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et psychosocial de l’enfant
et de l’adolescent
Le développement sexuel
et psychosocial de l’enfant
et de l’adolescent
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Dépôt légal :
Bibliothèque royale de Belgique : 2017/13647/025
Bibliothèque nationale, Paris : janvier 2017
ISBN : 978-2-35327-337-9
Les auteurs
Félix-Antoine Bergeron, B. A.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Martin Blais, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Marie-Aude Boislard, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Isabelle Boisvert
Département de sexologie, Université de Québec à Montréal, Canada
Marie-Chantal Cacou, Ph. D.
Département de psychologie, Université Félix Houphouet-Boigny d’Abidjan,
Côte d’Ivoire
Philippe-Benoit Côté, Ph. D.
Professeur, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal,
Canada
Isabelle Daigneault, Ph. D.
Département de psychologie, Université de Montréal, Canada
Mylène Fernet, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Marie-Laure Gamet, Dr
Unité Régionale de Soins des Auteurs de Violences Sexuelles, CHRU de Lille,
France
Fabienne Glowacz, Ph. D.
Université de Liège, Service de Psychologie clinique de la délinquance, des
inadaptations sociales et des processus d’insertion, Belgique
Martine Hébert, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada
V
Les auteurs
VI
Sommaire
VII
Avant-propos
Le lecteur trouvera dans cet ouvrage une synthèse des travaux sur des
enjeux d’actualité couvrant tant le développement normal des enfants et
des adolescents, incluant le développement normal des jeunes de la diver-
sité sexuelle et de genre, que des enjeux spécifiques susceptibles de compro-
mettre leur développement. Ainsi sont abordés spécifiquement, au fil des
chapitres, les comportements sexuels problématiques, l’agression sexuelle
subie par les enfants et les adolescentes et les adolescents auteurs d’agres-
sion sexuelle, les enjeux du développement des jeunes de la diversité sexuelle
et de genre confrontés à l’homophobie ou en situation de grande précarité
psychosociale, économique ou résidentielle, les infections transmissibles
sexuelles, incluant le VIH/sida et les enjeux spécifiques qu’ils posent aux
enfants et aux adolescents infectés à la naissance. L’ouvrage porte aussi une
attention particulière aux meilleures pratiques ou aux pratiques promet-
teuses pour l’évaluation du développement sexuel, l’éducation à la sexua-
lité, la promotion de la santé sexuelle, ainsi que l’intervention préventive
ou clinique en matière de comportements sexuels problématiques, d’infec-
tions sexuellement transmissibles, de grossesses non désirées et d’agressions
IX
Avant-propos
X
Avant-propos
XI
Avant-propos
XII
Avant-propos
XIII
Avant-propos
effectuées tant au Sud qu’au Nord, les auteurs soulignent le rôle prédominant
de la cellule familiale sur les représentations qu’ont ces adolescents du VIH et
de leurs relations interpersonnelles et amoureuses et à l’égard de la sexualité,
avant de présenter les défis que pose l’éducation à la sexualité en milieu fami-
lial dans lequel d’autres membres sont aussi affectés par le VIH. Les auteures
abordent dans un deuxième temps la question fondamentale pour ces ado-
lescents de la révélation du statut de séropositivité au VIH à un partenaire
amoureux et sexuel. Les comportements sexuels des jeunes vivant avec le VIH
depuis la naissance, incluant la transition vers la vie sexuelle active, les repré-
sentations de la sexualité et les stratégies de réduction des risques privilégiées
sont également présentées. Mylène Fernet et ses collaboratrices proposent un
survol des pratiques d’intervention qui ciblent la santé sexuelle et reproduc-
tive des jeunes vivant avec le VIH et émettent certains constats, qui illustrent
un décalage entre l’accompagnement offert à ces adolescents et les besoins
exprimés en matière d’éducation à la sexualité. En conclusion, les auteures
offrent des pistes utiles pour offrir une éducation à la sexualité globale et adap-
tée aux enjeux sexuels et sociaux auxquels ces adolescents sont confrontés.
XIV
Avant-propos
Cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans la collaboration des auteurs qui
ont accepté de partager leur expertise. Nous tenons également à offrir nos sin-
cères remerciements à Manon Robichaud qui a collaboré de près et avec beau-
coup de minutie aux diverses étapes de la réalisation de ce livre. Cet ouvrage
a été rendu possible grâce à l’appui de l’Équipe FQR-SC Violence Sexuelle
et Santé (ÉVISSA) et avec l’aide financière offerte par la Faculté des sciences
humaines de l’Université du Québec à Montréal.
XV
Chapitre 1
Le développement
de la sexualité chez l’enfant
Jocelyne THÉRIAULT
1
1. Introduction
Étudier le développement de la sexualité implique l’examen des changements
bio-psycho-socio-sexuels qui surviennent chez l’individu en fonction de son
âge. Chez l’enfant, cet examen ne saurait être développemental si on ne cher-
chait pas à comprendre, au-delà des comportements de genre et des compor-
tements sexuels observés, les processus impliqués dans l’émergence de ces
derniers, à savoir les intentions, la pensée, les perceptions, les sentiments et les
émotions (Overton, 2006).
Les recherches contemporaines portant sur le développement de la sexualité
réfèrent dorénavant à une variété de modèles théoriques expliquant, chacun à
leur manière, les processus impliqués dans l’émergence des comportements
de genre et des comportements sexuels chez les enfants. Il y a à peine quelques
décennies, il en allait autrement. Après une période dominée par les écrits psy-
chanalytiques sur la sexuation psychique de l’enfant – c’est-à-dire le processus
par lequel l’enfant en vient à se représenter en tant qu’être masculin, féminin
ou « entre les deux »–, une majorité de recherches développementales se sont
tournées vers les processus de socialisation et d’apprentissage pour expliquer
la différence des sexes (Eagly & Wood, 2013 ; Unger, 1979). Si les garçons et
les filles agissent différemment, expliquait-on, c’est qu’ils ont appris à le faire
ainsi via l’imitation et l’observation des modèles de leur environnement et via
les renforcements reçus de ces derniers. Dans cette mouvance, les chercheurs
d’orientation féministe ont contribué aux études sur le genre en prônant la
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
« conformité » de genre peut être normative chez l’enfant en bas âge et devenir
nuisible si elle persiste ultérieurement. Cependant, pour d’autres composantes
de l’identité de genre (ex. : le « contentement quant à son genre »), il serait
souhaitable qu’elles se maintiennent au fur et à mesure que l’enfant grandit.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
quelqu’un de son sexe, de l’autre sexe ou des deux sexes existent aussi chez les
enfants (Blakemore et al., 2014; Freud, 1923).
Quant aux recherches portant sur les origines du développement de
l’orientation homosexuelle, les chercheurs ont ciblé, dans la majorité de leurs
travaux, les influences génétiques et hormonales. L’effet des androgènes sur
l’orientation sexuelle a, entre autres, été étudié dans les recherches auprès de
femmes présentant une condition d’hyperplasie congénitale des surrénales
(HCS). Cette condition veut que très tôt, c’est-à-dire au cours du dévelop-
pement prénatal, on observe une sécrétion excessive d’androgènes par les
glandes surrénales (déficit de la synthèse du cortisol). Cette androgénisation
prénatale du fœtus, ayant peu d’effets chez le fœtus mâle, ferait en sorte qu’à
la naissance, les femmes avec HCS présentent des caractéristiques génitales
ambiguës (ex. : clitoris allongé, condition souvent altérée par la chirurgie).
Des études montrent que, comparées aux membres d’un groupe contrôle, les
femmes avec HCS (et qui ont été traitées) auraient un niveau élevé de fan-
tasmes bisexuelles et homosexuelles (Blakemore et al., 2014). Cette situation
ne caractériserait pas la majorité de ces femmes, par ailleurs, ce qui nous
oblige à laisser ouverte la question des déterminants biologiques de l’orienta-
tion sexuelle chez la femme.
Pour les hommes, des études ont tenté d’identifier des marqueurs bio-
logiques qui les différencieraient de leurs confrères hétérosexuels. Ces mar-
queurs portaient sur les effets prénataux des androgènes. Le but visé était de
distinguer les individus exposés à des niveaux atypiques d’androgènes dans
leur développement précoce. Des recherches ont montré que des hommes
homosexuels se rappellent avoir été des garçons féminins à l’enfance et des
femmes homosexuelles se rappellent avoir été masculines en bas âge. Des
recherches prospectives confirment cette relation pour les hommes (Zucker &
Bradley, 1995). Rahman et Wilson (2003) y voient l’évidence du rôle formatif
précoce des androgènes dans le développement de comportements de genre
non-conformes. Fort complexes, ces études scientifiques n’ont pas, à ce jour,
apporté l’éclairage attendu sur la question de la différence hormonale précoce
entre les hommes hétérosexuels et homosexuels (Blakemore et al., 2014).
D’autres recherches ont été menées afin de cibler les antécédents de l’orien-
tation homosexuelle. Outre l’influence des androgènes prénatals, l’influence
des configurations familiales sur l’orientation sexuelle a été examinée. La
relation entre les rôles de genre, les comportements de genre et l’orientation
sexuelle a également été explorée (Bailey & Zucker, 1995 ; Rieger, Linsenmeiier,
Gygax, & Bailey, 2008, cité par Blakemore et al., 2014). Plusieurs de ces études
constatent que différents facteurs développementaux influencent l’orientation
homosexuelle des hommes et des femmes (Diamond, 1998). Toutefois, il n’y a
pas consensus dans la documentation. Il semblerait que le parcours dévelop-
pemental soit différent pour les filles et les garçons. Des entrevues conduites
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
auprès d’hommes gais suggèrent que l’orientation sexuelle exerce une pres-
sion sur le développement, et ce, avant même l’émergence d’attractions envers
les gens de son sexe. Ces études montrent qu’étant enfants, ces hommes ont eu
une impression vague et persistante d’être différents des autres, une impres-
sion d’atypicalité. Ils rapportent une fascination pour les pairs et les adultes
du même sexe et ils rapportent ne pas savoir ce qu’ils veulent sans toutefois
désirer sexuellement quelqu’un de l’autre sexe (Bailey & Zucker, 1995; Savin-
William, 1995).
La situation serait différente chez les femmes. Dans une étude conduite
auprès de 89 jeunes femmes de minorités sexuelles, Diamond (1998) montre
qu’une majorité d’entre elles n’a pu se souvenir d’aucun indicateur infantile
de leur orientation sexuelle. Alors que les hypothèses sur les femmes homo-
sexuelles et bisexuelles sont souvent dérivées de résultats obtenus auprès de
populations masculines indiquant que l’orientation sexuelle est un trait plutôt
stable qui exerce une pression monotonique sur l’idéation ou les attractions
dès le jeune âge, il en irait autrement pour les femmes (Diamond, 1998).
Certains chercheurs avancent que les études sur les origines de l’orienta-
tion sexuelle devraient céder le pas à celles portant sur les facteurs sociocultu-
rels contribuant au bien-être des jeunes appartenant aux minorités sexuelles
(Bos & Standfort, 2015).
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
des enfants et des familles qui en sentent le besoin (Garcia et al., 2014). Dans la
dernière version du DSM, version 5 (American Psychiatric Association [APA],
2013), la notion de « troubles de l’identité sexuelle » a été remplacée par le terme
« dysphorie de genre » afin, entre autres, de ne pas contribuer davantage à la
stigmatisation des personnes intersexuées (Thibault, 2014).
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
tentent, par l’étude des interactions entre les différents aspects du développe-
ment sexuel, de mieux rendre compte de la grande complexité du développe-
ment du genre (Goguikian Ratcliff, 2002). Dans les sections qui suivent, l’ordre
de présentation de ces théories tiendra compte, un tant soit peu, de la chrono-
logie de leur apparition dans l’histoire de l’étude de la sexualité infantile.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Connaissances de genre
Les recherches sur le développement du genre montrent l’existence d’une
forme de compréhension rudimentaire du genre chez l’enfant du stade pré-
verbal, soit bien avant 2 ans comme l’avançait Kohlberg (Poulin-Dubois &
Serbin, 2006). Suivant différents devis et méthodes de recherche auprès de
jeunes enfants, on voit, par exemple, qu’entre 6 et 8 mois, garçons et filles dis-
criminent les voix des personnes de sexe mâle et celles de sexe femelle (Miller,
1983, cité par Martin et al, 2002). Poulin-Dubois et Serbin (2006) montrent
qu’entre 9 et 11 mois, les enfants des deux sexes ont une forme rudimen-
taire du concept de genre (Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Il ne faudrait pas
attendre l’atteinte de la constance de genre (autour de 5 ans) pour voir appa-
raître chez l’enfant ces associations métaphoriques. Les résultats de recherche
montrent en effet que ces associations métaphoriques apparaissent autour
du 18e mois de vie de l’enfant et elles s’affirmeraient ensuite avec le temps
(Chiland, 2003 ; Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Ainsi, l’enfant en viendrait
à associer certaines caractéristiques matérielles ou émotives à un sexe donné
et non à l’autre (Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Ces connaissances de genre,
maîtrisées vers 24 mois, deviendraient de plus en plus explicites, de plus en
plus verbales et de plus en plus complexes au fur et à mesure que l’enfant
avance dans sa scolarisation (Poulin-Dubois, Serbin, & Derbyshire, 1998).
Bien que ces recherches appuient globalement la thèse de Kohlberg (1966),
elles ont clairement démontré que les connaissances de l’enfant sur l’étique-
tage de genre, et non seulement l’acquisition de la constance du genre sont, en
soi, des organiseurs cognitifs du développement de genre. Ces connaissances
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
2001). Ces préférences toucheraient d’abord les objets (jeux) et ensuite les par-
tenaires de jeux (Golombok et al., 2012). Vers 3 ans, davantage de filles que
de garçons joueraient avec des poupées. Les garçons joueraient plus que les
filles avec des fusils, des épées, des autos, des trains et des camions. Vers 3 ans
également, filles et garçons se différencieraient quant à leurs styles de jeu. Ces
derniers auraient un style de jeu plus actif, plus dur et parfois plus agressif que
celui des filles. Ces dernières auraient tendance à parler davantage entre elles
et à être plus enclines à prendre soin des autres que les garçons. On les retrou-
verait le plus souvent en dyade ou en triade alors que les garçons préfèreraient
jouer en groupe, à l’extérieur (Serbin & Sprafkin, 1987). Toujours vers 3 ans,
Golombok et al. (2012) notent que les filles et les garçons s’intéressent davan-
tage aux jeux de rôle et que ces derniers diffèrent selon les sexes. Les garçons
joueraient aux héros et s’engagent dans des jeux de combat et d’aventure. Les
filles joueraient davantage à la mère ou à d’autres figures de la famille et elles
aiment se vêtir des vêtements féminins. Ces mêmes résultats sont rapportés par
Serbin et Sprafkin (1987). Ces différences de jeux se poursuivront tout au long
de l’école primaire (Golombok et al., 2012). Évaluant les attitudes et les attentes
sociales des filles et des garçons de 3 à 5 ans, Serbin et Sprafkin (1987) verront
que les garçons ont tendance à utiliser des moyens plus directs pour obtenir ce
qu’ils veulent (ex. : « donne-moi ça »), alors que les filles feront davantage de
demandes plus polies et indirectes. Des patrons différentiels de comportements
sociaux seraient donc observables chez les garçons et les filles de ces âges. De
plus, filles et garçons seraient conscients des différences existant entre les règles
sociales de leur groupe de sexe et celles de l’autre groupe.
Les enfants auraient une notion de base des stéréotypes de genre de leur
culture dès l’âge de 2 ans (Conry-Murray, 2013). Les connaissances de l’enfant
au sujet des stéréotypes de genre augmenteraient de façon linéaire jusqu’à ce que
l’enfant atteigne 6-7 ans (Conry-Murray, 2013). À partir de 5-6 ans, on note-
rait toutefois un début de flexibilité dans la façon dont l’enfant conçoit les rôles
de genre (Banse, Gawronski, Rebetwz, Gutt, & Morton, 2010 ; Conry-Murray,
2013). Cette flexibilité dans les stéréotypes de genre présenterait une forte aug-
mentation entre les âges de 5 à 11 ans (Banse et al., 2010) et atteindrait son point
maximum autour de 10 à 12 ans (Conry-Murray, 2013), soit durant la préadoles-
cence (Cooper et al., 2013). C’est le développement cognitif de l’enfant qui le ren-
drait capable de souplesse dans ses définitions des rôles de genre (Poulin-Dubois
& Serbin, 2006). Par ailleurs, les études montrent clairement que le développe-
ment chez l’enfant d’une plus grande flexibilité de genre peut se faire de façon
indépendante de l’adoption de comportements de genre typiques ou atypiques
(Golombok et al., 2012). Concernant les comportements de genre atypiques, les
recherches montrent par ailleurs une stabilité temporelle entre l’enfance et l’ado-
lescence. Selon les données de l’étude longitudinale de Golombok et al. (2012),
les enfants qui ont des comportements de genre atypiques à l’âge de 3 ans (filles
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
agissant de façon masculine et les gars agissant de façon féminine) présentent des
comportements de genre atypiques à l’adolescence (13 ans).
Les nombreux acquis cognitifs de l’enfant en matière du genre - voire la
capacité de catégoriser en fonction du genre, de faire des corrélations entre un
genre donné et des attributs X ou Y, d’opter pour des préférences de jeux et de
compagnons de jeux stéréotypées et d’avoir des comportements stéréotypés
en fonction du genre - ne sont pas sans conséquences sociales. Les recherches
montrent que les enfants ayant des comportements non conformes à leur
genre (ex. : le jeune garçon qui aime la compagnie des petites filles pour jouer
à la poupée et revêtir des robes et colliers de princesses) risquent de subir
une ségrégation de la part de leurs pairs aux comportements conformes à leur
genre. La ségrégation de genre aurait par ailleurs un volet normatif. En bas
âge, les enfants ont tendance à ne valoriser que les personnes et les actions des
individus de son sexe et à dévaluer celles des individus de l’autre sexe (Cooper
et al., 2013 ; Egan & Perry, 2001 ; Maccoby, 2002).
Normes de genre
Les études sur la conformité et la non conformité de genre chez l’enfant renvoient
inévitablement à des considérations sur les normes de genre. Acquises autour de
la période de constance de genre chez l’enfant, soit vers 5 ans (Conry-Murray,
2013), les normes de genre permettent à l’enfant de se faire une idée assez claire
de ce que « doivent » faire les hommes et les femmes (Conry-Murray, 2013).
Brendt et Heller (1986, cité par Conry-Murray, 2013) observent que les jeunes
enfants utilisent les normes de genre pour prédire les comportements des per-
sonnes, et ce, bien avant de référer à toute autre information sur ces personnes.
Certes, ces préceptes, ces règles ou normes concernant les genres profitent de la
rigidité qui caractérise le développement cognitif de la pensée du jeune enfant.
Toutefois, la socialisation, et non seulement le développement cognitif, joue-
rait un rôle dans l’acquisition des normes de genre. En effet, plusieurs pressions
venant de l’environnement encouragent les enfants à se conformer aux normes
de genre. Tel que montré préalablement, ces pressions proviennent entre autres
de l’exposition de l’enfant au sexisme de ses parents (Leaper, 2000, cité par
Conry-Murray, 2013) et de ses éducateurs, pour ne nommer qu’eux.
Bien que les jeunes enfants soient soucieux d’adhérer aux normes de genres
(Taylor, 1996) et que les plus jeunes soient moins conscients du sexisme des
parents et des éducateurs que les plus âgés (Negg, Cooper & Woodruff, 2007
dans Conry-Murray, 2013), des chercheurs observent qu’ils sont capables de
modifier leur jugement, voire de mettre leur jugement en sourdine, lorsqu’in-
tervient la question des préférences personnelles (Conry-Murray, 2013).
L’adoption des normes de genre, d’une part, et l’adoption des rôles de genre,
d’autre part, sont deux facettes d’une même pièce. L’important à retenir, c’est
qu’une rigidité première dans ces acquisitions laissera place éventuellement à
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
une plus grande flexibilité dans l’emploi de ces acquisitions. Les enfants en vien-
dront éventuellement à adopter les comportements de l’autre genre et non seu-
lement ceux de leur genre s’ils les jugent « utiles » et « bénéfiques » à leur quête.
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
que les organes génitaux externes de l’enfant à naître sont partiellement mâles.
En période post-natale, les préférences de jeu de l’enfant avec HCS sont typées
mâles. Son identité de genre est généralement femelle (Ruble et al., 2006).
En période post-natale, les comportements sexuels ne seraient pas uni-
quement déterminés par des déterminants biologiques prénataux. L’approche
bio-sociale reconnaît, aux côtés des forces biologiques, l’importance des
forces environnementales inhérentes à la socialisation de l’enfant. Diamond
(1981) identifie deux principaux paramètres de la différenciation sexuelle psy-
chologique post-natale qui sont sensibles à l’effet de l’environnement : 1) le
sexe d’étiquetage et d’assignation et 2) le sexe psychologue, référant à quatre
niveaux fondamentaux des comportements sexuels humains ou domaines de
comportement sexuels. Ces niveaux de comportements sexuels réfèrent :
− aux schèmes reliés au sexe (choix d’activités spontanés qui diffèrent
selon que l’on soit fille ou garçon) ;
− aux mécanismes sexuels (les différences constitutionnelles innées dis-
tinguant filles et garçons);
− à l’identité sexuelle ;
− et au choix du sexe préférentiel de/des partenaires.
Selon Diamond (1981), ces deux derniers niveaux de comportements por-
teraient davantage la marque du biologique que les autres. L’infinie combinai-
son de ces quatre niveaux de comportement expliquerait la diversité des com-
portements sexuels rencontrés chez l’humain (Diamond, 1981). Bien que la
théorie biosociale soit bi-dimensionnelle, cette théorie veut que les forces envi-
ronnementales n’agissent qu’à l’intérieur des limites de la biologie de chaque
individu. Les prédispositions innées les plus rigides chez l’individu sont celles
qui ont trait à l’identité sexuelle et au choix d’objet (Diamond, 1981).
Des données de recherche montrent que les comportements genrés pré-
coces de l’enfant seraient induits par des prédispositions biologiques (Golom-
bok et al., 2012) et non seulement par un renforcement vicariant (théorie
sociale-cognitive de Bussey & Bandura, 1999). D’autres données de recherche
confirment l’influence massive des facteurs biologiques dans la différenciation
sexuelle en période prénatale. En période post-natale, les recherches suggèrent
que l’identité sexuelle serait certes influencée par le biologique mais de façon
moins importante que ne le suggère Diamond (1981; Ruble et al., 2006).
Malgré ces points d’ombre, il est reconnu que l’approche biosociale et les
approches biologiques contribuent à la théorisation des différences psycho-
logiques entre les sexes en général et à la théorisation du développement de
l’identité de genre en particulier. Bien que le modèle de Diamond (1981) semble
accorder plus de poids aux influences biologiques qu’à celles de l’environnement
post-natal, n’en demeure qu’il a été l’un des premiers à faire un pas vers l’inté-
gration souhaitée des multiples influences façonnant le développement du genre.
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
stéréotypes culturels présentés dans les médias et les applique ensuite dans ses
propres expériences avec les pairs, la fratrie, la famille, l’école, etc. Eagly et Wood
(2013) émettent l’hypothèse qu’un style de jeu plus rude et physique des parents
à l’égard des garçons ne serait pas seulement tributaire de la socialisation diffé-
renciée des sexes, mais aussi du fait que, biologiquement, les garçons ressentent
plus de plaisirs que les filles à ce type de jeux. Ces caractéristiques biologiques
de l’enfant entrainent donc chez les parents des attitudes qui répondent aux
particularités physiques distinctes du garçon et de la fille et non seulement aux
normes de socialisation différenciée des sexes. La vérification de cette hypothèse
permettrait de nuancer plusieurs données de recherche sur la socialisation dif-
férenciée des sexes. Il serait également important de s’attarder sur l’interaction
entre les influences sociales et les prédispositions évolutives de l’enfant à imi-
ter les autres et à s’engager dans des activités d’émulation, d’apprentissage col-
laboratif et d’enseignement. Ces prédispositions (prédispositions biologiques
évolutives) seraient responsables de la vitesse avec laquelle l’enfant apprend les
habiletés et les connaissances qui lui permettront enfin de s’adapter à son envi-
ronnement (Eagly & Wood, 2013). Par ailleurs, c’est la durée du développement
infantile qui magnifierait l’influence de l’apprentissage social sur l’acquisition
des rôles de genre chez l’enfant et non l’apprentissage social comme tel (Kagan,
1999). De même, ce ne serait pas uniquement les prédispositions évolutives de
l’enfant à imiter qui interagiraient avec les mécanismes d’apprentissage social
des rôles de genre. Les processus cognitifs seraient également de la partie. Ils
permettent à l’enfant, et ce, dès la fin de la première année, d’acquérir des
connaissances primitives sur les différences des genres. Ces dernières seraient
antérieures à l’enclenchement des mécanismes d’apprentissage social bien que
l’ensemble cohabiterait et interagirait par la suite (Golombok et al., 2012 ; Kohl-
berg, 1966 ; Poulin-Dubois & Serbin, 2006 ; Serbin & Sprafkin, 1987).
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
4. Comportements sexuels
4.1. Comportements de genre et comportements sexuels
Jusqu’ici, le développement de la sexualité chez l’enfant a été abordé sous l’angle
du développement du genre. Il importe maintenant d’aborder la sexualité chez
l’enfant suivant une autre perspective, celle des comportements sexuels, sexua-
lisés et de leur développement. Bien que fondamentale, cette composante de la
sexualité infantile est beaucoup moins documentée dans les études scientifiques.
Les comportements de genre et les comportements sexuels réfèrent à des
réalités distinctes quoique reliées. Du côté du développement du genre, la
compréhension toujours plus complexe qu’a l’enfant de la notion du genre,
combinée à ses expériences de socialisation, lui permettront de définir qui il
est (je suis un garçon, je suis une fille), comment il se sent (je me sens un gar-
çon, je me sens une fille), avec qui il joue, les activités auxquelles il s’adonne,
ses traits de personnalité, ses comportements stéréotypés ou non, ses relations
sociales auprès des amis et amoureux éventuels, ses rôles et ses valeurs.
Du côté du développement sexuel, l’expérience du corps, des plaisirs
sexuels, l’expérience du voir, du toucher, l’expérience des sensations érotiques,
de la curiosité sexuelle et des comportements sexualisés sont autant de dimen-
sions du vécu affectif et sexuel de l’enfant qui participent à la construction
de son sens de soi comme « être sexuel ». Elles marquent le développement
ultérieur de l’enfant.
Les premiers comportements sexualisés de l’enfant seraient dirigés vers
son propre corps et ensuite vers celui des autres (Freud, 1923 ; Mahler, 1973 ;
Schuhrke, 2000). L’expérience sentie de la sexualité chez l’enfant serait toute-
fois dépourvue du caractère passionnel qui caractérise la sexualité de l’adulte
(Thanasiu, 2004). De plus, elle ne pourrait être analysée de façon abstraite
comme en est capable l’adulte. La pensée de l’enfant et du préadolescent,
n’ayant pas encore franchi l’étape des opérations formelles du développement
cognitif (Mounoud, 1979 ; Piaget, 1936), ne pourrait pas fonctionner suivant
une logique hypothético-déductive. Même si certains enfants semblent parfois
faire preuve d’une compréhension « plus adulte » de la sexualité, leur compré-
hension n’en est souvent que superficielle (Thanasiu, 2004). Par ailleurs, les
explorations sexuelles initiées par l’enfant et les conséquences qu’il en retire
marqueraient son développement sexuel subséquent (Freud, 1923 ; Griffee
28
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
29
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
30
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant
L’étude de Friedrich et al. (1992) est unique puisqu’elle est l’une des rares
études à explorer la sexualité des enfants auprès d’échantillons non-cliniques
(Thanasiu, 2004). Réalisé auprès de mères de familles échantillonnées de façon
aléatoire dans huit villes d’Amérique du Nord (desservies par des cliniques
pédiatriques), l’inventaire des comportements sexuels (CSBI) de Friedrich et
al. (1992) permet de documenter la nature et la fréquence des comportements
sexuels infantiles. Les enfants de cette étude ont été divisés en deux groupes
d’âges (les plus jeunes : 2-6 ans et les plus âgés : 7-12 ans), et ce, afin d’observer
la répétition ou non des comportements sexuels avec l’avancement en âge. Les
constats tirés de ces études montrent la grande variété des comportements
sexuels retrouvés chez les enfants des deux sexes. À noter que les familles
recrutées (n = 880) ne présentaient apparemment pas d’histoire d’abus sexuel.
Quant à la nature des comportements observés, les auteurs distinguent ceux
qui sont observés chez une proportion importante d’enfants (garçons et filles)
et ceux qui ne sont retrouvés que chez une faible proportion d’enfants. Les
comportements sexuels les plus fréquents renvoient, par exemple, au fait de
toucher les seins, d’embrasser des enfants hors famille ou des adultes hors
famille, de s’asseoir en exposant ses organes génitaux, de se dévêtir en pré-
sence des autres ou de jouer « au docteur » (Friedrich et al., 1992).
Quant aux observations propres à chacun des deux groupes d’âge d’enfants,
Friedrich et al. (1992) montrent que les plus jeunes ont une fréquence de com-
portements sexuels plus élevée que celle retrouvée chez les plus vieux, soit les
7-12 ans. En effet, la fréquence serait maximale entre 2 et 6 ans et elle serait
moindre durant l’école primaire. Selon Friedrich et al. (1992), la présence d’une
fréquence élevée de comportements sexuels chez l’enfant du primaire serait inha-
bituelle. Serait également exceptionnelle la situation où l’enfant adopte plusieurs
comportements sexuels qui sont peu ou pas retrouvés par les autres enfants (ex. :
comportements sexuels d’agressivité ouverte vs de passiveté ouverte ; affirma-
tion d’appartenance à l’autre sexe) (Friedrich et al., 1992). L’étude de Friedrich
et al. (1992) recense d’autres comportements sexuels, moins normatifs, mais ces
derniers ne sont pas présentés ici en raison de la visée du présent chapitre : cir-
conscrire la nature et les enjeux du développement typique de la sexualité chez
l’enfant. À noter que les comportements sexuels problématiques, leurs facteurs
de risque et les enjeux rencontrés dans l’intervention seront traités à l’intérieur
du chapitre 3 du présent ouvrage (voir page 83).
Les données issues de la pratique clinique semblent converger avec
celles issues des recherches empiriques : l’activité sexuelle infantile typique
serait majoritairement génitale et varierait avec l’âge. Ce que nous précise la
recherche clinique est que la sexualité infantile typique aurait un caractère de
liberté intérieure (Hayez, 2003). Les affects retrouvés chez les enfants ayant
une sexualité infantile saine seraient de l’ordre du plaisir, de la curiosité, de
la camaraderie (et un peu d’angoisse au fur et à mesure que l’enfant grandit)
31
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
(Hayez, 2003). Lorsque la sexualité infantile est typique, les partenaires de jeux
sexuels ont le même statut et les jeux sont réciproques.
5. Conclusion
Au terme de ce chapitre, il importe de retenir que l’enfant est un être sexuel et
que sa sexualité est évolutive. Sa compréhension et son expérience du genre et
de son identité sexuée changeront avec le temps. De même, son expérience du
désir sexuel, des intérêts sexuels, des comportements sexuels et de ce qu’il ressent
d’excitable se modifiera inévitablement au fil des changements biologiques,
cognitifs, sociaux, affectifs qui marquent son développement. Ces expériences
seront à la base des expériences de socialisation de l’enfant. Ce dernier sera alors
exposé à un ensemble de modèles, de pratiques et de renforcements positifs et
négatifs le dirigeant vers l’adoption ou non de standards de rôle de sexe et de
conduites sexuelles. L’environnement parental et éducatif, tout comme les pairs
sont partie prenante dans ce processus de sexualisation. Toutefois, les cognitions
et le bagage biologique de l’enfant exercent incontestablement leur influence sur
ce qu’il retirera ou non des influences environnementales.
L’interaction entre les forces biologique, sociale et cognitive jalonnant le
parcours évolutif de l’enfant déterminerait les facettes de l’identité de genre de
l’enfant et de ses comportements sexualisés. Et c’est l’étude de ces interactions
qui semble importante à documenter dans les recherches futures sur le déve-
loppement de la sexualité chez l’enfant. L’importance de ces études est d’au-
tant plus grande que le développement sexuel infantile détermine en grande
partie la sexualité des périodes adolescente, jeune adulte et adulte.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
38
Chapitre 2
Le développement
psychosexuel à l’adolescence
1 L’usage exclusif du masculin est employé uniquement pour alléger le texte ; il réfère cepen-
dant tout autant aux individus de sexe féminin que masculin.
39
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
40
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
41
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
à chacune de ces trajectoires. Cela a été mis en évidence dans une recension de
35 études longitudinales sur les prédicteurs de l’âge au premier coït (Zimmer-
Gembeck & Helfand, 2008).
2.3.1. Précocité
Plusieurs recherches ont également porté sur les risques socio-émotionnels
d’une transition précoce vers une vie sexuelle active, à court et à long terme,
notamment la possibilité que la sexualité précoce nuise à l’atteinte des objectifs
académiques et aux opportunités professionnelles en agissant comme diversion
(McKay, 2004). Même si les activités sexuelles précoces ne sont pas toujours
problématiques (Udell, Sandfort, Reitz, Bos, & Dekovic, 2010), les recherches
indiquent que les jeunes précoces sexuellement sont davantage à risque que
leurs pairs non-précoces. En effet, les adolescents précoces sont plus à risque
d’avoir des expériences sexuelles non consensuelles (De Graaf et al., 2012), de
contracter des ITSS (Kaestle, Halpern, Miller, & Ford, 2005), d’expérimenter
une grossesse imprévue (Wellings et al., 2001) ou de rapporter des problèmes de
santé sexuelle (Bos, Sandfort, De Bruyn, & Hakvoort, 2008), puisqu’ils cumulent
généralement plus de partenaires sexuels et de relations sexuelles non protégées
au cours de leur adolescence (Rotermann, 2008; Siebenbruner, Zimmer-Gem-
beck, & Egeland, 2007). Les jeunes adolescents sont généralement plus impulsifs
(Steinberg et al., 2008) et plus sensibles à la pression sociale (Sumter, Bokhorst,
Steinberg, & Westenberg, 2009) que leurs pairs plus âgés, possèdent moins de
connaissances en matière de sexualité et de contraception, et ont tendance à être
moins confiants et affirmés dans leurs interactions avec leurs partenaires (De
Graaf et al., 2012). Certains auteurs ont aussi soulevé qu’au début ou au milieu de
l’adolescence, les jeunes ont moins de chance d’être « prêts » à avoir des relations
sexuelles saines et consensuelles (Dixon-Mueller, 2008), notamment parce qu’ils
ont généralement été exposés moins longuement à une éducation à la sexualité
que des adolescents plus âgés, et disposent de moins de temps que les autres
pour développer les habiletés sociales, émotionnelles et cognitives requises pour
gérer les défis propres aux premières relations sexuelles et amoureuses, dont la
négociation du port du préservatif. Enfin, la précocité sexuelle a été associée à
plusieurs autres difficultés comportementales et socio-émotionnelles, telles que
l’agressivité et les comportements extériorisés, la consommation de substances
psychotropes, les symptômes dépressifs et les mauvais résultats scolaires (Bois-
lard, Dussault, Brendgen, & Vitaro, 2013, Boislard et Poulin, 2011).
Néanmoins, deux trajectoires distinctes de précocité sexuelle se dégagent
dans la littérature, c’est-à-dire deux ensembles différents de facteurs associés à
une transition vers une vie sexuelle active à 15 ans ou moins (Siebenbruner et
al., 2007). La première trajectoire concerne les adolescents moins conventionnels
dont les liens sociaux avec la famille, l’école ou d’autres institutions sociales sont
42
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
ténus. La deuxième trajectoire regroupe plutôt les adolescents ayant une matu-
ration physique précoce, quelques comportements déviants plutôt communs à
l’adolescence (ex. : consommation d’alcool) et qui sont populaires auprès de leurs
pairs (Zimmer-Gembeck, Siebenbruner, & Collins, 2004). Cette pluralité de tra-
jectoires psychosexuelles s’appuie sur la théorie et la recherche sur le développe-
ment des comportements délinquants à l’adolescence (Moffitt, 1993). Ainsi, des
débuts sexuels précoces pourraient découler soit de difficultés relationnelles et
de comportements à risque, soit d’un développement pubertaire avancé et d’une
intégration précoce à un groupe de pairs mixtes (Boislard & Poulin, 2011).
2.3.2. Tardiveté
Les connaissances actuelles révèlent que les jeunes qui atteignent l’âge adulte
sans avoir eu de relation sexuelle avec un partenaire représentent un groupe
tout aussi hétérogène que les jeunes précoces. Certains n’ont aucune expé-
rience sexuelle avec un partenaire, alors que d’autres n’ont jamais eu de rela-
tion coïtale, mais ont néanmoins eu des expériences sexuelles avec un ou plu-
sieurs partenaires. De plus, puisque le coït constitue le principal marqueur de
la transition vers une vie sexuelle active dans la littérature, les jeunes homo- ou
bisexuels n’ayant jamais eu de relation sexuelle avec un partenaire de l’autre
sexe sont souvent classifiés à tort comme vierges. Diverses raisons sont invo-
quées par ceux – mais surtout celles – qui choisissent de demeurer vierges,
comme le souhait d’éviter les grossesses, l’intention d’attendre de rencontrer
le partenaire amoureux de choix (Carpenter, 2001), ou d’être plus âgé(e) ou
marié(e) (Paradise, Cote, Minsky, Lourenco, & Howland, 2001). Bien que les
valeurs religieuses et la participation régulière à des activités religieuses (Hay-
don, Cheng, Herring, McRee, & Halpern, 2014 ; Paul, Fitzjohn, Eberhart-Phil-
lips, Herbison, & Dickson, 2000) soient fréquemment invoquées pour soutenir
le choix de reporter les relations sexuelles, l’abstinence sexuelle fait également
partie de la construction identitaire de certains jeunes non pratiquants (Mul-
laney, 2006), dont les asexuels, qui représentent grosso modo 1 % de la popula-
tion générale (Bogaert, 2004). L’absence d’attirance sexuelle envers une autre
personne à l’adolescence est associée prospectivement à la virginité et à l’inex-
périence sexuelle au début de l’âge adulte (Haydon et al., 2014).
Par ailleurs, de récentes études révèlent que d’autres facteurs peuvent
entrer en jeu pour expliquer la virginité au début de l’âge adulte. Par exemple,
les adolescents retirés socialement, très anxieux, perçus comme non attirants,
ayant peu de soutien social, ou dont l’indice de masse corporelle est élevé, sont
davantage susceptibles d’être vierges au début – et au-delà – de l’âge adulte
émergent (Haydon et al., 2014 ; Halpern, Waller, Spriggs, & Hallfors, 2006 ;
Zimmer-Gembeck & Helfand, 2008). Ainsi, chez certains jeunes impopu-
laires auprès de leurs pairs, la virginité peut révéler un manque d’intégration
43
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
2 C’est-à-dire en 4e en France.
3 C’est-à-dire en 1re en France.
44
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
45
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
avoir eu, à répétition, des comportements sexuels qu’ils n’ont pas aimés. Aux
États-Unis, ces taux sont de 12 % chez les jeunes filles et de 3 % chez les jeunes
garçons (Kaestle, 2009). Lorsque questionnés sur la nature de ces compor-
tements sexuels, les données recueillies auprès des adolescents suggèrent
que certaines pratiques, notamment la fellation et la pénétration anale, sont
davantage perçues par certains jeunes comme des comportements attendus
que comme des comportement choisis (Tolman & McClelland, 2011).
46
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
47
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
ayant une bonne estime d’eux-mêmes initient leur vie sexuelle plus tardive-
ment (Ethier et al., 2006; Kerpelman, McElwain, Pittman, & Adler-Baeder,
2016). Une explication possible de cette relation pourrait résider dans le fait
que les adolescents avec une meilleure estime d’eux-mêmes sont généralement
plus à l’aise de communiquer leurs préférences et limites personnelles (Small,
Silverberg, & Kerns, 1993) et davantage capables de résister à la pression des
pairs (Bámaca & Umaña-Taylor, 2006). Il semble toutefois que l’estime de soi
ait un lien différent avec le timing sexuel et le genre. Pour les garçons, une
estime de soi élevée est associée à une initiation sexuelle plus précoce et à un
usage moins systématique du condom (Kotchick, Shaffer, Forehand, & Miller,
2001), alors que pour les filles, une estime de soi élevée conduit à une initiation
sexuelle plus tardive (Crockett, Bingham, Chopak, & Vicary, 1996; Spencer,
Zimet, Aalsma, & Orr, 2002), et une faible estime de soi, à une sexualité plus
précoce (Price & Hyde, 2009). Ce phénomène est peut-être aussi lié à l’évalua-
tion sociale généralement plus positive de l’activité sexuelle précoce pour les
garçons que pour les filles (Crawford & Popp, 2003; Lyons, Giordano, Man-
ning, & Longmore, 2011). De même, les symptômes intériorisés (i.e. symp-
tômes dépressifs et anxieux) exercent un effet contraire d’un genre à l’autre :
pour les filles, ils semblent précipiter les débuts sexuels, et pour les garçons, les
retarder, voire les inhiber.
3.3.1. Parents
Au cours des dernières décennies, le rôle des parents dans le développement
sexuel des adolescents a été couvert par une littérature abondante. Les dif-
férentes dimensions documentées se regroupent autour des caractéristiques
parentales et de la relation parent-adolescent d’une part, et des pratiques
parentales spécifiquement liées à la sexualité d’autre part. En ce qui a trait aux
caractéristiques parentales et de la relation parent-adolescent, une recension
systématique de 55 études internationales a mis en lumière que les adoles-
cents qui ont une relation de bonne qualité avec leurs parents – caractéri-
sée par de hauts niveaux de tendresse, de proximité et de soutien –, dont les
parents connaissent les fréquentations et la façon dont ils occupent leur temps
libre, et soutiennent l’autonomie débutent leur vie sexuelle plus tard et de
façon plus sécuritaire, ont des expériences sexuelles plus positives et une plus
grande satisfaction sexuelle (De Graaf, Vanwesenbeeck, Woertman, & Meeus,
2011). Cependant, la qualité de la relation parent-adolescent et les pratiques
48
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
49
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
(Dilorio, Pluhar, Belcher, 2003; Markham et al., 2010; Miller, 2002). Certaines
études rapportent que la communication parent-adolescent sur la sexualité
est associée positivement au report de la sexualité (Hutchinson, 2002; Miller,
Forehand, & Kotchick, 1999) et aux pratiques sexuelles sécuritaires (Whita-
ker & Miller, 2000), et d’autres à davantage d’expériences sexuelles (Davis &
Friel, 2001; Parkes, Henderson, Wight, & Nixon, 2011; Pearson, Muller, &
Frisco, 2006). Des études longitudinales relatent que les adolescents qui com-
muniquent plus avec leurs parents à propos de la sexualité ont davantage de
comportements sexuels, mais n’ont pas plus d’intentions sexuelles (Beadnell
et al., 2007; Van de Bongardt, De Graaf, Reitz, & Deković, 2014). Ces résultats
suggèrent que la communication parent-adolescent à propos de la sexualité
survient souvent après que les adolescents aient commencé à être impliqués
romantiquement et sexuellement avec un partenaire (Beckett et al., 2010;
Eisenberg, Sieving, Bearinger, Swain, & Resnick, 2006). Ainsi, au-delà de l’oc-
currence et de la fréquence des discussions parent-adolescent sur la sexualité,
il semble que le timing, le contenu et les processus de communication au sujet
de la sexualité soient de meilleurs prédicteurs des comportements sexuels des
adolescents (Kotchick et al., 2001).
Les approches transactionnelles suggèrent que les individus en développe-
ment et leur environnement social s’influencent mutuellement (Sameroff &
MacKenzie, 2003; Smetana, Campione-Barr, & Metzger, 2006). Selon cette
perspective, les comportements parentaux n’affectent pas unilatéralement la
sexualité adolescente, mais sont aussi affectés par celle-ci. Quelques études
empiriques récentes soutiennent cette proposition. Par exemple, Ream et
Savin-Williams (2005) ont observé que l’initiation des adolescents aux rela-
tions sexuelles coïtales était précédée et suivie par une diminution des activités
familiales et de la proximité parent-adolescent et par une augmentation des
interactions focalisées sur les problèmes. Henrich, Brookmeyer, Shrier, et Sha-
har (2006) ont découvert que de hauts niveaux de connexion parent-adolescent
étaient associés à une probabilité réduite de comportements sexuels à risque
et que les comportements sexuels à risque, à leur tour, avaient un effet négatif
sur les niveaux subséquents de connexion avec les parents. Coley, Votruba-
Drzal et Schindler (2009) ont observé des associations réciproques entre l’aug-
mentation des comportements sexuels à risque et la diminution des activi-
tés familiales et des connaissances parentales. Ensemble, ces études illustrent
l’importance de considérer les pratiques parentales et le développement psy-
chosexuel adolescent en termes de processus bidirectionnel. D’autres études
sont nécessaires pour mieux départager l’influence de la sexualité des adoles-
cents sur les pratiques parentales de la mère (ou son substitut) et du père (ou
son substitut), et vice-versa (Coley et al., 2009). En sommes plusieurs aspects
des liens qu’entretiennent les adolescents avec leurs parents ont été associés
à leurs pratiques sexuelles. Par contre, ces associations sont habituellement
50
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
faibles lorsque comparées aux relations avec leurs pairs dans les modèles qui
tiennent compte de divers agents de socialisation simultanément.
3.3.2. Pairs
Bien que les parents demeurent des cadres de référence importants dans la
formation des attitudes et comportements sexuels, les adolescent passent de
plus en plus de temps avec leurs pairs (Brown, Dolcini, & Leventhal, 1997)
et s’appuient sur leurs amis pour consolider leur identité, trouver du soutien
(Hergovich, Sirsch, & Felinger, 2002). Dans la littérature, plusieurs aspects des
relations amicales ont été associés aux comportements sexuels des adolescents,
incluant la quantité de temps passé avec les amis (Barnes, Hoffman, Welte,
Farrell, & Dintcheff, 2007), le niveau de connexion ressenti (Markham et al.,
2010), l’âge et le genre des amis (Boislard & Poulin, 2011 ; Cavanagh, 2004),
leur influence positive (Manlove, Logan, Moore, & Ikramullah, 2008) ou néga-
tive (Boislard et al., 2009 ; Dishion, Ha, & Veronneau, 2012) ainsi que la fré-
quence et le contenu des conversations avec les amis à propos de la sexualité
(Busse, Fishbein, Bleakley, & Hennessy, 2010). Ce large bassin d’études permet
d’illustrer l’ampleur de l’influence des pairs dans le développement sexuel des
adolescents.
Une méta-analyse récente a examiné une partie de cette littérature en ana-
lysant 58 études internationales qui étudiaient comment les comportements
sexuels adolescents étaient liés aux normes sexuelles dans les groupe de pairs
(Van de Bongardt, Reitz, Sandfort, & Deković, 2015). Cette méta-analyse s’ap-
puie sur la théorie des normes sociales selon laquelle les individus ont géné-
ralement tendance à arrimer leurs comportements à leurs perceptions des
comportements prévalents, acceptés ou désirés chez leurs référents sociaux
valorisés (Cialdini & Trost, 1998). La théorie des normes sociales distingue
trois types de normes via lesquelles les contextes sociaux peuvent affecter
les comportements : les normes descriptives, les injonctions et la pression
des pairs. Au niveau de la sexualité des adolescents, les normes descriptives
réfèrent aux comportements sexuels des pairs, réels ou perçus, les injonc-
tions à l’approbation ou la désapprobation, réelle ou perçue, des relations
sexuelles par les pairs et la pression, aux encouragements explicites et actifs à
avoir des relations sexuelles de la part des pairs. Dans cette méta-analyse, les
auteurs ont découvert que ces trois types de normes sexuelles étaient reliés
aux comportements sexuels adolescents. Spécifiquement, les adolescents qui
percevaient leurs pairs comme étant actifs sexuellement, favorables aux rela-
tions sexuelles et exerçant de la pression à avoir des relations sexuelles étaient
eux-mêmes plus actifs sexuellement. Les adolescents qui croyaient que leurs
pairs s’engageaient dans des comportements sexuels à risque étaient aussi plus
susceptibles de s’engager dans ce type de comportement. Toutefois, l’activité
51
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
52
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
(Baams, Overbeek, Van de Bongardt et al., 2015). Ensemble, ces résultats sou-
lignent l’apport des devis de recherche longitudinaux pour accroître notre
compréhension des associations bidirectionnelles entre les normes sexuelles
des pairs et les attitudes et comportements des adolescents.
3.3.4. Médias
Dans les sociétés occidentales contemporaines, les adolescents sont sociali-
sés par plusieurs médias présentant souvent du contenu sexualisé. Dans une
étude à grande échelle chez des jeunes Néerlandais âgés de 12 et 25 ans, les
participants ont rapporté avoir été en contact avec des images de nudité et
de sexualité par de nombreux types de médias, comme les vidéoclips, les sites
Internet pornographiques, les magazines pornographiques ou érotiques, les
53
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
films érotiques à la télévision ou sur DVD (De Graaf et al., 2012). Au Qué-
bec, selon les résultats d’une étude réalisée en 2011 auprès de 608 jeunes d’âge
secondaire âgés de 13 à 17 ans, entre 22 et 26 % des filles et entre 74 et 85 % des
garçons rapportaient avoir intentionnellement recherché et visionné du maté-
riel sexuellement explicite sur Internet (Pelletier-Dumas, 2011), une tendance
possiblement estimée chez les filles en raison du double standard sexuel.
Plusieurs études ont établi que les adolescents exposés à du contenu sexuel-
lement explicite et qui interprètent ces messages médiatiques comme endos-
sant la sexualité adolescente ont plus l’intention d’avoir des relations sexuelles
et deviennent sexuellement actifs plus tôt (Brown et al., 2006 ; L’Engle, Brown,
& Kenneavy, 2006). Une étude de Poulin (2011) révèle que plus un adolescent
consomme de la pornographie tôt, plus il a tendance à vouloir reproduire les
pratiques sexuelles auxquelles il a été exposé et plus il risque d’en consommer
régulièrement et fréquemment. Brown et L’Engle (2009) ont observé que l’ex-
position à du contenu sexuellement explicite n’était pas seulement reliée aux
comportements sexuels des adolescents, mais aussi à leurs attitudes. Plus spé-
cifiquement, les garçons davantage exposés au matériel sexuellement explicite
étaient plus actifs sexuellement, rapportaient des normes sexuelles plus per-
missives et perpétraient davantage de harcèlement sexuel que leurs pairs. De
plus, ceux qui consomment régulièrement du matériel pornographique ont
davantage d’expériences sexuelles, de partenaires occasionnels et de relations
sexuelles hors du cadre amoureux que ceux qui en consomment occasionnel-
lement ou pas du tout (Mattebo, Tydén, Häggström-Nordin, Nilsson, & Lars-
son, 2013). La consommation régulière de pornographie est également asso-
ciée à davantage de croyances soutenant la violence envers les femmes, ainsi
qu’un regard moins critique face aux mythes associés aux agressions sexuelles
(Vega & Malamuth, 2007), une association qui s’avère encore plus prononcée
lorsque le matériel visionné comprend des scènes de violence sexuelle (Kings-
ton, Malamuth, Fedoroff, & Marshall, 2009). Les stéréotypes comme l’instru-
mentalisation du corps féminin et la focalisation sur le plaisir masculin, véhi-
culés dans la pornographie, peuvent modeler les représentations genrales et
sexuelles, particulièrement chez les jeunes les plus vulnérables.
Chez les filles, l’exposition à des médias sexuellement explicites est aussi liée
à davantage d’activités sexuelles et à des stéréotypes de genre moins progres-
sistes. Pris ensemble, ces résultats, combinés à ceux d’une méta-analyse sur la
question, montrent que la consommation de pornographie est liée aux attitudes
endossant la violence envers les femmes, tant dans les études expérimentales
que dans les recherches quasi-expérimentales et corrélationnelles (Kingston et
al., 2009 ; Oddone-Paolucci, Genuis, & Violato, 2000). Bien qu’une minorité
d’adolescents de sexe masculin traduira ces attitudes en gestes, même dans des
échantillons normatifs de jeunes hommes collégiens, une grande consomma-
tion de matériel pornographique est associée à davantage de comportements
54
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
55
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
leurs muscles au deuxième temps de l’étude que ceux qui étaient exposés à des
images publicitaires neutres.
56
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
qu’ils ont avec les médias et la relation réciproque qui s’opère entre cette sélec-
tion et la socialisation subséquente qu’exercent les médias. Ces interactions sont
constamment liées avec le processus de formation identitaire et avec les intérêts,
les besoins et les expériences changeantes des adolescents en plein développe-
ment. Ensemble, ces mécanismes déterminent les médias et les contenus qui sont
sélectionnés et la façon dont ceux-ci sont interprétés et utilisés.
Cette relation bidirectionnelle entre l’usage des médias et la sexualité chez les
jeunes a été confirmée empiriquement (Bleakley, Hennessy, Fishbein, & Jordan,
2008). À partir d’un devis longitudinal, les auteurs ont découvert que les adoles-
cents américains qui étaient plus exposés à des médias sexuellement explicites au
premier temps de mesure étaient plus actifs sexuellement au deuxième temps de
l’étude. De la même façon, les adolescents qui étaient plus actifs sexuellement au
premier temps rapportaient plus d’exposition à des médias sexuellement expli-
cites au deuxième temps. Ces résultats indiquent que l’exposition aux contenus
sexuellement explicites n’est pas seulement une expérience passive, mais aussi,
au moins en partie, un comportement actif. Le caractère interactif du lien entre
l’usage de médias et la sexualité adolescente émergente a aussi été observé par
des chercheurs ayant examiné les profils Facebook® de 104 adolescents néerlan-
dais. Les auteurs ont découvert que les adolescents qui affichaient activement
des publications reliées à la sexualité sur leur profil Facebook® avaient plus
d’intérêt envers la sexualité, étaient plus expérimentés sexuellement et croyaient
que leurs amis l’étaient aussi et qu’ils approuvaient les activités sexuelles (Door-
nwaard, Moreno, Van den Eijnden, Vanwesenbeeck, & Ter Bogt, 2014).
57
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
58
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
59
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
validées. Cet espace relationnel et sexuel se trouve souvent au cœur des pré-
occupations des adolescents. Plusieurs travaux soulignent d’ailleurs le rôle
central du développement sexuel et romantique dans la santé et le bien-être
des jeunes (Tolman, Striepe, & Harmon, 2003 ; Zimmer-Gembeck, Ducat, &
Boislard, 2011) et l’influence positive d’une sexualité épanouissante dans la
satisfaction générale à l’égard de la vie (Brody & Costa, 2009).
Une autre ligne de recherche sur la sexualité comme contexte de développe-
ment chez les adolescents est issue des premiers travaux sur le « soi sexuel », dont
Buzwell et Rosenthal (1996) ont observé l’évolution avec l’âge et l’expérience
sexuelle. Ces travaux ont permis l’éclosion d’autres recherches sur le développe-
ment du concept de soi sexuel chez les jeunes, c’est-à-dire la façon dont ils éva-
luent leur sexualité et l’intègrent à leur identité (Tolman & McClelland, 2011).
D’autres études révèlent que l’expérience sexuelle et l’avancement en âge sont
associés à une plus grande subjectivité sexuelle, c’est-à-dire à un sentiment plus
développé d’avoir droit au plaisir sexuel procuré par soi-même ainsi que par
un partenaire, et à de plus grandes réflexivité sexuelle, autoefficacité sexuelle et
estime de soi sexuelle (Boislard & Zimmer-Gembeck, 2011 ; Horne & Zimmer-
Gembeck, 2005, 2006 ; Zimmer-Gembeck et al., 2011). Des recherches récentes
examinent également les diverses motivations des adolescents à avoir des rela-
tions sexuelles (Miller et al., 2012), leur auto-efficacité dans l’atteinte du plaisir
sexuel (Mastro & Zimmer-Gembeck, 2015) et les émotions positives et négatives
vécues après une relation sexuelle (Van de Bongardt, Reitz, & Deković, 2015).
Ensemble, ces nouvelles études permettent d’élargir notre compréhension de
la sexualité des adolescents en y incorporant les dimensions cognitives et affec-
tives. Aller au-delà du comportement sexuel pour évaluer également la manière
dont les adolescents développent leur concept de soi sexuel, leur réflexivité
sexuelle et leurs habiletés interpersonnelles dans une relation dyadique intime
constitue une avancée prometteuse dans le domaine (Boislard & Zimmer-Gem-
beck, 2012 ; Tolman & McClelland, 2011).
60
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
dont l’influence sur la sexualité de l’adolescent a été soulignée, soit les parents,
les pairs et les médias sociaux. Les implications pour une approche systé-
mique ciblant chacun de ces quatre systèmes sont synthétisées dans la section
suivante.
61
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
62
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
63
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
positifs (voir Agha & Van Rossem, 2004 ; Caron et al., 2004). Une étude a
même révélé que l’omission de considérer les pairs dans les programmes de
prévention des comportements sexuels à risque peut contribuer à augmenter
les pratiques sexuelles non sécuritaires plutôt qu’à en diminuer l’incidence
(Moberg & Piper, 1998).
64
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
7. Conclusion
L’adolescence constitue une étape cruciale dans le développement sexuel et
marque le passage d’une sexualité prépubère exploratoire et principalement
autoérotique aux premiers échanges sexuels de plus en plus intimes avec un par-
tenaire, le plus souvent dans le cadre d’une relation amoureuse. Aujourd’hui,
la plupart des chercheurs et cliniciens reconnaissent la sexualité comme une
tâche développementale de l’adolescence, voire comme un contexte de déve-
loppement. Cependant, le comportement sexuel typique à l’adolescence est
difficile à cerner et maintes différences individuelles sont rapportées dans les
études. Les recherches sur la sexualité des adolescents menées à ce jour ont
permis de mieux orienter les stratégies de prévention des ITSS et des gros-
sesses imprévues chez les jeunes en identifiant d’abord les facteurs de risque
biopsychosociaux des comportements sexuels à risque, et, plus récemment, la
diversité dans les trajectoires développementales psychosexuelles, notamment
en fonction du genre et du moment (timing) de la première relation sexuelle.
Il est maintenant bien établi que les comportements sexuels des adolescents
ne sont pas sans risque, surtout lorsqu’ils sont initiés très tôt et que le préser-
vatif n’est pas utilisé systématiquement, et que ces risques sont exacerbés par
de nombreux changements de partenaires (Boislard et al., 2009). Par contre,
au-delà des risques associés à la sexualité des adolescents, quelques travaux
ont récemment mis en lumière les aspects positifs des expériences sexuelles
des jeunes.
En conclusion, pour bien rendre compte de la complexité de la sexualité
des adolescents et de la diversité dans leurs trajectoires psychosexuelles, il
importe de considérer la multidimensionnalité de la sexualité, en termes de
comportements, mais aussi en regard des cognitions, connaissances, attitudes,
valeurs, émotions et sensations associées. À ce jour, les données disponibles
65
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
80
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence
81
Chapitre 3
Les comportements sexuels
problématiques chez les enfants
âgés de douze ans et moins
1. Introduction
La sexualité représente une dimension fondamentale et importante de la vie de
tout être humain. Pourtant, ce sujet demeure encore trop souvent tabou ou pro-
voque malaise et gêne y compris dans les milieux professionnels, surtout lorsqu’il
s’agit de la sexualité des enfants (Hackett, Carpenter, Patsios, & Szilassy, 2013 ;
Sciaraffa & Randolph, 2011). Bien que peu d’écrits soient disponibles pour
décrire les comportements sexuels manifestés par les enfants (Thigpen, 2009),
les connaissances scientifiques permettent d’affirmer que la majorité d’entre eux
s’engagent dans une variété de comportements sexuels avant l’adolescence (Cle-
ments, Tourigny, Cyr & McDuff, 2011 ; Lightfoot & Evans, 2000 ; Ryan, 2000).
La majorité des enfants vivent les différentes étapes de leur développement
psychosexuel de façon saine, harmonieuse et sans difficulté. Cependant, il
arrive que certains dévient de cette trajectoire et manifestent des comporte-
ments sexuels situés en dehors de ce qui est normalement attendu dans le
cadre de leur développement et qualifiés de comportements sexuels problé-
matiques (CSP) (Araji, 1997 ; Johnson & Feldmeth, 1993). Les enfants qui
manifestent des CSP représentent désormais un objet d’études, mais il aura
fallu attendre la fin des années 1980 pour que les chercheurs et les cliniciens
s’intéressent davantage à ces comportements (Araji, 1997).
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l’ensemble des arrestations pour viols en 2010, dont 33 % étaient des jeunes
14 ans et moins (Sickmund & Puzzanchera, 2014). Bien que la majorité des
mineurs qui ont commis une offense sexuelle rapportée à la police soit des
adolescents, Finkelhor, Ormrod et Chaffin (2009) indiquent qu’environ 16 %
de ces mineurs sont des enfants de 12 ans et moins.
De plus, quelques études nous renseignent sur l’importance des CSP au
sein des populations suivies par les services de protection de l’enfance. Dans
un sondage mené en 2001, les différentes agences de protection de l’enfance de
la ville de New York rapportent qu’entre 10 % et 30 % des jeunes qu’ils accom-
pagnent ont des comportements sexuels problématiques (Baker, Schneider-
man, & Parker, 2001). Au Québec, une étude réalisée sur un échantillon repré-
sentatif d’enfants québécois pris en charge par les services de protection de
l’enfance mentionne que près d’un enfant sur six, âgé de 6 à 11 ans, présente
des CSP dirigés vers soi ou vers les autres (Lepage, 2008). L’Étude d’incidence
québécoise sur les situations évaluées en protection de la jeunesse de 2008 (ÉIQ-
2008 ; Hélie, Turcotte, Trocmé, & Tourigny, 2012) rapporte quant à elle que
10 % des enfants ayant au moins un incident de maltraitance ou de troubles de
comportement jugé fondé par le service de protection de l’enfance au Québec
présente des comportements sexuels problématiques.
Ceci étant dit, la prévalence réelle des CSP manifestés par les enfants pour-
rait être sous-estimée et ne représenter que la pointe de l’iceberg (Meyer-Balh-
burg, Dolezal, Wasserman, & Jaramillo, 1999). D’abord, il faut considérer que
les statistiques judiciaires ou les indices plus généraux de criminalité ne repré-
sentent que les comportements sexuels plus sévères qui ont été dénoncés aux
instances policières. De plus, il est bien connu que de nombreuses victimes
ne signalent pas ou ne déposent pas de plainte pour ce qu’elles ont vécu, ren-
dant impossible la détection de l’infraction pénale. Cette absence de dénon-
ciation est encore probablement plus élevée dans le cas des gestes commis par
des mineurs. De plus, les recherches actuelles portant sur les CSP s’appuient
principalement sur des faits rapportés par les parents. Or, certaines normes
et représentations sociales font en sorte que les comportements sexuels entre
enfants ne sont perçus que comme des jeux mutuellement initiés et repré-
sentent des expériences d’apprentissage positives ou neutres pour ceux qui
sont impliqués, incitant les parents à ne pas rapporter les comportements de
nature sexuelle (Gamet & Moïse, 2010 ; Gray, Busconi, Houchens, & Pithers,
1997 ; Meyer-Bahlburg & Steel, 2003). Quel que soit le nombre exact d’enfants
manifestant ce type de comportement, il est clair que ce problème en touche
une proportion non négligeable et qu’il est nécessaire que l’on s’y attarde
sérieusement. D’ailleurs, l’expérience de l’enfant victime d’agression sexuelle
est perçue aussi négativement et aussi dommageable par celui-ci, peu importe
que l’auteur de l’agression sexuelle soit un enfant, un adolescent ou un adulte
(Allen, Tellez, Wevodau, Woods, & Percosky, 2014; Sperry & Gilbert, 2005).
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Enfin, peu d’études permettent d’évaluer la persistance des CSP. Parmi les
rares études, Lévesque, Bigras et Pauzé (2012) mentionnent que 43 % des enfants
de 4 à 11 ans, placés sous la protection de la jeunesse et manifestant des CSP,
présentent toujours ce type de difficultés un an plus tard. Pour leur part, Bonner
et ses collaborateurs (1999) indiquent qu’environ 15 % des enfants de 6 à 12 ans
ont manifesté à nouveau un CSP au cours des deux années suivant la fin d’un
traitement visant la réduction des CSP. Enfin, Carpentier et ses collaborateurs
(2006) rapportent que, dix ans après la fin d’un traitement visant la réduction
des CSP, 2 à 10 % des participants ont commis un crime de nature sexuelle. Par
conséquent, les données disponibles suggèrent que la vaste majorité des enfants
qui présentent des CSP n’ont pas un risque élevé de devenir ultérieurement des
agresseurs sexuels lorsqu’ils participent à un traitement visant la réduction de
ces CSP (Chaffin et al., 2006).
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Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
qui, en raison de leur stade de développement, n’ont pas encore exploré plei-
nement leur sexualité. Puisque les enfants victimes d’agression sexuelle ont
été exposés de façon précoce à la sexualité, certains peuvent présenter des
réactions inadaptées pour gérer leurs sensations sexuelles. En étant victimes
d’agression sexuelle, ceux-ci peuvent avoir pris conscience du plaisir physique
engendré par une stimulation génitale et peuvent se servir des comportements
sexuels comme moyen pour s’apaiser. De plus, en étant « récompensé » par
l’intermédiaire d’échanges d’affection, d’attention ou de privilèges suite aux
comportements sexuels émis, l’enfant victime d’agression sexuelle pourrait
apprendre à utiliser des comportements sexualisés pour interagir avec les
autres ou pour obtenir la satisfaction de ses besoins. Enfin, la sexualisation
traumatique pourrait également survenir lorsque l’enfant victime d’agression
sexuelle associe des sentiments négatifs, dont la peur et la colère, aux compor-
tements sexuels (Finkelhor & Browne, 1987). Toutefois, le degré et la forme de
la sexualisation traumatique peuvent varier considérablement en fonction de
l’expérience d’agression sexuelle vécue.
Pour sa part, le Trauma-Outcome Process Assessment Model (TOPA ; Ras-
mussen, 1999 ; 2004) est un modèle intégrateur développé en réponse aux
différents modèles existants qui se sont limités seulement aux conséquences
négatives suite à un trauma. Dans ce modèle, l’enfant peut expérimenter, suite
à une expérience traumatique, trois types de réponses :
− l’intériorisation des émotions, qui favorise le développement de com-
portements autodestructeurs, dont font partie les CSP dirigés vers soi ;
− l’extériorisation des émotions, qui favorise le développement de com-
portements abusifs, dont font partie les CSP dirigés vers les autres ;
− l’expression des émotions, qui favorise la compréhension et l’intégration
de l’expérience traumatique aux autres expériences de vie (rémission).
Dans le modèle TOPA, les conflits internes et les émotions non résolues
liées à des expériences traumatiques passées sont perçus comme étant d’im-
portants motivateurs du comportement actuel. Ainsi, ce modèle stipule qu’en
l’absence des habiletés nécessaires pour réguler les émotions qui surgissent
suite à un événement traumatique, les enfants peuvent présenter des com-
portements sexuels dirigés vers soi ou vers les autres pour comprendre ou
contrôler les aspects traumatiques de l’agression sexuelle vécue. Finalement,
l’agression sexuelle vécue y est représentée comme un processus dynamique :
les enfants qui ont vécu une agression sexuelle ou un autre événement trau-
matique peuvent présenter l’une ou l’autre des réponses à différents moments
de leur trajectoire de rétablissement.
En résumé, dans les modèles théoriques axés sur le trauma, dont le Trau-
magenic Dynamics of Sexual Abuse Model (Finkelhor & Browne, 1985) et le
Trauma-Outcome Process Assessment Model, les CSP sont conceptualisés
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
mettra alors en évidence des difficultés au sein de la famille de Laurie puisque ses
parents sont en processus de séparation après trois années de conflits apparus après
la naissance de la petite sœur, Lucie. Peu à peu, les troubles du comportement de
Laurie s’atténuent, mais il y a persistance d’une certaine intolérance à la frustration
qui se réactive lorsque chacun des parents se remet en couple puis à la naissance de
deux demi-frères dans chacun des deux couples. La prise en charge thérapeutique
est donc maintenue, mais de façon plus espacée. Alors que Laurie a 9 ans et qu’elle
vit en garde partagée une semaine sur deux chez ses parents, la maman vient relater
les faits suivants à la pédopsychiatre :
Elle a surpris Laurie couchée sur Lucie, de 14 mois plus jeune et dit qu’il s’agit du
troisième épisode similaire depuis environ une année. La mère explique que Laurie,
à chaque fois, lui a semblé se frotter avec son pubis sur le corps de sa sœur avec des
mouvements de va-et-vient suggérant un comportement à connotation sexuelle. Elle
explique avoir aussi observé que sa fille se touche souvent les parties génitales, de
façon beaucoup plus fréquente que lorsqu’elle était plus petite et d’une façon qu’elle
estime impudique, ce qui n’était pas le cas auparavant. La mère dit ne pas s’être fâchée,
mais qu’elle a, comme les fois précédentes, clairement signifié à Laurie que ce n’est
pas une attitude adaptée d’autant que Lucie a manifesté son mécontentement. Lucie,
interrogée par sa mère, a dit que cela se serait produit à d’autres moments toujours
en journée alors que les deux filles jouent ensemble et que « Laurie veut toujours voir
sa foufoune ». À présent, la mère exprime son désarroi et ses inquiétudes vis-à-vis des
comportements de sa fille aînée dont elle redoute la réitération d’autant qu’après ce
dernier épisode, Laurie s’est mise très en colère quand sa mère lui a parlé.
La pédopsychiatre adresse Laurie en consultation de médecine sexuelle pour évaluation
du CSP en précisant que des CSP n’ont jamais été constatés ni recherchés jusqu’alors.
Elle a informé Laurie que c’est pour ce motif qu’elle a demandé cette consultation.
Laurie est amenée par sa mère. Après des présentations générales et le rappel du
motif de consultation, je propose à Laurie de la voir seule, ce qu’elle accepte puisque
sa maman a dit « qu’elle est déjà bien autonome, probablement en lien avec l’orga-
nisation de la vie actuelle de Laurie en garde partagée, mais aussi parce qu’elle a
beaucoup grandi depuis un an ». De fait, Laurie apparaît comme une fille plus âgée
par rapport à son âge biologique. Manifestement, Laurie amorce sa puberté comme
l’indiquent sa courbe de croissance et un certain développement mammaire.
Pour ce qui est de ses connaissances sur les étapes de la vie, Laurie se voit plutôt
comme une adolescente dans les images que je lui montre de personnes d’âges diffé-
rents. La définition de la Personne que je lui propose à l’aide d’un dessin (tête, cœur et
corps) montre que Laurie semble accorder beaucoup d’importance au corps. Lorsque
je lui demande d’énumérer les différentes parties du corps, elle cite d’emblée les seins.
Elle connaît bien les autres parties, mais ne nomme pas les parties génitales tout en
les montrant sur le dessin et en disant : « ça c’est dégoutant ». Je demande à Laurie si
les petites filles et les petits garçons ont des seins. Elle dit non et ajoute spontanément
que ce sont les dames et pas les garçons. Je demande à Laurie si elle sait pourquoi les
dames ont des seins et pas les petites filles, elle répond par la négative. Je parle alors
102
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
des trois périodes de la vie que sont l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. L’adulte
est défini dans sa capacité physique à pouvoir avoir des enfants à la différence des
enfants. D’où l’importance de la période intermédiaire que constitue l’adolescence
avec notamment des changements corporels, mais aussi dans la tête et le cœur. Cela
permet à Laurie de dire qu’elle « n’est pas contente d’avoir déjà des seins alors que ses
copines n’en ont pas » et que cela la gêne, notamment à la piscine. Je parle alors des
différences qui existent entre les personnes, qui peuvent faire souffrir et que je com-
prends sa peine. D’où l’importance de pouvoir parler de ces aspects de la vie d’autant
que ces changements s’accompagnent aussi de choses positives. Je lui demande si elle
connaît d’autres changements physiques de cette période. Laurie dit : « Il y a les poils
aussi ». Je lui demande si c’est pour cela qu’elle disait que cette partie était dégoutante
et Laurie sourit, semble gênée et ne répond pas. Je n’insiste pas. Je lui explique que je
vais, pour la rassurer sur son état de changement corporel, l’adresser à un médecin
pédiatre qui s’occupe des transformations du corps afin qu’elle puisse se sentir plus
tranquille dans sa tête, son cœur et son corps.
La consultation se poursuit sur ce qui est nécessaire à un enfant pour grandir. Laurie
cite alors : manger, boire, dormir, jouer, aller à l’école, faire du sport et les parents.
Chacun de ces aspects semble aller de soi pour Laurie sauf le dernier puisqu’elle dit
spontanément : « Pour moi, c’est maman parce que mon père, il ne s’occupe pas
de moi ni de ma sœur quand on est avec lui ». Comme je sais qu’elle vit en garde
partagée, je lui demande quelles sont les personnes adultes qui s’occupent d’elles
lorsqu’elles sont chez leur père. Laurie dit que c’est sa belle-mère qui est gentille,
mais qu’elle n’aime pas comme sa maman. Je parle alors du lien d’affection comme
étant le premier lien que les enfants découvrent pour la plupart avec leurs parents et
leur famille composée de leur fratrie et les adultes comme sa belle-mère lorsque les
parents se séparent et refont un autre couple. J’explique qu’aucun enfant ne choisit
ses parents ou les autres adultes de la famille ou même ses sœurs et frères, ce qui
n’est pas toujours facile pour les enfants. Laurie dit alors : « C’est pour ça qu’il faut
devenir grand (adulte) pour être avec plein d’autres personnes ». Je lui demande si
elle a l’impression de devoir être grande, de devoir se débrouiller dans la vie. Laurie
répond par l’affirmative et me précise que cela est vrai « dans sa vie de chez Maman
et dans sa vie de chez Papa ». La consultation se poursuit sur les centres d’intérêt
de Laurie. Je constate que ses intérêts sont plutôt ceux de jeunes âgés de 12 à 15 ans
(personnalités de la musique, du cinéma, des séries télévisées, etc.).
À la consultation suivante, un retour sur l’activité « la personne et ses besoins pour
grandir » permettent de constater que Laurie a bien investi la première consultation.
Elle a apporté des images d’enfants et d’adolescents qu’elle commente de façon adap-
tée. Ces supports confirment qu’elle se voit comme une adolescente dans sa globalité
tête, cœur et corps. Elle dit aussi : « Les petits, c’est embêtant, il faut s’en occuper, ça
m’énerve ». Je lui demande si elle a l’impression qu’à la maison, les adultes s’occupent
davantage ou même trop des plus petits et pas suffisamment d’elle. Elle répond : « Oui,
mais il faut pas le dire sinon, après ils me diront que comme je suis petite, je dois faire
que des choses de petite ». Je lui dis que ce doit être parfois compliqué de devoir faire
103
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
plus grande et qu’il est sûrement nécessaire de réfléchir à l’aider sur ce point. Je fais
alors référence au CSP en lui disant que ces moments où sa maman l’a vue sur sa petite
sœur et qui ont motivé la consultation ici me semblent aussi montrer qu’elle fait des
choses de personne plus grande que 9 ans. Je reprends alors la définition des liens entre
les personnes : nous avons parlé de l’affection, de l’amitié. Il y a aussi ce lien de l’amour.
Ces trois liens sont différentes façons d’aimer. Le troisième, elle l’a peut-être déjà connu
en étant amoureuse. Laurie dit : « Ah oui, j’ai déjà eu quatre amoureux ». Je parle alors
des amours enfantines et des amours des grandes personnes entre elles, qui sont évi-
demment bien différentes. En effet, les grandes personnes ne sont plus ni des enfants ni
des adolescent(e)s, ce qui leur permet, parce qu’ils ont suffisamment grandi, de s’aimer
de toute leur personne entière (tête, cœur et corps) pour partager les grandes choses de
l’amour ; ce qui peut leur permettre aussi d’avoir des enfants. Laurie dit alors : « Ah oui,
ils font du sexe ». Aussitôt après ces paroles, Laurie semble gênée et baisse la tête. Je lui
dis que je vois qu’elle sait déjà beaucoup de choses et que c’est important de pouvoir
parler de tout cela puisque ces choses-là sont importantes dans la vie. Je lui demande de
me préciser ce que cela veut dire pour elle. Laurie dit : « lls se mettent tout nus et ils font
des choses ». Je dis : « Effectivement, comme ils sont adultes, ils ont décidé ensemble
de construire un tête-à-tête, un cœur à cœur et un corps à corps, avec tout leur corps
en entier dont aussi cette partie du corps qui a aussi ce rôle de rendre les personnes
heureuses (je montre la zone génitale sur le dessin) ». Je demande à Laurie si, lorsqu’elle
disait que cette partie du corps était dégoutante, elle pensait aux adultes qui font du sexe
comme elle le dit. Elle dit oui. Je lui explique que c’est une des raisons pour laquelle la
sexualité, comme les grandes personnes peuvent la vivre, ne peut pas encore être pour
les petites personnes. Mais je précise que pour elle, en tant que fille de 9 ans, il est aussi
important qu’elle ne pense pas que cette partie de son corps est sale puisque les enfants
peuvent déjà constater en touchant eux-mêmes cette partie de leur corps, qu’elle est
agréable. Laurie a alors un sourire et dit : « Ça fait des chatouilles quand je touche et
j’aime bien, mais des fois, je le fais trop et ça m’énerve ». Je demande alors à Laurie si elle
a déjà vu des adultes avoir une sexualité. Elle dit alors : « Oui, mais pas pour de vrai ».
Je demande des précisions. Laurie pourra ainsi dire que son cousin Benjamin, âgé de 11
ans, lui a montré à plusieurs reprises depuis environ un an, des images dont la descrip-
tion ne laisse guère de doute sur le caractère pornographique.
La suite de l’évaluation permettra de constater que Laurie n’a pas subi de violences
sexuelles directes à l’exception de cette effraction qu’a représentée la pornographie
dans son développement. Le pédiatre évaluera que le développement pubertaire de
Laurie est prématuré, mais harmonieux et qu’il est déjà trop avancé pour être freiné
par un traitement. Laurie aura ses règles à 10 ans.
Il sera indispensable de recevoir ses parents pour voir les pistes de sécurisation de
l’attachement (facteur associé). Je constaterai que les deux parents ont un regard plu-
tôt négatif sur leur fille qui s’est aggravé avec l’apparition des CSP. Il sera nécessaire
de les aider à réfléchir sur ce point, au-delà des seuls CSP. Il sera également indis-
pensable de les aider à réfléchir à la protection de Laurie puisqu’il apparaîtra que le
père avait surpris Laurie et Benjamin regardant des images pornographiques (facteur
104
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
associé), mais avait banalisé cet événement. En conséquence, une réflexion sera aussi
menée avec la pédopsychiatre et son équipe pour guider les parents dans leur attitude
vis-à-vis du cousin et de ses parents. Quant à la petite sœur Lucie, je la verrai avec la
pédopsychiatre pour évaluer un éventuel retentissement des CSP de Laurie sur elle.
La prise en charge de Laurie, adaptée à son âge et à son histoire, se poursuivra sur une
année afin qu’elle puisse continuer à réfléchir sur les repères humains et relationnels
nécessaires pour s’apaiser dans son développement sexuel. Il sera particulièrement
nécessaire de l’aider à se mettre à distance des images qui avaient fait effraction et
qui avaient manifestement eu un impact plus sévère que ce qui pouvait apparaître de
prime abord. En abordant ses comportements sexualisés avec sa sœur, je pourrai voir
le lien entre le souvenir des images et les comportements masturbatoires ou de CSP.
Elle dira à ce sujet : « Je ne pouvais pas m’en empêcher, ça me prenait tout à coup ». Il
sera important qu’elle puisse trouver une image positive de son corps au-delà de l’arri-
vée de ses règles. La sécurisation des affects par une meilleure communication avec ses
parents et une authenticité des liens avec son père et sa nouvelle famille favoriseront
cet apaisement en lui redonnant une estime et une confiance en elle. Il n’y aura pas
de nouveaux constats de CSP par la suite. La prise en charge sera arrêtée à ses 12 ans.
Vignette 2 : Victor
L’histoire de Victor est la suivante : les parents de Victor apparaissent vulnérables
dès la grossesse de Victor. Sa mère est psychotique (facteur associé) et son père a
commis des faits de petite délinquance (facteur associé), d’où la mise en place d’un
suivi par les services sociaux et de la protection de l’enfance. Lorsque Victor a 4 ans,
le père est incarcéré pour violence conjugale (facteur associé) et les deux enfants de
la famille sont confiés à une famille d’accueil en raison de sévères carences éduca-
tives (facteur associé). La mère reçoit régulièrement ses enfants en droits de visite
à son domicile. Une prise en charge pluridisciplinaire de Victor est organisée per-
mettant de porter le diagnostic d’une déficience intellectuelle légère.
Vers ses 6 ans, sont repérés de premiers CSP dans les rapports de ses référents
sociaux et médicaux : Victor a des propos à connotation sexuelle. Il se masturbe
très fréquemment en présence d’autres enfants ou adultes et peut chercher à tou-
cher les parties intimes d’autres enfants. À noter que sa petite sœur présente aussi
de tels propos, avec une moindre importance toutefois.
Aux 8 ans de Victor, du fait de ses difficultés qui épuisent la famille d’accueil, Victor
est placé en foyer de groupe (facteur associé). À 9 ans, des révélations de Victor et de
sa sœur permettent de constater que leur mère les expose régulièrement à des films à
caractère pornographique et qu’elle peut avoir des relations sexuelles devant eux avec
des hommes, et ce, depuis plusieurs années comme elle le dira elle-même (facteur
associé). Les droits de visite chez la mère sont suspendus. Par la suite, Victor, qui
semble apaisé, revient en visite régulière dans son ancienne famille d’accueil pour
voir sa sœur. Mais alors qu’il vient d’avoir 11 ans, des rapports éducatifs précisent
que Victor « parle de sexe à tort et à travers, qu’il s’exhibe fréquemment avec une
105
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
tendance au voyeurisme dans les salles de bain de son lieu de vie, ce qui nécessite une
surveillance particulière et éprouvante pour les professionnels » (élément de défi-
nition des CSP). Lors des visites effectuées à sa sœur, la responsable de la famille
d’accueil le surprend couché sur sa sœur, qui révèlera que cela se produit quasiment
à chaque fois qu’elle voit son frère depuis environ 6 mois (élément de définition).
Victor a 11 ans quand une plainte pour attouchements sexuels sur sa sœur âgée
de 9 ans est présentée au magistrat, c’est-à-dire que Victor est mis en examen. En
France, un enfant peut être mis en examen avant 13 ans et reconnu coupable. Entre
10 ans et 13 ans, il peut alors faire l’objet de sanctions éducatives (telles que le pla-
cement en famille d’accueil ou l’interdiction de voir la victime, etc.). Une expertise
psychiatrique est ordonnée. Victor quitte le foyer de groupe et vit dans une famille
d’accueil thérapeutique. Dans les mois suivants, il est adressé en consultation de
médecine sexuelle par la psychologue du service de l’Aide sociale à l’enfance.
La première consultation avec Victor ne s’oublie pas ! Il est accompagné de son édu-
catrice référente puisqu’il ne me connaît pas et qu’il est important qu’il se sente sécu-
risé. Il dit d’emblée : « On m’a dit que tu étais un docteur du sexe et moi je veux savoir
ce que ça, ça veut dire ». Et il écrit PD et GOUINE sur le tableau que j’utilise dans
les consultations. Je lui dis qu’il va apprendre dans ces consultations ce que cela veut
dire, mais qu’il lui faut un peu de patience, car il faut que je lui amène d’abord un cer-
tain nombre de choses pour répondre précisément à sa question dont je le félicite. Et
je trace un dessin au tableau pour commencer à définir avec Victor ce dont une per-
sonne a besoin pour grandir. Victor participe activement et écoute attentivement les
explications que je donne ; il se tient assis quasiment tout le temps de la consultation,
ce que son éducatrice qualifie de prouesse. À la fin de la consultation, il me demande :
« Est-ce que je pourrai avoir un jour des enfants, car je n’ai qu’une couille ? » Je le
rassure tout en lui disant que je vais me renseigner auprès de son médecin traitant.
À la consultation suivante, je peux effectivement le rassurer, car il a un testicule. À
la quatrième consultation, alors que nous parlons de la manière dont on apprend
à se respecter soi-même dans son corps (y compris génital) et que je lui dis qu’il
doit en être de même de la part de toutes les personnes vis-à-vis des autres, Victor
déclare : « mais alors Yann ne devait pas me toucher le zizi avec son zizi à lui ? ».
Yann, 17 ans, était le fils de son assistante familiale. L’enquête établira la véracité de
ces révélations, mais beaucoup plus tard (facteur associé).
Entre temps, l’évaluation a amené à cerner que Victor retient ce qui lui est apporté
et ce qui est réfléchi durant les consultations ; il apparaît possible de le « désexua-
liser » tout en lui amenant peu à peu ce qui peut lui permettre de développer sa
personnalité sexuelle sans confusion avec l’affection ou l’amitié. En témoignent des
signes d’apaisement dans son comportement sexuel. Dans ce contexte, il apparaît
indispensable de sécuriser son attachement de type désorganisé/désorienté (facteur
associé). Or, son père s’est totalement désintéressé de ses enfants à sa sortie de
prison. Quant à sa mère, elle reste très vulnérable et vient peu aux droits de visite.
Environ un an plus tard, Victor est reconnu coupable des faits commis sur sa sœur
et est inscrit sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions
106
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
107
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
108
Tableau 1. Programmes d’intervention destinés aux enfants qui présentent des CSP
109
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Programmes Cibles d’intervention
110
Sexually reactive youth program (Ray et al., 1995), Volet enfant : Volet parent :
États-Unis • élimination du déni • habiletés de communication
Approches : éducation, comportementale, holistique • correction des pensées erronées • éducation à une saine sexualité
Durée : 18 mois et plus • développement de l’identité sexuelle • gestion de la colère
Modalités : séances individuelles enfant, groupe enfants, • développement de l’empathie • habiletés d’affirmation de soi
thérapie familiale, groupes éducatifs et de soutien pour • identification des précurseurs des CSP • relations interpersonnelles
parents biologiques, d’accueil ou adoptifs • gestion des histoires d’abus ou de trauma • estime de soi
Animation : formation d’une équipe attitrée à l’enfant Volet famille :
Milieu : services de protection • dynamique familiale propice aux CSP
• soutien à la réintégration de l’enfant dans son milieu
Specialized treatment of sexually abusive behavior Volet enfant : Volet parent :
problems (Ryan & Lane, 1997, Ryan et al., 2011), • identification des précurseurs des CSP et de • compréhension des CSP
États-Unis stratégies d’adaptation adéquates • gestion de comportements
Approches : cycle de l’abus, psychoéducation, éclectique, • prise de responsabilité pour ses gestes • supervision adéquate
thérapie complémentaire (si autre trouble ou déficit) • éducation sur les effets d’un trauma • établissement d’un plan de sécurité
Modalités : groupe enfants (2 semaines), séances éduca- • expression des émotions
tives pour parents, séances individuelles (si nécessaire), • résolution de problèmes
thérapie familiale (si nécessaire) • estime de soi
• sentiment de compétence
Expressive Therapy (ET) Relapse Prevention • règles de sexualité adéquate et établissement des frontières physiques
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
111
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Programmes Cibles d’intervention
112
Day program (Robbins, 2001), États-Unis Volet enfant : Volet famille :
Modalités : TCC, éclectique, psychoéducative, prévention • éducation à la sexualité • soutien à la famille
de la récidive • identification et correction des pensées • gestion des comportements
Durée : 18 semaines erronées • communication efficace
Intensité : 2 h/jour • développement de l’empathie • habiletés générales de coping au sein de la
Modalités : groupe enfants (n = 10 maximum, répartis • gestion des comportements pour réduire famille
selon l’âge : 6-9 et 10-12), suivi individuel, thérapie l’excitation sexuelle déviante
familiale (1 séance x 60 min. /sem.) • plan de prévention de la récidive
Animation : 1 thérapeute formé dans une discipline
psychosociale ou en clinique Milieux : scolaire ou hospitalier
Transformers program (Staiger et al., 2005), Australie Volet enfant : Volet parent :
Approches : TCC, systémique • responsabilité pour ses gestes • connaissance des CSP
Durée : 20 semaines • identification des précurseurs des CSP • compréhension et réponse adéquate aux
Modalités : groupe parents, groupe enfants, suivi individuel • résolution de problèmes besoins de l’enfant
(au besoin), thérapie familiale (au besoin) • développement de l’empathie • discipline appropriée et constante
Milieu : communautaire • création d’un réseau de soutien • réduction de la colère et du déni
• estime de soi et confiance en soi • identification et modification des précur-
seurs familiaux des CSP
• création d’un réseau de soutien
Multisystemic family treatment model for children • restructuration cognitive
who have sexual behavior problems (Griffith, 2005), • éducation à la sexualité
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
113
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Programmes Programmes
114
Navigators group (Rose, 2008), États-Unis • éducation à la sexualité
Approches : TCC, psychoéducation • reconnaissance des règles de sexualité enfreintes
Durée : 12 semaines • développement de l’empathie
Modalité : groupe enfants • création d’un plan de prévention de la récidive
Milieu : établissement de réadaptation fermé (résidentiel)
Project Pathfinder (Stewart, 2009), États-Unis Volet enfant : Volet parent :
Approche : TCC, psychoéducation, thérapie par le jeu • résolution de problème • connaissances sur les CSP
Modalités : individuel, groupe parents, groupe enfants, thérapie • entraînement aux habiletés sociales • supervision adéquate
familiale • contrôle de soi • gestion des comportements
• expression des émotions
• prévention de la récidive
The four quadrants (Bergman & Creeden, 2011), pays non précisé • éducation sur le fonctionnement du cerveau (ex. : impact des traumas)
Approches : neuro-developmentale, fondée sur l’attachement, • compréhension des CSP et de ses conséquences
fondée sur le trauma, éclectique, expérientielle (ex. : arts, théâtre, • identification de la dynamique menant aux CSP
EMDR, pleine conscience) • prise de conscience de ses émotions/pensées
Durée : non-précisée • apprentissage des stratégies d’autorégulation
Modalités : séances en dyades (parent-enfant ), suivies de • prise de responsabilité pour ses gestes
séances en groupe • développement de l’empathie
Animation : thérapeutes formés en neurodéveloppement et sur les • sentiment de compétence
conséquences associées au trauma • habiletés de relations sociales saines et sécuritaires
Milieux : clinique ou communautaire • gestion de l’expérience de trauma et de deuils
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
115
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
116
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Les travaux réalisés par Pithers et al. (1998) visaient à comparer l’efficacité
d’une TCC de type « prévention de la récidive » à une thérapie expressive, impli-
quant la réalisation d’activités créatives à l’intérieur d’un cadre d’intervention
souple. Les données recueillies auprès des 93 enfants participant à l’une ou
l’autre des thérapies révèlent qu’à la mi-traitement (16 semaines après le début
de la thérapie) les enfants participant à la TCC avaient une diminution statisti-
quement significative des comportements sexuels comparativement aux enfants
participant à la thérapie expressive. Lors d’un suivi réalisé un an après la fin du
traitement, une diminution progressive des comportements sexuels a été obser-
vée, ainsi qu’une diminution des problèmes de comportement, chez l’ensemble
des participants (Pithers & Gray, 1998). À moyen terme, les enfants des deux
groupes ont vu leurs comportements sexuels diminués et les deux groupes ne
se distinguaient plus (Bonner & Fahey, 1998, cité dans Carpentier et al., 2006).
Les travaux réalisés par Bonner et al. (1999) visaient à comparer l’efficacité
d’une TCC à celle d’une thérapie par le jeu. Les données recueillies au début
et à la fin de l’intervention (n = 39) ont révélé des améliorations significatives
équivalentes pour les deux groupes d’enfants en ce qui concerne leurs com-
portements sexuels, leurs compétences sociales et leurs problèmes de compor-
tement. Un suivi réalisé deux ans après leur participation (n = 20) a montré
des taux de récidive équivalents chez les enfants des deux groupes (TCC =
15 %, thérapie par le jeu = 17 %), tandis qu’un suivi réalisé sur une période de
10 ans auprès de 135 enfants ayant participé à l’un ou l’autre de ces deux trai-
tements pointe plutôt en faveur de la TCC (Carpentier et al., 2006). En effet,
des taux plus faibles d’arrestations pour une offense à caractère sexuel ont été
notés chez les participants de ce groupe (2 %), comparativement à ceux du
groupe de thérapie par le jeu (10 %).
Parmi les sept autres programmes de traitement évalués, deux ont fait l’ob-
jet d’une étude quasi-expérimentale avec assignation non aléatoire des partici-
pants à l’une ou l’autre de deux conditions de traitement (Rose, 2008; Staiger,
Kambouropoulos, Evertsz, Mitchell, & Tucci, 2005), tandis que cinq ont plu-
tôt fait l’objet d’une étude pré-expérimentale impliquant une seule condition
de traitement (Gagnon, Tremblay, & Bégin, 2005 ; Jones, Ownbey, Everidge,
Judkins, & Timbers, 2006 ; Ownbey et al., 2001 ; Ray et al., 1995 ; Silovsky et
al., 2007 ; Stewart, 2009). D’entrée de jeu, les résultats de ces études confir-
ment ceux des travaux évoqués précédemment, à savoir que les enfants se sont
améliorés de manière statistiquement significative sur le plan des compor-
tements sexuels (Gagnon, Tremblay et al., 2005 ; Jones et al., 2006 ; Ownbey
et al., 2001 ; Ray et al., 1995 ; Rose, 2008 ; Silovsky et al., 2007 ; Staiger et al.,
2005 ; Stewart, 2009), des problèmes de comportement intériorisés (Gagnon,
Tremblay et al., 2005 ; Staiger et al., 2005) ou extériorisés (Ray et al., 1995 ;
Stewart, 2009) et des compétences sociales (Gagnon, Tremblay et al., 2005 ;
Ray et al., 1995). D’autres améliorations statistiquement significatives en lien
117
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
avec les cibles d’intervention des programmes de traitement des CSP ont aussi
été notées chez les enfants participants : connaissances relatives à la sexualité
(Ray et al., 1995 ; Rose, 2008 ; Silovsky et al., 2007 ; Staiger et al., 2005 ; Stewart,
2009), reconnaissance ou prise de responsabilité pour ses gestes (Ray et al.,
1995 ; Staiger et al., 2005), empathie (Rose, 2008 ; Staiger et al., 2005) et sen-
timent de sécurité personnelle (Stewart, 2009). Seule l’étude de Staiger et al.
(2005) a évalué la présence de changements chez les parents, lesquels se sont
traduits par une amélioration des connaissances sur les CSP et une augmenta-
tion de la confiance en leur capacité à les gérer. Enfin, Ray et al. (1995) ont éva-
lué la présence de changement sur le plan familial et leurs résultats indiquent
une amélioration des relations entre ses membres au sortir du programme.
En résumé, les études évaluatives recensées révèlent des résultats positifs,
en ce sens qu’il s’avère possible de diminuer la fréquence des comportements
sexuels émis par les enfants, de même que de prévenir leur récidive à plus long
terme. Certaines études rapportent également des résultats prometteurs au
regard de quelques cibles d’intervention visées par les programmes de traite-
ment des CSP, dont les connaissances en matière de sexualité et de frontières
personnelles, la reconnaissance des gestes, l’empathie, les compétences sociales
et les difficultés de comportements (extériorisés et intériorisés). Des études
supplémentaires sont toutefois nécessaires pour fournir une réponse plus
complète à la question de l’efficacité des programmes de traitement existants,
c’est-à-dire : « Dans quelle mesure ces programmes permettent-ils d’atteindre
l’ensemble des cibles d’intervention envisagées auprès de l’enfant, de ses parents
et de sa famille ? ». Pour assurer la validité d’une telle réponse, les études futures
mériteraient de recourir à une méthodologie rigoureuse qui pallie les princi-
pales limites notées dans ce domaine : utilisation de devis pré-expérimentaux
(absence de groupe contrôle), faible taille d’échantillon, recours à un seul infor-
mateur, mesure des CSP imprécise (c’est-à-dire présence et fréquence de com-
portements sexuels au sens large, pas nécessairement problématiques).
118
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
guidant les cliniciens dans leur travail visant à adapter, voire personnaliser, les
interventions aux spécificités de leur clientèle (Tougas & Tourigny, 2013).
À ce jour, peu d’études ont exploré les caractéristiques qui sont associées
à l’évolution positive des enfants ou aux effets des programmes d’intervention
auprès des enfants présentant des CSP (Pithers & Gray, 1998 ; Silovsky et al.,
2007 ; Stewart, 2009 ; Tougas, Boisvert, Tourigny, Lemieux, Tremblay & Gagnon,
2016 ; Tougas, Tourigny, Boisvert, Lemieux, Tremblay & Gagnon, 2016).
Dans un premier temps, les travaux de Pithers et al. (1998), présentés à la
section précédente, démontrent que les effets des deux interventions évaluées
varient selon les sous-groupes d’enfants examinés. Plus spécifiquement, les
enfants du sous-groupe « très traumatisé » (caractérisé par le fait d’avoir vécu
diverses formes de maltraitance) s’améliorent davantage au niveau des com-
portements sexuels suite à une participation à la TCC comparativement à une
participation à la thérapie expressive. Les auteurs rapportent également que la
proportion d’enfants qui s’améliorent cliniquement après 16 semaines d’in-
tervention varie selon les sous-groupes (très traumatisé, réactif sexuellement,
briseur de règle, agressif sexuellement et sans symptôme). Par exemple, 58 %
des enfants du sous-groupe « briseur de règles » passent d’un score clinique
(nécessitant une intervention) au niveau des comportements sexuels au début
du traitement à un score non clinique 16 semaines plus tard, démontrant ainsi
une réduction de la fréquence des comportements sexuels. Pour les enfants du
sous-groupe « agressif sexuellement » seulement 7 % d’entre eux passent d’un
score clinique à un score non clinique concernant les comportements sexuels.
Ces résultats suggèrent ainsi que la TCC est mieux adaptée aux enfants ayant
vécu des mauvais traitements. À plus long terme, il semble toutefois que la
différence en faveur de la TCC pour ce sous-groupe d’enfants n’est plus signi-
ficative (Chaffin et al., 2002, cité dans Staiger et al., 2005).
Les résultats de l’étude de Tougas et al. (2016) vont partiellement dans le
même sens en confirmant un lien entre les formes de mauvais traitements et
l’amélioration en cours d’intervention des CSP. Cette étude avait pour but
d’examiner si les mauvais traitements, vécus par l’enfant ou par son parent, per-
mettaient de prédire l’évolution de 75 enfants de 6 à 12 ans participant à un
programme d’intervention visant à traiter leurs CSP au moyen d’une approche
fortement inspirée des orientations cognitive-comportementale et psychoédu-
cative. Bien que les résultats montrent que, dans l’ensemble, les mauvais traite-
ments de l’enfant ne sont pas associés à l’évolution des problèmes de comporte-
ment de l’enfant ni à l’évolution des habiletés sociales en cours d’intervention,
le fait pour les enfants d’avoir vécu diverses formes de mauvais traitements est
associé à l’évolution positive en cours d’intervention de différentes mesures de
comportements sexuels. En effet, concernant les problèmes de comportements
sexuels, tels que rapportés par le parent, les enfants ayant vécu une agression
sexuelle s’améliorent davantage que les enfants qui n’ont pas vécu cette forme de
119
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Une fois que leurs besoins sont compris et abordés ouvertement, il est pos-
sible de consolider la confiance et la réceptivité des parents en les impliquant
étroitement dans le processus de traitement, et ce, dès les premières séances.
Plus spécialement, les parents peuvent être invités à collaborer avec le théra-
peute dans l’élaboration et l’évaluation des objectifs de traitement. Parallèlement
aux séances offertes dans le milieu d’intervention, le thérapeute peut effectuer
des appels téléphoniques réguliers auprès des parents afin de soutenir les efforts
de ces derniers dans l’actualisation du plan de traitement au quotidien. Des
contacts répétés permettent également d’assurer une présence essentielle pour
répondre aux besoins des parents au fur et à mesure qu’ils surviennent en cours
de traitement. Cette stratégie serait déterminante pour rappeler aux parents qu’il
y a espoir de changement pour leur enfant, qu’il est toujours important qu’ils
s’investissement dans cette direction et qu’ils ne sont pas seuls pour y arriver.
5. Conclusion
Les CSP représentent un phénomène préoccupant et complexe, tant pour les
parents, les professionnels et les chercheurs qui cherchent à venir en aide aux
enfants qui les présentent. Néanmoins, la grande majorité des auteurs s’ac-
cordent pour souligner la difficulté, mais aussi l’importance de reconnaître
objectivement et humainement qu’il soit possible que les enfants présentent
des CSP. Il est désormais nécessaire de tenir compte de la souffrance vécue par
les enfants qui manifestent des CSP, tout en s’assurant que ceux-ci reçoivent
un accompagnement social et psychologique individualisé pour leur per-
mettre de rejoindre la trajectoire normative du développement psychosexuel.
Pour finir, ce chapitre aura permis de dresser un portait des connaissances
scientifiques actuelles sur les enfants qui présentent des CSP. Malgré l’intérêt
grandissant pour ce phénomène, ce dernier est encore trop peu documenté.
Des efforts devront inévitablement être consacrés, dans les prochaines années,
afin d’intensifier la coopération internationale pour affiner la définition des
CSP chez les enfants, mieux comprendre leur origine et développer des services
d’évaluation et d’intervention qui permettent de répondre de façon adaptée aux
besoins complexes des enfants qui présentent de tels comportements. Il est tou-
tefois encourageant de constater que plusieurs cliniciens et chercheurs tentent,
par leur expertise, de consolider les connaissances exposées dans ce chapitre.
6. Références
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136
Chapitre 4
L’agression sexuelle envers
les enfants et les adolescents
137
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
monde permettant de bien identifier les services disponibles pour les victimes
d’agression sexuelle (voir Jud, Finkelhor, Jones, & Mikton, 2015). Ainsi, dans
de nombreux pays, peu d’informations sont disponibles pour évaluer si les
victimes sont bel et bien identifiées, si elles reçoivent la protection et l’assis-
tance adéquates, s’il y a des déficits d’approvisionnement ou si les mesures
prises sont efficaces.
Les plus récentes recensions des études de prévalence (Barth, Bermetz,
Heim, Trelle, & Tonia, 2013; Pereda, Guilera, Forns, & Gomez-Benito, 2009;
Stoltenborgh et al., 2011) soulignent la grande hétérogénéité des méthodes uti-
lisées et, par conséquent, des résultats obtenus. Dans les 217 études de la méta-
analyse de Stoltenborgh et al. (2011), les prévalences d’agression sexuelle se
situent entre 0,1 % et 71,0 %. La plus récente recension de Barth et al. (2013),
qui analyse 55 études publiées depuis 2000, rapporte des taux de prévalence
de 15 % pour les filles (Intervalle de confiance [IC] 9-24 %) et de 8 % pour
les garçons (IC 4-16 %), ce qui suggère que les filles seraient de 2 à 3 fois plus
susceptibles que les garçons d’être victimes d’agression sexuelle. Bien qu’il soit
pertinent de considérer certains enjeux méthodologiques – notamment le fait
que les garçons soient moins nombreux à dévoiler leur expérience d’agression
sexuelle (Hébert, Tourigny, Cyr, McDuff, & Joly, 2009) -les différences entre
les genres dans les études de prévalence demeurent assez stables, quel que soit
le contexte d’évaluation ou la méthode utilisée (Barth et al., 2013).
Les différents facteurs liés à l’hétérogénéité des résultats de prévalence sont
nombreux et comprennent des artefacts méthodologiques tels que la taille
de l’échantillon, la procédure de recrutement des participants, l’étendue des
groupes d’âge des participants interrogés, le taux de réponse, le nombre et
la sélection des énoncés du questionnaire et la définition utilisée (Barth et
al., 2013 ; Stoltenborgh et al., 2011). Stoltenborgh et al. (2011) rapportent un
taux de prévalence plus élevé pour les études présentant des échantillons plus
petits, des taux de réponse plus faibles et des échantillons non aléatoires. Les
taux de prévalence pour les garçons sont plus élevés quand les études ciblent
des adultes invités à rapporter des événements d’agression sexuelle vécus
durant leur enfance que dans les études qui questionnent des adolescents.
Certaines autres caractéristiques méthodologiques, notamment le continent
ou le niveau de développement économique du pays où l’étude est effectuée,
ont un effet modérateur sur les taux de prévalence observés. Par exemple,
les filles d’Océanie présentent le taux de prévalence le plus élevé tandis que
ce sont les garçons d’Afrique qui ont les taux de prévalence les plus élevés
(Stoltenborgh et al., 2011). Cette même méta-analyse indique également que
les garçons provenant de pays ayant peu de ressources présentent des taux de
prévalence plus élevés (14,0 %) que ceux provenant de pays ayant beaucoup
de ressources (6,8 %) tandis que l’inverse semble se produire chez les filles
(15,9 % peu de ressources vs 18,3 % beaucoup de ressources). On ne trouve
138
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents
toutefois pas d’effet du niveau de développement du pays sur les taux de préva-
lence de l’agression sexuelle chez les garçons lors d’une méta-analyse d’études
portant sur les adolescents seulement (Barth, et al., 2013). Les facteurs modé-
rateurs énumérés ci-dessus n’expliquent toutefois qu’une faible proportion de
la variance. Ainsi, les différences parfois drastiques entre les études ne peuvent
être adéquatement expliquées que par des artefacts méthodologiques.
Les différentes définitions de l’agression sexuelle sont une autre source de
variation importante à considérer (Stoltenborgh et al., 2011). La littérature
scientifique n’utilise pas de définition commune de la violence sexuelle (voir
Herrenkohl, 2005). Pourtant, une définition uniforme serait essentielle pour
développer un corpus de connaissances des différents facteurs de risque asso-
ciés à la violence sexuelle envers les enfants et des facteurs en cause dans le
développement des constellations symptomatiques typiques (Azar, Povilaitis,
Lauretti, & Pouquette, 1998). Tenant compte de l’état actuel de la recherche
provenant de différentes disciplines (médecine, psychologie, sociologie, tra-
vail social, etc.) la définition de l’agression sexuelle des Centers for Disease
Control and Prevention [CDC] (Leeb, Paulozzi, Melanson, Simon, & Arias,
2008) marque une étape importante pour le développement d’une définition
commune dans ce domaine : Tout acte sexuel ou tentative d’acte sexuel, contact
sexuel ou exploitation (ex. : interaction sexuelle sans contact physique) d’un
enfant par une personne qui en a la charge (traduction libre).
Cette définition spécifie qui sont les auteurs potentiels de l’agression
sexuelle, soit les personnes s’occupant de l’enfant (Leeb et al., 2008). Ce groupe
comporte les parents biologiques et les tuteurs légaux, ou toute autre personne
ayant la responsabilité parentale permanente des enfants. Les personnes qui
sont temporairement responsables de la santé et du bien-être des enfants sont
également incluses : les enseignants, les éducateurs, les entraîneurs, etc. Cette
opérationnalisation des auteurs de la violence est considérée dans la plupart
des définitions de la négligence et de la maltraitance physique et psychologique
-souvent implicitement. Les définitions des agressions sexuelles, cependant,
n’incluent souvent pas seulement les actes commis par les personnes s’occu-
pant des enfants, mais aussi par les pairs de ces derniers ou des étrangers. Si l’on
ne fait pas la distinction entre les types d’auteurs, intrafamiliaux ou extrafami-
liaux, on ne peut évaluer si les causes et les conséquences de l’agression sexuelle
se distinguent en fonction de la relation avec l’agresseur. Les différences dans
l’opérationnalisation des auteurs de la violence sexuelle ont non seulement un
impact quant aux résultats divergents des études de prévalence, mais ils contri-
buent également aux résultats contradictoires des études portant sur les fac-
teurs de risque de violence sexuelle (Black, Heyman, & Smith Slep, 2001).
Les études sur l’incidence des agressions sexuelle envers les mineurs (visant
à identifier le nombre de nouveaux cas d’agression sexuelle sur une période
donnée) et portant sur les services dont bénéficient les victimes sont beaucoup
139
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
plus rares (recension pour l’Amérique du Nord : Fallon et al., 2010 ; recension
internationale : Krüger & Jud, 2015). Ces études s’effectuent généralement
par des analyses de dossiers administratifs et des enquêtes auprès de profes-
sionnels. Un exemple d’analyse de dossiers administratifs à suivre est celui du
National Child Abuse and Neglect Data System (NCANDS) aux États-Unis,
qui résume annuellement les données relatives aux enfants signalés aux ser-
vices de protection de la jeunesse (SPJ) pour 50 états (ex. : U.S. Department of
Health and Human Services, 2014).
Il n’y a que quatre enquêtes nationales effectuées auprès des professionnels
qui sont représentatives et répétées périodiquement en Amérique du nord,
notamment les quatre cycles de la National Incidence Study of Child Abuse and
Neglect (NIS) aux États-Unis (National Center on Child Abuse and Neglect,
1981; Sedlak, 1991; Sedlak & Broadhurst, 1996; Sedlak et al., 2010) et les trois
cycles de l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et
de négligence envers les enfants (ECI) (Public Health Agency of Canada [PHAC],
2010 ; Trocmé et al., 2005 ; Trocmé et al., 2010 ; Trocmé, Tourigny, MacLaurin,
& Fallon, 2003) au Canada. En Europe, on retrouve les deux cycles de la Natio-
nale Prevalentiestudie Mishandeling Kinderen en Jeugdigen (NPM) aux Pays-Bas
(Alink et al., 2011 ; Euser, van IJzendoorn, Prinzie, & Bakermans-Kranenburg,
2010; Euser et al., 2013) et l’étude Optimus en Suisse (Maier, Mohler-Kuo, Lan-
dolt, Schnyder, & Jud, 2013) dont le deuxième cycle est en préparation. Ces
études utilisent les données issues des professionnels des SPJ (voir ECI), voire
des autres institutions tels que les hôpitaux pour enfants, les services de psychia-
trie, les forces de police, etc. (ex. : Sedlak et al., 2010).
Tout comme les études de prévalence, les études d’incidence rapportent
une proportion de victimes féminines élevée en ce qui concerne l’agression
sexuelle (Euser et al., 2013 ; Lefebvre, Fallon, & Trocmé, 2012 ; Maier et al.,
2013 ; Sedlak et al., 2010 ; U.S. Department of Health and Human Services,
2014). Lorsque comparée aux autres formes de maltraitance signalées aux ins-
titutions, l’incidence d’agressions sexuelles est modeste – 9 % des cas signa-
lés aux SPJ des États-Unis en 2013 (U.S. Department of Health and Human
Services, 2014). Souvent, les victimes des actes sexuels violents ont également
vécu d’autres formes de maltraitance.
La saisie périodique de données d’études d’incidence permet de suivre
des tendances. Aux États-Unis, les cas d’agressions sexuelles rapportés entre
1992 et 2004 ont diminué de 49 % (Finkelhor & Jones, 2006). Bien que cette
tendance puisse s’expliquer par des changements dans les pratiques de signa-
lement, des travaux (Finkelhor & Jones, 2006 ; Jones, Finkelhor, & Halter,
2006) suggèrent qu’aux États-Unis plusieurs facteurs indiquent qu’au moins
une partie de la baisse des signalements pourrait être due à une réduction
réelle des agressions sexuelles envers les enfants. La baisse des signalements
est en effet accompagnée par une diminution de la prévalence dans les études
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tard (Daignault & Hébert, 2008 ; Daigneault, Cyr, et al., 2007 ; Dai-
gneault, Hébert, et al., 2007) ;
• enfin, les enfants et adolescents peuvent démontrer une réelle résilience
psychologique suite à une agression sexuelle. En effet, lorsque l’on éva-
lue un ensemble très large de symptômes possibles sur une période d’un
an, on observe qu’entre 34 % et 56 % des adolescents agressés sexuel-
lement présentent une trajectoire de santé mentale résiliente, exempte
de symptômes (Daigneault, Cyr, et al., 2007 ; Daigneault, Hébert, et al.,
2007). Cette résilience leur serait conférée par des facteurs de protec-
tion (ex. : stratégies d’adaptation, soutien parental, soutien des pairs)
qui agissent contre les effets délétères de l’agression sexuelle (Collin-
Vézina, Daigneault, & Hébert, 2013 ; Hébert, 2011 ; Williams & Nelson-
Gardell, 2012).
La troisième conclusion pouvant être tirée des études menées à ce jour
est que les jeunes agressés sexuellement durant l’enfance présentent une plus
grande comorbidité de problèmes que leurs pairs non agressés, davantage
même que ceux qui reçoivent des services psychiatriques, mais qui n’ont pas
vécu d’agression sexuelle (Brand, King, Olson, Ghaziuddin, & Naylor, 1996;
Silverman, Reinherz, & Giaconia, 1996). Ainsi, parmi des jeunes recevant des
services psychiatriques, on a observé que ceux ayant été exposés à l’agres-
sion sexuelle présentaient davantage de symptômes intériorisés ou de stress
post-traumatique que leurs pairs non agressés (Naar-King, Silvern, Ryan, &
Sebring, 2002), en plus d’un ensemble complexe de troubles psychologiques et
comportementaux (Collin-Vézina et al., 2011 ; Daigneault, Cyr, et al., 2007 ;
Daigneault et al., 2004 ; Ford, Gagnon, Connor, & Pearson, 2011 ; Grilo, Sanis-
low, Fehon, Martino, & McGlashan, 1999 ; Tremblay, Hébert, & Piché, 2000).
Cette comorbidité concorde avec la conceptualisation du stress post-trau-
matique complexe, mise en avant par plusieurs auteurs (Cook et al., 2005 ;
Ford, 2011 ; Herman, 1992a, 1992 b ; van der Kolk, Roth, Pelcovitz, Sunday,
& Spinazzola, 2005), et qui sera prochainement ajoutée à la 11e version de la
Classification internationale des maladies (CIM-11) (Knefel, Garvert, Cloitre,
& Lueger-Schuster, 2015 ; Knefel & Lueger-Schuster, 2013 ; Maercker et al.,
2013). Une étude récente auprès de plus de 1 000 enfants et adolescents rece-
vant des services psychiatriques indique également que l’agression sexuelle
est associée à un risque accru de comorbidité couvrant plus d’une catégorie
diagnostique (ex. : troubles de l’humeur, anxieux, de comportement), de poly-
médication lors de l’admission en psychiatrie, de prise d’antipsychotiques à
la sortie de leur séjour en psychiatrie et à des séjours hospitaliers plus longs
(Keeshin et al., 2014).
Bien qu’un nombre grandissant d’études évaluent les problèmes de santé
mentale des enfants et adolescents agressés sexuellement durant l’enfance,
peu ont documenté l’évolution de ces problèmes à court ou moyen terme.
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régulation des émotions et la cognition sociale, sont parmi les plus cités pour
expliquer les liens entre la victimisation durant l’enfance et les problèmes de
santé à la fois mentale et physique chez les adolescents et les adultes (Dong
et al., 2004 ; Ford, 2005 ; Kendall-Tackett, 2013 ; Marx, Heidt, & Gold, 2005 ;
Miller et al., 2011 ; Sharp et al., 2011).
Ce corpus d’études suggère que la victimisation durant l’enfance mène à
une moins grande conscience des émotions, une plus faible capacité à réguler
ses émotions de manière adaptative et à de moins bonnes habiletés en ce qui
concerne l’interprétation des émotions, comportements et intentions d’autrui.
Ce sont ces facteurs, en combinaison avec d’autres de nature physiologique
et comportementale, qui résulteraient en des problèmes de santé physique et
mentale. Dans cet ordre d’idées, des études ont montré que la victimisation
durant l’enfance était associée à des déficits de régulation des émotions (Cook
et al., 2005 ; Langevin, Cossette, & Hébert 2016 ; Shipman, Zeman, Penza, &
Champion, 2000 ; van der Kolk & Fisler, 1994) et sur le plan de la cognition
sociale (Liu & Yu, 2011). Par exemple, des auteurs ont identifié une perception
accrue de colère dans des situations ambiguës, ou bien lorsque les informa-
tions disponibles ne sont que partielles, chez des enfants maltraités en com-
paraison de ceux qui n’ont pas été exposés à la maltraitance (Pollak, Cicchetti,
Hornung, & Reed, 2000; Pollak & Sinha, 2002). En somme, la régulation des
émotions et la cognition sociale sont des mécanismes qui semblent pouvoir
expliquer les liens entre la victimisation durant l’enfance et les problèmes de
santé mentale et physique ultérieurs.
2.4. Revictimisation
Outre les conséquences délétères associées à la santé psychologique et la santé
physique, l’agression sexuelle est aussi mise en relation avec une vulnérabilité
accrue à la revictimisation. Ainsi, plusieurs études ont montré que les victimes
d’agression sexuelle durant l’enfance sont plus à risque de vivre une deuxième
expérience de victimisation sexuelle durant l’adolescence ou à l’âge adulte
(Breitenbecher, 2001; Casey & Nurius, 2005). Dans l’une des plus importantes
études longitudinales de cas corroborés d’agression sexuelle intrafamiliale, les
participantes ont été recrutées entre 6 et 16 ans et l’évaluation des situations
de revictimisation a été réalisée alors qu’elles étaient âgées en moyenne de 18,8
ans. Un taux deux fois plus élevé de victimisation sexuelle a été noté chez les
victimes d’agression sexuelle (21 %) relativement aux participantes du groupe
de comparaison (10 %) (Noll, Horowitz, Bonanno, Trickett, & Putnam, 2003).
Une étude de suivi menée six ans plus tard indique que les victimes d’agres-
sion sexuelle étaient deux fois plus à risque de revictimisation sexuelle que
leurs pairs non victimisés durant l’enfance (Barnes, Noll, Putnam, & Trickett,
2009).
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garçons (29,6 % vs 13,3 %) (Hébert, Cénat, Blais, Lavoie, & Guerrier, 2016).
Plus de la moitié des enfants d’âge scolaire victimes d’agression sexuelle rap-
porte avoir subi des situations de victimisation verbale et 35 % de violence
physique de la part de leurs pairs en contexte scolaire (Hébert, Langevin,
& Daigneault, 2016). En outre, les résultats de cette étude illustrent que
les expériences de victimisation par les pairs accentuent les symptômes de
stress post-traumatique et de dissociation. Les mécanismes explicatifs liés à
la revictimisation demeurent malheureusement encore peu validés. Pour-
tant, le développement de programmes de prévention spécifiques à cette
population vulnérable requiert une meilleure connaissance des facteurs qui
contribuent à la revictimisation.
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1993). Les parents sont également à même de répondre aux questions de leur
enfant et de reformuler les éléments moins bien compris en utilisant un langage
familier pour l’enfant (Wurtele, Kvaternick, & Francklin, 1992). Ils peuvent
convenir du meilleur moment pour aborder certaines notions en fonction du
niveau de développement de leur enfant (Mendelson & Letourneau, 2015).
Enfin, les parents occupent une place privilégiée pour protéger leurs enfants
contre de potentiels agresseurs (Mendelson & Letourneau, 2015), pour les
écouter si une agression sexuelle survenait et pour leur offrir le soutien néces-
saire suite au dévoilement de cette agression. Une étude réalisée au Québec
indique qu’après avoir pris part au volet parental du programme de préven-
tion « ESPACE », les parents identifient davantage d’interventions visant à
soutenir l’enfant qui dévoile une situation d’agression sexuelle, et tendent à
solliciter plus d’aide auprès d’un organisme compétent que les parents n’y
ayant pas participé (Hébert, Lavoie, & Parent, 2002). Les enfants qui parti-
cipent au programme et dont les parents ont aussi participé démontrent par
ailleurs des gains plus importants que ceux dont les parents n’ont pas participé
(Hébert, Lavoie, Piché, & Poitras, 2001).
Malgré tous ces bénéfices potentiels, seulement une minorité de pro-
grammes sollicitent la participation des parents. De plus, les études montrent
que lorsque les parents sont invités à participer à des programmes de pré-
vention, seulement une minorité d’entre eux le font (Hébert et al., 2002). De
surcroît, bien que la majorité des études montrent des bénéfices tant sur le
plan des connaissances, que de la capacité à agir de façon appropriée et de sou-
tenir leur enfant après un dévoilement (Hébert et al., 2002 ; McGee & Painter,
1991 ; Tremblay, 1998), au moins une étude ne montre aucun effet de la par-
ticipation des parents (Kolko, Moser, Litz, & Hughes, 1987). Compte tenu du
faible taux de participation des parents aux programmes de prévention et des
résultats mitigés de l’impact de leur participation, il semble essentiel de déve-
lopper de nouvelles approches afin de favoriser la participation des parents
et de mieux promouvoir les bénéfices qu’ils peuvent en retirer. Mendelson et
Letourneau (2015) offrent plusieurs suggestions à cet effet qui seront discutées
dans la section des recommandations.
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178
Chapitre 5
Les adolescents auteurs
d’abus sexuels : attitudes
et comportements envers
la sexualité
1. Introduction
À ce jour, les phases évolutives de la sexualité normative chez les enfants et
les adolescents restent difficiles à étudier, et l’évolution de la sexualité non
normative est difficile à cerner dans sa globalité. Il en va ainsi pour l’obtention
de résultats de recherches qui renseignent sur les facteurs de développement
des enfants et des adolescents aux prises avec des comportements sexuels
problématiques et d’abus sexuels (AS). En ce qui concerne les adolescents
auteurs d’abus sexuels (dorénavant cités comme AAAS1), il semble difficile
de déterminer des facteurs physiologiques, psychologiques et neuropsycho-
logiques les différenciant d’autres jeunes, particulièrement des délinquants
non sexuels. Bien que nous sachions que les facteurs hormonaux exercent une
influence importante sur le fonctionnement émotionnel et comportemental,
les connaissances théoriques et empiriques actuelles ne parviennent pas bien à
1 Lorsque l’on emploie dans le texte « adolescents auteurs d’abus sexuel (AAAS) », on fait
référence à l’ensemble des adolescents qui ont commis un abus sexuel. Lorsqu’on tient
compte du groupe d’âge des victimes, on mentionne AS d’enfant (moins de 12 ans) ou AS
de pairs (12 ans et plus).
179
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
expliquer pourquoi certains AAAS se démarquent par des niveaux élevés d’ex-
citation, de préoccupations sexuelles ou de comportements sexuels compulsifs
qui s’apparentent à ceux des adultes. Il faut bien admettre qu’à l’adolescence,
le phénomène est complexifié par l’interaction des changements somatiques
et psychiques et l’influence accrue des facteurs de l’environnement qui se
reflètent par de multiples trajectoires de développement. Le but de ce chapitre
consiste à proposer un arrimage des connaissances actuelles à la délinquance
sexuelle des mineurs en ayant en tête les trajectoires développementales nor-
matives des adolescents afin de pouvoir mieux les distinguer.
La sexualité à l’adolescence, bien qu’au cœur des processus de maturation
identitaire, pubertaire et psycho-affective, demeure un champ de recherches
peu étudié, principalement pour des raisons méthodologiques et éthiques,
surtout lorsqu’il s’agit d’explorer les pratiques sexuelles des adolescents, et
plus encore les pratiques déviantes telles que les abus sexuels. L’adolescence,
période de transition de la vie, est caractérisée par un processus de maturation
progressive marquant la fin de l’enfance et l’entrée dans la phase adulte. Elle
constitue à cette étape de la vie un élément-clé du développement de la sexua-
lité et des relations amoureuses.
Dans le cadre de ce chapitre, nous nous intéresserons aux processus de
« maturation » non normatifs de la sexualité de l’adolescent et au développe-
ment de conduites sexuelles déviantes. Comme la prévalence des filles qui ont
commis des abus sexuels à l’adolescence est relativement faible (3 à 5 %), et
que les études portant sur cette population particulière sont rares, l’essentiel de
notre propos porte sur la documentation traitant des garçons auteurs d’abus
sexuels. Au préalable, il convient de souligner l’importance, dès lors que l’on
aborde la sexualité et la déviance, de recontextualiser ces thèmes en vertu des
attentes et normes socioculturelles en vigueur. La définition et le sens accor-
dés aux manifestations de nature sexuelle, de même qu’à certaines formes de
transgression et à la déviance peuvent différer selon la culture et le système
légal. La définition de la déviance est fonction des groupes sociaux ; tous les
groupes ne nomment pas déviants les mêmes comportements. En effet, il s’agit
bien d’une déviation de conduites sexuelles par rapport à une norme dans un
groupe et à un temps développemental donnés. La déviance sexuelle est donc
synonyme de conduites qui sont socialement désapprouvées, autant formel-
lement (par la loi) que d’une façon informelle (par les règles et les normes
sociales). Conclure qu’un comportement est sexuellement déviant présuppose
que le comportement normatif est bien établi, ce qui n’est pas le cas, d’autant
que ce type de comportement est en évolution au plan des normes, des pra-
tiques sociales et des étapes de développement. Les comportements sexuels à
l’adolescence deviennent plus fréquents, extensifs et complexes ; ils sont éga-
lement dépendants d’un contexte social et sociétal. Dans nos sociétés contem-
poraines, les enfants et les adolescents sont exposés et ont accès à de multiples
180
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
181
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
182
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
183
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Une recherche sur les violences dans les relations amoureuses, menée en
Belgique en 2009 auprès de jeunes âgés de 12 à 21 ans, s’est intéressée aux moti-
vations poussant à avoir une première relation sexuelle (Brauns, Adriaens-
sens, & Kupperberg, 2009). Être amoureux et avoir de l’attirance et du désir
pour l’autre sont les principales raisons qui incitent le jeune, fille et garçon, à
avoir une première relation sexuelle. « Se sentir prêt » et « la curiosité » sont les
deux autres motivations invoquées. Seulement 3 % de l’échantillon (n = 608)
ont spontanément évoqué comme motivation le fait d’y avoir été obligé par le
partenaire, alors que 13 % disent avoir voulu cette relation sexuelle pour accé-
der au statut « adulte », possiblement sans considération sentimentale envers
le partenaire.
En ce qui a trait à l’engagement des AAAS dans la sexualité, il est particuliè-
rement intéressant de relever la réticence ou l’évitement associé aux relations
sexuelles. Ainsi, une des rares études sur le sujet fait ressortir que des garçons
âgés de 3 à 10 ans qui ne semblent pas avoir des trajectoires habituelles de
développement en raison de leurs comportements non conventionnels mani-
festent, à l’adolescence, une anxiété sexuelle élevée et ils évitent les rendez-vous
et l’exploration de comportements érotiques (Kagan & Moss, 1962). Dans la
lignée des résultats de la précédente étude, les garçons âgés de 10 à 14 ans qui
évitent les rencontres sont moins enclins à établir des relations hétérosexuelles
intimes ou à s’engager dans des activités érotiques à la fin de l’adolescence et
à l’âge adulte. Par ailleurs, Zimmer-Gembeck, Siebenbruner et Collins (2001)
ont trouvé que les adolescents âgés de 16 ans qui ont surinvesti les rencontres
ont été plus enclins, à l'âge de 12 ans, à avoir un fonctionnement psychosocial
marqué par des problèmes de motivation et de performance scolaire de même
que des problèmes externalisés. À une étape ultérieure, les problèmes à établir
des relations dyadiques intimes sur des bases autres que sexuelles sont suscep-
tibles de faire obstacle au développement d’une sexualité mature et intégrée
(Bancroft, 2006).
Après la période de la puberté, la finalité des comportements sexuels est
connue et anticipée, de sorte que la séduction et les préliminaires sexuels
deviennent orientés vers l’atteinte d’une intimité, d’une excitation sexuelle
et d’un orgasme. Ces premières expériences sexuelles plus orientées, moins
exploratoires, peuvent rehausser ou abaisser l’estime de soi, selon que l’expé-
rience est perçue comme un succès ou un échec, et influencer la possibilité de
vivre des apprentissages d’altérité sexuelle basés sur l’échange de plaisir et de
tendresse partagés (Tardif, 2015).
Enfin, au moment de l’adolescence, sous l’effet de la puberté et des enjeux
développementaux identitaires y étant associés, les vulnérabilités de l’enfance
risquent d’amener des difficultés à développer des relations saines avec autrui
et une sexualité sur un mode de la réciprocité. Les vécus engrammés d’humi-
liation, les pertes et les éventuels rejets subis dans les relations avec les filles
184
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
peuvent alors donner lieu, lors des masturbations, à des fantasmes sexuels
déviants. Les expériences négatives de l’enfance, en plus des rejets réels ou
redoutés par rapport aux filles, peuvent orienter l’adolescent vers le désir de
contrôler, de dominer, de se sentir puissant. Ces éléments peuvent sous-tendre
l’élaboration mentale de stratégies en vue d’une agression sexuelle.
185
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
186
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
187
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
cooccurrence des abus sexuels et physiques est plus élevée chez les délinquants
sexuels comparativement aux délinquants non sexuels, et ce, de manière plus
significative pour les AAAS de pairs (Glowacz, 2009). De plus, le fait d’avoir
vécu des victimisations sexuelles plus atypiques ou sévères (ex. : agressé par
un couple homme et femme, abus sexuels répétés, avec violence, un agresseur
connu) augmente la probabilité de commettre un abus sexuel (Burton et al.,
2002). Chez le garçon, les antécédents de victimisation sexuelle constituent
le facteur de risque le plus déterminant associé au fait de commettre un abus
sexuel, mais cela n’en prédit pas la récidive (Seto & Lalumiere, 2010).
Le modèle des dynamiques traumagéniques de Finkelhor et Browne
(1985) décrit que les représentations cognitives et émotionnelles de l’en-
fant victime sont susceptibles d’être modifiées par une sexualisation trau-
matique. Trois composantes de ce modèle semblent jouer un rôle chez les
AAAS qui ont été victimes d’abus sexuel ou de maltraitance (Tardif, 2015).
La sexualisation représente une première composante qui compromettrait
l’intégration d’une sexualité normative et de ses modalités relationnelles et
affectives, en accordant une prédominance à la sexualité au détriment des
autres sphères de leur vie et aux enjeux sexuels dans leur rapport à soi et à
l’autre. Une deuxième composante, le sentiment d’impuissance et de trahi-
son, devient préoccupante chez les AAAS ayant été victimisés au point de
les mobiliser pour tenter de renverser les rôles en leur permettant d’être en
contrôle d’une situation d’abus sexuel et en devenant égocentré en soumet-
tant l’autre pour accomplir leurs propres désirs. Ressentir un vide interne
et un état submergé d’affects associés au trauma peut entraîner une forte
pression nécessitant une évacuation des affects dans un passage à l’acte de
nature sexuelle chez les AAAS (Tardif, 2015). La troisième composante, la
stigmatisation sociale, émerge lorsque le contact avec les autres est recher-
ché pour évacuer les affects négatifs et apaiser les tensions internes, ce qui
représente une forme primaire de régulation émotionnelle parce qu’elle ne
comporte pas de stratégie mentalisée.
Les AAAS qui ont subi de graves violences sexuelles (pénétration, AS répé-
tés) ont aussi commis les délits les plus sévères comparativement à ceux qui
n’ont pas eu d’histoires de victimisation (Burton et al., 2002). Nous envisa-
geons que le modus operandi de la violence sexuelle subie à celle commise
ne représente qu’une des trajectoires évolutives possibles, car certains AAAS
peuvent avoir façonné leur script sexuel en intégrant des éléments de leur vic-
timisation avec d’autres enjeux idiosyncrasiques. Ce point de vue est partagé
avec d’autres auteurs qui considèrent l’interaction de diverses formes d’abus et
la présence d’un mode de vie chaotique chez plusieurs familles d’AAAS à l’ori-
gine de la formation de plusieurs trajectoires (Daversa & Knight, 2007). Par
exemple, Knight et Sims-Knight (2003) ont établi trois trajectoires qui per-
mettent de prédire une sexualité coercitive chez les adolescents sexuellement
188
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
orientés vers les pairs féminins ou les femmes. Lesdites trajectoires comportent
une forme spécifique d’abus :
• des antécédents de victimisation physique ou verbale associés à un
comportement antisocial et agressif aboutissant à un comportement de
coercition sexuelle ;
• des antécédents de victimisation physique ou verbale associés à une
personnalité peu émotive et insensible qui, ensuite, relie le comporte-
ment antisocial et agressif à des fantaisies sexuelles violentes ;
• des antécédents de victimisation sexuelle engendrant des préoccupa-
tions sexuelles, des pulsions et des compulsions qui deviennent asso-
ciées à des fantaisies d’agression sexuelle.
Les résultats de la méta-analyse de Seto et Lalumiere (2010) montrent
qu’une proportion un peu plus élevée d’AAAS (59 %) a été victime d’abus
physique comparativement aux délinquants non sexuels (49 %), ce qui s’avère
une différence significative, mais faible. De plus, les AAAS à l’endroit de pairs
ou d’adultes ont subi significativement plus d’abus sexuels que les AAAS d’en-
fants. La pertinence d’analyser les résultats des études en ayant comme réfé-
rentiel la théorisation sur la polyvictimisation et le phénomène des traumas
complexes est donc mise en évidence par les résultats des études antérieures.
Les facteurs qui augmentent aussi le risque de perpétration d’abus sexuels
par des adolescents sont la violence parentale, particulièrement l’abus phy-
sique par le père, et la discipline parentale sévère (Ford & Linney, 1995). Dans
une autre étude, 70 % des familles des AAAS (n = 47) ont été exposées à de la
violence familiale, dont 36 % ont vécu dans un climat sexualisé se caractérisant
soit par une exposition précoce et répétée à la sexualité des adultes soit par
des comportements sexualisés dans les relations parents-enfants, ou encore
par la présence envahissante de matériel de nature pornographique (Glowacz,
2009). Les résultats mettent également en lumière que 12 % ont été témoins
visuels ou auditifs de relations sexuelles entre adultes et que 6 % ont vu un
membre de la fratrie commettre des abus sexuels. De plus, la moitié des AAAS
ont été témoins de violence conjugale : 11 % avant l’âge de 6 ans, 10,7 % avant
l’âge de 10 ans et 8,5 % jusqu’à l’âge de 14 ans (Glowacz, 2009).
189
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
190
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
significativement plus élevé (pour ceux qui en avaient expérimenté) chez les
AAAS d’enfants (15,6 ans, écart type = 0,97) que chez les AAAS de pairs (13,8
ans, écart type = 1,54), mais similaire aux adolescents non délinquants (15 ans,
écart type = 1,87). Toutefois, ils sont peu nombreux à avoir eu des relations
sexuelles consenties avant d’avoir commis des abus sexuels. En effet, pour
76 % des AAAS d’enfants et 52 % des AAAS de pairs, la sexualité est initiée
par un comportement d’abus sexuel. Dans la période post-délictuelle, 50 %
des AAAS d’enfants ont eu des relations sexuelles consenties avec des jeunes
de leur âge contre 19 % des AAAS de pairs. Ainsi, pour la majorité des AAAS
de l’étude, l’initiation à la sexualité a été faite sur un mode déviant comportant
une forme de contrainte (psychologique, affective, physique). Leur engage-
ment dans l’expression de la sexualité s’avère donc problématique, car leur
première expérience de relation sexuelle est déviante.
191
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
192
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
193
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
l’âge de 10 ans sont associés positivement avec toutes les échelles concernant les
délits non sexuels. Il s’agit de délits divers dont l’importance des corrélations se
situe de 0,35 à 0,18 en commençant par les voies de fait graves, la délinquance
générale, le vol aggravé, la vente de drogues, l’usage de drogues ou d’alcool, le
cambriolage, le désordre publique et le dommage à la propriété. Les auteurs
concluent qu’aucune des variables liées aux délits d’abus sexuels perpétrés n’est
associée à la consommation de pornographie des AAAS, mais que l’exposition
à du matériel pornographique associée à l’excitation sexuelle avant l’âge de 12
ans présente un facteur de risque de récidive (Burton et al., 2010).
194
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
et al., 2009). Le rôle étiologique de la sexualisation joue un rôle distinct chez les
AAAS de pairs (Knight & Sims-Knight, 2004) et les AAAS d’enfants (Daversa
& Knight, 2007). Les jeunes qui sont le plus aux prises avec un mécanisme de
sexualisation paraissent plus problématiques sur le plan de l’intensité et la fré-
quence des fantaisies et des comportements sexuels déviants.
195
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
4. Conclusion
Les facteurs qui déterminent les manifestations déviantes ou non de la sexualité
s’avèrent complexes et ne peuvent se réduire à un modèle simplifié de cause à
effet, comme le seraient les causes d’avoir été victime d’abus sexuel, d’être exposé
à l’expression d’une sexualité déviante ou de violence interpersonnelle. En effet,
dans le champ de la délinquance sexuelle, les études concernant les AAAS étant
essentiellement rétrospectives et prospectives ne peuvent valider un lien causal
du modèle conceptuel voulant que la victimisation mène à l’agression. Le but
général des traitements actuels auprès des AAAS vise principalement à modifier
leurs comportements d’abus sexuels, et les cognitions associées de même qu’à
prévenir la récidive (Barbaree & Langton, 2006 ; Letourneau et al., 2009 ; Rich,
2011). De plus, les modalités de traitement actuel tiennent peu compte des pré-
valences élevées des antécédents de victimisation chez les AAAS qui entraînent
des répercussions sur le plan de la santé mentale (Bukhart & Newman, 2014). De
plus, nous déplorons que l’orientation très ciblée des interventions laisse peu de
place pour aborder les dimensions plus idiosyncrasiques, subjectives et intimes
de la sexualité du jeune. Or, un enfant ou un adolescent peut intégrer une vision
déformée ou confuse de la sexualité à partir de ses expériences, cette notion sou-
ligne la part active, en opposition à passive, de l’enfant dans sa capacité à trans-
former ses expériences. La part active de l’enfant ou du jeune souligne aussi
l’importance du stade développemental dans lequel surviennent les expériences
de victimisation sexuelle ou traumatique qui sont susceptibles d’influencer de
façon déterminante le rapport du jeune à la sexualité. Un autre aspect négligé
dans les traitements ayant cours concerne le milieu familial dysfonctionnel de
ces adolescents qui se caractérise souvent par des histoires d’abus sexuels, d’ex-
position précoce à la sexualité, de manque de limites et de règles. Ces familles
peuvent se montrer très permissives, très restrictives ou exploitantes et présen-
ter le sexe comme une monnaie d’échange.
196
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité
197
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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202
Chapitre 6
Les enjeux du développement
psychosexuel et social
des jeunes de la diversité
sexuelle
1 Les traductions en langue française des concepts relatifs à la diversité sexuelle et de genre
sont tirées du Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail,
lorsqu’elles y sont proposées. Ce projet, financé par l’Office québécois de la langue française,
a été développé par un comité d’experts issus des milieux universitaires, communautaires et
gouvernementaux sous la direction de la Chambre de commerce gaie du Québec (CCGQ).
Par souci d’uniformité, la définition de ces concepts s’inspire souvent de celles proposées
par ce Lexique, lorsqu’elle est disponible, tout en intégrant d’autres dimensions jugées per-
tinentes selon les contextes d’usage. Dans tous les cas où des références en langue autre que
française sont citées, la traduction est la nôtre.
203
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
204
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
205
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
206
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
5 Nous nous inspirons ici de la définition inclusive de l’homophobie proposée dans le rapport
de consultation du Groupe de travail mixte contre l’homophobie (2007) soumis à la Com-
mission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, qui la définit
comme toutes les attitudes négatives pouvant mener au rejet et à la discrimination, directe
et indirecte, envers les gais, les lesbiennes, les personnes bisexuelles, transsexuelles et trans-
genres, ou à l’égard de toute personne dont l’apparence ou le comportement ne se conforme
pas aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité (Groupe de travail mixte contre
l’homophobie, 2007). Cette définition inclut donc les formes de rejet et de discrimination
spécifiques aux sous-groupes de la diversité sexuelle (lesbophobie, gaiphobie, biphobie et
transphobie).
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
deux sexes, les garçons sont plus nombreux que les filles à avoir subi de la
victimisation en raison d’une expression de genre jugée non conforme6 (46 %
chez les garçons vs 26-29 % chez les filles ; Blais et al., 2013).
6 L’expression de genre jugée non conforme est définie, chez les garçons, par le fait d’être
considérée comme pas assez masculins ou trop féminins, et chez les filles, comme pas assez
féminines ou trop masculines.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
sexuelle. Durant cette période, le sentiment d’être différent est ancré dans des
expériences affectives et génitales qui distinguent les JDS de leurs pairs hété-
rosexuels : moins d’intérêt sexuel pour les personnes de l’autre sexe que leurs
pairs ; intérêt pour les pairs de même sexe ; activité sexuelle avec des pairs de
même sexe ; et sentiment d’inadéquation en regard des rôles de genre sont les
motifs les plus souvent évoqués (Troiden, 1989, p. 290).
Le second stade est celui du questionnement identitaire. Si, pour la majo-
rité des adolescents, les informations sur l’homosexualité ne signifient rien
pour eux-mêmes, la prise de conscience par certains que leurs sentiments ou
leurs comportements peuvent être qualifiés d’homosexuels constitue, pour
Cass (1979), le premier temps du processus de formation de l’identité homo-
sexuelle. La question centrale que l’individu s’adresse à lui-même durant ce
stade est : « suis-je homosexuel ? » (Cass, 1979, p. 223). Cette phase de ques-
tionnement identitaire est marquée par une attirance ambiguë, et souvent
combattue, pour des personnes de même sexe. Cette attirance peut s’actua-
liser dans des comportements, mais ils suscitent de la culpabilité. L’individu
sait que cette différence peut être qualifiée d’homosexualité, une étiquette qui
est en rupture avec la vision que lui-même et autrui entretiennent de lui et
qui génère une dissonance. Cette phase de questionnement de ses préférences
sexuelles, que l’individu sait être socialement stigmatisées, est fréquemment
marquée par la souffrance, la confusion, l’anxiété, la honte et un sentiment
de dissonance et d’aliénation à l’égard des pairs, de la famille et de la commu-
nauté hétérosexuels, sans pour autant avoir accès à un groupe alternatif à qui
s’affilier. À ce stade, l’individu ne dévoile généralement pas à son entourage
ses questionnements sur son orientation sexuelle, d’où la dénomination de
prédévoilement proposée par Coleman (1982).
Cass (1979) et Troiden (1989) identifient différentes voies de résolu-
tion à cette confusion identitaire. Deux voies mèneront à une forclusion
de l’identité homosexuelle : 1) un changement des pensées, sentiments et
comportements homosexuels mêmes (en les niant ou en les inhibant) ; et
2) un changement dans leur interprétation (en les considérant comme non-
homosexuels, par exemple comme des jeux exploratoires normaux sans
implication identitaire). Troiden (1989) décrit aussi les efforts faits pour
justifier, expliquer ou excuser les sentiments ou les comportements homo-
sexuels, notamment en les considérant comme passagers. Il y voit une tenta-
tive, durant ce stade, de dissocier ou séparer son identité de l’homosexualité
qui est vécue de façon conflictuelle et égodystonique. Une troisième voie
décrite par Cass (1979) consiste, au contraire, à modifier la signification
que l’individu accorde à son identité sexuelle, envisageant alors la possi-
bilité d’être homosexuel. Dans ce cas, le questionnement identitaire entre
dans un stade de comparaison identitaire. En se comparant aux personnes
de son entourage, perçues comme hétérosexuelles, l’individu peut affirmer
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
7 La mesure de l’âge auquel surviennent ces jalons est une approche critiquée pour être peu
informative considérant la diversité des âges auxquels ils sont vécus (Diamond & Savin-
Williams, 2000). D’autres études s’intéressent non pas aux âges, mais au temps écoulé entre
l’âge actuel et l’âge auquel ont été vécus les principaux jalons (Rosario et al., 2008), s’ap-
puyant sur l’hypothèse que les leçons à tirer de l’expérience de ces jalons, lorsqu’ils sont
vécus, prennent du temps à être intégrées.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
de l’autre sexe et à diminuer les contacts avec les pairs du même sexe. Cette
différence chez l’enfant, qu’elle soit ressentie par l’enfant lui-même ou per-
çue par ses parents, n’implique pas nécessairement le développement d’une
orientation ou d’une identité sexuelle minoritaire, bien qu’elle y soit souvent
associée.
La prise de conscience de son attirance pour des personnes de même
sexe survient généralement avant la puberté et peut remonter jusqu’aux
premiers souvenirs. Malgré le caractère intuitif de l’hypothèse voulant que
cette prise de conscience survienne de plus en plus tôt dans les nouvelles
générations, évoluant dans un contexte historique plus favorable à la diver-
sité sexuelle, les travaux sur les effets de cohortes réalisés auprès d’indivi-
dus nés au cours du xxe siècle montre qu’il ne s’agit pas d’un phénomène
récent. À ce propos, une majorité d’individus, quelle que soit leur cohorte
de naissance, rapporte une telle prise de conscience assez tôt, généralement
durant la préadolescence ou au début de l’adolescence, dans leur vie (Calzo,
Antonucci, Mays, & Cochran, 2011 ; Corliss, Cochran, Mays, Greenland, &
Seeman, 2009 ; Floyd & Bakeman, 2006). L’effet de la permissivité croissante
à l’égard de la diversité sexuelle se ferait plutôt sentir chez les plus récentes
cohortes en regard du dévoilement de l’orientation sexuelle à autrui (Floyd
& Bakeman, 2006).
Cette prise de conscience n’exclut pas une attirance pour des personnes de
l’autre sexe, par exemple chez les personnes ayant une attirance pour les deux
sexes, bien que la prise de conscience d’une attirance pour une personne de
même sexe tend à survenir plus tardivement chez les personnes bisexuelles que
chez les personnes gaies ou lesbiennes (Maguen, Floyd, Bakeman, & Armis-
tead, 2002). L’attirance pour une personne de même sexe n’est pas non plus
nécessairement associée aux autres jalons. Par exemple, certaines personnes
présentant une attraction, exclusive ou non, envers des personnes de même
sexe ne remettent pas en question leur hétérosexualité, soit parce qu’ils mini-
misent la signification de cette attirance (Savin-Williams & Cohen, 2015) ou
l’attribuent au contexte dans les milieux marqués par la ségrégation sexuelle
(Cass, 1979).
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
Notes : Les données sont agrégées à partir des résultats présentés dans les études suivantes : Anhalt,
Morris, Scotti, & Cohen, 2003 ; Calzo et al., 2011 ; Corliss et al., 2009 ; Fisher, 2012 ; Floyd & Bakeman,
2006 ; Floyd & Stein, 2002 ; Maguen et al., 2002. Les âges rapportés sont des moyennes arrondies à
l’entier.
* Nous avons placé sous ce jalon les résultats des études qui ne spécifiaient pas à qui l’orientation
sexuelle était dévoilée.
† Une seule étude ayant été recensée pour ce jalon, l’âge moyen rapporté provient exclusivement de cet
échantillon et non d’une agrégation de plusieurs études; lorsque disponible, l’étendue d’âges observée
dans cet échantillon est rapportée entre parenthèse.
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tardives, débutant par une prise de conscience tardive de l’attirance pour une
personne de même sexe (après 11 ans), une première expérience sexuelle avec
une personne de même sexe tardive (après 16 ans) ou absente au moment
de l’étude, un dévoilement à autrui tardif (après 18 ans) et un dévoilement
aux parents tardif (après 18 ans) ou non survenu. Basée sur un échantillon de
volontaires non représentatifs, cette étude ne permet pas de conclure sur la
prédominance d’un profil en particulier chez les JDS.
S’appuyant plutôt sur le temps écoulé depuis l’expérience de quatre jalons
(prise de conscience, questionnement de son orientation sexuelle, identifica-
tion comme lesbienne, gai ou bisexuel, et dévoilement), Rosario et al. (2008)
ont dégagé deux trajectoires types de développement identitaire : l’une où le
temps écoulé depuis l’expérience des jalons est relativement bref (entre 2,6 et
5,6 ans), qualifié de développement récent, et l’autre où le temps écoulé est plus
long (entre 5,7 et 9,7 ans), qualifié de développement hâtif. Les répondants du
groupe présentant un développement hâtif étaient plus susceptibles d’avoir été
agressés sexuellement dans l’enfance, confirmant les travaux antérieurs sug-
gérant que l’agression sexuelle peut contribuer à une sensibilisation précoce à
la sexualité et conduire à une prise de conscience et un questionnement hâtifs
de son orientation sexuelle. Toutefois, ces deux trajectoires ne présentaient
pas de distinction dans l’engagement dans des activités lesbiennes, gaies ou
bisexuelles, les attitudes à l’égard de l’homosexualité et de la bisexualité, le
confort à l’égard du dévoilement de son orientation sexuelle et l’ampleur de
son dévoilement à autrui.
D’autres exemples de trajectoires existent et proposent des modèles à 2, 3 ou
4 trajectoires (Friedman, Marshal, Stall, Cheong, & Wright, 2008 ; Savin-Wil-
liams & Diamond, 2000), mais les résultats varient principalement en fonction
de la taille des échantillons, du choix des jalons inclus dans les analyses, de
l’objet précis de l’analyse (l’âge auquel surviennent les jalons ou l’intervalle de
temps entre les jalons) et de la méthode d’analyse choisie (catégorisation par le
chercheur, regroupements par grappes, analyse de classes latentes). Dans tous
les cas, ils révèlent des trajectoires multiples présentant une variabilité impor-
tante dans la séquence des jalons, le temps écoulé entre eux et la durée de la
trajectoire entre le premier et le dernier jalon expérimenté, se démarquant
ainsi significativement des modèles par stades.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
Marqueurs d’intégration
Exemples d’énoncés
de l’identité sexuelle
Dissimulation de son • Je garde un contrôle sur les personnes qui connaissent
orientation sexuellea mes relations amoureuses avec des personnes de même sexe.
• Mon orientation sexuelle est une question très personnelle
et privée.
Incertitude relative à son • Je ne suis pas tout à fait certain de mon orientation sexuelle.
identité LGBa • Il m’arrive de changer d’idée à propos de mon orientation
sexuelle.
Homonégativité • Je souhaiterais être hétérosexuel.
intérioriséea • Si j’en avais la possibilité, je préfèrerais être hétérosexuel.
Préoccupations relatives à • Il m’arrive souvent de me demander si les autres me jugent
l’acceptation de son iden- à cause de mon orientation sexuelle.
tité LGB par autruia • Je ne me sens pas confortable de savoir que les autres
me jugent négativement à cause de mon orientation sexuelle.
Affirmation de l’identité • Je suis heureux d’être une personne gaie, lesbienne ou
LGBa bisexuelle.
• Je suis fier de faire partie de la communauté gaie et lesbienne
Supériorité de l’identité • Je pense que les personnes LGB sont supérieures aux
LGBa personnes hétérosexuelles.
• Les personnes hétérosexuelles ont des vies ennuyeuses
comparées aux personnes LGB.
Centralité de l’identité • Mon orientation sexuelle est un élément central de
LGBa mon identité.
• Être une personne LGB est un aspect important dans ma vie.
Difficultés relatives à • Admettre que je suis une personne gaie, lesbienne, bisexuelle
l’acceptation de soia a été un processus très douloureux et difficile pour moi.
• Reconnaître que je suis une personne gaie, lesbienne ou
bisexuelle a été un très long processus.
Authenticitéb • Je suis à l’aise avec mon identité LGBT.
• Je sens que je peux être honnête et partager mon identité
LGBT avec les autres.
Capacités d’introspection • Mon identité LGBTA me motive à être plus conscient
et de croissance person- de moi-même.
nelle à l’égard de son statut • Je ressens un sentiment de paix intérieure quant à
LGBTAb mon identité LGBTA.
227
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Flexibilité dans l’expres- • Mon identité LGBT me libère de l’obligation d’agir comme
sion du genreb un « vrai homme » ou une « vraie femme ».
• J’ai la liberté de créer mes propres rôles de genre en raison
de mon identité LGBT.
Capacité d’entrer en rela- • En raison de mon identité LGBT, je suis plus en phase avec
tion intimeb ce qui se passe autour de moi.
• Mon identité LGBT me permet de mieux comprendre
mon partenaire sexuel.
Sentiment de liberté à • Mon identité LGBT me libère des contraintes de choix
explorer les relations associé à mon partenaire sexuel.
intimes et la sexualitéb • Je ressens un sentiment de liberté sexuelle en raison de mon
identité LGBT.
Empathie et compassion • Je suis plus sensible aux préjugés et à la discrimination
pour autruib à l’égard d’autrui étant donné mon identité LGBT.
• J’ai plus de respect pour les individus qui sont différents
des attentes qu’entretient la société étant donné
mon identité LGBT.
Capacité à être un mentor, • Mon expérience en tant que personne LGBT m’amène
un modèle ou un militantb à me battre pour les droits des autres.
• En tant que personne LGBT, il est important pour moi d’agir
comme un défenseur des droits LGBT.
Sentiment d’appartenance • Je me sens intégré dans la communauté LGBT.
à la communauté LGBTb • Je sens que la communauté LGBT me soutient.
Estime de soic • J’ai une attitude positive à l’égard de moi-même.
Estime de soi collectivec • L’appartenance à la communauté LGBTQA est une partie
importante de mon estime de moi-même.
Identité LGBTQA • Mon identité LGBTQA m’a conduit à développer
positivec une nouvelle perspective sur mes forces.
• Mon identité LGBTQA m’aide à développer des habiletés et
compétences qui améliorent ma qualité de vie.
Notes. a Mohr & Kendra, 2011; b Riggle, Mohr et al., 2014; c Riggle, Gonzalez et al., 2014. Notre
traduction.
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
cette perspective aux travaux sur le stress minoritaire qui montre que si les
JDS ne forment pas un groupe homogène, leur développement est profondé-
ment affecté par des facteurs communs qui se rapportent à l’hétérosexisme, à
l’hétéronormativité et au stress minoritaire.
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
8 À moins d’indications contraires, toutes les statistiques de la FRA citées dans la suite du
texte ont été extraites spécifiquement pour le groupe d’âge 18-24 ans.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
236
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
JDS rapportent que leurs amis en ligne offrent un meilleur soutien que leurs
amis hors ligne (Ybarra, Mitchell, Palmer, & Reisner, 2015). Toutefois, l’usage
d’Internet et des réseaux sociaux n’est pas uniquement positif pour les JDS. La
cyberintimidation est un des facteurs qui influencent négativement la santé
mentale des jeunes en général, et les JDS en sont particulièrement victimes. La
cyberintimidation est définie comme un comportement ou un acte agressif,
intentionnel et répété d’une personne ou d’un groupe de personne contre un
individu ou un groupe par voie électronique telle que courriels, appels télé-
phoniques, messagerie texte, envoi de photos ou vidéoclips, messagerie ins-
tantanée, site web ou salon de clavardage (Smith et al., 2008). De 21,5 à 24,2 %
des jeunes de la population générale recrutés en milieu scolaire sont victimes
de cyberintimidation (Cénat et al., 2014). Cette proportion est encore plus
élevée chez les JDS (jusqu’à 33 %) et entre 10 et 30 % des situations de cyber-
intimidation chez ces derniers ciblent directement leur orientation sexuelle
(Cénat, Blais, Hébert, Lavoie, & Guerrier, 2015). Les jeunes victimes de cyber-
intimidation de toute orientation sexuelle sont significativement plus nom-
breux à rapporter de la détresse psychologique, une plus faible estime d’eux-
mêmes et des indices de suicidalité (Cénat et al., 2015 ; Sampasa-Kanyinga,
Roumeliotis, & Xu, 2014).
237
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
4.3.1. L’école
La plupart des travaux qui documentent le vécu des JDS en milieu scolaire
montrent que les conditions favorables nécessaires pour créer un climat de
sécurité sont rarement rencontrées. Une récente méta-analyse réalisée sur
18 études indépendantes publiées entre 1993 et 2007 incluant près de 57 000
répondants confirme que les taux de victimisation à l’école rapportés par
les JDS sont significativement plus élevés que chez leurs pairs hétérosexuels
(Toomey & Russell, 2013). Les données de la FRA (2013) auprès des JDS âgés
de 18-24 ans montrent que plus de 90 % d’entre eux ont vu ou entendu, au
cours de leur scolarité et avant l’âge de 18 ans, des commentaires négatifs ou
constaté des comportements négatifs à l’égard d’un autre élève, parce qu’il
était perçu comme étant une personne LGBT. Deux tiers (70 %) de l’ensemble
des personnes interrogées qui ont répondu à cette question ont aussi déclaré
que ces commentaires ou ces comportements étaient fréquents ou systéma-
tiques au cours de leur scolarité avant l’âge de 18 ans. Une personne sur cinq
(22 %) ayant fréquenté un établissement scolaire ou universitaire s’est person-
nellement sentie victime de discrimination de la part du personnel scolaire du
fait d’être LGBT (FRA, 2013).
Le National School Climate Survey de 2013 portant sur près de 8 000 JDS
américains âgés de 13 à 21 ans a démontré que les trois quarts d’entre eux
vivaient du harcèlement verbal lié à leur orientation sexuelle et le tiers d’entre
eux, du harcèlement physique lié à leur orientation sexuelle (Kosciw, Greytak,
238
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
Palmer, & Boesen, 2014). Une étude québécoise sur la victimisation homo-
phobe et liée à la non-conformité de genre en milieu scolaire et ses impacts
sur les JDS rapportent que la victimisation homophobe par les pairs (autres
élèves) touche plus de la moitié d’entre eux, toutes formes confondues, et que
la prévalence de ses diverses formes en milieu scolaire varie de 12,5 % (pour
des attouchements sexuels) à 53,1 % pour l’exclusion (Boucher et al, 2013).
Confrontés à un tel climat scolaire, il n’est pas étonnant que près de trois
JDS sur quatre indiquent avoir souvent ou toujours caché le fait qu’ils étaient
LGBT au cours de leur scolarité avant l’âge de 18 ans, en particulier les jeunes
hommes et les personnes transgenres, ou que moins d’une personne sur cinq
parle du fait qu’elle est LGBT devant tous ses camarades de classe ou collègues
de travail (FRA, 2013).
Or, un climat scolaire défavorable est associé, chez les JDS, à une dimi-
nution du sentiment de sécurité et d’appartenance à l’école, à l’absentéisme
scolaire, ainsi qu’à la compromission de leur réussite, de leur persévérance et
de leurs aspirations scolaires (Birkett et al., 2009 ; Bos, Sandfort, de Bruyn, &
Hakvoort, 2008 ; Chamberland, Émond, Julien, Otis, & Ryan, 2011 ; Goode-
now, Szalacha, & Westheimer, 2006 ; Robinson & Espelage, 2011). Barrett,
Pollack, et Tilden (2002) ont proposé différentes voies par lesquelles la vio-
lence homophobe peut agir négativement sur la réussite scolaire : des relations
sociales difficiles contribuant à un sentiment de ne pas être à sa place dans le
milieu scolaire ; une participation limitée aux activités sociales et sportives,
pourtant susceptibles d’accroître les futures opportunités scolaires et profes-
sionnelles ; des relations familiales difficiles qui ne fournissent pas le soutien
social et tangible nécessaire à la réussite scolaire ; et le détournement de l’éner-
gie nécessaire à la réussite scolaire et professionnelle vers la négociation d’une
identité stigmatisée. Au contraire, diverses mesures de soutien en milieu sco-
laire telles que des groupes LGBT, l’accès à un membre du personnel pour dis-
cuter, la présence de politiques contre l’intimidation ou la formation du per-
sonnel sont associées à un plus grand sentiment de sécurité ainsi qu’à moins
de victimisation et de suicidalité chez les JDS (Goodenow et al., 2006).
L’organisme Stonewall, au Royaume-Uni, propose cinq mesures à mettre
en œuvre pour soutenir les JDS en milieu scolaire (Hall, 2015) : 1) établir une
politique de lutte contre l’intimidation qui intègre explicitement l’intimida-
tion homophobe (incluant la biphobie et la transphobie), soucieuse autant des
comportements que du langage utilisé pour décrire les personnes LGBT et
leur vécu ; 2) informer les parents ou leurs représentants de cette politique ;
3) implanter un registre des incidents à caractère homophobe ; 4) réaliser des
enquêtes auprès des étudiants, du personnel, des parents et de leurs repré-
sentants sur la présence d’homophobie ; 5) assurer des services inclusifs en
rendant disponibles, par exemple, des ressources et des informations sur les
enjeux LGBT et en assurant leur visibilité et leur accessibilité pour les étudiants.
239
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5. Conclusion
Les JDS font face à des enjeux spécifiques au cours de leur développement
psychosexuel. Ces enjeux concernent principalement la remise en question
d’une identité présumée hétérosexuelle masculine ou féminine ainsi que le
développement et l’intégration d’une nouvelle identité sexuelle, personnelle
et sociale. Dans ce processus, non seulement sont-ils exposés à l’ensemble des
tâches développementales et des défis qui sont le propre de l’adolescence et
de la transition vers l’âge adulte, mais ils sont aussi exposés à une forme de
stress particulière — le stress minoritaire — qui émerge du traitement légal,
social, institutionnel et interpersonnel souvent inégalitaire et discriminatoire
réservé aux minorités sexuelles dans une société et une culture données. Ce
traitement s’est certainement amélioré au cours des dernières décennies, plus
favorablement pour les minorités d’orientation sexuelle que pour les mino-
rités de genre, mais la discrimination et la victimisation demeurent très pré-
sentes dans le quotidien des JDS et elles ont des conséquences délétères sur
leur développement et leur santé. Pour assurer le développement harmonieux
des JDS, il importe de créer un environnement qui les soutienne et leur soit
sécuritaire. Lorsque ces conditions sont réunies, les JDS présentent des trajec-
toires de transition vers l’âge adulte et d’adaptation à cette transition qui sont
similaires à celles des adolescents hétérosexuels.
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252
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle
253
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
254
Chapitre 7
Les enjeux du développement
sexuel et social des jeunes
vivant avec le VIH depuis
la naissance
255
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
durant la grossesse (Forbes et al., 2012). À l’échelle mondiale, les taux de trans-
mission du VIH de la mère à l’enfant, sans intervention thérapeutique pré-
ventive, varient entre 15 et 45 % (Organisation mondiale de la santé [OMS],
2015). La réalité des pays en développement est particulièrement alarmante,
alors qu’on estime qu’environ 650 enfants par jour sont nouvellement infec-
tés et que seulement 24 % d’entre eux ont accès aux traitements ARV. L’épi-
démie pédiatrique se caractérise dorénavant par l’émergence d’une cohorte
d’adolescents et de jeunes adultes infectés par le VIH depuis la naissance. Ces
jeunes représentent un groupe unique qui, en plus d’avoir à composer avec les
tâches développementales propres à l’adolescence et de la transition vers l’âge
adulte, dont l’exploration des relations intimes et des comportements sexuels
(Boislard, 2014; Tolman & McClelland, 2011), doit vivre avec une maladie
chronique, sexuellement transmissible, socialement stigmatisée et criminali-
sée dans plusieurs pays.
Si de nombreuses études se sont intéressées aux enjeux d’observance aux
traitements, de prise en charge du VIH et de la transition des services pédia-
triques aux services adultes, un nombre croissant d’études s’attarde désormais
à la santé sexuelle et reproductive et aux enjeux de stigmatisation vécus par
les jeunes vivant avec le VIH (JVVIH). La sexualité des adolescents a long-
temps été exclusivement abordée en fonction de ses conséquences potentielles
négatives, comme les grossesses imprévues et les infections transmissibles
sexuellement et par le sang (ITSS), notamment le VIH. Considérant les enjeux
de santé publique associés à la transmission du VIH, la littérature traitant de
la sexualité des JVVIH ne fait pas exception (Dollfus et al., 2010). Selon le
paradigme dominant, les JVVIH sont considérées comme un groupe à risque,
inadéquatement outillé pour gérer sa sexualité de façon sécuritaire (Persson &
Newman, 2012). Par conséquent, les enjeux développementaux individuels et
interpersonnels associés à leur sexualité sont moins documentés.
Dans le présent chapitre, nous dresserons un bilan des écrits scientifiques
qui se sont attardés au développement sexuel des JVVIH depuis la naissance.
Sans toutefois prétendre à l’exhaustivité, tant les travaux qui proviennent des
pays du Nord que du Sud seront considérés. Compte tenu des enjeux liés à
l’accès aux traitements ARV dans les pays du Sud, l’attention des chercheurs
s’est davantage portée à documenter la prévention de la transmission mère-
enfant plutôt qu’à décrire la situation des JVVIH depuis la naissance. Les rares
études disponibles ne distinguent pas toujours les jeunes ayant contracté le
VIH par transmission verticale de ceux qui ont été infectés par voie sexuelle, et
elles tiennent rarement compte des spécificités développementales, considé-
rant par exemple, les 10-19 ans ou 15-24 ans comme des groupes d’âge homo-
gènes. Ce chapitre situe d’abord le développement sexuel et social des JVVIH
et le rôle prédominant que joue la cellule familiale sur les représentations de la
révélation du statut de séropositivité au VIH, des relations interpersonnelles,
256
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
257
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
258
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
Masson, 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2014). Ils ne savent pas toujours com-
ment ils ont contracté le VIH, ils ne savent pas qui connaît leur statut au VIH,
à qui ils ont le droit d’en parler, d’autant que les adultes tendent à répondre
vaguement à leurs questions. Les enfants grandissent souvent dans une atmos-
phère de secret, de silence, de tabou et d’informations erronées ou inexactes
susceptible d’entraîner des effets délétères sur le plan psychosocial (Hiffler &
Masson, 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2014). De plus, nombre d’entre eux vivent
des ruptures ou des changements familiaux notamment dus à la maladie. Des
études indiquent que la première cohorte de JVVIH depuis la naissance dans les
pays du Nord provient de familles caractérisées par une grande vulnérabilité, où
les parents vivent dans des conditions socioéconomiques précaires, font parfois
l’utilisation de drogues injectables et sont victimes de discrimination (Lester et
al., 2009 ; Schuster et al., 2000 ; Thorne, Newell & Peckman, 1998). Dans ces
conditions, certains parents se voient dans l’obligation de confier la garde de
leur enfant à d’autres membres de leur famille ou aux services de protection de
la jeunesse (Thorne et al., 1998). Plusieurs JVVIH depuis la naissance doivent
également composer avec le décès d’un parent ou d’un être cher, le plus souvent
des suites du sida (Hiffler & Masson, 2013 ; Mellins & Malee, 2013 ; Proulx-
Boucher et al., soumis).
Selon les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS,
2011), les enfants devraient être informés de leur condition de santé avant l’âge
de 12 ans, alors que les enfants plus jeunes devraient être préparés graduelle-
ment en fonction de leur maturité cognitive et émotionnelle. Toutefois, l’âge
auquel les enfants apprennent leur diagnostic d’infection au VIH semble varier
grandement entre les pays du Nord et du Sud. Par exemple, l’âge moyen de l’an-
nonce aux enfants se situerait à 11 ans en Amérique du Nord (Wiener, Mellins,
et al., 2007), alors qu’en Côte-d’Ivoire, cette annonce se ferait plutôt entre l’âge
de 15 et de 18 ans (Aka Dago-Akribi et al., 2013). Outre l’hésitation des parents à
révéler à leur enfant qu’il est porteur du VIH, le corps médical n’est pas non plus
toujours très à l’aise pour annoncer le diagnostic d’infection au VIH à l’enfant, et
en particulier quand les parents s’y opposent (Trocmé, 2007). Dans ce contexte,
se sachant atteints d’une maladie incurable, transmissible sexuellement et stig-
matisée, les enfants porteurs du VIH devront graduellement apprendre à dire,
ou plus souvent à taire, leur infection au VIH à leur entourage (Fair & Albright,
2012 ; Fernet et al., 2011 ; Gillard & Roark, 2012 ; Greenhalgh Evangeli, Frize,
Foster & Fidler, 2013 ; Michaud et al., 2009 ; Proulx-Boucher et al., 2015).
À ce propos, les études disponibles suggèrent que les attitudes des jeunes
face à la révélation de la séropositivité au VIH sont influencées par les attitudes
de leurs parents, en particulier par celles de leur mère (Michaud et al., 2009 ;
Proulx-Boucher et al., 2014 ; Thoth et al., 2014). Plusieurs jeunes rapportent
ressentir des pressions parentales les enjoignant de maintenir le secret ou leur
interdisant de révéler à autrui leur statut sérologique au VIH (Proulx-Boucher
259
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
et al., 2015 ; Thoth et al., 2014). En effet, la révélation de son statut d’infection
au VIH à un ami ou à un partenaire est susceptible de révéler le statut de séro-
positivité de la mère biologique et soulève des questions sur les autres membres
de la famille si le mode de transmission est dévoilé ou présumé (Calabrese et al.,
2012 ; Proulx-Boucher et al., 2014 ; Thoth et al., 2014). Ces pressions se font par-
ticulièrement sentir dans la vie amoureuse et sexuelle des adolescents. Certains
parents, pourtant soucieux de protéger leur adolescent, pourraient contribuer à
renforcer une perception négative de la sexualité (Busza, Besana, Mapunda, &
Oliveras, 2013 ; Fernet et al., 2011 ; Proulx-Boucher et al., 2015). Par exemple,
des jeunes mentionnent que leurs parents leur interdisent de s’engager dans des
relations amoureuses et sexuelles pour éviter tout risque de transmission du
VIH (Fernet et al., 2011 ; Proulx-Boucher et al., 2015). Des études rapportent
que des parents prônent l’abstinence en insistant sur le fait que les personnes
vivant avec le VIH ne devraient pas s’engager dans des activités sexuelles d’ici à
ce qu’une cure soit disponible. Des informations basées sur des croyances erro-
nées de la sexualité peuvent alors être données aux adolescents (ex. : « la sexua-
lité, c’est du poison » ; « les activités sexuelles contribuent à réduire le nombre
de cellules CD41 »), (Busza et al., 2013). Les premières relations amoureuses des
JVVIH seront de ce fait marquées par un sentiment de dangerosité, accentué par
la question du secret à gérer, un secret que l’adolescent porte depuis toujours
comme quelque chose qui ne doit pas sortir du cercle familial.
1 Lymphocytes (globules blancs) qui jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire et qui
sont la cible privilégiée du VIH.
260
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
261
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
262
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
six stratégies ont été identifiées (Fernet et al., 2015). D’abord, des mères rap-
portent saisir les occasions qui se présentent au quotidien pour amorcer le
dialogue avec leur enfant (ex. : livre, télévision, journaux). Ceci leur permet
d’aborder le sujet indirectement et de diminuer ainsi l’inconfort que peut sus-
citer le sujet. Certaines mères préfèrent attendre que leur enfant leur pose des
questions afin d’éviter qu’ils ne soient mal à l’aise. Les jeunes ont d’ailleurs
confirmé qu’ils pouvaient effectivement poser des questions à leur mère et
qu’ils étaient confiants que celle-ci allait être en mesure de leur répondre. Une
autre stratégie employée par les mères consiste à utiliser l’humour pour par-
ler de sexualité avec leur enfant et ainsi dédramatiser le sujet. D’autres mères
planifient leurs interventions en fonction du développement psychosexuel de
leur enfant. En effet, certaines mères voient la puberté comme un moment
opportun pour amorcer le dialogue au sujet de la sexualité. Ensuite, des mères
ont mentionné partager certaines expériences personnelles (préoccupations
par rapport aux premières relations amoureuses, valeurs qui sont considérées
importantes, obstacles rencontrés pour négocier le préservatif) pour favoriser
la réflexion chez leur adolescent. Enfin, des adolescents ont souligné que leur
mère posait des questions, entre autres sur ce qu’ils avaient appris à l’école
au sujet de la sexualité ainsi que sur leur vie amoureuse et sexuelle. Certains
jeunes y voyaient une tentative de la mère d’ouvrir le dialogue. À l’opposé,
d’autres jeunes étaient plutôt d’avis que ces questions n’étaient pas propices à
l’échange sur la sexualité, car elles reflétaient plutôt les préoccupations de leur
mère.
263
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
264
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
Dago-Akribi & Cacou Adjoua, 2004 ; Fernet et al., 2015, 2016 ; Proulx-
Boucher et al., 2011). Dans bien des cas, les jeunes doivent s’en remettre aux
prestataires de soins lorsqu’ils ont des questions relatives à la sexualité, ce
qui oriente le contenu des messages qu’ils reçoivent qui sont généralement à
teneur préventive (Ezeanolue et al., 2006). Les JVVIH pourraient également
se sentir mal à l’aise de poser des questions ou de se confier au personnel soi-
gnant concernant certaines pratiques sexuelles de peur d’être jugés, d’être ser-
monnés ou de voir leur séropositivité révélée à des tiers. Pourtant, les JVVIH
souhaiteraient recevoir plus d’informations sur la santé sexuelle et aimeraient
être capables d’en discuter tant au sein de la famille qu’à l’extérieur de celle-
ci (Zorilla et al., 2003). Internet est de plus en plus utilisé par les adolescents
de la population générale quand vient le temps de trouver des réponses aux
interrogations qu’ils ont sur la sexualité (Salmon & Zdanowicz, 2007), ce qui
à notre connaissance n’a pas été documenté auprès des JVVIH. Le présent
survol des travaux réalisés auprès des JVVIH souligne, d’une part, un manque
d’informations au sujet de la sexualité et, d’autre part, une méconnaissance de
leurs habitudes de consultation pour trouver des informations relatives à la
sexualité. Il serait souhaitable que des études ultérieures visent à documenter
la part d’informations que les JVVIH tirent d’Internet, la fiabilité des sources
consultées et la pertinence de l’information véhiculée étant donné l’unicité de
leur vécu.
265
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
meurtre, meurtre), et ce, qu’il y ait eu transmission du virus ou non selon les
juridictions en vigueur (Global Network of People Living with HIV [GNP+],
2010).
La présente section décrit les enjeux spécifiques de la révélation du statut
d’infection au VIH en contexte amoureux et sexuel, aux motifs pour lesquels
certains décident ou non d’aborder la question, aux conditions nécessaires
pour révéler sa séropositivité au VIH, ainsi qu’aux expériences rapportées par
les JVVIH.
266
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
une conversation visant à révéler son statut d’infection au VIH, ainsi que la
peur de ne pas savoir comment gérer une réaction négative suite à la révéla-
tion ont été énumérées. L’ensemble de ces préoccupations constituerait des
obstacles importants à la révélation du statut d’infection au VIH en contexte
amoureux ou sexuel.
Le taux de révélation à un partenaire amoureux ou sexuel varie considé-
rablement d’une étude à l’autre, cette proportion oscillant entre 9 % et 68 %
(Thoth et al., 2014). Cette variation pourrait être expliquée par différents
facteurs dont l’âge des participants, la taille des échantillons, ainsi que par
la stigmatisation environnante qui fluctuent d’une étude à l’autre. Ceux qui
connaissent leur statut d’infection au VIH depuis plusieurs années auraient
plus de facilité à le révéler à un partenaire sexuel comparativement à ceux qui
en ont été informés depuis moins longtemps (Thoth et al., 2014). Les filles
seraient aussi plus nombreuses à avoir révélé leur statut d’infection au VIH à
un partenaire sexuel que les garçons (Thoth et al., 2014). En contexte nord-
américain, les jeunes caucasiens révèleraient également plus aisément leur sta-
tut à un partenaire sexuel que les jeunes issus de minorités ethnoculturelles,
quoiqu’une étude parmi celles recensées par Thoth et al. (2014) ne rapporte
aucune différence significative liée à l’origine ethnoculturelle des JVVIH sur
l’expérience de révélation du statut d’infection au VIH (Dempsey, MacDonell,
Naar King, & Lau, 2012). De plus, il semble que les JVVIH révèlent plus sou-
vent leur statut d’infection au VIH lorsque leur partenaire partage le même
statut sérologique au VIH (Thoth et al., 2014).
267
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
268
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
269
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
aident à chercher des informations au sujet du VIH (Fair & Albright, 2012 ;
Fernet et al., 2011 ; Greenhalgh et al., 2013). De l’avis de certains, ce partage
aurait favorisé le renforcement des liens affectifs et intimes qu’ils entretiennent
avec leur partenaire amoureux (Fernet et al., 2011). En dépit de cette percep-
tion de soutien de la part du partenaire amoureux, ils mentionnent rencontrer
des défis. En effet, ils seraient régulièrement confrontés aux questions du par-
tenaire à propos du VIH, questions parfois perçues comme ayant un caractère
stigmatisant et lourdes à gérer à moyen terme (Fair & Albright, 2012).
Des expériences négatives sont aussi rapportées par les JVVIH où ils se
sont sentis jugés par leur partenaire. En effet, certains ont dû composer avec
des préoccupations, parfois injustifiées du partenaire, quant aux possibilités
qu’il soit infecté. D’autres ont eu à composer avec le fait que leur partenaire
présumait qu’ils avaient eu de multiples partenaires sexuels ou qu’ils avaient
fait usage de drogues injectables. Certains témoignent d’expériences de rejet
suite à la révélation du statut d’infection au VIH (Fair & Albright, 2012 ; Fer-
net et al., 2011 ; Mburu et al., 2014) et, dans de plus rares cas, d’épisodes de
violence psychologique suite à la révélation du statut sérologique au VIH (Fer-
net et al., 2011). Ces expériences de rejet pourraient teinter la façon dont ils
entrevoient la possibilité de développer une relation amoureuse qui répond à
leurs besoins et semblent les décourager à révéler leur séropositivité, à nou-
veau, dans le contexte d’une nouvelle relation (Fernet et al., 2011).
En somme, les travaux s’étant attardés à la révélation du statut sérologique
chez les JVVIH s’appuient, pour la plupart, sur des devis qualitatifs qui ont
l’avantage de donner la parole aux jeunes. Même si plusieurs jeunes rapportent
des expériences positives de révélation auprès d’un partenaire amoureux, la
grande majorité d’entre eux craint fortement cette situation et l’éventualité
d’être jugé ou rejeté. Les stratégies adoptées par ces jeunes pour se protéger
de la stigmatisation potentielle consistent, entre autres, à se priver de relations
amoureuses et sexuelles, accentuant de la sorte leur isolement. Pourtant, les
besoins affectifs et les enjeux développementaux auxquels font face ces jeunes
sont comparables à ceux de la population générale. Enfin, même s’ils sont
moins nombreux, quelques uns témoignent d’expérience de révélation de leur
statut de séropositivité au VIH à un partenaire amoureux ou sexuel. Ils font
appel aux ressources disponibles (intervenants de la santé) et à leurs connais-
sances pour tenter d’atténuer les réactions négatives potentielles que leur par-
tenaire pourrait avoir. Lorsque l’expérience de révélation s’avère négative, les
craintes ressenties au départ semblent se décupler et les risques d’isolement
s’accentuent. Outre les enjeux liés à la révélation du VIH, les autres dimensions
de la vie affective et sexuelle des JVVIH ont été peu explorées considérant le
rôle clé des pairs et des partenaires amoureux comme sources substantielles de
soutien et de références significatives en ce qui concerne la manière de penser
et d’agir des adolescents.
270
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
271
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
272
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
vie sexuelle (Kœnig et al., 2010 ; Tassiopoulos et al., 2012 ; Wiener, Battles,
et al., 2007). En ce qui a trait à l’usage du préservatif à la première relation
sexuelle, parmi les 125 jeunes actifs sexuellement de la cohorte COVERTE
(ANRS), 97 % rapportent avoir utilisé un préservatif lors de leur première
relation sexuelle, alors qu’ils seraient un peu plus de 40 % à rapporter une uti-
lisation irrégulière du préservatif dans la dernière année (Briand et al., 2012).
Les jeunes femmes étaient significativement plus nombreuses à révéler un
usage moins constant du préservatif. Ces difficultés seraient attribuables à la
difficulté de négocier des pratiques sécuritaires avec leur partenaire et à celle
d’aborder la prise de risques avec leur médecin traitant (Briand et al., 2012).
L’usage constant du préservatif a également été comparé en fonction de la
charge virale des patients lors de la dernière visite, et selon les résultats obte-
nus les patients qui présentaient une charge virale détectable (41,7 %) ne se
distinguaient pas significativement de ceux qui présentaient une charge virale
indétectable (49,2 %) (Briand et al., 2012). En somme, à travers les travaux
scientifiques, on estime qu’entre 28 % et 65 % des JVVIH depuis la naissance
et actifs sexuellement auraient eu des relations sexuelles non protégées (Dodds
et al., 2003 ; Fernet et al., 2011 ; Kœnig et al., 2010 ; Mellins et al., 2009, 2011 ;
Wiener, Battles, et al., 2007).
En ce qui concerne leurs pratiques contraceptives, les taux d’incidence de
grossesses non planifiées estimés sont comparables à ceux observés au sein de
la population générale (Brogly et al., 2007 ; Kœnig et al., 2010 ; Wiener, Battles,
et al., 2007). Les JVVIH de la cohorte COVERTE (ANRS) seraient un peu plus
de 80 % à indiquer avoir fait usage d’un contraceptif dans la dernière année,
alors que près de 70 % rapportaient un usage combiné de la pilule contracep-
tive et du préservatif (Briand et al., 2012).
273
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Une étude réalisée par Fernet et collaborateurs (2007) relève des stratégies
déployées par les JVVIH depuis la naissance, et actifs sexuellement, pour négo-
cier le préservatif avec leur partenaire sexuel sans avoir à révéler leur statut
d’infection au VIH. Les filles ont tendance à faire valoir la menace potentielle
d’une grossesse comme prétexte pour convaincre leur partenaire d’utiliser le
préservatif, mais elles vont aussi avoir recours à des arguments d’ordre affectif
(ex. : « si tu m’aimes, tu vas utiliser le préservatif »). D’autres vont plutôt inté-
grer le préservatif à leurs scénarios sexuels en évitant toute discussion relative
à son utilisation. Enfin, certains jeunes affirment s’abstenir complètement ou
temporairement de certaines activités sexuelles, comme le coït vaginal ou anal,
comme stratégie de prévention.
En somme, la prise de risques sexuels des JVVIH est comparable à celle des
jeunes de la population générale (Briand et al., 2012). Ils s’engageraient moins
souvent dans des activités sexuelles coïtales et sans protection comparativement
à leur pairs séronégatifs pour le VIH (Bauermeister et al., 2009, 2012 ; Elking-
ton et al., 2012). Les JVVIH depuis la naissance ne diffèreraient pas significa-
tivement des adolescents exposés au VIH en période périnatale, mais qui sont
séronégatifs au VIH (Dolezal et al., 2014). À quelque exception près (Briand et
al., 2012), les études disponibles sont peu nombreuses et présentent d’impor-
tantes limites méthodologiques (Bauermeister et al., 2012). En effet, les groupes
à l’étude sont souvent composés de pré-adolescents et de jeunes adolescents
(environ 12 ans) où l’activité sexuelle est plutôt limitée. Les échantillons sont
constitués de jeunes tout mode d’infection au VIH confondu (vertical, sexuel,
matériel contaminé). Parfois, les jeunes eux-mêmes sont exclus des études pour
n’interroger que leurs parents/tuteurs ou les prestataires de soins de santé. Par
ailleurs, la plupart des données sont transversales alors que des données longi-
tudinales permettraient de documenter l’évolution des comportements sexuels
au fil du temps et à travers les différents stades de l’adolescence et de mieux
saisir les enjeux du développement sexuels des JVVIH. Cette insistance à docu-
menter les risques associés à la sexualité fait en sorte que les stratégies d’adapta-
tion et les mécanismes de résilience mis à l’œuvre par les JVVIH dans la gestion
des risques sexuels demeurent méconnus (Persson & Newman, 2012).
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Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
7.3. Des interventions Avec, Par et Pour les jeunes vivant avec
le VIH
Comme le montrent les études et l’expérience pratique, les programmes d’édu-
cation à la sexualité sont souvent perçus comme plus attrayants et sont plus
efficaces quand les jeunes sont impliqués dans l’élaboration de leur contenu
(UNESCO, 2010). Faciliter le dialogue entre les différentes parties prenantes,
et plus particulièrement entre les jeunes et les adultes, peut aussi contribuer à
mobiliser un soutien (UNESCO, 2010). Chez les JVVIH, ce soutien pourrait
être favorable à la gestion du stigmate associé au VIH et contribuer à briser
l’isolement. L’engagement des parties prenantes en matière d’intervention est
bien connu dans la communauté des personnes vivant avec le VIH. « Rien sur
nous sans nous », clamaient dès 1983 les communautés affectées par le VIH
(ONUSIDA, 2007). Le principe GIPA (Greater Involvement of People Living
with HIV/AIDS), Avec, Par et Pour « vise à garantir aux personnes vivant avec
le VIH l’exercice de leurs droits et de leurs responsabilités, y compris leur droit
à l’autodétermination et à la participation aux processus de prise de décisions
qui affectent leur propre vie » (ONUSIDA, 2007). Les bénéfices du principe
Avec, Par et Pour sont nombreux et sont perceptibles tant sur les plans indivi-
duel, organisationnel que social et communautaire (ONUSIDA, 2007). Sur le
plan individuel, la participation accrue contribue à briser l’isolement, renforce
l’estime de soi et améliore la qualité de vie en permettant aux personnes impli-
quées d’être mieux informées et de gagner du pouvoir décisionnel dans des
espaces protégés. Sur le plan des organisations, la participation des personnes
vivant avec le VIH offre des modèles positifs et variés aux autres personnes
affectées, donne accès à des connaissances et à des expériences subjectives
enrichissantes, en plus d’orienter les services offerts et ainsi mieux répondre
aux besoins. Enfin, sur le plan social, les activités visant à accroître la visibilité
des personnes vivant avec le VIH peuvent contribuer à atténuer la stigmatisa-
tion entourant le VIH et à offrir une image positive (ONUSIDA, 2007).
Dans un rapport produit par les Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
[UNICEF] (2010), des initiatives considérées comme les meilleures pratiques
pour les enfants et les adolescents VVIH sont exposées. Un premier cas de
279
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
figure est le Baylor International Pediatric AIDS Service (BIPAI0 Teen Club
programs, http://bipai.org/About-BIPAI/Teen-Club-International.aspx), l’un
des plus grands réseaux regroupant 3 500 membres actifs en opération dans
6 pays d’Afrique (Botswana, Lesotho, Malawi, Uganda, Swaziland et Tanza-
nie). Un deuxième cas de figure est l’organisation Africaid qui offre, dans le
cadre de son programme Zvandiri (http://www.africaid-zvandiri.org/), des
services de prévention, de traitement, de soins et de soutien à l’échelle de la
communauté et destinés aux enfants et aux adolescents VVIH au Zimbabwe.
Ces initiatives ont en commun d’offrir aux JVVIH un accompagnement spéci-
fique, incluant un soutien psychologique et communautaire allant au-delà des
services cliniques (UNICEF, 2010). Fidèles au principe Avec, Par et Pour, ces
initiatives valorisent le potentiel de mobilisation et le renforcement des capaci-
tés des enfants et des adolescents dans leur capacité d’établir des relations posi-
tives, d’améliorer leur estime d’eux-mêmes et d’acquérir leurs compétences à
travers un réseau de soutien par les pairs et d’activités structurées. Les enfants
et les adolescents sont au cœur de ces initiatives puisqu’ils sont non seulement
engagés dans la planification, l’implantation, la supervision, mais aussi dans
l’évaluation des programmes et des activités proposées.
280
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
282
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
8. Conclusion
Ce chapitre met en lumière des défis particuliers avec lesquels doivent com-
poser les JVVIH depuis la naissance. En effet, en plus de devoir naviguer à
travers les relations amoureuses et d’apprivoiser leur sexualité comme tout
autre adolescent, ils doivent en plus apprendre à vivre avec le VIH, une mala-
die chronique, sexuellement transmissible et socialement stigmatisée. Diffé-
rents constats peuvent être dégagés de ce bilan des travaux s’étant intéressés
aux JVVIH. Le VIH s’inscrit dans le parcours biographique de ces jeunes et
marque leur développement identitaire. Ils sont angoissés par l’établissement
de relations amoureuses et sont habités par la peur du rejet, mais ils rêvent
pourtant d’être amoureux et de fonder une famille. Ces jeunes sont préoccu-
pés par la question de la révélation de leur statut d’infection au VIH, ce qui
teinte l’ensemble de leurs expériences amoureuses et sexuelles. Les messages
que reçoivent les JVVIH sur la sexualité, souvent renforcés par les parents et
les prestataires de soins, sont le plus souvent négatifs et associés à une sexualité
transgressive et dangereuse. Considérant les risques de transmission et, dans
certains pays, les enjeux associés à la criminalisation du VIH, les messages
offerts sont orientés vers l’abstinence sexuelle ou misent uniquement sur la
protection sexuelle.
Ce positionnement paradigmatique centré sur les comportements à risque
occulte les stratégies d’adaptation, les mécanismes de résilience et les com-
pétences spécifiques développées par ces jeunes dans la gestion des risques
sexuels (Persson & Newman, 2012). Des travaux ultérieurs auraient intérêt à
explorer les compétences spécifiques développées par les JVVIH puisque ces
dernières pourraient servir de leviers d’intervention dans les actions leur étant
destinées. En effet, de plus en plus nombreux sont les chercheurs qui recon-
naissent que les relations amoureuses et sexuelles offrent l’opportunité aux
adolescents de développer leur concept de soi sexuel et leur réflexivité, et d’ac-
quérir de nouvelles compétences interpersonnelles pour combler leurs besoins
d’intimité et de proximité émotionnelle (Boislard & Zimmer-Gembeck, 2012;
Tolman & McClelland, 2011). Les besoins de ces jeunes en matière d’éducation
à la sexualité sont criants, mais il semble y avoir un décalage entre les besoins
exprimés et l’accompagnement reçu. L’éducation à la sexualité est un lieu pri-
vilégié qui offre des possibilités structurées d’exploration des attitudes et des
valeurs et de promotion de comportements sécuritaires (UNESCO, 2010). En
plus d’offrir aux jeunes une information adéquate, des interventions d’éduca-
tion à la sexualité adaptées aux besoins particuliers de ces jeunes pourraient
leur permettre de mieux naviguer à travers le développement psychosexuel et
social et de renforcer leurs compétences afin qu’ils soient en mesure de faire des
choix éclairés et responsables dans leur vie sexuelle. Ces interventions doivent
nécessairement dépasser le cadre clinique, offrir des méthodes diversifiées et
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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290
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance
291
Chapitre 8
La sexualité des jeunes
en situation de précarité
1. Introduction
Au cours des dernières années, les études portant sur la sexualité des jeunes
en situation de précarité se sont multipliées de manière importante. Or, aucun
document, à notre connaissance, ne présente un portrait global des résultats
empiriques récents sur la sexualité de ces jeunes. À partir d’un état des lieux sur
la sexualité et les interventions en santé sexuelle chez les jeunes en situation de
précarité, ce chapitre se veut une réponse à cette lacune scientifique. Le texte
débute par une réflexion sur les éléments définitionnels de la catégorie sociale
des « jeunes en situation de précarité ». Par la suite, un état des connaissances
sur les principales thématiques liées à la sexualité des jeunes en situation de
précarité est présenté : la prise de risque sexuel, les expériences amoureuses
et parentales ainsi que la victimisation sexuelle. Les interventions et les ser-
vices en santé sexuelle chez les jeunes en situation de précarité sont également
documentés. En guise de conclusion, des pistes de recherches futures sur la
sexualité de ces jeunes sont discutées.
293
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
1 Il n’existe pas de définition officielle de l’âge de la jeunesse. Cependant, les Nations unies
définissent les « jeunes » comme des personnes âgées de 15 à 24 ans (Centre d’observation
de la Société, 2015).
294
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
295
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
difficile d’identifier la population exacte de ces jeunes, mais ils sont évalués à
des millions à travers le monde, et seraient près de 150 000 au Canada à vivre
dans la rue chaque jour (Agence de santé publique du Canada [ASPC], 2006).
Le recours à ces deux catégories sociales permet de témoigner de la diver-
sité des enjeux liés à la sexualité chez les jeunes en situation de précarité, et
ce, dans une logique intégrative entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Ce
chapitre propose donc de faire un état des lieux sur la sexualité des jeunes en
situation de précarité à partir des thématiques les plus explorées au sein des
écrits scientifiques, soit la prise de risque sexuel, les expériences amoureuses
et parentales, la victimisation sexuelle et les interventions en santé sexuelle. La
prise de risque sexuel, qui constitue la thématique la plus documentée parmi
les travaux scientifiques, est détaillée dans la prochaine section sous l’angle des
facteurs associés à l’absence de méthodes prophylactiques chez les jeunes en
situation de précarité.
296
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
générale au Canada (Boivin et al., 2005 ; Shields et al., 2004). Également, entre
37 % et 62 % des jeunes filles de la rue âgées de 14 à 23 ans rapportent au moins
un épisode de grossesse au cours de leur vie (Leclerc et al., 2013 ; Winetrobe
et al., 2013). De façon plus spécifique, la grossesse en situation de précarité est
associée à des problèmes de santé, tels que les troubles de santé mentale (ex. :
dépression majeure, syndrome de stress post-traumatique : Simmat-Durand,
2002), la dépendance à la drogue (Simmat-Durand, 2002), les enfants de petit
poids et la mortalité infantile (Crawford, Trotter, Hartshorn, & Whitbeck,
2011). Pour expliquer cette prise de risque sexuel chez les jeunes en situation
de précarité, différents facteurs individuels et structurels sont documentés
dans la littérature scientifique.
3.1.1. L’âge
Les jeunes en situation de précarité qui sont plus âgés (plusieurs études font
référence à la catégorie d’âge « 19 ans et plus ») sont davantage à risque de
contracter une ITSS (Boivin et al., 2005 ; Bozon, 2009 ; Paicheler, 2000 ; Rosa
et al., 2001 ; Roy et al., 2001). L’étude quantitative de Roy et al. (2001) défend
l’hypothèse de l’effet cumulatif pour expliquer cette association entre l’âge et
les ITSS chez les jeunes en situation de précarité. Les jeunes plus âgés seraient
actifs sexuellement et exposés à la situation de précarité depuis plus longtemps
(Roy et al., 2001), ce qui augmenterait leur probabilité d’adopter des compor-
tements sexuels à risque pour répondre à leurs besoins essentiels, tels que le
recours à la prostitution, le multipartenariat sexuel et l’abandon du préservatif
sans tests de dépistage préalables (Bozon, 2009 ; Maia, 2004). L’âge ne serait
2 Si différents termes sont utilisés dans les études empiriques pour témoigner de la prostitu-
tion chez les jeunes en situation de précarité (ex. : sexe de survie, transactions sexuelles,
travail du sexe), ils évoquent tous l’idée d’un échange de faveurs sexuelles contre de l’argent,
de la drogue, un endroit pour dormir, des cadeaux ou de la nourriture (voir, entre autres,
Moujoud, 2005 ; Provencher, Côté, Blais, & Manseau, 2013).
297
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
donc pas en soi un prédicteur de la prise de risque sexuel chez ces jeunes, il
témoignerait plutôt de la durée d’exposition à la situation de précarité qui les
contraindrait à mobiliser des comportements sexuels à risque afin d’assurer
leur survie en contexte d’instabilité économique et résidentielle.
298
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
299
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
Le lien établi avec le partenaire sexuel constitue aux yeux des jeunes en
situation de précarité un facteur qui module à la baisse l’évaluation qu’ils font
des risques sexuels. Le sentiment amoureux éprouvé pour le partenaire (Fer-
reira, 2010b ; Haley et al., 2005 ; Kennedy et al., 2015 ; Maia, 2004 ; Rana
et al., 2014), la confiance ressentie pour l’autre (Kennedy et al., 2015 ; Maia,
2010a ; Rana et al., 2014), la familiarité et la connexion avec le partenaire
(comme l’impression d’être spécial et unique aux yeux du partenaire ; Fer-
reira, 2010a ; Kennedy et al., 2015), ainsi que l’impression de connaître l’autre
(Maia, 2010a ; Manseau et al., 2011) ou de connaître le statut sérologique du
partenaire (Rana et al., 2014) diminuent l’utilisation que les jeunes font des
méthodes prophylactiques. D’ailleurs, ces jeunes rapportent utiliser davantage
le préservatif lorsqu’ils ont des activités sexuelles avec des partenaires incon-
nus ou occasionnels (Maia, 2004). Il est suggéré, à titre d’hypothèse, que le
lien émotionnel avec le partenaire sexuel s’inscrit, chez ces jeunes, dans une
logique de solidarité et d’entraide nécessaires à la survie au sein de la situation
de précarité (Manseau et al., 2011). L’évaluation à la baisse des risques sexuels
semble donc constituer un mécanisme pour préserver le lien établi avec le
partenaire dans un contexte social qui nécessite, à leurs yeux, la création
de contacts sociaux (affectifs, amoureux ou sexuels) pour répondre à leurs
besoins essentiels.
La forme de la relation, soit en termes de durée (Bozon, 2009 ; Rana et al.,
2014), d’engagement (Bozon, 2009 ; Kennedy et al., 2012) ou de fidélité (Haley
et al., 2005 ; Maia, 2010a ; Tucker et al., 2014), constitue aussi un facteur asso-
cié aux risques sexuels chez les jeunes en situation de précarité. L’étude qua-
litative de Smid et al. (2010), réalisée aux États-Unis auprès de 13 jeunes filles
de la rue âgées de 18 à 26 ans, révèle que, pour plus de la moitié des jeunes
qui sont engagés dans une relation amoureuse à long terme, l’idée d’une gros-
sesse s’insère dans un projet de couple. D’ailleurs, le sentiment amoureux et
l’exclusivité sexuelle au sein d’une relation amoureuse réduisent l’utilisation
des méthodes de contraception par les jeunes en situation de précarité (Beck &
Richard, 2013 ; Maia, 2004 ; Manseau et al., 2011 ; Thrane & Chen, 2012 ;Tuc-
ker et al., 2012).
Les jeunes en situation de précarité ont également recours à des indicateurs
comportementaux pour évaluer, chez leurs partenaires sexuels, les risques
d’être infectés aux ITSS : l’attirance physique (Kennedy et al., 2015 ; Maillo-
chon, 2004), l’hygiène corporelle (Kennedy et al., 2015 ; Maia, 2004 ; Rana et al.,
2014) et la réputation du partenaire (promiscuité sexuelle, consommation de
drogues, prostitution : Maia, 2004 ; Rana et al., 2014). Aussi, l’absence de com-
munication sur les risques sexuels et le VIH/sida avec son partenaire sexuel
augmente l’exposition au risque d’ITSS chez les jeunes en situation de préca-
rité (Jaspard, 2005 ; Kennedy et al., 2015). À titre d’hypothèse, certains travaux
concluent que ces jeunes mobilisent des indicateurs comportementaux pour
300
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
301
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
3.1.6. La prostitution
Les jeunes en situation de précarité qui ont recours à la prostitution sont plus à
risque d’être infectés aux ITSS comparativement à ceux qui n’y ont pas recours
(Boivin et al., 2005 ; Haley, Roy, Leclerc, Boudreau, & Boivin, 2004 ; Marshall
et al., 2010 ; UNICEF, 2011). L’étude quantitative de Tyler, Whitbeck, Chen et
Johnson (2007), réalisée aux États-Unis auprès de 428 jeunes de la rue, indique
que les jeunes qui ont recours à la prostitution ont 2,5 fois plus de risque de
contracter une ITSS comparativement à ceux qui ne mobilisent pas cette pra-
tique sexuelle. Ce facteur de risque est d’autant plus important qu’une préva-
lence élevée de jeunes de la rue en Amérique du Nord (12 % à 32 %) rapporte
avoir déjà pratiqué la prostitution (ASPC, 2006 ; Leclerc et al., 2013 ; Moon et
al., 2001). En Europe, la prostitution est également un facteur de risque d’ITSS
chez les jeunes en situation de précarité. Par exemple, la prévalence du VIH
est de 3,2 % en Espagne et de 0,7 % en Bulgarie chez les jeunes en situation
de précarité qui se définissent comme travailleurs du sexe (Apostolidis et al.,
2003 ; Sansfaçon et al., 2005).
L’une des hypothèses avancées pour expliquer la prise de risque sexuel chez
ceux qui pratiquent la prostitution renvoie à l’urgence de la survie qui contraint
les jeunes en situation de précarité à négliger les comportements sexuels sécu-
ritaires afin de répondre à leurs besoins essentiels, comme s’héberger, se nour-
rir et se vêtir. Ainsi, les jeunes en situation de précarité qui ont recours à la
prostitution utilisent de façon inconstante le préservatif (Marshall et al., 2010 ;
Rew, Fouladi, & Yockey, 2002) pour répondre notamment aux exigences de
302
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
certains clients qui préfèrent débourser un surplus pour ne pas l’utiliser lors
des relations sexuelles (Manseau et al., 2011). Toutefois, l’implication dans
la prostitution semble être associée à une motivation plus grande d’utiliser le
préservatif chez certains jeunes en situation de précarité. Le nombre élevé de
partenaires sexuels et la nature même des relations sexuelles en contexte de
prostitution susciteraient beaucoup de craintes chez les jeunes quant au risque
d’ITSS, ce qui les conduirait à être davantage sensibilisés et motivés à utiliser le
préservatif. Par contre, l’impératif de survie semble moduler cette motivation
et sa traduction comportementale en raison de l’urgence et de la nécessité de
répondre à leurs besoins essentiels (Manseau et al., 2011).
La prise de risque sexuel en contexte de prostitution est également expli-
quée par le rapport que les jeunes en situation de précarité entretiennent à
l’égard de la consommation de drogues (Apostolidis et al., 2003 ; Chen, Tyler,
Whitbeck & Hoyt, 2004 ; Chettiar, Shannon, Wood, Zhang & Kerr, 2010 ;
Paquette et al., 2010 ; Weber et al., 2002). Les risques d’ITSS sont plus élevés
chez les jeunes qui, de façon concomitante, consomment de façon intensive
de la drogue et pratiquent la prostitution, et ce, comparativement à ceux qui
n’adoptent que l’un de ces deux comportements (Paquette et al., 2010 ; Weber
et al., 2002). Certaines études qualitatives montrent que la consommation
de drogues permettrait aux jeunes de réduire ou d’inhiber la souffrance et la
détresse associées à la pratique de la prostitution (Apostolidis et al., 2003 ;
Bertrand & Nadeau, 2006 ; Côté et al., 2014). Ce faisant, ces jeunes s’inscrivent
dans un enchaînement complexe entre, d’une part, l’obligation de pratiquer la
prostitution pour obtenir de la drogue et, d’autre part, la nécessité de consom-
mer des substances pour réaliser les activités prostitutionnelles (Côté et al.,
2014 ; Provencher et al., 2013). Ce rapport complexe entre la consommation
de drogues et la prostitution enferme les jeunes dans une logique qui ne fait
plus de sens pour eux, sinon que de continuer à maintenir ce rythme effréné
pour répondre à l’urgence imposée par la dépendance aux substances (Ber-
trand & Naderau, 2006 ; Côté et al., 2014) : contribuant ainsi à diminuer l’uti-
lisation qu’ils font du préservatif afin d’augmenter leurs gains potentiels pour
se procurer davantage de drogues (Weber et al., 2002).
En résumé, une grande partie des travaux scientifiques disponibles docu-
mente les facteurs individuels associés à la prise de risque sexuel (ex. : utili-
sation inconstance du préservatif, fréquentation de partenaires sexuels mul-
tiples) chez les jeunes en situation de précarité. Ces facteurs renvoient à des
enjeux d’ordre cognitif (méconnaissances sur la sexualité, attitudes négatives
à l’égard du préservatif et faible perception des risques sexuels) et comporte-
mental (consommation de drogues et prostitution) qui s’articulent dans un
chassé-croisé complexe incitant les jeunes à adopter des pratiques sexuelles à
risque pour leur santé. Ces facteurs individuels ne peuvent toutefois expliquer
à eux seuls la prise de risque sexuel chez les jeunes en situation de précarité. Il
303
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
304
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
3.2.2. Le genre
Les jeunes filles et les jeunes garçons en situation de précarité n’adoptent pas
les mêmes comportements sexuels à risque pour leur santé (Maia, 2010a ;
Solorio et al., 2006). Ainsi, les jeunes garçons présentent une fréquence plus
élevée de partenaires sexuels (Solorio et al., 2006), tandis que les jeunes filles
font une utilisation moins régulière du préservatif et sont plus susceptibles
de s’engager dans des comportements sexuels avec des partenaires infectés
aux ITSS (Clair, 2008 ; Solorio et al., 2006 ; Valente & Auerswald, 2013). Ces
distinctions entre les jeunes garçons et les jeunes filles quant à l’adoption
de comportements sexuels à risque seraient influencées par les rapports de
genre présents dans la situation de précarité.
Les jeunes garçons en situation de précarité ont tendance à se replier sur
des rôles traditionnels de la masculinité, comme la performance sexuelle, la
bravoure et la prise de risque, pour obtenir une valorisation auprès de leur
réseau social (Jamoulle, 2005 ; Kebabza, 2007 ; Osthus & Sewpaul, 2014). De
ce fait, les jeunes garçons rapportent fréquenter un grand nombre de parte-
naires sexuels en situation de précarité, ceci leur servant de stratégie pour affi-
cher leur puissance sexuelle et, ainsi, pour présenter une identité masculine
valorisée et valorisante en contexte d’instabilité économique et résidentielle
(Côté, 2013 ; Jamoulle, 2005). Les jeunes garçons rapportent également que
leur sentiment de virilité est remis en cause par le préservatif, car l’usage de
cette méthode prophylactique est considéré comme un signe de peur, ce qui va
à l’encontre des rôles traditionnels de la masculinité (Maia, 2010a).
De leur côté, les jeunes filles rencontrent plus de difficultés que les jeunes
garçons à accéder aux ressources économiques et matérielles lorsqu’elles se
retrouvent en situation de précarité (Coslin, 2003 ; Osthus & Sewpaul, 2014 ;
Watson, 2013). Dans ce contexte, les jeunes filles se voient contraintes de
mobiliser des stratégies de survie, comme la prostitution, qui les place dans un
rapport d’assujettissement à l’égard des clients et qui les pousse à adopter des
comportements sexuels à risque afin de répondre rapidement à leurs besoins
essentiels (Valente & Auerswald, 2013). Dans le contexte de « la banlieue », où
la violence est exacerbée par la précarité et l’exclusion sociale, les jeunes filles
courent davantage de risque de subir une agression sexuelle (Alidières, 2010)
et, par conséquent, de contracter une ITSS, que celles de la population géné-
rale. Elles ont aussi plus de mal que les garçons à négocier l’usage du préserva-
tif en raison des rapports de pouvoir qui les lient à leurs partenaires sexuels et
qui les placent en situation de grande précarité (Bajos & Bozon, 2008).
305
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
3 Le terme « squat » désigne « une habitation illégale dans des immeubles laissés à l’abandon »
(Levac & Labelle, 2007 : 349).
306
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
de contracter une ITSS comparativement à ceux qui sont sans domicile fixe
(Solorio et al., 2006). La domiciliation chez les jeunes diminue la fréquenta-
tion de pairs qui se retrouvent en situation de précarité et qui peuvent avoir
une influence négative sur l’utilisation du préservatif (Rosa et al., 2001). Par
exemple, il est montré que les jeunes qui pratiquent la prostitution en situation
de précarité encouragent les nouveaux initiés à évaluer à la baisse les risques
sexuels associés au sexe oral sans préservatif, puisque les clients sont prêts à
débourser davantage d’argent pour ne pas en utiliser (MacDonald, 2012). Il
est également avancé, à titre d’hypothèse, que la stabilité résidentielle favorise
une plus grande autonomie chez les jeunes à l’égard de leur milieu familial qui,
dans certains cas, constitue un facteur de risque d’ITSS lorsqu’il y a présence
de conflits ou de négligence familiale (Solorio et al., 2006). De la même façon,
avoir des projets pour le futur et être inscrits à l’école diminuent la probabilité
que les jeunes adoptent des comportements sexuels à risque (Roy et al., 2011 ;
Solorio et al., 2006).
307
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
des normes sociales chez les jeunes (Dupéré et al., 2008). L’instabilité écono-
mique est aussi documentée comme un facteur de risque structurel des gros-
sesses chez les jeunes. Ceux qui proviennent de familles avec un faible revenu
sont plus à risque de vivre des épisodes de grossesse que ceux qui viennent de
familles avec un revenu plus élevé (Lindberg & Orr, 2011 ; Testenoire, 2006 ;
Young, Turner, Denny, & Young, 2004). L’étude quantitative de Young et al.
(2004), réalisée aux États-Unis à partir d’un échantillon de 941 jeunes filles,
révèle que les épisodes de grossesses chez les jeunes ne résultent pas, à propre-
ment dit, de la précarité économique, mais sont plutôt la conséquence du faible
niveau d’éducation des parents qui, d’une part, est corrélé avec un faible revenu
familial et qui, d’autre part, est associé à de faibles habiletés d’éducation à la
sexualité (ITSS, méthodes prophylactiques, etc.) avec leurs enfants.
Dans l’ensemble, les travaux sur les facteurs structurels mettent en évi-
dence que la situation de précarité exerce une pression considérable sur les
jeunes afin qu’ils trouvent les moyens nécessaires pour répondre à leurs
besoins essentiels, tels que se nourrir, se loger et se vêtir. Devant la difficulté
d’accéder aux ressources symboliques, matérielles et économiques essentielles
à leur survie, ces jeunes se voient contraints d’adopter des comportements
sexuels pour améliorer leurs conditions de vie en situation de précarité qui
les exposent au risque de contracter des ITSS ou de faire l’expérience de gros-
sesses non planifiées. Certains constats laissent penser que ces facteurs struc-
turels associés à la prise de risque sexuel ne fonctionnent pas de manière indé-
pendante, mais qu’ils se construisent dans des expériences précises à l’aune de
l’intersection de différentes catégories sociales, telles que l’origine ethnique, le
genre et la classe sociale. L’analyse de cette intersectionnalité entre les catégo-
ries sociales demanderait néanmoins un approfondissement supplémentaire
afin de mieux documenter les croisements à l’œuvre entre les facteurs struc-
turels et individuels impliqués dans la prise de risque sexuel chez les jeunes
en situation de précarité, tels que l’influence de leurs expériences amoureuses
et parentales. La prochaine section présente d’ailleurs un portrait des études
empiriques qui explorent les relations amoureuses et les expériences paren-
tales chez les jeunes en situation de précarité.
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Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
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Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
& Davidson, 2007), se sentir en sécurité (Blais et al., 2012 ; Watson, 2013),
développer un sentiment d’amour-propre (Kidd & Davidson, 2007), four-
nir un soutien économique et psychologique (Blais et al., 2012), diminuer
la consommation de drogues (Blais et al., 2012 ; Kidd & Davidson, 2007 ;
Levac & Labelle, 2007), se stabiliser sur le plan résidentiel (Blais et al., 2012 ;
Kidd & Davidson, 2007 ; Levac & Labelle, 2007) et se motiver à continuer
de survivre en situation de précarité (Blais et al., 2012 ; Kidd, 2003). Ce
rapport opportuniste des relations amoureuses semble s’articuler différem-
ment selon le genre des jeunes (Jamoulle, 2009). Du côté des jeunes filles,
les relations amoureuses sont vécues comme une façon d’obtenir une sécu-
rité émotionnelle, physique et matérielle leur permettant d’améliorer leurs
conditions de vie et de se protéger des dangers de la situation de précarité
(Watson, 2013). Du côté des jeunes garçons, l’accès à certaines ressources
socio-économiques, tel qu’un emploi illégal, les rend plus attirants auprès
des jeunes filles qui cherchent à subvenir à leurs besoins essentiels et à se
protéger de la violence en situation de précarité (Côté et al., 2013). Les rela-
tions amoureuses permettent alors aux jeunes garçons de se sentir sédui-
sants et attirants (Blais et al., 2012 ; Côté et al., 2013) et, ainsi, de favoriser
la construction d’une identité masculine basée, notamment, sur le rôle de
protecteur (Jamoulle, 2005).
Par ailleurs, l’étude qualitative de Côté et al. (2013), basée sur les témoi-
gnages de 32 jeunes de la rue âgés de 18 à 32 ans, met en relief que certains
jeunes en situation de précarité développent des relations amoureuses basées
sur un engagement affectif et émotionnel avec un partenaire conçu comme un
sujet à part entière. Ces jeunes évoquent l’importance des rapports égalitaires
et réciproques avec leurs partenaires pour la création d’un espace commun de
partage affectif. Dans cette étude, plusieurs de ces jeunes mentionnent que leurs
partenaires jouent le rôle de « partenaires de rue » avec lesquels ils apprennent
les différents codes sociaux pour s’organiser et survivre en situation de préca-
rité. Cette étude montre donc que les partenaires amoureux en situation de
précarité ne se réduisent pas uniquement à des instruments de survie, mais
peuvent aussi être conçus comme des sujets participants à la construction
d’une relation égalitaire, réciproque et potentiellement émancipatrice.
Au-delà des difficultés à développer et maintenir des relations amoureuses,
l’ensemble de ces travaux illustre que les expériences affectives en situation de
précarité sont possibles, voire nécessaires dans certains cas, pour assurer la sur-
vie et la construction identitaire de ces jeunes. D’ailleurs, les études montrent
que les jeunes en situation de précarité accordent une grande importance à
la vision romantique de l’amour, cela pouvant se traduire par l’établissement
d’expériences amoureuses basées sur un engagement affectif et réciproque.
Qu’en est-il, par ailleurs, de la façon dont les jeunes en situation de précarité
vivent l’expérience de la grossesse et de la parentalité ?
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
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Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
4 Ces chiffres se rapportent à la population des jeunes en général. Les études de prévalence de
l’agression sexuelle en Europe sont rares et concernent surtout les jeunes en général.
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Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent
auteurs, ces jeunes seraient considérés par les agresseurs comme des victimes
potentielles de violence sexuelle en raison du fait qu’ils seraient jugés comme
étant plus vulnérables, plus isolés socialement et dotés de moins de ressources
que ceux qui présentent une apparence physique jugée plus soignée et propre.
320
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité
ayant recours à la violence ont une plus grande probabilité d’être victimes
de violence sexuelle. L’immersion dans un environnement où la violence est
l’une des méthodes privilégiées pour résoudre les conflits augmente le risque
d’avoir recours à la violence, ainsi que d’être victime de violence physique et
sexuelle (Baron, 2003).
Dans un même ordre d’idées, les jeunes en situation de précarité, particu-
lièrement les jeunes filles, peuvent être la proie de violences sexuelles par des
membres de gangs de rue ou de bandes de rues. Ces gangs de rue, qui sont en
grande partie composés de jeunes garçons provenant de milieux défavorisés et
précaires, constituent un espace de protection, d’appartenance et de construc-
tion identitaire pour leurs membres (Corriveau, 2009 ; Dorais et Corriveau,
2006 ; Perreault, 2005). Les jeunes garçons qui appartiennent à ces groupes
sociaux sont amenés à manifester une grande violence sexuelle (ex. : viol,
intimidation sexuelle, agressions sexuelles, menaces, violence amoureuse)
à l’égard des jeunes filles (Fournier, Cousineau & Hamel, 2004), tant pour
s’intégrer au gang de rue que pour préserver une image de masculinité virile
(Corriveau, 2009 ; Perreault, 2005). Cette violence sexuelle s’inscrit également
sous la forme d’une exploitation sexuelle des jeunes filles pour en retirer des
gains économiques nécessaires au fonctionnement du gang de rue (Dorais
& Corriveau, 2006). Les jeunes garçons deviennent ainsi des proxénètes qui
contraignent les jeunes filles à pratiquer la prostitution sous différents sec-
teurs d’activités, comme la danse érotique, l’escorte, la prostitution de rue et la
prostitution en maison close. Les jeunes filles, qui proviennent souvent, elles
aussi, de milieux défavorisés et précaires, se font recruter par les gangs de rue
principalement pour obtenir l’amour ou l’admiration d’un jeune garçon. Cette
quête d’amour et de reconnaissance se voit toutefois masquée par les sévices
sexuels dont elles sont victimes et se cristallise, bien souvent, en des trauma-
tismes psychologiques importants chez les jeunes filles (Fournier et al., 2004;
Dorais et Corriveau, 2006).
Somme toute, plusieurs travaux montrent que les jeunes en situation de
précarité sont particulièrement à risque de faire l’expérience de victimisation
sexuelle, tant dans leur enfance que pendant la situation de précarité. L’ensemble
des études empiriques sur la victimisation sexuelle de ces jeunes suggère que
les facteurs individuels, tels que la consommation de drogues, la prostitution
et l’apparence physique, se combinent aux facteurs structurels liés à la situation
de précarité, tels que les rapports de genre, l’instabilité résidentielle, la précarité
économique et l’influence du réseau social. Ce contexte d’instabilité résiden-
tielle et économique propre à la situation de précarité semble donc accroître la
vulnérabilité et la fragilité de certains jeunes à subir ou commettre des actes de
violences sexuelles. Dans cette optique, il devient important, voire nécessaire, de
penser à des stratégies d’intervention qui s’adressent non seulement aux facteurs
individuels associés au risque de victimisation sexuelle, mais aussi aux enjeux
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durée d’environ une heure. Les rencontres sont animées par un intervenant
formé sur le contenu et les activités du programme et elles sont dispensées
conjointement aux jeunes et aux parents.
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7. Conclusion
Cette recension des écrits documente l’importance de la situation de précarité
sur la façon dont les jeunes expriment leur sexualité. En effet, la situation de
précarité conduit les jeunes à adopter des pratiques sexuelles à risque (consom-
mation de drogues, relations sexuelles non protégées, prostitution, multiples
partenaires sexuels, initiation précoce à la sexualité, etc.), à faire l’expérience de
grossesses non planifiées, à vivre des difficultés quant à la création et au main-
tien de relations amoureuses, ainsi qu’à être à risque de subir de la victimisation
sexuelle. À la lumière de cette recension des écrits, il est possible de comprendre
que la situation de précarité constitue, en Europe comme en Amérique du Nord,
une barrière importante à l’épanouissement et au bien-être sexuels des jeunes.
Par ailleurs, si les constats empiriques pointent vers un effet combiné des
facteurs individuels et structurels sur la sexualité des jeunes en situation de
précarité, peu de travaux explorent l’intersection des différentes catégories
sociales, telles que le genre, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique et la classe
sociale, sur les activités sexuelles de ces jeunes. À cet effet, l’intersectionnalité
constitue une approche prometteuse pour comprendre cette préoccupation en
identifiant la construction des expériences particulières liées à la sexualité des
jeunes en situation de précarité. Il serait alors possible d’étudier l’intersection
d’autres catégories sociales qui sont peu couvertes au sein des travaux scien-
tifiques ciblant les jeunes en situation de précarité, notamment l’orientation
sexuelle minoritaire qui constitue une réalité prépondérante pour certaines
sous-populations comme les jeunes de la rue. Les futurs travaux demande-
raient donc un approfondissement de l’intersection des facteurs individuels
et structurels dans la construction des expériences amoureuses, parentales et
sexuelles des jeunes en situation de précarité.
Il importe toutefois de préciser que les recherches disponibles se concentrent
principalement sur les risques pour la santé sexuelle des jeunes en situation de
précarité et que très peu d’entre elles explorent la sexualité sous l’angle de la
santé positive, à savoir l’amour, le bien-être sexuel ou la satisfaction sexuelle.
Peu d’études documentent également les mécanismes de résilience des jeunes,
ainsi que leurs stratégies d’adaptation, pour améliorer leur vie sexuelle en
situation de précarité. De futurs travaux de recherche devraient ainsi adop-
ter l’angle de la santé positive pour documenter le pouvoir d’agir des jeunes
sur leur sexualité, dans le contexte particulier de la situation de précarité. Par
exemple, quel est le parcours amoureux et sexuel des jeunes en situation de
précarité ? Quelles sont les raisons qui motivent les jeunes à utiliser de façon
constante le préservatif ? Quels sont les mécanismes de résilience mobilisés
par les jeunes pour faire face à la maternité et à la paternité en situation de
précarité ? Quelles sont les stratégies déployées par les jeunes pour contrer la
violence sexuelle en situation de précarité ? Autant de questions qui méritent
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