ASSOCIATION N° 78

DES ANCIENS ELEVES 1er trimestre 2013

ET ELEVES DE L’EN3S

Élan Social La revue

de l'AEN3S

Cahier central
Rencontre avec Quels agents
Dominique Libault,
directeur de l’EN3S de direction
demain ?
2
ASSOCIATION
DES ANCIENS ELEVES
ET ELEVES DE L’EN3S

Marc-André AZAM
Président de l’AEN3S

Edito
Centré sur nous et ouvert sur la sécu, la France et le monde.

C’est tout l’univers des anciens élèves qui défile dans ce nouveau numéro
d’ÉLAN SOCIAL, la revue des anciens élèves de l’AEN3S.

Actualité de l’école, à travers les rencontres du bureau de l’association

avec les promotions en cours, mais aussi à travers l’interview de son
– de moins en moins nouveau – directeur, qui annonce ses ambitions, qui
rejoignent aussi les nôtres.

Notre actualité, les attentes de nos futurs recruteurs, qui sont d’ailleurs
bien souvent des nôtres. L’actualité de nos « nouvelles frontières », de
nos mobilités, qui s’ouvrent dans ce numéro sur les « régimes spéciaux ».
Nos coups de gueule aussi, sur le délicat sujet de nos rémunérations et du
financement, justement, de nos mobilités…

Et l’ouverture sur le monde, la MAP, le RSA, la Cour des Comptes, la PLFSS, …

sigles abscons, mais lourds de sens pour nous.

Bonne lecture à tous, et merci de votre soutien.

On continue de travailler pour les anciens élèves…


Cahier central
QUELS AGENTS DE DIRECTION
DEMAIN ?
01 > 06
Le regard des directeurs
06 > 07
Les écoles de management :
un monde en pleine mutation
07 > 08
La mobilité externe : comme ça marche ?
Comité de rédaction :
- Marc-André Azam / CPAM de l’Oise
- Olivier Bachelard / ESC Saint-Étienne
- Frédéric Baysselance / URSSAF de la Gironde
- Marie-Antoinette Chaplain /
Ancienne élève, retraitée
- Fatma Drissi / CAF de Paris
- Jean-Hervé Dupont / URSSAF de l'Hérault
- Augustin Emane / Université de Nantes
- Lionel Ferraris / UCANSS
- Flora Furlan / URSSAF Bouches du Rhône
- Emmanuel Godard / Ancien élève, retraité
- Gilles Huteau / Professeur EHESP Rennes 1
- Brigitte Laloupe / UEN3S
- Albert Lautman / CNAVTS
- Frédéric Vabre / CPAM de Créteil
- Ollivier Vacchino / UCANSS
- Isabelle Fillet et Romain Gibert /
52ème promotion de L’EN3S
Ont contribué à ce numéro :
- David Dufourcq / CPAM du Val d’Oise
- Xavier Bonnet / Cour des Comptes
- Les élèves de la 51ème promotion de l'EN3S :
Nathalie Boughambouz, Clémence Lalaut,
Tiphaine Merialdo et Franck-Emmanuel Fleury
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Sommaire
VIE DU RÉSEAU
04 Vos délégués en régions
05 Billet d’humeur : « Provocations »
06 - 07 Rencontre avec la 51ème promotion,
12 décembre 2012
08 - 10 Le Revenu de Solidarité Active :
bilan 3 ans après sa mise en œuvre
11 - 12 La continuité dans le changement :
de la RGPP à la MAP
13 - 14 Rencontre avec Antoine Durrleman,
conseiller-maître à la Cour des comptes
15 - 17 Les régimes spéciaux,
Table ronde du 17 janvier 2013
18 - 21 Le rapport annuel relatif à la loi de financement
de la sécurité sociale 2012
GRAND TÉMOIN
22 - 24 Rencontre avec Dominique Libault,
directeur de l’EN3S
REGARDS EXTÉRIEURS
25 - 26 Bismarck, Beveridge… Bachelet ?
Un rapport pour mondialiser la protection sociale
LE MOT DU RÉDAC’CHEF
27 Diriger, conduire ou… changer ?
Avis aux contributeurs
Élan Social vit avec vous et grâce à vos contributions.
De toutes les régions de France vous pouvez nous faire part d'un
événement, d'une action, mais aussi d'une réflexion sur un sujet
d'actualité ou de fond. Mettez-vous simplement à la place de nos
lecteurs, qui font partie de toutes les branches et de tous les régimes
de Protection sociale, dans toutes sortes de postes. Et pensez bien
à nous faire parvenir un visuel illustrant votre article, il peut souvent
en faciliter la compréhension !
Vous pouvez transmettre vos contributions à : Ollivier Vacchino
(ollivier.vacchino@orange.fr).
Revue de l'Association des Élèves et Anciens Élèves de l'EN3S.
Directeur de la publication : Marc-André Azam Création et maquette : Anne Couriol
Rédacteur en chef : Ollivier Vacchino Impression : Phil'Print - Yssingeaux
Dépôt légal : ISSN N° 1266-7196 - Tous droits réservés
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Emmanuel GODARD

Vos délégués en régions

VIE DU RÉSEAU

V
oici la liste de nos délégués par région. N’hésitez pas à vous rapprocher d’eux à votre arrivée dans un nouveau poste,
ou bien pour obtenir des informations au sujet de l’association des élèves et anciens élèves de l’EN3S.
Certaines régions ne sont malheureusement pas représentées en raison notamment des mobilités professionnelles :
Aquitaine, Bretagne, Lorraine, Champagne Ardennes, Nord Pas de Calais, Normandie, Pays de Loire. Si vous êtes intéressé(e),
merci de prendre contacter avec Marc-André Azam (marc-andre.azam@cpam-oise.cnamts.fr) ou Emmanuel Godard
(emmanuel.godard0344@orange.fr), qui pourront vous renseigner sur le rôle des délégués régionaux.

Alsace Moselle Nazim OUREIB CPAM du Bas-Rhin - 16 rue de Lausanne

67090 STRASBOURG
nazim.oureib@cpam-basrhin.cnamts.fr
Bourgogne Pierre-Yves MALINAS CPAM de Saône-et-Loire - 71022 MÂCON Cedex 9
Franche-Comté pierre-yves.malinas@cpam-macon.cnamts.fr
Centre Jean-François BLANC CPAM du Cher - bd de la République - 18000 BOURGES
jean-francois.blanc@cpam-bourges.cnamts.fr
Guadeloupe Sonia Assurance Maladie - BP 9 - 97181 LES ABYMES CEDEX
MELINA-HYACINTHE sonia.melina-hyacinthe@urssaf.fr
Île de France Lionel FERRARIS UCANSS - 18 av. Léon-Gaumont - 75980 PARIS Cedex 20
lferraris@ucanss.fr
- Seine-St-Denis : Julia Colombat / julia.colombat@cafrosny.cnafmail.fr
- Seine et Marne : Florian Fernandez / florian.fernandez@cpam-melun.cnamts.fr
- Val de Marne : Frédéric Vabre / frederic.vabre@cpam-creteil.cnamts.fr
- Val d’Oise : David Dufourcq / david.dufourcq@cpam-cergypontoise.cnamts.fr
- Essonne : Sébastien Arnaud / sebastien.arnaud@cpam-evry.cnamts.fr
Languedoc Jean-Hervé DUPONT URSSAF de Languedoc-Roussillon - 35 rue de La Haye
Roussillon 34937 MONTPELLIER CEDEX 9
jean-herve.dupont@urssaf.fr
Midi Pyrénées Michel DAVILA CPAM du Tarn - 5, place Lapérouse - 81016 Albi Cedex 9
michel.davila@cnamts.fr
PACA Catherine CPAM du Vaucluse - 7, rue François-1er - 84043 AVIGNON
de MEIRLEIRE catherine.de-meirleire@cpam-avignon.cnamts.fr
Jacques OLIVERES MSA Alpes / Vaucluse - 1, pl. des Maraîchers - 84056 AVIGNON Cedex 9
oliveres.jacques@alpesvaucluse.msa.fr
Picardie Marc-André AZAM CPAM de l’Oise - 1, rue de Savoie - 60013 BEAUVAIS
marc-andre.azam@cpam-oise.cnamts.fr
Poitou Charentes Stéphanie MICALEF URSSAF de la Haute-Vienne - 11 rue C. Pelletan - 87047 LIMOGES Cedex
stephanie.micalef@urssaf
Réunion Sabrina Wadel RSI Réunion - 135 av. Marcel Hoarau - 97494 Ste-Clotilde Cedex
sabrina.wadel@reunion.le-rsi.fr
Rhône-Alpes Sarah CPAM de l’Ardèche- 56 bis Av. Maréchal-Leclerc - 07200 Aubenas
Auvergne VIDECOQ-AUBERT sarah.videcoq-aubert@cpam-ardeche.cnamts.fr
Gaspard LALLICH CPAM de l’Ain - place de la Grenouillère 01015 BOURG EN BRESSE CEDEX
ENSP Isabelle FILLET EN3S - 27 rue des Docteurs Charcot - 42000 ST-ETIENNE
52ème promotion Romain GIBERT ifillet@en3s.net - rgibert@en3s.net

LA GARANTIE JURIDIQUE
Depuis 2007, les anciens élèves à jour de leur cotisation à l'AEN3S (30 euros pour les élèves en cours de
scolarité, 60 euros pour les anciens élèves) bénéficient d'une assistance protection juridique par la GMF. Cette
prestation prend en charge la défense pénale (délit d'entrave, accident grave d'un salarié, ...), les cas de harcè-
lement moral, mais également les recours de l'adhérent victime de violences volontaires, de diffamation, dénon-
ciation calomnieuse et injures. La couverture est plafonnée à 100 000 euros, et intègre les honoraires d'avocat.
Plus d'informations sur le site de l'association.

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013

Billet d’humeur 5

« Provocations »
À la fin de la concertation sur la mise en œuvre du premier volet de la « réforme Morel », Madame Morel nous a fait part
de son souhait que ce premier axe trouve rapidement sa traduction réglementaire.
Certes, il ne s’agit que du premier volet de la réforme, qui instaurerait, en particulier, de nouvelles listes d’aptitudes,
plus souples en début de carrières, mais plus contraignantes pour les directeurs confirmés.
Et de préciser que le deuxième volet de la réforme, qui aura particulièrement pour objet de revoir la classification des
caisses et des agents de direction, autrement dit la partie financière de l’accord, n’était pas d’actualité ; les organisations
syndicales n’ayant pas obtenu d’augmentation de la valeur du point pour l’ensemble des salariés, parler d’évolution
salariale pour les agents de direction serait une « provocation ».
Certes, nous soutenons plutôt la mise en œuvre de la première partie de la réforme ; elle conforte en effet les anciens
élèves, qui auraient désormais tous vocation à être inscrits, dès la sortie de l’école, sur une liste d’aptitude « L3 », qui
leur ouvrirait l’accès à tous les postes d’agents de direction de toutes les caisses, à l’exception des postes de directeurs.
Mais comment ne pas soutenir avec prudence, quand on ne sait rien de la façon dont seront reclassées les caisses et les
postes d’agents de direction ?
Y aura-t-il demain toujours des catégories de caisses, où à la mise à plat des listes verra-t-on succéder une mise à plat
des catégories de caisses ? Et l’alignement se fera-t-il par le haut ou le bas ?
Nous ne souhaitons pas en l’état signer de chèque en blanc.
A-t-on déjà demandé au législateur de voter le premier chapitre d’une loi, sans rien connaître du second ?
Les anciens élèves de l’EN3S réclament de voir le dispositif dans son ensemble avant de se prononcer, le découpage
actuel nous laissant fort perplexes…
Mais c’est surtout l’énoncé que la moindre idée de revaloriser les carrières ou les rémunérations des agents de direction
soit une « provocation » qui laisse rêveur…
En effet qu’est-ce qui relève de la provocation ?
Une année salariale blanche pour tous les ADD en 2011 ?
5 points pour tous les ADD en 2012 ?
30 à 40 points, au mieux, tous les quatre ans pour les ADD du régime général, soit moins que les cadres méritant qui
peuvent avoir 12 ou 15 points par an ?
L’absence ou la quasi-absence de politique de gestion de nos performances, de nos compétences, de notre formation,
de notre employabilité ?
Mais qui s’en occupe ? Les caisses nationales nous renvoient à l’UCANSS, … Et l’UCANSS nous renvoie aux caisses
nationales… quand ce n’est pas à l’EN3S, … qui nous renvoie aux caisses nationales… !
Mais bon, que notre gestion ne soit pas bien prise en compte n’est pas très important, nous ne gérons que la moitié de
la dépense publique, nous n’avons pris de décision ces dernières années que pour rendre des milliers de postes dans les
réseaux, et nous avons l’outrecuidance d’être aussi bien rémunérés que des hauts fonctionnaires…
Il n’y a donc pas d’intérêt pour les pouvoirs publics à nous mobiliser…
Il est vrai que nous demandons des choses extraordinaires, comme un vrai accompagnement de la mobilité, par exemple,
pour nous et nos conjoints.
Ceux qui décident de renforcer encore notre mobilité dans le présent dispositif - elle devra désormais être non seulement
géographique mais aussi de « branche » - font leur propre mobilité, bien souvent, en changeant de station de métro, et
encore…
Pour notre part, pour faire carrière, mieux vaut avoir un conjoint occupant un emploi « subalterne », plus « facile à
déplacer », ou encore mieux, pousser la vocation jusqu’à épouser la sécu et rester célibataire…
Et les mêmes « gestionnaires » de nos carrières, gentiment parisiens, de s’offusquer que nous n’occupions pas les postes
dans certaines préfectures reculées, quand cela nous impose souvent d’y prendre un studio loin de nos familles…,
et à nos frais…
« Provocations » ?!!... Pro-vocation ?…
Personne d’autre que nous-mêmes ne nous représente ; rejoignez l’AEN3S. (À suivre).
 6
Nathalie BOUGHAMBOUZ
Franck-Emmanuel FLEURY
Rencontre avec la 51ème promotion
VIE DU RÉSEAU
Mercredi 12 décembre 2012
C
ette rencontre, avant le départ
des élèves de l’EN3S en stage de
direction, est l’occasion d’un par-
tage d’expériences. Elle s’est clôturée
par un buffet, organisé par l’AEN3S, qui
a permis aux participants de poursuivre
l’échange.
Comment se positionner face à une
proposition d’embauche en tout début
de stage de direction ?
MR : L’ouverture d’un poste par l’organisme
terrain de stage dépend des possibilités de
cet organisme. Savoir s’il existe un poste
est une interrogation simple et normale, qui
sera très probablement abordée en cours
de stage.
EG : La politique de l’école a évolué en
matière de stages de direction. Autrefois,
l’existence d’un poste était affichée.
Aujourd’hui, les organismes doivent faire
face à davantage de contingences dans leur
gestion des ressources humaines, et les
vacances de postes sont plus incertaines.
Il se peut également que l’organisme ait
un poste à pourvoir et que le stagiaire ne
corresponde pas.
MR : A un certain niveau d’emploi, un recru-
tement est une « affaire de feeling ». Plus on
est dans des postes à responsabilités, plus
de facteurs entrent en ligne de compte. Il ne
faut pas hésiter à demander conseil à l’école,
et garder avant tout un comportement
professionnel. S’engager sur un poste pour
finalement le refuser serait fort mal venu.
Je pense qu’il faut se laisser le temps de
la réflexion pour prendre la bonne décision.
GL : N’oublions pas que l’objectif premier
est de bien réussir le stage de direction.
Il ne faut pas avoir trop d’inquiétude très
nombreux postes sont proposés à la sortie
de l’École.
LES PARTICIPANTS AEN3S :
• Emmanuel GODARD, ancien directeur de la MSA Provence Azur ;
• Magalie RASCLE, sous-directrice MSA Ain-Rhône (bientôt directrice MSA Ile de France) ;
• Ollivier DERVILLERS, agent comptable des URSSAF de l’Ain, de la Savoie et du Rhône ;
• Gaspard LALLICH, sous-directeur à la CPAM de l’Ain, adjoint à la déléguée régionale
AEN3S pour la région Rhône-Alpes Auvergne.
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
Le premier poste est-il déterminant ?
Devenir manager de proximité : voie
royale ou mythe ?
GL : Le premier poste n’est jamais que le
premier ! De plus, il se peut que le poste
change entre le moment où l’élève postule
et la prise de poste. En ce qui me concerne,
j’ai eu trois postes en trois ans, avant de
devenir agent de direction, et mon premier
poste a été le moins déterminant des trois.
C’est le parcours et sa richesse qui permet
de devenir agent de direction. Chaque
expérience est différente, mais je crois
qu’il ne faut pas surestimer l’importance
du premier poste.
EG : Il est toutefois important d’avoir une
expérience de management d’un service de
production au cours de sa carrière. Pour être
inscrit sur la liste d’aptitude, il est préférable
d’avoir une expérience dans plusieurs sec-
teurs. Le premier poste est important, mais
il n’est pas totalement déterminant. Une
carrière est faite de nombreuses occasions,
qui ne sont pas prévues, ni envisageables,
au départ. Il ne faut pas se focaliser sur un
plan de carrière.
MR : Le premier poste est crucial, pas tant
par rapport à ce que l’on fait, mais pour l’im-
pulsion que l’on va donner à la suite de notre
parcours. Dans les précédentes promotions,
tout le monde voulait faire de l’aide sociale
en CAF. Or, il s’avère que souvent, dans ces
parcours, on est loin du directeur, est au
cœur de problématiques parfois difficiles à
gérer dans le cadre d’un premier poste. Il
faut que vous soyez clairs par rapport à votre
projet, à vos attentes : zone géographique,
opportunités, contact avec le directeur,
tout est à envisager. Je rejoins Emmanuel
Godard, pour être inscrit sur liste d’aptitude,
il faut faire du management. La production
est indispensable à un moment donné dans
notre carrière, car c’est le cœur de métier.
N’oublions pas que la production représente
80 % de l’activité des organismes.
GL : Et il faudra être mobile, que ce soit
une mobilité géographique ou fonctionnelle,
pour avoir une carrière dynamique. Avant
d’arrêter son choix de poste, il est important
de connaître le contexte de l’entreprise et
le vivier d’anciens élèves EN3S déjà pré-
sents dans l’organisme. Quand on choisit
un organisme, on choisit un directeur, une
direction, un style particulier.
MR : A l’école, vous avez une chance
extraordinaire : il y a des internes et des
externes, vous pouvez échanger sur vos
expériences et sur votre connaissance du
réseau. Ensuite, en poste, la visibilité est
importante. Bien sûr, il ne faut pas systé-
matiquement se mettre en avant, mais il ne
faut pas hésiter à faire connaître son travail,
à partager son expérience et à l’enrichir de
celle de ses collègues. Le côté hasard,
chance est aussi particulièrement impor-
tant. Il faut être ouvert d’esprit, attentif. On
ne peut pas faire de plan de carrière en
sortie d’école !
Est-il cloisonnant de prendre son pre-
mier poste dans un régime autre que le
régime général ?
MR : Les choses évoluent vite. La liste
d’aptitude unique inter-régime sera mise en
place en 2015. La tutelle évolue également.
Au 1er janvier 2013, la MNC absorbera la
MAECOPSA. L’AEN3S a réalisé une étude
sur le sujet et a constaté que certains
réseaux étaient plus fermés que d’autres.
Par exemple, il est difficile de prendre un
poste d’agent de direction en CAF si on n’a
pas travaillé en CAF au préalable. Le régime
agricole est plutôt ouvert. Pour ma part, je
suis passé du régime général au régime
agricole. Il y a parfois des contradictions
entre ses envies et la politique des caisses
en matière de ressources humaines. Si d’un
côté les caisses ont parfois du mal à laisser
partir leur vivier les travaux Morel visent à
valoriser les parcours inter-branches, il y a
donc un équilibre à trouver.
Y a-t-il dans les travaux MOREL des incita-
tions pour que les directeurs embauchent
des personnes venant d’autres régimes ?
MR : Il n’est pas question de mettre en
cause le choix souverain du directeur.

Nous avons rencontré le 14 janvier 2013
la 52ème promotion. Isabelle Fillet et
Romain Gibert ont accepté d’assurer la
représentation des 58 élèves. Une première
réunion a eu lieu en février, et plusieurs
projets sont dans les tuyaux, à partager dans
les prochaines semaines et à concrétiser
rapidement : contributions à Elan Social, organisation d’actions communes,
participation aux instances de l’association, …
OD : Concernant le premier poste, j’aime-
rais ajouter qu’il est important de s’engager
dans des groupes de travail, et de ne pas
hésiter à participer à des projets nationaux
si l’opportunité se présente. Cette visibilité
vous vaudra d’être repérés au niveau de la
caisse, puis de la région et enfin, au niveau
national.
Lors du recrutement, existe-il des
marges de négociation, notamment
salariales ?
MR : Pour les externes, la question de la
négociation salariale est délicate. Je ne
pense pas qu’il y ait lieu de la poser. Par
contre, en ce qui concerne les internes,
la question peut se poser car leur choix
de suivre la scolarité de l’EN3S va de
pair avec la volonté d’évoluer. Je note par
ailleurs, Qu’au fil des promotions, la part
des internes ayant des niveaux importants
augmente.
OD : Pour ma part, je vous conseille de ne
pas négocier. Dans la plupart des cas, les
bons éléments sont valorisés et peuvent
avoir des carrières rapides. Il n’entre pas
dans la culture des dirigeants des orga-
nismes de Sécurité sociale d’accepter des
négociations sur les salaires. De plus, nous
travaillons pour des organismes sociaux. Je
conseille aux internes de ne pas négocier
sur leur salaire, mais sur leur parcours.
EG : Lorsque la personne est investie dans
son travail et remplit bien ses missions, son
directeur sera attaché au développement
de sa carrière.
Quelles sont les attentes d’un dirigeant
à l’égard d’un cadre issu de l’EN3S ?
MR : Qu’il soit modeste et qu’il ait envie
d’apprendre. On a malheureusement des
exemples de personnes qui sont très
brillantes mais ont posé problème par
leur comportement. Quand je recrute une
personne, j’attends qu’elle ait un œil neuf,
qu’elle soit curieuse et qu’elle apporte de
nouvelles idées.
EG : Il faut des qualités de base. Mon
premier critère de choix est basé sur les
qualités humaines. Je les place bien avant
les compétences techniques. La personne
doit être loyale, car la confiance est la base
de l’échange et du travail en commun.
Pour moi, il est également intéressant que
l’échange soit facile et convivial. Pouvoir
échanger : c’est une dimension importante
du management ! Comme Magalie, je suis
attaché à l’humilité. Dans nos métiers, nous
apprenons tout le temps. Il faut aussi que
la personne soit épanouie, dans et à l’exté-
rieur de la caisse. Je pense qu’un agent de
direction qui ne vit que pour le travail est
un danger pour son organisme. Il faut être
également curieux de tout ce qui se passe
à l’extérieur de l’Institution.
OD : Mes collègues ont très bien traduit ce
que je pense. J’attends d’un cadre issu de
l’EN3S de la simplicité et de l’honnêteté.
GL : Mon recrutement en tant qu’agent de
direction s’est déroulé autour d’un café. J’ai
été un peu surpris ! Mais pour un bon recru-
tement, des deux côtés, il faut en premier
lieu une envie de travailler­ensemble. Bien
entendu, il faut aussi savoir s’adapter, car
l’on ne choisit pas toujours les personnes
avec lesquelles on travaille.
Faut-il attendre d’être agent de direc-
tion pour avoir des enfants ?
EG : La vie professionnelle et la vie person-
nelle ne doivent pas s’opposer. Certes, les
questions concernant le projet de vie se
poseront d’autant plus que vous aurez des
postes à responsabilités. Je crois simple-
ment qu’il est important de ne pas rompre la
confiance avec son directeur et de l’informer
tôt, car cela a des répercussions fortes sur
l’organisation interne des services.
OD : Si la personne est bien dans sa vie,
c’est mieux aussi pour l’organisme et
l’équipe de direction.
EG : Il existe aujourd’hui des moyens de
communication qui permettent de rester en
lien direct et immédiat avec la vie de l’orga-
nisme, si cela est absolument nécessaire.
EG : J’ajouterai que la question des
vacances, surtout en famille, est aussi im-
portante. Il faut savoir gérer ses vacances,
savoir faire des pauses pour ne pas s’épui-
ser. Il s’agit de trouver un équilibre entre sa
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
7
vie professionnelle et sa vie personnelle.
Un dirigeant qui ne pense qu’à son travail
est dangereux pour son entreprise, car, en
période de crise, il n’aura pas forcément
le recul nécessaire. En outre, partir en
vacances permet à ses collaborateurs
de prendre des responsabilités qu’ils ne
prennent pas habituellement. Cela les aide
à monter en compétences.
Si on envisage de quitter la Sécurité
sociale avant 10 ans, quel est le mon-
tant de l’indemnité à rembourser ?
MR : C’est une question que les élèves ne
posent que depuis quelques années. Je
ne connais pas de situation de personnes
ayant quitté l’institution dans les 10 ans qui
ont suivi leur sortie d’école. Avec l’EN3S,
vous rejoignez un réseau gigantesque, avec
des postes pour toutes les vocations. Et la
contrainte géographique ne peut pas être
une limite : il y a des organismes sur tout
le territoire.
En tant que cadre dirigeant, faut-il se
syndiquer ?
MR : Dans le régime agricole, la majorité
des agents de direction sont syndiqués.
Il existe aussi des associations. De mon
point de vue, être syndiqué est intéressant,
car cela permet d’avoir accès à un certain
nombre d’informations, et d’obtenir des
conseils sur notre projet professionnel.
OD : Il y a une vision individuelle et une
vision collective. Avant la réforme Juppé, il
était important d’être syndiqué. Aujourd’hui,
c’est différent. Sur un plan individuel, en
termes de stratégie, ce n’est plus un sujet.
Sur le plan collectif, en revanche, être
syndiqué permet de défendre des choses
auxquelles on croît sur nos fonctions. Dans
la même perspective, il est également
possible de participer à des mouvements
associatifs : il existe des associations
d’agents de direction et de directeurs. Le
mouvement associatif est moins connoté
que les syndicats.
EG : Je pense qu’il est plus intéressant
de travailler dans une association comme
l’AEN3S pour deux raisons : elle est inter-ré-
gime et regroupe des adhérents aux profils
très divers, des élèves jusqu’aux directeurs
généraux de très grosses caisses. Je trouve
ce brassage des générations et des respon-
sabilités particulièrement intéressant et très
enrichissant.
GL : La question du syndicat rejoint celle
du réseau : aujourd’hui, les réseaux sont
nombreux, formels ou informels. Les syn-
dicats font un travail utile d’information, les
associations, comme l’AEN3S permettent
également de s’impliquer.
 8
Clémence LALAUT
Tiphaine MERIALDO
VIE DU RÉSEAU

Le Revenu de Solidarité Active :

Bilan 3 ans après sa mise en œuvre
RSA : PRÉSENTATION DU DISPOSITIF

P
artant du constat des difficultés rencontrées par les
dispositifs d’insertion, un rapport remis en 2005 par
la Commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté »
présidée par Martin Hirsch, et intitulé « Au possible nous
sommes tenus » a proposé la mise en place d’un Revenu
de Solidarité Activé (RSA) permettant de cumuler de façon
pérenne revenus du travail et revenus de solidarité. L’objectif
de cette réforme menée en 2008 est triple :
1er objectif :
lutter contre la pauvreté
En effet, 13 % de la population française (8 millions de
personnes) et environ 8 % des actifs (soit 1,9 million de per-
sonnes exerçant un emploi) vivent sous le seuil de pauvreté
monétaire fixé à 60 % du revenu médian (soit 949 e/mois).
2e objectif :
lutter contre les trappes à inactivité
Il s’agit d’allier une dimension redistributive avec une
meilleure­rémunération du travail. Le RSA met fin aux effets
de seuils, de sorte que le bénéficiaire est incité monétaire-
ment à la reprise d’activité, même partielle, l’accroissement
de son temps de travail se traduisant toujours par une aug-
mentation de revenu.
3e objectif :
rendre plus lisible le système de solidarité
Le RSA était destiné à se substituer à la fois aux minima
sociaux d’âge actif (RMI, API, ASS) et aux mécanismes
d’intéressement et d’incitation à l’activité (PPE) pour devenir
un minimum social unique. L’objectif n’est que partiellement
atteint : le RSA fusionne le RMI et l’API au sein d’une presta-
tion unique, mais laisse subsister l’ASS et la PPE (même si
la prime pour l’emploi devient subsidiaire du RSA). La mise
en place du RSA a été précédée d’une phase d’expérimen-
tation dans 41 départements (entre mi-2007 et 2008),
avant d’être généralisée par la loi du 1er décembre 2008.
Il s’applique à l’ensemble du territoire métropolitain depuis
le 1er juin 2009 et à l’outre-mer depuis janvier 2011.
Trois dispositifs sont à distinguer :
1er dispositif :
le « RSA socle »
Pour les personnes ne travaillant pas, et ne disposant d’au-
cunes ressources, le RSA reste un revenu minimum garanti
(le montant de ce revenu étant fonction de la composition
du foyer et du nombre d’enfants à charge). Il se présente
comme une prestation monétaire unique, à droits constants,
et progressive, les droits connexes étant désormais liés au
niveau de ressource et non au statut. En contrepartie, le
bénéficiaire doit se conformer à certaines obligations : il
bénéficie d’un accompagnement social et professionnel
personnalisé assuré par un référent unique, avec lequel il
doit conclure un projet de retour à l’emploi.
2e dispositif :
le « RSA socle majoré »
Pour les familles monoparentales, le RSA apporte un sou-
tien financier spécifique, selon des conditions un peu plus
larges que l’ancienne allocation pour parent isolé (API). Un
accompagnement personnalisé par un travailleur social vise
à aider les familles de se réinsérer socialement et profes-
sionnellement (en trouvant par exemple des modes de garde
d’enfants adaptés à leur situation).
3e dispositif :
le « RSA chapeau » ou « RSA activité »
Pour les personnes disposant d’un emploi et gagnant moins
de 1,15 SMIC pour une personne seule, le RSA agit comme
un complément de revenu. Le taux de cumul, qui permet de
cumuler les revenus du travail et les revenus de solidarité,
est fixé à 62 %. Par exemple, auparavant, pour un gain d’1
e de salaire, l’aide diminuait d’1 e. Avec le RSA, cette dimi-
nution serait de 0,38 e pour 1 e de salaire supplémentaire
(gain 0,62).

Le financement du RSA est réparti entre l’Etat et les Conseils généraux :

> les Conseils généraux prennent en charge les allocations versées aux bénéficiaires du RSA socle et du RSA socle
majoré ;
> l’Etat prend en charge le RSA activité, de sorte qu’à chaque euro d’activité supplémentaire du bénéficiaire, la part
de RSA financée par le CG diminue d’un euro et la part financée par l’Etat augmente d’autant.
Le surcoût pour les finances publiques du RSA par rapport aux anciennes prestations est financé par une contribution
de 1,1% sur les revenus du capital, complétée par une dotation budgétaire de l’Etat et gérée par le Fonds national des
solidarités actives (FNSA).

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013

 9

FOCUS
LE RSA JEUNE

Depuis le 1er septembre 2010, le RSA est étendu aux jeunes actifs de

moins de 25 ans condition qu’ils aient exercé une activité professionnelle
à temps plein de deux ans minimum au cours des trois dernières années.
Cette mesure vise à accorder à un jeune inséré dans la vie active les
mêmes droits que ceux dont bénéficient les travailleurs de plus de
25 ans, qu’il s’agisse de la possibilité d’avoir un complément d’activité
pour les petits salaires ou de disposer d’un montant forfaitaire en cas
d’épuisement du droit à l’allocation-chômage.
Toutefois, la portée du RSA jeunes est critiquée dans la mesure où ses
conditions d’accès sont tellement restrictives que seuls 9 000 jeunes
en bénéficient, chiffre bien en deçà de la cible initiale de 160 000
bénéficiaires potentiels.

RÔLE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE et 389 emplois correspondant aux

Avec la généralisation du RSA, les caisses
d’allocations familiales et de la mutua-
lité sociale agricole jouent un rôle plus
important dans la gestion des minima
sociaux. En effet, alors qu’elles n’étaient
que des organismes payeurs pour le RMI,
avec le RSA elles deviennent également
chargées de l’instruction des dossiers.
Il s’agit d’une compétence qu’elles par-
tagent avec d’autres acteurs, comme les
conseils généraux et les centres com-
munaux d’action sociale (CCAS). Si la
pluri-instruction reste la règle dominante,
on remarque toutefois que les CAF sont
majoritairement les organismes les plus
sollicités pour cette opération et que de
plus en plus de départements organisent
un guichet unique auprès de la CAF.
Cette nouvelle mission entraîne une
surcharge d’activité puisque, outre une
gestion de dossiers plus complexes, elle
implique un entretien avec un technicien
conseil d’une quarantaine de minutes
environ pour informer le futur allocataire
sur ses droits et devoirs et recueillir
l’ensemble des pièces administratives.
Ce surcroît d’activité, évalué pour
la branche famille par une mission
commune­de l’inspection générale des
finances et de l’inspection générale des
affaires sociales, a été compensé pour
partie par les redéploiements internes
autorisés par les gains de productivité
réalisés au sein de la branche et pour
partie par de nouveaux recrutements :
octroi en décembre 2008 de 1007
postes supplémentaires, auxquels sont
venus s’ajouter, en 2009, 250 postes
départs à la retraite, remplacés grâce à
la non-application de la règle d’un seul
remplacement pour deux départs.
Au-delà de l’affiliation des allocataires,
de l’instruction des droits et de la liqui-
dation de la prestation, les CAF et les
MSA contribuent également à l’accès au
droit à la couverture maladie universelle
complémentaire, en partenariat avec
les CPAM pour les CAF : une attestation
provisoire de droits à la CMU-C (d’une
durée de trois mois avec effet au 1er
jour du mois de dépôt de la demande de
CMU-C) est susceptible d’être délivrée, si
les droits de base sont ouverts, par les
services de la CPAM, à réception d’une
attestation de demande de RSA socle,
RSA socle majoré ou RSA activité.
Le RSA incite donc les caisses de sécu-
rité sociale à développer les partenariats
avec l’ensemble es acteurs impliqués
(Conseils Généraux, Pôle Emploi, CCAS,
associations…), partenariats qui peuvent
être formalisés via la conclusion de
convention.
Plus largement, la gestion du RSA par
les CAF s’est traduite par de multiples
initiatives pour en améliorer la qualité de
service et l’efficience: la dématérialisation
des Déclarations trimestrielles de revenus
ou, à défaut, la lecture automatique des
documents pour les versions papiers, la
constitution d’accueils sur rendez-vous
dédiés à ce public ou encore le recours
aux ateliers de régulation des charges,
dispositif de solidarité entre les caisses
pour permettre un traitement plus rapide
des dossiers.
La mutualité sociale agricole
est chargée de l’instruction
et du paiement du RSA aux
ressortissants de son régime,
qu’ils soient salariés ou non-
salariés agricoles. Ainsi, fin
2010, elle versait l’allocation à
35 790 foyers, dont 13 860 au
nom du RSA socle, 14 244 pour
le RSA activité et enfin 7 686
pour la version cumulée. De
même, 24 267 de ces ménages
relevaient du régime des
salariés agricoles et 11 523 à
celui des non-salariés.
LES CHIFFRES
1,7 Nombre de foyers
(3,8 millions de personnes)
touchant le RSA
18 % de croissance du
revenu médian par unité
de consommation des
bénéficiaires.
35 % estimés du non-
recours pour le RSA socle et
68 % pour le RSA activité
9,8  milliards : coût du
RSA en pour un montant de
466,99 e pour une personne
seule (métropole - 2010)

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013

 10
QUEL BILAN PEUT-ON EN TIRER ?
C
omme le dispositif du RSA a été conçu dès le départ pour
être adaptable en fonction de ses résultats, un comité
VIE DU RÉSEAU
d’évaluation a été créé par la loi de décembre 2008 pour
suivre sa montée en charge. Ce comité a rendu son rapport final
en décembre 2011. Quel bilan peut-on tirer ?
Le RSA a contribué à renforcer les stabilisateurs
automatiques
Dans le contexte de la crise économique, le RSA a permis
de renforcer les stabilisateurs automatiques à destination des
ménages les plus modestes et d’accompagner les efforts visant
à éviter que la croissance du chômage conjoncturel ne soit trop
difficilement réversible.
Le RSA connait un taux
de non recours important
Le nombre de bénéficiaires reste très inférieur aux prévisions
et le taux de non recours reste très important : on estime que
plus de 2/3 des foyers éligibles au RSA n’en bénéficient pas. Si
les raisons du non recours ne sont pas connues pour ceux qui
ont déjà bénéficié du RSA (soit le tiers des non recourant), les
autres mentionnent très souvent des motifs qui dénotent un
manque de connaissance précise du dispositif. Le sentiment
de « se débrouiller autrement financièrement » est également
assez fréquemment mentionné comme cause de non recours,
et, dans une moindre mesure, le souhait de ne pas dépendre
d’une aide sociale ou la crainte des démarches compliquées. Le
QUELLES PERSPECTIVES ?
À
la suite de la mission présidentielle sur l’amélioration
du RSA et le renforcement de son volet insertion qui
avait été confiée à Marc-Philippe Daubresse, le député
et ancien ministre des solidarités active a rendu un rapport à
l’automne 2011 préconisant plusieurs pistes d’amélioration
pour privilégier le retour à l’emploi plutôt que « l’assistanat » et
un meilleur investissement dans le social pour accompagner
plus efficacement les plus fragiles. La plus médiatisée – et
controversée ! – d’entre elles s’inspire d’une proposition de
l’ancien ministre Laurent Wauquiez puisqu’elle vise à ce que
les allocataires du RSA concluent un contrat d’insertion adapté
de courte durée (une journée de 7 heures par semaine) pour
des travaux d’intérêt général rémunéré au SMIC (environ 130
euros supplémentaires au RSA socle). Onze conseils généraux
se sont portés volontaires et expérimentent ce dispositif
depuis décembre 2011. En raison du changement de majorité
gouvernementale, cette proposition a cependant peu de chance
d’être généralisée.
Il n’en reste pas moins que lors de la Conférence sociale de
juillet, le Gouvernement a annoncé la tenue à l’automne d’une
conférence afin d’élaborer un plan quinquennal pour l’égalité,
la dignité et pour la lutte contre la pauvreté et les exclusions,
qui devrait notamment permettre au Gouvernement d’annoncer
ses pistes d’amélioration du RSA, qui n’ont pour l’instant pas
été évoquées.
La Ministre déléguée à la lutte contre l’exclusion Marie-Arlette
CARLOTTI a demandé début juillet aux CAF de réfléchir aux
solutions pour lutter contre le non-recours au RSA dans la
perspective de la préparation de la prochaine COG de la branche
famille.
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
faible intérêt financier de la prestation ou la peur de perdre des
droits connexes apparaissent en revanche comme des motifs
marginaux.
Le RSA a contribué à limiter
la croissance de la pauvreté
L’apport du RSA a été significatif pour limiter la croissance de la
pauvreté pendant la crise, il n’a pas rempli l’objectif de réduire
la pauvreté au cours du quinquennat Sarkozy.
L’impact du RSA sur le marché du travail reste
assez faible
Environ 3% des foyers allocataires du RSA socle sans revenu
d’activité connaissent une reprise d’emploi chaque mois et il
s’agit, la plupart du temps, de travail en temps partiel (53% contre
17% pour l’ensemble des personnes en emploi en France) ou de
contrats précaires (43% contre 12% de l’ensemble des emplois
salariés en France). Une part importante des bénéficiaires reste
durablement sans emploi. Néanmoins, il est à noter que le taux
d’inscription à Pôle Emploi des bénéficiaires du RSA socle a
connu une progression significative (37% en 2011).
Le RSA a fait évoluer
le regard de la société
La création du RSA a globalement contribué à faire évoluer ce
sur les dispositifs de soutien aux revenus, même si la dualité
entre population active et population oisive et assistée reste
prégnante dans le débat public.
Des ruptures dans l’accompagnement
Bien qu’aucune information statistique ne soit disponible sur le
sujet, on constate des ruptures dans l’accompagnement offert
aux bénéficiaires du RSA du fait de la diversité des acteurs
impliqués (Conseils Généraux, Pôle Emploi, CAF, MSA).
Deux chantiers mériteraient d’être ouverts :
1. Celui de l’articulation entre les différentes aides à l’emploi :
il s’agit de promouvoir l’offre d’emploi peu qualifié en évitant les
effets d’aubaine et en limitant le risque de trappes à bas salaires.
2. Celui de l’intégration potentielle du RSA à l’assurance
chômage.
EN SAVOIR PLUS
BOURGUIGNON François, Comité d’évaluation du RSA
Rapport national d’évaluation, 12/2011.
DAMON Julien, « Revenu de solidarité active : petit pas
ou révolution sociale ? », in Dictionnaire permanent,
Action sociale, les Éditions législatives, n° 253, 2009.
RIGAUDIAT Jacques, «  Le revenu de solidarité
active : une réforme en faux-semblants », in Esprit,
janvier 2009.
DUJOL Jean-Benoît et GRASS Étienne, « RSA : Premier
bilan pour une deuxième étape », in Droit Social n° 11,
novembre 2011, p. 1100-1108.
Enquête «  Les modes d’organisation des conseils
généraux avec la mise en place du revenu de solidarité
active » publiée fin 2010 par la direction de la recherche,
des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) des
ministères sociaux et l’Assemblée des Départements de
France (ADF).
 11
David DUFOURCQ

La continuité dans le changement :

De la révision générale des politiques publiques (RGPP)
à la modernisation de l’action publique (MAP)

A
u fond c’est la forme qui Le secrétariat général pour la - la mission chargée de la mise à disposition
compte. C’est en substance ce modernisation de l’action publique des données publiques (Etalab).
que le rapport commun des trois (SGMAP) qui rassemble les différents Caractérisée par la volonté d’associer
inspections générales interministérielles services qui interviennent dans la réforme tous les acteurs (partenaires de l’État,
sur le bilan de la RGPP et les conditions notamment les associations représentant
de l’État et comprend :
de réussite d’une nouvelle politique de les collectivités territoriales et les
réforme de l’État nous enseigne1. - la direction interministérielle pour partenaires sociaux ; Parlement dans
Ainsi, si ce document souligne la la modernisation de l’action publique le cadre du PLF 2013) la nouvelle
démarche volontariste initiée avec les (anciennement direction générale à la méthodologie prônée par le Premier
503 mesures validées dans le cadre modernisation de l’État - DGME) ; ministre s’est traduite lors du premier
d’instances de pilotage entre 2007 et CIMAP 18 décembre par un engagement
20122 et leur traduction opérationnelle - la direction interministérielle fort autour de 5 grands chantiers dont
(réforme de l’administration territoriale des systèmes d’information et de nous avons extrait les principales mesures
de l’État, réforme de la carte judiciaire, communication de l’État (DISIC) ; concernant notre secteur d’activité.
création des agences régionales de santé
(ARS), création de la Mission nationale
de contrôle (MNC), il met également en
exergue la méthodologie retenue jugée
inconciliable avec l’ambition initiale d’une
révision des politiques publiques.
En effet, l’absence de concertation de
fond entre les acteurs, la recherche
d’économies rapides et l’absence de
prise en considération de la gestion des
ressources humaines sont autant de
motifs qui selon les rapporteurs ont nui
à l’efficacité des réformes sur le fond.
C’est donc fort de ces enseignements
que le gouvernement a souhaité revoir
le paysage institutionnel des acteurs
de la modernisation publique en créant
deux entités par Décret du 30 octobre
dernier3/4.
Le Comité interministériel pour la
modernisation de l’action publique
(CIMAP) tout d’abord qui constitue
l’instance de décision et d’arbitrage en
matière de modernisation de l’action
publique. Présidé par le Premier ministre,
il est composé de l’ensemble des
ministres ainsi que du ministre délégué
chargé du budget. Il se réunit de manière
trimestrielle.

1 - Rapport commun des trois inspections générales interministérielles (Inspection générale des finances, Inspection générale de l’administration et Inspection générale des affaires
sociales septembre 2012, 367 pages - www.ladocumentationfrancaise.fr/docfra/rapport_telechargement/var/storage/rapports-publics/124000520/0000.pdf)
2 - Révision générale des politiques publiques - RGPP : 6ème conseil de modernisation des politiques publiques – décembre 2011- www.ladocumentationfrancaise.fr/docfra/
rapport_telechargement/var/storage/rapports-publics/114000722/0000.pdf
3 - Décret n° 2012-1199 du 30 octobre 2012 portant création du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) JORF 31 octobre 2012
4 - Décret n° 2012-1198 du 30 octobre 2012 portant création du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) JORF n° 0254 du 31 octobre 2012

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013

VIE DU RÉSEAU 12
1. La simplification de l’action
publique
- Simplifier les changements d’affiliation
en matière de sécurité sociale étudiante.
Un nouveau formulaire d’affiliation sera
défini en 2013.
- Mettre en œuvre, dès le premier
semestre 2013, la simplification des
procédures de domiciliation arrêtée dans
le cadre du plan pluriannuel de lutte
contre la pauvreté.
- Assurer une plus grande lisibilité et une
plus grande régularité des aides versées
par les CAF pour limiter les flux d’indus
et de rappels. Une mission de l’IGAS est
programmée au premier semestre 2013.
- Réduire le non-recours aux prestations
sociales des personnes en situation
d’exclusion (expérimentation en cours).
- Lors d’un décès d’un proche, simplifier
les démarches d’information des
organismes sociaux.
- Payer en ligne ses frais hospitaliers
avec un premier déploiement cible : les
établissements dotés d’une régie pour
l’année 2013.
PROGRAMMATION DES ÉVALUATIONS CONCERNANT LA PROTECTION SOCIALE
Affaires sociales et santé
Famille
Famille
Personnes handicapées
Personnes handicapées
(Source CIMAP relevé de décisions 18 décembre 2012)
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
- Alléger les formalités de rattachement
du nouveau-né à l’assurance maladie de
ses parents. Un téléservice de demande
de rattachement sera développé en
2013.
- Dispenser l’usager de fournir un
exemplaire papier de son RIB/RICE dans
toutes ses démarches avec la sécurité
sociale. Un recensement des pratiques
sera conduit au premier trimestre 2013.
- En 2013, trois déclarations (la DMMO1,
la DSIJ2 et l’Attestation employeur)
seront progressivement remplacées
par une déclaration unique, mensuelle
et dématérialisée pour les entreprises
volontaires.
2. La mesure de la qualité du
service public concerne au premier
4. L’évaluation de la modernisation
chef la publication des résultats de la 4e des politiques publiques avec la
édition du baromètre de la qualité des création prochaine d’un commissariat
services publics, à la stratégie et à la prospective sera
3. L’accélération de la transition associée à la démarche d’évaluation.
numérique en favorisant notamment 5. L’intégration des agences et les
l’égalité d’accès aux services publics sur opérateurs dans la modernisation
le territoire en articulant efficacement de l’action publique qui se traduit
les points de contact physiques et les notamment par trois cycles d’évaluations
supports numériques. lancés dès l’année 2013.
Cycle 1 Cycle 2 Cycle 3
Évaluations lancées Évaluations lancées Évaluations lancées
en janvier 2013 en avril 2013 en juin 2013
L’efficience de la gestion
des prestations
d’assurance maladie
La gouvernance
de la politique
de la petite enfance et
du soutien à la parentalité
Architecteur, ciblage
et efficacité des aides
à la famille
La gouvernance territoriale La tarification des établissements
des politiques d’insertion et services médico-sociaux
et de lutte contre l’exclusion pour personnes handicapés
Le pilotage de l’allocation
aux adultes handicapés

Rencontre avec
conseiller-maître à la Cour des comptes
Elan Social a invité Antoine Durrleman
à s’exprimer devant les adhérents de
l’Association des Elèves et Anciens
Elèves de l’EN3S le 15 mars 2012 à
LA MAISON DES ARTS ET METIERS.
Pour des raisons techniques, nous
n’avons pas eu la possibilité de publier
la transcription de ces propos, et nous
vous prions de nous en excuser.
Élan Social : Pouvez-vous rappeler pour
nos lecteurs le travail de la Cour en
matière de certification ?
Antoine Durrleman : L’un des rôles
majeurs de la Cour est la certification
des comptes des organismes du Régime
général. La Cour rend depuis plusieurs
années un avis au Parlement sur le tableau
d’équilibre et sur le tableau patrimonial de
ces organismes. Cet avis intègre l’ensemble
des régimes (y compris le Fonds de
Solidarité Vieillesse, le Fonds de Réserve
des Retraites, la CADES…). Il s’agit d’une
analyse des comptes combinés des différents
régimes, qui nous permet de formuler des
remarques, par exemple sur l’homogénéité
des principes comptables, ou sur la manière
dont le processus de consolidation se fait.
Cet avis doit être rendu chaque année avant
le vote du projet de loi de financement de la
Sécurité sociale (PLFSS), comme le rapport
sur la certification des comptes. Derrière leur
qualité, c’est bien entendu la fiabilité même
des comptes, donc des données sur lesquels
les décideurs s’appuieront pour exercer
leurs responsabilités : bien appréhender la
situation des organismes, globalement et par
régime, éventuellement lever des recettes
ou (des fois et ...) réguler les dépenses. Au-
delà, l’enjeu est le pilotage de l’ensemble des
dépenses de Sécurité sociale. Nous avons en
l’occurrence fait des progrès considérables
en quelques années en matière de fiabilité
des comptes et des prévisions.
À savoir qu’une mission nouvelle vient de
nous être confiée par le législateur : fournir
chaque année un avis au Parlement sur
la qualité des comptes de l’ensemble des
administrations publiques. La Cour doit
pour cela procéder à l’appel de tous les
commissaires aux comptes qui certifient
Antoine Durrleman
dans la sphère publique, et faire une
synthèse de leurs travaux.
ES : Pensez-vous que l’image des dé-
marches de certification s’est améliorée
avec le temps ?
AD : La certification peut en effet être
perçue comme une torture savante !
Mais il faut bien se dire que toutes les
institutions publiques sont aujourd’hui
vouées à ce principe : 150 opérateurs de
l’État sont aujourd’hui certifiés, Pôle Emploi
l’est, et bientôt les CHU (les 8 plus gros
par la Cour, les autres par des prestataires
privés). La logique de certification des
comptes s’impose progressivement, avec
un certain temps de retard par rapport
aux entreprises privées. Je reconnais
que c’est une acculturation difficile,
en raison de la jeunesse du processus
pour la sphère publique, alors que les
entreprises sont dans cette dynamique
depuis plusieurs dizaines d’années. Nous
en sommes à la 6ème campagne annuelle
de certification de l’État et des organismes
de Sécurité sociale. Le processus est très
lourd, tant pour les organismes certifiés
que pour les certificateurs ! Mais ces
démarches, compliquées, sont doublement
pédagogiques : à la fois pour les caisses
qui rencontrent aussi des difficultés liées
à des processus nationaux. Et l’inverse du
côté de la Cour, pour ce qui incombe à de
la responsabilité des équipes : se poser la
question d’un contrôle interne construit, de
la détermination des zones de risque, et
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
13
Marie-Antoinette CHAPLAIN
Jennifer GUEDJ
Ollivier VACCHINO
reposer la question des clefs de sécurité
dans les processus de travail.
ES : Constatez-vous des progrès sur ces
dernières années ?
AD : la Cour n’a que le recul de 6 ans. Elle
constate pour autant d’indéniables progrès,
notamment sur la qualité des écritures,
sur un certain nombre de processus dont
la maîtrise est incontestablement accrue.
Cependant la certification n’est pas linéaire.
Elle suit plutôt une progression en spirale :
les contrôles se font plus précis, touchent
des zones de risques nouvelles, qui
apparaissent d’une année sur l’autre, ou
qui deviennent plus importantes. Je rappelle
que seuls les problèmes dépassant le seuil
de signification sont concernés par l’opinion
de la Cour. Ces seuils peuvent aussi être
une agrégation de processus qui amènent
à franchir le niveau de signification. L’audit
doit être conçu comme une dynamique
annuelle et non pas ponctuelle.
ES : Que change la certification pour la
Cour ?
AD : Il est évident que les démarches de
certification ont modifié nos métiers. La
Cour avait l’habitude de se prononcer sur
les problématiques de financement, de
qualité des comptes et de bonne exécution
de la dépense. Quand on travaille sur la
certification, on engage sa responsabilité
de certificateur, avec le risque de ne pas
avoir vu quelque chose d’important. Il faut
VIE DU RÉSEAU 14

donc être extrêmement professionnel. La vocation à rester 5 à 6 ans au sein de la avec la MNC3, la Direction de la Sécurité
Cour applique dans ce sens un référentiel Cour, avec un système d’échevinage, de Sociale, mais également au sein de la Cour.
international, identique à celui des cabinets fécondation croisée. Puis ils repartent Nous intervenons dans de gros organismes
du secteur privé. Il faut savoir que nous au sein d’un cabinet, avec une meilleure pour voir des processus spécifiques. Nous
sommes regardés de l’extérieur : ainsi, compréhension du fonctionnement de la essayons bien entendu d’articuler nos
l’Institution Supérieure de Contrôle de Cour et des opérations de certification interventions avec celles des autres corps
Finlande examine la manière dont nous des organismes de Sécurité sociale. Ils de contrôle. Mais la concentration des
travaillons nos audits de certification. Nous reviennent souvent dans leur cabinet réseaux aggrave le risque de collision des
sommes aussi confrontés au regard des comme chefs de mission pour la certification interventions.
cabinets de commissaires aux comptes du d’autres organismes. La Cour fait bien partie
ES : Les agents de direction des orga-
secteur privé. C’est notamment important du réseau des certificateurs, et ne travaille
nismes de Protection sociale éprouvent
pour les régimes que ces cabinets devront pas en vase clos. Mais, en référence à la
quelques difficultés à bien percevoir
auditer, par exemple la Mutualité Sociale norme internationale ISA (International les objectifs des corps de contrôle. N’y
Agricole (MSA) et le Réseau Social des Standard on Auditing)-600 (ou NEP-600) aurait-il pas avantage à procéder le plus
Indépendants (RSI). Nous avons d’ailleurs de 2011 (« Audits d’états financiers en amont possible, à sensibiliser les
un protocole d’échanges d’informations avec de groupe »2), la Cour est le « principal personnels, à envisager des actions de
la Compagnie Nationale des Commissaires auditeur » : elle donne en quelque sorte le formation initiale ou continue ?
aux Comptes, qui peuvent nous demander « la » des opérations de certification.
des éléments de nos dossiers de travail. AD : Il n’y pas de problème sur le principe.
ES : Comment voyez-vous l’articulation Les magistrats de la Cour interviennent
ES : Comment cela se traduit-il pour les avec l’IGAS, la Mission Nationale de dans ce sens lors de la scolarité. J’ai
magistrats de la Cour des Comptes ? Contrôle, les certifications et les audits moi-même eu l’occasion d’intervenir dans
des caisses nationales … ? le cursus de formation du CNESSS, et ai
AD : En plus des magistrats, nos équipes notamment fait partie du jury de l’école.
comprennent dorénavant des experts- AD : Fortes épreuves et lourde charge ! Cela faisait d’ailleurs déjà partie de ce que
comptables. Ces experts-comptables ont C’est un sujet qui fait l’objet de réflexions l’on pouvait demander à un jeune conseiller
référendaire.
LE PARCOURS D'ANTOINE DURRLEMAN
ES : En tant que Président de la Chambre
Né le 31 juillet 1951 à Lille, Antoine Durrleman est Président de la sixième Sociale de la Cour, pensez-vous qu’il
chambre de la Cour des comptes1 depuis 2011. Conseiller-maître depuis faille fusionner l’EN3S et l’EHESP ?
1999, il a été directeur de l’École nationale d’administration (ENA) de 2002 à AD : Ma conviction a longtemps été qu’il
août 2007, et y aura notamment « européanisé » les études. Ancien élève de faudrait une école nationale de la haute
cette même école (promotion 1982 « Droits de l’homme »), ancien élève de administration des décideurs de haut
l’École normale supérieure (rue d’Ulm) et agrégé de lettres classiques, Antoine niveau (État, Sécurité sociale, collectivités
Durrleman est lauréat de l’IEP de Paris. territoriales), avec des spécialisations
À la Cour des comptes de 1988 à 1995, il a été rapporteur près la Cour de différentes. Lorsque j’ai accepté de
discipline budgétaire et financière et secrétaire général de l’Association des transférer l’ENA à Strasbourg, j’ai souhaité
magistrats et anciens magistrats de la Cour. Il a été délégué général aux affaires mixer les promotions de l’ENA et des
sanitaires et sociales de la Ville de Paris de 1991 à 1995, puis directeur administrateurs territoriaux, avec des
général de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (APHP) de 1997 à 2002. formations communes. Mais il me semble
Antoine Durrleman a également exercé des fonctions politiques : chargé de réducteur de penser école par école, mais
mission du Premier ministre Jacques Chirac pour les questions de santé, plus globalement la fécondation croisée
de sécurité sociale et d’action sociale de 1986 à 1988, il a également été des différentes institutions. La formation
est un formidable levier de changement.
conseiller auprès du Premier ministre Alain Juppé, chargé des affaires sociales,
Les responsabilités sont à la fois très
de mai 1995 à mai 1997.
lourdes et partagées. Il faut subsumer
Sur un plan plus personnel, Antoine Durrleman a présidé le Centre d’action la diversité des responsabilités par des
sociale protestant. Il s’intéresse aussi à l’histoire de sa région d’origine, les éléments de formation communs. Je suis
Cévennes, dont il a présidé le Parc national de 1996 à 1998. Il a publié des passé personnellement par les 3 fonctions
chapitres dans plusieurs ouvrages : Protestantisme et libertés en France au publiques.
XVIIe siècle (1985), Éloge et condamnation de la révocation de l’Édit de Nantes
(1985), Redéfinir le travail social, réorganiser l’action sociale (1993).
Antoine Durrleman est Chevalier de la Légion d’honneur.
Photo : Daniel Labat-Gest.

1 - www.ccomptes.fr
2 - www.cncc.fr/sections/documentation_profes/documentation_de_ref/norme_et_doctrine_pr/table_synthetiques_d/nep-600
3 - www.securite-sociale.fr/Presentation-de-la-MNC?type=part

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013


Les régimes spéciaux
Table ronde du 17 janvier 2013
Etaient présents :
• F rederic BUFFIN, Directeur de la CPR-PSNCF (Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF) -
www.cprpsncf.fr
• J ulien PERLAT, Directeur de cabinet de la Directrice générale et du Président du conseil d’administration de l’ANGDM
(Agence Nationale pour la Garantie des Droits des Mineurs) - www.angdm.fr
•C  amille BRINET, Agent comptable de la Caisse nationale des barreaux français - www.cnbf.fr
• J ean-Luc IZARD, Directeur de la CRPCEN (Caisse de Retraite et de Prévoyance des Clercs et Employés de Notaires) - www.
crpcen.fr
• J ean DESSERTAINE, Directeur de la CAVIMAC (Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes) - www.
cavimac.fr
• A lbert LAUTMAN, Marc AZAM et Frédéric BAYSSELANCE pour Elan Social.
Albert LAUTMAN : Élan Social a
souhaité inviter quelques représentants
de régimes spéciaux, dont on parle
peu dans les derniers numéros d’Élan
social, afin d’échanger sur leur politique
de recrutement de cadres et d’agents
de direction, leurs liens avec l’EN3S,
leurs besoins spécifiques, et leurs
attentes à l’égard des autres régimes,
de l’UCANSS, ou de l’école. S’agit-
il d’un management spécifique ?
D’opportunités de développement
professionnel méconnues ?
Marc AZAM : Une question pour
commencer le débat : les régimes
spéciaux sont-ils soumis à une liste
d’aptitude ?
Jean DESSERTAINE : Tous les régimes
ne sont pas à la même enseigne. Il faut
revenir aux conditions de leur création.
Pour ce qui est de la CAVIMAC, il n’y
a, bien sûr, pas de liste d’aptitude
spécifique, il faut être inscrit sur celle
du régime général pour postuler sur les
postes d’agents de direction.
Jean-Luc IZARD : Au-delà de la
question de la liste d’aptitude, à
laquelle la CRPCEN est soumise, l’école
constitue pour nous un vivier majeur
de recrutement. Nous avons, outre le
directeur, 4 agents de direction dans
notre régime, dont 3 anciens élèves
de l’EN3S. Par ailleurs, deux postes
de chefs de service de la Caisse sont
occupés par d’anciens élèves.
Frédéric
BUFFIN : Nous
avons recruté à
la CPRP SNCF,
sur des postes de
cadre ou d’agent
de direction,
plusieurs anciens élèves de l’EN3S, dont
certains en provenance de la MSA ou
du RSI. Il faut toutefois considérer les
régimes spéciaux dans leur particularité.
Beaucoup sont des régimes d’entreprise,
déjà en activité avant la mise en place
des ordonnances d’octobre 1945 portant
création du régime général. Ce n’est que
récemment que la CPRP a été séparée de
la SNCF, dont il n’a longtemps été qu’un
service. En matière de recrutement, nous
restons fortement liés, et recrutons une
forte proportion de nos collaborateurs, à
tous les niveaux, au sein de l’entreprise.
Des personnels bénéficiant du statut de
fonctionnaire coexistent avec d’autres
bénéficiant de la convention collective de
la Sécurité sociale. 4 agents de direction
sur 12 sont néanmoins anciens élèves
de l’EN3S.
Albert LAUTMAN : Ce mélange de
profils EN3S / SNCF est-il aisé à faire
fonctionner ?
Frédéric BUFFIN : En matière de
gestion des ressources humaines, nos
régimes sont puissamment marqués
par la culture de l’entreprise d’origine,
lorsqu’ils en sont issus. À la CPRP, à
l’instar de la SNCF, les relations entre
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
15
Marc André AZAM
Frédéric BAYSSELANCE
Albert LAUTMAN
les salariés et la direction sont faites d’un
mélange de contestation et de respect
de la hiérarchie, une fois les décisions
prises. Il peut également y avoir des
divergences de culture entre les agents
statutaires et les agents placés sous
le régime de la convention collective
UCANSS. Il n’en existe pas moins une
volonté collective de contribuer au
bon fonctionnement de l’organisme,
qui dépasse ces différences, et facilite
grandement le management des
équipes.
Frédéric BAYSSELANCE : Cette
situation se retrouve-t-elle dans les
régimes moins étroitement liés à une
entreprise ?
Jean
DESSERTAINE :
la CAVIMAC est
le dernier régime
de Sécurité
Sociale créé en
1978 après que
l’Église catholique ait refusé en 1948 que
ses ministres des cultes et les religieux,
religieuses, puissent être assimilés à des
professionnels libéraux ; plus encore,
ses personnels cultuels n’avaient pas le
statut de salariés. Certaines confessions,
telles le Judaïsme ou l’Église réformée,
ont fait le choix inverse, et adhèrent
au régime général. Dans sa gestion
courante, nous ne sommes pas
considérablement marqués par notre
spécificité. Le management opérationnel
VIE DU RÉSEAU 16
est le même que celui d’un organisme du
régime général. Nous entretenons avec
ce dernier des liens très étroits, précision
apportée que la Cavimac est rattachée
au régime général pour l’ensemble des
risques, comme d’ailleurs la Caisse des
artistes auteurs.
Jean-Luc IZARD : Les régimes
spéciaux sont souvent dans une logique
de « fer de lance social » d’une branche
professionnelle ou d’une entreprise. C’est
un élément majeur de différenciation
avec le régime général, qui obéit à une
logique de solidarité nationale. En outre,
nous sommes à la fois caisse nationale
et caisse de base. Nous sommes restés
en charge de la définition comme de
l’application de nos politiques et, au-
delà de la relation avec les usagers, nous
gérons intégralement la relation avec les
partenaires sociaux de la branche. C’est,
pour les agents de direction un point
majeur d’attractivité puisque les postes
mêlent aux activités comparables aux
autres OS ? Les fonctions stratégiques
d’une caisse nationale.
Frédéric BUFFIN : Sur ce point, il y a
bien une différence de culture entre les
régimes spéciaux et le régime général,
née de l’évolution récente des réseaux,
et de la force du pilotage national
acquise ces dernières années. Car pour
le reste, les missions sont les mêmes.
Les barrières entre les régimes spéciaux
et les autres ne sont pas plus hautes
que celles existant entre les branches
du régime général, ou entre le régime
général et le régime agricole ou le régime
des indépendants.
Jean-Luc
IZARD : Le
contexte rend
les agents de
direction plus
autonomes que
dans les caisses
du régime général. Elle n’empêche pas
une certaine forme de dépendance avec
le régime général, notamment au plan
informatique. Nous ne développons
pas tous nos systèmes d’information,
mais utilisons, pour des raisons
d’économie d’échelle, ceux du régime
général lorsque c’est possible. C’est
un point sur lequel nous avons parfois
des difficultés à sensibiliser ce dernier
sur nos besoins spécifiques. Nous ne
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
comptons pas parmi ses préoccupations
premières. Nous avons beau partager
une activité largement similaire, une
partie de la réglementation que nous
sommes chargés d’appliquer nous est
particulière. Et le régime général devrait
opter pour une logique « client », afin de
nous aider en cela.
Frédéric BUFFIN : La CPRP a délégué,
par le biais de deux conventions tripartites
incluant l’ACOSS, le recouvrement de
ses cotisations à l’Urssaf des Bouches-
du-Rhône, et le contrôle à l’Urssaf du
Nord-Pas-de-Calais. Nous sommes
satisfaits du service rendu par la
branche Recouvrement. En revanche,
pour la gestion des prestations maladie,
nous avons fait appel au système
d’informations de la MSA, qui a su
développer cette logique « client ». La
gestion de l’interface informatique avec
le régime général a toutefois permis
un renforcement des liens entre nos
régimes. Nous avons même conclu
un accord avec la CARSAT Sud-est au
sujet de la formation professionnelle,
prévoyant l’organisation de sessions
communes.
Camille BRINET : la Caisse nationale
du Barreau Français applique les
règles de la Sécurité sociale sur
le plan technique, concernant les
conditions de service des prestations
et le recouvrement des cotisations. En
revanche, l’organisation interne est plus
souple. La séparation entre les services
de l’ordonnateur et de l’Agent comptable
est encore à approfondir.
Jean DESSERTAINE : Nous veillons
à entretenir un recrutement régulier
d’anciens élèves de l’EN3S. Ils arrivent
le plus souvent du régime général, et
beaucoup y retournent après quelques
années, sans difficulté. Les régimes
spéciaux sont souvent des accélérateurs
de carrière. Leur organisation et leur
taille confèrent aux fonctions d’agent
de direction une dimension stratégique
évidente. Les relations avec les
administrateurs ou avec le ministère y
sont plus soutenues.
Frédéric BUFFIN : Cette relation
directe avec la tutelle est une réalité.
Nous devons y ajouter, concernant la
CPRP, les relations avec la direction de
l’entreprise SNCF, notamment s’agissant
des questions de recrutement.
Camille BRINET : La CNBF est un
régime particulier, et non un régime
spécial. Notre taille est plutôt modeste,
mais notre rapport démographique est
en revanche très positif, avec 12 000
retraités pour plus de 50 000 cotisants.
La convention collective du régime
général n’est pas applicable à nos 74
agents, ce qui indéniablement constitue
un frein au recrutement d’anciens élèves
de l’EN3S. Je suis la seule ancienne
élève actuellement. Nous avons à l’heure
actuelle un poste de cadre à pourvoir, qui
n’attire pas de candidats issus de cette

formation. Or nous avons à proposer une
situation professionnelle plutôt enviable.
Je rejoins l’analyse de mes collègues sur
la dimension stratégique renforcée des
postes, d’autant que les équipes de
direction sont réduites.
Jean-Luc IZARD : Cet effet taille
contribue également au caractère apaisé
de nos relations sociales internes.
Camille BRINET : Nous entretenons en
revanche des relations hebdomadaires
avec les administrateurs, principalement
le Président du conseil d’administration.
Leurs préoccupations sont avant tout
politiques, notamment au regard de
l’évolution des taux de cotisations pour la
retraite complémentaire, dont la fixation
dépend de leur compétence.
Julien PERLAT :
Le régime des
Mines souffre
d’un manque de
visibilité quant
à son avenir
institutionnel,
du fait de son évolution démographique
particulièrement déséquilibrée. Ce
dernier est dû à l’arrêt de l’exploitation
minière sur le territoire français. Mais il
conserve encore une activité importante
en matière de prestations. Ces dernières
visent en effet plus de 160 000 affiliés,
et mobilisent plus de 6 000 agents
au sein du régime. Les 360 salariés
de l’ANGDM gèrent les démarches
sociales des anciens mineurs. On ne
constate pas pour le moment de retour
des cadres et agents de direction vers
le régime général. Pour les personnels
de direction de la CANSSM, il y a un
recours important aux anciens élèves
de l’EN3S, ainsi qu’un intérêt croissant
pour l’ANGDM. Les deux proposent des
expériences marquées par la spécificité
de l’activité minière, son actualité
justement et sa nature de régime de
sécurité sociale.
Marc AZAM : Chacun de vous fait
donc le constat que le recours au vivier
des anciens élèves de l’EN3S est à
promouvoir.
Albert LAUTMAN : Quels sont les
chantiers engagés au sein de vos
organismes en matière de politique de
ressources humaines, pour améliorer
l’attractivité des régimes spéciaux
notamment ?
Frédéric BUFFIN : La plupart des
agents de la CPRP sont statutaires.
Nous avons passé un contrat avec
l’État dans lequel nous nous sommes
engagés à effectuer de façon privilégiée
nos recrutements au sein du personnel
de la SNCF. Mais nous travaillons
actuellement, avec le soutien d’un
consultant extérieur, à la mise en place
de passerelles avec le régime général.
L’élargissement de notre recrutement,
au niveau du personnel de direction,
vers l’EN3S sera l’un des axes de notre
prochaine COG.
Albert LAUTMAN : Quelles sont les
relations avec l’EN3S ? Estimez-vous
que l’école se mobilise pour promouvoir
un passage au sein des régimes spéciaux
au cours d’une carrière à la Sécurité
sociale ?
Julien PERLAT : L’absence de
visibilité sur l’avenir du régime minier
a des incidences sur les relations avec
l’école. L’ANGDM et l’EN3S ont peu de
relations pour le moment, mais toutes
deux proposent un type d’expériences
à la fois complémentaire et similaire au
régime général
Jean-Luc IZARD : Nous n’avons pas
de difficulté particulière à recruter
d’anciens élèves, et ne faisons pas le
constat d’un défaut d’attractivité de nos
organisations.
Frédéric BUFFIN : J’ai soumis à
Dominique LIBAULT une proposition.
Je souhaiterais que les personnels
statutaires de la CPRP puissent, au
même titre que ceux qui dépendent
de la convention collective du régime
général, passer le concours externe de
l’EN3S. Nous avons la même tutelle,
la collectivité publique verse à la
CPRP 3.2 milliards d’euros par an de
subvention d’équilibre, dont 1.7 milliards
d’euros pour le seul versement des
retraites, et 650 millions d’euros de
compensation démographique. Nous
faisons partie de l’institution de Sécurité
sociale, et exerçons le même métier.
Dépasser les statuts serait en outre un
excellent moyen de renforcer la sélection
du concours interne de l’EN3S.
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
17
Albert LAUTMAN : Autre question,
sur ce point du rapport à la tutelle. Qui
certifie les comptes de vos organismes ?
Ensemble des intervenants : Ce sont
des commissaires aux comptes, dont
les travaux sont orientés par la Cour
des Comptes et la DSS. La maîtrise des
risques prend, dans les régimes spéciaux
et particuliers comme dans le régime
général, le régime agricole ou le régime
des indépendants, une importance de
plus en plus considérable au regard de
la certification des comptes. Encore un
point commun.
Albert LAUTMAN : Pour conclure,
quel bilan faites-vous sur la politique de
recrutement des régimes spéciaux et les
liens avec l’EN3S ? Vous estimez-vous
suffisamment intégrés dans l’institution
de Sécurité sociale, dont parle Frédéric
BUFFIN ?
Jean DESSERTAINE : Le passage
dans nos régimes est bénéfique pour les
carrières, nombre d’exemples d’anciens
collaborateurs le prouvent. En revanche,
il faut les prévenir dès leur arrivée : le
passage est un accélérateur, mais il
ne faut pas s’éterniser, car il existe
une possibilité de perte de réseau et
d’acculturation par rapport au régime
général.
Jean-Luc IZARD : Le risque est d’être
identifié comme un agent de direction
attaché à un organisme spécifique et
au contexte dans lequel il fonctionne.
Il faut venir dans nos organisations, en
s’assurant des conditions du retour au
bout de quelques années.
Camille
BRINET :
L’écueil à éviter
est celui de
la perte des
contacts dans le
réseau d’origine.
Frédéric BUFFIN : Le régime général
doit également faire des efforts pour aider
au retour. De nombreux collaborateurs
sont temporairement détachés auprès
des régimes spéciaux, pour lesquels il
est nécessaire de prévoir une continuité
de carrière à la fin de leur période de
détachement.
 18
Xavier BONNET
Le rapport annuel relatif à la loi
VIE DU RÉSEAU
de financement de la sécurité sociale 2012
L
’article 15 de la déclaration
des droits de l’homme et
du citoyen (DDHC) de 1 789
dispose que « la société a le droit
de demander compte à tout agent
public de son administration ».
Les pouvoirs d’investigation
dont dispose la Cour, qui ont
d’ailleurs été renforcés par la
réforme constitutionnelle de
2008, découlent directement du
principe de transparence énoncé
à l’article 15 de la DDHC.
Chaque année, deux publications
de la Cour sont particulièrement
médiatisées : le rapport annuel et le
rapport annuel sur l’application des
lois de financement de la sécurité
sociale (RALFSS).
Le RALFSS 2012 constitue la
synthèse de 13 rapports rédigés dans
le courant de l’année et assemblés
dans un document final. Lors de sa
programmation annuelle, la Cour
choisit d’investir des domaines
qui lui paraissent particulièrement
sensibles, sachant que l’article 47-2
de la Constitution
permet désormais à
la Cour d’assister le
législateur l’exécutif
dans leurs missions.
En d’autres termes,
la Cour des comptes
fixe librement et de
façon indépendante
son programme,
sous réserve des
travaux demandés
par le Parlement et
le Gouvernement.
Les constats et recommandations
formulées par le RALFSS constituent
autant de guides pour la rédaction
du projet de loi de financement de la
sécurité sociale de l’année suivante.
Le RALFSS comprend, en fin de
volume, les réponses des ministères
et des administrations citées dans
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
le rapport. Ces réponses sont utiles
pour analyser les orientations que les
pouvoirs publics souhaitent soutenir
dans la LFSS pour l’exercice suivant.
La première partie du RALFSS
comporte systématiquement un avis
de la Cour concernant les comptes et
le financement de la sécurité sociale.
La deuxième partie du rapport examine
les difficultés de mise en œuvre de
certaines réformes. La troisième partie
se penche sur l’efficience du système
de soins. La quatrième partie traite de
la solidarité à l’égard des retraites et
des familles. Enfin, la cinquième partie
examine les besoins d’amélioration de
la gestion de la sécurité sociale.
La lecture de cet imposant volume de
608 pages montre que la perspective
de voir disparaître les déficits est
lointaine, même si des leviers
d’optimisation du fonctionnement
des branches de la sécurité sociale
existent. Cet article n’a pas bien
entendu vocation d’examiner
l’ensemble des recommandations
de la Cour mais a pour ambition de
donner une vision panoramique sur les
déficits constatés et sur les voies et
moyens de les réduire.
1. Les déficits sont encore
massifs, bien qu’en recul
1.1 La réduction des déficits
est surtout attribuable à la
croissance et à un apport de
ressources supplémentaires
Après avoir atteint un niveau sans
précédent, en 2010, de -28 milliards
d’euros (Md d’e) soit 1,4 % du PIB, le
déficit du régime général et du fonds
de solidarité vieillesse (FSV) a amorcé
un repli en 2011 mais est demeuré
particulièrement élevé à -20,9 Md d’e
soit 1 % du PIB. Il représente plus du
double de celui des années 2007-
2008. On peut à ce titre rappeler
qu’entre 2002 et 2012, les déficits
cumulés de la sécurité sociale se
montent à 160 Md d’e. Les dépenses
de sécurité sociale constituant des
dépenses courantes, il peut paraître
peu justifié que leur financement soit
reporté sur les générations futures.
L’amélioration de la situation
financière constatée en 2011 est
due avant tout l’apport de ressources
nouvelles ainsi qu’à la bonne tenue
de la masse salariale, même si une
certaine modération des dépenses,
en particulier le respect de l’objectif
national des dépenses d’assurance
maladie (ONDAM), a contribué à une
amélioration de la situation.
Le déficit du seul régime général
en 2011 se situe à des niveaux
exceptionnellement élevés (-17,4 Md
d’e soit 0,9 % du PIB).
Il convient à ce stade de différencier
les déficits structurels des déficits
conjoncturels. Le déficit structurel
constitue le déficit qui ne peut être
résorbé par la croissance du PIB.
Les déficits publics sont influencés
par l’évolution du cycle économique.
Lorsque la croissance est forte,
les rentrées fiscales et sociales
sont plus importantes. À dépense
publique constante, les déficits,
mécaniquement, reculent et peuvent
parfois laisser place à des excédents.
1.2 La caisse d’amortissement de
la dette sociale, un outil de report
des déficits sur les générations
à venir
La Cour insiste particulièrement sur la
reprise des déficits de l’année 2012
du régime général qu’il conviendra
d’organiser.
La loi de financement de la sécurité
sociale pour l’année 2011 a réalisé le
transfert à la caisse d’amortissement
de la dette sociale (CADES) des déficits
cumulés fin 2010 de l’ensemble des
branches du régime général et du FSV
ainsi que la reprise du déficit 2011

Issu de la 37e promotion,
rapporteur à la 6e chambre
de la Cour des comptes
depuis 2012, Xavier Bonnet a
travaillé 2 ans en URSSAF, et
10 ans à la CPAM de la Haute
Garonne dans des fonctions
de directeur adjoint.
des branches maladie et famille.
Cette reprise a permis de prendre
en charge les déficits de la branche
vieillesse et du FSV pour les années
2011 à 2018 dans la limite d’un
montant total de 62 Md d’e. Dans
ce contexte, il convient de souligner
que les déficits 2012 des branches
maladie et famille du régime général
(estimé à 9,4 milliards d’euros) ne font
pas encore l’objet d’une reprise par
la caisse d’amortissement de la dette
sociale, reprise pourtant nécessaire
puisqu’ils n’ont aucun autre moyen
d’être financés.
Afin de ne pas porter davantage
le coût de ces déficits sur les
générations futures, la Cour
rappelle la nécessité d’affecter
des ressources supplémentaires
à la CADES pour financer la dette
dont la durée d’amortissement est
estimée aujourd’hui à 2024-2025.
Afin d’équilibrer la CADES, une
augmentation de la CRDS de l’ordre
de 0,06 % serait nécessaire, faisant
passer le taux de la CRDS de 0,5
à 0,56 %. De taux de la CRDS est
inchangé depuis 1996.
Sur le plan des recettes et des
dépenses, les régimes de sécurité
sociale et le FSV ont connu des déficits
qui ont amorcé un recul par rapport
à leur niveau historique de 2010.
Toutefois, ce recul est essentiellement
imputable à un apport de recettes
nouvelles.
1.3 Des recettes orientées à la
hausse en 2011
Parmi les mesures de recettes que
l’on peut citer, l’augmentation du
droit de consommation sur les tabacs
(qui a eu une incidence de plus 1,47
Md d’e), l’annualisation du coût des
allégements de cotisations sociales
sur les bas salaires, diffusion, en
faveur des branches du régime général
a eu une incidence de 2,10 Md d’e.
Par ailleurs, l’augmentation des
produits nets du régime général et du
FSV (à hauteur de plus 15,3 Md d’e)
traduit l’incidence de l’augmentation
spontanée des recettes de 8,3 Md d’e,
sous l’effet de l’amélioration de la
conjoncture économique par rapport
à 2010. En 2011, la masse salariale
du secteur privé a augmenté de plus
3,6 %, supérieure à celle prévue dans
la loi de financement rectificative de
juillet 2011.
1.4 L’accroissement de la dette :
une perspective inéluctable
Sous l’hypothèse d’un objectif national
des dépenses d’assurance maladie
progressant de 2,7 % par an, près
de 60 milliards d’euros de dettes
supplémentaires pour la branche
maladie seraient susceptibles de
s’accumuler de 2012 à 2020 sur le
périmètre du régime général et du FSV.
La Cour a examiné les conditions qui
ont permis d’atteindre le niveau fixé
par l’objectif national de dépenses
d’assurance maladie (ONDAM)
pour l’année 2011. La tenue de
l’ONDAM constitue l’un des éléments
déterminants de la trajectoire
pluriannuelle des finances publiques
sur laquelle la France s’est engagée
au niveau européen.
L’ONDAM 2011 avait procédé d’une
construction volontariste. Pour la
deuxième année consécutive et la
troisième fois seulement depuis
son institution, il a été respecté en
2011, en montant comme en taux
de progression, ce qui constitue à cet
égard un résultat notable.
Le respect de l’ONDAM est dû à trois
facteurs essentiels :
- la qualité des prévisions budgétaires,
qui a abouti à la mise en réserve de
500 M d’e en début d’exercice ;
- la progression modérée des dépenses
de ville, sachant que le rythme plus
soutenu des dépenses à l’hôpital a
été couvert par les sommes mises en
réserve en début d’exercice ;
- la mise en œuvre effective des
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
19
mesures d’économie prévues
initialement, notamment la maîtrise
médicalisée et la lutte contre la
fraude à l’assurance maladie.
Le projet de loi de financement de la
sécurité sociale précise les éléments
ayant contribué à la sous-réalisation
de l’ONDAM :
- les dépenses de soins de ville
ont été moins élevées que prévu
à hauteur de 350 millions d’euros
(78,5 Md d’e réalisés pour un
objectif de 78,9 Md d’e), ceci étant
dû en partie au dépassement des
objectifs d’économies dans le cadre
de la maîtrise médicalisée des
dépenses de santé (réalisation de
612 millions d’euros pour un objectif
de 550 millions d’euros) ;
- les dépenses des établissements
de santé ont été contenues à 74,6
Md d’e, conformes aux prévisions en
termes de réalisation ;
-
d e même, les dépenses des
établissements et services
médico-sociaux ont été conformes
aux objectifs à hauteur de
16,5 Md d’e.
2. Trois recommandations pour
contribuer à l’amélioration du
fonctionnement de l’Institution
sécurité sociale
2.1 Le « minimum vieillesse »,
un dispositif utile qui doit être
maintenu ; le niveau de vie des
retraités : une égalisation avec
les actifs à rechercher
La Cour a analysé la réalité contrastée
de la situation des retraités.
Si le minimum vieillesse conserve
aujourd’hui un rôle essentiel pour
limiter le taux de pauvreté des retraités
les plus modestes, le déséquilibre
structurel du FSV qui en assure le
financement doit être comblé.
2.1.1 Vers une égalisation des niveaux
de vie des retraités par rapport aux
actifs
La population retraitée s’avère
aujourd’hui, sous l’angle financier,
dans une situation globale en moyenne
légèrement plus favorable que celle
VIE DU RÉSEAU 20
des actifs, notamment des plus
jeunes. La Cour a estimé nécessaire
de reconsidérer certaines des
dépenses fiscales et niches sociales
dont ils bénéficient, en préservant la
situation des retraités les plus fragiles,
de manière notamment à redéployer
les moyens vers de nouveaux besoins
de solidarité.
Comme la Cour l’a déjà fait valoir dans
différents rapports, la réflexion devrait
prioritairement concerner quatre
dispositifs :
- l ’abattement de 10 % sur les
pensions pour l’impôt sur le revenu ;
- le taux réduit de CSG à 6,6 %
applicable aux retraités aux revenus
les plus élevés ;
- l’exonération au titre de l’impôt sur le
revenu des majorations de pension
pour enfants ;
- l ’exonération de cotisations
patronales pour les particuliers
âgés employeurs à domicile, qui
devrait être soumis à condition de
ressources.
Dépenses fiscales et niches sociales
en direction des retraités représentent
aujourd’hui près de 12 millions
d’euros, soit environ 0,6 points de PIB.
Au final, la population retraitée
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
considérée dans son ensemble a fini
par rejoindre globalement le niveau
de vie des actifs et dépasse même
sans doute légèrement celui du reste
de la population. En 2006, le niveau
de vie moyen pour les actifs y compris
les loyers imputés nets d’intérêts
d’emprunts était de 23 060 e alors
que pour les retraités ce niveau de vie
atteignait 23 970 e. Le ratio retraités
sur actifs était donc 1,04. Le groupe
des actifs comporte des personnes en
emploi et les chômeurs. Si l’on ajoute
à cet ensemble les adultes inactifs
et les enfants, le niveau de vie du
groupe complet des actifs se porte à
20 764 e. Le ratio retraité sur non
retraité est alors de 1,15.
2.1.2 Le minimum vieillesse,
un dispositif à conforter
Le minimum vieillesse représentait
en 2011 une dépense totale de
3 milliards d’euros financée par
le FSV.
Créé en 1956, le minimum vieillesse,
désormais appelé « allocation de
solidarité aux personnes âgées »
(ASPA), couvre 940 000 personnes. Le
dispositif permet de porter les revenus
d’une personne seule à 777,16 euros
par mois. Il constitue un dernier filet
de sécurité pour les retraités les plus
pauvres dans la mesure où il intervient
de façon subsidiaire aux minima de
pensions.
La Cour estime que le minimum
vieillesse demeure un outil majeur
de lutte contre la pauvreté des
personnes âgées. L’ASPA a longtemps
été considérée comme une allocation
subsidiaire qui devait s’éteindre
progressivement. À ce titre, jusqu’en
2007, le nombre de bénéficiaires n’a
cessé de décroître. Cette tendance
s’est toutefois interrompue, et le
nombre de bénéficiaires est reparti à
la hausse.
Un dispositif insuffisamment
doté…
Dans le même temps, le FSV, qui
contribue grandement au financement
de l’allocation de solidarité aux
personnes âgées, connaît un
déséquilibre durable. Son déficit
pour l’année 2011 s’établissant à
3,45 Md d’e. Sans ces ressources,
l’ASPA continuera d’être financée
par la dette sociale, c’est-à-dire par
les générations à venir car au final
le déficit annuel du FSV est repris à
intervalles plus ou moins réguliers par
la CADES.
© Arap - Fotolia.com

… financé par la dette sociale…
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit
lorsque la LFSS 2011 a organisé
le transfert à la CADES des déficits
cumulés fin 2010 de l’ensemble des
branches du régime général et du
FSV. Elle a également prévu la reprise
annuelle de l’ensemble des déficits
de la branche vieillesse et du FSV
jusqu’en 2018, dans la limite d’un
montant total de 62 milliards d’euros.
Parallèlement, on peut remarquer que
les ressources de la CADES ne sont
pas, non plus, équilibrées. Comme
on l’a vu ci-dessus, un apport de
ressources pourrait se faire par une
augmentation de la CRDS équivalent
à une majoration de l’ordre de 0,06
point du taux de la CRDS dès 2013.
On comprend mieux le jeu de vases
communicants d’un dispositif à un
autre, débouchant in fine sur un
financement de la dette sociale par
les marchés obligataires.
… qui mériterait de faire l’objet
d’une communication plus vaste.
Une augmentation prévisible des
carrières incomplètes pourrait
alimenter une croissance du nombre
de bénéficiaires de l’ASPA. Parmi les
allocataires du minimum vieillesse
résidant en France, la CNAV estime à
seulement 13 % la part des personnes
ayant eu des carrières complètes au
sens du nombre de trimestres validés.
La nécessité d’une information plus
active pour permettre à ce dispositif de
solidarité de jouer plus complètement
et plus efficacement son rôle est
soulignée par la Cour. Elle préconise
notamment de mettre en place un
« rendez-vous des 65 ans » pour
renouveler l’information sur l’ASPA
effectuée au moment de la liquidation
de la pension en informant et en
renforçant les actions partenariales
entre les caisses de retraite et les
services sociaux des collectivités
locales. La Cour propose également de
mener des campagnes de prospection
active auprès des retraités qui seraient
devenus éligibles au minimum
vieillesse à l’issue du récent plan de
revalorisation.
2.2 Le RSI : un « lourd échec » ?
La création du régime social des
indépendants (RSI) fin 2005 avait
pour objectif principal de simplifier la
gestion de la protection sociale des
artisans, commerçants et professions
libérales et de dégager des gains
d’efficience. Il prévoyait à ce titre le
transfert du recouvrement de leurs
cotisations aux Urssaf et la mise en
place d’un interlocuteur unique.
La Cour a jugé sévèrement ce
dispositif, le qualifiant de « lourd
échec ». L’encaissement des
cotisations qui n’ont pas pu être
payées à bonne date par les assurés
en raison des dysfonctionnements,
et dont le montant est évalué par
l’administration et des organismes
à environ 700 millions d’euros en
2012, a été entrepris. Le ministère,
dans sa réponse à la Cour, précise qu’il
est possible qu’une perte définitive
partielle soit constatée, et rappelle
l’intérêt pour les assurés eux-mêmes
d’en acquitter la plus grande part pour
acquérir normalement leurs droits à
l’assurance retraite.
En 2012, le chantier de rénovation
de son système d’information
doit permettre de stabiliser le
fonctionnement du RSI.
2.3 Les transports de patients
à la charge de l’assurance
maladie, une dépense utile mais
insuffisamment maîtrisée
La croissance des dépenses
d’assurance maladie relatives aux
transports de patients représente
3,5 Md d’e et augmente à un rythme
soutenu. Les transports sanitaires ont
concerné, en 2010, 65 millions de
trajets pour plus de cinq millions de
bénéficiaires. La Cour a estimé qu’une
partie très notable de cette dépense
peut être évitée sans fragiliser l’accès
aux soins. La Cour estime au minimum
à 450 M d’e par an les dépenses de
transport sanitaire évitables, soit 13 %
de la dépense totale.
Le rapport aborde la question de l’offre
de transports sanitaires, qui semble
témoigner d’un pilotage peu pertinent.
Depuis plusieurs années, la structure
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
21
des dépenses se déforme au profit des
ambulances et des taxis, alors que les
dépenses de transport en VSL sont
stables ou diminuent très légèrement
(-0,2 % par an en moyenne sur la
période 2007-2009). Pour limiter
le parc de véhicules utilisés pour le
transport des patients, une disposition
réglementaire a été introduite en
1995. Celle-ci permet de fixer un
plafond global (ambulances et VSL)
par département en fonction de ses
caractéristiques. La Cour note que ce
plafond n’est pas respecté pour plus
des deux tiers des départements, qui
représentent plus de la moitié de la
population. Le plafond départemental
de véhicules sanitaires est global
pour les ambulances et les VSL. La
transformation d’un VSL en ambulance
n’étant soumise à aucune demande
d’autorisation, les transporteurs
utilisent cette possibilité pour
augmenter leur parc d’ambulances
en diminuant le nombre de VSL.
Ils continuent alors à assurer les
transports assis en s’équipant de
taxis pour lesquels les règles de
contingentement sont, en zone rurale,
peu contraignantes. Les transporteurs
sanitaires peuvent aussi céder, avec les
véhicules, les autorisations de mises
en service correspondantes, même
lorsque le parc de véhicules sanitaires
du département est excédentaire.
Dans sa réponse, le ministère partage
le constat de la Cour et insiste sur
la nécessité de la régulation des
dépenses de transports par une action
aussi bien sur le nombre de patients
transportés, l’optimisation du mode de
transport et le coût des transports de
patients. La lutte contre les fraudes et
abus doit être également renforcée.
La loi de financement de la Sécurité
sociale pour l’année 2013 semble
avoir pris en compte ces élément
et souhaite encadrer plus fortement
les dépenses de transport tout en
développant le recours aux soins
ambulatoires et à l’hospitalisation à
domicile. Ces objectifs peuvent être
conciliés, mais la voie est étroite et
des choix, nécessairement, devront
être réalisés.
 22
Marc André AZAM
Ollivier VACCHINO
GRANDS TÉMOINS
Rencontre avec Dominique Libault,
directeur de l’EN3S
Élan Social : Que pouvez-vous dire de
vous aux lecteurs d’Élan Social ?
Dominique Libault : Je suis sorti de l’ENA
en 1987 pour intégrer la Direction de la
Sécurité sociale, jusqu’en 2012. Dans l’in-
tervalle, j’ai passé deux ans au cabinet de
Simone Veil. J’ai occupé diverses fonctions
à la DSS, dont 10 ans en tant que directeur.
Le fil rouge de ce parcours c’est de contri-
buer à la pérennisation de notre système de
Sécurité sociale, notamment par contribution
à de nombreuses réformes qui marquent le
paysage actuel de la Sécurité sociale fran-
çaise : la création de la CSG, la réforme de la
gouvernance avec les lois de financement en
1996, la réforme de l’assurance maladie, en
2004, ou des retraites, de 1993 à 2010. J’ai
aussi travaillé naturellement pendent toutes
ces années sur et avec le service public de la
Sécurité sociale, avec notamment la concep-
tion et la négociation en œuvre des conven-
tions d’objectifs et de gestion depuis 1997.
ES : Quel sens revêt votre nomination à la
direction de l’EN3S, après avoir nommé
Conseiller d’État… Est-ce un vrai engage-
ment ou bien un poste d’attente ?
DL : Il me semble que beaucoup de choses
ont déjà été faites, dans la capacité de
l’institution Sécurité sociale à faire face aux
défis du XXIe siècle, mais que c’est encore
trop peu su et peu transmis. L’école est un
formidable lieu de pédagogie vis-à-vis des
jeunes et de l’ensemble du service public de
la Sécurité Sociale, de ses cadres dirigeants,
de ses partenaires, du monde économique,
universitaire, ainsi qu’à l’international. C’est
un lieu de rayonnement, comme le prévoit
la COG, qui vient d’être votée et signée avec
l’État. Et je crois fondamentalement que les
politiques publiques et le service public vont
de pair. Les deux sont fortement imbriquées :
le service public de la Sécurité sociale est de
grande qualité, pour autant il doit s’interroger
et innover en permanence, se remettre en
cause pour rester performant. Ma nomina-
tion correspond donc à un vrai projet, et non
à un poste d’attente, dans la continuité d’un
parcours professionnel plus vaste.
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
ES : quelles sont les ruptures ou les
évolutions qui pourront se produire en
2013 ?
DL : Je n’ai pas l’intention de faire des rup-
tures. L’école fonctionne bien, en interne
déjà, et elle reste attractive en externe. Je
suis très content des élèves que j’ai rencon-
trés, que ce soit les promotions 50, 51, ou
ceux de la 52ème promotion qui viennent
juste d’arriver. Le public de la formation conti-
nue est nombreux et livre des évaluations
avec un haut degré de satisfaction. L’école
a donc de nombreux atouts.
En revanche, il est possible d’aller plus loin
sur plusieurs sujets. Par exemple sur le
renforcement du lien entre le management
et le service public : diriger une caisse de
Sécurité sociale, c’est une responsabilité
managériale, ce n’est pas simplement une
expertise. Mais c’est aussi manager dans
un service public spécifique, qui a un sens
bien particulier.
Je prends souvent l’exemple de la gestion
du risque, qui transforme les attentes vis-
à-vis du service et vis-à-vis des managers,
qui doivent avoir une action directe sur le
comportement des acteurs. L’école peut aller
encore plus loin dans ce sens, par exemple
en intensifiant les formations liées à cette
thématique, ce à quoi nous travaillons ac-
tuellement avec la CNAMTS.
Je pense que l’on peut aussi travailler sur le
public qui fréquente l’école, et notamment
sur les agents de direction : ce que l’on pro-
pose n’est peut-être pas suffisamment en
adéquation avec la demande des directeurs.
Nous pourrions par exemple réfléchir à des
lieux de travail entre « pairs », entre directeurs
d’une branche ou de plusieurs branches, sur
des sujets communs. J’ai d’ailleurs lancé une
première réunion régionale des directeurs,
en fin d’année, dans la région Rhône-Alpes,
avec l’Ucanss et la MNC. L’école doit pouvoir
contribuer à la transversalité des chantiers
en région.
Concernant l’attractivité de l’école, je pense
que les métiers de la Sécurité sociale
souffrent d’un déficit de connaissance et
de reconnaissance, notamment auprès des
jeunes, qui ne connaissent pas suffisamment
la richesse et le dynamisme des organismes.
Cela peut passer par le réseau des anciens
élèves et des dirigeants des caisses, en par-
ticulier en lien avec l’association, dans les
lieux où se forment les jeunes.
ES : Quel rôle peut jouer l’école pour
favoriser la mobilité ?
DL : La mobilité était une des thématiques
des groupes pilotés par Annick Morel, en pre-
mier lieu entre les branches et régimes. Il y a
déjà des choses positives qui existent. Ainsi
un ancien élève de l’EN3S vient d’intégrer
l’IGAS. D’autres ont été ou sont présents
dans des cabinets ministériels, la Cour des
comptes, auprès du Défenseur des droits,
… Ces mobilités représentent une recon-
naissance du métier et des compétences
des élèves l’En3s, qui peuvent s’exercer en
dehors des organismes classiques. Mais
ces parcours ne sont encore par suffisam-
ment fluides, et il faudra demain les faciliter.
L’école est en l’occurrence toute prête à aller
plus loin en la matière.
ES : Ne pensez-vous pas que ces mobilités
sont encore trop freinées par les statuts
ou les rigidités administratives ?
DL : Je pense en effet qu’il va falloir déve-
lopper des passerelles entre les univers des
caisses, des collectivités territoriales, de
l’hospitalier, … Je ferai en l’occurrence tout
ce qui est possible pour que l’école participe
à ce décloisonnement. Ce peut être un travail
là aussi à mener avec l’association, à condi-
tion qu’il y ait une vraie demande, qu’il y ait
des clients pour participer aux modules de
« préparation à la mobilité » que nous pour-
rions envisager.

ES : L’école n’est-elle pas aujourd’hui
une école de « niche » ? Doit-elle deve-
nir une école de service public, à rap-
procher de Rennes, ou bien plutôt une
grande école de management ?
DL : Je ne partage pas la vision d’une école
de niche, alors que la Sécurité sociale gère
plus de 400 milliards d’euros, plus que le
budget de l’État. Ou alors il s’agit d’une très
grosse niche ! Pour autant, je vous rejoins
sur la nécessité, en les formant bien, d’aider
les anciens élèves et les agents de direc-
tion à saisir toutes les potentialités offertes
par les organismes de Sécurité sociale.
Ce qui n’est déjà pas évident, comme le
constatent celles et ceux qui tentent de
passer de l’Urssaf à la Cpam ou à la Caf,
notamment en seconde partie de carrière.
Et puis il faut permettre à ceux qui le sou-
haitent, d’étendre leur action dans d’autres
environnements, par capillarité si j’ose dire,
comme par exemple dans les Agences régio-
nales de santé.
Les ARS constituent une innovation ma-
jeure, et elles représentent des opportuni-
tés de parcours très intéressants pour les
agents de la Sécurité sociale, et pas seu-
lement de l’Assurance maladie. C’est pour
moi une priorité pour les prochains mois et
les prochaines années, et j’ai eu l’occasion
de l’évoquer avec le secrétaire général des
Ministères sociaux. Il n’est pas exclu de
proposer des postes en sortie de formation
initiale en ARS. Mais il faut aussi penser à la
formation continue. La mixité et la nécessité
de s’ouvrir à d’autres publics et de favoriser
l’élargissement des horizons sont évidentes.
Ce travail culturel nous prendra sans aucun
doute plusieurs années !
ES : Quelles sont les pistes de partena-
riat avec les organismes qui ne relèvent
pas de la Protection sociale ?
DL : Avec la Mutualité, avec les organismes
Agirc-Arcco…, la démarche est la même
que pour les ARS. Il peut s’agir de forma-
tions continues mixtes qui s’adresseraient
à des cadres dirigeants de l’ensemble de
ces organismes comme des caisses de
Sécurité sociale. Mais les stages peuvent
aussi permettre de répondre à cet objectif
d’ouverture. Ils constituent une excellente
manière de se découvrir mutuellement.
Nous réfléchissons à des conventions de
partenariat formalisées.
ES : Des cadres fonctionnaires en ARS
ne peuvent pas accéder à la préparation
au concours initial, cela ne peut-il pas
évoluer ?
DL : Il y a en effet une réflexion à avoir sur
les règles d’éligibilité au concours interne.
23
Mais on peut aussi réfléchir au 3ème épreuve de culture générale, mais plutôt
concours, qui a été proposé par le rapport l’occasion de tester leurs motivations pour
d’Annick Morel. les fonctions qu’ils exerceront à la sortie de
l’école. Il ne s’agit pas de piéger les élèves,
ES : Quel sera votre rôle dans la suite
mais de les aider à faire le bon choix. Du
des préconisations d’Annick Morel ?
reste, la quasi-totalité des candidats reçus
DL : L’École aura en charge de la mise en vont jusqu’au bout de la scolarité et ac-
œuvre plusieurs éléments de la réforme, quièrent le titre d’anciens élèves, avec une
en particulier l’évolution des concours qui proportion très faible d’anciens élèves en
ne sera pas pour autant révolutionnaire.
difficulté ensuite.
Je ne crois pas que nous toucherons des
potentiels très différents juste en proposant ES : Comment peut se positionner
des épreuves plus originales. Mais il me l’école pour accompagner l’évolution
semble en revanche possible de renforcer des réseaux, qui préoccupe autant les
l’attractivité des concours sociaux vis-à-vis élèves que les anciens élèves ?
des étudiants, qui passent simultanément
DL : Rétrospectivement, je pense que
le concours de l’EHESP et celui de l’EN3S.
l’école aurait pu proposer plus de formations
Il nous faut donc faire valoir tout l’intérêt
d’accompagnement à l’occasion des précé-
de ces concours et des carrières qu’offre
dentes restructurations. Mais pour l’avenir,
la Sécurité sociale. Les épreuves resteront
y compris lorsque les restructurations sont
proches de celles de Rennes.
effectives, il y a sans doute des accompa-
ES : La réduction du nombre de places gnements à envisager. Plus globalement, la
ne réduit-il pas de facto la place de restructuration doit induire une modification
l’école ? de perception de l’importance respective
DL : La réduction du nombre de places est des différents positionnements dans l’insti-
réelle, mais elle demeure modérée notam- tution : quand il y avait plus de 100 caisses
ment par rapport aux autres grandes écoles, par réseau, il y avait une légitime aspiration
y compris l’Ena, et elle est légitime par rap- à devenir très rapidement directeur. À par-
port aux réalités économiques du pays. Il tir du moment où les réseaux se réduisent
faut cependant faire attention à ne pas aller
en taille, il y aura plus de temps dans les
en dessous d’un certain niveau, pour faire
parcours professionnels passés dans des
vivre une promotion, pour maintenir une
structures collégiales, et pas forcément en
réelle attractivité, et pour préparer l’avenir
dans toutes les branches. tant que directeur de plein exercice. Et puis
il y aura aussi de plus en plus de directeurs
ES : A l’occasion des échanges avec transversaux ou de projets. Les parcours
la 52ème promotion, des élèves nous devront permettre demain de passer dans
ont dit qu’ils appréciaient l’épreuve de des fonctions d’expertise, mais aussi en
conversation du concours initial… caisse nationale, et dans des fonctions de
DL : Nous travaillons beaucoup avec le jury management plus classiques. Quoi qu’il en
et en particulier avec son président, Jacques soit, le travail des dirigeants demain sera de
Le Cacheux. Il ne s’agit en effet pas d’une plus en plus transversal.
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de PARIS en 1981, Dominique Libault
intègre l’Ecole Nationale Supérieure d’Administration en 1985. Il entre à la Direction
de la Sécurité Sociale en 1987 en tant que chef du bureau du financement et du droit
des cotisations. Il en sera nommé Directeur en novembre 2002, et y restera jusqu’en
2012. À cette date, il est nommé Conseiller d’Etat. Il devient Directeur général de
l’EN3S la même année.
Pendant cette période, il aura également été, de 1993 à 1995, conseiller technique
auprès de Madame Simone VEIL, Ministre d’Etat, chargé des affaires sociales, de la
santé et de la ville.
En avril 2012, Roselyne Bachelot, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand lui confient la
présidence du Comité national de pilotage sur les parcours de santé des personnes
âgées en risque de perte d’autonomie. Composé des représentants des opérateurs
et des services de l’Etat en charge de ces sujets, des agences régionales de santé,
de l’Assemblée des départements de France, ainsi que de tous les professionnels du
secteur, ce Conseil est chargé de la mise en œuvre des recommandations formulées
par le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) afin d’améliorer la
prise en charge des personnes âgées.
En novembre 2012, est créé le Haut Conseil du financement de la protection sociale,
présidé par Mireille Elbaum, et dont Dominique Libault est nommé vice-président.
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
 24
présence encore plus forte des systèmes de
REGARDS EXTÉRIEURS

LA CONVENTION D’OBJECTIFS ET DE GESTION 2013-2016 Sécurité sociale européen, y compris avec un

déplacement à Bruxelles pour mieux appréhen-
EN QUELQUES MOTS der le fonctionnement communautaire. J’aime-
Depuis 1960, l’École Nationale Supérieure de Sécurité sociale contribue à la rais enfin que l’on puisse définir des projets par
professionnalisation de gestion des organismes de Sécurité sociale et à son promotion, avec des sujets très concrets de
amélioration continue. coopération avec des pays identifiés.
Cette contribution se traduit par l’organisation du recrutement des dirigeants du Service
public de Sécurité sociale et des spécialistes de l’inspection et du contrôle dans le ES : Quel bilan tirez-vous de la mise en
domaine sanitaire, ainsi que par l’organisation de cycles de formation diplômants et place de l’IHEPS ?
de produits de formation continue. Trois enjeux majeurs traversent l’ensemble des
DL : Je rappelle que l’IHEPS examine
produits et services proposés par l’École :
des grandes problématiques de poli-
- les qualités et les compétences des métiers de dirigeants et de spécialistes (vision
tique publique, avec des déplacements à
stratégique, communication, leadership, etc.) ;
l’étranger, qui sont très appréciés par les
- les compétences de gestion des organismes (ressources humaines, systèmes de
auditeurs. Les auditeurs de l’institut sont
management, gestion budgétaire et comptable, technologie de l’information, etc.) ;
issus d’univers distincts du réseau de la
- les compétences d’animation des politiques publiques sanitaires et sociales
Sécurité Sociale : ce sont des journalistes,
(décryptage de ces politiques, mise en œuvre concrète, évaluation, contribution à
des administrateurs des assemblées, des
leur adaptation, etc.).
salariés de cabinets conseils, des élus,
Initialement centrées sur le Service public de Sécurité sociale, ces activités ont
des membres des grands corps, de la Cour
été mises à profit du monde de la Protection sociale ainsi que des administrations
gestionnaires du monde entier (à la fois par des formations et des projets de des comptes, … Ils acquièrent par le biais
coopération). de ce cursus une meilleure visibilité de
Aujourd’hui l’École est également engagée très fortement, au côté des autres notre univers.
acteurs du Service public, dans les activités de promotion de la Protection sociale Nous essayons par ailleurs de trouver des
et de ses métiers, car cette promotion est indissociable de son attractivité et de son synergies entre les équipes et les actions
rayonnement. de l’école et de l’Institut. Tout ce que nous
C’est dans ce contexte que l’En3s et l’État ont signé le 21 décembre 2012 la première apportent ces travaux pourra être mis à
COG de l’École et organisent leurs engagements réciproques pour la période 2013- disposition de la Sécurité sociale : inter-
2016 autour de quatre enjeux majeurs de développement : locuteurs, connaissance de certains pays,
• Renforcer l’attractivité de l’École … Enfin, nous envisageons d’organiser des
• Garantir l’adéquation des prestations de formations, d’études et de services aux colloques en commun à l’avenir.
attentes de ses clients et partenaires. Quant à l’impact sur l’image de l’institution,
• Assurer le rayonnement de l’École au sein de la Protection sociale, et au-delà il s’agit d’un travail de très longue haleine.
• Améliorer l’efficience de gestion interne L’institut produira en ce sens des effets, qui
Les domaines de la COG EN3S/État couvrent l’ensemble des missions « cœur de ne sont pas vraiment spectaculaires, mais
métiers » de l’École (recrutement des dirigeants d’organismes et des praticiens qui contribuent à long terme à la pérennité
spécialisés dans l’inspection et le contrôle, cycles de formation diplômant et formation et au rayonnement de la Sécurité sociale.
continue, études/recherches, coopération internationale).
16 axes de travail et 52 engagements de services visent ainsi à traduire concrètement ES : Quelle vision avez-vous des relations
cette ambition d’excellence au profit des réseaux d’organismes de la Protection avec l’association des élèves et anciens
sociale et des 4 700 élèves et stagiaires accueillis chaque année par l’École. élèves ?
DL : L’école doit être en forte adéquation avec
ES : Quel est le sens de la suppression avons dû renoncer au stage à l’étranger, les attentes de ses clients, parmi lesquels les
du stage international à compter de la en partie pour des raisons budgétaires, qui anciens élèves, par le biais de la formation
promotion 52 ? renvoient à l’effort légitime que doit faire continue par exemple. À cet égard, l’asso-
DL : Je rappelle que l’école travaille beau- l’école comme le font les caisses nationales ciation peut être un vecteur très intéressant,
coup sur les différentes composantes de la et l’ensemble des services publics. Mais la et j’attends beaucoup d’un renforcement du
dimension internationale. Vous connaissez décision repose plus largement sur le constat dialogue avec vos instances. Nous avons
déjà l’existence du cycle spécialisé CESGOS d’une efficience améliorable… d’ailleurs convenu d’organiser des rencontres
(cf. l’article du numéro 77 d’Élan social), Nous allons donc tenter autre chose, pour régulières avec le bureau de l’AEN3S.
avec 17 nationalités présentes en même développer une vraie culture internationale Et puis je pense que l’association peut contri-
temps que la promotion, et qui concerne de tout au long des études. Il faut notamment buer à mieux faire connaître les métiers et
nombreux pays francophones : les Comores, se demander comment nous pouvons agir sur les fonctions de la Protection sociale. Il nous
le Burkina Fasso, le Mali, …Comme vous le les socles de protection sociale dans ces pays, faut bâtir une cartographie de la présence
savez, nous accueillons par ailleurs depuis mieux appréhender les limites actuelles et les des anciens élèves sur le terrain, qui doit
plusieurs années de nombreuses délégations actions concrètes qui permettent de progres- permettre d’agir dans ce sens. La présence
chinoises. Nous allons plus loin en signant un ser. L’École peut être un des pivots en France d’anciens dans certains centres de prépa-
accord avec le système de protection sociale de ces nouvelles approches de développe- ration, je pense à Aix-Marseille ou à l’IEP
chinois, qui va au-delà de la “simple” coopé- ment de la Sécurité sociale. Et les élèves à la Paris, est un levier formidable d’attractivité
ration entre deux écoles. fois du CESGOS­et de la promotion pourront de l’Ecole ; il serait souhaitable d’être aussi
Et puis il y a l’éveil international des élèves apporter leur contribution. Nous allons donc présent dans tous les lieux de formation
de la formation initiale. Alors en effet, nous bâtir un nouveau cycle international, avec une importants sur le territoire.

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013


Bismarck, Beveridge… Bachelet ?
Un rapport pour mondialiser
la protection sociale
C
’est peu avant l’achèvement de la Pré-
sidence française du G20 que Martin
Hirsch a souhaité diffuser en France le
contenu du rapport1 d’un groupe consultatif
réuni pendant un an (2010-11) autour de
l’ex-Présidente du Chili Michelle Bachelet,
en vue de proposer rien de moins que les
moyens « de la mise en place d’un socle
mondial de protection sociale ». L’ancien
Haut-commissaire aux solidarités actives en
était membre, avec une dizaine de person-
nalités de haut niveau représentant la plupart
des grands pays du monde.
Préfacé par la dirigeante sud américaine,
l’ouvrage décrit les bienfaits attendus des
couvertures collectives des différents risques,
et d’abord leur rôle traditionnel d’atténuateur
des tensions sociales. Dans le contexte du
« printemps arabe » et de ses revendications,
rappelés par Bachelet, la protection sociale
est un outil puissant pour contribuer à la sta-
bilité politique des sociétés. Dans le monde
occidental, la comparaison entre la crise
actuelle et celle de 1929, avec ses émeutes
de la faim, témoigne des progrès accomplis :
même dans les pays anglo-saxons les moins
interventionnistes, les systèmes de welfare
mis en place ont permis de limiter les effets
les plus désintégrateurs sur le tissu social de
la récession. Au niveau macro-économique,
le rôle de stabilisateur automatique et de sou-
tien à la demande est également rappelé. Cet
effet bénéfique, identifié par les tenants du
keynésianisme semble, depuis 2008, rega-
gner des partisans parmi les économistes.
Mais le propos du livre se déplace rapide-
ment sur la question de l’intérêt international
d’une mondialisation de la protection sociale,
dont le développement viendrait contrarier la
logique de dumping social à l’œuvre dans les
échanges commer­ciaux et financiers interna-
tionaux. Cette fameuse « harmonisation par
le haut » est pour Hirsch la clef de la survie
de notre propre protection sociale. La thèse
est là, qui permet d’appréhender de deux
manières le titre de l’ouvrage : il s’agit certes
1 - Le rapport a été publié en 2011 par l’OIT (en anglais): Social Protection Floor for a Fair and Inclusive Globalization.(117 pages)
de développer la sécu dans le monde, mais
aussi de s’intéresser au monde pour sauver
notre sécu.
Point de départ de l’initiative pour un socle
de protection sociale, la progression certes
tendancielle, mais très lente et limitée de
celle-ci : en 2011, 80 % de la population
mondiale n’a pas une couverture sociale
digne de ce nom. Mais quelle couverture
développer dans des pays avec une sous-
nutrition massive, un marché du travail
informel, de faibles taux de scolarisation ?
À quelle hauteur fixer un « socle de protection
sociale » mondial devant tant de différences
de développement ? Faut-il imaginer un
plancher universel ? Ne considérer que les
pays les plus pauvres ? L’auteur, qui s’attarde
sur ce débat, nous laisse avec une impres-
sion de vertige devant les profondeurs de
ces questions sans solution. Entre les pays
sans ressource pour lesquels l’urgence est
de nourrir l’ensemble de la population et
ceux qui auraient les moyens de développer
une protection sociale mais qui entendent
conserver jalousement leur souveraineté
sur ce point (Chine, Inde, en particulier),
les questions de contenu et d’instruments
juridiques à mettre en œuvre peuvent légiti-
mement décourager une telle initiative.
Pour sortir de l’impossible alignement de
dispositifs, le groupe de travail s’est donc
borné à définir le socle au regard des
« valeurs » qui le fondent et des principales
problématiques qui, nous dit l’auteur, sont
universellement partagées. Hirsch en liste
trois : les contreparties aux transferts moné-
taires, les incitations au travail et les restes
à charge en matière de soins.
Les chapitres suivants permettent à l’auteur
de revenir sur les principaux risques. Il
évoque ainsi la question effectivement
mondiale du vieillissement, dont l’acuité
est particulièrement importante en Chine.
Le pays le plus peuplé du monde, objet de
toutes les supputations et controverses, verra
en effet sa part de plus de 60 ans passer de
Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013
25
Frédéric VABRE
REGARDS EXTÉRIEURS
11 % à 30 % en 2050. Cette
transition démographique à
marche forcée aura des
incidences fortes sur son
modèle de développement
et des questions sociales
inédites vont se poser aux
dirigeants chinois.
L’enjeu des inégalités de
santé est traité à partir
du fonds mondial de lutte contre le
sida, la tuberculose et le paludisme, qualifié
de « prototype d’une assurance maladie
internationale ». L’occasion pour l’auteur de
narrer l’avènement de ce fonds et le rôle
déterminant joué à l’époque par Bernard
Kouchner, dont il était chef de cabinet. Plus
largement, l’ancien Haut-commissaire, qui
fut au cœur du monde de la santé durant
toute la décennie 90, s’appuie sur des
études latino-américaines qui montrent
comment les investissements dans ce
secteur s’avèrent rentables à long terme, et
propose un financement mondial d’un plan
de formation de médecins et d’infirmières
visant à lutter contre les déserts médicaux
dans les pays pauvres, en particulier dans
les campagnes.
Il poursuit son panorama par l’éternelle – et
à bien des égards préalable – question du
financement des dispositifs de protection
sociale. Il montre comment celle-ci est liée
aux problèmes de gouvernance des sociétés
en développement (captation des ressources
par quelques-uns, prédation, corruption) et
aux choix stratégiques effectués dans les
Juan Somavia, Ban Ki-moon et Michelle Bachelet
 26 LES DIX PRINCIPES POUR UN SOCLE DE PROTECTION SOCIALE

1. Inscrire la protection sociale comme un droit dans les constitutions des Etats.
REGARDS EXTÉRIEURS

BOLSA FAMILIA :
LE PROGRAMME IDÉAL ?
Dans Sécu : objectif Monde,
Martin Hisch se montre à
plusieurs reprises partisan de la
généralisation dans les pays en
développement de ce programme
social brésilien initié par l’ex-
Président Luiz Inácio Lula da
Silva. L’idée : conditionner une
aide monétaire aux familles à la
scolarisation et au suivi médical de
leurs enfants, de manière à agir en
même temps sur les dimensions
sociale, éducative et sanitaire.
Avec plus de 11,3 millions de
familles bénéficiaires, soit un quart
de la population, ce dispositif a
permis une forte réduction de la
pauvreté et un accroissement
des taux de scolarisation. Une
politique relativement efficiente, si
on rapproche ses effets de son coût
modeste, à peine 0,4 point de PIB.
2. Garantir que les dépenses à la charge des malades ne dépassent pas les
15% de leurs revenus ; pour les populations les plus vulnérables, assurer la
gratuité des soins.
3. Veiller à ce que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux revenus
de la solidarité.
4. Garantir aux personnes âgées des ressources équivalentes au moins à 30%
du revenu médian dans un premier temps, à 40% ensuite.
5. Apporter un soutien aux familles pour qu’il soit plus rentable d’envoyer les
enfants à l’école que de les faire travailler ; amener à ratifier la Convention
relative aux droits de l’enfant, interdisant le travail des enfants.
6. Ne pas laisser sans ressources celles et ceux qui ne peuvent travailler à cause
d’un handicap, de leur âge ou d’une situation de chômage prolongée.
7. S’engager, au niveau du G20, à ce que, d’ici 2030, 75% de la population
mondiale soit couverte contre les principaux risques sociaux, contre un quart
aujourd’hui ; inscrire le socle de protection sociale dans le prolongement des
objectifs du Millénaire pour le développement.
8. Mobiliser les institutions internationales, y compris les institutions financières
comme le FMI et la Banque mondiale, en soutien du socle de protection
sociale.
9. Aider les pays les plus défavorisés à bâtir le socle, en prenant des
engagements durables, le cas échéant par des financements innovants ; en
aidant à la formation de professionnels de santé et en soutenant les mesures
destinées à ce que les professionnels puissent exercer dans des conditions
convenables dans leurs pays d’origine.
10. Suivre au niveau mondial et dans la durée les progrès de la protection sociale
et l’efficacité des programmes mis en œuvre.

échanges internationaux (comme la Chine
qui préfère acheter avec ses excédents la
dette américaine plutôt que de créer un
système de retraite). L’OMS évaluant à
80 euros par an et par personne (entre 5 et
7 % du PIB) le coût d’une assurance maladie
à l’échelle mondiale, Martin Hirsch prône
le développement de taxes internationales
sur les billets d’avion ou les transactions
financières, collectées et utilisées via des
circuits courts vers les destinataires finaux.
Autre piste évoquée par l’ancien Président
d’Emmaüs pour contourner certains acteurs
publics, celle des fondations philanthro-
piques, jugées souvent plus efficaces que
ces derniers.
L’auteur revient ensuite à des préoccupations
françaises et essaie de démontrer l’intérêt
de développer la protection sociale ailleurs
pour éviter les délocalisations. Il indique
ainsi, un brin provocateur : « il existe autant
de raisons égoïstes que de raisons altruistes
de se battre pour le socle commun de
protection sociale »2. C’est probablement
cette perspective qui est la plus stimulante
de l’ouvrage. En mettant en avant la com-
munauté de destin des pauvres d’ici et de
là-bas, l’auteur se montre fort sévère avec
les tenants d’une « démondialisation » pro-
tectionniste, dont il dénonce l’aporie.
Après avoir lu les « 10 principes pour un socle
de protection sociale » (voir ci-dessus), on
aimerait ne pas jouer les cyniques devant
cette entreprise onusienne, et suivre la
citation exaltée du Mahatma Gandhi mise
en exergue par l’auteur en début d’ouvrage :
« First they ignore you, then they laugh at
you, then they fight you, then you win »3. On
ne peut néanmoins s’empêcher de penser,
au vu du caractère fort peu opératoire des
conclusions, reprises sans engagement
contraignant par les dirigeants du G20 lors du
sommet de Cannes4, qu’il s’agit davantage
d’esquisser, selon les mots de Michelle
Bachelet « un futur plus brillant et porteur
d’espoir » qu’une solution aux désordres
sociaux du monde. L’enjeu principal à
l’échelle de l’humanité, comme le reconnaît
Hirsch en fin d’ouvrage, réside au fond dans
l’attitude à venir de la Chine et de l’Inde.
Compte tenu des tailles de populations
concernées, leur seul engagement dans
une démarche de protection sociale aurait
un effet d’entraînement considérable, mais
la réussite de leur modèle de développement
à bas coût les rend réticents à s’engager
dans une telle voie. Ne reste donc plus
qu’à souhaiter un hypothétique « printemps
asiatique ». Hirsch en formule le vœu, sans
décrire plus avant l’état des tours de table
chinois et indien en la matière, ni même la
position de leurs représentants au sein du
groupe de travail, ce qui aurait pu ajouter
un éclairage bienvenu.
Au-delà de l’objectif militant affiché, l’intérêt
de l’ouvrage réside finalement plus dans le
fait qu’il essaie de positionner la question de
l’universalité de la protection sociale dans
le débat public. Un bel effort, d’autant que
Hirsch évite le double écueil de l’excès de
jargon et du propos de comptoir. Le lecteur
voyage au Brésil (voir encadré), en Afrique du
Sud, en Inde, au Bangladesh ou au Rwanda.
Enrichi de cette posture de comparatiste, il
peut prendre de la distance avec ses propres
notions, et revenir aux fondamentaux de cette
belle idée de protection sociale : mécanisme
d’assurance, outil de solidarité, vecteur de
développement d’activités économiques. Un
panorama efficace pour une question pour
le moins d’avenir.

2 - Cf. p. 125.
3 - « D’abord ils vous ignorent, puis ils se moquent de vous, puis ils vous combattent, et finalement vous gagnez. »
4 - Voir les conclusions du sommet de Cannes tenu les 3 et 4 novembre, et en particulier le document intitulé « Régulation sociale de la mondialisation »

Elan Social N° 78 - 1er trimestre 2013


Le Mot
du rédac'chef
D
iriger, conduire ou… changer ?
Le contexte des groupes de trav ail
pilotés par Annick Morel aura au moins
eu l’avantage de lancer un certain nombre de
débats, entretenus sur près de 3 ans.
Celui sur la mobilité avait été entamé de son côté
par l’association. Il a été l’occasion de structurer
la réflexion autour d’un groupe de collègues qui
ont vécu cette mobilité, et qui vont en faire
ressortir à la fois des questionnements structurés
et des propositions collectives.
Cette thématique de la mobilité est d’ailleurs au
cœur de nombreuses contributions proposées
par Élan Social, par exemple la table ronde
du 17 janvier dernier consacrée aux régimes
spéciaux, et qui fait l’objet d’un article dans le
présent numéro.
Mais un autre sujet majeur se profile, qu’Élan
Social commence à défricher : il s’agit de
l’évolution des métiers des cadres dirigeants,
qu’aborde en l’occurrence l’échange avec
8 directeurs que vous lirez dans notre cahier
central : que seront les agents de direction
demain ?
Lorsque l’on passait le concours de l’EN3S
« avant », c’était d’abord pour devenir directeur.
Cette perception a été portée très légitimement,
tant par les pouvoirs publics que par l’école et
par le corps des anciens élèves lui-même.
Dominique Libault le souligne dans ces colonnes :
en particulier du fait de la restructuration
des réseaux, « il y aura plus de temps dans
les parcours professionnels passés dans des
structures, collégiales, et pas forcément en
tant que directeur de plein exercice ». Cela a
l’avantage de la clarté, surtout de la part du
27
directeur de l’école qui, jusqu’ici, formait en
priorité pour devenir directeur…
Au-delà de toute langue de bois, quel avenir
cette affirmation dessine-t-elle pour les élèves
en cours de scolarité, mais aussi pour une grande
partie des ADD en poste, y compris des directeurs
d’organismes ?
Il ne me revient pas ici de proposer des pistes,
et encore moins de prédire l’avenir. Mais cela
devient récurrent : autant le directeur d’un très
gros organisme « classique » (Carsat, CPAM,
URSSAF régionale, CAF, voire ARS) qu’un agent
comptable très expérimenté, ou le tout jeune
sous-directeur d’une caisse de taille plus
modeste, chacun d’entre nous peut (doit ?) de
plus en plus se projeter dans ce sens. Sans aucun
doute avec une plus grande incertitude, mais en
définitive avec plus de perspectives qu’hier.
Parce que cette question lancinante est de fait
posée par tous les élèves et les anciens élèves,
quelquefois en leur for intérieur, parce qu’elle
renvoie autant à une réflexion professionnelle
qu’à une dimension personnelle, je propose
qu’Élan Social permette d’échanger à une plus
large échelle autour de cette problématique.
Faites-nous donc parvenir votre propre avis, sous
toutes ses formes : vous voyez-vous demain
directeur et pas autre chose ? Ou bien, et pour
quelles raisons, vous projetez-vous dans une
fonction différente (d’expertise fonctionnelle
par exemple), y compris alors que vous avez
exercé des fonctions de plein exercice ? Quelle
forme peut revêtir à votre avis le parcours
riche et valorisant auquel nous aspirons tous
légitimement  ? Votre témoignage nous intéresse,
prenez la plume (ou le stylet !), et contribuez,
vous aussi…
Ollivier VACCHINO
Elan
Elan
Social
Social
N° N°
7778
- 4ème
- 1er trimestre 2013
2012
Élan Social ABONNEMENT
La revue
de l'AEN3S

Élan social, c’est :

-L
 e seul support de cette dimension (32 pages en moyenne, 3 fois par an, diffusion très
large, y compris aux caisses nationales, aux tutelles, …) parmi l’ensemble des associations de
dirigeants de la Protection sociale

-U
 ne ouverture internationale concrète, avec des articles sur la protection sociale au Brésil, en
Tunisie, au Maroc, sur la Représentation française à Bruxelles (REIF), …

-D
 es interviews d’acteurs de premier plan : directeurs généraux de la CNAF (Hervé Drouet),
de la CNAV (Pierre Mayeur), de la Présidente du Comité des Carrières (Annick Morel), de la
Secrétaire générale des Ministères sociaux (Emmanuelle Wargon), et, dans ce numéro, du
nouveau directeur de l’EN3S, Dominique Libault.

-D
 es relations très étroites avec l’EN3S et ses élèves : contribution à la revue, rencontres
avec les promotions, organisation de rencontres en commun, …

Abonnement 2013 à Élan Social

Désignation de l’abonnement Montant unitaire

Abonnement Individuel 1 ex. par an 60 €

Abonnement Solidaire 5 ex. par an 95 €

Abonnement Grands organismes 10 ex. par an 60 €

Pour adhérer à Elan Social ou pour demande d’information, vous pouvez contacter Marc Azam
par mail (marc.azam@cpam-oise.cnamts.fr)

En 2013 sont déjà prévues une rencontre avec le nouveau Directeur de la Sécurité
sociale, Thomas Fatome, une réflexion sur les dispositifs d’évaluation ou de contrôle des
organismes par les pouvoirs publics, les relations avec les partenaires sociaux, …
 ASSOCIATION
DES ANCIENS ELEVES
1er trimestre 2013
ET ELEVES DE L’EN3S

Élan Social - le cahier N° 78

QUELS AGENTS DE DIRECTION
DEMAIN ?

SOMMAIRE
I - Le regard des directeurs. Par Albert Lautman
II - Les écoles de management : un monde en pleine mutation. Par Olivier Bachelard
III - La mobilité externe : comme ça marche ? Par Hervé Rose

Quels agents de direction demain ?

par Albert LAUTMAN

D
ans un précédent numéro, Élan social s'était intéressé
à l'attractivité de l'école et de son concours, mais aussi
aux attentes des organismes en matière de formation des
« jeunes anciens élèves ».
Nous avons voulu poursuivre cette démarche dans ce numéro,
en mettant cette fois-ci l'accent sur la suite du parcours
professionnel : de quels agents de direction avons-nous besoin,
mais surtout aurons-nous besoin dans les dix prochaines

L a question de l'évolution de nos métiers est un

sujet central et préoccupant. Nous avons choisi
de le traiter de 3 manières. D'abord en demandant à
directeurs d'organismes variés comment ils voyaient leurs
collaborateurs aujourd'hui et surtout demain (c'est l'objet
de la contribution pilotée par Albert Lautman).
Olivier Bachelard nous propose par ailleurs un panorama
des écoles de management, elles aussi en pleine mutation,
ce qui nous montre bien que le changement n'épargne
décidément personne.
Enfin, Hervé Rose tente de décrypter pour nous les
différentes facettes de la mobilité externe, pour celles et
ceux (de plus en plus nombreux) qui se perdraient encore
entre détachement, mise à disposition et intégration dans
les fonctions publiques.
DERNIÈRE MINUTE
Juste avant le bouclage, nous avons connaissance de réponses
d'autres directeurs, notamment du Régime agricole. Nous aurons
le plaisir de les publier dans le prochain numéro, à paraître en juin.
années ?
Nos métiers changent, nos contraintes aussi. Quelle réflexion
pouvons-nous avoir sur l'impact de ces évolutions sur les
compétences, la formation et les parcours des agents de
direction ?
Sur de tels sujets, un cahier central d'Élan social ne peut
avoir vocation qu'à engager un débat dans l'association et
avec nos partenaires institutionnels. À cet effet, nous avons
souhaité reprendre la méthode que nous apprécions dans ce
magazine : donner la parole aux acteurs de terrain. Nous avons
donc posé quatre questions à huit directeurs d'organismes de
branches différentes. Les mêmes questions pour chacun de
nos interlocuteurs, que nous remercions d'avoir accepté de se
prêter à l'exercice, et qui manifestement ont une vision, certes
personnelle, mais qui nous semble faire sens collectivement.
Ces questions de prospectives ne manqueront pas de continuer à
occuper une place centrale dans nos débats au sein de l'AEN3S,
en particulier dans le prolongement des travaux pilotés par
Mme Annick Morel, et en lien avec l'école et avec son nouveau
directeur, M. Dominique Libault.

1
Elan Social - le cahier N° 78
Quels agents de direction demain ?
Le regard des directeurs
Albert Lautman
Marie-Pierre Bruschet,
directrice de la CAF
de Saône et Loire
Quand vous recrutez un agent de direction
au sein de votre équipe, quelles sont les
qualités que vous recherchez avant tout ?
Je recherche avant tout :
a. la capacité à comprendre les enjeux de la Branche et de l’Organisme,
b. la capacité à s’adapter en permanence au contexte mouvant dans
lequel nous évoluons,
c. La capacité à remettre en cause les schémas classiques et à faire
preuve d’innovation (pour ne pas dire d’imagination) dans les solutions
à trouver pour gérer son secteur (aussi bien sur la gestion interne que
sur la mise en œuvre des politiques publiques et la construction des
partenariats).
d. Ce qui implique d’importantes qualités relationnelles et d’intelligence
des situations aussi bien avec les collaborateurs qu’avec les partenaires.
Pensez-vous que les évolutions des métiers et du management
de nos organismes font évoluer les profils attendus des candidats
actuels et futurs aux fonctions d'AD ?
Oui et non.
a. Oui dans la mesure où les profils spécialisés sur certains métiers ne
garantiront pas forcément l’adaptation aux évolutions en cours et à venir.
Jean-Pierre Soureillat,
directeur de la CAF
des Bouches-du-Rhône
Quand vous recrutez un agent de direction
au sein de votre équipe, quelles sont les
qualités que vous recherchez avant tout ?
D'abord des qualités personnelles  :
l'authenticité dans la relation (ne pas
se masquer), l'altruisme, le charisme, sont essentiels. Au plan
professionnel, le goût du travail abondant et bien fait, de robustes
capacités d'analyse, le respect des collaborateurs, l'habileté dans
le partenariat et la rigueur dans les relations sociales sont décisifs.
Les compétences aux techniques de la fonction sont importantes. À
défaut et après avoir vérifié les aptitudes, on peut les conforter par une
immersion préalable de courte durée dans les métiers correspondants à
ceux de la direction confiée (de préférence dans un autre organisme). Il
faut toujours connaître l'essentiel des métiers des gens que l'on dirige.
Pensez-vous que les évolutions des métiers et du management
de nos organismes font évoluer les profils attendus des candidats
actuels et futurs aux fonctions d'AD ?
Il faudra, plus encore qu'avant, des compétences d'assembleur de
métiers, de techniques, de méthodes, au service de politiques.
Dans un tel contexte, la valeur d'une mobilité raisonnable (pas de
2
b. Non dans la mesure où les qualités citées plus haut, si elles sont
détenues, devraient précisément permettre cette adaptation.
Il me semble que ce n’est pas tant l’évolution des métiers et du
management qui conduira au changement du profil des agents de
direction mais plutôt l’évolution des réseaux avec l’apparition de postes
d’ADD plus fonctionnels.
Auriez-vous des propositions à formuler pour que le recrutement,
la formation initiale et continue des agents de direction prenne
mieux en compte les besoins que vous anticipez sur les profils
des futurs AD ?
Au-delà des capacités intellectuelles et d’apprentissage il me paraît
important de tester les qualités individuelles et le potentiel d’évolution.
Notre contexte rend les qualités de gestionnaires très importantes. Je
pense bien sûr à la gestion financière mais également à la gestion de
la production. Il s’agit d’optimiser tous les moyens à notre disposition :
humains, financiers, informatiques.
L’expérience dans plusieurs organismes de branches différentes s’avère
riche et rend le profil encore plus intéressant notamment pour apporter
des visions et des solutions inhabituelles.
Les conditions de recrutement dans l'institution vous permettent-
elles de trouver, dans le vivier des anciens élèves, une diversité
des profils professionnels facilitant la constitution d'une équipe
de direction adaptée à vos besoins ?
Je n’ai pas recruté beaucoup d’agents de direction. Pour les recrutements
que j’ai eu à faire j’ai trouvé les profils souhaités.
nomadisme !), entre branches, caisses locales et caisses nationales,
tailles d'organismes, est inestimable. Il faut aussi mieux sécuriser les
détachements extérieurs. Les profils se construisent et se façonnent
dans la diversité. Évitons la monoculture, et vive la fertilisation croisée…
Auriez-vous des propositions à formuler pour que le recrutement,
la formation initiale et continue des agents de direction prenne
mieux en compte les besoins que vous anticipez sur les profils
des futurs AD ?
Ce qui se fait est déjà très bien. Ne pas bouder une ouverture plus
large de l'EN3S à des praticiens confirmés d'autres secteurs, et pas
seulement aux cadres de l'Institution, par un concours "extérieur" (qui ne
soit ni interne, ni externe).
Les conditions de recrutement dans l'institution vous permettent-
elles de trouver, dans le vivier des anciens élèves, une diversité
des profils professionnels facilitant la constitution d'une équipe
de direction adaptée à vos besoins ?
Je considère que l'école apporte une rigueur exemplaire à sa formation
et à son recrutement qui constituent une garantie forte pour le
directeur. Je regrette parfois les difficultés de mobilité, qui sont un frein
réel à la motricité des compétences dans les réseaux, et je crois que
l'accompagnement conventionnel de la mobilité doit être sérieusement
renforcé, dans l'intérêt de l'Institution.

Véronique Henri-Bougreau,
directrice de la CAF
de la Loire
Quand vous recrutez un agent de direction
au sein de votre équipe, quelles sont les
qualités que vous recherchez avant tout ?
Dans le cadre d’un recrutement d’agent
de direction, je recherche aujourd’hui des
compétences à anticiper et accompagner le changement. Une vision
prospective est indispensable compte tenu des évolutions actuelles de
notre institution. Cette vision doit s’accompagner de capacités fortes
à entreprendre. J’attache également une très grande importance aux
qualités relationnelles, la communication étant indispensable à la
mobilisation de nos équipes. Enfin, j’attends d’un agent de direction
qu’il soit à même d’appréhender au mieux les relations sociales dans
l’organisme.
Pensez-vous que les évolutions des métiers et du management
de nos organismes font évoluer les profils attendus des candidats
actuels et futurs aux fonctions d'AD ?
La capacité à entreprendre, dans le cadre de moyens contraints et
d’objectifs ambitieux, me paraît devoir se développer. Il est clair pour moi
qu’un agent de direction ne peut se cantonner aujourd’hui à une vision
trop « intellectualisée » de la fonction, ce que j’ai pu parfois constater
chez quelques jeunes élèves issus de l’En3s. L’évolution du climat social
dans nos organismes ces dernières années rend également de plus en
plus indispensable un sens aigu des relations humaines. Une décision,
quelle que soit sa pertinence, peut parfois avoir des effets redoutables
si elle est mal accompagnée dans sa déclinaison. La capacité à
anticiper les réactions et mesurer les conséquences de son action est
fondamentale.
Maxime Rouchon,
directeur de la CPAM
du Doubs
Quand vous recrutez un agent de direction
au sein de votre équipe, quelles sont les
qualités que vous recherchez avant tout ?
* Compétences en matière de conduite du
changement
* Capacité à la prise de décisions en autonomie et en transparence
* Empathie, et écoute
* Prise de recul et discernement
* Exemplarité dans la fonction
* L’inscription dans des stratégies collectives
Pensez-vous que les évolutions des métiers et du management
de nos organismes font évoluer les profils attendus des candidats
actuels et futurs aux fonctions d'AD ?
Oui – Il faut sur les secteurs traditionnels du service gérer des contraintes
de plus en plus fortes tout en maintenant la performance. En même
temps il faut accompagner une partie des équipes vers de nouveaux
métiers qui incarne notre évolution en « assureur solidaire en santé ».
De plus, une partie de nos organismes s’est engagée dans des
opérations de mutualisations voire de fusion. Ces dynamiques impactent
le pilotage de l’activité. L’agent de direction est de plus en plus confronté
au management d’équipes avec des cultures de travail différentes (une
sensibilité variable au contenu du service, aux notions d’objectifs, de
priorités, voire de productivité). Ces démarches de mutualisation ou de
fusion impliquent également pour les agents de direction de développer
le travail en équipe et de s’inscrire dans la recherche du consensus tout
en assurant un leadership.
1er trimestre 2013
Auriez-vous des propositions à formuler pour que le recrutement,
la formation initiale et continue des agents de direction prenne
mieux en compte les besoins que vous anticipez sur les profils
des futurs AD ?
J’opte pour le pragmatisme. J’ai dans l’idée qu’il convient dès la sélection
de miser sur les capacités de management des candidats à l’En3s.
Nous sommes des gestionnaires du service public et c’est dans cette
dimension qu’il m’apparaît souhaitable de recruter et former les agents
de direction. La dimension réflexive de nos métiers est indispensable,
mais elle ne peut suffire à elle seule à gérer au mieux les missions qui
nous sont confiées. La dimension politique doit s’accompagner d’une
certaine dimension opérationnelle.
Les stages en organisme sont pour moi des moments vraiment très
importants de la scolarité et il appartient aux directions qui accueillent des
élèves de positionner ces derniers en réelle situation de management,
tant sur le terrain qu’aux côtés des directeurs.
Les conditions de recrutement dans l'institution vous permettent-
elles de trouver, dans le vivier des anciens élèves, une diversité
des profils professionnels facilitant la constitution d'une équipe
de direction adaptée à vos besoins ?
Le vivier des anciens élèves est riche de profils divers, l’école favorisant
tant les candidatures de jeunes externes que de professionnels déjà
en poste dans l’Institution. Cette diversité doit être conservée car elle
permet de constituer des équipes complémentaires, riches d’expériences
variées. Je n’ai pas de doute sur le fait que je saurai trouver dans le
vivier des anciens élèves de très bons collaborateurs lors des futurs
recrutements que j’aurai à engager.
Auriez-vous des propositions à formuler pour que le recrutement,
la formation initiale et continue des Agents de Direction prenne
mieux en compte les besoins que vous anticipez sur le profil des
futurs AD ?
La formation initiale et continue prend en compte ces évolutions. Mais
je pense que le management à distance, la problématique de gestion de
la diversité (au sens de cultures de travail différentes), les difficultés de
manager dans un environnement contraint ou encore l’accompagnement
des équipes dans l’évolution des réseaux sont des sujets particuliers qui
mériteraient d’être plus développés.
Les conditions de recrutement dans l'institution vous permettent-
elles de trouver, dans le vivier des anciens élèves, une diversité
de profils professionnels facilitant la constitution d'une équipe de
direction adaptée à vos besoins ?
Sans conteste !! Cette diversité, notamment entre internes et externes
est une richesse qu’il faut encore encourager.
En effet, le recrutement des futurs élèves de l’EN3S me paraît un point
de vigilance important. Il serait préjudiciable d’avoir par exemple, par
le fait du concours externe un seul profil type, notamment celui de
« sciences politiques », bien que cette formation généraliste permette
d’acquérir une approche multidisciplinaire nécessaire à la direction d’un
organisme.
Nos entreprises doivent se positionner comme des acteurs dominants
de leur marché. Mais cette place majeure doit résulter d’une légitimité
reconnue par nos concitoyens, de notre professionnalisme, de la
performance du service rendu et non par le fait d’un monopole de
droit. Ces évolutions sont présentes au niveau de l’Assurance-Maladie
et invitent à mon sens à une plus grande diversité des formations
initiales de nos collaborateurs pour que notre Institution dispose de
toutes les compétences requises pour faire face aux enjeux présents et
à venir (économie de la santé, expertise hospitalière, communication,
ressources humaines, marketing, économie numérique etc..).
3
Elan Social - le cahier N° 78
Yves Corvaisier,
directeur de la CARSAT
Rhône-Alpes
Quand vous recrutez un agent de direction
au sein de votre équipe, quelles sont les
qualités que vous recherchez avant tout ?
Les organismes de sécurité sociale
interviennent dans un environnement
mouvant et contraint. Mouvant en raison des évolutions législatives,
organisationnelles, techniques, technologiques et tout simplement
en raison de l’évolution des besoins de nos publics et des priorités
politiques. Contraint en raison notamment de la nécessaire contribution
des organismes à la réduction des déficits publics qui nous conduit
à agir dans un contexte budgétaire étroit avec peu de marges de
manœuvre concernant les ressources.
Les agents de direction doivent être des acteurs de ces évolutions.
Pour cela, ils doivent en premier lieu faire preuve d’une capacité
d’adaptation, d’une ouverture d’esprit, c’est-à-dire de la capacité à
s’inscrire dans différents univers et dans des environnements évolutifs.
À ce titre, la mobilité (fonctions locales/nationales, connaissance
de différentes branches ou sphères professionnelles, mobilité
géographique) doit désormais être une composante des parcours des
agents de direction.
Ils doivent ensuite être en mesure d’accompagner les équipes dans
les changements et donc avoir de réelles qualités managériales et de
communication (capacité d’écoute, de relais d’information, de donner
du sens, capacité d’intégration à une équipe).
Outre une solide connaissance technique, de plus en plus
indispensable en raison de la complexité croissante de nos métiers –
qui ne doit cependant pas les conduire à devenir de super-techniciens,
des qualités de pilotage sont attendues. Pilotage de projets, pilotage
stratégique, pilotage d’activités, pilotage de la production. Pour cela ils
doivent démontrer des capacités à négocier et à asseoir la position de
l’organisme au sein d’un réseau et auprès des partenaires. Ils doivent
être en mesure d’anticiper, de préparer et de conduire le changement
et donc faire preuve d’imagination et d’audace pour trouver des
solutions innovantes et des marges de manœuvre dans notre contexte
contraint.
Les ADD doivent développer de vraies capacités à travailler en réseau :
au sein de l’équipe de direction de l’organisme, au sein de la branche à
laquelle ils appartiennent et, surtout, au sein d’un ensemble complexe
de partenariats à faire vivre en permanence.
Enfin et surtout, les agents de direction, à l’instar de tout professionnel
doivent faire preuve d’une grande loyauté en raison de notre mission
de service public. Loyauté envers la hiérarchie mais aussi envers les
équipes, loyauté envers le national ou le local, loyauté envers les
pouvoirs publics, les partenaires et les corps de contrôle et loyauté
envers l’institution et ses valeurs.
Pensez-vous que les évolutions des métiers et du management
de nos organismes font évoluer les profils attendus des candidats
actuels et futurs aux fonctions d'AD ?
La réponse est dans votre question : nos métiers ont considérablement
évolué de même que les pratiques managériales. Par conséquent, on
ne demande plus aux agents de direction et aux directeurs d’être de
bon gestionnaire de leur domaine.
On attend désormais d’eux une expertise forte ce qui, en lien avec
la mobilité, implique également une polyvalence accrue. On attend
d’un agent de direction qu’il soit en capacité de passer d’un poste
fonctionnel à un poste de production, et inversement, de s’adapter aux
différentes cultures, de régimes, de branches ou de caisses.
Et, sur un autre versant, on leur demande d’être en phase avec
les pratiques managériales de notre temps et les évolutions de la
gestion des ressources humaines. Les agents de direction doivent
donc, également, dans ces domaines, faire preuve d’innovation
pour répondre à la fois aux besoins des équipes et aux nécessaires
évolutions organisationnelles. La responsabilité sociale des entreprises
implique, en premier chef, les agents de direction qui doivent être en
mesure de gérer les risques psycho-sociaux.
4
Enfin, l’évolution des réseaux démontre la nécessité pour les agents
de direction de « jouer collectif », c’est-à-dire au sein de ce réseau, en
lien avec leur caisse nationale et leur tutelle et en coopération avec les
autres organismes de sécurité sociale.
Auriez-vous des propositions à formuler pour que le recrutement,
la formation initiale et continue des agents de direction prenne
mieux en compte les besoins que vous anticipez sur les profils
des futurs AD ?
Je crois que l’EN3S a déjà pris conscience de l’évolution des métiers
d’agents de direction et en a tiré les conséquences dans son mode
de recrutement qu’elle veut plus diversifié et dans la formation qu’elle
veut plus en lien avec le volet professionnel. Le travail doit cependant
être poursuivi.
Concernant le recrutement, il pourrait être intéressant d’ouvrir le
concours externe à des professionnels d’autres domaines (secteur
privé, fonctionnaires etc.) qui pourraient apporter leur expertise
extérieure, leur expérience, leur potentiel et leur vision. Il est vrai que la
proportion de juristes et de « Sciences-Po » est très importante – et je
le dis avec encore plus de liberté que j’en fais partie. Mais aujourd’hui,
nos organismes ne se contentent plus d’être de simples exécutants
de la Loi. Il faut donc que l’école s’ouvre sur d’autres domaines
universitaires (ingénieurs, ressources humaines…) pour être en phase
avec les besoins des organismes.
Durant la scolarité initiale, les périodes de stage et de mises en
situation professionnelle doivent, je pense, être intensifiées et,
pourquoi pas, être ouvertes sur d’autres domaines que l’institution
(ministères, entreprises privées) pour favoriser le benchmarking
(dans les domaines d’offre de service ou de gestion) et l’ouverture
d’esprit. Ces périodes de stage devraient également comporter un
stage obligatoire en caisse nationale car, à l’avenir, on le voit bien, les
parcours des agents de direction comporteront nécessairement des
passages en caisse nationale et il est essentiel, pour bien travailler
ensemble, de comprendre les enjeux et les problématiques de chaque
niveau (local et national).
Post scolarité, il est primordial de promouvoir activement la formation
continue parce qu’on doit se former tout au long de la vie parce que
les compétences acquises doivent être constamment consolidées et
parce qu’on doit en acquérir de nouvelles. Cette formation continue
doit permettre aux ADD de faire évoluer leur posture, d’accompagner
la mobilité en faisant une large place aux partages d’expérience et à
l’ouverture sur d’autres branches, régimes, secteurs.
Les conditions de recrutement dans l'institution vous permettent-
elles de trouver, dans le vivier des anciens élèves, une diversité
des profils professionnels facilitant la constitution d'une équipe
de direction adaptée à vos besoins ?
Toute école comporte un moule. Par conséquent, chaque ancien élève
découle plus ou moins d’un même modèle même si chacun, ensuite,
se forgera avec ses caractéristiques propres, ses compétences, ses
qualités et ses défauts.
Je crois donc que la diversification des profils se fait plutôt après la sortie
de l’école. Et il appartient à l’EN3S d’encourager cette diversification
au moyen de la formation continue car la richesse d’une équipe de
direction réside dans la variété des profils et des expériences.
L’école a fait des efforts pour offrir aux organismes un vivier diversifié et
qui correspond aux besoins des organismes. Mais les besoins évoluent.
Il me paraît donc essentiel de s’assurer de la capacité d’adaptation de
chaque élève car le temps où un ancien élève pouvait faire toute sa
carrière dans le même organisme est révolu.
Il faut donc favoriser cette adaptabilité et cette recherche permanente
d’idées nouvelles pour améliorer notre qualité de service et nos
conditions de travail. Tel est l’enjeu des ADD d’aujourd’hui et de
demain.

Alain Piffeteau,
directeur de la CPAM
de Saône et Loire
Quand vous recrutez un agent de direction
au sein de votre équipe, quelles sont les
qualités que vous recherchez avant tout ?
1 - Rechercher dans le vivier de la liste
d’aptitude
Tout d’abord, le recrutement d’un agent de direction est un acte fort qui
conditionne le bon fonctionnement de l’équipe de direction.
Les agents de direction sont logiquement inscrits sur la liste d’aptitude,
ce qui implique que la personne ait été évaluée, normalement, à
plusieurs reprises.
À l’origine, les candidats ont suivi une formation apportant des garanties
sur les compétences en matière de métiers de la protection sociale
(EN3S, expérience, etc.).
2 - Bien définir le profil de la personne recherchée
Choisir un agent de direction, c’est apprécier, en fonction du poste, des
qualités telles que :
* capacité au management ;
* capacité d’entreprendre ;
* capacités partenariales ;
les priorités pouvant être différentes en fonction du poste.
3 - Le choix final
Il se fait, le plus souvent, sur des qualités intrinsèques de la personne,
en fonction du poste :
* loyauté ;
* dynamisme ;
* qualité de communication (rédactionnelle, expression) ;
* leadership ;
* motivation.
4 - Sans oublier la compatibilité à l’équipe et aux personnes en
poste
La force et la pertinence de la direction d’un organisme peuvent être
appréciées par rapport à l’esprit d’équipe de l’organisme.
Les personnes étant toutes différentes, il est bien difficile de déterminer
des critères « standards ».
Cependant, il me paraît possible de s’appuyer sur quelques éléments
comme :
* la relation humaine ;
* la sociabilité ;
* l’empathie ;
* la solidité émotionnelle.
Il reste que le recrutement est un acte difficile et fondamental qui repose
sur l’expérience du recruteur et de sa connaissance des hommes.
Pensez-vous que les évolutions des métiers et du management
de nos organismes font évoluer les profils attendus des candidats
actuels et futurs aux fonctions d’agent de direction ?
1 - Les évolutions en termes de management portent sur plusieurs
aspects :
* l’avènement des normes impliquant le cadrage du management sur
des aspects comme le processus, la maîtrise de la qualité et des
risques. De ce fait, le management s’appuie sur une formalisation
beaucoup plus importante que par le passé ;
* l’évolution des cultures des personnes managées ;
* le droit du travail avec ses dernières évolutions, notamment en termes
de risques psychosociaux ;
* les modes de production reposant sur la production de masse par
processus.
2 - Ces évolutions impliquent, pour l’agent de direction, des
connaissances :
* e n matière de gestion de processus (aspect norme) ;
* u ne ouverture d’esprit quant aux personnes managées ;
1er trimestre 2013
* mais également une culture technique permettant d’aborder ces sujets
grâce aux statistiques, à l’informatique, à l’économie, à la comptabilité,
etc. Il s’agit de comprendre son environnement de travail pour mieux
agir, sachant que personne ne détient toutes les compétences.
3 - Mais nécessitent aussi des qualités personnelles
Je pense personnellement que le socle de compétences en matière
de management est le même que par le passé, mais que le niveau
d’exigence s’est élevé :
* pour la relation humaine, ce qui va permettre à l’agent de direction de
légitimer les actes de commandement et de contrôle ;
* le manager doit être réactif car il ne suffit plus de maîtriser le système
technique, il devient nécessaire également d’anticiper sur le système
humain (capital humain, santé au travail). Je pense notamment à la
formation professionnelle et à l’organisation du travail ;
* le manager doit, de mon point de vue, comprendre la sociologie de
groupe, ce qui est un atout pour réguler le fonctionnement du groupe,
en réponse à ses attentes.
Auriez-vous des propositions à formuler pour que le recrutement,
la formation initiale et continue des agents de direction prennent
mieux en compte les besoins que vous anticipez sur le profil des
futurs agents de direction ?
Concernant le recrutement des agents de direction, je remarque, comme
d’autres collègues confrontés à des résultats d’appels infructueux, le
manque de candidats sur certains postes.
Ce constat, pour les postes de premier niveau, peut impliquer une perte
de chance car une première expérience sur un domaine large, dans un
organisme de taille moyenne, peut être un formidable atout dans la
carrière d’un agent de direction.
Dans ce positionnement stratégique de carrière, il resterait cependant
à encourager davantage la mobilité, qu’elle soit géographique ou
interbranches, par des mesures de toute nature, y compris une meilleure
prise en compte des frais concernant l’agent de direction et sa famille
en général.
Je souhaite, en dernier lieu et pour mémoire, évoquer la rédaction même
de l’appel de candidature qui doit être méthodiquement préparée pour
bien faire apparaître le contenu du poste (mission), son environnement
(contexte), ainsi que le profil du candidat recherché (compétences,
formation, conditions particulières). Cet exercice est théoriquement
sans difficulté, sauf dans une situation supposée de pénurie de
candidats, où les informations de chaque rubrique doivent être pesées
pour encourager les candidats potentiels à postuler.
Les conditions de recrutement dans l’Institution vous permettent-
elles de trouver, dans le vivier des anciens élèves, une diversité
de profils professionnels facilitant la constitution d’une équipe de
direction adaptée à vos besoins ?
Je souligne d’abord la qualité du vivier existant pour recruter les agents
de direction constituant les équipes de direction.
La question posée portant sur la possibilité de progresser dans le
recrutement, je pense que le vivier des candidats doit pouvoir évoluer à
la fois sur les plans quantitatif et qualitatif.
Cette remarque renvoie à la question de l’inscription sur la liste
d’aptitude par catégorie, point largement débattu et suscitant beaucoup
de propositions.
Que reste-t-il à faire dans ce contexte ?
Une réponse peut être apportée en confrontant à notre modèle
institutionnel le contexte économique et social.
Celui-ci connaît des évolutions particulièrement marquées en France et
dans le monde, par exemple, pour notre institution :
* évolution de notre culture de société avec la prégnance des cultures
étrangères de plus en plus présentes ;
* évolution de la notion de droit et liberté dans l’entreprise qui impacte
le fonctionnement des organismes ;
* évolution de notre système d’information où le manager n’a plus
l’exclusivité de l’information.
Sur ces sujets, il paraît incontournable à l’agent de direction de s’adapter
pour pérenniser la modernisation du Service Public, cette adaptation
passant par la formation et le perfectionnement.
5
Elan Social - le cahier N° 78
Mais encore…
Jacques LEDAN, directeur par intérim
de l'URSSAF d'Alsace
Cela peut vous paraître curieux, de prime abord, de vous parler d'une
qualité que je qualifie de "résistance". Ce n'est évidemment pas la
résistance au changement. Mais plutôt un ensemble de paramètres
qui traduisent une capacité à endurer des pressions de toute nature,
dans le temps. La pression exercée par l'environnement professionnel
du « toujours plus » est à prendre en compte, avec sérieux.
Cela veut dire que postulant à une fonction d’agent de direction,
j'accepte, bien au-delà du concept du changement permanent et de ma
capacité d'adaptation, de me "carapacer" dans une posture qui permette
de gérer les émotions, le stress du quotidien, de prendre de la distance
par rapport aux événements, de gérer une masse de travail plus grande,
… Des mises en situation, lors de formations appropriées, devraient
mieux accompagner les ADD dans des environnements très contraints.
Une autre qualité est attendue, plus en lien avec la faculté de
passer du concept à la réalisation. Cela suppose de développer de la
créativité, même si les organisations sont plus standardisées qu'avant.
Les difficultés de gestion sont un vrai moteur pour la recherche de
solutions plus astucieuses (je n'ose pas dire plus audacieuses !).
L'agent de direction doit être ce personnage à double tête, qui conçoit
et en parallèle démontre un savoir-faire de mise en pratique sur le
terrain (selon le niveau ou on se place). La crédibilité vis-à-vis des
collaborateurs est à ce prix ! Il ne doit pas perdre de vue que sa
capacité d'adaptation s'évalue dans cette réactivité de passage de la
conception à la réalisation, tout en prenant à bras-le-corps la nécessité
d'embarquer avec lui les considérations d'ordre social.
La qualité de manager est recherchée, tout naturellement car on ne
fait rien tout seul. La dimension humaine, à travers la relation sociale,
est indispensable pour cimenter les organisations, les faire vivre. La
Les écoles de management :
un monde en pleine mutation
Olivier Bachelard
Le paysage de l’Enseignement Supérieur en Gestion, (les Grandes Écoles de
Management) est un petit monde, (une quarantaine d’écoles en France),
qui est en train de changer en profondeur. Il y a peu de temps encore, ces
écoles recrutaient les meilleurs élèves des classes préparatoires françaises
pour fournir les meilleures compétences aux fleurons de l’économie
française. Pour faire face à la concurrence mondiale, aujourd’hui ces
écoles s’internationalisent, en recrutant les meilleurs élèves dans le monde
entier, en nouant des partenariats avec les plus prestigieuses formations
de la planète (aucun étudiant ne fait désormais sa scolarité dans un seul
pays) en recrutant les meilleurs enseignants chercheurs dans les différents
pays et en dispensant des enseignements dans différentes langues. Cette
exigence pousse les écoles à élargir leur gouvernance, et leurs besoins de
financement dépassent les capacités de leurs organismes de tutelle, les
Chambres de Commerce de d’Industrie. Elles sont elles-mêmes impactées
par la baisse de leur fiscalité et leurs régionalisations depuis janvier 2013.
Ainsi, dans son rapport annuel, la cour des comptes recommande que
soit engagée rapidement une réflexion sur le statut juridique et financier
applicable aux écoles supérieure de gestion de commerces consulaires,
de définir les règles de gouvernance de leur conseil d’administration.
Historiquement, la plupart des Écoles Supérieures de Commerce étaient de
simples services des CCI, sans personnalité morale.
Nous assistons aujourd’hui à une double mutation. La plupart des
grandes écoles consulaires passent sous statut associatif, qui permet une
ouverture de la gouvernance vers des collectivités territoriales, confirmant
6
légitimité par la technique ou l'expertise est importante, mais elle ne
suffit pas, loin sans faut. Il est un catalyseur des énergies, dans des
contextes ou le salarié transporte jusque dans l'entreprise son mal-
être, d’où une attention plus grande.
S'il y avait encore un qualificatif, je parlerais de l'enthousiasme,
une denrée plus rare aujourd'hui, qu'il nous faut aller chercher en
permanence en soi et chez les autres collaborateurs, car il y a des
mines d'or chez eux à découvrir.
Bernard Schmitt, Médecin Conseil Régional -
DRSM Ile de France
Aujourd’hui dans la majorité des directions régionales du service
médical (Drsm), il n’existe qu’un poste d’agent de direction (sous-
directeur ou directeur adjoint). De plus en plus, ces AD sont originaires
de l’En3S mais exceptionnellement en premier poste je pense. Nous
attendons d’eux une réelle vision stratégique et la capacité de mettre
en lien l’ensemble des problématiques d’une Drsm sans laisser de
côté les sujets « Gdr médicalisée » ce qui n’est pas le plus simple.
Comme dans tout organisme ils doivent être dans la capacité à porter
et à incarner le changement et à résister aux oppositions du corps
social, et doivent donc pour cela être aguerris.
Compte tenu des évolutions de la branche maladie. Je pense que,
lors de la formation initiale à l’En3S, les futurs AD devraient pouvoir
côtoyer, lors de modules communs, les praticiens en formation pour
devenir manager du service médical.
Les 3 derniers agents de direction que j’ai recrutés en Drsm (1 à Lille,
2 à Paris) étaient tous les 3 issus de l’En3S (1 interne et 2 externes
ayant une dizaine d’années d’expérience). Ils étaient en concurrence
avec d’autres anciens élèves de l’En3S d’autres branches. Le court
terme m’a fait choisir leur origine dans la maladie.
Nous allons, en 2013, ouvrir nos postes de cadres des échelons locaux à ce
type de recrutement (niveau 8 et 9) après avoir bien clarifié leur fonction.
l’ancrage territorial et une plus grande flexibilité. Dans le même temps, les
mouvements de fusion s’amplifient entre écoles pour disposer d’une taille
critique suffisante pour affronter le marché mondial des business schools.
Ainsi Yves Fouchet, Président de la Chambre Régionale de Commerce de
d’Industrie de Paris Ile-de-France estime que les écoles ont de tels besoins
de financements, de partenariat à l’international que les statuts consulaires
ou d’associations ne sont plus adaptés. Il préconise de construire un statut
de « sociétés anonymes à objet éducatif » du même type que les « sociétés
anonymes à objet sportif » qu’utilisent les clubs sportifs professionnels. Cela
pourrait concerner les écoles de la CCI de Paris comme HEC ou l’ESSEC.
Pour Frank Bournois, Président de la (CEFDG), Commission d’Évaluation
des Formations et Diplômes de Gestion, « Une petite école qui se
retrouve isolée aura plus de difficultés à survivre seule que dans une
configuration large et solide, sauf à avoir un positionnement très distinctif
et différenciateur ». Pour rester généraliste en management, c'est-à-dire
couvrir tous les champs de la gestion en offrant des formations de pointes
sur les trois niveaux (Licence, Master, Doctorat), les écoles ont besoin d’une
taille critique ; sinon, elles devront se spécialiser sur une expertise, en lien
avec leurs territoires. Ainsi, cette année, nous constatons de nombreux
changements. Nous pouvons citer quelques exemples.
La première fusion d’ampleur a eu lieu en 2010 entre l’ESC de Lille et le
Céram de Nice pour donner naissance à SKEMA. Depuis, les mouvements
de fusion se sont amplifiés, au point que le paysage des grandes écoles de
management a aujourd’hui profondément changé en l’espace de deux ans.

Ainsi, pour Patrick Molle, Directeur Général de France Business School qui
regroupe depuis 2012, par une fusion au sein d’une seule entité, les écoles
de Clermont Ferrand, Brest, Amiens Tours et Poitiers, « c’est l’une des
façons d’affirmer les grandes différences de notre business school avec tout
un ensemble de paramètres comme les classements, les accréditations
qui enferment dans un certain nombre de critères beaucoup trop normatif.
Ils brident l’innovation à l’heure où chacune de ces institutions doit
affirmer sa singularité, séduire par son positionnement. Nous contestons
la tyrannie des concours traditionnels ». Par son concours spécifique FBS
souhaite introduire plus de diversité dans les promotions en sélectionnant
les candidats pas seulement sur des critères académiques, car ils
favorisent presque exclusivement les cursus classiques de type « classes
préparatoires », ne reposant essentiellement que sur la performance
en mathématiques. Ce concours reposera sur l’examen d’un dossier de
candidature et sur une journée de test. Les profils atypiques passeront par
un sas d’éligibilité spécifique.
Philip McLaughin, Directeur Général de Bordeaux Ecole de Management,
expliquait le 2 octobre 2012, lors de la conférence de lancement de la
nouvelle école née de la fusion entre Bordeaux Ecole de Management
et Euromed Management que « Kedge Business School est une marque
de rupture, qui nous fait sortir de l’univers français et nous ouvre vers de
nouveaux horizons ». « En anglais, Kedge signifie ancre à jet. C’est ce qui
permet à un bateau de tourner ». La nouvelle école vise à créer de nouveaux
savoirs, à faire émerger des thèmes de recherche au niveau mondial,
par exemple autour de la logistique maritime. Pour son concours, Kedge
reste membre de la banque d’Épreuve Ecricome et conserve deux lignes
différentes au Système d’Intégration des Grandes Écoles de Management,
(SIGEM).
Fin 2012, l’ESC Dijon Bourgogne a abandonné le statut consulaire pour
passer au statut associatif afin de gagner en autonomie. L’ESC Chambery
a annoncé au même moment quitter le giron consulaire pour rejoindre le
groupe INSEEC.
2012 a été également la première année d’existence de Novancia, grande
école unique, fruit de la fusion d’Advancia et de Négocia, deux écoles
La mobilité externe :
comment ça marche ?
Hervé Rose
Alors que les perspectives en termes de nombre de postes d’agents
de direction se restreignent et que les rapports successifs plaident
pour une mobilité accrue, l’idée se répand chez les anciens élèves de
tenter l’aventure vers les postes ouverts par les trois fonctions publiques
(d’État, territoriale ou hospitalière). Mais le faire sans rompre le lien
avec l’institution n’est pas toujours aisé et les modalités de retour sont
loin d’être aussi évidentes que peuvent le laisser penser certains textes.
Ce petit précis se veut être un outil pratique pour sélectionner son mode
de sortie, penser à tous les renoncements qu’il implique (ou pas) pour
les intégrer à la négociation de départ, puis de tenter de définir les
différents avenirs possibles, allant du retour dans le giron de la sécurité
sociale à la titularisation « réservée » dans la fonction publique en
passant par tous les contrats intermédiaires.
1) LES MISES À DISPOSITION :
La mise à disposition consiste, comme son nom l’indique, à être mis à
disposition d’un organisme tiers par son organisme d’origine.
Cette solution présente de nombreux avantages pour l’agent concerné
puisqu’il reste rattaché à sa caisse avec tous les avantages conventionnels
(Comité d’entreprise, mutuelle employeur, prévoyance, évolutions de
la valeur du point ou des classifications, congés institutionnels, …).
Les seules dispositions non transposables sont celles relatives aux
accords de RTT puisque le temps de travail est réalisé dans l’organisme
1er trimestre 2013
consulaires de la CCI de Paris. Ses expertises se concentrent sur la direction
commerciale et l’entrepreneuriat.
Le 13 décembre 2012, EMLYON Business School et la Chambre de
Commerce et d'Industrie de Saint-Étienne Montbrison (propriétaire de l’ESC
Saint-Étienne) ont annoncé la signature d'un protocole d'accord visant à
consolider leurs activités de formation supérieure au management. Après
analyse, ils ont décidé de travailler à la consolidation des structures de
formation au management avec la constitution d’un ensemble intégrant la
formation Bachelor accessible post-bac sur le campus de Saint-Étienne et
les formations masters, mastères et doctorantes sur le campus de Lyon-
Ecully. Les objectifs de ce rapprochement sont :
• Une mise en commun de moyens pédagogiques et structurels.
• Un développement de l'offre de formation en cohérence avec le modèle
international du marché de l'enseignement supérieur : bachelor-master-
doctorat.
• Un soutien à la dynamique économique des entreprises de la métropole,
des PME aux grands groupes.
Dès la rentrée 2013, l’École de Management de Strasbourg et celle de
Rennes proposeront aux candidats issus des classes préparatoires, une
inscription commune aux épreuves écrites du concours d’entrée BCE
(Banque Commune d’Épreuve).
En conclusion de ce petit tour d’horizon des écoles françaises de
management, nous pouvons nous poser la question de l’évolution des
grandes écoles de service publique. Les défis qui attendent nos managers
publics et en particulier la profondeur et la rapidité des réformes de nos
structures, les défis liés à l’efficience, à la qualité de service, méritent une
prise de recul, un détour, un décentrement par ce qui se passe autour de
nous, dans les écoles de management en particulier. Dans tous les cas, les
associations d’anciens élèves sont des parties prenantes incontournables,
qui peuvent contribuer à proposer une vision du futur ancrée sur la réalité
des missions et l’évolution des pratiques professionnelles.
de destination. Les conventions de mise à disposition prévoient
en général la réintégration à terme, terme qui peut être fixé dans le
temps… ou pas ! (les contrats sont souvent reconductibles). En sus du
salaire conventionnel maintenu, il est fréquent que l’administration de
destination alloue un « régime indemnitaire » négocié qui occasionne
alors un second bulletin de salaire, en tant qu’agent contractuel, avec
cotisations à l’IRCANTEC ce qui ajoutera, à terme, des droits à pension
dans ce régime.
Depuis la LOLF, on ne rencontre, en théorie, plus qu’un seul type de mise
à disposition, dite « payante » c'est-à-dire celle où l’organisme d’origine,
auquel on reste rattaché, se fait indemniser par l’organisme « preneur »
et perçoit donc le salaire chargé global. Cette solution est donc aussi
avantageuse pour le cédant puisqu’il dispose du budget lui permettant
de remplacer le partant à niveau égal, … ou d’en faire autre chose.
Elle est, par contre, lourde à gérer pour le preneur qui ne maîtrise pas
vraiment toute sa prévision budgétaire.
En pratique, on observe que des mises à disposition « gratuites »
perdurent, notamment entre Caisses nationales et ministères. Dans ce
cas il est évident que c’est l’organisme de rattachement subit une perte
sèche… mais les choix stratégiques des caisses nationales ont parfois
des raisons que la raison du gestionnaire ne connaît pas !
7
Elan Social - le cahier N° 78
2) LES « DÉTACHEMENTS » :
Selon que l’on est cadre ou agent de direction les textes utiles ne sont pas
identiques et les solutions divergent :
2.1) Pour les cadres et agents les solutions de sorties relèvent soit de
l’article 40 (congé sans solde) de la convention collective, soit de l’article
6.3 de l’avenant du 6 septembre 2006 (détachement).
Dans le premier cas, il appartient au directeur de l’organisme cédant
d’autoriser un congé sans solde classique, théoriquement pour 1 an, mais
qui peut être de 3 ans dans le cadre d’une activité relevant d’une fonction
publique. Ce congé sans solde peut être renouvelé une fois ce qui autorise
donc 6 ans d’activité (on verra que ce délai de 6 ans n’est pas neutre au
regard de l’avenir possible dans la fonction publique).
Dans le second cas le détachement est limité par le texte à 2 ans
(renouvelable une fois) ce qui en limite à 4 ans la durée totale (là aussi
cette limitation à 4 ans peut avoir un impact).
Dans les 2 cas le contrat de travail avec la caisse est suspendu ce qui
suspend bien sur l’ancienneté et tout le dispositif conventionnel. Cela peut
sembler neutre mais la perte des avantages conventionnels (maintien de
salaire total en cas de maladie, participation de 50 % de l’employeur à la
mutuelle, intéressement, …) et de ceux liés au Comité d’entreprise (œuvres
sociales, voyages, tarifs préférentiels, …) représente un coût annuel global
non négligeable.
S’y ajoute également la limitation à 77 e de la prise en charge par
l’employeur de 50 % des frais de transport (décret 2010-676), on voit
que la rémunération et les conditions d’un retour éventuel ne sont pas les
seules choses à bien calculer et à négocier avant de partir.
Exceptions notables cependant : la protection en matière de la prévoyance
(invalidité - décès) reste garantie, ainsi que l’accès au tarif de groupe de
la mutuelle (mais à régler à 100 % puisque l’employeur ne prend plus en
charge sa quote-part).
Les conditions du retour dans l’institution Sécurité Sociale sont
quasiment identiques dans les 2 situations, à savoir l’obligation pour
l’employeur de réintégrer aux mêmes conditions (niveau égal de salaire
et de responsabilité) qu’au moment du départ. Si l’on fait abstraction des
revalorisations successives de la valeur du point et les effets éventuels
d’accords conventionnels instaurant des sauts en matière de classification,
on voit qu’aucune valorisation de l’expérience acquise hors de l’institution
n’est prévue… hormis bien sûr si le directeur concerné souhaite exploiter et
donc rémunérer ce développement de compétences.
En pratique, les exemples montrent que la négociation s’opère de gré à gré
au regard de la demande et/ou du besoin de chaque partie.
2.2) Pour les agents de direction si le congé sans solde d’un an
existe également, les conditions du détachement visées à l’article 7 du
protocole d’accord du 22 juillet 2005, ont directement modifié les articles
19 et 19-1 de la convention collective du 25 juin 1968. Elles sont par
ailleurs plus favorables que pour les agents. En effet, d’une part, la durée
maximale du détachement possible est illimitée pour le détachement
auprès d’un organisme visé par le R111-1 du CSS, l’EN3S ou le CLEISS
et de 7 ans pour tous les autres détachements dans un emploi relevant
d'une institution visée aux titres II, III et IV du livre 9 du Code de la sécurité
sociale ou « dans un emploi relevant d'une administration publique ou d'une
collectivité publique territoriale, dans un organisme chargé d'une mission de
service public ou relevant du code de la mutualité, dans une organisation
internationale, dans un organisme social d'un territoire d'outre-mer ou d'un
pays étranger, dans une entreprise publique ou privée. »
On note ainsi que les conditions peuvent d’emblée être réunies pour
envisager dès les premières années, une pérennisation du contrat avec
l’administration publique (cf. point 3).
D’autre part, les conditions de retour sont également beaucoup plus
protectrices. En effet, sous réserve d’un délai de prévenance de 6 mois, si
l’ex-organisme employeur n’est pas en capacité d’offrir un poste à l’issue
du détachement, la réintégration demandée à l’UCANSS appartient alors à
la Caisse nationale de la branche d’origine, avec une garantie de niveau de
rémunération et de responsabilité égale au dernier niveau du détachement.
À noter cependant que, pendant le délai de prévenance et la période de
mise à disposition auprès de la Caisse nationale, l’agent de direction est
normalement tenu de postuler à tous les emplois de direction vacants
correspondant à son niveau.
Enfin, si la suspension du contrat de travail entraîne aussi la suspension des
avantages conventionnels (hors prévoyance), les périodes de détachement
sont, lors de la réintégration du personnel de direction, assimilées à de la
présence effective pour le calcul de l'ancienneté.
2.3) Liste d’aptitude :
Premier conseil évident, si l’on souhaite un jour retravailler dans l’institution,
si possible sur un emploi de direction, il faut impérativement demander et/
ou renouveler régulièrement son inscription sur la liste d’aptitude.
Si l’aventure externe dans la fonction publique d’État est plutôt bien
ressentie par les évaluateurs de la MNC (le contraire serait surprenant),
tel n’est pas toujours le cas des sorties vers la territoriale et il faut un peu
de pédagogie pour démontrer que l’enrichissement des compétences et
l’accès à d’autres réseaux de décision et de gestion peuvent constituer un
véritable attrait pour un futur employeur institutionnel.
La « profondeur » de la nouvelle évaluation par la MNC est encore
insuffisante pour que l’on puisse dégager des tendances distinctes des
pratiques antérieures des DRASS qui étaient très hétérogènes. Cependant,
on note tout de même, à la lecture de la LA 2013 qu’un ancien élève ayant
migré dans la territoriale depuis 10 ans a été classé… en 3ème section… !
3) LA VIE DU CONTRAT PUBLIC ET/OU L’INTÉGRATION DANS LA
FONCTION PUBLIQUE :
Par définition ce chapitre ne concerne pas les « mis à disposition » puisque
le contrat de travail perdure avec l’employeur institutionnel.
La loi 2012-347 du 12 mars 2012 dite de « sécurisation des parcours
professionnels » est venue consolider et étendre les effets des textes
antérieurs qui permettaient déjà, mais avec des conditions beaucoup plus
drastiques, des voies de pérennisation du contrat public.
3.1) L’intégration directe :
Si l’intégration et la titularisation directe sont désormais possibles elles ne
sont prévues que pour les accès à la catégorie C (emplois d’exécution) de la
fonction publique. Cela ne concerne donc pas, a priori, les anciens élèves.
3.2) La « CDIsation » :
Ce barbarisme recouvre la transformation du contrat public à durée
déterminé (CDD) en un contrat à durée indéterminée (CDI).
Au 1er jour de la 7ème année d’emploi continu (sur une période de
référence de 8 ans), les CDD successifs deviennent, par définition, un CDI.
Il en est de même au 1er jour de la quatrième année pour les personnes
âgées de plus de 55 ans.
On peut alors considérer que le contrat public devient pérenne même
si, pour ne pas rompre le lien avec l’institution, il est toujours possible
d’entretenir la relation antérieure avec l’ex-employeur « sécu ».
On peut donc raisonnablement penser que nous trouverons, dans les
prochaines années, un nombre croissant d’agents qui, tout en étant
détachés de l’institution sécurité sociale, seront dans un même temps en
contrat pérenne avec un employeur public.
Cependant cette situation paradoxale demandera quelques adaptations
pour être juridiquement valable, notamment pour les cadres.
En effet, les détachements sont, on l’a vu au point 2), limités dans le temps
à 2x2 ans ou 2x3 ans. Il convient donc, pour le directeur de l’organisme
cédant, de jongler avec les deux dispositifs pour éviter de se le voir reprocher
par la Caisse nationale.
Pour les agents de direction le cumul des 2 dispositifs permet de conserver
le lien jusqu’à 14 ans… si l’employeur y consent.
3.3) L’accès aux concours et examens professionnels internes :
Désormais, au-delà de 4 ans d’activité au service de la fonction publique
(sur une période de référence de 6 ans), la voie d’accès aux concours
internes de la fonction publique est ouverte par la voie de modes de
recrutement réservés valorisant les acquis professionnels.
Par définition cet accès est évidemment ouvert aux contractuels déjà
CDIsés.
C’est le décret n° 2012-631 du 3 mai 2012 qui fixe les conditions
d’éligibilité des candidats aux recrutements réservés pour l’accès aux corps
de fonctionnaires de l’État des catégories A.
Toutefois à l’heure ou ces lignes sont écrites les modalités des concours
spécifiques qui sont à définir par décret ne sont toujours pas connues…
À suivre donc ….