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L’attachement : Approche Théorique

4th Edition Guédeney


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Des mêmes auteurs, dans la même collection


Petite enfance et psychopathologie, par A. Guédeney. 2014, 312 pages.
L’attachement : approche clinique, par N. Guédeney et A. Guédeney. 2010,
256 pages.

Dans la même collection


Psychopathologie transculturelle, par T. Baubet, M.-R. Moro. 2009, 312 pages.
Enfance et psychopathologie, par D. Marcelli, D. Cohen. 2009, 8e édition,
736 pages.
Psychopathologie du sujet âgé, par G. Ferrey, G. Le Gouès. 2008, 384 pages.
Adolescence et psychopathologie, par D. Marcelli, A. Braconnier. 2008,
7e édition, 720 pages.
Psychopathologie de la scolarité. De la maternelle à l’université,
par N. Catheline. 2007, 2e édition, 352 pages.
Introduction à la psychopathologie, par A. Braconnier, E. Corbobesse,
F. Deschamps et al. 2006, 352 pages.
La schizophrénie de l’adulte. Des causes aux traitements, par M. Saoud,
T. d’Amato. 2006, 248 pages.
Psychopathologie de l’adulte, par Q. Debray, B. Granger, F. Azaïs. 2005,
3e édition, 416 pages.
L’autisme et les troubles du développement psychologique, par P. Lenoir,
J. Malvy, C. Bodier-Rethore. 2003, 240 pages.
Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant, par P. Mazet, S. Stoléru.
2003, 448 pages.

Autres ouvrages
Le développement affectif et intellectuel de l’enfant, par B. Golse.
Collection « Médecine et Psychothérapie ». 2008, 4e édition, 400 pages.
Manuel de psychologie et de psychopathologie clinique générale,
par R. Roussillon et al. Collection « Psychologie ». 2007, 720 pages.
L’angoisse de séparation, par D. Bailly. Collection « Médecine
et Psychothérapie ». 2004, 2e édition, 160 pages.
Collection Les âges de la vie
Dirigée par Pr D. Marcelli

L’attachement : approche
théorique
Du bébé à la personne âgée

Nicole Guédeney et Antoine Guédeney


Avec la collaboration de :
M.P. Allona, F. Atger, V. Bekhechi, C. Brisset, M. Darnaudery,
R. Dugravier, S. Gandillot, C. Genet, C. Lamas, S. Leblanc, I. Matos,
A.-S. Mintz, F. Perdereau, M.-O. Pérouse de Montclos, C. Rabouam,
C. Sabatier, A.J. Santos, F. Silva, S. Tereno, M. Veríssimo, L. Vulliez Coady

Préface du Professeur Peter Fonagy

4e édition
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ISBN : 978-2-294-74520-1
e-ISBN : 978-2-294-74579-9

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux CEDEX


www.elsevier-masson.fr
Liste des collaborateurs
Maria Paz Allona, psychologue, professeur adjoint de diagnostic et traite-
ment de l’enfant et de l’adolescent, Universidad del Salvador, Buenos
Aires.
Frédéric Atger, pédopsychiatre, ancien chef de clinique-assistant des hôpi-
taux de Paris, chef de service, Bureau d’Aide Psychologique Universitaire,
Fondation Santé des Étudiants de France, Paris.
Violaine Bekhechi, pédopsychiatre, praticien hospitalier, CAMPS, CHR
d’Orléans.
Camille Brisset, docteur en psychologie, maître de conférences en psy-
chologie du développement et psychologie interculturelle, université de
Bordeaux.
Muriel Darnaudery, docteur en biologie et santé, professeur des universités
en neurosciences, université de Bordeaux, laboratoire NutriNeurO, UMR
INRA 1286, Bordeaux.
Romain Dugravier, pédopsychiatre, praticien hospitalier, centre de psy-
chopathologie périnatale, Institut Paris Brune (CPPB), centre hospitalier
Sainte-Anne, Paris.
Sophie Gandillot, psychologue clinicienne, CMPE, CHU Mignot, Versailles.
Christine Genet, psychiatre, praticien hospitalier, centre hospitalier Jean-
Martin-Charcot, Plaisir.
Antoine Guédeney, pédopsychiatre, praticien hospitalier, professeur de psy-
chiatrie de l’enfant et de l’adolescent, chef du service de psychiatrie de
l’enfant et de l’adolescent, 10e Intersecteur de Psychiatrie Infanto-Juvénile
de Paris, hôpital Bichat-Claude-Bernard, université Diderot-Paris VII.
Nicole Guédeney, pédopsychiatre, ancien chef de clinique assistant des
hôpitaux de Paris, praticien hospitalier, docteur ès sciences, médecin
responsable du 2e Intersecteur de Psychiatrie Infanto-Juvénile de Paris,
département de psychiatrie infanto-juvénile, Institut Mutualiste Mont-
souris, Paris.
Claire Lamas, psychiatre, médecin adjoint, département de psychiatrie
infanto-juvénile, Institut Mutualiste Montsouris, Paris.
Stéphanie Leblanc, professeur en psychopédagogie à l’université du Québec
à Rimouski, Canada.
Ines Matos, docteur en psychologie, institut de psychologie, université Paris
Descartes-Sorbonne Paris Cité, laboratoire de psychopathologie et proces-
sus de santé (LPPS, EA4057).
VI

Anne-Sophie Mintz, pédopsychiatre, praticien hospitalier, département de


psychiatrie infanto-juvénile, Institut Mutualiste Montsouris, Paris, CMP
du 2e Intersecteur de Psychiatrie Infanto-Juvénile de Paris.
Fabienne Perdereau, pédopsychiatre, ancien chef de clinique-assistant de la
faculté de Paris, praticien hospitalier, thérapeute familiale au CSMRP de
la MGEN, Paris.
Marie-Odile Pérouse de Montclos, pédopsychiatre, praticien hospitalier,
chef du service de psychologie et psychiatrie de l’enfant et de l’adoles-
cent, centre hospitalier Sainte-Anne, Paris.
Catherine Rabouam, psychologue clinicienne, centre médico-psycholo-
gique, Institut Mutualiste Montsouris, Paris.
Colette Sabatier, professeur émérite, université de Bordeaux.
António J. Santos, professeur agrégé, William James Center for Research,
ISPA, Instituto Universitário, Lisbonne.
Filipa Silva, doctorante, William James Center for Research, ISPA, Instituto
Universitário, Lisbonne.
Susana Tereno, docteur en psychologie, professeur associée, psychologue
clinicienne, thérapeute familiale, institut de psychologie, université Paris
Descartes-Sorbonne Paris Cité, laboratoire de psychopathologie et proces-
sus de santé (LPPS, EA4057).
Manuela Veríssimo, professeur agrégée, William James Center for Research,
ISPA, Instituto Universitário, Lisbonne.
Lauriane Vulliez Coady, pédopsychiatre, médecin des hôpitaux, service de
pédopsychiatrie du CHRU de Besançon, université de Franche-Comté.
Préface à la quatrième
édition1
La théorie de l’attachement et les considérations cliniques qui s’y rattachent
ont souvent été perçues comme se situant en opposition à la psychanalyse
et à la psychiatrie dynamique. Beaucoup d’entre nous qui travaillons dans
les deux champs ont soutenu que cette opposition était fausse, et perpétuée
surtout du fait de présupposés et de conceptions erronées. L’ignorance sous-
tend le plus souvent les opinions trop contrastées. Ce qui a échappé aux
penseurs de la psychodynamique — et de fait à d’autres dans des domaines
plus proches de la théorie de l’attachement —, c’est la complexité de cette
théorie et son approche relativement nuancée, et multifacettes, de l’étude
de la subjectivité humaine.
La théorie classique de l’attachement s’oppose en effet à la psychanalyse,
et il existe des raisons historiques à cette opposition. La théorie de l’atta-
chement est apparue à une période où le concept récemment découvert
de réalité psychique dans certains groupes masquait l’intérêt vis-à-vis du
monde objectif. La théorie de John Bowlby fut une réaction à un déséqui-
libre, une antithèse face à une certaine théorie psychanalytique, et elle a dès
lors sans doute exagéré l’importance de la vérité historique au-delà de ce
qui était plausible ou cliniquement pertinent. La dialectique a donc pris un
certain temps à se résoudre. La synthèse entre psychanalyse et attachement
a commencé à émerger dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix,
et la première édition de ce livre a joué un rôle significatif pour clarifier
certaines des confusions qui ont entouré la controverse.
La critique de la théorie de l’attachement ne se limite pas à la psycha-
nalyse. Les psychologues du développement et les spécialistes des neuros-
ciences font ensemble la même objection à la théorie de l’attachement,
qu’ils perçoivent comme étant monolithique, trop figée dans le paradigme
de la « Situation étrange » et à ses quatre catégories, et qui semble ne pas
se soucier des processus développementaux qui ne décrivent pas un che-
min de l’un des quatre modes d’attachement à l’autre. La flexibilité réelle
du système de l’attachement, son manque relatif de validité et de stabilité
au cours du temps étaient considérés comme une limitation bien plus que
comme un atout. La théorie de l’attachement, étant non déterministe, pou-
vait être discréditée du fait même qu’elle n’indiquait pas de mécanisme
stable produisant des modes d’adaptation stables. De la même façon que
pour la psychanalyse, il a fallu un temps considérable à nos collègues

1. Traduit de l’anglais par Antoine Guédeney.


VIII

développementalistes pour considérer la théorie de l’attachement comme


une théorie du développement et comme un ensemble paradigmatique de
concepts qui permette à la psychopathologie de s’inscrire dans un modèle
plus général du trouble mental.
Malgré cela, la psychopathologie du développement est devenue ces
vingt dernières années sans doute la perspective la plus généralement tenue
quant à l’étiologie des troubles psychologiques. La contribution première
de Bowlby ne fut pas de séparer les gens en sécures ou insécures du point de
vue de l’attachement ; ce fut de considérer le développement comme un
arbre dont les branches se séparent vite, mais qui peuvent cependant abou-
tir à un point commun, ce qui peut nous donner une idée quant à l’origine
possible, mais pas une idée précise de son point d’origine.
Ce qui est nécessaire pour avancer dans ce débat, et ce que le livre des
Guédeney et de leurs collègues apporte, est une vue générale et très élaborée
de l’état actuel du champ de l’attachement. Pourquoi est-ce important ?
L’attachement est un concept psychologique de grande étendue qui a été
appliqué à la compréhension scientifique d’un large ensemble de devenirs.
Il couvre à peu près tout, depuis les soins que reçoit un bébé, l’expérience
que l’enfant développe lors de ces soins, et les fonctions que jouent ces
soins dans le développement de l’enfant tout au long de sa vie, avec le
développement de capacités clefs du point de vue psychologique, d’impor-
tantes adaptations ou mal-adaptations ou anomalies comportementales
qui peuvent être mises en lien avec des carences cruciales des premières
expériences ; l’attachement couvre encore le développement des relations à
travers l’adolescence jusqu’à l’adulte, les avatars des relations amoureuses
avec le partenaire adulte, avec les parents et les amis, la manière dont nous
sommes capables de supporter les défis que la vie nous jette, qu’il s’agisse
de la maladie, du trauma ou des soucis professionnels quotidiens ; c’est
encore la façon dont nous réagissons aux interventions psychologiques,
et dont nous sommes capables ou non d’utiliser l’aide psychiatrique ou
psychologique. Même la qualité de la façon de vieillir est modulée par la
qualité de l’attachement.
Pour saisir toute cette complexité, nous devons faire appel à une sorte de
matrice qui puisse intégrer les domaines d’investigation et les capacités ou
les mécanismes impliqués dans l’attachement et qui se font percevoir dans
la liste des conséquences développementales listées ci-dessus. En termes de
domaines d’investigation, la recherche « attachement-pertinente » couvre
un large spectre, depuis la biologie moléculaire et la génétique en passant
par les caractéristiques structurales et fonctionnelles du développement
cérébral, du développement émotionnel et cognitif, pour en venir à ce qui
est sans doute le domaine le plus important, celui de la construction des
relations intimes, la formation des organisations sociales et le comporte-
ment individuel autant que systémique.
IX

Saisir les mécanismes en même temps que les différents niveaux d’obser-
vation où ils interviennent semble être une tâche impossible en l’état
actuel des connaissances. Si nous visualisons le domaine de l’attachement
comme étant une grille dans laquelle les capacités ou les fonctions sont des
colonnes, et les niveaux d’observations des rangs, nous ne percevons une
matrice que bien peu remplie. Par exemple, la régulation émotionnelle
peut être un aspect essentiel du domaine de l’attachement — et on en
connaît de fait beaucoup sur le plan psychométrique, et sans doute un
peu sur le plan comportemental. Cependant, son impact sur les systèmes
sociaux et encore moins son niveau moléculaire sont bien moins clairs.
De la même façon, les observations du comportement comme la Situation
étrange s’adressent seulement à la qualité des interactions parent-enfant ;
elles échouent à se généraliser à d’autres contextes ; attendre d’elles qu’elles
le fassent comporte le risque d’un coup fatal à toute attente monolithique
de systématisation.
Heureusement, la complexité du concept d’attachement a été mise en
relief de façon vive, à mesure que le champ maturait. Nous n’attendons
plus de trouver de simples relations linéaires entre les capacités liées à l’atta-
chement et les différents systèmes dans lesquels ces différentes capacités
sont observables. Nous n’attendons plus non plus un système chronolo-
gique par trop simplifié, dans lequel on pourrait décrire une ligne temporale
directe entre les capacités et les niveaux d’observation. L’avènement de la
théorie de l’attachement a pour conséquence que nous parlons maintenant
d’une interaction complexe de systèmes et de capacités, et non plus d’un
modèle explicatif simple, pas plus simple que ne le sont les concepts simi-
laires de santé, de travail ou d’éducation. Toute tentative de localiser la santé
dans un organe, ou même dans plusieurs systèmes, ou même encore dans
un seul niveau comportemental, anatomique ou physiologique donnerait
lieu à un modèle singulier et biaisé. Il n’y a aucune raison de considérer
l’attachement comme un modèle qui soit d’aucune façon moins simple que
celui de ces concepts généraux.
Ce que ce livre réalise de façon brillante et, de mon point de vue, d’une
manière extraordinairement utile est de tenter de rendre compte de
façon véridique, de représenter le travail sur l’attachement dans toute sa
complexité. Il ne procure pas une réponse simple à la question de savoir
où « situer » le concept, mais peut-être cela n’est-il pas plus possible que de
chercher à localiser le gouvernement à Paris. C’est un traitement équilibré
et intelligent d’une question en cours d’élaboration. Il contient un grand
nombre d’informations, à même de corriger les erreurs, les préjugés et les
appréhensions à propos de l’attachement. Les auteurs sont parmi les plus
avertis dans ce domaine, et leur connaissance de la littérature est impres-
sionnante. Ce livre est à jour, mais contient beaucoup de ce qui est devant
nous ; à cet égard, il est visionnaire.
X

Je suis ravi que ce livre paraisse en français, puisque la controverse sur ce


sujet est sans doute plus importante dans le monde francophone que dans
le monde anglo-saxon. J’espère vraiment que ce livre touchera le très large
lectorat qu’il mérite.
Peter Fonagy, PhD, FBA, FMedSci, OBE
Professor and Head, Research Department of Clinical,
Educational and Health Psychology, University College London,
London, UK, Chief Executive, Anna Freud Centre, London, UK
Traduit de l’anglais par Antoine Guédeney.
Préface à la troisième
édition
L’histoire des idées, en psychologie, est curieuse. Logiquement, on devrait
se poser une question, tâtonner dans les théories, expérimenter et soudain,
eurêka !, trouver l’idée révolutionnaire qui nous ferait progresser.
Ça ne se passe jamais comme ça. Lorsque j’étais adolescent, j’ai découvert
en même temps Freud et Harlow. Au lycée, un professeur de lettres nous
avait demandé de lire Cinq psychanalyses, et j’avais été enthousiasmé par la
claire description de ces mondes intimes. À la même époque, vers 1954, les
premières expériences de Harlow avaient été publiées, je crois me rappeler,
dans un « Que sais-je ? » ; j’avais pensé que les représentations cohérentes
de la psychanalyse pouvaient être argumentées par les manipulations expé-
rimentales de l’éthologie.
Autour de moi, aucun écho ! Le contexte culturel de l’époque exigeait que
l’on choisisse son camp. Les grands succès des médicaments donnaient la
vedette à la biologie, et certains parmi nous en faisaient un a priori théorique
suffisant pour penser que la chimie expliquerait un jour tous les mystères de
l’âme. Pendant ce temps, dans le même contexte culturel, quelques dizaines
de psychanalystes, pas plus, constituaient un réseau amical, intellectuel,
conflictuel et littéraire. Certains parmi nous en faisaient un a priori suffisant
pour penser que ces représentations verbales suffisaient à expliquer tous les
mystères de l’âme.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la psychiatrie existait à peine,
encore marquée par les théories de la dégénérescence. Cette vision de la
maladie mentale expliquait pourquoi beaucoup de fous, enfermés dans les
asiles, dormaient encore sur de la paille. La psychologie balbutiait en hési-
tant entre les réflexes conditionnés et l’électrophysiologie.
Dans ces courants qui dominaient la culture, deux petits groupes margi-
naux poursuivaient leur cheminement discret. Les psychanalystes français
Jenny Aubry, Geneviève Appel et Myriam David allaient à Londres, à la
Tavistock Clinic, pour y suivre une formation en éthologie animale
avec Robert Hinde et Niklas Tinbergen. En s’inspirant de cette attitude,
René Spitz et Anna Freud avaient suivi l’évolution de groupes d’enfants
traumatisés par les bombardements de Londres. Et surtout, John Bowlby,
alors président de la Société britannique de psychanalyse, recevait une
misérable subvention de l’OMS pour décrire les effets biologiques et
psychoaffectifs de la carence en soins maternels.
XII

Vous avez bien lu : « biologiques et psychoaffectifs ». L’association de ces


deux vocables ne correspondait pas du tout aux théories du contexte. Ils
furent donc critiqués.
Fin 1964, Henri Ey organisait des rencontres confidentielles entre vétéri-
naires et psychiatres publiées sous le titre de Psychiatrie animale. La mala-
dresse du titre n’empêcha pas Jacques Lacan d’adorer ce livre.
Lorsque soudain, en 1968, un changement culturel a mis en vedette la
psychanalyse et lui a donné la parole dans les débats, les maisons d’édition
et les universités. En 1973, l’éthologie recevait un Prix Nobel de médecine
qui lui ouvrait à son tour les débats, les maisons d’édition et les universités.
En 1974, René Zazzo invitait des éthologues, des psychologues, des psy-
chiatres et des psychanalystes à échanger des lettres autour de « l’attache-
ment ». Le mot « attachement » sortait des souterrains de la recherche et
entrait bruyamment dans la culture.
Pour moi, ce colloque épistolaire a été un régal. Enfin, je retrouvai mes
amours d’adolescent, Freud et Harlow ! Pourtant, elles étaient inégales ces
lettres ! Rémy Chauvin agressait « cette pauvre Mélanie » (Klein) qui affir-
mait qu’un nourrisson tétait pour incorporer le pénis de son père ! Serge
Lebovici, voulant défendre Freud, évoquait le « suçotement auto-érotique ».
Konrad Lorenz nous dissipait avec ses « comportements de liaison chez la
crevette Hymenocera ». On critiqua le mot « amour » employé par Harlow
pour décrire l’attachement chez les macaques. Daniel Widlöcher se méfiait
de la disparition de l’inconscient. On se disputait, quoi, mais c’était passion-
nant parce que ça indiquait une nouvelle direction de penser. Il ne s’agissait
plus de choisir son clan, la pharmacie ou le divan, mais au contraire d’inté-
grer des données hétérogènes.
On parla beaucoup de ce petit « colloque épistolaire » : la plupart des
chercheurs étaient des praticiens et non des savants isolés dans les murs de
leur laboratoire. Cela explique probablement la facilité qu’ils avaient pour
intégrer des données disparates. Sur douze participants, il y avait huit méde-
cins formés à la pensée systémique : dans le système respiratoire, l’oxygène
gazeux franchit la barrière pulmonaire, puis est recueilli par les globules
rouges qui flottent dans le plasma. Tous ces éléments sont hétérogènes,
mais si l’on en supprimait un seul, le système entier cesserait de fonctionner
car il est indivisible.
Un tel raisonnement, banal pour un médecin ou un psychologue formé
aux systèmes familiaux, est difficile pour ceux qui ne se sentent à l’aise que
dans les raisonnements linéaires où une seule cause provoque un seul effet.
Depuis les années 1980, la théorie de l’attachement connaît une expan-
sion mondiale : les congrès, les laboratoires, les revues, les thèses élaborent
en abondance ce mode d’approche des mondes intimes et intersubjectifs.
Des groupes de recherches biologiques, psychologiques, sociologiques
s’associent avec des chercheurs de terrain pour produire une nouvelle
XIII

r­ eprésentation du psychisme. Tous ces travaux sont intégrés dans un système


où le lien affectif permet le développement biologique, la création de l’inter-
subjectivité et l’organisation des groupes familiaux et culturels. Comment se
nouent les premiers nœuds du lien pendant la grossesse et les interactions
précoces ? Comment s’attache-t-on à sa mère, à un substitut en cas d’adop-
tion, à son père et même à sa fratrie jusqu’alors sous-estimée ? Comment
la structure linguistique d’un discours parental peut-elle organiser la niche
sensorielle qui tutorise le développement d’un nouveau-né ? Comment
l’adolescence, le couple et la vieillesse remanient-ils l’attachement ?
Tous ces travaux sont unifiés par une méthode d’observation, une
sémiologie clinique et comportementale. On peut introduire des variations
expérimentales, on peut réaliser des méthodes comparatives de psychopa-
thologie ou de cultures différentes, en suivant des cohortes et surtout en
évaluant les styles d’attachement, leurs modifications et leurs possibles
thérapeutiques.
Dans la plupart de ces travaux, vous trouverez deux passeurs de connais-
sances : Nicole et Antoine Guédeney. Quel plaisir de présenter ce livre
auquel participent les membres de leur groupe, tous investis dans ce rôle de
transmission. On y trouve les bases les plus claires et les plus solides de cette
nouvelle manière d’aborder l’attachement.
Docteur Boris Cyrulnik
Neuropsychiatre
Directeur d’enseignement
Université Toulon-Var
Préface à la deuxième
édition
Le succès de la première édition illustre bien l’actualité et l’intérêt de cet
ouvrage. Succès mérité grâce au talent et à la compétence de ses auteurs
Antoine et Nicole Guédeney, experts reconnus internationalement sur ce
sujet de l’attachement, et des collègues réunis autour d’eux. Mérité aussi
parce que nul ne peut plus ignorer l’importance de la théorie de l’attache-
ment à la compréhension du développement des interactions précoces et
de la personnalité.
C’est indiscutablement dans ce domaine l’apport le plus important de ces
dernières décennies. Nourrie de la psychanalyse dont elle est en partie issue,
mais dont elle a su se dégager pour constituer un champ d’étude totalement
original, la théorie de l’attachement s’est considérablement enrichie depuis
les premiers travaux de Bowlby, comme l’illustre ce livre. Son intérêt est
à mes yeux double. Pour la première fois, nous disposons d’une théorie
des liens précoces qui autorise la construction d’outils d’évaluation de leurs
qualités et de leur relative stabilité au cours de la vie facilitant leur trans-
mission transgénérationnelle. Il est devenu possible d’objectiver l’impor-
tance de ces liens, d’en suivre le devenir, d’en prévoir en partie l’évolution
et ainsi de mieux prévenir leurs distorsions. C’est toute une clinique de
l’attachement et de ses troubles qui se dessine désormais et qu’illustrent
brillamment plusieurs chapitres de ce livre. Clinique qui joue également un
rôle déterminant, et largement méconnu jusqu’alors, dans les conditions
d’établissement de la relation thérapeutique et, au-delà, dans la qualité de
l’alliance thérapeutique avec les patients, adultes et enfants, mais égale-
ment avec les parents de ceux-ci, et à la fois avec et entre les différentes
catégories de soignants.
L’autre intérêt, qui n’est pas moindre, résulte de la nature même de la
théorie de l’attachement. Elle a le mérite, considérable à mes yeux, d’établir
une continuité forte entre les animaux supérieurs et l’homme dans leur
capacité d’attachement. C’est par une meilleure compréhension des bases
biologiques communes, dont la génétique illustre bien l’importance, que
l’on pourra mieux définir ce qu’il peut y avoir de propre à l’humain dans
son développement. La théorie de l’attachement vient ainsi opportunément
rappeler qu’une disposition au lien se développe à partir de potentialités
innées, propres aux êtres vivants ayant un cerveau suffisamment développé,
dont la qualité plus ou moins sécure va dépendre de la rencontre entre le
tempérament sous-jacent à ces potentialités innées et la nature des réponses
des premiers objets d’attachement. Cette capacité d’attachement existe
XVI

chez l’animal indépendamment de la sexualité, renforçant la présomption


qu’il en soit ainsi chez l’homme. Ce qui paraît spécifique à l’homme, c’est
le développement progressif d’une activité de représentation qui va croître
considérablement, conférant ainsi à l’être humain, et à lui seul jusqu’à pré-
sent, une capacité réflexive propre.
La théorie de l’attachement illustre cette continuité de l’animal à l’homme
quant à cette capacité biologique fondamentale de s’attacher, indépendam-
ment de toute sexualité. Continuité que l’on retrouve avec les instincts fon-
damentaux, sexualité, agressivité ainsi que les émotions les plus basiques.
Ce qui change, en revanche, c’est cette capacité de l’être humain d’en pren-
dre conscience et de saisir, consciemment mais aussi inconsciemment, qu’il
en est « affecté » et que cela modifie son équilibre interne et plus tard sa
représentation de lui-même et de lui-même en lien avec les autres. Que très
vite, pour ne pas dire immédiatement, cette « affectation » par les émo-
tions introduise quelque chose de l’ordre du sexuel, du fait en particulier de
l’intrusion d’une forme de sexualisation de la part de l’adulte objet d’atta-
chement, c’est vraisemblable et même cliniquement certain. Mais il est en
revanche moins certain que cette participation sexuelle à « l’affectation »
du Moi, conscient et inconscient, soit l’organiseur central de la vie psy-
chique et du développement de la personnalité.
La clinique, notamment du fait des changements induits par les trans-
formations sociofamiliales, montre que la problématique de la sécurité nar-
cissique du Moi, de sa qualité de confiance dans ses objets d’attachement
occupe un rôle primordial dans le développement de la personnalité, dans
la régulation du lien aux objets et dans celle des représentations de menace
qui pèsent sur le Moi autour de ces deux modalités essentielles d’angoisse
que sont l’angoisse d’abandon et celle de fusion-intrusion. Parce qu’il est
nécessaire, l’attachement représente une menace potentielle pour l’autono-
mie du sujet. C’est le paradoxe de la condition humaine, du fait de son accès
à la conscience réflexive. Ses distorsions rendent le sujet plus vulnérable
aux variations de la distance relationnelle. La sexualité est un des moteurs
essentiels de cette variation. Elle peut apparaître alors comme une menace.
Mais le caractère menaçant de la sexualité n’est pas tant le fait de celle-ci
que celui de cette vulnérabilité d’un Moi rendu insécure notamment par la
nature de ses attachements. Cela change l’ordre des priorités et ne peut pas
être sans conséquence sur la nature de l’aide à apporter au Moi. La sexualité
a un rôle déclencheur sans être cause. Mais elle peut être aussi une réponse.
Tout déséquilibre important du sentiment de sécurité du Moi mobilise des
émotions intenses et des réponses instinctuelles, qu’elles soient de l’ordre
de l’agressivité et/ou de la sexualisation, qui peuvent occuper le devant de
la scène mais dont le moteur est plus la défense primaire d’un Moi menacé
dans son équilibre et son territoire que l’expression d’une pulsion sexuelle.
XVII

La théorie de l’attachement prend son développement actuel dans ce


contexte de modifications importantes de la clinique et donc des réponses
thérapeutiques. Contexte qui met en avant le travail du Moi pour se
maintenir à flot dans un environnement social où il perd les appuis des
contraintes surmoïques tandis que s’accroissent les sollicitations de l’envie,
les exigences de l’idéal et l’exposition du narcissisme. Elle contribue à enri-
chir le débat sur la place respective des contraintes innées, notamment
génétiques, et du poids des avatars des interactions ; sur celle des fantasmes
versus la qualité des assises narcissiques et de la force du Moi.
Ce livre est plus qu’une introduction à la théorie de l’attachement et à ses
développements cliniques et thérapeutiques. Il est un véritable manuel de
formation et d’initiation aux perspectives offertes par cette approche, qui
s’annoncent très ouvertes. Écrit dans un style clair, facile à lire, il est aussi
précis que bien documenté. Il s’adresse à tous ceux, cliniciens, soignants et
chercheurs, désireux de s’ouvrir à un nouveau regard sur un champ essen-
tiel du développement de la personnalité. Un apport réellement novateur
qui interroge les théories existantes de façon pertinente, sans pour autant
les rendre caduques.
Professeur Philippe Jeammet
Chef de service de psychiatrie de l’adolescent
et du jeune adulte Institut Mutualiste Montsouris, Paris
Préface à la première
édition
C’est avec un grand plaisir que je salue cet ouvrage dont Nicole et Antoine
Guédeney assurent la direction. Il constitue un jalon essentiel dans l’histoire
de la théorie de l’attachement et de ses applications pratiques en France. En
le centrant sur l’œuvre de Bowlby et de ses successeurs, ils rendent ainsi
justice à un auteur et une théorie qui ont suscité en France beaucoup de
résistances.
En réalité, il s’agit de la reprise d’un débat aussi ancien que l’histoire de
la psychanalyse et qui concerne le rôle de l’amour primaire par rapport au
développement de la sexualité infantile fondée sur l’étayage. Si la théorie
de l’amour primaire a connu un intérêt et un développement d’abord en
­Hongrie, sa terre d’origine, puis en Grande-Bretagne et dans le monde de
culture anglaise, la France lui a opposé un certain refus lié à une antipa-
thie vis-à-vis de l’observation directe du jeune enfant, trop souvent perçue
comme une menace à l’orthodoxie de la cure psychanalytique. Ce débat
doit être pris en compte, car il ne fait pas de doute que les remèdes thérapeu-
tiques issus de la théorie de l’attachement viennent compléter l’approche
psychanalytique par des pratiques de soin que Freud n’aurait pas récusées
quand il proposait « l’alliage de l’or pur de la psychanalyse avec le cuivre de
la suggestion directe ».
Ce livre est conçu d’une manière remarquablement informée et claire :
une histoire des concepts, une description des outils d’évaluation et une
présentation des applications thérapeutiques. Il est un guide précieux non
seulement pour tous ceux qui travaillent dans le champ de la santé men-
tale de l’enfant, mais aussi dans la pratique de diagnostic et de soin chez
l’adolescent et le groupe familial. Les auteurs, autour de Nicole et Antoine
Guédeney, ont le grand mérite d’être à la fois des praticiens éprouvés et des
enseignants qui, depuis des années, assurent la transmission de leur savoir
et de leur expérience en ce domaine. Cet ouvrage consacre leur travail, il en
est la brillante expression pour l’intérêt du lecteur.
Daniel Widlöcher
Professeur émérite
Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI)
Avant-propos
à la quatrième édition
La quatrième édition du livre L’attachement du bébé à la personne âgée :
approche théorique sort treize ans après la première édition. Depuis, la théo-
rie de l’attachement est devenue en France une théorie incontournable, en
particulier dans le domaine de la petite enfance. Sa force théorique, son
évidence scientifique, sa pertinence clinique sont reconnues.
Notre objectif reste cependant le même que lors de la première edition :
transmettre l’actualité de cette théorie et rappeler sa complexité derrière
son apparente simplicité. La théorie de l’attachement ne se résume pas
à une typologie simpliste de sécurité ou d’insécurité. Pour l’utiliser de
manière optimale, il est nécessaire de rappeler la révolution scientifique
qu’elle représente, obligeant à abandonner la perspective psychanaly-
tique classique privilégiant l’intrapsychique, en intégrant les données les
plus modernes de l’éthologie, de la psychologie du développement, de la
psychologie évolutionniste, des théories cognitivo-émotionnelles et sys-
témiques, des neurosciences et de la génétique et de l’épigénétique. On
ne peut pas comprendre tout ce qu’apporte cette théorie en l’exposant de
manière superficielle, approximative, analogique. Les étudiants du diplôme
universitaire de l’Attachement tout au long de la vie, que nous dirigeons
depuis 2002, le savent bien ; au milieu des 120 heures de cours, ils vivent un
véritable changement de paradigme dans leur manière de considérer leur
pratique, voire leur propre parcours de vie.
Cette édition a donc voulu montrer les développements les plus récents
de la théorie de l’attachement, tout en en rappelant les principaux concepts
et fondements. En particulier, le courant psychosocial de l’attachement,
qui, à notre avis, représente l’avenir de la théorie appliquée à l’adulte, a été
amplement développé au long de trois chapitres spécifiques. Les neuros-
ciences et la génétique enrichissent la théorie de l’attachement : elles sont
l’objet de deux chapitres qui développent en particulier l’importance de
l’ocytocine et des interactions Gènes×Environnement. Devant les ques-
tions des lecteurs de nos précédentes éditions, l’évaluation a été aussi
développée avec un chapitre pour chaque tranche d’âge (petite enfance,
enfance, adolescence, adulte), et un chapitre entier a été consacré à l’Adult
Attachment Interview. Des aspects qui n’avaient encore pu être développés
dans les précédentes éditions, comme l’attachement et la sexualité chez
l’adulte ou l’attachement dans le contexte social, ont été abordés. Ils mon-
trent l’éclairage de la théorie de l’attachement sur des dimensions si impor-
tantes pour l’être humain. Deux chapitres (représentations et transmission
XXII

transgénérationnelle) ont été entièrement revisités en profitant de l’expé-


rience de collègues et amis portugais de l’université de Lisbonne, haut lieu,
avec l’université du Minho, de la recherche européenne dans la théorie de
l’attachement. Peu de chapitres sont restés tels quels — il s’agit essentielle-
ment de ceux consacrés à l’histoire et aux concepts ainsi que ceux créés
lors de la précédente édition (attachement désorganisé et mentalisation).
Tous les autres ont été révisés. Nous avons voulu à la fois actualiser les
connaissances mais aussi clarifier certains passages qui avaient pu être trop
condensés dans les éditions précédentes.
Cette quatrième édition a vu le jour grâce au dynamisme et à l’enthou-
siasme d’un groupe. Ce groupe a une vie propre depuis quinze ans. Certains
membres sont partis, d’autres sont arrivés, beaucoup sont restés. Les auteurs
sont chacun des spécialistes dans leur domaine. Connaissance approfondie
des auteurs internationaux, formations validées aux outils d’évaluation,
échanges avec les « attachementistes » du monde entier, mise en place de
recherches reconnues les caractérisent. Nous leur témoignons ici toute notre
gratitude pour leur engagement et notre plaisir au cours de ces échanges
créatifs et stimulants.
Nous espérons que les lecteurs de cette édition auront envie de continuer
d’approfondir leur connaissance de la théorie, surtout après avoir décou-
vert la deuxième édition du tome « Approche clinique » qui sortira dans
quelques mois. C’est aussi ici l’occasion de témoigner notre reconnaissance
à nos éditeurs de Masson-Elsevier, qui nous ont toujours manifesté leur
confiance, et au professeur Daniel Marcelli, directeur de la collection, sans
qui rien n’aurait été possible
Nicole et Antoine Guédeney
Abréviations
AAI Adult Attachment Interview (entretien d’attachement de l’adulte)
AAP Adult Attachment Projective Picture System
AAQ Adolescent Attachment Questionnaire
AAS Adult Attachement Scale
AAW Adult Attachment at Work
ABC Attachment and behavioral catch-up
ADPA Attachment Doll Play Assessment
ADS Attachment During Stress
AICA Attachment Interview for Chilhood and Adolescence
AMBIANCE 
Atypical Maternal Behaviour Instrument for Assessment and Classification
AMMI Adult Multiple Model Interview
AQS Attachment Q-Sort
ARQ Adolescent Relationship Questionnaire
ASCT Attachment Story Completion Task
ASI Attachment Style Interview
ASQ Attachment Style Questionnaire
CAI Child Attachment Interview
CaMIR Cartes pour les modèles internes de relation
CBCS Caregiving Behaviour Classification System
CIT Couple Interaction Task
CRI Current Relationship Interview
DAI Disturbances of Attachment Interview
ECR Experiences in Close Relationships
ERS Experience of Relationships Scale
FAI Family Attachment Interview
FFI Friends and Family Interview
FR Frightened/Frightening behaviours (comportements effrayés/effrayants)
HH Hostile-Helpless (hostile/impuissant)
HPA Système neuroendocrinien hypothalamo-adrénocortical
IA Insightfulness Assessment
IbS Interesting-but-Scary
IMAO Inhibiteur des monoamine oxydases
IPPA Inventory of Parent and Peer Attachment
IRMf Imagerie par résonance magnétique nucléaire fonctionnelle
MCAST Manchester Child Attachment Story Task
MIO Modèles internes opérants
NICHD National Institute of Child Health and Human Development
PAA Preschool Assessment of Attachment
PACS Preschool Attachment Classification System
PAI Peer Attachment Interview
PAQ Parental Attachment Questionnaire
PDI Parental Development Interview
XXX

RIG Représentations d’interactions généralisées


RQ Relationship Questionnaire
RSQ Relationships Scale Questionnaire
SAT Separation Anxiety Test
SBST Secure Base Script Test
SCIP Sensitive and Challenging Interactive Play Scale
SSBS Secure Base Scoring System
SSP Strange Situation Procedure (Situation étrange)
SVP Standard Visiting Procedure
TAAI Transition to Adulthood Attachment Interview
TATP Entretien « Thinking about the parents »
VASQ Vulnerable Attachement Style Questionnaire
VIPP-SD 
Video-feedback Intervention to promote Positive Parenting and Sensitive
Discipline
WAOQ Ward Attachment Observation Questionnaire
WMCI Working Model of the Child Interview
1 La théorie
de l’attachement :
l’histoire et les
personnages

A. Guédeney

Ce chapitre retrace le contexte historique de l’avènement de la théorie de


l’attachement, de ses principales lignes de développement — la Situation
étrange de Mary Ainsworth, l’Adult Attachment Interview (AAI) de Mary
Main — et des applications thérapeutiques du concept d’attachement. Il
donne un aperçu, nécessairement incomplet, des aspects et des polémiques
apparus depuis une vingtaine d’années autour de cet extraordinaire p ­ rogrès
scientifique dans le champ de la psychologie du développement, de la
psychopathologie et de la thérapie. Ce chapitre doit beaucoup à l’ouvrage
de R. Karen, Becoming Attached (1998), et à sa remarquable reconstitution du
développement de la théorie de l’attachement.

Contexte : guerre, séparation, carence


de soins maternels
C’est après la Seconde Guerre mondiale que se cristallisent la question de
la perte et de la séparation chez le jeune enfant et celle de leurs effets sur
son développement. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la
guerre n’épargne pas les populations civiles et prend aussi pour cible les
femmes et les enfants. On peut voir un souci de réparation dans la prise en
compte, après la guerre, des effets de la séparation précoce et dans l’avène-
ment de la théorie de l’attachement. Cependant, la question du caractère
primaire de l’attachement avait déjà été soulevée par un certain nombre
de précurseurs. En Europe, on peut citer d’abord Himre Hermann (1972),
compatriote de Ferenczi, qui défend l’idée d’un besoin primaire d’agrippe-
ment, en référence aux primates, dans une perspective très moderne pour
l’époque d’utilisation des données éthologiques dans la compréhension
du développement affectif. Ian Sutie, un psychiatre écossais, évoque lui
aussi le caractère primaire de l’attachement mère-enfant mais son audience
reste limitée ; celle du psychanalyste anglais Fairbairn est plus large et plus
durable, et il est le premier à proposer un abandon de la théorie des pulsions,
ce qui n’a pas manqué d’influencer Bowlby. Il existe donc tout un groupe de

L’attachement : approche théorique


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4 Grands concepts de la théorie de l’attachement

psychanalystes anglais qui défendent, dès l’avant-guerre, une opinion qui


va à l’encontre de la théorie de l’étayage, et qui se retrouvent pour la plupart
dans le groupe des Indépendants britanniques, comme ce fut le cas pour
Balint, autre psychanalyste anglais d’origine hongroise, auteur du concept
d’amour primaire. En Angleterre aussi, Anna Freud et Dorothy Burlingham
vont décrire les effets terribles de la séparation durable chez les très jeunes
enfants, lors du Blitz de Londres. À cette occasion, Anna Freud parlera d’un
besoin primaire d’attachement et de la nécessité de le respecter, plus encore
que de protéger l’enfant des bombes. Après la guerre, Anna Freud dira à
Bowlby qu’« il eût mieux valu que chacune des puéricultrices prenne un
enfant chez elle, et que l’on ferme la nursery » (Karen, 1998, p. 62).
Aux États-Unis se développe au même moment un intérêt pour ce que
l’on appelle alors les effets de l’institutionnalisation, c’est-à-dire de l­ ’élevage
de jeunes enfants en collectivité, séparés de leurs parents. David Levy,
Sally Provence, Lauretta Bender et bien sûr René Spitz en dénoncent les
effets et rencontrent d’ailleurs des réactions violentes de déni quand ils
les évoquent.

John Bowlby
John Bowlby naît en 1907, dans un milieu aisé mais peu attentif affective-
ment. Il interrompt ses études de médecine pendant un an pour travailler
dans une institution du type de Summer Hill, dans le Norfolk, où, sous
l’influence du directeur, John Alford, un vétéran de la Première Guerre
mondiale ayant aussi fait l’expérience de la psychanalyse, il observe les liens
entre les troubles du comportement et l’histoire des enfants. Il commence
en 1929 une analyse de sept années avec Joan Rivière, proche de Mélanie
Klein, mais qui ne semble pas avoir exercé une profonde influence sur lui
(Holmes, 1993). En 1938, une supervision avec Mélanie Klein elle-même
tourne court, la mère du jeune patient étant hospitalisée pour dépression.
L’absence d’intérêt de Klein pour l’état de la mère et son rôle possible dans
les troubles du garçon scandalise Bowlby. À la même période, Mélanie
Klein lui demande alors d’analyser son fils, ce que Bowlby acceptera mais
en résistant à l’insistance de Klein pour superviser cette analyse. La guerre
survient, qui évite une confrontation directe, laquelle n’en sera ensuite que
plus dure. Bowlby s’occupe, avec Winnicott, du suivi des enfants placés à la
campagne. En 1944, il publie son étude sur « 44 jeunes voleurs, leur person-
nalité et leur vie de famille ». En 1951, l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) lui demande un rapport sur les enfants sans famille, un problème
majeur dans l’Europe de l’après-guerre. Bowlby part pour le continent et les
États-Unis. Il visite et rencontre entre autres Myriam David et Geneviève
Appel, seules Françaises avec Jenny Aubry à être citées dans son rapport
Maternal Care and Mental Health. Il y insiste sur l’abondance des faits étayant
La théorie de l’attachement : l’histoire et les personnages 5

les effets de la carence de soins maternels, qui donne lieu ultérieurement


à des relations affectives superficielles, à une absence de concentration
intellectuelle, à une inaccessibilité à l’autre, au vol sans but, à l’absence de
réaction émotionnelle. L’impact du rapport fut énorme. Il rendit Bowlby
célèbre et le plaça aussi au centre de la polémique, avec les féministes, avec
les personnels hospitaliers et avec ses collègues psychanalystes.
En 1946, Bowlby travaille à la Tavistock Clinic de Londres où il engage
James Robertson, un travailleur social en formation analytique, pour faire
l’observation des effets de la séparation en milieu hospitalier. C’est Robertson
qui décrit les trois phases évolutives de la séparation durable chez le
jeune enfant : protestation, désespoir et détachement. Le film sur Laura, en
1952, A Two Years Old Goes to Nursery, est accueilli avec suspicion, tant par
Klein ou par Bion que par les pédiatres, mais il bouleverse beaucoup de pro-
fessionnels ; il conduira progressivement à une prise de conscience et à la
modification des pratiques hospitalières. En 1969, John Goes to Nursery n’est
cependant pas mieux reçu, et les dénégations sont vives quant aux effets
de la séparation. La Société britannique de psychanalyse est alors en plein
conflit entre les partisans d’Anna Freud et ceux de Mélanie Klein. Bowlby
est tenu à l’écart et durement critiqué pour sa remise en cause radicale de la
théorie des pulsions et pour avoir cherché ses modèles dans la cybernétique,
les sciences cognitives et l’éthologie, et non dans la métapsychologie.

Mary Salter Ainsworth et la Situation étrange


C’est une psychologue canadienne qui va donner à la théorie de l’attachement
de Bowlby un prolongement expérimental et une audience scientifique consi-
dérable. Peu de situations expérimentales peuvent prétendre avoir joué un tel
rôle paradigmatique et exercé une telle influence. Mary Salter Ainsworth naît
en 1913, dans un foyer stable, mais qu’elle décrira comme émotionnellement
troublé. Elle apprend à lire à 3 ans et rentre à 16 ans à l’université de Toronto.
C’est là qu’elle apprend de William Blatz la théorie de la sécurité, qui permet
à l’enfant d’explorer le monde, et elle en fera le sujet de sa thèse. Elle suit son
mari à Londres et y répond à l’annonce de Bowlby à propos d’une recherche
sur la séparation. Engagée sur-le-champ, elle admire le travail de Robertson.
Elle aide Bowlby à répondre aux attaques sur la théorie de l’attachement et sur
les effets de la séparation précoce prolongée.
En 1954, elle part avec son mari en Ouganda, à Kampala, et y commence,
sans aucun moyen, une étude d’observation en milieu naturel de vingt-huit
bébés non sevrés, dans les villages alentour. Elle obtient une petite bourse
et cherche à préciser les effets de la séparation et du sevrage : la séparation
est-elle en elle-même traumatique ou cela dépend-il de la carence relation-
nelle antérieure ? Son observation la convainc de la justesse des thèses de
Bowlby sur le caractère primaire de l’attachement. Le livre Infancy in Uganda
6 Grands concepts de la théorie de l’attachement

(publié seulement en 1967) est le premier à proposer un schéma de déve-


loppement de l’attachement, en cinq phases, et c’est alors qu’elle propose
le concept de base de sécurité (Secure Base). Elle rentre aux États-Unis, à
Baltimore, où en 1960 Bowlby lui rend visite et se rend compte de l’impor-
tance de cette étude en milieu naturel comme support de sa théorie.
À Baltimore, Ainsworth pense à reprendre l’étude ougandaise de façon
plus systématique, avec vingt-six familles. Cherchant à comparer les deux
populations, elle se souvient d’un article de 1943 de Jean Arsenian (Young
Children in an Insecure Situation), à propos d’une situation de jeu libre en
présence et en l’absence de la mère. Elle propose alors une situation stan-
dardisée en sept épisodes de séparation et de réunion, qui aura le succès
que l’on sait, le plus grand sans doute en psychologie du développement.
La mise en œuvre de cette situation lui permet de décrire trois types prin-
cipaux de réactions à la Situation étrange. Ses études très détaillées des
relations mère-enfant lui donnent l’intuition de la relation entre ces caté-
gories d’attachement et le style de maternage correspondant.
Inge Bretherton, Everett Waters et surtout Alan Sroufe sont des élèves ou
des continuateurs d’Ainsworth en Amérique et responsables de l’étude de
l’attachement dans le Minnesota. Cette étude longitudinale montre les cor-
rélations de l’attachement sécure avec les relations aux pairs et avec la capa-
cité d’ajustement aux exigences du milieu scolaire. En 1974, Byron Egeland
commence une autre étude longitudinale avec un échantillon de deux cent
soixante-sept jeunes femmes enceintes de milieu défavorisé. Les études du
Minnesota montrent la puissante influence prédictive de la sécurité de l’atta-
chement précoce sur le développement social ultérieur et la personnalité de
l’enfant. Cette valeur prédictive donne, aux États-Unis et en Angleterre du
moins, un impact considérable à la théorie de l’attachement, qui devient un
paradigme reconnu et un sujet de recherche extrêmement actif.

Mary Main et l’Adult Attachment Interview


À Berkeley, en Californie, une élève d’Ainsworth, Mary Main, va être à
l’origine d’un autre développement majeur : le Berkeley Adult Attachment
Interview. L’étude de Berkeley, lancée en 1982 par Main, concernait qua-
rante familles de niveau social moyen dont les enfants furent suivis de la
naissance à l’âge de 6 ans. Dans l’équipe, Kaplan étudie les réponses des
enfants à la séparation, évoquée par des photos (le Separation Anxiety Test,
SAT) (Bretterton, 1995). Cassidy, Main et Goldwyn s’occupent des trans-
criptions et du codage des entretiens avec les parents. Bientôt, Main et
Goldwyn sont frappées par les correspondances entre la classification
de la sécurité de l’enfant, évaluée par la Situation étrange, et les récits
des parents. Là encore, c’est un nouvel instrument, l’Adult Attachment
­Interview (AAI), construit par George, Kaplan et Main, qui va ouvrir une
La théorie de l’attachement : l’histoire et les personnages 7

nouvelle dimension de la recherche et permettre d’interroger désormais le


niveau des représentations. C’est en effet l’analyse du discours, plus que le
contenu, qui permet de classer les récits sur les expériences d’attachement
en « ­autonomes » ou « insécures », ou, plus tard, comme dans la Situation
étrange, en représentations dites « désorganisées ». Les élèves de Main vont
jouer un rôle important pour développer et appliquer l’AAI à l’étude de la
psychopathologie de l’enfant et de l’adulte ainsi qu’à celle de la transmis-
sion intergénérationnelle de l’attachement.

Développements et polémiques
La théorie de l’attachement est dès lors sortie de l’espace géographique de
l’Angleterre et des États-Unis. Elle va également puiser dans d’autres théories
scientifiques, se dégageant de ses liens initiaux avec l’éthologie, les sciences
cognitives et la théorie de l’information. Elle se développe remarquablement
en pays de culture anglo-saxonne et beaucoup moins en pays de culture latine,
du moins dans ceux où l’influence psychanalytique est forte, sauf peut-être en
Italie. Mais ce développement n’est pas facile et s’émaille de remises en ques-
tions, de retours en arrière et de polémiques. Il est également pour Bowlby
et sa théorie l’occasion de nouvelles v ­ alidations, de développements et aussi
de reconnaissance par ses pairs. Ce fut le cas avec la revue exhaustive et cri-
tique de Michael Rutter (1972) sur la t­héorie de l’attachement et le concept
de carence maternelle, qui conclut à sa validité. La Société ­britannique de
psychanalyse offre à Bowlby un hommage posthume et reconnaît et regrette,
dans une séance émouvante mais encore conflictuelle, son attitude d’exclu-
sion face à la théorie de ­l’attachement (Rayner, 1990). En France, le débat
s’ouvre grâce au « Colloque imaginaire », organisé par René Zazzo (1979),
auquel participent, parmi les psychanalystes, Daniel Widlöcher, plutôt parti-
san des thèses de Bowlby et qui proposera plus tard lui aussi un abandon de
la théorie des pulsions, Serge Lebovici, plus ambivalent mais qui reconnaît le
caractère novateur de la théorie et l’intérêt des modèles éthologiques, et Didier
Anzieu qui proposera sa théorie du moi-peau et l’idée d’une pulsion d’atta-
chement. Aux États-Unis, cependant, le débat est vif, avec des critiques sur la
validité de la Situation étrange (Lamb, Kagan), avec les milieux féministes sur
la question de la place de la mère et enfin à propos des effets de la crèche
sur la sécurité de l’attachement des enfants. Ce débat oppose vivement Jay
Belsky (2001) et Sandra Scarr. Il s’apaise, de façon relative, après une large
étude du National Institute of Mental Health (NIMH) qui va dans le sens de
l’innocuité du mode de garde collectif vis-à-vis de la sécurité de l’attachement ;
mais l’étude ne concerne évidemment que les crèches de bonne qualité. Un
autre débat concerne la validité transculturelle du concept d’attachement,
la valeur adaptative de l’attachement et l’empreinte de la culture sur ses systèmes
d’attachement, et sur les soins qui lui sont donnés (caregiving ­environment).
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— Kelpo poikani, hän sanoi, — kenenkään aivoitukset eivät ole
samanlaisia kuin toisen! Alkuasukkaat ovat yliluonnollista väkeä —
siksi minä tunnen heidät. Olen itsekin jonkinmoinen yliluonnollinen
lintu.

Asetettuaan tavaransa paikoilleen hän lähetti hakemaan


Bosamboa, ja tämä arvon herra saapui yllään muhkea vaatteus ja
istuutui nöyrästi portaitten eteen.

— Bosambo, sanoi komissaari äkeästi, — sinulla on marakatin


kieli, joka pauhaa alati.

— Herra, on hyvä, että marakatit rähisevät, vastasi kiikkiin joutunut


päällikkö, — muuten ei metsästäjä voi niitä pyydystää.

— Voi niin olla, sanoi Sanders, — mutta jos rähinä on kyllin suuri
hämmentääkseen metsästäjän, niin ne ovat vaarallisia petoja. Saat
myöhemmin kertoa Mlakan verenmyrkytyksestä, mutta nyt sano,
miksi haluat olla kanssani hyvissä väleissä. Sinun ei tarvitse
valehdella, sillä me keskustelemme kuin miehet.

Bosambo katsoi pelottomana herraansa silmiin.

— Herra, sanoi hän, — minä olen pienen kansan pieni päällikkö.


He eivät ole minun heimoani, mutta kuitenkin hallitsen heitä viisaasti.
Olen tehnyt heistä taistelevan kansan, kun he olivat naisia.

Sanders nyökkäsi.

— Se on totta; ja ellei niin olisi, olisin passittanut sinut aikoja sitten.


Sen tiedät. Myöskin sen, että olen sinulle kiitollinen eräistä seikoista.
— Herra, sanoi Bosambo vakavana, — en ole suosion kerjäläinen,
sillä olen, niin kuin tiedät, kristitty ja tunnen pyhän Pietarin ja pyhän
Paavalin sekä muita pyhimyksiä, joiden nimet olen unohtanut. Mutta
minä olen parempi mies kuin kaikki nämä päälliköt ja haluan päästä
kuninkaaksi.

— Kuinka? kysyi hämmästynyt Sanders.

— Kuninkaaksi, herra, sanoi Bosambo häpeilemättä, — sillä minut


on luotu kuninkaaksi, ja eräs poppamies krulaisten maassa ennusti,
että minä tulen hallitsemaan suuria maita.

— Et tällä puolen taivaan, sanoi Sanders kuivasti. Hän ei lausunut


»taivaan», vaan sivuutti sen.

Bosambo epäröi.

— Ochori on pieni paikka ja ochorilaiset pieni kansa, — sanoi hän


puolittain itsekseen, — ja minun naapurinani asuu Mlaka, joka
hallitsee kolme kertaa niin suurta ja rikasta aluetta.

Sanders maiskautti huuliaan kärsimättömästi, mutta sitten asian


huvittavuus tempaisi hänet valtoihinsa.

— Mene Mlakan luo, hän virkkoi virnistäen itsekseen, — ja sano


hänelle, mitä olet sanonut minulle. Jos Mlaka antaa
kuningaskuntansa sinun huostaasi, niin minä suostun siihen.

— Herra, sanoi Bosambo, — minä teen niin, sillä olen suurten


yritysten mies ja minulla on onni myötä.

Kopeana kuin hallitsijan poika ainakin hän harppoi puiston läpi ja


hävisi.
Seuraavana aamuna Sanders sanoi hyvästit hra Franksille —
rannikkolaivan saapuminen antoi hänelle aihetta kiirehtiä tämän
lähtöä. Päälliköt olivat lähteneet auringon noustessa, ja illalla
Sandersin elämä oli palautunut säännölliseen uomaansa.

Hiljalleen kului kaksi kuukautta, minkä ajan kuluttua Mlaka vieraili


lankonsa, Ngombin Kulalan luona, joka oli huomattava mies, sillä
hän oli viidensadan keihään ja kuuluisien metsästäjien herra.

He pitivät palaverin, jota kesti melkein viikon, ja päättäjäisiksi


pidettiin suuri tanssi.

Oli enemmän kuin sattuma, että neuvottelujen viimeisenä päivänä


kaksi värisevää Ochorin miestä tuotiin kylään ja uhrattiin.

Sitten seurasi tanssi.

Seuraavana aamuna Mlaka ja hänen sukulaisensa lähtivät


Ochoria vastaan ottaen matkallaan kiinni miehen, jonka Mlaka tunsi
Sandin vakoojaksi. Hänelle he tuottivat äkkikuoleman, ja hän kuoli
valittamatta. Sitten he lepäsivät kolme päivää. Mlaka ja hänen
miehensä tulivat Ochorin kylän laitaan päivän noustessa ja pitivät
lyhyen neuvottelun.

— Tieto tästä menee Sandin korviin, sanoi hän, — ja Sandi, joka


on valkea paholainen, tulee sotilainensa, ja meidän täytyy sanoa,
että meidän oli pakko tehdä näin, kun Bosambo kutsui meidät
tanssiin ja sitten aikoi tuhota meidät.

— Bosambo aikoi tuhota meidät, vahvisti joukko uskollisesti.

— Ja jos me tapamme kaikki ochorilaiset, niin sanomme, ettemme


me heitä tappaneet, vaan akasavalaiset.
— Herra, akasavalaiset tappoivat heidät, kertasivat miehet jälleen.

Järjestettyään siten sekä selityksen että todisteet poissaolostaan


Mlaka vei miehet riveihin.

Hämärän harmaassa valaistuksessa Ochorin kylä lepäsi pahaa


aavistamatta. Ei ollut tulia kylän kaduilla, ei savun hivenkään
kiemurrellut osoittamaan eloa.

Mlakan armeija eteni pitkässä, järjestymättömässä rivissä metsän


ja kylän välisen aukean poikki.

— Tappakaa! kuiskasi Mlaka, ja käsky kerrattiin pitkin riviä.

Lähemmäs ja lähemmäs ryömivät hyökkääjät; sitten astui eräästä


majasta kylän laidassa ulos Bosambo, yksin.

Hän meni hitaasti keskelle katua, ja Mlaka näki: hoikalla


kolmijalalla oli jotakin kiiltävää ja kirkasta ja välkehtivää.

Jotakin, joka sieppasi auringon ensimmäiset säteet niiden


koskettaessa puiden latvoja ja lähetti ne liekehtien ja sädehtien
takaisin.

Kuusisataa Ngombin sotilasta värähti ja pysähtyi naulittuina


paikalleen nähdessään sen. Bosambo tarttui suureen
messinkiputkeen ja käänsi sen huolimattomasti osoittamaan suoraan
kohti Mlakaa, joka oli kolmenkymmenen askelen päässä.

Aivan kuin saadakseen täyden varmuuden hän kumartui ja tähtäsi


pitkin kiiltävää pintaa, ja Mlaka pudotti keihäänsä maahan nostaen
ylös kätensä.
— Herra Bosambo, virkkoi hän vienosti, — me tulemme rauhassa.

— Rauhassa saatte mennä, sanoi Bosambo ja vihelsi.

Äkkiä kylä heräsi elämään, aseistettuja miehiä näkyi joka puolella.


Joka majasta heitä riensi aukealle.

— Minä rakastan sinua kuin mies vuohiansa, sanoi Mlaka


hartaasti. —
Näin sinut unessa ja sydämeni johdatti minut luoksesi.

— Minä myös näin sinut unissani, sanoi Bosambo. — Sen vuoksi


nousin kohtaamaan sinua, sillä Mlaka, Pikku Isisin kuningas, on kuin
oma veljeni.

Mlaka, jonka silmät yhä viipyivät messinkipeitteisessä putkessa,


sai aatoksen.

— Tätä pyydän sinulta, herrani ja isäntäni, sanoi hän, — pyydän,


veljeni, että mieheni saisivat tulla sinun kaupunkiisi ja uhrata, sillä se
on tapa.

Bosambo kynsäisi leukaansa miettivästi.

— Sen minä sallin, sanoi hän, — mutta sitä ennen on jokaisen


jätettävä keihäänsä, kärki maahan pistettynä — se on tapa meillä
ennen uhraamista.

Mlaka siirsi jalkaansa kärsimättömänä. Hän teki kaksi pientä


kaksoispotkua; kärsimättömyyden merkki neekereillä.

Bosambon käsi laskeutui hitaasti messinkiputkelle.

— Tapahtuu kuin tahdot, sanoi Mlaka nopeasti ja antoi käskyn.


Kuusisataa masentunutta, aseetonta miestä marssi kylän läpi, ja
molemmin puolin heitä kulki rivi Ochorin sotilaita, jotka eivät olleet
aseettomia. Bosambon majan eteen Mlaka, hänen lankonsa Kulala,
hänen päämiehensä ja Ochorin päämiehet istuutuivat neuvotteluun.
Se oli puoliksi ateria, puoliksi palaver.

— Sanopa, herra Bosambo, kysyi Mlaka, — kuinka Sandi antaa


sinulle kiväärinsä, joka sanoo »ha-ha-ha»? Sillä kiellettyhän on
tämän maan asukkailta ja päälliköiltä kiväärienpito.

Bosambo nyökkäsi.

— Sandi rakastaa minua, sanoi hän koruttomasti, — syistä, joista


puhuakseni olisin koira, sillä eikö sama veri virtaa minun kuin
hänenkin suonissaan?

— Se on hullua puhetta, sanoi Kulala, lanko, — sillä hän on valkea


ja sinä olet musta.

— Siitä huolimatta totta, vastasi tyyni Bosambo, — sillä hän on


minun serkkuni, kun hänen veljensä on nainut minun äitini, joka oli
päällikön tytär. Sandi aikoi mennä naimisiin hänen kanssaan, jatkoi
hän muisteloltaan, — mutta ne ovat asioita; joista häpeän puhua.
Hän antoi minulle myöskin nämä.

Vaipan alta, joka oli hänen hartioillaan, hän otti pienen


nahkarasian. Siitä hän otti pienen paketin. Se oli kuin lyhyt keppi.
Hitaasti hän avasi kankaasta tehdyn, taidokkaan käärön, jolloin
hänelle jäi käteen kolme puukuppia. Muodoltaan ne olivat kuin
vaakakupit, kooltaan kuin isot sormustimet.
Ne olivat veistetyt hyvästä puusta ja tavattoman ohuet. Ne olivat
sisäkkäin hänen avatessaan käärön, mutta sitten hän erotti ne
hitaasti ja merkitsevästi.

Käskystä eräs mies toi majasta jakkaran ja asetti sen hänen


eteensä.

Sille hän levitti kangaspalan ja asetti kupit suu alaspäin. Yhdestä


hän otti pienen, kopaalista ja kamferttipuusta tehdyn punaisen
pallon.

Innokkaasti uteliaat päälliköt tarkastelivat häntä.

— Nämä Sandi antoi minulle, sanoi Bosambo, — jotta voisin


hauskasti kuluttaa sateiset päiväni. Näillä pelaan päämiesten!
kanssa.

— Herra Bosambo, kysyi Mlaka, — kuinka sinä pelaat?

Bosambo katsoi helottavalle taivaalle ja pudisti päätänsä


pahoitellen.

— Tämä peli ei ole sinua varten, Mlaka, sanoi hän viitaten


taivaaseen. — Se sopii vain sellaisille, joilla on terävä silmä; sitä
paitsi se on kristittyjen peli.

Isisiläiset ovat ylpeitä silmänsä tarkkuudesta. Joen sananparsi


sanoo:
»Ngombi kuulee, busmanni maistaa, isisi näkee, ochori juoksee.»

— Salli minun nähdä, mitä en näe, sanoi Mlaka, ja hieman


halveksivasti
Bosambo laski punaisen pallon jakkaralle kupin taakse.
— Tarkkaa sitten, Mlaka! Panen pallon tämän kupin alle ja siirrän
kuppia…

Hyvin hitaasti hän siirsi kuppeja.

— En ole nähnyt mokomaa peliä, sanoi Mlaka ylenkatseellisesti.

— Se on kuitenkin peli, josta minä ja kirkassilmäiset mieheni


pidämme, sanoi Bosambo, — sillä me veikkaamme jonkin määrän
putkia suolaa vastaan, ettei toinen voi seurata katseillaan punaista
palloa.

Pikku Isisin päällikkö tiesi, missä punainen pallo oli, koska sitä
kätkevän kupin laidassa oli pieni kolo.

— Herra Bosambo, sanoi hän lainaten sananpartta, — vain rotta


tulee syömään ja viipyy kuolemaansa asti — mutta ellen istuisi sinun
majasi varjossa, niin veisin sinulta jok'ainoan putken.

— Nukusa on pieni eläin, mutta sillä on julma ääni, virkkoi


Bosambo antaen sanan sanasta, ‒ ja minä panen veikkaa, ettet sinä
tiedä, missä pallo on.

Mlaka kumartui eteenpäin.

— Panen sotilaitteni keihäät Ochorin keihäitä vastaan, sanoi hän.

Bosambo nyökkäsi.

— Pääni kautta, sanoi hän.

Mlaka ojensi kätensä ja nosti kuppia, mutta pallo ei ollut siellä. Se


oli viereisen kupin alla, kuten Bosambo osoitti.
Mlakan silmät levisivät.

— Minä en ole sokea, sanoi hän lujasti, — ja sinun kielesi


muistuttaa kuivien tikkujen palamista — krak, krak, krak!

Bosambo otti loukkauksen vastaan tyynesti.

— Silmästä se riippuu, sanoi hän hämäävästi, — me ochorilaiset


olemme tarkkasilmäisiä.

Mlaka nielaisi loukkaavan sanan.

— Minulla on kotona kymmenen säkkiä suolaa, sanoi hän lyhyesti,


— ja minä panen suolani niitä keihäitä vastaan, jotka voitit.

— Sydämeni ja elämäni kautta, sanoi Bosambo ja pani pallon


kupin alle.

Hyvin hitaasti hän siirteli kuppeja edestakaisin, muuttaen niiden


asentoa.

— Suolani keihäitäsi vastaan, sanoi Mlaka päättävästi, sillä hän


näki nyt kupin hyvin. Siinä oli pieni naarmu lähellä laitaa.

Bosambo nyökkäsi, ja Mlaka kumartui ja kohotti kuppia. Mutta


pallo ei ollut siellä.

Mlaka henkäisi syvään ja kirosi Iwan kautta — joka on kuolema —


ja tuntematonta laatua olevien paholaisten kautta, sairauden ja
isänsä kautta — joka oli hirtetty — mistä saattoi huomata Mlakan
olevan kuohuksissaan.

— Se riippuu silmästä, sanoi Bosambo pahanilkisesti, — niin kuin


jokivarrella sanotaan: »Ochorilaiset näkevät…»
— Se on valhe! karjaisi Mlaka. — Ochorilaiset eivät näe mitään
muuta kuin tien juosta. Pelataan taas…

Ja taas Bosambo kätki punaisen pallon; mutta tällä kertaa hän


sekautui, sillä hän asetti palloa peittävän kupin epätasaiselle paikalle
jakkaralla. Ja kupin laidan ja kankaan välissä oli pieni rako, josta
pallo paistoi punaisena — eikä Mlaka ollut sokea.

— Bosambo, sanoi hän ylvästellen, — lyön suuren veikan, sillä


olen suuren alueen päällikkö, ja sinä olet pieni päällikkö; mutta tällä
kerralla panen vetoon kaiken.

— Isisin Mlaka, vastasi Bosambo hitaasti, — minä olen myöskin


suuri päällikkö ja Sandin sukulainen naimisen kautta. Olen myöskin
jumalanmies ja puhun valkoisten miesten puhetta ja tunnen pyhän
Antoniuksen, Markuksen, Luukkaan, pyhän Timoteuksen ja muita
väkeviä. Tämä olkoon veto: jos sinä löydät pallon, sinä löydät orjan,
jonka nimi on Ochorin Bosambo, mutta jos sinä kadotat punaisen
pallon, kadotat maasi.

— Tulkoon mongotauti minuun, ellen puhu totta, vannoi Mlaka, —


mutta tähän kaikkeen minä suostun.

Hän ojensi kätensä ja koski kuppia.

— Se on siellä! huhkaisi hän ja nosti kupin.

Punainen pallo ei ollut siellä.

Mlaka ponnahti jaloilleen sieraimet tuhisten.

Hän avasi suunsa puhuakseen, mutta se oli tarpeetonta, sillä


ochorilainen juoksija tuli huohottaen katua myöten tuoden uutisia;
ennen kuin hän pääsi majan luo, jossa hänen herransa istui,
kertomaan niitä, ilmestyi metsäpolulta Sandersin joukon pää.

Sanotaan, että »veren haju kulkee nopeammin kuin mies näkee».


Oli tehty taktillinen virhe, kun tapettiin Sandersin vakooja.

Komissaari oli tahrautunut, likautunut ja parta ajamatonna, sillä


sodan kutsu oli hänet pakottanut rivakasti marssimaan maailman
pahinta metsäpolkua.

Aukealle tuli joukko, rivi rivin jälkeen sinipukuisia hausoja,


paljassäärisiä, sandaalijalkaisia, fessipäisiä, leviten kuin savu leviää
tullessaan kapeasta piipusta. Muodostaen kaksi taistelulinjaa joukko
eteni varovasti, sillä Ochorin kaupungissahan vihollinen majaili.

Bosambo arvasi toimenpiteiden tarkoituksen ja kiirehti komissaaria


vastaan. Sandersin käskystä rivit pysähtyivät, ja puolitiessä
kaupungin ja metsän välillä he kohtasivat — Bosambo ja hänen
herransa.

— Herra, sanoi Bosambo kohteliaasti, — kaikki minun omani on


sinun.

— Näyttää siltä kuin olisit hengissä, mikä on enemmän kuin


odotin, sanoi Sanders. — Tiedän, että Mlaka, Pikku Isisin päällikkö,
majailee kylässäsi. Sinun on luovutettava hänet minulle
tuomittavaksi.

Mlakan tunnen kyllä, sanoi Bosambo varovasti, — ja hänet


luovutetaan, mutta kun sinä puhut Pikku Isisin päälliköstä, niin sinä
puhut minusta, sillä olen voittanut hänen maansa eräällä pelillä.

— Siitä puhumme myöhemmin, sanoi Sanders.


Hän vei miehensä kylään asettaen heidät sen neljälle laidalle;
sitten hän seurasi Bosamboa sinne, missä Mlaka päämiehineen
odotti hänen tuloaan — sillä päällikön vieras ei tule tervehtimään
toista vierasta.

— Mlaka, sanoi Sanders, — kaksi tietä on päälliköille, jotka


tappavat hallituksen palvelijoita. Toinen on korkea ja lyhyt tie, niin
kuin tiedät.

Mlakan silmät etsivät sopivaa puuta, ja hän värisi.

— Toinen tie, sanoi Sanders, — on pitkä ja vaivalloinen, ja se tie


on sinua varten. Saat istua Kahleitten kylässä kuninkaani hyvitteeksi.

— Herra, kuinka kauan? kysyi Mlaka värisevällä äänellä.

— Niin kauan kuin elät, sanoi Sanders.

Mlaka alistui elinkautiseen pakkotyöhön filosofisesti — sillä


pahempaakin voi tapahtua.

— Herra, sanoi hän, — olet aina vihannut minua. Olet suosinut


muita päälliköitä ja sortanut minua. Minulta kiellät kaiken suosiosi;
vaikka Bosambolle, sedällesi…

Sanders hengähti pitkään.

— … annat monia suosionosoituksia, niin kuin kiväärejä.

— Ellen olisi antanut sanaani, sanoi Sanders kylmästi, — niin


hirttäisin sinut, Mlaka, sillä olet valehtelijain isä ja valehtelijain poika.
Mitä kiväärejä olen antanut Bosambolle?
— Herra, tuolla näet sen, sanoi Mlaka ja nyökkäsi päällään kohti
kauhistuttavaa kolmijalkaa.

Sanders meni kapineen luo.

— Bosambo, sanoi hän ärtyisästi, — muistan kolme valkeaa


miestä, jotka tulivat katsomaan kuuta.

— Herra, niin oikein, sanoi Bosambo leikkisästi.

He olivat huhuja, ja he katselivat kuuta tämän kapineen läpi,


myöskin tähtiä.

Hän viittasi viattomaan kaukoputkeen.

— Ja tämän he kadottivat? sanoi Sanders.

Bosambo nyökkäsi.

— He kadottivat sen, ja sen löysi eräs ochorilainen, joka toi sen


minulle, sanoi Bosambo. — Herra, en ole sitä kätkenyt, vaan
asettanut sen paikkaan, jossa jokainen voi sen nähdä.

Sanders silmäsi taivaanrantaa. Metsästä oikealle oli leveä


marskimaa; taka-alalla aamuisen auteren sinessä kohosi kukkula,
joka merkitsi Pikku Isisin kylää.

Hän astui kaukoputken luo ja tähtäsi sen kukkulaa kohti. Sen


juurella oli rykelmä harmaita majoja.

Katso! sanoi hän, ja Bosambo astui hänen paikalleen. — Mitä


näet?

— Pikku Isisin kaupungin, sanoi Bosambo.


Katso tarkoin, sanoi Sanders, — se on kaupunki, jonka olet
voittanut eräällä pelillä.

Bosambo nyähti hermostuneesti.

— Kun tulen uuteen kaupunkiini… aloitti hän.

Niin minä myöskin tulen, sanoi Sanders merkitsevästi. Jakkaralla


majan edessä olivat vielä pienet puukupit, ja Sanders oli nähnyt ne
sekä pallon. — Huomenna nimitän uuden päällikön Pikku Isisiin. Kun
kuu on täysi, mm minä tulen katsomaan uutta päällikköä, sanoi hän,
ja jos hän on menettänyt maansa »eräällä pelillä», nimitän kaksi
uutta päällikköä, toisen Isisiin ja toisen Ochoriin, ja ochorilaisilla tulee
olemaan suru, sillä Monrovian Bosambo lähtee heidän luotansa.

Herra, sanoi Bosambo yrittäen viimeisen kerran kuningaskunnan


kokoamista, — sanoit, että jos Mlaka antaa, niin Bosambo pitää.

Sanders otti punaisen pallon ja kätki sen erään kupin alle. Hän
muutti kuppien asentoa hiukan.

— Jos pelisi on rehellistä peliä, sanoi hän, — niin näytä minulle


kuppi, jonka alla pallo on.

— Herra, se on keskimmäinen, sanoi Bosambo arvelematta,

Sanders nosti kuppia.

Siellä ei ollut palloa.

— Huomaan, sanoi Bosambo hitaasti, — huomaan, että herrani


Sandi on myöskin kristitty.

*****
— Se oli leikkiä, selitti Bosambo päämiehilleen, kun Sanders oli
lähtenyt. — Sillä tavoin herrani Sandi aina leikki silloinkin, kun minä
pienenä lapsena hoidin häntä. Menchimis, anna lokalin soida ja
koota miehet suureen palaveriin, sillä minä aion kertoa heille tarinan
Sandista, joka on minun velipuoleni toisesta äidistä…
MONGOTAUTI

Sanders opetti kansaansa varoituksin, sanoin ja sellaisin


rangaistuksin kuin oli tarpeen. Näistä oli rangaistus se
menettelytapa, jolla oli vähimmin kantavuutta, sillä muisti loppui, kun
kipu päättyi, ja miehet, jotka olivat sydän vapisten katselleet
puunoksasta riippuvaa sätkyttelevää ruumista, unohtivat heti, kun
rikollinen oli kuollut, minkä vuoksi hän oli kuoleman kärsinyt.
Sanders opetti miehilleen, miten puut oli pinottava »Zairen»
kannelle. Hän opetti, että jos pinot asetettiin keulaan, niin aluksen
keulapuoli painui, ja jos puut ladottiin jommallekummalle laidalle, niin
alus kallistui. Hän valvoi heitä päivän toisensa jälkeen, ohjaten ja
neuvoen, ja alituiseen hänellä olivat samat miehet, sillä Sanders ei
pitänyt uusista kasvoista.

Hän oli kiireesti nousemassa jokea, kun hän pysähtyi eräälle


puunottopaikalle täydentämään varastoaan.

Kuuden vuoden opetuksen jälkeen hän jätti heidät pinoamaan


puita mennen itse nukkumaan, ja he tekivät kaiken niin kuin ei olisi
pitänyt tehdä.

Hän huomasi tämän tullessaan laivalle.


— Herra, sanoi pinoojien päämies puhuen hieman ylpeästi, —
olemme hakanneet ja pinonneet puita puk-a-pukia varten yhdessä
aamupäivässä, jossa työssä muilta hitaammilta olisi mennyt koko
päivä auringonlaskuun asti, mutta kun rakastamme sinua, herra, niin
teimme työtä, kunnes hiki tippui ruumiistamme.

Sanders katsoi kokonaan väärin pinottuihin puihin, ja silmäsi


päämieheen.

— Ei ole viisasta, sanoi hän, — pinota puita keulaan, sillä silloin


laiva uppoaa, niin kuin usein olen sinulle sanonut.

— Herra, teimme niin, kun se oli helpointa, sanoi mies


vilpittömästi.

— Sen uskon kyllä, sanoi Sanders ja vihastumatta käski


pinoamaan puut uudelleen.

On muistettava, että hänellä oli tulinen kiire; joka hetki maksoi.


Hän oli kulkenut koko yön — mikä on vaarallista, sillä joki oli matala
ja siinä oli uusia hiekkasärkkiä, joita ei ollut hänen kotitekoisella
kartallaan. Jotkut sydäntyvät sellaisista pikkuasioista kuin väärin
pinotuista puista, mutta Sanders ei sydämistynyt eikä huolestunut.
Jos niin olisi tapahtunut, niin hän olisi pian heittänyt henkensä, sillä
nämä olivat hänen elämänsä jokapäiväisiä tapahtumia, mutta
kuitenkin päämiehen huomaamattomuus häntä hiukan huoletti, sillä
hän tiesi, että mies ei ollut hupakko.

Tunnin kuluttua puut oli tasaisemmin pinottu ja Sanders antoi


lähtömerkin. Hän käänsi »Zairen» keulan keskivirtaan ja noudatti
samaa kurssia, kunnes joki äkkiä laajeni ja pikku saaret muuttuivat
suuriksi vihreiksi kasvillisuusryteiköiksi.
Täällä hän hiljensi laivan vauhtia ajaen varovaisesti joka saaren
ympäri, kunnes tuli pimeä; sitten hän läheni varovasti rantaa
hiekkasärkkien lomitse. »Zaire» hypähti ja tärisi koskettaessaan
salaisia särkkiä.

Kerran se aivan pysähtyi, ja sen nelikymmenmiehinen miehistö


hyppäsi veteen ja kahlaten rintaa myöten työnsi sitä eteenpäin
laulaen matalasti.

Viimein päästiin viettävälle rannikolle, jossa alus kiinnitettiin


kahdella köydellä puihin odottamaan aamun koittoa.

Sanders otti kylvyn, pukeutui ja tuli pieneen kansihyttiinsä, jossa


valmis ateria odotti.

Hän söi hiukan kanaa, otti pikku tuikun whiskyä ja sytytti sikarinsa.
Sitten hän lähetti hakemaan Abibua.

— Abibu, kerran sinä oleilit näillä tienoilla.

— Herra, niin on, sanoi Abibu. — Olin täällä vakoojana kuusi


kuukautta.

— Mitä tiedät näistä saarista?

— Herra, tiedän vain, että yhteen niistä isisiläiset hautaavat


kuolleensa ja toisessa sanotaan kasvavan taikayrttejä ja että
poppamiehet tulevat joskus tänne harjoittamaan menojansa.

Sanders nyökkäsi.

— Huomenna tutkimme Yrttisaaren, sanoi hän, — sillä minulle on


ilmoitettu, että pahoja asioita tapahtuu kuun vaihteessa.
— Olen sinun miehesi, sanoi Abibu.

Kahtena seuraavana yönä tapahtui, että eräs Ngombin päällikkö,


jolla oli alkeelliset käsitykset oikeudesta ja suuri luottamus
paholaisiin, tuli kaksitoista miestä mukanaan myötävirtaa, ja suurella
vaivalla he kiinnittivät kaksi salkoa vinon ristin muotoon kahden puun
väliin.

He taivuttivat nuoren vesan katkoen oksia latvasta, kunnes se


ulottui ristiin, ja sitoivat sen sitten ongensiimalla kiinni. Muut aiotut
valmistelut lykkäytyivät, kun Sanders, joka oli katsellut suuren
kopaalipuun takaa, astui äkkiä piilostaan, eikä tulevaisuus luvannut
päällikölle mitään loistavaa.

Hän katsoi Sandersia hieman nuhtelevasti.

— Herra, asetamme tähän leopardinsadinta, selitti hän, —


leopardi on hyvin kauhea eläin.

— Joskus, mutisi Sanders ääneen, — saattaisi tällaisen ristin


nähdessään ajatella kidutusta, oi päällikkö — ja sitä paitsi leopardit
eivät tule tänne saarille — sano minulle totuus.

— Herra, sanoi vanha päällikkö hämmentyneenä, — tämä leopardi


ui, ja sen vuoksi me sitä pelkäämme.

Sanders huokasi raskaasti.

— Nyt kerrot minulle totuuden, tai minä rupean leopardia


pahemmaksi.

Päällikkö pani kätensä ristiin niin, että kämmenet tapasivat


selkään, hän kun oli laiha mies, ja hänen sormensa olivat
hermostuneen levottomat.

— En voi puhua sinulle valhetta, sanoi hän, — koska olet juuri kuin
yökkö, joka näkee pimeyteen ja liikkuu yöllä. Ja sinä olet kuin
äkkimyrsky, joka puhkee metsässä ilman ennustuksia, ja olet kauhea
vihassasi.

— Puhu, sanoi Sanders hieman kiihtyneenä.

— Tämä on totuus, sanoi päällikkö käheästi. — Muuan mies tulee


kylääni auringon laskiessa, ja hän on paha, sillä hän on kristitty ja
kuitenkin tekee inhoittavia tekoja — niin että aiomme syödä hänet.

Sanders tähyili miestä tarkkaan.

— Jos syötte hänet, niin varmasti sinä kuolet, sanoi hän lempeästi,
— vaikka hän olisi paha kuin paholainen — mitä lajia paholaista
sitten eniten pelkäätkin. Tämä on todellakin paha palaver, ja minä
istun kanssasi jonkin päivän.

Hän vei päällikön seurueineen takaisin kylään ja piti neuvottelun.

Joen Sanders oli hetkinä sellaisina kuin tämä loputtoman


kärsivällinen; ja kärsivällisyyttä hän tarvitsikin, kun kaksi tuntia hänen
saapumisensa jälkeen kylään tuli suurellisesti kävellen mies nimeltä
Ofalikari, ngombilainen, jonka isä oli kongolainen.

Hänen toinen nimensä oli Josef, ja hän oli saarnaaja.

Sen Sanders huomasi piankin.

— Tuo tämä mies luokseni, sanoi hän kersantti Abibulle, sillä


saarnaaja aloitti kokouksen toisessa laidassa kylää.

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