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Chers Pharmaciens,
Chers Chirurgiens dentistes
Chers Médecins
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Le service à sa communauté, c’est ce que nous avons en commun. En effet, me
rappelant mes années d’études à l’Université Cheikh Anta DIOP, ma vie n’a été
qu’engagement pour la défense des intérêts des camarades étudiants mandants et
par-delà ceux de l’Université.
Cet engagement dans le mouvement étudiant m’a valu violences policières
gratuites et privation de liberté, entre autres sanctions.
Cet engagement, quoiqu’étant extrêmement chronophage pour un étudiant en
médecine, m’a permis d’appréhender très tôt les défis qui allaient être les nôtres.
Cependant, cette période que nous croyions juste comme une étape de passage
dans notre parcours de jeunesse, avait d’ailleurs fini par convaincre ma famille et
moi-même que désormais, je ne devais me consacrer qu’à mon activité
professionnelle, dans ma maternité et que le peu de temps que me laisserait cette
dernière devrait être exclusivement dédié à ma vie privée.
Ainsi, depuis bien longtemps, sept ans pour être plus précis, je croyais m’être
réfugié (volontairement) à Matam pour échapper aux sirènes de la fibre syndicale.
Hélas ! On n’échappe pas à son destin, vous avez été nombreux à me réclamer sur
le terrain.
Ces trois dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les
travailleurs du secteur de la Santé et de l’action sociale. Entre Pandémie à
Sarscov2, judiciarisation aveugle de notre pratique tout y est passé.
Fatigués de devoir nous quintupler pour faire fonctionner, du mieux que l’on
peut, nos structures de santé !
Fatigués de devoir faire face à la misère et au désarroi d’usagers du service
public de la santé. Eux aussi fatigués de devoir refaire la traversée de la mer rouge
par le Prophète Moise à chaque fois que leur santé est chancelante.
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Certains estimeront la métaphore disproportionnée, car pour pouvoir créer un
couloir au beau milieu d’un tel point d’eau, long de 50 km et profond de 90 mètres,
le prophète Moïse aurait dû déplacer environ 8 milliards de mètres cube d’eau.
Je leur rétorque qu’à mon âge (40 ans), si on a challengé autant de fois la mort,
avec parfois comme seule arme le Psaume 23 ou un verset du saint Coran
(psalmodié par un des membres de l’équipe de soin) on aura compris l’énormité
de la difficulté de notre pratique quotidienne.
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Mes chers camarades, les enjeux de l’heure sont énormes, de grands chantiers
nous interpellent. Pour ma part, j’en ai identifié quelques-uns :
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1.4 Formation initiale
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3) Environnement de Travail et sécurité des soins
3.1 Environnement juridique
Tous les textes qui organisent la pratique médicale dans notre pays sont obsolètes
(Code de déontologie médicale Décret n°67 - 147 du 10 février 1967,
Décret N°66-572 du 13 juillet 1966, relatif aux frais de justice en matière
criminelle, correctionnelle et de simple police, réglementant les modalités d'octroi
d' honoraires aux experts sollicités sur les questions d'ordre technique), exception
faite du code de déontologie harmonisés de la CEDEAO ( Mars 2013).
Le Code pénal n’est pas conforme aux réalités du terrain et expose ainsi tous les
praticiens à une «Insécurité Juridique » et son état subséquent l’ «Insécurité
Judicaire ».
Tous ceux qui sont à jour sur la jurisprudence dans le contentieux né de l’acte
médical, conviendront avec moi que nous sommes totalement dépassés !
Le régime de la « Responsabilité sans Faute » a été inauguré ces dernières années,
ce qui n’est pas sans conséquence pour les praticiens que nous sommes.
L’hôpital, le centre de Santé sont les premiers domiciles des agents de santé, il
faudra en faire des havres de paix, accueillants, équitablement répartis sur le
territoire national.
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4) Gouvernance
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Bref il nous faut de bons managers au-dessus de la mêlée. Le Sénégal inaugure
l’ère de la grande réforme BUDGET PROGRAMME, cette nouvelle approche de
la planification de la recette et de la dépense publique ne s’accommodera pas avec
certaines pratiques du siècle dernier (Surfacturation, faux en écriture comptable,
prévarication, détournement de deniers publics, abus de biens sociaux, rétro-
commissions, racket de malades ….).
Mes chers camarades, vous conviendrez avec moi que la santé à un coût, un coût
exorbitant !
À ma connaissance, rares sont les pays au monde qui parviennent à financer
correctement la santé de leurs populations.
Il s’agira pour nous d’être réalistes, par benchmarking, il faudra reproduire en
prenant naturellement le soin de tropicaliser certaines pratiques éprouvées.
L’option de la couverture santé universelle est bonne, donc elle devra être
irrévocable.
L’état de «bonne santé» étant un intrant clé dans la production de richesses, il est
primordial, pour nos états à revenus intermédiaires, de l’assurer pour notre
population en générale et celle active en particulier.
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Le Sénégal explore depuis plusieurs décennies des politiques de gratuité.
Ce choix quoique louable, n’est pas soutenable dans la durée. Les retards de
remboursement, les rejets de factures des EPS pour raisons diverses ont un impact
négatif pour les structures de soin. Ces retards sont en réalité très délétères pour
la qualité des soins.
Prenons l’exemple de la gratuité de la césarienne que je connais bien. Si pendant
six mois une quelconque structure du pays n’est pas remboursée par l’ACMU, le
kit opératoire est le premier à en faire les frais.
Ce kit qui nous permettez à tout moment de lever n’importe quelle urgence
opératoire devient automatiquement amputé de plusieurs produits essentiels.
L’effet recherché dans cette gratuité, qui est de prendre en charge à tout moment
l’urgence obstétricale, devient hypothétique.
Permettez-moi un deuxième exemple dans cette politique de gratuité de la
césarienne, elle inclue plusieurs patientes qui versent déjà des cotisations à un
tiers payant, soit directement, soit indirectement par le biais de leur conjoint.
C’est pourquoi pour soutenir ce financement l’État ne peut pas être le seul
contributeur.
L’objectif devra être la gratuité quasi totale des actes médicaux et une
subventions des frais pharmaceutiques et odontologiques. Sous ce rapport on
gagnerait à réformer nos institutions d’assistance sociale ou d’assurance maladie,
en maintenant l’État comme principale bailleur, mais aussi en instaurant une
contribution forfaitaire de tous les acteurs dont la « bonne santé » constitue un
catalyseur de performances. Je citerai pêle-mêle, toutes les entreprises, les
compagnies d’assurances, les multinationales, certains secteurs du loisir, sans
oublier la contribution de chaque citoyen à l’effort de guerre à travers une taxe
sur un produit de forte consommation, mais aussi le renforcement de la politique
de mutuels de santé pour tous.
L’hôpital public devra être libéré de ses amarres constitutionnelles, il devra être
désengorgé au mieux, pour ne s’occuper que de l’essentiel.
D’où l’intérêt de bâtir une médecine de proximité performante, à la pointe de la
médecine factuelle ( Évidence Based Medecine).
Le secteur privé de la santé résorbe selon les sources entre 40 et 50% de l' offre
de soin.
Ce secteur doit être pris en compte dans la répartition des ressources. Il mène une
mission de service public.
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Il ne s’agira pas de les considérer comme des structures qui concurrencent
l’hôpital public, mais plutôt, comme des soupapes de sécurité, bien au fait de la
médecine du futur.
L’État veillera naturellement à ce que les structures privées puissent, dans le cadre
du partenariat public privé (PPP), utiliser le personnel du public dans un cadre
assaini et règlementé pour que cesse la cannibalisation de l’hôpital public, et vice
versa l’hôpital public pourra pour certaines situations s’appuyer sur des
compétences du privé.
6) Pacte de Stabilité
Ma conviction ferme est que larges discussions inclusives devront être
engagées avec l’État pour un pacte de stabilité de 5 voire 10 années sans grève
dans le secteur.
Il faudra donc inéluctablement unifier le mouvement syndical dans le secteur de
la Santé et de l’Action Sociale, pour permettre à l’État d’avoir des interlocuteurs
crédibles, identifiés.
Il faudra aussi que l’État soit RESPONSABLE !
Cette manie presque compulsive de l’État central à signer des accords sans les
respecter ne prospèrera pas.
On est épuisé par les mêmes plateformes recyclées depuis plus de trente ans !
Il va falloir jouer cartes sur table, on stabilise le secteur pour dix ans.
Nous prendrons l’opinion nationale, forces citoyennes constituées et tous les
leaders d’opinion à témoin.
7) Animation Syndicale
L’héritage laissé par le camarade Amadou Yeri CAMARA et ses
prédécesseurs devra être entretenu.
Il convient de nous accorder sur l’impérieuse nécessité de revisiter les textes qui
organisent le fonctionnement de notre organisation syndicale.
J’ai déjà à cœur la reforme totale du Comité Exécutif National en triplant son
effectif, la redéfinition de la cartographie des zones avec le redécoupage de la
méga Zone de Dakar en Cinq zones.
L’objectif étant de rapprocher le syndicat du travailleur.
La pérennisation de tournées syndicales de remobilisation, ainsi qu’un ambitieux
programme de formation sur le syndicalisme et le leadership destinées à tous les
camarades de toutes les zones entreront dans la stratégie de la Pression Positive
Permanente.
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Eh oui il faudra toujours mettre en état d’alerte la Force de dissuasion et souhaiter
en faire usage qu’en cas de signe manifeste de dilatoire de notre interlocuteur.
Force et Honneur !
Matam le 2 décembre 2022
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