une protection définitive contre le
d’une butée après que le mandrin ait été inséré d’environ 30 cm risque d’inhalation pulmonaire. Quelques cas cliniques d’intu-
affirme sa position intratrachéale. La sonde d’intubation est bation difficile survenant en médecine préhospitalière ou dans
alors glissée sur le mandrin qui va lui servir de guide. Le taux un service d’accueil des urgences résolus par l’utilisation de ces
de succès est maximal lorsque la laryngoscopie est maintenue dispositifs ont été rapportés. Le dernier type de prothèses
durant l’intubation assistée par le mandrin long et qu’une supraglottiques proposées en médecine d’urgence est représenté
rotation de la sonde d’intubation de 90° dans un sens antiho- par les dispositifs à double ballonnet. Ces dispositifs possèdent
raire est réalisée au moment du passage de l’épiglotte [50]. Ce un ballonnet distal œsophagien et un ballonnet de grand
dispositif est recommandé en première intention lors de la volume proximal pharyngé. Ils sont insérés à l’aveugle sans
survenue d’une intubation difficile en médecine d’urgence. réalisation d’une laryngoscopie et l’oxygène est administré via
Les prothèses supraglottiques sont des dispositifs qui permet- une lumière interne vers un ou plusieurs orifices situés entre les
tent la ventilation et pour certains d’entre eux aussi une deux ballonnets. Le plus connu et le plus ancien de ces dispo-
intubation trachéale à l’aveugle. Ces dispositifs sont devenus sitifs est le Combitube ® (Fig. 2). Le Combitube ® est dans
indispensables dans la stratégie de prise en charge des situations certains pays l’outil de contrôle des voies aériennes le plus
utilisé dans le cadre préhospitalier [68, 69]. Quelques séries de
d’intubation difficile quel que soit le contexte. Le dispositif pour
patients difficiles à intuber et ventilés par la suite avec le
lequel il existe la plus grande expérience clinique est le masque
Combitube® ont été rapportés [70-72]. Le principal problème lié
laryngé d’intubation Fastrach™ (Fig. 5). Ce dispositif est une
à son utilisation est relatif aux complications mécaniques graves
évolution du masque laryngé classique. Il est formé par un
qu’il est susceptible d’engendrer. En effet, plusieurs études ont
masque laryngé muni d’une poignée rigide et dont l’extrémité
rapporté un taux non négligeable de lésions de l’œsophage
distale est muni d’une languette mobile relevant l’épiglotte. Il
pouvant aller jusqu’à la rupture complète [25, 73].
est utilisé avec une sonde d’intubation armée spécifique. Il a été
La dernière catégorie de techniques alternatives à la laryngos-
évalué dans de nombreuses situations cliniques et notamment
copie standard est représentée par les dispositifs d’abord trachéal
en médecine d’urgence intra- et préhospitalière. En milieu direct. Une des techniques le plus anciennement connues est
hospitalier, en situations d’intubation difficile survenant au bloc l’intubation rétrograde. Cette technique consiste à ponctionner
opératoire, il permet la ventilation dans 98 % à 100 % des la membrane inter-crico-thyroïdienne, puis à insérer un guide
cas [53-57]. L’intubation à travers le Fastrach™ est réalisée dans métallique dans la trachée en direction céphalique afin que
plus de 95 % des cas. En médecine d’urgence, quelques cas l’opérateur puisse le récupérer dans la bouche du patient. La
cliniques et plusieurs séries de patients pour lesquels le dispositif sonde d’intubation est alors placée sur ce guide métallique et
a été utilisé pour une situation d’intubation difficile ont été avancée vers l’orifice glottique. Lorsque la sonde arrive en butée,
rapportés [58-62]. En situation d’urgence, le taux de succès de la le guide est retiré vers le haut et la sonde est poussée dans la
ventilation à travers le Fastrach™ est élevé, supérieur à 95 %, le trachée. Cette technique pour laquelle plusieurs études, la
taux d’intubation à l’aveugle est aux alentours de 85 % [62, 63]. plupart anciennes, ont rapporté une certaine efficacité en
Le dispositif peut être notamment utilisé chez des patients pour médecine d’urgence est de réalisation parfois difficile. L’intuba-
lesquels le rachis cervical est maintenu en ligne [64]. L’utilisation tion rétrograde a été proposée, notamment pour l’intubation de
du masque laryngé Fastrach™ fait partie des plus récentes patients présentant un traumatisme facial balistique
recommandations concernant l’intubation difficile survenant délabrant [74].

6 Médecine d’urgence
Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20

l’application systématique d’une stratégie simple et prédéfinie


en cas de survenue d’une intubation difficile imprévue permet-
tait de résoudre rapidement la plupart des cas d’intubation
difficile [53, 79]. Plusieurs principes sont indispensables à respec-
ter lors de la conception d’un algorithme de prise en charge de
l’intubation difficile. Le nombre de tentatives de laryngoscopie
doit être limité. Au-delà de trois laryngoscopies infructueuses, le
risque de complications graves en cas de tentatives itératives
d’intubation devient très important [80] . La répétition des
laryngoscopies favorise les saignements de la région pharyngée
et l’apparition d’œdème laryngé. C’est souvent la répétition des
laryngoscopies qui transforme une situation où l’intubation est
difficile mais la ventilation au masque facial possible en une
situation dramatique où et l’intubation et la ventilation au
masque deviennent impossibles. Les techniques alternatives
doivent être limitées dans leur nombre et tous les opérateurs
doivent être formés à leur utilisation. Un algorithme de prise en
charge d’une intubation difficile doit prévoir différentes
situations où peuvent être plus ou moins associées des difficul-
Figure 6. Cricothyroïdotomie en milieu préhospitalier. tés d’intubation et d’oxygénation. Une conférence d’experts
récente a proposé des algorithmes de prise en charge de
l’intubation difficile au bloc opératoire mais aussi dans un
contexte de médecine d’urgence intra- ou extrahospitalière [81].
La cricothyroïdotomie représente la technique ultime de Un algorithme de prise en charge d’intubation difficile en
contrôle des voies aériennes proposée dans le cas où l’intuba- médecine d’urgence préhospitalière est présenté sur la Figure 7.
tion et la ventilation du patient restent impossibles malgré
l’utilisation des autres techniques alternatives que sont les
mandrins et les dispositifs supraglottiques. Plusieurs techniques
de cricothyroïdotomie ont été décrites. Celle qui présente le
moins de risques de complications graves est celle faisant appel
à la technique de Seldinger [75] (Fig. 6). La membrane inter- ▲ Attention
crico-thyroïdienne est ponctionnée avec une aiguille, puis un
mandrin souple métallique est inséré en direction caudale dans En cas d’intubation difficile survenant dans un
la trachée du patient. La canule de cricothyroïdotomie et un contexte d’urgence
dilatateur sont alors placés sur le guide métallique. Après la • Il faut limiter les tentatives de laryngoscopie.
réalisation d’une petite incision de la membrane inter-crico- • La priorité est toujours à l’oxygénation du patient.
thyroïdienne à la base du guide métallique, la canule et le • L’application d’un algorithme prédéfini facilite la prise
dilatateur sont poussés à travers la membrane. Certaines canules en charge des situations d’intubation difficile.
de cricothyroïdotomie sont équipées de ballonnets qui assurent,
• Long mandrin et masque laryngé d’intubation
une fois la canule en place, une parfaite étanchéité et l’absence
.

Fastrach™ sont les deux dispositifs les plus efficaces pour


de fuites lors de la ventilation mécanique. La cricothyroïdoto-
mie a le plus souvent été utilisée en médecine d’urgence chez résoudre les cas d’intubation difficile.
des patients traumatisés graves et impossibles à intuber. Cette
technique est de réalisation très rapide et permet une ventila-
tion efficace dans plus de 95 % des cas [76, 77]. Quelques cas de
cricothyroïdotomie réalisées dans le cadre d’obstruction com-
plète des voies aériennes supérieures ont été rapportés [78]. ■ Complications de l’intubation
La composition recommandée d’une mallette d’intubation
difficile pour un service d’urgence est décrite en encadré. en urgence
L’intubation en médecine d’urgence est un geste associé à un
nombre important de complications. Si de nombreuses études
ont évalué le taux de succès de l’intubation en fonction des
“ Point essentiel techniques employées, très peu ont rapporté de manière
exhaustive les complications associées à l’intubation. On peut
distinguer deux grands types de complications, locales et
Composition d’une mallette d’intubation difficile générales.
en médecine d’urgence
• Pince de Magill
• Sondes d’intubation de tailles différentes Complications locales
• Lames métalliques de Macintosh de toutes tailles
• Longs mandrins béquillés Les complications mécaniques locales sont multiples. La
• Masque laryngé d’intubation Fastrach™ principale dont les conséquences sont potentiellement dramati-
ques si elle n’est pas reconnue à temps est l’intubation œsopha-
• Kit de cricothyroïdotomie
gienne. Dans la plupart des études, l’incidence de l’intubation
œsophagienne lors d’une intubation en urgence varie de 1 % à
7 %. Cette complication de l’intubation, même si elle est
reconnue précocement, est un facteur de risque important de
Algorithmes complications graves systémiques. C’est ainsi que l’inhalation
pulmonaire et l’arrêt cardiaque secondaire à une hypoxémie
La notion d’algorithme est essentielle dans la prise en charge profonde ont souvent comme événement initial une intubation
des situations d’intubation difficile. Il a été bien montré que œsophagienne [21]. Les autres complications mécaniques asso-

Médecine d’urgence 7
25-010-E-20 ¶ Protection des voies aériennes en médecine d’urgence

Échec d'intubation après deux laryngoscopies


directes avec optimisation de la position
de la tête

Petits moyens (manœuvre dite BURP)


et changement éventuel d'opérateur
(une seule nouvelle tentative de laryngoscopie directe)

Succès Échec

Utilisation du long mandrin béquillé (deux essais)

Succès Échec

Intubation par le Fastrach™

Oui Non

Ventilation possible par le Fastrach™

Oui Non

Attente de renfort médical et/ou Cricothyroïdotomie


transport vers l'hôpital en ventilant
à travers le Fastrach™

Figure 7. Arbre décisionnel. Algorithme en cas d’intubation difficile survenant en médecine préhospitalière. BURP : backward, upright, right pressure.

ciées à l’intubation sont nombreuses : traumatisme dentaire, le facteur favorisant majeur des accidents cardiovasculaires
lésions des structures pharyngées ou laryngées, luxation aryté- survenant dans les suites de l’intubation qui vont de la brady-
noïde, perforation œsophagienne et rupture trachéale. Les plus cardie à l’arrêt cardiaque en passant par la chute tensionnelle
graves de ces complications, les ruptures trachéales et œsopha- sévère. Dans un système préhospitalier médicalisé, une étude
giennes, restent exceptionnelles [82]. récente rapporte la survenue de 2 % d’arrêt cardiaque et de
15 % d’hypotension dans les suites immédiates d’une intuba-
tion en séquence rapide [84]. Ces complications hémodynami-
Complications générales ques faisant suite au processus d’intubation ont certainement
Les complications générales sont essentiellement respiratoires plusieurs facteurs favorisants, dont la pathologie rendant
et hémodynamiques. La fréquence de l’inhalation pulmonaire l’intubation nécessaire. Néanmoins, il est probable que le
durant le processus d’intubation en contexte d’urgence varie processus d’intubation en lui-même soit un facteur causal direct
d’une étude à l’autre et peut atteindre 20 %. L’évènement d’un certain nombre de complications hémodynamiques.
adverse le plus fréquent lors d’une intubation trachéale en
urgence semble être la survenue d’épisodes de désaturation
artérielle [83]. Malgré la réalisation d’une préoxygénation, un ■ Conclusion
grand nombre de patients intubés en urgence selon un proto-
cole d’intubation en séquence rapide vont présenter une L’intubation orotrachéale est la technique de référence en
désaturation artérielle profonde et parfois prolongée [18, 83]. Une médecine d’urgence lorsqu’il est nécessaire d’assurer la protec-
étude récente a rapportée une désaturation chez plus de 50 % tion des voies aériennes. La sédation selon la technique d’intu-
de patients traumatisés crâniens graves intubés en séquence bation en séquence rapide facilite l’intubation et diminue la
rapide. Dans cette étude, tous les patients avaient bénéficié survenue de complications. La prise en charge de l’intubation
d’une préoxygénation et la durée médiane de l’épisode difficile survenant dans le cadre de la médecine d’urgence
d’hypoxémie était de plus de 2,5 minutes, avec pour certains repose sur l’application d’algorithmes utilisant des techniques
patients une hypoxémie persistant plus de 10 minutes [83]. Ces éprouvées telles que les longs mandrins béquillés, le masque
épisodes de désaturation artérielle profonde sont probablement laryngé Fastrach™ et les kits de cricothyroïdotomie.

8 Médecine d’urgence
Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20

[8] Jabre P, Leroux B, Brohon S, Penet C, Lockey D, Adnet F, et al. A

“ Point fort
comparison of plastic single-use with metallic reusable laryngoscope
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Protection des voies aériennes en médecine d’urgence ¶ 25-010-E-20

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X. Combes (xavier.combes@hmn.aphp.fr).
SAMU SMUR 94, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
P. Jabre.
SAMU SMUR 94, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
EA 3409, CHU Avicenne, 126, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France.
F. Soupizet.
SAMU SMUR 94, Hôpital Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Combes X., Jabre P., Soupizet F. Protection des voies aériennes en médecine d’urgence. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Médecine d’urgence, 25-010-E-20, 2009.

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Médecine d’urgence 11
¶ 25-010-E-30

Drainage thoracique aux urgences


P.-G. Guitard, B. Veber, L.-M. Joly

L’évacuation d’un épanchement pleural est une situation fréquente et parfois vitale rencontrée dans les
services d’urgences. Ses principales indications sont le pneumothorax spontané, l’hémopneumothorax
traumatique et la pleurésie d’étiologie infectieuse, cardiologique ou carcinologique. Les modalités de cette
évacuation dépendent du type d’épanchement, de son abondance présumée et de sa tolérance clinique.
En première intention, tout pneumothorax comprimant le médiastin et responsable d’une altération
hémodynamique doit faire pratiquer une pleurocentèse à l’aiguille en extrême urgence. Cette technique
ainsi que les principes de pose des différents types de drains disponibles sont détaillés. Une comparaison
des avantages et inconvénients des différents systèmes nous permet de conseiller l’utilisation des drains
de Monod pour l’évacuation des épanchements ainsi que des cathéters de Fuhrman pour la prise en
charge des pneumothorax spontanés nécessitant impérativement un drainage.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Drainage thoracique ; Pleurocentèse ; Pneumothorax ; Hémothorax ; Pleurésie

Plan contenu dans la cavité pleurale et mal toléré sur le plan


hémodynamique ou respiratoire. Dans les cas les plus graves
(détresse respiratoire, état de choc), l’urgence thérapeutique fait
¶ Introduction 1
souvent préférer une décompression d’urgence à l’aiguille avant
¶ Indications du drainage thoracique aux urgences 1 la réalisation du drainage proprement dit. D’autre part, celles
Pneumothorax compressif 1 comprenant les situations où la simple ponction pleurale est
Pneumothorax spontané 2 impossible ou inefficace et où le drainage est alors nécessaire
Pneumothorax iatrogène 4 pour connaître la nature de l’épanchement et ainsi orienter le
Hémopneumothorax traumatique 4 patient vers la bonne filière de soins.
Épanchement liquidien non traumatique 5 Avant d’aborder les différentes techniques de pose, il est donc
¶ Modalités techniques 5 nécessaire de préciser en détails les indications du drainage
Pleurocentèse d’urgence 5 thoracique afin d’appliquer la bonne stratégie à la bonne
Ponction-exsufflation 5 situation.
Drainage thoracique 6
Surveillance et retrait du drainage thoracique 8
■ Indications du drainage
¶ Complications du drainage thoracique 9
Douleurs 9 thoracique aux urgences
Hémorragie 9
Malpositions du drain 10 Pneumothorax compressif
Œdème de réexpansion 10 Quelle qu’en soit la cause, le pneumothorax compressif doit
Obstruction du drain 10 être considéré à part, du fait du caractère extrêmement urgent
Infection du site de ponction ou de l’espace pleural 10 de sa prise en charge et de son évolution gravissime à très court
¶ Conclusion 10 terme. Il concerne 1 % à 3 % des pneumothorax [2] . Il est
secondaire à l’irruption d’air ou de gaz alvéolaire dans la cavité
pleurale en inspiration alors que son évacuation en expiration
est impossible (phénomène de clapet ou trapping). Le volume
■ Introduction d’air piégé augmente donc rapidement jusqu’à ce que la
pression intrapleurale dépasse la pression dans le reste du
La réalisation d’un drainage thoracique est un geste courant, thorax. Il y a alors refoulement du médiastin vers le côté
souvent urgent et parfois vital qui doit être maîtrisé par tout controlatéral, ce qui entraîne une compression extrinsèque des
praticien exerçant tout ou une partie de son activité dans un veines caves supérieure et inférieure au niveau de leur entrée
service d’urgences. Un dispositif de drainage thoracique fait dans la cage thoracique. Cette obstruction provoque une
d’ailleurs partie intégrante du matériel d’une salle d’accueil des .
diminution rapide du retour veineux et donc du débit cardia-
urgences vitales (SAUV) [1]. Les situations devant faire pratiquer que, ce qui aboutit à un état de choc et rapidement, en
un drainage thoracique sont nombreuses mais peuvent être l’absence de traitement, à l’arrêt circulatoire.
regroupées en deux catégories. D’une part, celles regroupant les Le diagnostic de pneumothorax compressif est d’abord
indications d’une évacuation d’urgence d’air ou de liquide clinique puisqu’il doit être suspecté devant l’association de

Médecine d’urgence 1
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

Tableau 1. Tableau 2.
Syndromes cliniques retrouvés dans les pathologies pleurales. Principales causes de pneumothorax spontané secondaire.
Signes d’épanchement Signes non spécifiques Pathologies des voies aériennes
pleural - Toux et douleurs pariétales inconstantes - Bronchopneumopathie chronique obstructive
- Gêne respiratoire d’intensité variable - Fibrose pulmonaire kystique
- Abolition du murmure vésiculaire - Asthme aigu grave
unilatérale
Pathologies infectieuses
- Dyspnée, détresse respiratoire
- Pneumocystose
avec désaturation
- Tuberculose
Signes spécifiques d’épanchement gazeux
- Abcès pulmonaire
- Tympanisme à la percussion
Pathologies interstitielles
- Emphysème sous-cutané
- Sarcoïdose
Signes spécifiques d’épanchement liquidien
- Matité à la percussion - Fibrose pulmonaire idiopathique
- Abolition des vibrations vocales - Histiocytose X
- Lymphangio-léio-myomatose
Signes de compression - Distension thoracique unilatérale Connectivites
médiastinale - Signes aigus d’insuffisance cardiaque - Polyarthrite rhumatoïde
droite (turgescence jugulaire, reflux
- Spondylarthrite ankylosante
hépatojugulaire, hépatalgie)
- Polymyosite/dermatomyosite
- Pouls paradoxal
- Sclérodermie
- Hypotension artérielle, état de choc,
voire arrêt cardiocirculatoire - Syndrome de Marfan
- Syndrome d’Ehlers-Danlos
Pathologies carcinologiques
- Adénocarcinome pulmonaire
- Sarcome

Pneumothorax spontané
Par définition, il s’agit de l’irruption d’air dans la cavité
pleurale en l’absence de tout traumatisme sans contexte
iatrogène (ponctions, ventilation mécanique, fibroscopie...).
C’est une pathologie fréquente avec une incidence comprise
entre 2 et 18 cas par an pour 100 000 habitants avec une nette
prédominance masculine [3]. Un pneumothorax spontané est dit
« primaire » quand il survient sur un poumon antérieurement
sain et « secondaire » quand il existe une pathologie pulmonaire
favorisante (Tableau 2) [4].
Les signes cliniques à rechercher sont résumés dans le Tableau
1. La confirmation du diagnostic fait intervenir typiquement la
radiographie thoracique de face qui retrouve une hyperclarté
unilatérale avec visualisation du décollement pulmonaire
objectivée par la perte de la trame parenchymateuse en péri-
phérie d’une ligne bordante. Le pneumothorax est dit « com-
plet » quand le décollement intéresse toute la hauteur du
Figure 1. Radiographie pulmonaire représentant un pneumothorax poumon et « incomplet » quand il n’est visible que sur une
complet droit avec déviation médiastinale vers la gauche. partie du champ pulmonaire (en général l’apex). Dans les cas
plus difficiles (poumons pathologiques, pneumothorax anté-
rieur...), un scanner thoracique peut être réalisé afin de confir-
mer ou d’infirmer le diagnostic. L’échographie pleurale a
signes de pneumothorax et de signes de compression médiasti-
récemment été proposée en première intention pour le diagnos-
nale (Tableau 1). En cas d’instabilité hémodynamique et devant
tic des pneumothorax non visibles à la radiographie pulmo-
un tableau clinique typique, le traitement consiste en une
naire [5]. Cet examen présente l’avantage de ne pas nécessiter le
décompression ou pleurocentèse à l’aiguille en extrême urgence
déplacement du patient (qui est souvent problématique en cas
sans attendre la réalisation d’examen complémentaire. L’exté-
de mauvaise tolérance respiratoire) et de ne pas imposer
riorisation brutale et sonore d’air par l’aiguille confirme le
d’irradiation supplémentaire mais reste très opérateur-
diagnostic. La mise à la pression atmosphérique de la cavité
dépendant. En cas de doute diagnostique, l’échographie pleurale
pleurale ainsi réalisée permet d’abaisser la pression intrathora-
peut donc être une alternative au scanner, même si celui-ci reste
cique et ainsi de diminuer la compression du médiastin dont le
l’examen de référence.
recentrage aboutit à la résolution de l’état de choc.
La prise en charge du pneumothorax spontané doit tenir
L’évacuation complète du pneumothorax nécessite en général compte d’abord de son caractère primaire ou secondaire, ensuite
le recours au drainage thoracique dans un second temps. de son mode de survenue primitif ou récidivant, enfin de
Celui-ci doit toujours être fait après réalisation d’une radiogra- l’importance du décollement et de la symptomatologie (Fig. 2).
phie thoracique de face au lit qui permet de confirmer le
diagnostic en retrouvant une hyperclarté d’un hémichamp Premier épisode de pneumothorax spontané
pulmonaire sans trame parenchymateuse visible et un refoule-
ment plus ou moins important du médiastin vers le côté opposé
primaire (du sujet sain)
(Fig. 1). Si le pneumothorax n’est plus visible à la radiographie Dans ce cas, la décision de drainage de la cavité pleurale
thoracique, il faut compléter le bilan d’imagerie par un scanner doit être dictée par la tolérance clinique du patient et
thoracique afin d’éliminer tout pneumothorax résiduel, en l’importance des signes radiologiques de décollement. En
l’occurrence antérieur. effet, il est bien admis que l’évacuation de l’air intrapleural

2 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

Suspicion de pneumothorax

Signes de compression
Pas de signes de compression
médiastinale
médiastinale
Instabilité hémodynamique

Pleurocentèse Radiographie
d'urgence thoracique

Persistance d'un
Confirmation doute diagnostique
du diagnostic

Scanner
thoracique

Pneumothorax
Pneumothorax
traumatique ou
spontané
iatrogène

Poumons Poumons Drainage


sains pathologiques thoracique

- PNO < 20 % - PNO > 20 %


- et distance dôme - ou distance dôme
pleural-apex < 3 cm pleural-apex > 3 cm > 1 épisode
- et asymptomatique - ou dyspnée

Oxygénothérapie Dyspnée Dyspnée


1er épisode majeure minime
Surveillance
Radiographie thoracique
à h6
Aggravation Ponction- Drainage
exsufflation thoracique

Stable Prévention des


Échec
Drainage récidives :
thoracique thoracoscopie

Retour au
domicile Succès
Consultation à j2 et j7

Figure 2. Arbre décisionnel. Prise en charge d’un pneumothorax (PNO).

n’est pas nécessaire en cas de bonne tolérance clinique d’un surveillance par l’entourage est possible. Un suivi en consul-
pneumothorax spontané incomplet, défini par un décolle- tation avec contrôle radiologique à j2 et j7 doit alors être
ment inférieur à 3 cm à l’apex et dont la surface ne dépasse proposé [9].
pas 20 % du champ pulmonaire radiologique [6]. Il est alors En cas de pneumothorax complet ou de mauvaise tolérance
légitime de proposer une surveillance clinicoradiologique en clinique, l’évacuation de l’air contenu dans la cavité pleurale est
milieu hospitalier pendant au moins 6 heures. Cette sur- impérative. Ce drainage peut être réalisé au moyen d’une
veillance doit s’accompagner d’une oxygénothérapie systéma- ponction-exsufflation, c’est-à-dire sans mise en place d’un
tique même en l’absence de désaturation [7]. En effet, des système d’aspiration prolongée. Dans le cas précis des premiers
études anciennes semblent montrer que l’augmentation de la épisodes de pneumothorax spontané sur poumons sains, ce
pression partielle en oxygène dans le sang contenu dans les mode de drainage a fait la preuve de son efficacité et de son
capillaires pleuraux améliore la réabsorption passive de l’azote innocuité comparé à la pose d’un drain thoracique convention-
contenu dans l’air du pneumothorax [7, 8] . S’il n’est pas nel. Ainsi, le taux de réussite immédiate est évalué à 59 % et le
retrouvé d’aggravation et en l’absence de contexte socioéco- risque de récidive précoce du pneumothorax à 15 % contre
nomique défavorable, un retour du patient à domicile avec 63 % de réussite et 7 % de récidive avec le drainage thoracique

Médecine d’urgence 3
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

classique [10, 11]. Une méta-analyse et une étude randomisée entraîner des ponctions traumatisantes intraparenchymateuses
récente confirment ces résultats et suggèrent même que cette et l’importance du risque de décompensation aiguë de la
technique permettrait de diminuer le nombre et la durée maladie respiratoire impose une restauration du vide pleural
d’hospitalisation, ce qui incite les auteurs à la conseiller en rapide et certaine [10].
première intention [12, 13]. L’efficacité de ce geste doit bien sûr
être contrôlée par une radiographie thoracique. En cas de Pneumothorax iatrogène
succès, un retour à domicile est envisageable après une sur-
veillance de 4 à 6 heures [14]. En cas d’échec, la réalisation d’une Les circonstances de survenue des pneumothorax iatrogènes
deuxième ponction-exsufflation n’est pas souhaitable compte sont bien connues des praticiens des services d’urgences,
tenu de sa faible efficacité prévisible [10]. La mise en place d’un d’anesthésie-réanimation et de pneumologie. Elles sont classi-
drainage thoracique est alors la seule attitude thérapeutique quement principalement liées à une brèche parenchymateuse
proposable. Une étude française récente montre que ce drainage pulmonaire lors d’un geste invasif (ponction pleurale, cathéter
peut se faire au moyen d’un cathéter de petit calibre (cathéter central, fibroscopie), ou à une hyperpression alvéolaire chez un
de Fuhrman) introduit par méthode de Seldinger avec une patient en ventilation mécanique. Même si ce deuxième cas de
efficacité comparable au drainage classique (drain de Joly ou de figure est classiquement décrit chez les patients intubés, il a été
Monod) [15]. Ainsi, du fait de sa simplicité, de son caractère peu récemment rapporté plusieurs cas de pneumothorax iatrogène
douloureux et de son risque moindre de complication notam- secondaire à la ventilation non invasive [18]. Dans ce dernier cas,
ment à long terme, cette méthode est probablement à privilé- il existe un risque majeur d’aggravation rapide par pneumotho-
gier dans le contexte de premier épisode de pneumothorax rax compressif du fait de la ventilation en pression positive. Le
spontané primaire après échec de la ponction-exsufflation. Dans maintien d’une pression de plateau strictement inférieure à
la même étude, les auteurs suggèrent que ce type de drainage 30 cmH2O reste le meilleur moyen de limiter la survenue de ce
thoracique pourrait être utilisé en première intention (c’est-à- type de complication. Quelle qu’en soit la cause, le traitement
dire sans que la ponction-exsufflation ne soit tentée), mais les d’un pneumothorax iatrogène impose le drainage de la cavité
données de la littérature sont actuellement insuffisantes pour pleurale. La ponction-exsufflation est contre-indiquée compte
qu’une telle attitude soit consensuelle. tenu du risque important de récidive précoce. La réalisation
En dehors de cas très particuliers (plongeur professionnel, d’une pleurodèse chirurgicale peut être nécessaire en cas de
pilote d’avion, alpinistes...), il n’y a pas d’indications lors du persistance d’une fistule bronchopulmonaire après drainage.
premier épisode de pneumothorax spontané primaire à la
réalisation d’une intervention chirurgicale visant à diminuer le Hémopneumothorax traumatique
risque de récidive (symphyse pleurale) [9]. Seule la présence Le pneumothorax traumatique est fréquent puisqu’il
d’une fistule bronchopulmonaire, suspectée par la persistance concerne environ 20 % des traumatismes thoraciques impor-
d’un bullage continu après drainage thoracique, peut nécessiter tants [19]. Il est, par ailleurs, associé à un hémothorax d’abon-
le recours à la chirurgie. dance variable dans plus d’un cas sur deux [20]. Comme tous les
traumatismes thoraciques, le contexte de survenue des hémop-
Récidive de pneumothorax spontané
neumothorax est le plus souvent celui d’un polytraumatisme
Contrairement au premier épisode, une récidive de pneumo- (70 à 80 % des cas) et une contusion pulmonaire sous-jacente
thorax spontané requiert systématiquement l’hospitalisation et est presque toujours retrouvée. La physiopathologie du pneu-
l’évacuation de l’air intrapleural [9]. La ponction-exsufflation est mothorax traumatique fait intervenir deux mécanismes possi-
contre-indiquée car généralement peu efficace et le traitement blement responsables de l’irruption d’air dans la cavité pleurale.
immédiat repose sur la mise en place d’un drainage thoracique Il peut s’agir de l’embrochage du poumon par une côte fracturée
conventionnel. lors du traumatisme ou de l’hyperpression intra-alvéolaire
La récidive d’un pneumothorax spontané augmente considé- secondaire à un écrasement thoracique à glotte fermée. L’hémo-
rablement le risque de récurrences ultérieures. En effet, alors que thorax est, quant à lui, consécutif à une lésion thoracique qui
le risque de récidive après un seul pneumothorax spontané est peut intéresser le parenchyme pulmonaire ou un vaisseau
estimé à environ 30 %, il passe à 57 % après la première pariétal, intercostal, mammaire interne, voire dans les cas les
récidive, à 62 % après la deuxième et à 83 % après la troi- plus graves, médiastinal (crosse aortique, artère pulmonaire,
sième [16]. La grande majorité de ces récidives survient dans les artère sous-clavière...). En dehors de l’urgence que constitue le
2 ans suivant le premier épisode [6] . Compte tenu de ces pneumothorax compressif, le diagnostic repose sur la radiogra-
éléments et de la gravité potentielle de cette pathologie, il est phie thoracique qui permet de localiser le pneumothorax et
nécessaire de proposer une stratégie de prévention des récidives d’en préciser l’importance ainsi que son éventuelle association
dès le deuxième pneumothorax spontané, qu’il soit homo- ou à un hémothorax et/ou à des anomalies parenchymateuses.
controlatéral [17]. La technique de référence est la symphyse Chez un patient polytraumatisé, cette radiographie doit être au
pleurale par thoracoscopie qui permet de réduire le taux de mieux réalisée après la mise en place d’une sonde nasogastrique
récidive à moins de 5 % avec une morbidité bien inférieure à la afin de détecter plus facilement une rupture diaphragmatique
thoracotomie classique [17]. La pleurodèse médicamenteuse par gauche. La sensibilité de cet examen étant médiocre chez un
instillation d’agent sclérosant dans le drain thoracique en place patient couché, il doit être systématiquement complété par un
ne doit pas être proposée en première intention du fait d’un scanner (avec injection de produit de contraste) une fois le
taux de succès nettement inférieur [9]. Cette technique n’est patient stabilisé. Cet examen montre l’étendue des dégâts
donc envisageable, dans la prévention des récidives de pneumo- parenchymateux et pariétaux, permet la visualisation des gros
thorax, qu’en cas de risque opératoire important. vaisseaux médiastinaux et visualise les pneumothorax antérieurs
ou localisés invisibles sur le cliché thoracique de face.
Pneumothorax spontané secondaire En dehors du pneumothorax traumatique isolé de très faible
(sur poumon pathologique) abondance et totalement asymptomatique qui peut relever
La présence d’une pathologie pulmonaire sous-jacente impose d’une surveillance simple, la prise en charge de l’hémopneumo-
l’hospitalisation. L’indication de l’évacuation du pneumothorax thorax traumatique fait constamment intervenir le drainage
doit être large : une altération même minime de l’état respira- thoracique [21]. En effet, la ponction-exsufflation est strictement
toire basal et des douleurs importantes pouvant limiter la toux contre-indiquée du fait de son inefficacité en cas de lésion
incitent à réaliser rapidement le drainage [9]. Seuls les pneumo- parenchymateuse et de sa dangerosité en cas de mauvaise
thorax spontanés incomplets minimes totalement asymptoma- tolérance respiratoire. En cas d’hémothorax, le drainage permet,
tiques peuvent justifier d’une surveillance simple d’au moins en plus de l’amélioration respiratoire due à l’évacuation de la
24 heures. Le drainage thoracique doit être réalisé au moyen cavité pleurale, d’obtenir l’accolement des deux feuillets
d’un drain classique avec système d’aspiration continu. La pleuraux, ce qui favorise l’hémostase, de quantifier la perte
ponction-exsufflation est contre-indiquée car potentiellement sanguine et d’évacuer le sang et les caillots afin de réduire le
dangereuse. En effet, la présence d’adhérence pleurale peut risque d’infection secondaire et de séquelles. De ce fait, il n’est

4 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

Tableau 3.
Situations d’épanchement liquidien non traumatique nécessitant un
drainage pleural.
Pour tout épanchement pleural non traumatique, en cas de :
- signes de compression médiastinale
- mauvaise tolérance respiratoire
Pour les épanchements possiblement infectieux, en cas de :
- culture ou examen direct du liquide pleural positif
- empyème thoracique (liquide macroscopiquement puriforme)
- pH du liquide pleural < 7,2
- échec du traitement antibiotique à 48 h
Pour les épanchements possiblement carcinologiques, en cas de :
- récidive précoce nécessitant une pleurodèse médicamenteuse

pas conseillé de clamper un drain pleural même si celui-ci


donne une grande quantité de sang, sauf s’il existe un doute sur
une lésion médiastinale induite par le drainage [22]. La persis-
tance d’un saignement supérieur à 200 ml/h après l’évacuation
de l’épanchement initial ou l’impossibilité de stabiliser l’état
hémodynamique doit faire discuter une thoracotomie d’hémos-
tase. Il faut également savoir qu’en cas de saignement important
par le drain thoracique, un système de récupération-
autotransfusion peut être ajouté au dispositif de recueil [22].

Épanchement liquidien non traumatique


La prise en charge des épanchements pleuraux liquidiens fait
rarement intervenir en première intention le drainage pleural.
En effet, la simple ponction pleurale permet le plus souvent
d’orienter le diagnostic en caractérisant l’épanchement (trans-
sudatif, exsudatif, infecté ou carcinologique). Cette ponction
peut également être évacuatrice en cas d’épanchement impor-
tant. Le repérage et la quantification de l’épanchement par
échographie permettent de mieux cibler la ponction et de
contrôler la vacuité pleurale après la procédure [23]. En dehors
de l’épanchement mal toléré ou compressif qui nécessite un
drainage en urgence, il existe des situations spécifiques où le
drainage doit compléter systématiquement la ponction pleurale
initiale (Tableau 3) [24-26]. L’utilisation de drain de petit calibre
(type drain de Fuhrman) est conseillée en première intention
Figure 3. Site d’insertion du drain pleural.
pour les épanchements transsudatif ou carcinologique [27]. En
A. Voie antérieure (2e espace intercostal sur la ligne médioclaviculaire).
revanche, la taille du drain nécessaire à l’évacuation d’un
B. Voie axillaire (4e ou 5e espace intercostal sur la ligne axillaire
épanchement infecté ne fait pas l’objet de consensus [25]. En
antérieure).
l’absence d’études contradictoires, l’utilisation d’un drain de
gros diamètre dans un contexte infectieux semble préférable
pour limiter le risque d’obstruction secondaire. importante, le calibre du cathéter peut se révéler insuffisant
pour faire sortir de la plèvre autant d’air qu’il en entre par les
■ Modalités techniques voies respiratoires. Dans ce cas, l’ajout d’un deuxième cathéter
est indispensable pour obtenir une diminution de la
compression.
Pleurocentèse d’urgence
La pleurocentèse de décompression à l’aiguille est un geste
d’extrême urgence qui doit être pratiqué devant tout pneumo-
thorax présentant des signes de compression médiastinale et
une instabilité hémodynamique, voire un arrêt cardiocircula-
“ Points importants
toire. Sa réalisation ne souffre aucun retard, donc aucun Matériel nécessaire à la réalisation d’une
examen biologique ou radiologique n’est nécessaire avant le
pleurocentèse de décompression en urgence
geste. Un matériel spécifique est requis. Le site de ponction est
classiquement antérieur, sur la ligne médioclaviculaire au niveau • Gants stériles (sauf urgence majeure)
du 2e espace intercostal (Fig. 3). Après une désinfection cutanée, • Compresses stériles
le cathéter court est introduit perpendiculairement à la paroi • Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine
jusqu’à obtention d’une expulsion d’air sous tension par alcoolique)
l’aiguille. Cette expulsion, en général sonore, confirme le • Cathéter court de 14 ou 16 G monté sur une aiguille
diagnostic et rétablit un équilibre de pression entre la cavité
pleurale et l’extérieur. L’objectif de ce geste n’étant pas le
rétablissement de la vacuité pleurale mais simplement la
diminution de la compression médiastinale par l’égalisation des
Ponction-exsufflation
pressions intra- et extrathoracique, il est nécessaire de laisser le L’objectif de la ponction-exsufflation est très différent de celui
cathéter en place jusqu’à ce qu’un drainage pleural soit réalisé. de la pleurocentèse d’urgence puisqu’il s’agit ici de vider la cavité
En revanche, l’aiguille doit être retirée pour ne pas léser le pleurale de tout l’air qui y est piégé. Son indication est unique-
poumon lors de sa réexpansion. En cas de lésion pulmonaire ment celle du premier épisode de pneumothorax spontané du

Médecine d’urgence 5
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

sujet sain. Avant la réalisation de ce geste, il est nécessaire de systèmes sont classiquement séparés en drain dit « de gros
confirmer l’indication par une radiographie thoracique et de calibre » (drain de Joly ou de Monod) et drain dit « de petit
rechercher des contre-indications par l’anamnèse (antécédents calibre » (cathéter de Fuhrman ou Pleurocath®). En dehors de
respiratoires) et le bilan biologique : un taux de plaquettes contextes particuliers d’urgence extrême (hémothorax suffocant,
inférieur à 50 giga/l, un temps de céphaline activé (TCA) supé- détresse respiratoire), tous ces drains nécessitent une confirmation
rieur à 2 fois le témoin et un taux de prothrombine (TP) inférieur du diagnostic par une radiographie thoracique et un contrôle de
à 40 % sont des contre-indications relatives à la ponction l’hémostase (TCA < 1,5 fois le témoin, TP > 45 % et numération
pleurale. Un matériel spécifique est nécessaire. Le site de ponction plaquettaire supérieure à 100 giga/l). Nous détaillons ici les
est le même que pour la pleurocentèse. Après réalisation d’une différentes techniques de pose en excluant les drains chirurgicaux
anesthésie locale, l’aiguille est introduite comme précédemment, et ceux utilisés en néonatologie. Le Tableau 4 résume les
mais doit être connectée à une seringue en aspiration pour indications, les avantages et les inconvénients des différents
détecter l’entrée dans la cavité pleurale (lorsque l’aiguille pénètre .
types de drain.
dans l’air intrapleural, la résistance du piston de la seringue baisse
brutalement). Une fois le cathéter en place, l’aiguille est retirée et Pose d’un drain de Monod (Fig. 4)
la tubulure, préalablement clampée grâce au robinet, est immé- La pose d’un drain de Monod permet la mise en place d’un
diatement connectée. À l’aide d’une seringue de 50 ml, le tube de diamètre important idéal pour l’évacuation des hémo-
pneumothorax est aspiré en prenant soin d’obturer la tubulure pneumothorax traumatiques. Ce type de drain est également
avec le robinet avant chaque déconnexion de la seringue. indiqué dans l’évacuation des pneumothorax non traumatiques
Lorsqu’il n’y a plus d’air aspirable, l’ensemble du matériel est quand les techniques de ponction-exsufflation sont contre-
retiré et une radiographie de contrôle est réalisée au bout de indiquées et que l’utilisation d’un drain de plus petit calibre
2 heures afin d’apprécier l’efficacité de la ponction-exsufflation. n’est pas possible (poumon pathologique, fistule bronchopleu-
En cas d’inefficacité, la réalisation d’une nouvelle ponction n’est rale). Enfin, l’absence de consensus sur la taille du drain
pas conseillée et un drainage pleural doit être mis en place. Par nécessaire à l’évacuation d’une pleurésie purulente fait fré-
ailleurs, l’aspiration de plus de 2,5 l d’air fait suspecter une fistule quemment préférer l’utilisation d’un drain de Monod dans cette
bronchopulmonaire et doit également faire réaliser un drainage indication [25, 29].
thoracique conventionnel [28]. La pose de ce type de drain est potentiellement anxiogène et
douloureuse et doit donc être réalisée chez un patient calme,
informé, coopérant et au mieux 30 minutes après une prémé-
dication par morphine sous-cutanée à la dose de 5 à 10 mg [30].
“ Points importants L’utilisation de paracétamol ou de benzodiazépines en prémé-
dication, fréquemment retrouvée dans la pratique, n’a jamais
été évaluée. L’insertion du drain par voie axillaire doit être
Matériel nécessaire à la réalisation d’une privilégiée en l’absence de contre-indication [31]. Pour cela, le
ponction-exsufflation patient doit être allongé en décubitus dorsal en position demi-
• Gants stériles assise avec le bras homolatéral en abduction maximale et la
• Xylocaïne® 2 %, seringue de 10 ml et aiguille de 20 G main derrière la tête. Le « triangle de sécurité » où doit avoir
pour l’anesthésie locale .
lieu l’insertion est alors délimité par le bord externe du grand
• Compresses stériles pectoral en avant, le bord antérieur du grand dorsal en arrière
• Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine et l’horizontale passant par le mamelon en bas [32].
alcoolique) Le site de drainage est alors positionné au milieu de ce
• Cathéter court de 14 ou 16 G monté sur une aiguille triangle, ce qui correspond au 4e ou 5e espace intercostal sur la
ligne axillaire antérieure (Fig. 3). En cas de déplacement du bras
• Seringue de 5 ou 10 ml
impossible ou de pneumothorax purement antérieur, la voie
• Tubulure courte avec robinet deux ou trois voies antérieure peut être proposée mais expose au risque de lésion de
• Seringue de 50 ml l’artère mammaire interne et de cicatrice inesthétique. L’inser-
tion par voie antérieure se fait alors sur un patient en décubitus
dorsal strict au niveau du 2e espace intercostal et sur la ligne
médioclaviculaire comme pour la pleurocentèse d’urgence et la
Drainage thoracique ponction-exsufflation (Fig. 3).
Le terme « drainage thoracique » comprend tous les systèmes Le matériel spécifique est nécessaire à la pose d’un drain de
dont l’objectif est d’obtenir la vacuité pleurale grâce à la mise en Monod. La première étape est une désinfection complète de la
place et au maintien plus ou moins prolongé d’un tube (ou zone d’insertion parallèlement au lavage chirurgical des mains
« drain ») entre les feuillets pariétal et viscéral de la plèvre. Ces (standard ou à la solution hydroalcoolique) et à l’habillage

Tableau 4.
Comparaison des différents drains thoraciques disponibles.
Taille Indications principales Avantages Inconvénients
Drain de Monod 18 à 36 F Hémothorax, pneumothorax Drain de gros calibre, utilisable dans Cicatrice disgracieuse, nécessité
traumatiques, pleurésie purulente, toutes les circonstances, risque moindre d’utilisation d’un trocart restérilisable
empyème de lésions médiastinales, orientation
du drain plus facile

Drain de Joly 12 à 32 F Hémothorax, pneumothorax Drain de gros calibre, matériel Cicatrice disgracieuse, risque important
traumatique, pleurésie purulente, entièrement à usage unique de lésion pulmonaire et médiastinale
empyème

Cathéter 8,5 à 12 F Pneumothorax spontané, pleurésie Cicatrice minime, matériel entièrement Drain de faible calibre ne permettant
de Fuhrman carcinologique, pleurésie transsudative, à usage unique, pose très peu pas l’évacuation de caillots
± pneumothorax iatrogène douloureuse

Pleurocath® < 10 F Pneumothorax spontané Cicatrice minime, matériel entièrement Drain de faible calibre ne permettant
à usage unique, pose peu douloureuse pas l’évacuation de caillots, risque
important de lésion pulmonaire

6 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

trocart. Le choix du diamètre du drain dépend de la nature de


l’épanchement suspecté (20-24 F pour un pneumothorax,
28-36 F pour un hémothorax ou un empyème) ; la taille du
trocart doit correspondre au drain utilisé. Lorsque tout est en
place, une incision uniquement cutanée de 1 à 2 cm est réalisée
horizontalement en suivant le bord supérieur de la côte infé-
.
rieure afin d’éviter le paquet vasculonerveux siégeant sous le
bord inférieur de la côte sus-jacente. Les plans graisseux et
musculaires sont écartés à la pince jusqu’à la plèvre.

“ Points importants
Matériel nécessaire à la pose d’un drain de « gros
calibre » (Monod ou Joly)
• Masque et calot
• Gants et casaque stériles
• Xylocaïne® 2 %, seringue de 20 ml et aiguille de 20-
22 G pour l’anesthésie locale
• Compresses stériles
• Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine
alcoolique)
• Champs stériles
• Scalpel (lame n° 11)
• Pince cochère ou Kelly stérile
• Trocart de Monod et drain de taille adaptée (numéro du
trocart = taille du drain en French/3) ou drain de Joly
• Pince-clamp non vulnérant
• Deux fils de suture taille 0 ou supérieure (+ porte-
aiguille si aiguilles courbes)
• Système d’aspiration à usage unique préalablement
monté (« valisette »)
• Pansement stérile

Toujours à l’aide de la pince, le feuillet pariétal de la plèvre


est perforé et l’ouverture ainsi réalisée est dilatée. La plupart des
auteurs conseillent ensuite une palpation de la plèvre pariétale
au doigt permettant de s’assurer de l’absence d’adhérence pour
limiter le risque de trajet intraparenchymateux [29]. Une fois ce
« toucher pleural » réalisé, le trocart de Monod est introduit
perpendiculairement sans forcer puis orienté vers le haut et
l’avant pour un pneumothorax ou vers le bas et l’arrière pour
un épanchement liquidien. Le drain est ensuite glissé sans effort
à l’intérieur du trocart qui peut alors être retiré. Toute difficulté
à l’insertion du drain doit faire suspecter un trajet aberrant sous-
cutané ou intraparenchymateux et doit donc faire recommencer
la procédure. Le drain est ensuite relié au système d’aspiration
et suturé à la peau. Si la tolérance clinique le permet, il est
préférable d’effectuer cette suture avant la connexion du drain
pour éviter que le poids des tuyaux d’aspiration ne le déplace.
Dans ce cas, le drain doit être transitoirement clampé pour
éviter l’entrée d’air dans le thorax en inspiration. Contrairement
à ce qui était conseillé auparavant, il est actuellement démontré
Figure 4. Différents types de drainage disponible. que la réalisation d’une bourse d’attente autour du drain doit
A. Drain de Monod (trocart et drain). être évitée [29]. En effet, la cicatrisation de ce type de fixation est
B. Drain de Joly (mandrin et drain). particulièrement inesthétique et cette technique doit donc être
C. Pleurocath®. remplacée par un point en « U » classique (ou un point de Blair-
D. Cathéter de Fuhrman (cathéter, guide métallique, dilatateur et Donati) autour de l’orifice d’entrée (Fig. 5) [31]. À la fin de la
aiguille). procédure, un pansement recouvrant le point d’insertion est
confectionné stérilement.
L’efficacité du drain est contrôlée d’abord cliniquement par la
stérile (masque, calot, casaque et gants) de l’opérateur. Les présence d’un bullage ou de l’aspiration de l’épanchement
champs stériles sont installés autour du site d’insertion et une pleural. Dans tous les cas, une radiographie de thorax de face
anesthésie locale est systématiquement réalisée avec 20 ml de est nécessaire immédiatement après la pose pour vérifier la
Xylocaïne® à 2 %. Cette anesthésie doit comprendre tous les position du drain, le rétablissement de la vacuité pleurale et
plans sous-cutanés et musculaires jusqu’au feuillet pariétal de la l’absence de complication. Dans les cas où un doute persiste
plèvre et permet de confirmer la présence de l’épanchement en (trajet atypique, drain inefficace malgré une position radiologi-
traversant celui-ci [33]. Avant l’incision cutanée, il est important quement normale...), un scanner thoracique doit être demandé
de s’assurer que le drain coulisse sans difficulté à l’intérieur du car sa sensibilité pour la détection des complications et des

Médecine d’urgence 7
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

de la littérature sont actuellement insuffisantes pour que son


utilisation soit recommandée ou déconseillée.
Comme pour les techniques précédentes, la pose d’un cathé-
ter de Fuhrman nécessite des conditions d’asepsie chirurgicale.
Le site d’insertion à privilégier est ici antérieur, sur la ligne
médioclaviculaire au niveau du 2e espace intercostal puisqu’il
n’y a pas d’incision cutanée et donc pas de dommage esthéti-
que. Après anesthésie locale, l’introduction se fait par méthode
de Seldinger. Cette méthode, communément utilisée en abord
vasculaire percutané, permet la mise en place atraumatique du
drain en le glissant, après dilatation, sur un guide métallique
souple, lui-même ayant été inséré préalablement au travers
d’une aiguille introductrice courte. La plupart des fabricants
proposent, pour cela, des aiguilles de Tuohy présentant l’avan-
tage de permettre à l’opérateur de sentir le passage du feuillet
pariétal de la plèvre et d’être moins traumatique pour le
poumon en cas de contact avec le parenchyme. La fixation du
drain est ensuite standard comme son raccordement au système
d’aspiration. Il est possible, en cas de premier épisode de
pneumothorax spontané primaire, de connecter ce drain à une
valve antiretour simple (type valve de Heimlich) sans pratiquer
de véritable aspiration, ce qui simplifie la surveillance ultérieure.
Dans cette indication précise, les résultats de cette méthode
semblent comparables à ceux du drainage classique [15].

Pose d’un Pleurocath® (Fig. 4)


Figure 5. Point de suture en « U » autour du drain pleural facilitant son Le système Pleurocath® est plus ancien que le cathéter de
retrait. Fuhrman mais permet la mise en place d’un drain comparable
(diamètre < 10 F), au même site d’insertion et avec une asepsie
identique. Ici, le drain coulisse directement à l’intérieur de
malpositions est nettement supérieure à celle de la radiologie l’aiguille introductrice qui, de ce fait, est d’un calibre nettement
conventionnelle [34]. Les causes les plus fréquentes d’inefficacité plus important (10 à 12 F). La longueur et le caractère biseauté
.5
du drainage sont l’absence d’étanchéité autour du site d’inser- de la pointe, empêchant toute sensation lors du franchissement
tion, l’obstruction et la position exclue du drain dans une de la plèvre pariétale, exposent à un risque important de
scissure ou une adhérence pleurale. lacération pulmonaire et de coupure du cathéter si celui-ci est
mobilisé à travers l’aiguille après la pose. Il nous semble donc
Pose d’un drain de Joly (Fig. 4) préférable de ne plus utiliser ce type de dispositif en dehors des
cas de pneumothorax spontané primaire complet non compres-
Les indications du drain de Joly sont les mêmes que pour le
sif et lorsque aucun cathéter de Fuhrman n’est disponible.
drain de Monod puisque cette technique permet de mettre en
place des drains du même calibre. Il n’y a d’ailleurs pas de Système d’aspiration
différence visible entre ces deux types de drains une fois la pose
effectuée. Même s’il n’y a pas de consensus dans la littérature, Quel que soit le système de drainage utilisé et en dehors de
nous conseillons de privilégier le drain de Monod à chaque fois cas très particuliers décrits plus haut, la vacuité pleurale
que c’est possible du fait de sa dangerosité moindre lors de complète ne peut être obtenue qu’en ajoutant un système
l’insertion. En effet, les complications graves du drainage d’aspiration à l’extrémité distale du drain. Cette aspiration doit
thoracique ont toutes été décrites avec les drains de Joly être aseptique (pour ne pas contaminer la plèvre de dehors en
comportant un mandrin interne rigide et pointu [21, 35, 36]. dedans et autoriser les prélèvements bactériologiques), perméa-
Le site d’insertion et l’installation sont les mêmes que ceux ble (pour laisser l’air ou le liquide sortir de la cavité pleurale), à
décrits précédemment. La technique de pose diffère uniquement sens unique (pour ne pas permettre à l’épanchement drainé de
lors de la mise en place du drain proprement dit. Il n’y a pas retourner dans le patient) et adaptable (pour permettre de
de trocart et le drain est donc inséré directement dans la cavité moduler la puissance d’aspiration). La seule méthode fiable
pleurale grâce au mandrin interne rigide qui sert aussi à son répondant à ces critères est actuellement l’utilisation de système
orientation. Le risque de lésion pulmonaire ou médiastinal par à usage unique spécifique à cette utilisation et commercialisé
embrochage est réel avec ce type de drain si l’on prend appui sous forme de « valisette » (Fig. 6). Les différents systèmes
sur la cage thoracique sans contrôle ni retenue afin de forcer présents sur le marché ont des caractéristiques techniques
directement le trajet pariétal avec le mandrin. La bonne sensiblement différentes mais leur efficacité clinique est
méthode est donc de réaliser le trajet pariétal à la pince puis au globalement équivalente [37]. Ces dispositifs comportent en effet
doigt, comme pour le drain de Monod, afin d’introduire le une valve d’étanchéité empêchant le retour d’air ou de liquide,
drain sans qu’aucune force ne soit nécessaire. une chambre de recueil stérile permettant la quantification du
liquide drainé, un indicateur de bullage et un sélecteur de force
Pose d’un cathéter de Fuhrman (Fig. 4) d’aspiration (généralement entre -10 et -40 cmH2O). Par défaut,
il convient de débuter l’aspiration à -20 cmH2O pour limiter les
Cette technique permet d’introduire un drain de petit calibre risques d’œdème pulmonaire de réexpansion. L’utilisation de
(8,5 à 12 F) dans la cavité pleurale. Son indication privilégiée est bocaux d’aspiration successifs (type colonne de Jeanneret) n’a
le pneumothorax spontané primaire après échec de la ponction- plus de justification depuis l’apparition de ces systèmes à usage
exsufflation, mais certaines études proposent d’utiliser ce type unique qui ont sensiblement diminué les risques d’erreur de
de drain en première intention [15]. L’évacuation d’un épanche- montage, de réentrée de liquide contaminé et d’erreur de
ment liquidien transsudatif ou carcinologique qui ne nécessite manipulation, notamment lors des transports intrahospitaliers.
pas un drain de calibre important semble également être une
indication intéressante [24, 27]. En revanche, son emploi dans un Surveillance et retrait du drainage
contexte traumatique est clairement contre-indiqué puisque son
faible diamètre ne permet pas d’évacuer un épanchement
thoracique
sanglant [19] . Pour les autres cas (pneumothorax iatrogène, Il n’existe pas de recommandation nationale ou internatio-
pneumothorax secondaire, pleurésie infectieuse...), les données nale concernant l’endroit où un patient porteur d’un drain

8 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

interrompu depuis au moins 24 heures et que le débit de liquide


évacué est inférieur à 200 ml/24 h [38]. Ces éléments sont à
interpréter en fonction du contexte clinique et de l’étiologie.
Encore une fois, il n’y a pas d’indication à clamper un drain
avant son retrait. Si une récidive du pneumothorax est à craindre,
l’aspiration doit être interrompue pendant 24 heures et une
radiographie thoracique est réalisée. La découverte d’un pneumo-
thorax même minime sur cette radiographie prouve la persistance
d’une fuite pleuropulmonaire et contre-indique donc l’arrêt du
drainage. Ce protocole est aussi sensible que le clampage pour la
détection des récidives de pneumothorax et n’expose pas au
risque de compression médiastinale [29]. La technique de retrait
est toujours la même quel que soit le drain en place. Elle consiste
en une traction constante qui doit permettre une ablation du
drain rapide et indolore. Si un point en « U » a été effectué
pendant la pose (drain de Monod ou de Joly), il convient de le
serrer immédiatement après la sortie de l’extrémité du tube pour
éviter l’entrée d’air dans le thorax. Plusieurs études suggèrent
qu’il n’y a pas lieu de faire pratiquer une inspiration ou une
expiration forcée au patient lors du retrait [39].

Figure 6. Système d’aspiration à usage unique. 1. Tuyaux d’aspiration ■ Complications du drainage


murale ; 2. tuyau reliant la chambre de recueil au drain thoracique du
patient ; 3. sélecteur de la force d’aspiration (de 0 à -40 cmH2O) ; 4. valve
thoracique
d’étanchéité antiretour permettant de visualiser le bullage et les
Les incidents ou accidents associés à la pose d’un drain
oscillations.
thoracique sont fréquents (9 à 26 %) [40]. La complication la
plus souvent retrouvée est la malposition du drain. Les facteurs
favorisants sont essentiellement l’utilisation d’un drain à
thoracique doit être surveillé. Dans les premiers temps de la mandrin interne (drain de Joly), l’inexpérience de l’opérateur et
prise en charge, il est cependant nécessaire de contrôler le le non-respect des consignes de pose, notamment lors du
bullage et/ou la quantité de liquide drainé au minimum toutes repérage du site d’insertion (insertion sous le 5e espace intercos-
les 3 heures. Cela peut être réalisé, au mieux, dans un service tal) et lors du franchissement du feuillet pariétal de la plèvre
de soins continus ou de réanimation mais, si l’état du patient (passage de la plèvre au moyen du mandrin rigide) [21].
le permet, il n’y a pas de contre-indication absolue à ce que
cette prise en charge soit effectuée en service de chirurgie ou de
pneumologie. La plupart des auteurs insistent sur le fait que
Douleurs
l’équipe médicale et paramédicale prenant en charge ce type de Les douleurs sont très fréquentes après la pose du drain et le
patient doit être formée et entraînée à l’utilisation des drains et plus souvent sans gravité. Dans la plupart des cas, elles sont
des systèmes d’aspiration [32]. En pratique, un bullage signale liées à l’irritation pleurale ou à la compression des pédicules
l’aspiration d’air de la plèvre et doit donc cesser une fois celui-ci vasculonerveux intercostaux. Leur prise en charge comprend en
évacué. La persistance du bullage doit faire évoquer une fistule première intention les antalgiques usuels puis en cas d’échec les
bronchopleurale, ou bien plus souvent un défaut d’étanchéité dérivés morphiniques administrés per os, en sous-cutané ou en
du système (au niveau des connexions ou du trajet pariétal). intraveineux. Il est également possible que le retrait du drain de
Une fois le bullage tari, il est nécessaire de surveiller les 1 à 2 cm suffise pour limiter les douleurs, surtout s’il confine
oscillations respiratoires du liquide témoin dans la « valisette », au sommet pleural où des douleurs scapulaires projetées
qui assurent de la perméabilité du drain. peuvent être réellement problématiques. L’administration en
Le transport intrahospitalier des patients ayant un drain intrapleural d’anesthésiques locaux, qui fut un temps proposée
thoracique en place a souvent été source d’incidents, voire par certains auteurs, est à proscrire du fait du risque important
d’accidents graves. Ceux-ci étaient principalement dus au et aléatoire de résorption plasmatique.
système d’aspiration par bocaux qui exigeait l’interposition
d’une valve de Heimlich et à défaut le clampage du drain
lorsque le patient quittait sa chambre. Cette attitude de
Hémorragie
clampage systématique reste ancrée dans les pratiques d’une Les hémorragies pariétales consécutives à la pose d’un drain
grande partie du personnel paramédical et expose au risque de sont relativement fréquentes quelle que soit la voie d’abord
récidive du pneumothorax, voire de compression médiastinale utilisée. En cas d’insertion axillaire, elles sont le plus souvent
pendant le transport. Il est donc utile de rappeler qu’avec les liées à la lésion des vaisseaux intercostaux lors de la dissection
systèmes à usage unique, un drain ne doit jamais être clampé et peuvent aboutir dans les cas les plus graves à une thoracoto-
quelle que soit la situation (et particulièrement si le bullage mie d’hémostase. Il est possible que le drain en place fasse
persiste). Pour mobiliser le patient, il suffit d’arrêter l’aspiration compression sur une artère intercostale lésée, ce qui explique
en déconnectant le vide mural de la « valisette » et de maintenir que l’hémorragie ne se produise qu’au retrait du drain. La
celle-ci en position verticale pendant tout le transport. Il est prévention de ce type de complication passe par un respect
possible que cette absence d’aspiration active entraîne la scrupuleux des consignes de pose (dissection à la pince plutôt
récidive du pneumothorax ou la baisse du débit d’aspiration qu’au scalpel dès la peau franchie et pose du drain au ras du
d’un épanchement liquidien mais la compression du médiastin bord supérieur de la côte inférieure). En cas d’insertion anté-
est toujours évitée grâce à la persistance de la fonction soupape rieure, le risque principal est celui de lésion de l’artère mam-
du système. La présence d’un médecin est dans tous les cas maire interne qui circule à 2 cm en dehors du sternum.
souhaitable lors des transports intrahospitaliers des patients Les hémorragies les plus graves sont secondaires à la malpo-
dont le drainage thoracique est vital (pneumothorax avec sition du drain dans le médiastin. Ces complications sont toutes
bullage non interrompu, hémopneumothorax traumatique...). décrites après pose d’un drain de Joly [19, 21, 35]. Elles doivent
Comme toutes les techniques invasives, l’utilité du drainage être suspectées en cas d’aspiration de sang à un débit important
thoracique doit être réévaluée tous les jours. Un retrait est associée à une dégradation brutale de l’hémodynamique. Il est
classiquement envisageable lorsque le poumon est recollé à la important de rappeler à ce propos que l’évacuation d’un
paroi sur la radiographie thoracique, que le bullage du drain est hémothorax même de grande abondance ne doit jamais

Médecine d’urgence 9
25-010-E-30 ¶ Drainage thoracique aux urgences

s’accompagner d’une chute de la pression artérielle. La suspicion système de drainage. Le maintien d’un drainage prolongé et la
de lésion médiastinale hémorragique (cœur ou gros vaisseaux) présence de sang dans le liquide pleural semblent être égale-
est le seul cas où un clampage du drain est impératif. Le drain ment des facteurs favorisants [40]. Les bactéries les plus souvent
en cause ne doit surtout pas être retiré car il permet une en cause sont les staphylocoques dorés et les entérobactéries. Le
obturation transitoire de la plaie et le patient doit être transféré diagnostic est principalement clinique et n’est confirmé par la
en urgence absolue au bloc opératoire de chirurgie cardiothora- culture du liquide pleural qu’en cas d’empyème. L’écouvillon-
cique. La mortalité de ces complications, rares, est malheureu- nage des sécrétions s’écoulant autour du drain n’a pas de
sement extrêmement élevée [21]. pertinence clinique compte tenu de leur contamination systé-
matique par la flore cutanée. Le traitement va du simple retrait
Malpositions du drain du drain en cas d’infection du site d’insertion à l’antibiothéra-
C’est une complication fréquente, particulièrement en cas pie intraveineuse prolongée (avec maintien du drain) en cas de
d’inexpérience de l’opérateur. Le cas le plus fréquent est celui de pleurésie purulente.
la pose du drain en sous-cutané en dehors de la cage thoracique.
Cette complication, le plus souvent sans conséquence en dehors
de l’inefficacité manifeste du drainage, se produit fréquemment
chez les patients ayant une paroi thoracique épaisse ou un
■ Conclusion
emphysème sous-cutané important. Toute difficulté lors de L’évacuation d’un pneumothorax ou d’un épanchement
l’introduction finale du drain doit la faire suspecter. Le diagnostic pleural liquidien est un geste courant dont les indications doivent
est en général aisé sur la radiographie de contrôle. être maîtrisées par les praticiens travaillant dans les services
Les autres malpositions possibles sont plus graves. En dehors d’urgences, de réanimation, de Samu, de chirurgie thoracique et
des lésions médiastinales décrites plus haut et des lésions de pneumologie. Sa dangerosité potentielle peut être limitée par
parenchymateuses pulmonaires qui doivent être prévenues par
une connaissance parfaite des différentes techniques de pose et de
le « toucher pleural », il est décrit également régulièrement des
gestion des différents matériels disponibles sur le marché. La
lésions abdominales secondaires à la pose d’un drain par voie
pleurocentèse d’urgence doit être utilisée en première intention
axillaire (plaies de la rate, du foie...). La cause peut être soit un
devant un pneumothorax compressif. L’utilisation des drains de
mauvais repérage du site d’insertion qui se situe alors sous le 5e
Monod et des cathéters de Fuhrman peut ensuite permettre de
espace intercostal, soit la méconnaissance d’une rupture
.

diaphragmatique lors de la prise en charge d’un polytraumatisé. faire face à l’ensemble des situations rencontrées avec un
La réalisation de la radiographie thoracique initiale avec sonde minimum de risques pour le patient.
gastrique en place limite grandement ce risque. .

Œdème de réexpansion ■ Références


L’œdème pulmonaire dit « a vacuo » peut apparaître lors de [1] Conférence d’expert de la SFMU, du SAMU de France, de la SFAR et
la réexpansion du poumon après pneumothorax, particulière- de la SRLF. Recommandations concernant la mise en place, la gestion,
l’utilisation et l’évaluation d’une salle d’accueil des urgences vitales
ment si le collapsus alvéolaire a été prolongé [11, 41] . Il est
(SAUV). 2002.
favorisé par une aspiration importante mise en place immédia-
[2] Weissberg D, Refaely Y. Pneumothorax: experience with 1 199
tement après le drainage [42]. Il se caractérise par une hypoxémie
patients. Chest 2000;117:1279-85.
d’apparition rapide avec effet shunt associé à un infiltrat
[3] Melton LJ, Hepper NN, Offord KP. Incidence of spontaneous
alvéolaire ou alvéolo-interstitiel unilatéral à la radiographie
pneumothorax in olmsted county. Am Rev Respir Dis 1979;120:
thoracique. Son évolution est en général favorable mais peut se
1379-82.
faire dans de rares cas vers le syndrome de détresse respiratoire [4] Tschopp JM, Rami-Porta R, Noppen M, Astoul P. Management of
aiguë. Sa physiopathologie mal connue fait intervenir des spontaneous pneumothorax: state of art. Eur Respir J 2006;28:637-50.
altérations de la perméabilité alvéolocapillaire, des anomalies de [5] Lichenstein DA, Mezière G, Lascols N, Biderman P, Courret JP,
la synthèse de surfactant et une augmentation de la sécrétion de Gepner A, et al. Ultrasound diagnosis of occult pneumothorax. Crit
cytokines pro-inflammatoires dont l’origine est probablement Care Med 2005;33:1231-8.
des phénomènes d’ischémie-reperfusion secondaires à une [6] Noppen M, Baumann MH. Pathogenesis and treatment of primary
rétraction-réexpansion rapide du parenchyme. La prévention spontaneous pneumothorax: an overview. Respiration (Herrlisheim)
passe par une aspiration initialement douce de tout pneumo- 2003;70:431-8.
thorax (inférieure ou égale à -20 cmH2O). Le traitement est [7] Northfield TC. Oxygen therapy for spontaneous pneumothorax. BMJ
uniquement symptomatique. 1971;4:86-8.
[8] Chadha TS, Cohn MA. Noninvasive treatment of pneumothorax with
Obstruction du drain oxygen inhalation. Respiration (Herrlisheim) 1983;44:147-52.
[9] Baumann MH, Strange C, Heffner JE, Light R, Kirby TJ, Klein J, et al.
Elle se produit en cas de drainage d’un hémopneumothorax Management of spontaneous pneumothorax: an american college of
ou d’une pleurésie purulente et est favorisée par la présence chest physicians Delphi consensus statement. Chest 2001;119:590-602.
d’un drain de faible diamètre. La désobstruction manuelle [10] Noppen M, Alexander P, Driesen P, Slabbynck H, Verstraeten A.
systématique par coulissage d’un clamp le long des tuyaux Manual aspiration versus chest tube drainage in first episode of primary
d’aspiration (« traite du drain ») a longtemps été proposée pour spontaneous pneumothorax. Am J Respir Crit Care Med 2002;165:
limiter ce risque mais n’a jamais été véritablement évaluée. Il 1240-4.
semble donc que la seule prévention véritablement efficace soit [11] Andrivet P, Djedaini K, Teboul JL, Brochard L, Dreyfuss D.
l’utilisation de drain de gros calibre dans les situations à risque Spontaneous pneumothorax: comparison of thoracic drainage vs
d’obstruction (hémothorax, empyème). Une étude récente immediate or delayed needle aspiration. Chest 1995;108:335-9.
suggère qu’en cas d’obstruction complète par caillotage et si [12] Wakai A, O’Sullivan RG, McCabe G. Simple aspiration versus
l’état clinique le permet, une thrombolyse intrapleurale peut intercostal tube drainage for primary spontaneous pneumothorax in
être tentée en utilisant 250 000 UI de streptokinase ou adults. Cochrane Database Syst Rev 2007(1):CD004479.
100 000 UI d’urokinase ou 10 mg d’altéplase dilués dans 50 ml [13] Ayed AK, Chandrasekaran C, Sukumar M. Aspiration versus tube drai-
de sérum physiologique et injectés par le drain [43]. nage in primary spontaneous pneumothorax: a randomised study. Eur
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Infection du site de ponction ou de l’espace [14] Miller AC. Treatment of spontaneous pneumothorax: the clinician’s
perspective on pneumothorax management. Chest 1998;113:1423-4.
pleural [15] Marquette CH, Marx A, Leroy S, Vaniet F, Ramon P, Caussade S, et al.
C’est une complication rare (< 2 %), le plus souvent liée à un Simplified stepwise management of primary spontaneous
manque d’asepsie lors de la pose ou de la surveillance du pneumothorax: a pilot study. Eur Respir J 2006;27:470-6.

10 Médecine d’urgence
Drainage thoracique aux urgences ¶ 25-010-E-30

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Pract 2002;8:333-40. Textbook of pleural disease. London: Hodder Arnold; 2008. 650p.

P.-G. Guitard, Chef de clinique-assistant des Hôpitaux (pierre-gildas.guitard@chu-rouen.fr).


B. Veber, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale, Centre hospitalier universitaire Charles Nicolle, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France.
L.-M. Joly, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service des urgences, Centre hospitalier universitaire Charles Nicolle, 1, rue de Germont, 76000 Rouen, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guitard P.-G., Veber B., Joly L.-M. Drainage thoracique aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-E-30, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Médecine d’urgence 11
¶ 25-010-F-20

Ponctions aux urgences


M. Raphaël, E. Zamparini, B. Chinardet

Les ponctions aux urgences sont des pratiques courantes. Elles ont pour but soit l’analyse, soit
l’évacuation d’un épanchement liquidien ; elles sont diagnostiques ou thérapeutiques. Pour être efficace
et limiter les éventuelles complications, il convient de respecter les règles de bonne réalisation du geste. Le
patient, à chaque fois que cela est possible, doit être informé de l’utilité et du déroulement de l’acte. La
sédation de la douleur doit être systématique et fait appel à divers moyens s’adaptant à chaque cas
particulier. Ces ponctions ont en commun la nécessité absolue du respect des règles d’asepsie.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Ponction lombaire ; Ponction pleurale ; Ponction d’ascite ; Ponction de genou

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les ponctions font partie des gestes indispensables à maîtriser
pour l’urgentiste. Elles ont comme objectif l’analyse du liquide
¶ Ponction lombaire 1 ou son évacuation. Elles s’insèrent à ce titre dans une stratégie
Indications 1 diagnostique ou thérapeutique. L’information du patient et la
Contre-indications 1 prévention de la douleur provoquée par la ponction doivent
Préparation 2 être des préoccupations constantes du praticien qui réalise le
Positionnement du patient 2 geste. Des procédures permettant l’évaluation de ces gestes sont
Préparation du site 2 recommandées au sein de chaque service. Le cathétérisme
Anesthésie locale 2 vésical suspubien et la ponction péricardique ne seront pas
Insertion de l’aiguille de ponction 2 développés dans cet article.
Retrait de l’aiguille 2
Complications 2
¶ Ponction pleurale 3 ■ Ponction lombaire
Indications 3
Contre-indications 3
Préparation 3
Indications
Positionnement du patient 3 Au service d’accueil des urgences, la ponction lombaire est
Repérage 3 habituellement diagnostique [1, 2]. Elle doit être pratiquée en
Préparation du site et anesthésie 4 première intention devant tout syndrome méningé et/ou
Insertion de l’aiguille et prélèvement de liquide pleural 4 encéphalitique fébrile en l’absence de signe de localisation
Complications 4 neurologique. Les raisons qui motivent le recours à la ponction
lombaire sont donc la suspicion de méningite, de méningo-
¶ Ponction d’ascite 4
encéphalite ou encore le besoin d’éliminer une hémorragie sous
Indications 4
arachnoïdienne.
Technique 4
Contre-indications 5
Complications 5 Contre-indications
¶ Ponction articulaire du genou 5 • Présence de symptômes ou de signes évoquant une élévation
Matériel 5 de la pression intracrânienne, tels qu’une altération rapide du
Voies d’abord 5 niveau de conscience, des signes de localisation neurologique,
Indications 6 des crises convulsives tonicocloniques ou partielles, un
Contre-indications 6 œdème papillaire au fond d’œil. Plusieurs études [3] ont
montré la nécessité de réaliser préalablement un scanner
¶ Conclusion 6
cérébral dans ces situations. Chez ces patients, la ponction
lombaire peut provoquer une herniation de l’uncus (engage-
ment cérébral) et le décès.
• Risque hémorragique avéré ; troubles de la coagulation ou
patient recevant une anticoagulothérapie.
• Infection du site de ponction (mal de Pott).

Médecine d’urgence 1
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences

supérieurs de la partie postérieure des crêtes iliaques traverse


l’apophyse épineuse de L4. Le point médian de l’espace interé-
pineux L4-L5 est localisé comme site d’insertion de l’aiguille. Si
l’aiguille ne peut être introduite à cet endroit, une tentative est
faite à l’espace supérieur.

Préparation du site [1, 6]

Le site est nettoyé préalablement à l’eau savonneuse ou à


l’aide d’une solution moussante iodée (sauf en présence d’une
allergie à l’iode). Sur la peau propre et séchée, un antiseptique
iodé est appliqué en mouvements circulaires, en commençant
au point prévu d’insertion de l’aiguille et en englobant les
espaces interépineux sus et sous-jacent. La solution est appli-
Figure 1. Ponction lombaire, repérage du point de ponction. quée au moins trois fois. La dernière application de solution
antiseptique est suivie de l’application d’une solution à base
d’alcool isopropylique ou de chlorhexidine afin d’enlever la
Préparation [1] solution iodée. En effet, l’introduction par mégarde d’iode dans
Matériel courant pour une ponction lombaire : l’espace sous-arachnoïdien peut provoquer une arachnoïdite
• masque, gants ; irritative.
• compresses de gaze ;
• anesthésique local ; Anesthésie locale [1, 6]
• aiguille de calibre 25 et de calibre 22 ;
• aiguille à ponction lombaire ; À l’aide d’une aiguille de calibre 25, créer un bouton intra-
• quatre ou cinq éprouvettes stériles avec bouchons ; dermique au point d’insertion en injectant de la lidocaïne à
• un container à aiguilles usagées. 1 %. L’anesthésie locale est poursuivie par une injection de 3 ml
Toute une gamme d’aiguilles de différents types et de diffé- de lidocaïne dans la région sous-cutanée et l’espace interpineux
rentes dimensions est disponible pour les ponctions lombaires. avec une aiguille de calibre 22.
Le modèle le plus couramment utilisé est une aiguille tran- Analgésie et sédation systémiques peuvent compléter l’inter-
chante de trois pouces de calibre 22 Gauge. vention locale, notamment par l’inhalation d’un mélange
Il est reconnu que le type et le calibre de l’aiguille utilisée équimolaire oxygène/protoxyde d’azote (Méopa®).
pour effectuer la ponction lombaire affectent considérablement Dans certaines situations où la ponction lombaire est envisa-
l’incidence des « céphalées post-ponction ». Lorsqu’une aiguille gée selon l’évolution, l’application initiale d’une crème anes-
de calibre 20 Gauge est utilisée, jusqu’à 50 % des patients thésiante de type EMLA® peut aider à la réalisation du geste le
peuvent se plaindre de céphalée alors que ce problème ne se moment venu.
manifeste que chez 20 à 30 % des patients pour lesquels une
aiguille de calibre 22 Gauge est utilisée. Insertion de l’aiguille de ponction
Les aiguilles atraumatiques ou à pointe mousse permettent de L’aiguille à ponction est vérifiée afin de s’assurer que le stylet
réduire de façon significative l’incidence des céphalées secon- .1
entre et sort facilement de celle-ci. Les repères sont appréciés
daires. Une étude a montré une diminution de l’incidence des une ultime fois. Le patient est prévenu au moment de l’inser-
céphalées postponction lombaire avec les aiguilles atraumati- tion afin qu’il ne bouge pas.
ques. En revanche des difficultés de réalisation plus grandes se Lorsqu’une aiguille tranchante standard est utilisée, le biseau
rencontrent chez les patients avec un indice de masse corporelle doit être tourné vers le haut si le patient est en position latérale
élevé [1, 4, 5]. gauche ou droite, ou vers le côté s’il est assis. Le biseau doit être
parallèle aux fibres durales afin de ne pas les sectionner. Cette
Positionnement du patient précaution permet de limiter le risque de syndrome post
Le patient est allongé au bord du lit en décubitus latéral, ponction lombaire.
gauche pour un médecin droitier ou droit pour un médecin L’aiguille est introduite avec un angle d’environ 10° en
gaucher. Le dos est arrondi en « position fœtale », assurant une direction céphalique. Elle glisse ensuite jusqu’à ce que la
flexion maximale de la colonne lombaire. La flexion forcée de résistance se relâche soudainement, signifiant que la dure-mère
la tête ne semble pas en revanche judicieuse : cette manœuvre a été franchie. Le stylet est alors retiré ; il faut attendre deux
accroît la tension du ligament interépineux et rend la palpation secondes pour que le liquide céphalorachidien (LCR) commence
de l’espace interépineux plus difficile. Un appui de la partie à s’écouler. S’il n’y a aucun reflux de LCR, l’aiguille est avancée
supérieure du bras libre évite une rotation de l’épaule supérieure de un ou deux millimètres à la fois, en prenant soin de vérifier
vers l’avant. Cette position permet d’assurer le plus grand à chaque avancée si le LCR s’écoule. Si la pointe de l’aiguille
dégagement de l’espace interépineux, donnant le meilleur accès .
rencontre un relief osseux, elle doit être retirée en sous-cutané
à l’espace intrathécal. puis réintroduite après avoir vérifié la direction et la posture du
Un oreiller placé sous la tête du patient assure un plus grand patient.
confort tout en gardant la colonne dans le plan horizontal. Les
épaules, le dos et les hanches doivent être perpendiculaires au Retrait de l’aiguille
plan horizontal. Une mauvaise posture fait dévier l’aiguille de Le stylet est replacé entièrement dans l’aiguille à ponction
sa position médiane après son insertion et est à l’origine de .
avant le retrait de cette dernière. Une pression est appliquée sur
nombreux échecs. le site d’insertion avec une compresse de gaze, puis un panse-
S’il peut la tolérer, le patient peut être placé en position ment adhésif. Le patient est ensuite installé confortablement.
assise. Cette position facilite le repérage du point d’insertion de
l’aiguille mais expose à des réactions vagales au moment de la
ponction [1, 6]. Complications [7]
La ponction lombaire est effectuée dans l’espace interépineux Le seul accident grave à redouter est la survenue d’un
de L3-L4, L4-L5 ou de L5-S1. Chez les adultes, la mœlle épinière engagement cérébral consécutif à une hypertension intracrâ-
se termine au niveau de L1. Afin de ne pas risquer d’endomma- nienne. Celui-ci peut se manifester par une aggravation brutale
ger la moelle épinière, l’aiguille ne devra pas être insérée au de l’état de conscience, voire des troubles neurovégétatifs avec,
dessus de l’espace L2-L3 (Fig. 1). au maximum, arrêt cardiorespiratoire survenant pendant ou au
Chez la plupart des patients, il est facile de palper la partie décours de la ponction lombaire. Ainsi, tout signe d’hyperten-
postérieure des crêtes iliaques. Une ligne joignant les rebords sion intracrânienne doit faire récuser ce geste [2].

2 Médecine d’urgence
Ponctions aux urgences ¶ 25-010-F-20

Céphalées postponction lombaire Les ponctions thérapeutiques ont pour but de soulager la
dyspnée associée à un épanchement pleural. Les ponctions
Elles sont généralement fronto-occipitales, soulagées quand le
pleurales à visée thérapeutique nécessitent le retrait d’un plus
patient s’allonge, débutant quelques heures à quelques jours
grand volume de liquide pleural.
après la ponction lombaire et pouvant durer jusqu’à quelques
semaines [5].
La prévention des céphalées postponction lombaire repose sur Contre-indications [13]
l’utilisation d’aiguilles d’un diamètre inférieur ou égal à
Les contre-indications de la ponction pleurale sont davantage
24 Gauges (G). L’utilisation d’aiguille de petit diamètre (22-
relatives. Il est habituel de citer les troubles de l’hémostase
26 G) et atraumatiques réduit l’incidence de la céphalée post-
constitutionnels ou acquis avec risque hémorragique (sans seuil
ponction lombaire. Celle-ci est d’environ 35 % avec une aiguille
défini), un très faible volume de l’épanchement exposant au
standard de 20 G, de 5 % avec une aiguille atraumatique de
risque de pneumothorax, une infection cutanée en regard du
22 G et de 1 % avec une aiguille atraumatique de 25 G [5].
point de ponction. La ventilation mécanique ne constitue pas
La prévention repose également sur la remise en place du
une contre-indication absolue. La décision de ponction dépend
mandrin avant le retrait de l’aiguille [8].
avant tout de son implication dans la stratégie thérapeutique.
Le traitement de la céphalée postponction lombaire repose
sur la prescription d’antalgiques et d’anti-nauséeux [2]. L’hyper-
hydratation post-PL ne semble pas diminuer l’incidence des Préparation
céphalées [9]. Le repos au lit après ponction ne prévient pas la
survenue de céphalées et serait responsable de lombalgies [10]. La Le plateau pour la ponction pleurale devrait contenir les
technique du « blood-patch » (15 à 20 ml de sang autologue éléments suivants [12] :
dans l’espace extradural adjacent au site de ponction) est • trocart métallique de plèvre ;
réservée au syndrome postponction lombaire prolongé. Cette • aiguilles à ponction pleurale à mandrin mousse pour franchir
technique sera réalisée par un anesthésiste, elle est efficace chez la plèvre pariétale ;
90 % des patients ; cette efficacité atteint 98 % si le « blood- • bistouri ;
patch » est répété chez les patients faiblement répondeurs • seringues de 2, 10 et 20 ml ;
initialement [11]. • aiguilles jetables ;
• une pince hémostatique courbe ;
Tumeur épidermoïde intrarachidienne • un robinet « trois voies » ;
Elle résulte de l’introduction de fragments épidermiques dans • trois tubes de prélèvement stériles ;
le canal rachidien, les symptômes les plus fréquents sont la • deux champs 50 × 50, un champ troué.
dorsalgie et des douleurs des membres inférieurs qui peuvent
apparaître quelques mois après la ponction lombaire. Positionnement du patient [10, 14]

Hématome sous-dural rachidien De préférence, le malade sera assis au bord du lit, les pieds
reposant sur un tabouret et les coudes appuyés sur un oreiller
Cette complication a été rapportée chez des patients ayant
posé sur une table de chevet. Cette table doit être placée assez
une thrombopénie chez lesquels une ponction lombaire était
haut de manière à permettre au malade de bien s’appuyer sur
réalisée. Les symptômes de l’hématome sous-dural rachidien
ses avant-bras et de dégager les omoplates qui sont alors
sont une faiblesse et une perte de sensibilité au niveau des
déplacées en latéral.
membres inférieurs ; certains patients peuvent avoir une
dysfonction vésicale. La soustraction de grandes quantités de On peut également pratiquer la ponction en décubitus latéral,
LCR chez les sujets âgés peut également être responsable d’un l’épanchement localisé vers le bas et le dos au bord du lit (le site
hématome sous-dural rachidien. Celui-ci sera prévenu en évitant de ponction dans cette position sera la ligne axillaire postérieure
la ponction lombaire chez les patients présentant une thrombo- au niveau de la partie déclive). Une autre alternative est de
pénie, sous anticoagulants ou ayant une coagulopathie. placer le patient en décubitus dorsal, la tête surélevée le plus
possible (dans cette position le site de ponction se situe au
Hématome extra-dural rachidien niveau de la ligne axillaire moyenne). Dans ces deux positions,
le niveau de l’épanchement sera repéré cliniquement par la
C’est une complication très rare de la ponction lombaire, les matité à la palpation.
cas rapportés étaient des patients recevant un traitement
anticoagulant ou présentant une dysfonction hépatique sévère.
Cet hématome est généralement dû à une déchirure de la veine Repérage
épidurale antérieure.
La hauteur de l’épanchement est repérée cliniquement par la
Infection matité à la percussion.
La radiographie pulmonaire n’est pas fiable pour évaluer le
Elle est due à une mauvaise préparation de la peau ou à la
niveau d’un épanchement, celui-ci variant avec la respiration et
réalisation d’une ponction lombaire chez un patient présentant
la position du malade [12].
une infection cutanée.
Le repérage échographique est une alternative élégante pour
Au cours de la ponction, une hémorragie par plaie vasculaire
ceux qui disposent d’un échographe aux urgences et sont
ou une douleur intense à type décharge électrique secondaire à
familiarisés avec la technique ; celle-ci est d’apprentissage aisé et
la ponction d’une racine nerveuse peuvent survenir.
devrait pouvoir se généraliser dans les années à venir.
Dans tous les cas, le niveau inférieur à ne pas dépasser est le
■ Ponction pleurale 8e espace intercostal postérieur. Le site de ponction se situe au
niveau de la ligne médiane passant par la pointe de l’omoplate
ou le long de la ligne axillaire postérieure.
Indications [12] Les ponctions pleurales sont habituellement pratiquées
La ponction pleurale aux urgences peut être réalisée dans un environ deux à trois espaces intercostaux sous la pointe de
but diagnostique ou thérapeutique. l’omoplate [14]. En pratique, la ponction est réalisée entre le 4e
La ponction diagnostique recherche la cause d’un épanche- et le 6e espace intercostal sur la ligne axillaire moyenne ou
ment et nécessite le retrait de 50 à 100 ml de liquide pleural qui postérieure.
sera analysé. Dans de très rares cas, il est possible de ponctionner la région
La plupart des épanchements pleuraux d’apparition récente antérieure du thorax. Un repérage préalable par des clichés
nécessiteront une ponction diagnostique, à l’exception de ceux radiologiques en oblique, une tomographie axiale, ou encore
pour lesquels le diagnostic est certain. une échographie est indispensable.

Médecine d’urgence 3
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences

■ Ponction d’ascite
Indications
La ponction exploratrice associée à l’interrogatoire et l’exa-
men clinique est la méthode la plus rapide pour diagnostiquer
la cause d’une ascite. Plusieurs études ont montré la sûreté de
cette procédure [15, 16].
Les indications de ponction exploratrice concernent tous les
patients présentant un premier épisode d’ascite ainsi que tous
les patients ayant une ascite admis à l’hôpital. Ce geste sera
réalisé dès les urgences lorsque s’associent à l’ascite des signes
d’infection comme douleur abdominale, fièvre, encéphalopa-
Figure 2. Ponction pleurale sur la ligne axillaire moyenne. thie, ictère, hypotension artérielle, élévation de la créatininémie,
acidose, hyperleucocytose [17].
Certains auteurs préconisent une ponction exploratrice
Préparation du site et anesthésie systématique chez tout patient cirrhotique admis aux urgences
Après s’être lavé les mains, le médecin met un masque et des ayant une ascite en raison de la faible sensibilité des critères
gants. La peau est lavée puis un antiseptique iodé est appliqué. cliniques et biologiques de l’infection spontanée du liquide
Une anesthésie locale est alors réalisée avec de la lidocaïne à d’ascite [18].
1 %. La peau, les tissus sous-cutanés et les muscles intercostaux
sont anesthésiés. L’aiguille est poussée jusqu’à la plèvre parié- Technique
tale. Au moment de perforer la plèvre, une légère résistance est
rencontrée. Une fois parvenu dans l’espace pleural, un peu de Le patient est positionné en décubitus dorsal. Le point de
liquide est aspiré, confirmant la pertinence du trajet. ponction se situe au niveau du tiers externe de la ligne reliant
l’ombilic à l’épine iliaque antéro-supérieure gauche (Fig. 3A). Il
faut éviter les vaisseaux et ne pas insérer l’aiguille trop près
Insertion de l’aiguille et prélèvement .6

d’une cicatrice abdominale, l’intestin pouvant être fixé à la


de liquide pleural [14] paroi par une bride [19].
L’aiguille de ponction est introduite dans l’espace intercostal
en rasant la côte inférieure afin d’éviter le paquet vasculoner-
veux qui chemine sous la côte supérieure (Fig. 2).
Pour faciliter l’introduction de l’aiguille, on peut pratiquer à
l’aide d’une petite lame de bistouri une incision d’environ trois
à quatre millimètres de long et de quelques millimètres de
.4
profondeur. Puis l’aiguille, munie de son trocart, est glissée
jusqu’à l’espace pleural à une profondeur qui a été déterminée
au moment de l’anesthésie locale. Il est recommandé à ce stade
de mettre une pince hémostatique courbe sur l’aiguille, tout
.
contre l’incision de la peau afin d’éviter toute pénétration par
inadvertance de l’aiguille, ce qui pourrait provoquer un pneu-
mothorax. Un robinet à trois voies est monté sur l’aiguille.

Complications [12, 14]


La plus fréquente des complications est le pneumothorax.
L’incidence de cette complication est de 4 à 19 %. Un cin-
quième de ces pneumothorax nécessitera la mise en place d’un
drain thoracique. Il sera suspecté par l’aspiration d’air dans le
liquide prélevé ou si il y a apparition de symptômes pendant la
ponction. Les facteurs favorisants retrouvés sont le manque
d’expérience, la réalisation d’une ponction thérapeutique,
l’utilisation d’aiguilles supérieures à 20 G. Le risque augmente
également chez les patients présentant une maladie pulmonaire
obstructive. Une radiographie post-ponction est donc toujours
indiquée.
La toux déclenchée par la ponction pleurale est fréquemment
rencontrée. Considérée comme une complication mineure,
responsable d’un simple inconfort du patient, elle peut être
responsable d’un pneumothorax iatrogène.
Le risque d’infection est estimé à 2 %, les conditions d’asepsie
rigoureuse doivent être respectées pendant la réalisation de la
ponction.
Les autres complications rapportées ont une incidence
inférieure à 1 %, comprenant :
• hémothorax (secondaire à une perforation du poumon ou du
diaphragme ou à une atteinte des vaisseaux intercostaux ou
mammaire interne) ;
• ponction de la rate ;
• œdème pulmonaire de réexpansion (qui peut survenir si on
retire trop vite plus de 1 000 à 1 500 ml de liquide) ; Figure 3. Ponction d’ascite.
• réaction vasovagale, essaimage de cellules néoplasiques au site A. Ponction d’ascite, point de ponction au niveau du tiers externe de la
de ponction (surtout chez le malade atteint de méso- ligne reliant l’ombilic à l’EIAS gauche.
théliome). B. Installation finale du patient.

4 Médecine d’urgence
Ponctions aux urgences ¶ 25-010-F-20

On choisira une aiguille de 22 G pour une ponction explora-


trice et de 15 G pour une ponction évacuatrice. Une aiguille à
ponction lombaire peut également être utilisée chez un patient
obèse. Il existe également des aiguilles multiperforées avec
trocart amovible qui ont montré leur sécurité d’utilisation [20].
Une insertion de l’aiguille « en Z » limite la survenue de fuite
de liquide après la ponction. Il s’agit de mobiliser la peau de la
paroi abdominale avec une main (environ deux centimètres
.
dans chaque direction) pendant que l’insertion de l’aiguille se
fait avec la deuxième main. Il conviendra de réaliser des tests
d’aspiration tous les cinq millimètres afin d’éviter une effraction
.
vasculaire. Une insertion lente permet à l’intestin de se rétracter
au contact de l’aiguille avant que celle-ci ne le perfore [19]
(Fig. 3B).
.
La réussite d’une ponction d’ascite aux urgences peut être
optimisée par la réalisation d’une échographie par
l’urgentiste [21].

Contre-indications
Les contre-indications à la ponction d’ascite sont exception-
nelles. Il s’agit de fibrinolyse primaire ou de coagulation
intravasculaire disséminée entraînant une hémorragie clinique-
ment évidente.
Les troubles de la coagulation retrouvés chez la plupart des
patients cirrhotiques ne constituent pas une contre-indication à
la ponction. Il n’y a pas de limite des paramètres de la coagu-
lation au-delà de laquelle on ne peut pas ponctionner [15, 16].

Complications
Les complications surviennent dans moins de 1 % des cas
(hématome de la paroi abdominale ou fuite du liquide d’ascite
.
postponction). Les complications plus sérieuses (hémopéritoi-
nes, perforations intestinales par l’aiguille à ponction) sont
exceptionnelles (inférieures à 1/1000 paracentèses) [22].

■ Ponction articulaire du genou


La ponction articulaire revêt un double intérêt diagnostique
et thérapeutique, que le contexte soit médical ou traumatologi-
que. Aux urgences, seule la ponction de genou est de pratique
courante. La taille et la position superficielle de cette articula-
tion rendent le geste facile. La cavité synoviale du genou, qui
est la plus grande de l’organisme, devient encore plus accessible
lorsqu’un épanchement la met sous tension (Fig. 4A).
Cette grande accessibilité explique la multitude des voies de Figure 4.
ponction qui ont été décrites [23]. Celles-ci sont toutes péripa- A. Coupe sagitale du genou droit. 1. Fémur ; 2. récessus suprapatellaire ;
tellaires. Le taux de réussite dépend du bon positionnement de 3. tendon quadricipital ; 4. patella ; 5. bourse prépatellaire ; 6. ligament
l’aiguille mais aussi directement du volume liquidien intra- patellaire ; 7. corps adipeux de Hoffa ; 8. aire intercondylaire antérieure ;
articulaire, la distension de la cavité articulaire favorisant son 9. bourse infrapatellaire ; 10. tibia ; 11. artère et veine poplitées ; 12.
exposition. Il a été montré que lors d’infiltrations effectuées sur ligament croisé antérieur.
des genoux secs, seules 30 % étaient réellement intra- B. Ponction du genou, point de ponction supérolatéral.
articulaires [24]. Dans ce travail, la voie suprapatellaire apparais-
sait comme la plus fiable. Les autres voies n’en sont pas pour
autant à exclure. Qu’elles soient latérale, médiale ou antérieure, Voies d’abord
chacune d’elles a ses adeptes et l’expérience du praticien prime
sur le dogme. Il est recommandé de connaître au moins une Voie suprapatellaire
alternative à sa technique favorite afin de faire face à une Le patient est en décubitus dorsal, genou en extension. Le site
situation la contre-indiquant (plaie, attitude antalgique) ou en de ponction se situe un centimètre au dessus et en dehors du
cas d’échec. coin supérolatéral de la patella. L’aiguille est introduite perpen-
Comme pour toute ponction, les règles d’asepsie doivent être .11
diculairement à la jambe et parallèlement au plan du brancard ;
scrupuleusement respectées. une progression de un à deux centimètres est suffisante pour
La peau doit être propre avant que l’antiseptique ne soit atteindre le cul de sac sous quadricipital (Fig. 4B).
appliqué. Ces précautions mises en œuvre, le risque de compli-
cation infectieuse est très faible (0,1‰). L’hypocoagulabilité Voie latéropatellaire
pathologique ou thérapeutique ne contre-indique pas cette Le patient est en décubitus dorsal, genou en extension. Le site
ponction. de ponction se situe 1 cm en dehors et en dessous du coin
supérolatéral de la patella. L’aiguille est introduite perpendicu-
Matériel lairement à la jambe et parallèlement au plan du brancard ; une
progression de un à deux centimètres est suffisante pour
Aiguille longue de 18 à 21G et seringue de 10 ou 20 ml. atteindre la cavité articulaire.

Médecine d’urgence 5
25-010-F-20 ¶ Ponctions aux urgences

Une variante médiale est possible. L’aiguille est dirigée en [4] Thomas SR, Jamieson DR, Muir KW. Randomised controlled trial of
dehors et légèrement vers l’avant en suivant le condyle médial. atraumatic versus standard needles for diagnostic lumbar puncture.
L’innervation locale plus riche rend la ponction plus BMJ 2000;321:686-90.
douloureuse. [5] Sharma A. Preventing headache after lumbar puncture. BMJ 1998;317:
1588.
Voie antérieure [6] Ellenby MS, Tegtmeyer K, Lai S, Braner DA. Videos in clinical
medicine. Lumbar puncture. N Engl J Med 2006;355:e12.
Le patient est en décubitus dorsal, genou fléchi à 90° ou assis [7] Simon RR, Brenner BE. In: Emergency procedures and technique.
jambes pendantes. La ponction s’effectue 1,5 cm en dessous de Neurosurgical procedures. Philadelphia: Lippincott-Williams and
la pointe de la patella et 1,5 cm en dehors du tendon rotulien. Wilkins; 1994; p. 167-74.
L’aiguille est dirigée en dedans vers l’échancrure intercondy- [8] Deibel M. Reinsertion of the stylet prior to needle removal in diagnostic
lienne. Cette voie peut être intéressante, au décours d’un lumbar puncture. http://www.bestbets.org.
traumatisme, lorsque la position antalgique est en flexum [25]. [9] Evans R, Armon C, Frohman E. Assessment: prevention of post lumbar
En revanche, la cavité articulaire est parfois difficile d’atteinte puncture headaches: report of the therapeutics and technology
du fait de l’interposition du corps adipeux de Hoffa. assessment subcommittee of the American Academy of Neurology.
Neurology 2000;55:909-14.
[10] Teece S. Bedrest after lumbar puncture. http://www.bestbets.org.
Indications [11] Muldoon T. Lumbar puncture and headache. Obtaining fluid samples
and measuring intrathecal pressure may require different approaches.
La ponction articulaire est indiquée pour confirmer le BMJ 1998;316:1018.
diagnostic d’arthrite septique, inflammatoire, microcristalline ou [12] Roberts JR, Hedges JR. Clinical procedures in emergency medicine.
l’existence d’une hémorragie généralement post-traumatique. Philadelphia: WB Saunders; 2006.
L’évacuation d’une hémarthrose post-traumatique, tendue, [13] Lemarié E, Abou-Hamdan K, Belleguic C, Bohadana A, Bonnaud F,
douloureuse doit être réalisée en urgence. Bréchot JM, et al. La pneumologie fondée sur les preuves. Paris:
Éditions Margaux-Orange; 2005 (398p).
Contre-indications [14] Gauttier JJ, Balduc P, Carmier Y, Nadeau P. Pneumologie clinique.
Montréal: Les Presses Universitaires de Montréal; 2002.
Il convient de ne pas piquer à travers une lésion cutanée, en [15] Runyon BA. Paracentesis of ascitic fluid: a safe procedure. Arch Intern
particulier celles consécutives à un traumatisme lorsque l’éva- Med 1986;146:2259-61.
cuation d’une hémarthrose est indiquée. [16] McVay PA, Toy PT. Lack of increased bleeding after paracentesis and
Une fracture du genou constitue une contre-indication thoracentesis in patients with mild coagulation abnormalities. Transfu-
.
relative à la ponction. En cas de présence de matériel prothéti- sion 1991;31:164-71.
que, le risque d’inoculation expose à des complications [17] Such J, Runyon BA. Spontaneous bacterial peritonitis. Clin Infect Dis
redoutables. 1998;27:669-76.
[18] Lafond P, Viallon A, Zeni F, Tardy A, Da Costa A, Page Y, et al. Justi-
fication de la ponction d’ascite systématique chez le patient cirrhotique
admis aux urgences. Presse Med 1995;24:531-3.
■ Conclusion [19] Herrine S, Runyon BA. Paracentesis. In: Merli GJ, Di Marino AJ,
editors. The clinics atlas of offıce procedures. Philadelphia: WB
Le recours aux ponctions est souvent d’une grande utilité tant Saunders; 1999. p. 285.
sur le plan diagnostique que thérapeutique. L’efficacité et [20] Shaheen NJ, Grimm IS. Comparison of the Caldwell needle/cannula
l’innocuité du geste passent par un respect des indications et with Angiocath needle in large volume paracentesis. Am J Gastro-
des contre-indications et une maîtrise parfaite des techniques enterol 1996;91:1731-3.
recommandées. Seule la rigueur protège le praticien d’éventuel- [21] Nazee SR, Dewbre H, Miller AH. Ultrasound-assisted paracentesis
les complications. performed by emergency physicians vs the traditional technique: a
.
prospective, randomized study. Am J Emerg Med 2005;23:363-7.
[22] Webster ST, Brown KL, Lucey MR, Nostrant TT. Hemorrhagic com-
■ Références plications of large volume abdominal paracentesis. Am J Gastroenterol
1996;91:366-8.
[1] Ponction lombaire. http://www.mcgill.ca/emergency/links. [23] Boyer T, Legré V. Infiltration et ponction du genou. Rev Rhum Mal
[2] Carli P, Riou B, Télion C. Urgences médicochirurgicales de l’adulte. Osteoartic 2006;73:576-81.
Paris: Arnette; 2000. [24] Boyer T, Hamadmad S. Les infiltrations intra-articulaires sont-elles
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puncture in suspected meningitis- is it helpful? N Engl J Med 2001;345: [25] Brenner S. Orthopedic procedures. In: Emergency procedures and tech-
1768-70. niques. Baltimore: Williams and Wilkins; 1994.

M. Raphaël (mraphael@ch-montfermeil.fr).
E. Zamparini.
B. Chinardet.
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier, 93370 Le Raincy-Monfermeil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Raphaël M., Zamparini E., Chinardet B. Ponctions aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-F-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Médecine d’urgence
 25-010-G-10

Prise en charge de la douleur aiguë


en urgence
M. Galinski, S. Beaune, F. Lapostolle, F. Adnet

En médecine d’urgence, la douleur aiguë est une réalité qui concerne la majorité des patients. Il est admis
que sa prise en charge est une urgence du fait de ses effets potentiellement délétères. Cette prise en
charge doit être individualisée, c’est-à-dire adaptée à la douleur, au patient et à la pathologie causale.
L’évaluation de la douleur et la mesure de son intensité sont indispensables à une bonne prise en charge
mais doivent être adaptées à chaque patient. La prise en charge de la douleur repose sur la multimodalité,
utilisant des moyens pharmacologiques et non pharmacologiques, avec notamment un accompagnement
et une attitude empathique du soignant. La morphine est un antalgique majeur dont l’utilisation pourrait
être davantage étendue moyennant des procédures précises et une formation adéquate des soignants.
Par ailleurs, les douleurs des soins et des gestes doivent être anticipées. Certains gestes nécessitent une
réelle sédation qui doit être parfaitement maîtrisée par les équipes soignantes afin de limiter le risque
d’effets indésirables.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Douleur aiguë ; Évaluation ; Multimodalité ; Titration de morphine ; Analgésie-sédation procédurale

Plan cas [2] . Aux urgences pédiatriques, dans un travail un peu ancien,
l’incidence était 69 %, avec 48 % de douleurs intenses chez les
■ Introduction 1 enfants de plus de 4 ans [3] . En médecine d’urgence extrahospita-
lière, l’incidence est un peu plus faible (de l’ordre de 40 %), avec
■ Prise en charge de la douleur 1
des douleurs intenses à sévères chez plus de 60 % des patients,
Douleur 1
aussi bien chez les enfants que chez les adultes [4–6] .
Pathologie 3
Malgré cette fréquence élevée et cette sévérité, toutes les études
Patient 3
concordent pour montrer que la prise en charge de la douleur
Contexte 3
aux urgences est inadaptée. Guéant et al. ont montré que 30 %
■ Traitement 3 des patients avec une douleur sévère ne recevaient aucun traite-
Principes du traitement antalgique 4 ment [2] .
Multimodalité 4 Or, la douleur aiguë est associée à des complications graves
Titration 5 en lien avec le stress (complications cardiovasculaires et respira-
Entretien de l’analgésie 5 toires), à des modifications de la perception nociceptive lors de
Douleurs dues à la réalisation d’un geste en urgence 5 stimulations ultérieures ou à une chronicisation [7–10] . Il semble
■ Antalgiques disponibles en médecine d’urgence 6 dès lors évident qu’elle doit être rapidement et efficacement prise
Antalgiques non opioïdes 6 en charge.
Opioïdes 7
Kétamine et « analgésie » 8
Analgésie locale et locorégionale 8  Prise en charge de la douleur
■ Analgésie-sédation procédurale 9
■ Traitement non médicamenteux 9 La prise en charge de la douleur aiguë doit prendre en compte
Moyens physiques 9 quatre éléments : la douleur, la pathologie, le patient et le contexte
Approche psychologique 10 dans lequel elle se manifeste.
■ Conclusion 10
Douleur
Pour l’International Association for the Study of Pain (IASP),
 Introduction « la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désa-
gréable liée à un dommage tissulaire réel ou potentiel, ou décrite
L’incidence de la douleur aiguë aux urgences est de 60 à 80 %. en ces termes » (1979). Cette définition exprime bien le fait qu’il
C’est la raison principale de consultation pour près de 80 % des y a bien sûr des éléments neurologiques liés à la stimulation noci-
patients adultes [1] . Cette douleur est sévère dans plus de 40 % des ceptive à l’origine de la sensation de douleur. Mais il y a aussi des

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 10 > n◦ 3 > septembre 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(15)59017-X
25-010-G-10  Prise en charge de la douleur aiguë en urgence

Tableau 1.
Questionnaire de diagnostic d’une douleur neuropathique.
Question 1 : la douleur présente-t-elle une ou plusieurs des caractéristiques suivantes ? Oui Non
1. Brûlure  
2. Sensation de froid douloureux  
3. Décharges électriques  
Question 2 : la douleur est-elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ?
4. Fourmillements  
5. Picotements  
6. Engourdissements  
7. Démangeaisons  
Question 3 : la douleur est-elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence :
8. Hypoesthésie au tact ?  
9. Hypoesthésie à la piqûre ?  
Question 4 : la douleur est-elle provoquée ou augmentée par :
10. Le frottement a ?  
a [13]
Parmi ces dix items, la présence d’au moins quatre permet de suspecter une douleur neuropathique .

éléments propres à chaque individu intégrant son comportement, en fonction de l’intensité ressentie. L’autre face est réservée au
son niveau d’anxiété et ses expériences douloureuses antérieures. soignant et est graduée de 0 à 100 mm, ce qui permet de chif-
Cette part émotionnelle signe la nécessité d’avoir une approche frer ce que le patient a indiqué avec le curseur. Un des intérêts
personnalisée de la douleur. revendiqués de cette échelle est que le patient n’a pas de chiffre
à mémoriser. Cela permet de répéter les mesures indépendam-
Mécanismes de la douleur ment les unes des autres, a priori. Cette échelle est fiable et
reproductible, comme l’ont démontré Bijur et al. [17] . Son utili-
La prise en charge prend en compte la douleur elle-même, c’est- sation est simple et faisable dans plus de 80 % des cas en situation
à-dire son mécanisme et son intensité. En médecine d’urgence, le d’urgence [18, 19] .
mécanisme est essentiellement nociceptif, secondaire à une réac- Par ailleurs, c’est avec cette même échelle que Todd et al. ont
tion inflammatoire, un traumatisme ou une lésion viscérale [11] . démontré qu’une variation moyenne de 13 mm était associée à
Cependant, dans près de 20 % des cas, il peut y avoir un méca- un changement cliniquement perceptible de l’intensité de la dou-
nisme neurogène [12] . Cela peut avoir des conséquences en termes leur [20] .
de traitement et il est utile d’y penser, notamment devant un Échelle numérique. Le patient doit définir son niveau de dou-
échec thérapeutique. Pour faire le diagnostic de douleur neuro- leur entre 0 et 10 tel que : « 0 correspond à l’absence de douleur
pathique, il faut utiliser l’échelle DN4 [13] (Tableau 1). Il a été et 10 à la douleur la pire imaginable ». Cette échelle est fiable,
récemment démontré aux urgences que, lors d’une douleur de ne nécessite pas d’outil particulier et est réalisable dans 96 % des
mécanisme neurogène d’intensité sévère, la morphine pouvait cas [18] . Par ailleurs, l’EN a une forte corrélation avec l’EVA [18, 21] .
être efficace [14] .
Échelle verbale simple. Il s’agit d’une échelle proposant au
patient cinq items : pas de douleur ; douleur légère ; douleur modé-
Mesure de l’intensité de la douleur rée ; douleur intense ; douleur horrible. L’item choisi est rattaché
La mesure de l’intensité de la douleur est indispensable à une ensuite par le soignant à un chiffre entre 0 à 4, respectivement de
analgésie adaptée. En réanimation, la simple évaluation de la dou- « pas de douleur » à « douleur horrible ».
leur était associée à une diminution de la durée de ventilation Cette échelle a le grand avantage d’être très simple, facile
mécanique et de séjour en réanimation. Cette évaluation permet- à comprendre et reproductible avec un taux de faisabilité de
tait en effet de proposer une analgésie adaptée au patient et surtout 89 % [18] . Elle a le défaut d’être peu sensible puisque offrant une
de limiter l’usage inutile de sédatifs [15] . faible amplitude de réponses.
La puissance des antalgiques utilisés et les modalités de mise en En pratique, l’EN est privilégiée. Si elle n’est pas comprise, il
place dépendront de l’intensité de la douleur. La consommation faudra essayer l’EVA puis l’EVS. Au total, tous les patients com-
de morphine nécessaire pour soulager la douleur est corrélée, fai- municants pourront être évalués.
blement mais positivement, à l’intensité initiale de la douleur [16] . Classification de l’intensité de la douleur et objectif théra-
La mesure de l’intensité de la douleur est donc une étape essen- peutique. L’intensité de la douleur est catégorisée selon trois
tielle avant la mise en place d’un traitement ainsi que pour le suivi niveaux :
de son efficacité. Cependant, l’outil de mesure doit être adapté au • EVA ≤ 30 ou EN ≤ 3 ou EVS = 1-2 : douleur faible ;
patient. • EVA > 30 ou EN > 3 ou EVS = 3 : douleur modérée à intense ;
• EVA ≥ 60 ou EN ≥ 6 ou EVS = 4 : douleur sévère.
Autoévaluation Cela permet aussi de se donner un objectif thérapeutique en
Contrairement à la douleur chronique pour laquelle des moda- définissant un niveau de soulagement : EVA ≤ 30 ou une EN ≤ 3
lités d’évaluation multidimensionnelles sont indispensables, des ou une EVS < 2.
échelles unidimensionnelles sont efficaces et a priori suffisantes Autoévaluation chez les enfants. Comme pour les adultes,
pour les douleurs aiguës. l’autoévaluation doit être privilégiée chez l’enfant. Il est évident
Il faut privilégier l’autoévaluation. Aucun signe clinique ou que cela va dépendre de son âge. À partir de 3 ans, les enfants
comportemental ne permet d’apprécier aussi précisément le sont potentiellement capables de différencier des niveaux de gran-
niveau de douleur que le patient lui-même. Pour le patient adulte, deur. Mais plus ils sont jeunes, plus le niveau de réponse est
trois échelles ont été validées en médecine d’urgence : l’échelle binaire. Avant l’âge de 8 ans, les enfants favorisent les extrêmes
visuelle analogique (EVA), l’échelle numérique (EN) et l’échelle puisque entre 4 et 7 ans, 35 % d’entre eux favorisent des intensités
verbale simple (EVS). extrêmes de la douleur contre 4 % entre 8 et 12 ans [22] .
Échelle visuelle analogique. L’EVA est une règle à deux faces À partir de 4 ans pour certains enfants, et plus sûrement à partir
qui doit être présentée horizontalement au patient. Une face est de 6 ans, il est recommandé d’utiliser l’EVA, présentée vertica-
réservée au patient et il y est inscrit à chaque extrémités sans lement [23] . Cependant, entre 4 et 6 ans, les experts de la Haute
aucune autre indication : « aucune douleur » et « pire douleur ima- Autorité de santé recommandent d’y associer l’échelle modifiée
ginable ». Il va positionner un curseur entre ces deux extrémités des visages.

2 EMC - Médecine d’urgence


Prise en charge de la douleur aiguë en urgence  25-010-G-10

Tableau 2.
Échelle Algoplus a .
Oui Non
1. Expression faciale : froncement des sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées, visage figé  
2. Regard : inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs, yeux fermés  
3. Plaintes : « aie/ouille », « j’ai mal », gémissements, cris  
4. Corps : retrait ou protection d’une zone, refus de mobilisation, attitudes figées  
5. Comportements : agitation, agressivité, agrippement  
Total de oui sur 5
a
Cocher Oui ou Non en fonction de la présence ou non de chacun des items, sans a priori. Le seuil thérapeutique est de 2/5.

Échelle modifiée des visages. Cette échelle représente six forts. Cependant, pour certaines pathologies, une douleur aiguë
visages, du neutre au très grimaçant. C’est l’enfant qui choisit sévère peut être efficacement soulagée avec un antalgique de
le visage correspondant le mieux à la douleur qu’il ressent [24] . « palier 1 ». C’est le cas des coliques néphrétiques pour lesquelles
L’instruction doit être : « Ce sont des personnes qui ont mal, les AINS sont les antalgiques de première intention. C’est le cas
montre-moi le visage qui a autant mal que toi. » aussi des crises migraineuses, efficacement soulagées par les AINS
Attention, cette échelle ne sert pas de comparatif entre les ou des algies vasculaires de la face dont l’analgésie repose sur
visages de l’échelle et le visage de l’enfant ! Cette modalité l’administration d’un triptan et/ou l’oxygénothérapie.
d’utilisation n’a aucune validité.
Une variation d’un visage entre deux mesures est considérée Patient
être une différence significative. Cette échelle peut être utilisée
seule à partir de 6 ans. Les conditions physiologiques et/ou pathologiques du patient
Chez les plus petits, entre 3 et 4 ans, on peut proposer l’échelle vont déterminer aussi la nature des antalgiques et les modalités
des jetons de poker (poker chip tool) dans la mesure où ils sont de leur utilisation (contre-indications, adaptation de posologie,
capables de différencier plusieurs niveaux d’intensité. Quatre etc.). Chez les patients âgés, voire très âgés, il faut être très pru-
jetons sont présentés à l’enfant avec l’instruction suivante : dent, particulièrement s’il y a des signes de fragilité (dénutrition,
« Chaque jeton représente un morceau de ta douleur. Prends dépendance, comorbidités) [28] . Une étude faite en postopératoire
autant de jeton que tu as de douleur. Quatre jetons, c’est la douleur a montré que les patients âgés (65 ans et plus) n’avaient pas
la plus forte que tu peux avoir » (seuil de traitement : 2 jetons). moins mal que les plus jeunes et que la dose moyenne de mor-
phine titrée nécessaire pour les soulager n’était pas non plus
Hétéroévaluation
différente [29] . En clair, il faut probablement limiter la prescrip-
Aussi bien chez l’adulte que chez l’enfant, il est des situations tion d’AINS chez les plus âgés (altération physiologique de la
dans lesquelles l’autoévaluation est impossible à réaliser. Chez fonction rénale, augmentation du risque d’hémorragie) et adap-
l’adulte, cela concerne le plus souvent des patients âgés incapables ter les modalités de titration de morphine chez les plus fragiles.
de communiquer, que ce soit du fait de troubles cognitifs ou d’une Les patients très âgés (de plus 85 ou 90 ans), pour lesquels il
complication neurologique les empêchant de verbaliser (consé- n’y a quasiment pas de littérature, et les patients non commu-
quences d’un accident vasculaire cérébral, par exemple) [25] . Chez nicants font parties de cette catégorie. Devant une suspicion de
l’enfant, cela concerne évidemment les plus petits mais aussi des douleur intense chez un patient âgé fragile et/ou incapable de
enfants plus âgés qui ne comprennent pas les échelles. communiquer verbalement, la morphine peut être administrée
Les deux échelles comportementales concernées sont Algoplus mais sous certaines conditions. Ce n’est certainement pas une
pour les personnes âgées non commmunicantes et EVENDOL contre-indication mais l’administration doit être prudente. Par
(évaluation enfant douleur) pour les enfants de 0 à 7 ans. exemple, chez des patients non communicants, on peut propo-
Algoplus. Cette échelle comportementale a été validée pour ser d’injecter 0,5 à 1,5 mg par voie intraveineuse de morphine,
une population de patients âgés de 65 ans et plus incapables de avec une surveillance rapprochée, et d’évaluer l’évolution du score
communiquer verbalement [25] . Il s’agit de l’exploration de cinq d’Algoplus (test thérapeutique).
groupes d’items liés à l’observation du patient, la présence de deux Lors de la grossesse, de nombreux antalgiques sont contre-
items signant une douleur (Tableau 2). indiqués ou à éviter, en fonction du terme. Le site du Centre de
Il n’existe pas d’échelle comportementale validée permettant référence des agents tératogènes doit être consulté régulièrement
l’évaluation d’une douleur aiguë en médecine d’urgence chez pour s’informer sur l’évolution des connaissances sur ce sujet [30] .
les adultes jeunes non communicants (patients psychotiques par Le Tableau 4 synthétise l’utilisation possible des différents antal-
exemple). giques pendant la grossesse et l’allaitement (2014).
EVENDOL. Il s’agit d’une échelle comportementale spécifi-
quement construite pour évaluer la douleur aiguë des enfants de
0 à 7 ans aux urgences [26] . Elle est basée sur l’évaluation de cinq Contexte
items cotés de 0 à 3 en fonction de l’importance de la présence
La mise en place de protocoles antalgiques doit tenir compte des
du signe analysé. Cette évaluation doit se faire à trois temps dif-
particularités locales. Par exemple, l’administration de morphine
férents, au repos (avant de toucher l’enfant), lors de l’examen ou
par voie intraveineuse nécessite une logistique spécifique pour que
lors de la mobilisation et après traitement antalgique. EVENDOL
la surveillance soit efficace. Lors de la titration intraveineuse, la
a été validée aussi en médecine d’urgence extrahospitalière. Les
surveillance doit se faire toutes les cinq minutes.
résultats sont en cours de publication (2015) [27] (Tableau 3).
En cas de survenue d’un effet indésirable grave comme une
dépression respiratoire, il faut mettre rapidement en place une
Pathologie procédure spécifique comprenant l’alerte, l’oxygénothérapie et
la préparation de naloxone. Tout cela n’est possible qu’en pré-
L’Organisation mondiale de la santé avait classé l’intensité des sence d’un personnel soignant disponible et formé. Dans le cas
douleurs chroniques cancéreuses en trois paliers d’importance contraire, il n’est pas possible de proposer ce type de traitement.
croissante auxquels correspondaient des antalgiques de plus en
plus puissants. Les antalgiques du palier 1 comprenaient le paracé-
tamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l’aspirine et  Traitement
maintenant le néfopam, ceux du palier 2 le tramadol et la codéine.
On pourrait y placer le mélange équimolaire d’oxygène et de pro- Les approches antalgiques et diagnostiques doivent être simul-
toxyde d’azote (MEOPA). Au palier 3, on retrouvait les opioïdes tanées. Il a été clairement démontré qu’une analgésie précoce

EMC - Médecine d’urgence 3


25-010-G-10  Prise en charge de la douleur aiguë en urgence

Tableau 3.
Critères pour l’évaluation de l’échelle EVENDOL (évaluation enfant douleur) (seuil thérapeutique : 4/15) [26] .
Absent Faible ou Moyen ou la Fort ou quasi Évaluation à l’admission Évaluations suivantes
passager moitié du temps permanent et/ou après analgésie
Repos Lors de R/M R/M
l’examen ou de
la mobilisation
Expression verbale : pleure 0 1 2 3
et/ou crie et/ou gémit et/ou
dit qu’il a mal
Mimiques : front plissé 0 1 2 3
et/ou sourcils froncés et
/ou bouche crispée
Mouvements : s’agite et/ou 0 1 2 3
se raidit et/ou se crispe
Positions : attitude 0 1 2 3
inhabituelle et/ou
antalgique, se protège
et/ou reste immobile
Interaction avec Normal Faible Très faible Absent
l’environnement : peut être 0 1 2 3
consolé et/ou s’intéresse
aux jeux et/ou
communique avec
l’entourage
Remarques Total/15
Date et heure
Signature

Tableau 4.
Utilisation des antalgiques pendant la grossesse et l’allaitement (d’après [30] ) (à consulter régulièrement).
Nombre de SA 0–12 13–20 21–36 > 37 Allaitement
Antalgiques
Paracétamol Oui Oui Oui Oui Oui
Néfopam Possible Possible Possible Oui Oui < 48 h post-partum, au-delà,
suspendre l’allaitement
Codéine Oui Oui Oui Risque de sevrage du nouveau-né Oui
Morphine Oui Oui Oui Risque de sevrage du nouveau-né Oui
Corticoïdes Oui Oui Oui Oui Oui
Antidépresseurs Oui Oui Oui Imprégnation du nouveau-né
Antiépileptiques Non ? Non ? Non Non
Migraine : Oui Oui Oui Oui
– sumatriptan
– triptans
Pizotifène Non Oui Oui Oui
Antispasmodiques Oui Oui Oui Oui
Tramadol Non Oui, cure courte Oui, cure courte Oui, cure courte Suspendre allaitement si
utilisation prolongée
Aspirine Possible mais bref Possible mais bref Non Non Possible mais bref
AINS Éviter Éviter Non Non Possible

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens ; SA : semaines d’aménorrhée.

et efficace (avec de la morphine) lors d’une douleur abdominale Multimodalité


aiguë ne modifie ni le diagnostic final ni l’efficacité du traitement
étiologique [31, 32] . L’association de plusieurs antalgiques de modes d’action dif-
férents améliore l’analgésie [33] . Une méta-analyse a montré que
Principes du traitement antalgique l’association d’un AINS et de morphine permettait d’obtenir une
épargne morphinique de 30 à 50 %, une diminution du taux
La mise en place de l’analgésie comprend deux phases. Une d’effets indésirables dus à la morphine et une amélioration du
phase d’induction dont l’objectif est un soulagement le plus rapi- soulagement de la douleur dans certains cas [34] . Le mécanisme
dement possible. La phase d’entretien débute dès que l’analgésie de ces interactions est soit additif, soit synergique. L’association
est stabilisée. Elle est basée sur une planification des prescriptions entre kétoprofène et néfopam utilisée en postopératoire a per-
adaptées au patient et à sa pathologie. La douleur aiguë s’estompe mis une diminution spectaculaire de la dose nécessaire des deux
avec le traitement étiologique et l’entretien doit tenir compte de antalgiques par rapport à la dose de chacun d’eux utilisés sépa-
cette évolution « spontanée » (par exemple l’expulsion de lithiases rément [35] . L’interaction de ces médicaments était clairement
rénales). synergique. En revanche, une étude similaire associant paracé-
Les deux principes de base de l’analgésie sont : la multimodalité tamol et morphine montrait une interaction seulement additive
et la titration de morphine lorsque celle-ci est nécessaire. entre ces deux molécules [36] . En clinique, un travail déjà ancien

4 EMC - Médecine d’urgence


Prise en charge de la douleur aiguë en urgence  25-010-G-10

avait montré que la combinaison de paracétamol, de kétoprofène Tableau 5.


et de morphine après chirurgie discale lombaire permettait de Surveillance du niveau de sédation avec l’échelle de sédation (EDS) [49] .
réduire significativement la douleur au mouvement et la consom- EDS 0 Éveillé
mation cumulée de morphine dès la première heure et pendant
EDS 1 Somnolent mais facilement réveillable
les 48 heures que durait le recueil par rapport au groupe morphine
seul ou morphine-paracétamol [37] . En médecine d’urgence, lors EDS 2 Très somnolent, réveillable à la voix
d’une colique néphrétique, l’association morphine et AINS était EDS 3 Très somnolent, réveillable à la stimulation tactile
plus efficace en termes de soulagement et d’épargne morphinique
que les deux molécules utilisées séparément [38] .
Cette multimodalité concerne aussi les traitements non phar- fréquence de cette surveillance est rythmée par la titration elle-
macologiques. Les recommandations actualisées en 2004 du même, c’est-à-dire toutes les cinq minutes lors de l’administration
traitement des entorses non graves de cheville préconisaient intraveineuse.
d’associer des antalgiques (AINS, paracétamol), du repos, un
glaçage (ice), une contention et l’élévation de la jambe (proto-
cole RICE) [39, 40] . Par ailleurs, le comportement du soignant peut Entretien de l’analgésie
avoir un impact sur la qualité de l’analgésie et le niveau d’anxiété
du patient. Ainsi, Lang et al. ont montré que, lors d’un geste Alors que les antalgiques de palier 1 doivent être adminis-
de radiologie interventionnelle, l’accompagnement du patient trés systématiquement avec des délais dépendant de leur durée
par un soignant plus une autohypnose étaient associés à une d’action, l’administration répétée d’un opioïde est rythmée par
réduction de l’intensité douloureuse et de l’anxiété tout au long la présence ou non d’une douleur. La phase d’entretien ne peut
de la procédure par rapport à des patients sans accompagne- débuter qu’une fois le patient soulagé et doit être adaptée en per-
ment [41] . manence à ses besoins. La dose totale de morphine reçue lors de
Au total, il est licite de proposer des associations thérapeutiques la titration n’est pas prédictive de la dose quotidienne nécessaire
(médicamenteuses et non médicamenteuses) devant toute dou- lors de l’entretien.
leur, qu’elle soit modérée ou sévère, en adaptant pour chaque cas Il existe trois modalités thérapeutiques : la voie intraveineuse,
la nature des antalgiques (opioïde ou non, par exemple) et le mode la voie sous-cutanée et la voie orale. La voie intraveineuse doit
d’administration (entéral ou parentéral). utiliser impérativement un système d’analgésie contrôlée par le
patient (PCA – patient-controlled analgesia). Dans ce cas, le patient
s’administre lui-même de la morphine quand il en ressent le
Titration besoin. Mais cette méthode nécessite un système spécifique de
pompe informatisée ou mécanique (systèmes à usage unique)
La titration consiste en l’administration répétée de doses faibles et un personnel soignant formé à son utilisation et sa sur-
par voie intraveineuse ou orale de morphine (opioïde de référence veillance. Les doses habituellement prescrites sont 1 mg par bolus
en médecine d’urgence) jusqu’à l’obtention du soulagement. (0,015 mg/kg chez l’enfant) avec une période réfractaire de sept
La titration de morphine est indispensable car il est impossible minutes. La PCA est utilisable dès l’âge de 5 à 7 ans, en fonction des
de prévoir la dose nécessaire pour soulager un patient donné du enfants. La pompe est programmée par un médecin ou une infir-
fait de la très grande variabilité interindividuelle. Cela a été parfai- mière sur prescription et est verrouillée par un code qui permet de
tement démontré en postopératoire mais aussi aux urgences [16, 42] . contrôler l’accès à la programmation et d’éviter des modifications
Aux urgences, après un bolus unique de 0,1 mg/kg de morphine, non souhaitables (pour les systèmes électroniques).
67 % des patients avaient une réduction de l’intensité doulou- La résorption de morphine administrée par voie sous-cutanée
reuse de 50 % à la 30e minute [43] . L’augmentation de la dose à est rapide (demi-vie d’absorption de 7 à 8 minutes) mais incons-
0,15 mg/kg n’améliorait significativement pas ce résultat [44] . La tante, les pics de concentration pouvant survenir entre quatre
titration de morphine est possible et efficace aux urgences avec minutes et une heure [48] . Cette résorption vasculaire erratique
un taux de soulagement de plus de 80 % [42] . Par ailleurs, on peut est responsable d’une variabilité interindividuelle importante de
se poser la question de l’intérêt de précéder cette titration par une l’action analgésique de la morphine sous-cutanée [48] . Cepen-
dose de charge. En médecine d’urgences extrahospitalière, une dant, cette voie est souvent nécessaire par défaut. En pratique,
étude contrôlée randomisée a comparé deux posologies de mor- l’injection doit être faite lorsque la douleur réapparaît et le délai
phine avec doses de charge (0,1 mg/kg et 0,05 mg/kg) chez des minimal entre deux injections est de quatre heures. Par ailleurs,
patients traumatisés, sans démontrer de différence significative les doses sont adaptées à l’intensité de la douleur : si la douleur
entre les deux groupes [45] . est sévère, la dose est de 10 mg (7,5 mg si poids < 60 kg), et si la
Au total, il est recommandé de faire une titration intraveineuse douleur est intense, de 7,5 mg (5 mg si poids < 60 kg). Une réadap-
de morphine avec l’administration de 3 mg si le poids du patient tation peut se faire au coup par coup en fonction de l’efficacité de
est égal ou supérieur à 60 kg, sinon 2 mg, toutes les cinq minutes la dose précédente.
jusqu’à l’obtention du soulagement [46] . Une dose de charge de Par voie orale, l’entretien consiste en l’administration de 10 mg
morphine de 0,05 à 0,1 mg/kg est possible, notamment chez les de morphine à libération immédiate toutes les quatre à six heures
patients traumatisés sans que sa pertinence soit clairement établie. ou de 1 mg/kg par jour répartie en quatre à six administrations.
Il semble ressortir de différentes études que les patients trauma- Le réajustement de la dose est réalisé en fonction de l’efficacité de
tisés consomment plus de morphine que les patients ayant des la dose précédente, et ce après deux demi-vies (soit 8 heures). Il
douleurs non traumatiques, ce qui pourrait justifier une dose de est basé sur une variation de plus ou moins 25 à 50 % de la dose
charge [5, 42] . précédente.
La titration per os est possible. Chez le patient adulte, elle est
basée sur l’administration de morphine à libération immédiate,
avec une première dose de 10 mg qui sera répétée toutes les heures Douleurs dues à la réalisation d’un geste
éventuellement jusqu’au soulagement. en urgence
L’induction de l’analgésie peut être faite par voie sous-cutanée.
Mais, dans ce cas, une titration n’est pas possible (le délai Aux urgences, 47 % des patients ont des douleurs liées aux
d’absorption étant très aléatoire) [47, 48] . La dose initiale est adap- soins ou à des gestes [1] . Il est nécessaire d’anticiper ces actes et
tée de façon empirique à l’intensité de la douleur. Par exemple, de proposer une analgésie adaptée à chacun d’eux. On peut dis-
en cas de douleur sévère, la première dose est de 10 mg (7,5 mg tinguer deux grands types de procédures douloureuses. Certaines
si poids < 60 kg) et, si elle est intense, de 7,5 mg (5 mg si sont fréquentes et associées à une douleur modérée (ponctions
poids < 60 kg). [artère, lombaire], pose de sonde nasogastrique ou vésicale) ou par-
Lors de la titration, la surveillance comprend une mesure de fois intense (transferts et mobilisation des patients). D’autres sont
la fréquence respiratoire, du niveau de sédation (Tableau 5), de moins fréquentes mais associées à des douleurs sévères (réduction
l’intensité de la douleur et le recueil des effets indésirables. La de fracture ou de luxation, choc électrique externe).

EMC - Médecine d’urgence 5


25-010-G-10  Prise en charge de la douleur aiguë en urgence

Tableau 6.
Analgésie anticipée pour des procédures douloureuses.
Procédure Traitement
Ponction veineuse (prélèvement Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
sanguin, cathétérisation veineuse) MEOPA en fonction du patient et de son état. Distraction
Ponction pour anesthésie locorégionale Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
MEOPA en fonction du patient et de son état
Lidocaine 1 % sous-cutanée sans adrénaline au point de ponction
Ponction artérielle [50] En urgence : lidocaïne 1 % en sous-cutané sans adrénaline au point de ponction
Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
Cathétérisation d’une veine centrale Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
MEOPA en fonction du patient et de son état
Lidocaïne 1 % sous-cutané sans adrénaline au point de ponction. Localisation par échographie
Ponction lombaire Crème anesthésiante (au moins 90 min avant le geste)
MEOPA en fonction du patient et de son état
Prévention des céphalées postponction : aiguille fine (25 ou 26 G) ; aiguille atraumatique
(pointe-crayon) ; remise en place du mandrin avant de retirer l’aiguille
Pose d’une sonde nasogastrique [51] Repérer la narine la plus « perméable »
5 ml de lidocaïne 2 % gel dans la narine 5 min avant la pose
Patient se gargarise avec le gel quand il atteint le pharynx puis l’avale
Pose d’une sonde vésicale 5 ml de lidocaïne 2 % gel spécifique administré dans l’urètre 5 min avant le geste
Mobilisation d’un membre fracturé [46] Titration de morphine
MEOPA 5 min avant la mobilisation
Anesthésie locorégionale si possible
Sédation : kétamine 0,5 mg/kg intraveineux à renouveler si nécessaire (en l’absence de contre-indication)
Exploration et suture de plaies MEOPA
Anesthésie locorégionale

MEOPA : mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote.

Quelques modalités antalgiques anticipatoires sont proposées à six heures [53] . Son métabolisme est hépatique et son élimina-
au Tableau 6. tion urinaire. Son mode d’action repose sur le renforcement du
contrôle inhibiteur descendant nociceptif par inhibition de la
recapture des monoamines [54] . Ses contre-indications sont dues
 Antalgiques disponibles en partie à ses effets atropiniques. Les effets indésirables sont
fréquents, dépendant, notamment, de la vitesse d’injection. Ils
en médecine d’urgence sont efficacement réduits par une administration continue sur
24 heures après une dose de charge initiale administrée sur une
Antalgiques non opioïdes période d’au moins 20 minutes.
En pratique, sa posologie d’induction est de 20 mg et d’entretien
Paracétamol de 80 à 120 mg en continu par 24 heures. Plusieurs études
C’est pratiquement le seul antalgique pouvant être utilisé en cliniques ont montré que le néfopam permettait de réduire signi-
cas de douleur aiguë, sans restriction, n’ayant quasiment aucune ficativement la consommation de morphine, notamment lors
contre-indication (hormis l’insuffisance hépatocellulaire aiguë) et de la période de titration [55, 56] . L’interaction avec les AINS est
ayant un large index thérapeutique puisque sa toxicité hépatique synergique [35] . En revanche, du fait de modalité d’action similaire
est associée à des doses dépassant 100 à 150 mg/kg. Il peut être (augmentation du tonus sérotoninergique), il n’est pas recom-
utilisé seul lors de douleurs faibles ou modérées et en association mandé de l’associer au tramadol [57] .
lors de douleurs modérées à sévères. Per os, sa biodisponibilité est
de 80 %. Son délai d’action est de 15 minutes par voie intravei- Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde
neuse et de 30 minutes per os. Sa durée d’action est de quatre à d’azote
six heures. Son métabolisme est hépatique et son élimination uri- Il s’agit d’un gaz incolore, inodore et non inflammable (à tem-
naire. Sa posologie est de 1 g chez l’adulte et de 15 mg/kg chez pérature ambiante), dont l’action est analgésique, anxiolytique et
l’enfant (sans dépasser 1 g), toutes les six heures. sédative [58] . Il est classé parmi les antalgiques de palier 2 et son
intérêt principal réside dans son délai d’action (5 minutes après le
Anti-inflammatoires non stéroïdiens début de l’inhalation) et sa durée d’action (5 minutes après la fin
Ils peuvent être utilisés seuls lors de douleurs faibles ou modé- de l’inhalation). Lors de la réalisation de gestes douloureux, il a été
rées et en association lors de douleurs modérées à sévères. montré efficace, soit seul, soit en association avec d’autres antal-
Cependant, lors d’une colique néphrétique avec une douleur giques en fonction de l’intensité de la douleur provoquée [59–61] .
intense à sévère, ils peuvent être efficaces seuls. Son utilisation Par exemple, lors de soins d’ulcères de jambe chez des personnes
est limitée par un certain nombre de contre-indications et d’effets âgées, le MEOPA seul ou associé à de la morphine était plus effi-
indésirables dont certains peuvent être graves. En premier lieu, il cace que la morphine seule [61] . Aux urgences, une étude a comparé
s’agit du risque d’hémorragies digestives et d’insuffisance rénale. l’association oxycodone-MEOPA-anesthésie locale injectée dans
C’est la raison pour laquelle il faut sélectionner les patients et l’hématome à l’association oxycodone-kétamine-midazolam chez
en limiter la durée de prescription (ne pas dépasser 5 jours), les des enfants avant réduction d’une fracture de l’avant-bras [62] . Il
patients les plus vulnérables étant les personnes âgées [52] . n’y avait pas de différence significative d’intensité de la dou-
leur pendant la procédure entre les deux groupes d’enfants [62] . Le
groupe recevant du MEOPA avait eu moins d’effets indésirables et
Néfopam un réveil plus rapide.
Cet antalgique peut être utilisé seul lors de douleurs faibles ou Le MEOPA peut améliorer l’analgésie des crises vaso-occlusives
modérées et en association lors de douleurs modérées à sévères. des drépanocytaires en association avec de la morphine [63] . De
Sa biodisponibilité per os est de 36 %, son délai d’action de 15 à même, il est efficace lors de la première partie du travail de
20 minutes (par voie intraveineuse) et sa durée d’action de quatre l’accouchement [64] . Mais il est clair que, dans cette situation,

6 EMC - Médecine d’urgence


Prise en charge de la douleur aiguë en urgence  25-010-G-10

ce traitement est rapidement insuffisant. Les limites du MEOPA en titration, à la dose de 1 à 2 ␮g/kg par voie intraveineuse toutes
résident dans ses contre-indications liées essentiellement à la les trois minutes (ou 40 à 80 ␮g chez l’adulte) avec pour objectif
grande diffusion du protoxyde d’azote dans toutes les cavités une fréquence respiratoire supérieure à dix cycles par minute et
closes (Tableau 7). Son utilisation nécessite une formation des un score de sédation de 2 ou plus. Il faut ensuite poursuivre la
soignants et demande une collaboration du patient qui doit être naloxone (1 à 2 ␮g/kg/h) puisque sa durée d’action n’est que de
informé. Celui-ci peut, et c’est le mieux, pratiquer une auto- 45 minutes en moyenne alors que celle de la morphine est d’au
inhalation. Au cours d’une auto-inhalation, la chute de tonus moins quatre heures.
du patient fait tomber le masque, arrêtant spontanément toute Le dropéridol (1,25 mg en intraveineux) est utilisé pour pré-
inhalation. Sur un total de 7511 procédures sous MEOPA chez venir ou traiter nausée, vomissement ou prurit. L’ondansétron
des enfants, le taux d’effets indésirables majeurs était de 0,3 % (4 mg en intraveineux) est efficace pour traiter nausée et vomis-
(désaturation, obstruction des voies aériennes supérieures, apnée, sement, soit d’emblée, soit lorsque le dropéridol est inefficace
bradycardie et sédation profonde) [65] . Tous avaient été réversibles ou contre-indiqué. La nalbuphine peut être utilisée pour traiter
dans les minutes qui suivirent l’arrêt de l’inhalation et les facteurs une rétention urinaire et le prurit secondaire à la morphine. Le
de risque associés étaient l’âge de moins de 1 an et l’association lactulose (à la dose de 10 à 30 g/j [0,25 mg/kg/j chez l’enfant])
morphine-benzodiazépine [65] . Chez les enfants les plus jeunes, il est systématiquement prescrit pour prévenir la constipation, et
faut être particulièrement attentif et cesser toute inhalation en l’oxygène est indiquée chez les patients fragiles, âgés, corona-
présence d’une sédation. Par ailleurs, il faut s’assurer que le débit riens, insuffisants respiratoires. Il n’y a aucune contre-indication
de gaz est suffisant pour alimenter le ballon dans lequel le patient à l’administration d’opioïde, exception faite de l’allergie. Cepen-
respire. dant, les prescriptions doivent être adaptées dans certaines
situations. Les doses sont réduites et/ou la durée des interdoses
augmentée en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, et chez les
Opioïdes patients âgés ayant des facteurs de fragilité.
Les différents opioïdes agonistes purs se distinguent par leur
puissance, leur délai et leur durée d’action (Tableau 8). Deux Morphine
caractéristiques importantes sont cependant partagées par tous :
La morphine est l’opioïde de référence en médecine
l’absence d’effet plafond et l’existence d’un antidote efficace, anta-
d’urgence [46] . Elle a été comparée dans ce contexte à d’autres
goniste pur des récepteurs ␮, la naloxone.
opioïdes, comme l’alfentanil, le fentanyl ou le sufentanil, a priori
plus puissants et avec des délais d’action plus courts [66–68] . Ces
Traitement des effets indésirables études n’avaient pas pu démontrer leur intérêt par rapport à la
La naloxone est l’antidote de référence. Ses indications sont la morphine, d’autant que leur durée d’action est nettement plus
dépression respiratoire et/ou une sédation profonde, le prurit et courte. L’hydromorphone, l’oxycodone et l’hydrocodone ont
la rétention urinaire. Elle est administrée par voie intraveineuse, été évalués aux urgences et comparés à la morphine ou entre
eux [69–71] . Aucun n’a montré d’avantages particuliers.
La morphine peut être administrée par voie entérale et paren-
Tableau 7.
térale. Elle a un haut index thérapeutique, ce qui en fait le leader
Contre-indications du mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde
des antalgiques d’action centrale. Son délai d’action dépend de
d’azote (MEOPA).
la voie d’administration utilisée et ce choix dépend notamment
Emphysème du délai de soulagement désiré (Tableau 6). Pour les douleurs
Syndrome occlusif sévères en urgence, la voie intraveineuse est très rapidement effi-
Sinus et oreille moyenne inflammatoire cace, avec un taux élevé de succès puisque 50 % des patients
Pneumothorax non drainé peuvent être soulagés avec trois boli [42] . Aux urgences, le taux
Traumatisme thoracique sévère d’effets indésirables lors de la titration était de 11 % dans une
Altération de la conscience étude incluant plus de 600 patients avec une douleur sévère [42] .
Hypertension intracrânienne (HTIC) Les nausées et/ou vomissements concernaient 4 % des patients et
Traumatisme crânien non évalué avec suspicion d’HTIC
la dépression respiratoire, sans gravité dans ce cas (définie par fré-
Suspicion d’embolie gazeuse
quence respiratoire [FR] < 12 ou saturation artérielle en oxygène
Accident de plongée
[SaO2 ] < 95 % et/ou besoin en oxygène), 3 %. Le taux de sédation
Traumatisme facial sévère
Refus du patient
était de 10 %. La constipation est constante et doit être systéma-
Gaz intraoculaire pour chirurgie de moins de trois mois tiquement prévenue. Lors de la grossesse, les opioïdes passent
Anomalies neurochirurgicales récentes non expliquées la barrière placentaire. Il y a un risque théorique de dépression
Déficit en vitamine B12 non compensé respiratoire lorsque l’opioïde est administré lors du travail et de
Température inférieure à –5 ◦ C syndrome de sevrage lors d’une administration prolongée. Dans
ces situations, le nouveau-né doit être étroitement surveillé.

Tableau 8.
Caractéristiques générales des différents opioïdes utilisés en urgence.
Molécules Voies d’administration Délais d’action (min) Durées d’action (h) Équianalgésie versus Posologies initiale (mg/kg)
morphine
Morphine PO LI 30 4à6 1 0,15 à 0,25
PO LP 60 à 180 12 à 24 0,5 à 1
SC 5 à 60 4à6 0,1
IV 5 à 15 4à6 A : 2 à 3 mg/5 min
E : DC : 0,05 à 0,1 puis 0,025/5 min
Fentanyl IV 2 20 à 30 min 0,01 à 0,02
Sufentanil IV 3 20 à 40 min 0,0015
Nalbuphine IR 3à6 2 0,3
IV 2à3 A : 20 mg
SC-IM 15 à 30 E : 0,2

PO : per os ; LI : libération immédiate ; LP : libération prolongée ; SC : sous-cutanée ; IV : intraveineux ; IR : intrarectal ; IM : intramusculaire ; DC : dose de charge ; A : adulte ;
E : enfant.

EMC - Médecine d’urgence 7


25-010-G-10  Prise en charge de la douleur aiguë en urgence

La voie orale devrait être utilisée dès que possible. La morphine d’inefficacité. Les effets indésirables les plus fréquents sont des
est métabolisée par le foie pour 90 % en morphine-3-glucuronide nausées, des vomissements, un syndrome vertigineux et une séda-
(M3G) et pour 10 % en morphine-6-glucuronide (M6G). Cepen- tion. Par ailleurs, il y a un risque de syndrome sérotoninergique. Le
dant, le M6G, contrairement au M3G, est actif et a même une tramadol a été montré dans une étude réalisée en extrahospitalier
action plus puissante que la morphine [47] . En présence d’une aussi efficace que la morphine [76] .
insuffisance rénale, et en fonction de son importance, le M6G
peut s’accumuler. Il y a donc un risque de surdosage. Kétamine et « analgésie »
Les indications de la morphine sont les douleurs aiguës sévères
et les douleurs intenses, soit après échec d’une analgésie mul- Une faible dose de kétamine a des effets antihyperalgésiques par
timodale de paliers 1 et 2 bien conduite, soit en présence de antagonisation des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) au
contre-indications à certains antalgiques. La morphine est contre- niveau du système nerveux central. L’ouverture de ces récepteurs
indiquée dans les douleurs idiopathiques, la fibromyalgie, la lors d’une stimulation nociceptive persistante ou lors d’une expo-
glossodynie ou les douleurs psychogènes (dépression). Par ailleurs, sition prolongée à des doses élevées d’opioïdes est responsable
elle n’est pas recommandée dans les migraines. d’une sensibilisation neuronale [77, 78] .
La mise en place de protocoles écrits et validés par tous En pratique clinique, il a été démontré que de faibles doses (0,1
(médicaux et paramédicaux) est un préalable à l’utilisation de à 0,25 mg/kg) étaient associées à une diminution de l’intensité
morphine. Le personnel soignant doit être formé et informé quant douloureuse postopératoire et du taux d’effet indésirable dus à la
aux modalités d’administration et de surveillance. Ces protocoles morphine [55, 79, 80] . En médecine d’urgence, l’administration d’une
doivent notamment prendre en compte la particularité de certains faible dose de kétamine (de 0,2 à 0,3 mg/kg) était associée à une
patients. En effet, les modalités d’administration et de surveillance baisse significative de la consommation de morphine avec ou sans
seront très différentes s’il s’agit d’un jeune adulte en bonne santé diminution de l’intensité de la douleur [81, 82] . Après analyse de
ou d’un patient âgé non communicant. la littérature, et en attendant d’autres travaux, les indications de
Les signes d’alerte lors de la titration puis lors de l’entretien faibles doses de kétamine (0,2 mg/kg en intraveineux) pourraient
doivent être connus. être la persistance d’une douleur spontanée intense malgré une
Afin de limiter le risque de dépression respiratoire, il ne faut titration morphinique bien conduite et un risque de chronicisa-
pas associer de sédatif. Il a été montré que le midazolam (à la tion de la douleur.
dose de 0,05 mg/kg) associé au fentanyl augmentait l’incidence
des apnées et des hypoxémies [72] . Le taux de dépression respi- Analgésie locale et locorégionale
ratoire aux urgences chez les patients recevant une association
fentanyl-midazolam était de 0,5 % [73] . En médecine d’urgence, de multiples situations peuvent béné-
ficier d’une analgésie locale ou locorégionale (AL-ALR), de la
simple ponction cutanée à la mobilisation de patients traumatisés
Nalbuphine (Tableau 5) en passant par des douleurs spontanées (douleurs den-
La nalbuphine est un opioïde agoniste-antagoniste ayant la taires, d’oreilles, etc.). Dans certaines situations, comme dans les
moitié de la puissance de la morphine (Tableau 6). Son action est traumatismes thoraciques sévères, l’ALR comme la péridurale est
limitée du fait d’un effet plafond pour l’analgésie [74] . Une titration une recommandation forte puisqu’elle a un impact sur l’évolution
n’est donc pas possible avec la nalbuphine. Elle est administrée à ultérieure du patient [83, 84] .
la dose de 20 mg par voie intraveineuse (0,2 mg/kg chez l’enfant).
Son effet antagoniste est 25 fois moins puissant que celui de la Anesthésique local
naloxone et ne contre-indique pas l’utilisation de morphine en cas Tous les anesthésiques locaux sont potentiellement toxiques
d’échec sur la douleur. La nalbuphine est indiquée en cas de dou- – toxicité neurologique et cardiaque – lors d’une augmentation
leur intense à sévère, seule ou en association avec des antalgiques brutale du taux plasmatique comme après une injection acci-
de palier 1, et doit être relayée par la morphine en cas d’échec. dentelle intravasculaire [85] . Quel que soit l’anesthésique local, les
signes précoces doivent être parfaitement connus. Les effets indé-
Codéine sirables sont les mêmes pour tous les anesthésiques locaux, la
La codéine est indiquée dans les douleurs modérées en première différence réside dans la chronologie de leur apparition. Les anes-
intention, ou quand la douleur est partiellement ou non soulagée thésiques locaux bloquent réversiblement le canal sodique des
avec des antalgiques de niveau 1. Pour être active, la codéine doit axones et arrêtent ainsi la conduction nerveuse.
subir un métabolisme hépatique pour être transformée en mor- Lidocaïne
phine (2 à 10 % de la dose) par le cytochrome P450 2D6. Cette La lidocaïne offre le meilleur rapport sécurité/efficacité par rap-
enzyme a une action très lente chez certains patients (5 à 10 % de port à la ropivacaïne et la bupivacaïne. Son délai d’action est
la population caucasienne) et très rapide (forme ultrarapide) chez de cinq à dix minutes et sa durée d’action de 60 à 120 minutes.
1 à 10 %. Dans le premier cas, la codéine n’a aucune action et Ses complications sont neurologiques (convulsion, coma) et car-
dans le second il y a un risque de surdosage. Des accidents graves diaques (trouble du rythme ventriculaire) [85] . La lidocaïne existe
sont d’ailleurs survenus ces dernières années chez des enfants, sous plusieurs formes, topique (anesthésie locale des muqueuse :
tous métaboliseurs ultrarapides [75] . C’est la raison pour laquelle bouche, cavité nasale, larynx, œsophage), injectable, crème pour
le Codenfan® codéine pour enfants a été retiré en 2013. Pour les la peau, gouttes oculaires ou auriculaires. Ainsi, ses indications
formes adultes, le plus souvent associées à du paracétamol, la dose sont très larges (Tableau 6).
est de 30 à 60 mg toutes les huit heures.
Analgésie locorégionale (ALR)
Tramadol L’intérêt principal de l’analgésie et de l’anesthésie locorégionale
Le tramadol a deux mécanismes d’action, une activité opioïde est son absence de retentissement neurologique, cardiovasculaire
faible et une inhibition de la recapture des monoamines. Son ou respiratoire.
absorption est rapide, avec une biodisponibilité de 70 %. Son Par ailleurs, il faut évaluer le rapport bénéfice/risque de la tech-
métabolisme est hépatique, avec un métabolite 200 fois plus puis- nique et minimiser le risque d’interférence avec une éventuelle
sant que la molécule mère. Son élimination est urinaire. Par voie ALR ultérieure pour une intervention chirurgicale.
intraveineuse, son action est essentiellement liée à l’inhibition de Conditions de réalisation d’une analgésie
la recapture des monoamines du fait de l’absence de premier pas-
sage hépatique. La dose initiale per os est de 50 mg et, si cette
locorégionale en médecine d’urgence
première dose est insuffisante, elle peut être répétée une heure La conférence d’experts français de 2002 stipulait bien que pour
après. Les administrations sont répétées toutes les quatre à six une simple anesthésie locale, l’injection de 2 à 3 ml de lidocaïne
heures, sans dépasser 400 mg par jour. Par voie intraveineuse, ne requiert pas la mise en place d’une surveillance sophisti-
les injections peuvent être répétées toutes les 20 minutes en cas quée [86] . En revanche, pour la réalisation d’une ALR demandant

8 EMC - Médecine d’urgence


Prise en charge de la douleur aiguë en urgence  25-010-G-10

Tableau 9.
Critères permettant l’anticipation d’une douleur procédurale (ponction
 Analgésie-sédation procédurale
veineuse) chez l’enfant aux urgences par une application précoce d’une
Dans un certain nombre de situations, les patients doivent être
crème anesthésiante par l’infirmière d’accueil et d’orientation [90] .
sédatés. Il s’agit dans la majorité des cas de la réalisation d’un geste
1. Intolérance digestive totale depuis plus de 24 h entraînant une douleur de durée brève mais extrêmement sévère
2. Fièvre depuis plus de 3 jours chez un enfant de moins de 2 ans pour lequel une analgésie standard (en dehors de l’ALR) est insuf-
3. Fièvre de plus de 5 jours chez un enfant de plus de 2 ans fisante. Cela concerne par exemple la réduction de fracture ou de
4. Fièvre et douleur abdominale aiguë luxation et le choc électrique externe pour réduire un trouble du
5. Fièvre et brûlures urinaires rythme cardiaque.
6. Crise drépanocytaire En situation d’urgence, deux molécules peuvent être utilisées,
7. Boiterie non traumatique la kétamine et le propofol [46] . L’utilisation de ces molécules n’est
8. Trouble du comportement
pas limitée par leur efficacité puisque celle-ci est dose-dépendante
9. Syndrome hémorragique en dehors d’une urgence vitale
mais bien par la survenue de complications respiratoires, hémo-
10. Purpura sans fièvre
dynamique ou d’une perte du réflexe de protection des voies
11. Hypothermie
12. Hypotonie
aériennes supérieures. La revue générale de 11 études sur la kéta-
13. Convulsion mine a confirmé son efficacité au prix d’un taux d’agitation au
14. Crise d’asthme sévère sans détresse vitale réveil non négligeable (6 à 19 %) [91] . Le délai d’action de la kéta-
15. Malaise chez un enfant de moins de 1 an mine est inférieur à une minute et sa durée d’action de 10 à
16. Enfant envoyé par le médecin généraliste pour évaluation 15 minutes. La ventilation peut être altérée chez 6 % des patients
ayant une sédation modérée et une dépression respiratoire peut
survenir immédiatement après une injection intraveineuse de
kétamine [92–95] . Chez l’enfant, à propos de 8282 procédures, les
des volumes d’anesthésique local plus importants, il est indispen-
facteurs associés à la dépression respiratoire (3,9 %) étaient un âge
sable de mettre en place des précautions qui assurent la sécurité du
inférieur à 2 ans ou supérieur à 13, une dose initiale supérieure
patients, c’est-à-dire une voie veineuse et une surveillance adap-
à 2,5 mg/kg, ou totale supérieure à 5 mg/kg, la coadministration
tée avant la réalisation du bloc [86] . Avant la réalisation du bloc,
d’un anticholinergique et la coadministration d’une benzodiazé-
il faut faire un examen neurologique précis, à la recherche de
pine [95] . Dans la même cohorte, l’incidence des vomissements
lésions nerveuses. Les contre-indications classiques de ces tech-
était de 8,4 % [96] . Le risque d’effet indésirable et leur intensité
niques doivent être respectées (allergie, infection locale, troubles
augmentent avec la dose et la vitesse d’injection. La relation
majeurs de l’hémostase).
entre concentration plasmatique et effets psychodysleptiques est
linéaire, entre 50 et 200 mg/ml [97] . Les contre-indications et les
Analgésies locorégionales indiquées en médecine effets indésirables doivent être connus.
d’urgence Quant au propofol, son utilisation est délicate du fait de
ses effets hémodynamiques (hypotension artérielle), respiratoires
La réalisation d’une ALR est limitée par la possibilité de faire
(hyponée et apnée) et la perte de la protection des voies aériennes
un repérage ou non des éléments nerveux recherchés. Les deux
supérieures. Le taux d’effets indésirables avec le propofol aux
techniques utilisées sont la neurostimulation et l’échographie.
urgences lors de la réalisation d’un geste douloureux est de 5 %,
Cependant, un certain nombre de blocs peut être réalisé sans ces
avec une hypoxémie dans 5 à 30 % des cas [98] .
moyens et sans risque comme le bloc iliofascial (BIF) pour le nerf
Les avantages principaux sont un délai d’action de 45 à 60
fémoral. Ce bloc est indiqué pour les fractures du fémur et les
secondes, et une durée d’action de cinq minutes [98–100] . Le taux de
atteintes du genou. Le BIF, dans ce contexte, a été montré simple,
dépression respiratoire, détectée par l’augmentation de dioxyde
efficace et sans complication majeure [87] . Il faut cependant une
de carbone (CO2 ) expiré, était de 64 % chez des patients recevant
aiguille adaptée, à biseau court, pour repérer les fascias.
de la kétamine et 40 % chez ceux recevant du propofol [101] .
Les blocs du pied peuvent être réalisés pour la prise en charge
Les recommandations formalisées d’experts (RFE) proposent
de plaies (exploration, suture, extraction de corps étrangers). À ce d’utiliser la kétamine, après titration de morphine bien conduite,
niveau, cinq branches peuvent être bloquées, certains blocs néces- à la dose de 0,5 mg/kg, à renouveler si nécessaire. Ces mêmes
sitant l’utilisation d’un neurostimulateur ou d’un échographe [88] . RFE proposent aussi le propofol à la dose de 1 à 1,5 mg/kg [46] .
Au niveau du membre supérieur, les blocs concernent cinq nerfs Il est cependant important de préciser qu’il faut avoir recours à
accessibles au niveau du coude et de l’avant-bras. Les indications un anesthésiste-réanimateur et que cela se fait dans le cadre de
principales sont l’exploration et la suture de plaies au niveau de protocoles et après formation.
l’avant-bras, de la main et des doigts. L’utilisation de ces deux sédatifs ne se conçoit qu’en présence
L’anesthésie des doigts 2, 3 et 4 est obtenue par l’injection d’un matériel de réanimation par des personnes entraînées. Le rap-
d’anesthésique local dans la gaine des fléchisseurs [89] . port risque/bénéfice doit être discuté en permanence dans cette
Au niveau de la face, quatre types de blocs peuvent être réalisés, situation entre une sédation en ventilation spontanée ou une
concernant les trois branches sensitives du nerf du trijumeau qui intubation orotrachéale après une induction en séquence rapide
assurent l’essentiel de la sensibilité de la face. Lors de la réalisation pour protéger les voies aériennes. Ce geste n’est pas anodin non
de bloc à proximité de branches vasculaires terminales (extrémités plus.
distales), l’utilisation d’adrénaline en association avec l’anesthésie Toute sédation sera précédée d’une période de préoxygénation
locale est interdite. en ventilation spontanée et dans la mesure du possible on évite
de ventiler le patient au masque (limiter le risque d’inhalation).
Crème anesthésiante
La crème anesthésiante contient un mélange de lidocaïne et de
prilocaïne (50/50). Ses principales indications sont les douleurs
procédurales comme les ponctions. Son délai d’action nécessite  Traitement non
une anticipation. En effet, le temps d’exposition sur la peau médicamenteux
conditionne la profondeur de son action : 60 minutes pour 3 mm,
90 minutes pour 4 mm et 120 minutes pour 5 mm. Quelques indi- Moyens physiques
cations sont présentées dans le Tableau 6. Aux urgences, pour
les enfants, l’infirmière d’accueil et d’orientation peut s’aider de Les moyens physiques sont représentés par l’immobilisation
critères permettant d’anticiper la nécessité d’une ponction vei- (attelles, collier, traction), le froid (qui a des effets anti-
neuse [90] (Tableau 9). La crème a la même efficacité que le MEOPA inflammatoires localement dans les douleurs traumatiques,
lors de la pose de cathéters veineux [60] . Chez les nouveau-nés, il y viscérales, provoque des brûlures), et la chaleur (spasmes mus-
a un risque de méthémoglobinémie avec la crème anesthésiante. culaires, destruction de venin thermolabile) [40, 102, 103] .

EMC - Médecine d’urgence 9


25-010-G-10  Prise en charge de la douleur aiguë en urgence

Approche psychologique [15] Payen JF, Bosson JL, Chanques G, Mantz J, Labarere J. DOLOREA
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des actions et des examens menés mobilisent l’effet placebo [104] . the DOLOREA study. Anesthesiology 2009;111:1308–16.
Ainsi, l’efficacité des antalgiques prescrits pourrait augmenter de [16] Aubrun F, Langeron O, Quesnel C, Coriat P, Riou B. Relation-
30 à 40 % [105, 106] . Par ailleurs, la distraction est aussi un moyen effi- ships between measurement of pain using visual analog score and
cace pour réduire, notamment, les douleur provoquées [41, 107, 108] . morphine requirements during postoperative intravenous morphine
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est basée sur trois principes : une évaluation de l’intensité avec une [19] Ricard-Hibon A, Chollet C, Saada S, Loridant B, Marty J. A quality
échelle adaptée au patient, et un traitement adapté à l’intensité, control program for acute pain management in pre-hospital critical care
au patient et à la pathologie et des protocoles. L’objectif est de medicine. Ann Emerg Med 1999;34:738–44.
soulager le patient en évitant bien sûr les effets indésirables dus [20] Todd KH, Funk KG, Funk JP, Bonacci R. Clinical significance of
aux antalgiques. Dans ce sens, la formation et les connaissan- reported changes in pain severity. Ann Emerg Med 1996;27:485–9.
ces des soignants sont fondamentales, particulièrement en ce qui [21] Bijur PE, Latimer CT, Gallagher EJ. Validation of a verbally admi-
concerne l’utilisation des opioïdes. Chaque structure de soin doit nistered numerical rating scale of acute pain for use in the emergency
mettre en place des protocoles de soin et de surveillance adaptés department. Acad Emerg Med 2003;10:390–2.
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1998;88:82–8. Nurs 2009;21:18–20.

M. Galinski (michel.galinski@jvr.aphp.fr).
Samu 93, Hôpital Avicenne, AP–HP, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny cedex 9, France.
S. Beaune.
Service des urgences, Hôpital Ambroise-Paré, AP–HP, 92100 Boulogne-Billancourt, France.
F. Lapostolle.
F. Adnet.
Samu 93, Hôpital Avicenne, AP–HP, 125, route de Stalingrad, 93000 Bobigny cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Galinski M, Beaune S, Lapostolle F, Adnet F. Prise en charge de la douleur aiguë en urgence. EMC - Médecine
d’urgence 2015;10(3):1-12 [Article 25-010-G-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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12 EMC - Médecine d’urgence


 25-010-G-20

Analgésie locorégionale en urgence


chez l’adulte
S. Mirek, M. Freysz

L’intérêt majeur des blocs nerveux périphériques en situation d’urgence réside en l’absence de retentisse-
ment général (neurologique central, hémodynamique, ventilatoire). Les deux situations les plus propices
à la mise en œuvre d’une analgésie locorégionale en urgence sont les traumatismes des membres et de
la face. Une fiche de surveillance indiquant les données de l’examen neurologique initial, les produits
utilisés, les paramètres de surveillance et la recherche de signes de toxicité systémique doivent figurer
dans le dossier médical. La lidocaïne, adrénalinée ou non selon le bloc analgésique envisagé, offre le
meilleur ratio efficacité/sécurité. En cas de plaie étendue, les blocs analgésiques de la face doivent sup-
planter au service d’urgence les anesthésies locales de la face qui peuvent déboucher sur l’infiltration de
volumes et de doses excessifs d’anesthésique local. Le bloc de la gaine des fléchisseurs doit remplacer
l’anesthésie « en bague » des nerfs collatéraux des doigts. Le bloc du nerf fémoral fait appel à la technique
du compartiment iliofascial, sans neurostimulateur. Un développement très important de l’échographie
dans le domaine de l’anesthésie locorégionale a eu lieu ces dernières années. Une formation théorique
et un apprentissage pratique doivent être délivrés par des médecins anesthésistes réanimateurs, notam-
ment au bloc opératoire. L’élaboration de protocoles d’analgésie locorégionale doit être intégrée dans
une approche globale de la prise en charge du patient en urgence, intégrant les contraintes des périodes
préhospitalières, d’accueil des urgences et, le cas échéant, du bloc opératoire.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Analgésie locorégionale ; Anesthésique local ; Urgence préhospitalière ; Accueil des urgences ;
Échographie

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Ce chapitre traite des techniques locorégionales appliquées à
■ Choix des techniques et particularités de l’analgésie l’analgésie dans le contexte des urgences, excluant l’utilisation
locorégionale en urgence 2 des blocs locorégionaux dans le cadre de l’anesthésie pour inter-
Choix des techniques 2 vention chirurgicale d’urgence.
Place de l’échographie pour la réalisation des techniques L’intérêt majeur des blocs nerveux périphériques en situation
d’analgésie locorégionale 2 d’urgence réside en son efficacité analgésique et en l’absence de
Surveillance du patient ayant une analgésie locorégionale 3 retentissement général. Les données de l’examen neurologique
Contraintes et spécificités de l’urgence 3 initial, les produits utilisés, les paramètres de surveillance et la

recherche de signes de toxicité systémique doivent figurer au
Analgésie locorégionale et traumatismes des membres 3
dossier médical. Généralement sous-utilisées au profit des voies
Blocs du membre inférieur 3
d’administration systémique, un certain nombre de techniques
Blocs du membre supérieur 7
d’analgésie locorégionale sont en effet adaptées à l’urgence,
■ Analgésie locorégionale, plaies de la face et du cuir chevelu 10 tout particulièrement à la gestion des urgences traumatiques des
Blocs des nerfs supraorbitaire et supratrochléaire 10 membres et de la face. Les analgésies locorégionales sont assez fré-
Bloc du nerf infraorbitaire 10 quemment pratiquées par les médecins urgentistes, qu’ils soient
Bloc mentonnier 10 ou non anesthésistes réanimateurs.
Blocs tronculaires du scalp 11 Cette pratique avait fait l’objet d’une conférence d’experts préa-
■ Conclusion 11 lablement [1] . Celle-ci doit reposer sur un apprentissage théorique
et technique encadré, et non sur un apprentissage « sur le tas »,

EMC - Médecine d’urgence 1


Volume 9 > n◦ 4 > décembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1959-5182(14)59018-6
25-010-G-20  Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

au gré des circonstances et de l’encadrement local. L’actualité • la nécessité de minimiser le risque d’interférence avec une tech-
sur les techniques d’analgésie locorégionale est essentiellement nique d’anesthésie locorégionale ultérieure, toujours possible
portée par l’essor de l’échographie, aussi bien en anesthésie- pour la réalisation d’un éventuel geste chirurgical.
réanimation qu’en médecine d’urgence. Les ultrasons occupent De manière schématique, deux situations se prêtent à la mise en
une place grandissante et vont devenir incontournables dans les œuvre de l’analgésie locorégionale en urgence : les traumatismes
années à venir. Il est probable que l’échoguidage améliore la des membres et les traumatismes de la face. Dans le premier cas,
sécurité des patients, réel apport de l’échographie dans la pra- un certain nombre de techniques paraissent bien connues, tout
tique de l’anesthésie locorégionale [2] . Cela tient largement au particulièrement la technique du bloc fémoral. Les blocs de la face,
développement d’appareils d’échographie simples d’emploi et très intéressants dans ce contexte, sont largement moins connus
compacts et utilisant des sondes avec des fréquences et des formes et ces techniques méritent sans conteste une plus large diffusion.
adaptées au besoin. La pratique de l’analgésie locorégionale sous Les blocs du tronc, intercostaux, paravertébraux, pleuraux ne sont
échographie nécessite des prérequis avec une évaluation de son pas inclus dans ces recommandations en raison, d’une part, de
apprentissage (courbes d’apprentissage). Ces points sont d’ailleurs leur efficacité variable et peu prévisible et, d’autre part, de leur
intégrés dans la formation initiale du médecin urgentiste. Cela iatrogénie potentielle. Les techniques décrites ici relèvent pour
souligne également la nécessité d’une réflexion pluridisciplinaire, l’essentiel de la pratique intrahospitalière, au service des urgences.
dans le contexte de l’urgence, sur le choix des techniques réelle- Pour l’urgence extrahospitalière, le seul bloc retenu de manière
ment utiles, réellement utilisables dans des conditions normales consensuelle est le bloc du nerf fémoral, chez l’adulte comme chez
de sécurité pour le patient, réellement et suffisamment utilisées l’enfant [1] .
pour garantir le nécessaire maintien des compétences, alors que
certains blocs analgésiques ne relèvent pas d’une pratique quoti-
dienne. Ce chapitre s’appuie largement sur les recommandations Place de l’échographie pour la réalisation
et conclusions, publiées en 2004, d’une conférence d’experts [1] des techniques d’analgésie locorégionale
organisée par la Société française d’anesthésie et de réanimation
(SFAR). Cela a été étayé par la création en 2012 d’un référentiel L’échoguidage a révolutionné la pratique de l’anesthésie
métiers compétences pour la spécialité de médecine d’urgence [3] , locorégionale [7] . Cette révolution a incité davantage
permettant de compléter la conférence d’experts de 2004. D’autres d’anesthésiologistes à intégrer l’anesthésie locorégionale
pays avaient fait œuvres pionnières en ce domaine en développant dans leur pratique [8] . Le débat concernant la supériorité de
un enseignement pratique et théorique de l’analgésie locorégio- l’échoguidage bat encore son plein [9, 10] . Une méta-analyse des
nale pour l’urgence. C’est le cas du collège nord-américain des études randomisées montre que les succès du bloc sont supérieurs
médecins de l’urgence (American College of Emergency Physi- en échoguidage, que le bloc est réalisé plus rapidement, est plus
cians [ACEP]) qui propose un cursus pédagogique très détaillé en rapidement installé et a une durée d’efficacité supérieure. Enfin,
matière de blocs locorégionaux périphériques (consultable sur le le risque de ponction vasculaire est moindre [11] . Cependant, la
site Internet : www.acep.org), ainsi que de l’Association des méde- Cochrane Database ne retient pas une supériorité du fait des
cins d’urgence du Québec (AMUQ) (www.amuq.qc.ca). résultats contradictoires observés [12] . En revanche, il est de plus
en plus accepté que la capacité de l’échoguidage à donner une
vue directe de l’aiguille, du nerf visé et de la distribution de
l’anesthésique local est un avantage majeur [7] . Il a été montré
aussi que l’échographie permet de diminuer la toxicité des
 Choix des techniques anesthésiques locaux [13] , probablement par diminution des doses
injectées [14] .
et particularités de l’analgésie L’analgésie locorégionale est liée à la formation et à l’expérience
locorégionale en urgence de l’opérateur. Il demeure toutefois une courbe d’apprentissage
avant de réaliser une analgésie locorégionale sécuritaire et effi-
Choix des techniques cace [15] . Les études démontrant les avantages de l’analgésie
locorégionale, lorsqu’elle est réalisée par des résidents, comme
Les techniques d’analgésie locorégionale appliquées à celles d’Orebaugh [16] objectivant une plus grande facilité de réa-
l’analgésie en urgence ont pour principaux atouts les gains lisation d’un bloc et celle de Grau [17] , présentent des données
de temps et d’efficacité analgésique par comparaison avec convaincantes quant aux avantages de l’analgésie locorégionale.
l’administration systémique d’analgésiques. Un certain nombre La standardisation de la formation permet d’aborder la question
de techniques paraît tout à fait adapté à l’urgence [4–6] . Ce n’est du biais de l’opérateur dans les études futures. Les équipes com-
pas le cas des analgésies locorégionales périmédullaires (rachi- mencent seulement à déterminer les courbes d’apprentissage asso-
anesthésie, analgésie péridurale) qui n’ont aucune place dans ciées aux diverses techniques d’échoguidage [18] . L’échographie
l’urgence hospitalière, ni a fortiori préhospitalière pour des pourrait, par ailleurs, être intéressante pour les praticiens les
raisons évidentes de contraintes d’asepsie, de positionnement du moins expérimentés [19] .
patient et de conséquences hémodynamiques potentiellement La capacité d’imagerie par ultrason varie d’une machine et
délétères. Les anesthésies locorégionales intraveineuses n’ont d’une étude à l’autre. Les sondes à plus haute résolution et
à l’évidence aucune place non plus dans ce contexte pour des caractéristiques telles que l’imagerie combinée améliorent
des raisons aussi évidentes (nécessité de disposer de garrots considérablement la visualisation des tissus et de l’aiguille et pour-
pneumatiques, durée d’utilisation limitée, absence d’analgésie raient également améliorer l’efficacité du bloc. Quelle approche
résiduelle, risque neuro- et/ou cardiotoxique sévère en cas de de l’aiguille a été utilisée, dans le champ ou hors champ de
lâchage accidentel du garrot). La place des blocs périphériques, l’ultrason ? Quels critères d’évaluation ont été utilisés pour évaluer
plexiques et tronculaires, qui se caractérisent par leur absence le contact entre l’aiguille et le nerf ? L’efficacité d’un bloc est pro-
de retentissement sur les plans hémodynamique, respiratoire et bablement influencée par le site et la manière dont l’anesthésique
neurologique central, doit, en revanche, être précisée dans ce local se dépose, ainsi que par le volume administré. Des études
contexte tout à fait spécifique. Leur utilisation rationnelle repose récentes ont évalué le volume minimal nécessaire à réaliser effica-
sur des impératifs d’efficacité aussi bien que sur des impératifs cement divers blocs par échoguidage [20–22] et celui-ci est diminué
de sécurité, en tenant compte d’une part du contexte spécifique par l’échoguidage [23] . L’échoguidage procure des preuves d’effets
de l’urgence, mais aussi de la réalisation de ces blocs par des indésirables néfastes, comme par exemple l’injection intravas-
médecins non anesthésistes qui ne sont pas forcément familiers culaire (absence de propagation de l’anesthésique local) [24] et
des techniques locorégionales. Le choix des techniques retenues l’injection intraneurale (expansion du nerf) [25, 26] . Ce qui fait
par les experts de la conférence précédemment citée [1] a été fondé défaut encore actuellement, ce sont des données pour montrer
sur deux principes fondamentaux : que cela se traduit par une réduction indiscutable de l’incidence
• le rapport bénéfice/risque de la technique envisagée dans le des complications. La question de l’utilisation combinée du
contexte de l’urgence ; neurostimulateur et de l’échographie pour la réalisation de

2 EMC - Médecine d’urgence


Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte  25-010-G-20

Tableau 1. Contraintes et spécificités de l’urgence


Les prodromes de toxicité systémique des anesthésiques locaux.
Si le blessé est comateux ou si, chez l’adulte, il a reçu une
Signes subjectifs Paresthésies, fourmillements des extrémités,
anesthésie générale, il est préférable de s’abstenir de réaliser une
céphalées en casque ou frontales, goût métallique
analgésie locorégionale afin de ne pas risquer une lésion nerveuse
dans la bouche, malaise général avec angoisse,
directe ou une injection intraneurale d’anesthésique local qui pas-
étourdissement, ébriété, vertiges, logorrhée,
hallucinations visuelles ou auditives,
seraient inaperçues en raison de la disparition du signal d’alarme
bourdonnements d’oreille « douleur » [1, 35] .
La réalisation d’un bloc analgésique périphérique en urgence
Signes objectifs Pâleur, tachycardie, nausées, vomissements,
pose des problèmes spécifiques, dus en particulier à une moindre
syndrome confusionnel, empâtement de la parole,
connaissance du terrain du patient et à une anamnèse nécessai-
irrégularité respiratoire, nystagmus, fasciculations
au niveau des lèvres ou de la langue
rement réduite, par comparaison au contexte plus encadré d’une
intervention programmée. Le contexte de l’urgence réduit éga-
lement le volume et le temps imparti à un bilan très détaillé,
l’analgésie locorégionale n’est pas élucidée, mais, avec la pratique mais il importe de faire un inventaire le plus précis et le
et l’expérience, il est probable qu’il soit possible de se passer de la plus exhaustif possible des lésions, afin de ne pas méconnaître
neurostimulation [27] . une lésion crânienne, thoracique et/ou abdominale susceptible
En médecine d’urgence plus spécifiquement, l’intérêt et la d’une décompensation ultérieure. Quelques questions simples
place de l’analgésie locorégionale pour l’analgésie sont sans cesse doivent être posées et les classiques contre-indications aux
répétés [28] . Une évolution vers l’utilisation de l’échographie est techniques locorégionales seront respectées : allergie aux anesthé-
également observée : les premières publications ont concerné siques locaux, infection locale, troubles majeurs de l’hémostase.
l’anatomie et la très bonne faisabilité des blocs sous échogui- L’interrogatoire, lorsqu’il est possible et des réponses fiables,
dage pour l’analgésie de la main en structure d’urgence par des est suffisant pour rechercher une anomalie constitutionnelle ou
urgentistes après une seule heure de formation [29] avec également acquise de l’hémostase (recherche de gingivorragies au brossage
de nombreuses publications sur l’intérêt du bloc iliofascial écho- dentaire, de menstruations anormalement abondantes ou pro-
guidé [30–34] . longées, d’ecchymoses ou hématomes résultant de contusions
minimes et peu appuyées, etc.). La notion de traitement inter-
Surveillance du patient ayant une analgésie férant avec l’hémostase n’est pas un facteur limitant, mais doit
inciter à la prudence et à peser l’indication en fonction du rapport
locorégionale bénéfices/risques [35] .
Le contexte de l’urgence ne doit en aucun cas être prétexte à Enfin, il est indispensable, avant tout bloc, de consigner par
une paupérisation des moyens de surveillance et des précautions écrit les données de l’examen neurologique (motricité, sensibilité)
adaptées à la technique locorégionale choisie [35] . de la zone considérée [1] . En cas de déficit neurologique constaté à
Une asepsie soigneuse de la zone de ponction est indispensable distance du traumatisme, cela va permettre en effet de se prémunir
afin d’éviter toute complication ultérieure et le médecin qui pra- contre une incrimination hâtive de la technique locorégionale.
tique le bloc doit bien entendu être ganté. La mise en place d’un D’autres difficultés peuvent compliquer la tâche. C’est notam-
champ stérile troué autocollant est souhaitable. ment le cas de l’accessibilité au patient en urgence préhospitalière
L’injection de 2 à 3 ml d’anesthésique local n’impose pas plus (patient incarcéré dans un véhicule, membre incarcéré dans une
que dans un cabinet dentaire la mise en place d’une voie vei- machine, difficultés physiques d’accès, etc.) auquelle peut éven-
neuse et d’appareils de surveillance sophistiqués. Il est important tuellement s’ajouter la nécessité de gérer de multiples victimes.
de respecter les doses à ne pas dépasser, en particulier dans les La coopération parfois difficile de certains blessés, notamment
zones très vascularisées, où l’absorption est rapide [1, 35] . Les pré- sous l’emprise de l’alcool ou de diverses substances psychotropes,
cautions classiques sont à respecter pour garantir la sécurité du licites ou illicites, rend l’approche difficile, voire impossible. Dans
patient (voie veineuse périphérique, monitorage adapté avant de certains cas, la réalisation d’une analgésie locorégionale peut
réaliser l’anesthésie locorégionale) [36, 37] . Cela ne pose d’ailleurs nécessiter une mobilisation préalable du patient, parfois exces-
aucun problème dans les services d’urgences intra-muros ou extra- sivement douloureuse et qui peut être prévenue ou atténuée par
hospitalier, pas plus d’ailleurs que la disponibilité immédiate du une information adaptée et une analgésie première par voie vei-
matériel et des médicaments de réanimation cardiovasculaire et neuse [1] .
respiratoire. La réalisation dans un secteur d’urgence d’une analgésie loco-
D’une manière générale, le choix des moyens de surveillance régionale ne doit pas être un obstacle à une éventuelle anesthésie
du patient ayant une analgésie locorégionale dépend du type de locorégionale ultérieure si le blessé doit bénéficier d’une inter-
bloc, de la quantité d’anesthésique local employée, de l’état du vention chirurgicale urgente. En fonction de l’organisation et
patient et des comorbidités. En cas de sédation de complément, la du contexte, l’instauration d’une bonne coordination et d’un
mise en place d’une voie veineuse périphérique et du monitorage échange de savoirs entre les médecins de l’urgence et les anes-
cardiovasculaire s’impose d’emblée. thésistes paraît un élément essentiel.
Les anesthésiques locaux ont une toxicité neurologique cen- Enfin, si le blessé n’est pas hospitalisé et quitte le secteur des
trale et cardiaque potentielle en cas d’élévation brutale de leur urgences après réalisation d’un bloc analgésique locorégional, par
concentration plasmatique, telle qu’elle peut survenir lors d’une exemple après exploration d’une plaie, il doit être informé de la
injection intravasculaire accidentelle. Quel que soit l’agent uti- durée prévisible du bloc et un relais analgésique per os doit, le cas
lisé, les signes précoces de toxicité doivent donc être parfaitement échéant, lui être prescrit. Le patient doit également être informé
connus par tous les médecins pratiquant une analgésie locoré- de la nécessité impérative d’une consultation urgente en cas de
gionale (Tableau 1) et les infirmiers d’urgence qui surveillent ces paresthésies persistantes ou de non lever du bloc.
patients. Ils sont communs à tous les anesthésiques locaux et ne
varient que par leur chronologie et la concentration plasmatique
à laquelle ils apparaissent selon l’agent utilisé. Une prémédica-  Analgésie locorégionale
tion sédative trop importante peut masquer ces signes d’alerte.
La lidocaïne, adrénalinée ou non selon le bloc analgésique envi- et traumatismes des membres
sagé, offre le meilleur ratio efficacité/sécurité dans ce contexte,
même si sa durée d’action paraît limitée par comparaison à des
Blocs du membre inférieur
anesthésiques locaux plus puissants comme la bupivacaïne et la Le bloc du nerf fémoral et, dans une moindre mesure, les blocs
ropivacaïne. Cette dernière est l’agent le moins potentiellement de la cheville et du pied ont des indications dans le contexte de
toxique lorsque l’on souhaite employer un anesthésique local de l’urgence. Les blocs du nerf ischiatique, à la fesse, à la cuisse et à
longue durée d’action [38] . La conduite à tenir face à la survenue la fosse poplitée n’ont pas été retenus dans le cadre des récentes
d’un accident toxique doit également être connue [36, 39] . recommandations d’experts de la SFAR [1] .

EMC - Médecine d’urgence 3


25-010-G-20  Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

Figure 2. Bloc iliofascial « sur le terrain » pour fracture de la diaphyse


fémorale. Désinfection cutanée et port de gants sont obligatoires. À noter
l’utilisation d’une aiguille munie d’un prolongateur, permettant de conser-
ver l’aiguille immobile lors de l’injection de la solution anesthésique (cliché
du docteur T. Gros).

Le bloc fémoral est adapté à l’analgésie pour fracture de la dia-


physe fémorale ainsi que pour les plaies du genou [41–43] . Il permet
le ramassage, la mobilisation et le transport des blessés dans des
conditions d’analgésie jugées excellentes ou très bonnes par tous
les auteurs. Au service d’urgence, il permet sans douleur le trans-
fert du blessé et la mobilisation pour les clichés radiographiques,
ainsi que la mise sur attelle après mise en place éventuelle d’une
broche de traction, lorsque la chirurgie d’ostéosynthèse est diffé-
rée. Les effets adverses sont rares et la tolérance excellente sur le
plan hémodynamique [42, 43] .
Ce bloc est également efficace, bien que partiellement, pour
l’analgésie des fractures du col fémoral [44–46] , notamment lorsqu’il
s’agit de fractures extracapsulaires [45] . Le bloc fémoral est bien
toléré comparé aux modes d’analgésie systémiques chez des sujets
habituellement fragiles et permet une réduction significative du
Figure 1. Territoires d’innervation sensitive à la face antérieure de la taux de surinfection bronchique postopératoire chez les sujets
cuisse. La face postérieure est innervée par le nerf ischiatique et ses âgés [45] .
branches. 1. Nerf cutané latéral de la cuisse ; 2. nerf fémoral ; 3. nerf obtu- Les limites de la technique sont les fractures dans les zones
rateur. fémorales répondant à d’autres innervations, qu’il s’agisse de
l’extrémité supérieure (ischiatique et obturatrice) ou inférieure
(ischiatique) (Fig. 1).
Aucune contre-indication spécifique à ce bloc n’est retenue, à
l’exception des infections locales, des brûlures et/ou plaies situées
Bloc du nerf fémoral [40] dans la zone de ponction.
La réalisation d’un bloc fémoral ne nécessite aucune mobi-
Le bloc fémoral pour fracture de la diaphyse fémorale est la
lisation du blessé, qui reste en décubitus dorsal (Fig. 2). Deux
technique d’analgésie locorégionale la plus répandue et la plus
techniques sont proposées : bloc « trois en un » et bloc iliofas-
éprouvée en urgence. De réalisation simple, il procure de manière
cial (Fig. 3) avec ou sans neurostimulateur. Ce dernier est moins
prévisible une analgésie d’excellente qualité, chez l’enfant comme
souvent utilisé en préhospitalier, plus fréquemment en intrahos-
chez l’adulte. Cette simplicité en fait une technique adaptée aussi
pitalier, mais cela ne paraît pas altérer le taux de réussite du bloc
bien à l’urgence préhospitalière qu’à l’urgence intrahospitalière.
iliofascial [43] .
Les descriptions retrouvées dans la littérature font indifféremment
usage des termes « bloc fémoral » et bloc « trois en un ». Bien que Technique classique du bloc « trois en un » [47] (Fig. 4A)
le résultat clinique soit souvent très comparable, la confusion des Le patient est placé en décubitus dorsal, jambe en légère abduc-
termes est impropre puisque le terme « bloc trois en un » désigne tion à 15 degrés. Les repères essentiels, que sont le ligament
le bloc paravasculaire inguinal du plexus lombaire (ou voie anté- inguinal et l’artère fémorale, peuvent être individualisés sur la
rieure d’abord du bloc du plexus lombaire), plexus qui regroupe peau. Le point de ponction est repéré 1 cm sous le ligament ingui-
à ce niveau les nerfs obturateur, fémoral et cutané latéral de la nal et 1 à 2 cm en dehors des battements de l’artère fémorale.
cuisse (Fig. 1). L’aiguille est introduite en direction céphalique en formant un

4 EMC - Médecine d’urgence


Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte  25-010-G-20

Figure 3. Bloc iliofascial et « bloc trois en un » :


les points de ponction (A, B).

Bloc 3 en 1 Bloc iliofascial A Bloc 3 en 1 Bloc iliofascial B

Figure 4.
A. Bloc « trois en un » : injection au contact du
nerf fémoral.
B. Bloc iliofascial : injection dans l’espace iliofas-
cial, avasculaire, après franchissement des fascias.

Bloc 3 en 1 A Bloc iliofascial B

angle de 30 degrés avec la peau jusqu’à l’obtention de paresthé- technique de choix dans le contexte de l’urgence. Quant au neuro-
sies sur le trajet du nerf fémoral. La technique de recherche de stimulateur, il est rarement disponible en préhospitalier, souvent
paresthésies est maintenant abandonnée et on lui préfère la neu- peu familier aux médecins de l’urgence, sauf aux anesthésistes
rostimulation qui provoque une réponse motrice quadricipitale réanimateurs rompus aux techniques d’anesthésie locorégionale.
(contraction du quadriceps avec ascension de la rotule). Pour Win-
nie et al. [47] , cette technique permet en une seule injection de Technique modifiée, dite du bloc « iliofascial
bloquer les nerfs fémoral, obturateur et cutané latéral de la cuisse sans échographie » [48] (Fig. 4B)
en raison de l’existence d’une gaine vasculonerveuse commune Elle peut être recommandée comme technique de choix en
à ces différents troncs. Cette notion est désormais controversée urgence pré- ou intrahospitalière [42] . Cette technique est surtout
et, en pratique, le nerf obturateur, qui innerve la partie supéro- très intéressante avec l’essor grandissant de l’échographie, rendant
interne de la cuisse et les muscles adducteurs de la cuisse, échappe son utilisation facilitée. Elle repose sur un repérage plus latéral du
souvent à la technique. La technique de Winnie ne paraît pas la point de ponction, à la jonction deux tiers moyen–un tiers externe

EMC - Médecine d’urgence 5


25-010-G-20  Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

du ligament inguinal en dedans du bord interne des muscles de


3
la face antérieure de la cuisse. À ce niveau, l’aiguille (longueur 1
50 mm, au mieux munie d’un prolongateur permettant une injec-
tion aisée) est introduite en direction du ligament inguinal, avec 2
un angle de 45 degrés par rapport à la face antérieure de la cuisse 4
afin de faciliter la perception du franchissement du fascia lata et du
fascia iliaca, perçus comme deux ressauts successifs, avant de par-
venir dans l’espace iliofascial où la solution d’anesthésique local
est injectée. Plus la ponction est interne, plus la perception de ces
fascias est ténue, car l’un et l’autre se sont amincis. Par cette tech-
nique du compartiment iliofascial, Dalens et al. [48] , chez l’enfant,
rapportaient un taux de succès de 100 % pour le bloc fémoral et
de 90 % pour les nerfs cutanés latéral de la cuisse et obturateur. La
technique a rapidement été reprise avec efficacité chez l’adulte,
avec toutefois une analgésie de plus courte durée en raison d’une
vitesse de résorption accrue des anesthésiques locaux au sein de
ce compartiment richement vascularisé [49] . Cette technique ne
nécessite ni recherche de paresthésies, ni utilisation d’un neurosti-
mulateur et il est préférable d’employer des aiguilles à biseau court
(45 degrés), qui facilitent la perception de résistance élastique (« en Figure 5. Anatomie de la région inguinale sous échographie. 1. Latéral ;
peau de tambour ») des fascias. 2. nerf fémoral ; 3. médial ; 4. artère fémoral.
Tous les anesthésiques locaux peuvent être utilisés pour ce bloc.
La lidocaïne 1 % offre le meilleur rapport qualité/sécurité et paraît
le meilleur choix pour la pratique préhospitalière (ramassage et
transport), malgré une durée d’action limitée. Chez l’enfant, la
détermination du volume de lidocaïne 1 % obéit à la règle simple
1 ml/année d’âge [40] . Au-delà de 15 ans, 20 à 25 ml sont injectés.
L’injection, lente et fractionnée, est toujours réalisée après des
tests aspiratifs répétés. L’injection de volumes de 0,3 à 0,4 ml/kg 1
est suffisante chez l’adulte pour obtenir une anesthésie des trois 3
branches du plexus lombaire, et le recours à des volumes plus
importants n’améliore pas la qualité du bloc. Le bloc s’installe
en huit à 15 minutes. Au service des urgences, l’utilisation 2
d’anesthésiques locaux de longue durée d’action, bupivacaïne
et surtout ropivacaïne, moins toxique en cas d’injection intra-
vasculaire accidentelle [38] , est plus appropriée. Un anesthésiste
peut également opter pour la mise en place d’un cathéter péri-
nerveux fémoral [43] qui permet l’entretien de l’analgésie autant
que de besoin, grâce à une perfusion continue ou à des bolus
itératifs. L’analgésie débute entre la cinquième et la quinzième
minute selon l’anesthésique local [43] . Dès que le bloc est installé,
le membre doit être soigneusement immobilisé afin de ne pas ris- Figure 6. Région inguinale au niveau des fascias. 1. Fascia lata ; 2. fascia
quer un déplacement intempestif des fragments et le risque de iliaca ; 3. artère fémorale.
lésion vasculonerveuse secondaire, alors que le signal d’alarme
« douleur » a disparu.
Blocs du pied
Bloc iliofascial sous échographie Ils sont proposés pour la prise en charge des plaies (exploration,
Anatomie de la région inguinale sous échographie (Fig. 5, 6) détersion, suture) du pied et/ou l’extraction de corps étrangers
au service d’urgence. Cinq branches assurent l’innervation sensi-
La sonde d’échographie est positionnée dans le pli de flexion
tive du pied et de l’avant-pied et sont bloquées en fonction de
inguinal en dessous de l’arcade crurale. Les branches du nerf sont
la topographie des lésions (Fig. 7). Quatre sont issues du nerf
situées latéralement et à proximité immédiate de l’artère fémorale
ischiatique : les nerfs tibial (dont les branches terminales : nerfs
qui est alors visualisée en coupe transversale ou coupe « petit axe ».
plantaires médial et latéral assurent l’innervation sensitive de la
Il est parfois visualisé une artère circonflexe iliaque, en provenance
plante du pied) et sural, les nerfs fibulaires profond et superfi-
de l’artère fémorale, qu’il est important d’éviter.
ciel. Le cinquième nerf participant à l’innervation du pied est le
Bloc iliofascial sous échographie par voie axiale saphène, issu du nerf fémoral. La lidocaïne 1 %, en solution non
Cette technique permet de conserver la même technique de adrénalinée, est utilisée pour ces blocs analgésiques.
ponction qu’en l’absence d’échographie. L’inconvénient de cette Deux branches peuvent être bloquées par une injection sous-
configuration est que l’aiguille se trouve « en dehors du plan » cutanée, chez un patient en décubitus dorsal, jambe et cuisse
d’ultrasons, et qu’elle est difficile à visualiser en échographie. On fléchies et le pied reposant à plat sur la table. Le point de ponc-
peut, dans ce cas, s’aider de la technique « d’hydrolocalisation ». tion se situe à quatre travers de doigt au-dessus de la pointe de
la malléole latérale [50] . L’aiguille est introduite jusqu’au tendon
Bloc iliofascial sous échographie par voie latérale du muscle tibial antérieur pour infiltrer la zone où chemine le
Le point de ponction se situe à l’extrémité latérale de la sonde, ce nerf fibulaire superficiel. L’aiguille est ensuite ramenée au plan
qui permet un trajet « dans le plan » d’ultrasons et donc une excel- sous-cutané puis réorientée en direction postérieure, vers le ten-
lente visualisation de l’aiguille. Cette technique permet d’injecter don calcanéen, pour infiltrer la zone de cheminement du nerf
plus facilement l’anesthésique local sur les plans antérieur et pos- sural [50] .
térieur du nerf fémoral après le passage des fascias iliaca et lata. Bloc du nerf tibial
L’échographie permet de visualiser en temps réel la diffusion de Il est réalisé chez un patient en décubitus dorsal, le membre
la solution d’anesthésique local au sein après franchissement des intéressé croisant l’autre jambe de façon à exposer la malléole
deux fascias. L’aspect échographique final post-injection réalise le médiale et le pied reposant à plat sur la table. Le point de ponction
classique signe du doughnut (superposition de l’anesthésique local se situe deux travers de doigt au-dessus et en arrière de la mal-
tout autour du nerf fémoral). léole médiale et l’aiguille, introduite selon un angle de 45 degrés

6 EMC - Médecine d’urgence


Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte  25-010-G-20

Figure 7. Territoires d’innervation sensitive du


pied (A, B).

Nerf saphène
Nerf plantaire Nerf saphène
Nerf fibulaire superficiel Nerf plantaire
Nerf fibulaire profond Nerf fibulaire superficiel
Nerf sural Nerf sural
A B

par rapport au plan cutané, est dirigée sous l’artère jusqu’à obten- Blocs du membre supérieur [6]
tion du contact osseux, puis retirée de 1 à 2 mm avant d’injecter
l’anesthésique local [50] . Lorsque l’artère n’est pas palpée, le succès Les blocs du plexus nerveux brachial (interscalénique, suscla-
de ce bloc est plus aléatoire et d’autres repères sont proposés : le viculaire, axillaire, médiohuméral) n’ont pas été retenus dans
point de ponction peut ainsi être individualisé entre le médius et ce contexte. Les indications restent peu nombreuses, ce qui
l’index positionnés dans le sillon malléolaire, 3 à 4 cm au-dessus ne peut garantir un maintien de compétence des médecins de
de la pointe de la malléole médiale [50] . Le bloc du nerf tibial est, l’urgence, entretien indispensable à la réalisation de ces blocs en
dans ce cas, obtenu en déposant la solution d’anesthésique local toute sécurité et avec un faible taux d’échec. Quelques observa-
sur le plan sous-aponévrotique, en dedans du tendon du muscle tions anecdotiques ont été rapportées en pratique préhospitalière
long fléchisseur de l’hallux, facilement perçu à la mobilisation (incarcération de membre dans une machine industrielle ou un
active ou passive de l’hallux (gros orteil). Ce tendon reste d’ailleurs outillage agricole, etc.), mais la rareté des indications justifie
toujours perceptible en cas d’artérite ou d’œdème. L’aiguille peut l’appel exceptionnel à un anesthésiste réanimateur rompu à la
également être introduite perpendiculairement à la peau, dans le pratique de l’anesthésie locorégionale.
tendon du muscle long fléchisseur de l’hallux. La mobilisation Seuls les blocs tronculaires ont été retenus par la conférence
passive ou active du gros orteil entraîne alors une mobilisation d’experts récente pour les indications d’exploration et de suture
conjointe de l’aiguille. Lorsque l’aiguille est enfoncée, des pares- de plaies n’intéressant qu’un ou deux territoires à l’avant-bras
thésies surviennent et l’on retire l’aiguille de 1 à 2 mm avant ou à la main [53] . Les volumes et les doses d’anesthésiques locaux
d’injecter la solution. Le nerf tibial peut enfin être bloqué en des- sont réduits comparés à la multiplication d’injections purement
sous du sustentaculum tali, rebord osseux perçu sous la malléole « locales », permettant de minimiser le risque toxique en cas
médiale [51] . Quel que soit le point de ponction choisi, l’utilisation d’injection intravasculaire accidentelle. L’anesthésique local uti-
d’un neurostimulateur peut en faciliter le repérage en provoquant lisé est la lidocaïne à 1 % non adrénalinée. Les complications sont
une flexion des orteils. Le bloc du nerf tibial doit toujours être asso- exceptionnelles, représentées pour l’essentiel par des hématomes
cié au bloc du rameau calcanéen médial du nerf tibial qui s’en au point de ponction, généralement proches des axes artériels
individualise, parfois très tôt au-dessus de la malléole médiale. correspondants.
Ainsi, après avoir bloqué le nerf tibial, l’aiguille est ramenée en Schématiquement, les blocs tronculaires des nerfs médian,
position sous-cutanée puis réorientée obliquement, vers le bas ulnaire et radial peuvent être pratiqués au coude ou au poignet.
lorsque la ponction a été effectuée en rétromalléolaire, ou vers le Associés entre eux si nécessaire, ces blocs permettent d’explorer
haut lorsque la ponction a été réalisée sous le sustentaculum tali. et de suturer toute plaie de la main et/ou des doigts, à l’exclusion
Une infiltration sous-cutanée est effectuée en direction du tendon des plaies imposant le passage au bloc opératoire en raison de
calcanéen sur le trajet du rameau calcanéen médial du nerf tibial. lésions articulaires et/ou vasculonerveuses. Au coude, il est préfé-
Il peut être intéressant d’utiliser l’échographie pour réaliser un rable d’employer un neurostimulateur et des aiguilles gainées et de
bloc du nerf tibial à la cheville. La sonde d’échographie est posi- rechercher la réponse motrice correspondante. Au poignet, seules
tionnée de 3 à 5 cm au-dessus du bord inférieur de la malléole subsistent en général les branches d’innervation sensitive puisque
médiale, au-dessus du sillon rétromalléolaire médial. La technique les branches motrices ont quitté plus haut le tronc nerveux et
d’hydrolocalisation permet un meilleur contrôle du biseau de l’utilisation d’un neurostimulateur n’offre généralement aucun
l’aiguille. Le nerf tibial est en situation médiale et ventrale par intérêt. Des aiguilles courtes (longueur : 25 mm) sont suffisantes,
rapport au muscle long fléchisseur de l’hallux et juste dorsale par quel que soit le modèle. Les aiguilles à biseau court munies d’un
rapport à l’artère tibiale postérieure. Une répartition circonféren- prolongateur sont également un bon choix. Les complications
tielle de l’anesthésique local autour du nerf tibial est recherchée. sont exceptionnelles, hormis la piqûre vasculaire, et notamment
d’une artère qui, dans tous les cas, est facilement accessible à une
compression digitale.
Nerf fibulaire profond
Il peut être bloqué sur un sujet en décubitus dorsal, jambe et
cuisse fléchies et le pied reposant sur la table. Le repérage n’est Blocs du nerf médian
pas douloureux s’il est réalisé après le bloc du nerf fibulaire super- Après avoir traversé la fosse axillaire et le canal brachial, le
ficiel. Le point de repère se situe entre le tendon des muscles long nerf médian descend au bord médial de l’artère brachiale pro-
extenseur de l’hallux et long extenseur des orteils [52] . Ces tendons fonde jusqu’à la face antérieure du coude. Il passe ensuite entre
sont aisément repérés en demandant au patient de relever succes- les deux chefs du muscle rond pronateur, croise en avant l’artère
sivement le gros orteil puis tous les orteils. L’aiguille est introduite ulnaire, née de l’artère brachiale profonde, et descend verticale-
perpendiculairement à la peau, pointe dirigée vers le talon, jusqu’à ment sur la ligne médiane de l’avant-bras avant de passer sous
obtenir le contact osseux puis retirée de 1 à 2 mm avant d’injecter le rétinaculum des fléchisseurs des doigts. Le nerf s’engage alors
2 à 3 ml d’anesthésique local. Une compression ferme réalisée dans le canal carpien entre les tendons des muscles fléchisseurs
par le pouce de l’opérateur au-dessus du point d’injection permet radial du carpe et long palmaire et se divise en cinq branches. Le
d’éviter que l’anesthésique local ne remonte vers la jambe. Le nerf nerf médian assure l’innervation sensitive de la paume de la main
fibulaire profond peut également être bloqué par une injection en dehors d’une ligne passant par l’axe médian de l’annulaire,
quelques millimètres en dedans de l’artère dorsale du pied [51] . ainsi que la face dorsale de P2 et P3 (deuxième et troisième

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1 1/2
2

3
1
1/3

4
5
6

1/3

Figure 8. Bloc des nerfs médian et radial à la face antérieure du coude.


1. Tendon du muscle biceps brachial ; 2. épicondyle médial ; 3. artère
ulnaire ; 4. nerf radial ; 5. nerf médian ; 6. nerf ulnaire.

phalanges, respectivement) des deuxième et troisième doigts et


la moitié externe de la face dorsale de P2 et P3 du quatrième
doigt. Figure 9. Bloc du nerf radial au poignet. 1. Bloc radial.
Au coude
Le nerf médian est nettement séparé du nerf ulnaire, situé en
arrière, du septum intermusculaire. L’artère brachiale profonde, terminales au niveau de la tête radiale, 2 à 3 cm au-dessous du
dont les battements sont aisément perçus, est palpée sous le bord pli cutané de flexion du coude. La branche postérieure, motrice,
inférieur du muscle biceps du bras, au tiers inférieur du bras descend jusqu’à la face dorsale du poignet et des os du carpe où
(Fig. 8). Une aiguille de 25 mm est enfoncée perpendiculairement elle se ramifie. La branche antérieure est sensitive et descend sous
à la peau jusqu’à l’obtention de la réponse motrice correspon- le muscle brachioradial en longeant l’artère radiale. Au tiers infé-
dante soit une flexion des doigts et du poignet, correspondant rieur de l’avant-bras, le nerf radial passe en arrière sous le tendon
à une contraction des muscles profond et superficiel des doigts. du muscle brachioradial, perfore son aponévrose puis abandonne
Cinq à 6 ml de solution anesthésique sont injectés. Sur le plan trois rameaux superficiels en direction du bord latéral de la face
sensitif, le bloc est complet au niveau du territoire précédemment dorsale de la main, du premier doigt et de P1 (première phalange)
décrit, tandis que le bloc moteur intéresse la pronation et la pince du deuxième doigt.
pouce–index.
À la face antérieure du poignet Au coude
Le nerf médian est dans le canal carpien, entre les tendons Le pli cutané antérieur est repéré lorsque l’avant-bras forme un
des muscles fléchisseur radial du carpe et long palmaire, dans angle de 90 degrés avec le bras. Sur cette ligne, une aiguille de
la gouttière située entre ces deux tendons, sur une ligne cir- 25 mm est enfoncée perpendiculairement 1 cm en dehors du ten-
culaire passant par le processus styloïde de l’ulna. Le membre don du muscle biceps du bras (Fig. 8). La réponse motrice à la
supérieur est placé en supination et le poignet en extension. neurostimulation est une extension du poignet et un mouvement
Les tendons sont facilement identifiés en demandant au patient « d’éclatement de la main », les doigts s’écartant les uns des autres.
de fléchir le poignet contre résistance et le nerf se trouve après Cinq millilitres de solution sont injectés.
avoir franchi le rétinaculum des fléchisseurs du carpe. Trois à 5 ml
de solution sont injectés après franchissement du rétinaculum
Au poignet
des fléchisseurs (anciennement dénommé ligament annulaire du
carpe). Main placée en supination, le repère principal est la tabatière
Pour un échoguidage, on place la sonde d’échographie de anatomique, délimitée en dehors par le tendon du muscle long
manière transversale, entre 5 et 8 cm au-dessus du pli de flexion extenseur du pouce et en dedans par les tendons des muscles
du poignet. Il est conseillé de réaliser une injection en dehors long abducteur et court extenseur du pouce (Fig. 9). La tabatière
du plan ultrasonore avec hydrolocalisation du fait de la présence est aisément identifiée en provoquant une extension forcée de
des muscles et des tendons de la loge antébrachiale ventrale. Une la colonne du pouce et l’aiguille est enfoncée peu profondément
injection de 5 à 7 ml d’anesthésique local est suffisante dans ce pour réaliser une infiltration sous-cutanée en éventail à l’aide de 3
cas. à 5 ml d’anesthésique local. Certains auteurs décrivent une autre
technique d’infiltration en arrière du tendon du muscle brachiora-
dial, au tiers inférieur de l’avant-bras, pour bloquer le nerf dès son
Blocs du nerf radial émergence entre les tendons des muscles brachioradial et court
Le nerf radial sort de la fosse axillaire et descend en arrière et en extenseur du pouce.
dehors, contournant la face postérieure de la diaphyse humérale Sous échographie, le bloc tronculaire du nerf radial peut être
dans le sillon du nerf radial. Il chemine ensuite dans le sillon bici- réalisé à la sortie du sillon radial ou soit au-dessus du pli de flexion
pital, entre les muscles radial et brachioradial en dehors, biceps du du coude avec soit une ponction en dehors ou dans le plan ultra-
bras et brachial en dedans. Le nerf se divise en ses deux branches sonore.

8 EMC - Médecine d’urgence


Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte  25-010-G-20

1
2

A B
Figure 11. Bloc de la gaine des fléchisseurs des doigts. Distribution de
l’anesthésie de la gaine des fléchisseurs des doigts.
A. Face dorsale.
B. Face palmaire.

repères restent dans ce cas identiques, mais l’aiguille est enfoncée


latéralement, perpendiculairement et sous le tendon du muscle
fléchisseur ulnaire du carpe.
Figure 10. Blocs des nerfs médian et ulnaire à la face antérieure du Pour la réalisation du bloc du nerf ulnaire à l’extrémité distale
poignet. 1. Rétinaculum des fléchisseurs ; 2. nerf médian ; 3. nerf ulnaire. de l’avant-bras sous échographie, on place la sonde de manière
transversale au trajet du nerf, au bord médial de l’extrémité infé-
rieure de l’avant-bras. Pour des raisons de commodité, l’aiguille
Blocs du nerf ulnaire est insérée en dehors du plan, avec réalisation d’une hydrolocali-
Né du faisceau latéral du plexus brachial, le nerf ulnaire des- sation.
cend à la face médiale du bras, en s’éloignant progressivement de Le bloc ulnaire est employé pour les plaies et corps étrangers au
l’artère brachiale profonde jusqu’à l’union tiers moyen–tiers infé- bord ulnaire de la main et du cinquième doigt.
rieur du bras. À ce niveau, il perfore le septum intermusculaire
médial puis chemine à sa face postérieure jusqu’au coude où il Bloc de la gaine des fléchisseurs
passe dans le sillon du nerf ulnaire. Il descend ensuite avec l’artère Le bloc de la gaine commune des tendons fléchisseurs est indi-
ulnaire jusqu’à l’os pisiforme puis se divise dans un canal ostéofi- qué pour des gestes d’urgence portant sur les doigts : sutures de
breux en une branche palmaire sensitivomotrice et une branche plaies, excision partielle ou reposition d’ongles, extraction de
dorsale sensitive. Le nerf ulnaire innerve la partie médiale de la corps étranger, réduction de luxation interphalangienne, incision
face palmaire de la main, ainsi que le cinquième doigt et la moitié d’abcès ou de panaris, etc. Cette technique doit être adoptée en
médiale du quatrième doigt. À la face dorsale, il innerve la partie lieu et place de la technique classiquement enseignée d’anesthésie
médiale de la face dorsale du cinquième doigt, la face dorsale du « en bague » des nerfs collatéraux des doigts, relativement doulou-
quatrième doigt à l’exception de la partie latérale de P3, et la face reuse et incriminée dans la survenue d’ischémie par compression
dorsale de la partie médiale de P1 et P2 du troisième doigt. d’artérioles terminales. La gaine des tendons fléchisseurs des
Au coude doigts remonte 1 cm au-dessus des articulations métacarpopha-
Le nerf « roule sous le doigt » dans le sillon du nerf ulnaire langiennes pour les deuxième, troisième et quatrième doigts et
(gouttière épitrochléo-olécrânienne) Une aiguille de 25 mm est jusqu’au rétinaculum des fléchisseurs pour le cinquième. Le bloc
de la gaine des fléchisseurs pour ce qui concerne les premier et
enfoncée très lentement, perpendiculairement à la peau. À la
cinquième doigts n’est pas ou peu efficace sur la face dorsale en
neurostimulation, une contraction dans le territoire ulnaire
raison d’une innervation différente des autres doigts. Par ailleurs,
(contraction du muscle fléchisseur ulnaire du carpe, inclinaison
pour les doigts deux, trois et quatre, l’anesthésie ne concerne pas
ulnaire de la main, adduction du pouce) signe la position cor-
la face dorsale de P1, qui est innervée par un rameau ulnaire et
recte de l’aiguille. En pratique, la neurostimulation paraît inutile
non médian. Cela est une cause d’échec fréquente.
et une simple injection de 2 à 3 ml d’anesthésique local dans cette
Il faut signaler et prévenir le patient que la ponction est dou-
gouttière suffit à obtenir un bloc.
loureuse.
Au poignet Les blocs sont réalisés à l’aide d’une aiguille de calibre 25 à
La main est placée en adduction et le poignet est fléchi contre 27 gauges (G) et 15 mm de longueur, on utilise une seringue
résistance, pour identifier le tendon du muscle fléchisseur ulnaire de 2 ml afin de maintenir une pression constante sur le piston.
du carpe. Le nerf se trouve en dehors de ce tendon et en dedans de L’aiguille est introduite avec un angle de 45 degrés au niveau du
l’artère ulnaire (Fig. 10). L’aiguille est insérée entre ces deux repères pli cutané de flexion métacarpophalangien pour les quatre doigts
sur une ligne circulaire passant par le processus styloïde ulnaire, longs (Fig. 11), et en un point situé à mi-chemin des plis de
en position quasiment symétrique à celle du nerf médian, précé- flexion métacarpophalangien et interphalangien pour le premier
demment décrite. L’aiguille est enfoncée lentement, avec un angle doigt [35] . Le tendon fléchisseur est repéré par des mouvements
de 45 degrés en direction du coude, et 3 à 5 ml de solution sont de flexion au niveau de la tête du métacarpien correspondant
injectés. Un échec peut signer une variante anatomique, le nerf et la bonne position de l’aiguille dans la gaine tendineuse est
se trouvant en arrière du tendon fléchisseur ulnaire du carpe. Les attestée par sa mobilisation lors des mouvements de flexion. Une

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25-010-G-20  Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

Figure 12. Territoires sensitifs de la face et ana-


tomie du V (V1, V2 et V3).

V1

V2

V3

sensation de résistance excessive à l’injection signe la pénétration


du tendon lui-même et l’aiguille doit alors être très légère-
ment retirée jusqu’à disparition de la résistance. Trois millilitres
d’anesthésique local en solution non adrénalinée sont injectés
lentement tandis que la gaine est comprimée au doigt au niveau de
la tête métacarpienne pendant deux à trois minutes pour favoriser
la diffusion distale. Le bloc est installé en dix à 12 minutes.
De manière anecdotique, ce bloc a été proposé pour restaurer le 1 4
signal de l’oxymètre de pouls, lorsque ce signal ne peut être acquis
en raison d’une vasoconstriction distale excessive [54] .
2 2 cm
 Analgésie locorégionale, plaies
de la face et du cuir chevelu [55, 56]

Sous-utilisés par méconnaissance, les blocs de la face et du 2/3


cuir chevelu devraient supplanter en urgence les traditionnelles 3
1/3
anesthésies locales de la face, qui aboutissent fréquemment à infil-
trer des volumes excessifs d’anesthésique local pour suturer des Figure 13. Repères osseux des blocs sensitifs de la face. 1. Foramen
plaies aux berges devenues succulentes. Utilisée pour le traitement supraorbitaire ; 2. foramen infraorbitaire ; 3. foramen mentonnier ; 4. bloc
d’algies chroniques de la face, mais aussi comme traitement des du rameau supratrochléaire.
douleurs aiguës du zona ophtalmique [57] , l’anesthésie tronculaire
de la face est également une alternative de choix à l’anesthésie
générale chez des patients à l’estomac plein, pour sutures des foramen supraorbitaire, au rebord orbitaire supérieur, à l’aplomb
plaies multiples de la face, dont les localisations sont très variées : de la pupille centrée. L’aiguille vient au contact de l’orifice sans le
menton, lèvres, joues, pommettes, ailes du nez, paupières, front, pénétrer. On l’associe habituellement au bloc du rameau supratro-
etc. [56] . Pour les téguments de la face, quatre blocs peuvent être chléaire, au contact de l’os, à l’angle du bord supérieur de l’orbite
réalisés de manière uni- ou bilatérale [55] : le bloc supraorbitaire et de l’os nasal.
et le bloc supratrochléaire (front et paupière supérieure), le bloc Pratiqués de manière bilatérale, ces blocs génèrent une anesthé-
infraorbitaire (joue et lèvre supérieure), et le bloc mentonnier sie de tout le front, jusqu’à la suture coronale, et des paupières
(lèvre inférieure et menton) [58] . L’échographie peut permettre aux supérieures. Ils permettent donc l’exploration et la suture des
novices de conforter l’anatomie des points de ponction. La suture plaies du front et de la partie antérieure du scalp.
des plaies cutanées du nez nécessite le plus souvent des blocs bila-
téraux et impose un complément aux précédents (bloc du rameau
nasal externe, bloc du nerf alvéolaire inférieur, etc.) [55] . Ces blocs Bloc du nerf infraorbitaire
sont de réalisation aisée, ne nécessitent aucun matériel spécifique
et aucune complication sévère n’est rapportée. Comme pour le Le nerf infraorbitaire est une branche du nerf maxillaire (V2). Le
bloc de la gaine des fléchisseurs des doigts, les solutions adré- bloc est réalisé au niveau du foramen infraorbitaire, à l’aplomb de
nalinées doivent être proscrites à proximité d’artères terminales. la pupille centrée. L’aiguille, dirigée vers l’angle externe de l’orbite
La lidocaïne 1 % est la plus fréquemment employée. La ropiva- homolatérale, vient au contact de l’orifice et l’injection est faite
caïne 7,5 mg/ml offre l’avantage d’une analgésie plus prolongée. sans le pénétrer. L’anesthésie concerne la paupière inférieure, la
Pour tous les blocs à proximité de l’œil, l’utilisation d’un antisep- joue, la partie latérale du nez et l’hémilèvre supérieure, ainsi que
tique non alcoolique et non irritant pour l’œil est indispensable. les incisives et les canines supérieures (Fig. 12, 13).
Un produit comme la Betadine® ophtalmique est utilisable. Par
ailleurs, le risque d’hématome voire de plaie de l’œil doit être pris
en compte lors de la ponction. Bloc mentonnier
Le nerf mentonnier, branche du nerf mandibulaire (V3), est réa-
Blocs des nerfs supraorbitaire lisé, par voie orale ou par voie transcutanée au niveau du foramen
et supratrochléaire mentonnier, repéré au niveau de l’apex de la deuxième prémo-
laire ou de la première molaire. L’injection se fait au niveau du
Le bloc supraorbitaire permet de bloquer le nerf frontal, branche foramen sans pénétrer le canal. L’anesthésie obtenue intéresse le
du nerf ophtalmique (V1) (Fig. 12, 13). Il est réalisé au niveau du menton et l’hémilèvre inférieure (Fig. 12, 13).

10 EMC - Médecine d’urgence


Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte  25-010-G-20

Blocs tronculaires du scalp [2] Neal JM. Ultrasound-guided regional anesthesia and patient safety:
an evidence-based analysis. Reg Anesth Pain Med 2010;35:
Très efficaces et ne nécessitant que de très faibles volumes S59–67.
d’anesthésique local, contrairement aux anesthésies locales, ils [3] Nemitz B, Carli P, Carpentier F, Ducassé JL, Giroud M, Pateron D,
permettent la suture de la plupart des plaies du cuir chevelu. et al. System of reference for profession and abilities on emergency
Pour le scalp temporal, une injection traçante dans la zone medicine specialty. Ann Fr Med Urg 2012;2:125–33.
allant du tragus au bord supérieur de l’arcade zygomatique et une [4] Bruelle P, Bassoul B, Eledjam JJ. Les blocs du membre inférieur. In:
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externe permet d’obtenir un bloc analgésique des rameaux tem- Paris: Arnette-Blackwell; 1995. p. 189–216.
poral et temporofacial. [5] Dupré LJ. Les blocs du membre supérieur. In: Bonnet F, Eled-
Le scalp occipital est, quant à lui, innervé par le nerf grand jam JJ, editors. Actualité en anesthésie locorégionale. Paris:
Arnette-Blackwell; 1995. p. 165–88.
occipital ou grand nerf occipital d’Arnold, branche du second nerf
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cervical, qui devient très superficiel dans son trajet terminal. Le périphériques des membres. In: Dalens B, editor. Traité d’anesthésie
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part et d’autre de la protubérance occipitale. [7] Delaunay L, Plantet F, Jochum D. Échographie et anesthésie locoré-
gionale. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:140–60.
[8] Gray AT. Ultrasound-guided regional anesthesia: current state of the
 Conclusion art. Anesthesiology 2006;104:368–73.
[9] Borgeat A, Capdevila X. Neurostimulation/ultrasonography: the Tro-
Un certain nombre de techniques d’anesthésie locorégionale jan ware will not take place. Anesthesiology 2007;106:896–8.
sont parfaitement utilisables dans le contexte de l’urgence. Elles [10] Kessler J, Marhofer P, Rapp HJ, Hollmann MW. Ultrasound-guided
doivent être pratiquées dans le cadre d’une approche globale de la anaesthesia of peripheral nerves. The new challenge for anaesthesio-
prise en charge du patient du lieu de la détresse au bloc opératoire logists. Der Anaesthesist 2007;56:642–55.
en passant par le service d’accueil des urgences. Le développe- [11] Abrahams MS, Aziz MF, Fu RF, Horn JL. Ultrasound guidance com-
ment de l’échographie pour la réalisation de ces actes d’analgésie pared with electrical neurostimulation for peripheral nerve block: a
locorégionale permet de développer encore plus ces techniques. systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials.
Br J Anaesth 2009;102:408–17.
En pratique, pour le préhospitalier, le bloc iliofascial sous écho-
[12] Walker KJ, McGrattan K, Aas-Eng K, Smith AF. Ultrasound gui-
graphie est particulièrement intéressant. Les blocs de la face et
dance for peripheral nerve blockade. Cochrane Database Syst Rev
des membres peuvent trouver une place de choix à l’accueil des 2009;(4):CD006459.
urgences. Dans tous les cas, leur utilisation ne se conçoit qu’après [13] Barrington MJ, Kluger R. Ultrasound guidance reduces the risk of local
une formation théorique et pratique initiale. Des protocoles de anesthetic systemic toxicity following peripheral nerve blockade. Reg
service et une formation continue doivent également encadrer Anesth Pain Med 2013;38:289–97.
cette pratique. [14] Liu SS, Ngeow JE, Yadeau JT. Ultrasound-guided regional anesthesia
and analgesia: a qualitative systematic review. Reg Anesth Pain Med
2009;34:47–59.

“ Points essentiels [15] Sites BD, Spence BC, Gallagher JD, Wiley CW, Bertrand ML,
Blike GT. Characterizing novice behavior associated with learning
ultrasound-guided peripheral regional anesthesia. Reg Anesth Pain Med
2007;32:107–15.
• L’examen clinique complet avant la réalisation d’une [16] Orebaugh SL, Williams BA, Kentor ML. Ultrasound guidance with
analgésie locorégionale est indispensable et doit être noté nerve stimulation reduces the time necessary for resident peripheral
dans le dossier médical. nerve blockade. Reg Anesth Pain Med 2007;32:448–54.
• L’analgésie locorégionale est destinée principalement en [17] Grau T, Bartusseck E, Conradi R, Martin E, Motsch J. Ultrasound
imaging improves learning curves in obstetric epidural anesthesia: a
urgence à la traumatologie des membres et de la face.
preliminary study. Can J Anaesth 2003;50:1047–50.
• En phase préhospitalière, le bloc iliofascial avec ou sans [18] Helayel PE, Conceicao DB, Nascimento BS, Kohler A, Boos GL,
contrôle échographique est particulièrement intéressant Oliveira Filho GR. Learning curve for the ultrasound anatomy of
pour la prise en charge de la douleur des fractures de the brachial plexus in the axillary region. Rev Bras Anestesiol
l’extrémité supérieure du fémur. 2009;59:187–93.
• Les blocs de la face sont encore sous-utilisés à l’accueil [19] Chin KJ, Chan V. Ultrasound-guided peripheral nerve blockade. Curr
Opin Anaesthesiol 2008;21:624–31.
des urgences.
[20] Duggan E, El Beheiry H, Perlas A, Lupu M, Nuica A, Chan
• L’analgésie locorégionale des membres bénéficie de VW, et al. Minimum effective volume of local anesthetic for
l’utilisation de l’échographie, permettant de diminuer les ultrasound-guided supraclavicular brachial plexus block. Reg Anesth
doses injectées et les complications. Pain Med 2009;34:215–8.
• La lidocaïne adrénalinée reste l’anesthésique local de [21] O’Donnell BD, Iohom G. An estimation of the minimum effective anes-
choix pour le bloc iliofascial en urgence. thetic volume of 2% lidocaine in ultrasound-guided axillary brachial
plexus block. Anesthesiology 2009;111:25–9.
[22] Liu SS, Ngeow J, John RS. Evidence basis for ultrasound-guided
block characteristics: onset, quality, and duration. Reg Anesth Pain
Med 2010;35:S26–35.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en [23] Koscielniak-Nielsen ZJ. Ultrasound-guided peripheral nerve blocks:
relation avec cet article. what are the benefits? Acta Anaesthesiol Scand 2008;52:727–37.
[24] Brull R, Perlas A, Cheng PH, Chan VW. Minimizing the risk of intra-
vascular injection during ultrasound-guided peripheral nerve blockade.
Remerciements : au Dr Medhi Benkhadra et au Pr Éric Viel, qui avaient participé Anesthesiology 2008;109:1142.
à la version précédente de ce chapitre. [25] Chin KJ, Chan V. Evaluating outcomes in ultrasound-guided regional
anesthesia. Can J Anaesth 2010;57:1–8.
[26] Chan VW, Brull R, McCartney CJ, Xu D, Abbas S, Shannon P. An
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 Références electrical stimulation in pigs. Anesth Analg 2007;104:1281–4.
[27] Jochum D, Bondar A, Delaunay L, Egan M, Bouaziz H. One size
[1] Pratique des anesthésies locales et locorégionales par des médecins does not fit all: proposed algorithm for ultrasonography in combination
non spécialisés en anesthésie-réanimation, dans le cadre des urgences. with nerve stimulation for peripheral nerve blockade. Br J Anaesth
Ann Fr Anesth Reanim 2004; 23:167–76. 2009;103:771–3.

EMC - Médecine d’urgence 11


25-010-G-20  Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte

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S. Mirek, Assistant hospitalo-universitaire.


Service d’anesthésie-réanimation, Bocage central, CHU de Dijon, 14, rue Gaffarel, 21033 Dijon cedex, France.
M. Freysz, Professeur des Universités, praticien hospitalier (marc.freysz@chu-dijon.fr).
Département de médecine d’urgence SAMU-SMUR-SRAU, CHU de Dijon, 14, rue Gaffarel, 21033 Dijon cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mirek S, Freysz M. Analgésie locorégionale en urgence chez l’adulte. EMC - Médecine d’urgence
2014;9(4):1-12 [Article 25-010-G-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Médecine d’urgence


¶ 25-010-G-50

Techniques d’immobilisation
des membres
M. Raphaël, B. Adam

Les techniques d’immobilisation font partie de l’arsenal thérapeutique de traumatologie qu’il convient de
maîtriser aux urgences. La durée généralement prolongée du maintien de l’appareil impose une
confection initiale parfaite, au risque de voir se développer des complications parfois graves à bas bruit.
Seul le respect des règles de protection du membre et de modelage du matériau employé garantit
l’efficacité de l’immobilisation, quelle que soit la facture choisie pour la réalisation. Le plâtre reste le
matériau le plus employé dans les services d’urgences pour sa facilité à être travaillé, la sécurité que lui
confère son temps de séchage long et son coût modique. Les contentions souples, de réalisation souvent
fastidieuse, tendent aujourd’hui à être supplantées par des orthèses, certes un peu moins adaptées
anatomiquement, mais beaucoup plus pratiques et hygiéniques.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Immobilisation ; Contentions ; Plâtres ; Syndactylie ; Mayo Clinic ; Dujarier

Plan ■ Immobilisations plâtrées


¶ Introduction 1 Préparation
¶ Immobilisations plâtrées 1
Les bijoux ornant les extrémités des membres immobilisés et
Préparation 1
le vernis à ongles doivent être retirés. La peau doit être propre
Techniques de réalisation 1 et sèche. L’état vasculaire et cutané du segment de membre
Principales immobilisations plâtrées du membre supérieur 3 atteint est vérifié. En cas d’œdème initial important, il est
Principales immobilisations plâtrées du membre inférieur 4 prudent de temporiser quelques jours avec une attelle afin de ne
¶ Résines 5 pas risquer de compression.
¶ Contentions souples 5
Le membre est figé dans la position d’immobilisation choisie.
Sauf indication particulière, comme au décours d’une réduction
Syndactylie 5
de fracture pour maintenir un alignement, il s’agit de la
Mayo Clinic 5
position de fonction. L’immobilité ne peut être garantie que par
Dujarier 6 la présence d’une aide. Il faut insister sur ce point. Faire un
plâtre seul est une gageure qui rend le résultat aléatoire. On doit
vérifier à chaque étape la bonne position du membre atteint.
Il faut correctement informer le patient et s’assurer qu’il a
■ Introduction .
bien reçu et compris les conseils de surveillance et d’entretien ;
cette information orale est complétée par une information
Une immobilisation est un acte thérapeutique qui favorise et écrite.
dirige la consolidation d’une lésion osseuse ou ligamentaire, Il existe de nombreuses variantes dans la façon de confec-
d’un membre ou d’une articulation. C’est aussi un excellent tionner un appareil plâtré. Chaque opérateur possède son truc
moyen antalgique qui permet la mise au repos d’une articula- de fabrication ; mais si les méthodes diffèrent, les grands
tion. L’appareil d’immobilisation peut être souple ou rigide principes de réalisation ne doivent pas déroger aux règles
selon l’objectif recherché. Quelle que soit la méthode employée, ci-dessous exposées, en particulier concernant la protection et le
le respect des règles de confection ou de pose des appareils moulage des membres.
assure la prévention d’un grand nombre de complications.
L’immobilisation et la contention sont des actes médicaux. Techniques de réalisation
Toutefois, le législateur prévoit dans le décret de compétence de
la profession d’infirmier (n° 2002-194 du 11 février 2002) que Mise en place du jersey tubulaire
« l’infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale Le jersey assure la protection de la peau pendant la durée de
écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, la pose de l’immobilisation et au moment du découpage de l’appareil par
dispositifs d’immobilisation, à condition qu’un médecin puisse la scie ; même si elle ne coupe pas, la lame s’échauffe et peut
intervenir à tout moment ». entraîner des brûlures cutanées. Pour sa mise en place, le jersey
La contrainte créée par la contention en termes de réduction préalablement enroulé sur lui-même, est déroulé le long du
d’autonomie ne doit pas faire négliger l’indispensable sur- membre sans traction. Une longueur suffisante permet de
veillance clinique. l’éverser avec le rembourrage aux extrémités pour recouvrir les

Médecine d’urgence 1
25-010-G-50 ¶ Techniques d’immobilisation des membres

Pour éviter tout risque de compression, les bandes plâtrées


sont posées sans tension, en les roulant littéralement sur le
membre de façon continue et en se recouvrant de moitié à
chaque tour. Le principe est de réaliser un tube, d’épaisseur
homogène sur toute la longueur de l’appareil, en effectuant des
aller et retour entre les limites distale et proximale. Lorsqu’une
bande est totalement déroulée, la suivante repart de l’endroit où
la précédente s’est arrêtée et continue la progression. Une fois
parvenu à la limite proximale, le déroulement se réfléchit vers
la limite distale et ainsi de suite, jusqu’à obtenir une épaisseur
suffisante.
Une main déroule la bande pendant l’autre lisse dans le sens
inverse. Ce lissage s’effectue à chaque tour avec la paume de la
main. Les reliefs et les creux osseux (malléoles, voûte plantaire,
Figure 1. Pose du rembourrage. rotule, paume de la main) sont moulés avec soin. Il est néces-
saire de maintenir la pression plusieurs secondes, en particulier
bords du plâtre. Cette manœuvre évite l’effritement et les sur le rembourrage qui exerce une force centrifuge, pour bien
lésions de frottement. fixer l’empreinte. Ce moulage « anatomique » contribue à
Il existe plusieurs tailles pour s’adapter aux différentes bloquer le membre à l’intérieur de l’appareil plâtré et évite les
morphologies. Un calibre trop large va plisser ; les plis une fois frottements dus à une mobilité excessive. Le travail soigneux de
durcis par le plâtre deviennent des arêtes pouvant blesser la la première couche est donc capital ; s’il n’est pas fait correcte-
peau sous-jacente. Des plis inévitables se forment au niveau des ment, les couches suivantes ne peuvent que s’empiler et le
zones de flexions des articulations. Pour les supprimer, une lissage final ne façonne qu’un manchon informe. L’absence de
découpe est effectuée dans leur largeur afin de superposer les lissage des bandes à chaque tour réalise un aspect « mille
deux rabats. feuilles » avec des bandes ayant séché les unes sur les autres,
Le jersey est utilisé comme seule protection lorsque l’on sans aucune cohésion.
recherche une immobilisation stricte ; c’est le cas après réduc- La prise du plâtre débute au bout de 2 minutes. Si la bande
tion d’une fracture déplacée ; le plâtre est moulé directement devient sèche : arrêter la pose et couper la bande inutilisable
sur le jersey, ce qui limite au maximum le risque de mobilité du pour repartir avec une nouvelle. Classiquement, le déroulement
foyer de fracture. Une double, voire une triple épaisseur de des bandes commence au niveau de la zone lésée.
jersey est nécessaire dans ce cas pour renforcer la protection Pour donner à l’appareil des limites nettes et mousses, éverser
cutanée. Cette technique est aussi choisie chez l’enfant du fait le jersey avec le rembourrage aux extrémités et fixer le rabat par
de la petite section de ses membres qui expose plus facilement une dernière bande circulaire.
à une mobilité inopinée, le rembourrage éloignant la coque On peut parfaire le lissage final à l’aide du sachet d’emballage
rigide du plâtre du membre. des bandes ou d’un gant jetable pour obtenir un aspect
homogène.
Rembourrage Pour terminer, l’appareil peut être complété par des attelles de
Il est effectué à l’aide de coton synthétique hydrophobe. Sa renfort, placées de façon à contrarier le mouvement des articu-
fonction est de protéger la peau d’éventuels points de compres- lations immobilisées. Elles sont confectionnées en pliant en
sion. Enroulé autour du membre, il « gomme » les reliefs osseux accordéon au moins quatre épaisseurs de bande de la longueur
mais rend le moulage plus difficile. Sa présence procure un voulue. Le trempage est bref, l’essorage doux. Un lissage
confort pour le patient mais crée une chambre de mobilité. s’effectue à plat sur la table avant application sur le membre.
Cette surépaisseur possède des propriétés élastiques qui éloi- Tout au long de la réalisation, la position du membre est
gnent encore plus le membre du manchon rigide. La bande vérifiée constamment, afin d’éviter l’apparition de reliefs
plâtrée devient moins adhérente au membre ; à l’intérieur, inopportuns source d’une possible compression.
l’immobilisation est un peu moins stricte. En revanche, lors de
la dépose, la mousse est davantage protectrice. Réalisation d’une fenêtre
Il est placé en très légère tension de la partie distale vers la
partie proximale, afin d’épouser la forme tronconique des Lorsqu’une plaie est présente sur le membre, un accès pour
membres. À chaque passage, la bande recouvre de moitié celle la réalisation des soins doit être prévu sous forme d’une fenêtre.
déposée au tour précédent (Fig. 1). Une épaisseur supplémen- On place une surépaisseur de compresses débordant large-
taire peut être placée sur des saillies osseuses proéminentes ou ment la plaie puis on enfile le jersey. Les bandes plâtrées sont
sur une zone particulièrement fragile. Il doit être éversé aux posées en moulant cette zone en relief, puis une découpe est
extrémités avec le jersey afin de protéger la peau des arêtes effectuée. Le jersey est éversé et fixé par des morceaux de bande
distale et proximale que forment les limites de l’appareil. plâtrée.
Le séchage se fait en 48 heures, temps nécessaire pour une
Bandes plâtrées évaporation complète de l’eau. Il faut informer le patient de
Il en existe de différentes tailles. Leur stockage doit se faire l’importance de ne pas couvrir le plâtre pendant ce temps et de
dans une pièce sèche ; si l’atmosphère est humide, le plâtre proscrire tout appui ou contrainte. Ce délai de séchage du
commence la cristallisation et devient sableux. Pour éviter ce plâtre, qui peut paraître long, est en fait un atout de ce
désagrément, les sachets ne doivent être ouverts qu’au moment matériau. Le plâtre encore humide reste déformable par un
de leur utilisation. éventuel œdème se développant après l’immobilisation. Cette
Les bandes sont trempées dans l’eau, en tenant le chef dans qualité le fait préférer aux bandes de résine en contexte
l’autre main, pendant 6 à 8 secondes, le temps que toutes les
.1

d’urgence.
bulles d’air s’échappent, témoignant d’un bon mouillage. L’eau
doit être à température ambiante. La cristallisation du plâtre Réalisation d’une attelle simple
produit un dégagement de chaleur d’environ 15° ; une eau trop L’attelle permet d’immobiliser une ou plusieurs articulations
chaude ferait monter la température des bandes de façon en couvrant leur face d’extension ou de flexion (Fig. 2). Il s’agit
excessive, exposant le patient à un risque de brûlure. La bande d’une gouttière, généralement postérieure et par définition, non
sortie de l’eau est essorée avec précaution afin de ne pas trop circulaire. De facture plus rapide et plus simple, elle est utilisée
perdre de matériau plâtré. principalement pour des immobilisations temporaires. La
L’eau est changée à chaque nouvelle utilisation. préparation et la protection du membre sont identiques à celles
La technique générale consiste en la superposition de bandes d’une immobilisation circulaire. L’épaisseur de bande varie selon
posées de façon circulaire, éventuellement renforcées par des la localisation de pose ; 6 pour un poignet, 10 à 12 pour une
attelles, pour les zones fragiles, le tout recouvert de nouvelles jambe. Une fois lissée, l’attelle peut être glissée dans un jersey
couches circulaires. puis mise en place sur le membre à l’aide de bandes de crêpe.

2 Médecine d’urgence
Techniques d’immobilisation des membres ¶ 25-010-G-50

Figure 2. Attelle de poignet.

Figure 4. Haubanage du coude.

tour. L’épaisseur doit être constante tout le long de l’appareil.


Les reliefs osseux, la paume de la main et la commissure du
pouce sont bien moulés. Le pouce doit être parfaitement mobile
et la flexion métacarpophalangienne complète. Il faut veiller à
ne pas comprimer les styloïdes ulnaire et radiale, les éminences
thénar et hypothénar ainsi que la face antérieure du poignet. En
Figure 3. Limite distale de la manchette. fin de réalisation, le plâtre est lissé pour lui donner sa cohé-
.3

rence. Une écharpe aide à supporter l’appareil.


Dépose Plâtre brachio-antébrachio-palmaire
Elle se fait avec une scie à plâtre. Pour des raisons de sécurité Le membre est nettoyé précautionneusement et bien séché.
évidente, la lame vibre et n’a aucun mouvement rotatoire. Le On le recouvre de jersey et de ouate synthétique de
patient doit être informé de l’innocuité de l’outil afin d’éviter rembourrage.
une appréhension inutile. S’il n’y a pas de risque de section Le coude est fléchi à 90°, l’avant-bras en position neutre
pour le membre sous-jacent, un contact appuyé et prolongé de (demi-pronation) et de fonction (pouce dans l’alignement du
la lame sur le plâtre provoque un échauffement pouvant être radius).
responsable d’une brûlure cutanée. La scie doit être placée La limite proximale se situe un travers de main sous l’acro-
obliquement à la surface du plâtre afin d’être le plus tangentiel mion. Le creux axillaire est laissé libre.
possible à la peau. La masse plâtrée doit être tranchée dans La limite distale se situe au niveau de la tête des métacarpiens
toute son épaisseur à chaque progression. Les lignes de section sur la face dorsale et du pli palmaire inférieur sur la face
doivent éviter les points saillants du squelette osseux (malléoles, palmaire.
rotule, etc.). La partie distale obéit à la même facture que la manchette.
Le plus important est de laisser une chambre antérieure au
Principales immobilisations plâtrées niveau du pli du coude afin de ne pas comprimer les structures
.2

du membre supérieur vasculonerveuses. La technique la plus simple consiste à réaliser


un haubanage entre le bras et l’avant-bras puis à le recouvrir par
Manchette plâtrée des bandes circulaires (Fig. 4).
Le membre est nettoyé précautionneusement et bien séché. En fin de réalisation, le plâtre est lissé pour lui donner sa
On le recouvre d’une ou plusieurs couches de jersey et de
.4

cohérence. Une écharpe aide à supporter l’appareil.


rembourrage selon le type d’immobilisation recherché (cf.
supra).
Variante type scaphoïde
Le poignet est en position de fonction avec une extension Il s’agit d’une manchette ou d’un brachio-antébrachio-
dorsale de 20°, pouce dans l’alignement du radius, sauf indica- palmaire immobilisant en plus la colonne du pouce. La protec-
tion particulière lorsqu’il faut maintenir une position après tion du pouce s’effectue avec un jersey de 3 cm de largeur et
correction d’une fracture. d’une longueur d’environ 15 cm. Une découpe est faite en son
La limite proximale se situe deux travers de doigts sous le pli milieu jusqu’à la moitié de sa largeur. La partie distale est
du coude. Elle est oblique d’avant en arrière. enfilée autour du poignet, alors que la partie proximale ne
La limite distale se situe au niveau de la tête des métacarpiens recouvre que le pouce (Fig. 5). Le passage de la première
sur la face dorsale. Un arrêt en amont de cette ligne risque de commissure est réalisé en découpant la bande plâtrée sur la
bloquer le retour veineux. Sur la face palmaire, la limite se situe moitié de sa largeur et en l’enroulant autour de la base du
au niveau du pli palmaire inférieur (Fig. 3). Le franchissement pouce et de l’éminence thénar (Fig. 6). L’opération est repro-
distal de ce pli entrave la liberté de la métacarpophalangienne. duite à chaque tour de bande.
L’enraidissement qui peut en résulter expose au risque Une variante consiste à terminer la manchette par une attelle
d’algodystrophie. cravate, confectionnée avec une bande de 5 cm et posée sur la
Pour débuter, l’amorce de la bande est repliée trois ou quatre base du pouce.
fois sur elle-même de la largeur de la paume pour former une
petite attelle palmaire ; une fois posée, la bande est déroulée de Variante métacarpienne
façon circulaire vers le coude puis revient vers le poignet, en Il s’agit d’une manchette dont la limite distale recouvre les
prenant soin de ne superposer que la moitié de la bande à premières phalanges, laissant libre l’interphalangienne proxi-
chaque tour. La bande est posée sans tension et lissée à chaque male. La métacarpophalangienne est fléchie à 90°. Pour certains,

Médecine d’urgence 3
25-010-G-50 ¶ Techniques d’immobilisation des membres

Figure 7. Attelle de pouce.


Figure 5. Protection du pouce.

Figure 8. Botte pédieuse.

.7
métatarsiens. Lorsque l’indication est l’immobilisation de
l’avant-pied une semelle dépassant les orteils de 1 à 2 cm est
créée.
Sur la face dorsale, la limite se situe un peu au-dessus des
métatarsophalangiennes autorisant une dorsiflexion des orteils
(Fig. 8).
Figure 6. Passage de la première commissure. Le patient est installé, soit en décubitus dorsal le genou fléchi
par appui poplité sur la barre à genou, soit en décubitus ventral
la limite proximale peut se situer au niveau de la première la jambe fléchie à 90°. Sauf indication contraire, la cheville doit
rangée du carpe (gantelet). Une syndactylie solidarise le doigt, être en position neutre, l’axe du pied perpendiculaire à celui de
dont le métacarpien est cassé, avec le doigt adjacent afin la jambe.
d’éviter un trouble rotatoire. L’immobilisation des premières Le rembourrage des malléoles et du cou-de-pied doit être
phalanges peut ne concerner que ces deux doigts en cas de conséquent puisque ces zones supportent le poids de l’appareil
fracture unique. Une variante consiste à immobiliser le méta- lors de la position verticale. Les contours malléolaires et la
carpien fracturé et le doigt adjacent à 90° sur une attelle de voûte plantaire doivent être soigneusement moulés pour limiter
.5

Zimmer (aluformée), elle-même insérée dans un gantelet. la mobilité à l’intérieur de l’appareil.


Les zones de compression à éviter sont les têtes des premier
Attelle de première colonne
et cinquième métatarsiens, le cou-de-pied et les malléoles.
Elle peut être commissurale, confectionnée avec une bande de Un renfort plantaire est confectionné par une attelle.
15 cm de large sur 20 cm de long en repliant quatre épaisseurs.
Pour répartir les forces d’appui et éviter les compressions par
Les extrémités se croisent sur le bord externe du pouce.
déformation du plâtre encore mou, le séchage superficiel
Elle peut couvrir la face dorsale du pouce avec une bande de
s’effectue la botte sur la table de travail, le genou en flexion et
10 cm de large, sur laquelle deux incisions distales sont faites,
le membre inférieur en rotation externe.
détachant des languettes de 2 cm de large et 5 cm de long
À la fin de la réalisation il faut vérifier que les cinq orteils
venant se croiser dans la commissure (Fig. 7).
soient libres, et que le genou puisse fléchir à 90°.
Une bande de crêpe maintient ces attelles en place.
Si l’appui est autorisé, une talonnette sur la face plantaire est
Principales immobilisations plâtrées posée sur plâtre sec, après 48 heures, en avant des malléoles,
dans le prolongement de l’axe tibial.
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du membre inférieur
Botte pédieuse Crurojambier ou genouillère
Elle immobilise la jambe, la cheville et le pied. Sa confection La genouillère immobilise le genou.
nécessite trois bandes de 10 ou 15 cm de large. L’appareil s’étend du trochanter aux malléoles.
La limite proximale est oblique. En avant, l’appareil remonte La limite proximale passe en avant, trois travers de doigt sous
jusqu’au niveau de la tubérosité tibiale, puis descend en oblique le pli inguinal, latéralement en regard du grand trochanter et en
au niveau du bord supérieur de la tête de la fibula. Sur le bord arrière s’arrête dans le pli fessier.
médial, la même obliquité est reproduite. Sur la face postérieure, Pour le bord distal, l’appareil doit prendre appui sur les
la limite de l’appareil doit laisser libre la flexion du genou en malléoles pour empêcher son glissement (il s’arrête sur les
se terminant à trois travers de doigt du creux poplité, sous saillies osseuses, sans redescendre sur les pointes). L’appareil doit
l’insertion des tendons des ischiojambiers. être échancré en avant et en arrière, afin de laisser libre les
Au niveau distal, l’immobilisation doit recouvrir la plante du mouvements du tendon calcanéen (d’Achille) et du tibial
pied, dépassant au moins le coussinet plantaire de la tête des antérieur.

4 Médecine d’urgence
Techniques d’immobilisation des membres ¶ 25-010-G-50

substitution deux à trois fois plus léger qu’un plâtre tradition-


nel. Les bandes sont constituées d’une trame fibreuse, histori-
quement en fibre de verre, enduite d’une résine polymérisant en
air ambiant et sous l’effet de l’humidification. Cette composi-
tion leur confère une meilleure radiotransparence facilitant la
surveillance. L’autre avantage apprécié du matériau est sa
solidité et sa très grande résistance dans le temps. Cette
propriété est particulièrement intéressante lorsqu’on sait qu’un
tiers des appareils plâtrés serait refait ou renforcé pendant la
durée de l’immobilisation. Le confort procuré par les bandes de
résine comparativement au plâtre est indéniable. L’imperméabi-
lité de la résine à l’eau n’autorise pas pour autant l’immersion
de l’appareil d’immobilisation. Ce point doit être précisé aux
patients, qui amalgament souvent résine et étanchéité.
Figure 9. Cruropédieux : utilisation de la barre à genoux. Malgré ses qualités, la résine n’a pas été en mesure de
supplanter totalement le plâtre. L’essor des prescriptions par les
praticiens a mis à jour plusieurs inconvénients liés à la concep-
tion même du produit, qui aujourd’hui limitent les indications
d’emploi. Le principal est la moins bonne plasticité des bandes.
Il est impossible d’obtenir un moulage anatomique du membre
tel que l’on peut le réaliser avec du plâtre ; associé à la dureté
du matériau, ce désavantage majore le risque de compressions
localisées au niveau des saillies osseuses. La rapidité de la
polymérisation durcissant fortement la bande rend l’adaptation
au relief cutané médiocre ; des plis se forment plus facilement
et sont source de blessure potentielle. Au niveau des bords, la
fibre de verre, particulièrement coupante, peut blesser si l’on ne
prend garde à protéger la peau convenablement. Le rembour-
rage doit être généreux pour éviter au maximum le contact
cutané. En conséquence, le moulage perd encore en précision et
l’immobilisation est moins stricte du fait de la chambre de
mobilité ainsi créée. Des innovations technologiques sont
Figure 10. Cruropédieux : limites. venues, ces dernières années, corriger partiellement certains de
ces défauts. La fibre de verre a pu être remplacée par un
mélange de fibre polypropylène, de polyester et d’élasthane
Selon l’indication, le genou doit être installé en extension imprégné d’une résine. Les bandes sont devenues plus flexibles,
complète, mais pas en recurvatum, ou en flexion de 10 à 20°, permettant un meilleur moulage. La dureté du produit final et
lui permettant d’être « déverrouillé ». le temps de prise rapide (3 à 4 minutes) restent toutefois la
Le rembourrage doit être soigneux en regard de la tête de la règle. L’évolution extrême est une résine semi-rigide dont la
fibula et du nerf fibulaire commun ainsi qu’en regard de la crête place dans la stratégie thérapeutique n’est pas consensuelle.
tibiale. Le rembourrage et le moulage du bord supérieur de la Ces éléments doivent être pris en compte lors du choix du
patella et des malléoles sont importants puisque ces zones matériau d’immobilisation. Certaines situations se prêtent
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supportent le poids de l’appareil lors de la position verticale. mieux que d’autres à l’emploi de la résine ; elles intègrent le
type de lésion, l’âge du patient, son degré d’autonomie et le
Cruropédieux
coût, trois à quatre fois supérieur. La résine n’est pas une simple
L’appareil doit en principe remonter jusqu’à la racine de la alternative matérielle mais une option réfléchie.
cuisse. Cependant, lorsque cette immobilisation est réalisée pour
éviter les mouvements de rotation du genou, la limite proxi-
male peut être plus basse. La limite proximale passe en avant ■ Contentions souples
trois travers de doigt sous le pli inguinal, latéralement en regard
du grand trochanter et en arrière au niveau du pli fessier. La Syndactylie
limite distale doit recouvrir la plante du pied, dépassant au La syndactylie est une immobilisation fonctionnelle. Elle est
moins le coussinet plantaire de la tête des métatarsiens et, sur souvent utilisée pour les traumatismes des doigts et des orteils
la face dorsale, s’arrêter un peu au-dessus des articulations en l’absence d’indication chirurgicale.
métatarsophalangiennes autorisant la dorsiflexion des orteils. Elle consiste à solidariser deux doigts en laissant les articula-
Le patient est en décubitus dorsal, cuisse fléchie, le genou tions libres. Pour éviter les frottements cutanés, une compresse
reposant sur une barre avec un angle de 15 à 20°. La cheville .9 au mieux enduite d’un corps gras, est insérée entre les doigts.
doit être à 90° sans pronation ni supination (Fig. 9).
Le rembourrage doit être soigneux en regard de la tête de la
fibula et du nerf fibulaire commun ainsi qu’en regard de la crête
Mayo Clinic
tibiale, des malléoles et du cinquième métatarsien (Fig. 10). Ce système permet une contention relative de la scapulohu-
mérale et de la coiffe, en maintenant le coude au corps.
Botte de Graffin La confection de l’appareil s’effectue sur un sujet assis torse
Cette immobilisation laisse libre la zone calcanéenne afin nu, coude au corps fléchi à 90°, épaule en rotation médiale.
qu’il n’y ait pas de conflit entre l’appareil et la zone lésée. Dans un jersey de 3 m de long environ et 7 cm de large, une
La réalisation est identique à celle de la botte, mais l’appui est incision au niveau du premier tiers du jersey permet d’enfiler le
situé sur l’avant-pied, justifiant un renforcement des faces membre supérieur à immobiliser jusqu’à la butée du creux
latérales qui transmettent les forces d’appui. axillaire. Le chef proximal du jersey est déroulé à la face
postérieure du cou pour revenir à la face antérieure du thorax
où il vient crocheter le poignet et se fixer au moyen d’une
■ Résines épingle à nourrice. Le chef distal, dans le prolongement de la
main, est déroulé dans le dos du patient pour venir crocheter
L’une des contraintes principales de l’appareil plâtré est son l’extrémité inférieure de l’humérus. Il est fixé par une épingle.
poids, d’autant plus importante que l’immobilisation est Une incision du jersey est pratiquée au niveau du poignet pour
prolongée. Fort de cette constatation, un industriel américain libérer la main. Pour éviter les risques de frottement et de
mit au point dans les années 1970 un matériau composite de macération, un pansement américain protège le poignet, le

Médecine d’urgence 5
25-010-G-50 ¶ Techniques d’immobilisation des membres

Figure 11. Mayo Clinic.

Figure 13. Passage des bandes selon 3 directions.

Un pansement américain protège les zones de frottement et


d’appui au niveau du poignet, de l’abdomen, du creux axillaire
et des plis sous-mammaires.
L’immobilisation de la scapulohumérale dans les trois direc-
tions (flexion-extension, abduction-adduction, rotation)
(Fig. 13) est assurée par six à huit bandes de crêpe type Vel-
peau®, de 15 à 20 cm, appliquées selon trois directions complé-
mentaires : verticale, horizontale et oblique (du coude et de
l’avant-bras immobilisé à l’épaule controlatérale). Il faut veiller
à libérer la main du membre immobilisé par des incisions dans
la bande lorsque celle-ci recouvre l’avant-bras.
Chaque tour de bande est fixé au précédent par des bandes
Figure 12. Dujarier. extensives collantes ou par des épingles à nourrice dont le
mécanisme d’ouverture doit être condamné par du sparadrap et
non fixé sur les zones d’appui en décubitus du patient.
creux axillaire et le cou. Pour ne pas provoquer de compression Certains remplacent les bandes de crêpe par des bandes
vasculonerveuse, il faut veiller à ce que l’angle du coude ne soit collantes élastiques fixées selon les mêmes directions. Le gilet
pas supérieur à 90° (Fig. 11). gagne alors en rigidité mais l’inconfort du patient algique lors
Le jersey ayant tendance à se distendre rapidement sous le de la pose puis la limitation de l’ampliation thoracique plaide
poids du membre, la contention peut rapidement s’avérer pour l’utilisation des bandes de crêpe.
insuffisante. Une orthèse disponible en pharmacie (type gilet Le bandage doit être suffisamment serré pour bien contenir,
orthopédique) peut prendre le relais lors de la première consul- mais ne doit pas engendrer de douleurs. Il doit rester conforta-
.10 tation de contrôle. ble dans la mesure du possible.
Les bijoux sont ôtés en prévention. Le patient doit éviter de
Dujarier dormir sur le côté fracturé. Il doit être informé du risque de
C’est le seul système permettant l’immobilisation de la déséquilibre au lever ou à la marche.
scapulohumérale. Il permet l’ampliation thoracique, tout en La surveillance doit être facilitée par la mise en place d’un
maintenant l’immobilisation. Il se réalise avec des bandes de calendrier de consultations spécialisées décidé aux urgences. Elle
crêpe posées par-dessus un maillot en jersey qui protège le repose sur :
thorax (Fig. 12). • le dépistage d’une compression vasculonerveuse. Le coude ne
Le patient est assis, coude au corps fléchi à 90° et l’avant- doit pas être immobilisé en position de flexion à angle fermé
bras sur l’abdomen. Dans un premier temps, le jersey de corps supérieur à 90° ;
est enfilé en commençant l’habillage par le bras invalide pour .
• la surveillance du maintien de la contention de l’appareil ;
éviter sa mobilisation. Un jersey de 7 cm de large permet la • l’assurance que le patient ne soit pas gêné pour respirer ;
confection d’une manche complémentaire protégeant le bras. • le non-déplacement des foyers de fracture.

M. Raphaël (maurice.raphael@libertysurf.fr).
B. Adam.
Service d’accueil des urgences, Centre hospitalier intercommunal, 10, avenue du Général-Leclerc, 93370 Le Raincy- Monfermeil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Raphaël M., Adam B. Techniques d’immobilisation des membres. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-G-50, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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