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Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et
connaissances pour évaluer et utiliser toute information, méthodes, composés ou
expériences décrits ici. Du fait de l’avancement rapide des sciences médicales, en particulier,
une vérification indépendante des diagnostics et dosages des médicaments doit être
effectuée. Dans toute la mesure permise par la loi, Elsevier, les auteurs, collaborateurs ou
autres contributeurs déclinent toute responsabilité pour ce qui concerne la traduction ou
pour tout préjudice et/ou dommages aux personnes ou aux biens, que cela résulte de la
responsabilité du fait des produits, d’une négligence ou autre, ou de l’utilisation ou de
l’application de toutes les méthodes, les produits, les instructions ou les idées contenus
dans la présente publication.
1. https://www.senat.fr/rap/r16-494/r16-4941.pdf
2. Golse, B. et Moro, M. R. (2018). La pédopsychiatrie ne veut pas mourir ! Libéra-
tion, n˚ 11459, 30 mars 2018, p. 22.
évidemment partie, ce qui est lourd de danger pour la liberté de penser tout
simplement…
Quels sont alors les liens entre la crise de la pédopsychiatrie et celle de la
psychanalyse ?
En repensant au colloque du 50e anniversaire du centre Alfred Binet
évoqué ci-dessus, l’idée me vient en effet que la pédopsychiatrie souffre
aujourd’hui de l’abandon progressif de ses fondements psychanalytiques.
• La première génération de pédopsychiatres français a jeté les bases de
cette discipline (la génération des fondateurs célébrés dans ce colloque).
• La deuxième génération a transmis ce socle initial de connaissances aux
médecins, aux psychologues et autres professionnels impliqués dans le
champ de l’enfance.
• La troisième génération enfin, celle d’aujourd’hui, se trouve désormais
en mal d’identité car notre modèle pédopsychiatrique a la tentation de se
calquer sur un modèle purement médical (monofactoriel, déductif et référé
à une temporalité linéaire) en abandonnant le modèle psychopathologique
(polyfactoriel, inférentiel et référé à la temporalité circulaire de l’après-coup).
Pourtant, dans le champ de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, si nous
renonçons à comprendre, c’est-à-dire à donner du sens, alors nous ouvrons
un boulevard aux traitements psychotropes linéaires et monotones, nous
nous privons de toute analyse psychopathologique complexe mais fas-
cinante, et nous laissons libre champ à notre masochisme fondamental.
Ce n’est pas seulement l’existence d’une psychiatrie et d’une pédo-
psychiatrie authentiques qui se trouve, ici, mise en cause.
Il en va tout simplement du respect et de la dignité des sujets et des
patients dont nous avons la responsabilité en tant que professionnels et
soignants de la psyché.
décriée), et enfin les liens qui se doivent d’être faits entre l’observation cli-
nique et l’élaboration d’hypothèses psychopathologiques utiles à la défini-
tion de stratégies thérapeutiques spécifiques de chaque patient.
Tout ceci suppose une formation approfondie des (futurs) cliniciens,
seule à même de leur éviter de se cantonner dans des choix thérapeutiques
opératoires, uniquement liés à la description des symptômes et finalement
assez monotones.
Les enfants malades ont déjà rencontré des adultes opératoires ou dépri-
més et s’ils rencontrent des soignants qui ont renoncé à toute inventivité
clinique ou à toute créativité, cela ne peut en rien leur être profitable.
Merci à Mugisho Nfizi Koya de nous le rappeler si efficacement et si utile-
ment en des temps difficiles pour l’intelligence du soin psychique.
J’espère – mais j’en suis sûr – que cet ouvrage rencontrera un grand succès,
un succès qu’il mérite indéniablement.
Bernard Golse
Pédopsychiatre-psychanalyste (membre de l’Association psychanalytique de
France), ancien chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker – Enfants
malades (Paris), professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à
l’Université René Descartes (Paris 5), membre titulaire du laboratoire « Psychologie
clinique, psychopathologie, psychanalyse » (PCPP) de l’Université de Paris, ancien
membre du Conseil supérieur de l’adoption (CSA), ancien président du Conseil
national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), président de l’association
Pikler Loczy-France, président de l’Association pour la formation à la psychothéra-
pie psychanalytique de l’enfant et de l’adolescent (AFPPEA), président de l’associa-
tion CEREP-Phymentin, président de l’Association européenne de psychopathologie
de l’enfant et de l’adolescent (AEPEA), président de la CIPPA (Coordination inter-
nationale entre psychothérapeutes psychanalystes s’occupant de personnes avec
autisme et membres associés)
1. L’OMP est un service de l’État genevois. Cet office dispense des soins pédopsy-
chiatriques, de la pédagogie et un enseignement spécialisé à tous les enfants du
canton de Genève en Suisse et de la France voisine. Depuis plus d’un siècle, cet
office est arrivé à se faire une place de choix et précieuse dans cet accompagne-
ment des enfants, des jeunes et des familles. Soulignons que l’OMP a accueilli au
cours de son histoire diverses personnalités (médecins et psychologues, logopé-
distes ou orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs, enseignants, etc.). Ces
derniers ont créé et renforcé l’identité de notre office durant toutes ces années.
Ces jeunes collègues ne sont pas encore « outillés » sur le plan conceptuel.
Pour pallier cette insuffisance, l’OMP offre un cadre de formation théorique.
Les cliniciens sont initiés aux diverses théories psychanalytiques, psychopa-
thologie psychodynamique, sémiologie pédopsychiatrique, psychopatho-
logie psychiatrique, etc. Ainsi, dès l’arrivée dans le service, le thérapeute
est immédiatement plongé dans le quotidien théorico-clinique. Après une
durée minimum de 4 ans, on espère qu’il aura acquis des compétences
essentielles pour assumer son rôle de thérapeute.
Les collègues utilisent certains documents qui font autorité dans la caté-
gorisation ou la pose des diagnostics des troubles mentaux. Il s’agit de la
Classification internationale de troubles mentaux dans la 10e version (CIM-10,
en attendant la sortie officielle de la 11e édition), la Classification française
de troubles mentaux pour les enfants et les adolescents (CFTMEA) et le Manuel
diagnostique et statistique des troubles mentaux, dans sa 5e version (DSM-5).
Ces outils diagnostiques aident le clinicien dans sa rédaction des rapports
d’évaluation ou tout autre type de rapport. Ils permettent également de
proposer un projet de prise en charge adéquat et adapté à la demande et aux
besoins thérapeutiques du patient et/ou de sa famille.
Malheureusement, ces outils diagnostiques ne sont pas destinés à pro-
poser des modèles sémiologiques aux thérapeutes. Le manque d’outils ou
d’ouvrages proposant des modèles de techniques d’entretien (la démarche
sémiologique) ou d’évaluation pédopsychiatrique est flagrant dans notre
service tout comme dans la littérature nationale et internationale. Comment
les jeunes collègues peuvent-ils comprendre et déchiffrer les concepts cli-
niques ? Il leur est très difficile (mais non impossible) de décoder la perti-
nence de ces concepts cliniques. La peur d’apprendre les règles du jeu, la
logique ou les enjeux de la grille et de l’évaluation clinique des enfants et
des adolescents est continuelle. Pour pallier ce manque et réduire lesdites
difficultés, cet ouvrage répertorie, collectionne et rédige, pour expliquer,
décrire et éclaircir un tant soit peu les concepts usités en clinique pédopsy-
chiatrique.
Ce guide est le fruit, comme souligné plus haut, d’un travail de longue
haleine. Le contenu a été modifié, amélioré et adapté grâce aux différentes
questions qui ont été soulevées par les collègues lors des diverses réunions
formelles et informelles (réunions, rencontres, discussions, débats, confé-
rences, colloques, échanges, etc.) entre les différents cliniciens de l’OMP ou
d’autres services publics et privés.
Souvent, les formateurs conseillent de théoriser ou de faire évoluer les
théories psychodynamiques. À notre avis, la sémiologie pédopsychia-
trique ouvre un chemin vers cet exercice de théorisation ou d’invention
de nouveaux concepts pratiques. La pratique clinique précède l’activité de
théorisation. Ce guide propose aux thérapeutes un moyen d’acquérir des
astuces, des techniques ou des stratégies afin qu’ils puissent relier leurs pra-
tiques cliniques aux diverses théories acquises. Ensuite seulement, ils pour-
ront concevoir de nouvelles théories reposant sur leur propre expérience.
Il incombe au clinicien d’être un praticien assidu. Cette position lui permet-
tra de rester prêt à remanier ou réadapter sa clinique. Il pourra réinventer
sa clinique progressivement, au fil du temps, grâce à la formation indirecte
que lui offrent ses patients.
Comme cela sera répété régulièrement au fil de l’ouvrage, chaque patient
est singulier et différent d’un autre. Les époques aussi diffèrent et évoluent,
les techniques sémiologiques doivent s’adapter à la réalité et au contexte
socio-environnemental et culturel du patient. Toute rencontre clinique est
thérapeutique en soi. Voilà pourquoi ce guide est proposé aux nouveaux
collègues, à tous ceux qui démarrent leur carrière en pédopsychiatrie ou à
toute personne qui cherche à enrichir ses compétences théorico-pratiques.
C’est au thérapeute de rapprocher sa clinique de la théorie, dans un
souci de créer ou d’avoir une même chorégraphie musicale avec le patient.
Les questions justes, adaptées et adéquates du thérapeute feront le lien
entre ses diverses théories thérapeutiques et la symptomatologie du patient
et de sa famille. L’acquisition de cette finesse clinique n’est possible que par
la sémiologie. Le thérapeute évite de faire de l’intrusion ou d’être maladroit
envers les patients. Il progresse dans sa démarche clinique tout en construi-
sant un lien thérapeutique, comme expliqué dans le chapitre 4. Grâce à la
sémiologie, des véritables ponts de travail ou des ponts thérapeutiques se
construisent entre le patient et le thérapeute.
L’un des objectifs de ce guide est de rendre intelligibles, limpides et
maniables les concepts qui peuvent être considérés comme « flous » ou
« tordus » de la théorie psychodynamique ou pédopsychiatrique. Il vise
également à dégager la différence entre la psychopathologie, la sémiologie
et la thérapeutique pédopsychiatrique.
À travers les quelques conseils et techniques d’entretien proposés dans
cet ouvrage, les collègues trouveront certaines astuces qui leur permettront
de construire leur propre façon de travailler. Celle-ci laissera briller leur
singularité en tant que thérapeute des bébés, des enfants et des adolescents.
L’autre objectif de cet ouvrage est de clarifier la double identité du thé-
rapeute ou du clinicien pédopsychiatre ou pédopsychologue. Le professeur
Stephan Eliez a l’habitude de rappeler que le clinicien (psychologue ou
médecin) porte automatiquement la double casquette du pédopsychiatre
et du psychothérapeute. Même si seul le médecin a le titre de pédopsy-
chiatre, le psychologue est lui aussi détenteur du titre de psychothérapeute
d’enfants et d’adolescents. Ce clinicien devra être capable de poser un diag-
nostic catégoriel et structurel chez le même patient et de proposer une prise
en charge adéquate, efficace et peu onéreuse.
Ainsi :
• le diagnostic catégoriel détaillé par les manuels (la CIM-10 et le DSM-5)
consiste en une photographie du fonctionnement du patient au temps t de
l’évaluation ou de la rencontre clinique. Cette image peut être la même ou
pas, si elle est prise à un autre moment de la vie du patient. Le fonctionne-
ment catégoriel vient révéler ou appuyer ce qui se joue au niveau structurel.
Ce diagnostic permet d’orienter, de poser le diagnostic et de proposer un
type de prise en charge, de faciliter le dialogue entre les professionnels ou
différentes institutions sanitaires et d’établir un rapport officiel sur le fonc-
tionnement du patient évalué ;
• le diagnostic structurel, pour sa part, éclaire l’organisation de la structure
psychopathologique ou psychodynamique du patient. Il permet au théra-
peute d’avoir une vision assez large de la structure et du fonctionnement
du patient. N’oublions pas les éventuels changements et modifications
structurels sur le plan développemental en réponse à l’environnement
biopsychosocial de l’individu. Le diagnostic structurel amène le thérapeute
à choisir le type de psychothérapie, la fréquence et le setting thérapeutique
qui conviennent au patient et à sa famille. Le thérapeute arrive à mieux
comprendre les aménagements internes du patient et l’expression de pos-
sibles symptômes catégoriels ou psychodynamiques qu’il lui laisse voir à un
moment ou à un autre de sa vie.
En d’autres termes, la différence ou les rapprochements entre le diagnos-
tic catégoriel et le diagnostic structurel sont comparables à la métaphore du
volcan. On a, sous la croûte terrestre, le magma. L’observateur extérieur a
l’impression que tout est calme jusqu’au moment où apparaît la fragilité des
parois terrestres. Et là, on assiste à l’éruption volcanique. Ce déversement de
la lave est le diagnostic catégoriel et le magma en soi et les parois de la terre
constituent le diagnostic structurel.
Contrairement à toute attente, de ce texte a émergé l’idée de proposer,
à Genève, un séminaire annuel en formation continue bimensuelle à tous
les collègues du service et aux externes. Ce cadre facilite les discussions et
les échanges cliniques en plus de la « grille du jeudi ». Les participants sont
moins stressés et moins angoissés à l’idée de donner leur avis, de proposer
un autre regard clinique, de remettre en question les idées des uns et des
autres. Ils approfondissent leurs connaissances théoriques et pratiques à tra-
vers des enregistrements vidéo ou tout autre matériel clinique (par exemple
les dessins, des vignettes cliniques, etc.) qu’apportent les patients pendant
les entretiens cliniques.
Ce Guide pratique de sémiologie en pédopsychiatrie traite les diverses questions
sémiologiques pédopsychiatriques et psychodynamiques, allant du premier
appel téléphonique du patient ou de ses parents pour prendre un rendez-vous
jusqu’à la restitution ou l’élaboration du rapport d’évaluation. Il ne s’agit pas
d’un traité de psychopathologie psychodynamique en pédopsychiatrie.
Remarque
Somme toute, deux expressions sont utilisées tout au long de ce travail :
► « au sens catégoriel » fait allusion ou référence au DSM-5 et à la CIM-10 ;
► « au sens structurel » fait référence à la théorie psychodynamique ou psy-
chanalytique.
Bibliographie
Bochereau, D., Guédeney, N., & et Corcos, M. (2011). Examen clinique de l’enfant en
pédopsychiatrie. Psychiatrie, 8(2), 1-9.
Houzel, D. (2018). Une application de la méthode d’observation des nourrissons : les
traitements à domicile. Dans S. Lebovici, R. Diatkine, M. Soulé (dir.), Nouveau
Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (vol. 1, p. 519-530). Presses
universitaires de France.
Marcelli, D. (1999). Entretien avec l’adolescent et son évaluation. Encyclopédie
Médico-Chirurgicale. Psychiatrie. article 37-213-A-10.
Robin, M. (2019). L’adolescent en crise dans un environnement en crise. Adolescence,
t. 37, 2(2), 233-245.
Shea, S. C. (2005). La Conduite de l’entretien psychiatrique : l’art de la compréhension.
Elsevier Masson.
Bibliographie
Houzel, D. (2018). Une application de la méthode d’observation des nourrissons : les
traitements à domicile. Dans S. Lebovici, R. Diatkine, M. Soulé (dir.), Nouveau
Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (vol. 1, p. 519-530). Presses
universitaires de France.
Kapsambelis, V. (2015). Qu’est-ce qu’une institution psychiatrique ? Filigrane, 24(1), 13-
25.
et capable d’établir une liaison de plus en plus étroite entre les traces mné-
siques inconscientes et leur verbalisation. » (Laplanche & Pontalis, 2007)
Ce passage est toujours le même et respecte un ordre clair. Pour y arriver,
Freud confirme que ce mécanisme de passage consomme de l’énergie.
Comment cela est-il possible ? Pour Freud, l’énergie psychique se transmet
d’un lieu à un autre, selon des lois ou des règles bien définies. La théorie
développe deux façons (ou deux directions) que peut prendre ce passage :
1. direction normale, dite « progrédiante ». La direction « progrédiante »
permet à la communication de partir de l’inconscient, de passer par le
préconscient, pour atteindre le conscient. Cette théorie soutient la trans-
mission linéaire et contrôlée d’un compartiment à un autre. On peut alors
imaginer combien il serait facile de freiner ou de laisser traverser les infor-
mations d’une instance psychique à une autre instance psychique ;
2. direction dite « régressive ». Les informations à communiquer partent du
conscient, passent par le préconscient pour atteindre l’inconscient. Freud la
qualifie de « régression topique », illustrée par le phénomène du rêve. Les
représentations ou les pensées peuvent prendre un caractère visuel. Elles
régressent ainsi aux types d’images les plus proches de la perception. Ces
images peuvent aller jusqu’à l’hallucination située à l’origine du parcours
de l’excitation.
Après avoir compris comment fonctionnent ces deux modes de commu-
nication ou le mode de passage d’un système à un autre, voyons par la suite
ce qui se passe dans ces systèmes ou ces instances psychiques décrites par
Freud.
Conscient
La première topique de Freud nous informe que le conscient est l’un des
concepts pivots. La notion du conscient peut être analysée selon deux
points de vue : économique et dynamique. Le conscient est défini comme
une « enveloppe de surface située à la périphérie de l’appareil psychique
qui reçoit les informations provenant de l’extérieur et de l’intérieur. »
(Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012) Si nous regardons de près cette défi-
nition, nous apercevons déjà les bornes pour délimiter ce qui appartient
au-dedans ou au-dehors. Cette instance psychique fait une séparation entre
l’environnement externe du patient (le dehors) et interne du patient (le
dedans). On peut déjà sous-tendre les deux principes de plaisir et de réalité.
L’appareil psychique de Freud commence à prendre une certaine forme qui
sera remodelée et revisitée dans la seconde topique.
Certains auteurs ont attribué au conscient de Freud un rôle principal. Ils
disent que « le rôle principal qui lui est attribué est celui de la perception. »
(Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012) La perception dont il est question
ici, et que nous reprenons plus loin dans la troisième partie de ce guide,
Préconscient
Le préconscient est l’autre instance décrite dans la première topique de
Freud. Il chevauche entre la conscience et l’inconscient. On le définit
comme étant une « instance charnière entre l’inconscient et le conscient.
Son contenu n’est pas accessible directement à la conscience, mais peut
resurgir au niveau conscient sans être déformé lorsqu’il est réactualisé.
Par exemple : un souvenir d’enfance qui remonte subitement à la surface
lorsqu’une situation rappelle brusquement celle que l’on a déjà vécue il y a
de longues années et que l’on croyait avoir oubliée. » (Askenazy-Gittard &
Darcourt, 2012)
En fait, de manière raccourcie, ce préconscient se situerait, à ce moment
pour Freud, entre l’inconscient et le conscient. Ce préconscient fait un pont
entre les deux parties de l’appareil psychique.
À l’aide de sa topique, Freud dit qu’une représentation ne peut donc
jamais passer directement du conscient à l’inconscient ni, inversement, de
l’inconscient au conscient. L’information passe toujours par la voie tracée
dans cet appareil psychique. Les informations ou les représentations psy-
chiques provenant de l’inconscient passent par le préconscient avant d’arri-
ver au conscient. Ainsi, le préconscient permet au conscient de travailler
sans se laisser parasiter par des pulsions, des désirs ou des sentiments qui
proviennent de l’inconscient. Les processus secondaires sont régis par le
principe de réalité. Les faits psychiques sont latents et il n’existe pas d’alté-
ration de contenus. Le préconscient joue le rôle de censure et fait barrière
entre le conscient et l’inconscient.
Parler de la prise de conscience équivaut à la réintégration du souvenir
inconscient dans le conscient. Ce processus implique que les représenta-
tions, images, souvenirs, etc. défilent et franchissent les censures entre le
préconscient et la conscience. Un second mécanisme, appelé le « refoule-
ment », s’opère entre le préconscient et l’inconscient. Ce dernier contrôle
le passage des faits psychiques qui ont été refoulés devant la présence de
quelque chose d’insupportable ou d’inadmissible.
Chaque instance est formée en couches. Freud dit que les souvenirs sont
rangés autour du noyau pathogène, tout en respectant un ordre logique
Inconscient
Si la conscience est perçue de manière consciente, qu’en est-il de l’incons-
cient ? Disons que « l’inconscient freudien est d’abord indissolublement
une notion topique et dynamique qui s’est dégagée de l’expérience de la
cure. Celle-ci a montré que le psychisme n’est pas réductible au conscient
et que certains “contenus” ne deviennent accessibles à la conscience qu’une
fois des résistances surmontées. » (Laplanche & Pontalis, 2007) La défini-
tion de l’inconscient va de pair avec les rôles ou les fonctions qu’il remplit
dans l’appareil psychique selon Freud.
On peut se demander à quoi sert cet inconscient et comment il fonc-
tionne. Dans les lignes qui suivent, nous essayons de présenter de façon
plus synthétique quelques rôles (ou fonctions) de cette instance psychique.
• Dans un premier temps, citons avec Freud que l’inconscient est « rem-
pli de contenus fortement chargés d’énergies affectives dont la censure
ou le refoulement refuse l’accès de la conscience. » (Askenazy-Gittard &
Darcourt, 2012) L’inconscient est le siège des éléments refoulés qui sont
appelés « des processus primaires ». Ils sont faits des désirs, des émotions,
des fantasmes, des sentiments et des pulsions.
• Dans un deuxième temps, on sait que l’inconscient « n’obéit pas aux
mêmes lois de fonctionnement que le conscient. Ces lois sont appelées
processus primaires. » (Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012) Ces processus
primaires ne sont pas liés dans l’inconscient. Ils sont régis par le principe de
plaisir. Ils sont libres de mouvement, contrairement aux processus secon-
daires. Ils s’expriment sous forme d’actes manqués, de lapsus, lors des cures
analytiques ou des rêves.
• Dans un troisième temps, cet inconscient « exerce une poussée perma-
nente sur le système préconscient-conscient pour chercher à refaire sur-
face et se heurte au refoulement. » (Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012)
Les contenus de cet inconscient sont soumis continuellement à une pous-
sée pour qu’ils partent de l’inconscient. Tout est en mouvement et tout
doit se mouvoir ou quitter cet endroit, pour aller vers un autre endroit (par
exemple vers le préconscient ou la conscience). Il s’agit d’un mouvement
de va-et-vient en pêle-mêle. Nous devons souligner ici la notion de liberté
de mouvement des éléments ou des occupants de l’inconscient.
• Dans un quatrième temps, on observe que : « dans certaines maladies
mentales graves, la censure ne fonctionne pas correctement, fait défaut, et
l’inconscient peut surgir directement à la surface sans avoir subi de défor-
mations. » (Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012) Ce défaut de contrôle ou
cette survenue brutale peut être observé chez les patients présentant un
trouble psychotique ou maniaco-dépressif. L’absence de compromis fait
que les contenus de l’inconscient surgissent dans le conscient. Lacan dirait
que le patient a un défaut de la forclusion du nom du père. Quand ces
éléments traversent plus ou moins en éclair les trois instances sans contrôle
ni maîtrise, le thérapeute doit évaluer le préconscient du patient.
Enfin, avant de clore cette première topique de Freud et de passer à la
deuxième, voyons en quoi consistent les principes de plaisir et de déplaisir.
Nous apprenons avec Freud qu’au départ, les éléments psychiques sont
libres et non liés. Progressivement, ils se lient entre eux pour s’achever sur
des processus secondaires. Il s’agit donc d’un départ du principe de proces-
sus primaires vers des processus secondaires.
Pour plus d’éclaircissement, le déplaisir et l’angoisse sont liés dans la pre-
mière théorie de l’angoisse de Freud. Ainsi, le patient met les choses ailleurs
pour éviter de s’y confronter. Mais par la force de la nature, les éléments mis
de côté finissent par s’échapper et par sortir, pour s’exprimer autrement.
Et c’est à ce moment précis que nous pouvons observer des actes manqués,
des lapsus, des rêves, etc.
En conclusion, ces quelques éléments théoriques ne sont que la synthèse
d’une grande et riche théorie métapsychologique de Freud. Nous invitons
les thérapeutes à les compléter et les approfondir. Certaines notions et fonc-
tions que Freud attribue ou conçoit dans sa première topique sont reprises,
reformulées et incluses dans la seconde topique.
Moi
Freud a attribué au moi l’intérêt de la totalité de la personne. Le moi est le
siège de la raison, du narcissisme, etc. Dès le début de son œuvre, la notion
de moi est présente chez Freud, mais il l’utilise pour désigner la personne
consciente. À partir de 1923, il présente le moi comme une « instance de
régulation » de phénomènes psychiques, qui doit sans cesse trouver un équi-
libre entre les exigences du ça – le « réservoir des pulsions » – et du surmoi –
auparavant nommé « instance critique » ou « critique de la conscience »
(Quinodoz, 2004). Par toutes ses fonctions ou toutes ses attributions psycho-
dynamiques, le moi se réfère au surmoi pour trouver un compromis avec le ça.
Freud attribue ainsi au moi un rôle régulateur entre les pulsions venant
du ça et les règles régies par le surmoi. Le moi est le pôle de liaison entre
les exigences de la réalité extérieure, le ça et le surmoi. En fait, le moi est
un médiateur entre le ça et le surmoi. Il est le siège du raisonnement, de
la perception et met l’appareil psychique de l’individu en contact ou en
relation avec l’extérieur. Le moi met en place les mécanismes de défense
dans l’objectif de se préserver du conflit entre les pulsions ou les désirs du ça
et les interdits du surmoi. Les faits psychiques ne sont pas libres, mais sont
régis par le principe de réalité. Ils sont soumis ou contrôlés par l’individu.
Ça
Le ça est cette instance psychique théorisée par Freud. Il dit qu’il représente
le pôle pulsionnel de l’individu. C’est le réservoir pulsionnel et le siège de
l’autoconservation. Les pulsions sexuelles réagissent de façon souveraine.
Le terme « ça » a été inventé par Georg Groddeck en 1923. Freud l’a donc
repris et conceptualisé dans le courant de la même année. Disons alors que :
« Contrairement à Groddeck, Freud considère que le moi ne subit pas pas-
sivement les assauts du ça, mais qu’il tente de les dompter, comme le ferait
un cavalier qui doit refréner sa monture. » (Quinodoz, 2004) Comprenons
plus encore que le ça est le siège des principes primaires chez l’individu.
Freud écrit en 1958 dans un abrégé de psychanalyse qu’« en dépit de
toutes ces incertitudes, la science analytique a établi un fait nouveau. Elle a
montré que les processus, qui se jouent dans l’inconscient ou le ça, obéis-
sent à d’autres lois que celles qui se déroulent dans le moi préconscient.
Nous appelons l’ensemble de ces lois “processus primaires”, par opposition
au processus secondaire qui régit les phénomènes du préconscient, du moi.
Ainsi l’étude des qualités psychiques n’aura finalement pas été tout à fait
infructueuse. » (Freud, 1958)
Le ça est le siège des contenus psychiques (c’est-à-dire les fantasmes, les
sensations, les perceptions, les émotions, les affects, les concepts, les pen-
sées, les représentations mentales, etc.). Ces derniers sont libres et sont régis,
comme à l’image de l’inconscient de la première topique, par le principe de
plaisir. Ces contenus dits de « processus primaires » sont libres et échappent
au contrôle conscient de l’individu. Les représentations sont régies par le
principe de plaisir et s’expriment par des actes manqués, des lapsus, des
rêves ou objectivés dans les cures analytiques.
Le ça est le siège des éléments interdits et refoulés. Le ça peut entrer
en conflit avec le moi ou le surmoi du patient. Lorsque le conflit est là,
le moi perçoit l’angoisse et pour lutter contre cette sensation de déplaisir,
le moi recourt à différents mécanismes de défense. Et si ces derniers ne sont
pas suffisamment solides ou s’ils sont défaillants ou moins efficaces, il y a
formation de compromis et donc apparition des symptômes. Mais de leur
côté, les contenus psychiques du ça sont tellement libres, têtus, malins et
capricieux qu’ils arrivent d’une façon ou d’une autre à apparaître à la sur-
face ou à s’extérioriser par des actes manqués, des lapsus, des rêves, etc.
Surmoi
Cette instance est qualifiée d’agent critique. Le surmoi fait l’autocensure
et l’auto-observation : c’est le juge intérieur. Il correspond au préconscient
de la première topique. Ce surmoi est acquis grâce à l’intériorisation des
interdits, des exigences, des règles de la réalité extérieure ou de la société. Il
est aussi fait par identification parentale tout au long de la vie du patient.
Ce surmoi est le résultat ou la conséquence du complexe d’Œdipe. Pour
clarifier encore cette instance psychique, Freud dit que « le surmoi n’est pas
uniquement une instance qui sadise le moi, comme dans la pathologie, car
chez l’individu normal le rôle dévolu au surmoi post-œdipien est d’exercer
une fonction de protection et de sauvegarde, pas une identification au père
et à la mère. » (Quinodoz, 2004)
En fait, le surmoi joue le rôle de censeur du moi. Il empiète sur l’incons-
cient, sur le préconscient et le conscient de la première topique. Le travail
du surmoi est de jauger, d’évaluer, de juger les écarts entre le moi idéal de
départ et l’idéal du moi. Si l’écart est énorme, la culpabilité s’installe.
Nous montrons dans le chapitre consacré aux affects (chapitre 17),
comment la honte et la culpabilité s’articulent autour du surmoi et de
l’idéal du moi.
Idéal du moi
L’idéal du moi est du côté des identifications de l’individu. Il s’installe plus
tardivement au cours du développement de l’individu. Il est constitué des
éléments œdipiens et post-œdipiens. Il est le résultat de la transformation
du moi idéal. Cet idéal du moi renvoie au verbe « suivre ». Le patient se pose
alors la question, à savoir : « Qui devrais-je suivre comme modèle de ma vie
actuelle et future ? » Pendant la constitution ou la formation de cet idéal du
moi, le patient prend pour modèles ses parents, un artiste, un peintre, des
hommes politiques, scientifiques, etc. Le patient se demande : « À qui dois-
je ressembler ? Vers quel parent devrais-je orienter ma rivalité ? » Cet idéal
du moi se place vraiment du côté de l’avoir. Continuellement, le patient se
demande quelles qualités il devrait ou pas avoir.
L’idéal du moi est compris comme étant le désir, les envies, les projets, le
niveau supérieur, tout ce que la personne espère avoir dans le futur. L’indi-
vidu cherche constamment à atteindre son idéal du moi. L’idéal du moi est
l’ultime désir que peut avoir une personne, mais qu’elle ne pourra jamais
atteindre.
Moi idéal
Le moi idéal renvoie plus au narcissisme – « Qui suis-je ? » – ou aux identi-
fications primaires de l’individu. Le moi idéal est l’ensemble des choses ou
des caractéristiques que la personne souhaite ou aime avoir dans l’immé-
diat. C’est le résultat du moi grandiose du début de la vie. Le moi idéal est
un mécanisme qui se rapproche de la paranoïa.
Chez le bébé, la constitution de ce moi idéal est faite des bouleverse-
ments quand il rencontre un nouvel événement ou une nouvelle personne.
Bibliographie
Askenazy-Gittard, F., & Darcourt, G. (2012). Initiation à la psychanalyse freudienne.
Ellipses.
Freud, S. (1958). Abrégé de psychanalyse. Coll. « Bibliothèque de psychanalyse ». Presses
universitaires de France.
Laplanche, J., & Pontalis, J. -B. (2007). Vocabulaire de la psychanalyse. Presses uni
versitaires de France.
Quinodoz, J. -M. (2004). Lire Freud (1re éd.). Presses universitaires de France.
De la théorie à la pratique
« De la théorie à la pratique », voilà un titre qui pourrait sembler préten-
tieux. Pour développer ce chapitre, nous nous sommes posé certaines ques-
tions comme : « Quelles compétences ou stratégies le thérapeute devrait-il
avoir lors de son entretien ? », « Comment arriverait-il à contourner les
difficultés liées à l’entretien clinique ? », « Est-ce que tous les entretiens cli-
niques devraient être menés de la même façon ? », « Comment rencontrer le
patient ? » ou « Qu’est-ce que le thérapeute doit mettre en place pour rendre
plus facile une rencontre clinique ? », « Du patient ou du thérapeute, qui
devrait faire le premier pas vers l’autre ? », « Comment se montrer le garant
du cadre et tenir jusqu’au bout ? », « Qu’est-ce qu’un entretien clinique va
nous apprendre ? », etc.
Voici quelques éléments de réponses à ces questions.
capables de lui apporter de l’aide, ou que notre proposition est bien meil-
leure que toutes celles que les autres acteurs de sa vie peuvent lui proposer.
En fait, le refus de soin peut avoir d’autres significations au sein de
la famille et il incombe au thérapeute de chercher son sens implicite.
« La velléité de refus d’un des parents (dans l’expérience clinique, il s’agit
presque toujours du père) peut témoigner de son besoin d’affirmer un
“pouvoir”, une “autorité” qu’il craint de voir lui échapper ou de sa crainte de
confrontation avec un médecin psychiatre, surtout s’il a déjà consulté pour
lui-même (dépression, alcoolisme, maladie mentale ou autre). » (Marcelli,
1999) Peu importe qu’il s’agisse d’envie d’affirmer son pouvoir ou son
autorité, le refus de soin peut être lié à une situation ou à un conflit intrafa-
milial. On ne refuse pas une aide sans raison. Explicite ou non, cette cause
doit être recherchée. Souvent, les familles peuvent se braquer par crainte ou
manque d’informations. Les parents peuvent se demander à quoi servira
cette consultation. La consultation en soi peut réactiver les angoisses, les
stress, les traumatismes, les conflits, bref les émotions que les membres de
la famille n’aiment pas revivre. Ce refus de soin peut alors être compris
comme étant un manque d’informations de qualité, soit parce que les
parents ont eux-mêmes des difficultés psychiques, soit parce qu’ils rencon-
trent des difficultés à voir celles de leurs enfants, etc.
Enfin, le refus de soin est à prendre avec sérieux. Le thérapeute examine
dans quels cas ou dans quelles conditions il peut accompagner ou amener
le patient et sa famille à venir sur le long cours ou une seule fois.
Il peut paraître étrange qu’un thérapeute appelle un adolescent ou un
enfant, qu’il n’a jamais rencontré physiquement, « le patient ». Oui, il est
« le patient » à la seconde où il est informé.
De même, il devient un patient quand un dossier à son nom est ouvert,
quand le thérapeute s’entretient avec lui ou son représentant légal, ou
encore quand il est informé d’un rendez-vous au cabinet. Rappelons que
plusieurs raisons citées plus haut peuvent être la cause de son refus de venir
rencontrer le thérapeute.
Observation participante
La pédopsychiatrie est une discipline médicale. Elle est de ce fait une science
et un art. On peut faire un lien entre la broderie artisanale et la technique
d’évaluation sémiologique. Peu importe le type de questions que l’on a
envie de poser ou qui semblent importantes à poser, le thérapeute doit se
laisser guider par le patient ou ses parents. Lors de l’entretien, le thérapeute
est comparable à ce fil que les grands-mères utilisent et qui se laisse guider
par l’aiguille lors du tricotage d’un bonnet ou d’une paire de gants.
Le thérapeute rebondit, reprend, ramène, propose, bref, il visite et revisite
toute la symptomatologie du patient sans précipitation, mais en faisant ce
double travail de réflexion sur ce dont l’informe le patient et sur ses propres
pensées et ressentis. Cette observation repose « sur l’implication de l’obser-
vateur dans la situation observée » (Ciccone, 2018). Conduire un entretien
clinique revient pour le thérapeute à accepter d’être observé pendant que
lui-même observe l’autre. Jongler avec ces différentes possibilités d’observa-
tions lors d’un entretien n’est pas facile.
Habituellement, on peut constater trois situations d’observations cli-
niques pendant un entretien pédopsychiatrique :
• le thérapeute qui observe le patient ou son entourage ;
• le thérapeute observé en train d’évaluer le patient ou de mener l’entretien
clinique ;
• le duo patient-thérapeute qui interagit (dans une optique de porter un
regard méta sur ce qui se passe ou se noue et se dénoue entre eux).
Ces trois observations cliniques qui viennent d’être énumérées ne font
pas l’objet d’un développement dans ce guide parce qu’elles sont plus utiles
quand on parle de psychothérapie que de sémiologie pédopsychiatrique.
Par ailleurs, la démarche sémiologique va au-delà de ces observations. Ce
qui importe, c’est la manière de réaliser cet exercice clinique. Que l’on soit
du côté de l’observateur ou de celui de l’observé, le thérapeute applique
cette gymnastique mentale afin de passer entre ses diverses positions.
Pour réussir cette gymnastique, le thérapeute adapte ses questions
ouvertes, semi-ouvertes et semi-directes à l’âge et à la problématique du
patient. Il doit éviter de suggérer des réponses au patient. Il faut également
éviter des termes vagues et flous tels que : « Ton père est maniaque ? »,
« Ta sœur est dépressive ? » ou « Ta mère est bipolaire ? », « Es-tu souvent
angoissé ? », C’est toi qui as déchiré le carnet de Jules ? », « Parle-moi de tes
affects ou de tes pulsions », etc.
Les termes et les expressions techniques des professionnels ont souvent
une autre signification ou connotation dans le langage courant. Il faudrait
éviter d’utiliser le jargon « psy » et adapter au mieux le discours au niveau
de compréhension du patient ou de ses accompagnants. Si le patient et
son entourage utilisent les terminologies pédopsychiatriques ou psycha-
nalytiques, le thérapeute doit essayer de comprendre par le biais d’exem-
ples ce qu’ils veulent lui communiquer. Le thérapeute se doit de déplier
les informations qu’il reçoit. Il doit expliciter et clarifier les propos de ses
interlocuteurs.
« Avec qui es-tu venu ? », « Qui est la personne qui t’accompagne ? », « À qui
parles-tu de tes souffrances ? », « Quel est ton rôle dans ce groupe d’amis ? »,
« Que ressens-tu à ce sujet ? » ; etc.
Technique d’évaluation directe ou fermée
Elle consiste à poser des questions claires, courtes, nettes et brèves au
patient, des réponses courtes et précises étant attendues en retour. Le thé-
rapeute peut demander par exemple : « L’as-tu vu, oui ou non ? », « Es-tu
sûr de ce que tu me racontes ? », « Est-ce que tu étais présent à l’école hier
ou cette semaine ? », « Penses-tu être prêt ou pas encore ? », « Es-tu triste,
en colère, fatigué, énervé ? », « Demandes-tu de l’aide quand tu n’y arrives
pas ? », « De qui penses-tu être le plus proche dans ta famille ? », « Entre ton
père et ta mère, avec qui penses-tu être le plus complice ? », etc.
Autres techniques d’entretien
Il existe une multitude de techniques pour mener un entretien clinique.
Cela dépend du cursus académique du thérapeute, de ses compétences et
de ses expériences théoriques et pratiques, de sa souplesse dans les « inter-
visions » et supervisions avec les pairs ou les formateurs, de sa créativité,
de son implication, etc. Bref, il n’y a pas une meilleure manière de mener
un entretien clinique. Un bon entretien clinique est un entretien qui
permet au thérapeute et au patient d’atteindre un objectif déterminé, ou
lorsque le thérapeute apporte de l’aide au patient par sa fonction alpha.
À la fin de chaque entretien, le patient est censé sentir ses symptômes
apaisés. Le thérapeute apprend également et se perfectionne auprès de
ses patients.
La liste des techniques étant exhaustive, voici quelques techniques
d’entretien détaillées.
Épisode narratif
Dans l’objectif d’obtenir assez d’éléments cliniques, le thérapeute aide le
patient à déplier ses épisodes narratifs. Les faits, les interventions, les ressen-
tis des uns et des autres sont examinés avec finesse. Le thérapeute cherche
l’affect dans la narration. Il peut demander au patient : « Comment ta mère
s’est-elle sentie quand tu lui racontais cette scène ? » Le thérapeute invite le
patient à dépister, à expliciter ses propos, ses ressentis, ses affects, etc.
Focalisation des affects
La focalisation des affects demande de la part du thérapeute d’orienter son
entretien sur les affects présents durant la séance. Cette technique dite de
focalisation des affects est plus usitée en thérapie fondée sur la mentalisa-
tion (Mentalisation Based Therapy – BMT). Le thérapeute essaie de se cen-
trer sur ce qui est en train de se passer dans la séance. Il reste focalisé sur
le moment présent de la séance. À plusieurs reprises, il doit infirmer ou
confirmer ses hypothèses en obtenant une validation de la part du patient.
Évaluation situationnelle
Les informations cliniques à rechercher dans l’anamnèse repositionnent ou
situent le cadre de la rencontre clinique. L’anamnèse du patient et de sa
famille (cf. partie II), apporte des éléments clés au bénéfice de la rencontre
clinique. Il s’agit alors de décrire « tous les aspects de la situation originaire
faisant appel à la richesse et à la complexité de l’avènement d’un enfant.
Ainsi, le clinicien accueille tant l’intégralité de la réalité actuelle, y compris
biologique et sociale, de l’enfant, de sa fratrie, de ses parents et de sa famille,
que l’intégralité des événements, si minimes qu’ils soient, qui auraient pu
jouer un rôle dans l’apparition, l’évolution, l’aggravation ou la disparition
des signes et symptômes du tableau clinique allégué. » (Disnan & Alvarez,
2010) Le thérapeute devrait prendre et accorder le temps suffisant à ses
patients afin de bien tracer les contours de son évaluation. Cette notion
situationnelle rappelle combien la recherche anamnestique ne devrait pas
être réalisée à la hâte. Le clinicien devrait se donner le temps nécessaire
pour aborder tous les aspects de la vie du patient.
Évaluation historicisante
L’anamnèse plante toujours les premiers jalons de la rencontre clinique.
En pédopsychiatrie, il est important de se souvenir que « le bébé advient,
ontologiquement, anthropologiquement, à l’intérieur d’un tissu d’huma-
nité qui, ayant précédé sa conception, fournira le substrat relationnel à la
construction de son être somato-psychique. De cette manière, nous devons
nous soucier de la rencontre de l’histoire de l’enfant, si courte qu’elle puisse
être, avec l’histoire de ses parents, dans un travail de mise en récit d’une his-
toire neuve, qui intègre, élabore, différencie et donne du sens aux scénarios
du passé et aux événements du présent. » (Disnan & Alvarez, 2010) En fait,
tout ce travail ne peut être possible que si on se laisse réellement le temps
de rencontrer les patients et leurs parents, leur donnant l’opportunité de
raconter leur propre histoire.
Il est plus dans la projection, la persécution, les acquisitions ou, tout simple
ment, il a de la peine à répondre ;
• le patient qui a un fonctionnement structurel psychodynamique du type
borderline donne des explications qui vont dans tous les sens. Il se disperse
et ses réponses sont difficiles à cerner. Pour autant que le psychotique est
insaisissable, le borderline est plus vague et dispersé.
Remarque
Lors de l’entretien, le thérapeute devrait être plus créatif, malléable, très à
l’écoute ou attentif à ce qui vient de lui-même et du patient. La psychanalyse
nous apprend beaucoup de choses. N’est-ce pas que l’analyste s’écoute soi-
même en écoutant le patient ? Plus encore, à l’image de Lacan, l’analyste
écoute le sujet parlant ou le sujet de l’inconscient du patient, de son propre
inconscient et de l’inconscient partagé entre deux. Cela dit, le thérapeute
peut utiliser des exemples, des anecdotes, des histoires ou contes, des adages
ou proverbes et maximes, des connaissances culturelles, religieuses, scienti-
fiques, etc. pour arriver à s’accorder avec le patient. Ces différents moyens ou
médiations ont pour but de permettre au patient d’expliciter, de verbaliser, de
laisser entendre, d’exprimer les affects, émotions, pulsions, angoisses, désirs,
fantasmes, etc., la finalité étant de l’amener à élaborer les éléments de son
monde interne à l’aide de son histoire, ses symptômes, ses angoisses, etc.
La sémiologie pédopsychiatrique :
une sémiologie médicale
Une chose reste vraie : nous n’allons pas répéter que la pédopsychiatrie est
une discipline scientifique et donc une branche de la médecine. La sémiologie
pédopsychiatrique répond aux critères généraux de la sémiologie médicale,
la discipline mère. L’objectif de cette sémiologie est de classer les maladies
ou les troubles en syndromes à partir des signes ou symptômes des patients.
Nous pouvons dire que « la perception visuelle est le fondement de la
clinique, comme mode de constitution des objets de connaissance et d’ins-
tauration d’une pragmatique de la communication qui évite le langage. »
(Brusset, 1999) À la lumière de quatre temps d’examen sémiologique (ins-
pection, palpation, percussion et auscultation), le thérapeute porte une
écoute affective, émotionnelle, verbale, comportementale, etc., au patient.
Le thérapeute doit se mettre à la hauteur du patient. C’est ce que nous
avions annoncé plus haut, le thérapeute devrait être en accord ou accordé
au patient. Ceci veut dire qu’il doit être en résonance affective émotion-
nelle, gestuelle et posturale avec le patient. La distance physique ou char-
nelle entre le thérapeute et le patient est contrebalancée par l’empathie du
thérapeute. Il doit aussi adapter son langage à celui du patient selon son
âge, sa langue parlée, le débit de ses phrases, son gestuel, etc. Le thérapeute
doit faire attention de ne pas entrer dans la séduction. C’est un véritable
exercice de communication polysensorielle comme l’a conseillé Meltzer
dans ses travaux des années quatre-vingt.
Par exemple, la prise de notes durant l’entretien ou en leur présence risque
de mettre le patient mal à l’aise. Il est important d’essayer de mémoriser au
maximum les informations lors des entretiens et les transcrire en deuxième
temps. D’autres patients, en revanche, seraient plus rassurés en voyant le
thérapeute prendre des notes au cours de l’entretien. Il est important de
s’accorder et de s’ajuster aux besoins de ses patients.
Un autre exemple est celui du froncement de la face, des mimiques ou
des expressions d’intonation : la position ou changement de position sur
son fauteuil, le regard, bref, toute la chorégraphie mimo-gesto-posturale et
verbale doit être accordée entre le thérapeute et le patient.
Neutralité bienveillante
Le thérapeute doit avoir une attitude bienveillante et neutre. Cette capa-
cité rappelle ce que Bion conseille d’être sans mémoire, sans désir et sans
connaissance. « La neutralité bienveillante désigne une attitude où le psy-
chanalyste doit s’abstenir de tout jugement moral, ou de valeur, ne donne
jamais de conseils. » (Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012) L’évaluation
clinique n’est, en aucun cas, un moment de porter un jugement de valeur,
un cadre pour faire valoir ses connaissances sur la vie et ses exploits de tout
genre, ou un temps pour imposer au patient une philosophie quelconque
ou lui faire accepter notre manière de voir ou d’appréhender le monde.
Le thérapeute n’est ni un éducateur, ni un travailleur social, ni un péda-
gogue, etc. Il a comme devoir d’évaluer les difficultés ou troubles psychiques
probables que présente le patient. De ce fait, il est invité à poser un diagnos-
tic et à proposer une prise en charge adéquate. La neutralité bienveillante
lui permet de garder sa casquette thérapeutique tout en se montrant empa-
thique et touché par le patient. Il se garde de s’écarter de son chemin, mais
doit faire preuve de la souplesse psychique dans ses associations, ses ques-
tions, ses interrogations pour comprendre au mieux les difficultés ou pro-
blèmes de ses patients.
La neutralité bienveillante consiste à savoir où est la frontière entre ce
qui appartient au thérapeute, ce qui est réveillé par ce que lui raconte le
patient, ce qui appartient au patient, ce qui appartient à un membre de la
famille, ou un ami, ou un proche du patient dans l’objectif de tout inté-
grer et lui fournir une explication cohérente conduisant vers une prise en
charge adéquate. La démarche psychodynamique est faite d’activités de tri,
de séparation, de clarification, d’intégration, de réunification, de rappro-
chement, de limitation, etc. Bref, ce travail requiert de l’énergie psychique
et de l’adaptation constante au patient.
La neutralité bienveillante n’est pas synonyme d’être silencieux du début
à la fin de l’entretien. Le silence du thérapeute est requis de temps en temps,
mais pas le long de la rencontre clinique. Un dicton africain dit qu’un sage
est celui qui ne dit pas un mot de trop quand on lui donne la parole. Le
thérapeute devrait être plus proactif, à l’écoute de tout ce qui se joue dans
la séance, et moins intrusif envers le patient.
Pour conclure ce point, nous dirons qu’« il est classique de dire que la
position clinique psychanalytique exige une “neutralité bienveillante”.
Mais dans l’expression “neutralité bienveillante”, c’est le terme “bienveil-
lante” qui est important. Il ne s’agit pas d’être neutre au sens d’“indifférent”
et “impartial”. La “neutralité” concerne simplement la nécessité de neu-
traliser les éléments contre-transférentiels qui font obstacle à la rencontre.
Mais la présence et la position d’écoute se doivent d’être actives et bienveil-
lantes. » (Ciccone, 2018)
Attention flottante
L’attention flottante est une notion essentielle qui mérite d’être prise en
compte dans notre travail clinique. Elle « décrit l’état du psychanalyste en
séance. Obtenir cet état demande une très grande pratique de la part de
l’analyste. Cela signifie qu’il doit laisser son esprit aussi ouvert autant que
possible à ce que suscitent en lui les paroles de son patient ». (Askenazy-
Gittard & Darcourt, 2012)
Si nous reprenons l’exemple du pêcheur, celui-ci ne jette pas son filet
n’importe où dans une rivière ou dans la mer. Du haut de sa pirogue, il
inspecte la rivière, observe le courant d’eau et le mouvement, reste attentif
et jette son filet. Après l’avoir fait, il ne le quitte pas des yeux. Le calme,
le silence, la sérénité, la patience, la rapidité et bien d’autres qualités lui
sont bénéfiques pour qu’il ne perturbe pas la vague des poissons qui se
dirigent vers son filet et puisse les attraper. De cette même façon, l’attention
flottante aide le thérapeute à garder le cap et rester réactif et proactif lors de
son entretien. La notion d’attention flottante complète celle de la neutralité
bienveillante du thérapeute.
Comme dit plus haut, la neutralité bienveillante et l’attention flottante
ne sont pas corollaires au silence tout le long de l’entretien. Le thérapeute
est observateur et observé à la fois. Au cours de l’entretien, nous devrions
montrer ou témoigner notre intérêt, notre empathie, notre capacité
réflexive sans être intrusifs ni brutaux, mais respectueux. Rappelons que
certains patients peuvent avoir autour d’eux des gens (amis, voisins, col-
lègues, etc.) qui peuvent leur témoigner une affection particulière ou non
en écoutant leurs souffrances. Cette attention cherchée ou obtenue auprès
des tiers est très différente de celle que le thérapeute leur accorde dans un
setting clinique.
En outre, nous savons que les proches du patient ne prennent pas la pos-
ture thérapeutique. La différence entre notre attitude professionnelle et
celle des voisins, familiers, amis, copains, amoureux, etc. des patients est
que notre posture de thérapeute nous permet de leur porter et de leur prê-
ter toute notre attention. Nous leur montrons que nous sommes affectés,
touchés, préoccupés, intéressés et surtout disponibles pour cheminer avec
eux dans la compréhension de ce qui se passe en eux. Pendant que leurs
proches profitent de moment où les patients racontent leurs difficultés à
parler d’eux-mêmes, ils ne peuvent pas leur témoigner leur empathie. Ils
peuvent se mettre à faire de la comparaison soit avec leur propre vie, soit
avec l’expérience des autres membres de la famille, amis ou voisins, etc.
Certains les jugent, les critiquent, ou dissipent leur ennui, car c’est peut-être
la énième fois que le patient leur raconte son histoire, etc.
Au cours de l’entretien clinique « il ne s’agit pas seulement, en effet, de
jeter des ponts entre notre pratique clinique et les modèles théoriques qui
ont pu être forgés par d’autres, ni même entre notre pratique clinique et
les repères théoriques personnels que nous pouvons nous donner ou nous
inventer à partir des modèles existants. Il s’agit, nous semble-t-il, comme le
fait le bébé, de faire converger sur un seul et même objet une pratique de la
relation à cet objet et une théorie de la connaissance de cet objet. Les choses
sont donc très ciblées, très focalisées. » (Golse, 2000) Ainsi, le travail d’éva-
luation ou d’entretien pédopsychiatrique est un tout. Il réveille en nous des
sensibilités selon la problématique de nos patients.
le but de créer une belle alliance thérapeutique, qui est la base d’une prise
en charge conséquente et fructueuse.
Une des techniques qui facilitent la création de cette alliance thérapeu-
tique est la validation des stratégies mises en place par le patient pour
apaiser ses souffrances. Par exemple, pour un patient qui est envahi par
des idées suicidaires, le thérapeute peut valider dans un premier temps
la proposition du patient de passer plusieurs heures devant les écrans en
jouant aux jeux vidéo afin d’éviter des passages à l’acte autodommageable.
La question de dépendance ou non aux jeux est abordée ou analysée dans
un second temps.
Le thérapeute examine la présence ou non des croyances négatives sur
soi. Il s’agit d’une vraie analyse fonctionnelle dans le but de vérifier avant
de valider les différentes hypothèses fonctionnelles du patient. Continuelle-
ment, le thérapeute demande au patient, par exemple : « Qu’est-ce que tu as
compris de ce que nous venons de discuter ? » ou « À quoi cela t’a-t-il fait
penser ? ». Le thérapeute gagne énormément en adoptant une position de
non-savoir pour permettre à son interlocuteur de laisser émerger quelque
matériel clinique pouvant orienter la prise en charge.
Alliance de travail
L’alliance de travail est un point très central dans la prise en charge de nos
patients. Cette alliance est à ne pas confondre avec l’alliance thérapeutique,
le transfert, ou le contre-transfert. Il est à noter que cette alliance permet
au thérapeute de travailler avec ses patients, car leur fragilité narcissique
ne leur permet pas de demander de l’aide. L’alliance de travail se cocons-
truit durant l’évaluation. Le thérapeute identifie la partie saine et la partie
malade du patient (c’est-à-dire la partie non hypomaniaque, maniaque,
dépressive, psychotique, etc.). Il s’allie à la partie saine pour aller rencon-
trer ou soigner la partie malade. Il s’agit de transformer le patient en un
véritable allié.
Cette alliance n’est pas spécifique à une psychothérapie ni à un type
d’évaluation, son avantage est qu’elle permet d’avoir de bons résultats.
Elle contrebalance le transfert ou contre-transfert positif ou négatif en per-
mettant aux protagonistes des soins de se supporter mutuellement dans
l’objectif de travailler ensemble. N’est-ce pas le principe de : « un pour tous
et tous pour un » ?
En fait, avant tout entretien de ce type, observé par des tierces personnes
ou vidéo enregistrée, il est vivement recommandé d’informer les patients
et ses parents. Les thérapeutes doivent recueillir l’accord des patients après
leur avoir fourni des explications en des termes clairs et adaptés.
La crise sanitaire de 2020 liée à la pandémie de coronavirus (Covid-19)
a introduit une autre disposition dans la prise en charge des patients. Les
entretiens en distanciel ont été menés dans la plupart des cas sous forme
de télétraitement à l’aide des applications webinaires (Zoom, Webex, Skype,
etc.) ou par téléphone. Ce nouveau dispositif est une raison de plus pour
que les patients et leurs parents soient informés de toute modification ou
tout remaniement afin qu’ils ne se sentent pas menacés, imposés ou sou-
mis à la volonté des thérapeutes. Lorsque les thérapeutes leur donnent des
explications à propos du cadre et du déroulement de la séance, ils doivent
par la même occasion demander si le patient et ses parents sont d’accord pour
que les enregistrements servent également à un usage formatif (enseigne
ment universitaire, discussion sur les techniques d’entretien, etc.). « Cela,
en général, n’entraîne pas beaucoup de difficultés dans la mesure où les
gens ne se sentent pas soumis à des pressions, mais ont le sentiment de
collaborer à une œuvre utile. » (Houzel, 2018)
De son côté, Winnicott souligne le fait qu’il est difficile de rapporter avec
fidélité les informations recueillies. « Ce que je demande à l’étudiant avant
toute chose, c’est un compte rendu précis et fidèle ; or, c’est là, on le sait
bien, un travail très difficile. Ni la bande magnétique ni la vidéocassette
ne constituent une solution satisfaisante. » (Winnicott, 1971) Un enregistre
ment vidéo aide à revoir les moments forts et faibles de l’entretien et
pointer les difficultés ou les stratégies pour améliorer les compétences tech-
niques et thérapeutiques. Le thérapeute peut visionner l’enregistrement
avec le patient. Plusieurs thérapeutes (thérapie fondée sur la mentalisation,
thérapie systémique, etc.) et les chercheurs enregistrent très régulièrement
les séances. Ces images permettent de corriger, de comprendre, d’amélio-
rer les compétences du thérapeute. Elles permettent également d’aider le
patient avec ses parents à visualiser avec le thérapeute les différents points
à améliorer dans la dynamique parents-enfants ou dans le système familial.
Cadre spatiotemporel
On parle de la disposition du bureau, du setting thérapeutique ou de la posi-
tion patient-thérapeute (en face-à-face, en diagonale, assis sur le tapis, etc.).
Nous laissons au thérapeute décider comment disposer les chaises de son
bureau. Il doit privilégier son propre confort et celui du patient. Le confort
peut s’évaluer sur le plan externe ou interne. Le patient doit pouvoir trou-
ver un moyen ou une possibilité de sortir du bureau quand ses pulsions ou
émotions émergent. Nous conseillons de disposer les chaises perpendicu-
lairement et moins en face-à-face comme c’est le cas chez certains « psys ».
En ce qui concerne le temps d’une séance, les thérapeutes sont assez
d’accord sur une durée moyenne de ¾ d’heure. « La durée d’une première
consultation clinique en pédopsychiatrie est loin d’être consensuelle, sauf sur
la durée minimale qui ne peut être inférieure à 45 minutes. » (Brunschwig,
2001) Quoi qu’il en soit, le thérapeute doit être suffisamment bon pour per-
mettre au patient de lui apporter les matériels suffisants pour conclure une
évaluation pédopsychiatrique.
La pédopsychiatrie genevoise offre un modèle assez parlant de l’adapta-
tion ou la malléabilité que doit avoir un thérapeute vis-à-vis du patient et
du cadre spatiotemporel. À Genève, plusieurs dispositifs permettent d’offrir
les soins psychiques. Ces services offrent un espace orientant par la suite
le patient et sa famille vers les structures plus habituelles ou plus formelles
dites « les lieux de soins psychiques » ; citons les hôpitaux universitaires de
Genève (HUG), avec leurs multiples services qui font d’eux une unité de tra-
vail et de soin pour les enfants, les adolescents et leurs familles. On retrouve
également au sein du système de soins genevois des équipes mobiles, des
équipes de liaison, etc.
Toujours à Genève, des dispositifs ou services représentent la porte d’entrée
directe ou indirecte pour les consultations ambulatoires ou consultations
de secteur et l’unité d’urgence de l’OMP (Office médico-pédagogique), les
structures spécialisées de l’OMP (les équipes pluridisciplinaires, les psycho-
logues au sein du cycle ou des écoles de culture générale, les écoles de péda-
gogie spécialisée anciennement appelées de centres médico-pédagogiques,
les dispositifs d’inclusion, les classes spécialisées intégrées au sein de l’ensei-
gnement dit ordinaire, des foyers thérapeutiques, des centres de jours, etc.).
Chacune de ces diverses structures bénéficie de la présence d’un thérapeute
qui ne joue pas un rôle de psychothérapeute pour les patients, mais a un
regard pédopsychiatrique et donc thérapeutique. Il est là pour évaluer la
Cela dit, « le détour par le passé apparaît ainsi comme opportunité et tac-
tique de l’entretien, visant à favoriser l’expression de la dimension incons-
ciente des interactions parents-enfants. Toutefois, si l’évocation du passé
ouvre à une pluralité de significations du présent par la décentration qu’elle
permet et les digressions qu’elle induit, elle peut apporter des éléments
précieux qui viendront confirmer ou invalider les hypothèses explicatives
ou interprétatives qui peuvent être esquissées à partir des diverses sources
d’information qu’utilise la démarche diagnostique. » (Brusset, 2018)
Par exemple quand le patient dit : « Je ne veux pas aller à l’école » (phrase
explicite), le thérapeute entend que ce patient a peut-être peur de laisser
ses parents, a peut-être des angoisses de perte ou d’abandon… (phrase
implicite). Albert Ciccone souligne la différence entre le thérapeute et les
autres professionnels en disant que « si le clinicien évalue implicitement
ces niveaux d’interaction, le chercheur les évaluera de façon systématique,
explicite, expérimentale. Le clinicien, par ailleurs, s’il n’est pas interaction-
niste, peut néanmoins s’inspirer de ces modalités d’observation et recher-
cher toujours la précision dans le relevé des attitudes, des comportements,
des échanges, des interactions verbales et non verbales observées. Cela
donne une voie d’accès aux niveaux intersubjectifs de la relation obser-
vée. » (Ciccone, 2018) Expliciter les contenus latents correspond au travail
de métabolisation des éléments bêta en éléments alpha tel que conseille
Bion dans sa théorie sur la fonction alpha.
Évaluation de l’adolescence
Évaluer un adolescent demande au thérapeute d’être plus attentif à certains
éléments psychodynamiques comme la projection, le clivage, etc. qui sont
considérés comme physiologiques à cet âge. Disons tout d’abord que les
adolescents recourent à la régression et à la projection au cours de leur
développement. La projection à l’adolescence protège le moi contre l’effon-
drement et maintient le test de réalité du patient. La régression et la pro-
jection lui permettent de se défendre de la double menace qui leur vient
de l’intérieur et de l’extérieur de son corps. Certains jeunes adolescents, au
lieu de régresser, se comportent comme des agresseurs ou des caïds vis-à-vis
des autres quand leur entourage social n’est pas bienveillant envers eux. Les
projections et la régression sont très bénéfiques à cet âge et empêchent que
le patient ne tombe dans l’arrêt ou l’impasse du développement.
En fait, le thérapeute doit donner aux adolescents la liberté de vivre
leur choix et leur contradiction. L’entretien avec l’adolescent doit rendre
l’ambivalence tolérable et gérable. Il ne faut pas le forcer à se déterminer
ou à prendre une position ou une décision face aux demandes des tierces
personnes à l’avance. On devrait éviter de donner des injonctions ou des
ordres exécutables sans laisser la possibilité de choisir aux adolescents.
Comme nous l’avons dit plus haut, le thérapeute crée un territoire auprès
de l’adolescent. Cet espace lui offre un point d’appui ou une occasion de se
positionner à côté du patient, l’objectif étant d’inviter le patient à regarder
avec lui dans une même direction.
Mme et M. Laufer, dans leurs travaux, rappellent que l’évaluation de
l’adolescence est un exercice particulier et différent de l’évaluation du fonc-
tionnement psychique des adultes et des enfants. Comme dit plus haut, le
thérapeute doit arriver à dire à la fin de son évaluation quel est son diagnos-
tic et quelle prise en charge est proposée au patient. Il lui est demandé
de répondre aux trois autres questions liées à l’aspect du développement
psychique de ces adolescents. Ces dernières questions complètent les trois
questions précédentes qui sont : d’où vient-il ? Où est-il ? Où va-t-il ?
Est-ce que l’adolescent se trouve dans l’impasse développementale ?
Un adolescent est dans l’impasse développementale quand il perd ses capa-
cités à faire du step back pour se donner le temps de réfléchir et de trouver
d’autres solutions à ses problèmes quotidiens. L’impasse est donc cette inca-
pacité de pouvoir reculer. La personne n’a plus de possibilité de poursuivre
sa trajectoire étant donné qu’elle bute contre un mur. L’adolescent qui est
dans l’impasse est comme un homme qui se trouve sur un chemin qui n’a
pas d’issue.
Est-ce que le patient est dans l’arrêt ou la rupture développemental(e) ?
On parle de l’arrêt du développement chez un adolescent quand il n’éprouve
plus d’angoisse. En d’autres termes, l’angoisse chez ces adolescents en
Quand ?
Certains symptômes peuvent être identifiés dès leur début et d’autres, au
contraire, restent difficiles à relever. L’important, c’est d’essayer de dater ou
de trouver la durée approximative, si non exacte, d’installation des troubles,
avec l’aide du patient ou de ses accompagnants.
Le thérapeute devrait dater le début d’apparition des troubles ou des
symptômes avec l’aide du patient ou de son entourage. Il peut être difficile
de déterminer exactement quand sont apparus les premiers symptômes,
mais avoir une idée probable de la durée s’avère nécessaire pour poser le
diagnostic catégoriel par exemple.
Les questions suivantes peuvent être posées dans ce but : « Quand cela a-t-il
commencé ? », « Quand aviez-vous constaté ce changement ? », « Quand
aviez-vous remarqué des améliorations ? », « Depuis à peu près combien de
temps n’arrives-tu pas à dormir suffisamment ? », « Depuis quand se plaint-
il de perte d’enthousiasme ? »
La durée est un des critères majeurs pour poser tel ou tel diagnostic
catégoriel. Par exemple pour le trouble psychotique, il faut au minimum
un mois d’installation des troubles. Avant d’évoquer un diagnostic de la
schizophrénie, la durée conseillée est de plus d’un mois et de moins d’un
an. Le diagnostic de trouble de l’humeur (la dépression, le trouble bipolaire,
etc.) est posé avec une durée minimum de 2 semaines sans interruption.
Comment ?
Cette question renvoie à la manière dont le patient explique son symp-
tôme. Quel est le chemin pris par le symptôme pour s’extérioriser ? Quels
sont les facteurs aggravants, protecteurs, précipitant ou déclencheurs du
trouble ? Il s’agit de répondre ou d’établir les modalités d’installation des
symptômes. Quelles étaient les probables ou réelles réactions du patient ou
de son entourage devant l’apparition des symptômes ? Est-ce que le patient
a cherché à se protéger, se soigner, les cacher, les nier, etc. ? Comment
explique-t-il les hypothèses de la genèse de ses troubles ? Comment est-ce
arrivé ? « Comment aviez-vous réagi en l’apprenant ? », « Comment tes
parents te considèrent-ils ? », « Comment t’en es-tu sorti ? », etc. Cette
question pose les premiers jalons d’un début de narration de son histoire,
de sa vie, de soi, etc.
Pourquoi ?
Le thérapeute doit essayer de confronter le patient à ses croyances, à ses consi-
dérations, à ses symptômes et à la réalité. Il est important de contextualiser
et de remettre les informations reçues dans le cadre socioculturel. On devrait
éviter de prendre des décisions ou de conclure de manière hâtive. Cette ques-
tion du pourquoi fait appel aux fonctions du moi qui sont développées dans
la partie III. Le thérapeute se demande : quelles sont les hypothèses que se
fait le patient ou son entourage vis-à-vis de la symptomatologie passée et
actuelle ? « Pourquoi n’en parles-tu que maintenant ? », « Pourquoi ne l’as-tu
pas pris ? », « Pourquoi te faire vomir ? », « Pourquoi es-tu le seul à entendre
ces voix ou à avoir ces visions ? », « Dis-moi exactement pourquoi, selon
toi, les autres élèves t’embêtent à l’école », « Puis-je savoir quelles étaient tes
motivations à ce moment-là ? », « Est-ce que tes parents savent pourquoi il
t’est difficile de rester sur place ou pourquoi tu prends des drogues ? »
Où ?
Cette question cherche à identifier le lieu, l’endroit, l’origine des troubles
ou des symptômes rapportés. Étant donné qu’il s’agit d’une évaluation
pédopsychiatrique, le lieu ou la zone, ou la région ou le siège de la maladie
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Déroulement de la grossesse
Le thérapeute essaie de tracer les événements cliniques saillants qui ont
précédé la conception de la grossesse ou qui se sont déroulés pendant la
grossesse, les antécédents psychiatriques et somatiques des parents avant et
pendant la conception.
Quels ont été les effets et les réactions des parents face aux difficultés, à
l’incapacité de concevoir ? Quelle a été la répercussion sur le fonctionne
ment de la dynamique familiale, dynamique du couple, chez l’un des
parents ou l’entourage familial ?
des parents) ? Est-ce que les proches parents ont montré de l’empressement
ou ont-ils moins soutenants envers le couple parental ? Quelle était la place
de cette grossesse dans la lignée intergénérationnelle ? Quelle signification
symbolique a porté cette grossesse au sein de la famille élargie ?
Période périaccouchement
Les événements cliniques que le thérapeute recherche sont ceux qui infor-
ment sur l’ensemble d’événements ou le moment qui entoure l’accouche-
ment. Il s’agit de déceler des éléments psychopathologiques qui peuvent
orienter la démarche clinique vers de probables pathologies du lien parent-
enfant. Plus le patient est âgé, plus les informations sont difficiles à collec-
ter, ceci à la suite d’une amnésie probable de cette période. L’essentiel est de
rester le plus possible en connexion avec les affects des parents.
Par ailleurs, cette investigation n’est pas sans conséquence, car elle
réveille les souvenirs enfouis que peut-être le parent ou le patient ne voulait
plus se rappeler. Il est important de répéter que l’évaluation clinique est un
moment très délicat et important. Par ses compétences théorico-pratiques,
le clinicien trace avec plus de fidélité la chronologie du développement
psychomoteur du patient.
Le terme et ses circonstances devraient être analysés : est-ce que le patient
est né à terme, prématuré ou après terme ? L’accouchement s’est-il déroulé
dans les conditions physiologiques ou non (on recherche la notion d’un tra-
vail déclenché artificiellement ou naturellement : qu’est-ce que les parents
ont compris du pourquoi de ce déclenchement du travail ?) ? Quelle a été
la durée du travail d’accouchement ? S’agit-il d’un accouchement par voie
basse ou par césarienne, et pourquoi (indications de la césarienne si pos-
sible) ? Quels sont les souvenirs et les impressions affectivo-émotionnelles
de cet accouchement ?
Certaines questions viennent compléter l’analyse de cette période périna-
tale. Le thérapeute demande par exemple : est-ce que la mère et le patient
ont eu des problèmes dans la période périnatale ? Quel était le poids, la
taille du bébé ? Le patient a-t-il été réanimé à sa naissance ? On recherche la
notion de séjour du bébé en couveuse ou une autre forme de réanimation.
Est-ce que le cri du bébé était faible, fort, peu audible, absent à sa naissance ?
Les parents peuvent-ils raconter les débuts des tétées à la naissance ?
Lequel des deux parents se montrait le plus disponible pour le bébé ? Ont-ils
reçu de l’aide de la part de leur entourage familial, des amis ou des voisins ?
Peuvent-ils aborder la question des premiers soins (nettoyage, bain, change
des couches, etc.) ?
Est-ce que le patient a présenté une pathologie congénitale (ictère néo-
natal, cardiopathie congénitale, malformation congénitale, etc.), acquise
Exploration de l’attachement
Il est établi que « dès la naissance, le bébé va expérimenter, chaque jour et
de nombreuses fois par jour, que la même personne s’approche, et par une
série d’interventions, lui apporte le réconfort, apaise sa détresse et lui per-
met de retrouver un état d’équilibre, de détente et de reprendre le contrôle.
Cette personne lui parle, agit, lui fait ressentir qu’elle partage son vécu émo-
tionnel, soulage sa détresse et lui fait vivre l’expérience répétée que le chaos
est suivi de solutions positives. » (Guédeney et al. 2008) Le thérapeute
cherche comment le bébé a fait ses multiples rencontres et la qualité de
ses empreintes précoces. Rappelons que le patient perçoit les modifications
posturales et relationnelles du handling et holding de l’adulte. Il est de ce fait
sensible à la disponibilité psychique de son caregiver.
Le thérapeute devrait accorder plus de temps à son exploration de la
période de la première enfance. Il se demande comment le patient a pu
développer sa capacité d’imitation, d’identification, comment étaient ses
jeux symboliques, acceptait-il les limites que posaient les parents ou la fer-
meté des parents ? Faisait-il appel aux adultes ?
Le thérapeute recherche les canaux de communication entre le patient et
son caregiver. Il recherche systématiquement les éléments sensorimoteurs
(les bruits forts, la perte de soutien, les mouvements de ses membres, etc.)
et la manière dont le patient exprime ses peurs, ses joies, sa curiosité, etc.
Comment les parents arrivent-ils à décoder les différents messages que leur
envoie leur bébé ? À quoi les parents sont-ils plus attentifs dans leurs inter-
actions avec leur bébé ?
Il est important de signaler que certaines activités du bébé favorisent son
attachement.
• De la naissance à 3 mois, il peut s’agir de succion, comportement aver-
sif (cris et pleurs), signalisation (babillage et sourire), comportement actif
comme s’orienter vers l’autre, s’agripper, attraper et s’accrocher à l’autre,
suivre le regard, etc.
• Vers l’âge de 3-4 ans : est-ce que le patient a acquis la capacité d’être seul
en présence ou en absence de l’adulte ? Quelle distance physique et rela-
tionnelle peut-il tolérer sans qu’il déclenche l’alarme d’alerte émotionnelle
(le cri, les pleurs, les rires, les différentes vocalisations, se tortiller le corps,
montrer un mal-être, etc.) ?
Les enfants non attachés risquent de développer des troubles instru-
mentaux (trouble de langage, dyslexie), des troubles du comportement,
de l’hyperactivité, des retards sur le plan cognitif et psychomoteur, etc.
Ces patients sont le plus souvent hospitalisés ou placés en institutions
médico-sociales (foyer d’urgence, foyer d’accueil ou thérapeutique, famille
d’accueil, centre de jour, etc.). Ils sont le plus souvent confrontés aux change
ments continuels des adultes qui prennent soin d’eux. Ils ont besoin de la
prise en charge en logopédie, en psychomotricité, en ergothérapie, par des
éducateurs spécialisés, etc.
Une des particularités de ces patients est de tester le lien relationnel. Dès
que l’enfant placé a répertorié la personne importante pour lui, il fait tout
pour tester le cadre et ses limites. Il est important de travailler en supervision
avec la personne référente car l’adulte risque de lâcher prise et de se sentir
submergé ou incapable d’être utile pour le patient. Ce dernier peut se dire que
les adultes lui ont proposé quelque chose d’intéressant, mais qui ne tient pas.
En outre, dans l’anamnèse, le thérapeute explore les réactions du patient
sur le plan comportemental. Il s’interroge sur ses retours de week-ends (si
le patient a des parents séparés et qui se partagent la garde ou le retour
du foyer). Il cherche les manifestations de régression : énurésie, trouble du
comportement, crises clastiques, tolérance à la frustration, crises d’angoisse
ou moments d’anxiété, hypervigilance, etc.
Ces modifications ou ces changements du comportement du patient
peuvent être dus à une réactivation des liens d’attachement par la visite
ou le séjour chez l’un des parents ou dans les foyers. Le patient peut avoir
des lectures distordues du monde interne de ses parents ou de l’adulte qui
s’occupe de lui. Il se met ainsi à crier, à pleurer, etc. Il manifeste ces types de
comportements quand l’adulte est absent émotionnellement pendant qu’il
a besoin de lui. Le thérapeute essaie de voir si les parents ont l’impression
que leur enfant venait les chercher quand ses capacités psychiques étaient
dépassées.
De façon générale, le thérapeute demande : comment les parents interprè-
tent-ils le sourire, le regard, les mouvements, les sons, les agitations, enfin
les différents moyens de communication de leur bébé ? Comment était le
patient dans sa petite enfance sur le plan allaitement, sommeil et interac-
tions avec l’autre ? Quels sont les qualificatifs que les parents peuvent don-
ner à ce bébé réel ? Quelles étaient les réactions ou les interpellations qu’ils
s’échangeaient en famille ? Comment étaient les rapports parents-patient
dès le bas âge du patient ? Quels étaient les éventuels placements durant la
Communication visuelle
La communication n’est pas seulement verbale, il existe d’autres modes
de communication telle que la communication visuelle. Le thérapeute
demande aux parents comment était le regard de leur bébé ? S’agit-il d’un
regard communicateur ou non ? Quel message lisaient-ils du regard de leur
enfant ? Comment décrivent-ils ce regard ? Quels en sont les souvenirs ?
Est-ce que les parents étaient les seuls à remarquer le regard de leur bébé, ou
l’entourage ou le voisinage pouvait-il aussi faire des remarques ? Comment
les parents recevaient-ils les remarques des passants ou de l’entourage fami-
lial (gratifiant, décourageant, persécuteur, accusateur, etc.) ?
• est-ce que l’enfant leur montrait qu’il a envie d’être porté ? Ou quand il
avait un besoin que l’on change ses couches ?
• est-ce qu’il appelait l’adulte quand il était fatigué, ou qu’il avait faim ou soif ?
• est-ce que le bébé montrait qu’il avait envie de dormir ou de changer de
position, etc. ?
• est-ce qu’il bébé avait besoin d’avoir toute l’attention en continu des
parents ou pouvait-il accepter de s’occuper seul en leur présence ?
Comment les parents arrivaient-ils à capter les messages ou signaux de
leur bébé ? Comment réagissaient-ils à tous ses moindres signaux ? Quels
types de souvenirs gardent-ils de ce moment ? Qu’est-ce qu’ils attendaient
de leur bébé ?
Est-ce que les parents se rappellent son premier sourire ? Comment réagis-
sait-il devant un inconnu ou bien encore éprouvait-il de l’angoisse devant
un étranger ?
et son index ?). Il peut s’agir de gestes de manier ses doigts, les contempler,
toucher les objets autour de lui, toucher les doigts de l’adulte, ramener tout
vers sa bouche, se mouvoir en position ventrale ou dorsale, etc.
Cette exploration permet au thérapeute de relever les notions d’hypoto-
nie axiale ou globale, ou une hypertonie. Le patient peut avoir présenté une
maladresse ou une mauvaise coordination ou une inhibition psychomo-
trice. On peut noter des maniérismes, une agitation, une hyperactivité ou
une baisse ou une absence d’activité.
En définitive, tous les éléments du développement précoce du patient doi-
vent être scrutés avec finesse et empathie. Le thérapeute gagne beaucoup en
restant empathique et à écouter les parents, non pas dans la précipitation,
mais avec plus d’attention. Ces informations recueillies pendant l’anam-
nèse lui permettent de créer – sinon de renforcer – l’alliance de travail ou
l’alliance thérapeutique qui sont les éléments clés de la réussite d’un entre-
tien ou d’une observation clinique. La narration de cette période infantile
permet au couple patient-thérapeute d’historiciser la vie du patient.
Sommeil du bébé
Le moment de coucher n’a jamais été identique chez tous les bébés. Les
parents sont confrontés différemment à ses difficultés d’endormissement.
Comment s’y sont-ils pris ? Quel était le rituel de sommeil mis en place
(heure de coucher, atmosphère et lumière dans la chambre des parents ou
du bébé, comptines avant de coucher leur bébé, etc.) ?
On peut classer en deux grands groupes les causes d’insomnie chez les
bébés : il s’agit des origines somatique et psychique.
Origine somatique
Les difficultés d’endormissement ou les réveils fréquents du bébé peuvent
avoir plusieurs causes. Les collègues pédiatres sont plus consultés pour ces
raisons. Dans la mesure où ils le jugent nécessaire et important, ils deman-
dent aux parents de venir nous consulter. Comme exemple, citons les
coliques du nourrisson, qui perturbent grandement le sommeil du bébé.
Elles apparaissent le soir et poussent le bébé au hurlement, au cri, à un
inconfort qui ne laissent pas les parents indifférents.
Origine psychique
Les causes d’insomnie ou de difficultés pour dormir du bébé peuvent apparte-
nir aux parents. On peut aussi retrouver des angoisses de mort, des angoisses
de séparation, etc. chez les deux parents ou chez l’un d’entre eux qui se
transmettent chez leur bébé. Certains parents reviennent vérifier plusieurs
fois dans la nuit, même dans la journée, que leur bébé est encore en vie.
Rappelons que le thérapeute devrait très bien investiguer cette symptoma-
tologie de trouble du sommeil en périnatalité. Nous avons montré combien
l’aide des parents est capitale dans cette recherche clinique. Ces derniers
font obligatoirement partie du dispositif dès le diagnostic jusqu’à la prise
en charge du trouble du sommeil de leur bébé. Mais avant de proposer toute
sorte de traitement, l’évaluation en périnatalité ne limite pas aux premiers
éléments apportés par les parents. Il incombe au thérapeute de creuser et
faire émerger ce qui semble inexistant ou ce qui n’a pas été rapporté ou
n’est pas apparu au premier abord. Comme pour tout symptôme psychique
ou somatique en pédopsychiatrie, le trouble du sommeil est une des portes
d’entrée de la rencontre clinique pour le thérapeute.
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Alimentation
Il est important de noter les différents troubles alimentaires que pourrait
présenter le patient durant sa petite enfance. L’essentiel de l’exploration
des conduites alimentaires du patient ne se limite pas à la seule la petite
enfance, le thérapeute fait un lien avec les données récentes ou actuelles des
conduites alimentaires du patient.
Le thérapeute peut ainsi rechercher le comportement actuel du patient
face aux aliments (légumes, fruits, protéines animales et végétales, sucre-
ries, pâtisseries, etc.). Avait-il développé un refus alimentaire, une anorexie
ou une boulimie ? Le patient fait-il des caprices devant le repas ? A-t-il une
tendance à la potomanie ? Fait-il des régurgitations, des vomissements ?
Présente-t-il des troubles alimentaires de type pica, mérycisme, etc. ?
Comment l’entourage familial ou les parents réagissent-ils face aux difficul-
tés de leur enfant ? La notion de conflit entre parents et patient pendant ou
devant le refus du nourrissage (alimentation) est à examiner.
On constate des troubles alimentaires assez fréquemment chez les patients
ayant un trouble hyperactif avec déficit de l’attention. On recherche de
probables antécédents familiaux de troubles alimentaires.
Sommeil
L’anamnèse devrait nous fournir des informations nécessaires sur la qua-
lité, la quantité et les modalités de sommeil du patient. A-t-il fait ses nuits
tardivement ou non ? Quelles étaient les réactions des parents vis-à-vis du
trouble du sommeil de leur enfant ? Quelles explications donnent-ils à ce
trouble ? Est-ce que le patient continue ou non à dormir dans la chambre
ou dans le lit de ses parents ? Quelles sont les raisons qui ont amené les
parents à garder près d’eux leur enfant toutes les nuits ? À quel âge le patient
a-t-il intégré sa chambre ? Arrive-t-il à dormir seul ou non ? Demande-t-il à
dormir dans la chambre des parents ou avec ses frères ou ses sœurs ? Est-ce
que le patient présente des peurs avant de dormir ?
Acquisition de la propreté
Patient propre : contrôle des sphincters
L’acquisition de la propreté chez le patient est un élément important pour
sa socialisation. L’enfant qui n’est pas propre risque d’être sujet de rejet de
la part des certains adultes ou de ses pairs. Tous les enfants ne contrôlent
pas le sphincter urétral et anal au même âge. Certains, sinon tous, passent
par un apprentissage. Il est important de chercher comment le patient a
acquis la propreté et le contrôle de ses sphincters. À quel âge est-il devenu
propre le jour et la nuit ? Comment était l’acquisition de cette propreté le
jour et la nuit ? Les parents étaient-ils très exigeants ou sévères vis-à-vis de
la propreté ? Le patient a-t-il présenté des résistances aux apprentissages de
la propreté ? Était-il timide ou réservé à cette période-là ? A-t-il présenté des
périodes où il n’était plus propre ?
Les différents troubles psychopathologiques peuvent être relevés. Le
patient peut avoir une énurésie primaire ou secondaire, organique ou non,
il peut présenter des constipations ou une rétention urinaire et fécale. Le
thérapeute recherche le rituel, l’étalage des selles, la polyurie, les douleurs et
infections des voies urinaires et abdominales, etc. Le patient a-t-il présenté
une incontinence urinaire après l’âge de 5 ans ou une incontinence fécale
après l’âge de 4 ans ? Avait-il déjà acquis la propreté avant de redevenir
sale ? Le cas échéant, quelles étaient les causes de cette rechute (maladie
somatique, opération chirurgicale, traumatisme psychologique facile à
objectiver pour l’entourage, etc.) ?
Le plus important dans l’investigation des acquisitions de la propreté
est le fait d’analyser l’attitude ou le comportement de l’entourage familial
ou scolaire face aux difficultés de l’enfant. Quel sens ou quelle importance
accordent le patient ou ses proches à l’acquisition ou non de la propreté ?
Est-ce que le patient cache ses culottes quand elles sont sales ? Essaie-t-il
de les nettoyer seul ? Quel sentiment éprouve-t-il le matin à son réveil ?
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Période de la prime enfance 87
Rapports sociaux
Il est important que le thérapeute se renseigne sur les relations ou les
rapports sociaux du patient. C’est l’âge aussi d’aller à l’école (école mater-
nelle et école primaire). À cet âge, les enfants commencent à avoir de plus
en plus des amitiés avec leurs pairs. C’est le temps de rechercher les éven-
tuels conflits entre le patient et ses pairs. Comment s’organisent ses jeux,
éprouve-t-il du plaisir ? Est-il victime de mauvais traitement ou du rejet de
la part des pairs ?
Développement psychosexuel
Le développement psychosexuel du patient est tout aussi important à explo-
rer que les autres items du développement intégral de l’individu. Le théra-
peute cherche si le patient a la curiosité sexuelle. Comment s’est manifestée
sa sexualité infantile ? Donne-t-il trop d’explications sur sa sexualité ou à celle
des autres ? Montre-t-il un intérêt particulier sur la sexualité ? Comment le
patient se comporte-t-il envers ses pairs du sexe opposé ? Comment s’adapte-
t-il aux adultes du sexe opposé ?
Le thérapeute examine les probables troubles liés à cet âge. Le patient
entretient-il une activité masturbatoire occasionnelle ou excessive ? Souf-
fre-t-il d’un trouble de l’identité sexuelle ? Se considère-t-il comme appar-
tenant au sexe féminin, masculin ou neutre ? A-t-il demandé à changer son
sexe ? S’habille-t-il comme ses pairs du même sexe ou ceux du sexe opposé ?
Montre-t-il des tendances exhibitionnistes ou voyeuristes ou fétichistes ?
Souffre-t-il d’un traumatisme ou d’un abus sexuel récent ou passé ?
des familles qui viennent d’ailleurs peuvent présenter des difficultés dans
leur langage oral, car il leur faut assez de temps pour apprendre la langue
de leur nouvelle ville, de leur nouvelle cité ou de leur nouveau pays. Il est
conseillé d’attendre 2 ans après leur arrivée pour poser les diagnostics de
troubles ou de retard de langage.
Systématiquement, lors de l’exploration du langage oral et de la communi-
cation, le thérapeute devrait rechercher l’âge auquel le patient a prononcé les
premiers mots et ses premières phrases. Le contexte socio-environnemental
est important à signaler. Ces informations permettent de faire un lien avec
les difficultés actuelles du patient. Ce dernier peut avoir des troubles de l’arti-
culation, des retards de parole ou des troubles de phonation. Il peut avoir des
bégaiements, des zézaiements, etc. On peut noter des troubles de la phona-
tion, des troubles de la compréhension du langage ou un retard de langage.
Certains patients utilisent de manière inappropriée des mots, des échola-
lies, des néologismes ou d’autres troubles de la pensée. Il arrive que le thé-
rapeute observe un mutisme électif ou total. Est-ce que le patient s’exprime
de manière correcte et adaptée en sa langue maternelle ou non ? Combien
de langues est-il en mesure de parler ou de comprendre ? Le thérapeute
se fonde sur ses connaissances sur le développement normal de l’individu
pour comparer les symptômes du patient et le situer sur le continuum de
développement.
Parcours scolaire
Le thérapeute étudie minutieusement le parcours scolaire du patient.
Comment était l’entrée à l’école maternelle, en primaire ? Comment le
patient s’est-il adapté à ses pairs et aux adultes de l’école ? Est-il un élève à
problème ?
Le thérapeute scripte les adaptations et relations du patient envers ses
pairs et ses enseignants, ses implications dans les apprentissages, ses résul-
tats scolaires, etc. à l’école maternelle et à l’école primaire. Quels étaient les
retours des enseignants sur ses compétences, en ce qui concerne ses appren-
tissages, la relation avec l’adulte et ses pairs ? Les adultes étaient-ils inquiets
sur les compétences du patient ?
Dans sa relation avec les autres à l’école, on demande si le patient est vic-
time de mauvais traitements ou de harcèlement de la part de ses pairs. Est-il
le meneur ou l’agresseur des autres ? Montre-t-il de l’empathie envers ses
pairs ? Respecte-t-il les règles de la communauté ? Fait-il l’objet d’un rejet de
la part de ses pairs ? Comment s’est-il adapté au parascolaire ? Déjeunait-il à
l’école ou chez lui ? Que disent les adultes éducateurs de la cantine scolaire
ou du parascolaire ? Le patient participe-t-il aux camps scolaires (ski, nata-
tion, découverte de la nature, etc.) ?
En fait, vis-à-vis des matières apprises en classe, le thérapeute pose les
questions suivantes :
• Le patient a-t-il rencontré des difficultés particulières dans les apprentis-
sages ? Retient-il les matières ou les leçons vues en classe ? Dans quelles
matières se montre-t-il très compétent ? Obtient-il de mauvaises notes en
classe ? Est-ce qu’il suit des cours de rattrapage des leçons ? A-t-il besoin
Bibliographie
Perron, R. (dir.). (1994). Les Représentations de soi. Privat.
Généralités
Rapport au corps biologique : la puberté
Il nous semble important de retracer les modifications physiques externes
qui apparaissent à l’aube de la puberté. Sous l’impulsion de la biologie, c’est-
à-dire l’apparition des nouvelles hormones (LH-RH [Luteinizing Hormone
– Releasing Hormone], FSH [Follicle Stimulating Hormone], hormone lutéini-
sante « LH » [Luteinizing Hormone], pour ne citer que ces trois-là), l’enfant
d’hier poursuit son chemin pour devenir un adulte de demain. Les signes
qui indiquent ce changement sont externes (perceptibles par l’entourage
à travers les changements corporels, les habitudes comportementales, les
activités sociales et sportives, etc.) et internes (perceptibles par l’individu).
Ces différents changements ou modifications physiques et psychiques du
corps du jeune enfant sont source de la double bascule que l’on observe
à l’adolescence. Simultanément, l’adolescent perd la toute-puissance de la
pensée jusque-là très présente au profit de la toute-puissance de son corps
physique qui devient mature, c’est-à-dire qu’il n’a plus le corps imberbe
d’enfant d’hier, mais plutôt un corps d’adulte. C’est le début de remise en
cause de toutes les croyances infantiles, de toutes les règles jusque-là res-
pectées ou observées à l’aveugle, de l’image idéalisée qu’il se faisait de ses
parents, etc. Le jeune adolescent s’improvise en philosophe, artiste, star,
bref en penseur. Il découvre la « possibilité de s’interroger sur ce qu’on a
été en fonction de ce qu’on souhaite devenir tout en se sentant vulnérable
puisque la part inévitable d’inconnu rend précaire toute remise en cause. »
(Letendre & Marchand, 2010) Il devient un opposant potentiel aux adultes
(cf. infra « Attachement à l’adolescence »).
Pour rappel, sous l’impulsion hormonale, on observe dans les deux sexes
une poussée de croissance, la maturation des gonades, l’apparition des
caractères sexuels secondaires comme :
• du côté des garçons : l’apparition des poils axillaires, pubiens, de la barbe,
l’élargissement des épaules et du thorax, la modification vocale, etc. Le théra-
peute peut explorer les différents rapports du jeune avec ses soins corporels,
vestimentaires (le choix et les styles d’habits), ses idéaux, ses projets, etc. ;
• du côté des filles : l’élargissement du bassin, l’arrondissement de la silhouette
corporelle, le développement mammaire, la modification du timbre vocal,
Attachement
À l’adolescence, l’attachement naît de la confiance qui, elle-même, induit la
qualité de savoir attendre. L’adolescence est une période où tous les enjeux
relationnels sont revisités. L’individu doit s’adapter à son environnement
familial et extrafamilial. Comment cet environnement arrive-t-il à satisfaire
le désir ou le besoin de l’adolescent ? Une réponse serait qu’il ait de bonnes
assises narcissiques. Celles-ci découlent d’une estime de soi solide. Ce n’est
qu’à partir de cette estime de soi que l’adolescent développe une relation
d’objet lui permettant d’avoir un attachement sûr.
De plus, grâce à l’anamnèse, le thérapeute s’informe sur les premières
relations précoces du patient quand il était bébé. L’exploration du proces-
sus adolescence consiste entre autres à rechercher le « premier paradoxe du
développement : le sujet n’est jamais autant lui-même que lorsqu’il s’est
abondamment nourri des autres sans qu’il ait à prendre conscience des
parts respectives de ce qui lui revient et de ce qui appartient à autrui. »
(Jeammet, 2009)
Est-ce que l’environnement familial permet à l’adolescent d’exprimer
ses écarts manifestes ? « Cette démarche prend très tôt son origine dans la
relation entre parents et enfants. Si le milieu familial a su lui proposer, dès
l’enfance, un cadre assez précis pour ne pas se perdre et une ouverture assez
large pour se différencier, l’adolescent sera en mesure de trouver ses propres
limites et de prendre ses distances avec son entourage, sans conflits exces-
sifs. » (Jeammet, 2002) Quand les écarts sont bien acceptés par les deux
parties (adolescent et parents), alors il est plus facile aux protagonistes de
tolérer les différences.
Comment l’adolescent parvient-il à gérer la proximité et les écarts avec
l’autre ? Est-ce qu’il pose les limites ou accepte et respecte les limites ins-
taurées par l’adulte ? Les limites permettent-elles d’éviter la confusion
avec l’autre ? Permettent-elles d’éviter les actes inadéquats ou d’adopter
un comportement négatif ? Comment est-ce qu’il dit « stop » quand c’est
trop pour lui ? L’adolescent s’oppose-t-il à ses parents sans craindre de les
énerver ou de les décevoir ? Comment exprime-t-il son désir ? Est-ce que le
parent l’aide à renforcer son identité ?
L’attachement est différent de la fusion ou du collage avec l’autre. On
n’est pas pareil ni égal à l’autre, mais on est différent et séparé. L’adulte
devient une base sur qui l’adolescent s’appuie pour faire de nouvelles ren-
contres, découvertes, prendre de nouveaux risques, etc.
Subjectivation
Le processus de subjectivation implique que l’individu devienne un sujet
à part entière. L’être soi ou le devenir soi chez l’adolescent impose que le
patient et l’adulte travaillent de concert pour y arriver. L’adolescent a besoin
de sentir les limites de son corps. Ceci est d’autant vrai dans le cas où il n’a
pas de contrôle sur ce corps. Il a ainsi recours à de nombreuses médiations
pour essayer de garder un contrôle (se regarde dans le miroir, se coiffe plu-
sieurs fois dans la journée, change de vêtements, viole les interdits et les
règles posés par l’adulte, ne respecte pas le contrat établi par le passé avec
ses parents). Il a en fait un besoin de contenance à l’image du bébé qui
le manifeste par des pleurs et des cris dans l’objectif d’être porté par son
parent.
La subjectivation de l’adolescent renvoie vers un besoin d’attachement,
d’autonomie, du regard de l’autre et du regard du soi sur soi-même. Le
besoin d’autonomie renvoie vers l’estime de soi et le narcissisme de l’ado-
lescent. En fait, l’estime de soi a une importance élevée à l’adolescence.
Elle est considérée comme une trame fondamentale. Cette dernière « sert
d’appui au narcissisme, qui lui confère sa qualité émotionnelle de confiance
Intersubjectivité
L’adolescence interroge sur la qualité des rapports à l’autre. L’intersubjecti-
vité naît de la communication avec l’autre, de l’obtention de la confiance de
l’autre, de la relation avec le parent ou tout autre adulte et de la déception
que l’adolescence suscite chez le parent (celle-ci paraît de la différence entre
le rêve et la réalité : l’adolescent rêvé par les parents et l’adolescent réel).
L’intersubjectivité à l’adolescence s’interroge sur l’idée de la séparation sans
vraiment chercher à se retrouver tout seul. Il est primordial pour l’adoles-
cent de garder le lien avec l’adulte.
L’adolescent se sent-il écouté par les adultes ? Pense-t-il être bien accom-
pagné ou mis à l’écart ou de côté par les autres ? Comment arrive-t-il à
exprimer ses vœux, désirs et souhaits ? Normalement, l’adolescent a besoin
d’être pris au sérieux et n’aime pas être banalisé par l’adulte.
Comment se perçoit-il dans le regard de ses parents ? S’agit-il d’un regard
tranquille, apaisé, dépassé, de déception, de confusion ? Est-ce que son
parent lui renvoie un regard ou un message exagéré, le perçoit-il comme
quelqu’un de sévère, de rassurant, ou d’absent ?
L’adolescent doit accepter la différence pour mieux se séparer de l’autre.
Cela n’est possible que lorsqu’il est en confiance envers lui-même et l’autre.
« La confiance se construit en permanence en fonction des rencontres où
le dedans, son monde interne, fait de ses désirs, de ses croyances, de ses
attentes, de ses expériences passées et présentes, et le dehors, celui des
courants, des modèles qui animent et parcourent le monde environnant et
les personnes qui l’habitent, rencontres heureuses ou décevantes ou même
absence de rencontres se complètent ou s’opposent, mais sont en échange
permanent en une continuelle coconstruction. » (Jeammet, 2009) Il y a une
espèce d’allers-retours entre soi et l’autre dans la mise en place de l’inter-
subjectivité.
Confrontations
L’adolescence soulève la question des confrontations. Celles-ci peuvent
concerner l’adolescent lui-même ou lui et l’adulte. Nous savons que les
rapports aux règles renvoient à la confrontation entre l’adolescent et l’adulte.
Il s’agit comme dit plus haut de tester les limites imposées par l’adulte. Il
exprime sa colère à travers ses différents passages à l’acte. Comment l’ado-
lescent arrive-t-il à outrepasser les interdictions des parents ? L’opposition à
l’adolescence devrait être considérée comme un moyen d’entrer en relation
avec l’autre. Il teste le cadre pour être sûr de se séparer de l’adulte bienveil-
lant. Il faudrait que l’adulte ajuste sa distance avec l’adolescent : être ni trop
près ni trop loin de lui.
Conduites à risque
Le thérapeute devrait explorer les différentes conduites dites à risque à l’ado-
lescence. Nous savons que « la moyenne des ados passe ce cap sans grands
conflits, un petit groupe qui n’a pas forcément une vie familiale antérieure et
actuelle perturbée a besoin d’opérer sa distanciation de façon beaucoup plus
insolite. Il le fait par des prises momentanées mais inquiétantes de drogues,
par des comportements à risque fort dangereux pour lui-même, par un temps
d’éloignement qui se caractérise par l’adoption d’une vie marginale le coupant
totalement de ses racines antérieures. » (Letendre & Marchand, 2010) Parmi
les divers comportements à risque, nous retrouvons ceux qui sont commis en
groupe d’amis, de camarades de classe ou seul. Citons essentiellement :
• la consommation de substances, c’est-à-dire le tabac, l’alcool, les diffé-
rents produits illicites (cannabis, cocaïne, héroïne, LSD, champignons hal-
lucinogènes), etc. ;
• les conduites violentes : l’adolescent se retrouve impliqué dans les bagarres
et rixes, des violences verbales et physiques, des actes de délinquance, il
devient le « meneur » ou le « suiveur » des autres adolescents, etc. ;
• la déscolarisation, les investissements scolaires, les retards et absences, les
redoublements de classe, les exclusions de l’école, les échecs scolaires,
les dérangements et perturbations du déroulement des cours, etc. ;
• les conduites délictueuses comme des vols publics, des vols privés, des
rackets, du trafic de drogue, etc. Au cours de l’exploration clinique, le théra-
peute peut lui demander à quelle fréquence il le fait ? Comment est-il arrivé
à commettre tel ou tel autre acte ? Est-ce qu’il était seul ou en groupe de
pairs ? Etc.
Recherche identitaire
Elle se manifeste à travers différents comportements, styles vestimentaires
ou attitudes (rapport aux autres), etc. L’adolescent adopte un nouveau style
vestimentaire, une nouvelle coiffure toutes les heures, il imite tel artiste ou
tel personnage et cela de manière très changeante. Il a une identité fluc-
tuante et éphémère. Il colle des posters, des affiches des images, ou fait de la
peinture sur les murs de sa chambre. Tous ces symboles ont pour but de lui
offrir de la contenance psychique.
L’adolescence est la période où l’individu a un rapport particulier avec
l’hygiène vestimentaire et corporelle. Il peut devenir très méticuleux dans
le choix de ses habits, de son style vestimentaire. Il peut être dans l’excès
ou dans la négligence de soins corporels. Certains sont très sales ou moins
attentifs aux besoins personnels d’hygiène. L’identification passe par la
découverte de soi et de l’autre sexe. Dans cette optique, l’adolescent cherche
à maîtriser la relation à l’autre (cf. chapitre 13).
Enfin, il arrive que pendant une évaluation pédopsychiatrique, « le patient
annoncé par tous comme auteur des violences, apparaît alors comme victime
de sa propre vie, celle qui lui est infligée depuis une quinzaine d’années. La
grande majorité de nos patients a vécu des évènements relationnels violents,
que ce soit par l’excès ou par le défaut, par l’abus ou la carence. Ils ont souvent
expérimenté des ruptures de liens précoces, des relations instables, incohé-
rentes et imprévisibles, porteuses de traumas via des parents eux-mêmes rési-
lients, comme ils le peuvent, à partir de leurs propres traumas. » (Robin, 2019)
Cet âge requiert une particularité et une finesse dans l’écoute clinique. Nous
soulignons plus haut que le thérapeute doit être empathique avec le patient.
L’adolescent qui est dans la recherche identitaire s’inscrit dans un mouve-
ment de réparation d’une cassure dont il n’est généralement pas l’auteur. Est-
il vrai que l’adolescence lui confère des nouveaux atouts, ceux que relancer
l’autre ? Il doit se délier des uns pour se lier avec d’autres (cf. chapitre 14).
parler en groupe. Le jeune peut devenir très exigeant ou non envers lui-
même. Au-delà du milieu familial, il laisse ses empreintes à l’école, dans son
environnement professionnel, etc. Nous revenons sur cette problématique
du travail scolaire et professionnel plus bas dans ce chapitre.
Évaluation de l’adolescence
L’adolescence est la dernière étape avant que l’enfant d’hier ne devienne
l’adulte de demain. L’exploration de la période d’adolescence devrait aussi
inclure la période de la prépuberté. Ainsi, chaque étape devrait être évaluée
dans le but de recueillir plus d’informations. Plusieurs items sont à explorer
pour chacune de ces tranches de vie. Citons entre autres : s’entretenir avec
un adolescent, les rapports au corps à l’adolescence, les pulsions libidinales
et agressives à l’adolescence, la vie scolaire et professionnelle de l’adolescent,
les toxiques et drogues à l’adolescence, l’évaluation de l’adolescence, etc.
Avant de développer ces différents points, nous devons avertir le clini-
cien que les informations recueillies auprès de l’adolescent en l’absence des
parents ou des tiers ne doivent être rapportées aux parents qu’avec l’accord
de l’adolescent. Ce principe s’applique bien évidemment à tous les patients.
Même si la situation est gravissime ou si l’adolescent souffre d’un retard
mental ou nous ne savons quel trouble cognitif ou psychique, le thérapeute
doit l’informer et, le cas échéant, obtenir son accord avant toute démarche.
L’alliance de travail est très particulière à obtenir à cet âge. Il faut du tact
et de la technique pour entrer en discussion-échange avec les adolescents. La
confrontation directe peut donner ses fruits mais, quelquefois, il vaut mieux
trouver d’autres passerelles ou voies d’approche pour obtenir une alliance de
travail avec l’adolescent. Le thérapeute accepte que le patient se dérobe ou se
montre réservé, distant, projectif, accusateur, indifférent, méfiant, etc. Après
tout, le thérapeute est un adulte et donc il est pour lui comme ses parents
ou ses éducateurs, ses professeurs, ses moniteurs, etc. Le thérapeute devrait
prouver à l’adolescent son intérêt par les différentes questions afin d’obtenir
une bonne alliance thérapeutique et une alliance de travail.
Enfin, en ce qui concerne les adolescents, « l’énonciation par les parents
eux-mêmes des difficultés de l’adolescent telles qu’ils les perçoivent, l’écart
ou la similitude existant entre le récit de l’adolescent et le récit des parents
sont déjà un bon indice du mode de fonctionnement familial. » (Marcelli,
1999) Ceci est tout d’autant plus vrai ou faisable pour les patients plus
jeunes que les adolescents.
L’activité principale de tout thérapeute qui travaille avec cette population
est d’évaluer son fonctionnement psychodynamique avant de poser des
diagnostics catégoriels ou de proposer des prises en charge. L’évaluation
de l’adolescence, bien développée dans la partie III, revient à faire le status
clinique du patient adolescent.
Bibliographie
Letendre, R., & Marchand, D. (2010). Adolescence et affiliation, les risques de devenir soi.
Presses de l’Université du Québec.
Marcelli, D. (1999). Entretien avec l’adolescent et son évaluation. Encyclopédie
Médico-Chirurgicale. Psychiatrie. article 37-213-A-10.
Robin, M. (2019). L’adolescent en crise dans un environnement en crise. Adolescence,
t. 37, 2(2), 233-245.
Antécédents pédopsychiatriques
Au cours de l’investigation des antécédents personnels du patient, il est
important de s’arrêter et de relever les différentes pathologies qu’il a eues
par le passé. Le thérapeute élucide la symptomatologie à l’aide des termes ou
mots ou expressions clairs, simples, adéquats et adaptés au contexte sociocul-
turel et à l’âge du patient et de ses parents. Il faut scruter toutes les maladies,
troubles psychiatriques et tout signe ou symptôme que les patients ont pré-
sentés par le passé.
Le patient a-t-il déjà consulté un « psy » par le passé ? Pourquoi avait-
il consulté un psy ? Qui a conseillé aux parents ou au patient de demander
la consultation ? Quelles étaient les attentes de cette consultation ? Quels
étaient les diagnostics retenus, les différentes prises en charge, leurs résultats
cliniques, les probables échecs et les causes de ces échecs, les différents théra-
peutes consultés le cas échéant, etc. ? Qu’est-ce que les parents et le patient ont
compris de ces prises en charge ? Pourquoi a-t-il arrêté son suivi ? Existe-t-il
de probables abandons ou refus de soins ou d’hospitalisation ? Quels étaient
l’intérêt, les avantages ou les conséquences tirés de ces prises en charge ? Est-
ce que le patient et sa famille sont d’accord pour reprendre ou retourner vers
l’ancien collègue ? Pourquoi préfèrent-ils démarrer un suivi avec un nouveau
praticien ?
Le patient est-il sous traitement antipsychotique, antidépresseur, anxio-
lytique, etc. ? Depuis quand, combien de molécules prend-il ou avait-il pris
par le passé ? Quels ont été les éventuels effets secondaires des médicaments,
la durée globale du traitement, l’évolution clinique de la prise en charge
proposée ?
Le patient a-t-il eu recours à la médecine alternative ou à la médecine douce
(hypnose, chamanisme, prière chez le pasteur, prêtre ou imam, tradipraticien,
etc.) ? Le cas échéant, pourquoi et depuis quand ? Quels sont les résultats
de cette médecine alternative ? Le patient croit-il à la médecine alternative ?
Quelles sont ses croyances ? Comment explique-t-il l’origine de ses troubles ?
La question des antécédents personnels pédopsychiatriques est complétée
par celle qui recherche les antécédents psychiatriques au sein de la famille.
Pour rappel, certains diagnostics, prises en charge, évolutions ou pronos-
tics des troubles pédopsychiatriques (par exemple, les troubles anxieux,
les troubles bipolaires, les troubles schizophréniques, etc.) dépendent de la
présence ou de l’existence du même trouble ou de la même pathologie, ou
encore d’autre pathologie comorbide au sein de la fratrie ou de la famille.
Il est donc très important de ratisser tout le terrain.
Antécédents somatiques
On recherche les différentes maladies, les différentes raisons des séjours
précédents à l’hôpital, les divers accidents ou opérations chirurgicales que
le patient a eus par le passé. « Plus particulièrement, le récit des épisodes
de la pathologie somatique de l’enfant est d’autant plus révélateur que les
parents ne se sentent pas responsables de leur survenue. » (Brusset, 2018)
Le recueil des informations sur les antécédents personnels du patient est
une base de données qui « doit être aussi proche que possible des faits de
l’histoire de votre patient. Vous pouvez prendre plusieurs mesures pour
augmenter la validité des informations que vous rassemblez consignées au
sein de l’histoire de la maladie actuelle. » (Morrison, 2018) Le patient a-t-il
présenté des crises convulsives ? A-t-il eu des pertes de connaissance ?
Quel médicament prend-il ou a-t-il pris par le passé ? Les pédiatres ou les
médecins de famille pour les grands adolescents peuvent nous fournir des
informations essentielles concernant le passé médical du patient.
On recherche les éventuelles allergies aux médicaments, les pathologies
cardiaques, thyroïdiennes, hépatiques, rénales, etc. Ces informations per-
mettent au thérapeute de réajuster sa prise en charge, voire de réorienter
le patient vers ses collègues spécialisés pour une meilleure prise en charge.
Bibliographie
Brusset, B. (2018). Enquête familiale et anamnèse. Dans S. Lebovici, R. Diatkine, M.
Soulé (dir.), Nouveau Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (vol. 1,
p. 509-517). Presses universitaires de France.
Jeammet, P. (dir.). (2002). Adolescences. La Découverte & Syros.
Jeammet, P. (2009). Paradoxes et dépendance à l’adolescence. Fabert.
Morrison, J. (2018). L’Entretien clinique : outils et techniques de diagnostic en santé
mentale. Mardaga.
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11 Anamnèse familiale
Souvenons-nous que « l’évaluation dynamique du groupe familial s’atta-
chera particulièrement à identifier la nature des relations transgénération-
nelles, intergénérationelles et la qualité des discriminations et délimitations
interindividuelles au sein du groupe. Ces deux plans correspondent à la
nécessité pour l’adolescent, d’une part de s’inscrire dans la différence des
générations en y trouvant une identification dont l’étayage peut résider
dans une histoire ou un mythe familial, et d’autre part d’accéder à sa propre
individuation. » (Marcelli, 1999)
En effet, systématiquement dans l’anamnèse familiale, le clinicien cherche
à savoir la position ou le rang du patient dans sa fratrie, la composition de
la famille, les relations interpersonnelles, la qualité du lien et le type de la
relation que le patient entretient avec chaque membre de sa famille, sans
oublier que les activités professionnelles ou scolaires de chaque membre de
la famille seront analysées également.
En outre, le clinicien peut s’appuyer sur le génogramme familial qui est
un outil « souvent préalable à la thérapie familiale pour y être utilisé comme
un instrument dynamique » (Brusset, 2018). Ce génogramme permet de
souligner les éventuelles migrations : le pays, la ville ou la région d’origine,
les causes plausibles de ce déplacement, la qualité d’adaptation dans la ou
les villes actuelles ou antérieures, etc. Souvenons-nous que les familles ne
changent pas de ville, de région, de quartier, etc. sans une raison valable.
De manière plus détaillée, cette anamnèse familiale doit nous apporter
des informations sur le mode de relation entre le patient et les autres mem-
bres de sa famille restreinte ou élargie. On doit signaler le lieu de vie du
patient.
Si le patient ne vit pas dans sa cellule familiale biologique, il est très
important de chercher à savoir les motifs qui ont conduit aux éventuels pla-
cements. Il peut s’agir de : deuil d’un ou de deux parents, placement dès la
naissance, adoption, maltraitance intrafamiliale, victimes d’abus, difficulté
relationnelle avec sa fratrie ou ses parents, mineur non accompagné, etc.
Il faudrait se demander comment le patient ou sa fratrie se sont adaptés
ou non à ces différentes décisions administratives, judiciaires ou sociales.
Quel a été le vécu du patient face à ce déménagement ? S’en souvient-il ou
non ? Comment raconte-t-il ces différents voyages ou déménagements ?
Le thérapeute doit noter les relations que développe le patient dans son
nouvel environnement social (foyer d’accueil d’urgence ou pour un court
ou un long terme, famille d’accueil, maison de rééducation, prison pour
mineur, etc.). Est-ce que le fait d’être placé a eu un effet positif ou négatif
sur les liens interfamiliaux ? Le patient s’est-il coupé du reste de sa fratrie ?
Comment se comporte-t-il dans son nouveau milieu de vie avec ses pairs,
les adultes ? Respecte-t-il les règles de vie ? Quelle explication donne-t-il à
sa situation familiale ?
Pour conclure sur l’anamnèse familiale, insistons sur le fait qu’elle
apporte des informations très utiles pour la suite de notre prise en charge.
Soulignons qu’une bonne anamnèse oriente déjà le thérapeute vers où se
tourner pour recueillir les informations afin de confirmer ou infirmer ses
hypothèses diagnostiques. Cette anamnèse permet de cerner la probléma-
tique du patient.
Grâce à l’anamnèse, le thérapeute peut décider si la demande faite est du
ressort de l’éducatif, du social ou du thérapeutique. « En d’autres termes, du
fait que l’entretien n’est pas centré sur le sujet qui parle, mais sur l’enfant
qui est amené en consultation, l’évocation du passé laisse parfois plus aisé-
ment filtrer les implications inconscientes, comme si les mécanismes de
refoulement se trouvaient plus facilement pris en défaut. » (Brusset, 2018)
L’anamnèse du patient invite pour sa part les parents à revisiter les diffé-
rentes fonctions comme : la « fonction de réceptacle de la souffrance paren-
tale, fonction de “requalification” des parents, la fonction de tri des confu-
sions de générations et la fonction de support identificatoire des parents »
(Houzel, 2018) telles que développé par Ester Bick dans sa méthode d’obser-
vation des bébés.
Il est important de chercher les réactions entre l’enfant que les parents
ont été, c’est-à-dire l’infantile des parents, et leur enfant réel qui a besoin
d’une consultation. Il s’agit de laisser les parents raconter leur fantasme
sur l’enfant imaginaire qu’eux-mêmes ont ou n’ont pas été, ou ce mauvais
enfant qu’ils craignent avoir été. Le thérapeute reste attentif aux mouve-
ments identificatoires et projectifs qui se déroulent entre le parent et son
enfant pendant le recueil des informations anamnestiques.
Ce recueil des données anamnestiques ne consiste pas seulement à retra-
cer la chronologie des événements de la croissance ou du développement
psychomoteur du patient. C’est un moment où la question de chercher
comment les parents et l’entourage ont vécu le développement du patient.
Quelles émotions et quels affects émergent quand on aborde les souve-
nirs de l’enfance du patient ? Le thérapeute doit revenir sur les souvenirs
agréables ou désagréables des interactions entre le patient et son entourage
durant tout son développement.
Il est important de relever les éventuels antécédents médicaux et psy-
chiatriques au sein de la famille. Les antécédents familiaux concernant les
parents, la fratrie, les proches parents ne doivent pas être oubliés ni écartés.
Le thérapeute doit prendre le temps de se poser et d’examiner ces antécé-
dents qui peuvent être d’une aide importante dans la pose des diagnostics
différentiels et dans l’orientation de sa prise en charge (médicamenteuse,
psychothérapeutique ou socio-éducative).
• Est-ce que le patient a été conçu grâce à la procréation médicalement
assistée ? Le patient a-t-il été recueilli, ou conçu par insémination in vitro ? Est-ce
que les parents ont fait appel aux services d’une mère porteuse ? Continuent-ils
à garder un lien avec la mère porteuse ?
• Est-ce que les parents ont eu recours aux donneurs de sperme ou d’ovocytes ?
Quelles étaient les conditions vis-à-vis du donneur ? Ont-ils gardé un lien avec
le donneur ?
En conclusion, l’investigation de ces notions adoption et de filiation a des
résonances avec les identifications parentales et la dynamique familiale ou
dynamique de couple. Le thérapeute devrait approfondir son investigation
clinique et éviter de rester à un niveau superficiel ou en façade. Les étiologies
de différents troubles psychiques peuvent être élucidées à partir de ces types
de questions. Par exemple, les troubles d’attachement, les troubles de relations
précoces, les troubles du comportement et autres troubles émotionnels appa-
raissent habituellement durant l’enfance ou à l’adolescence, classés F90-F98
dans la CIM-10. Mais ce ne sont pas les seuls, car toute information qui concerne
le patient peut enrichir la compréhension de sa psychopathologie.
Bibliographie
Brusset, B. (2018). Enquête familiale et anamnèse. Dans S. Lebovici, R. Diatkine, M.
Soulé (dir.), Nouveau Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (vol. 1,
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Houzel, D. (2018). Une application de la méthode d’observation des nourrissons : les
traitements à domicile. Dans S. Lebovici, R. Diatkine, M. Soulé (dir.), Nouveau
Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (vol. 1, p. 519-530). Presses
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Marcelli, D. (1999). Entretien avec l’adolescent et son évaluation. Encyclopédie
Médico-Chirurgicale. Psychiatrie. article 37-213-A-10.
Bibliographie
Brunschwig, H. (2001). Transfert et contre-transfert, deux leviers solidaires et puis-
sants du travail analytique. Imaginaire & Inconscient, 2(2), 91-100.
Brusset, B. (1999). Diagnostic psychiatrique et différence du normal et du patholo-
gique. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Psychiatrie,. article 37-102-E-20.
Déroulement de l’entretien
Le recueil des données cliniques était-il laborieux ? Le patient était-il dans la
séduction ? A-t-on senti une facilité dans les échanges ? Pouvait-il s’arrêter
ou avoir des interruptions durant l’entretien ? Comment accepte-t-il de
parler ? Prend-il en considération les sollicitations du thérapeute ? A-t-on
eu la facilité de relancer l’échange ? Qui a commencé la conversation ou
l’échange (jeu, discussion, dessin, etc.) ? Se préoccupe-t-il de ses parents, de
sa fratrie, de son animal de compagnie au lieu de participer à la discussion ?
Le thérapeute relève les éléments qui l’ont interpellé durant l’entretien.
Il note la communication non verbale, la tonalité verbale et affectivo-
émotionnelle du patient. Est-ce qu’il y a un effondrement émotionnel durant
l’entretien ? Le patient est-il devenu agressif, plus ou moins collaborant ?
A-t-il exprimé une explosion de colère, un mutisme ? S’est-il montré oppo-
sant, distant, etc. durant l’entretien ? A-t-on noté de la régression au cours
de cet entretien ? Est-ce qu’il y a des changements du comportement durant
l’entretien : instabilité psychomotrice dans les activités, persévérations dans
le jeu, etc. ? A-t-on noté des changements gestuels ou des mimiques ou de
la tonalité émotionnelle durant l’entretien ? Le patient reste-t-il dans le jeu
répétitif, a-t-on eu du mal à le cadrer, à l’arrêter, etc. ? Cet entretien a-t-il
demandé de fournir de gros efforts pour le mobiliser ou garder son attention ?
Clôture de l’entretien
Comment le thérapeute se sent-il à la fin de l’entretien ? Il lui est conseillé
de décrire les réactions que le patient a suscitées chez lui. Il s’interroge sur
ce qui appartient au patient ou à lui-même. Quels affects ou ressentis a-t-on
éprouvés à la fin de l’entretien ? Quelles émotions ou quels affects marquent
cette rencontre ? Comment le thérapeute peut qualifier cet entretien ? Et si
on demande de coter cet entretien sur une échelle de 0 à 10, comment le
noter en sachant que la note de 10 signifie un entretien excellent ?
Conclusion
L’impression générale doit rassembler de manière cohérente les informa-
tions observées lors de l’évaluation. Il faut une cohérence dans les diffé-
rentes observations cliniques. Le thérapeute se demande comment le
patient exprime ses pulsions (libidinales et agressives). Quelles angoisses
présente-t-il ? À quels types de mécanismes de défense a-t-il recours ? Quelle
est la qualité de relation d’objet dès la rencontre au cours et à la fin de
l’entretien ? Quels sont les possibles stigmates physiques externes ou les
signes révélateurs d’une pathologie organique, génétique ou neurologique ?
L’impression générale offre au thérapeute la possibilité de constater ou
de découvrir les points saillants qui permettent d’orienter son investigation
clinique. Ces éléments sont comparés au développement normal des autres
jeunes de son âge et de son contexte socioculturel.
Le chapitre 22 décrit comment le thérapeute fait la restitution de tout
son entretien clinique. Il est préférable qu’il aborde l’impression qu’il a eue
durant les entretiens en notant ce qu’il a pu constater ou comprendre des
différents symptômes du patient. L’impression générale du thérapeute lui
permet d’avancer les hypothèses diagnostiques fonctionnelles et structurelles
tout en relevant leur conséquence sur l’intégration dans la personnalité.
Bibliographie
Brunschwig, H. (2001). Transfert et contre-transfert, deux leviers solidaires et puis-
sants du travail analytique. Imaginaire & Inconscient, 2(2), 91-100.
Ciccone, A. (2018). Aux frontières de la psychanalyse. Soin psychique et transdis-
ciplinarité. Dunod.
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13 Relation d’objet
La notion d’objet ou de relation d’objet occupe une place importante dans
la théorie psychodynamique. Dans ses travaux sur le deuil et la mélanco-
lie, Freud fait un lien entre le patient et l’objet. Il écrit alors que « l’ombre
de l’objet tomba ainsi sur le moi qui put alors être jugé par une instance
particulière comme un objet, comme l’objet abandonné ». Toujours pour
reprendre ses propos, c’est comme si l’on disait qu’entre moi et moi, il y a
une ombre de l’objet. La relation d’objet désigne le rapport qu’a un indi-
vidu avec son entourage ou avec les objets qui constituent le monde dans
lequel il vit. Ce monde est par essence tout aussi interne qu’externe (objets
internes/objets externes).
Soulignons que dans la relation d’objet, le patient essaie d’établir une
sorte de compromis entre son monde intérieur et la réalité extérieure
intériorisée de manière à satisfaire le plus possible les pulsions, en évitant
les angoisses qui résulteraient d’un conflit entre ces pulsions et les forces
inhibitrices du surmoi. Ce conflit est géré par son moi (cf. chapitres 15, 18
et 19). Le patient peut avoir différents modes relationnels propres à chacun
des stades de son développement psychosexuel.
• à 8 mois, est-ce que le bébé présentait de l’angoisse de l’étranger ? Il s’agit ici
du début de la reconnaissance du soi et de l’autre.
• à 2 ans, est-ce que le bébé dit « non » en associant le mot et le geste ?
La réponse de « non » signe le début d’une communication sémantique. Il y a une
véritable relation d’objet.
C’est bien après cet âge qu’apparaissent les deux autres types de relation
d’objet ci-après.
Théories
Freud a signalé combien l’objet est lié à la pulsion. Selon lui, le but de la
pulsion est la satisfaction, et l’objet est ce en quoi et par quoi la pulsion
peut atteindre son but (« choix de l’objet »). L’objet est pour Freud ce qu’il y
a de plus variable dans la pulsion, il ne lui est pas originellement connecté,
au contraire il ne lui est adjoint qu’en raison de son aptitude à rendre pos-
sible la satisfaction. Plus tard, Freud théorise aussi que l’objet est à détruire
à peine se distingue-t-il du moi en voie de différenciation.
Ainsi, on parle de « choix de l’objet » pour signifier que c’est le sujet ou
le patient et son histoire qui, dans un moment de développement, s’adres-
sent à un type particulier d’objet parmi d’autres (le thérapeute, les parents,
la fratrie, les pairs, etc.). La force qui fait le lien entre le patient et les diffé-
rents objets ou plus encore ce qui entretient la relation entre les objets et
le patient est appelée la pulsion. Celle-ci peut être libidinale, agressive ou
autre. Peu importe sa nature, la pulsion permet le déplacement d’un objet
à un autre ou la fixation sur un seul objet ou sur une période de développe-
ment que Freud avait appelée « de stade de développement ». Quand une
pulsion déterminée est restée nouée à un objet dont elle ne peut se dessaisir,
on parle de la fixation.
Fairbairn a abordé différemment la théorie des relations d’objet. Vuaillat
montre que contrairement à Freud, Fairbairn essaie de remplacer la théorie
des pulsions par celle de la relation d’objet. Il insiste sur le fait que la pul-
sion est à la recherche de l’objet et non du plaisir. Dans sa métaphore de
l’oiseau qui construit son nid [« un nid n’est pas moins un objet pour un
oiseau que ne l’est une maison pour un homme, parce que c’est un objet
qui doit être construit. C’est un objet qui est recherché, même si, pour être
trouvé, il doit d’abord être fabriqué »], Vuaillat (2003) s’explique en disant :
« Le nourrisson est d’emblée à la recherche d’un objet même si cet objet
doit se construire… Ainsi, d’emblée, la pulsion est à la recherche de l’objet,
même si l’objet n’est pas encore très clairement distingué de l’enfant qui
l’investit : Fairbairn propose une histoire du développement des relations
d’objet, développement qui permet peu à peu que l’objet soit différencié
du sujet qui investit. Le premier stade est le stade de dépendance infantile,
caractérisé par l’attitude de prendre, mais l’objet n’est pas encore différencié
du sujet investisseur. Vient ensuite le stade transitionnel, où l’enfant se dis-
tingue de l’objet en l’expulsant également, et enfin le stade de dépendance
• A-t-il une tendance au repli sur soi ? Chez les patients névrosés, les vécus
de perte d’objet prennent alors des formes d’intensité modérées. Les fan-
tasmes qui traduisent des angoisses dépressives peuvent s’exprimer par le
sentiment d’être incompris ou délaissé, mis à l’écart, rejeté, voire exclu par
les objets parentaux.
Il est important de se souvenir que la relation d’objet a un lien avec le type
ou la qualité des investissements objectaux ou narcissiques du patient. On
parle des investissements quand une certaine quantité d’énergie psychique
du patient est liée à une représentation mentale ou à un objet extérieur réel.
Durant l’entretien, le thérapeute se demande de quel type d’investissement
il est question. Le thérapeute explore et décrit si le patient a un attachement
tranquille, peu sûr, évitant, désorganisé (cf. chapitre 2).
Somme toute, on cherche la notion de jalousie, d’entente, d’amitié, de
loyauté, d’agressivité, de complicité, etc. du patient envers sa fratrie, ses
parents, ses pairs, le thérapeute et toutes les personnes ou les objets de son
environnement socioscolaire et familial. Comment décrit-il ses rapports
aux différents objets ? Est-ce qu’il est satisfait de ses relations ? Quel senti-
ment lui renvoie son entourage familial, social et scolaire ?
Investissement objectal
Contrairement à l’investissement narcissique, on trouve que dans l’investisse
ment objectal, une certaine quantité d’énergie psychique est liée à une repré-
sentation mentale ou à un objet extérieur réel. L’investissement objectal est
une seconde forme ou un second type de relation d’objet à l’adolescence.
Dans ce type de relation d’objet, on retrouve plus d’investissement de
l’objet que narcissique. Le patient a tendance à fonctionner en mode d’adhé-
sivité à l’objet. S’il a des fragilités sur le plan narcissique, l’investissement
objectal fait qu’il ressent comme envahissant l’objet qu’il essaie d’investir,
avec pour conséquence un investissement plus des autres que de lui-même.
Il s’agit des patients qui enregistrent et copient les propos, la manière de
faire, de se présenter, de parler, etc. de leurs pairs, des thérapeutes ou d’autres
personnalités idéalisées, etc. Certains patients disent même, par exemple,
qu’ils sont comme leurs amis. Ils disent ne pas avoir besoin de parler pour se
comprendre.
Normalement, la richesse des investissements objectaux renforce les
investissements narcissiques et, réciproquement, un investissement narcis-
sique solide permet d’aller à la recherche de l’objet sans se sentir menacé
d’être englouti par ce dernier. Il est intéressant de voir comment le patient
supporte le fait que l’objet se signale comme propre et, qu’à son tour, se
sente menacé dans son existence.
Un autre élément à retenir est que le type d’investissement se répercute
sur la parentalité, et ainsi sur l’attachement de l’enfant. Une thérapie peut
Parfois, un entretien de famille avec la fratrie peut être utile afin de bien éva-
luer la qualité des relations fraternelles : les jalousies, les bagarres, les disputes,
les inimitiés, les amitiés, les complicités, les rapprochements, etc. Bref, tous
les mouvements qui peuvent survenir dans les rapports dans la fratrie doivent
être étudiés et évalués. Le thérapeute analyse la manière dont le patient parle
ou décrit ses frères et sœurs et, inversement, comment la fratrie parle de lui.
Il en est de même de la relation entre le patient avec ses demi-sœurs et demi-
frères le cas échéant.
Une particularité est à signaler chez les patients souffrant d’une hyperacti-
vité. Ils sont tellement agissants qu’ils poussent fréquemment leurs familles ou
leurs fratries au bord de la rupture. Certains disent que leur frère ou leur sœur
fonctionne à un haut régime. Il lui est souvent reproché de ne pas écouter les
autres membres de la famille. Les autres vivent un calvaire en permanence
du matin au soir. Enfin, cette investigation invite le thérapeute à écouter les
protagonistes de la relation dans la fratrie avant de faire la part de choses.
Un enfant a en général deux parents, qui ont chacun une place unique
et non interchangeable. » (Brunschwig, 2001) Le thérapeute « décortique »
la relation qu’entretient le patient avec ses oncles, tantes, grands-parents,
éducateurs, enseignants, etc. Cette relation donne des indices sur le type et
la qualité de son investissement objectal.
En définitive, l’investigation de la relation d’objet s’appuie également sur
les informations recueillies pendant l’anamnèse. L’entourage nous fournit
des informations ou données importantes dans la compréhension du type
de relation d’objet que le patient entretient avec les différentes personnes
dans son quotidien. Il est donc plus important de mentionner avant tout
si l’objet existe ou non, si cet objet est différencié ou non et s’il est partiel
ou total.
Objet anaclitique
La relation d’objet du type anaclitique amène le patient à ne rien faire sans
l’appui ou le soutien d’un ami, de ses parents ou du thérapeute. Il est très
dépendant de l’objet ou de l’autre (parents, adultes, pairs, amoureux, etc.).
Dans la relation d’objet anaclitique, on retrouve les patients qui sont très
accrochés à l’objet. Ils font tout pour détruire cette relation dès qu’ils se
sentent très proches de l’objet afin de se positionner en victimes. Cette
situation les pousse à rechercher un lien avec un nouvel objet.
Le fait d’avoir des parents atteints de troubles psychiques (bipolaires,
alcooliques, pervers, dépendants aux drogues ou à d’autres toxiques, etc.)
expose au risque de parentification. Ces enfants courent le risque de se met-
tre en relation essentiellement avec des gens qui vont mal psychiquement
(les personnes sans-abri, sans domicile fixe, les personnes dépendantes aux
substances, les pervers narcissiques, etc.) afin de se rendre utiles. Ils ont
besoin de rester en lien avec les gens pour qu’ils soient indispensables et
utiles afin de garder la relation.
Dans la relation d’objet anaclitique, à défaut de pouvoir intéresser l’autre
par des aspects positifs (bons résultats scolaires, performances sportives,
musicales, artistiques, partage de sentiment, de plaisir, etc.), le patient
développe le narcissisme négatif. Ces individus s’orientent souvent dans
des métiers d’aide à l’autre. Par exemple, ils sont intéressés pour travailler
au sein des établissements médicosociaux. D’autres choisissent le métier
d’éducateur ou de travailler en crèche ou dans d’autres établissements de la
petite enfance. D’autres encore deviennent maîtres d’école, psychologues,
infirmiers ou médecins, voire travailleurs sociaux, etc.
Remarque
La relation d’objets idéalisée, anaclitique, indifférenciée et narcissique est clas-
sée dans les pathologies narcissiques-identitaires qu’a développées Roussillon.
Objet calmant
L’objet calmant est celui qui procure de la quiétude ou de l’apaisement au
patient. Il peut également lui procurer de la sécurité. Il faut retrouver ou
aider le patient à introjecter ou « garder dans soi » une pensée calmante
à laquelle il peut avoir recours sans aller vers les objets externes, l’aider
à développer ses propres ressources internes pour ne plus dépendre d’un
objet externe face à ses difficultés internes. Cette notion d’objet calmant
se rapproche de l’objet transitionnel de Winnicott. Selon Blondel, cet objet
transitionnel est un préalable à l’internalisation de l’objet, la mère.
Par exemple, un patient dit qu’il peut rester des heures et des heures
devant la fenêtre à contempler la pluie ou la neige qui tombe car il se sent à
ce moment-là apaisé. Un autre recourt à un objet contre le stress.
Objet clivé
Dans la relation d’objet de type clivé, le patient a du mal à voir les deux
faces du même objet. Soit il voit le mauvais côté, soit le bon. Il s’agit d’une
relation d’objet partiel. Le patient n’a pas accès à la totalité de l’objet. Chez
le bébé, il perçoit le sein tour à tour comme bon ou mauvais selon qu’il
satisfait ou frustre son désir. L’objet est clivé, par l’activité fantasmatique du
sujet en un bon objet et un mauvais objet.
Cliniquement, le patient scinde sans se rendre compte les gens en deux
catégories : les méchants et les gentils.
• Les équipes d’adultes ou de pairs ont deux types de rapports opposés à
l’égard du patient. Certains le trouvent très sympathique, cohérent, gentil,
doux, etc., alors que les autres vivent un calvaire avec lui.
• L’objet clivé peut être constaté en différentes circonstances, par exemple
lorsque le patient est hospitalisé, scolarisé ou dans un groupe, qu’il soit
thérapeutique, familial, dans un camp de vacances, etc. Ce mouvement de
clivage peut être vécu de la même façon par le patient vis-à-vis de l’équipe,
du groupe ou de son entourage social.
Objet différencié
Le patient conçoit l’autre comme différent de lui-même. Dans le trouble
du spectre de l’autisme par exemple, le patient considère l’autre comme le
prolongement de lui-même, se trouve dans l’indifférenciation du soi et de
l’objet. L’objet différencié entraîne l’individu à avoir une bonne conscience
de soi et de l’autre. Il a les bonnes capacités d’introspection. Il parle spon-
tanément et clairement des relations qu’il a avec ses parents, ses amis, etc.
Objet fétichisé
Ce mode de relation d’objet est plus retrouvé chez les patients adultes.
L’objet fétichisé se repère chez les adolescents qui ont la dépendance aux
jeux vidéo, à d’autres jeux ou à l’ordinateur et qui les fétichisent. Cet objet
fétichisé ou fétiche est « un objet permettant de maintenir le déni du
manque, ici, de la mère » (Blondel, 2004) Il est important de garder à l’esprit
qu’un objet fétiche ne favorise pas une internalisation de l’objet, il l’entrave
plutôt et se substitue à lui.
Objet idéalisé
Le patient trouve que l’autre ou l’objet idéalisé est le meilleur de tous. Dans
la relation d’objet idéalisé, le patient peut dire qu’il est impressionné par
son thérapeute. Le thérapeute devient le plus beau, le plus intelligent ou
l’idéal non rencontré auparavant. Quand le thérapeute est l’objet idéalisé,
il y a un risque d’une dévalorisation entraînant par la suite une coupure du
lien thérapeutique. Le clinicien doit faire attention à ne pas se laisser piéger
par sa propre tendance à la mégalomanie à cause de l’hypervalorisation de
ses patients.
Objet indifférencié
Contrairement à la relation d’objet différencié, la relation d’objet indif-
férencié amène le patient à considérer ou à entretenir le même type de
rapport avec toutes les personnes de son entourage, qu’il s’agisse des amis,
des camarades de classe, des adultes, de l’enseignant, de l’éducateur, du
thérapeute ou du M. X du coin de la rue. Dans cette relation d’objet, tous les
objets de l’entourage du patient sont pris au même niveau et avec le même
type de rapports. Ces objets indifférenciés ont un même degré d’impor-
tance pour le patient.
La relation d’objet indifférencié est un véritable magma d’amis non diffé-
renciés. À l’opposé, le patient dit que seule sa mère le comprend, les autres
n’y arrivent pas. Aussi, les adolescents qui présentent le double narcis-
sique se disent être exactement pareils. C’est un signe d’indifférenciation.
Le patient dit exister à travers son thérapeute.
Objet narcissique
Il s’agit d’une relation où le patient vit une relation d’objet plus ou moins
indifférenciée. Il y a une proximité théorique entre l’objet narcissique et
l’objet indifférencié. On observe dans la relation d’objet narcissique des
patients vantards, qui aiment rationaliser ou « embobiner » l’autre. Ils
racontent des balivernes au thérapeute pour éviter qu’il pose des questions
centrées sur leur noyau de souffrance.
Dans ses travaux sur le trouble narcissique identitaire, Roussillon (2011)
écrit que « dans les états de souffrances narcissiques-identitaires, le sujet
reste pris dans l’illusion première. Il cherche à se penser en fonction de
lui-même, uniquement. C’est là son impasse : il “oublie” qu’il ne s’est pas
autoengendré, pas plus dans son être de chair que dans sa psyché […] dans
l’objet narcissique, le patient investit l’objet comme “double homosexuel”
de soi, l’objet présent dans cette fonction de reflet de soi, est investi et
“aimé”. L’objet absent, c’est-à-dire l’objet s’absentant de cette fonction,
l’objet devenant autre, non présent comme “double” de soi, l’objet non
“narcissique”, sera haï pour son absence, pour le manque qu’il creuse. Le
manque prend la place de l’illusion négative, le conflit d’ambivalence peut
commencer à s’organiser. L’objet est aimé pour sa présence, haï pour son
absence, c’est-à-dire sa “présence” ailleurs, son ouverture au tiers. »
Objet partiel
La relation d’objet partiel est l’opposé de celle dite d’objet total. Typique-
ment, le patient n’a pas de confident malgré un nombre élevé d’amis. Il
reste indifférent vis-à-vis de l’autre quel qu’il soit. Il ne voit qu’une partie
du fonctionnement de l’objet.
Les personnes qui souffrent de troubles psychotiques perdent la capacité
de percevoir l’autre en sa totalité. Par exemple, le patient dit que l’autre est
un « gros bras », il est donc capable de faire tout ce qu’il peut lui deman-
der. La relation d’objet partiel est rencontrée dans le trouble du spectre de
l’autisme où des patients prennent la main de l’adulte ou ont besoin de
l’adulte pour exécuter une tâche à leur place.
Sur le plan psychodynamique et dans leur rapport à l’autre, ces patients
ne peuvent que voir les aspects bons, méchants, les perfections, les insuf-
fisances, l’amour, la haine, le conflit, etc. Pour le formuler autrement, le
Objet sadisé
Cette relation d’objet sadisé est retrouvée chez le patient qui trouve des
manigances pour contrôler son thérapeute ou son objet. Il tient son thé-
rapeute sous son emprise. Le thérapeute se sent ou se retrouve dans une
relation contrôlée par le patient. Par exemple, certains patients veulent à
tout prix décider quand c’est le début ou la fin d’une séance. D’autres se
réjouissent en mettant leur thérapeute dans des situations pénibles. On a
l’impression que ces patients sont dans une toute-puissance et que le théra-
peute ou l’objet devrait se soumettre à leurs désirs.
Objet soumis
La relation d’objet soumis est constatée chez le patient qui se soumet litté-
ralement au désir ou au bon vouloir de l’objet. Dans la rencontre clinique,
le patient attend que le thérapeute lui pose des questions. Il reste attentif et
garde le lien avec son thérapeute. Le patient répond de manière adéquate
aux questions. On essaie de voir s’il se soumet de manière adéquate ou non.
On peut voir si le patient respecte la différence de génération ou pas. Ces
patients sont très polis, très soumis et ne s’opposent à rien. Ils sont prêts à
accomplir le désir de l’autre. Il est intéressant de faire un lien avec le type
de leur surmoi.
Objet total
Dans la relation d’objet total, le patient investit l’autre dans tous ses divers
aspects et caractéristiques. Il accepte le « bon » et le « mauvais » côté de
l’objet. Il s’inscrit dans des échanges réciproques avec l’objet. Après être
contenu, rassuré et satisfait dans ses besoins, le patient peut sourire et
partager les affects de plaisir après les moments d’angoisse. Il a accédé à la
phase ou à la position dépressive décrite par Mélanie Klein en 1940. Ainsi,
le patient peut devenir une référence à un tiers dans son jeu ou l’histoire
aimez faire ensemble, à quoi vous jouez, de quoi vous parlez ? », « Cela fait
combien de temps que vous êtes amis ? », « Es-tu satisfait de cette amitié ? »,
« As-tu déjà éprouvé des sentiments d’amour envers quelqu’un ? », « As-tu
déjà été amoureux ? », « C’étaient plutôt des filles ou des garçons ? », « Si tu
t’imagines quand tu seras amoureux, tu penses que tu le seras avec une fille,
un garçon ou les deux ? »
• « Aimes-tu les animaux, les oiseaux, etc. ? », « Comment s’appelle ton ani-
mal de compagnie ? », « Qui a pris la décision de l’acheter ? », « Qui a donné
le nom à ton animal de compagnie ? », « Est-ce que tes frères ou tes parents
s’occupent de ton animal de compagnie, si non pourquoi ? », « Peux-tu me
dire pourquoi tu as demandé à avoir cet animal de compagnie ? », « Est-ce
que tu as déjà eu un autre animal de compagnie, pourquoi ? »
Remarque
Il est important que le thérapeute fasse la différence entre l’objet interne et
externe. Cette distinction est d’autant plus intéressante dans le choix du type
de psychothérapie à proposer ou du type de suivi thérapeutique à indiquer
après une évaluation. Par exemple, dans la psychothérapie individuelle, le
thérapeute travaille sur l’objet interne (c’est-à-dire la manière dont le patient
se représente ou a internalisé l’objet réel externe). Lors des thérapies sous
forme de guidances thérapeutiques, le thérapeute focalise ses interventions
sur le narcissisme des parents. Les consultations thérapeutiques permettent
au thérapeute de revenir sur les relations entre parents et enfants. Il travaille
les représentations des objets internes et externes réels ou fantasmés pour
essayer expliquer au patient et à ses parents le fonctionnement psychody-
namique de tous en lien avec la problématique personnelle du patient et la
dynamique familiale.
Bibliographie
Blondel, M.-P. (2004). Objet transitionnel et autres objets d’addiction. Revue française
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Brunschwig, H. (2001). Transfert et contre-transfert, deux leviers solidaires et puis-
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Brusset, B. (1999). Diagnostic psychiatrique et différence du normal et du patholo-
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Il arrive souvent que ce vrai self se retrouve à travers les fissures structu-
relles du patient. À partir des jeux symboliques, par des épisodes narratifs, à
l’aide des explications que le patient donne à sa propre histoire de vie, celui-
ci peut laisser la porte ouverte afin que l’autre identifie le vrai et le faux self.
Comme avant-goût de l’exploration du self, le thérapeute se demande
à quel degré le patient fait la différence entre la représentation de soi et
la représentation de l’objet. Est-ce qu’il se différencie du reste du monde ?
Comment parle-t-il des autres ? Le patient reste-t-il collé ou fusionné à
l’objet ?
Nous pouvons noter comme réponses :
• une confusion ou indistinction de la représentation soi-objet ;
• un patient a des difficultés dans le processus de séparation-individuation ;
• un self bien intégré et différencié de l’objet ;
• un patient qui présente ou non un manque de sentiment de continuité
du self.
Un psychanalyste américain d’origine allemande du nom d’Erik Erikson
(1902-1994) a développé une classification des stades de développement
d’individu. Nous trouvons intéressant de la parcourir dans la suite. Erikson
dit qu’après 6 ans, on peut déjà commencer à observer un self en consti-
tution. Cette classification revisitée par Muray & Michel (1994) dans leurs
travaux propose les cinq catégories suivantes.
la honte, le patient hérite d’un sentiment de ne pas être assez bon. Comme
pour les autres stades de développement, l’équilibre est ici aussi souhai-
table. Ce stade coïncide avec le stade anal chez Freud.
Self grandiose
Celui-ci est retrouvé chez un patient qui a le sentiment d’avoir des pou-
voirs et la supériorité sur le reste de son entourage. Il est tout-puissant et
mégalomaniaque. Il se voit capable de démonter, de détruire ou de mettre
en échec tout le monde sans que personne ne l’arrête. Il a un self tout-puis-
sant et est prêt à démolir, à corriger tout le monde. Il se passe des règles
établies dans la société. Il peut s’agir d’un « enfant roi ». Certains patients
essaient d’écraser l’objet à travers leurs actions, dans leurs propos, à chaque
occasion. Il est nécessaire de chercher le surmoi du patient et voir comment
il se comporte devant l’émergence de l’angoisse ou d’autres difficultés de
sa vie courante.
Self dévalorisé
Ce type de self donne un sentiment d’infériorité et d’insécurité. Le patient a
le sentiment d’incomplétude. Il juge que les autres sont meilleurs que lui. Il
se trouve nul et incapable. Sa place est derrière les autres. Le patient qui a un
self dévalorisé n’ose pas entreprendre un projet ou n’arrive pas à proposer
une activité à ses pairs. Il craint peut-être le rejet des autres ou d’être le sujet
de moqueries des autres. Ces patients qui ont un self dévalorisé sont encore
plus fragilisés dès qu’ils souffriront de dépression, etc.
Self vulnérable
On parle du self vulnérable quand le patient ressent continuellement
un besoin de protection. Il a constamment un sentiment d’insécurité. Il
manque d’estime de lui-même. Il n’arrive pas à se faire confiance ou à trou-
ver des solutions dans des situations conflictuelles.
Faux self
Le patient essaie de se conformer à son environnement social. Il montre
le contraire de son monde interne. Il fait semblant d’être celui que l’autre
aimerait voir ou rencontrer. Le faux self amène le patient à se tourner vers
les besoins de l’autre et s’oublie soi-même. Dans un but de plaire, de séduire
ou se dérober face à l’objet, il pose des actes, donne des réponses, s’active,
etc. Ce type de patient est hyperadapté aux exigences de l’environnement.
Il peut devenir très gentil, très serviable, très poli ou alors l’inverse.
Self mal défini
Il s’agit d’un self qui est sans cesse fluctuant. Le thérapeute peut noter dif-
férentes qualités de ce self : abandonnique, peu incarné, constitué ou non,
tout-puissant et instable chez le patient borderline, bipolaire, hyperactif
(trouble de déficit d’attention et hyperactivité), etc.
Le thérapeute a du mal à cerner le patient. Il a l’impression que celui-ci
passe entre les mailles du filet. Le patient se dérobe continuellement bien
que le thérapeute essaie de cerner sa personnalité.
La conception du self met plus en lien le moi, le test de la réalité, le
surmoi, l’idéal du moi et les représentations parentales de la personne. Par
exemple, pour un patient qui est dans une école spécialisée (c’est-à-dire
un cursus scolaire adapté aux difficultés cognitivo-comportementales et
intellectuelles des élèves) et qui se dit vouloir devenir chirurgien plus tard,
le thérapeute cherche la qualité de son test de la réalité, le pourquoi et
comment est l’image de soi.
Les représentations parentales doivent être recherchées au cours de l’exa-
men du self. Le patient brillant à l’école peut avoir une image faible de soi,
une basse estime de soi avec un surmoi très critique s’il a un parent qui
n’arrête pas de le rabaisser ou de lui renvoyer une image négative, de décep-
tion, d’échec, etc. Il en est de même s’il a un parent toujours insatisfait, qui
demande toujours mieux et plus, ou un parent idéalisé, indépassable, etc.
Exploration du self
L’écoute fine du thérapeute lui permet de relever certaines couleurs du self
du patient. Pour compléter ses impressions cliniques, il peut poser diverses
questions telles que : « Si je ne te connaissais pas et si tu devais me parler de
Identifications
Généralités
L’identification a un lien étroit avec le type et la qualité de relation d’objet,
l’idéal du moi, le moi idéal et le surmoi du patient. Tous les items d’éva-
luation pédopsychiatrique sont imbriqués. L’entretien a pour objectif de
mettre en lien toutes ces données ou toutes les informations recueillies. Il
est important de souligner ou de faire la différence entre ce qui vient du
patient, de l’extérieur ou de l’autre, et ce qui appartient au thérapeute.
Par exemple, est-ce que le patient accepte que ce qui vient de l’autre ren-
tre en lui comme les odeurs, le reniflement, le gargouillement de l’estomac
des parents ou des pairs, etc. ? Ces informations permettent de distinguer
les éléments qui appartiennent à l’identification et la différenciation.
Exemples
• Un patient qui n’arrive pas à trouver une image surmoïque en famille et se
met à se conformer aux idéaux du groupe des pairs afin de se faire accepter ou
être admis dans leur cercle. Ce patient va poser une série d’actes délictueux.
Les pairs vont l’abandonner et il sera pris en flagrant délit par la police. Souvent,
le patient se rend lui-même au poste de police ou aux forces de l’ordre pendant
ses actions délictueuses sans s’en rendre compte.
• Un patient qui, après avoir volé un scooter, ne respecte pas la signalisation
routière et se retrouve coincé dans un rassemblement encadré par la police.
Cela peut aussi aller dans un sens positif si le patient s’inscrit dans un
groupe de pairs bienveillants. L’identification au groupe de pairs n’est pas
toujours négative. Elle peut apporter une sécurité au patient en lui donnant
un sentiment d’appartenance.
Identifications autonomes
Ces identifications sont liées à la mère ou au père. Le patient arrive-t-il à
s’autonomiser de ses parents ? Reste-t-il dépendant d’eux ? Peut-il se per-
mettre d’aller plus loin dans ses activités, jeux, formations, voyages, loisirs
sans qu’il en soit empêché par la montée d’angoisse ? Est-ce que les dif-
ficultés de s’autonomiser viennent des parents ou du patient lui-même ?
Pense-t-il que ses parents sont d’accord ou seront satisfaits de le voir s’auto-
nomiser ? Quelles sont les émotions ou les affects qui ressortent dans son
jeu de la famille ?
Identifications idéalisées
Ces identifications sont liées à l’image maternelle ou paternelle. Comment
le patient se comporte vis-à-vis de ses imagos paternelles ou maternelles ?
Est-ce qu’il se sent persécuté, rassuré, incompris, délaissé, contrôlé, déstabi-
lisé, etc. par les imagos parentales internalisées en lui ?
Identifications mélancoliques
Le patient qui a des identifications mélancoliques a des affects de tristesse.
Il est submergé par la mélancolie dans ses identifications. Il a du mal à
se réanimer car il dégage de la mélancolie sans qu’il soit déprimé selon le
DSM-5 ou la CIM-10. Le thérapeute note ces identifications mélancoliques
dans les propos, le jeu, voire les différents échanges affectivo-émotionnels
du patient.
Identifications adhésives
Le patient chez qui l’on observe les identifications adhésives ne supporte pas
d’être séparé de l’objet. L’objet et lui font un. Le patient imite le comporte
ment, l’accoutrement, le style de vie, le style de paroles, l’apparence, etc.
Il est plus dans la dépendance à l’objet que dans les états mentaux. Certains
patients réagissent en miroir au comportement du thérapeute (ils repren-
nent ses intonations, sa posture, ou peuvent essayer d’avoir l’approbation
du thérapeute à chaque mot, fait et geste, etc.). Ce type de patient a ten-
dance à se coller ou à être adhésif vis-à-vis de l’objet. Il s’agit de ce que l’on
appelle un patient qui est dans le double narcissique. L’autre ou l’objet est
comme lui. Il s’identifie exactement, totalement et complètement à l’objet.
Il dit : « Mon meilleur ami est exactement comme moi, on aime les mêmes
choses, nous avons les mêmes délires, nous nous comprenons sans même
dire les choses… ».
Identifications défensives
Le patient peut s’identifier à l’agresseur ou à la victime pour exprimer ses
défenses. Qu’il s’agisse du jeu ou dans sa communication gesto-posturo-
verbale, il montre qu’il est plutôt en mode défensif. Il peut s’agir d’une
forte inhibition dans le but de se défendre contre ses pulsions libidinales ou
agressives (cf. chapitre 18).
Identifications structurantes
Le patient essaie de se structurer à travers les identifications qu’il s’est faites.
Le modèle de structure auquel il s’identifie l’aide énormément à garder une
certaine vision de sa vie et de son environnement.
Conclusion
Lors de l’exploration des identifications des patients, il est question de
comprendre le message qu’ils communiquent à partir de leur langage du
corps. Le thérapeute doit garder à l’esprit que le corps du patient est un
corps de messages ou un corps messager. Comme dit plus haut, la posture,
l’habillement, le style, etc. doivent mettre la puce à l’oreille. Culturellement
parlant, le corps parle et témoigne de notre appartenance sociale.
En définitive, lors de l’évaluation, le thérapeute peut noter ou découvrir les
identifications en s’interrogeant sur les projets, les pensées, les projections
futures du patient. Il s’agit d’être attentif à toutes ces phrases du patient qui
commencent par : « Je suis méchant… », « Je dois faire… », « Je serai… ».
Grossesse à l’adolescence
Il peut sembler étrange d’aborder la question des adolescents qui sont des fu-
turs pères ou mères. Il nous arrive en effet de plus en plus de recevoir des ado-
lescentes enceintes ou des futurs pères. Il est alors essentiellement important
d’évaluer leurs identifications vis-à-vis des futurs changements et de savoir à
quel niveau ils sont en parlant de la parentalité et tout ce qui va de pair avec.
Pour y arriver, voici certaines questions qui peuvent guider ou orienter la dis-
cussion avec l’adolescent :
• « Comment tu t’imagines dans quelques mois ? », « Comment tu vis cet état
de grossesse ? » ou « Te vois-tu après l’accouchement ? »
• « Quelle est la position ou la réaction de tes parents ou tes responsables
légaux vis-à-vis de cette grossesse ? », « Comment ont-ils reçu la nouvelle ? »,
« Se sont-ils positionnés ? », « Quelle est leur décision vis-à-vis de la grossesse ? »,
« Pourquoi avoir gardé cette grossesse ? »
• « C’est comment pour toi physiquement ou mentalement cet état de gros-
sesse ? », « Parle-moi de ton ressenti vis-à-vis de cette grossesse », « Penses-tu
être à la hauteur et prêt à devenir parent ? »
• « Arrives-tu à te comprendre ces derniers temps ? », « Comprends-tu tes sen-
timents actuels liés à ton état de grossesse ? », « Comment expliques-tu le fait
que dès l’accouchement, vous serez trois personnes (le père, le bébé et toi) ? »,
« Est-ce que tu vas t’en sortir ? »
• « Quelle était la réaction de ton entourage amical, scolaire ou professionnel ? »
Le clinicien doit aller loin dans son investigation et rechercher les fantasmes,
les émotions, les affects, la notion de culpabilité ou non, les inquiétudes, etc.
Bref, il faut être le plus possible très systématique, clair, large et non vague dans
cette exploration.
Impasses identificatoires
Il est clair déjà que les différents mouvements identificatoires permettent
la continuité du self. L’impasse identificatoire est l’arrêt de cette continuité.
Ceci interfère sur la constitution du self. Bien que l’enfant puisse tirer du
bon de ces adultes de référence et de substitution, le manque d’un ou des
deux parents se répercute sur la continuité de son self. L’absence psychique
temporaire ou continue d’un parent (due par exemple à un trouble dépres-
sif, un trouble de la personnalité, un trouble psychotique, une consomma-
tion de substances) se répercute sur la relation et le self de son enfant. Dans
l’enfant adultomorphe, on cherche quel est le parent malade ou quel parent
défaillant il faut réanimer ou soigner.
Il arrive que si un patient ne parvient pas à trouver une identification
masculine ou féminine dans sa famille, il aille chercher cette identification
(père ou mère manquant) dans un autre endroit tel qu’à l’école auprès des
éducateurs, de l’assistante sociale, etc.
Traits de personnalité
Les traits de personnalité doivent être décrits dans l’évaluation du patient.
L’anamnèse fournit des informations nécessaires qui sont complétées avec
le status clinique. En ce qui concerne la recherche des traits de personnalité
du patient, Ivanov Mazzucconi conseille au thérapeute d’explorer l’histoire
du patient dans l’objectif de relever ses différentes difficultés qu’il rencontre
dans sa vie amoureuse et professionnelle. Ces informations sont nécessaires
à la pose du diagnostic.
Le patient et son entourage sont les mieux placés pour fournir des don-
nées sur les traits de personnalité. Il arrive que le patient se décrive tel qu’il
se voit ou comment les autres parlent de lui. Le thérapeute lui demande ce
qui motive ses pairs à être amis ou copains avec lui. Quels sont les critères
de choix de son amoureux ? Comment ses parents ou ses frères et sœurs le
décrivent-ils ? Il est important de noter que « les troubles de la personnalité
apparaissent habituellement dans l’enfance ou l’adolescence et persistent à
l’âge adulte. Par conséquent, un diagnostic de trouble de la personnalité est
rarement approprié avant 16 ou 17 ans. » (Pull, 2000)
Avant cet âge, il est nécessaire de relever les caractères ou signes pouvant
évoluer vers un type de personnalité ou un autre.
L’investigation clinique permet au thérapeute de constituer par assem-
blage des éléments qui lui donnent une idée sur le trait de personnalité du
patient. Pour y arriver, il peut aborder la question des relations interperson-
nelles, professionnelles, de ses thèmes de conversation ou de réflexion, etc.
Relations interpersonnelles
Il est intéressant de noter la qualité des échanges ou relations personnelles
du patient dans son milieu familial ou amical, dans ses réseaux sociaux,
etc. En interrogeant l’entourage ou le patient lui-même, le thérapeute note
si celui-ci est réservé, combatif, sélectif, évitant, utilitaire, indifférent aux
Relations scolaires/professionnelles
En plus des relations familiales ou amicales, il est important de s’interroger
sur les relations colaires/professionnelles du patient. Que disent ses collègues,
ses enseignants, ses maîtres de stage à propos de ses activités profession
nelles ? Fait-il preuve de sens de dévotion, de responsabilité, d’engagement,
d’irresponsabilité, d’incapacité, d’indécision, de perfectionnisme, d’impré
visibilité ? Est-il est négligent, convaincant, etc. ? A-t-il peu d’estime de soi ?
Cherche-t-il à copier les autres ?
Soi
Introduction du concept de soi
En guise de définition, « le soi est conçu par Spitz comme une élaboration
idéationnelle de l’expérience émotionnelle et somatique dépendant de la
réalisation d’être séparé, d’être un individu. » (Golse, 2015)
En fait, le soi est un concept important dans la métapsychologie psy-
chodynamique. Il se met en place au cours des 6 premiers mois de la vie. Il
est important que l’individu fasse une différence entre soi et l’autre, entre
ce qui lui appartient et ce qui appartient à son entourage. Il s’agit de l’effort
que le patient fait pour donner à lui-même et à autrui une image de lui-
même. Ce concept de soi renvoie vers une compréhension ou une compo-
sante cognitive, tandis que l’estime de soi est la manière dont la personne
s’évalue sur le plan affectif. De ce fait, l’estime de soi a une composante
affective.
Le soi est une structure intrapsychique. Il prendrait naissance dans un
moi en cours de formation. La constitution du soi précède la formation
du moi et ce soi y est nettement enchâssé. « Le soi manœuvre par touches
successives, par mouvements d’essais et de retraits, pour faire face aux
menaces créées à l’extérieur comme à l’intérieur tant par la réalité que par
les pulsions. » (Bergeret, 2013) Le soi provient de l’exercice de la fonction
symbolique. C’est une sous-structure du moi qui détermine, par la voie des
relations d’objets qui le constituent, la structure du moi, du surmoi et donc
du caractère du patient. Plus exactement, « la distinction entre le soi et le
monde qui l’entoure est pour l’enfant la première étape vers la formation
du moi. » (Golse, 2015)
On cherche avec le patient quels sont son auto-investissement, l’image de
soi et l’estime de soi. Comment exprime-t-il ses émotions et son identité ?
A-t-il recours aux mensonges ? Y a-t-il de l’assurance dans ses propos, etc. ?
À l’aide des dessins de bonshommes, d’une famille ou de la fratrie, on peut
constater comment le patient se conçoit lui-même. Le thérapeute observe
s’il arrive à se représenter intégralement ou s’il manque certaines parties du
corps dans ses productions ou ses dessins. Ceci est flagrant chez les patients
souffrant des troubles psychomoteurs et surtout ceux qui connaissent des
difficultés dans la représentation de leur schéma corporel.
L’image de soi fait lien entre l’estime de soi et le self. En fait, « trois compo-
santes de l’estime de soi entretiennent généralement des liens d’interdépen-
dance : l’amour de soi (se respecter quoi qu’il advienne, écouter ses besoins
et ses aspirations) facilite incontestablement une vision positive de soi
(croire en ses capacités, se projeter dans l’avenir) qui, à son tour, influence
favorablement la confiance en soi (agir sans crainte excessive de l’échec
et du jugement d’autrui). » (André & Lelord, 1999) Les patients souffrant
d’hyperactivité ont souvent une faible estime d’eux-mêmes. Ils sont peu
sûrs d’eux-mêmes car les autres les rejettent assez souvent. Ces exclusions
fréquentes se retrouvent dans la sorte et la qualité de relation d’objet qu’ils
développent.
La question de l’image de soi est liée à l’idéal du moi. Plus jeune, le
patient n’a pas honte de ses parents car il puise dans l’image de son parent
un besoin narcissique de protection et d’un idéal du moi. À l’adolescence,
il éprouve une honte à l’égard du même parent qui jadis faisait sa fierté.
En fait « pour avoir une bonne estime de soi, il faut pouvoir compter sur
soi-même et en particulier sur sa capacité de penser clairement et d’agir en
accord avec son propre jugement. » (De Saint-Paul, 2004)
La honte chez l’adolescent est liée au fait de devoir se détacher et se
différencier de ses parents. La honte est l’héritière de l’idéal du moi non
protecteur de l’individu. C’est le sentiment de honte qui mesure tout l’idéal
du moi (le patient se calque au mode de vie de ses idoles, artistes préférés,
mannequins, qui sont actuellement appelés des influenceurs). L’idéal du
moi n’est plus calqué sur les parents, plutôt sur d’autres objets qu’il juge
utiles à ses yeux (cf. chapitre 17).
Conclusion
Les items consacrés au self, les identifications, le soi et les traits de caractère
sont en étroite connexion avec des autres instances de l’appareil psychique.
Dans l’évaluation psychodynamique du patient, il revient au thérapeute de
dégager son unité fonctionnelle ou sa structure fonctionnelle. Nous reve-
nons sur ces notions dans le chapitre 20 avant d’aborder le sujet thème de
la restitution de l’évaluation.
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Les points qui suivent consistent à dégager les liens ou les rapports
entre les fonctions neurobiologiques et psychodynamiques du moi. On lui
accorde huit fonctions (Anzieu, 1995). L’intérêt de rappeler ces fonctions
est de montrer comment le thérapeute devrait se ménager au cours de
ses entretiens. Il remplit d’un instant à l’autre ces différentes fonctions.
Ces huit caractéristiques lui permettent de concrétiser la fonction alpha
de Bion. Qu’il s’agisse des entretiens d’évaluation ou de psychothérapie, le
thérapeute métabolise, décode et transcrit des informations méta en infor
mations simples, explicites, digestibles pour le patient.
Maintenance du psychisme
La peau remplit une fonction de soutènement du squelette et des muscles.
Le moi, donc le moi-peau, remplit une fonction de maintenance du psy
chisme du patient. Le rapport entre la fonction biologique et la fonction
psychique est que la maintenance du psychisme est assurée par l’intériori
sation du holding maternel.
La défaillance ou l’excès de cette fonction entraîne une sensation de vide
intérieur. Le thérapeute a l’impression d’être devant un patient qui porte
des vêtements qui ne font qu’assurer une unité superficielle mais dépourvue
de cette arête dorsale qui tient le corps et la pensée. Le manque de solidité
ou de dureté de cette charpente psychique est flagrant dans les entretiens.
Contenant
La peau recouvre la surface entière du corps dans laquelle sont insérés tous
les organes des sens.
Le rapport entre la fonction biologique et la fonction psychique est que le
contenant est assuré par l’intériorisation du handling maternel. Le moi-peau
est le siège des organes de sens de l’individu.
Quand il y a une défaillance ou un excès de cette fonction du moi-peau,
on retrouve deux types d’angoisse :
• l’angoisse d’une excitation pulsionnelle diffuse, permanente, éparse, non
localisable, non identifiable, moins apaisée, c’est-à-dire une angoisse sans
noyau écorce ;
• l’angoisse d’avoir un intérieur qui se vide, l’enveloppe existe mais sa
continuité est interrompue par des trous, il s’agit d’un moi-peau passoire
dans la structure psychotique. Le patient se plaint de ses angoisses de
vidange. On peut noter également des angoisses d’intrusion. Le patient res
sent un manque de limite entre son dedans et son dehors.
« Pare-excitation »
La peau est une couche superficielle de l’épiderme. Elle protège la couche
sensible de celui-ci et l’organisme en général contre les agressions physiques.
Individuation du soi
La peau humaine présente des différences individuelles considérables par
son grain, sa couleur, sa texture, son odeur, etc. Le moi-peau assure à son
tour une fonction d’individuation du soi.
Intersensorialité
La peau est une surface porteuse de poches, de cavités où sont logés les
organes des sens autres que ceux du toucher. Le moi-peau remplit sa fonc
tion d’intersensorialité dont la référence de base se fait toujours au toucher.
Le rapport entre la fonction biologique et la fonction psychique est que
le moi-peau est une surface psychique qui relie entre elles les sensations de
diverses natures.
Les défaillances ou les excès de cette fonction font que l’on retrouve une
angoisse de morcellement du corps ou précisément une angoisse de déman
tèlement décrite par Meltzer en 1975, c’est-à-dire d’un fonctionnement
indépendant, anarchique des divers organes des sens.
Recharge libidinale
La peau est une surface de stimulation permanente du tonus sensorimoteur
par les excitations externes. Le moi-peau assure la recharge libidinale.
Le rapport entre la fonction biologique et la fonction psychique est que
cette dernière permet une recharge libidinale et maintient de la tension
énergétique tout en répartissant les inégalités libidino-énergétiques entre
les sous-systèmes psychiques.
La défaillance ou l’excès de cette fonction permet d’objectiver deux types
d’angoisses antagonistes :
• l’angoisse de l’explosion de l’appareil psychique sous l’effet de la sur
charge d’excitation ;
• l’angoisse de nirvana qui est aussi l’angoisse de l’accomplissement du
désir d’une réduction et de baisse de tension au niveau zéro.
Ces différentes angoisses sont observables dans divers troubles psy
chiques. La question est de savoir comment les atténuer ou baisser la surex
citation ou l’inconfort qu’elles génèrent. Quel est le fonctionnement qui se
met en place chez le patient angoissé et submergé ou en défaillance vis-à-vis
du principe de plaisir et de réalité ? Quels sont les mécanismes de défense
auxquels a recours le moi du patient pour se défendre de ses angoisses ? Etc.
Pour les plus petits, la notion de temps n’est pas encore acquise. Certains
se réfèrent à la notion de nuit, c’est-à-dire le « dodo », pour compter les
jours.
Orientation dans l’espace
L’élément espace est à examiner également. Il s’agit de voir si le patient
arrive à connaître le nom du lieu dans lequel il séjourne. Le nom de
son quartier, de sa ville ou les distances entre deux ou plusieurs villes,
communes, quartiers peuvent lui être demandés. Comment arrive-t-il à
s’orienter dans son espace quotidien ? « Où es-tu maintenant ? », « D’où
viens-tu ? », « Comment fais-tu pour rentrer chez toi ? », « Quelle est la dis
tance entre chez toi et ton école ? », « Où habite ton grand-père ? »
Orientation quant à la situation
Pour explorer cette fonction, certains auteurs disent qu’« il ne s’agit pas
seulement ici de se reconnaître comme un patient en situation d’examen,
mais de connaître les raisons qui ont conduit à cette situation. » (Preising
& Serre, 2000) Le thérapeute demande au patient : « Qu’est-ce que tu fais
ici ? », « Pourquoi es-tu venu me voir ? », « En quoi consiste notre rendez-
vous d’aujourd’hui ? », « Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu viennes me
voir ? », etc.
Orientation quant à la personne
Il s’agit de vérifier si le patient se souvient ou connaît les détails sur sa vie
ou sa biographie. « La connaissance de la situation personnelle comprend
l’anniversaire, le lieu de naissance, les origines, le nom, la profession ainsi
que le rôle dans le contexte social. » (Preising & Serre, 2000) Le thérapeute
essaie de décrypter les connaissances du patient sur sa propre personne, sa
vie, sa famille, etc.
Vigilance
La vigilance est évaluée autant et au même moment que les autres fonc
tions du moi. C’est la capacité d’adaptation ou d’orientation dans le temps,
l’espace, quant à la situation et quant à sa personne. Cette vigilance peut
être comprise comme un « état du système nerveux permettant à l’orga
nisme de s’adapter et d’échanger avec le milieu. » (Tribolet & Sahidi, 2005)
L’état de vigilance est opposé à l’état du sommeil. L’état d’hypovigilance
peut être noté dans certains troubles dépressifs ou les états traumatiques ou
anxieux. Le thérapeute se retrouve en train de fournir l’effort pour redyna
miser le patient pendant l’entretien.
Certains patients ont un niveau de vigilance accru. Ils n’arrivent pas à
rester calmes et donnent l’impression d’être soit en insécurité, soit d’avoir
une anxiété ou une peur.
Dans le trouble maniaque, le patient est très attentif au moindre bruit
et son de son environnement. Son hypervigilance lui permet d’entendre
Exploration
Exploration de l’attention
Est-ce que le patient est orienté dans le temps, dans l’espace ? (On lui
demande le jour de la semaine, le mois, la saison, etc.) Quand il n’arrive pas
à bien se situer dans le temps, on peut penser à l’anxiété durant l’entretien,
au trouble du cours de la pensée, etc. Le patient devrait, selon son âge, se
repérer dans le temps et être en mesure de faire la différence entre les sexes,
les générations et entre soi et l’autre.
L’exploration de l’attention demande au thérapeute d’observer si le
patient est attentif au déroulement de l’entretien. Prête-t-il attention à
ce qu’on lui dit ? Est-ce qu’il participe à l’entretien ? Donne-t-il l’impres
sion d’écouter attentivement ou semble-t-il être ailleurs ? Est-il happé par
d’autres idées, d’autres pensées ou son imagination ? Est-ce qu’il commet
des erreurs d’inattention ? Le cas échéant, à quelle fréquence ? Quelle est la
durée pendant laquelle il peut rester attentif à l’autre ?
Est-il attentif aux détails dans sa vie scolaire, professionnelle et familiale ?
Est-ce que son trouble d’attention se manifeste seulement pendant l’entre
tien ou cela arrive même quand il est à l’école, à la maison, dans le jeu
avec ses pairs, etc. ? Aime-t-il les activités en classe qui requièrent beaucoup
d’effort de concentration ou qui durent longtemps, ou le contraire ?
Le thérapeute peut lui demander, par exemple : « Est-ce que la maîtresse
te reproche d’être dans ta bulle ou dans ton monde souvent ? », « Penses-tu
qu’il t’est facile de te laisser distraire ? », « Arrives-tu à suivre la conversa
tion avec tes amis ? », « Est-ce que tu peux suivre les instructions ou les
consignes (simples ou complexes) de ta maîtresse ou de tes parents sans
que tu te trompes ? », « Arrives-tu à terminer tes tâches ou tes devoirs sans
difficulté et au même moment que tes camarades en classe ? »
Le patient peut être attentif tout en restant silencieux pendant que ses
parents racontent l’histoire de sa vie. D’autres n’aiment pas qu’une tierce
personne parle d’eux en leur présence. Ils préfèrent rapporter eux-mêmes
les faits essentiels de leur vie. Si le thérapeute a l’impression que le patient
est moins attentif, il se doit de rechercher la cause. Il peut arriver qu’il soit
sous l’effet de drogues, de toxiques ou de médicaments. Dans ce cas, il est
important de confirmer avec le patient ou son entourage ce qu’il aurait
consommé, pourquoi, quand et avec qui.
Exploration de l’intelligence
Est-ce que le patient exprime sa curiosité ou non ? Peut-il relater les événe
ments selon une certaine chronologie ? Quelles sont ses initiatives ? Est-ce
Conscience ou préconscient
Définition
L’évaluation de la conscience ou du préconscient diffère selon que l’on
porte une casquette de pédopsychiatre ou de neuropédiatre. Ce que le
neurologue appelle conscience, le pédopsychiatre d’orientation psychody
namique l’appelle préconscient. Il n’est pas question de coter le score de
Glasgow comme pratiqué en neurologie chez certains patients ayant un état
de conscience déficitaire.
Le thérapeute doit faire attention à ne pas mélanger les concepts neu
rologiques et psychodynamiques. La conscience peut être examinée selon
un regard neurologique ou un regard psychodynamique. Il est clair que ces
deux concepts se chevauchent ou sont, à un moment donné, presque les
mêmes. L’importance est de savoir de quel côté on se penche pour examiner
ou évaluer l’un ou autre sans oublier leur coexistence.
L’exploration du préconscient du patient ne consiste pas à faire un exa
men neurologique, quoique chez certains, selon que l’état de conscience
Exploration du préconscient
Le patient dont le préconscient est atteint a du mal à jouer à faire sem
blant. Comme nous l’avons mentionné dans la partie I, le préconscient joue
un rôle de taille dans l’évaluation de nos patients, surtout quand ils sont
adolescents. Le thérapeute évalue la capacité de rêverie du patient. Qu’il
s’agisse d’un rêve diurne ou nocturne, il est important d’évaluer l’épaisseur,
la qualité, la constitution du préconscient.
Lors d’une évaluation pédopsychiatrique du préconscient, il est ques
tion de voir comment le patient aborde ou distingue ses difficultés ou le
problème qui l’amènent à consulter. Comment raconte-t-il son histoire ?
Quelle est la qualité de sa narration ? Est-ce qu’il se permet de rêver ? Est-il
capable de parler ou penser au second degré ? Comment son préconscient
fait-il l’arbitrage entre son surmoi et son moi ou entre son inconscient et
sa conscience ? Exprime-t-il des contenus latents ou manifestes dans ses
récits ? Est-ce que son préconscient est un filet composé de nombreux trous
qui ne favorise pas la rétention des informations refoulées ? Ce précons
cient joue-t-il son rôle de pare-excitant ? Comment est faite cette double
limite entre le dedans et le dehors chez le patient ?
Mémoire
Généralités
La mémoire est la capacité de se rappeler ce que l’on a appris dans un passé
proche ou lointain. À travers cette fonction, le patient fait un lien entre ses
capacités mnésiques, ses productions symboliques, sa concentration, etc.,
et les tâches ou activités qu’il est amené à exécuter. La mémoire est considé
rée comme une fonction qui aide la personne à faire le pont ou le lien entre
son passé, son présent et anticipe le futur.
Les différentes étapes de la mémorisation
Le travail de mémoire passe par trois étapes : l’encodage, la fixation et le
rappel.
Encodage du souvenir ou de l’information
Il consiste à enregistrer des informations nouvelles via nos sens avant de
passer à l’étape de la consolidation et de récupération. Cette étape fait appel
à l’attention ainsi qu’aux prédispositions émotionnelles du patient. Ces
deux éléments contribuent à opérer une sélection des informations selon
ses motivations.
Aperception
C’est la perte de la capacité de comprendre les informations par rapport à
leur sens et de faire des liens entre les perceptions. Ce type de patients a du
mal à raconter une fable, une histoire en images, de donner une explication
ou faire usage d’un proverbe, etc.
Par exemple, un enfant raconte à son thérapeute que sa mère le punit
tout le temps, alors que sa mère ne punit que le chat. « L’un des défis impor
tants auquel fait face toute personne qui interroge un enfant est d’évaluer
son niveau de développement et de s’y adapter. » (Cyr, 2014) Si nous ne
faisons pas attention, le patient peut nous livrer ses propres fantasmes ou
imaginations qui ne collent pas avec la réalité.
Confabulations
Elles apparaissent quand le patient remplace ses lacunes mnésiques par des
intuitions du moment qu’il tient pour des souvenirs propres. Les confabula
tions sont observables chez le patient qui essaie de répondre aux questions
répétitives par des faits imaginés ou inventés sur le moment. Le thérapeute
note alors qu’à chaque fois qu’il pose une question, le patient lui donne une
nouvelle réponse.
Mensonge
La question de mensonge ou vérité est difficilement applicable aux patients
âgés de 2 à 10 ans. À cet âge, plusieurs raisons peuvent pousser l’enfant
à nous raconter des faits ou des choses que nous serions tentés d’appeler
mensonges. Il peut :
• essayer de combler le vide de sa mémoire par ce qu’il aurait entendu
avant ou après un événement donné ;
• compléter son histoire par d’autres événements (en les mélangeant) ;
• répondre de manière inadéquate par peur de décevoir l’adulte ;
• répéter le dernier mot qu’il vient d’entendre et resté accrocher à ça ;
• etc.
En fait, il s’avère important de rappeler que les enfants sont convaincus,
la plupart du temps sinon toujours, que l’adulte sait tout. Pour eux, l’adulte
peut tout deviner, tout savoir par avance. Il comprend ce qu’il pense et il lui
est très difficile ou incapable de le tromper. Ceci reste vrai jusqu’à ce qu’il
découvre les autres rôles de mensonges et leurs conséquences sur le plan
relationnel.
Suggestibilité
Le concept de suggestibilité est particulier en pédopsychiatrie. Il est préfé
rable de l’éviter au maximum pendant les entretiens cliniques. « La sugges
tibilité des enfants est une question importante puisqu’elle est au centre
même de la véracité du témoignage de l’enfant quant au mauvais traite
ment qu’il a pu subir ou quant à l’événement dont il a été témoin. Des
procès retentissants, aux États-Unis à la fin des années 1980 ont démontré
Les patients qui seraient abusés ou qui seraient victimes de viol, de mal
traitance ou de négligence peuvent rencontrer des difficultés à se remémo
rer la scène ou les scènes qu’ils ont vécues. L’une des multiples raisons est
que ces scènes sont traumatiques en elles-mêmes. Les actes d’abus sont for
tement chargés sur le plan émotionnel. Raconter ou dévoiler son intimité
a un effet émotionnel très fort. Le patient submergé par l’émotion pourrait
avoir du mal à aborder son mal-être et demander qu’un proche le fasse à sa
place. Rappelons encore que « l’état de stress post-traumatique et l’état de
sidération dans lequel il peut se trouver au moment de la première audition
peuvent appauvrir la qualité de son discours, altérer sa mémoire et néces
siter une nouvelle rencontre » (Savard, 2019) entre le patient et l’expert ou
la personne autorisée à mener des auditions. Quelle que soit la personne
qui nous donne les informations, nous devons nous souvenir que nous ne
sommes pas mandatés pour mener des entretiens de type audition dans nos
consultations.
En ce qui concerne les rapports à la réalité et le lien entre abusés et agres
seurs ou auteurs d’abus, « l’enquêteur doit avoir conscience du fait que les
enfants victimes de maltraitances commises par leurs parents peuvent être
en difficulté pour placer un événement dans l’une des catégories, normale
ou anormale, car les modèles parentaux les amènent à intégrer un schéma
violent et maltraitant comme étant conforme à la réalité. » (Savard, 2019)
Cela dit, il revient au thérapeute de faire la part des choses entre les fan
tasmes et la réalité des propos du patient. Après tout, devant un doute, il
vaut mieux signaler la situation et travailler après avec le patient ce qui est
ou n’est pas acceptable dans la société et les différents rôles (protection,
éducation, instruction, accompagnement, etc.) des uns et des autres au
regard des mineurs.
À Genève, c’est à la police de brigade des mineurs spécialisée qui mène
ces types d’entretiens pour chercher la véracité des faits rapportés. Après
avoir relayé la situation d’abus ou de maltraitance aux autres collègues spé
cialisés dans ce domaine, le clinicien doit se souvenir qu’il continue à être
le thérapeute référent pour le patient. Son objectif n’est pas de rechercher
la véracité des faits que le patient rapporte ou raconte. Il ne peut nulle
ment se lancer dans des confrontations ou d’autres moyens d’investigation.
L’alliance thérapeutique et l’alliance de travail doivent être préservées à
tout prix.
Exploration de la mémoire
L’exploration de la mémoire tient compte de l’âge du patient. Le thérapeute
doit éviter les questions directes ou les questions à caractère suggestible. Il se
doit de laisser au patient la possibilité de faire appel à ses souvenirs ou à ses
capacités de rappel. En revanche, il peut guider le patient à l’aide des indices
ou d’autres médiations ou outils qui favorisent le rappel de souvenirs.
Raisonnement
Définition
L’activité de raisonner précède le jugement ou l’épreuve de réalité. Le rai
sonnement correspond à la capacité d’aller chercher les images, les souve
nirs dans le passé ou le futur. Le patient utilise ses diverses connaissances
acquises dans le processus de raisonnement. Il se réfère aux expériences
personnelles et à celles des autres pour comprendre, juger, décider, etc.
Raisonner équivaut à penser. C’est aussi fournir des arguments pour appuyer
ou soutenir ses réflexions ou ses hypothèses.
Il convient de dire que le raisonnement équivaut dans certaines circons
tances à avoir une capacité de rêverie. Cette capacité de rêverie évite les pas
sages à l’acte. Le patient peut réfléchir avant de passer à l’acte, s’appuyant
sur son surmoi. Cette activité de penser permet à l’individu de fournir des
thèses et d’antithèses avant d’arriver à une conclusion lors d’une discussion.
Exploration du raisonnement
Explorer la qualité du raisonnement du patient revient à analyser sa manière
de mener une réflexion ou de faire des déductions ou des inductions dans
une discussion ou échange avec l’autre. Le thérapeute objective si le patient
reste cohérent, logique et concis dans sa manière de réfléchir. Comment
organise-t-il son raisonnement ou planifie-t-il ses activités ? Son jugement
est-il cohérent à la réalité externe ? Le patient est-il adéquat dans son rai
sonnement selon son âge ? Reste-t-il dans un raisonnement généralisé ou
peut-il pousser très loin sa réflexion et aborder ou apporter plus de détails
dans la discussion ?
Le thérapeute essaie de confronter le patient en soulevant ou en souli
gnant des contradictions dans ses propos pour voir comment il réagit ou
comment il supporte cette remise en question de ses postulats. Il ne s’agit
pas de se montrer jugeant à l’égard du patient, mais d’évaluer sa souplesse
mentale, son sens critique, ses capacités d’ajustements, l’authenticité de
son raisonnement. Cette confrontation doit se faire dans l’empathie et la
neutralité.
Distorsion du raisonnement
Confusions
La confusion que nous abordons ici est différente de celle que l’on peut
observer chez le patient qui est dans un état crépusculaire ou l’emprise des
toxiques. On parle d’un raisonnement confus quand le patient confond
les détails ou mélange les informations qu’il nous raconte. Son discours
devient difficile à suivre et à comprendre. Il se perd ainsi dans les détails,
il remplace ses oublis par d’autres informations qui n’ont pas lieu d’être
données ni abordées dans le thème de discussion.
Contradictions
Le patient qui se contredit est incapable de s’en rendre compte. Il peut
persévérer dans ses assertions bien que le thérapeute vienne de lui faire
remarquer son erreur. Il peut, dans ce cas, avancer dans une même démons
tration deux postulats diamétralement opposés. Il a du mal à cerner la
contradiction de ses propos. Sur le plan psychodynamique, les contradic
tions sont relevées chez le patient qui présente un clivage du moi comme
mécanisme de défense.
Incompréhensions
Il arrive que le patient livre un discours complètement opaque ou qui
entraîne des céphalées si l’on cherche à le comprendre. Ce genre de rai
sonnement est retrouvé chez les patients psychotiques, ceux qui sont sous
l’emprise de toxiques, etc. Bien que le thérapeute demande au patient de
répéter encore et encore son histoire ou son discours, il persiste à ne rien
comprendre.
Dépersonnalisation
Elle fait partie des troubles de l’éprouvée corporelle. Le patient a l’impres
sion d’être déshabité dans son propre corps. La dépersonnalisation est un
« sentiment d’irréalité portant sur la perception de soi (en totalité ou en
partie) ou du monde environnant, qui survient dans les situations extrêmes
de stress ou de fatigue. » (Kaplan & Sadock, 2005) Dans la dépersonnalisa
tion, le patient perd son identité au cours de sa vie (cf. supra « Justesse de
la perception »).
Pensées imposées
Les pensées du patient sont perçues comme influencées, fabriquées, diri
gées de l’extérieur. Il s’agit d’une « idée délirante selon laquelle le patient a
l’impression qu’une force extérieure ou d’autres personnes lui ont implanté
des pensées dans son propre esprit » (Kaplan & Sadock, 2005).
Le patient qui a des pensées imposées dit qu’il se sent incapable de contrô
ler ses idées ou ses pensées. Il peut pointer ou identifier la personne auteur
de son calvaire ou non. Il dit être persécuté par l’imposition de ses pensées
et idées. Il est incapable de s’en débarrasser. Il ne s’agit pas de ruminations
anxieuses qui font qu’il cogite sans en finir sur une thématique unique ou
multiple et n’arrive pas à couper le cercle vicieux. Dans les pensées impo
sées en revanche, le patient sait qu’il ne s’agit pas de ses propres pensées
ou idées. Il reconnaît qu’elles lui sont dictées ou communiquées par force
de l’extérieur.
Devinement de la pensée ou pensées dévoilées ou devinées
par un tiers
Le patient croit que les autres peuvent lire ses propres pensées ou que lui-
même est en mesure de lire dans les pensées des autres. Il peut dire avec
conviction, par exemple : « Les gens dans la rue, dans le centre commercial,
à l’école, à la télé, etc. savent mes pensées même si je ne dis rien. »
Le patient est persécuté et angoissé à l’idée de sortir de chez lui car tout
le monde sait ses idées, ses pensées, etc. Certains recourent à des stratégies
de lutte (se couvrir les yeux, porter un habit spécial, ne sortir qu’à certaines
heures de la journée, etc.).
Vol de la pensée
Le patient peut dire que ses pensées lui sont enlevées par quelqu’un d’autre.
Il a l’impression que les gens lui volent ses idées ou ses pensées. Le vol de
la pensée est différent des idées de concernement où le patient se croit être
victime d’un complot. Ce vol de la pensée est encore différent des idées de
référence où le patient croit que tout le monde parle de lui, il est le seul qui
intéresse les autres, etc. Inversement, dans le vol de la pensée, le patient
croit être le centre d’intérêt lors des discussions ou échanges avec les autres.
Il affirme avec certitude que les gens lui ont volé ses idées, son projet, ses
stratégies et ceci avant que lui-même ne les communique.
Idées de référence ou de concernement
Elles sont retrouvées chez le patient qui souffre d’un trouble délirant. Il est
fermement convaincu de la véracité de leur perception ou croyance.
• Le patient, dans sa grande conviction, dit que des personnes étrangères
à son entourage lui envoient des signes ou parlent de lui derrière son dos.
Il peut avoir cette conviction quand il se trouve dans la rue, dans les trans
ports en commun, au marché, dans les manifestations publiques et privées,
dans des rassemblements ou lieux de rencontres, etc.
• Il soutient que les différentes émissions de radio et de télévision ou les
réseaux sociaux sur internet parlent de lui ou s’adressent directement à lui.
• Le patient peut être convaincu que la presse locale, les journaux locaux,
nationaux ou internationaux ne parlent que de lui. Les médias écrits ont
tous orienté leurs projecteurs vers lui. Il n’y a plus d’autres thèmes dans les
journaux que ceux qui le concernent ou d’articles qui lui sont destinés.
• Le patient dit que tous ou presque tous les objets qui permettent une
communication (par exemple les panneaux d’affichage, les panneaux
publicitaires, les pancartes, les calicots ou les banderoles, les différentes
banderoles posées sur la route, etc.) ou toutes les situations ont été conçus
délibérément pour lui envoyer un message. Il peut ou non dire comment il
sait ou reçoit lesdits messages, l’essentiel est qu’il y croit fortement.
• Un autre patient dit que les différents événements (les catastrophes ou
accidents locaux, nationaux, internationaux, du monde entier, etc.) lui
transmettent une information ou ont un caractère particulier pour lui. Soit
il peut arriver à le démontrer, soit il affirme qu’il le sait par son instinct ou
son sixième sens.
Pensée magique
Le patient se dit être capable de changer les choses en une claque. La
pensée magique est normale chez les plus jeunes qui sont dans la rêverie
et la toute-puissance infantile. La pensée magique est considérée comme
physiologique avant l’âge de 7 ans. La pensée magique est « une forme de
pensée déréistique […] les pensées, les mots ou les actes ont un pouvoir
(par exemple, peuvent provoquer ou empêcher un événement). » (Kaplan
& Sadock, 2005)
Rationalisme morbide
Le patient qui fait des rationalismes morbides conserve son jugement dans
ses aspects dynamiques et ses possibilités discriminatives, mais il reste flou
et abstrait. Il s’observe dans la pensée dissociée caractéristique du syn
drome dissociatif et se traduit par une rationalisation systématique, froide
et pseudo-logique associée au désintérêt et à l’inaffectivité.
Fausseté du jugement
Le patient a tendance à tout interpréter dans le même sens, en rapport avec
une conviction prévalant et caractéristique de la pensée paralogique. Ce
trouble du jugement infléchit le raisonnement et s’exprime par un discours
démonstratif, ordonné, cohérent et rigoureux, mais fondé sur des postulats
inexacts.
Pensée
En psychanalyse moderne, la pensée équivaut au préconscient. Le patient
peut être inhibé sans avoir un préconscient défaillant. Ainsi en clinique, on
peut rencontrer des difficultés à faire la part des choses entre les inhibitions
du trop-plein ou du tout vide. Le non-verbal aide à évaluer le trop-plein et
le trop vide. Par exemple, dans le trop vide, le patient répond par : « Je ne
sais rien… ».
En plus de la pensée, le préconscient du patient devrait être analysé sur
plusieurs items : conscience, mémoire, raisonnement et intelligence. Tous
ces concepts sont étroitement connectés. Il convient d’étudier concept
après concept. Pour l’instant, voyons dans la suite en quoi consistent les
troubles du cours et du contenu de la pensée.
Cours de la pensée
Le thérapeute cherche à savoir si la pensée du patient est continue ou discon
tinue dans son cours. Est-ce que cette pensée présente des glissements ? Le
patient passe-t-il d’un rythme à un autre ? Ce rythme devient-il subitement
lent ou rapide, voire accéléré ? Est-ce que le patient énonce des coq-à-l’âne,
des réponses à côté, etc. ? Le patient peut avoir un discours plaqué ou très
médical qui reste moins informatif. Il est important de vérifier avec lui s’il
comprend toutes les expressions ou mots techniques qu’il raconte en séance.
Distorsions de la pensée sur le plan quantitatif
Continuité ou discontinuité
La continuité peut se comprendre comme étant le contraire ou l’inverse de la
discontinuité. Lorsque la pensée du patient est continue, on remarque qu’il
a des idées claires et continues. Son récit est facile à suivre par n’importe
quel auditeur. Le thérapeute note de la cohérence dans ses propos.
La recherche de la continuité de la pensée consiste à voir si le patient
garde ou non le fil rouge dans ses pensées ou dans son discours. On se
demande s’il lui arrive de se perdre en cours de chemin de réflexion. Arrive-
t-il à conclure ses idées ou à faire entendre son message ?
Fuite des idées
Le thérapeute éprouve des difficultés à suivre la pensée du patient qui
manque de cohérence dans ses idées. Celui-ci aborde mille et un sujets à la
fois. On ne retrouve pas un fil rouge dans ses propos. Les jeunes patients ont
souvent du mal à rester sur les mêmes types de jeu. Ils explorent plusieurs
jouets à la fois. Ils papillonnent dans le bureau. Le thérapeute a du mal à
Ralentissement de la pensée
La pensée ralentie caractérise la bradypsychie. Le patient parle avec un
rythme très lent. Ce ralentissement peut être dû au trouble de concen
tration traumatisme ou la catastrophe, voire à une autre cause : prise de
toxiques, cause neurologique (syndrome frontal, etc.), etc.
Le thérapeute doit faire la part de choses entre la dispersion des pen
sées et les difficultés de concentration. Le patient a du mal à parler comme
habituellement. On lui demande s’il arrive à remarquer sa lenteur aussi.
Pourquoi parle-t-il ou réfléchit-il avec autant de lenteur ?
Le ralentissement de la pensée est différent de l’aboulie intellectuelle.
Dans celle-ci, le patient éprouve de la peine à réfléchir ou ressent une fatigue
intellectuelle. Le ralentissement de la pensée peut ou non correspondre au
ralentissement psychomoteur. Il n’est pas rare que l’on observe une agi
tation motrice chez les patients qui ont un ralentissement de la pensée.
Dans un niveau sévère du ralentissement de la pensée, on peut noter que le
« cours de la pensée perturbe considérablement le discours qui est hésitant
et marqué par de longues pauses » (Preising & Serre, 2000).
Rythme de la pensée rapide ou accéléré
Le patient parle vite, le thérapeute a du mal à le suivre malgré ses efforts.
La pensée est souvent accélérée dans la manie, l’alcoolisme, la prise de
toxiques, etc. Le thérapeute peut demander ou faire remarquer au patient
qu’il a une pensée accélérée et voir comment il réagit (se justifie-t-il ? Le
confirme-t-il ? Est-ce qu’il sait pourquoi ses pensées sont accélérées ainsi ?
Etc.) « Comment trouves-tu ta façon de penser ? » Quel est le sentiment qui
accompagne une pensée accélérée ?
Tachypsychie
La tachypsychie peut se manifester par une fuite d’idées, une logorrhée,
des coq-à-l’âne, le relâchement d’association d’idées, etc. Le patient a une
accélération de sa pensée, une instabilité psychomotrice, etc. La tachypsy
chie est un véritable signe d’une désorganisation psychique. Le thérapeute
peut avoir du mal à suivre le patient. Il aborde tous les sujets et « va à cent
à l’heure ». Le patient peut confirmer avoir un flux d’idées. Il se sent sub
mergé par ses idées et pensées. Certains disent n’être pas en mesure de les
contrôler ni de les ordonner. D’autres, en revanche, ont de la peine à s’aper
cevoir qu’ils sont abondés par l’afflux massif des idées et pensées. D’autres
encore disent qu’ils ont du mal à finir une tâche commencée.
Distorsions de la pensée sur le plan qualitatif
La distorsion de la pensée se manifester par une pensée cohérente, incohé
rente ou fluide. Le thérapeute peut noter des glissements de la pensée ou le
manque de bonnes capacités d’associations. Il peut y avoir des irruptions des
processus primaires. Le thérapeute observe que le patient a des associations
relâchées, des liens absurdes. Il arrive que les associations d’idées du patient
soient difficiles à suivre.
Idées de grandeur
Les idées de grandeur sont très caractéristiques de l’expansion de l’humeur.
Elles sont très fréquentes dans le trouble bipolaire ou la manie (cf. infra).
Ces idées peuvent encore être retrouvées chez les personnes qui présentent
une inflation du narcissisme. Le patient tient des propos grandioses. Il a
des idées ou des projets qui vont au-delà de ses capacités mentales, intellec
tuelles, financières, économiques, etc.
Discours confus
Le discours du patient est confus et déborde de contradictions. Ce discours
confus est retrouvé chez le patient dément ou qui présente un syndrome
neurologique. Il peut s’agir également d’une personne qui a consommé des
toxiques, des médicaments, etc. Il est important d’écarter le risque vital et
d’évaluer le risque suicidaire quand le thérapeute note une confusion dans
le discours du patient après avoir consommé des drogues. Cet état peut
être accompagné de léthargie. Devant un patient confus, un moindre doute
peut justifier son hospitalisation pour compléter son investigation clinique.
Sauts de coq-à-l’âne, jeux de mots, salades de mots
• Le patient passe d’un sujet à un autre avec ou sans lien entre les sujets.
On ne trouve pas de transition ni de lien entre les thèmes abordés durant
l’entretien.
• Dans les jeux de mots, le patient essaie de développer ou de transformer
ou de rapprocher des mots qui ont une même consonance, son ou même
racine sans que cela soit important dans la communication. Il le fait sur le
mode de la plaisanterie et du plaisir niais. On retrouve ce type de jeux de
mots chez les patients bipolaires sur un versant d’hypomanie ou maniaque.
• La salade de mots consiste à dire différents concepts ou mots qui man
quent de cohérence ou de logique grammaticale ou lexicale.
Débordement par l’affect
Le patient qui est débordé par l’affect n’arrive pas à exprimer ses idées à
cause du débordement émotionnel. Il est bloqué par l’excès de tristesse,
de joie, etc. Le thérapeute a du mal à mener son entretien étant donné
que le patient est submergé par ses émotions. Il peut s’agir des affects qui
congruent ou non à l’humeur. Le thérapeute valide l’affect dans l’objectif de
rabaisser le niveau émotionnel haut du patient. Cette technique de menta
lisation permet lui de poursuivre son entretien.
Idées confabulatrices
Elles sont retrouvées chez le mythomane. L’humeur de base est en adé
quation avec les histoires qu’il invente. Elle est souvent élevée, joyeuse
lorsqu’il parle de ses confabulations. Cela va curieusement de pair avec une
Pensées magiques
Il s’agit de la toute-puissance du désir. Les pensées du patient sont sans
références logiques. Il s’agit aussi de la pensée magique des enfants, qui est
normale chez les plus jeunes patients. À l’âge de la puberté ou de l’adoles
cence, cette pensée magique ne doit plus être d’actualité. Si tel est le cas,
on recherche quel mécanisme de défense ou mécanisme délirant est en jeu.
Il n’est pas rare que la régression soit à la première loge chez les patients
présentant les pensées magiques.
Pensées perplexes
La perplexité est retrouvée chez les patients anxieux qui sont tourmentés,
indécis, soucieux de leur état. Le patient a l’air d’être perdu ou complète
ment de l’autre bout de la planète. Ces pensées sont retrouvées dans les
psychoses et états dissociatifs sévères ou lors des états de stress post-trauma
tique au sens catégoriel du DSM-5 et de la CIM-10.
Pensées dévitalisées
Ces pensées sont retrouvées dans les psychoses ou états psychotiques sens
catégoriel. Le patient psychotique peut avoir des pensées qui sont sans
« sens ». Le thérapeute a du mal à comprendre ou à déchiffrer ce qu’il lui dit.
C’est comme s’il s’agissait de salades des mots, un conglomérat de mots sans
sens. On a du mal à trouver la valeur communicative des propos du patient.
Répétitions thématiques
Le patient revient encore et encore sur les mêmes idées et thèmes déjà abor
dés. Bien que le thérapeute essaie d’éloigner la discussion du thème actuel,
le patient tient ou revient sur les mêmes sujets abordés. Le thérapeute a
Réponses à côté
Le thérapeute note que le patient n’arrive pas à répondre à une question
claire et précise. Il donne une réponse inattendue et complètement à côté
par rapport à la question posée ou au thème de la discussion.
Lors de réponses à côté, le thérapeute a l’impression que le patient ne
l’écoute pas et ne suit pas leurs échanges. Celui-ci peut être complètement
« à l’ouest » ou « à côté de la plaque ». Le thérapeute doit différencier les
réponses à côté au sens catégoriel de l’évitement qui est un des mécanismes
de défense psychodynamique (cf. chapitre 16).
Sidération
Elle est retrouvée le plus souvent chez les patients victimes d’un trauma
tisme psychique, dans la schizophrénie, les troubles démentiels, etc. C’est
une sorte d’arrêt ou une incapacité de penser. Le patient sidéré perd tous
ses moyens de défense. Il reste bloqué, figé ou immobile tant sur le plan
physique que psychique. Il s’agit d’une conséquence de choc traumatique
qui induit une dévitalisation émotionnelle et affective à l’instant donné.
L’appareil psychique du patient à ce moment-là est crispé, dévitalisé
ou déconnecté de la réalité environnementale. Cet instant est proche du
moment de mort psychique où le patient, non seulement perd ses compé
tences à se défendre ou à réagir face à ce qu’il traverse, mais est comme
inexistant. C’est comme si le temps s’était arrêté ou figé devant lui.
Vide de la pensée
Le vide de la pensée consiste à avoir des propos ou des pensées qui n’ont
aucune signification entre eux. Les pensées du patient n’ont pas une valeur
communicative. Elles ne contiennent aucun message ou information. Ce
type de pensée est retrouvé chez la personne souffrant de schizophrénie ou
sous l’emprise de toxiques.
Pensée abstraite
Ce type de pensée est retrouvé chez le patient qui recourt à des concepts
vagues et abstraits. Il est alors très difficile de deviner ou de comprendre ce
qu’il essaie de communiquer. Ces pensées sont plus courantes dans certains
thèmes de délire (confabulation, mystique, religieux, extraterrestre, etc.).
Attaques du lien
Elles sont présentes quand le patient éprouve de la difficulté à raconter son
histoire au thérapeute. Il s’agit du patient qui met les idées ou les bribes
d’un récit les unes à côté des autres. Cet assemblage ne donne pas l’impres
sion qu’il y a une continuité dans le récit. Ce trouble se répercute dans les
Pensée inhibée
La pensée est freinée ou bloquée, comme si elle se heurtait à une résis
tance. Le patient laisse ressentir de l’hésitation dans son discours. Il peut
s’agir d’une forte défense, ou alors d’une inhibition pulsionnelle. Quand le
patient a une pensée inhibée, il est important d’évaluer son self ou l’estime
de soi qui peut être fortement touché.
Le patient inhibé est différent de l’amnésique, car ce dernier cherche ses
mots oubliés.
Pensée rétrécie ou appauvrie
La pensée appauvrie ou rétrécie fait que le champ de la pensée est limité,
focalisé ou fixé sur un seul petit nombre de thèmes. La pensée du patient
est appauvrie par son incapacité de diversifier ses thèmes. Il est incapable
d’aborder d’autres domaines de sa vie personnelle, sociale et professionnelle.
Techniquement, le thérapeute note que « durant l’entretien, le patient a de
la difficulté à passer d’un thème à l’autre, même si on l’y incite, ou il revient
sans cesse au même thème. Il faut que l’examinateur ait proposé un nombre
de thèmes suffisants. » (Preising & Serre, 2000)
Pensée circonstanciée
Le patient ne distingue pas l’essentiel de l’accessoire dans son récit. La cohé
rence de sa pensée est conservée, mais il se perd dans les détails inutiles tout
en gardant complètement le fil de ses idées. Le patient qui a des pensées cir
constanciées peine à aller droit au but. « La pensée circonstanciée peut résul
ter par exemple d’un manque de la capacité d’abstraction ; elle peut aussi
provenir de l’incapacité du sujet à négliger le détail, bien que ce dernier soit
reconnu comme tel. » (Preising & Serre, 2000) Il est important de rechercher
le type d’angoisse sous-jacent qui déstabilise le discours du patient.
Pensée digressive
Le patient s’éloigne du fil de ses idées pour y revenir plus tard. Le thérapeute
se demande où il veut en venir. Il n’est pas très certain qu’il arrive à saisir le
message du patient. Cette pensée est riche de détails importants, mais mal
heureusement ces derniers ne permettent pas au thérapeute de comprendre
ou de saisir le fil rouge de la pensée du patient.
Pensée tangentielle
Les réponses du patient ne sont reliées que de manière indirecte aux ques
tions. Par exemple quand le thérapeute lui demande : « Combien pèses-
tu ? », le patient répond : « J’ai beaucoup mangé ces derniers jours ». Dans la
pensée tangentielle, le patient essaie de répondre aux questions posées par
des explications au lieu de donner une réponse directe et simple.
Pensée incohérente
Le thérapeute relève une perturbation de la construction logique. Le patient
perd facilement le fil rouge et la cohérence logique de son discours. Il peut
utiliser des associations illogiques dans ses propos. La salade des mots peut
être un exemple d’un cas extrême des pensées incohérentes.
Pensée barrée
Lors des barrages de la pensée, le patient donne l’impression qu’il a une
suspension brusque de sa pensée qui était fluide jusque-là. Il s’agit d’un
ressenti du patient d’un barrage idéique observé par le thérapeute. Alors
que le patient donnait une explication ou faisait sa narration, le thérapeute
note qu’il s’arrête brusquement pour soit reprendre sur le même thème, soit
reprendre sur un thème nouveau ou anciennement abordé. Le patient est
dans l’impossibilité d’être conscient de cet arrêt brusque ou de ce change
ment de thème.
Pensée opératoire
Le patient qui a ces pensées opératoires répond aux questions qu’on lui
pose à la manière de questions-réponses. C’est comme s’il jouait au ping-
pong avec son thérapeute. La particularité de la pensée opératoire est que
les réponses du patient peuvent ou non être adéquates aux questions, lui-
même n’arrive pas à se rendre compte de l’incohérence de ses réponses par
rapport aux questions posées.
Pensée xénopathique
Il s’agit d’activités psychiques ressenties comme étrangères, faisant une
irruption mystérieuse et hostile au niveau de la conscience. Le sujet hallu
ciné s’exprime souvent en termes de « pensées exogènes », « pensées exté
rieures » ou « pensées dictées ». Le patient peut attribuer ces phénomènes à
un pouvoir extérieur auquel il ne peut s’opposer, aboutissant au syndrome
d’influence. Ces pensées font partie des hallucinations intrapsychiques (cf.
infra les hallucinations dans « Perceptions »).
Persévération verbale
On observe dans la persévération verbale une « répétition de mots ou de
phrases précédemment employées qui n’ont plus de sens dans le contexte
actuel de l’entretien » (Preising & Serre, 2000). Le patient revient encore et
encore sur ce qu’il vient de dire. La persévération est différente des rumi
nations de la pensée par le fait que le patient ne se rend pas compte qu’il
se répète sans arrêt. Tandis que dans la rumination, il est au courant et
incapable d’arrêter d’avoir les mêmes pensées, actes ou idées. Devant la
persévération, le thérapeute est lassé par les propos en boucle du patient, à
la limite incompréhensibles et interminables.
Ruminations de la pensée
Les préoccupations incessantes gravitant autour des mêmes thèmes. Les
pensées du patient sont égosyntones et ininterrompues. Il a beaucoup de
difficulté de passer à d’autres thèmes.
Syndrome délirant
Définition
Le syndrome délirant est l’ensemble des idées manifestement en désaccord
avec des faits observés et les croyances habituellement partagées dans un
contexte culturel donné. Plus spécifiquement, la personne qui délire a une
conviction très inébranlable de ce qu’elle dit ou croit savoir ou de ce qu’elle
avance. Cette personne n’est pas accessible à toute tentative de raisonne
ment et n’admet aucune démonstration si l’on cherche à lui faire savoir
qu’elle tient des propos erronés ou faux.
Le délire consiste en une « attribution d’une signification anormale à une
saisie perceptive normale (le plus souvent dans le sens d’une référence à
soi) » (Preising & Serre, 2000). Le patient a une conviction inébranlable sur
la véracité des éléments qu’il perçoit. Il est hermétique au raisonnement et
à la démonstration de l’erreur.
La dissociation précède le délire et progressivement, les pensées du
patient se mélangent. Il finit par tenir des propos incohérents et insaisis
sables par son entourage. Sur le plan psychodynamique, « le délire qui se
forme à partir des mécanismes hallucinatoires est une construction qui
tente désespérément d’endiguer l’angoisse et la catastrophe psychotique. »
(Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012)
Le discours du patient délirant est « sans lien affectif, sans signification,
sans vrai mécanisme de symbolisation ou d’intériorisation. Ainsi, le patient
construit un nouvel univers sans refoulement, sans limites, sans règle où
tout devient possible, communiquer avec Dieu ou le reste de l’univers, où le
temps ne s’écoule plus, reste figé ou au contraire aboli, on parle et on commu
nique avec des ancêtres, des personnes disparues. » (Askenazy-Gittard &
Darcourt, 2012)
Caractéristiques
Il existe sept caractéristiques du syndrome délirant. Le patient peut avoir
ou ne pas avoir toutes les caractéristiques. L’investigation du syndrome
délirant exige une bonne technique, c’est-à-dire que l’on ne devrait pas se
précipiter pour donner ou pour proposer des réponses au patient. Quand les
critères ne sont pas bien réunis ou quand le thérapeute n’arrive pas à cerner
le patient, il peut noter que celui-ci présente des éléments délirants ou des
éléments de la lignée psychotique.
Mode de survenue ou début du délire
Lors de l’évaluation du syndrome délirant, le thérapeute repère le mode
d’entrée ou de survenue des idées délirantes et leur ancienneté, la notion
de récidive, les facteurs déclenchants (deuil, retour d’un voyage à l’étranger,
rupture sentimentale, maladie d’un proche, catastrophe naturelle, etc.),
organicité, toxicité ou iatrogénie.
idées ou ses pensées lui soient volées, dévoilées ou devinées par un tiers. Il
a l’impression que les gens devinent sa pensée avant même qu’il ne parle.
D’autres patients ont l’impression que leurs pensées sont transparentes et
tout le monde peut les lire.
Le patient est convaincu que ses pensées, ses projets, ses idées, ses émo
tions ou ses envies sont affichées sur la place publique. Il n’a plus de secret
ni d’intimité. Tout le monde peut connaître ce qu’il pense silencieusement
dans sa tête. Certains se voient concernés par les affiches publicitaires sur
la voie publique, les spots publicitaires animés, la télévision, la radio, sur
internet, etc. Il faut rechercher les idées de persécution et des éventuels
actes médicolégaux.
Délire de type influence
Le patient qui présente ce délire d’influence laisse entendre à son thérapeute
qu’il n’a plus de contrôle sur la vie. Tout échappe à son contrôle. Il se dit
être soumis, contre son gré, à des forces extérieures. Il a l’impression que les
sensations, les impulsions, ses pensées ou ses actes ne viennent plus de lui.
Ses actes, ses pensées, ses mouvements, voire ses faits et gestes lui seraient
imposés par force ou lui sont communiqués de l’extérieur. Il est convaincu
d’être sous l’emprise d’une force supérieure externe.
Délire de type mixte ou parfois flou
Lors de l’entretien clinique, il peut arriver que le thérapeute objective plu
sieurs thèmes délirants. Dans cette situation, le délire aborde plusieurs idées
à la fois. Il est essentiel de chercher le thème qui prédomine dans le discours
délirant. Comme son nom l’indique, le délire mixte est le mélange ou le
« fourre-tout » de toutes les idées délirantes.
Ces différents thèmes rendent les pensées floues, confuses, etc. Le patient
perd son interlocuteur dans ses explications ou justifications floues et inco
hérentes.
Remarque
Chez certains enfants et au début de l’adolescence, la thématique délirante
peut être faite par des personnages de dessins animés, des films pour enfants,
des superhéros, etc.
Mécanismes délirants
Le mécanisme du délire est comparé à l’échafaudage. Le mécanisme donne la
structure du délire. Il nous informe sur la façon dont le patient a construit son
délire. Sur quoi son délire s’appuie ? Le thérapeute se demande sur quoi les idées
délirantes du patient sont fondées. Comment le patient a-t-il reçu le message
ou l’information qu’il nous donne ? Par quel canal fournit-il ses informations ?
Remarque
Tous les syndromes délirants ont une étendue ou un champ d’action :
► on parle d’un délire étendu en réseau quand il touche généralement tous
les secteurs de la vie socioprofessionnelle du patient ;
► il peut arriver que le délire soit étendu en secteur, c’est-à-dire qu’il est soit
partiel, soit limité à certains domaines de vie du patient, soit circoncis à un
domaine particulier de sa vie.
Critique ou adhésion
Lors de l’investigation du syndrome délirant, le thérapeute doit chercher à
savoir si le patient est capable de critiquer ou non ses idées délirantes. La cri
tique du délire renvoie à l’épreuve de réalité. Il s’agit de vérifier si le patient
critique ses idées délirantes de manière franche ou non. En d’autres termes,
le thérapeute se demande si le patient est raisonnable ou non. Comment se
positionne-t-il vis-à-vis de l’irrationalité de ses propos ?
Il arrive que son délire ait une forte adhésion (c’est-à-dire que le patient
est incapable de critiquer ses propos). Certains patients peuvent avoir une
critique partielle de leurs idées. Dans ce cas, ils peuvent critiquer leur propre
délire ou reconnaître que ce qu’ils perçoivent n’est pas réel.
Évolution du délire
Le thérapeute doit noter la durée d’installation des idées délirantes du
patient. Il peut s’informer auprès de son entourage sur cette évolution. On
s’informe sur le début et les circonstances d’apparition : depuis quel jour,
combien de semaines, de mois, etc. ?
Combien de temps le patient a-t-il pris avant de convaincre son entou
rage de ses idées ou de ses impressions étranges ? S’agit-il d’une installation
sur un court, moyen ou long terme ?
Il est important de chercher l’expansion, l’étendue, la croissance des idées
délirantes. On se demande si au fil du temps les idées délirantes ont tou
ché d’autres secteurs ou d’autres domaines de vie. Est-ce que le syndrome
délirant s’est complexifié en d’autres thématiques ? Le patient a-t-il eu un
moment de doute ou de confirmation de ses idées… ?
Exploration du syndrome délirant
Nous trouvons intéressant de rappeler la métaphore de l’ail ou de la gousse
d’ail en ce qui concerne l’exploration du syndrome délirant. Le thérapeute
pose des questions allant des généralités vers les plus spécifiques. Ou, plus
encore, l’exploration part de la périphérie vers le centre. La meilleure stra
tégie est de montrer son intérêt aux propos du patient. Notons que certains
patients méfiants peuvent vite se fermer et éviter d’aborder leurs idées avec
tout le monde. D’autres craignent peut-être d’être critiqués négativement
ou rejetés par leurs proches. D’autres évitent que leur « secret » ou « révéla
tion » puisse être trahi par eux-mêmes ou l’entourage, etc. Cela dit, le théra
peute doit user du tact et de la patience au cours de cette exploration. Il doit
éviter de presser le patient à lui répondre ou de lui suggérer des réponses.
Il est nécessaire de noter les réactions du patient face aux idées délirantes,
etc. L’important est de se souvenir de poser ces questions : Quand, où,
comment, pourquoi, avec qui, dans quel but ou objectif ? Est-ce que l’on
arrive à identifier d’autres personnes qui seraient concernées ? Pourquoi est-
ce maintenant qu’il en parle ? L’investigation du thème, des mécanismes et
Conclusion
Certains thérapeutes préfèrent recourir aux questions semi-directes ou
aux questionnaires répertoriés dans différentes échelles d’évaluation, de
diagnostic, de sévérité ou de pronostic, etc. Pour notre part, nous trouvons
intéressant que le thérapeute se familiarise avec l’exploration des symp
tômes psychotiques et les diverses techniques d’investigation clinique en
général. Cet exercice lui permet d’enrichir ses techniques sémiologiques, sa
capacité d’entrer en relation avec le patient, ses compétences de clinicien-
observateur. Par la suite, les échelles nous sont d’une aide capitale quand il
est question d’apporter ou de rechercher des éléments plus spécifiques de
la symptomatologie.
Perception
Définition
La perception est en général définie comme « la synthèse des informations
qui permet une prise de conscience d’un objet. Il peut s’agir d’informations
à partir des cinq sens, l’objet perçu est alors présent dans l’espace réel, il est
objectivé. Mais il peut s’agir aussi d’une représentation mentale, l’objet est
imaginé, il est “perçu” dans un espace imaginaire. La perception peut être
augmentée, diminuée, abolie, faussée ou peut concerner une réalité propre
au sujet. » (Tribolet & Sahidi, 2005)
À chaque évaluation pédopsychiatrique, le thérapeute est invité à explo
rer la perception du patient. Il est extrêmement important d’user de pru
dence et d’y aller sans hésiter lors de l’exploration des troubles perceptifs.
Distorsions de la perception
Perception accrue
Hypersyntonie
Le patient chez qui l’on observe l’hypersyntonie est « accroché » à
l’ambiance. Le thérapeute note qu’il participe spontanément à l’ambiance
avec perception immédiate des détails qui échappent à tous. Il incorpore
dans la conversation un mot entendu d’une conversation extérieure (dans
la pièce à côté, ce que disent les passants dans la rue, etc.), ou évoque le
sifflement d’oiseaux, le bruit des freins des voitures ou le grincement des
trains, les sons et les klaxons des voitures de la police ou des ambulances
entendus au-dehors. Rien ne lui échappe de l’ambiance environnante.
Cette hyperperception est souvent retrouvée dans le syndrome maniaque,
le trouble bipolaire, etc. Le thérapeute peut avoir du mal à focaliser ou à
garder l’attention du patient durant l’entretien car il est dispersé.
Hyperesthésie perceptive
Elle est liée à la tachypsychie. La personne peut être très dispersée ou elle
se distrait facilement par n’importe quelle sollicitation. Il s’agit des patients
Illusions
L’illusion est définie comme une fausse perception d’un objet réel. Elle
consiste en une déformation ou une perception déformée ou erronée d’un
objet réel. Elle part d’un stimulus réel, contrairement à l’hallucination, qui
s’en différencie dans laquelle l’objet perçu est inexistant.
L’illusion est différente de la perception délirante. « Dans l’illusion, il
existe un stimulus réel, mais la capacité de vérifier l’objectivité du stimulus
est temporairement défaillante ou bien réduite. Cette épreuve permet une
correction après-coup. » (Preising & Serre, 2000)
Le patient qui fait l’illusion se rend compte qu’il s’agissait d’une fausse
impression. Il critique ce qu’il croit percevoir et cherche à le vérifier.
On distingue parmi les illusions une autre catégorie dite les illusions de
sosies, il s’agit d’un syndrome de Capgras, dans lequel « elles signent un
Hallucinations
Définition
Les hallucinations sont rangées parmi les troubles de la perception. « L’hal
lucination se définit comment étant une perception sans objet à percevoir. »
(Tribolet & Sahidi, 2005) Le patient halluciné dit avoir une forte impression
de voir, d’entendre, de sentir, d’avoir des goûts, etc. mais que les autres
personnes de son entourage ne perçoivent pas. Un ou plusieurs organes de
sens peuvent être concernés par les troubles perceptifs.
On définit les hallucinations « comme des expériences de type perceptif
qui surviennent sans stimulus externe. Elles sont saisissantes et claires, avec
la force et les effets des perceptions normales, et elles ne sont pas sous le
contrôle de la volonté. » (American Psychiatric Association, 2015)
Caractéristiques
Hallucinations psychosensorielles ou sensorielles
Elles sont :
• objectivées par un ou plusieurs organes de sens ;
• caractérisées par leur spatialité ;
• associées à la conviction de leur réalité subjective.
Hallucinations visuelles
« Il t’est arrivé une fois ou plus de percevoir des choses étranges ? », « Veux-tu
bien me parler de ces images ou visions ? », « Ou alors, pouvons-nous pren
dre un moment pour aborder tes pressentiments ? », « Existe-t-il d’autres
personnes de ton entourage qui peuvent voir tes amis imaginaires ? », « Qui
d’autre est en mesure de voir ce que tu vois ? », « Est-ce que ces images sont
présentes même quand tu fermes tes yeux ou quand tu dors ? », etc.
« Comment sais-tu que tu es le seul à voir ces choses-là ? », « Où as-tu
vu pour la première fois ces visions ou ces images ? », « Que vois-tu au
juste ? », « Tu voyais quelqu’un comme tu me vois, moi ? », « Est-ce que
l’image était claire ou floue ? », « C’était quand et où ces apparitions ? », « Il
t’arrive aussi de voir cette personne à l’école et à la maison ? », « As-tu parlé
avec quelqu’un de ce que tu vois ? », « Qu’est-ce que cela te fait de voir ces
images ? », « As-tu peur en voyant ces images ? »
Hallucinations cénesthésiques
« Veux-tu bien me parler de ce que tu ressens sur ou sous ta peau ? », « Est-ce
que ces sensations sont dans ta peau ou sur la surface de ton corps ? », « Que
fais-tu quand tu ressens ces sensations ? », « As-tu l’impression qu’il s’agit
de ton estomac ou de tes intestins ? », « Peux-tu contrôler leur apparition
ou leur mouvement ? », « Qu’est-ce qui te dit qu’il s’agit bel et bien de ton
estomac et non d’un autre organe ? »
Autres caractéristiques
L’exploration des hallucinations ne s’arrête pas à décrire le type. Il faut exa
miner les autres critères telles que la fréquence, la durée, la survenue, les
facteurs aggravants, la réaction de l’entourage, etc.
En bref, il faut que le thérapeute précise et clarifie ses questions : « Veux-
tu me dire quand cela a commencé ? », « En as-tu parlé avec quelqu’un ? »,
« Pourquoi gardes-tu ce qui t’arrive pour toi seul ? », « Qui d’autre de ton
entourage est au courant de ce que tu me racontes ? », « Es-tu sûr qu’il s’agit
d’un ami imaginaire ? », « Est-il présent maintenant ton ami imaginaire ? »,
« À quel moment de la journée apparaît-il ? », « Es-tu sûr qu’il s’agit de
la voix de ta mère qui t’insulte ? », « Comment le sais-tu ? », « Pourquoi
penses-tu que c’est vrai ? », « Ne trouves-tu pas que ce que tu me racontes
n’a rien de réel ou de normal ? », etc.
L’important dans l’exploration des hallucinations est d’éviter que le
patient se braque. Il doit se sentir très en confiance pour nous livrer les
informations qu’il préférerait garder pour lui seul. Il faut s’abstenir de toute
précipitation ou conclusion hâtive. Le thérapeute devrait valider ses impres
sions auprès du patient pour qu’il soit le plus près possible de sa réalité.
Troubles de la personnalité
Les troubles de la personnalité ne sont pas à confondre avec les traits de la
personnalité décrits dans le chapitre 14 ; ils sont abordés dans la perception
Cœur
Il arrive que le cœur soit concerné par l’éprouvé corporel du patient. Celui-
ci dit dans ce cas qu’il a l’impression que son cœur ne bat plus. D’autres
disent avoir l’impression que leur cœur s’est rétréci ou arrêté. Lorsque c’est
le cœur qui est le siège de l’éprouvé corporel, le patient perçoit des sensa
tions étranges de son cœur. Ces informations obligent à analyser et recher
cher un éventuel syndrome délirant.
Cerveau
Le cerveau peut, comme les autres organes internes, être touché ou concerné
par les distorsions de perceptives. Dans cette situation, le patient vient
consulter avec une conviction que soit son cerveau a été changé, soit il est
vide, soit il a l’impression qu’il va éclater, etc. Les hallucinations intrapsy
chiques sont également examinées systématiquement.
Intestins
Certains patients disent avoir des sensations étranges au niveau de leurs
intestins. Ils ont l’impression que leurs intestins sont noués, bouchés, rétré
cis, etc. Il est important de rechercher les hallucinations sensorielles qui
peuvent accompagner cette sensation étrange.
Visage et regard
À part les viscères internes, le visage peut être ou devenir un autre siège
d’éprouvé corporel. Le patient peut alors se dire qu’il ne se reconnaît plus
dans le miroir. Le thérapeute note des sensations de vertige, de fatigue et
d’épuisement.
Remarque
Il reste important pour le thérapeute d’accueillir avec insistance, empathie et
respect les idées délirantes, les hallucinations ou le trouble de la personnalité
sans oublier de le confronter à la réalité, non pas celle du patient, mais celle
du sens commun. L’objectif est d’analyser son niveau de jugement ou son test
de réalité. L’entourage du patient reste une ressource importante dans cette
démarche surtout quand il est question de départager ce qui est délirant et ce
qui est culturellement admis comme normal.
Langage ou discours
En ce qui concerne le langage, « à partir de la première approche, on peut
circonscrire la suite de l’examen. Certains troubles sont en effet très symp
tomatiques et repérables dès cette première approche. » (Mosset, 2018)
Les repères du développement normal guident l’entretien clinique. Le théra
peute sait à la fin de son évaluation quels bilans orthophoniques ou logo
pédiques demander pour affiner ses hypothèses diagnostiques et la prise en
charge adaptée aux besoins du patient.
Remarquons que les troubles du langage peuvent faire partie des troubles
dits « dys ». Ces derniers sont très handicapants. Le patient qui a des pro
blèmes, quels qu’ils soient, en ce qui concerne le langage oral ou écrit,
risque d’être à la merci de ses pairs et, plus grave encore, se retrouver en
échec scolaire. Nous invitons le thérapeute à être plus attentif et ne pas
passer outre cette exploration, quel que soit l’âge du patient.
Si pour les jeunes enfants, le langage permet d’entrer dans la socialisa
tion à la crèche, à l’école maternelle, les enfants plus âgés entrent dans les
apprentissages scolaires par le biais du langage. Chez les adolescents, en
revanche, le langage est vecteur de leur identité. C’est un excellent moyen
de communication et d’ailleurs, le langage est un canal préférentiel utilisé
lors de l’évaluation clinique.
Généralités
En guise de définition, le langage est un système de communication symbo
lique qui se manifeste, chez les humains, à travers les langues, les symboles,
les codes et les signes. Son importance est capitale du fait qu’il permet
la communication entre les individus. Le langage fait partie intégrante de la
construction psychique du patient. C’est une fonction non autonome du moi.
Le langage, ou la parole ou le discours, est un outil important d’explo
ration clinique à partir de 7 ans. Il est intéressant de rappeler que : « si
l’observation clinique, qui inclut évidemment l’“écoute” clinique, vise la
subjectivité et est animée par une quête de sens, il est clair que le langage
est un objet privilégié d’observation, car il véhicule du sens. Le langage
communique du sens conscient, il transmet aussi, et c’est là que s’orientera
plus spécifiquement l’observation clinique, du sens latent, inconscient. »
(Ciccone, 2018)
Un autre fait important à souligner est que le langage est intimement lié
à la pensée, aux émotions, aux affects et aux sentiments. Cela dit, il faut
rechercher d’autres troubles probablement associés quand on suspecte un
trouble de langage.
Le langage oral et écrit se vérifie par le son, l’articulation, le vocabulaire,
les défauts ou fautes sur les plans syntaxique, orthographique et rythmique.
Le langage permet la libre association autour des préoccupations du patient
et de ses principaux intérêts, ses fantasmes, ses désirs, sa pulsionnalité, ses
rêves, etc.
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228 Status clinique pédopsychiatrique
Langage oral
Il existe deux types de compétences ou habilités du langage oral : les compé
tences ou habilités réceptives et expressives.
• Les compétences réceptives désignent l’action de recevoir, de comprendre
ou de traiter les informations. En fait, dans les habiletés réceptives ou le lan
gage oral réceptif, le thérapeute se demande si le patient comprend, décode
ou capte la logique du message ou des phrases qu’il entend ou écoute.
• En revanche, lors d’investigation du langage oral expressif, le thérapeute
essaie de savoir si le patient respecte les règles de phonétique, grammati
cales, lexicales ou d’orthographe quand il s’exprime. Comment sont son
articulation, sa fluence verbale, ses intonations et sa gestion de la syntaxe et
de la grammaire ?
Nous devons signaler que « l’apprentissage et l’utilisation du langage
dépendent à la fois de compétences réceptives et expressives. La compétence
expressive fait référence à la production de signaux vocaux, gestuels ou ver
baux, tandis que la compétence réceptive désigne le processus de réception et
de compréhension des messages linguistiques. » (American Psychiatric Asso
ciation, 2015) Il est important de faire la différence entre produire, donner
et communiquer des informations, quelle que soit la source, soi ou l’autre.
Langage écrit
En fait, le langage écrit s’étend de l’écriture à la maîtrise de l’orthographe et
des règles de grammaire. Le langage écrit comprend également la maîtrise
de la syntaxe, de la ponctuation, de l’organisation du texte et de l’utilisa
tion d’un vocabulaire adéquat.
En plus de l’écriture, le langage écrit consiste en la lecture. Le thérapeute
cherche à savoir si le patient est capable de décrire distinctement les diffé
rents mots qui composent une phrase.
Exploration du langage
Le thérapeute complète l’exploration du langage avec le bilan effectué par
d’autres spécialistes tels que des logopédistes, des spécialistes de l’audition,
des psychomotriciens, des neuropsychologues, des enseignants, etc.
Le spécialiste est libre de faire passer des tests ou diverses échelles lors de
l’évaluation. Le thérapeute doit penser de prime abord à la surdité devant
un retard de langage. Son investigation doit aller plus loin. Elle consiste à
analyser le langage oral et écrit dans l’objectif de déterminer les compé
tences réceptives et expressives du patient.
L’exploration du langage se fait sur deux critères : le contenu et le rythme,
qui renvoie à la prosodie et la musicalité.
Rythme du discours
Le thérapeute doit chercher la qualité affective du langage. On recherche
le degré d’appétence à la communication, son intérêt pour le langage. Le
thérapeute doit décrire la qualité du discours, de l’expression de la pensée,
Remarque
Nous tenons à souligner que la langue des signes est une forme de langage.
Que le patient soit sourd, sourd-muet ou muet, l’important c’est de trouver le
moyen de travailler avec lui et nous analysons son langage au même titre que
celui des patients parlants. Nous n’allons pas plus loin car cette thématique
est vaste et requiert des compétences plus spécialisées.
Exploration de la communication
Le clinicien observe si le patient parle de manière fluide ou non. Est-ce qu’il
parle ou pas ? A-t-il des difficultés à prendre la parole (dans les situations de
groupe ou non : à échanger avec ses camarades ou ses amis, à respecter les
tours de parole, à proposer une idée ou faire une suggestion, etc.) ? Est-ce
qu’il arrive à s’exprimer clairement ? Éprouve-t-il de la peine à mettre en
mots ses idées, à construire ses phrases ou à structurer son récit ? A-t-on
l’impression qu’il a des difficultés à comprendre ce qu’on lui dit ? Est-ce que
son langage correspond à celui des enfants de son âge ou de son contexte
socioculturel ?
Exploration de la parole
Il est important d’analyser si le patient prononce les mots, les sons, les
expressions verbales, etc. Est-ce que son langage est difficilement intelli
gible ou compréhensible ? Semble-t-il comprendre ou entendre ce qu’il dit ?
Remarque
Dans l’objectif d’insister encore, devant toute suspicion, inquiétude ou doute
lors d’évaluation du langage, nous conseillons au thérapeute de demander
l’avis d’un collègue logopédiste ou tout autre spécialiste comme dit plus haut.
Motricité
Généralités
Les capacités motrices du patient dépendent de l’intégrité des voies motrices
et nerveuses, de la mise en place d’un schéma corporel convenable et du
mode de relation avec son environnement. L’examen pédopsychiatrique
vise notamment à appréhender d’une façon générale le développement psy
chomoteur et le vécu corporel du patient. Une évaluation plus approfondie
devrait être faite par un spécialiste (neurologue, psychomotricien, etc.).
L’exploration des capacités motrices (motricité fine et globale) peut être
faite par le thérapeute. Si celui-ci observe ou suspecte une difficulté en
particulier, il doit référer ou s’adresser à un collègue plus spécialisé pour
continuer le bilan psychomoteur.
En fait, dans nos cabinets, nous pouvons examiner la dextérité manuelle, la
maîtrise de balle, l’équilibre statique et dynamique (la marche à quatre pattes
ou deux pattes, la course), la coordination de différents mouvements, etc.
Le thérapeute peut demander au patient d’exécuter des mouvements
répétitifs des doigts, des mains et des pieds ou alors de faire des mouve
ments alternatifs des mains ou des pieds en position assise et debout (dia
dococinésies). Plus spécifiquement, on peut lui demander d’exécuter des
mouvements séquentiels des doigts ou des marches contraintes (sur les
orteils, sur les talons, sur la face externe ou interne).
Plus particulièrement, dans la tranche d’âge de 4 à 6 ans, on peut cher
cher différentes compétences selon la vitesse, la précision du geste, la coor
dination des deux mains, la coordination de mouvements lents, rapides
et explosifs, le contrôle graphique, la réception des balles ou autres objets,
l’équilibre statique et dynamique, etc.
L’élément à évaluer lors de l’entretien est la coordination entre membres
supérieurs et membres inférieurs, les parties droite et gauche de son corps.
Le thérapeute peut demander au patient d’exécuter deux actions telles que
« saut avec demi-tour » et « tournoiement ».
En fait, l’aspect quantitatif du mouvement ou du geste est déterminé par
la réussite et le niveau de précision de la performance. Il prend en considéra
tion le nombre d’essais nécessaires et le temps. Mis à part le côté quantitatif,
il faut également rechercher les critères qualitatifs concernent l’harmonie
du mouvement ou du geste, sa continuité, la capacité d’anticipation (est-ce
que le patient arrive à coordonner ses pauses, les interruptions ou la reprise
du mouvement ?), la précision avec laquelle le mouvement est réalisé et la
souplesse, la fluidité ou la rigidité des gestes du patient, etc.
voir ses copains, et s’il le fait c’est parce que l’entourage le force. Dans le
dynamisme bas, « le patient ressent le trouble ou l’examinateur le reconnaît
à la pauvreté de la motricité spontanée ou au manque d’initiative dans le
discours » (Preising & Serre, 2000). Cet état peut se retrouver dans les états
dépressifs.
Inhibition du dynamisme
Il s’agit d’une absence d’énergie, d’initiative et d’intérêt. Le patient ressent
comme s’il était freiné ou bloqué sans réellement savoir la cause de son
manque d’énergie. Il est incapable d’exécuter un geste, aussi minime soit-il.
Dynamisme haut
Le patient sent une augmentation d’énergie. Il constate que son initiative
et son intérêt pour les activités sont accrus. Il a plusieurs idées à la fois. Il
a des projets qui lui viennent à flots. Il est très expansif et enthousiasmé le
long de la journée. Cet état peut être retrouvé dans les états maniaques ou
hypomaniaques.
Agitation motrice
Le patient montre plus d’activité motrice, ses mouvements moteurs se font
de manière désordonnée. Il est instable, bouge sans arrêt. Il a de la peine à
rester en place. Cette agitation est différente de l’akathisie objectivée chez
les patients schizophrènes.
Pour les patients jeunes, les enseignants ou les parents disent « qu’ils ont
la bougeotte ». Ils papillonnent dans la cour, la classe ou à la maison. Le
patient a un besoin constant de bouger sur son siège ou il est agité. Il peine
à rester silencieux ou est très bruyant. Il est toujours en action. Dans le
bureau, ces patients n’arrêtent pas de toucher à ceci ou à cela.
Sur le plan verbal, on trouve d’autres symptômes. Le thérapeute note que
le patient parle impulsivement ou qu’il a tendance à trop parler. Il coupe la
parole aux autres. Il s’agit de patients qui ont du mal à attendre leur tour
dans le jeu, dans la prise de parole ou dans une file d’attente. Le patient a
tendance à interrompre l’adulte quand il s’adresse à d’autres personnes ou
quand il est au téléphone. Le parent dit qu’il attire l’attention sur lui. Il se
met au centre de l’attention.
Stéréotypies
Stéréotypies verbales
Parmi les stéréotypies verbales, on retrouve les verbigérations, les tics
vocaux, la palilalie et l’écholalie. Les tics vocaux sont rencontrés dans le
syndrome de Gilles de La Tourette. Le patient atteint de cette maladie dit
des mots obscènes, des insultes, un langage extravagant, saugrenu, artifi
ciel, affecté, etc.
L’écholalie est une tendance à répéter de façon spontanée, involontaire et
systématique les derniers mots prononcés par un interlocuteur.
Stéréotypies motrices
Les tics simples ou complexes. Le thérapeute peut objectiver chez certains
patients des tics gestuels qui peuvent se manifester sous forme d’un cer
tain maniérisme dans la gestuelle et les mimiques. Le patient peut avoir
un comportement ou des mouvements anormaux qui contrastent avec son
appartenance groupale, culturelle, etc.
Stéréotypies posturales
Le thérapeute peut par exemple noter la catalepsie qui est une paralysie
observée dans les états hypnotiques et dans la schizophrénie. Cette para
lysie est caractérisée par l’annihilation de tous les réflexes de locomotion
et de changement de position, la réduction de la sensibilité, la contraction
tonique des muscles.
Actes automatiques
Le patient ne ressent pas les actions ou ses actes comme venant de lui-
même, mais comme des réponses automatiques à des ordres. Il dit être
télécommandé par une force extérieure à lui-même. Il peut dire qu’il ne
contrôle pas le mouvement de ses pieds, de ses mains, de sa tête, etc. Les
actes automatiques sont retrouvés chez les patients délirants qui commet
tent des actes sans avoir un réel contrôle. Il peut s’agir d’actes qui n’ont
aucune conséquence sur le plan social ou médicolégal ou alors d’actes à
caractère hétéro ou autoagressif.
Il est évidemment utile de rechercher les éléments psychotiques, le syn
drome d’influence ou du petit ou grand automatisme (cf. supra « Syndrome
délirant »).
Akathisie
Il s’agit d’une incapacité pour le patient de rester assis sans bouger. L’aka
thisie est différente de la « bougeotte » que peut avoir un jeune patient.
C’est une « sensation subjective de tension musculaire qui se traduit par
un besoin irrésistible d’être constamment en mouvement ; effet secon
daire extrapyramidal des antipsychotiques. » (Kaplan & Sadock, 2005)
Le patient peut être sous traitement (antipsychotique le plus souvent) ou pas.
Il n’arrive pas à rester sur sa chaise. L’akathisie est différente du syndrome
des jambes sans repos. Le plus souvent, on rencontre ces deux symptômes
chez les patients qui sont sous traitement antipsychotique.
Soulignons que l’akathisie est un réel besoin de bouger. Le patient peine
à garder ses jambes en place. Le fait qu’il bouge ou qu’il est en mouvement
le soulage momentanément.
Négativisme
L’attitude dite de négativisme peut être rapprochée de l’opposition, et
peut être active ou passive. Le négativisme se retrouve chez la plupart des
patients qui s’opposent aux adultes. La conduite de l’entretien est moins
Exploration de la motricité
Elle part du tonus, des émotions, du sensoriel, de la représentation pour
arriver sur le cognitif. Pour compléter son investigation, nous conseillons
au thérapeute de rechercher la qualité des interactions premières du bébé
ou du patient dans l’anamnèse personnelle et familiale.
En règle générale, l’investigation de trouble ou de la perturbation de la
motricité invite le thérapeute à chercher la présence d’angoisse et ses carac
téristiques (la nature, la qualité et la quantité, la réaction, de quelle façon le
moi gère ou contrôle l’angoisse, etc.).
Les questions ci-après donnent un avant-goût des différentes manières
d’explorer la motricité. Le thérapeute demande si le patient arrive tout seul
ou avec l’aide de l’adulte à mettre des jetons dans une tirelire. Est-ce qu’il
peut empiler des cubes ? Comment conduit-il ou quel est son trajet quand il
est sur une bicyclette ? Est-ce qu’il arrive à attraper le sac lesté ? Peut-il faire
rouler une balle à travers un but (le panneau, le jet d’objets, etc.) ?
Arrive-t-il à garder l’équilibre sur un pied (le thérapeute demande au
patient de faire des sauts successifs sur un pied et contrôle la qualité de son
équilibre dynamique) ? Peut-il sauter au-dessus d’une corde ou escalader un
niveau ? Quels sont ses principaux mouvements « explosifs » ? Est-ce qu’il
marche sur la pointe de ses pieds (cet examen évalue l’équilibre statique du
patient) ? Le cas échéant, à quel moment et pour quoi ?
La position des membres est explorée pour vérifier s’ils sont rassemblés
ou non. Est-ce que le patient est calme, bouge sans arrêt, est-ce qu’il arrive
à coordonner ses membres par rapport à l’équilibre ? Sait-il coordonner
sa latéralisation ? Comment est son polygone de sustentation en position
debout ? Remarque-t-on un certain maniérisme ? Est-ce qu’il arrive à res
sembler et à se coordonner au flux sensoriel ?
Le thérapeute se doit de chercher l’existence ou non d’un problème
d’axialité. Est-il organisé dans l’axe, dans l’espace, ou non ? Est-ce qu’il est
centré sur l’axe ? Arrive-t-il à croiser son axe ? Est-ce que la jonction droite-
gauche est intégrée ? Est-ce qu’il est en mesure de faire des rotations ou des
croisements ?
On vérifie si le patient a des mouvements involontaires qu’il n’arrive pas
à contrôler. Est-ce qu’il présente des mouvements parasites ? Cherche-t-il
des appuis avant de jouer ou de faire une action ? Comment arrive-t-il à
jeter ou à recevoir un ballon ou un autre objet ? Est-ce qu’il est en double
tâche et rien n’est automatisé chez lui ?
Est-ce que le patient fait usage d’utilisation bimanuelle de ses deux
mains ? Nous montre-t-il certains gestes avec ses doigts qui laissent penser
à une anxiété (tortiller les doigts, bouger sans arrêter ses doigts, se mordre
les doigts, etc.) ?
Le thérapeute observe le tonus de fond, le tonus postural et le tonus
d’action du patient. Il peut arriver qu’il soit tout mou, très mobile, très
rigide, etc. Le dialogue tonique est très important dans le toucher, le contact,
le regard. Ces éléments de contact ont un lien avec la communication non
verbale.
Est-ce que l’on sent le patient plus rigide ou non ? Dans quelle partie de
son corps a-t-on noté cette rigidité ? Est-ce que ses membres sont crispés ?
Existe-t-il d’autres parties du corps qui sont crispées ? Comment est sa res
piration (ample, bloquée, saccadée, relâchée, avec des apnées) ? Comment
est la position de ses épaules vis-à-vis du reste de son corps ou de son axe
vertical ? Comment est son tonus pneumatique ? Est-ce que l’on note un
effondrement de la partie supérieure du corps et un relâchement en bas ?
En ce qui concerne l’exploration de la motricité fine, le thérapeute peut
demander au patient de mettre le fil dans le chas de l’aiguille et l’observer faire.
Cette motricité peut aussi s’explorer par la manière dont il tient le crayon pour
écrire ou dessiner. On recherche s’il est ou non agile dans ses activités. Arrive-t-il
à jouer avec les Lego®, les Kapla®, peut-il empiler les cubes, enfiler les perles,
etc. ?
Au cours de l’exploration de la motricité, le thérapeute devrait rechercher
ou analyser les notions suivantes.
Équilibre
Le thérapeute demande au patient de rester debout immobile. Il peut lui
demander de rester en équilibre sur la pointe des pieds ou sur un pied, c’est-
à-dire rechercher l’équilibre statique. Le thérapeute peut encore observer
la façon dont il marche ou court, recherchant alors l’équilibre dynamique.
Le thérapeute explore aussi le rythme de déplacement du patient. Est-ce
qu’il a un tempo spontané ? Adapte-t-il son rythme de marche aux stimuli
auditivo-visuo-kinesthésiques ? Peut-il exécuter des gestes ou mouvements
tels que frapper et marcher tout en s’adaptant aux rythmes auditivo-visuo-
moteurs ?
Enfin, la notion d’équilibre donne une idée sur la motricité générale gros
sière par la démarche, quand il lance un ballon, etc.
Latéralisation
Elle est acquise entre 4 et 7 ans. Le patient utilise préférentiellement un
côté de son corps à partir d’un an. Il est question de chercher quel pied, œil,
ouïe, visée est utilisé préférentiellement. On cherche à connaître la latéra
lité d’utilisation en recherchant quelle est la main dominante (en le faisant
écrire), le pied dominant (« Avec quel pied tapes-tu le ballon ? ») et l’œil
dominant (« Si tu étais un pirate, de quel côté mettrais-tu la longue-vue ? »),
et on observe la latéralité gestuelle dans les gestes spontanés. Une latéralité
non homogène est souvent associée à des troubles de l’organisation spatiale
et du schéma corporel.
Finalement, on recherche si la latéralité est spontanée, usuelle, « psycho
sociale » ou lors de pantomimes.
Orientation spatiale et temporelle
L’orientation spatiale consiste à discriminer la droite et la gauche, sur soi,
sur autrui et par rapport à des objets, ou si le patient peut s’orienter par
rapport à un plan, etc. Le thérapeute fait appel aux notions de haut et
bas, devant et derrière, dessus et dessous, dedans et dehors, en avant et en
arrière, gauche et droite, etc. Ces diverses notions sont acquises progres
sivement jusque vers 4 ans. L’enfant situe la droite et la gauche un peu plus
tard vers 6 ans sur son propre corps, et vers 7 ans sur celui d’autrui. Cette
notion d’orientation spatiale implique aussi l’intégration de la latéralité.
On peut ainsi laisser, lors de l’exploration, le patient aller retrouver seul le
bureau en lui donnant des indications comme : « Va tout droit, puis tourne
à gauche, après, avant, à côté de, etc. »
L’orientation dans le temps est une donnée plus abstraite et donc d’appa
rition plus tardive, vers 6 ou 7 ans. Son exploration se fait en posant des
questions au patient autour de la durée de ces activités, du récit, etc. Le
thérapeute évalue sa capacité d’exécuter les tâches sur une courte ou une
longue durée.
Image du corps
L’image du corps est liée au sujet, à sa propre histoire et à son développement,
tandis que le schéma corporel est le même pour tous les individus. C’est
la synthèse des expériences émotionnelles qui fait toute la différence entre
deux individus. L’image du corps est toujours inconsciente et constituée de
l’articulation dynamique d’une image de base, d’une image fonctionnelle et
d’une image des zones érogènes où s’exprime la tension des pulsions.
Praxies
L’exploration des praxies comprend l’évaluation des mouvements de pro
nosupination bimanuelle symétrique et asymétrique.
Le thérapeute demande aux parents si le patient a acquis la préhension (le
pouce qui touche l’index pour attraper quelque chose). Peut-il mettre son
pouce en opposition de ses doigts ? Quelles sont ses capacités de gnosies
tactiles digitales ? A-t-il des habilités oculomanuelles (on recherche s’il peut
mettre des jetons dans une boîte) ?
Dans l’exploration des praxies, on recherche la présence ou non de syn
cinésies car elles donnent des indices sur la maturation motrice de l’enfant.
Les syncinésies d’imitation (le patient peut reproduire involontairement le
même mouvement avec le pied quand on lui demande de faire fléchir sa
main. Par exemple quand le thérapeute lui demande de faire la marion
nette avec une main, il observe ce qu’il fait avec son autre main ou un de
ses pieds.) Ces syncinésies disparaissent normalement vers 7 ou 8 ans. Le
thérapeute observe comment le patient manipule les jouets, comment il s’y
prend lors des activités, etc.
Réflexes archaïques
Les réflexes dits archaïques sont les plus anciens qu’a un individu dès sa
naissance. Ils sont recherchés systématiquement par nos collègues pédiatres,
neuropédiatres, bref chez tous les nouveau-nés et jeunes enfants.
membres, une capacité de se relaxer, etc. Ces trois éléments sont plutôt
observés tout le long de l’entretien et ne font pas l’objet d’une recherche
spécifique. On évalue les éventuels troubles de la coordination, hyperacti
vité, lenteur, décharge motrice, grimaces, stéréotypies, rigidité, hypotonie
ou hypertonie, retenue, minutie, degré d’intégration du corps dans un
sentiment d’identité (schéma corporel). On peut le voir dans le dessin du
bonhomme, dans le jeu (comment il prend ou lance le ballon, etc.) et par
la marche.
En bref, il existe deux niveaux de vérification de la motricité :
• le niveau quantitatif : est-ce que le patient a une activité agitée, ralentie,
inhibée et retenue ? A-t-il un bon tonus (hypotonie ou hypertonie axiale) ?
Est-il stable, instable, hyperactif ou hypoactif ? Le thérapeute demande
si le patient gigote sans cesse. Comment le patient dépense son énergie
motrice ? Est-ce qu’il est fatigué rapidement ou demande-t-il d’arrêter ou
abandonne-t-il une activité avant l’heure de fin ?
• le niveau qualitatif : on essaie de savoir si le patient est adroit, agile ou
non. Aborde-t-il les choses de façon appropriée ou non ? Est-ce qu’il pré
sente des mouvements fluides, saccadés ou maladroits ? Est-il mal ou bien
orienté dans l’espace ?
On évalue donc la qualité de ses gestes et de son activité, tant sur le plan
de la motricité globale que fine. L’impulsivité chez certains patients vient
compléter le tableau clinique d’un trouble d’hyperactivité avec ou sans défi
cit de l’attention. Ces patients sont auteurs d’une multitude d’accidents,
fautes d’attention et d’impulsivité. Ils commettent des actes inadéquats en
répétition.
Obsessions
Généralités
Il s’agit des idées, pensées, impulsions ou représentations qui s’imposent
de manière répétée et vécues comme absurdes. Le sujet ne peut les faire
céder que difficilement. Il reconnaît qu’il s’agit bien d’une idée extérieure
distincte des siennes et à laquelle il ne peut rien faire d’autre que de se
soumettre. Il faut rechercher la notion d’impulsivité, de passage à l’acte ou
des actes de passage et de la satisfaction secondaire (c’est-à-dire chercher
à savoir si le patient ressent de l’apaisement psychique après avoir posé le
geste ou l’acte).
Ces éléments peuvent aider dans la pose du diagnostic différentiel.
L’obsession est un état pathologique émotif dont le caractère assiégeant
constitue une véritable effraction de la volonté. De ce point de vue, l’obses
sion est à la fois un trouble de l’émotivité, ou trouble affectif, et un trouble
de la volonté.
obscènes, sacrilèges comme des injures adressées à Dieu, ou toute autre idée
neutre comme des chiffres, des mots ruminés. Les mots grossiers ou obs
cènes devraient être différenciés des insultes ou autres mots obscènes que
l’on rencontre dans le syndrome de Gilles de La Tourette ou les autres syn
dromes neurologiques. Alors que le patient lutte contre les idées obsédantes
ou résiste à poser des actes ou des gestes compulsifs, celui qui a le syndrome
neurologique le fait de manière spontanée et sans aucun contrôle.
Obsessions phobiques
Il s’agit de crainte obsédante d’objets ou des situations reconnues comme
absurdes mais ne pouvant être chassées de l’esprit. Ce type d’obsession se
distingue des phobies étant donné que dans ces dernières, la crainte existe
en dehors de la situation ou de la présence de l’objet. Le patient obsédé
éprouve une peur de certaines situations ou objets précis (par exemple, peur
des couteaux par crainte de blesser ; peur des maladies, de la contamina
tion, des microbes : folie de toucher).
On doit rechercher les conduites d’évitement et les objets ou comporte
ments auxquels le patient a recours pour lutter contre ses troubles phobiques.
Cette catégorie regroupe entre autres : la phobie sociale, l’agoraphobie, la
phobie des insectes, des animaux, etc.
Le clinicien devrait tenir compte et rechercher la phobie de rencontre
ou de contact qui ne favorise pas la socialisation. Dans les obsessions pho
biques, le patient décrit en détail la pensée où les idées qui l’angoissent, les
qualifiant souvent lui-même d’idées parasites, d’idées étranges qu’il juge
bizarres et absurdes. Il ne parvient pas à s’en débarrasser. Les phobies han
dicapent sa vie, il le reconnaît mais ne peut rien faire pour les éradiquer
tout seul.
Compulsion obsédante
Elle peut être définie comme étant une « conduite que le sujet accomplit
toujours sous la force d’une contrainte intérieure obsédante. Les compul
sions et les rituels non compulsifs (basés sur des obsessions et des obses
sions-impulsions) sont toujours accomplis contre la résistance interne du
sujet. » (Preising & Serre, 2000) Le patient a du mal à éviter ou n’arrive pas
à s’empêcher de poser cet acte compulsif.
Conclusion
Il est important de rechercher dans les obsessions et les compulsions la
capacité d’insight ou la bonne prise de conscience. Le patient peut alors
dire que ses actes, ses pensées, ses gestes ou ses idées ne correspondent
pas à la réalité ou qu’elles sont fausses ou vraies. Les idées délirantes, des
pensées suicidaires, des tics, des rituels, des compulsions et bien d’autres
perturbations de la pensée doivent systématiquement être recherchés. On
trouve généralement des craintes excessives d’avoir une maladie, etc.
On doit rechercher le retentissement et l’influence du trouble sur le fonctionne
ment psychique, intellectuel, social et sur le quotidien du patient.
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Affiliation
Définition
Il s’agit de la capacité que peut avoir un patient de se retourner vers les
gens de son entourage pour leur demander de l’aide, rechercher la solution
avec eux ou toute autre forme de soutien de leur part afin de réduire les
stress internes ou externes e/ou les conflits émotionnels. « En s’affiliant
aux autres, le sujet peut exprimer et confier ses conflits, ses émotions et ses
problèmes en se sentant moins seul. » (Perry et al., 2009)
En fait, le patient essaye de trouver la solution à ses propres problèmes
en évitant de demander aux autres de le faire à sa place. Ce mécanisme
de défense lui permet soit de se rapprocher de ses propres besoins d’atta-
chement affectif et émotionnel, soit de partager ou d’extérioriser ses pro-
blèmes. Il montre son souhait de faire efficacement face aux problèmes, ce
qui permet de diminuer la tension psychique subjective et, le cas échéant,
d’augmenter les compétences à y faire face grâce à l’aide apportée par l’objet.
Le patient trouve des stratégies pour aller mieux quand il se sent envahi par
des fortes émotions. Certains rejoignent un groupe d’amis ou voient un
meilleur ami pour échanger, discuter sur leur situation ou d’autres théma-
tiques afin de baisser leurs tensions internes.
Hypocondrie
L’affiliation comme mécanisme de défense diffère de l’hypocondrie par le
fait que le patient hypocondriaque verbalise son ressentiment et son impuis-
sance à résoudre son problème de santé. Malgré ses multiples demandes
d’aide, il est incapable de les accepter. Mais celui qui met en place l’affilia-
tion comme défense ne pose pas des actions inamicales, et ne manipule pas
ses proches. Seulement, il éprouve un réel besoin d’attachement. Ce patient
s’inscrit plutôt dans une logique de recherche de l’aide de la part de l’autre.
C’est cela qui fait la différence avec l’hypocondrie par laquelle la personne
se plaint mais n’attend pas de l’aide ni ne prend en compte la solution que
l’autre lui propose.
Exploration de l’affiliation
L’exploration de mécanisme de défense exige du thérapeute d’avoir une
attention particulière. Il doit se demander si le patient fait souvent des
demandes d’aide ou de soutien à ses proches quand il se trouve dans des
situations conflictuelles ou émotionnelles stressantes.
Est-ce que le patient a tendance à nouer des relations de confiance avec ses
pairs dans le but de recevoir d’eux une aide quelconque ? Se confie-t-il à ses
proches devant ses difficultés ? Apprécie-t-il l’aide que ses proches lui pro-
posent ou ce qu’ils auraient témoigné pendant ses moments d’angoisses ou
de stress ? Accepte-t-il l’aide ou l’assistance que lui proposent ses proches ?
A-t-il de la peine à laisser son entourage l’aider ?
Passage à l’acte
Le passage à l’acte est différent de l’affirmation de soi dans le sens où le patient
s’exprime de manière agressive, violente et directe avec comme conséquence
de blesser l’autre, tandis que dans l’affirmation de soi, il est dans la recherche
du lien avec l’autre non pas pour le nuire, mais pour se satisfaire lui-même.
Disons plus encore que les conséquences du passage à l’acte sont très
fâcheuses et risquent de détruire les relations avec l’autre. En revanche, le
patient qui recourt à l’affirmation de soi s’inscrit plutôt dans la collabora-
tion avec l’autre. Dans l’affirmation de soi, le thérapeute ne retrouve pas la
dimension agressive contre l’objet comme c’est le cas dans l’agressivité pas-
sive. On voit que ce point creuse un écart entre ces deux défenses.
Agrippement ou cramponnement
L’agrippement ou le cramponnement du moi se fait d’une manière particu-
lière. Certains cliniciens comme Roussillon disent que dans cette modalité
défensive, le patient s’agrippe de façon convulsive, effrénée, à un objet
(chose ou personne), dont la perte fait courir un risque vital. Cette stratégie
fait un lien avec la pulsion d’emprise. Ici, le patient ne lutte pas contre une
quelconque séparation, plutôt contre une impression qu’il risque de se réin-
tégrer. Il doit s’agripper pour surmonter cette angoisse qui est très forte et
très menaçante pour sa survie psychique.
Altruisme
Définition
L’altruisme est un mécanisme de défense qui « renvoie » au principe de
donner pour recevoir. Le patient s’attache à répondre aux besoins des
autres comme moyen de satisfaire ses propres besoins. L’altruisme est défini
comme une défense par laquelle le patient gère « ses conflits émotion-
nels, ses stress internes ou externes, en se dévouant pour les autres tout
en réalisant partiellement ses propres besoins. En utilisant l’altruisme, le
sujet reçoit des gratifications partielles ou indirectes de la part des autres. »
(Perry et al., 2009) Le patient répond à ses conflits et à ses stress internes et
externes par le dévouement aux besoins de ses proches.
Soulignons encore le fait que l’altruisme est un mécanisme par lequel
le patient satisfait ses besoins internes en prétendant poser des gestes ou
actions pour le bien-être de l’objet. Il faut savoir que le patient peut être
motivé par l’obtention de récompenses ou de gains personnels. Ilt reçoit
en retour une gratification partielle, soit sous forme de bénéfice secondaire,
soit par l’aide directe apportée à l’autre. Il est conscient de ses motivations
à aider l’autre. La relation à l’autre est directe et fonctionnelle. Par exemple,
le patient qui dit à son thérapeute : « Cela m’a fait du bien de l’avoir aidé,
car je m’étais trouvé un jour dans la même situation que lui quelques mois
avant. C’était une situation assez complexe et difficile pour lui tout seul… »
C’est comme si le patient, en se mettant à la place de l’autre, revivait son
passé avec toutes les difficultés qu’il n’avait pas pu résoudre en ce temps-là.
Ainsi, dans le but de réparer ce qu’il n’a pas pu faire, accomplir ou finir, il se
met lui-même à apporter de l’aide à ceux qui se retrouvent dans la situation
identique, selon lui, jadis à la sienne.
Sublimation
L’autre mécanisme de défense qui n’est pas à confondre avec l’altruisme
est la sublimation (détaillée infra). L’altruisme implique que le patient pose
un acte ou une action directe à l’égard de l’autre, alors que la sublimation
s’accompagne d’exploits, n’a pas d’impact direct sur l’individu. L’altruiste
cherche plutôt sa propre satisfaction directe à partir des actes qu’il pose
envers l’autre. Dans la sublimation, le patient n’apporte pas de l’aide à
l’autre, il fait des gestes ou des actions ou change d’activités dans le but
de faire plaisir dans un premier temps à l’autre pour recevoir en retour une
satisfaction par la reconnaissance de ce qu’il a fait.
Exploration de l’altruisme
L’exploration de l’altruisme comme mécanisme de défense est importante
du fait que l’altruisme peut être rapproché des différents autres mécanismes
de défense. Le long de l’entretien, le thérapeute devrait inviter le patient à
expliciter ou expliquer pourquoi il a posé un tel acte, un tel geste, ou son
attitude envers l’objet.
A-t-on l’impression que le patient est animé par un désir d’aider les
autres ? Cette aide qu’il fournit à son prochain lui procure-t-elle une satis-
faction ? Est-il capable de se projeter dans une profession à caractère d’aide
aux autres ou au prochain ? Manifeste-t-il une satisfaction dans ce qu’il
aurait fait à l’égard des autres, qu’importent les finalités ? Certains patients
disent qu’ils se sentent plus intéressés par la profession d’aide à l’autre. Il
est intéressant d’analyser avec eux pourquoi ils veulent devenir des tra-
vailleurs sociaux, des éducateurs spécialisés, des moniteurs de camps de
jeunes, etc.
Annulation rétroactive
Définition
L’annulation rétroactive est définie par le fait que le patient gère ses stress
ou ses conflits émotionnels grâce aux comportements, pensées ou affects
qui ont une portée opposée à des pensées, affects ou comportements
passés. La particularité de l’annulation rétroactive est la coexistence de deux
affects contraires dans la même expérience. Le patient pose des actes ou des
actions dans le but de réparer ou d’apaiser le problème. Cet acte réparateur
l’exempte de la souffrance liée au problème.
L’acte que pose le patient dans l’annulation rétroactive correspond à une
correction symbolique. Il fait la négation des pensées, des sentiments ou
des actions antérieures. Ce mécanisme est rencontré le plus souvent chez les
patients obsessionnels (avec le trouble obsessionnel compulsif).
En fait, par ce mécanisme de défense, le patient répète les gestes, les
paroles, les actes dans l’idée d’annuler ou de conjurer un mauvais sort. Par
exemple, il se dit que pour éviter une malédiction, il doit compter de 1 à 6
quand il rentre chez lui.
L’annulation rétroactive est loin d’être une superstition. Il ne s’agit pas
d’une action qui est validée par l’ensemble des membres de sa communauté,
de son village, de son quartier ou de son appartenance tribale ou sociale. Le
patient est le seul qui fait ses gestes et l’explique à sa manière. L’annulation
rétroactive est un mécanisme inconscient et révèle un caractère exigeant,
spontané et automatique. L’individu ne peut pas se dérober, ni s’empêcher
de poser un acte devant un fait donné.
Enfin, dans l’annulation rétroactive, le patient se sent obligé d’annuler ou
d’effacer ses intentions, propos ou attitudes originelles. Il lutte contre une
pulsion destructrice inconsciente. Les gestes, actions, mots, propos, etc. qui
composent ce mécanisme de défense ne sont pas à interpréter de manière
hâtive. Par exemple, le patient qui dit : « Ma meilleure amie est vraiment
épouvantable, et en même temps, elle est pleine de bonnes intentions. » se
corrige ou essaie de dire une chose qui vient corriger ce qu’il vient de décrire
sur son amie. Il ne s’en rend pas compte mais le thérapeute si.
En bref, une annulation rétroactive d’une attitude ou d’une représenta-
tion correspond à l’annulation de l’attitude ou de la représentation concer-
née par la mise en œuvre d’une seconde attitude ou représentation opposée
à la première.
deux situations. L’objet est clivé, ce qui n’est pas le cas de l’annulation
rétroactive où le patient arrive à se rendre compte de la contradiction ou
des deux facettes de l’objet.
Dans l’annulation rétroactive, le patient fait des reproches à l’objet, for-
mule très vite des commentaires positifs afin d’éviter d’éventuelles critiques
ou conséquences défavorables de ses précédentes affirmations. Enfin, les
parties qui sont non conciliables dans le clivage de l’objet le sont heureuse-
ment dans l’annulation rétroactive.
Formation réactionnelle
Comme mentionné supra, dans l’annulation rétroactive, on retrouve une
coexistence des affects ou pulsions opposées, ce qui n’est pas le cas dans la
formation réactionnelle.
Annulation rétroactive
L’anticipation est différente de l’annulation rétroactive. Retenons que
l’absence de pensées compulsionnelles et la richesse du contenu affectif
dans le processus fantasmatique de l’annulation rétroactive font la diffé-
rence avec l’anticipation. Le patient qui utilise l’anticipation est plus dans
les pensées que dans les actes et les gestes.
Fantasmatisation autistique
La fantasmatisation autistique diffère de l’anticipation par le fait que le
patient n’a pas de réelles intentions réellement par rapport aux effets des
actions ou des situations supposées fantasmées. En revanche, l’anticipa-
tion s’accompagne d’actions fantasmatiques qui tiennent compte des
situations ou des difficultés réelles et prévisibles du patient. L’individu
qui utilise l’anticipation est beaucoup plus inscrit dans la réalité de son
environnement.
Exploration de l’anticipation
Lors de l’exploration de l’anticipation comme un mécanisme de défense,
les éléments ci-après peuvent orienter le thérapeute. Le plus souvent, ce
mécanisme fait que les patients rapportent s’être imaginé la scène, le scé-
nario ou les réactions des gens de leur entourage (leurs parents, leurs amis,
leurs professeurs ou éducateurs, etc.) avant de passer à l’acte. Par exemple,
un patient qui nous dit : « Je savais qu’annoncer à mes parents le fait que
je vais faire un apprentissage au lieu de continuer avec le collège serait très
difficile. Avant cette confrontation, je me suis entraîné en essayant d’ima-
giner différents scenarii pour mieux surmonter ». Un autre dit : « Avant de
dévoiler mon attirance sexuelle aux personnes du même sexe que moi, j’ai
pris le temps de me faire le film de toutes les réactions de mes amis et de
ma famille ».
Ce mécanisme amène le patient à s’imaginer ou passer en revue les
différents scenarii ou probabilités de réactions des autres. Il se prépare au
pire ou non. Pour confirmer qu’il est face à une anticipation, le thérapeute
se demande si le patient lui décrit des situations qu’il a essayé d’anticiper
dans sa vie. Présente-t-il des attitudes anticipatives dans ses activités quoti-
diennes ? Qu’est-ce qui a précédé ou qu’est-ce qu’il s’est imaginé avant de
poser un acte ou un geste ?
Blocage
Il s’agit d’un mécanisme de défense dans lequel prédomine l’inhibition
des affects, de la pensée ou des pulsions. En d’autres termes, le « blocage
constitue un processus défensif proche, en tant qu’effet, du refoulement.
Il est, cependant, plus bref et implique une sensation naissante de tension
que produit le fait de contenir l’affect, la pensée ou la pulsion, ce qui les
empêche de se manifester. » (Inonescu et al., 2016)
Le patient bloqué est dans l’impossibilité de verbaliser ses émotions et
ses affects.
Exploration du contrôle
Quand le thérapeute explore ce mécanisme de défense, il a une impression
que le patient essaie de lui dicter les règles du jeu. Sciemment ou directe-
ment, le patient échappe ou évite tout simplement de suivre le thérapeute
dans le sentier qu’il trace au cours de l’entretien. Il trouve un autre moyen
de contourner la situation et reprendre les rênes. Il peut dire au thérapeute
avant ou pendant le jeu : « Toi, tu prends les animaux méchants ou gentils,
et moi je prends les bonshommes… » Le patient qui est dans le contrôle
exprime verbalement le fait qu’il veut que ce soit le thérapeute qui exécute
ce qu’il veut. Il a du mal à suivre toute idée venant de l’autre.
Retenons qu’il est possible, chez certains patients, d’objectiver ce méca-
nisme de défense à travers leur attitude corporelle, la manière de répondre
aux sollicitations du thérapeute, etc. Le thérapeute cherche à démasquer si
Dénégation
Définition
La dénégation peut être définie comme un mécanisme de défense par lequel
la pulsion gênante n’est pas refoulée d’emblée. Cette pulsion apparaît dans
la conscience, mais le patient s’en défend en la niant. Il essaie de mettre à
l’écart ses émotions, ses affects, voire ses pulsions, tout en refusant d’admet-
tre que ces derniers le concernent personnellement.
Exploration de la dénégation
La dénégation est plus objectivée dans la narration de l’individu. Par exem-
ple, un patient raconte son rêve et dit : « J’ai rêvé d’une jolie demoiselle qui
me faisait des avances amoureuses. Au fait, cette fille qui apparaît dans mon
rêve n’est pas ma cousine Alicia. » Un autre patient s’étonne en ces termes :
« Je n’ai pas pensé du tout à cela avant que tu le dises ! »
Lors d’une recherche de validation émotionnelle, le thérapeute peut dire
au patient : « Je me demande si tu n’étais pas triste de le voir partir sans te
dire au revoir ? » Le patient qui rétorque : « Moi, suis-je triste ? Pas du tout !
Qu’est-ce qui vous fait croire cela ? » Ces types des négations valent souvent
plus qu’une confirmation.
Déplacement
Définition
Le déplacement est défini comme « une opération de substitution par
laquelle l’intérêt est déplacé des pensées importantes vers des éléments
indifférents. La possibilité d’un tel mécanisme repose sur le fait que l’éner-
gie psychique inconsciente n’est pas retenue par les contraintes et les sépa-
rations logiques, ainsi elle glisse librement des représentations importantes
aux représentations insignifiantes. » (Askenazy-Gittard & Darcourt, 2012)
Le déplacement est caractérisé par le fait que le patient « gère ses conflits
émotionnels, ses stress internes ou externes, en déplaçant une représenta-
tion, ou un affect lié à un objet sur un autre objet (généralement moins
angoissant). Le sujet est conscient, ou n’est pas conscient, du déplacement
de la représentation, de la pulsion ou de l’affect lié à un objet sur un autre
objet. » (Perry et al., 2009) Le patient généralise ou déplace un problème
vers un autre objet habituellement moins menaçant. L’affect ou le senti-
ment sont reconnus, exprimés, mais redirigés vers une cible moins conflic-
tuelle bien que de même nature.
Le déplacement permet de transférer l’affect lié à une représentation
interdite vers un autre affect moins gênant, mais lié à la première représen-
tation par un élément symboliquement significatif. Par exemple, la peur de
la sexualité peut se déplacer sur la rue (peur de sortir dans la rue). Le lien
entre les deux est que la rue représente le lieu des rencontres, qui peuvent
aboutir à des relations sexuelles. Il y a juste la modification de l’objet mais
l’affect reste intact.
Le déplacement est un mécanisme de défense qui prévaut dans les
névroses phobiques. Le patient peut déplacer sa crainte ou son angoisse sur
les lieux, les animaux, les objets, les insectes, etc.
Exploration du déplacement
Plusieurs éléments peuvent aider le thérapeute à objectiver ce mécanisme
de défense. Pour commencer, on peut se demander si le patient exprime
ses sentiments de colère, de haine, de joie, etc., tout en y apportant un
quelconque jugement ou peu d’intérêt et dans les minutes qui suivent.
Est-ce qu’au cours du même entretien, le patient exprime des sentiments
à la suite desquels il se retrouve dans un malaise ou dans un inconfort ?
Investit-il des situations, des personnes ou des objets qui semblent avoir
peu d’importance, mais dans l’instant après ces situations ont des simili-
tudes avec d’autres auxquelles il attache une grande importance ? Est-ce
que les disputes ou mésententes qu’il a eues à l’école avec ses pairs ou sa
maîtresse, il les reproduit à la maison avec sa fratrie ou ses parents ?
Est-ce qu’il réagit sans grande émotion devant un refus d’aide ou service
de la part d’une personne proche ? Donne-t-il l’impression qu’il évite déli-
catement ou non toutes les questions qui risquent de réveiller de fortes
émotions ou des sentiments désagréables ou chercher plutôt à aborder
d’autres thèmes ?
Dépréciation
Définition
La dépréciation est un mécanisme de défense qui stimule l’amour-propre
du patient. Ce mécanisme repose sur la conscience des désirs ou la décep-
tion liée à la non-satisfaction de ses souhaits ou de ses besoins. Grâce à la
dépréciation, le patient arrive à occulter un sentiment de vulnérabilité, de
honte, de non-valeur. Il gère ses problèmes en attribuant à l’autre ou à lui-
même des défauts exagérés. Il utilise pour ce faire des expressions grossières,
sarcastiques ou négatives sur les autres ou sur lui-même. Il essaie de mettre
l’objet à distance sans le nier.
Exploration de la dépréciation
Le thérapeute a tout intérêt à bien écouter le discours du patient, qui donne
l’impression de chercher à montrer qu’il est humble ou alors qu’il apprécie
peu ce qu’il est ou ce qu’il possède. Par exemple, il dit : « Je ne suis pas un
véritable écrivain, je suis tout juste un humble journaliste. »
Dissociation
Définition
La dissociation est un mécanisme de défense par lequel le patient altère la
fonction intégrative de sa conscience ou de son identité afin de gérer les
stress ou les conflits émotionnels. « Lors de la dissociation, un affect ou une
pulsion déterminée agit dans la vie psychique du sujet sans que le sujet en
soit conscient. » (Perry et al., 2009) Dans la dissociation, le patient maintient
le problème hors de sa conscience, et l’affect qui l’accompagne s’exprime par
une altération de la conscience ou par un comportement inhabituel.
Le patient exprime son affect en minimisant consciemment les aspects
menaçants du problème. Par exemple il dit : « J’ai donné une baffe à mon
meilleur ami. Je ne comprends pas pourquoi. Ce n’était pas moi, ça. Qu’est-
ce qui m’a poussé à faire ça ? »
Étant donné que le contenu dissocié est considéré comme trop menaçant,
trop conflictuel ou trop angoissant pour le patient, la principale fonction de
la dissociation est de mettre hors champ de la conscience le matériel ou les
affects pénibles pour lui.
La dissociation est un mécanisme de défense souvent retrouvé chez les
patients qui ont vécu un traumatisme simple ou répété. Cette dissociation
peut s’accompagner de l’hyperadaptation de la personne à son environne-
ment et complète ainsi le tableau du faux self.
Mécanismes de défense différentiels
La dissociation peut être différenciée de plusieurs autres mécanismes de
défense. Il est important que le thérapeute s’intéresse aux détails pour la
Clivage
Le patient qui est dans le clivage a une connaissance des affects associés, mais
pas pour ceux qui lui semblent dissemblables. Étant donné que le clivage et la
dissociation sont très souvent associés, il est alors possible que le patient uti-
lise les deux mécanismes de défense en même temps. L’important est de savoir
les distinguer afin de bien aider le patient dans la suite de sa prise en charge.
Déplacement
La dissociation diffère du déplacement sur le fait que dans la dissociation,
le patient n’est pas conscient au moment du fait, tandis que dans le déplace
ment, il oriente ou dirige ses affects ou sa pulsion sur d’autres thèmes de
discussion ou d’autres objets.
Formation réactionnelle
Dans la formation réactionnelle, les affects ou le désir sont transformés en
leur contraire, tandis que dans la dissociation, le patient ne se rend pas
compte de la présence de l’objet. Son affect ou son désir n’est pas trans-
formé mais plutôt mis à l’écart du champ de sa conscience.
Isolation
Contrairement à la dissociation, l’isolation consiste à garder une conscience
réduite de l’affect. Le patient peut parler de la situation ou de l’événement
sans que ses affects soient exprimés (cf. infra « Isolation »).
Mensonge
Pour faire une différence entre la dissociation et le mensonge, le thérapeute
doit chercher la notion de conscience du patient lors des actes ou actions
qu’il rapporte. La qualité de la conscience est un élément clé et apporte une
nette différence entre ce qui appartient au mensonge et à la dissociation.
Refoulement
Le fait que le contenu idéationnel soit maintenu inconscient mais que
l’affect ou la pulsion conservent leur conscience dans le refoulement fait la
différence avec la dissociation.
Exploration de la dissociation
Il est important de souligner que la tâche du clinicien est lourde quand il
s’agit d’explorer ce mécanisme de défense. Pour ce qui est de la dissociation,
le thérapeute peut avancer cette hypothèse quand le patient semble ou se
montre fasciné par des pairs qui ont des conduites impulsives, désinhibées
ou des personnes jugées asociales ou en dehors de la légalité dans la société.
Les questions ci-après peuvent aider à élucider ce mécanisme s’il existe
chez le patient. Est-ce qu’il arrive à poser des actes sans en connaître la
raison exacte ? Par exemple, le thérapeute lui demande : « Fais-tu des gestes
de manière inadéquate et impulsive sans t’en rendre compte ? »
Par ailleurs, est-ce que le patient se plaint de douleurs abdominales ou
de céphalées intenses quand il ressent de l’angoisse, de la tristesse, de la
colère, ou de la joie ? Certains peuvent souffrir d’une amnésie ou de crises
émotionnelles ou peuvent évoquer des états de transe, des fugues amné-
siques qui sont une expression d’une pulsionnalité ou des affects causes
d’un conflit inconscient.
Évitement
Définition
L’évitement est un mécanisme de défense inconscient. Le patient n’a pas
la conscience du conflit, mais il refuse automatiquement de se confronter.
Lors de l’évitement, sans s’en rendre compte, il refuse d’aborder le problème
ou la thématique que lui propose l’autre. Par exemple, dans son récit, il
évite d’aborder un thème ou de raconter une histoire qui a trop d’affect.
Il préfère changer de thématique. Sur le plan psychiatrique, on parle de
l’opposition passive ou active du patient.
Mécanismes de défense différentiels
Les mécanismes de défense qui sont à distinguer de l’évitement sont le
déplacement, le refoulement, etc. (cf. les paragraphes consacrés à ces méca-
nismes).
Exploration de l’évitement
Le thérapeute note que le patient change de sujet ou lui demande de chan-
ger de sujet si celui-ci génère du stress ou des affects pénibles. Au lieu de
répondre aux questions posées ou de continuer à discuter avec son théra-
peute, le patient peut lui demander directement : « Est-ce qu’on va jouer ? »
Il peut aborder ou amener le thérapeute à aborder d’autres sujets ou d’autres
thématiques ou tout simplement lui demander d’arrêter la séance. Et si, par
exemple, son thérapeute lui demande d’expliquer ce qu’il fait en classe ou
avec ses copains, le patient lui dit : « Je peux aller aux toilettes ou je peux
dessiner ? » au lieu de répondre ou de continuer à raconter son histoire, etc.
Formation réactionnelle
Définition
La formation réactionnelle est un mécanisme de défense retrouvé essen-
tiellement dans la structure névrotique (hystérique, obsessionnelle et pho-
bique). La formation réactionnelle est définie comme un moyen par lequel
le patient essaie de gérer ses stress, ses conflits émotionnels en donnant
un sens opposé à des affects ou pensées qui sont inacceptables pour lui.
Il s’agit de la transformation d’une pulsion inacceptable en son contraire.
Humour
Définition
L’humour est l’utilisation des aspects amusants ou ironiques d’un problème
pour minimiser les tensions psychiques qu’il provoque chez le patient.
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Mécanismes de défense 273
Les patients qui recourent à l’humour noir deviennent vite agaçants dans
le groupe des pairs. Leurs propos sont difficiles à déchiffrer et suscitent de
l’agressivité chez l’autre. Il arrive qu’ils se rendent compte de leur mauvais
sens de l’humour ou de leur second degré.
Le patient utilise-t-il l’humour, l’ironie, essaie-t-il de détourner les propos
de ses interlocuteurs en y ajoutant de la plaisanterie ? Fait-il des remarques
drôles ? Malgré sa manière de recours à l’ironie ou à la plaisanterie, l’entre-
tien n’est-il pas perturbé ? Fait-il des commentaires humoristiques durant
l’entretien ? Aborde-t-il ses conflits émotionnels avec ironie ou de manière
drôle ?
Hypocondrie
Définition
L’hypocondrie est définie comme étant un mécanisme de défense qui
« entraîne l’usage répété d’une plainte ou d’une série de plaintes par laquelle
ou lesquelles le sujet appelle ostensiblement à l’aide. Cependant, les sen-
timents cachés d’agressivité ou de ressentiment à l’égard des autres sont
exprimés simultanément par le sujet sous la forme de refus de suggestions,
de conseils, ou de n’importe quelle autre proposition. » (Perry et al., 2009)
Par ailleurs, on remarque que le patient qui utilise l’hypocondrie rapporte
plusieurs plaintes à son thérapeute, mais ne laisse pas entrevoir une envie
de recevoir de l’aide de la part de ses proches. Il évite ou refuse toute propo-
sition d’aide de la part de ses proches.
La principale fonction de l’hypocondrie est d’aider l’individu à lutter
contre la colère qu’il ressent par rapport à ses besoins de dépendance de ses
proches. À cause de sa colère ou de son agressivité, les différentes tentatives
d’aide que lui proposent ses proches sont refusées insidieusement ou indi-
rectement par le patient. Son attitude de refus ne l’empêche pas de persister
dans sa demande d’aide.
Il est capital que le thérapeute reste fin dans son investigation afin de ne
pas confondre ces deux mécanismes. On observe souvent de l’agressivité
passive dans des contextes relationnels et professionnels hiérarchiques.
Annulation rétroactive
Au cours de l’entretien, il peut arriver de noter des contradictions dans les
propos du patient d’un instant à un autre. Cette situation devra nous amener
à penser à l’annulation rétroactive, qu’il faut distinguer de l’hypocondrie.
Lors de l’exploration de l’annulation rétroactive et dans le but de la diffé-
rencier de l’hypocondrie, il est important de poser des questions pour met-
tre en lumière les différents mouvements de va-et-vient au cours de la dis-
cussion. Le thérapeute finit par soulever les incohérences dans les assertions
ou informations que le patient lui apporte. Il ne s’agit pas d’un trouble de la
pensée ni de discours, plutôt de contradictions verbalisées soit ouvertement
ou subtilement à travers les pensées, les idées et les propos du patient.
Dévalorisation
La dévalorisation se rapproche également de l’hypocondrie. Il arrive que ces
deux mécanismes soient observés conjointement. Le patient qui utilise la
dévalorisation peut faire des critiques négatives, des reproches dénigrants
d’une personne proche. Il ne cherche pas non plus à garder un lien avec la
personne qu’il vient de dénigrer sous prétexte d’obtenir des aides plus tard.
Enfin, le manque d’envie de demander de l’aide est l’élément essentiel qui
permet d’emblée de distinguer ces deux mécanismes.
Dissociation
Il peut arriver que l’on se demande si le patient est en train de recourir à la
dissociation ou à l’hypocondrie. Quelques éléments essentiels permettent
de tirer au clair cette différence :
• d’une part, dans la dissociation, les plaintes ou difficultés sont exprimées
à bas bruit mais s’il s’agit de l’hypocondrie, les plaintes ont une intensité
croissante au risque de devenir insupportables. Le patient cherche de l’aide
et verbalise sa souffrance à ses proches ou au thérapeute ;
• d’autre part, le patient dissocié peut ressentir une douleur ou un besoin
d’aide mais ne pas formuler sa demande contrairement au sujet hypocon-
driaque qui, non seulement a mal, mais demande aussi de l’aide.
Exploration de l’hypocondrie
L’exploration de l’hypocondrie requiert d’être franc et direct dans les ques-
tions que l’on pose au patient. Le thérapeute peut demander par exemple :
« Est-ce qu’il t’arrive de demander de l’aide ou d’aborder tes difficultés
de manière répétée avec les mêmes personnes afin qu’elles te prodiguent
des conseils ? », « Lorsque tu t’adresses à ton entourage, penses-tu que les
autres ont raison quand ils essaient de t’apporter leur assistance ou non ? »,
« Essaies-tu parfois ou souvent de remettre en question les arguments de tes
Inflation narcissique
L’inflation narcissique fait référence à la mégalomanie, la toute-puissance,
etc. Elle peut déboucher sur une croyance délirante quand le patient sures-
time ses compétences, ses capacités, ses connaissances, ses moyens, etc. Ce
mécanisme est plus souvent rencontré dans le fonctionnement maniaque.
Lors des entretiens, on peut entendre un patient prétendre que le canna-
bis ne fait du bien qu’à lui seul, contrairement aux autres. D’autres patients
peuvent dire qu’ils estiment être tellement supérieurs ou qu’ils consom-
ment une telle quantité d’air au point qu’ils peuvent empêcher les autres
enfants de la planète de bien vivre.
Intellectualisation
Définition
Au cours des entretiens, le patient recourt à l’intellectualisation pour éviter
de se confronter à ses affects chargés d’angoisse, dans une tentative de maî-
triser ses émotions et ses sentiments. L’intellectualisation est définie comme
un mécanisme de défense qui permet au patient de gérer ses stress ou ses
conflits émotionnels à l’aide des pensées excessives et abstraites.
Le patient reste conscient de ses affects qui le dérangent. Ainsi, il les
exprime soit par une généralisation, soit par une distanciation, soit par
l’emploi de termes impersonnels. Il parle de lui-même comme s’il s’agissait
d’une autre personne. Souvent, ces personnes utilisent la deuxième ou la
troisième personne pour justifier ou décrier ce qu’elles ressentent.
L’intellectualisation fait que le patient minimise l’importance du ressenti.
Il utilise des théories scientifiques pour justifier ses actes et sa position. C’est
souvent le comble des professionnels de santé mentale qui n’arrêtent pas
d’intellectualiser ou de théoriser devant chaque situation. Ceci permet de
diminuer la capacité du thérapeute à s’identifier au vécu du patient, en lui
disant par exemple : « La plupart des gens sont stressés par nature, c’est
logique que cela m’arrive à moi aussi de temps en temps », etc. Ce méca-
nisme de défense n’est pas seulement l’apanage des professionnels ou des
thérapeutes, tout le monde peut avoir recours à l’intellectualisation.
Exploration de l’intellectualisation
On peut se demander si le patient recourt souvent à des explications géné-
rales et moins personnelles lorsqu’il répond aux questions qui portent sur
ses affects, ses sentiments ou ses émotions. Ses réponses sont-elles du style
à éviter les composantes émotionnelles ou sentimentales ?
Est-ce que le patient a tendance à détourner les questions et demande
des explications sur le fonctionnement de ceci ou cela ? Généralise-t-il ses
réponses quand les questions portent essentiellement sur ses états affectifs,
émotionnels ou sentimentaux ? Fait-il un détour sur des considérations
scientifiques pour répondre aux questions ? Utilise-t-il la troisième ou la
deuxième personne ou un temps impersonnel pour justifier ou expliquer les
sentiments devant certains événements de la vie personnelle ou familiale ?
A-t-il des réponses très abstraites ou fait-il des généralisations à la plupart
des questions ?
Introjection
Définition
Certains auteurs définissent l’interjection comme « un processus psychique
fondamental dans le développement psychique de l’enfant, en relation
avec les fantasmes d’incorporation » (Sabourin, 2002). Par cette idée, ce
mécanisme de défense « suppose d’abord un processus possible et suffisant
d’identification projective » (Ciccone, 2019). Le patient s’identifie à l’objet
avant de l’incorporer ou le mettre en lui.
Autrement dit « le terme d’introjection est plus large : ce n’est plus seule
ment l’intérieur du corps qui est en cause, mais l’intérieur de l’appareil
psychique, d’une insistance, etc. C’est ainsi qu’on parle d’introjection dans
le moi, l’idéal du moi, etc. » (Laufer & Laufer, 1989) Il est intéressant de cher-
cher à comprendre comment s’est faite cette introjection. Qu’est-ce que le
patient a introjecté en lui ? Est-ce que l’introjection a inclus toutes les parties
de l’objet ou il s’agit seulement de certains aspects ou parties de l’objet ?
Le mécanisme d’introjection est intimement proche de celui de la pro-
jection. Freud et plusieurs autres auteurs ont fait ce lien entre l’introjection
et la projection. Il s’agit de deux mécanismes de défense qui sont liés. Plus
encore, « C’est la raison pour laquelle, dans le travail progressif d’internali-
sation propre à la psyché, l’introjection est le temps premier d’un processus
plus complexe menant à l’identification. » (Inonescu et al., 2016).
Exploration de l’introjection
Il est important de se rappeler combien ce mécanisme d’introjection n’est
pas simple ni facile à réaliser pour le patient. L’introjection est différente
de la projection, de l’identification, etc. Dans l’introjection, le patient met
en lui ce qui vient de l’extérieur ou de l’objet. On se demande s’il s’agit
d’introjection de l’objet avec ou sans pores. Ces questions sont très capitales
à rechercher lors de l’exploration. Le thérapeute se demande si le patient a
introjecté des objets apaisants, menaçants, persécuteurs, perturbateurs, dés-
agréables et toxiques, ou la confusion, etc.
L’exploration essaie de vérifier si les éléments introjectés ne contiennent
pas de pores, des fragments, des bribes, les parties fragiles de l’objet, les
insuffisances pour ne pas dire le mauvais objet introjecté.
Exploration de l’isolation
En explorant l’isolation, le thérapeute doit se demander si le patient donne
l’impression que ses émotions sont détachées de ses expériences ou de ses
propos. Est-ce qu’en parlant des événements tels que la séparation, l’aban-
don, le décès d’un proche ou d’un animal de compagnie, ses échecs sco-
laires ou son redoublement, ses déceptions, ses ruptures amoureuses, etc., il
ne laisse pas voir, ne montre pas ou ne ressent pas ses émotions ?
A-t-on l’impression que dans son récit ou lors de discussion sur un événe
ment traumatique ou douloureux, le patient fournit plus de détails, mais
garde ses émotions à distance ? A-t-on l’impression que dans la description
d’une scène lors d’un jeu symbolique, il n’est pas en contact avec ses émo-
tions ou les ignore royalement ?
Rationalisation
Définition
La rationalisation est définie comme un mécanisme de défense par lequel
le patient élabore des explications rassurantes sur son attitude ou comporte
ment, pour faire face à ses conflits émotionnels, à des stress internes ou
externes. Il essaie d’expliquer d manière rationnelle les actes qu’il pose pour
éviter l’angoisse.
Intellectualisation
La rationalisation a pour conséquence de détourner le thérapeute des vécus
réels du patient alors que l’intellectualisation réduit ses capacités d’empa-
thie à son égard.
Mensonge
La notion de conscience ou de l’intentionnalité du patient fait toute la diffé-
rence entre ce concept et celui de rationalisation. Rappelons que le mensonge
est un acte conscient, ce qui n’est pas le cas de la rationalisation. Dans celle-
ci, le patient n’a pas la capacité d’être conscient du motif. Mais le mensonge
est utilisé pour empêcher les autres d’en prendre conscience. Schématique-
ment, on peut dire qu’un menteur sait ce qu’il est en train de raconter aux
gens alors que le patient qui rationalise ne s’en rend même pas compte.
Projection
Dans la projection, le patient n’est pas conscient de ses actions ou des
motifs de ses actes. Dans la rationalisation, bien qu’il utilise des raisons
vraisemblables mais inexactes pour des faits qui le concernent directement,
il ne déplace pas de faits sur les autres. À l’inverse, la projection amène le
patient à attribuer de manière inadaptée le motif de son action à l’autre.
Exploration de la rationalisation
L’exploration de ce mécanisme de défense requiert de rechercher, pendant
que le patient justifie et raconte son histoire, des preuves ou signes d’exis-
tence ou non des motifs conscients ou non dans ses propos. A-t-on l’impres-
sion que les explications des faits qu’avance le patient sont excessives ? Est-ce
qu’il esquive les questions qui portent sur sa responsabilité ou ses défauts,
ses éventuelles erreurs, ses mauvaises actions ou décisions par des explica-
tions concrètes, externes et plausibles ? Donne-t-il l’impression de s’éloigner
dans ses justifications ou explications du pourquoi ceci ou cela ? Perd-il le
thérapeute dans des théories ou explications portant sur les concepts philoso-
phiques (l’amour, la pureté, le climat, idéal, la perfection, etc.) ? Le thérapeute
a-t-il l’impression que le patient le trompe ou le manipule ? Comment jus-
tifie-t-il ses actes ou actions agressives, antisociales ou son irresponsabilité ?
L’exemple le plus fréquent de la rationalisation se situe dans le trouble
obsessionnel compulsif. Le patient qui présente ce trouble donne ou explique
de manière logique et cohérente pourquoi il fait tel ou tel autre geste.
Refoulement
Définition
Freud a décrit le premier ce mécanisme de défense et son rôle dans le déve-
loppement de l’appareil psychique. En fait, lors du refoulement, le patient
disjoint le lien représentation et quantum d’affect et rend la représentation
inconsciente. Le refoulement est un mécanisme central dans la structure
névrotique, caractérisé par le fait que le patient est incapable de se souvenir
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Mécanismes de défense 281
Exploration du refoulement
Le patient qui recourt au refoulement donne l’impression qu’il se perd dans
un brouillard. En l’écoutant parler, on a l’impression de déjà-vu. Il nous
laisse soupçonner quelque chose que lui-même est incapable de verbaliser
car sa conscience ou le moi refuse l’accès à l’affect pénible. Il oublie une
période pénible de sa vie, qui est refoulée dans l’inconscient.
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282 Status clinique pédopsychiatrique
Répression ou suppression
Définition
Ce mécanisme est moins élaboré que le refoulement. Dans la répression, le
patient supprime l’affect de la conscience sans le mettre dans l’inconscience.
Elle est définie comme une défense qui lui permet de gérer les stress et les
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Mécanismes de défense 283
Remarque
La répression est un mécanisme conscient de mise à l’écart de l’affect avec
l’idée de s’en servir sous un autre discours. Le patient met volontairement de
côté ses affects. Il ne refoule pas.
Sublimation
Définition
La sublimation peut se comprendre comme un mécanisme de défense qui
consiste à transformer la pulsion sexuelle interdite en une activité sym-
bolique utile et acceptable socialement. On peut évoquer quelques exem-
ples : l’art, le dessin, la musique, la peinture, le sport, les études, etc. Cette
pulsion peut être encore transformée en une activité ayant une connotation
altruiste ou spirituelle. De cette façon, le patient gère son stress, ses conflits
émotionnels en orientant ses pulsions ou émotions vers des nouveaux
objets admis et valorisés dans l’environnement social.
C’est la symbolisation qui permet au patient d’utiliser l’énergie pulsion-
nelle et de la métaphoriser pour faire autre chose ou une autre activité
admissible par l’autre ou par la société. La sublimation prend des aspects
variables selon les individus, par exemple les adolescents symbolisent en se
mettant à l’écriture de romans, de poèmes, ils cherchent les idéaux et sont
plus actifs dans le militantisme, etc.
Exploration de la sublimation
La sublimation se met en place à l’aube du complexe d’Œdipe. Le travail
scolaire ou parascolaire ou toute autre activité que fait le patient peut
orienter le thérapeute. Par exemple, un adolescent dont les parents sont
séparés et qui vit avec sa mère (italienne, le père étant égyptien), dans le
Démantèlement
Le démantèlement comme mécanisme de défense est retrouvé ou très utilisé
par les personnes souffrant d’autisme. Cette défense consiste dans la désorga-
nisation des modalités sensorielles. Afin de lutter contre son anéantissement,
le patient monte une forteresse très redoutable. Les perceptions passent par
les canaux sensoriels (visuel, auditif, cénesthésique, kinesthésique, etc.). Dans
l’objectif d’éviter d’être envahi par les angoisses, le moi du patient démantèle
les flux sensoriels. Les canaux sont sélectionnés préférentiellement pour éviter
le trop-plein d’informations qui risque de dépasser les capacités de contention
du moi.
Annulation rétroactive
Le mécanisme d’annulation rétroactive fait que le patient prend en considé-
ration les représentations et les aspects contradictoires de l’objet, alors que
dans le clivage, il est incapable de les concilier et de les incorporer.
Clivage du moi
On note ce mécanisme chez le patient qui n’arrive pas à pointer la propre
contradiction de sa pensée malgré l’étayage du thérapeute. Le patient
répond au problème en considérant soi ou autrui comme tout bon ou tout
mauvais. Il a du mal ou ne parvient pas à intégrer ses propres qualités et
défauts, ni ceux des autres (voir point suivant).
Roussillon dit en effet que le clivage du moi est un mécanisme par lequel
le patient met à distance ou hors de lui les événements ou les histoires qui
n’ont pas été subjectivés ou symbolisés. Ces informations sont en état brut.
« Dans cette forme de clivage, le patient se désengage, se retire de l’expé-
rience qu’il laisse en jachère jusqu’à l’éventualité d’une rencontre avec un
objet et un dispositif qui lui permettront de retracer le tissu de sa vie psy-
chique. » (Roussillon, 2018)
Dévalorisation ou mépris de l’objet
Dans le clivage de l’objet, le patient scinde ou classe les autres en bons
et mauvais objets, alors que dans la dévalorisation il énonce des critiques
ou des commentaires négatifs afin de dénigrer, dévaloriser les qualités de
l’objet.
Identification projective
Contrairement au clivage de l’objet et du moi, lors de l’identification pro-
jective, le patient impute les altérations des sentiments, des affects ou des
désirs aux autres.
Clivage du moi
Le clivage est un mécanisme assez puissant qui opère soit du côté de l’objet,
soit du côté du moi. Il est très difficile pour le patient d’admettre ces deux
réalités et l’unique moyen de les faire coexister est de cliver.
Ce mécanisme présente des bénéfices, contrairement à ce que l’on peut
toujours s’imaginer. Nous dirions que « grâce à la capacité de discrimination
et d’attention qu’il établit, le clivage permet l’organisation des émotions,
des sensations et des pensées ou encore des objets, condition préalable à
tout processus d’intégration et de socialisation » (Inonescu et al., 2016).
Le clivage du moi peut être défini comme une opération qui sépare ou
qui divise le moi sous l’influence angoissante d’une menace, afin de faire
cohabiter les deux parties. Le patient qui a un clivage du moi commet des
contradictions dans ses propos sans s’en rendre compte. Le clivage du moi
requiert une écoute particulière, comme tous les mécanismes de défense.
Le thérapeute devrait en tenir compte.
En effet, le clivage du moi est un mécanisme de défense par lequel le moi
du patient se divise en deux parties. L’une reste en contact avec la réalité
que le patient partage avec l’objet, et l’autre est plus concernée par le délire,
qui est une construction, une autre réalité propre au patient. « Cette opé-
ration défensive protège le moi contre l’angoisse de morcellement : le moi
se casse pour tenter d’éviter sa propre disparition » (Roussillon, 2018). On
retrouve une néoréalité que se crée le patient. Le moi du patient est clivé,
il peut se contredire dans une phrase sans s’en rendre compte et malgré
l’insistance du thérapeute.
Remarque
Le clivage au moi est un autre mécanisme de défense qui est différent du
clivage du moi. Grâce à ce mécanisme, le moi du patient met à distance les
aspects de son histoire qui n’ont pas été subjectivés. « Cette partie clivée est
en attente de symbolisation pour être intégrée au moi » (Roussillon, 2018).
Exploration de la dévalorisation
Certains patients ont tendance à dévaluer ou rabaisser les pairs ou les
adultes qui les encadrent dans leurs diverses activités. Le thérapeute se
Idéalisation de l’objet
Définition
L’idéalisation de l’objet peut être définie par le fait que le patient peut évo-
quer des relations réelles ou prétendues avec d’autres personnes ou objets
quand ils sont puissants ou importants pour lui. Il arrive qu’il soit conscient
des défauts ou imperfections de l’objet, mais il les ignore et reste dans l’idéa-
lisation complète.
L’idéalisation est la source de gratification et de protection contre les
sentiments d’insignifiance, d’impuissance, de nullité, etc. Le fait marquant
dans l’idéalisation de l’objet est que le patient s’attribue ou attribue à
l’autre des qualités exagérées. Il met l’objet à un niveau plus élevé que tout
le reste.
La principale fonction de l’idéalisation de l’objet serait de permettre
au patient de « décrire des relations réelles ou imaginaires avec les autres
(y compris des institutions, des systèmes de croyance, etc.) qui sont impor-
tantes, puissantes, vénérées, etc. » (Perry et al., 2009) Par exemple, un
patient dit que le meilleur ami de son frère est le plus intelligent de tous les
élèves du collège, un autre que son médecin cardiologue est le plus expert
de tous les médecins de sa ville.
Exploration de l’idéalisation
Techniquement, l’exploration de l’idéalisation de l’objet prend en compte
les propos du patient. Celui-ci peut laisser entrevoir une idéalisation dans
l’exagération des aptitudes ou qualités de l’objet. Le thérapeute vérifie s’il
parle d’une personne tierce de manière exaltante ou exagérée.
A-t-on l’impression que le patient loue les exploits d’une personne en parti-
culier ? Comment critique-t-il ou parle-t-il des réalisations, des qualités, des
compétences, etc. de l’autre ? Est-ce qu’il parle d’un proche ami de manière
extraordinaire ? Utilise-t-il des superlatifs quand il parle d’une personne en
particulier ? A-t-on l’impression qu’il parle d’une relation très intime ou
proche avec une personnalité sans que cette dernière soit réellement au cou-
rant de ce lien ? Pense-t-il que la personne spéciale, importante ou puissante
de la ville (maire, préfet, directeur de l’école, doyen de l’école, député, entraî-
neur ou sportif de haut niveau, etc.) lui fera des cadeaux ou des faveurs ?
Identification
C’est le fait d’adopter un aspect ou une attitude d’une autre personne. Ce
mécanisme de défense joue un rôle fondamental dans la construction de
la personnalité et en particulier du surmoi de l’enfant qui se met en place
par identification aux parents. L’identification est un mécanisme par lequel
le patient « s’approprie les qualités d’autrui et vise un enrichissement du
moi » (Inonescu et al., 2016).
L’identification peut donner une idée sur l’idéal du moi ou le moi idéal du
patient. Comment fait-il des rapprochements entre l’image de la personne
idéalisée et lui-même ? Certains, par exemple, s’identifient à leur idole :
professeur, star de la musique, gameur, youtubeur, influenceur sur internet,
etc. Il s’agit d’une identification avec l’objet idéalisé sur le plan narcissique.
L’identification à l’agresseur est une variante du mécanisme principal
d’identification. Lors des entretiens, le thérapeute peut se rendre compte
que le patient s’identifie à l’agresseur. Dans ce cas, il commet des actes
d’agression verbale ou des actes agressifs ou délictueux envers l’objet. Il
arrive que les patients s’identifient aux victimes. L’identification fait appel
à la qualité de la conception du self et au soi du sujet.
Ce mécanisme, comme dit ci-dessus, peut être retrouvé chez un patient
abusé dans son jeune âge qui devient abuseur de ses pairs à l’école primaire,
au collège ou au lycée. Le patient qui était harcelé à l’école peut devenir un
harceleur ou rester dans la position de victime bien qu’il change d’école ou
qu’il soit devenu plus grand.
Identification projective
Définition
L’identification projective consiste en la communication, en direction
d’autrui, des états affectifs et émotionnels du patient qui se débarrasse du
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296 Status clinique pédopsychiatrique
Omnipotence
Définition
L’omnipotence est définie comme un mécanisme de défense par lequel le
patient développe une image de soi toute-puissante supérieure aux autres par
sa capacité d’auto-attribution pour gérer conflits émotionnels ou ses stress.
Plus simplement, ce mécanisme de défense permet au patient de gérer ses
problèmes en se comportant de manière supérieure aux autres, ou comme
s’il possédait des capacités ou des pouvoirs supérieurs à ceux des autres.
L’omnipotence protège contre la perte de l’estime de soi. Ce mécanisme
peut s’exprimer lorsque le problème provoque des sentiments de déception,
de dévalorisation, d’impuissance, de nullité, etc. Cette stratégie minimise
subjectivement ces affects au prix d’une déformation positivante mais exagé-
rée, limite puérile, des représentations de soi. Le patient répond par exemple :
« Je suis capable de résoudre n’importe quel problème », « Je peux tout faire. »
Exploration de l’omnipotence
Techniquement, le thérapeute arrive à distinguer l’omnipotence d’autres
mécanismes à l’aide de différentes questions qu’il se pose ou pose au patient.
Est-ce que le patient donne l’impression qu’il exagère plus ses capacités, ou
donne-t-il de l’importance démesurée sur son influence personnelle sur le
cours des événements ordinaires, alors que le thérapeute n’y croit pas ? Uti-
lise-t-il le plus souvent une expression telle que : « Je suis capable de réaliser
tel projet. Laisse-moi seul m’occuper de ce travail, car je peux tout faire » ?
Donne-t-il l’impression de se vanter ou de vanter ses mérites ? A-t-il
tendance à surenchérir ou surajouter des faits dans ce qu’il raconte (par
exemple : « J’ai beaucoup de copines, je peux avoir des rapports sexuels
sans me fatiguer » ou « Nous, les Brésiliennes, sommes très sollicitées car
nous savons danser, et moi je danse mieux que tout le monde à l’école.
D’ailleurs, pendant les rapports sexuels, je ne m’épuise pas aussi vite que les
autres filles non brésiliennes »). Certains patients racontent par exemple :
« Je peux consommer une bouteille de vodka et de la cocaïne et tenir debout. »
Les propos du patient paraissent-ils délirants quand il dit par exemple :
« J’ai des superpouvoirs, je suis le plus intelligent de ma classe, etc. » ?
Projection
Définition
La projection est définie comme le fait d’imputer à une autre personne des
sentiments ou des pulsions inacceptables. Dans sa lutte contre l’angoisse,
le patient décharge ou évacue sa tension intérieure en l’attribuant à l’objet.
C’est dans cet objectif qu’il peut dire, par exemple, qu’il déteste quelqu’un
car il se sent persécuté par lui.
En fait, lors d’une projection, la représentation est d’abord déliée de ses
quantums d’affect. Cette représentation est ensuite transformée par retour-
nement, elle est enfin projetée au-dehors et fait un retour vers le patient. La
projection signe un échec plus ou moins profond du refoulement en trans-
formant un danger intérieur en danger extérieur.
Ce mécanisme fausse les rapports avec autrui. Il peut entraîner des diffi-
cultés relationnelles.
De façon non pathologique, on recourt à la projection dans la supers-
tition, la mythologie, l’animisme, etc. Le patient paranoïaque l’utilise de
manière excessive. On constate que ses pulsions de haine sont projetées sur
les autres qui deviennent des persécuteurs.
Enfin, insistons sur le fait que la projection est un mécanisme roi à l’ado-
lescence. Il est considéré comme physiologique à cet âge. Ainsi, elle ne
permet pas de trancher entre le normal et le pathologique. « La projection
non hallucinatoire permet su sujet d’éviter de se confronter directement
avec des émotions et des mobiles qui le rendent trop vulnérable (surtout la
honte ou l’humiliation) au cas où il admettrait leur présence en lui-même »
(Perry et al., 2009).
Exploration de la projection
Lors de l’exploration de la projection, le thérapeute se demande s’il a
l’impression que le patient est continuellement concerné par les intentions
ou les sentiments de ses pairs ou d’autres personnes autour de lui.
Régression
Définition
Le patient cherche à résoudre ses conflits par le retour à des conduites, à
des pensées ou à un style relationnel, d’un stade dépassé et antérieur du
développement de la personnalité. La régression permet d’éviter la tension
et le conflit évoqués au niveau actuel du développement. Son utilisation
excessive signe une immaturité de la personnalité.
Exploration de la régression
Avant de parler de l’exploration de la régression comme mécanisme de
défense, rappelons que « la régression est une notion d’un emploi très
fréquent en psychanalyse et dans la psychologie contemporaine ; elle
est conçue le plus souvent comme un retour à des formes antérieures du
développement de la pensée, des relations d’objet et de la structuration du
comportement. » (Laufer & Laufer, 1989)
Le thérapeute essaie de voir si le patient fait des mouvements de retour en
arrière. L’exemple le plus parlant est que tout le monde régresse pendant au
cours d’une maladie (fièvre, grippe, toux, fracture, entorse du genou, etc.).
On a l’impression que l’individu redevient un enfant. Le patient donne
l’impression qu’il cherche à être couvé, entouré, lové par le thérapeute.
Dans le jeu, l’adolescent qui régresse se met à jouer le jeu du tout-petit.
Certains patients se mettent à parler comme des bébés, d’autres se mettent
à marcher à quatre pattes, d’autres, en revanche, montrent une agitation
ou une désorganisation psychomotrice. Ils cherchent à ce moment-là à
grimper, à toucher à tout, à pleurnicher, à babiller, etc.
Bibliographie
Askenazy-Gittard, F., & Darcourt, G. (2012). Initiation à la psychanalyse freudienne.
Ellipses.
Chabrol, H. (2005). Les mécanismes de défense. Recherche en soins infirmiers, 82(3),
31-42.
Ciccone, A. (2019). L’Observation clinique. Dunod.
Ionescu, S., Jacquet, M. -M., & Lhote, C. (2016). Les Mécanismes de défense. Armand
Colin.
Laufer, M., & Laufer, M. E. (1989). Adolescence et rupture du développement. Presses
universitaires de France.
Perry, J. C., Guelfi, J. D., Despland, J. -N., Hanin, B., Lamas, C., de Roten, Y., & Aubresin, G.
(2009). Mécanismes de défense : principes et échelles d’évaluation (2e éd.). Masson.
Roussillon, R. (2018). Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale
(3e éd.). Elsevier Masson.
Sabourin, P. (2002). L’introjection. Dans A. de Mijolla (dir.), Dictionnaire internatio-
nal de la psychanalyse (p. 885, 886). Calmann-Lévy.
Quelques définitions
Avant de développer ce chapitre, nous devons attirer l’attention sur l’extrême
importance de ne pas confondre les émotions ou affects appartenant au
patient et ceux qui viennent du thérapeute au moment de l’entretien.
Affects
Les affects sont considérés comme des indices. Ils renvoient aux théories des
pulsions dans la vision freudienne. Les émotions sont du côté des signes de
communication, contrairement aux affects qui sont du côté des signes.
Il n’y a pas d’intentions de communication consciente dans les affects.
L’affect est quelque chose d’assez statique. Il s’agit de plaisir (détente) et de
déplaisir (tension psychique). Stern parle des affects dynamiques du bébé.
Plus encore, l’affect est un ensemble des processus psychiques qui a pour
but de nous apporter ou de nous communiquer un message. Il s’agit d’une
expression de l’énergie pulsionnelle et de ses variations. L’affect est l’ensem-
ble des signes ou des manifestations observés pendant l’entretien.
Pour paraphraser Roussillon, le terme d’affect désigne le représentant-affect
de la pulsion, et qu’il englobe donc les différentes formes sous lesquelles
celui-ci se présente : émotion, passion, sentiment, sensation, humeur, etc.
L’affect est donc le terme générique pour désigner d’une manière générale
ce qui affecte la psyché, il n’y a pas de forme « affect » spécifique comme
certains l’avancent, il n’y a que des formes de l’affect, que des variations
de formes de celui-ci. Les affects sont déduits de signes externes et se dif-
férencient de ce que le patient fait ressentir à son thérapeute (c’est-à-dire
les émotions). Quelles sont les émotions ressenties et liées à des représen-
tations ou affects ? Par exemple, les affects d’angoisse sont explorés par les
peurs concrètes et les peurs diffuses qu’ils génèrent ou suscitent devant une
situation donnée.
Émotions
Pour essayer de faire un lien entre les affects et les émotions, nous disons
que l’affect renvoie à la métapsychologie freudienne de la théorie des pul-
sions. Une représentation des affects passe par l’organisation interne du
patient. La représentation des images ou des affects est personnelle, tandis
que les émotions renvoient à l’autre, donc à la théorie de relation d’objet. Il
s’agit d’un partage avec l’autre. L’émotion est un signe de communication
avec autrui. Ce signe est pris comme message. L’émotion aide à faire un
lien avec l’autre. Elle a pour but de créer des liens entre les objets internes,
externes et le patient.
Les émotions sont du côté des signes et de langage. Elles ont une inten-
tion communicative consciente. Par exemple, les lapsus sont des indices ou
des signes qui ont une intention communicative.
Entre les indices et signes, se situent les symptômes. Les symptômes de
la maladie physique sont du côté des indices et les symptômes de la mala-
die psychique sont plutôt du côté des affects ou des lapsus. On place la
maladie psychosomatique entre les deux types des symptômes physiques
et psychiques.
Aboulie
C’est l’effondrement de la volonté, la perte de l’élan vital ou de l’initiative
motrice, la lenteur et la rareté des gestes. L’aboulie est définie dans le DSM-
5 comme se manifestant par une diminution de la motivation pour des
activités auto-initiées et dirigées vers un but. Le patient ne sait plus ce qu’il
doit faire, il est incapable de pouvoir vouloir. Il n’aime plus ou éprouve des
difficultés à participer aux activités sociales ou professionnelles, bien que
ces dernières lui procuraient du plaisir jadis.
Agitation intérieure
Le patient décrit une espèce de fébrilité ou tension intérieure, nervosité,
etc. Certaines personnes disent sentir un état de stress interne. Le clinicien
devrait aider le patient à clarifier ses ressentis et l’amener à décrire le plus
possible cette tension qui l’agite de l’intérieur. Celui-ci peut décrire un état
d’anxiété ou d’angoisse.
Ambivalence affective
Il s’agit d’une consistance de sentiments contradictoires vécus comme simul-
tanés. Le patient ressent de l’amour et de la haine, de la joie et de la colère, de
la considération et du mépris envers l’objet. Par exemple, il dit, à propos de
sa mère, de son père, de son frère ou d’un proche, qu’il l’apprécie et le hait un
instant d’après. Il peut exprimer ou éprouver de la colère, de l’énervement ou
rester indifférent affectivement à l’égard d’un proche. La grande caractéris-
tique de l’ambivalence est ce retournement spontané ou d’un instant après
l’autre dans l’expression des affects ou des émotions ressentis envers l’objet.
L’ambivalence affective doit être notée lors d’un même entretien. Ne doi-
vent pas être considérés comme ambivalents les affects contradictoires qui
sont notés dans deux entretiens différents ou espacés ou plus. Si tel est le
cas, il incombe au thérapeute de clarifier les propos du patient et de cher-
cher à savoir quel est son retournement affectif.
Anesthésie affective
Le patient évoque un manque d’éprouvé ou du vécu affectif. Cette anes-
thésie fait qui a une diminution considérable de la capacité à ressentir des
émotions. Il verbalise une espèce de froideur dans les émotions ou les sen-
timents qu’il exprime. C’est l’incapacité de ressentir des émotions à l’égard
de ses proches ou à l’égard de l’objet. Le patient se plaint de ne plus pouvoir
aimer ses proches, de ne pouvoir sentir ni s’émouvoir. Il est incapable de
dire s’il hait ou apprécie l’objet. Cette anesthésie affective est différente de
la neutralité ou de l’indifférence affective.
Anhédonie
C’est la perte d’intérêt pour les activités qui auparavant donnaient ou pro-
curaient du plaisir au patient. « L’anhédonie est une diminution des capaci-
tés à éprouver du plaisir à partir de stimuli positifs ou à se rappeler les plai-
sirs antérieurement éprouvés. » (American Psychiatric Association, 2015)
Le patient peut dire qu’il arrive à sortir avec ses copains sans avoir la même
envie ou le même ressenti qu’avant. Il est avec eux sans éprouver du plaisir
ou de la joie d’être en leur compagnie.
Par exemple, dans la dépression, le patient peut dire qu’il lui arrive de
sortir et de passer un moment en compagnie des pairs mais que, malgré
tout, il n’apprécie plus ces moments qui jadis étaient une source de plaisir.
Il peut nous dire qu’il participe moins à la discussion, à l’échange ou la
conversation avec ses pairs. Depuis un certain temps, il trouve que leur
conversation n’est plus comme avant. Il n’éprouve aucun plaisir ni entrain
à être en compagnie de l’objet.
L’anhédonie est une « absence d’intérêt ou de plaisir ou d’abandon des
activités habituellement génératrices de plaisir ; souvent associée à la dépres-
sion » (Kaplan & Sadock, 2005). Le patient ne tire plus de plaisir des choses
de la vie quotidienne. Certains individus disent que même leurs activités
passe-temps sont loin de les intéresser ou de leur procurer du plaisir.
Disons en effet que dans l’anhédonie, le « patient n’a plus de plaisir, à un
degré de sévérité variable, dans ses activités sociales, familiales et profes-
sionnelles, et dans ses relations » (Preising & Serre, 2000).
Le thérapeute a peu ou pas d’information sur ce qui intéresse le patient.
Il est incapable d’éprouver du plaisir et ceci n’est pas la faute de manque
d’activité, plutôt dû à son état affectivo-émotionnel.
Anxiété généralisée
Comme son nom l’indique, l’anxiété généralisée devrait être différenciée
des autres formes d’anxiété dites spécifiques. En fait, l’anxiété généralisée
consiste en un ressenti d’un fond anxieux permanent, associé ou non à des
paroxysmes anxieux : colère, irritabilité, fatigabilité, difficultés de concen-
tration, troubles du sommeil.
Cette anxiété peut s’accompagner de symptômes ou manifestations
physiques ou neurologiques (transpiration, sentiment d’évanouissement,
vertiges, difficulté respiratoire, tremblement des extrémités, palpitations,
douleurs abdominales, etc.) qu’il faut rechercher.
Lorsque le patient évoque ses inquiétudes ou ce qui l’angoisse, on n’est
plus dans le registre d’anxiété généralisée. Il est important de lui demander :
« C’est quoi pour toi, être anxieux ? » Cette question est essentielle afin de
clarifier ses états mentaux. La population utilise des expressions emprun-
tées au vocabulaire « psy », ceci ne signifie pas que ces expressions ou mots
signifient la même chose pour le clinicien et pour un citoyen lambda.
Apathie
L’apathie est une « tonalité émotionnelle émoussée, accompagnée de déta-
chement et d’indifférence ; elle s’observe dans certaines formes de la schizo-
phrénie et dans la dépression » (Kaplan & Sadock, 2005). Il s’agit d’une
fatigue que ressent le patient au niveau psychique. Il dit lui-même qu’il est
fatigué au niveau intellectuel. Le thérapeute doit faire une nette différence
entre la fatigue psychique et la fatigue intellectuelle ressentie dans les diffi-
cultés de concentration retrouvées chez le patient hyperactif.
Asociabilité
L’asociabilité est décrite dans le DSM-5 comme faisant référence au manque
d’intérêt pour les interactions sociales et peut être associée à l’aboulie,
mais peut aussi être une manifestation d’une diminution des opportunités
d’interactions sociales. Le patient qui présente cette asociabilité s’isole du
reste du groupe des pairs. Il est de moins en moins en lien avec les autres.
Il peut dire pour justifier son changement de comportement vis-à-vis des
autres qu’il n’éprouve plus de plaisir ou ne voit plus un sens de participer à
des activités sociales, culturelles, sportives, etc., car tout n’est plus comme
avant et rien ne semble l’intéresser. Ce syndrome est le plus souvent ren-
contré chez le patient dépressif, de trouble phobique ou de phobie sociale.
Asthénie
C’est une sensation de fatigue, d’épuisement physique. Cet état est indé-
pendant de la fatigue psychique. C’est un manque de force physique. Le
patient a envie de faire des activités mais il n’y arrive pas par manque
d’énergie. Certaines personnes se disent être des fainéantes ou se jugent être
des incapables à faire n’importe quelle tâche de la vie quotidienne. Dans les
formes plus avancées de trouble dépressif, les patients sont incapables de se
lever de leur lit, de faire leur toilette, de prendre leur bain, de bouger, etc.
Athymhormie
C’est la perte de l’élan vital ou l’atteinte des sources de la vitalité. Elle est
associée à une athymie, à une inertie qui est un manque de vigueur dans les
activités. Il s’agit d’un défaut d’initiative motrice, de spontanéité de l’effort
et de prolongation de celui-ci. Les patients qui présentent une athymhor-
mie ont une froideur affective envers l’objet.
Autosatisfaction haute
Il s’agit d’un sentiment éprouvé par le patient sur ses propres valeurs, sa
force ou sa performance au niveau artistique, intellectuel, etc. Cette autosa-
tisfaction fait un lien avec la mégalomanie. Ce syndrome est retrouvé dans
les fonctionnements maniaques. Il est important de rechercher le méca-
nisme de défense qui accompagne cette haute autosatisfaction. Il arrive de
l’observer dans certains délires à thématiques mystique, érotomaniaque,
messianique, de filiation, etc.
Colère
C’est un sentiment modulable qui caractérise une partie de l’objet total. Le
patient peut arriver à expliquer la source de sa colère. Parfois, cette colère est
dirigée vers l’extérieur de lui ou, au contraire, la colère contre lui. La colère
peut être telle qu’il ne peut s’autoapprécier ni entreprendre des activités
qu’il considérait par le passé comme positives. On recherche des périodes
distinctes des attaques de colère ou d’hostilité contre soi ou contre l’objet.
Culpabilité
La culpabilité s’inscrit dans la lignée œdipienne et génitale. Elle renvoie au
surmoi. Elle est liée au regard du père ou à son substitut dans l’omnipotence
infantile. Il s’agit de la forme la plus élaborée de la honte. La culpabilité
doit être différenciée de la honte, de la colère et de la haine. Le patient
se reproche d’être responsable d’actes, de pensées ou de désirs condam-
nables. Il est important de faire un lien entre la culpabilité, le surmoi et la
constitution du self du patient. Ce symptôme ou signe est retrouvé forte-
ment dans les états dépressifs sévères sous forme d’idées de culpabilité ou
d’autoaccusation.
Douleur morale
Cliniquement, la douleur morale se traduit par la tristesse profonde, une
tonalité désagréable de l’humeur, un sentiment de dépersonnalisation, un
affaiblissement de la volonté, un ralentissement psychique intense avec son
expression dans le langage (discours lent, monotone, voire mutisme), un
sentiment d’humilité, d’infériorité et un dégoût de soi-même et de la vie,
une grande solitude. La douleur morale est un signe clé de l’épisode dépres-
sif majeur selon les classifications internationales des troubles mentaux. Il
est important que le thérapeute s’arrête sur ce symptôme pour rechercher
son intensité, sa durée, etc.
Dysphorie
La dysphorie s’observe chez le patient qui est de mauvaise humeur ou
acariâtre, grincheux, morose, bougon, mécontent, agacé, etc. On décrit la
dysphorie comme « un sentiment de malaise ; le mécontentement et la
nervosité qualifient l’humeur » (Kaplan & Sadock, 2005).
Euphorie
C’est l’expansion de l’humeur tournée vers la joie démesurée. Il s’agit d’un
bien-être excessif procurant plaisir, gaîté, assurance, sensation de force et de
vitalité. Le patient dit qu’il n’a jamais senti le bien-être avant aujourd’hui.
Il peut poser des actes ou gestes dommageables ou qu’il peut regretter après
cet état. Il peut s’agir de dépenses inconsidérées, d’achats démesurés, de
donations injustifiées, d’actes d’hypersexualité, etc.
Haine
La haine est un « sentiment qui vise à détruire, elle semble donc s’opposer
radicalement à l’amour » (Jeanmet, 2005). Il s’agit d’une menace existen-
tielle que ressent le patient. Par la haine, il considère que sans l’objet, il ne
peut rien. L’objet est tout pour lui. La haine fait allusion à la relation d’objet
partielle. Le patient considère l’objet comme un tout mauvais objet.
Honte
La honte renvoie au moi idéal, idéal du moi qui est le moi de l’enfance. La
honte renvoie à nos idéaux, à ce que l’on aimerait être comme enfant, à ce
que l’on a l’impression d’avoir été comme enfant ou bébé, etc.
La honte s’inscrit dans la lignée narcissique. En d’autres termes, elle est
pour Freud liée « à l’action des forces refoulantes (ce qui a été initialement
objet de plaisir devient objet de pudeur, de dégoût et de honte) » (Tisseron,
2005). La honte est liée au regard de la mère dans l’omnipotence infan-
tile. On retrouve le fantasme de la mégalomanie ou de la toute-puissance
infantile.
La honte a également un lien à l’immaturité. Il est nécessaire qu’une
comparaison entre la honte et la culpabilité soit faite lors de l’entretien.
La honte est liée au moi idéal contrairement à la culpabilité qui est liée au
surmoi. Ainsi, il est facile de ne pas confondre ces deux affects.
Humeur
L’humeur est globalement définie comme « une disposition affective fon-
damentale qui donne une tonalité particulière au monde subjectif et qui, à
l’extrême, peut modifier certains aspects du comportement d’une personne
et sa perception du monde environnant » (Kaplan & Sadock, 2005).
Le patient peut avoir différentes sortes d’humeur. Celle-ci va de la neutralité la
tristesse ou la dysphorie, à l’euphorie ou l’élation, ou à l’humeur normale,
et peut prendre une tonalité négative ou positive. Dans certains troubles
psychiques tels que la manie ou le syndrome bipolaire, on retrouve une
humeur qui va au-delà de la tonalité positive.
Tonalité négative
Ici, il est question de voir le patient ressent à ce moment-là de la tristesse,
un mal-être, un abattement, du chagrin ou de la détresse, de la colère, etc.
Il peut donner l’impression ou confirmer qu’il est avachi, adynamique,
n’a plus d’entrain, est prostré, etc. Certains patients disent avoir moins de
force, moins d’énergie ou qu’ils se sentent plus en isolation ou en retrait
affectif vis-à-vis des proches.
Tonalité positive
Lors de l’exploration de cette tonalité, il est important de chercher la joie,
la gaîté, la vivacité, l’envie de faire de choses ou différentes activités, etc.
Humeur expansive ou exaltée
Cette humeur procure au patient une joie, de la gaîté, une tonalité positive
très excessive, plus que normale. Ce symptôme est retrouvé dans les états
maniaques, les hypomanies et les troubles bipolaires.
En bref
L’exploration de l’humeur va de pair avec celle des affects et émotions. Il est
capital de savoir si les affects ou émotions du patient sont congruents ou non à
son humeur. Le manque de congruence peut singer un état de dissociation ou de
discordance affective émotionnelle retrouvée dans les états schizophréniques.
Incontinence affective
Elle s’observe chez une personne qui réagit autrement à la suite d’un stimu-
lus. Il s’agit d’une émergence soudaine de réactions affectives incontrôlables
par le patient. Cette hémorragie émotionnelle peut prendre une intensité
disproportionnée. Pour donner un exemple, le patient peut dire qu’il a des
peurs incoercibles ou des colères non contenues. La psychothérapie fondée
sur la mentalisation peut être d’une aide cruciale dans ce type de cas. On
retrouve ce smptôme chez les patients qui ont une structure borderline.
Irritabilité
L’irritabilité est une « excitabilité anormale et excessive, qui déclenche
facilement la colère, l’ennui ou l’impatience » (Kaplan & Sadock, 2005).
Le patient est hostile ou présente une excitabilité ou réagit vite et de
manière démesurée à une moindre frustration. Cette irritabilité peut aller
de pair avec l’impulsivité. Elle prédispose le sujet à des réactions affectives
explosives diverses (par exemple des acouphobies ou des photophobies).
Techniquement, lors de la recherche de ce symptôme, le thérapeute peut
se permettre de pousser le patient hors de sa zone de confort pour voir sa
réaction ou sa capacité de supporter la frustration. Cette irritabilité peut être
due à quelque chose qui le touche, le fâche ou le frustre. Le patient peut
arriver à identifier ou non la cause de son irritation interne. L’irritabilité est
différente de la nervosité.
L’exploration de l’irritabilité peut se faire à l’aide des questions suivantes :
« Est-ce que tu es irritable également ? », « Qu’est-ce qui peut justifier cet
état selon toi ? », « Est-ce que tu t’énerves rapidement ? », « Pour quelle
raison as-tu du mal à accepter les contradictions ou les frustrations ? »,
« Supportes-tu que l’autre te dise non ? », « Comment réagis-tu devant une
réponse négative ? », etc.
Monotonie affective
La monotonie affective est la perte de la capacité de modulation affective.
Quand ce symptôme est présent, le thérapeute n’observe pas de modifica-
tion dans l’amplitude ou la tonalité des affects. Il note que depuis le début
de l’entretien, le patient parle comme un robot, les intonations sont plates,
etc. On peut avoir l’impression d’être en train d’écouter quelqu’un nous lire
ses émotions écrites par un autre.
Nervosité
Cliniquement, la nervosité consiste en un état de tension interne causée
par quelque chose que le sujet n’arrive pas à savoir mais qui le met dans un
état d’angoisse ou de stress. Cet état de nervosité est différent de l’irritabilité
que peut ressentir le patient ou son entourage. Le patient qui a de la nervo-
sité peut dire qu’il n’arrive pas à se calmer. Il est incapable de canaliser ses
affects ou de rester focalisé sur une activité donnée.
Parathymie
La parathymie est une discordance affective. Il s’agit d’une expression des
sentiments qui ne correspond pas au vécu relaté par le patient. En fait, lors
de l’investigation de ce symptôme, celui-ci peut rire pendant qu’il nous
raconte une histoire triste de décès de son animal de compagnie, de son
grand-père, de sa mère, etc. Il est important de vérifier avec lui ce qui le fait
rire pendant qu’il nous raconte des choses tristes ou horribles. Est-ce qu’il
arrive à faire cette différence entre raconter les événements heureux avec la
joie qui s’ensuit et les événements malheureux qui entraînent des pleurs ou
de la tristesse ?
Il peut aussi s’agir tout simplement de l’excès d’émotions. Nous conseillons
au thérapeute de faire une nuance sur ce que dit et exprime le patient durant
l’entretien. La validation émotionnelle ou empathique avec le patient nous
semble être mieux indiquée quand on suspecte une parathymie.
Phobie
La phobie est le sentiment d’anxiété qui apparaît en présence d’un objet ou
devant une situation qui n’a pas en elle-même de caractère dangereux. Elle
disparaît quand l’objet phobogène disparaît. C’est une peur irrationnelle,
jugée comme absurde par le patient. « La personne phobique peut être
consciente du caractère irrationnel de sa peur et néanmoins être incapable
de s’en défaire. » (Kaplan & Sadock, 2005)
En fait, comme conseillé pour l’anxiété généralisée, il est important
d’analyser ou de rechercher les circonstances pendant lesquelles le patient
ressent de la phobie. Il peut s’agir de la crainte de se retrouver dans des
lieux publics, dans les transports en commun, dans les endroits claustrés
(ascenseurs, caves, chambres souterraines, chambres moins éclairées, etc.).
Perplexité
Le patient perplexe donne l’impression de ne plus pouvoir se situer sur le
plan affectif. Autrement dit, il est perdu, désorienté. La perplexité concerne
des patients qui sont débordés par leurs affects et qui n’arrivent pas à les
contrôler ou les gérer.
Rage
La rage, du moins la rage narcissique, est définie comme « une réaction
issue de la blessure narcissique dans le contexte des pathologies narcis-
siques ; elle est au narcissique ce que l’agressivité est au souhait œdipien. »
(Oppenheimer, 2005)
Dans tous les cas, il faudrait faire une différence entre la rage qui porte
au self-object et l’agressivité à l’objet. Dans l’agressivité, la pulsion de mort
ou pulsion de destruction est portée vers l’autre ou vers l’objet. Cette der-
nière disparaît en l’absence de l’objet, ce qui n’est pas le cas pour la rage
qui perdure même en l’absence de l’objet. Il est moins facile d’apaiser une
Sentiment d’insuffisance
Il s’agit d’un manque de confiance en ses propres capacités, en sa valeur
propre. Il est très important de faire un lien avec l’estime de soi, le self et les
identifications du patient. Le thérapeute se demande pourquoi le patient
pense qu’il a de l’insuffisance ? Qu’est-ce qui lui laisse croire ou ressentir
ce sentiment d’insuffisance ? Que désire-t-il avoir de plus pour pallier son
sentiment (on recherche la présence d’une pensée magique, son lien à la
réalité, ses capacités de jugement, etc.) ?
Sidération émotive
La sidération émotive entraîne l’état de stupeur chez le patient. On observe
de la sidération émotive chez les personnes victimes de traumatismes.
Certaines rapportent au cours de leurs narrations verbales une situation
pendant laquelle elles se sont senties scotchées : « Je suis resté sans mots ! »,
« J’étais complètement bouleversé ! », « J’étais hors de moi… ! », etc.
Sentiment de persécution
Le patient dit qu’il est menacé, directement ou indirectement, par le regard
ou les propos des gens autour de lui. Il a l’impression que les autres le jugent
trop. Il est important de distinguer s’il est seulement persécuté dans des
milieux familiers ou non familiers. Qu’est-ce qui lui fait croire ou lui laisse
cette impression d’être persécuté ? Entreprend-il des actes ou des projets
Sentiment de vide
Le sentiment de vide donne l’impression de ne rien ressentir en soi. Cette
sensation de vide peut s’exprimer sous forme d’un manque de pensée,
d’idée, d’émotion, d’affect, etc. Certains patients disent se sentir perdus. Ce
syndrome peut être retrouvé dans les formes dépressives, dans la perplexité
anxieuse, après un traumatisme, etc.
Timidité
Les affects de timidité sont rapportés par le patient ou ses proches. Il peut
s’agir d’une inhibition névrotique ou psychotique. On retrouve la timi-
dité chez certains patients qui présentent une défense contre leur pulsion
libidinale ou agressive. Ainsi, nous conseillons au thérapeute d’étudier la
manière dont le patient dit timide exprime ses pulsions (libidinales et agres-
sives) et le type de rapport qu’il entretient avec son surmoi et son self.
Tristesse
Les affects de tristesse doivent être examinés avec finesse. On essaie de voir
si la tristesse va de pair avec les idées suicidaires ou d’autres types d’angoisse.
Les questions suivantes peuvent orienter le thérapeute : « C’est qui pour
toi, quelqu’un qui est triste ? », « Tu penses à quoi en étant triste ? », « Il
t’arrive d’être très triste et d’en pleurer ? », « À quel moment as-tu cette
envie de pleurer ? », « Qu’est-ce qui te rend si triste ? », « Quand tu es triste,
arrives-tu à garder un lien avec tes copains, tes amis ou ta famille ? », « À
quel moment apparaît cette tristesse ? », « Est-ce que c’est le matin ou le
soir que tu te sens avoir moins d’énergie ou plus de tristesse ? », « Qu’est-ce
qui cause ta tristesse selon toi ? », « Comment ressens-tu ta tristesse ? », etc.
Crainte
La crainte est définie comme une petite peur. On peut demander au patient
de situer le niveau de sa peur sur une échelle de 0 à 10, comment il ressent
Terreur
C’est la peur paralysante et qui tend à déformer la perception. Il y a intro-
duction d’une fausse appréhension dans l’imaginaire du patient. Il peut
néanmoins garder sa capacité d’analyser la situation.
Horreur
C’est la peur qui s’accompagne de dégoût. Ce sentiment laisse des traces
dans l’appareil psychique du patient. La personne peut exprimer son hor-
reur verbalement ou à travers son corps.
Effroi
Le patient qui a l’effroi éprouve une grande peur devant un danger objectif.
Il dit être paralysé et incapable ou impuissant de se défendre. Contraire-
ment à la réaction que peut avoir une personne devant la peur, ici le patient
perd ses moyens de fuir, de se battre ou de faire face à la menace. « Il est réel-
lement en danger d’être détruit par ce qui le menace et ne dispose d’aucun
moyen de combat ou de fuite » (Roussillon, 2014).
En fait, l’effroi est lié au facteur surprise et au fait de n’être pas préparé à
ce qui arrive.
Le patient peut avoir une angoisse devant :
• les personnes inconnues ou non familières. Cette peur correspond à celle
que, plus petit, l’enfant ressentait vis-à-vis de la personne ou de son premier
objet d’amour ;
• les situations nouvelles ou qui semblent menaçantes pour le patient,
c’est-à-dire que cette peur peut se transformer en effroi ;
• les choses ou différents éléments anxiogènes.
Le thérapeute peut aider le patient à décrire les éléments qui sont poten-
tiellement anxiogènes ou qui peuvent provoquer la sensation de peur.
Panique
C’est la peur où l’imaginaire tient une place importante et empêche l’ana-
lyse de la situation, entraînant des ripostes exagérées.
Anxiété
C’est le sentiment proche de l’angoisse, mais relatif à une difficulté réelle,
bien qu’intense. Étant plus mentalisé, ce sentiment est maîtrisable.
Peur
La peur est une sensation immédiate et spontanée. Elle est liée à l’instinct
de conservation. Elle est conséquente à la perception d’un danger extérieur.
La peur est un « état émotionnel désagréable, correspondant à des modifi-
cations psycho-physiologiques en réponse à une menace ou un danger réel
et objectif » (Kaplan & Sadock, 2005). La peur est le choc dû au stress face à
ce danger réel ou objectif.
Autrement dit, la peur est un processus qui exige une évolution plus
grande dans la pensée. Elle implique une reconnaissance de ce qui vient
de l’extérieur. Elle peut amener le patient soit à fuir, soit à se battre, soit à
résister et à faire face à la situation.
On peut déceler des peurs concrètes et celles focalisées ou diffuses. Ces
différentes peurs sont parfois nocturnes ou diurnes en rapport avec : la
chambre de l’enfant, la maison et ses lieux de jeu, les rues, l’école, les maga-
sins et autres endroits publics, les animaux, la nuit, la solitude, la mort, les
maladies, les monstres, etc.
Angoisse
En 1926, Freud propose sa théorie d’angoisse dans son ouvrage intitulé
« Inhibition, symptôme et angoisse ». Le concept d’angoisse a été étoffé,
clarifié, développé par plusieurs psychanalystes qui lui ont succédé. Freud
distingue l’angoisse qui est une préparation à l’inconnu « attente imprécise
d’un danger ». L’angoisse est un signal d’une détresse psychique. En ce qui
concerne sa qualité, celle qui est à la base de tout conflit névrotique est une
angoisse de perte (castration).
De son côté, Bowlby cité par Golse (2015) donne une définition « selon
laquelle l’angoisse serait une réaction primaire, irréductible à d’autres termes
et due simplement, par le fait de la séparation, à la rupture des liens d’attache
ment entre l’enfant et sa mère. » L’absence du lien mère-fils peut générer
une sensation étrange venant de l’intérieur de l’enfant. Dans cette situation,
« l’angoisse est éprouvée face à un danger interne » (Roussillon, 2014).
Le symptôme phobique est décrit par Freud comme une formation subs-
titutive, par déplacement de l’angoisse sur l’objet phobogène, où une situa-
tion extérieure devient porteuse de la conflictualité propre à l’objet fantas-
matique initial. La naissance d’une phobie nécessite donc la réactivation de
l’angoisse de castration et de la culpabilité par une exacerbation de la pro-
blématique œdipienne avec des désirs érotiques face à l’objet incestueux,
et de l’hostilité face au parent rival. Lorsque ces angoisses ne peuvent pas
être atténuées par des mécanismes de déplacement réussis (activités symbo-
liques et activité onirique), des mécanismes de déplacement de type pho-
bique apparaissent.
Étant donné que devant toute angoisse, le moi met en place des méca-
nismes de défense, pour ce qui est des angoisses d’anéantissement, Rous-
sillon (2014) souligne le fait que « ces éprouvés précoces appartiennent à
l’univers du bébé et impliquent chez lui des formes défensives normales et
nécessaires au développement psychique : le rapprochement avec l’objet,
le collage et l’agrippement […] Les modalités défensives mobilisées passent
par le même éventail, du plus normal au plus pathologique : du démantèle-
ment à l’agrippement, en passant par le déni et le clivage. »
Angoisses de morcellement
Le patient ressent une désorganisation, une perte de cohérence de quelque
chose qui avait été construit auparavant. « Le sujet (patient) est envahi par
la sensation de partir en morceaux, de se démembrer, de se déconstruire en
tant que sujet, de se fragmenter. » (Roussillon, 2014) Une angoisse typique-
ment psychotique comprend les ébauches d’angoisses de séparation ou de
différenciation.
Ces angoisses impliquent l’expérience de la contenance et de rassemble-
ment du moi grâce à cet objet. Les mécanismes de défense mis en jeu sont
l’agrippement et le clivage du moi.
Angoisses de vidange
Le patient a des angoisses de perdre sa substance ou son contenu. Ces
angoisses impliquent l’existence d’un contenant relativement étanche et
au moins partiellement une forme d’analité. Elles sont plus élaborées que
celles d’anéantissement. Le patient a la « sensation ou la crainte de perdre
son intérieur, de se vider comme si on souffrait d’une hémorragie incontrô-
lable, suppose l’expérience de contenir quelque chose » (Roussillon, 2014).
Les mécanismes de défense mis en jeu sont orientés vers un objet chargé
de faire un bouchon ou un objet d’emprise ou de séduction. Ces types de
patients s’agrippent à leurs objets.
Angoisses liées aux processus de différenciation et de séparation
En fait, parmi les angoisses liées à ces processus de séparation ou de différen-
ciation, on retrouve les angoisses d’intrusion, les angoisses de persécution
et les angoisses de perte ou d’abandon. Ces angoisses peuvent entraîner
la mise en jeu de plusieurs mécanismes de défense dont la projection, le
clivage au moi, le clivage de l’objet, le déni et l’annulation rétroactive.
Angoisses d’intrusion
On retrouve différentes formes d’angoisse intrusive en fonction du degré
d’intégration atteint ou de la nature de l’intrusion. Elles sont liées aux
angoisses de vidange et de pénétration (cette dernière catégorie est liée à
la différence de sexes) chez le patient schizophrène, psychotique (idées
délirantes, troubles perceptifs, bizarreries, etc.) et dans les états limites.
« Ces angoisses peuvent augmenter les angoisses de castration et de péné-
tration. » (Roussillon, 2014)
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322 Status clinique pédopsychiatrique
Angoisse de persécution
Le patient dit avoir peur que quelqu’un lui fasse du mal. Il n’arrive plus à
sortir de chez lui ou à sortir sans être accompagné. Le persécuteur peut être
désigné ou peut être une personne inconnue. Il peut s’agir de la police, des
pompiers, d’autres enfants qu’il croise pendant la récréation ou le temps
parascolaire, etc. Certains patients persécutés prennent des précautions
avant de sortir de chez eux.
Idées suicidaires
L’examen des idées suicidaires objective souvent des scarifications, des idées
de mort, de projet suicidaire, etc. Ainsi, le patient dit clairement avoir envie
de se donner la mort. Il peut avoir un projet de suicide clair ou flou. Il peut
avoir déjà décidé du jour ou de l’heure de sa mort. Techniquement, on
décrit le mode de survenue de ses idées ou envies de mourir, l’intensité, la
fréquence ou les facteurs aggravants (le patient n’arrive pas à se représen-
ter les effets de son suicide ou les conséquences de sa mort en disant que
personne ne s’inquiéterait pour lui) et protecteurs (patient est conscient
ou verbalise le fait que les gens de son entourage seront tristes s’il venait à
mourir) de ces idées suicidaires.
Le thérapeute recherche le mode de passage à l’acte, la répercussion sur
la vie du patient, son projet suicidaire (chercher si ce projet est clair, flou, le
moyen de passage à l’acte, etc.). L’échelle du risque, urgence et dangerosité
(RUD) permet d’adapter la prise en charge.
Remarque
La plupart du temps, l’évolution des idées noires va vers les idées suicidaires,
puis passe à la tentative de suicide et, finalement, au suicide. Il est essentiel
de rechercher le syndrome présuicidaire et suicidaire chez tous les patients.
Le thérapeute recherche le sentiment de culpabilité survenu dans ce contexte,
la manière dont le patient essaie de réduire sa tension psychique, comment il
s’apaise ou quel peut être le bénéfice secondaire lié aux gestes ou aux actes à
caractère suicidaire ou autodestructeur.
Troubles du sommeil
Insomnie
L’insomnie est le manque de sommeil. Elle peut être totale ou partielle. Il
peut s’agir d’un retard d’endormissement, de réveils multiples ou de réveil
précoce. La qualité de sommeil est plus importante que sa quantité. Un
bon sommeil est encore appelé sommeil réparateur. Certains individus sont
qualifiés de petits ou grands dormeurs selon qu’ils dorment moins ou plus
de 6 heures par nuit.
Plusieurs causes peuvent perturber le sommeil : le changement de rituel
avant le coucher, le régime alimentaire, la prise de médicaments ou de
toxiques, les maladies organiques, les voyages, le changement climatique,
les troubles mentaux, l’angoisse, les stress, etc.
Ainsi, lors de l’exploration du sommeil, le thérapeute demande au patient
si son sommeil est réparateur ou de bonne qualité. Est-ce qu’il supporte
son manque de sommeil ou non ? Quelles sont les diverses raisons de son
insomnie selon lui ? On décrit avec lui les circonstances d’apparition de
cette insomnie : le début et la durée de l’insomnie, la qualité de l’hygiène
de sommeil (repas, préparatifs et habitudes avant le coucher, environne-
ment de la chambre à coucher : lumière, sons, etc.). Comment ressent-il son
réveil, son sommeil est-il perturbé par des cauchemars ou l’environnement,
etc. ?
L’insomnie est l’un des signes les plus présents dans les troubles mentaux.
La qualité, le type d’insomnie, la capacité du patient à la supporter ou non,
les répercussions de cette insomnie sur ses compétences cognitives ou ses
performances scolaires, etc. sont à décrire ou à rechercher.
Est-ce que l’insomnie est d’origine iatrogène ou non ? Est-elle induite par
une cause somatique ou un trouble mental ?
Insomnie d’endormissement
Le patient n’arrive pas à trouver le sommeil. Il tourne en rond dans son
lit. La cause de cette insomnie peut être des ruminations anxieuses, une
anxiété, une peur de la nuit ou du noir, des angoisses de perte, de séparation
ou de mort, ou bien d’autres causes organiques, iatrogènes ou toxiques,
etc. Cliniquement, cette insomnie d’endormissement est retrouvée chez le
patient anxio-névrotique ou psychotique.
Hypersomnie
C’est l’inverse de l’insomnie. Le patient dort plus que d’habitude et son
sommeil se prolonge dans la journée. Ce symptôme peut se retrouver dans
les états dépressifs ou psychotiques comme moyen d’échapper à ses persé-
cuteurs ou d’éviter de se confronter à la réalité interne ou externe.
L’hypersomnie requiert de la part du thérapeute d’explorer les différentes
causes iatrogènes, la consommation de toxiques ou toute autre cause soma-
tique ou psychique.
Remarque
Nous avons choisi de ne pas être exhaustifs car les autres troubles du som-
meil comme les parasomnies (les somnambulismes, les terreurs nocturnes,
etc.), les insomnies non spécifiées, les troubles de l’alternance veille-sommeil
(avec avance ou retard de phase, etc.), le syndrome des jambes sans repos,
les apnées centrales du sommeil, etc. peuvent également être recherchés par
le thérapeute en adaptant les diverses questions proposées ici.
Bibliographie
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des troubles mentaux (traduit par J. D. Guelfi et M.-A. Crocq ; 5e éd.). Elsevier
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Pulsions
Généralités
La pulsion est définie comme un concept limite entre le somatique et le
psychique. On n’a pas à faire avec la pulsion, mais avec sa représentation
et les affects associés. Le père fondateur de la psychanalyse est le premier à
avoir introduit la notion des pulsions. Dans sa théorie, les pulsions sexuelles
s’étayent sur les pulsions d’autoconservation ou les pulsions du moi avant
de s’en différencier et de devenir des pulsions libidinales. Rappelons que
les pulsions libidinales amènent le patient à retrouver un plaisir initial sans
vraiment avoir besoin d’autoconservation. Prenons l’exemple d’un bébé qui
se met à suçoter son pouce entre les repas, ce geste ne signifie pas qu’il veut
manger encore ou qu’il a faim, plutôt qu’il veut retrouver la trace mnésique
du plaisir qu’il ressentait lors des tétées précédentes. Un parent suffisam-
ment bon ne peut pas le contrecarrer dans ce moment d’autosatisfaction en
le gavant avec de la nourriture, en l’occurrence le sein ou le biberon.
Les pulsions sont intimement liées aux mécanismes de défense pour lut-
ter contre l’angoisse. C’est dans cette perspective que les pulsions donnent
l’accès vers la symbolisation telle que bien expliquée par Roussillon (2012)
dans ses travaux.
Pour essayer de donner une définition, nous dirions que la pulsion est ce
qui permet au patient de se relier à l’autre ou à l’objet. On peut encore dire que
la pulsion devient une tentative de mise en lien entre l’un et l’autre ou entre
le patient et l’objet. Cette pulsion permet de saisir ou de comprendre ce qui
se joue chez l’un et l’autre. Elle véhicule le message entre deux protagonistes.
La grande particularité des pulsions est qu’elles ne s’arrêtent jamais,
contrairement à ce que les gens pourraient croire. Elles fonctionnent en
boucle. Elles peuvent partir soit du patient vers l’objet, soit le contraire. Le
thérapeute doit garder en tête que dans le patient, il y a le monde interne
et externe. Ainsi, la théorie des pulsions va de pair avec la théorie de la
relation d’objet, les mécanismes de défense (cf. chapitre 16) et l’idéal du
moi et le moi idéal (cf. chapitre 19).
Avant d’aller plus loin sur les différentes sortes de pulsions, revenons sur
les quatre caractéristiques des pulsions telles que définies par Freud dans ses
trois théories :
• première théorie : Freud dit que les pulsions sexuelles devraient être
opposées aux pulsions dites du moi. Cette année-là, l’auteur n’avait pas
encore développé la théorie sur le moi. Les pulsions du moi sont celle de
Poussée de la pulsion
Elle se traduit par l’exigence de travail imposée à l’appareil psychique dont
le rôle est la maîtrise de l’excitation. La libido (du latin libido : « désir »,
« envie », « aspiration ») est la manifestation dynamique (énergie) dans la
vie psychique de la pulsion sexuelle. Elle est la transformation de la pulsion
sexuelle quant à l’objet, au but (pas forcément sexuel), à la source. La pous-
sée détermine l’intensité ou la force de la pulsion.
Source de la pulsion
Elle est le processus qui surgit dans un organe ou une partie du corps. Il
peut s’agir de l’excitation somatique. C’est un lieu du corps en état de ten-
sion, d’excitation ou de manque. Sur le plan sexuel, n’importe quel point
du corps peut aussi bien être l’origine que l’aboutissement d’une pulsion,
c’est-à-dire érogénéisé (zone érogène). Ces zones sont sources d’excitation,
lieu propice à la perte de contrôle entre le monde extérieur et intérieur. En
fait, les soins (handling et holding) qu’a reçus un patient dès sa naissance
Objet de la pulsion
L’objet de la pulsion est défini comme le moyen par lequel la pulsion peut
atteindre son but ou sa satisfaction. Il est très variable et non déterminé à
l’avance dans le sens que la pulsion ne se réalise jamais, elle tend vers un
but. Il y a une tendance à la fixation aux premiers objets et transfert de
l’attachement à des objets substitutifs. Il n’y a pas d’adéquation biologique,
d’objet totalement comblant. L’objet de la pulsion est pris dans le fantasme.
L’objet après lequel on court est constitutif de notre propre identité.
But de la pulsion
En fait, toute pulsion doit avoir un but. On se pose la question de savoir ce
que cherche cette pulsion. En se référant à la première topique (conscient,
préconscient et inconscient), le raisonnement dichotomique conduit à dis-
tinguer seulement le principe de réalité et le principe de plaisir. Le but est
alors la satisfaction et le plaisir qui permettent la levée de la tension, de
retrouver l’homéostasie interne, l’état d’excitation zéro. On parle alors de
principe de nirvana.
D’un autre point de vue, le patient peut exprimer des pulsions agressives
à travers les conduites agressives. Celles-ci sont généralement assorties de
fantasmes d’agression. Elles doivent être comprises comme l’expression de
tendances internes qui seront définies chez Freud en termes de pulsion.
Les pulsions sont du domaine du ça. Elles permettent de voir comment
le moi du patient se réfère aux injonctions données par son surmoi pour
contrecarrer ou exécuter les envies ou besoins du ça. Ces pulsions poussent
ou conduisent le patient vers les différents troubles de conduites sociaux et
instinctuels, troubles du comportement, etc.
Les pulsions agressives et libidinales émergent durant la séance, dans le
contexte de relation d’objet organisée autour d’un noyau affectif. Ces deux
grandes catégories de pulsions peuvent être scindées en pulsions de mort,
de destruction, du moi, d’attachement, d’emprise partielle, d’autoconserva-
tion, de vie et sexuelle, etc.
Pulsions libidinales
Relation avec les autres instances psychiques
Les pulsions libidinales vont du moi idéal à l’idéal du moi. Il est très néces-
saire de rechercher quelles sont les pulsions libidinales du patient. Leur
absence est très dangereuse et signifie que le patient est dans une impasse.
Le thérapeute essaie de trouver le type d’intérêt ou de plaisir que porte le
patient sur soi ou sur le monde extérieur. Est-ce qu’il a du plaisir et de
Jeu de rôle
Celui-ci est une stratégie permettant de cerner le patient. Le thérapeute
l’invite ou lui présente des jouets afin que lui-même puisse mettre en œuvre
l’un des jeux. Il peut ainsi jouer au docteur, au papa et à la maman, ou
encore aux voleurs et aux policiers, à la maîtresse, aux sapeurs-pompiers, etc.
Plus encore, il peut inventer une histoire avec les personnages ou les jouets
que lui-même choisit. Le but est de chercher ses fantasmes, ses pulsions, ses
affects, ses mécanismes de défense.
Jeu solitaire
Certains patients préfèrent jouer tout seul ou exprimer leurs pulsions à
travers les différents jeux (la construction avec les Lego®, les Kapla®, les
puzzles, les mémos, etc.). Il est important de savoir pourquoi le patient ne
joue pas avec ses pairs. Quelles sont ses raisons (est-il victime de harcèle-
ment, se considère-t-il mis à part par ses pairs, a-t-il peur de s’approcher des
autres ?) ?
Jeu de compétition
Le jeu de compétition permet au thérapeute de cerner le type de surmoi
du patient. Il peut s’agir de courses de voitures, par exemple, la police et le
voleur, « Un, deux, trois, soleil », etc.
Jeu de sport
Est-ce que ce jeu procure du plaisir au patient et de quel type de plaisir
s’agit-il ? On peut objectiver la recherche de la dynamique de l’équipe, de la
performance et revalorisation narcissique qui en découle, la compétitivité,
le rythme, etc. À travers le jeu de sport, le thérapeute recherche l’impact
émotionnel et relationnel du jeu sur le patient. Comment se comporte-t-il
dans le jeu avec ses camarades ? Etc.
Hobbies
Les pulsions libidinales nous éclairent sur les différentes activités qui procu-
rent du plaisir au patient. Les hobbies regroupent les diverses activités que
le patient aime faire ou réaliser en solitaire ou en compagnie des adultes ou
de ses pairs. Il peut s’agir de la lecture, d’un voyage, du chant, d’une activité
sportive ou socioculturelle, etc. Ces activités ont pour but soit de l’apaiser,
soit de lui procurer du plaisir, etc. La connaissance de ses hobbies aide le
thérapeute à se faire une idée sur la manière dont il ménage ses émotions,
ses affects, ses pulsions ou comment il dépense ses énergies.
Les hobbies ou passe-temps, tout comme les jeux, sont examinés dans
un premier temps dans l’anamnèse. Lors du status clinique, le thérapeute
revient sur les jeux et les hobbies ou demande à jouer avec le patient afin
de vérifier s’il s’agit bien de jeu symbolique ou non. Nous revenons à la fin
de ce chapitre sur cette notion de jeu symbolique que le thérapeute évalue
durant l’entretien.
Pulsion d’attachement
Golse est revenu sur les notions avancées par Didier Anzieu en 1985. La
pulsion d’attachement fait un rapprochement entre la théorie de l’attache-
ment de Bowlby, la théorie des pulsions et celle d’étayage de Freud. L’auteur
soulève une question : « si l’attachement correspond à un besoin primaire
de l’enfant, pourquoi ne pas imaginer qu’il puisse alors être libidinalisé, au
même titre que tous les autres besoins de l’autoconservation, au sein de
la théorie freudienne de l’étayage ? » (Golse, 2004) Cet auteur souligne le
fait que l’attachement est un pont entre la théorie des pulsions et celle des
relations d’objet.
Cela dit, il est intéressant de rechercher la qualité de cette pulsion
d’attache ment lors de l’exploration des relations d’objet ou de la qua-
lité d’attachement ou les différentes pulsions, qu’il s’agisse de la pulsion de
vie ou de celle de mort.
Pulsions agressives
Généralités
Au regard de la théorie de Freud, l’objet est toujours ambivalent. Son ambi-
valence se constitue à partir des liens qui se tissent avec le premier objet
d’amour : la mère (nous considérons actuellement tout adulte qui s’occupe
du bébé dès sa naissance comme étant le premier objet d’amour). Et c’est
dans la déception inhérente devant cette première relation que l’agres-
sivité émerge. L’amour enfantin est insatiable et la seule satisfaction qu’il
recherche est impossible : retrouver l’union originelle avec la mère (idéale,
mythique). Le bébé est sans cesse animé par des mouvements incestueux
qui ne peuvent jamais aboutir à leur but, d’où la frustration.
Il est question de chercher la présence d’une hostilité, destructivité,
hétéro, autoagressivité chez le patient. En général, les pulsions agressives
sont cherchées dans ses relations avec son père, sa mère, ses préférences
ou ressemblances, les relations avec sa fratrie (jalousies, ententes, etc.), ses
grands-parents, ses amis (un vrai ami, des camarades de classe, de jeu), la
Fantasmes
Généralités
Les fantasmes renvoient à la notion du plaisir, de la satisfaction, du désir,
de la vérité, etc. La personne qui fantasme ne souhaite pas que l’idée ou la
pensée puisse se réaliser, car elle a peur ou craint les conséquences néfastes
de cette probable réalisation. Ainsi, l’idée ou l’objet fantasmé reste dans
l’imaginaire ou dans les pensées de la personne concernée. On peut verba-
liser ses fantasmes sans vouloir les confronter à la réalité.
En fait, le fantasme est lié au pulsionnel. On retrouve une idée qui jail-
lit sans que l’on ait un pouvoir dessus. Le fantasme peut se comprendre
comme une construction psychique d’un individu ou son invention qu’il
fait en s’imaginant les groupes des personnes ou des objets qui interagissent
d’une certaine manière.
Le rêve peut aussi contenir ou exprimer un fantasme. Ce fantasme peut
être porteur d’un désir. Il est fait de deux parties : l’une consciente et l’autre
inconsciente telles que les a décrites Freud dans son œuvre.
les mots, les affects dont le patient peut ou ne pas être capable de saisir
le sens. Le risque est que le fantasme se transforme en toute-puissance.
D’autres fantasmes peuvent rendre la réalité supportable car il ne faudrait
surtout pas que le fantasme se fasse dans la réalité.
Peut-on identifier des conflits internalisés entre le moi et surmoi ? Le
thérapeute doit penser aux conflits internes : activité-passivité, masculinité-
féminité, ambivalence, etc.
Conclusion
La pulsionnalité a un lien avec les relations d’objet et le narcissisme.
Le thérapeute évalue succinctement :
• la qualité de la liaison pulsionnelle (de l’érotisme et de l’agressivité),
l’importance respective de la génitalité et des éléments prégénitaux, la
capacité de rêverie et les rêves du patient ;
• l’intensité des mouvements de déliaison, de destructivité intrapsychique
ou d’attaque du corps ;
• le renforcement mutuel ou l’antagonisme entre investissements d’objets et
investissements narcissiques. Progressivement, ces investissements s’influen-
cent et leur interaction se répercute sur le fonctionnement ou la manière
d’exprimer ou pas la pulsionnalité libidinale ou agressive ;
• la qualité dominante de l’investissement narcissique. Il est important de
voir comment le patient gère sa toute-puissance ou pas, sa grandiosité, sa
dévalorisation, la possibilité d’une régulation normale, etc. ;
• les représentations de soi. Comment le soi et l’identification du patient
sont-ils faits ? Le degré d’intégration et l’importance du clivage du patient
dépendent de comment il intègre l’image de lui-même ou quel type d’iden-
tification fait-il de lui-même ;
• la qualité dominante de l’investissement objectal : ce point se réfère
que chapitre 13 consacré à la relation d’objet. Le thérapeute peut voir si le
patient développe une relation idéalisée, anaclitique, narcissique, sadisée,
fétichisée, différenciée, etc. ;
• les représentations d’objets : le thérapeute cherche le degré d’intégration
et l’importance du clivage que présente le patient comme mécanisme de
défense.
Avant de voir les différentes techniques d’exploration des fantasmes ou
des pulsions nous sommes d’accord avec ce que disent Laufer & Laufer
(1989) en ces termes : « Dans notre travail avec l’adolescent malade, ces
modes d’accès à l’inconscient nous ont permis, pendant un temps, d’éla-
borer le fantasme, ce qui facilite ensuite notre compréhension de la moti-
vation, du pouvoir de certaines satisfactions et en fin de compte de la
pathologie. » Le thérapeute doit constamment se demander ce qu’est le
fantasme du patient ou de quelle manière il libère l’énergie qu’il a en lui.
Techniques d’exploration
Le patient exprime ses pulsions et fantasmes de différentes manières. Lors
d’une évaluation des pulsions et des fantasmes, le thérapeute doit garder en
tête que « les désirs et les fantasmes prépubertaires étaient sûrs et acceptables
avant cette période, mais ces mêmes désirs et fantasmes véhiculeront à partir
de la puberté une nouvelle signification incestueuse […] Le corps, qui était
vécu jusqu’à la puberté comme le porteur passif des besoins et des désirs,
devient maintenant une force active dans les fantasmes et les conduites
sexuelles ou agressives. » (Laufer & Laufer, 1989) Qu’il s’agisse d’une commu-
nication verbale ou gesto-posturale ou de jeu, le thérapeute peut décrypter
le type et qualité des pulsions. « En d’autres mots, le setting proposé doit
permettre une expression et une élaboration mentale des conflits psychiques
et de la vie pulsionnelle » (Palacio-Espasa, 2005). On observe la vie fantas-
matique du patient à travers ses rêves, ses dessins, ses jeux, etc.
Rappelons à nouveau qu’un patient « mis en sécurité et libre de ses ini-
tiatives verbales, après une phase d’expectative, de perplexité et de doute
quant à la bienveillance de cet interlocuteur mystérieux qui se contente de
l’observer, engage ou entre dans la conversation. L’art du clinicien consiste
alors à se faire discret et incitatif, à s’effacer partiellement en tant que per-
sonne trop différente, trop étrangère, et de favoriser ce mouvement narra-
tif. » (Brunschwig, 2001)
Le thérapeute cherche :
1. le caractère direct de l’expression des pulsions (allant de l’acting-out pri-
mitif à des formes relativement indirectes d’expression comportementale) ;
2. l’efficacité du délai et du contrôle des pulsions par les mécanismes de défense
mis en œuvre par le moi en référence aux limites imposées par le surmoi ;
3. le degré de tolérance à la frustration du patient. Est-ce qu’il réagit au quart
de tour ou non ? Cherche-t-il à mettre l’autre en échec ? Est-ce que son
agressivité est tournée vers soi ? Arrive-t-il à contenir, inhiber ou réprimer
son agressivité ou laisser exprimer sa pulsion libidinale ?
4. l’expression des pulsions agressives ou libidinales dans la relation, de
même que dans le comportement. On observe si la problématique œdi-
pienne est présente, la différence des sexes et des générations, la place de la
sexualité, mais aussi les différents fantasmes de l’enfant (castration, exclu-
sion du couple, œdipe inversé, anaux, libidinaux, maniaco-narcissiques,
phallico-narcissiques, mélancoliformes, etc.) ;
5. si le patient est en mesure de canaliser sa pulsion à travers une idéation
ou une expression affective ou un comportement manifeste ;
6. l’exploration de la vie ou des manifestations fantasmatiques : comment
le patient voit-il sa solitude, ses rêveries, son sommeil (endormissement et
réveil, son rêve est-il répétitif, agréable, cauchemar) ?
Rêves
Le rêve est la voie royale pour atteindre l’inconscient comme le disait Freud.
Certains patients peuvent rapporter ou raconter spontanément leurs rêves.
D’autres, en revanche, attendent que le thérapeute les invite à le faire. Ce
modèle, qui n’est pas le moindre dans le recueil des éléments ou matériels
cliniques, « suppose aussi que l’on soit capable d’effectuer un travail de
symbolisation fondé sur l’absence de l’objet, voire sur le renoncement à
l’objet » (Roussillon, 2012).
On demande au patient de raconter son rêve le plus beau, joli, terrible ou
affreux, récent ou répétitif. Peu importe ce qu’il choisit de raconter, l’essen-
tiel est d’analyser la manière dont il le fait.
En fait, lors des séances, le thérapeute doit se souvenir que le rêve :
1. est une partie de la narration qu’offre le patient lors des séances ;
2. est un bon signe de la capacité mentale ;
3. comme le reste du matériel psychique, permet d’entrer en relation, de
communiquer entre l’un et l’autre. Il permet d’associer sur les éléments de
la séance passée, présente et celle à venir ;
4. est une façon de voir ce qui se passe dans le moment présent et en même
temps de faire des allers-retours avec les moments qui précèdent le moment
présent.
Le rêve, c’est aussi une manière que l’autre a de nous signifier où nous
sommes avec nos séances. Il donne la qualité de la relation thérapeutique,
où l’on est et quelle vitesse il faut prendre dans les séances. Il faut être
attentif à ce que le patient raconte. Grâce au rêve, son inconscient peut
dévoiler la qualité et l’impact de la psychothérapie sur le fonctionnent de
son appareil psychique. Le rêve peut répondre à ces questions : « Où en est
le patient par rapport à sa prise en charge ? », « Quel est le niveau de progrès
ou quelle est l’évolution thérapeutique ? »
Tous les matériels, rêve y compris, nous aident à comprendre où l’on en
est dans les séances et à pouvoir les remettre dans la relation transférentielle
et contre-transférentielle.
Enfin, il faut écouter avec les oreilles, les yeux, le corps, etc., rester sen-
sible à ce qui nous est communiqué sans des préjugés, des principes, des
idées préconçues.
Quand la fonction onirique ne fonctionne pas, on tombe dans la patho-
logie : hallucination, hallucinose, etc.
Il faut essayer de savoir si le patient fait des cauchemars (leur nature,
comment il les raconte, depuis quand, s’il parvient à les associer librement
à d’autres événements du passé et du présent, sa réaction au réveil, etc.), est-
ce que son cauchemar ou son rêve se répète encore et encore ? Etc.
Capacité de rêverie
La rêverie est la capacité de pouvoir transformer, digérer à la place de l’autre.
L’autre s’enrichit à travers l’expérience qu’il digère à la place du sujet. Ainsi,
la capacité digestive du patient s’améliore à travers cette bonne digestion
venant de l’autre.
Il faut que le thérapeute ne soit pas trop submergé par les émotions ou
angoisses, le vide, l’effroi, etc. Par exemple, s’il a peur des araignées, quand
le patient commence à parler des araignées, tous deux risquent de partir en
courant. À chaque fois que le patient parle des araignées, le thérapeute ne
peut pas capter le message. C’est la tache aveugle de Bion.
La capacité de rêverie appartient au préconscient. Le thérapeute demande
au patient : « Est-ce qu’il t’arrive de te retrouver allongé sur ton lit, ou sur
l’herbe, ou seul dans ta chambre et te mettre à penser ? », « À quoi penses-tu à
ce moment-là ? », « Est-ce quand tu es seul au calme, il t’arrive de penser à ton
avenir, aux jours meilleurs ou prochains, comment peux-tu m’en parler ? »
Comment Bion définit-il le rêve et la rêverie ? Le rêve est considéré par
Freud comme la voie royale pour arriver à l’inconscient. Il amène un maté-
riel important dans la thérapie des enfants. Le récit de rêve pendant les
séances des enfants et des adolescents ne prend pas autant de place que
dans la cure des adultes. On a moins accès à du matériel réel du rêve chez
les jeunes patients.
La capacité de pouvoir rêver chez Bion témoigne de la possibilité de
l’appareil psychique de pouvoir rêver. Ce qui est un bon signe et témoigne
d’une bonne santé psychique. Le rêve permet une mise en scène, une
représentation de quelque chose. C’est un témoin d’une bonne capacité de
l’appareil psychique à pouvoir mettre ou transformer les faits psychiques
en certains vécus.
Le rêve est une mise en symbole. Il continue durant la journée. Racon-
ter un rêve dans la journée est même la continuité du rêve de la nuit. Les
psychotiques donnent des éléments bruts et non encore métabolisés. Cela
dit, il est prudent de prendre des précautions quand on écoute le rêve du
patient psychotique.
Le rêve permet de mettre sous une forme de narration d’un contenu
visuel qui s’insère dans la relation du thérapeute-analyste. Le rêve essaie
d’ouvrir le sens et non le figer. L’interprétation, le cas échéant, doit aller
dans le sens d’ouvrir sur une autre narration ou une histoire.
En fait, plusieurs thérapeutes psychanalystes ont développé cette ques-
tion de rêve, de la capacité de rêverie, du rôle et des fonctions du rêve, de la
signification des rêves et des cauchemars, etc. Les thérapeutes sont invités à
lire les divers manuels et travaux scientifiques qui traitent de ce sujet.
Si l’on revient à l’exemple de l’araignée donné ci-dessus, la question est
de savoir alors à quel moment parler de cette araignée quand le patient
Souhaits
Les souhaits sont systématiquement recherchés lors d’une exploration cli-
nique. Le thérapeute demande au patient de les exprimer. Certains clini-
ciens formulent cette question en proposant aux patients de dire leurs trois
vœux en ces termes : « Imagine-toi qu’il y a ici une fée qui peut tout faire, à
qui tu peux demander de réaliser trois de tes vœux, les trois choses les plus
importantes pour toi au monde, que lui demanderais-tu ? » Ses réponses
peuvent nous donner une idée sur sa vie fantasmatique et ses préoccupa-
tions pulsionnelles ou affectivo-émotionnelles. Aux adolescents, on peut
demander trois changements qu’ils souhaitent dans leur vie.
Le thérapeute demande au patient : « Si j’étais une fée, ou un magicien,
ou quelqu’un qui a des superpouvoirs, qu’est-ce que tu pourrais me deman-
der ? », « Dis-moi, c’est quoi tes plus grands souhaits ? », « Veux-tu bien
me citer trois de tes vœux ou souhaits ? », « Que feras-tu quand tu seras
adulte ? »
Dessins
Le dessin peut être examiné sur le plan cognitif, développemental, la repré-
sentation du patient, la relation d’objet, le self et ses identifications, ses
rêveries, ses pulsions, son surmoi et idéal du moi, etc. Le dessin permet
au patient d’exprimer ses affects, son langage, ses capacités visuospatiales,
Squiggle game
Cette technique a été créée par Winnicott. « Il n’y a rien là de particulière-
ment original et il ne faudrait pas qu’ayant appris à utiliser cette technique,
on croie du même coup détenir la recette pour donner ce que nous nom-
mons une consultation thérapeutique. Il s’agit là simplement d’un moyen
d’entrer en contact avec l’enfant. Ce qui se passe au cours du jeu et de
l’entretien dépend de l’utilisation que l’on fait de l’expérience de l’enfant et
du matériel qui s’offre à nous. » (Winnicott, 1971)
Le squiggle donne accès au fantasme de l’enfant car il introduit un objet
malléable et intermédiaire entre l’enfant et l’examinateur. La consigne est
de faire ensemble le gribouillage, tour à tour, l’un des deux fait un gribouil-
lis et l’autre doit faire un dessin à partir du gribouillis. Le but n’est pas de
faire un beau dessin, mais de représenter la première idée qui vient à l’esprit
en voyant le gribouillis. Chacun commente ensuite tour à tour son dessin,
commentaire qui peut donner un véritable récit.
Dans son expérience, Winnicott (1971) écrit : « Je traçai un squiggle pour
qu’il le modifiât. Il savait ce qu’il voulait en faire. Il ombra soigneusement
et dit que c’était un bull (un taureau). Je mis un moment pour comprendre
qu’il avait dit bull au lieu de ball (balle). » Une bonne capacité symbolique
amène l’enfant à faire un gribouillis fructueux. Il permet une associativité
rapide entre patient et thérapeute, peu contrôlée. Le thérapeute doit avoir
fait un important travail sur lui pour ne pas projeter trop de lui-même.
Histoire à compléter
Le thérapeute demande au patient : « Tu vas me raconter une histoire que
je vais écrire et après on la lira ensemble, je t’aide, je commence : Il était
une fois un petit garçon… à toi de continuer. » Cette stratégie donne accès
à la vie fantasmatique du patient s’il n’arrive pas encore à écrire. Dans le
cas contraire, on lui laisse le temps de le faire pour lui permettre d’y arriver.
Remarque
Il faut veiller à ne pas trop intervenir dans le dessin et le jeu d’un patient mais
l’amener si possible à le réaliser, lui, et projeter le minimum de soi-même.
Une intervention dans le jeu ou le dessin interfère avec ce qui vient du patient.
Cela doit être pensé et réfléchi, non agi ni défensif, au même titre qu’une
interprétation verbale. Le thérapeute devrait user de son sens de la créativité
pour encourager le patient à aborder ou à laisser exprimer son monde interne.
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(2e éd.). Elsevier Masson.
Winnicott, D. W. (1971). La Consultation thérapeutique et l’enfant. Gallimard.
Imagos parentales
Les imagos parentales sont l’ensemble de toutes les représentations que le
patient se fait des adultes : parents, enseignants, pasteurs, prêtres, imams,
artistes, voisins, professeurs, etc. et qu’il a internalisées en lui.
Les imagos parentales, maternelles et paternelles, peuvent être idéalisées,
dévalorisées, fluctuantes, etc. Il est question de chercher l’image ou l’appré-
ciation que le patient a de ses parents ou des figures paternelles et mater-
nelles internalisées. L’adolescent doit s’individualiser des imagos parentales
et aller vers les modèles d’étayage dans les groupes de pairs. L’adolescence
opère un nouveau mouvement qui amène le jeune à chercher à s’identifier
à de nouveaux objets d’investissement différents des objets parentaux.
Les projections parentales se recherchent dans l’anamnèse du patient et
de sa famille, l’histoire familiale, l’enfant imaginaire qu’avaient les parents,
le projet de vie que mûrissent les parents pour leur enfant. Quel inves-
tissement ou à quoi correspond la réussite de leur enfant ? Le thérapeute
examine, analyse ou vérifie si les parents permettent à leur enfant d’oser
rater, essayer, échouer, montrer sa curiosité, apprendre de nouvelles choses,
s’éloigner du chemin qu’ils pensaient être le meilleur pour lui, etc.
Il est normal qu’un adolescent transgresse la loi sans aller plus loin. Trans-
gresser, c’est faire le contraire, c’est outrepasser les limites imposées par les
adultes ou les parents sans leur demander leur avis avant de poser l’acte.
Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que lorsqu’on reçoit un
patient, il est important de ne pas critiquer ses parents, même lorsque lui-
même le fait. Une partie de ses parents est en lui (parent internalisé), les
critiquer revient à critiquer une part de lui. Il est tout aussi vrai de garder à
l’esprit que la plupart d’adolescents considèrent que tous les adultes ne les
comprennent pas. Ils cherchent à tout prix à se distancier de ces adultes qui
n’ont qu’un seul objectif : les réprimander, les critiquer, et ne pas prendre
pas en compte leurs points de vue.
Guide pratique de sémiologie en pédopsychiatrie
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358 Status clinique pédopsychiatrique
Surmoi
Généralités
Le surmoi est l’ensemble des règles et interdits que l’individu apprend
à observer dès l’enfance (naissance) jusqu’à la mort. Depuis la famille
nucléaire, le patient apprend une certaine quantité de règles. Cet apprentis-
sage continue à l’école, dans la vie sociale extrafamiliale, au travail, etc.
Le patient peut se sentir oppressé par les règles. Il existe plusieurs cas de
figure selon l’âge et la réaction de l’environnement, etc. Le surmoi traduit
la contrainte que la culture exerce sur l’individu pour imposer les renonce-
ments pulsionnels nécessaires et éventuellement excessifs ; il est aussi un
vecteur d’un héritage culturel que le sujet doit s’approprier à travers des
processus d’idéalisation des objets et de sublimation des pulsions.
Cette fonction peut être tutélaire, punitive-sadique, destructrice ou inter-
dite. Il renvoie vers les notions de bien ou de mal, de justice ou d’injus-
tice, du permis et du non permis. Est-ce que ces concepts influencent le
fonctionnement du patient ? Est-il préoccupé par des impulsions interdites
ou antisociales ? Peut-il les contrôler ? Les manifestations d’interdiction,
c’est le juge, le senseur à l’égard du moi, la conscience morale, l’auto-
observation, la formation des idéaux chez le patient.
Le thérapeute cherche à savoir comment ces concepts du bien et du mal,
de justice et d’injustice influencent le fonctionnement du patient. Tomasella
souligne que toute insulte est le fruit direct du surmoi, dans la mesure où
c’est une pulsion qui vise à juger et à dévaloriser. « Si le surmoi est trop
rigide, il entraîne une source constante d’angoisse, une inhibition du
comportement, etc. » (Tomassella, 2009) Le surmoi est une instance critique
mais également un gardien protecteur qui négocie les représentations entre
le moi et le ça. Le surmoi résulte, pour l’essentiel, de l’intériorisation de
l’autorité parentale. Il est l’héritier du complexe d’Œdipe. Le surmoi est un
agent critique filtrant les pulsions au travers de normes intériorisées. Il est
l’instance qui génère le refoulement des pulsions jugées inacceptables. Il se
constitue à partir de toutes les situations, de toutes les paroles, de toutes les
émotions, de tous les actes et de tous les événements extérieurs qui influen-
cent le patient.
Si l’on peut essayer de représenter un continuum, ce qui n’est pas facile
car tout est dynamique, on part d’un surmoi non constitué ou non intégré
(borderline), on passe au constitué (chez le névrotique) vers le rigide (obses-
sionnel), et on finit à un surmoi persécuteur, critique, etc.
L’exploration du type et de la qualité du surmoi conduit le thérapeute à
chercher à savoir comment le patient répond au cadre qui lui a été imposé,
soit à la maison, soit à l’école, soit dans la thérapie. Le surmoi provient de la
relation d’objet. C’est une instance psychique ambivalente, lieu autant que
• Devant les rayures faites sur le mur ou le livre, le patient s’exclame : « C’est
méchant ce que je fais », « Ça me saoule d’aller à l’école pour être bien dans ma
vie plus tard… »
• En parlant des agents de la police, le patient dit : « Je ne savais pas pourquoi
ces deux pigeons étaient venus demander à mon père de quitter ma maison,
pourquoi ma mère avait appelé la police. »
• Certains patients disent à la fin de la séance ou à n’importe quelle occasion :
« Merci beaucoup » en sortant du bureau, « Je me sens coupable… », etc.
Ce surmoi sévère peut être aussi contrôlant et retrouvé chez les patients
obsessionnels, inhibés, etc. Il entretient la culpabilité, le besoin d’autopu-
nition et la recherche de sanctions. Pour autant, la bienveillance, la dis-
ponibilité et la sollicitude parentale sont bien évidemment indispensables
et irremplaçables.
Surmoi protecteur
Il ne s’agit pas seulement d’infliger des punitions au patient. Ce surmoi
lui permet d’éprouver du plaisir dans ses jeux, ses actes et ses activités. Il
lui permet de faire un lien libidinal ou à entrer dans les apprentissages. Ce
surmoi vient faire le libre arbitre et peut punir le « méchant ». Par exemple :
• dans le jeu où les gens sont en train de se disputer ou de se bagarrer, le
patient fait intervenir la police pour essayer d’arrêter le fautif et le punir ;
• dans son histoire, le patient raconte un récit où la personne appelle la
police pour éviter de rester seul à la maison en l’absence de ses parents ;
• un autre patient voyant son parent à la fin de la séance tient à ce que le
thérapeute dise à sa mère : « Madame, je suis content de votre enfant, il des-
sine ou joue très bien, il faut qu’il continue comme ça. » Ce même patient
peut dire au thérapeute « Bravo ! C’est joli ton dessin ou ton travail… »
Ce surmoi protecteur empêche le patient de faire des bêtises, et lui
explique les choses avec douceur. Il s’exprime par des phrases telles que :
• « Tu ne peux pas faire ça, tu ne peux pas lui répondre mal, tu sais que c’est
mauvais, c’est méchant et c’est mal. »
• « Tu as bien travaillé à l’école, malgré la moyenne de 4 sur 6, tu t’amélio-
reras la fois prochaine. »
• « Tu vas réussir l’année prochaine même si tu redoubles cette année. »
Surmoi persécuteur
Ce surmoi persécute le moi dans l’autoaccusation mélancolique, tandis que
l’euphorie maniaque traduit la coïncidence du moi avec son idéal du moi.
Le plus souvent, le surmoi persécuteur intime l’ordre au patient en ces
termes :
• « Tu es nul, oublies ton bac, tu ne seras jamais avocat ! »
• « Tu es un gros nul et tu veux voler la pomme ? »
• « Tu es nul, les autres ont bien travaillé leur devoir ! »
Exploration du surmoi
Au-delà de se limiter sur un surmoi intégré ou non intégré, dans l’explo-
ration du surmoi, le thérapeute se pose la question de savoir comment ce
surmoi ou ses règles sont entrés dedans ou sont restés en dehors du patient.
Nous devons aller dans les détails. Est-ce que ce surmoi a été intégré par
effraction ou par introjection ? Le cas échéant, où se trouve ce sac ou cette
rosace du moi introjecté ? Est-ce que le surmoi du patient se trouve en
dehors de son moi ou le contraire ? Est-ce qu’il a intégré le surmoi par
Moi idéal
Il est le résultat de l’introjection idéative que fait le patient dès la naissance.
Le moi idéal est incarné lors des rêveries, c’est le surhomme auquel le moi
s’identifie alors qu’il accomplit des actions héroïques fantasmées. Progres-
sivement, à travers le stade du miroir, le patient se fait une image de soi
(c’est le narcissisme primaire).
Le moi idéal peut être clivé, non intégré, grandiose et inatteignable. Le
thérapeute se demande si le patient est dans l’ordre de la toute-puissance
narcissique ou pas. Ce moi idéal est remplacé plus tard par l’idéal du moi (le
narcissisme secondaire).
Idéal du moi
Il s’agit d’un absolu que l’individu tente ou non d’atteindre. Cet absolu est
considéré comme l’incarnation de sa vision de l’homme parfait. Cet idéal
de moi se présente ainsi comme « celui que j’aimerais être », mais aussi
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Imagos parentales, surmoi, moi idéal et idéal du moi 365
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Winnicott, D. W. (1971). La Consultation thérapeutique et l’enfant. Gallimard.
Structure névrotique
Généralités
« La lignée névrotique correspond donc à l’articulation des facteurs : Œdipe,
surmoi, conflit génital, culpabilité, angoisse de castration, symptômes
névrotiques. » (Bergeret, 2013) On classe dans cette lignée : la névrose
phobique, la névrose hystérique et la névrose obsessionnelle. Ces classes
diagnostiques ont des caractéristiques communes. Le patient donne une
impression d’être éveillé et intelligent. Il consulte principalement pour
des troubles somatiques fonctionnels (douleurs abdominales, céphalées,
etc.), des peurs récurrentes ou du stress. Certains patients consultent pour
des troubles sphinctériens (encoprésie et énurésie) et rarement pour des
troubles du comportement ou du sommeil.
Sur le plan de sa relation d’objet ou relation à l’autre, le patient est adé-
quat face à la situation nouvelle. Il s’inscrit dans une relation d’objet plus
génitale. Il se montre réservé dans un premier abord, puis se sent vite à l’aise.
Les enfants assez jeunes (moins de 4 ans) montrent parfois des difficultés à
se séparer de leur mère et il faut faire entrer celle-ci dans la salle d’examen.
Mais ils se rassurent au cours de l’entretien, permettant à la mère de repartir,
sans signes d’anxiété (Palacio-Espasa & Dufour, 1994). On remarque géné-
ralement que les patients ayant une structure névrotique type phobique
sont plutôt fuyants et évitants. Pour ceux présentant une structure hys-
térique, ils sont plus séducteurs, complaisants. Reste à souligner que pour
la structure de la névrose obsessionnelle, le patient est sérieux et réservé.
Le patient ayant une structure fonctionnelle dite « névrose » a une estime
de soi satisfaisante. Il accepte sa condition et sa position d’enfant au sein
de sa famille ou à l’école. Son identification est parfois idéalisée, copiée ou
calquée sur les modèles des aspects parentaux.
En ce qui concerne les fonctions du moi, les patients névrotiques sont
plus dans la norme. Leurs fonctions sont plus intactes et bien organisées.
Le thérapeute constate une maladresse avec des symptômes de conversion
chez le névrotique phobique ou hystérique. En revanche, la méticulosité et
la tendance à la retenue sont plutôt en faveur d’une névrose obsessionnelle.
En bref, ces patients ont une bonne capacité de symbolisation car leurs
conflits ont pu être internalisés.
Les patients phobiques, hystériques et obsessionnels ont la capacité de
recourir à la symbolisation, à la sublimation, à la régression ou à l’isolation
des affects. Leur refoulement est en général poreux. Cela dit, ils sont sujets à
des retours du refoulé sous forme de symbolisation et de passage aux actes.
Le conflit se joue entre leur ça et leur surmoi.
En effet, comme dit dans le chapitre 16, en plus de ces mécanismes géné-
raux :
• celui ayant une structure névrose obsessionnelle utilise préférentielle-
ment le contrôle et la formation réactionnelle ;
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Hypothèses diagnostiques 375
l’égard de leurs parents. Le patient est excité par le parent du sexe opposé.
Il est en même temps soumis à l’interdiction posée par le parent ayant le
même sexe que lui ;
• le mécanisme de défense principal mis en jeu est le refoulement. Nous
pouvons dire que ce mécanisme est suffisant dans les formes hystériques
dites « hystéries pures ». Le refoulement est le mécanisme clé, central ou
principal. Chez certains patients ayant une structure en forme pure, seul
le refoulement suffit. On ne doit pas oublier de rechercher d’autres méca-
nismes de défense que le patient peut utiliser ;
• la principale angoisse que ces patients éprouvent est l’angoisse de cas-
tration. Le patient a la crainte que l’acte parvienne à se réaliser. Ainsi, chez
le patient hystérique de conversion, on peut constater que « même dans les
cas les plus douloureux en apparence, aucune manifestation d’angoisse sur-
moïque n’apparaît ; le sujet réagit comme si le symptôme ne lui appartenait
pas, comme s’il s’agissait d’un véritable corps étranger. » (Bergeret, 2013)
Plus simplement, l’angoisse en elle-même ne le déstabilise pas ;
• au point de vue topique, on ne note pas de régression du moi. Il est
juste important de souligner la régression libidinale partielle qui peut être
observée. Les patients qui ont cette structure ont une primauté du génital
dans leur économie libidinale avec des fixations orales et phalliques ;
• les patients qui ont la structure hystérique ont comme fantasmes des
représentations détachées de l’affect. La conversion somatique observée
chez eux est symbolisée. Ils sont plus dans la symbolisation.
Névrose hystérique d’angoisse
Cette autre structure mérite d’être clarifiée ou plus éclairée. Le terme angoisse
est très central et prend beaucoup de place dans l’appareil psychique du
patient. On y retrouve des objets phobogènes, les attitudes ou comporte-
ments contre-phobiques et l’angoisse qui les accompagne.
Plus simplement :
• la relation d’objet de ces patients correspond à un écran phobique dans le
but de conserver ou d’éviter l’objet ou l’autre. L’autre élément de la relation
d’objet réside dans les rapports aux parents qui sont marqués par la sexua-
lité. Celle-ci génère une certaine excitation mais qui est contrecarrée par
l’interdit formulé par les deux parents ;
• ces patients recourent au refoulement, au déplacement et à l’évitement
comme principaux mécanismes de défense. Ces mécanismes sont là pour
ne pas être confrontés à l’objet phobogène. En parlant de la phobie, les
« éléments phobiques rencontrés dans les structures hystériques d’angoisse
opèrent une double action : à la fois éviter le contact avec l’objet anxiogène
et à la fois le laisser présent “à la portée de la main” ou, mieux, à la portée
du regard (au sens propre du terme quand il s’agit d’un objet, comme bien
souvent, à la fois phobogène et contraphobique). » (Bergeret, 2013) ;
Remarque
Certaines entités pathologiques ou non comme : la névrose phobique,
d’angoisse, traumatique, d’abandon, d’échec, de caractère, la dépression
névrotique, l’hypocondrie névrotique et les psychopathies ne remplissent pas
les critères structurels comme les trois grands types de névrose décrits ici.
C’est la raison pour laquelle nous ne les développons pas dans ce guide.
Troubles thymiques
Une certaine particularité se dégage dans cette classe diagnostique. Sont
inclus dans cette catégorie les patients dépressifs ou hypomaniaques. Au
cours de leurs travaux, Francisco Palacio-Espasa & Roland Dufour (1994)
ont retenu quatre critères d’inclusion.
1. Le premier critère observé chez un patient souffrant de trouble thymique
est une perturbation des affects de manière durable. On observe de la tris-
tesse et de l’euphorie ou de l’exaltation de l’humeur au premier plan. Les
troubles de l’humeur devraient être analysés de manière systématique en
cas de suspicion de symptômes de trouble thymique. En plus de ce trouble,
le thérapeute doit rechercher la présence du syndrome anxieux.
2. Le deuxième critère est le remplacement de l’exaltation de l’humeur, chez
certains patients, par l’existence d’une forme d’inhibition qui peut être très
marquée par un ralentissement cognitif et psychomoteur. Cette catégorie
des patients a de la peine à produire du jeu symbolique ou un dessin infor-
matif. L’école et la famille soulignent des difficultés scolaires, une baisse de
résultats scolaires, etc., peuvent se plaindre du fait que le patient est trop ou
très calme, voire très timide. Cette inhibition peut atteindre le développe-
ment cognitif, affectif, la conception du self, etc.
3. Le troisième critère correspond à des « manifestations négatives persis-
tantes de l’estime de soi, s’accompagnant d’une difficulté à prendre du
plaisir et par conséquent à maintenir toute sorte d’intérêts. À l’inverse, le
sujet hypomaniaque présente une inflation persistante de l’image de soi
avec notamment une labilité d’intérêts. » (Palacio-Espasa & Dufour, 1994)
Comme dit au deuxième critère, le soi et la conception du self sont fré-
quemment touchés par cette inhibition. Cette difficulté peut aussi se
constater dans la qualité de la relation d’objet que le patient développe
avec son entourage socioculturel et scolaire.
4. Le quatrième critère est la présence d’une symptomatologie dépressive.
Ces patients peuvent exprimer différents sentiments tels que l’abadon, la
solitude, le rejet, l’exclusion, l’ennuie, etc. D’autres présentent des idées
de ruine, de mort ou de perte des personnes familières, ou la crainte de la
maladie. Ce quatrième critère vient fermer la boucle des caractéristiques des
patients qui ont des troubles thymiques. Ceux-ci ont de réelles difficultés
socialement parlant. Les plus jeunes ont du mal à s’intégrer aux groupes de
pairs dans les cours de récréation ou dans le temps parascolaire.
Plus globalement, dans l’impression générale, le thérapeute peut noter
que le patient a des symptômes très évocateurs. Il a du mal à investir les
Structure borderline
Cette catégorie regroupe les patients qui présentent une forme hyper-
maniaque, dépressivo-schizoïde et le trouble d’identité ou narcissique. La
grande majorité consulte pour les troubles du comportement à l’école. Les
adultes rapportent que le patient a du mal de rester en place. Il a la bou-
geotte et n’arrive pas à se concentrer. En classe et à la maison, les adultes
constatent qu’il est distrait et perd ses objets ou ne finit jamais ses devoirs
ou le travail. Le patient fait des crises de colère, est agressif, instable, etc. On
peut noter également des troubles des apprentissages, un retard de langage,
etc. Au niveau familial, on découvre que le patient appartient à une famille
à problèmes, il y a des antécédents de dépression post-partum, des discon-
tinuités dans les soins, des abus par le passé, etc.
Le thérapeute note une impression générale plutôt polymorphe et plus
changeante. Les patients sont hyperactifs et instables. On note une dis-
continuité et des sauts d’humeurs brusques durant les entretiens.
La particularité de la structure borderline est qu’elle a un rapport avec
les objets internes. Le thérapeute note que dans la relation à l’autre, ces
patients ont une plus grande difficulté à négocier les rapports avec l’autre.
Il s’agit d’une relation d’objets anaclitiques. Le patient peine à supporter
à la base du sentiment d’être incapable de préserver des liens avec des objets
relativement indemnes. » (Girard-Frésard et al. 2017) Le patient borderline
exprime des fantasmes de manière très crue et effrayante. Ses fantasmes
tendent à interrompre sa capacité de symbolisation.
Le patient a un surmoi très sévère ou défaillant. « Dans toute organi-
sation limite, le surmoi demeure bien incomplet, faute de vécu œdipien
suffisant sur le plan organisateur ; à plus forte raison dans un aménagement
si proche de la lignée psychotique. » (Bergeret, 2013) Le patient borderline
prouve qu’il a fait difficilement preuve de sens moral et d’empathie. Il lui
est difficile de respecter les règles et les contraintes de la société.
L’activité fantasmatique des patients est riche et souvent plus effrayante,
ce qui conduit à des ruptures de symbolisation. On observe ont une insta-
bilité des investissements.
En bref, « chez les enfants borderline, cette partie adulte du moi, ou
objectale, ou névrotique, est déjà plus présente, bien que la partie infantile
ou narcissique reste prédominante dans les formes plus désorganisées. Mais
chez ces enfants, à côté de l’agir et de la verbalisation narcissique expulsivo-
projective, il y a des moments d’expression plus symbolique, qui poin-
tent vers des mouvements transférentiels que nous pouvons leur signaler.
Malheureusement, cette expression symbolique se désorganise facilement,
lorsque les affects sous-jacents deviennent trop angoissants. » (Girard-Frésard
et al. 2017)
éprouvent très souvent de la déception constante. Il leur est difficile d’être à la
hauteur de leur attente, ou de leur idéal du moi. Ils sont ainsi confrontés à un
sentiment de nullité, de dévalorisation permanente et de vide.
Ces patients s’identifient à l’objet maternel ou paternel. Ils peuvent parfois
avoir des difficultés à s’identifier ou à avoir une identification claire et moins
vacillante, d’où la solitude qu’ils éprouvent de manière répétitive à chaque fois
qu’ils recommencent une relation. Cette solitude les pousse à se déguiser au
niveau vestimentaire ou look. Le patient cherche des identités d’emprunt pour
camoufler sa solitude, ce qui le conduit encore dans le faux-self.
Généralement, le patient s’identifie à une partie de l’objet pour se faire une
identité. Il se colle à l’objet et peine à s’identifier. Il développe une certaine
adhésivité à l’objet et cela se ressent dans les entretiens cliniques. La thérapie
recherche le support identificatoire afin de donner une énergie à l’adolescent
pour qu’il puisse continuer son travail d’identification et éviter de rester dans le
faux-self. Il est question de rechercher les différentes modalités identificatoires
que présente l’adolescent dans l’évaluation et la psychothérapie.
Les fonctions du moi sont le plus souvent immatures. Pour certains adolescents,
l’intelligence est bonne sur le plan clinique mais pas toujours. Ils sont moins
timides et ont de la facilité à s’exprimer. Mais plus finement, le thérapeute
a l’impression d’être face à un jeune qui a des pensées magiques. Le test de
réalité risque d’être concerné par des dérapages consécutifs à des excès de pro-
jection. Le préconscient est parfois mince ou a contrario très large, ce qui est
préjudiciable à tout travail de rêverie.
Comme mécanisme de défense, le clinicien note directement et sans effort un
défaut de refoulement. Le patient à fonctionnement borderline recourt à la
projection, l’idéalisation et la désidéalisation immédiate, au clivage de l’objet,
aux identifications, au mépris de l’objet, et à la dénégation. Certains sont plus
dans la répétition de ce qu’ils ont déjà entendu, ce qui donne cette impression
d’être plus dans l’intellectualisation et la rationalisation. Le clinicien note des
passages à l’acte ou des actes de passage. La persécution due à l’identification
projective du patient borderline peut se comprendre comme étant un retour de
ce qu’il aurait projeté sur l’objet. Il reçoit littéralement en pleine figure ce qu’il
a projeté à l’autre ou à l’objet.
L’expression des affects reste superficielle chez l’adolescent à structure border-
line. Le clinicien a l’impression d’être devant une belle indifférence affective ou
une espèce d’abrasion affective ou émotionnelle. Le patient évoque ses émo-
tions avec un ton monocorde. Le plus souvent, il est triste et anxieux. Les idées
noires et suicidaires sont à investiguer, ainsi que cette anxiété. Certains patients
sont très « brouillants » sur le plan affectif.
Le surmoi est assez cruel et soumis au moi idéal qui est tyrannique. L’idéal du
moi est très haut placé, comme si le patient voulait obtenir réparation ou
sauver le monde.
Remarque
Une particularité est à souligner à l’adolescence où des signes paranoïdes
sont la manifestation de la projection des adolescents dans la tentative de
répondre au contrôle de leur corps par tous les moyens qui leur semblent
disponibles, et de préférence des passages à l’acte (les tentatives de suicide,
les scarifications, les troubles alimentaires dont l’anorexie mentale, la prise de
toxiques et de drogues, etc.). Le fonctionnement psychotique est une défense
de l’adolescent contre les pulsions libidinales, et diffère de la structure psy-
chotique telle que susceptible d’exister à l’âge adulte.
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Marcelli, D. (1999). Entretien avec l’adolescent et son évaluation. Encyclopédie
Médico-Chirurgicale. Psychiatrie. article 37-213-A-10.
J M
Jeu, 106, 158, 194, 353 Maintenance du psychisme, 168
––de compétition, 339 Maîtrise de l'environnement, 264
––de foulard, 341 Maltraitance, 53, 182
––de mots, 198 Maniaco-dépressif (trouble), 18
––de rôle, 339 Maniaque
––de sport, 339 ––exploration de la phase, 316
––solitaire, 339 ––fonctionnement, 276
––symbolique, 136, 230, 250 Manie, 123, 198
––théâtral, 133 Masturbation, 89, 96, 250
Joie, 311 Mécanismes
––démesurée, 309 ––archaïques, 252
Jouets, 46 ––de défense, 249
Jugement (fausseté du), 193 Mécontentement, 308
Méfiance fondamentale, 149
K Méfiant (trait), 161
Klein Mélanie, 5, 130, 260, 290 Mégalomanie, 151
Mémoire, 177
L ––à court terme, 178
Labilité affective, 311 ––à long terme, 178
Lacan, 5, 18 ––de travail, 178
Langage, 227, 231, 233 ––eidétique, 179
––adultomorphe, 378 ––épisodique, 179
––compétences, 105 ––explicite, 179
––écrit, 228 ––exploration, 185
–– – exploration, 233 ––implicite, 178
––émotionnel, 41 ––motrice, 178
––exploration, 228 ––perceptive, 179
––extravagant, 236 ––photographique, 179
––laconique, 229 ––procédurale, 178
––oral, 90, 228 ––sémantique, 180
–– – exploration, 231 ––sensorielle, 179
Lapsus, 19 Mémorisation (processus de), 178
Latéralisation, 240 Mensonge, 181, 270, 280