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Le développement sexuel

et psychosocial de l’enfant
et de l’adolescent
Le développement sexuel
et psychosocial de l’enfant
et de l’adolescent

Sous la direction de Martine Hébert,


Mylène Fernet et Martin Blais
De Boeck Supérieur
5 allée de la 2e Division Blindée
75015 Paris

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Rue du Bosquet 7, B1348 Louvain-la-Neuve

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par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans
une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme ou de
quelque manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque royale de Belgique : 2017/13647/025
Bibliothèque nationale, Paris : janvier 2017
ISBN : 978-2-35327-337-9
Les auteurs

Félix-Antoine Bergeron, B. A.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Martin Blais, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Marie-Aude Boislard, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Isabelle Boisvert
Département de sexologie, Université de Québec à Montréal, Canada
Marie-Chantal Cacou, Ph. D.
Département de psychologie, Université Félix Houphouet-Boigny d’Abidjan,
Côte d’Ivoire
Philippe-Benoit Côté, Ph. D.
Professeur, Département de sexologie, Université du Québec à Montréal,
Canada
Isabelle Daigneault, Ph. D.
Département de psychologie, Université de Montréal, Canada
Mylène Fernet, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Marie-Laure Gamet, Dr
Unité Régionale de Soins des Auteurs de Violences Sexuelles, CHRU de Lille,
France
Fabienne Glowacz, Ph. D.
Université de Liège, Service de Psychologie clinique de la délinquance, des
inadaptations sociales et des processus d’insertion, Belgique
Martine Hébert, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Québec, Canada

V
Les auteurs

Andreas Jud, Ph. D.


Département de travail social, HES Lucerne, Suisse
Rachel Langevin, Ph. D.
Département de psychologie, Université du Québec à Montréal, Québec,
Canada
Marta Maia, Ph. D.
Chercheuse, CRIA-IUL (Centre for Research in Anthropology), Portugal
Katherine Pascuzzo, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
José Ignacio Pichardo Galán, Ph. D.
Département d’anthropologie sociale, Universidad Complutense, Espagne
Karène Proulx-Boucher, M. A.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Guillaume Renard-Robert, B. A.
Étudiant en la maîtrise, département de sexologie, Université du Québec à
Montréal, Canada
Monique Tardif, Ph. D.
Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, Canada
Institut Philippe-Pinel de Montréal, Canada
Jocelyne Thériault, Ph. D.
Professeur titulaire, Département de sexologie, Université du Québec à Mon-
tréal, Canada
Anne-Marie Tougas, Ph. D.
Département de psychoéducation, Université de Sherbrooke, Canada
Marc Tourigny, Ph. D.
Département de psychoéducation, Université de Sherbrooke, Canada
Nadine Trocmé, D. Psy.
Département d’hématologie, Hôpital d’enfants Armand Trousseau, Paris,
France
Daphne Van de Bongardt, Ph. D.
Research Institute of Child Development and Education (YIELD), University
of Amsterdam, Pays-Bas

VI
Sommaire

Chapitre 1. Le développement de la sexualité


chez l’enfant ..............................................................................1

Chapitre 2. Le développement psychosexuel


à l’adolescence ..........................................................................39

Chapitre 3. Les comportements sexuels problématiques


chez les enfants âgés de douze ans et moins ............................83

Chapitre 4. L’agression sexuelle envers les enfants


et les adolescents ....................................................................137

Chapitre 5. Les adolescents auteurs d’abus sexuels :


attitudes et comportements envers la sexualité.....................179

Chapitre 6. Les enjeux du développement psychosexuel


et social des jeunes de la diversité sexuelle ............................203

Chapitre 7. Les enjeux du développement sexuel et social


des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance .................255

Chapitre 8. La sexualité des jeunes en situation


de précarité ..........................................................................293

VII
Avant-propos

L’étude du développement de la sexualité chez l’enfant et l’adolescent s’est


accélérée dans la dernière décennie. De nouvelles approches ont été dévelop-
pées, de nouvelles thématiques ont été étudiées et de nouvelles stratégies d’en-
quête, d’évaluation et d’intervention ont vu le jour. L’ambition de cet ouvrage
est d’offrir une synthèse succincte en langue française des recherches les plus
récentes et des connaissances dans le domaine du développement psycho-
sexuel de l’enfant et des adolescents et des enjeux associés. Il s’adresse tant à
un public étudiant que professionnel œuvrant ou destiné à œuvrer auprès des
enfants et des adolescents, notamment en médecine, pédiatrie, santé publique,
sexologie, psychologie, psycho-éducation, travail social, criminologie et socio-
logie clinique. Ils pourront parfaire leurs connaissances sur les fondements
théoriques et les données empiriques actuelles sur le développement psycho-
sexuel et sur les meilleures pratiques, d’évaluation et d’intervention.

Le lecteur trouvera dans cet ouvrage une synthèse des travaux sur des
enjeux d’actualité couvrant tant le développement normal des enfants et
des adolescents, incluant le développement normal des jeunes de la diver-
sité sexuelle et de genre, que des enjeux spécifiques susceptibles de compro-
mettre leur développement. Ainsi sont abordés spécifiquement, au fil des
chapitres, les comportements sexuels problématiques, l’agression sexuelle
subie par les enfants et les adolescentes et les adolescents auteurs d’agres-
sion sexuelle, les enjeux du développement des jeunes de la diversité sexuelle
et de genre confrontés à l’homophobie ou en situation de grande précarité
psychosociale, économique ou résidentielle, les infections transmissibles
sexuelles, incluant le VIH/sida et les enjeux spécifiques qu’ils posent aux
enfants et aux adolescents infectés à la naissance. L’ouvrage porte aussi une
attention particulière aux meilleures pratiques ou aux pratiques promet-
teuses pour l’évaluation du développement sexuel, l’éducation à la sexua-
lité, la promotion de la santé sexuelle, ainsi que l’intervention préventive
ou clinique en matière de comportements sexuels problématiques, d’infec-
tions sexuellement transmissibles, de grossesses non désirées et d’agressions

IX
Avant-propos

sexuelles subies et perpétrées. Il promet donc d’outiller les professionnels


et futurs professionnels pour soutenir au mieux le développement psycho-
sexuel harmonieux des enfants et des adolescents.

Les chercheurs et praticiens ayant participé à cet ouvrage proviennent d’ho-


rizons disciplinaires variés. Ses contenus sont donc inspirés par les travaux les
plus importants ou les plus récents issus de la psychologie, de la psychoédu-
cation, de la sexologie, de la sociologie, du travail social et de l’anthropologie
pour proposer une approche multidisciplinaire, souvent interdisciplinaire, du
développement de l’enfant et de l’adolescent.

Dans le premier chapitre, Jocelyne Thériault fait un bilan des principaux


concepts associés au développement de la sexualité et du genre chez l’enfant
et aborde les enjeux relatifs au développement sexuel typique et atypique. Elle
rappelle que l’enfant est un être sexuel dont la sexualité est évolutive. Ainsi, sa
compréhension et son expérience du genre et de son identité sexuée changent
au fil des changements biologiques, cognitifs, sociaux, affectifs qui marquent
son développement. L’auteure survole les principales théories, hypothèses
et données empiriques sur le développement de la sexualité et du genre à
l’enfance, abordant les théories psychanalytiques freudiennes et néo-freu-
diennes, les modèles cognitifs et comportementaux de la socialisation, ainsi
que les approches biologiques et interactionnelles. Elle conclut cette section
par la présentation d’un modèle intégratif du développement du genre à l’en-
fance intégrant les propositions théoriques de la psychanalyse, des modèles
de socialisation et des théories cognitives pour décrire les mécanismes affec-
tifs, sociaux (par le jeu des identifications) et cognitifs (via les représentations
de sexe) par lesquels l’enfant construit ses représentations du masculin et
du féminin. Jocelyne Thériault aborde ensuite les comportements sexuels et
sexualisés chez les enfants, un domaine de recherche moins développé mais
en expansion. Si les travaux qui dominent ce champ sont centrés sur la des-
cription et la compréhension des comportements sexuels atypiques, l’auteure
a aussi le souci de tracer les contours de l’exploration et du développement
sexuels normaux qui se caractériseraient par la réciprocité, un caractère de
liberté intérieure et des affects de l’ordre du plaisir, de la curiosité et de la
camaraderie. L’auteure conclut sur l’importance de prendre en compte l’inte-
raction entre les forces biologique, sociale et cognitive qui jalonnent le par-
cours évolutif de l’enfant et qui déterminerait les facettes de son identité de
genre et ses comportements sexualisés.

Dans le second chapitre, Marie-Aude Boislard et Daphné Van de Bongardt


montrent qu’au-delà des risques qu’elle pose, la sexualité adolescente est
conçue comme l’une des tâches développementales de l’adolescence marquant

X
Avant-propos

la transition vers l’âge adulte. Les auteures dressent un portrait actuel de la


sexualité des adolescents, en termes de répertoires sexuels, de transition vers
une vie sexuelle active et mettent en lumière certains décalages développemen-
taux susceptibles de se produire dans cette transition. Les auteurs retracent
l’évolution des comportements sexuels des adolescents au fil du temps et
l’émergence de nouvelles configurations relationnelles. Les principaux corré-
lats biopsychosociaux de la sexualité adolescente sont discutés à la lumière des
travaux empiriques récents. La maturation et les changements pubertaires, de
même que les contextes sociaux qui forgent les comportements sexuels des
adolescents, notamment le rôle des parents et des pairs dans le développement
sexuel des adolescents, sont abordés en soulignant les différences de genre
dans l’expression de la sexualité. Les apports simultanés des parents, des pairs
et des médias traditionnels et sociaux sur les comportements, les attitudes et
l’image corporelle chez les adolescents sont discutés tant dans leurs aspects
positifs que plus nuisibles ; les retombées pour l’éducation à la sexualité prô-
nant un développement psychosexuel sain chez les adolescents sont également
évoquées. En conclusion, les auteures rappellent l’importance de considérer
la sexualité dans sa multidimensionnalité, par l’examen conjoint des aspects
comportementaux, cognitifs et affectifs de la sexualité des adolescents et sou-
lignent la pertinence de poursuivre la réflexion sur les gains développemen-
taux intra- et interpersonnels associés à la sexualité adolescente.

Le chapitre suivant, proposé par Isabelle Boisvert, Anne-Marie Tougas,


Marie-Laure Gamet et Marc Tourigny, offre une recension exhaustive des
écrits scientifiques nord-américains et européens s’étant attardés aux compor-
tements sexuels problématiques se manifestant chez les enfants, qu’il s’agisse de
comportements sexuels abusifs, de comportements sexuels agressifs ou intru-
sifs, de transgressions sexuelles entre mineurs. L’ampleur et la persistance du
phénomène sont exposées, de même que les modèles théoriques utilisés pour
expliquer son étiologie. À ce propos, les modèles orientés sur le trauma et les
modèles interactionnels, qui permettent d’expliquer le développement et le
maintien des comportements sexuels problématiques chez les enfants dans les
différents domaines affectant leur développement psychosexuel, sont exposés.
Les caractéristiques individuelles qui prédisposent les problèmes de comporte-
ments chez les enfants, de même que des facteurs de stress susceptibles d’affecter
la capacité des parents à prendre soin de leurs enfants sont, tour à tour, abordés
par les auteurs. Par la suite, Boisvert et ses collaborateurs présentent des lignes
directrices entourant l’évaluation clinique des comportements sexuels problé-
matiques chez les enfants, qui considèrent tant les caractéristiques de l’enfant
mais aussi son environnement familial et social, en termes de procédures et
d’outils disponibles, pour dépister les difficultés comportementales, procéder
à une évaluation globale du fonctionnement de l’enfant et proposer un suivi

XI
Avant-propos

adapté. Les enjeux liés à l’évaluation des comportements sexuels problématiques


sont illustrés à l’aide de vignettes cliniques. En deuxième partie, les auteurs pré-
sentent une revue détaillée des programmes de traitement offerts aux enfants
qui affichent des comportements sexuels problématiques, de même que des
résultats attestant l’efficacité de ces différentes interventions.

Dans le chapitre 4, Martine Hébert, Isabelle Daigneault, Rachel Langevin


et Andreas Jud abordent la problématique de l’agression sexuelle envers les
enfants. Si les récentes données font état de la prévalence élevée de la problé-
matique (près d’une femme sur cinq et un homme sur dix rapportent avoir
vécu cette forme de victimisation pendant l’enfance), nos connaissances sur
le sujet, et plus particulièrement sur les mécanismes explicatifs liant l’agres-
sion sexuelle et les problèmes de santé, demeurent encore limitées. Les auteurs
discutent d’abord des principaux enjeux méthodologiques présents dans
les études de prévalence et d’incidence, de même que des éléments liés aux
aspects de définition qui doivent être considérés. Les auteurs dressent ensuite
les faits saillants de la littérature scientifique quant aux conséquences associées
à l’agression sur la santé psychologique, physique et sexuelle tout en discu-
tant des mécanismes explicatifs liant l’agression sexuelle et les conséquences
délétères chez les victimes. La question du risque de revictimisation est aussi
abordée, notamment en lien avec les enjeux des premières relations amou-
reuses chez les adolescents ayant vécu une agression sexuelle. Les différentes
interventions pour prévenir l’agression sexuelle sont discutées en privilégiant
l’analyse des initiatives en vigueur selon une perspective écologique. Si plu-
sieurs limites peuvent être identifiées quant aux approches utilisées à ce jour,
certaines pratiques peuvent donner lieu à des résultats probants. Les auteurs
concluent en proposant certaines pistes et recommandations pour optimiser
les efforts de prévention par le biais de stratégies aux niveaux individuel, rela-
tionnel et communautaire et sociétal.

Monique Tardif, Fabienne Glowacz et Katherine Pascuzzo évoquent dans


le chapitre 5 le développement des conduites sexuelles non normatives chez les
adolescents et plus précisément des adolescents aux prises avec des comporte-
ments d’abus sexuels. Les auteures font bien valoir la difficulté d’identifier les
facteurs physiologiques, psychologiques et neurologiques distinguant les ado-
lescents auteurs d’abus sexuels d’autres jeunes et notamment des délinquants
non sexuels, tout en précisant que les connaissances actuelles demeurent par-
cellaires. Elles soulignent aussi l’importance de contextualiser l’étude des pra-
tiques déviantes en lien avec les valeurs et normes socioculturelles en vigueur.
En prenant d’abord appui sur les trajectoires développementales normatives
des adolescents, les auteures discutent de l’érotisation précoce et l’hypersexua-
lisation, de l’émergence d’intérêts sexuels déviants, des manifestations sexuelles

XII
Avant-propos

problématiques et des comportements d’abus sexuels. Les données des dernières


études empiriques sont recensées, notamment en ce qui concerne l’histoire de
victimisation sexuelle pendant l’enfance chez les adolescents auteurs d’abus
sexuels, leurs activités sexuelles non déviantes, de même que le possible rôle de
la pornographie. Les auteures font également état de la littérature scientifique
s’étant attardée à cerner les caractéristiques des filles auteures d’abus sexuels, qui
représenteraient moins de 10 % des cas. En guise de conclusion, Monique Tardif
et ses collègues proposent plusieurs recommandations quant à l’évaluation et le
traitement des adolescents auteurs d’abus sexuels ainsi que des pistes à privilé-
gier afin d’optimiser les efforts de prévention.

Dans le chapitre 6, Martin Blais et ses collaborateurs décrivent les enjeux


du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité d’orien-
tation sexuelle et de genre. Après une description des différents concepts
forgés pour décrire cette diversité, les auteurs font un bilan succinct des tra-
vaux empiriques et théoriques permettant de comprendre le contexte social
et culturel qui influence le développement de ces jeunes. Ce contexte reste,
encore aujourd’hui, marqué par des violences envers les personnes de mino-
rités sexuelles et de genre justifiées par une valorisation de l’hétérosexualité
au détriment des variations d’orientation sexuelle et de genre. Dans un tel
contexte, affirment Blais et ses collaborateurs, les jeunes de la diversité sexuelle
sont soumis à une forme particulière de stress, le stress minoritaire, qui com-
promet leur développement harmonieux. Ensuite, ils présentent les princi-
paux modèles permettant de comprendre la formation et l’intégration d’une
orientation et d’une identité sexuelles minoritaires, des premiers travaux
conceptualisant ce développement en termes de stades successifs aux travaux
contemporains mettant en lumière la fluidité des orientations sexuelles et les
particularités du développement des identités transgenres. Enfin, les auteurs
présentent un bilan des facteurs personnels (traits de personnalité, facteurs
de résilience), interpersonnels (relations aves la famille, les pairs et les parte-
naires amoureux), institutionnels (notamment l’école et les services de santé)
et sociolégaux qui soutiennent le développement psychosexuel harmonieux
des jeunes de minorités sexuelles et qui doivent être priorisés dans les inter-
ventions. Ils abordent aussi le rôle et les caractéristiques des personnes alliées,
c’est-à-dire celles qui, sans s’identifier ouvertement à la diversité d’orientation
sexuelle ou de genre, endossent une égalité de droits pour ces personnes.

Le chapitre 7, proposé par Mylène Fernet et ses collaboratrices, s’attarde


sur les enjeux auquel est confronté un groupe d’adolescents qui doit composer
avec des défis uniques concernant leur développement sexuel et social : celui
de devoir vivre avec le VIH, une condition chronique, stigmatisée sociale-
ment et sexuellement transmissible. À partir d’un bilan des études empiriques

XIII
Avant-propos

effectuées tant au Sud qu’au Nord, les auteurs soulignent le rôle prédominant
de la cellule familiale sur les représentations qu’ont ces adolescents du VIH et
de leurs relations interpersonnelles et amoureuses et à l’égard de la sexualité,
avant de présenter les défis que pose l’éducation à la sexualité en milieu fami-
lial dans lequel d’autres membres sont aussi affectés par le VIH. Les auteures
abordent dans un deuxième temps la question fondamentale pour ces ado-
lescents de la révélation du statut de séropositivité au VIH à un partenaire
amoureux et sexuel. Les comportements sexuels des jeunes vivant avec le VIH
depuis la naissance, incluant la transition vers la vie sexuelle active, les repré-
sentations de la sexualité et les stratégies de réduction des risques privilégiées
sont également présentées. Mylène Fernet et ses collaboratrices proposent un
survol des pratiques d’intervention qui ciblent la santé sexuelle et reproduc-
tive des jeunes vivant avec le VIH et émettent certains constats, qui illustrent
un décalage entre l’accompagnement offert à ces adolescents et les besoins
exprimés en matière d’éducation à la sexualité. En conclusion, les auteures
offrent des pistes utiles pour offrir une éducation à la sexualité globale et adap-
tée aux enjeux sexuels et sociaux auxquels ces adolescents sont confrontés.

Le chapitre 8 de Philippe-Benoit Côté et ses collaborateurs trace un por-


trait des principaux enjeux sexuels auxquels font face des jeunes en situation
de précarité économique, résidentielle ou psychosociale. Les caractéristiques
propres aux situations de précarité doivent être prises en compte pour com-
prendre la vulnérabilité particulière de ces jeunes en matière de sexualité.
Les auteurs décrivent le profil de ces jeunes en regard des connaissances et
des attitudes à l’égard de la sexualité, leurs perceptions des risques sexuels,
leur usage de substances psychotropes et leurs expériences de prostitution de
survie susceptibles de les exposer à des expériences de grossesses non dési-
rées et à des infections sexuellement transmissibles. Ils mettent en évidence
les multiples situations en fonction de facteurs structurels tels que l’origine
ethnique, le genre ainsi que l’instabilité résidentielle et économique. Les rela-
tions affectives, familiales, amoureuses et parentales de ces jeunes font aussi
l’objet d’une discussion approfondie qui met en exergue des relations souvent
conflictuelles, marqués par la consommation de drogues et l’instabilité rési-
dentielle et économique. Une section est également consacrée à la victimisa-
tion sexuelle chez les jeunes en situation de précarité, notamment l’agression
sexuelle dans l’enfance et la violence sexuelle vécue et perpétrée à l’âge adulte,
ainsi qu’aux facteurs individuels et structurels qui y sont associés. Enfin, Phi-
lippe-Benoit Côté et ses collaborateurs tracent un portrait exhaustif des inter-
ventions et des services en santé sexuelle destinés aux jeunes en situation de
précarité. Ils décrivent l’utilisation de ces services du point de vue des jeunes
et les principaux facteurs la motivant, ainsi que les barrières qui en limitent
l’accès. Enfin, ils décrivent les interventions visant l’amélioration de la santé

XIV
Avant-propos

sexuelle de ces jeunes, leur format et leur efficacité. En somme, ce chapitre


met en lumière que le développement sexuel s’ancre dans un contexte matériel
susceptible de compromettre la capacité des jeunes à réaliser les tâches déve-
loppementales propres à l’adolescence.

Cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans la collaboration des auteurs qui
ont accepté de partager leur expertise. Nous tenons également à offrir nos sin-
cères remerciements à Manon Robichaud qui a collaboré de près et avec beau-
coup de minutie aux diverses étapes de la réalisation de ce livre. Cet ouvrage
a été rendu possible grâce à l’appui de l’Équipe FQR-SC Violence Sexuelle
et Santé (ÉVISSA) et avec l’aide financière offerte par la Faculté des sciences
humaines de l’Université du Québec à Montréal.

Martine HÉBERT, Mylène FERNET et Martin BLAIS

XV
Chapitre 1
Le développement
de la sexualité chez l’enfant

Jocelyne THÉRIAULT
1

1. Introduction
Étudier le développement de la sexualité implique l’examen des changements
bio-psycho-socio-sexuels qui surviennent chez l’individu en fonction de son
âge. Chez l’enfant, cet examen ne saurait être développemental si on ne cher-
chait pas à comprendre, au-delà des comportements de genre et des compor-
tements sexuels observés, les processus impliqués dans l’émergence de ces
derniers, à savoir les intentions, la pensée, les perceptions, les sentiments et les
émotions (Overton, 2006).
Les recherches contemporaines portant sur le développement de la sexualité
réfèrent dorénavant à une variété de modèles théoriques expliquant, chacun à
leur manière, les processus impliqués dans l’émergence des comportements
de genre et des comportements sexuels chez les enfants. Il y a à peine quelques
décennies, il en allait autrement. Après une période dominée par les écrits psy-
chanalytiques sur la sexuation psychique de l’enfant – c’est-à-dire le processus
par lequel l’enfant en vient à se représenter en tant qu’être masculin, féminin
ou « entre les deux »–, une majorité de recherches développementales se sont
tournées vers les processus de socialisation et d’apprentissage pour expliquer
la différence des sexes (Eagly & Wood, 2013 ; Unger, 1979). Si les garçons et
les filles agissent différemment, expliquait-on, c’est qu’ils ont appris à le faire
ainsi via l’imitation et l’observation des modèles de leur environnement et via
les renforcements reçus de ces derniers. Dans cette mouvance, les chercheurs
d’orientation féministe ont contribué aux études sur le genre en prônant la

1
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

séparation entre les notions de sexe et de genre et en expliquant que le contexte


socioculturel dans lequel baigne l’individu est responsable du développement
différencié des sexes. Une femme aurait des comportements différents de ceux
des hommes, non pas parce que son sexe l’a définie ainsi, mais parce que le
contexte socioculturel dans lequel elle vit l’a menée, depuis l’enfance, à adopter
de tels comportements de genre. Au cours des 25 dernières années, l’unicité de
l’explication socioculturelle de la sexualisation de l’enfant a graduellement été
remise en question. Déjà en 1974, Maccoby & Jacklin (1974) avaient annoncé
l’importance de tenir compte, en sus des processus sociaux, des nombreux pro-
cessus impliqués dans l’explication du développement sexuel et du développe-
ment du genre. C’est dans ce contexte que l’étude de la structure du cerveau et
des processus hormonaux a amené les recherches sur la sexuation de l’enfant
sur un nouveau terrain (Eagly & Wood, 2013). C’est aussi dans ce contexte que
l’on s’est tourné finalement vers l’approfondissement des processus cognitifs
impliqués dans l’explication du développement du genre et du développement
sexuel (Golombok, Rust, Zervoulis, Golding, & Hines, 2012 ; Martin, Ruble, &
Szkrybalo, 2002 ; Thériault, 1993).
Le présent chapitre porte sur le développement sexuel typique de l’enfant.
Deux grands axes sont ici empruntés : l’un ciblant le développement des com-
portements de genre de l’enfant, et l’autre le développement des comporte-
ments sexuels infantiles. Au fil des années, les chercheurs ont principalement
documenté le premier axe. Le second l’a été beaucoup moins. Le dévelop-
pement des comportements de genre sera ici exploré à l’intérieur de deux
sections. La première cible deux composantes majeures du développement du
genre : l’identité de genre et les rôles sexuels. Dans la deuxième section, une
attention particulière est portée au développement de l’identité de genre, à
ses antécédents et à ses aboutissants. Pour ce faire, six approches théoriques,
touchant de près ou de loin la question du développement du genre et de la
sexualité durant l’enfance, seront présentées ainsi que les vérifications empi-
riques qui y sont associées. Trois d’entre elles sont clairement identifiées
comme étant les plus populaires dans les recherches contemporaines. Il s’agit
des théories de l’apprentissage social, des théories cognitives et des théories
biologiques. Deux autres approches seront également présentées, à savoir la
théorie psychanalytique et la théorie interactionnelle. Enfin, la dernière sec-
tion de ce chapitre (section 3) portera sur les comportements sexuels infantiles
et leur développement. Seront ici ciblés les comportements sexualisés norma-
tifs chez l’enfant, leur mesure et leur fréquence à différents âges de l’enfance.
Nous verrons que ces comportements sont variés, certains sont transitoires
(ex. : toucher ses organes génitaux en public) et d’autres se retrouvent à diffé-
rents âges. Certains sont typiques (ex. : chercher à voir les gens se déshabiller),
d’autres non. Au terme de cette exploration, une conclusion sera présentée.

2
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

2. Développement du genre : identité de genre et


autres concepts connexes
Une majorité d’écrits de la documentation scientifique moderne portant sur
la différenciation de genre définit deux composantes du développement du
genre : l’identité de genre et les rôles de genre (Blakemore, Berenbaum, &
Liben, 2014 ; Money, 1973 ; Zucker et al., 1996). Quoique plus rarement asso-
ciée au genre, l’orientation sexuelle est néanmoins considérée par certains
auteurs comme une composante interne du genre, alors que les rôles de genre
sont, pour leur part, considérés comme étant des composantes externes du
genre (Blakemore et al., 2014; Money, 1973).

2.1. Les composantes du genre


2.1.1. Identité de genre
Pour mieux conceptualiser le développement du genre, il importe de l’examiner
sous l’angle de la construction de l’identité de genre. La formation de l’identité
de genre n’est fixée à aucun point dans le temps. C’est plutôt un processus qui
se transforme en cours de vie (Bussey, 2011). Les approches psychanalytiques et
cognitives se sont particulièrement appliquées à conceptualiser son développe-
ment. Parmi les premiers auteurs à introduire et à circonscrire la notion d’identité
de genre (« gender identity »), Robert Stoller (1968 ; 1989a) tente de démontrer que
le corps est séparé de l’identité. Il n’existe donc pas toujours de correspondance
entre le sexe biologique et le sexe psychologique (genre). Le concept « identité de
genre » repose sur un sens de soi compatible avec une collectivité de genre, c’est-à-
dire avec un ensemble d’individus désignés comme étant soit masculins, soit fémi-
nins, ou ni l’un ni l’autre. Ce concept réfère non seulement au fait de se savoir fille
ou garçon, mais aussi au fait de sentir, d’éprouver, de ressentir son appartenance à
un sexe plutôt qu’à un autre (Golse & Jardin, 2003). Il repose également sur une
motivation à faire partie de cette collectivité (Cooper et al., 2013).
Les recherches récentes définissent l’identité de genre en termes de multi-
dimensionnalité (Carver, Yunger, & Perry, 2003 ; Cooper et al., 2013 ; Egan
& Perry, 2001). Egan et Perry (2001) soutiennent que l’identité de genre est
un phénomène multiple et que chacune de ses composantes suit son propre
destin et exerce sa propre influence sur la santé mentale. Les auteurs identi-
fient, par exemple, cinq composantes de l’identité de genre ayant chacune leur
trajectoire propre. Ces composantes de l’identité de genre sont :
• la connaissance de son propre genre ;
• les pressions ressenties pour se différencier en fonction du genre ;
• la typicalité sentie ou non de son genre ;

3
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

• la satisfaction d’appartenir à son genre ;


• le biais intergroupe.
Les recherches portant sur la multidimensionnalité du concept d’identité
de genre montrent que la composante « pression ressentie par l’enfant pour
se différencier de l’autre genre » apparaitrait au cours de l’enfance moyenne,
soit après l’avènement de la connaissance de son propre genre. À cet âge, les
pressions seraient tout à fait normatives (Carver et al., 2003 ; Cooper et al.,
2013 ; Egan & Perry, 2001). Elles apparaissent probablement dans le sillage
du développement précoce de cognitions intergroupes (exagération des diffé-
rences entre les genres, favoritisme intragroupe, homogénéisation du groupe
de l’autre sexe) (Tajfel & Turner, 1979, cité par Cooper et al., 2013) et des
influences environnementales en cours de socialisation (parents, éducateurs,
etc.). Durant la préadolescence, elles seraient significativement moins fortes et
coïncideraient avec la plus grande capacité de l’enfant d’user de flexibilité dans
sa définition du genre.
Les recherches sur la « typicalité de genre » (Cooper et al., 2013 ; Egan &
Perry, 2001), autre composante de l’identité de genre, montrent qu’elle est fort
active pendant les années de scolarisation, et qu’elle se maintient durablement
au cours pendant la préadolescence. Elle bénéficierait de la complexification du
développement cognitif qui entraîne le développement d’une pensée compen-
satrice. Elle permettrait par exemple à l’enfant de maintenir un sens de typicalité
de genre, et ce, même en situation où il observe une divergence entre ses propres
attributs de genre et ceux de ses pairs appartenant au même genre que lui.
Une autre composante de l’identité de genre confirmée par les recherches,
soit le « contentement d’appartenir à sa catégorie de genre », renvoie au degré
de satisfaction qu’éprouve l’enfant face au fait d’être assigné fille ou garçon
(Cooper et al., 2013 ; Egan & Perry, 2001). Les recherches soutiennent que
cette composante ainsi que la typicalité de genre sont habituellement associées
avec une adaptation favorable à l’enfance et à l’adolescence, alors que le main-
tien des « pressions ressenties pour se différencier quant à son genre » durant
la préadolescence est associée avec une adaptation défavorable.
À noter qu’antérieurement à ces théorisations et recherches sur la multidi-
mensionnalité de l’identité de genre, la position traditionnellement soutenue
dans les études sur le développement du genre voulait que la conformité aux
rôles de genre soit le gage d’une adaptation sociale réussie. Dans sa théorie des
schémas, Bem (1981, cité par Cooper et al., 2013) avance au contraire que la
conformité de genre peut nuire au fonctionnement psychologique et au bien-
être de l’adulte. Elle prône un modèle androgénique où les identités de genre
sont interchangeables. Ces positions contrastées s’affrontent toujours. Les tra-
vaux de Cooper et al. (2013) et d’Egan et Perry (2001) suggèrent par ailleurs
que tout n’est ni noir ni blanc. Tout dépend de l’âge de l’enfant et de la com-
posante de l’identité de genre concernée. En effet, les auteurs avancent que la

4
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

« conformité » de genre peut être normative chez l’enfant en bas âge et devenir
nuisible si elle persiste ultérieurement. Cependant, pour d’autres composantes
de l’identité de genre (ex. : le « contentement quant à son genre »), il serait
souhaitable qu’elles se maintiennent au fur et à mesure que l’enfant grandit.

2.1.2. Rôles de genre


La notion d’identité de genre est connexe quoique distincte de celle de « rôles
de genre ». Dans le sillage des travaux de Margaret Mead (1935), John Money
(1955) associe les rôles de genre à ce que l’on fait dans la sphère publique et
personnelle. Les rôles de genre permettent de déterminer si un inconnu a
le statut de garçon ou d’homme, de fille ou de femme, ou s’il n’a aucun de
ces statuts. Ils contribuent au processus de typification de genre par lequel
des objets, des activités, des rôles et des traits sont répertoriés, cartographiés
comme appartenant à un sexe biologique et non à l’autre, et ce, de manière à
ce qu’ils répondent aux stéréotypes de genre prescrits dans la culture (« sex
typing » ou gender-typing) (Blakemore et al., 2014). Les approches sociales
contribuent tout particulièrement à l’explication de ce processus. Les rôles
de genre (sexe social) et l’identité de genre (sexe psychologique) sont selon
Money (1955) deux facettes d’une même réalité, l’une intime et l’autre
publique. À noter que le terme « rôle de genre » a été repris par la suite par
les chercheurs des études de genre, bien que ces derniers considèrent leurs
enseignements normatifs.
Les résultats de recherche sur les rôles de genre à l’enfance pointent deux
ensembles de résultats majeurs qui traversent différentes cultures. D’une
part, on retrouve davantage de jeux de bataille et de rudesse chez les garçons
que chez les filles (Golombok et al., 2012). D’autre part, on observe un phé-
nomène de ségrégation de genre faisant en sorte que les enfants jouent, de
façon prédominante, avec les pairs de leur propre sexe (Eagly & Wood, 2013 ;
Geary & Bjorklund, 2000). Les garçons sont plus attirés par des positions de
domination et de positionnement social, alors que les filles sont plus attirées
par des configurations de jeu plus intimes et communautaires (Golombok
et al., 2012). Dans plusieurs cultures, mais non dans l’ensemble, les garçons
sont plus agressifs que les filles, alors que ces dernières sont plus enclines
à prendre soin des enfants plus jeunes (Edwards, 2000 ; Golombok et al.,
2012). Depuis le milieu du xxe siècle, cette polarisation des rôles de genre
n’est plus considérée aussi désirable qu’elle ne l’était par les années passées
(Cooper et al., 2013). Rappelons que certains auteurs la considère malsaine
et que d’autres la considère tantôt normative tantôt malsaine, selon l’étape de
développement de l’enfant (Bem, 1981, cité par Cooper et al., 2013 ; Egan &
Perry, 2001).

5
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

2.1.3. Orientation sexuelle


L’orientation sexuelle est inhérente au développement de la sexualité. Elle
réfère à l’attrait sexuel, à l’éveil sexuel, ou aux comportements sexuels res-
sentis envers des partenaires de son sexe, de l’autre sexe, des deux sexes et,
peut-être, à aucun des sexes. Savin-Williams (2011) la conçoit comme étant
un patron individuel d’éveil sexuel, romantique et affectif que l’on éprouve
à l’égard d’autres personnes en fonction de leur genre et de leurs caracté-
ristiques sexuelles et personnelles. L’orientation sexuelle est liée aux pul-
sions physiologiques de l’individu qui sont souvent non conscientes et qui
impliquent de fortes expériences émotionnelles (Savin Williams, 2011). Alors
que l’orientation sexuelle débouche sur une reconnaissance de soi comme
étant surtout hétérosexuel, surtout homosexuel ou surtout bisexuel, certains
auteurs réserveront ces dernières désignations à la définition de « l’identité
sexuelle » (Ellis & Michell, 2000). Il n’est pas rare, encore aujourd’hui, que
l’on utilise indistinctement les termes orientation sexuelle et identité sexuelle
dans la documentation (Dillon, Worthinghton & Moradi, 2011). L’orientation
sexuelle est une composante du concept plus large d’identité sexuelle. Déjà
en 1977, Shively et De Gecco avaient relevé quatre composantes de l’identité
sexuelle que sont l’orientation sexuelle, le sexe biologique, l’identité de genre
et les rôles sexuels sociaux. Signalons enfin que Savin Williams insiste pour
distinguer les termes orientation sexuelle et identité de l’orientation sexuelle.
L’orientation sexuelle peut ne pas être intégrée au moi alors que l’identité de
l’orientation sexuelle l’est. Elle réfère à la reconnaissance et l’internalisation
consciente de son orientation sexuelle (Savin Williams, 2011).
Les recherches portant sur le développement de l’identité de l’orientation
sexuelle sont plus nombreuses en ce qui concerne l’identité homosexuelle
que l’identité hétérosexuelle. Ce dernier domaine de recherche est relative-
ment nouveau (Ellis & Mitchell, 2000 ; Savin Williams, 2011). Cela est par-
ticulièrement vrai en ce qui touche la période infantile du développement.
Les rares recherches et théories qui ont référé au développement de l’identité
hétérosexuelle ont ciblé l’adolescence et la vie adulte. Le modèle du développe-
ment de l’identité hétérosexuelle de Worthington, Savoy, Dillon et Vernaglia
(2002) et le modèle des trajectoires développementales différentielles de Savin
Williams (2011) sont ici à signaler. Le mérite de ces derniers modèles est de
proposer une conceptualisation intégratrice, unificatrice du développement
de l’identité sexuelle – dans laquelle plusieurs domaines de développement
sont communs aux différents groupes d’orientation sexuelle alors que d’autres
présentent une variabilité intergroupe (et non seulement intragroupe) – et de
documenter les trajectoires du développement sexuel.
Signalons qu’en dépit du peu de recherches sur le développement de
l’identité hétérosexuelle, il n’en demeure pas moins, comme nous le verrons
plus tard, que des sentiments érotiques et des attraits romantiques envers

6
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

quelqu’un de son sexe, de l’autre sexe ou des deux sexes existent aussi chez les
enfants (Blakemore et al., 2014; Freud, 1923).
Quant aux recherches portant sur les origines du développement de
l’orientation homosexuelle, les chercheurs ont ciblé, dans la majorité de leurs
travaux, les influences génétiques et hormonales. L’effet des androgènes sur
l’orientation sexuelle a, entre autres, été étudié dans les recherches auprès de
femmes présentant une condition d’hyperplasie congénitale des surrénales
(HCS). Cette condition veut que très tôt, c’est-à-dire au cours du dévelop-
pement prénatal, on observe une sécrétion excessive d’androgènes par les
glandes surrénales (déficit de la synthèse du cortisol). Cette androgénisation
prénatale du fœtus, ayant peu d’effets chez le fœtus mâle, ferait en sorte qu’à
la naissance, les femmes avec HCS présentent des caractéristiques génitales
ambiguës (ex. : clitoris allongé, condition souvent altérée par la chirurgie).
Des études montrent que, comparées aux membres d’un groupe contrôle, les
femmes avec HCS (et qui ont été traitées) auraient un niveau élevé de fan-
tasmes bisexuelles et homosexuelles (Blakemore et al., 2014). Cette situation
ne caractériserait pas la majorité de ces femmes, par ailleurs, ce qui nous
oblige à laisser ouverte la question des déterminants biologiques de l’orienta-
tion sexuelle chez la femme.
Pour les hommes, des études ont tenté d’identifier des marqueurs bio-
logiques qui les différencieraient de leurs confrères hétérosexuels. Ces mar-
queurs portaient sur les effets prénataux des androgènes. Le but visé était de
distinguer les individus exposés à des niveaux atypiques d’androgènes dans
leur développement précoce. Des recherches ont montré que des hommes
homosexuels se rappellent avoir été des garçons féminins à l’enfance et des
femmes homosexuelles se rappellent avoir été masculines en bas âge. Des
recherches prospectives confirment cette relation pour les hommes (Zucker &
Bradley, 1995). Rahman et Wilson (2003) y voient l’évidence du rôle formatif
précoce des androgènes dans le développement de comportements de genre
non-conformes. Fort complexes, ces études scientifiques n’ont pas, à ce jour,
apporté l’éclairage attendu sur la question de la différence hormonale précoce
entre les hommes hétérosexuels et homosexuels (Blakemore et al., 2014).
D’autres recherches ont été menées afin de cibler les antécédents de l’orien-
tation homosexuelle. Outre l’influence des androgènes prénatals, l’influence
des configurations familiales sur l’orientation sexuelle a été examinée. La
relation entre les rôles de genre, les comportements de genre et l’orientation
sexuelle a également été explorée (Bailey & Zucker, 1995 ; Rieger, Linsenmeiier,
Gygax, & Bailey, 2008, cité par Blakemore et al., 2014). Plusieurs de ces études
constatent que différents facteurs développementaux influencent l’orientation
homosexuelle des hommes et des femmes (Diamond, 1998). Toutefois, il n’y a
pas consensus dans la documentation. Il semblerait que le parcours dévelop-
pemental soit différent pour les filles et les garçons. Des entrevues conduites

7
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

auprès d’hommes gais suggèrent que l’orientation sexuelle exerce une pres-
sion sur le développement, et ce, avant même l’émergence d’attractions envers
les gens de son sexe. Ces études montrent qu’étant enfants, ces hommes ont eu
une impression vague et persistante d’être différents des autres, une impres-
sion d’atypicalité. Ils rapportent une fascination pour les pairs et les adultes
du même sexe et ils rapportent ne pas savoir ce qu’ils veulent sans toutefois
désirer sexuellement quelqu’un de l’autre sexe (Bailey & Zucker, 1995; Savin-
William, 1995).
La situation serait différente chez les femmes. Dans une étude conduite
auprès de 89 jeunes femmes de minorités sexuelles, Diamond (1998) montre
qu’une majorité d’entre elles n’a pu se souvenir d’aucun indicateur infantile
de leur orientation sexuelle. Alors que les hypothèses sur les femmes homo-
sexuelles et bisexuelles sont souvent dérivées de résultats obtenus auprès de
populations masculines indiquant que l’orientation sexuelle est un trait plutôt
stable qui exerce une pression monotonique sur l’idéation ou les attractions
dès le jeune âge, il en irait autrement pour les femmes (Diamond, 1998).
Certains chercheurs avancent que les études sur les origines de l’orienta-
tion sexuelle devraient céder le pas à celles portant sur les facteurs sociocultu-
rels contribuant au bien-être des jeunes appartenant aux minorités sexuelles
(Bos & Standfort, 2015).

2.2. Développement « typique » et développement « atypique »


Les aspects du sexe et du genre ne sont pas fixés chez tous : on pense à tort que
l’humain est définitivement mâle ou femelle, homosexuel ou hétérosexuel,
féminin ou masculin et que tous ces aspects du genre sont plutôt immuables
(Blakemore et al., 2014). Au niveau anatomique, certains enfants naissent avec
des organes génitaux ambigus (bien que la majorité des nouveau-nés aient
des organes clairement identifiés mâle ou femelle). Au niveau sociocultu-
rel, plusieurs filles n’agissent pas de façon féminine, ce qui ne les empêche
pas de questionner les rôles de genre féminins véhiculés dans leur culture et
d’être orientées sexuellement vers les hommes, vers les femmes, ou les deux.
De même, tous les enfants mâles ne deviennent pas hétérosexuels et tous les
hommes gais n’ont pas des comportements typés féminins.
Par ailleurs, si on considère le genre non plus uniquement en termes de caté-
gories (gars/fille) mais en termes de degrés comme le suggèrent nombre de cher-
cheurs (Garcia et al., 2014), il devient plus facile de mieux saisir, entre autres, la
notion de variance de genre. Lorsqu’un enfant se sent profondément d’un sexe
autre que celui qu’on lui a assigné à la naissance et qu’il désire ou non agir en
ce sens, son expérience du genre est bien différente de celle de l’enfant qui est
satisfait de son sexe et de son genre. Non pathologique en soi, il est néanmoins
important de connaître et de documenter cette situation afin d’intervenir auprès

8
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

des enfants et des familles qui en sentent le besoin (Garcia et al., 2014). Dans la
dernière version du DSM, version 5 (American Psychiatric Association [APA],
2013), la notion de « troubles de l’identité sexuelle » a été remplacée par le terme
« dysphorie de genre » afin, entre autres, de ne pas contribuer davantage à la
stigmatisation des personnes intersexuées (Thibault, 2014).

3. Comment se développent la sexualité


et le genre : explications théoriques
et vérifications empiriques
Comment parvenons-nous à nous sentir garçon ou fille? Comment avons-nous
la certitude (croyance) que certains comportements sont soit disant « appro-
priés » si l’on est un garçon ou « inappropriés » si l’on est une fille? Quels facteurs
expliquent la rigidité première de l’enfant quant à sa conception des genres et,
ensuite, sa plus grande souplesse ? Est-ce le développement cognitif ou plutôt le
développement biologique (niveaux d’hormones androgéniques prénatals cir-
culant dans le fœtus mâle et femelle) qui déterminerait les agirs futurs du gars ou
de la fille? Est-ce plutôt les pulsions sexuelles de l’enfant, leur évolution dans le
temps et leur rôle dans les identifications premières de l’enfant à la mère et/ou
au père qui l’amèneraient à vouloir être et agir comme ce parent ? L’origine de
l’identité de genre de l’enfant ne se trouve-t-elle pas plutôt du côté des forces
sociales et non du côté des forces biologiques et pulsionnelles intrinsèques à
l’enfant ? Dans ce contexte, l’enfant serait conditionné par son environnement
(parents, éducateurs, voisins, etc.) à se sentir garçon ou fille et à agir comme tel,
en suivant un système de prescriptions directes ou indirectes, voire de récom-
penses, de renforcements et/ou de punitions.
Plusieurs approches théoriques ont examiné de près ou de loin la ques-
tion du développement du genre et de la sexualité. La présente section portera
sur six de ces approches, soit les théories de l’apprentissage social, les théo-
ries cognitives, les théories biologiques, la théorie psychanalytique, les théo-
ries d’approche interactionnelle et un modèle intégratif. Malgré les critiques
reçues au fil du temps dans la documentation, l’approche psychanalytique est
retenue dans le présent chapitre car elle a largement contribué, dans l’histoire,
à développer une conception intégrée de la sexualité infantile et des processus
cognitifs, affectifs et motivationnels inconscients qui la gouvernent, à analyser
la contribution de la sexualité infantile au développement de la personnalité
adulte et à inspirer l’interprétation de données de recherche en psychologie
cognitive, sociale, et développementale (Westen, 1998). L’approche interac-
tionnelle, bien que non intégrée à un corpus fixe, est également retenue dans
le présent chapitre car elle a su inspirer les recherches contemporaines qui

9
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

tentent, par l’étude des interactions entre les différents aspects du développe-
ment sexuel, de mieux rendre compte de la grande complexité du développe-
ment du genre (Goguikian Ratcliff, 2002). Dans les sections qui suivent, l’ordre
de présentation de ces théories tiendra compte, un tant soit peu, de la chrono-
logie de leur apparition dans l’histoire de l’étude de la sexualité infantile.

3.1. Théories d’orientation psychanalytique


Historiquement, la psychanalyse est la première approche de type développe-
mental à s’être intéressée à la question de la sexualité infantile, à la différencia-
tion des sexes, voire à la question de l’identité de genre chez l’enfant. La sexua-
tion psychique de l’enfant est ici conçue comme un processus englobant deux
périodes développementales majeures de changements : d’abord la période
pré-génitale (stade oral, anal, phallique-œdipien et latence où le plaisir recher-
ché est autoérotique), et la période génitale (stade génital, où le plaisir sexuel
recherché implique l’autre personne). Le plaisir devient alors allo-érotique.
Chacun de ces stades met en scène des enjeux pulsionnels, relationnels, cor-
porels et autres contribuant à dessiner la sexualité et l’identité en devenir de
l’enfant mâle et de l’enfant femelle. C’est au cours de cette évolution sexuelle
que la différence des sexes prendra toute son importance pour l’enfant.
Validée et réajustée par une longue histoire d’études cliniques et une his-
toire plus courte et critiquée d’études empiriques, l’ensemble de la théorisa-
tion psychanalytique apporte un éclairage inédit sur le développement de la
personne en général et sur la question du développement de l’identité sexuée
de l’enfant en particulier (Bornstein, 2005 ; Desmet, 2013 ; Holt, 2008 ; Meer-
sand, 2011 ; Sugarman & Kanner, 2000 ; Westen, 1998). Certaines avancées de
la psychanalyse classique ont, à juste titre, été critiquées plus que d’autres (ex. :
la conception freudienne du développement de la psychosexualité féminine).
Par ailleurs, la reconnaissance de ces limitations par Freud et autres freudiens
a favorisé avec le temps l’émergence d’une variété de points de vue sur la ques-
tion à l’intérieur même de la psychanalyse. En soumettant à la vérification
empirique un ensemble de propositions théoriques, portant par exemple sur
les origines de plusieurs dispositions affectives et motivationnelles de l’enfance,
sur les dynamiques développementales à l’intérieur des stades du développe-
ment sexuel et les processus cognitifs, affectifs et motivationnels inconscients,
la théorie psychanalytique contemporaine a participé aux avancées de la dis-
cipline. L’héritage scientifique de Freud a maintenant des implications dans
plusieurs domaines de la psychologie (affective, cognitive, développementale
et motivationnelle) (Westen, 1998). Au fil des années, la théorie psychanaly-
tique est devenue la pierre angulaire de la pratique de l’évaluation psycholo-
gique auprès d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes. Elle a grandement

10
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

contribué à la naissance et aux avancées de la psychologie clinique (Rapaport,


1945, 1946 ; Sugarman & Kanner, 2000).
Les écrits psychanalytiques portant sur le développement typique de la
sexualité de l’enfant se divisent en deux grands groupes : ceux s’inscrivant
dans la théorie psychanalytique freudienne (classique) et ceux s’orientant vers
les approches psychanalytiques néofreudiennes. Toutes adhèrent au fait que la
construction psychique de la sexualité chez l’enfant repose sur des marqueurs
spécifiques : les processus d’identification aux parents et la découverte de la
différence anatomique des sexes (Zaouche-Gaudron & Rouyer, 2002). Dans
l’un comme dans l’autre camp, la découverte de la différence anatomique des
sexes est conçue comme étant intrinsèque à la conceptualisation graduelle par
l’enfant de son sens de soi sexué (sens d’être un garçon ou d’être une fille)
(Stoller, 1989a, b). Un corpus de données de recherche empiriques et d’obser-
vations systématiques atteste de l’importance de cette découverte dans le par-
cours de l’enfant (Chiland, 1995, 2003 ; Green, 1975 ; Mahler, 1973 ; Mahler,
Pine & Bergman, 1980 ; Stoller, 1968). Mahler et al. (1980) situent cette décou-
verte autour du 18e mois de vie de l’enfant. Les freudiens la situent davantage
autour de trois et cinq ans (Freud, 1923 ; Maccoby, 1998). Dans la théorisation
freudienne du devenir masculin et du devenir féminin, la constatation de la
différence anatomique des sexes entraîne, au niveau psychique, soit l’angoisse
de castration, soit l’envie du pénis. Avoir ou non un pénis, et de là, la peur de
le perdre (si l’on est garçon) et le désir d’en avoir un (si l’on est fille) sont donc,
pour les freudiens, des enjeux majeurs du développement.
Les tenants de la psychanalyse freudienne voient l’épicentre de la forma-
tion de l’identité de genre dans les identifications parentales œdipiennes (fin
de l’Œdipe), alors que les tenants des approches psychanalytiques néofreu-
diennes la voient plutôt dans les identifications parentales préœdipiennes.
Chacune de ces deux thèses sera brièvement présentée dans les sections qui
suivent.

3.1.1. La théorie psychanalytique freudienne


Alors que les approches psychanalytiques néofreudiennes ont mis l’accent sur
les identifications précoces de l’enfant à sa mère pour expliquer l’avènement de
l’identité sexuelle des garçons et des filles, la théorie psychanalytique freudienne
cible les identifications secondaires au père et à la mère. Selon la psychanalyse
classique, le développement de l’identité de genre de la fille serait plus péril-
leux que celui du garçon. Cette position est à l’opposé de celle tenue dans les
approches néofreudiennes. Un premier facteur de vulnérabilité, selon les freu-
diens, reposerait sur le fait que les organes génitaux de la fille sont moins facile-
ment accessibles et visibles que ceux du garçon, donc moins rapidement rassu-
rants. Le deuxième facteur de vulnérabilité réfèrerait au fait que le premier objet

11
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

d’amour de la fille est homosexuel. Pour adopter une position hétérosexuelle,


ce premier objet d’amour devrait donc être délaissé pour un autre, de l’autre
sexe (le père). Par ailleurs, dans la mouvance de la constatation de la différence
anatomique des sexes, la petite fille souffrirait de l’envie du pénis (Freud, 1923).
Différentes options s’offriraient à elle pour gérer cette situation douloureuse,
mais seulement une lui permettrait de se diriger vers la féminité : vaincre son
envie du pénis et sa fixation au clitoris (Freud, 1923 ; Stoller, 1989a, b). Cette
solution lui permettrait vraisemblablement d’investir son vagin et sa fonction
reproductrice. À noter que cette dernière n’est pas l’équivalent du désir d’enfant.
Elle lui éviterait aussi d’entretenir un sentiment d’infériorité psychologique et de
développer une position masochiste. C’est en renonçant au père comme objet
d’amour que la fille pourrait s’identifier à sa mère (Jones, 1948).

3.1.2. Les approches psychanalytiques néofreudiennes


Chercheurs et cliniciens du domaine signalent l’importance des identifications
maternelles dans la formation de l’identité de genre chez l’enfant. Dans ce
contexte, filles et garçons se seraient identifiés au sein maternel et au féminin
dans leur tout jeune âge. L’identité masculine du garçon ne serait donc gagnée
qu’à condition qu’il s’arrache avec la « force d’une seconde naissance » à ses
premières identifications à la mère (voire au féminin) (Benjamin, 1988). Pour
mieux réussir dans cette démarche, le père serait essentiel à l’enfant. Il l’aide-
rait à se séparer de la mère et lui permettrait de s’identifier massivement au
masculin. L’identité masculine de l’enfant mâle reposerait donc sur ce trans-
fert identificatoire. Dans ce processus, l’enfant tenterait de se dissocier à tout
prix des émotions de tendresse, d’intimité et de douceur qu’il croit associées
au féminin. Ce processus de transfert des identifications massives d’un objet
(mère) à un autre (père) serait conçu par les néofreudiens comme un facteur
de vulnérabilité à l’édification de l’identité sexuelle chez le garçon (Stoller,
1989a, b). Chez la fille, les identifications premières à la mère seraient consi-
dérées comme un facteur favorisant l’élaboration de son identité féminine.
D’autres auteurs, dont Golse (2000), Martinson (1976) et Rutter (1970),
retracent les débuts d’élaboration de la notion du genre chez l’enfant, et ce,
avant l’avènement de son identité de genre. Selon Golse (2000), deux types
de satisfaction seraient ressentis par l’enfant au début de sa vie. D’abord, les
satisfactions qu’il n’obtient que via un tiers (boire, manger, être langé, être
touché), et ce, en raison de son immaturité première (Golse, 2000). Ensuite,
les satisfactions qu’il obtient par lui-même, à partir de son vécu corporel
(sensations, impressions). Ces dernières satisfactions seraient essentielles à la
sexuation psychique de l’enfant et à son accès à l’autoérotisme. Ainsi, l’enfant
n’accèderait pas à la différence des sexes sans s’être imprégné, au préalable,
des plaisirs des stades oral, anal et phallique-œdipien. C’est l’expérience

12
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

d’états opposés successifs inhérente à chaque stade (plein-vide, contrôle-


soumission, avoir ou ne pas avoir) qui conduirait progressivement l’enfant
vers la réalité de la différence des sexes (Golse, 2000). Ce travail psychique
ne se ferait pas isolément des influences environnementales (Golse & Jar-
din, 2003). En effet, le très jeune enfant saurait repérer très tôt des expé-
riences et des sensations procurées par un parent qui sont distinctes de celles
procurées par l’autre parent. En distinguant précocement pour chacun des
deux parents des caractéristiques (timbre de la voix, odeur, grain de la peau,
type de préhension) propres à un parent et non à l’autre, l’enfant de famille
hétéroparentale développerait des repères désignant par exemple l’entité
mâle et d’autres désignant l’entité femelle. Il en irait de même chez l’enfant
de couples homosexuels évoluant auprès d’hommes et de femmes qui sont
en contact régulier avec lui. Ces premiers repères psychiques participeraient
à l’éveil du sens de soi comme garçon ou fille. Mais pour cela, l’enfant aurait
besoin d’être validé par chacun de ses parents (Golse & Jardin, 2003). Dans
cet ordre d’idées, Chiland (2003) soutient que l’identité de genre de l’enfant
se construit non seulement à l’intérieur d’échanges directs et manifestes entre
l’enfant et ses parents, mais aussi via les interrelations fantasmatiques qu’il vit
avec eux, et via ce qu’il interprète dans les non-dits et les ressentis des parents
à son endroit (Chiland, 2003). Selon Stoller (1989a), « les attitudes parentales
quant au sexe de cet enfant » (p. 32) sont un des cinq facteurs composant le
concept multidimensionnel du « noyau de l’identité de genre » de l’enfant.
Formé autour des deux premières années de vie, le noyau de l’identité de
genre nécessiterait, de plus, l’apport de quatre autres forces majeures :
− une force biologique « prenant naissance dans la vie fœtale et générale-
ment d’origine génétique » (Stoller, 1989a, p. 31) ;
− l’assignation de sexe à la naissance, laquelle confirme que l’apparence
des organes génitaux externes du bébé est conforme ;
− les phénomènes biopsychiques par lesquels les stimuli environne-
mentaux en viennent à conditionner l’enfant à certains modes de
comportements ;
− le moi corporel de l’enfant lui indiquant son importance, ses dimen-
sions, et ses usages (Stoller, 1968).
Par cette conceptualisation multidimensionnelle du noyau de l’iden-
tité de genre, Stoller (1989a) sort l’identité de genre d’un carcan explicatif
strictement biologique, pulsionnel/libidinal ou social. Son tableau intégratif
néglige toutefois l’apport des aspects cognitifs à la construction du genre.
Ces derniers seront présentés dans le point « Théories cognitives » de ce
chapitre (voir p. 17 à 22).
Signalons enfin que l’approche psychanalytique reconnaît de plus en plus
l’importance du père dans la sexuation psychique de l’enfant. Le père serait

13
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

non seulement le premier représentant du monde non-mère pour l’enfant,


mais il serait aussi, via le désir qu’il éprouve pour la mère, une figure offrant
à l’enfant mâle la possibilité de s’identifier à lui comme homme désirant. La
triade mère-père-enfant offrirait à la fille, via le désir de la mère pour le père,
l’occasion de s’identifier à sa mère comme femme désirant, comme sujet dési-
rant (Liebman & Abell, 2000). On peut penser qu’une identification de l’enfant
à l’être désirant et à l’être désiré ne se retrouverait vraisemblablement pas que
dans les familles hétéroparentales. Enfin, Benjamin (1988) dira pour sa part
qu’une identification amoureuse au père, sujet de désir, serait bénéfique tant
à la fille qu’au garçon, et ce, afin que l’enfant se construisent chacun comme
sujet de désir vs objet de désir.

3.2. Modèles de socialisation


3.2.1. Théorie de l’apprentissage social
Au cours des années 1950-1960, chercheurs et théoriciens sont tournés vers
un nouveau paradigme, à savoir celui de l’apprentissage social (Eagly & Wood,
2013). Selon les théoriciens de l’apprentissage social (Bandura, 1986 ; Mishel,
1973 ; Rotter, 1954), l’environnement est conçu comme un réservoir d’in-
fluences genrées dans lequel l’enfant puise des modèles à imiter. Suivant ce
paradigme, la construction de l’identité de genre de l’enfant n’est pas consécu-
tive à une quelconque construction psychique du sexuel comme le veulent les
psychanalystes. Elle se fait à travers l’observation et l’imitation par l’enfant des
modèles de son sexe dans son environnement et par le renforcement positif ou
négatif donné par les parents aux enfants. En imitant et en observant, l’enfant
en viendrait à « adopter » les comportements, les préférences et les outils de ses
modèles. Il se construirait ainsi masculin ou féminin. Cette théorie repose sur
les théories comportementales tout en s’en distinguant. En soutenant que l’en-
fant observe les modèles de l’environnement, qu’il imite les comportements de
ces modèles, on postule que l’influence de l’environnement sur l’enfant n’est
pas seulement directe (l’enfant adopte un comportement de genre suite à une
récompense ou à une punition reçue de ses parents), mais également indirecte
(l’enfant adopte un comportement de genre en imitant un tiers qui s’est fait
récompenser par ses parents en adoptant tel comportement de genre ).
Les recherches empiriques portant spécifiquement sur les influences envi-
ronnementales dans la construction du genre montrent que le milieu dans
lequel vit l’enfant fait pression directement et indirectement sur l’enfant pour
qu’il ou elle se conforme aux diktats sociaux associés à son sexe. Des jouets,
objets, habits, bijoux, activités sont proposés différemment aux filles et aux
garçons, et ce, dès leur plus jeune âge (Daffon Novelle, 2006). De nombreux
livres d’histoire contiennent des représentations stéréotypées du masculin et du

14
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

féminin qui ne peuvent qu’influencer les comportements des enfants. Dans le


cadre d’études, Rouyer et Zaouche-Gaudron (2006) documentent les pressions
du cadre familial sur l’enfant. Les parents sont des modèles de rôle de genre
privilégiés pour les enfants. Comme leurs propres valeurs, attitudes et com-
portements sont typés selon le genre et qu’en plus, ils incitent directement ou
indirectement leur enfant à développer des attributs personnels et sociaux, des
intérêts et des préférences distincts selon les sexes, les parents contribuent à la
socialisation différenciée des genres (Pomerleau, Bolduc, Malcuit, & Cossette,
1990). Ces pratiques de socialisation influenceraient non seulement les compor-
tements de genre de l’enfant, mais également le développement de sa personna-
lité (Bandura, 1977, 1986 ; Huston, 1983). La fratrie, les structures de familles
alternatives et conventionnelles seraient autant de conditions qui contribuent
à la socialisation différenciée des sexes (Ruble, Martin, & Berenbaum, 2006). Il
en va de même pour l’école et autres institutions dans lesquelles l’enfant évolue
(Ferrez, 2006). Les modèles de rôle que l’enfant observe et imite dans ces milieux
serviront à modeler ses préférences, ses intérêts et ses comportements de genre.
D’autres chercheurs dans le domaine de la socialisation différenciée des sexes
ciblent pour leur part l’influence des institutions et des politiques éducatives des
gouvernements pour expliquer l’acquisition par l’enfant des représentations des
genres stéréotypées (Daffon Novelle, 2006 ; Zottos & Renevey Fry, 2006).

3.2.2. Théorie sociale cognitive


Dans la mouvance de la théorie de l’apprentissage social, Bussey et Bandura
(1999) conçoivent une théorie sociale-cognitive du développement de genre de
l’enfant, selon laquelle l’apprentissage de l’enfant ne serait pas confiné à l’imi-
tation des modèles de son sexe. Il y aurait, de plus, un processus de « mode-
lage » par lequel l’enfant généralise à d’autres comportements les observations
qu’il a faites au sujet d’un comportement de genre donné (Bussey & Bandura,
1999 ; Rouyer, 2008). Pour ce faire, l’enfant apprend à abstraire des règles
et des styles de comportements. En portant attention aux modèles des deux
sexes, l’enfant élaborerait, peu à peu, des repères, des notions lui permettant
d’évaluer ce qui est approprié (apparence, activités, comportements) pour son
sexe et ce qui est approprié pour l’autre sexe. Suivant la réponse de l’environ-
nement, lequel régule les comportements type de l’enfant (en apportant un
renforcement positif ou négatif au comportement en question), l’enfant répè-
terait ou non le dit comportement (Ruble et al., 2006). Il intègrerait ensuite ces
notions de sorte que la régulation de ses comportements deviendrait interna-
lisée. Il en viendrait à évaluer lui-même ses comportements en fonction d’une
norme de conduites internalisé. Dans ce contexte, c’est l’espoir de récompense
(le reward expectancy) qui motiverait l’enfant à se comporter de manière x
ou y et non la récompense ou la punition qu’il reçoit de l’environnement. Un

15
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sentiment accru d’auto-efficacité (self-efficacy) à faire des choses propres à son


genre s’en suivrait. Ce dernier serait vécu par l’enfant comme une récompense
intrinsèque. Or, selon les théoriciens de l’approche sociale cognitive, faire des
inférences (ce qui est un acte cognitif) sur l’avènement de récompenses spéci-
fiques ou sur son efficacité à faire les choses correctement (Hogben & Byrne,
1998, pp. 61-62) permettrait, en soi, un apprentissage social.
Aux côtés de ces facteurs environnementaux, le modèle triadique de Bussey
et Bandura (1999) reconnaît l’influence de deux autres facteurs dans l’explica-
tion du développement du genre : les facteurs personnels (cognitifs, affectifs
et biologiques) et les facteurs comportementaux (Zaouche-Gaudron & Rou-
yer, 2002). De l’avis de ses concepteurs, la théorie sociale cognitive serait une
théorie majeure, voire une théorie intégrative. Elle serait un aboutissement
plus holistique de la théorie de l’apprentissage social. Selon Bussey et Bandura
(1999), les autres théories sur le développement du genre, particulièrement la
théorie du développement cognitif de Kohlberg, seraient à revoir en fonction
de leurs avancées (Ruble et al., 2006).
À la lumière des résultats de recherche testant de près ou de loin les pro-
positions théoriques de la théorie sociale-cognitive, Martin et al. (2002)
dénoncent les prétentions de Bussey et Bandura (1999). Selon eux, la théorie
sociale cognitive n’aurait pas su décrire l’impact des cognitions précoces de
genre (telles que l’étiquetage de genre et les connaissances préverbales au sujet
des catégories de genre) sur le modeling de genre (Martin et al, 2002 ; Poulin-
Dubois & Serbin, 2006 ; Serbin & Sprafkin, 1987). Sans ces outils conceptuels,
Martin et al (2002) jugent que la théorie sociale cognitive ne peut pas vraiment
conceptualiser les mécanismes de régulation interne qui régissent le dévelop-
pement du genre chez le jeune enfant (Martin et al, 2002). De même, les méca-
nismes responsables du passage d’une régulation externe des comportements
(récompenses, punitions) à une régulation interne (via l’intériorisation d’un
standard de conduites reliées au genre) restent insuffisamment expliqués. En
bref, le peu d’études longitudinales dans le domaine et sa faible conceptuali-
sation de l’impact des cognitions précoces de genre limitent la portée de cette
théorie (Martin et al., 2012).
Par ailleurs, Halim, Ruble et Amadio (2011) ont récemment proposé un
cadre social-cognitif à leur étude empirique portant sur le développement de
l’identité de genre et des biais de genre. Ils montrent qu’au niveau de l’école
primaire, le phénomène voulant que des filles transitent d’une position très
féminine à celle plus masculine serait explicable par deux ensembles de chan-
gements développementaux concurrents. D’abord, la perception du genre des
filles passerait d’une étape de rigidité à une autre de plus grande flexibilité
(cognitif). Ensuite, une plus grande hétérogénéité se développerait à l’intérieur
de chacune des catégories de genre, et ce, au niveau du groupe et au niveau
individuel (social). Les résultats de recherche de Halim et al. (2011) suggèrent

16
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

effectivement la présence de changements de nature sociale et cognitive dans


le développement de l’identité de genre de l’enfant de ces âges.

3.3. Théories cognitives


3.3.1. Théorie cognitivo-développementale de l’identité de genre
Kohlberg (1966) postule l’existence de changements développementaux dans
la compréhension du genre de l’enfant. Ces changements cognitifs organise-
raient le comportement. Suivant Kohlberg (1966), le développement de genre
serait initié intérieurement par l’enfant plutôt qu’initié de façon externe par
les agents de socialisation (Ruble et al., 2006). S’appuyant sur la théorisation
de Piaget (1936) sur le développement de l’intelligence, Kohlberg (1966) sou-
tient que l’enfant est activement occupé à construire les significations des caté-
gories de genre. Selon ce paradigme, l’enfant affirmerait d’abord « je suis un
garçon » pour ensuite s’orienter vers des comportements propres à son genre
(« j’aime faire des choses de garçon »). L’accomplissement cognitif majeur
de l’enfant reposerait donc d’abord sur sa capacité à reconnaître la significa-
tion catégorielle du genre. Cette dernière le motiverait ensuite à adopter des
comportements typés masculins ou typés féminins. Ce n’est qu’ensuite que
l’enfant se plierait aux normes de genre de son milieu (Martin et al., 2002).
Le paradigme des théoriciens de l’apprentissage social est autre. L’enfant se
dirait : « j’aime les récompenses ; j’ai été récompensé pour faire des choses de
garçon », conséquemment « je suis un garçon » (Bandura, 1977).
La construction d’une compréhension du genre toujours plus complexe
se ferait via la traversée d’une succession de stades. Kohlberg (1966) suggère
que l’enfant traverse trois stades de nature cognitive avant d’atteindre le stade
de la constance du genre, stade ultime de la compréhension du genre. Le pre-
mier serait celui où l’enfant, dans sa première année de vie, capte vaguement
des signaux distincts de son environnement pour enfin prendre conscience
de l’existence de deux groupes d’individus distincts : garçons-filles ; hommes-
femmes. Au deuxième stade du développement du concept de genre, l’enfant
de 2-3 ans est capable de distinguer et de nommer correctement son genre et
celui des autres. Il procède donc à l’étiquetage du genre. Le troisième stade de
construction du genre chez l’enfant serait celui de la stabilité de genre (Kohl-
berg, 1966). À cette étape, l’enfant saurait dorénavant qu’il gardera le même
sexe toute sa vie. Kohlberg (1966) situe ce stade dans la période se situant
entre 3 et 5 ans. Enfin, c’est au quatrième stade, celui de la constance de genre
(5-7 ans), que l’enfant développerait la conviction de l’invariabilité de son
genre, voire de sa catégorisation de sexe (garçon ou fille, pour toujours et en
dépit de changements opérés au niveau de son apparence). Ce serait, de plus,
un accomplissement cognitif majeur pour l’enfant. Ce serait, selon Kohlberg

17
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

(1966), un facteur motivationnel puissant en ce sens que la conviction chez


l’enfant de l’invariabilité de son genre déterminerait le déclenchement de son
action dans une direction précise, soit vers l’adoption de comportements typés
masculin ou typés féminin (Kohlberg, 1966).
Plusieurs recherches ont démontré que les propositions de base de la théorie
cognitivo-développementale sont incontournables (Carver et al., 2003 ; Cooper
et al., 2013 ; Egan & Perry, 2001 ; Martin et al., 2002 ; Poulin-Dubois & Serbin,
2006 ; Serbin & Sprafkin, 1987 ; Thériault, 1993). Les cognitions seraient un
organisateur précoce significatif du développement de genre de l’enfant (Conry-
Murray, 2013 ; Golombok et al., 2012 ; Martin et al., 2002, 2012 ; Poulin-Dubois
& Serbin, 2006 ; Serbin & Sprafkin, 1987 ; Thériault, 1993). Toutefois, certaines
des propositions de Kohlberg sont remaniées à la lumière des récentes données
de recherches obtenues. Les sections qui suivent présentent l’état de la recherche
sur différents concepts relatifs au genre − connaissances de genre, constance de
genre, préférences de genre, comportements de genre, normes de genre −, qui
ont été traités et ou développés par la théorie cognitive du genre et qui ont été
testés par des chercheurs de différentes allégeances théoriques.

Connaissances de genre
Les recherches sur le développement du genre montrent l’existence d’une
forme de compréhension rudimentaire du genre chez l’enfant du stade pré-
verbal, soit bien avant 2 ans comme l’avançait Kohlberg (Poulin-Dubois &
Serbin, 2006). Suivant différents devis et méthodes de recherche auprès de
jeunes enfants, on voit, par exemple, qu’entre 6 et 8 mois, garçons et filles dis-
criminent les voix des personnes de sexe mâle et celles de sexe femelle (Miller,
1983, cité par Martin et al, 2002). Poulin-Dubois et Serbin (2006) montrent
qu’entre 9 et 11 mois, les enfants des deux sexes ont une forme rudimen-
taire du concept de genre (Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Il ne faudrait pas
attendre l’atteinte de la constance de genre (autour de 5 ans) pour voir appa-
raître chez l’enfant ces associations métaphoriques. Les résultats de recherche
montrent en effet que ces associations métaphoriques apparaissent autour
du 18e mois de vie de l’enfant et elles s’affirmeraient ensuite avec le temps
(Chiland, 2003 ; Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Ainsi, l’enfant en viendrait
à associer certaines caractéristiques matérielles ou émotives à un sexe donné
et non à l’autre (Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Ces connaissances de genre,
maîtrisées vers 24 mois, deviendraient de plus en plus explicites, de plus en
plus verbales et de plus en plus complexes au fur et à mesure que l’enfant
avance dans sa scolarisation (Poulin-Dubois, Serbin, & Derbyshire, 1998).
Bien que ces recherches appuient globalement la thèse de Kohlberg (1966),
elles ont clairement démontré que les connaissances de l’enfant sur l’étique-
tage de genre, et non seulement l’acquisition de la constance du genre sont, en
soi, des organiseurs cognitifs du développement de genre. Ces connaissances

18
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

sur l’étiquetage de genre influenceraient éventuellement les comportements


de l’enfant, ses motivations et sa mémoire (Martin et al., 2002). Ces acquisi-
tions cognitives permettraient la formation d’associations métaphoriques pri-
mitives dans la pensée de l’enfant (Poulin-Dubois & Serbin, 2006).

Constance de genre et stabilité de genre


Les recherches sur les acquisitions cognitives – les connaissances de genre, la
capacité de catégoriser en fonction du genre, de faire des corrélations entre
un genre donné et des attributs personnels et sociaux de ce genre (traits de
personnalité, activités sociales) –, sur les préférences pour des objets, des jeux,
des activités et des compagnons de jeu en fonction du genre et sur les com-
portements et activités stéréotypés en fonction du genre se développent et se
consolident au fil du temps. Alors que les écrits de Kohlberg (1966) suggèrent
que les comportements sexuels typés des enfants sont postérieurs à l’acquisi-
tion de la constance de genre, des recherches récentes ont toutefois questionné
cette hypothèse. Les recherches montrent que l’enfant s’engagerait dans des
comportements typés bien avant qu’il n’acquière la constance de genre, soit
bien avant l’âge de 5 ans (Poulin-Dubois & Serbin, 2006 ; Ruble et al., 2006).
Des processus biologiques, cognitifs et de socialisation seraient responsables
de cette situation.
Par ailleurs, des recherches ont montré qu’un niveau élevé de constance de
genre était associé à un traitement plus rigide, par l’enfant, des informations
reliées au genre (Martin et al., 2002 ; Ruble et al., 2006). En effet, l’attention de
l’enfant serait plus sélective face aux modèles de son sexe. Il imiterait davan-
tage les personnes de son sexe. Ses préférences d’activités et de compagnons de
jeux seraient plus régulièrement fonction de son propre sexe. Ces résultats ont
toutefois été remis en question. De récentes données de recherche montrent
que la rigidité de l’enfant quant à son genre serait davantage observée au stade
de la stabilité de genre qu’à celui de la constance de genre. Ce serait effecti-
vement au stade de la stabilité de genre que l’on observe, chez l’enfant, une
augmentation des connaissances sur les stéréotypes et une augmentation de
gender-typing (Ruble et al., 2007).

Préférences de genre et comportements de genre


Les recherches montrent que l’étiquetage de genre serait préalable à l’avène-
ment des préférences typées de genre et des comportements typés de genre
chez le jeune enfant (Martin et al., 2002). Il serait associé au développement des
stéréotypes sexuels (Poulin-Dubois & Serbin, 2006). Golombok et ses collègues
(2012) rapportent que les enfants observés dans les études montrent les pre-
miers signes de préférences de genre au cours de leur première année. D’autres
études rapportent que les filles de 18-20 mois seraient capables de préférences
visuelles typées selon le sexe (Serbin, Poulin-Dubois, Colburne, Sen & Eichstedt,

19
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

2001). Ces préférences toucheraient d’abord les objets (jeux) et ensuite les par-
tenaires de jeux (Golombok et al., 2012). Vers 3 ans, davantage de filles que
de garçons joueraient avec des poupées. Les garçons joueraient plus que les
filles avec des fusils, des épées, des autos, des trains et des camions. Vers 3 ans
également, filles et garçons se différencieraient quant à leurs styles de jeu. Ces
derniers auraient un style de jeu plus actif, plus dur et parfois plus agressif que
celui des filles. Ces dernières auraient tendance à parler davantage entre elles
et à être plus enclines à prendre soin des autres que les garçons. On les retrou-
verait le plus souvent en dyade ou en triade alors que les garçons préfèreraient
jouer en groupe, à l’extérieur (Serbin & Sprafkin, 1987). Toujours vers 3 ans,
Golombok et al. (2012) notent que les filles et les garçons s’intéressent davan-
tage aux jeux de rôle et que ces derniers diffèrent selon les sexes. Les garçons
joueraient aux héros et s’engagent dans des jeux de combat et d’aventure. Les
filles joueraient davantage à la mère ou à d’autres figures de la famille et elles
aiment se vêtir des vêtements féminins. Ces mêmes résultats sont rapportés par
Serbin et Sprafkin (1987). Ces différences de jeux se poursuivront tout au long
de l’école primaire (Golombok et al., 2012). Évaluant les attitudes et les attentes
sociales des filles et des garçons de 3 à 5 ans, Serbin et Sprafkin (1987) verront
que les garçons ont tendance à utiliser des moyens plus directs pour obtenir ce
qu’ils veulent (ex. : « donne-moi ça »), alors que les filles feront davantage de
demandes plus polies et indirectes. Des patrons différentiels de comportements
sociaux seraient donc observables chez les garçons et les filles de ces âges. De
plus, filles et garçons seraient conscients des différences existant entre les règles
sociales de leur groupe de sexe et celles de l’autre groupe.
Les enfants auraient une notion de base des stéréotypes de genre de leur
culture dès l’âge de 2 ans (Conry-Murray, 2013). Les connaissances de l’enfant
au sujet des stéréotypes de genre augmenteraient de façon linéaire jusqu’à ce que
l’enfant atteigne 6-7 ans (Conry-Murray, 2013). À partir de 5-6 ans, on note-
rait toutefois un début de flexibilité dans la façon dont l’enfant conçoit les rôles
de genre (Banse, Gawronski, Rebetwz, Gutt, & Morton, 2010 ; Conry-Murray,
2013). Cette flexibilité dans les stéréotypes de genre présenterait une forte aug-
mentation entre les âges de 5 à 11 ans (Banse et al., 2010) et atteindrait son point
maximum autour de 10 à 12 ans (Conry-Murray, 2013), soit durant la préadoles-
cence (Cooper et al., 2013). C’est le développement cognitif de l’enfant qui le ren-
drait capable de souplesse dans ses définitions des rôles de genre (Poulin-Dubois
& Serbin, 2006). Par ailleurs, les études montrent clairement que le développe-
ment chez l’enfant d’une plus grande flexibilité de genre peut se faire de façon
indépendante de l’adoption de comportements de genre typiques ou atypiques
(Golombok et al., 2012). Concernant les comportements de genre atypiques, les
recherches montrent par ailleurs une stabilité temporelle entre l’enfance et l’ado-
lescence. Selon les données de l’étude longitudinale de Golombok et al. (2012),
les enfants qui ont des comportements de genre atypiques à l’âge de 3 ans (filles

20
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

agissant de façon masculine et les gars agissant de façon féminine) présentent des
comportements de genre atypiques à l’adolescence (13 ans).
Les nombreux acquis cognitifs de l’enfant en matière du genre - voire la
capacité de catégoriser en fonction du genre, de faire des corrélations entre un
genre donné et des attributs X ou Y, d’opter pour des préférences de jeux et de
compagnons de jeux stéréotypées et d’avoir des comportements stéréotypés
en fonction du genre - ne sont pas sans conséquences sociales. Les recherches
montrent que les enfants ayant des comportements non conformes à leur
genre (ex. : le jeune garçon qui aime la compagnie des petites filles pour jouer
à la poupée et revêtir des robes et colliers de princesses) risquent de subir
une ségrégation de la part de leurs pairs aux comportements conformes à leur
genre. La ségrégation de genre aurait par ailleurs un volet normatif. En bas
âge, les enfants ont tendance à ne valoriser que les personnes et les actions des
individus de son sexe et à dévaluer celles des individus de l’autre sexe (Cooper
et al., 2013 ; Egan & Perry, 2001 ; Maccoby, 2002).

Normes de genre
Les études sur la conformité et la non conformité de genre chez l’enfant renvoient
inévitablement à des considérations sur les normes de genre. Acquises autour de
la période de constance de genre chez l’enfant, soit vers 5 ans (Conry-Murray,
2013), les normes de genre permettent à l’enfant de se faire une idée assez claire
de ce que « doivent » faire les hommes et les femmes (Conry-Murray, 2013).
Brendt et Heller (1986, cité par Conry-Murray, 2013) observent que les jeunes
enfants utilisent les normes de genre pour prédire les comportements des per-
sonnes, et ce, bien avant de référer à toute autre information sur ces personnes.
Certes, ces préceptes, ces règles ou normes concernant les genres profitent de la
rigidité qui caractérise le développement cognitif de la pensée du jeune enfant.
Toutefois, la socialisation, et non seulement le développement cognitif, joue-
rait un rôle dans l’acquisition des normes de genre. En effet, plusieurs pressions
venant de l’environnement encouragent les enfants à se conformer aux normes
de genre. Tel que montré préalablement, ces pressions proviennent entre autres
de l’exposition de l’enfant au sexisme de ses parents (Leaper, 2000, cité par
Conry-Murray, 2013) et de ses éducateurs, pour ne nommer qu’eux.
Bien que les jeunes enfants soient soucieux d’adhérer aux normes de genres
(Taylor, 1996) et que les plus jeunes soient moins conscients du sexisme des
parents et des éducateurs que les plus âgés (Negg, Cooper & Woodruff, 2007
dans Conry-Murray, 2013), des chercheurs observent qu’ils sont capables de
modifier leur jugement, voire de mettre leur jugement en sourdine, lorsqu’in-
tervient la question des préférences personnelles (Conry-Murray, 2013).
L’adoption des normes de genre, d’une part, et l’adoption des rôles de genre,
d’autre part, sont deux facettes d’une même pièce. L’important à retenir, c’est
qu’une rigidité première dans ces acquisitions laissera place éventuellement à

21
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

une plus grande flexibilité dans l’emploi de ces acquisitions. Les enfants en vien-
dront éventuellement à adopter les comportements de l’autre genre et non seu-
lement ceux de leur genre s’ils les jugent « utiles » et « bénéfiques » à leur quête.

3.3.2. Théorie des schémas


La théorie des schémas est un autre modèle appartenant aux approches
cognitives du genre. Plusieurs versions de cette théorie ont été proposées dans
les années 1980. L’une d’entre elle met l’accent sur les changements développe-
mentaux responsables de la construction du genre (Martin & Halverson, 1981)
et une autre met l’accent sur les différences individuelles (Bem, 1981 ; Ruble
et al., 2006). La théorie des schémas de genre affirme que c’est le processus
cognitif de catégorisation des informations qui permet aux enfants d’utiliser
des catégories pertinentes et fonctionnelles, comme le genre, pour classifier et
organiser les informations de l’environnement. Des schémas de genre primi-
tifs apparaitraient entre le 18e et 24e mois de vie de l’enfant (Poulin-Dubois &
Serbin, 2006 ; Martin et al., 2002). Ces schémas sont des réseaux d’associations
mentales porteuses d’informations au sujet des sexes, des représentations dyna-
miques qui se développent en fonction de l’âge. Les apparences physiques et les
sensations corporelles (être pris dans les bras d’une manière x ou y) seraient
essentielles à la construction des schémas de genre durant l’enfance. Elles per-
mettraient à l’enfant de constater l’existence de différences entre les individus
et l’inciteraient à faire des inférences préliminaires sur l’existence de groupes
de genre distincts. Les schémas de genre permettraient donc éventuellement à
l’enfant de conceptualiser les deux catégories de genre qui lui sont accessibles
(les garçons et les filles) et de développer ses propres préférences de genre
(jouets et camarades de jeu associés à son genre) (Martin & Rubble, 2004).
Les données de recherche sur la vérification de la théorie des schémas de
genre sont nombreuses et parfois contradictoires. Davantage de méta-analyses
seraient nécessaires dans le domaine (Martin et al., 2002). La théorie des schémas
a récemment été revisitée (Ruble et al., 2006). L’accent est dorénavant placé sur
les interactions entre les schémas de genre et les environnements sociaux, sur les
processus qui influencent le stéréotypage, et sur la nature dynamique des sché-
mas de genre (Martin & Dinella, 2002 ; Martin et al, 2002 ; Ruble et al., 2006).

3.4. Approches biologiques


Les perspectives biologiques du développement du genre sont de plus en
plus populaires et acceptées (Blakemore et al., 2014). Les résultats de recherche
aux méthodologies variées convergent vers une même réalité : les facteurs
biologiques contribuent au développement de genre. Après avoir longtemps
débattu la question de l’inné et de l’acquis, les recherches visent désormais

22
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

à élucider les mécanismes par lesquels la biologie et l’environnement social


contribuent à générer les comportements de genre (Ruble et al., 2006).
Plusieurs études de l’approche biologique ont tenté d’établir des parallèles
entre les différenciations sexuelles biologique et psychologique. Une portion
importante de ces études provient de cas cliniques (filles présentant le syn-
drome d’hyperplasie congénitale des surrénales [HCS] et garçons souffrant
du syndrome d’insensibilité androgénique). Dans le cadre de ces études, on
explore l’influence des hormones androgéniques prénatales sur les compor-
tements de genre atypiques en période post-natale (Golombok et al, 2012).
Pasterski et al. (2005) observent, par exemple, que les filles ayant été expo-
sées à de hauts niveaux d’androgènes au cours de leur développement préna-
tal montrent plus tard dans leur vie post-natale des comportements de genre
de type masculin. Cette situation persisterait dans le temps et ce, même si
les parents encouragent l’enfant à agir de façon conforme à son genre. Les
hormones de la période pré-natale auraient donc un effet organisationnel sur
le reste du développement. Les hormones androgéniques prénatales influen-
ceraient les choix d’activités, les attributs et les intérêts des individus, par
exemple l’intérêt pour les bébés chez les filles et les habiletés spatiales chez
les garçons (Ruble et al., 2006). Elles influenceraient également les structures
périphériques (ex : les muscles) en plus du cerveau.
L’approche bio-sociale de Diamond (1981) est une référence dans le
domaine. S’appuyant sur des données de recherche éprouvées, Diamond
(1981) soutient l’existence de plusieurs niveaux de différenciation sexuelle
de nature biologique en pré-natal (morphologique, génitale interne, génitale
externe et neurologique), lesquels interagiraient avec un ensemble de niveaux
de comportements différenciés selon le sexe en post-natal. Ces derniers seraient
influencés par l’environnement à des degrés divers. Au niveau prénatal, Dia-
mond (1981) retrace les enjeux décisifs successifs du parcours de la différencia-
tion sexuelle prénatale. Par exemple, l’absence du gène SRY (voir Aron, 1996)
sur le bras court du chromosome Y compromet la différenciation de la gonade
en testicule. L’embryon génétiquement mâle évoluerait par la suite dans le sens
femelle. Un autre enjeu décisif du développement de la différenciation pré-
natale est la réceptivité des tissus cibles de l’embryon génétiquement mâle à
l’action des androgènes. Cet enjeu toucherait autant la différenciation des tis-
sus génitaux internes qu’externes. Dans la mesure où l’embryon mâle n’est pas
réceptif à l’action des androgènes, le développement des canaux de Wolf (épi-
didymes, canaux déférents, vésicules séminales) serait compromis. On parle ici
d’une condition clinique appelée le syndrome du testicule féminisant ou syn-
drome de l’insensibilité androgénique. Un autre cas d’atypie caractérise l’em-
bryon femelle imprégné d’une quantité atypique d’hormones androgéniques
surrénaliennes. Cette condition, nommée syndrome d’hyperplasie congénitale
des surrénales (HCS) et décrite plus haut dans cette section, se résume au fait

23
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

que les organes génitaux externes de l’enfant à naître sont partiellement mâles.
En période post-natale, les préférences de jeu de l’enfant avec HCS sont typées
mâles. Son identité de genre est généralement femelle (Ruble et al., 2006).
En période post-natale, les comportements sexuels ne seraient pas uni-
quement déterminés par des déterminants biologiques prénataux. L’approche
bio-sociale reconnaît, aux côtés des forces biologiques, l’importance des
forces environnementales inhérentes à la socialisation de l’enfant. Diamond
(1981) identifie deux principaux paramètres de la différenciation sexuelle psy-
chologique post-natale qui sont sensibles à l’effet de l’environnement : 1) le
sexe d’étiquetage et d’assignation et 2) le sexe psychologue, référant à quatre
niveaux fondamentaux des comportements sexuels humains ou domaines de
comportement sexuels. Ces niveaux de comportements sexuels réfèrent :
− aux schèmes reliés au sexe (choix d’activités spontanés qui diffèrent
selon que l’on soit fille ou garçon) ;
− aux mécanismes sexuels (les différences constitutionnelles innées dis-
tinguant filles et garçons);
− à l’identité sexuelle ;
− et au choix du sexe préférentiel de/des partenaires.
Selon Diamond (1981), ces deux derniers niveaux de comportements por-
teraient davantage la marque du biologique que les autres. L’infinie combinai-
son de ces quatre niveaux de comportement expliquerait la diversité des com-
portements sexuels rencontrés chez l’humain (Diamond, 1981). Bien que la
théorie biosociale soit bi-dimensionnelle, cette théorie veut que les forces envi-
ronnementales n’agissent qu’à l’intérieur des limites de la biologie de chaque
individu. Les prédispositions innées les plus rigides chez l’individu sont celles
qui ont trait à l’identité sexuelle et au choix d’objet (Diamond, 1981).
Des données de recherche montrent que les comportements genrés pré-
coces de l’enfant seraient induits par des prédispositions biologiques (Golom-
bok et al., 2012) et non seulement par un renforcement vicariant (théorie
sociale-cognitive de Bussey & Bandura, 1999). D’autres données de recherche
confirment l’influence massive des facteurs biologiques dans la différenciation
sexuelle en période prénatale. En période post-natale, les recherches suggèrent
que l’identité sexuelle serait certes influencée par le biologique mais de façon
moins importante que ne le suggère Diamond (1981; Ruble et al., 2006).
Malgré ces points d’ombre, il est reconnu que l’approche biosociale et les
approches biologiques contribuent à la théorisation des différences psycho-
logiques entre les sexes en général et à la théorisation du développement de
l’identité de genre en particulier. Bien que le modèle de Diamond (1981) semble
accorder plus de poids aux influences biologiques qu’à celles de l’environnement
post-natal, n’en demeure qu’il a été l’un des premiers à faire un pas vers l’inté-
gration souhaitée des multiples influences façonnant le développement du genre.

24
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

3.5. Approche interactionnelle


L’approche interactionnelle est ici retenue puisqu’elle participe également
à l’effort de compréhension des multiples influences responsables de la dif-
férence des sexes et des identités. L’hypothèse de base de l’approche veut
que les différences psychologiques entre les sexes soient le produit de l’inte-
raction entre les événements de vie de l’individu et sa biologie/physiologie
(Kagan, 1971 ; Money, 1955). Afin d’étayer cette affirmation, les auteurs
ciblent quatre contextes d’interactions qui expliqueraient les différences
psychologiques des sexes. Le premier fait intervenir les standards de rôles
sexuels. Afin d’expliquer la puissance de ces derniers, l’approche interac-
tionnelle prend en compte des facteurs d’ordres développementaux. La pré-
cocité de l’acquisition des standards de rôle sexuels durant l’enfance et les
mécanismes primaires de fonctionnement qui y participent (biologiques et
vraisemblablement cognitifs) expliqueraient pourquoi ils sont si puissants,
persistants et décisifs quant à l’adoption d’attitudes et de comportements
genrés chez l’enfant. Le traitement différent des enfants mâle et femelle dans
les familles serait un deuxième contexte d’interaction entre le biologique
et le social. En attribuant à la fille, de par sa constitution biologique, des
émotions et attributs psychologiques différents de ceux attribués au garçon,
les parents contribueraient à la socialisation différenciée des sexes. Un troi-
sième contexte d’interaction entre le biologique et l’environnement serait
la personnalité parentale. Un même type de personnalité parentale engen-
drerait des réactions différentes auprès de la fille et du garçon. Par exemple,
une personnalité autoritaire engendrerait davantage de comportements
d’indépendance chez la fille que chez le garçon (Kagan, 1999). Une qua-
trième condition d’interaction mise en avant par la théorie interactionnelle
réfère à la nature symbolique de l’individu. En raison de cette particularité,
l’individu évalue continuellement la congruence entre son profil personnel
d’attributs physiologiques/physionomiques/attitudinaux et sa conceptuali-
sation des idéaux masculins et féminins tels que véhiculés par la société dans
laquelle il vit. Lorsqu’il y a congruence entre l’auto-perception de l’enfant
et ce que ses parents, camarades, fratrie et société en général définissent
comme masculin ou féminin (standards de rôle de sexe), on parle alors de
facteur contribuant à la construction d’une identité de rôle de genre ferme
chez l’enfant. Une non congruence entre les traits physiologiques et psy-
chologiques de l’enfant grandissant et sa compréhension du genre mascu-
lin et féminin (telle que dessinée par son environnement et nos sociétés)
entraîne un risque de conflit et de plus grande vulnérabilité. Si l’enfant réus-
sit à se définir comme typiquement garçon ou fille en dépit du fait qu’il ne
possède pas tel attribut physique ou psychologique rattaché socialement à
son genre, il saura éviter les conflits d’identité (Egan & Perry, 2001 ; Kagan,
1971). Ses acquis développementaux l’aideraient particulièrement dans cette

25
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

démarche : en délaissant éventuellement sa conception rigide des rôles de


genre, l’enfant écarterait les risques de conflits de rôle de genre.
Par ailleurs, la façon dont chaque société interprète les différences physio-
logiques et physiques entre les hommes et les femmes aurait une incidence
directe sur les traits psychologiques et comportementaux qui sont attribués
aux hommes et aux femmes, aux filles et aux garçons. Une structure sociétale
rigide, entraînant une attribution rigide des rôles de sexe au cours de l’en-
fance, minimiserait les chances de résolution de problèmes de l’enfant étant
aux prises avec un conflit de rôle de genre.
Les résultats de recherche contemporains supportent à leur façon les avan-
cées de la théorie interactionnelle. Les chercheurs explorent maintenant les
variables qui modulent l’effet des comportements des parents sur les enfants
(Eagly & Wood, 2013). Ces chercheurs ont découvert, par exemple, que les
pratiques de socialisation diffèrent non seulement en fonction des contextes
familiaux mais aussi en fonction des comportements visés (voir la revue cri-
tique de Blakemore, Beranhaum & Lisben, 2014 ; Eagly & Wood, 2013). Ainsi,
il est montré que les mères apportent plus de soutien aux filles et leur parle plus
fréquemment qu’elles ne le font avec les garçons. D’autres études montrent
que les parents favorisent davantage l’autonomie chez les garçons que chez
les filles et ils encouragent chez leurs enfants, selon qu’ils soient garçon ou
fille, des comportements typiques selon le genre et ce, tant dans les jeux que
dans les tâches domestiques. Convergeant avec les propositions de la théorie
interactionnelle, ces résultats suggèrent entre autres que l’anatomie sexuelle
des garçons et des filles est susceptible d’inciter les parents à traiter différem-
ment leurs enfants. Ce qui, dans le cas présenté plus haut, renforce les com-
portements conventionnels typés selon le genre. En observant que les pères
jouent plus vigoureusement avec leur garçon qu’avec leur fille et que les mères
portent davantage attention à l’habillement des filles que des garçons, Plomin
(1994) retient l’explication de la similarité génétique entre parents et enfants
du même sexe. Il y aurait ici influence mutuelle entre parents et enfants.
Au cours des 25 dernières années, les auteurs ont reconnu que la construc-
tion de l’identité de genre de l’enfant est un processus beaucoup plus complexe
qu’ils ne l’avaient jadis conceptualisé et mesuré (Eagly & Wood, 2013). Non
seulement les chercheurs ont documenté l’influence des pairs, des parents et
des enseignants sur l’avènement de l’identité de genre et des rôles de genre chez
l’enfant, mais ils ont aussi amorcé l’exploration des interactions entre les traits
de caractère de l’enfant, les processus développementaux qui sillonnent son
parcours vers la maturité et les contextes socioculturels dans lesquels il vit (voir
Bronfenbrenner & Morris, 2006). Dans cette mouvance, les chercheurs tentent,
par exemple, de cerner les processus impliqués dans l’intégration par l’enfant
des stéréotypes sexuels présents dans les différents contextes sociaux. Signo-
relli (2012) cible les processus non conscients par lesquels l’enfant intègre les

26
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

stéréotypes culturels présentés dans les médias et les applique ensuite dans ses
propres expériences avec les pairs, la fratrie, la famille, l’école, etc. Eagly et Wood
(2013) émettent l’hypothèse qu’un style de jeu plus rude et physique des parents
à l’égard des garçons ne serait pas seulement tributaire de la socialisation diffé-
renciée des sexes, mais aussi du fait que, biologiquement, les garçons ressentent
plus de plaisirs que les filles à ce type de jeux. Ces caractéristiques biologiques
de l’enfant entrainent donc chez les parents des attitudes qui répondent aux
particularités physiques distinctes du garçon et de la fille et non seulement aux
normes de socialisation différenciée des sexes. La vérification de cette hypothèse
permettrait de nuancer plusieurs données de recherche sur la socialisation dif-
férenciée des sexes. Il serait également important de s’attarder sur l’interaction
entre les influences sociales et les prédispositions évolutives de l’enfant à imi-
ter les autres et à s’engager dans des activités d’émulation, d’apprentissage col-
laboratif et d’enseignement. Ces prédispositions (prédispositions biologiques
évolutives) seraient responsables de la vitesse avec laquelle l’enfant apprend les
habiletés et les connaissances qui lui permettront enfin de s’adapter à son envi-
ronnement (Eagly & Wood, 2013). Par ailleurs, c’est la durée du développement
infantile qui magnifierait l’influence de l’apprentissage social sur l’acquisition
des rôles de genre chez l’enfant et non l’apprentissage social comme tel (Kagan,
1999). De même, ce ne serait pas uniquement les prédispositions évolutives de
l’enfant à imiter qui interagiraient avec les mécanismes d’apprentissage social
des rôles de genre. Les processus cognitifs seraient également de la partie. Ils
permettent à l’enfant, et ce, dès la fin de la première année, d’acquérir des
connaissances primitives sur les différences des genres. Ces dernières seraient
antérieures à l’enclenchement des mécanismes d’apprentissage social bien que
l’ensemble cohabiterait et interagirait par la suite (Golombok et al., 2012 ; Kohl-
berg, 1966 ; Poulin-Dubois & Serbin, 2006 ; Serbin & Sprafkin, 1987).

3.6. Modèle intégratif


Dans la foulée des théories visant à explorer la multi-dimensionnalité des fac-
teurs explicatifs du développement du genre à l’enfance, Goguikian Ratcliff
(2002) propose d’intégrer dans un même modèle les propositions théoriques
de la psychanalyse, des modèles de socialisation et des théories cognitives. La
recherche à la base de cette théorisation avait pour but de mieux comprendre
les mécanismes affectifs, sociaux (par le jeu des identifications) et cognitifs (via
les représentations de sexe) par lesquels l’enfant construit ses représentations
du masculin et du féminin. Suivant ce modèle, les représentations du masculin
et du féminin reposent sur le vécu pulsionnel de l’enfant, sur ses contacts et
ses échanges avec les autres de son environnement et sur ses avancées socié-
tales. Les données de recherche de Goguikian Ratcliff (2002) montrent que les
connaissances de genre issues des expériences pulsionnelles, interactionnelles

27
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

et sociétales de l’enfant se modifient qualitativement et quantitativement avec


le temps. Ses représentations du masculin et du féminin subiraient de grands
changements entre 2 et 5 ans. Ce modèle complexe et ambitieux gagnerait à être
étoffé, opérationnalisé et testé par des chercheurs de différentes orientations.

4. Comportements sexuels
4.1. Comportements de genre et comportements sexuels
Jusqu’ici, le développement de la sexualité chez l’enfant a été abordé sous l’angle
du développement du genre. Il importe maintenant d’aborder la sexualité chez
l’enfant suivant une autre perspective, celle des comportements sexuels, sexua-
lisés et de leur développement. Bien que fondamentale, cette composante de la
sexualité infantile est beaucoup moins documentée dans les études scientifiques.
Les comportements de genre et les comportements sexuels réfèrent à des
réalités distinctes quoique reliées. Du côté du développement du genre, la
compréhension toujours plus complexe qu’a l’enfant de la notion du genre,
combinée à ses expériences de socialisation, lui permettront de définir qui il
est (je suis un garçon, je suis une fille), comment il se sent (je me sens un gar-
çon, je me sens une fille), avec qui il joue, les activités auxquelles il s’adonne,
ses traits de personnalité, ses comportements stéréotypés ou non, ses relations
sociales auprès des amis et amoureux éventuels, ses rôles et ses valeurs.
Du côté du développement sexuel, l’expérience du corps, des plaisirs
sexuels, l’expérience du voir, du toucher, l’expérience des sensations érotiques,
de la curiosité sexuelle et des comportements sexualisés sont autant de dimen-
sions du vécu affectif et sexuel de l’enfant qui participent à la construction
de son sens de soi comme « être sexuel ». Elles marquent le développement
ultérieur de l’enfant.
Les premiers comportements sexualisés de l’enfant seraient dirigés vers
son propre corps et ensuite vers celui des autres (Freud, 1923 ; Mahler, 1973 ;
Schuhrke, 2000). L’expérience sentie de la sexualité chez l’enfant serait toute-
fois dépourvue du caractère passionnel qui caractérise la sexualité de l’adulte
(Thanasiu, 2004). De plus, elle ne pourrait être analysée de façon abstraite
comme en est capable l’adulte. La pensée de l’enfant et du préadolescent,
n’ayant pas encore franchi l’étape des opérations formelles du développement
cognitif (Mounoud, 1979 ; Piaget, 1936), ne pourrait pas fonctionner suivant
une logique hypothético-déductive. Même si certains enfants semblent parfois
faire preuve d’une compréhension « plus adulte » de la sexualité, leur compré-
hension n’en est souvent que superficielle (Thanasiu, 2004). Par ailleurs, les
explorations sexuelles initiées par l’enfant et les conséquences qu’il en retire
marqueraient son développement sexuel subséquent (Freud, 1923 ; Griffee

28
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

et al., 2014). La sexualité infantile se développerait donc suivant des sauts


qualitatifs dans le temps. C’est en traversant des étapes développementales
qu’apparaitraient, chez l’enfant, de nouvelles formes de comportements et
d’expériences sexuelles. De l’ensemble des recherches qui ont testé les théories
portant sur le développement psycho-affectif et sexuel de l’enfant, un point
commun les rassemble : tous les chercheurs retracent à peu près les mêmes
périodes ou étapes évolutives dans la maturation psycho-affective et sexuelle
de l’enfant. De plus, ils retracent approximativement aux mêmes périodes du
parcours évolutif de l’enfant l’apparition de changements qualitatifs dans l’ap-
préhension de son monde (Doucet, 1987).
Si l’on suit ces étapes, le plaisir érotique associé à la première phase du
développement psychosexuel serait relié à la bouche, à la succion, et ce, dans
un but sexuel d’incorporation (Mendez, Varisco, & Carminati, 2008 ; Offer
& Simon, 1976). Le plaisir érotique de la deuxième phase du développement
psychosexuel serait pour sa part associé à des activités de contrôle (retenir,
laisser-aller), voire à des activités sadiques et masochistes. Expériences nor-
matives à cette étape du développement sexuel, le sadisme et le masochisme
chez l’enfant n’ont pas le même sens que chez l’adulte et n’a pas le même sens
que celui que lui prête l’homme ou la femme. Ici, l’enfant prend un malin
plaisir à tester son pouvoir sur l’autre et, par ailleurs, ne rebute pas à souffrir
lorsqu’un plaisir y est associé (ex. : un enfant qui contient ses selles, et ce, au
prix d’une constipation intense). Le plaisir de voir et d’être vu (traduit par des
activités d’exploration sexuelle, des activités génitales, voire par des activités
de voyeurisme et d’exhibitionnisme) caractériserait l’enfant entre 3 et 5 ans.
C’est également à cette période que l’enfant manifesterait des comportements
de séduction à l’égard du parent désiré et des comportements de rivalité, jalou-
sie à l’endroit du parent de son sexe (moins fréquentes à l’égard du parent du
sexe opposé). À la préadolescence, la sexualité chez l’enfant serait toujours
active mais elle serait vécue de façon beaucoup moins intense qu’au cours des
stades précédents. Griffee et al. (2014) soutiennent ces avancées théoriques
psychanalytiques et celles voulant que la sexualité adulte est le produit de la
sexualité infantile. Les résultats de leur étude révèlent en effet que l’intérêt
sexuel infantil (ex. : masturbation, présence de jeux sexuels avec les cama-
rades avant 13 ans) est significativement associé à la qualité et à l’intensité de
l’intérêt sexuel adulte. Dans ce contexte, les auteurs postulent que la sexualité
adulte serait dépendante d’une période critique d’apprentissage de la sexualité
à l’enfance. Il reste que ces résultats demandent à être confirmés par d’autres
études, puisque d’autres chercheurs n’avaient pu observer, 15 ans plus tôt, un
lien entre la masturbation durant l’enfance (la préadolescence), l’expérience
des relations sexuelles et les difficultés sexuelles durant la vie de jeune adulte
(Leitenberg, Detzer, & Srebnik, 1993).

29
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

L’aspect évolutif et diversifié des comportements sexuels est reconnu


dans les recherches empiriques conduites auprès d’enfants. Martinson (1976)
relate, par exemple, l’existence de comportements sexuels persistants et chan-
geants durant la petite enfance, l’enfance moyenne et l’enfance avancée (ex. :
masturbation, érection). D’autres écrits notent l’incidence de comportements
de voyeurisme et d’exhibitionnisme pendant l’enfance, de jeux sexuels, d’ex-
plorations sexuelles et masturbatoires et des comportements sadiques qui
évoluent dans le temps (Friedrich et al., 1992 ; Martinson, 1976 ; Money &
Ehrhardt, 1972 ; Rutter, 1970). Enfin, d’autres recherches empiriques notent la
capacité de l’enfant de 10-11 ans de percevoir/concevoir la relation intime du
couple parental dans ses dimensions exclusivité/privauté, partage d’activités
et d’intérêts, affection et sexualité (De la Vega Salas & Thériault, 2001). Ces
enfants veulent savoir ce que font les parents lorsqu’ils sont dans la chambre à
coucher. Toutefois, la dimension sexuelle de l’intimité du couple parental leur
est plus difficile à décrire et à nommer (De la Vega Salas & Thériault, 2001).
Les raisons invoquées pour expliquer la moins grande prolifération des
recherches dans le domaine des comportements sexuels typiques à l’enfance, com-
parées à celles dans le domaine des comportements de genre à l’enfance, réfèrent
entre autres à la faible accessibilité des enfants. Les enfants n’ont aucune habileté
légale pour fournir un consentement éclairé de participation à la recherche. Leurs
capacités de prise de décision sont limitées en regard de ce qui est bon pour eux.
Ils doivent s’en remettre aux décisions des personnes qui prennent soin d’eux.
Une autre raison invoquée est le fait que la majorité des fonds de recherche dans
le domaine des comportements sexuels infantiles a porté sur l’abus sexuel (Grif-
fee et al., 2014 ; Rapport de l’APA Task force sur le traitement des troubles du
genre, Giami, 2011). Les recherches sur la sexualité typique des enfants sont donc
minoritaires comparées à celles portant sur la sexualité atypique.

4.2. La mesure des comportements sexuels infantiles


Il faudra attendre des chercheurs comme Achenbach et Edelbrock (1983) et
Friedrich et al. (1992) pour documenter systématiquement les comportements
sexuels typiques des enfants. Auteurs d’un questionnaire aux qualités métrono-
miques reconnues (le CBCL : Child Behavior Checklist), Achenbach et Edelbrock
(1983) introduisent, dans leur inventaire des problèmes de comportements, une
liste d’items portant spécifiquement sur la sexualité infantile. Dans la foulée des
travaux de Achenbach et Edelbrock (1983), Friedrich et al. (1992) développent
un outil entièrement consacré à l’évaluation fréquentielle d’une grande variété
de comportements sexuels infantiles. Le CSBI (Child Sexual Behavior Inventory)
provient de la réécriture d’une première version de cet outil et de l’expansion des
items de nature sexuelle du CDCL (Achenbach & Edelbrock, 1983).

30
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

L’étude de Friedrich et al. (1992) est unique puisqu’elle est l’une des rares
études à explorer la sexualité des enfants auprès d’échantillons non-cliniques
(Thanasiu, 2004). Réalisé auprès de mères de familles échantillonnées de façon
aléatoire dans huit villes d’Amérique du Nord (desservies par des cliniques
pédiatriques), l’inventaire des comportements sexuels (CSBI) de Friedrich et
al. (1992) permet de documenter la nature et la fréquence des comportements
sexuels infantiles. Les enfants de cette étude ont été divisés en deux groupes
d’âges (les plus jeunes : 2-6 ans et les plus âgés : 7-12 ans), et ce, afin d’observer
la répétition ou non des comportements sexuels avec l’avancement en âge. Les
constats tirés de ces études montrent la grande variété des comportements
sexuels retrouvés chez les enfants des deux sexes. À noter que les familles
recrutées (n = 880) ne présentaient apparemment pas d’histoire d’abus sexuel.
Quant à la nature des comportements observés, les auteurs distinguent ceux
qui sont observés chez une proportion importante d’enfants (garçons et filles)
et ceux qui ne sont retrouvés que chez une faible proportion d’enfants. Les
comportements sexuels les plus fréquents renvoient, par exemple, au fait de
toucher les seins, d’embrasser des enfants hors famille ou des adultes hors
famille, de s’asseoir en exposant ses organes génitaux, de se dévêtir en pré-
sence des autres ou de jouer « au docteur » (Friedrich et al., 1992).
Quant aux observations propres à chacun des deux groupes d’âge d’enfants,
Friedrich et al. (1992) montrent que les plus jeunes ont une fréquence de com-
portements sexuels plus élevée que celle retrouvée chez les plus vieux, soit les
7-12 ans. En effet, la fréquence serait maximale entre 2 et 6 ans et elle serait
moindre durant l’école primaire. Selon Friedrich et al. (1992), la présence d’une
fréquence élevée de comportements sexuels chez l’enfant du primaire serait inha-
bituelle. Serait également exceptionnelle la situation où l’enfant adopte plusieurs
comportements sexuels qui sont peu ou pas retrouvés par les autres enfants (ex. :
comportements sexuels d’agressivité ouverte vs de passiveté ouverte ; affirma-
tion d’appartenance à l’autre sexe) (Friedrich et al., 1992). L’étude de Friedrich
et al. (1992) recense d’autres comportements sexuels, moins normatifs, mais ces
derniers ne sont pas présentés ici en raison de la visée du présent chapitre : cir-
conscrire la nature et les enjeux du développement typique de la sexualité chez
l’enfant. À noter que les comportements sexuels problématiques, leurs facteurs
de risque et les enjeux rencontrés dans l’intervention seront traités à l’intérieur
du chapitre 3 du présent ouvrage (voir page 83).
Les données issues de la pratique clinique semblent converger avec
celles issues des recherches empiriques : l’activité sexuelle infantile typique
serait majoritairement génitale et varierait avec l’âge. Ce que nous précise la
recherche clinique est que la sexualité infantile typique aurait un caractère de
liberté intérieure (Hayez, 2003). Les affects retrouvés chez les enfants ayant
une sexualité infantile saine seraient de l’ordre du plaisir, de la curiosité, de
la camaraderie (et un peu d’angoisse au fur et à mesure que l’enfant grandit)

31
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

(Hayez, 2003). Lorsque la sexualité infantile est typique, les partenaires de jeux
sexuels ont le même statut et les jeux sont réciproques.

5. Conclusion
Au terme de ce chapitre, il importe de retenir que l’enfant est un être sexuel et
que sa sexualité est évolutive. Sa compréhension et son expérience du genre et
de son identité sexuée changeront avec le temps. De même, son expérience du
désir sexuel, des intérêts sexuels, des comportements sexuels et de ce qu’il ressent
d’excitable se modifiera inévitablement au fil des changements biologiques,
cognitifs, sociaux, affectifs qui marquent son développement. Ces expériences
seront à la base des expériences de socialisation de l’enfant. Ce dernier sera alors
exposé à un ensemble de modèles, de pratiques et de renforcements positifs et
négatifs le dirigeant vers l’adoption ou non de standards de rôle de sexe et de
conduites sexuelles. L’environnement parental et éducatif, tout comme les pairs
sont partie prenante dans ce processus de sexualisation. Toutefois, les cognitions
et le bagage biologique de l’enfant exercent incontestablement leur influence sur
ce qu’il retirera ou non des influences environnementales.
L’interaction entre les forces biologique, sociale et cognitive jalonnant le
parcours évolutif de l’enfant déterminerait les facettes de l’identité de genre de
l’enfant et de ses comportements sexualisés. Et c’est l’étude de ces interactions
qui semble importante à documenter dans les recherches futures sur le déve-
loppement de la sexualité chez l’enfant. L’importance de ces études est d’au-
tant plus grande que le développement sexuel infantile détermine en grande
partie la sexualité des périodes adolescente, jeune adulte et adulte.

6. Références
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Bandura, A. (1977). Social learning theory. Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall.
Bandura, A. (1986). Social foundation of thought and action: A social cognitive theory.
Englewood Cliffs, NJ: Prentice Hall.

32
Chapitre 1 – Le développement de la sexualité chez l’enfant

Banse, R., Gawronski, B., Rebetwz, C., Gutt, H., & Morton, J. B. (2010). The deve-
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38
Chapitre 2
Le développement
psychosexuel à l’adolescence

2 Marie-Aude BOISLARD, Daphne VAN DE BONGARDT


La sexualité des adolescents1 a longtemps été abordée uniquement comme un
problème de santé publique en raison de ses conséquences potentielles néga-
tives, comme les grossesses imprévues et les infections transmissibles sexuel-
lement et par le sang (ITSS), notamment le VIH. Certes, les taux élevés d’ITSS
chez les jeunes sont préoccupants. De toutes les personnes actives sexuelle-
ment, les adolescents présentent les taux d’incidence les plus élevés au Canada
(Rotermann, 2012), aux États-Unis (Chin et al., 2012 ; Finer, 2010 ; Forhan
et al., 2009), en Grande-Bretagne (Wellings et al., 2001), et ailleurs en Occi-
dent (Panchaud, Singh, Feivelson & Darroch, 2000). Les rapports sexuels pré-
coces, l’usage non systématique du préservatif et les partenaires sexuels mul-
tiples – ainsi que leur dangereuse combinaison – sont directement impliqués
dans ces diagnostics d’ITSS et dans les taux élevés de grossesses imprévues à
l’adolescence (Abma et al., 2010 ; Brener, Kann, Lowry, Wechsler, & Romero,
2006 ; Rotermann, 2005, 2012 ; Wellings et al., 2001). Ainsi, les recherches sur
la sexualité des adolescents se sont surtout attardées sur les comportements
sexuels à risque en tentant d’identifier leurs corrélats et précurseurs dans une
optique préventive. Ces recherches ont généré d’abondantes connaissances
sur l’efficacité de certaines stratégies de prévention et d’intervention en édu-
cation et en santé afin de promouvoir une bonne santé sexuelle chez les jeunes
(Caron, Godin, Otis, & Lambert, 2004 ; Salazar et al., 2004). Ainsi, la littérature
sur la sexualité des adolescents porte largement sur les meilleures stratégies
de promotion de l’abstinence ou du report des premières relations sexuelles
(Aarons et al., 2000).

1 L’usage exclusif du masculin est employé uniquement pour alléger le texte ; il réfère cepen-
dant tout autant aux individus de sexe féminin que masculin.

39
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

1. La sexualité : une tâche développementale


à l’adolescence
Cependant, le nouveau millénaire a été marqué par un changement de para-
digme sur la sexualité adolescente. Les travaux récents témoignent d’une nou-
velle conception de la sexualité des jeunes, de plus en plus considérée comme
l’une des tâches développementales de l’adolescence marquant la transition à
l’âge adulte émergent (Boislard, 2014 ; DeLamater & Friedrich, 2002 ; Tolman &
McClelland, 2011). On assiste à un virage notoire vers un agenda de recherche
axé sur la promotion de la santé sexuelle, plutôt qu’uniquement sur la préven-
tion des comportements sexuels à risque. Les experts de la santé reproductive
ont d’ailleurs souligné que la promotion de l’abstinence sexuelle jusqu’à l’âge
adulte comme unique option n’est efficace ni pour retarder les débuts sexuels,
ni pour réduire l’occurrence des comportements sexuels (Kirby, 2008). La
Société de la Médecine adolescente aux États-Unis s’est même prononcée, à
la lecture des données probantes, en défaveur des programmes d’éducation à
la sexualité proposant uniquement l’abstinence ou le report du premier coït,
suggérant plutôt des programmes d’éducation à la sexualité plus complets, qui
incluent des informations justes sur la santé reproductive, les options contra-
ceptives et la promotion de la santé sexuelle (Santelli et al., 2006; Santelli, Ott,
Lyon, Rogers, & Summers, 2006).

2. Portrait actuel de la sexualité des adolescents


2.1. Les répertoires sexuels des adolescents
Les travaux de Kinsey et ses collègues (1953, 1955) ont rapporté dès les années
1950 une prévalence élevée de la masturbation chez les adolescents, une ten-
dance qui continue de s’affirmer depuis (Petersen & Hyde, 2011). La mas-
turbation demeure le comportement sexuel le plus répandu à l’adolescence
(Cloutier & Drapeau, 2008). Néanmoins, entre le début et la fin de l’adoles-
cence, une majorité de jeunes expérimente également ses premiers échanges
érotiques avec un partenaire, et le niveau d’intimité des comportements sexuels
augmente typiquement avec l’âge. Ainsi, les répertoires sexuels s’élargissent
entre le début et la fin de l’adolescence (Hensel, Fortenberry, O’Sullivan, &
Orr, 2011), passant généralement de l’étreinte et des baisers chastes aux bai-
sers passionnés (french kiss), puis aux caresses non génitales et attouchements
légers de la partie supérieure du corps, aux caresses génitales, aux comporte-
ments bucco-génitaux, pour ultimement inclure la pénétration (Hipwell, Kee-
nan, Loeber, & Battista, 2010 ; Williams, Connolly, & Cribbie, 2008). La majo-
rité des adolescents continue de suivre cette trajectoire dans la plupart des

40
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

pays occidentaux (De Graaf, Vanwesenbeeck, Meijer, Woertman, & Meeus,


2009 ; Williams et al., 2008), bien que le rythme d’initiation et de transition
d’une étape à l’autre varie d’un jeune à l’autre. Les adolescents qui suivent cette
séquence ont tendance à adopter des pratiques sexuelles plus sécuritaires que
ceux qui ne suivent pas cette trajectoire séquentielle (De Graaf et al., 2009).
Malgré la diversité des expériences sexuelles à l’adolescence, les travaux sur
la sexualité des adolescents ont porté très majoritairement sur le coït, hormis
quelques études examinant les activités bucco-génitales et leurs corrélats (Hal-
pern-Felsher, Cornell, Kropp, & Tschann, 2005 ; Prinstein, Meade, & Cohen,
2003). Les données montrent que plus de la moitié des adolescents des États-
Unis (Martinez, Copen, & Abma, 2011), du Canada (Maticka-Tyndale, 2008),
de la Grande-Bretagne (Mercer et al., 2013) et des Pays-Bas (De Graaf, Kruijer,
Van Acker, & Meijer, 2012) ont expérimenté la relation coïtale au moment où
ils atteignent l’âge de 18 ans.

2.2. La transition vers une vie sexuelle active


Pour les jeunes hétérosexuels, la transition vers une vie sexuelle active, le plus
souvent marquée par le premier coït, représente un événement majeur et signi-
ficatif de leur développement sexuel (Bajos & Bozon, 2008). Contrairement au
portrait plutôt sombre dépeint par les médias, les adolescents occidentaux de
la génération actuelle ont tendance à avoir leur première relation sexuelle au
même âge que ceux qui ont grandi dans les années 1970 ou 1980 (Maticka-Tyn-
dale, 2008). À titre d’exemple, au Canada, l’âge médian de la première relation
sexuelle se situe à 17 ans, depuis 1980 (Blais, Raymond, Manseau, & Otis, 2009).
En France, au Québec, de même que dans la majorité des pays occidentaux, l’âge
moyen de la première relation sexuelle est aussi de 17 ans (Bozon, 2012 ; Pica et
al., 2012). La proportion de femmes québécoises rapportant avoir eu un rapport
sexuel avant l’âge de 15 ans est passée de 27 % en 1996-1997, à 9 % en 2003 et à
8 % en 2009-2010 (Rotermann, 2008 ; 2012). Chez les garçons, la proportion de
jeunes précoces (c’est-à-dire pour qui la première relation coïtale a eu lieu avant
15 ans) se maintient autour de 10 % (Rotermann, 2012).

2.3. Décalages développementaux dans la transition


vers une vie sexuelle active
Néanmoins, le moment de la transition vers une vie sexuelle active varie d’une
personne à l’autre. Les études montrent qu’il existe d’importantes disparités
entre les trajectoires développementales des jeunes précoces sexuellement
(première relation sexuelle à 15 ans ou moins), dans la moyenne (16-18 ans) et
tardifs (19 ans ou plus), ainsi que dans les facteurs biopsychosociaux associés

41
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

à chacune de ces trajectoires. Cela a été mis en évidence dans une recension de
35 études longitudinales sur les prédicteurs de l’âge au premier coït (Zimmer-
Gembeck & Helfand, 2008).

2.3.1. Précocité
Plusieurs recherches ont également porté sur les risques socio-émotionnels
d’une transition précoce vers une vie sexuelle active, à court et à long terme,
notamment la possibilité que la sexualité précoce nuise à l’atteinte des objectifs
académiques et aux opportunités professionnelles en agissant comme diversion
(McKay, 2004). Même si les activités sexuelles précoces ne sont pas toujours
problématiques (Udell, Sandfort, Reitz, Bos, & Dekovic, 2010), les recherches
indiquent que les jeunes précoces sexuellement sont davantage à risque que
leurs pairs non-précoces. En effet, les adolescents précoces sont plus à risque
d’avoir des expériences sexuelles non consensuelles (De Graaf et al., 2012), de
contracter des ITSS (Kaestle, Halpern, Miller, & Ford, 2005), d’expérimenter
une grossesse imprévue (Wellings et al., 2001) ou de rapporter des problèmes de
santé sexuelle (Bos, Sandfort, De Bruyn, & Hakvoort, 2008), puisqu’ils cumulent
généralement plus de partenaires sexuels et de relations sexuelles non protégées
au cours de leur adolescence (Rotermann, 2008; Siebenbruner, Zimmer-Gem-
beck, & Egeland, 2007). Les jeunes adolescents sont généralement plus impulsifs
(Steinberg et al., 2008) et plus sensibles à la pression sociale (Sumter, Bokhorst,
Steinberg, & Westenberg, 2009) que leurs pairs plus âgés, possèdent moins de
connaissances en matière de sexualité et de contraception, et ont tendance à être
moins confiants et affirmés dans leurs interactions avec leurs partenaires (De
Graaf et al., 2012). Certains auteurs ont aussi soulevé qu’au début ou au milieu de
l’adolescence, les jeunes ont moins de chance d’être « prêts » à avoir des relations
sexuelles saines et consensuelles (Dixon-Mueller, 2008), notamment parce qu’ils
ont généralement été exposés moins longuement à une éducation à la sexualité
que des adolescents plus âgés, et disposent de moins de temps que les autres
pour développer les habiletés sociales, émotionnelles et cognitives requises pour
gérer les défis propres aux premières relations sexuelles et amoureuses, dont la
négociation du port du préservatif. Enfin, la précocité sexuelle a été associée à
plusieurs autres difficultés comportementales et socio-émotionnelles, telles que
l’agressivité et les comportements extériorisés, la consommation de substances
psychotropes, les symptômes dépressifs et les mauvais résultats scolaires (Bois-
lard, Dussault, Brendgen, & Vitaro, 2013, Boislard et Poulin, 2011).
Néanmoins, deux trajectoires distinctes de précocité sexuelle se dégagent
dans la littérature, c’est-à-dire deux ensembles différents de facteurs associés à
une transition vers une vie sexuelle active à 15 ans ou moins (Siebenbruner et
al., 2007). La première trajectoire concerne les adolescents moins conventionnels
dont les liens sociaux avec la famille, l’école ou d’autres institutions sociales sont

42
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

ténus. La deuxième trajectoire regroupe plutôt les adolescents ayant une matu-
ration physique précoce, quelques comportements déviants plutôt communs à
l’adolescence (ex. : consommation d’alcool) et qui sont populaires auprès de leurs
pairs (Zimmer-Gembeck, Siebenbruner, & Collins, 2004). Cette pluralité de tra-
jectoires psychosexuelles s’appuie sur la théorie et la recherche sur le développe-
ment des comportements délinquants à l’adolescence (Moffitt, 1993). Ainsi, des
débuts sexuels précoces pourraient découler soit de difficultés relationnelles et
de comportements à risque, soit d’un développement pubertaire avancé et d’une
intégration précoce à un groupe de pairs mixtes (Boislard & Poulin, 2011).

2.3.2. Tardiveté
Les connaissances actuelles révèlent que les jeunes qui atteignent l’âge adulte
sans avoir eu de relation sexuelle avec un partenaire représentent un groupe
tout aussi hétérogène que les jeunes précoces. Certains n’ont aucune expé-
rience sexuelle avec un partenaire, alors que d’autres n’ont jamais eu de rela-
tion coïtale, mais ont néanmoins eu des expériences sexuelles avec un ou plu-
sieurs partenaires. De plus, puisque le coït constitue le principal marqueur de
la transition vers une vie sexuelle active dans la littérature, les jeunes homo- ou
bisexuels n’ayant jamais eu de relation sexuelle avec un partenaire de l’autre
sexe sont souvent classifiés à tort comme vierges. Diverses raisons sont invo-
quées par ceux – mais surtout celles – qui choisissent de demeurer vierges,
comme le souhait d’éviter les grossesses, l’intention d’attendre de rencontrer
le partenaire amoureux de choix (Carpenter, 2001), ou d’être plus âgé(e) ou
marié(e) (Paradise, Cote, Minsky, Lourenco, & Howland, 2001). Bien que les
valeurs religieuses et la participation régulière à des activités religieuses (Hay-
don, Cheng, Herring, McRee, & Halpern, 2014 ; Paul, Fitzjohn, Eberhart-Phil-
lips, Herbison, & Dickson, 2000) soient fréquemment invoquées pour soutenir
le choix de reporter les relations sexuelles, l’abstinence sexuelle fait également
partie de la construction identitaire de certains jeunes non pratiquants (Mul-
laney, 2006), dont les asexuels, qui représentent grosso modo 1 % de la popula-
tion générale (Bogaert, 2004). L’absence d’attirance sexuelle envers une autre
personne à l’adolescence est associée prospectivement à la virginité et à l’inex-
périence sexuelle au début de l’âge adulte (Haydon et al., 2014).
Par ailleurs, de récentes études révèlent que d’autres facteurs peuvent
entrer en jeu pour expliquer la virginité au début de l’âge adulte. Par exemple,
les adolescents retirés socialement, très anxieux, perçus comme non attirants,
ayant peu de soutien social, ou dont l’indice de masse corporelle est élevé, sont
davantage susceptibles d’être vierges au début – et au-delà – de l’âge adulte
émergent (Haydon et al., 2014 ; Halpern, Waller, Spriggs, & Hallfors, 2006 ;
Zimmer-Gembeck & Helfand, 2008). Ainsi, chez certains jeunes impopu-
laires auprès de leurs pairs, la virginité peut révéler un manque d’intégration

43
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sociale et d’opportunités amoureuses et sexuelles (Richards-Shubik, 2015). En


somme, les études montrent qu’il semble y avoir une fenêtre développementale
normative « optimale » pour effectuer la transition vers une vie sexuelle active.
Dans la plupart des pays occidentaux, cette transition a lieu entre 16 et 18 ans
pour la grande majorité des adolescents (Zimmer-Gembeck & Helfand, 2008).
Ceux qui sont désynchronisés par rapport aux autres (c’est-à-dire précoces ou
tardifs) semblent plus vulnérables à développer des difficultés d’adaptation et
des problèmes de santé mentale et sexuelle.

2.4. La sexualité des adolescents d’hier à aujourd’hui


En plus de vivre leurs débuts sexuels à des âges similaires aux jeunes des géné-
rations précédentes, une majorité d’adolescents actifs sexuellement rapporte
avoir eu un ou deux partenaires sexuels seulement. Une étude menée auprès
d’adolescents canadiens révèle qu’environ 30 % des élèves de 8e année2 et 15 %
des élèves de 11e année3 actifs sexuellement ont eu une seule relation sexuelle,
et que 30 % d’élèves de chaque groupe rapportent des relations sexuelles à
quelques reprises seulement (Boyce et al., 2006). La proportion d’adolescents
ayant eu plus de six partenaires au cours de leur vie a aussi diminué au Québec
entre 1988 et 2002, passant de 24 % à 15 % chez les garçons et de 11 % à 9 %
chez les filles (Boyce, Doherty, Fortin, & McKinnon, 2003). Globalement, les
adolescents actifs sexuellement de la génération actuelle semblent également
utiliser les méthodes contraceptives d’une manière plus constante que les
adolescents nés avant les années 1990 (Boislard & Zimmer-Gembeck, 2012).
Par contre, l’utilisation du préservatif lors de la dernière relation sexuelle
est moins fréquente au fur et à mesure que les adolescents avancent en âge
(Kann et al., 1995), notamment parce que les adolescents plus âgés ont de
plus grandes probabilités d’être en relation amoureuse monogame et stable,
dans laquelle ils optent souvent pour une autre méthode contraceptive (Van
Empelen & Kok, 2006). Aujourd’hui, les adolescents possèdent de meilleures
connaissances et un accès plus facile aux préservatifs, du moins en Amérique
du Nord et en Europe. Certaines enquêtes populationnelles chiffrent même les
rapports sexuels sans aucune forme de contraception à moins de 10 % chez les
adolescents (Boyce et al., 2006).

2.5. Limites méthodologiques et défis du domaine


La très grande majorité des connaissances que nous détenons sur la sexualité
des adolescents relève d’études dont les données sont autorapportées. Or, ces

2 C’est-à-dire en 4e en France.
3 C’est-à-dire en 1re en France.

44
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

données sont questionnables en raison de multiples biais (Boislard & Poulin,


2014). D’abord, les garçons ont tendance à gonfler leurs expériences sexuelles
et les filles, à les sous-rapporter (Siegel, Aten, & Roghmann, 1998). De plus,
la définition même de ce qui constitue une relation sexuelle n’est pas consen-
suelle auprès des jeunes (Sanders & Reisnisch, 1999). Ensuite, il est difficile
d’estimer avec précision l’âge de la première relation sexuelle d’une cohorte à
l’autre, notamment à cause d’importantes variations méthodologiques entre
les enquêtes, de l’utilisation de mesures de tendances centrales diversifiées,
d’échantillons aux âges variés, du manque d’études probabilistes et de la
nature sensible du sujet. De façon générale, les recherches sexologiques sont
aussi contraintes à des biais liés aux caractéristiques des participants (i.e. âge,
genre, croyances sur la sexualité, etc.) et aux instruments utilisés pour mesurer
les comportements sexuels (i.e. journal de bord, questionnaire, entrevue, etc.).
De plus, la majorité des études sont transversales et rétrospectives. Or, les
études rétrospectives soulèvent la question de la validité des données rappor-
tées a posteriori par les participants, qui peuvent être teintées par les événe-
ments plus récents et sujettes aux oublis. Des études longitudinales ont révélé
qu’une proportion importante de participants se contredisent d’un temps de
mesure à l’autre, tant au niveau de l’occurrence qu’au niveau de l’âge de la pre-
mière relation sexuelle, et ce, même lorsque les périodes de passation de ques-
tionnaires sont rapprochées. Même si les études longitudinales comprennent
aussi des enjeux méthodologiques, le choix d’un devis à mesures répétées
constitue une avancée intéressante pour détecter les incohérences développe-
mentales. De fait, les études qui reposent sur des devis longitudinaux et pros-
pectifs sont de plus en plus nombreuses et contribuent à mieux distinguer
les facteurs prédisposant, précipitant, maintenant ou découlant des compor-
tements sexuels à risque. Enfin, les études épidémiologiques et probabilistes
qui documentent les pratiques sexuelles des adolescents ont majoritairement
été réalisées aux États-Unis. Les informations sur les pratiques sexuelles des
jeunes d’autres pays, dont les jeunes francophones, sont plus restreintes.

2.6. Les rapports sexuels non consensuels


ou perçus comme attendus
De surcroît, la question du consentement sexuel n’est pas toujours explicite
dans la formulation des questions posées aux adolescents, générant inévita-
blement des variations factices dans les âges de la transition à une vie sexuelle
active d’une étude à l’autre. De ce fait, la première relation sexuelle consen-
tante et mutuellement désirée peut être confondue avec une relation sexuelle
ayant précédemment eu lieu dans un rapport d’abus de pouvoir, de force ou
de coercition. Les données d’enquêtes populationnelles américaines (Add
Health) indiquent également que certains jeunes plus vulnérables rapportent

45
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

avoir eu, à répétition, des comportements sexuels qu’ils n’ont pas aimés. Aux
États-Unis, ces taux sont de 12 % chez les jeunes filles et de 3 % chez les jeunes
garçons (Kaestle, 2009). Lorsque questionnés sur la nature de ces compor-
tements sexuels, les données recueillies auprès des adolescents suggèrent
que certaines pratiques, notamment la fellation et la pénétration anale, sont
davantage perçues par certains jeunes comme des comportements attendus
que comme des comportement choisis (Tolman & McClelland, 2011).

2.7. Les activités sexuelles avec des partenaires


non romantiques
Bien que la majorité des adolescents s’engage dans des relations sexuelles dans
le contexte des fréquentations et relations amoureuses (Bouchey & Furman,
2003; Furman & Shaffer, 2011; Manning, Longmore, & Giordano, 2000), la
recherche sur les relations sexuelles à l’extérieur du cadre amoureux (hook up)
a connu une nette progression dans les dernières années (Heldman & Wade,
2010). Dans leur étude menée auprès de 1011 adolescents de 13 à 18 ans, For-
tunato, Young, Boyd, et Fons (2010) rapportent que 28 % d’entre eux ont pris
part à un hook up à au moins une occasion. Les hook ups sont des rencontres
informelles sans entente d’exclusivité sexuelle dans lesquelles ont lieu des
échanges sexuels allant du baiser à la pénétration vaginale ou anale (Fortunato
et al., 2010). Ces échanges sexuels ont plus souvent lieu entre amis qu’avec
des personnes inconnues (Furman & Shaffer, 2011) et sont plus fréquents
au début de l’âge adulte qu’à l’adolescence (Heldman & Wade, 2010). Enfin,
une étude québécoise révèle que plus des trois quarts des adolescents interro-
gés rapportent avoir été exposés, comme observateurs ou participants, à des
« activités sociales sexualisées », comme la « danse sandwich », les concours
de striptease ou les baisers avec des partenaires de même sexe en vue d’exci-
ter d’autres personnes (Lavoie, Larrivée & Gagné, 2011). Plus de filles que de
garçons rapportent participer à des activités sociales sexualisées et certaines
mentionnent un malaise ultérieurement.

3. Les corrélats biopsychosociaux de la sexualité


adolescente
Selon le modèle écologique (Bronfenbrenner & Ceci, 1994), les changements
survenant dans les comportements, cognitions et émotions des adolescents
résultent d’interactions continues entre les caractéristiques individuelles de
l’adolescent et les facteurs socioculturels. Plusieurs études empiriques sou-
tiennent cette théorie et montrent que le développement psychosexuel des

46
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

adolescents constitue un processus biopsychosocial (Meschke, Zweig, Bar-


ber, & Eccles, 2000). Les corrélats biologiques, psychologiques et sociaux (i.e.
parents, pairs, médias) de la sexualité adolescente sont présentés dans la sec-
tion suivante.

3.1. Facteurs biologiques


En ce qui concerne les facteurs biologiques, la recherche dans le domaine a
démontré que les adolescents ayant une maturation pubertaire précoce ont
tendance à avoir des expériences sexuelles plus tôt que leurs pairs typiques
et tardifs (Baams, Dubas, Overbeek, & Van Aken, 2015). D’un point de vue
biologique, la puberté engendre une hausse du désir sexuel et l’activation des
capacités reproductives (Baams, Dubas et al., 2015). D’un point de vue psy-
chosocial, la relation entre les timings pubertaire et sexuel est partiellement
médiée par une plus haute auto-évaluation de ses capacités de séduction,
chez les garçons seulement (James, Ellis, Schlomer, & Garber, 2012). Chez
les filles, ce lien est plus complexe. Certains soutiennent que, comme pour les
garçons, une puberté précoce chez les filles augmente leur statut social et leur
attractivité physique, notamment auprès des garçons plus âgés (Friedlander,
Connolly, Pepler, & Craig, 2007). Cependant, un développement pubertaire
précoce peut aussi causer de l’insécurité et de l’isolement social (Jones &
Mussen, 1963; Mussen & Jones, 1963). Généralement, les filles sont plus insa-
tisfaites des changements corporels engendrés par la puberté que les garçons.
À l’adolescence, la majorité des garçons et des filles se soucient de leur
image corporelle, que ce soit leurs look, traits, taille, poids, tissus adipeux,
masse musculaire ou silhouette. Plusieurs adolescents sont également préoc-
cupés par leurs caractères sexuels secondaires, comme la taille du pénis ou des
seins. Ces préoccupations sont généralement exacerbées lorsque les change-
ments pubertaires surviennent à un âge qui s’écarte de la moyenne (Graber,
Nichols, & Brooks-Gunn, 2010). Or, une évaluation négative de son apparence
interfère dans la qualité des relations interpersonnelles, particulièrement dans
les relations intimes. Par exemple, une image corporelle négative est associée
à davantage de distractions lors des relations sexuelles et de comportements
d’évitement sexuel, ainsi qu’à de faibles auto-évaluations d’efficacité sexuelle
et de désirabilité (Wiederman, 2011). En outre, plus cette insatisfaction est éle-
vée, moins les adolescents négocient le port du condom et l’utilisent de façon
constante (Schooler, 2013).

3.2. Facteurs psychologiques


Une caractéristique psychologique importante liée au moment de la transition
sexuelle est l’estime de soi. Plusieurs études ont montré que les adolescents

47
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

ayant une bonne estime d’eux-mêmes initient leur vie sexuelle plus tardive-
ment (Ethier et al., 2006; Kerpelman, McElwain, Pittman, & Adler-Baeder,
2016). Une explication possible de cette relation pourrait résider dans le fait
que les adolescents avec une meilleure estime d’eux-mêmes sont généralement
plus à l’aise de communiquer leurs préférences et limites personnelles (Small,
Silverberg, & Kerns, 1993) et davantage capables de résister à la pression des
pairs (Bámaca & Umaña-Taylor, 2006). Il semble toutefois que l’estime de soi
ait un lien différent avec le timing sexuel et le genre. Pour les garçons, une
estime de soi élevée est associée à une initiation sexuelle plus précoce et à un
usage moins systématique du condom (Kotchick, Shaffer, Forehand, & Miller,
2001), alors que pour les filles, une estime de soi élevée conduit à une initiation
sexuelle plus tardive (Crockett, Bingham, Chopak, & Vicary, 1996; Spencer,
Zimet, Aalsma, & Orr, 2002), et une faible estime de soi, à une sexualité plus
précoce (Price & Hyde, 2009). Ce phénomène est peut-être aussi lié à l’évalua-
tion sociale généralement plus positive de l’activité sexuelle précoce pour les
garçons que pour les filles (Crawford & Popp, 2003; Lyons, Giordano, Man-
ning, & Longmore, 2011). De même, les symptômes intériorisés (i.e. symp-
tômes dépressifs et anxieux) exercent un effet contraire d’un genre à l’autre :
pour les filles, ils semblent précipiter les débuts sexuels, et pour les garçons, les
retarder, voire les inhiber.

3.3. Facteurs sociaux


En ce qui concerne le contexte social, les parents, les pairs et les médias sont
des facteurs proximaux importants des comportements sexuels adolescents.

3.3.1. Parents
Au cours des dernières décennies, le rôle des parents dans le développement
sexuel des adolescents a été couvert par une littérature abondante. Les dif-
férentes dimensions documentées se regroupent autour des caractéristiques
parentales et de la relation parent-adolescent d’une part, et des pratiques
parentales spécifiquement liées à la sexualité d’autre part. En ce qui a trait aux
caractéristiques parentales et de la relation parent-adolescent, une recension
systématique de 55 études internationales a mis en lumière que les adoles-
cents qui ont une relation de bonne qualité avec leurs parents – caractéri-
sée par de hauts niveaux de tendresse, de proximité et de soutien –, dont les
parents connaissent les fréquentations et la façon dont ils occupent leur temps
libre, et soutiennent l’autonomie débutent leur vie sexuelle plus tard et de
façon plus sécuritaire, ont des expériences sexuelles plus positives et une plus
grande satisfaction sexuelle (De Graaf, Vanwesenbeeck, Woertman, & Meeus,
2011). Cependant, la qualité de la relation parent-adolescent et les pratiques

48
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

parentales semblent être plus fortement associées aux comportements sexuels


des filles que des garçons, en promouvant chez elles une meilleure estime
d’elles-mêmes (De Graaf et al., 2009; Kincaid, Jones, Sterrett, & McKee, 2012).
En outre, les études convergent quant à l’importance d’une bonne supervi-
sion parentale et d’un bon contrôle – comportemental, non psychologique –,
de l’établissement de limites claires, d’une relation parent-adolescent de qua-
lité et d’un bon soutien parental pour retarder les débuts sexuels et favori-
ser l’adoption de pratiques sexuelles sécuritaires (Boislard, Poulin, Kiesner,
& Dishion, 2009; Friedlander et al., 2007; Raffaelli & Crockett, 2003; Roche
et al., 2005). Ainsi, la recherche sur la sexualité des adolescents continue de
soutenir l’efficacité du style parental démocratique proposé par Baumrind
(1967), caractérisé par un contrôle et une sensibilité élevés. Quelques études
suggèrent que les adolescents à qui les parents laissent peu d’autonomie ont
de plus fortes chances d’être précoces sexuellement (Upchurch, Aneshensel,
Sucoff, & Levy-Storms, 1999), ce qui suggère qu’au-delà d’un seuil optimal, le
contrôle parental peut avoir des effets pervers sur la sexualité des adolescents.
La plupart des travaux portant sur le lien entre les pratiques parentales
et le développement psychosexuel des adolescents ont examiné cette associa-
tion directe. Toutefois, certains travaux révèlent que les parents pourraient
aussi influencer la sexualité adolescente d’une manière plus indirecte (John-
son, 2013; Markham et al., 2010; Van de Bongardt, Reitz, & Deković, 2015).
Par exemple, il est possible que les effets protecteurs d’une relation parents-
adolescent de qualité aient une influence sur les comportements sexuels de
l’adolescent en favorisant un contexte développemental stimulant la prise de
décisions sexuelles responsables et saines. En effet, les adolescents qui ont une
bonne relation avec leurs parents ont tendance à consommer moins d’alcool
et, par conséquent, à avoir moins de relations sexuelles occasionnelles et de
hooks up (Johnson, 2013). Ces études nous permettent de mieux comprendre
les mécanismes médiateurs par lesquels les parents contribuent au dévelop-
pement psychosexuel sain et positif de leur adolescent. Cependant, lorsque
les pratiques parentales sont prises en compte, le soutien parental et la qualité
des liens familiaux perdent leur contribution unique dans le report des débuts
sexuels (Zimmer-Gembeck & Helfand, 2008).
Les pratiques parentales spécifiques à la sexualité de l’adolescent incluent
les comportements parentaux directs, comme la communication parent-ado-
lescent à propos de la sexualité et les comportements parentaux indirects,
comme les attitudes parentales en lien avec la sexualité adolescente (Dittus,
Jaccard, & Gordon, 1999). Tandis que l’approbation parentale des comporte-
ments sexuels chez les adolescents a été systématiquement liée à de plus hauts
niveaux d’activités sexuelles chez les adolescents (Buhi & Goodson, 2007;
Kotchick et al., 2001; Meschke et al., 2002), les résultats sur la communica-
tion directe parent-adolescent en lien avec la sexualité ne sont pas aussi clairs

49
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

(Dilorio, Pluhar, Belcher, 2003; Markham et al., 2010; Miller, 2002). Certaines
études rapportent que la communication parent-adolescent sur la sexualité
est associée positivement au report de la sexualité (Hutchinson, 2002; Miller,
Forehand, & Kotchick, 1999) et aux pratiques sexuelles sécuritaires (Whita-
ker & Miller, 2000), et d’autres à davantage d’expériences sexuelles (Davis &
Friel, 2001; Parkes, Henderson, Wight, & Nixon, 2011; Pearson, Muller, &
Frisco, 2006). Des études longitudinales relatent que les adolescents qui com-
muniquent plus avec leurs parents à propos de la sexualité ont davantage de
comportements sexuels, mais n’ont pas plus d’intentions sexuelles (Beadnell
et al., 2007; Van de Bongardt, De Graaf, Reitz, & Deković, 2014). Ces résultats
suggèrent que la communication parent-adolescent à propos de la sexualité
survient souvent après que les adolescents aient commencé à être impliqués
romantiquement et sexuellement avec un partenaire (Beckett et al., 2010;
Eisenberg, Sieving, Bearinger, Swain, & Resnick, 2006). Ainsi, au-delà de l’oc-
currence et de la fréquence des discussions parent-adolescent sur la sexualité,
il semble que le timing, le contenu et les processus de communication au sujet
de la sexualité soient de meilleurs prédicteurs des comportements sexuels des
adolescents (Kotchick et al., 2001).
Les approches transactionnelles suggèrent que les individus en développe-
ment et leur environnement social s’influencent mutuellement (Sameroff &
MacKenzie, 2003; Smetana, Campione-Barr, & Metzger, 2006). Selon cette
perspective, les comportements parentaux n’affectent pas unilatéralement la
sexualité adolescente, mais sont aussi affectés par celle-ci. Quelques études
empiriques récentes soutiennent cette proposition. Par exemple, Ream et
Savin-Williams (2005) ont observé que l’initiation des adolescents aux rela-
tions sexuelles coïtales était précédée et suivie par une diminution des activités
familiales et de la proximité parent-adolescent et par une augmentation des
interactions focalisées sur les problèmes. Henrich, Brookmeyer, Shrier, et Sha-
har (2006) ont découvert que de hauts niveaux de connexion parent-adolescent
étaient associés à une probabilité réduite de comportements sexuels à risque
et que les comportements sexuels à risque, à leur tour, avaient un effet négatif
sur les niveaux subséquents de connexion avec les parents. Coley, Votruba-
Drzal et Schindler (2009) ont observé des associations réciproques entre l’aug-
mentation des comportements sexuels à risque et la diminution des activi-
tés familiales et des connaissances parentales. Ensemble, ces études illustrent
l’importance de considérer les pratiques parentales et le développement psy-
chosexuel adolescent en termes de processus bidirectionnel. D’autres études
sont nécessaires pour mieux départager l’influence de la sexualité des adoles-
cents sur les pratiques parentales de la mère (ou son substitut) et du père (ou
son substitut), et vice-versa (Coley et al., 2009). En sommes plusieurs aspects
des liens qu’entretiennent les adolescents avec leurs parents ont été associés
à leurs pratiques sexuelles. Par contre, ces associations sont habituellement

50
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

faibles lorsque comparées aux relations avec leurs pairs dans les modèles qui
tiennent compte de divers agents de socialisation simultanément.

3.3.2. Pairs
Bien que les parents demeurent des cadres de référence importants dans la
formation des attitudes et comportements sexuels, les adolescent passent de
plus en plus de temps avec leurs pairs (Brown, Dolcini, & Leventhal, 1997)
et s’appuient sur leurs amis pour consolider leur identité, trouver du soutien
(Hergovich, Sirsch, & Felinger, 2002). Dans la littérature, plusieurs aspects des
relations amicales ont été associés aux comportements sexuels des adolescents,
incluant la quantité de temps passé avec les amis (Barnes, Hoffman, Welte,
Farrell, & Dintcheff, 2007), le niveau de connexion ressenti (Markham et al.,
2010), l’âge et le genre des amis (Boislard & Poulin, 2011 ; Cavanagh, 2004),
leur influence positive (Manlove, Logan, Moore, & Ikramullah, 2008) ou néga-
tive (Boislard et al., 2009 ; Dishion, Ha, & Veronneau, 2012) ainsi que la fré-
quence et le contenu des conversations avec les amis à propos de la sexualité
(Busse, Fishbein, Bleakley, & Hennessy, 2010). Ce large bassin d’études permet
d’illustrer l’ampleur de l’influence des pairs dans le développement sexuel des
adolescents.
Une méta-analyse récente a examiné une partie de cette littérature en ana-
lysant 58 études internationales qui étudiaient comment les comportements
sexuels adolescents étaient liés aux normes sexuelles dans les groupe de pairs
(Van de Bongardt, Reitz, Sandfort, & Deković, 2015). Cette méta-analyse s’ap-
puie sur la théorie des normes sociales selon laquelle les individus ont géné-
ralement tendance à arrimer leurs comportements à leurs perceptions des
comportements prévalents, acceptés ou désirés chez leurs référents sociaux
valorisés (Cialdini & Trost, 1998). La théorie des normes sociales distingue
trois types de normes via lesquelles les contextes sociaux peuvent affecter
les comportements : les normes descriptives, les injonctions et la pression
des pairs. Au niveau de la sexualité des adolescents, les normes descriptives
réfèrent aux comportements sexuels des pairs, réels ou perçus, les injonc-
tions à l’approbation ou la désapprobation, réelle ou perçue, des relations
sexuelles par les pairs et la pression, aux encouragements explicites et actifs à
avoir des relations sexuelles de la part des pairs. Dans cette méta-analyse, les
auteurs ont découvert que ces trois types de normes sexuelles étaient reliés
aux comportements sexuels adolescents. Spécifiquement, les adolescents qui
percevaient leurs pairs comme étant actifs sexuellement, favorables aux rela-
tions sexuelles et exerçant de la pression à avoir des relations sexuelles étaient
eux-mêmes plus actifs sexuellement. Les adolescents qui croyaient que leurs
pairs s’engageaient dans des comportements sexuels à risque étaient aussi plus
susceptibles de s’engager dans ce type de comportement. Toutefois, l’activité

51
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sexuelle adolescente était plus fortement associée aux normes descriptives


qu’aux injonctions ou à la pression des pairs. Aussi, les normes descriptives
avaient davantage d’influence sur l’initiation sexuelle que sur les comporte-
ments sexuels à risque.
De surcroît, les normes véhiculées dans les groupes de pairs, la fréquenta-
tion d’un groupe de pairs mixtes et les premières relations amoureuses sont
parmi les plus importants prédicteurs de la transition vers une vie sexuelle
active (Boislard & Poulin, 2011 ; Siebenbruner et al., 2007 ; Zimmer-Gembeck
& Helfand, 2008). Ainsi, plus le niveau de mixité du réseau d’amis est élevé,
plus nombreuses sont les opportunités sexuelles. Les attitudes et les compor-
tements des amis ont aussi une influence ; les adolescents précoces, utilisant
peu le préservatif et cumulant plusieurs partenaires sexuels ont souvent des
amis actifs et permissifs sexuellement, qui consomment des substances psy-
choactives et adoptent des comportements transgressifs (Boislard et al., 2009 ;
Lansford et al., 2010). Fait intéressant, les jeunes ayant des attitudes libérales
envers les comportements déviants et la prise de risques sont davantage appré-
ciés par leurs pairs de l’autre sexe et les adolescents actifs sexuellement sont
perçus par leurs pairs comme populaires (Prinstein et al., 2003). De plus, la
popularité auprès des pairs en dixième année4 prédit une augmentation de
l’usage d’alcool et de l’activité sexuelle deux ans plus tard (Mayeux, Sands-
trom, & Cillessen, 2008). Ainsi, les jeunes qui ont des relations sexuelles
semblent plus populaires et intégrés socialement et ils consomment davan-
tage d’alcool. Les partenaires amoureux sont aussi des pairs importants qui
affectent les attitudes envers la sexualité et les comportements sexuels. Pour
certains garçons, les comportements extériorisés comme la consommation de
substances psychoactives augmentent leur visibilité et leur popularité auprès
des filles et ainsi facilitent l’accès à des partenaires et opportunités sexuelles
(Bukowski, Sippola, Hoza, & Newcomb, 2000).
Pour comprendre l’influence des amis à l’adolescence, y compris au niveau
des pratiques et normes sexuelles, plusieurs études ont examiné les proces-
sus de sélection (tendance à s’affilier avec des pairs similaires) et de socialisa-
tion (tendance à adopter des comportements similaires à ceux des pairs) qui
s’opèrent dans les groupes de jeunes (Brechwald & Prinstein, 2011 ; Heilbron
& Prinstein, 2008). Bien que certaines études longitudinales aient observé
une supériorité du modèle de socialisation pour expliquer les comportements
sexuels à risque (Boislard et al., 2009), d’autres suggèrent que les adolescents
sélectionnent a priori des amis qui partagent leurs attitudes en matière de
sexualité (théorie de l’homophilie ; Kandel, 1978). D’autres appuis aux effets
de sélection ont été fournis par une analyse de réseaux de jeunes Néerlandais,
qui a découvert que les adolescents avaient tendance à se regrouper en fonc-
tion des similitudes dans leurs intentions d’avoir ou non des relations sexuelles

4 C’est-à-dire en seconde en France.

52
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

(Baams, Overbeek, Van de Bongardt et al., 2015). Ensemble, ces résultats sou-
lignent l’apport des devis de recherche longitudinaux pour accroître notre
compréhension des associations bidirectionnelles entre les normes sexuelles
des pairs et les attitudes et comportements des adolescents.

3.3.3. Effets combinés des parents et des pairs


Les sections précédentes ont illustré les rôles des parents et des pairs dans le
développement psychosexuel des adolescents. Dans la littérature, les parents
sont souvent considérés comme des agents retardant l’activité sexuelle
adolescente et les pairs, comme des agents la stimulant (Buhi & Goodson,
2007 ; Kotchick et al., 2001). Puisque les parents et les pairs peuvent avoir
des influences contradictoires sur les comportements sexuels des adolescents
(Fasula & Miller, 2006), il est important que leurs apports ne soient pas seu-
lement considérés séparément, mais simultanément. Plusieurs études ont
examiné les effets combinés des parents et des pairs sur le développement
psychosexuel des adolescents. La plupart de ces études ont relevé que les com-
portements parentaux (ex. : surveillance, pratiques parentales, désapproba-
tion de la sexualité adolescente et communication à propos de la sexualité)
peuvent contrer l’influence des pairs. Par exemple, il a été observé que les
parents peuvent réduire l’influence des pairs sur les intentions, les comporte-
ments sexuels et les grossesses non désirées chez les adolescents (Whitaker &
Miller, 2000 ; Fasula & Miller, 2006 ; Van de Bongardt et al., 2014 ; East, Khoo
& Reyes, 2010). Toutefois, l’étude récente de Beyers, Veryser et Verlee (2015)
contredit ces résultats. Les auteurs ont observé que des pratiques parentales
positives (c’est-à-dire encadrantes et soutenant l’autonomie) renforcent les
associations entre les normes sexuelles des pairs et les comportements sexuels
des jeunes Belges. Ce résultat était particulièrement vrai à la fin de l’adoles-
cence, une fenêtre développementale où la sexualité est prévalente. Ces études
montrent que les parents et les pairs jouent des rôles distincts et complémen-
taires dans la sexualité des adolescents et que les parents continuent d’exercer
une influence même si celle des amis devient plus importante à l’adolescence
(Maguen & Armistead, 2006).

3.3.4. Médias
Dans les sociétés occidentales contemporaines, les adolescents sont sociali-
sés par plusieurs médias présentant souvent du contenu sexualisé. Dans une
étude à grande échelle chez des jeunes Néerlandais âgés de 12 et 25 ans, les
participants ont rapporté avoir été en contact avec des images de nudité et
de sexualité par de nombreux types de médias, comme les vidéoclips, les sites
Internet pornographiques, les magazines pornographiques ou érotiques, les

53
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

films érotiques à la télévision ou sur DVD (De Graaf et al., 2012). Au Qué-
bec, selon les résultats d’une étude réalisée en 2011 auprès de 608 jeunes d’âge
secondaire âgés de 13 à 17 ans, entre 22 et 26 % des filles et entre 74 et 85 % des
garçons rapportaient avoir intentionnellement recherché et visionné du maté-
riel sexuellement explicite sur Internet (Pelletier-Dumas, 2011), une tendance
possiblement estimée chez les filles en raison du double standard sexuel.
Plusieurs études ont établi que les adolescents exposés à du contenu sexuel-
lement explicite et qui interprètent ces messages médiatiques comme endos-
sant la sexualité adolescente ont plus l’intention d’avoir des relations sexuelles
et deviennent sexuellement actifs plus tôt (Brown et al., 2006 ; L’Engle, Brown,
& Kenneavy, 2006). Une étude de Poulin (2011) révèle que plus un adolescent
consomme de la pornographie tôt, plus il a tendance à vouloir reproduire les
pratiques sexuelles auxquelles il a été exposé et plus il risque d’en consommer
régulièrement et fréquemment. Brown et L’Engle (2009) ont observé que l’ex-
position à du contenu sexuellement explicite n’était pas seulement reliée aux
comportements sexuels des adolescents, mais aussi à leurs attitudes. Plus spé-
cifiquement, les garçons davantage exposés au matériel sexuellement explicite
étaient plus actifs sexuellement, rapportaient des normes sexuelles plus per-
missives et perpétraient davantage de harcèlement sexuel que leurs pairs. De
plus, ceux qui consomment régulièrement du matériel pornographique ont
davantage d’expériences sexuelles, de partenaires occasionnels et de relations
sexuelles hors du cadre amoureux que ceux qui en consomment occasionnel-
lement ou pas du tout (Mattebo, Tydén, Häggström-Nordin, Nilsson, & Lars-
son, 2013). La consommation régulière de pornographie est également asso-
ciée à davantage de croyances soutenant la violence envers les femmes, ainsi
qu’un regard moins critique face aux mythes associés aux agressions sexuelles
(Vega & Malamuth, 2007), une association qui s’avère encore plus prononcée
lorsque le matériel visionné comprend des scènes de violence sexuelle (Kings-
ton, Malamuth, Fedoroff, & Marshall, 2009). Les stéréotypes comme l’instru-
mentalisation du corps féminin et la focalisation sur le plaisir masculin, véhi-
culés dans la pornographie, peuvent modeler les représentations genrales et
sexuelles, particulièrement chez les jeunes les plus vulnérables.
Chez les filles, l’exposition à des médias sexuellement explicites est aussi liée
à davantage d’activités sexuelles et à des stéréotypes de genre moins progres-
sistes. Pris ensemble, ces résultats, combinés à ceux d’une méta-analyse sur la
question, montrent que la consommation de pornographie est liée aux attitudes
endossant la violence envers les femmes, tant dans les études expérimentales
que dans les recherches quasi-expérimentales et corrélationnelles (Kingston et
al., 2009 ; Oddone-Paolucci, Genuis, & Violato, 2000). Bien qu’une minorité
d’adolescents de sexe masculin traduira ces attitudes en gestes, même dans des
échantillons normatifs de jeunes hommes collégiens, une grande consomma-
tion de matériel pornographique est associée à davantage de comportements

54
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

autorapportés de coercition et de violence sexuelle (Malamuth, Addison, &


Koss, 2000 ; Vega & Malamuth, 2007). Néanmoins, le phénomène de l’hyper-
accessibilité de la pornographie étant relativement récent, d’autres études sont
nécessaires pour en dégager les effets sur la sexualité des jeunes, à court et à long
terme, ainsi que les variables qui modulent et expliquent ce lien.

Usage des médias et image corporelle chez les adolescents


Parallèlement aux effets de l’exposition à des contenus médiatiques sexualisés
sur les comportements et les attitudes sexuels, d’autres études se sont intéressées
à ses effets sur l’image corporelle des adolescents. Dans une étude menée auprès
de 604 adolescents néerlandais, De Vries, Peter, De Graaf et Nikken (2015) ont
découvert que les jeunes faisant un usage plus fréquent des médias sociaux rap-
portaient recevoir davantage de rétroaction sur leur apparence et être plus insa-
tisfaits de leur corps. Meier et Gray (2014) ont aussi observé que les jeunes filles
américaines qui affichaient plus de photos d’elles-mêmes ou de leurs amis sur
leur profil Facebook® étaient moins satisfaites de leur poids, avaient des idéaux
de minceur plus prononcés et plus de comportements d’auto-objectification.
Une autre étude néerlandaise rapporte que les adolescents qui s’engagent dans
davantage de comportements sexuels en ligne attachent plus d’importance à
l’apparence et ont une image corporelle plus négative (Doornwaard, Bickham
et al., 2014). Puisqu’ils sont fortement exposés à des images, des publicités et du
matériel médiatique sous diverses formes proposant des silhouettes retouchées
et des modèles de beauté inatteignables, les données illustrent que les jeunes qui
s’y comparent davantage sont particulièrement vulnérables et susceptibles de
développer une image corporelle négative. Les représentations de nudité fémi-
nine dans le matériel sexualisé et pornographique sont également de plus en plus
éloignées de l’image corporelle réelle de la femme, comme le révèle une étude
de l’évolution de la page centrale du magazine Playboy depuis ses débuts dans
les années 1950 (Schick, Rima, & Calabrese, 2011). Ainsi, il n’est pas surprenant
que la consommation de matériel pornographique soit corrélée négativement
à l’estime de soi, surtout chez les filles qui, en général, investissent davantage
leur image corporelle – qu’elles évaluent néanmoins négativement – et foca-
lisent plus sur leur apparence corporelle pendant les activités sexuelles que les
garçons (La Rocque & Cioe, 2011). De plus, les heures de visionnement de télé-
vision et l’exposition aux publicités télévisuelles sont associées positivement à
l’insatisfaction corporelle, aux forts idéaux de minceur et aux comportements
boulimiques chez des étudiantes américaines (Botta, 1999), ainsi qu’à davantage
de comparaisons en lien avec l’apparence et d’humeurs négatives (Hargreaves
& Tiggemann, 2004). Enfin, dans une étude expérimentale s’intéressant à des
jeunes hommes de 17 à 27 ans, Agliata et Tantleff-Dunn (2004) ont découvert
que les participants qui étaient exposés à des images publicitaires mettant en
scène un idéal corporel étaient plus déprimés et plus insatisfaits par rapport à

55
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

leurs muscles au deuxième temps de l’étude que ceux qui étaient exposés à des
images publicitaires neutres.

Aspects positifs des médias sur la sexualité adolescente


Alors que la plupart des chercheurs se sont concentrés sur l’examen des pré-
judices liés aux médias, de plus en plus d’attention est accordée aux impacts
positifs que peuvent exercer les médias sur le développement psychosexuel
des adolescents. Une recension des écrits révèle que les médias peuvent pré-
senter une vision incomplète, irréaliste et stéréotypée des relations, des rôles de
genre et des corps, sans être nécessairement dommageables sur tous les plans
(Ward, Day, & Epstein, 2006). Ils pourraient permettre, entre autres, la trans-
mission d’informations relatives à la sexualité et à la santé sexuelle, la visibilité
de modèles positifs (relations amoureuses saines) et le réseautage, ce qui semble
particulièrement utile pour les jeunes de minorités sexuelles qui ont souvent
moins accès à des modèles (Hillier & Harrison, 2007). De plus, Brown, Halpern
et L’Engle (2005) soutiennent que les médias de masse pourraient avoir un rôle
de « super pair sexuel » en fournissant de l’information à propos de la sexualité,
des modèles à suivre, des normes et des valeurs, et s’avérer utile en particulier
pour les adolescents qui ont une puberté et une sexualité actives plus précoces
que leurs pairs. Les jeunes filles américaines ayant une maturation pubertaire
précoce rapportent, en effet, plus d’intérêt et de consommation de contenus
sexuellement explicites (dans des programmes télévisés, des films, des maga-
zines) ; elles interprètent aussi les messages médiatiques comme encourageant
une sexualité active chez les adolescents (Brown et al., 2005).
Enfin, les médias sociaux semblent de plus en plus utilisés par les jeunes
pour entrer en contact avec de potentiels partenaires sexuels et romantiques.
Les jeunes Néerlandais rapportent utiliser les médias sociaux pour flirter
(42 % des garçons, 31 % des filles), parler de sexualité avec d’autres (34 % des
garçons, 20 % des filles), avoir du cybersexe (8 % des garçons, 4 % des filles),
prendre rendez-vous avec une personne connue sur Internet (16 % des gar-
çons, 10 % des filles) ou avoir des relations sexuelles (9 % garçons, 4 % filles)
et 60 % d’entre eux rapportent utiliser Internet comme source d’informations
à propos de la sexualité (De Graaf et al., 2012).

3.3.5. Relations bidirectionnelles entre les médias et la sexualité


La majorité des études recensées a porté sur les impacts potentiels des médias
sur le développement psychosexuel des adolescents. Plusieurs chercheurs sou-
tiennent toutefois que la relation entre les médias et les comportements sexuels
est bidirectionnelle. Par exemple, pour Steele et Brown (1995), l’usage des médias
est un processus dynamique qui varie en fonction du contexte. Ce modèle met en
exergue le rôle actif que peuvent jouer les jeunes dans la sélection et l’interaction

56
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

qu’ils ont avec les médias et la relation réciproque qui s’opère entre cette sélec-
tion et la socialisation subséquente qu’exercent les médias. Ces interactions sont
constamment liées avec le processus de formation identitaire et avec les intérêts,
les besoins et les expériences changeantes des adolescents en plein développe-
ment. Ensemble, ces mécanismes déterminent les médias et les contenus qui sont
sélectionnés et la façon dont ceux-ci sont interprétés et utilisés.
Cette relation bidirectionnelle entre l’usage des médias et la sexualité chez les
jeunes a été confirmée empiriquement (Bleakley, Hennessy, Fishbein, & Jordan,
2008). À partir d’un devis longitudinal, les auteurs ont découvert que les adoles-
cents américains qui étaient plus exposés à des médias sexuellement explicites au
premier temps de mesure étaient plus actifs sexuellement au deuxième temps de
l’étude. De la même façon, les adolescents qui étaient plus actifs sexuellement au
premier temps rapportaient plus d’exposition à des médias sexuellement expli-
cites au deuxième temps. Ces résultats indiquent que l’exposition aux contenus
sexuellement explicites n’est pas seulement une expérience passive, mais aussi,
au moins en partie, un comportement actif. Le caractère interactif du lien entre
l’usage de médias et la sexualité adolescente émergente a aussi été observé par
des chercheurs ayant examiné les profils Facebook® de 104 adolescents néerlan-
dais. Les auteurs ont découvert que les adolescents qui affichaient activement
des publications reliées à la sexualité sur leur profil Facebook® avaient plus
d’intérêt envers la sexualité, étaient plus expérimentés sexuellement et croyaient
que leurs amis l’étaient aussi et qu’ils approuvaient les activités sexuelles (Door-
nwaard, Moreno, Van den Eijnden, Vanwesenbeeck, & Ter Bogt, 2014).

3.3.6. Les corrélats distaux et proximaux du comportement sexuel


Les travaux présentés ont illustré les facteurs biopsychosociaux multiples qui
interagissent pour façonner la sexualité des adolescents, souvent dans des pro-
cessus bidirectionnels ou via des variables médiatrices. Or, les données actuelles
suggèrent que les nombreux facteurs impliqués dans la sexualité des adoles-
cents se regroupent en ensembles de corrélats distaux et proximaux qui, selon
une conjoncture propre à chacun, résultent en trajectoires psychosexuelles
variées. Par exemple, la structure familiale et les interactions parents-adolescent
sont souvent associées aux comportements sexuels des jeunes, mais ces liens
demeurent rarement significatifs lorsque les fréquentations amoureuses, les
comportements des adolescents ou ceux de leurs amis sont également considé-
rés. Une autre étude a montré que l’influence des pratiques parentales déficientes
sur le mauvais usage du préservatif est complètement médié par la fréquentation
de pairs déviants (Boislard et al., 2009). Lorsque considérés conjointement, ces
résultats suggèrent que les facteurs familiaux sont des corrélats distaux des com-
portements sexuels des adolescents, via leur influence sur leurs comportements
et leurs relations avec leurs pairs, qui eux apparaissent comme des corrélats

57
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

proximaux. Dans le même ordre d’idées, les traits de tempérament à l’enfance


et le moment de la puberté ont été identifiés comme des corrélats distaux du
comportement sexuel via les fréquentations amoureuses, l’intégration dans un
groupe de pairs mixtes et la consommation de substances psychoactives (Zim-
mer-Gembeck et al., 2004). Cependant, nous en savons encore relativement peu
sur l’importance relative de chacun des facteurs biologiques, psychologiques et
sociaux lorsqu’ils sont tous pris en compte dans un même modèle.

4. Différences et similitudes de genre


En plus des facteurs biopsychosociaux liés à la sexualité des adolescents, les
chercheurs se sont aussi intéressés aux effets de genre. Puisque la sexualité
s’exprime différemment chez les garçons et les filles, qu’elle constitue un lieu
d’expression des masculinités et des féminités et que les normes sociales ne
sont toujours pas équivalentes quant à la sexualité des garçons et des filles, de
nombreux travaux ont porté sur les différences de genre dans l’expression de
la sexualité. D’entrée de jeu, il importe de noter que les méta-analyses révèlent
que les attitudes et comportements sexuels des adolescents sont plus similaires
que différents, tout comme la majorité des facteurs biopsychosociaux asso-
ciés à leur sexualité (Oliver & Hyde, 1993; Petersen & Hyde, 2010). Cepen-
dant, certains scripts sexuels, cognitions, ainsi que l’expérience subjective
de la sexualité diffèrent selon le genre. Par exemple, les garçons rapportent
significativement plus d’émotions positives (ex. : fierté) après leur première
relation sexuelle (Holland, Ramazanoglu, Sharpe, & Thomson, 2000), et les
filles, plus d’émotions négatives (ex. : honte) et d’ambivalence (Tolman, 2002).
Cela peut s’expliquer par la signification donnée à la première relation coïtale
qui, selon certains auteurs, constitue le principal rite de passage entre le sta-
tut d’enfant et celui d’homme pour plusieurs garçons (Holland et al., 2000).
Cependant, pour les jeunes filles, les études qualitatives révèlent que la pre-
mière relation sexuelle est plus souvent vécue comme un mélange complexe
de dilemmes moraux, sociaux et relationnels (Martin, 1996 ; Tolman, 2002).
Ces différences de genre dans l’évaluation émotionnelle de la première rela-
tion sexuelle ont été corroborées dans des recherches récentes (McKinney &
Sprecher, 2014). Dans la même lignée, une étude a montré que les premières
expériences sexuelles peuvent améliorer l’image corporelle des garçons ado-
lescents (Vasilenko, Ram, & Lefkowitz, 2011), alors que cette tendance n’a pas
été observée chez les filles.
Il semble que le double standard sexuel contribue au fait que les adoles-
centes vivent des expériences sexuelles moins positives que les adolescents,
et rencontrent encore davantage de restrictions sexuelles (Crawford & Popp,
2003 ; Kreager & Staff, 2009 ; Lyons et al., 2011). Une méta-analyse montre

58
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

également que les garçons adolescents se masturbent davantage, ont plus


d’expériences sexuelles, consomment davantage de pornographie et expri-
ment des attitudes plus permissives en matière de sexualité (Peterson & Hyde,
2010). Les garçons se retrouvent aussi, généralement, dans un réseau de pairs
de sexe masculin soutenant et encourageant les activités sexuelles, voire exer-
çant de la pression à avoir des activités sexuelles fréquentes (Cohan, 2009). Les
filles, quant à elles, y sont plus souvent découragées (Crawford & Popp, 2003 ;
Kreager & Staff, 2009 ; Lyons et al., 2011).

5. La sexualité comme contexte de développement


Même si le focus en recherche et en intervention porte encore majoritaire-
ment sur la prévention des risques sexuels, les aspects positifs de la sexualité
adolescente attirent maintenant l’attention. Les chercheurs sont de plus en
plus nombreux à considérer les rapports sexuels des adolescents comme des
opportunités développementales leur permettant d’acquérir de nouvelles com-
pétences interpersonnelles qui les outilleront à combler leurs besoins d’inti-
mité et de proximité émotionnelle avec leurs éventuels partenaires amoureux.
En lien avec la vision de la santé sexuelle de l’Organisation mondiale de la
Santé (2006), définie comme un « état de bien-être physique, mental et social
dans le domaine de la sexualité, qui requiert une approche positive et respec-
tueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir
des expériences sexuelles qui soient sources de plaisir et sans risque, libres
de toute coercition, discrimination ou violence », de nouveaux travaux sur
la sexualité adolescente se focalisent maintenant sur des dimensions comme
le désir, l’amour, l’intimité, la compréhension et l’adaptation aux sensations
érotiques, l’expression sexuelle et le plaisir (Bay-Cheng, Robinson, & Zucker,
2009). Un nombre croissant d’études investigue désormais la sexualité des
adolescents en examinant les gains développementaux intra- et interperson-
nels associés à cette sexualité, en considérant cet espace relationnel comme un
possible contexte de développement personnel et interpersonnel.
Le développement sexuel de l’adolescent s’étend bien au-delà de la génita-
lité, du plaisir sexuel et de l’atteinte de l’orgasme. En effet, les rapprochements
intimes mettent en scène une multitude de nouvelles expériences dyadiques
qui viendront enrichir le répertoire affectif et comportemental, comme les
jeux de séduction, les processus de communication avec un partenaire amou-
reux, la reconnaissance et l’expression de ses besoins, l’écoute, le respect,
l’abandon, la confiance mutuelle et le développement de l’agentivité sexuelle
(Lang, 2011). Ainsi, la sexualité avec un partenaire crée un espace dynamique
où le rapport au corps, le rapport à soi et le rapport à l’autre se rencontrent
et s’enchevêtrent, et où la féminité et la masculinité peuvent s’affirmer et être

59
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

validées. Cet espace relationnel et sexuel se trouve souvent au cœur des pré-
occupations des adolescents. Plusieurs travaux soulignent d’ailleurs le rôle
central du développement sexuel et romantique dans la santé et le bien-être
des jeunes (Tolman, Striepe, & Harmon, 2003 ; Zimmer-Gembeck, Ducat, &
Boislard, 2011) et l’influence positive d’une sexualité épanouissante dans la
satisfaction générale à l’égard de la vie (Brody & Costa, 2009).
Une autre ligne de recherche sur la sexualité comme contexte de développe-
ment chez les adolescents est issue des premiers travaux sur le « soi sexuel », dont
Buzwell et Rosenthal (1996) ont observé l’évolution avec l’âge et l’expérience
sexuelle. Ces travaux ont permis l’éclosion d’autres recherches sur le développe-
ment du concept de soi sexuel chez les jeunes, c’est-à-dire la façon dont ils éva-
luent leur sexualité et l’intègrent à leur identité (Tolman & McClelland, 2011).
D’autres études révèlent que l’expérience sexuelle et l’avancement en âge sont
associés à une plus grande subjectivité sexuelle, c’est-à-dire à un sentiment plus
développé d’avoir droit au plaisir sexuel procuré par soi-même ainsi que par
un partenaire, et à de plus grandes réflexivité sexuelle, autoefficacité sexuelle et
estime de soi sexuelle (Boislard & Zimmer-Gembeck, 2011 ; Horne & Zimmer-
Gembeck, 2005, 2006 ; Zimmer-Gembeck et al., 2011). Des recherches récentes
examinent également les diverses motivations des adolescents à avoir des rela-
tions sexuelles (Miller et al., 2012), leur auto-efficacité dans l’atteinte du plaisir
sexuel (Mastro & Zimmer-Gembeck, 2015) et les émotions positives et négatives
vécues après une relation sexuelle (Van de Bongardt, Reitz, & Deković, 2015).
Ensemble, ces nouvelles études permettent d’élargir notre compréhension de
la sexualité des adolescents en y incorporant les dimensions cognitives et affec-
tives. Aller au-delà du comportement sexuel pour évaluer également la manière
dont les adolescents développent leur concept de soi sexuel, leur réflexivité
sexuelle et leurs habiletés interpersonnelles dans une relation dyadique intime
constitue une avancée prometteuse dans le domaine (Boislard & Zimmer-Gem-
beck, 2012 ; Tolman & McClelland, 2011).

6. Retombées appliquées pour l’éducation


à la sexualité et l’intervention auprès
des adolescents
Les résultats des études discutées dans ce chapitre permettent de mettre en
lumière plusieurs éléments importants à prendre en compte dans les inter-
ventions préventives et éducatives et les activités de promotion d’un dévelop-
pement psychosexuel sain chez les adolescents. À cet effet, les données pré-
sentées précédemment soulignent l’importance de cibler non seulement les
adolescents, mais également d’impliquer davantage les agents de socialisation

60
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

dont l’influence sur la sexualité de l’adolescent a été soulignée, soit les parents,
les pairs et les médias sociaux. Les implications pour une approche systé-
mique ciblant chacun de ces quatre systèmes sont synthétisées dans la section
suivante.

6.1. Les adolescents


La promotion de la santé sexuelle à l’adolescence implique d’outiller les jeunes
de connaissances et d’habiletés adéquates, mais également de compétences
comportementales permettant d’éviter les problèmes associés aux pratiques
sexuelles à risque (Boyce et al., 2003 ; Fisher, Misovitch, & Fisher, 1992) et pro-
mouvant des choix responsables en matière de sexualité. À cet égard, Kirby,
Laris et Rolleri (2007) ont recensé 82 études évaluant l’efficacité des pro-
grammes d’éducation à la sexualité implantés auprès de jeunes de moins de
25 ans. Leur analyse a mis en lumière que les programmes courts, basés sur les
connaissances uniquement (savoir) plutôt que sur les habiletés (savoir-faire),
ou inappropriés à l’âge, au niveau d’expérience sexuelle et à l’environnement
culturel tendent à être inefficaces. Les programmes devraient plutôt cibler
directement les aspects liés à la santé sexuelle des adolescents, notamment
l’importance de se sentir prêts avant d’avoir des relations sexuelles, de sélec-
tionner ses partenaires sexuels selon ses propres critères et de connaître leurs
antécédents sexuels, de passer des tests de dépistage des ITSS, de connaître
les modes de transmission, les conséquences et les méthodes de protection
contre les ITSS (usage systématique du préservatif, diminution du nombre
de partenaires sexuels). Ils devraient aussi inclure un volet de savoir-faire,
en intégrant des activités permettant de développer ses habiletés à refuser
les échanges sexuels et pour négocier le port du préservatif. Les programmes
visant à développer des stratégies pour résister au processus d’entraînement à
la déviance qui s’opère dans certains groupes d’amis, notamment à la pression
que peuvent exercer les pairs pour avoir des activités sexuelles, sont également
indiqués pour les jeunes adolescents (Kirby et al., 2007). Puisqu’un niveau
élevé de mixité du groupe d’amis constitue l’un des facteurs les plus influents
d’une transition précoce à une vie sexuelle active (Boislard & Poulin, 2011).
De tels programmes visant à outiller les jeunes à résister à la pression des pairs
devraient être instaurés à la fin de l’enfance ou au tout début de l’adolescence,
avant que les groupes d’amis ne deviennent mixtes, afin que ces habiletés
soient déjà acquises lorsque les occasions de les mettre en pratique dans la
réalité se présenteront (Boislard, 2010).
Les perceptions qu’ont les adolescents des comportements sexuels de leurs
pairs sont souvent erronées, et doivent être corrigées en fournissant des infor-
mations justes à propos de la prévalence réelle des divers comportements
chez les jeunes de leur âge (Brechwald & Prinstein, 2011). Cette stratégie s’est

61
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

avérée efficace pour prévenir d’autres comportements à risque, par exemple la


consommation de substances psychotropes (Prentice, 2008). Les résultats de
la méta-analyse de Van de Bongardt, Reitz, Sandfort et collaborateurs (2015)
suggèrent que des programmes d’éducation sexuelle abordant les perceptions
erronées qu’entretiennent les jeunes au milieu et à la fin de l’adolescence sur
les normes sexuelles de leurs pairs pourraient être encore plus efficaces que les
interventions visant à diminuer la sensibilité des adolescents à la pression des
pairs, chez les adolescents plus âgés.
Les programmes s’adressant aux adolescents doivent aussi porter une atten-
tion particulière au double standard sexuel qui persiste (Crawford & Popp,
2003 ; Lyons et al., 2011) et qui contribue probablement au fait que les filles
aient des expériences sexuelles moins positives que les garçons (Holland et al.,
2000 ; Martin, 1996 ; Tolman, 2002). Les adolescents doivent entendre le mes-
sage que chaque personne a droit à une sexualité plaisante, sécuritaire, égalitaire
et consensuelle, quels que soient son âge, son genre et son orientation sexuelle.
Une attention supplémentaire devrait être accordée à la promotion d’une image
corporelle positive, en particulier chez les filles, ainsi qu’à l’amélioration de leur
estime d’elles-mêmes (Boyce et al., 2003).

6.2. Les parents


La deuxième cible d’intervention suggérée est celle des parents. Le rôle des
parents en tant qu’agents de socialisation de premier plan continue d’être affirmé
dans les recherches longitudinales et dans certaines études expérimentales. En
fournissant aux parents les outils et informations nécessaires pour bien préparer
leur adolescent à s’engager dans une sexualité saine et sécuritaire et pour réa-
gir adéquatement à la sexualité de leur adolescent, les parents peuvent être des
accompagnateurs et des promoteurs de la santé sexuelle de premier plan.
Même si les parents peuvent difficilement adopter un tout nouveau style
parental, des études montrent que de nouvelles pratiques parentales efficaces
peuvent être développées (Bogenschneider, Wu, Raffaelli, & Tsay, 1998 ; Patter-
son, 1986). Les interventions auprès des parents, visant à les outiller en termes de
compétences parentales en général et de supervision parentale en particulier, ont
des effets bénéfiques systématiques (Dishion, Nelson, & Kavanagh, 2003 ; Stan-
ton et al., 2004), notamment pour diminuer l’usage de substances psychotropes
(Dishion, Bullock, & Granic, 2002 ; Spoth, Redmond, & Shin, 2001) et d’autres
problèmes de comportement chez leur adolescent (Connell, Dishion, & Deater-
Deckard, 2006), comme l’affiliation avec des pairs déviants (Dishion et al., 2002).
Il est encourageant de constater que le fait d’intervenir directement sur les fac-
teurs de risque dans la famille contribue à réduire les pratiques sexuelles à risque
et d’autres problèmes de comportement à l’adolescence. La littérature montre
d’ailleurs qu’une relation parent-adolescent de bonne qualité – caractérisée par

62
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

proximité et soutien – est un important facteur de protection d’un développe-


ment sexuel sain et positif (De Graaf et al., 2011 ; Kincaid et al., 2012 ; Markham
et al., 2010). Une relation parent-adolescent de bonne qualité pourrait aussi
affecter positivement la sexualité adolescente de manière indirecte en contri-
buant à un contexte développemental général qui stimule la prise de décisions
sexuelles responsables et saines. En fait, plusieurs études ont identifié des voies
potentielles par lesquelles une relation parent-adolescent de qualité pourrait être
indirectement liée à la sexualité adolescente : par exemple, par l’intermédiaire
d’un plus grand bien-être, d’une meilleure estime de soi, d’un contrôle de soi
plus élevé, d’un usage plus modéré d’alcool ou de drogues, d’une diminution de
la sensibilité à l’influence des pairs et via la transmisssion de valeurs sexuelles
positives (Johnson, 2013 ; Markham et al., 2010 ; Van de Bongardt, Reitz, &
Deković, 2015). À cet effet, la littérature montrant un lien entre l’approbation
parentale de l’activité sexuelle adolescente et l’engagement adolescent dans des
comportements sexuels suggère qu’il importe pour les parents d’être conscients
des normes et valeurs sexuelles auxquelles ils adhèrent, et de transmettre des
valeurs sexuelles qui stimulent la prise de décisions sexuelles responsables.
Afin d’être en mesure de répondre aux besoins d’information des adoles-
cents avant qu’ils ne commencent à avoir des activités sexuelles, il est sou-
haitable que les parents créent un climat ouvert où la sexualité émergente de
leur enfant peut être discutée. Toutefois, puisque le développement psycho-
sexuel débute dès l’enfance (De Graaf & Rademakers, 2006), une éducation à
la sexualité appropriée à l’âge de l’enfant devrait être instaurée dès que pos-
sible. En abordant directement les sujets liés à la sexualité avec leur enfant,
les parents peuvent le protéger de l’influence potentiellement négative des
pairs sur son processus de prise de décisions sexuelles (Fasula & Miller, 2006 ;
Van de Bongardt et al., 2014 ; Whitaker & Miller, 2000), tenter de corriger les
perceptions souvent erronées des normes sexuelles, et l’aider à développer un
esprit plus critique. Des travaux soulignent qu’une éducation à la sexualité
adéquate de la part des parents peut effectivement contribuer à l’expression
d’une sexualité plus responsable chez les jeunes (Kirby, 2008 ; Meschke et al.,
2002 ; Wight & Fullerton, 2013).

6.3. Les pairs


Les recherches montrent l’importance de cibler aussi les groupes d’amis
(Dishion & Dodge, 2005). L’éducation par les pairs, avec qui les adolescents
apprennent à discuter ouvertement, honnêtement et positivement de sexua-
lité, à travers laquelle les perceptions erronées des normes sexuelles des pairs
sont démystifiées, semble une voie particulièrement pertinente (Agha & Van
Rossem, 2004 ; Caron et al., 2004). L’usage grandissant de pairs éducateurs (à
l’instar des pairs aidants) dans l’éducation à la sexualité donne des résultats

63
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

positifs (voir Agha & Van Rossem, 2004 ; Caron et al., 2004). Une étude a
même révélé que l’omission de considérer les pairs dans les programmes de
prévention des comportements sexuels à risque peut contribuer à augmenter
les pratiques sexuelles non sécuritaires plutôt qu’à en diminuer l’incidence
(Moberg & Piper, 1998).

6.4. Les médias sociaux


Puisqu’il est difficile, et pas forcément souhaitable, de limiter l’accès aux médias
aux adolescents, il importe de les encourager à développer un regard critique
sur les contenus auxquels ils sont exposés. À cet effet, une étude néerlandaise
a révélé que la consommation de médias sexualisés était reliée à davantage de
permissivité sexuelle, mais seulement chez les adolescents qui considéraient le
contenu de ces médias comme réaliste (Baams, Overbeek, Dubas, et al., 2015).
Une étude australienne a établi que les filles qui étaient plus exposées aux médias
rapportaient une plus grande intériorisation des idéaux de minceur et davan-
tage de comparaisons aux autres, engendrant une image corporelle d’elles-
mêmes plus négative (McLean, Paxton et Wertheim, 2013). Toutefois, les filles
qui avaient une meilleure connaissance des rouages et stratégies mises en place
par les médias avaient moins intériorisé cet idéal de minceur et se comparaient
moins, résultant en une image corporelle d’elles-mêmes plus positive.
Face aux contenus médiatiques de plus en plus sexualisés, il apparaît pri-
mordial de fournir aux jeunes les informations et outils nécessaires pour navi-
guer dans le monde des médias en diminuant les risques associés. Puisque les
images diffusées par les médias présentent souvent les mêmes types de corps,
il importe de présenter des modèles de corps diversifiés. Une étude conduite
aux Pays-Bas a découvert que de montrer des images réelles de vulves « au
naturel » avait un effet positif sur l’estime des organes génitaux des jeunes
femmes (Martoredjo & Laan, 2015). Ceci suggère que l’exposition à une
variété naturelle de corps humains réels pourrait fournir des contre-exemples
aux représentations corporelles peu diversifiées et souvent retouchées mon-
trées par les médias de masse et le monde de la mode, et donner des résultats
positifs sur l’image corporelle des jeunes. Ces résultats suggèrent que les per-
ceptions qu’ont les adolescents du contenu qui leur est présenté sont peut-être
plus déterminantes que le contenu en soi.
En résumé, les interventions, visant à outiller les jeunes pour résister à la
pression qu’exercent les pairs sur certains comportements sexuels, sont sou-
haitables avec les plus jeunes adolescents, alors que les plus vieux bénéficient
davantage d’informations justes sur la sexualité, notamment la prévalence de
certains comportements perçus comme plus normatifs que réels. Les inter-
ventions qui apprennent aux parents à bien encadrer et superviser leur ado-
lescent et, à établir des limites claires et constantes, et celles visant à améliorer

64
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

la qualité des liens familiaux sont également recommandées. Les programmes


ciblant les groupes d’amis comme contextes d’émergence et d’exacerbation
des comportements problématiques sont à privilégier et à instaurer si possible
avant la transition pubertaire. Bien que l’exposition aux médias comporte
certains risques pour les adolescents, celle-ci fait partie intégrante de leur vie
et il serait stratégique de les utiliser dans les programmes d’intervention et
d’éducation à la sexualité. D’ailleurs, les médias sociaux constituent un espace
de plus en plus utilisé pour les interventions de prévention. Des chercheurs
australiens ont démontré que le partage d’informations sur le sécurisexe par
l’intermédiaire des téléphones cellulaires (message texte) était une façon facile,
peu coûteuse et efficace de faire la promotion de pratiques sexuelles sécuri-
taires (Gold et al., 2011 ; Lim, Sacks-Davis, Aitken, Hocking, & Hellard, 2010).

7. Conclusion
L’adolescence constitue une étape cruciale dans le développement sexuel et
marque le passage d’une sexualité prépubère exploratoire et principalement
autoérotique aux premiers échanges sexuels de plus en plus intimes avec un par-
tenaire, le plus souvent dans le cadre d’une relation amoureuse. Aujourd’hui,
la plupart des chercheurs et cliniciens reconnaissent la sexualité comme une
tâche développementale de l’adolescence, voire comme un contexte de déve-
loppement. Cependant, le comportement sexuel typique à l’adolescence est
difficile à cerner et maintes différences individuelles sont rapportées dans les
études. Les recherches sur la sexualité des adolescents menées à ce jour ont
permis de mieux orienter les stratégies de prévention des ITSS et des gros-
sesses imprévues chez les jeunes en identifiant d’abord les facteurs de risque
biopsychosociaux des comportements sexuels à risque, et, plus récemment, la
diversité dans les trajectoires développementales psychosexuelles, notamment
en fonction du genre et du moment (timing) de la première relation sexuelle.
Il est maintenant bien établi que les comportements sexuels des adolescents
ne sont pas sans risque, surtout lorsqu’ils sont initiés très tôt et que le préser-
vatif n’est pas utilisé systématiquement, et que ces risques sont exacerbés par
de nombreux changements de partenaires (Boislard et al., 2009). Par contre,
au-delà des risques associés à la sexualité des adolescents, quelques travaux
ont récemment mis en lumière les aspects positifs des expériences sexuelles
des jeunes.
En conclusion, pour bien rendre compte de la complexité de la sexualité
des adolescents et de la diversité dans leurs trajectoires psychosexuelles, il
importe de considérer la multidimensionnalité de la sexualité, en termes de
comportements, mais aussi en regard des cognitions, connaissances, attitudes,
valeurs, émotions et sensations associées. À ce jour, les données disponibles

65
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sur l’examen conjoint des aspects comportementaux, cognitifs et affectifs de


la sexualité des adolescents demeurent embryonnaires. Cependant, le change-
ment d’orientation vers une approche plus holistique de la sexualité permettra
de mieux comprendre l’éventail des expériences sexuelles des adolescents, et
de mieux orienter la recherche et les interventions visant à promouvoir un
développement psychosexuel et un concept de soi sexuel positifs, notamment
par la formation et le maintien de relations intimes respectueuses et satisfai-
santes chez les adolescents. Ainsi, le déploiement – et le financement – de
programmes de recherche, d’intervention et d’éducation à la sexualité auprès
des jeunes, qui incluent des éléments positifs comme le plaisir, la sensualité et
l’érotisme (Morency, 2008), de même que l’amour, le désir (Bay-Cheng et al.,
2009) et l’intimité (Manseau & Blais, 2007), constituent certainement un axe
prometteur, considérant que la santé sexuelle à l’adolescence est associée à un
plus grand bien-être au début et au milieu de l’âge adulte (Hensel et al., 2011).

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80
Chapitre 2 – Le développement psychosexuel à l’adolescence

Zimmer-Gembeck, M. J., Ducat, W. H., & Boislard, M. A. (2011). A prospec-


tive study of young females’ sexual subjectivity: Associations with age, sexual
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81
Chapitre 3
Les comportements sexuels
problématiques chez les enfants
âgés de douze ans et moins

3 Isabelle BOISVERT, Anne-Marie TOUGAS,


Marie-Laure GAMET, Marc TOURIGNY

1. Introduction
La sexualité représente une dimension fondamentale et importante de la vie de
tout être humain. Pourtant, ce sujet demeure encore trop souvent tabou ou pro-
voque malaise et gêne y compris dans les milieux professionnels, surtout lorsqu’il
s’agit de la sexualité des enfants (Hackett, Carpenter, Patsios, & Szilassy, 2013 ;
Sciaraffa & Randolph, 2011). Bien que peu d’écrits soient disponibles pour
décrire les comportements sexuels manifestés par les enfants (Thigpen, 2009),
les connaissances scientifiques permettent d’affirmer que la majorité d’entre eux
s’engagent dans une variété de comportements sexuels avant l’adolescence (Cle-
ments, Tourigny, Cyr & McDuff, 2011 ; Lightfoot & Evans, 2000 ; Ryan, 2000).
La majorité des enfants vivent les différentes étapes de leur développement
psychosexuel de façon saine, harmonieuse et sans difficulté. Cependant, il
arrive que certains dévient de cette trajectoire et manifestent des comporte-
ments sexuels situés en dehors de ce qui est normalement attendu dans le
cadre de leur développement et qualifiés de comportements sexuels problé-
matiques (CSP) (Araji, 1997 ; Johnson & Feldmeth, 1993). Les enfants qui
manifestent des CSP représentent désormais un objet d’études, mais il aura
fallu attendre la fin des années 1980 pour que les chercheurs et les cliniciens
s’intéressent davantage à ces comportements (Araji, 1997).

83
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Le présent chapitre a pour objectif d’explorer l’ensemble de la littérature


scientifique nord-américaine et européenne sur le sujet des CSP, dans le but
de faire une synthèse des connaissances scientifiques disponibles. Un portrait
des enfants qui présentent des CSP sera d’abord dressé, en exposant la défi-
nition des CSP, leur ampleur, les modèles théoriques utilisés pour expliquer
leur développement et les caractéristiques des enfants qui présentent des CSP.
Ensuite, les pratiques probantes en matière d’évaluation des enfants présen-
tant des CSP seront décrites. Enfin, les différents programmes de traitement
offerts aux enfants qui manifestent des CSP seront présentés, de même que les
résultats attestant de leur efficacité. Ce chapitre se termine par une discussion
des principales pistes de recherche à explorer au cours des prochaines années
pour mieux comprendre les enfants qui présentent des CSP et identifier les
interventions pouvant répondre à leurs besoins.

2. Le développement des comportements sexuels


problématiques
2.1. Définition des comportements sexuels problématiques
Différents termes ont été utilisés au fil du temps pour désigner les CSP des
enfants, dont comportements sexuels abusifs, comportements sexuels agres-
sifs ou intrusifs, transgressions sexuelles entre mineurs. De plus, les enfants
qui présentent des CSP ont parfois été étiquetés d’auteurs mineurs d’abus
sexuels, d’enfants agresseurs sexuels ou d’enfants agressifs sexuellement
(Buchta, 2009 ; Hall, Mathews & Pearce, 1998). Or, les experts soulignent
que les enfants qui présentent des CSP ne doivent pas être considérés comme
des agresseurs sexuels (Chaffin et al., 2006). Sans exclure la responsabilité
des gestes qu’ils ont commis, on estime que, contrairement aux adultes, les
enfants ne sont pas en mesure de s’engager dans des processus cognitifs com-
plexes permettant de planifier leur CSP, d’amadouer une « victime » ou de
rationaliser leur geste, compte tenu de leur stade de développement. Ainsi,
les enfants qui présentent des CSP agissent généralement de façon impulsive
plutôt que compulsive et adoptent de tels comportements pour des raisons
qui peuvent être autres que la gratification ou la stimulation sexuelle, dont la
curiosité, l’imitation ou la recherche d’apaisement, ce qui les distingue des
adolescents et des adultes agresseurs sexuels (Jones, 2011). Cette distinc-
tion est essentielle dans l’approche des enfants présentant des CSP. En effet,
l’absence de cette distinction entre les enfants et les adolescents/adultes peut
expliquer les phénomènes de stigmatisation, de rejet, mais aussi d’intériori-
sation, par l’enfant présentant des CSP, du sentiment d’être mauvais (John-
son, 2000). Par conséquent, dans le but de représenter plus justement la vaste

84
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

gamme de CSP et d’éviter les erreurs d’appréciation qui contribuent à éti-


queter négativement ces enfants, plusieurs chercheurs ont adopté les termes
« enfants manifestant des CSP » (Araji, 1997 ; Bonner, Walker, & Berliner,
1999 ; Chaffin, Letourneau, & Silovsky, 2002 ; Silovsky & Niec, 2002). Ces
termes seront également utilisés dans le présent chapitre pour qualifier ces
enfants.
Les difficultés à distinguer un comportement sexuel sain d’un CSP ont été
soulevées à maintes reprises dans la littérature clinique et scientifique. Actuel-
lement, aucune définition des CSP ne fait consensus dans la littérature scienti-
fique, faisant en sorte que les éléments permettant de définir ce qu’est un CSP
diffèrent d’un auteur à l’autre. Toutefois, un groupe de travail de l’Association
for the Treatment of Sexual Abusers (ATSA) (Chaffin et al., 2006), composé
de 11 experts américains dans le domaine des CSP, a eu pour mandat de pro-
duire un guide de pratique concernant les enfants manifestant des CSP dans
lequel une définition des CSP, désormais largement acceptée, a été proposée.
Dans ce rapport, les CSP chez les enfants sont définis comme « des comporte-
ments impliquant des parties sexuelles du corps, adoptés par des enfants âgés
de 12 ans et moins, qui sont inappropriés du point de vue du développement
de ceux-ci ou qui sont potentiellement néfastes pour eux-mêmes ou pour
les autres » (Chaffin et al., 2006 ; p. 3, traduction libre). Bien que l’attention
des chercheurs se soit davantage posée sur les enfants manifestant des CSP
impliquant une tierce personne (Carpentier, Silovsky, & Chaffin, 2006), il faut
toutefois garder en tête que des comportements sexuels dirigés vers soi (ex. :
masturbation excessive) peuvent également être considérés comme des CSP,
selon la définition proposée.
Pour déterminer le caractère problématique des comportements sexuels
des enfants, la définition des CSP proposée par l’ATSA (Chaffin et al., 2006)
invite à évaluer si le comportement sexuel démontré par l’enfant est commun
ou rare, en fonction de son stade développemental, de son sexe et de sa culture.
Ainsi, les comportements sexuels sont jugés problématiques :
− s’ils surviennent à une fréquence ou à une intensité s’éloignant de la
norme, persistent davantage dans le temps ou surviennent à un âge plus
précoce que ce qui est attendu en comparaison avec les comportements
d’enfants d’âge ou de stade développemental similaire ;
− s’ils deviennent une préoccupation importante pour l’enfant et inter-
fèrent avec son développement (ex. : remplacent des intérêts ou des
activités qui sont appropriées d’un point de vue développemental) ;
− s’ils persistent malgré les interventions d’un adulte.
Bernet (1997) appelle toutefois à la prudence, en indiquant que ce ne sont
pas tous les comportements sexuels non fréquemment démontrés par les
enfants qui doivent être perçus comme « anormaux » ou problématiques, en

85
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

raison d’influences diverses jouant sur la survenue des comportements sexuels


des enfants, dont les valeurs familiales et sociales, les croyances, la religion et le
contexte historique (Silovsky & Swisher, 2008 ; Thigpen & Fortenberry, 2009).
De plus, afin de déterminer si le comportement sexuel présente un dan-
ger potentiel pour l’enfant instigateur ou l’enfant qui le subit, il est crucial de
prendre en considération différents éléments : la différence d’âge et de niveau
de développement des enfants impliqués, l’usage de la force, de coercition ou
d’intimidation et la présence de blessures physiques ou de détresse émotion-
nelle chez les enfants impliqués (Chaffin et al., 2006 ; Johnson, 2002 ; Kellogg,
2009 ; Suissa, Balençon, & Roussey, 2010). Finalement, un consensus semble
exister entre les chercheurs quant à l’inclusion de certains comportements
sexuels pouvant ou devant être considérés comme problématiques chez tous
les enfants de 12 ans et moins. Parmi ceux-ci, on retrouve les tentatives de
relations sexuelles, les contacts oraux-génitaux et les comportements impli-
quant une pénétration (Friedrich, Fisher, Broughton, Houston, & Shafran,
1998 ; Heiman, Leiblum, Esquilin, & Pallitto, 1998). Toutefois, aucun aspect
ne permet, à lui seul, de distinguer les comportements sexuels sains des CSP
(Gagnon & Tourigny, 2011).
En l’absence de définition opérationnelle des CSP, il demeure donc diffi-
cile, autant pour les chercheurs, les cliniciens que les parents, de distinguer
clairement les comportements sexuels sains des comportements sexuels pro-
blématiques des enfants.

2.2. Ampleur et persistance des comportements sexuels


problématiques
À notre connaissance, seule une étude populationnelle de prévalence ou d’in-
cidence des CSP chez les enfants a été réalisée à ce jour : Långström, Grann
et Lichtenstein (2002) ont estimé à 2,3 % la prévalence des comportements
masturbatoires problématiques chez une population de 1480 jumeaux suédois
âgés de 7 à 9 ans.
D’autres statistiques permettent toutefois d’estimer l’ampleur de la pro-
blématique comme la proportion d’agressions sexuelles commises par des
enfants de 12 ans et moins ou par l’ensemble des enfants de moins de 18 ans.
Ces statistiques provenant de différents pays livrent des chiffres préoccupants
(Jaffé, 2011). En France, l’Observatoire sur la délinquance et les réponses
pénales indique qu’en 2013, les mineurs (enfants et adolescents) étaient res-
ponsables de 22,9 % de l’ensemble des mises en cause pour atteintes volon-
taires à l’intégrité physique par le biais de violences sexuelles (Le Graët, 2014).
De plus, parmi l’ensemble des condamnations des mineurs pour viols en 2010,
6,7 % concernaient des enfants de moins de 13 ans (Camus, Timbert, Ferré,
& Guillot-Toubert, 2012). Aux États-Unis, les mineurs représentaient 14 % de

86
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

l’ensemble des arrestations pour viols en 2010, dont 33 % étaient des jeunes
14 ans et moins (Sickmund & Puzzanchera, 2014). Bien que la majorité des
mineurs qui ont commis une offense sexuelle rapportée à la police soit des
adolescents, Finkelhor, Ormrod et Chaffin (2009) indiquent qu’environ 16 %
de ces mineurs sont des enfants de 12 ans et moins.
De plus, quelques études nous renseignent sur l’importance des CSP au
sein des populations suivies par les services de protection de l’enfance. Dans
un sondage mené en 2001, les différentes agences de protection de l’enfance de
la ville de New York rapportent qu’entre 10 % et 30 % des jeunes qu’ils accom-
pagnent ont des comportements sexuels problématiques (Baker, Schneider-
man, & Parker, 2001). Au Québec, une étude réalisée sur un échantillon repré-
sentatif d’enfants québécois pris en charge par les services de protection de
l’enfance mentionne que près d’un enfant sur six, âgé de 6 à 11 ans, présente
des CSP dirigés vers soi ou vers les autres (Lepage, 2008). L’Étude d’incidence
québécoise sur les situations évaluées en protection de la jeunesse de 2008 (ÉIQ-
2008 ; Hélie, Turcotte, Trocmé, & Tourigny, 2012) rapporte quant à elle que
10 % des enfants ayant au moins un incident de maltraitance ou de troubles de
comportement jugé fondé par le service de protection de l’enfance au Québec
présente des comportements sexuels problématiques.
Ceci étant dit, la prévalence réelle des CSP manifestés par les enfants pour-
rait être sous-estimée et ne représenter que la pointe de l’iceberg (Meyer-Balh-
burg, Dolezal, Wasserman, & Jaramillo, 1999). D’abord, il faut considérer que
les statistiques judiciaires ou les indices plus généraux de criminalité ne repré-
sentent que les comportements sexuels plus sévères qui ont été dénoncés aux
instances policières. De plus, il est bien connu que de nombreuses victimes
ne signalent pas ou ne déposent pas de plainte pour ce qu’elles ont vécu, ren-
dant impossible la détection de l’infraction pénale. Cette absence de dénon-
ciation est encore probablement plus élevée dans le cas des gestes commis par
des mineurs. De plus, les recherches actuelles portant sur les CSP s’appuient
principalement sur des faits rapportés par les parents. Or, certaines normes
et représentations sociales font en sorte que les comportements sexuels entre
enfants ne sont perçus que comme des jeux mutuellement initiés et repré-
sentent des expériences d’apprentissage positives ou neutres pour ceux qui
sont impliqués, incitant les parents à ne pas rapporter les comportements de
nature sexuelle (Gamet & Moïse, 2010 ; Gray, Busconi, Houchens, & Pithers,
1997 ; Meyer-Bahlburg & Steel, 2003). Quel que soit le nombre exact d’enfants
manifestant ce type de comportement, il est clair que ce problème en touche
une proportion non négligeable et qu’il est nécessaire que l’on s’y attarde
sérieusement. D’ailleurs, l’expérience de l’enfant victime d’agression sexuelle
est perçue aussi négativement et aussi dommageable par celui-ci, peu importe
que l’auteur de l’agression sexuelle soit un enfant, un adolescent ou un adulte
(Allen, Tellez, Wevodau, Woods, & Percosky, 2014; Sperry & Gilbert, 2005).

87
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Enfin, peu d’études permettent d’évaluer la persistance des CSP. Parmi les
rares études, Lévesque, Bigras et Pauzé (2012) mentionnent que 43 % des enfants
de 4 à 11 ans, placés sous la protection de la jeunesse et manifestant des CSP,
présentent toujours ce type de difficultés un an plus tard. Pour leur part, Bonner
et ses collaborateurs (1999) indiquent qu’environ 15 % des enfants de 6 à 12 ans
ont manifesté à nouveau un CSP au cours des deux années suivant la fin d’un
traitement visant la réduction des CSP. Enfin, Carpentier et ses collaborateurs
(2006) rapportent que, dix ans après la fin d’un traitement visant la réduction
des CSP, 2 à 10 % des participants ont commis un crime de nature sexuelle. Par
conséquent, les données disponibles suggèrent que la vaste majorité des enfants
qui présentent des CSP n’ont pas un risque élevé de devenir ultérieurement des
agresseurs sexuels lorsqu’ils participent à un traitement visant la réduction de
ces CSP (Chaffin et al., 2006).

2.3. Modèles explicatifs des comportements sexuels


problématiques
Parmi les premiers modèles théoriques qui se sont intéressés à l’étiologie des
CSP, l’agression sexuelle a été considérée comme la cause prédominante, voire
unique, du développement des CSP chez les enfants (Gagnon & Tourigny, 2011).
Dans la littérature scientifique, les CSP ont été identifiés, au même titre que les
symptômes de stress post-traumatique, comme l’une des deux seules manifes-
tations qui distinguent les enfants victimes d’agression sexuelle des enfants non
victimes qui reçoivent des services cliniques (Kendall-Tackett et al., 1993). Plus
récemment, Wolfe (2007) a également classé les CSP, tout comme les symp-
tômes de stress post-traumatique, de dissociation et de dépression, comme
étant un symptôme propre à l’agression sexuelle, c’est-à-dire présent chez une
proportion importante d’enfants victimes d’agression sexuelle et qui distingue
les enfants victimes d’agression sexuelle des enfants non-victimes et des enfants
issus de populations cliniques faisant face à d’autres types de problèmes. Il a
également été remarqué qu’un pourcentage élevé d’enfants qui démontrent des
CSP rapportent des antécédents d’agression sexuelle (Boisvert, Tourigny, Lanc-
tôt, & Lemieux, 2016). Ainsi, différents modèles théoriques ont été développés
pour expliquer le développement des séquelles suite à l’agression sexuelle, dont
les CSP. Les principaux modèles sont le Traumagenic Dynamics of Sexual Abuse
Model (Finkelhor & Browne, 1985) et le Trauma-Outcome Process Assessment
Model (TOPA ; Rasmussen, 2004).
Le modèle de Finkelhor et Browne (1985) indique que, suite à une sexua-
lisation traumatique engendrée par l’agression sexuelle, la sexualité de l’en-
fant se développerait de façon dysfonctionnelle et inappropriée. L’agression
sexuelle aurait pour effet de faire prendre conscience à l’enfant de l’existence
de la sexualité, ce qui peut être particulièrement vrai chez les jeunes enfants

88
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

qui, en raison de leur stade de développement, n’ont pas encore exploré plei-
nement leur sexualité. Puisque les enfants victimes d’agression sexuelle ont
été exposés de façon précoce à la sexualité, certains peuvent présenter des
réactions inadaptées pour gérer leurs sensations sexuelles. En étant victimes
d’agression sexuelle, ceux-ci peuvent avoir pris conscience du plaisir physique
engendré par une stimulation génitale et peuvent se servir des comportements
sexuels comme moyen pour s’apaiser. De plus, en étant « récompensé » par
l’intermédiaire d’échanges d’affection, d’attention ou de privilèges suite aux
comportements sexuels émis, l’enfant victime d’agression sexuelle pourrait
apprendre à utiliser des comportements sexualisés pour interagir avec les
autres ou pour obtenir la satisfaction de ses besoins. Enfin, la sexualisation
traumatique pourrait également survenir lorsque l’enfant victime d’agression
sexuelle associe des sentiments négatifs, dont la peur et la colère, aux compor-
tements sexuels (Finkelhor & Browne, 1987). Toutefois, le degré et la forme de
la sexualisation traumatique peuvent varier considérablement en fonction de
l’expérience d’agression sexuelle vécue.
Pour sa part, le Trauma-Outcome Process Assessment Model (TOPA ; Ras-
mussen, 1999 ; 2004) est un modèle intégrateur développé en réponse aux
différents modèles existants qui se sont limités seulement aux conséquences
négatives suite à un trauma. Dans ce modèle, l’enfant peut expérimenter, suite
à une expérience traumatique, trois types de réponses :
− l’intériorisation des émotions, qui favorise le développement de com-
portements autodestructeurs, dont font partie les CSP dirigés vers soi ;
− l’extériorisation des émotions, qui favorise le développement de com-
portements abusifs, dont font partie les CSP dirigés vers les autres ;
− l’expression des émotions, qui favorise la compréhension et l’intégration
de l’expérience traumatique aux autres expériences de vie (rémission).
Dans le modèle TOPA, les conflits internes et les émotions non résolues
liées à des expériences traumatiques passées sont perçus comme étant d’im-
portants motivateurs du comportement actuel. Ainsi, ce modèle stipule qu’en
l’absence des habiletés nécessaires pour réguler les émotions qui surgissent
suite à un événement traumatique, les enfants peuvent présenter des com-
portements sexuels dirigés vers soi ou vers les autres pour comprendre ou
contrôler les aspects traumatiques de l’agression sexuelle vécue. Finalement,
l’agression sexuelle vécue y est représentée comme un processus dynamique :
les enfants qui ont vécu une agression sexuelle ou un autre événement trau-
matique peuvent présenter l’une ou l’autre des réponses à différents moments
de leur trajectoire de rétablissement.
En résumé, dans les modèles théoriques axés sur le trauma, dont le Trau-
magenic Dynamics of Sexual Abuse Model (Finkelhor & Browne, 1985) et le
Trauma-Outcome Process Assessment Model, les CSP sont conceptualisés

89
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

comme une réaction face à l’agression sexuelle ou aux événements trauma-


tiques vécus par l’enfant. La perturbation du développement psychosexuel de
l’enfant suite à une agression sexuelle peut se traduire par une augmentation
de l’intérêt de l’enfant pour la sexualité ou par une répétition compulsive de
gestes sexuels afin de comprendre ou contrôler les aspects traumatiques de
l’agression sexuelle vécue (Gamet & Moïse, 2010 ; Gil & Johnson, 1993).
Malgré l’utilité des différents modèles axés sur le trauma pour expliquer
le développement des CSP, les études récentes ont mis en lumière un constat
important : selon les études, entre 16 % et 85 % des enfants n’ont pas été vic-
times d’agression sexuelle (Boisvert et al., 2016). Sans évacuer complètement
le rôle de l’agression sexuelle dans l’étiologie des CSP, les théories explica-
tives actuelles soutiennent désormais que l’origine et le maintien des CSP sont
influencés par un ensemble de facteurs individuels, familiaux et sociaux (Frie-
drich, 2007).
À ce jour, seul Friedrich (2007) a proposé un modèle théorique qui intègre
non seulement l’agression sexuelle, mais également un ensemble de facteurs
influençant le développement des CSP. En effet, le modèle théorique de Frie-
drich (2007), adapté de Greenberg, Speltz et DeKlyen (1993) et quelque peu
modifié par Boisvert et al. (2016), a été conçu afin d’expliquer spécifique-
ment le développement des CSP, autant chez les enfants victimes d’agression
sexuelle que chez les enfants non-victimes. Le modèle proposé conçoit le
développement et le maintien des CSP par le biais des interactions entre cinq
domaines de risque :
− les facteurs individuels prédisposant aux problèmes de comportement ;
− les stresseurs affectant la capacité des parents à fournir des soins opti-
maux à leur enfant ;
− les pratiques parentales coercitives ;
− la perturbation du développement psychosexuel de l’enfant ;
− la qualité de l’attachement parent-enfant.
Le modèle suggère qu’une accumulation de facteurs de risque augmente la
probabilité de présenter des problèmes de comportement, dont les CSP font
partie, et que ce sont les interactions entre les différents facteurs de risque
qui conduisent aux difficultés. Au-delà des interactions entre les différents
domaines, ce modèle postule également que les CSP des enfants puissent
être une manifestation comportementale d’un développement psychosexuel
perturbé à la suite d’une agression sexuelle ou encore d’une exposition inap-
propriée à la sexualité. En raison du peu d’études disponibles, il est toutefois
impossible actuellement d’établir l’importance relative de chaque domaine de
risque ou de se prononcer sur les combinaisons de domaines ayant le plus
d’influence sur le développement des CSP.

90
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

De façon plus spécifique, le premier domaine concerne l’ensemble des fac-


teurs individuels prédisposant l’enfant à présenter des problèmes de compor-
tement. Certaines caractéristiques biologiques résultant de dysfonctions du
lobe frontal gauche seraient impliquées dans le développement de problèmes
de comportement chez les enfants (Greenberg et al., 1993). À ce sujet, Wil-
lcutt, Doyle, Nigg, Faraone et Pennington (2005) ont répertorié un nombre
important d’études montrant des performances plus faibles quant aux fonc-
tions exécutives, en particulier celles impliquant l’inhibition, chez des enfants
présentant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Des
déficits aux niveaux cognitif et langagier pourraient être transmis génétique-
ment alors que d’autres pourraient résulter d’un trauma périnatal, d’une expo-
sition à des toxines (plomb, alcoolisme fœtal, drogues), d’un trauma physique
(ex. : trauma crânien durant l’enfance) ou provenir de l’effet de privation sur
la croissance neuro-anatomique (Lui, 2004). Alors que Greenberg et al. (1993)
s’attardent principalement aux caractéristiques biologiques, Friedrich (2007)
élargit ce domaine à d’autres caractéristiques individuelles. Certains traits de
tempérament (ex. : inflexibilité) (Frick & White, 2008) et le sexe masculin
(Card, Stucky, Sawalani, & Little, 2008) ont notamment été invoqués comme
ayant un impact sur le développement de problèmes de comportement.
Le deuxième domaine regroupe un éventail de stresseurs qui affectent
la capacité des parents à fournir des soins optimaux à leur enfant. Ainsi,
les caractéristiques du parent (faible niveau de scolarité, problème de santé
mentale, problème d’abus d’alcool et/ou de drogues, criminalité), le fonction-
nement conjugal (présence de violence conjugale) et les caractéristiques de
l’environnement, telles que la pauvreté ou la surpopulation de la maisonnée,
peuvent affecter la qualité des soins offerts par les parents aux enfants. Evans
(2003) suggère que l’effet cumulatif des stress vécus est davantage lié aux dif-
ficultés de comportement chez l’enfant qu’à chacun des stresseurs considéré
individuellement. Ce cumul de stress peut avoir un effet direct sur le dévelop-
pement de comportements perturbateurs chez l’enfant (Friedrich, 2007), de
même qu’un effet indirect, en influençant négativement les pratiques paren-
tales, qui se répercutent à leur tour sur les comportements des enfants (Green-
berg et al., 1993).
Le troisième domaine réfère aux pratiques parentales coercitives qui consti-
tuent le facteur dont les liens avec les comportements perturbateurs sont les
plus documentés. Ainsi, les pratiques parentales punitives ou inappropriées
constituent de forts prédicteurs des comportements perturbateurs chez les
enfants (Keenan, 2003 ; Sheehan & Watson, 2008). Toutefois, il semble qu’une
relation bidirectionnelle puisse être observée, de sorte que les comportements
perturbateurs peuvent engendrer, à leur tour, des pratiques parentales punitives
ou inappropriées. Friedrich (2007) ajoute que l’enfant peut apprendre à entrer
en contact avec les autres de façon coercitive par modelage des comportements

91
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

du parent ou d’expériences de maltraitance. De plus, il semble que l’absence


de comportements positifs de la part du parent à l’égard de son enfant a égale-
ment un impact important dans l’étiologie des comportements perturbateurs
(Greenberg et al., 1993). L’absence d’échanges sociaux positifs, d’intérêt accordé
aux activités de l’enfant et d’expression affective de la part du parent rendent
l’enfant davantage susceptible de présenter des comportements perturbateurs.
Afin d’appliquer le modèle de Greenberg et al. (1993) aux enfants manifes-
tant des CSP, Friedrich (2007) a proposé l’inclusion d’un quatrième domaine
lié à la perturbation du développement psychosexuel de l’enfant. Ainsi, il est
proposé que les enfants manifestant des CSP apprennent à entrer en relation
avec les autres de façon sexuellement intrusive ou à diriger l’intérêt sexuel vers
eux-mêmes en raison de facteurs perturbant leur développement psychosexuel.
Parmi ceux-ci se trouvent, entre autres, la victimisation sexuelle ou l’exposition
inadéquate à la sexualité dans l’environnement familial (ex. : un niveau élevé de
comportements sexuels dans la famille, être témoin de comportements sexuels
inappropriés entre adultes, être exposé à de la pornographie). Quel que soit le
type d’exposition inappropriée à la sexualité, celle-ci fournit aux enfants des
modèles inadaptés de relations interpersonnelles et diminue le seuil d’inhibi-
tion pour passer à l’action (Gamet & Moïse, 2010 ; Jaffé, 2011).
Finalement, la qualité de l’attachement précoce est susceptible d’influen-
cer le développement des comportements perturbateurs (Greenberg et al.,
1993). Le développement d’un attachement sécure en bas âge agit comme un
facteur de protection en favorisant l’établissement de relations positives avec
les parents ainsi qu’une régulation émotionnelle plus efficace dans les années
subséquentes (Ainsworth, Blehar, Waters & Wall, 1978 ; Richters & Waters,
1991). À l’inverse, un attachement insécure agit comme un facteur de risque
de difficultés relationnelles, d’absence d’auto-contrôle et de développement
de comportements perturbateurs, par la cristallisation des modèles de rela-
tions interpersonnelles caractérisées par la colère, l’absence de confiance et
l’insécurité. Sans pour autant en diminuer l’impact, la qualité de la relation
d’attachement parent-enfant peut varier dans le temps en fonction des évé-
nements de vie et des caractéristiques du milieu familial, soulevant le fait que
l’attachement est en interaction constante avec les autres domaines du modèle
proposé (Gamet, 2013 ; Greenberg et al., 1993).

2.4. Caractéristiques des enfants qui présentent


des comportements sexuels problématiques
Les recherches réalisées auprès des enfants qui présentent des CSP démontrent
qu’il n’existe aucun profil unique ou caractéristique commune à l’ensemble
des enfants (Chaffin et al., 2006). Ainsi, les caractéristiques des enfants qui pré-
sentent des CSP peuvent varier grandement d’un enfant à l’autre. Néanmoins,

92
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

certaines caractéristiques individuelles et familiales ont été associées de façon


assez constante à la présence de CSP chez les enfants (Chaffin et al., 2006 ;
Elkovitch, Latzman, Hansen, & Flood, 2009 ; Kambouropoulos, 2005 ; St-
Amand, Saint-Jacques, & Silovsky, 2011). À cet effet, Boisvert et al. (2016) ont
recensé de façon systématique 18 études s’étant intéressées aux facteurs asso-
ciés aux CSP chez les enfants de 12 ans et moins, en les classant sur la base de
l’adaptation du modèle de Friedrich présenté précédemment. Les prochaines
sections offrent les faits saillants en lien avec les cinq groupes de facteurs pro-
posés par le modèle de Friedrich.

2.4.1. Facteurs individuels prédisposant aux problèmes


de comportement
Les résultats de la recension de Boisvert et al. (2016) indiquent que les enfants
manifestant des CSP sont davantage susceptibles de présenter diverses dif-
ficultés comportementales comparativement aux enfants ne manifestant pas
de CSP. En effet, les études concluent généralement que les enfants mani-
festant des CSP démontrent davantage de comportements extériorisés, une
fréquence de comportements sexuels (qui inclut des comportements sains et
problématiques) plus élevée et plus de comportements délinquants ou agres-
sifs. Les enfants manifestant des CSP se distinguent également au regard d’une
fréquence plus élevée de comportements intériorisés (anxiété, dépression) et
de symptômes de stress post-traumatique que les autres enfants. Une vaste
gamme de comportements traduisant des déficits sur le plan des compétences
sociales (ex. : manque d’empathie, perception négative d’autrui, modulation
de la colère, évitement de l’affect) sont également davantage présents chez les
enfants manifestant des CSP.
En ce qui concerne les caractéristiques biologiques, le sexe représente le
facteur le plus souvent étudié. De façon générale, les études possédant une
meilleure qualité méthodologique indiquent que les garçons sont plus à risque
de manifester des CSP que les filles. Cependant, certains auteurs ne rapportent
pas de lien entre le sexe de l’enfant et la présence de CSP, si bien qu’il est
encore difficile de statuer de façon définitive sur le rôle du sexe dans le déve-
loppement des CSP.
L’âge des enfants a également été étudié en tant que facteur associé aux
CSP. Toutefois, les résultats de ces études sont contradictoires. En effet,
alors que certaines études démontrent que l’âge des enfants n’est pas associé
à la présence de CSP, d’autres rapportent que les enfants plus jeunes (d’âge
préscolaire) sont plus prédisposés à manifester des CSP que les enfants plus
âgés. Enfin, les rares études qui se sont intéressées à l’origine ethnoculturelle
concluent généralement que celle-ci ne joue pas un rôle significatif dans la
présence de CSP chez les enfants.

93
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

D’autres caractéristiques individuelles, notamment l’utilisation moindre


du soutien d’un adulte ou d’un ami ou la présence de certains traits de tem-
pérament (ex. : insensibilité, persistance, humeur), ont été associées aux CSP
chez les enfants. Enfin, les enfants manifestant des CSP ne semblent pas se
distinguer des autres enfants en ce qui a trait au niveau intellectuel et aux dif-
ficultés d’apprentissage/de lecture.

2.4.2. Stresseurs affectant la capacité des parents à fournir des soins


optimaux à leur enfant
Certaines caractéristiques parentales, considérées comme des stresseurs affec-
tant la capacité des parents à fournir des soins optimaux à leur enfant, ont
été explorées dans les études portant sur les enfants qui présentent des CSP.
Toutefois, en raison du nombre restreint d’études, leurs résultats demeurent
mitigés. Néanmoins, une plus forte proportion d’enfants avec CSP vivent dans
une famille monoparentale ou dont les parents sont séparés, comparativement
aux enfants sans CSP. Les enfants qui présentent des CSP sont également plus
nombreux que les enfants sans CSP à avoir vécu différents événements stres-
sants, comme la mort d’un membre de la famille immédiate ou le retrait du
domicile familial. Enfin, certaines études concluent que les enfants manifes-
tant des CSP sont plus susceptibles de vivre dans une famille à faible statut
socio-économique. Cependant, les parents d’enfants manifestant des CSP
ne se distinguent pas des autres parents quant à la présence de problèmes de
santé mentale ou de symptômes de stress post-traumatique.

2.4.3. Pratiques parentales coercitives


Malgré le fait que les premiers écrits, basés sur des observations cliniques,
aient suggéré que les mauvais traitements vécus par les enfants puissent favo-
riser le développement des CSP, peu de liens significatifs ont été établis entre
la présence de CSP chez les enfants et des antécédents d’abus physique, d’abus
émotionnel, de négligence ou le fait d’avoir été témoin de violence conjugale.
Les limites méthodologiques des études recensées (ex. : manque de puissance
statistique) et la composition des échantillons, qui sont majoritairement de
nature clinique, pourraient expliquer cette difficulté à identifier un lien signi-
ficatif entre les différentes formes de maltraitance vécue (à l’exception de
l’agression sexuelle) et la présence de CSP chez les enfants. Étant donné que
la plupart des études ciblent des enfants recevant des services ou référés aux
services de protection de l’enfance, il est difficile de déceler des différences
significatives puisque la grande majorité des enfants de ces études a vécu de
la maltraitance. Cependant, quelques études ont établi un lien entre le fait
d’être témoin de différentes formes de violence (conjugale, criminelle, dans

94
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

la communauté ou en milieu scolaire) et la présence de CSP. Finalement, les


parents d’enfants manifestant des CSP semblent percevoir davantage néga-
tivement leur enfant que les parents d’enfants qui ne présentent pas de CSP.

2.4.4. Perturbation du développement psychosexuel de l’enfant


La victimisation sexuelle et son impact sur le développement des CSP chez les
enfants demeurent la forme de maltraitance vécue la plus étudiée. Les études
concluent dans une forte proportion que les enfants manifestant des CSP sont
davantage à risque d’avoir été victimes d’agression sexuelle que les enfants ne
manifestant pas de CSP. En effet, les études s’étant intéressées à cette carac-
téristique rapportent qu’entre 15 % et 84 % des enfants qui présentent des
CSP ont été victimes d’agression sexuelle (Boisvert et al., 2016). De plus, cer-
taines caractéristiques des agressions sexuelles vécues indiquant une sévérité
élevée (ex. : les agressions impliquant une pénétration et la fréquence élevée
des agressions) sont liées à la présence de CSP chez les enfants. Finalement, les
enfants manifestant des CSP sont davantage susceptibles d’avoir été exposés à
des gestes sexuels explicites dans le milieu familial ou exposés à la nudité (de
façon directe ou par le biais de la pornographie) que les enfants ne manifestant
pas de tels comportements.

2.4.5. Qualité de l’attachement parent-enfant


Malgré le fait que certains des facteurs présentés précédemment puissent
représenter un indicateur de relation d’attachement parent-enfant détériorée
(ex. : mauvais traitements envers l’enfant, jugement négatif du parent envers
l’enfant, placement de l’enfant), aucune étude n’a exploré directement le rôle
de l’attachement comme facteur associé aux enfants manifestant des CSP.
Toutefois, plusieurs experts émettent l’hypothèse qu’un attachement insécure
jouerait un rôle dans l’apparition des CSP chez les enfants (Gamet, 2009). Cer-
tains chercheurs font d’ailleurs référence à la présence possible d’un trouble
d’attachement ou d’un attachement de type insécure dans l’interprétation de
leurs résultats. C’est le cas notamment de Lightfoot et Evans (2000) qui ont
noté une fréquence plus élevée d’interruptions avec une figure d’attachement
primaire chez les enfants qui présentent des CSP, ainsi que de Tarren-Sweeney
(2008) qui suggère une relation proximale entre CSP et problèmes d’attache-
ment en raison de la présence accrue de traits psychopathologiques complexes
révélés par l’analyse du profil des enfants ayant des CSP.
En somme, plusieurs caractéristiques individuelles et familiales ont été
identifiées comme jouant un rôle dans le développement ou le maintien des
CSP chez les enfants. Ainsi, la survenue des CSP chez les enfants semble pro-
venir de la conjonction de plusieurs vulnérabilités dans différents domaines

95
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

de risque. Toutefois, plusieurs limites des études scientifiques sur le sujet


viennent restreindre notre compréhension de l’origine de ces comportements.
Parmi les plus importantes se trouvent l’absence d’une définition opération-
nelle et commune des CSP, l’utilisation de devis transversal et de stratégies
d’analyses statistiques univariées qui ne tiennent pas compte des interactions
entre les différentes caractéristiques, et finalement des échantillons de petite
taille qui entraînent une faible puissance statistique.
S’il n’existe pas de profil-type d’enfants présentant des CSP (Chaffin et
al., 2006), des chercheurs se sont intéressés à vérifier la présence de différents
sous-groupes d’enfants, en fonction des caractéristiques des comportements
sexuels démontrés, dont leur sévérité (Bonner et al., 1999 ; Hall, Mathews, &
Pearce, 2002 ; Szanto, Lyons, & Kisiel, 2012), leur répétition malgré l’inter-
vention d’un adulte (Curwen, 2007), l’usage de la force (Dandurand, 2003)
et le type de victimes (intra- ou extra-familiale) (Dandurand, 2003). Finale-
ment, deux études (Boisvert, Tourigny, Lanctôt, Gagnon, & Tremblay, 2015 ;
Pithers, Gray, Busconi, & Houchens, 1998) ont catégorisé les enfants manifes-
tant des CSP à partir d’une variété de facteurs individuels et familiaux.
En utilisant un ensemble de variables individuelles et familiales – et non
seulement des variables liés aux comportements sexuels -, l’étude de Pithers et
al. (1998) a identifié cinq sous-groupes d’enfants présentant des CSP, à partir
d’un échantillon de 127 enfants référés au système de protection de l’enfance.
Ces sous-groupes identifient des enfants : 1) non-symptomatiques, 2) agres-
sifs sexuellement, 3) « briseurs de règles », 4) hautement traumatisés, et 5)
réactifs à l’abus. Les sous-groupes se distinguent tant au niveau des caracté-
ristiques sociodémographiques (âge, sexe), de l’histoire de maltraitance vécue
(nombre d’agresseurs, type de victimisation), des caractéristiques des CSP
démontrés (nature des gestes, nombre d’enfants impliqués, etc.), des autres
difficultés comportementales présentes (comportements extériorisés, com-
portements intériorisés), que du stress vécu par le parent. La typologie pro-
posée par Boisvert et al. (2015) identifie trois profils psychosociaux d’enfants,
à partir d’un échantillon composé de 147 enfants référés pour CSP ou suite à
une agression sexuelle subie : 1) les enfants résilients, 2) les enfants impliqués
dans un cycle intergénérationnel de maltraitance, et 3) les enfants au fonc-
tionnement grandement altéré. Les enfants résilients sont caractérisés par le
fait qu’ils démontrent moins de comportements extériorisés, moins de symp-
tômes liés au trauma et sont moins susceptibles d’avoir été victimes de mau-
vais traitements, comparativement aux enfants issus des deux autres profils.
Pour leur part, les enfants impliqués dans un cycle intergénérationnel de mal-
traitance sont susceptibles d’avoir été victimes de maltraitance et rapportent
davantage de symptômes liés au trauma, comparativement aux enfants issus
des autres profils. Les parents de ces enfants rapportent également davantage
avoir été victimes de maltraitance durant l’enfance que le reste de l’échantillon.

96
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

Finalement, un dernier sous-groupe se compose d’enfants présentant un fonc-


tionnement grandement altéré, caractérisé par des scores les plus élevés en
regard des comportements extériorisés, des comportements sexuels et des
symptômes liés au trauma, comparativement à ceux des autres profils. Ces
enfants sont également plus susceptibles d’avoir été victimes de négligence
ainsi que d’avoir été exposés à la sexualité de façon plus importante que le
reste des enfants de l’échantillon. Par ailleurs, les enfants référés pour des CSP
et ceux victimes d’agression sexuelle se répartissent également dans chacun
des profils.
Un constat important émerge des typologies empiriques basées sur les
caractéristiques des comportements sexuels démontrés ou sur un ensemble
de caractéristiques individuelles et familiales. En effet, la majorité de ces
typologies identifient différents sous-groupes d’enfants qui présentent des
CSP qualitativement différents, allant des comportements sexuels moins pro-
blématiques à plus problématiques. Par exemple, il est possible de retrouver
au sein des typologies proposées par Bonner et al. (1999), Hall et al. (2002),
Pithers et al. (1998) et Szanto et al. (2012) au moins un groupe d’enfants ayant
des CSP qualifiés d’agressifs, en fonction de la nature agressive des gestes
commis ou de l’utilisation de la force lors des comportements sexuels. De
façon générale, les enfants qui ont des CSP plus sévères (ex. : impliquant une
pénétration ou l’utilisation de l’agressivité) tendent à démontrer des difficul-
tés psychosociales plus importantes que les enfants qui ont des CSP moins
sévères. Par exemple, les enfants manifestant les CSP les plus sévères ont ten-
dance à avoir vécu davantage de situations adverses (cumul d’événements de
vie négatifs, histoire de victimisation), à manifester davantage de difficultés
comportementales (comportements extériorisés et intériorisés, symptômes
de stress post-traumatique) et à vivre dans des familles qui présentent davan-
tage de difficultés (structure familiale dysfonctionnelle, pratiques parentales
inadéquates).

3. Lignes directrices entourant l’évaluation


des enfants et de leur famille
L’évaluation joue un rôle fondamental pour déterminer la présence d’éléments
justifiant la nécessité d’intervenir auprès d’un enfant, le type d’intervention
requis et les priorités d’intervention (Jaffé, 2011). À cet effet, les experts sont
unanimes : les politiques publiques, les procédures d’évaluation et la plupart
des protocoles de traitement élaborés pour les délinquants sexuels adultes ne
sont pas adaptés aux enfants et ne devraient pas être utilisés auprès de ceux-
ci (Chaffin et al., 2006 ; Jones, 2011). Compte tenu de la diversité des pro-
fils, les meilleures pratiques en évaluation d’enfants qui présentent des CSP

97
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

soulignent l’importance de considérer, au moment de l’évaluation, non seu-


lement les comportements sexuels démontrés par l’enfant et leurs facteurs
contributifs, mais également un ensemble de sphères, dont le profil psycholo-
gique et comportemental de l’enfant, de même que son environnement fami-
lial et social (Chaffin et al., 2006 ; Kellogg, 2009). En somme, une approche
systémique d’évaluation est recommandée (de Becker, 2006). Cette évaluation
devrait également mettre en évidence les ressources individuelles et familiales
qui peuvent être utilisées en levier face aux difficultés d’adaptation. En tenant
compte de l’ensemble de ces sphères, les cliniciens seront en mesure de plani-
fier une intervention spécifiquement conçue pour répondre aux besoins indi-
viduels de l’enfant évalué et de sa famille (Jones, 2011).
La durée et la complexité de l’évaluation peuvent varier considérablement,
en fonction de la situation de chaque enfant. Toutefois, les pratiques probantes
en matière d’évaluation auprès des enfants qui présentent des CSP indiquent
que pour la majorité des cas, quelques rencontres suffisent pour recueillir les
informations nécessaires (Chaffin et al., 2006). Celles-ci sont accessibles par
le biais d’une consultation des notes et des rapports pré-existants concernant
l’enfant, d’un entretien avec les parents et avec l’enfant dans un climat exempt
de pression et empreint de confiance, de soutien et d’empathie, de même que
par l’administration de quelques instruments de mesure. La collecte d’infor-
mations devrait se réaliser auprès de diverses sources (parents, enseignants,
éducateurs, intervenants sociaux, etc.) afin d’avoir un portrait global de l’en-
fant. Par ailleurs, une évaluation plus approfondie peut s’avérer pertinente
dans les cas plus complexes, notamment lorsque l’enfant a reçu plusieurs dia-
gnostics, ou encore, lorsque l’enfant présente des besoins particuliers (retard
intellectuel, victime d’agression sexuelle, etc.) (Gagnon & Tourigny, 2011).
Les sphères d’évaluation principales auprès des enfants qui présentent des
CSP et les méthodes d’évaluation à privilégier pour chacune seront décrites en
détail dans les prochains paragraphes.

3.1. Description détaillée des CSP et facteurs contributifs


L’évaluation devrait permettre d’établir une description claire du développe-
ment psychosexuel global de l’enfant (Hébert, Berthelot, & Gamet, 2015), de la
nature des comportements sexuels démontrés et du contexte dans lequel ceux-
ci surviennent. Grâce à sa collecte d’informations, l’évaluateur doit parvenir à
déterminer si les comportements sexuels démontrés par l’enfant s’inscrivent
dans le cadre d’un développement psychosexuel sain ou sont, au contraire,
problématiques (Kellogg, 2009). L’évaluateur veillera donc à documenter le
moment auquel les CSP ont débuté, leur fréquence, ainsi que leur progression
ou leur diminution dans le temps afin de juxtaposer cette chronologie aux
événements clés survenus dans la vie de l’enfant et de sa famille (Chaffin et al.,

98
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

2006). Par exemple, un évaluateur attentif aux éléments contextuels pourrait


découvrir que les comportements sexuels sont liés à un état émotif puisqu’ils
surviennent lors de moments stressants, lorsque l’enfant est déprimé, apeuré
ou en colère, ou lorsqu’il se remémore les agressions sexuelles subies.
Si les comportements sexuels impliquent d’autres enfants, il devient pri-
mordial d’évaluer le degré de mutualité, de planification et d’impulsivité des
comportements sexuels, et s’ils impliquent de la force ou de l’agressivité afin
de déterminer la nécessité de superviser ou de restreindre les contacts de
l’enfant avec les autres pour protéger ceux-ci. Les interventions déjà mises en
place par les parents pour diminuer les comportements sexuels devraient éga-
lement être documentées, de même que les effets de ces interventions sur l’en-
fant. Les facteurs émotionnels et environnementaux présents ou récents qui
maintiennent les CSP devraient davantage retenir l’attention des évaluateurs
que les facteurs plus anciens (Chaffin et al., 2006). Comprendre et déterminer
l’origine des CSP peut être informatif, mais s’avère non nécessaire pour offrir
des interventions permettant de les réduire en misant sur les facteurs actuels
qui maintiennent les CSP.
Outre l’entrevue clinique avec l’enfant et les adultes le connaissant, la
nature et la fréquence des comportements sexuels peuvent être documentés
par le biais d’instruments de mesure. Bien qu’il n’existe, à ce jour, aucun ins-
trument de mesure spécifiquement conçu pour dépister la présence de CSP
chez les enfants, les évaluateurs peuvent utiliser différents instruments afin
de mesurer un éventail de comportements sexuels (sains et problématiques).
Parmi ces outils, le Child Sexual Behavior Checklist (CSBCL; Johnson, s.d.)
tient compte, entre autres, du contexte dans lequel les CSP se manifestent. Cet
outil, bien que moins utilisé que le Child Sexual Behavior Inventory-III (CSBI-
III ; Friedrich, 1997), a été développé spécifiquement pour aider les cliniciens
à évaluer les enfants de 12 ans et moins référés pour une évaluation pour CSP.
Le CSBCL contient :
• une liste de 150 comportements d’enfants relatifs à la sexualité, allant
des comportements sexuels sains et naturels à des comportements pré-
sentant de sévères difficultés au niveau de la sexualité ;
• des items qui évaluent les aspects de la vie de l’enfant qui pourraient
augmenter la fréquence des comportements sexuels (ex. : la nudité à
la maison, l’accès à la pornographie, l’histoire d’abus, l’exposition à la
violence) ;
• des questions détaillant les comportements sexuels que l’enfant a pré-
sentés avec d’autres enfants.
Mis en œuvre dans un entretien structuré avec le parent ou adulte signi-
ficatif, l’outil spécifie les 26 caractéristiques des comportements sexuels
des enfants qui devraient soulever des inquiétudes s’ils sont identifiés dans

99
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

l’évaluation. Bien que complet, en fournissant un large éventail de questions


relatives aux comportements sexuels des enfants, le CSBCL présente l’incon-
vénient d’avoir un système de cotation informatique qui ne repose pas sur des
données normatives.
Finalement, d’autres instruments ou guides d’entrevue peuvent être utili-
sés pour documenter les comportements sexuels des enfants, mais sont nette-
ment moins reconnus ou utilisés par les cliniciens : une sous-échelle du Child
Behavior Checklist (CBCL; Achenbach, 1991), le Behavior Assessment System
for Children (BASC-2; Reynolds & Kamphaus, 2004); le Trauma Outcome
Process Assessment Model (TOPA ; Rasmussen, 1999), le Multiplex Empiri-
cally Guided Inventory of Ecological Aggresgates for Assessing Sexually Abu-
sive Children and Adolescents (MEGA ; Miccio-Fonseca, 2006), le Structured
Interview for Symptoms Associated with Sexual Abuse (SASA; Wells, McCann,
Adams, Voris, & Dahl, 1997), le Risk for Sexual Behavior Perpetration – Below
12 (RSBP12; Curwen, 2007) et le Latency Age-Sexual Adjustment and Assess-
ment Tool (LA-SAAT; Stetson School, 2012).

3.2. Profil psychologique et comportemental de l’enfant


Comme dans l’évaluation de tout enfant présentant une difficulté comporte-
mentale, l’évaluation exhaustive des enfants qui manifestent des CSP inclut
celle de leur profil psychologique et comportemental. Une évaluation du
fonctionnement général de l’enfant, combinée à l’évaluation des CSP, permet
de prioriser les difficultés vécues par l’enfant et ainsi, d’ajuster les objectifs
d’intervention en fonction de celles-ci. L’ensemble des difficultés de nature
non sexuelle présentées dans la section portant sur les caractéristiques des
enfants qui présentent des CSP devraient être documentées. Ainsi, une atten-
tion particulière devrait être accordée à la présence de troubles de compor-
tements extériorisés (trouble d’attention avec hyperactivité, trouble de la
conduite, comportements d’opposition, agressivité, comportements délin-
quants) et intériorisés (dépression, anxiété) ainsi qu’aux symptômes de stress
post-traumatique. L’évaluation devrait également aborder les antécédents de
négligence, d’agression sexuelle, d’agression physique, d’abus psychologique
et d’exposition à la violence conjugale vécus par l’enfant, en plus des possibles
séquelles qui en découlent (Chaffin et al., 2006). De plus, selon le cas, il pour-
rait s’avérer pertinent d’évaluer d’autres sphères du fonctionnement de l’en-
fant, notamment son développement intellectuel, ses capacités langagières et
la présence de troubles d’apprentissage (Gagnon & Tourigny, 2011).
Pour guider l’évaluation du profil psychologique et comportemental de
l’enfant, le clinicien peut se référer à différents documents qui font état des
pratiques probantes en matière d’évaluation auprès des enfants qui présentent

100
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

des difficultés émotionnelles ou comportementales, notamment Mash et


Barkley (2009), Sattler et Hoge (2006) ou Whitcomb et Merrell (2013).

3.3. Environnement familial et social


Puisque l’environnement familial et social (groupe de pairs, voisinage, école,
etc.) de l’enfant peut grandement influencer le développement et le maintien
des CSP, il importe d’évaluer le contexte environnemental dans lequel évolue
l’enfant qui présente des CSP (Chaffin et al., 2006).
Les lignes directrices en matière d’évaluation auprès des enfants qui pré-
sentent des CSP suggèrent de recueillir des informations sur la qualité de l’at-
tachement parent-enfant, la capacité du parent à monitorer et à superviser
les comportements de leur enfant, le soutien parental offert, la présence de
modèles (adultes et pairs) positifs ou négatifs, les pratiques parentales utili-
sées (ex. : la discipline, les limites, les conséquences imposées) et la réponse
de l’enfant face à cet encadrement, les frontières émotionnelles, physiques et
sexuelles dans la maison, le degré d’exposition à la sexualité et à la violence
dans l’environnement de l’enfant et l’exposition à des situations potentiel-
lement traumatiques. Une attention particulière devrait être accordée aux
valeurs culturelles de la famille et de la communauté en ce qui concerne la
sexualité, de même qu’aux différents facteurs de protection présents dans le
milieu de vie de l’enfant, qui pourront servir de leviers d’intervention. Enfin,
les stresseurs affectant la capacité du parent à fournir des soins optimaux à
leur enfant devraient être documentés, notamment en prenant en considéra-
tion les différents événements traumatiques vécus par le parent lui-même. Il
ressort clairement des recherches réalisées sur cette question que l’implication
des parents dans l’évaluation est déterminante pour la réussite des interven-
tions offertes aux enfants qui présentent des CSP (Jones, 2011).
Deux vignettes cliniques sont présentées ci-après afin d’illustrer certains
critères liés à la définition des CSP et la présence de certains facteurs associés
aux CSP. Il s’agit donc d’extraits provenant de plusieurs rencontres avec cha-
cun des enfants et la 3e auteure dans un centre spécialisé en France.

Vignette clinique 1 : Laurie


Laurie est née à terme d’un accouchement qui s’est déroulé dans des conditions
normales après une grossesse sans problème. Elle est l’aînée de deux enfants du
même couple. Sa petite enfance se passe sans problème particulier. L’entrée en
première année d’école primaire à ses 6 ans est marquée par des troubles du com-
portement : agitation, colères fréquentes, difficultés d’endormissement. Elle est
suivie dans une structure publique où elle bénéficie d’une prise en charge pluridis-
ciplinaire (pédopsychiatre, psychologue et psychomotricien). L’évaluation globale

101
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

mettra alors en évidence des difficultés au sein de la famille de Laurie puisque ses
parents sont en processus de séparation après trois années de conflits apparus après
la naissance de la petite sœur, Lucie. Peu à peu, les troubles du comportement de
Laurie s’atténuent, mais il y a persistance d’une certaine intolérance à la frustration
qui se réactive lorsque chacun des parents se remet en couple puis à la naissance de
deux demi-frères dans chacun des deux couples. La prise en charge thérapeutique
est donc maintenue, mais de façon plus espacée. Alors que Laurie a 9 ans et qu’elle
vit en garde partagée une semaine sur deux chez ses parents, la maman vient relater
les faits suivants à la pédopsychiatre :
Elle a surpris Laurie couchée sur Lucie, de 14 mois plus jeune et dit qu’il s’agit du
troisième épisode similaire depuis environ une année. La mère explique que Laurie,
à chaque fois, lui a semblé se frotter avec son pubis sur le corps de sa sœur avec des
mouvements de va-et-vient suggérant un comportement à connotation sexuelle. Elle
explique avoir aussi observé que sa fille se touche souvent les parties génitales, de
façon beaucoup plus fréquente que lorsqu’elle était plus petite et d’une façon qu’elle
estime impudique, ce qui n’était pas le cas auparavant. La mère dit ne pas s’être fâchée,
mais qu’elle a, comme les fois précédentes, clairement signifié à Laurie que ce n’est
pas une attitude adaptée d’autant que Lucie a manifesté son mécontentement. Lucie,
interrogée par sa mère, a dit que cela se serait produit à d’autres moments toujours
en journée alors que les deux filles jouent ensemble et que « Laurie veut toujours voir
sa foufoune ». À présent, la mère exprime son désarroi et ses inquiétudes vis-à-vis des
comportements de sa fille aînée dont elle redoute la réitération d’autant qu’après ce
dernier épisode, Laurie s’est mise très en colère quand sa mère lui a parlé.
La pédopsychiatre adresse Laurie en consultation de médecine sexuelle pour évaluation
du CSP en précisant que des CSP n’ont jamais été constatés ni recherchés jusqu’alors.
Elle a informé Laurie que c’est pour ce motif qu’elle a demandé cette consultation.
Laurie est amenée par sa mère. Après des présentations générales et le rappel du
motif de consultation, je propose à Laurie de la voir seule, ce qu’elle accepte puisque
sa maman a dit « qu’elle est déjà bien autonome, probablement en lien avec l’orga-
nisation de la vie actuelle de Laurie en garde partagée, mais aussi parce qu’elle a
beaucoup grandi depuis un an ». De fait, Laurie apparaît comme une fille plus âgée
par rapport à son âge biologique. Manifestement, Laurie amorce sa puberté comme
l’indiquent sa courbe de croissance et un certain développement mammaire.
Pour ce qui est de ses connaissances sur les étapes de la vie, Laurie se voit plutôt
comme une adolescente dans les images que je lui montre de personnes d’âges diffé-
rents. La définition de la Personne que je lui propose à l’aide d’un dessin (tête, cœur et
corps) montre que Laurie semble accorder beaucoup d’importance au corps. Lorsque
je lui demande d’énumérer les différentes parties du corps, elle cite d’emblée les seins.
Elle connaît bien les autres parties, mais ne nomme pas les parties génitales tout en
les montrant sur le dessin et en disant : « ça c’est dégoutant ». Je demande à Laurie si
les petites filles et les petits garçons ont des seins. Elle dit non et ajoute spontanément
que ce sont les dames et pas les garçons. Je demande à Laurie si elle sait pourquoi les
dames ont des seins et pas les petites filles, elle répond par la négative. Je parle alors

102
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

des trois périodes de la vie que sont l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte. L’adulte
est défini dans sa capacité physique à pouvoir avoir des enfants à la différence des
enfants. D’où l’importance de la période intermédiaire que constitue l’adolescence
avec notamment des changements corporels, mais aussi dans la tête et le cœur. Cela
permet à Laurie de dire qu’elle « n’est pas contente d’avoir déjà des seins alors que ses
copines n’en ont pas » et que cela la gêne, notamment à la piscine. Je parle alors des
différences qui existent entre les personnes, qui peuvent faire souffrir et que je com-
prends sa peine. D’où l’importance de pouvoir parler de ces aspects de la vie d’autant
que ces changements s’accompagnent aussi de choses positives. Je lui demande si elle
connaît d’autres changements physiques de cette période. Laurie dit : « Il y a les poils
aussi ». Je lui demande si c’est pour cela qu’elle disait que cette partie était dégoutante
et Laurie sourit, semble gênée et ne répond pas. Je n’insiste pas. Je lui explique que je
vais, pour la rassurer sur son état de changement corporel, l’adresser à un médecin
pédiatre qui s’occupe des transformations du corps afin qu’elle puisse se sentir plus
tranquille dans sa tête, son cœur et son corps.
La consultation se poursuit sur ce qui est nécessaire à un enfant pour grandir. Laurie
cite alors : manger, boire, dormir, jouer, aller à l’école, faire du sport et les parents.
Chacun de ces aspects semble aller de soi pour Laurie sauf le dernier puisqu’elle dit
spontanément : « Pour moi, c’est maman parce que mon père, il ne s’occupe pas
de moi ni de ma sœur quand on est avec lui ». Comme je sais qu’elle vit en garde
partagée, je lui demande quelles sont les personnes adultes qui s’occupent d’elles
lorsqu’elles sont chez leur père. Laurie dit que c’est sa belle-mère qui est gentille,
mais qu’elle n’aime pas comme sa maman. Je parle alors du lien d’affection comme
étant le premier lien que les enfants découvrent pour la plupart avec leurs parents et
leur famille composée de leur fratrie et les adultes comme sa belle-mère lorsque les
parents se séparent et refont un autre couple. J’explique qu’aucun enfant ne choisit
ses parents ou les autres adultes de la famille ou même ses sœurs et frères, ce qui
n’est pas toujours facile pour les enfants. Laurie dit alors : « C’est pour ça qu’il faut
devenir grand (adulte) pour être avec plein d’autres personnes ». Je lui demande si
elle a l’impression de devoir être grande, de devoir se débrouiller dans la vie. Laurie
répond par l’affirmative et me précise que cela est vrai « dans sa vie de chez Maman
et dans sa vie de chez Papa ». La consultation se poursuit sur les centres d’intérêt
de Laurie. Je constate que ses intérêts sont plutôt ceux de jeunes âgés de 12 à 15 ans
(personnalités de la musique, du cinéma, des séries télévisées, etc.).
À la consultation suivante, un retour sur l’activité « la personne et ses besoins pour
grandir » permettent de constater que Laurie a bien investi la première consultation.
Elle a apporté des images d’enfants et d’adolescents qu’elle commente de façon adap-
tée. Ces supports confirment qu’elle se voit comme une adolescente dans sa globalité
tête, cœur et corps. Elle dit aussi : « Les petits, c’est embêtant, il faut s’en occuper, ça
m’énerve ». Je lui demande si elle a l’impression qu’à la maison, les adultes s’occupent
davantage ou même trop des plus petits et pas suffisamment d’elle. Elle répond : « Oui,
mais il faut pas le dire sinon, après ils me diront que comme je suis petite, je dois faire
que des choses de petite ». Je lui dis que ce doit être parfois compliqué de devoir faire

103
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

plus grande et qu’il est sûrement nécessaire de réfléchir à l’aider sur ce point. Je fais
alors référence au CSP en lui disant que ces moments où sa maman l’a vue sur sa petite
sœur et qui ont motivé la consultation ici me semblent aussi montrer qu’elle fait des
choses de personne plus grande que 9 ans. Je reprends alors la définition des liens entre
les personnes : nous avons parlé de l’affection, de l’amitié. Il y a aussi ce lien de l’amour.
Ces trois liens sont différentes façons d’aimer. Le troisième, elle l’a peut-être déjà connu
en étant amoureuse. Laurie dit : « Ah oui, j’ai déjà eu quatre amoureux ». Je parle alors
des amours enfantines et des amours des grandes personnes entre elles, qui sont évi-
demment bien différentes. En effet, les grandes personnes ne sont plus ni des enfants ni
des adolescent(e)s, ce qui leur permet, parce qu’ils ont suffisamment grandi, de s’aimer
de toute leur personne entière (tête, cœur et corps) pour partager les grandes choses de
l’amour ; ce qui peut leur permettre aussi d’avoir des enfants. Laurie dit alors : « Ah oui,
ils font du sexe ». Aussitôt après ces paroles, Laurie semble gênée et baisse la tête. Je lui
dis que je vois qu’elle sait déjà beaucoup de choses et que c’est important de pouvoir
parler de tout cela puisque ces choses-là sont importantes dans la vie. Je lui demande de
me préciser ce que cela veut dire pour elle. Laurie dit : « lls se mettent tout nus et ils font
des choses ». Je dis : « Effectivement, comme ils sont adultes, ils ont décidé ensemble
de construire un tête-à-tête, un cœur à cœur et un corps à corps, avec tout leur corps
en entier dont aussi cette partie du corps qui a aussi ce rôle de rendre les personnes
heureuses (je montre la zone génitale sur le dessin) ». Je demande à Laurie si, lorsqu’elle
disait que cette partie du corps était dégoutante, elle pensait aux adultes qui font du sexe
comme elle le dit. Elle dit oui. Je lui explique que c’est une des raisons pour laquelle la
sexualité, comme les grandes personnes peuvent la vivre, ne peut pas encore être pour
les petites personnes. Mais je précise que pour elle, en tant que fille de 9 ans, il est aussi
important qu’elle ne pense pas que cette partie de son corps est sale puisque les enfants
peuvent déjà constater en touchant eux-mêmes cette partie de leur corps, qu’elle est
agréable. Laurie a alors un sourire et dit : « Ça fait des chatouilles quand je touche et
j’aime bien, mais des fois, je le fais trop et ça m’énerve ». Je demande alors à Laurie si elle
a déjà vu des adultes avoir une sexualité. Elle dit alors : « Oui, mais pas pour de vrai ».
Je demande des précisions. Laurie pourra ainsi dire que son cousin Benjamin, âgé de 11
ans, lui a montré à plusieurs reprises depuis environ un an, des images dont la descrip-
tion ne laisse guère de doute sur le caractère pornographique.
La suite de l’évaluation permettra de constater que Laurie n’a pas subi de violences
sexuelles directes à l’exception de cette effraction qu’a représentée la pornographie
dans son développement. Le pédiatre évaluera que le développement pubertaire de
Laurie est prématuré, mais harmonieux et qu’il est déjà trop avancé pour être freiné
par un traitement. Laurie aura ses règles à 10 ans.
Il sera indispensable de recevoir ses parents pour voir les pistes de sécurisation de
l’attachement (facteur associé). Je constaterai que les deux parents ont un regard plu-
tôt négatif sur leur fille qui s’est aggravé avec l’apparition des CSP. Il sera nécessaire
de les aider à réfléchir sur ce point, au-delà des seuls CSP. Il sera également indis-
pensable de les aider à réfléchir à la protection de Laurie puisqu’il apparaîtra que le
père avait surpris Laurie et Benjamin regardant des images pornographiques (facteur

104
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

associé), mais avait banalisé cet événement. En conséquence, une réflexion sera aussi
menée avec la pédopsychiatre et son équipe pour guider les parents dans leur attitude
vis-à-vis du cousin et de ses parents. Quant à la petite sœur Lucie, je la verrai avec la
pédopsychiatre pour évaluer un éventuel retentissement des CSP de Laurie sur elle.
La prise en charge de Laurie, adaptée à son âge et à son histoire, se poursuivra sur une
année afin qu’elle puisse continuer à réfléchir sur les repères humains et relationnels
nécessaires pour s’apaiser dans son développement sexuel. Il sera particulièrement
nécessaire de l’aider à se mettre à distance des images qui avaient fait effraction et
qui avaient manifestement eu un impact plus sévère que ce qui pouvait apparaître de
prime abord. En abordant ses comportements sexualisés avec sa sœur, je pourrai voir
le lien entre le souvenir des images et les comportements masturbatoires ou de CSP.
Elle dira à ce sujet : « Je ne pouvais pas m’en empêcher, ça me prenait tout à coup ». Il
sera important qu’elle puisse trouver une image positive de son corps au-delà de l’arri-
vée de ses règles. La sécurisation des affects par une meilleure communication avec ses
parents et une authenticité des liens avec son père et sa nouvelle famille favoriseront
cet apaisement en lui redonnant une estime et une confiance en elle. Il n’y aura pas
de nouveaux constats de CSP par la suite. La prise en charge sera arrêtée à ses 12 ans.

Vignette 2 : Victor
L’histoire de Victor est la suivante : les parents de Victor apparaissent vulnérables
dès la grossesse de Victor. Sa mère est psychotique (facteur associé) et son père a
commis des faits de petite délinquance (facteur associé), d’où la mise en place d’un
suivi par les services sociaux et de la protection de l’enfance. Lorsque Victor a 4 ans,
le père est incarcéré pour violence conjugale (facteur associé) et les deux enfants de
la famille sont confiés à une famille d’accueil en raison de sévères carences éduca-
tives (facteur associé). La mère reçoit régulièrement ses enfants en droits de visite
à son domicile. Une prise en charge pluridisciplinaire de Victor est organisée per-
mettant de porter le diagnostic d’une déficience intellectuelle légère.
Vers ses 6 ans, sont repérés de premiers CSP dans les rapports de ses référents
sociaux et médicaux : Victor a des propos à connotation sexuelle. Il se masturbe
très fréquemment en présence d’autres enfants ou adultes et peut chercher à tou-
cher les parties intimes d’autres enfants. À noter que sa petite sœur présente aussi
de tels propos, avec une moindre importance toutefois.
Aux 8 ans de Victor, du fait de ses difficultés qui épuisent la famille d’accueil, Victor
est placé en foyer de groupe (facteur associé). À 9 ans, des révélations de Victor et de
sa sœur permettent de constater que leur mère les expose régulièrement à des films à
caractère pornographique et qu’elle peut avoir des relations sexuelles devant eux avec
des hommes, et ce, depuis plusieurs années comme elle le dira elle-même (facteur
associé). Les droits de visite chez la mère sont suspendus. Par la suite, Victor, qui
semble apaisé, revient en visite régulière dans son ancienne famille d’accueil pour
voir sa sœur. Mais alors qu’il vient d’avoir 11 ans, des rapports éducatifs précisent
que Victor « parle de sexe à tort et à travers, qu’il s’exhibe fréquemment avec une

105
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

tendance au voyeurisme dans les salles de bain de son lieu de vie, ce qui nécessite une
surveillance particulière et éprouvante pour les professionnels » (élément de défi-
nition des CSP). Lors des visites effectuées à sa sœur, la responsable de la famille
d’accueil le surprend couché sur sa sœur, qui révèlera que cela se produit quasiment
à chaque fois qu’elle voit son frère depuis environ 6 mois (élément de définition).
Victor a 11 ans quand une plainte pour attouchements sexuels sur sa sœur âgée
de 9 ans est présentée au magistrat, c’est-à-dire que Victor est mis en examen. En
France, un enfant peut être mis en examen avant 13 ans et reconnu coupable. Entre
10 ans et 13 ans, il peut alors faire l’objet de sanctions éducatives (telles que le pla-
cement en famille d’accueil ou l’interdiction de voir la victime, etc.). Une expertise
psychiatrique est ordonnée. Victor quitte le foyer de groupe et vit dans une famille
d’accueil thérapeutique. Dans les mois suivants, il est adressé en consultation de
médecine sexuelle par la psychologue du service de l’Aide sociale à l’enfance.
La première consultation avec Victor ne s’oublie pas ! Il est accompagné de son édu-
catrice référente puisqu’il ne me connaît pas et qu’il est important qu’il se sente sécu-
risé. Il dit d’emblée : « On m’a dit que tu étais un docteur du sexe et moi je veux savoir
ce que ça, ça veut dire ». Et il écrit PD et GOUINE sur le tableau que j’utilise dans
les consultations. Je lui dis qu’il va apprendre dans ces consultations ce que cela veut
dire, mais qu’il lui faut un peu de patience, car il faut que je lui amène d’abord un cer-
tain nombre de choses pour répondre précisément à sa question dont je le félicite. Et
je trace un dessin au tableau pour commencer à définir avec Victor ce dont une per-
sonne a besoin pour grandir. Victor participe activement et écoute attentivement les
explications que je donne ; il se tient assis quasiment tout le temps de la consultation,
ce que son éducatrice qualifie de prouesse. À la fin de la consultation, il me demande :
« Est-ce que je pourrai avoir un jour des enfants, car je n’ai qu’une couille ? » Je le
rassure tout en lui disant que je vais me renseigner auprès de son médecin traitant.
À la consultation suivante, je peux effectivement le rassurer, car il a un testicule. À
la quatrième consultation, alors que nous parlons de la manière dont on apprend
à se respecter soi-même dans son corps (y compris génital) et que je lui dis qu’il
doit en être de même de la part de toutes les personnes vis-à-vis des autres, Victor
déclare : « mais alors Yann ne devait pas me toucher le zizi avec son zizi à lui ? ».
Yann, 17 ans, était le fils de son assistante familiale. L’enquête établira la véracité de
ces révélations, mais beaucoup plus tard (facteur associé).
Entre temps, l’évaluation a amené à cerner que Victor retient ce qui lui est apporté
et ce qui est réfléchi durant les consultations ; il apparaît possible de le « désexua-
liser » tout en lui amenant peu à peu ce qui peut lui permettre de développer sa
personnalité sexuelle sans confusion avec l’affection ou l’amitié. En témoignent des
signes d’apaisement dans son comportement sexuel. Dans ce contexte, il apparaît
indispensable de sécuriser son attachement de type désorganisé/désorienté (facteur
associé). Or, son père s’est totalement désintéressé de ses enfants à sa sortie de
prison. Quant à sa mère, elle reste très vulnérable et vient peu aux droits de visite.
Environ un an plus tard, Victor est reconnu coupable des faits commis sur sa sœur
et est inscrit sur le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions

106
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

sexuelles ou violentes. Les expertises psychiatrique et psychologique ont fait état de


la sévérité de son état en déclarant même pour la seconde que « cet enfant apparaît
inaccessible à toute ressource thérapeutique du fait de l’apparition précoce de ses
troubles et de leur gravité ». Cela motive le pédopsychiatre à demander la reprise
du suivi en médecine sexuelle d’autant que ses CSP sont revenus au premier plan.
Victor vit alors en semaine à l’internat de l’Institut médico-éducatif (l’IME est un
établissement qui accueille les enfants présentant des handicaps intellectuels au
titre de leur scolarité) et en famille d’accueil le week-end. L’évaluation permettra
de mettre en évidence le rôle des troubles de l’attachement dans l’exacerbation ou,
au contraire, l’atténuation des CSP de Victor. Je constate qu’ils sont très présents le
week-end avec énurésie et encoprésie alors que ces dernières ne sont pas notées à
l’internat. Et puis, les CSP vont rapidement disparaitre à l’internat. Il est intéressant
de préciser qu’une psychologue de l’IME accompagne Victor aux consultations et
que l’équipe veille à l’aider dans les petits travaux personnels que je demande entre
les consultations (trouver des images, une musique, etc.). Les professionnels sécu-
risent son attachement en le soutenant, en l’encourageant à réfléchir à cette dimen-
sion de son développement. Mais il faudra plus de temps pour que les conditions
de vie de Victor et leur impact dans la genèse des CSP soient mieux pris en compte.

4. Le traitement des enfants qui présentent


des comportements sexuels problématiques
Suite au constat révélé au cours de la décennie 1980-1990 à l’effet qu’environ
50 % des adolescents auteurs d’agressions sexuelles seraient des récidivistes
(Awad & Saunders, 1991; Becker, Kaplan, Cunningham-Rathner, & Kavoussi,
1986; Fehrenbach, Smith, Monastersky, & Deisher, 1986), il est apparu pri-
mordial de chercher à enrayer les CSP dès leur apparition, tout comme de
prévenir leur persistance. Ainsi, près d’une trentaine de programmes de traite-
ments spécialisés pour enfants qui présentent des CSP auraient vu le jour aux
États-Unis pendant cette période (Sirles, Araji, & Bosek, 1997). S’il demeure
encore difficile aujourd’hui d’obtenir un portrait juste des programmes de
traitement offerts à cette clientèle, c’est que très peu d’entre eux ont fait l’objet
d’une publication scientifique, voire d’une évaluation systématique.
Les premiers programmes de traitement destinés aux enfants qui présentent
des CSP se sont d’abord et avant tout inspirés d’approches et de techniques déve-
loppées pour les adolescents et les adultes auteurs d’agressions sexuelles. Leurs
résultats peu concluants ont rapidement indiqué qu’ils s’avéraient inadéquats
auprès des enfants. Parce qu’ils présentent un niveau de développement affectif,
social et cognitif moins avancé et que la famille joue un rôle prépondérant dans
leur vie, les enfants présentent des besoins qui les distinguent des adolescents
et des adultes et qui impliquent des interventions adaptées en matière de CSP

107
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

(Johnson, 1998). Comme cela a été démontré précédemment, la clientèle des


enfants qui présentent des CSP comporte également une forte hétérogénéité.
Un consensus tend donc à s’établir à l’effet que le traitement des CSP nécessite la
mise en œuvre de programmes qui répondent aux besoins des enfants en tenant
compte de leur niveau de développement, des caractéristiques de leur environ-
nement de vie et de leur histoire personnelle (Chaffin et al., 2006).
Dans la prochaine section, nous présentons les résultats d’une recension des
écrits scientifiques réalisée par notre équipe et dont les objectifs consistaient
à décrire les programmes de traitement existants, à connaître leur efficacité
et à identifier les facteurs associés à cette efficacité. Pour être retenus dans la
recension, les programmes devaient avoir fait l’objet d’une publication (source
primaire ou secondaire) accessible (physiquement ou en ligne) et rédigée en
langue française ou anglaise. De plus, les CSP devaient constituer le principal
objectif de traitement de ces programmes. En d’autres termes, la clientèle devait
être assignée au programme en raison des CSP manifestés par un enfant de
12 ans et moins et le programme devait viser en priorité la réduction des CSP.
Ainsi, tout programme s’adressant à priori aux victimes d’agression sexuelle
et visant à en réduire les séquelles, dont les CSP, a été exclu de la recension.
Au total, 19 programmes ont été repérés, la quasi-totalité provenant des États-
Unis. Leurs principales caractéristiques sont présentées dans le tableau 1.

108
Tableau 1. Programmes d’intervention destinés aux enfants qui présentent des CSP

Programmes Cibles d’intervention


Gil and Johnson treatment model Volet enfant : Volet parent :
(Gil & Johnson, 1993), États-Unis • connaissances sur les CSP • expression et gestion des émotions
Approches : cognitive, familiale • éducation à une sexualité saine et correction • compréhension des CSP
Durée : 4 phases des pensées erronées à ce sujet • supervision adéquate
Modalités : groupe parents, groupe enfants (n = 4-6, • identification des précurseurs des CSP • gestion des comportements
répartis selon l’âge et le sexe), groupe fratrie, thérapie • intégration des sentiments et pensées en • identification des précurseurs familiaux
familiale rapport à une expérience d’abus développe- des CSP
Animation : 1 homme et 1 femme ment • habiletés de communication
Milieu : clinique des habiletés sociales et de l’empathie
• résolution de problèmes
• prise de responsabilité pour ses gestes
Stop and Think group program Volet enfant : Volet parent :
(Butler & Elliott, 1999 ; Elliott & Butler, 1994), • éducation à la sexualité saine • compréhension et acceptation des enjeux
Royaume-Uni • apprentissage et application d’un modèle de et besoins de l’enfant
Approches : TCC, résolution de problèmes, prévention résolution de problèmes • supervision adéquate
de la récidive • identification des précurseurs de CSP • soutien à la généralisation (application
Durée : 21 séances x 90 min., Intensité : 1 à 2 séances/sem. • gestion de la colère/contrôle de soi du modèle au quotidien)
Modalités : groupes parents et enfants ( , 9-10 ans) au • stratégies de coping positives
besoin adaptés en individuel, suivi familial préventif, • développement de l’empathie
séances de maintien (au besoin)
Animation : 1 homme et 1 femme détenant une formation
clinique (gr. enfants), 1 travailleur social (gr. parent)
Milieu : clinique

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Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Programmes Cibles d’intervention

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Sexually reactive youth program (Ray et al., 1995), Volet enfant : Volet parent :
États-Unis • élimination du déni • habiletés de communication
Approches : éducation, comportementale, holistique • correction des pensées erronées • éducation à une saine sexualité
Durée : 18 mois et plus • développement de l’identité sexuelle • gestion de la colère
Modalités : séances individuelles enfant, groupe enfants, • développement de l’empathie • habiletés d’affirmation de soi
thérapie familiale, groupes éducatifs et de soutien pour • identification des précurseurs des CSP • relations interpersonnelles
parents biologiques, d’accueil ou adoptifs • gestion des histoires d’abus ou de trauma • estime de soi
Animation : formation d’une équipe attitrée à l’enfant Volet famille :
Milieu : services de protection • dynamique familiale propice aux CSP
• soutien à la réintégration de l’enfant dans son milieu
Specialized treatment of sexually abusive behavior Volet enfant : Volet parent :
problems (Ryan & Lane, 1997, Ryan et al., 2011), • identification des précurseurs des CSP et de • compréhension des CSP
États-Unis stratégies d’adaptation adéquates • gestion de comportements
Approches : cycle de l’abus, psychoéducation, éclectique, • prise de responsabilité pour ses gestes • supervision adéquate
thérapie complémentaire (si autre trouble ou déficit) • éducation sur les effets d’un trauma • établissement d’un plan de sécurité
Modalités : groupe enfants (2 semaines), séances éduca- • expression des émotions
tives pour parents, séances individuelles (si nécessaire), • résolution de problèmes
thérapie familiale (si nécessaire) • estime de soi
• sentiment de compétence
Expressive Therapy (ET) Relapse Prevention • règles de sexualité adéquate et établissement des frontières physiques
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

(Pithers et al., 1998 ; Pithers Therapy (RPT) • gestion des émotions


& Gray, 1998), États-Unis • connaissances des impacts de l’agression sexuelle
ET :
• résolution de problèmes
Approche : souple, Approche : TCC, structurée, • habiletés sociales
expérientielle, créative didactique

Durée : 32 semaines • identification et intervention sur les précurseurs des CSP


Modalités : groupe parents, groupe enfants (mixte, 6-9 RPT : mise sur pied d’une équipe de soutien
ans et 10-12 ans)
Programmes Cibles d’intervention
Cognitive Behavioral Dynamic Play Volet enfant CBT : Volet parent CBT :
Therapy (CBT) Therapy (DPT) • connaissances sur les CSP • comportements sexuels normaux et
(Bonner et al., 1999 ; Carpentier et al., 2006), États-Unis • éducation à la sexualité atypique
• règles de sexualité adéquate • supervision adéquate
Approche : TCC, psychoé- Approche : thérapie par • contrôle de soi • gestion des comportements
ducation, structurée le jeu, psychodynamique,
souple, centrée sur le client
Durée : 12 séances x 60 min. Volet enfant DPT : Volet parent DPT :
Modalités : groupe parents, groupe enfants (n = 10-15, • connaissances sur les CSP • habiletés parentales
mixte, 5/6-12 ans) • frontières physiques
Animation : 1 homme et 1 femme, formés en psychologie • éducation à la sexualité
et au programme, supervisés de façon hebdomadaire • estime de soi
Milieu : Clinique
The Intensive program (Jones et al., 2006 ; Ownbey et Volet enfant : Volet parents d’accueil :
al., 2001), États-Unis • identification des pensées erronées • développement de l’enfant et sexualité
Approches : éducation, comportementale, holistique • habiletés de résolution de problèmes • caractéristiques des enfants ayant des CSP
Durée : non-précisée • compréhension de ses sentiments et • enjeux liés à l’attachement et à la famille
Modalités : formation des parents d’accueil (6 séances comportements d’origine
du Professionnal Parenting Program x 30 min.), visite • prise de responsabilité pour ses gestes • élaboration d’un plan de sécurité
de la famille d’accueil par le Program Manager (1x/sem. • gestion des CSP • gestion de comportement
et sur demande), séances de groupe éducatives pour • éducation à la sexualité • évaluation continue et multidimension-
enfant (mixte, 1x/sem.), séances de groupe éducatives • développement de l’empathie nelle des besoins de l’enfant
et de soutien pour parent d’accueil (1x/sem.), séances • estime de soi
éducatives familiales (trimestrielles), Program Manager
disponible 24/7, mise sur pied d’une équipe de traitement
multidisciplinaire spécifique à chaque enfant, services de
répit (au besoin), services de counseling externes

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Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Programmes Cibles d’intervention

112
Day program (Robbins, 2001), États-Unis Volet enfant : Volet famille :
Modalités : TCC, éclectique, psychoéducative, prévention • éducation à la sexualité • soutien à la famille
de la récidive • identification et correction des pensées • gestion des comportements
Durée : 18 semaines erronées • communication efficace
Intensité : 2 h/jour • développement de l’empathie • habiletés générales de coping au sein de la
Modalités : groupe enfants (n = 10 maximum, répartis • gestion des comportements pour réduire famille
selon l’âge : 6-9 et 10-12), suivi individuel, thérapie l’excitation sexuelle déviante
familiale (1 séance x 60 min. /sem.) • plan de prévention de la récidive
Animation : 1 thérapeute formé dans une discipline
psychosociale ou en clinique Milieux : scolaire ou hospitalier
Transformers program (Staiger et al., 2005), Australie Volet enfant : Volet parent :
Approches : TCC, systémique • responsabilité pour ses gestes • connaissance des CSP
Durée : 20 semaines • identification des précurseurs des CSP • compréhension et réponse adéquate aux
Modalités : groupe parents, groupe enfants, suivi individuel • résolution de problèmes besoins de l’enfant
(au besoin), thérapie familiale (au besoin) • développement de l’empathie • discipline appropriée et constante
Milieu : communautaire • création d’un réseau de soutien • réduction de la colère et du déni
• estime de soi et confiance en soi • identification et modification des précur-
seurs familiaux des CSP
• création d’un réseau de soutien
Multisystemic family treatment model for children • restructuration cognitive
who have sexual behavior problems (Griffith, 2005), • éducation à la sexualité
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

États-Unis • sentiment de compétence


Approches : multisystémique, TCC, entraînement aux • pratiques éducatives et habiletés parentales
habiletés parentales • structure et cohésion familiale
Durée : 3 à 5 mois • prévention de la récidive
Animation : un thérapeute de niveau maîtrise, supervisé • gestion de l’expérience de victimisation de l’enfant
par un professionnel en santé mentale de niveau PhD,
consultation hebdomadaire d’un expert en TMS
Milieu : communautaire
Programmes Cibles d’intervention
À la croisée des chemins (Gagnon, Bégin, & Tremblay, Volet enfant : Volet parent :
2005 ; Gagnon, Tremblay, & Bégin, 2005 ; Tremblay & • connaissances sur les CSP • connaissances sur les CSP
Bégin, 2008), Canada • identification des précurseurs et consé- • compréhension des précurseurs des CSP
Approches : TCC, éclectique, psychoéducation, systémique quences des CSP • supervision adéquate
Durée : 20 à 23 semaines • éducation à la sexualité • connaissances et habiletés d’éducation à la
Intensité : 1 séance x 90 min. /sem. • frontières physiques sexualité
Modalités : groupe parents (n = 4-14), groupe enfants • habiletés sociales • pratiques éducatives positives
(n = 4-7, répartis selon le sexe et l’âge : 6-9 et 10-12) • autocontrôle
Animation : 1 homme et 1 femme, formés dans une • estime de soi
discipline psychosociale et sur le programme (3 jours)
Milieux : services de protection et communautaire
Group treatment for preschool children with sexual Volet enfant : Volet parent :
behavior problem • frontières physiques • développement sexuel
(Silovsky et al., 2007), États-Unis • contrôle des impulsions • prévention des CSP
Approche : TCC, comportementale, psychoéducative • prévention des CSP • règles familiales
Durée : 12 séances x 90 min. • habiletés d’expression • gestion de comportements
Modalités : groupe parents, groupe enfants (n = 3-7) • correction des croyances erronées • relation parent-enfant
Animation : 1 psychologue formé en thérapie compor-
tementale et psychoéducative, 1 co-thérapeute selon la
taille du groupe enfant, supervision hebdomadaire
Family-based, attachment-focused therapy (Friedrich, • connaissances des règles de sexualité adéquate
2007), États-Unis • identification des précurseurs des CSP
Approches : TCC par le jeu, thérapie d’interaction • supervision parentale adéquate
parent-enfant, intervention fondée sur l’attachement • gestion des CSP
Durée : 5 à 35 semaines • pratiques parentales positives
Intensité : 1séance x 60 min. /sem. (sauf les séances 1 et 2 • interactions parent-enfant positives
qui durent 90 min.) • établissement d’un climat de sexualité saine dans la famille
Modalités : séances individuelles (enfant ou parent), • gestion des mauvais traitements de l’enfant (et des parents)
séances en dyade

113
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins
Programmes Programmes

114
Navigators group (Rose, 2008), États-Unis • éducation à la sexualité
Approches : TCC, psychoéducation • reconnaissance des règles de sexualité enfreintes
Durée : 12 semaines • développement de l’empathie
Modalité : groupe enfants • création d’un plan de prévention de la récidive
Milieu : établissement de réadaptation fermé (résidentiel)
Project Pathfinder (Stewart, 2009), États-Unis Volet enfant : Volet parent :
Approche : TCC, psychoéducation, thérapie par le jeu • résolution de problème • connaissances sur les CSP
Modalités : individuel, groupe parents, groupe enfants, thérapie • entraînement aux habiletés sociales • supervision adéquate
familiale • contrôle de soi • gestion des comportements
• expression des émotions
• prévention de la récidive
The four quadrants (Bergman & Creeden, 2011), pays non précisé • éducation sur le fonctionnement du cerveau (ex. : impact des traumas)
Approches : neuro-developmentale, fondée sur l’attachement, • compréhension des CSP et de ses conséquences
fondée sur le trauma, éclectique, expérientielle (ex. : arts, théâtre, • identification de la dynamique menant aux CSP
EMDR, pleine conscience) • prise de conscience de ses émotions/pensées
Durée : non-précisée • apprentissage des stratégies d’autorégulation
Modalités : séances en dyades (parent-enfant ), suivies de • prise de responsabilité pour ses gestes
séances en groupe • développement de l’empathie
Animation : thérapeutes formés en neurodéveloppement et sur les • sentiment de compétence
conséquences associées au trauma • habiletés de relations sociales saines et sécuritaires
Milieux : clinique ou communautaire • gestion de l’expérience de trauma et de deuils
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

• éducation à la sexualité et clarification du rôle masculin


Boundary Project Model (Gil & Shaw, 2014), États-Unis Volet enfant : Volet parent :
Approches : thérapie familiale, TCC fondée sur les traumas, • connaissances sur les CSP • compréhension des causes des CSP
intervention fondée sur l’attachement, thérapie par le jeu, • frontières physiques • correction des pensées erronées
psychoéducation • identification et expression des émotions • gestion des histoires d’abus ou trauma
Durée : 12 semaines (répétition possible si les décisions cliniques • relaxation • supervision adéquate
le recommandent) • autocontrôle • relation parent-enfant positive
Modalités : séances individuelles ou de groupes parents et enfants • estime de soi, sentiment de compétence • création d’un réseau de soutien
(répartis selon l’âge : 4-6, 7-9, 9-11), thérapie familiale (au besoin) • interactions sociales
TCC : thérapie cognitive-comportementale ; : garçons ; EMDR: eye movement desensitization and reprocessing ; TMS : thérapie multisystémique.
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

4.1. Les programmes de traitement existants


La plupart du temps, les programmes de traitement destinés aux enfants qui
présentent des CSP sont offerts dans un contexte volontaire. Rarement la parti-
cipation est mandatée par les services de protection ou de justice. La référence
des enfants (et de leur famille) s’effectue le plus souvent par l’intermédiaire d’un
intervenant psychosocial œuvrant au sein de l’un ou l’autre des milieux suivants,
également susceptibles d’offrir l’intervention : protection de l’enfance, santé et
services sociaux, scolaire, communautaire. Un examen des critères d’admission
aux différents programmes révèle que, lorsque précisée, la nature des CSP fai-
sant l’objet d’une intervention concerne principalement des comportements
dirigés vers les autres plutôt que dirigés vers soi : sexually abusive actions (Berg-
man & Creeden, 2011), sexually agressive behavior (Butler & Elliott, 1999; Elliott
& Butler, 1994), abusive sexual behavior (Ryan & Lane, 1997), sexually dange-
rous to others (Ownbey, Jone, Judkins, Everidge, & Timbers, 2001), equivalent to
adult criminal violations (Pithers et al., 1998), inappropriate sexual acts against
other children (Ray, Peterson, Gray, Schaffner, & Houff, 1995), not exclusively
problematic self-touch sexual behavior (Silovsky, Niec, Bard, & Hecht, 2007).
Sur le plan des approches thérapeutiques privilégiées, la majorité des pro-
grammes recensés ont recours à la théorie de l’apprentissage social pour expli-
quer les CSP et met en œuvre des interventions qui s’inspirent des principes de
la thérapie cognitive-comportementale (TCC) pour les traiter. C’est donc dire
que les CSP sont généralement conçus comme des comportements acquis, par
conditionnement, modelage ou renforcement, et que leur traitement implique
le recours à un protocole d’intervention relativement structuré pour enseigner
comment corriger les cognitions erronées, adopter de nouveaux comporte-
ments, et mettre en pratique les apprentissages réalisés. Dans la plupart des
programmes de TCC, une deuxième approche d’intervention est offerte en
complémentarité, comme la psychoéducation, la thérapie systémique, l’inter-
vention fondée sur le trauma ou sur l’attachement, etc. Les cibles d’interven-
tion généralement poursuivies auprès des enfants concernent : l’éducation à la
sexualité, l’identification des CSP, l’apprentissage des règles de comportement
sexuel adéquat (ex. : frontières physiques), l’application de techniques d’auto-
contrôle (ex. : résolution de problème, relaxation), ainsi que le développement
d’habiletés sociales et d’interactions positives (ex. : empathie).
La quasi-totalité des programmes recensés valorise l’implication des parents
(biologique, d’accueil ou d’adoption) sous différentes formes, dont la partici-
pation à des séances de groupe, en dyade ou de thérapie familiale. Si la majorité
des programmes met l’accent sur la nécessité d’éduquer les parents sur divers
plans, un rôle de partenaires actifs dans le traitement leur est souvent conféré,
en ce sens qu’ils peuvent être chargés de veiller à l’implantation d’un plan de
sécurité de l’enfant au quotidien. Les cibles d’intervention généralement pour-
suivies auprès des parents concernent l’amélioration des connaissances sur

115
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

le développement sexuel normal et problématique, l’identification des CSP,


de ses déclencheurs et ses facteurs de maintien, l’apprentissage de stratégies
de supervision adéquate et de gestion de CSP, l’amélioration des pratiques
éducatives et de la relation parent-enfant, ainsi que l’établissement de règles
familiales appropriées (ex. : communication, climat de sexualité).
La modalité de groupe est souvent privilégiée dans les programmes recensés,
de sorte que l’enfant et le parent participent chacun de leur côté à une interven-
tion de groupe offerte au même moment et se rejoignent à la fin de la séance
pour une période de temps conjointe. D’entrée de jeu, la modalité de groupe
revêt un caractère économique appréciable. Elle présente aussi un fort potentiel
sur le plan clinique, en ce sens que le groupe offre aux enfants et à leurs parents
l’occasion d’apprendre au contact des autres, de réduire l’isolement, ainsi que
d’observer et pratiquer de nouveaux comportements (Chaffin et al., 2006).
Toutefois, le groupe peut aussi présenter un certain nombre d’inconvénients :
enjeux de confidentialité, non-réponse aux troubles sévères et/ou en comorbi-
dité, gestion de comportement nécessaire au bon fonctionnement du groupe,
renforcement négatif entre les membres, long délai de traitement impliqué par
la formation du groupe, etc. (Chaffin et al., 2006 ; Friedrich, 2007).
Si certains programmes n’indiquent pas la durée prévue du traitement,
cette dernière paraît très variable lorsque précisée, sans compter que des suivis
supplémentaires peuvent s’ajouter au besoin. Néanmoins, la plupart des pro-
grammes recensés sont de courte durée (3 à 5 mois). Enfin, la co-animation
par un homme et une femme est parfois privilégiée lors des séances de groupes
destinées aux enfants. Cette formule présenterait certains avantages sur le plan
de l’intervention, dont ceux de fournir un modèle de rôles positifs aux jeunes
filles et garçons, de favoriser l’emploi de différents styles d’interaction suscep-
tibles de retenir leur attention, et de permettre aux enfants d’observer des inte-
ractions homme-femme égalitaires et non conflictuelles (Gagnon, Tremblay,
& Bégin, 2006 ; Gil & Johnson, 1993).

4.2. L’efficacité des programmes de traitement des CSP


Des 19 programmes de traitement recensés, 11 ont fait l’objet d’une évalua-
tion sous l’angle de leur efficacité. De façon plus importante, les programmes
évalués incluaient une modalité de groupe (10 études sur 11) et privilégiaient
une approche d’intervention de type TCC (7 études sur 11). Parmi les 11 pro-
grammes évalués, quatre ont fait l’objet d’études expérimentales au cours des-
quelles les participants ont été assignés aléatoirement à l’une ou l’autre des
deux conditions de traitement. Ces études expérimentales s’inscrivaient à
l’intérieur de deux lignées de travaux initiés au cours d’une même période, par
l’équipe de Pithers et al. (1998) et par celle de Bonner et al. (1999).

116
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

Les travaux réalisés par Pithers et al. (1998) visaient à comparer l’efficacité
d’une TCC de type « prévention de la récidive » à une thérapie expressive, impli-
quant la réalisation d’activités créatives à l’intérieur d’un cadre d’intervention
souple. Les données recueillies auprès des 93 enfants participant à l’une ou
l’autre des thérapies révèlent qu’à la mi-traitement (16 semaines après le début
de la thérapie) les enfants participant à la TCC avaient une diminution statisti-
quement significative des comportements sexuels comparativement aux enfants
participant à la thérapie expressive. Lors d’un suivi réalisé un an après la fin du
traitement, une diminution progressive des comportements sexuels a été obser-
vée, ainsi qu’une diminution des problèmes de comportement, chez l’ensemble
des participants (Pithers & Gray, 1998). À moyen terme, les enfants des deux
groupes ont vu leurs comportements sexuels diminués et les deux groupes ne
se distinguaient plus (Bonner & Fahey, 1998, cité dans Carpentier et al., 2006).
Les travaux réalisés par Bonner et al. (1999) visaient à comparer l’efficacité
d’une TCC à celle d’une thérapie par le jeu. Les données recueillies au début
et à la fin de l’intervention (n = 39) ont révélé des améliorations significatives
équivalentes pour les deux groupes d’enfants en ce qui concerne leurs com-
portements sexuels, leurs compétences sociales et leurs problèmes de compor-
tement. Un suivi réalisé deux ans après leur participation (n = 20) a montré
des taux de récidive équivalents chez les enfants des deux groupes (TCC =
15 %, thérapie par le jeu = 17 %), tandis qu’un suivi réalisé sur une période de
10 ans auprès de 135 enfants ayant participé à l’un ou l’autre de ces deux trai-
tements pointe plutôt en faveur de la TCC (Carpentier et al., 2006). En effet,
des taux plus faibles d’arrestations pour une offense à caractère sexuel ont été
notés chez les participants de ce groupe (2 %), comparativement à ceux du
groupe de thérapie par le jeu (10 %).
Parmi les sept autres programmes de traitement évalués, deux ont fait l’ob-
jet d’une étude quasi-expérimentale avec assignation non aléatoire des partici-
pants à l’une ou l’autre de deux conditions de traitement (Rose, 2008; Staiger,
Kambouropoulos, Evertsz, Mitchell, & Tucci, 2005), tandis que cinq ont plu-
tôt fait l’objet d’une étude pré-expérimentale impliquant une seule condition
de traitement (Gagnon, Tremblay, & Bégin, 2005 ; Jones, Ownbey, Everidge,
Judkins, & Timbers, 2006 ; Ownbey et al., 2001 ; Ray et al., 1995 ; Silovsky et
al., 2007 ; Stewart, 2009). D’entrée de jeu, les résultats de ces études confir-
ment ceux des travaux évoqués précédemment, à savoir que les enfants se sont
améliorés de manière statistiquement significative sur le plan des compor-
tements sexuels (Gagnon, Tremblay et al., 2005 ; Jones et al., 2006 ; Ownbey
et al., 2001 ; Ray et al., 1995 ; Rose, 2008 ; Silovsky et al., 2007 ; Staiger et al.,
2005 ; Stewart, 2009), des problèmes de comportement intériorisés (Gagnon,
Tremblay et al., 2005 ; Staiger et al., 2005) ou extériorisés (Ray et al., 1995 ;
Stewart, 2009) et des compétences sociales (Gagnon, Tremblay et al., 2005 ;
Ray et al., 1995). D’autres améliorations statistiquement significatives en lien

117
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

avec les cibles d’intervention des programmes de traitement des CSP ont aussi
été notées chez les enfants participants : connaissances relatives à la sexualité
(Ray et al., 1995 ; Rose, 2008 ; Silovsky et al., 2007 ; Staiger et al., 2005 ; Stewart,
2009), reconnaissance ou prise de responsabilité pour ses gestes (Ray et al.,
1995 ; Staiger et al., 2005), empathie (Rose, 2008 ; Staiger et al., 2005) et sen-
timent de sécurité personnelle (Stewart, 2009). Seule l’étude de Staiger et al.
(2005) a évalué la présence de changements chez les parents, lesquels se sont
traduits par une amélioration des connaissances sur les CSP et une augmenta-
tion de la confiance en leur capacité à les gérer. Enfin, Ray et al. (1995) ont éva-
lué la présence de changement sur le plan familial et leurs résultats indiquent
une amélioration des relations entre ses membres au sortir du programme.
En résumé, les études évaluatives recensées révèlent des résultats positifs,
en ce sens qu’il s’avère possible de diminuer la fréquence des comportements
sexuels émis par les enfants, de même que de prévenir leur récidive à plus long
terme. Certaines études rapportent également des résultats prometteurs au
regard de quelques cibles d’intervention visées par les programmes de traite-
ment des CSP, dont les connaissances en matière de sexualité et de frontières
personnelles, la reconnaissance des gestes, l’empathie, les compétences sociales
et les difficultés de comportements (extériorisés et intériorisés). Des études
supplémentaires sont toutefois nécessaires pour fournir une réponse plus
complète à la question de l’efficacité des programmes de traitement existants,
c’est-à-dire : « Dans quelle mesure ces programmes permettent-ils d’atteindre
l’ensemble des cibles d’intervention envisagées auprès de l’enfant, de ses parents
et de sa famille ? ». Pour assurer la validité d’une telle réponse, les études futures
mériteraient de recourir à une méthodologie rigoureuse qui pallie les princi-
pales limites notées dans ce domaine : utilisation de devis pré-expérimentaux
(absence de groupe contrôle), faible taille d’échantillon, recours à un seul infor-
mateur, mesure des CSP imprécise (c’est-à-dire présence et fréquence de com-
portements sexuels au sens large, pas nécessairement problématiques).

4.3. Les caractéristiques associées à l’efficacité des traitements


Afin d’améliorer l’efficacité des programmes de traitement existants, des études
sur les mécanismes de changement thérapeutique sont également nécessaires
pour examiner l’influence de certaines caractéristiques individuelles, environ-
nementales ou de l’intervention sur les effets de ces programmes. Qui sont les
participants qui bénéficient le plus de ces programmes ? Quelles caractéristiques
du programme sont responsables des effets observés ? L’étude des mécanismes
de changement peut ainsi contribuer à mieux cerner les caractéristiques essen-
tielles à l’efficacité des programmes d’intervention. Aussi, l’identification de
telles caractéristiques offre-t-elle la possibilité de soutenir une utilisation judi-
cieuse des connaissances scientifiques en contexte de pratique, notamment en

118
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

guidant les cliniciens dans leur travail visant à adapter, voire personnaliser, les
interventions aux spécificités de leur clientèle (Tougas & Tourigny, 2013).
À ce jour, peu d’études ont exploré les caractéristiques qui sont associées
à l’évolution positive des enfants ou aux effets des programmes d’intervention
auprès des enfants présentant des CSP (Pithers & Gray, 1998 ; Silovsky et al.,
2007 ; Stewart, 2009 ; Tougas, Boisvert, Tourigny, Lemieux, Tremblay & Gagnon,
2016 ; Tougas, Tourigny, Boisvert, Lemieux, Tremblay & Gagnon, 2016).
Dans un premier temps, les travaux de Pithers et al. (1998), présentés à la
section précédente, démontrent que les effets des deux interventions évaluées
varient selon les sous-groupes d’enfants examinés. Plus spécifiquement, les
enfants du sous-groupe « très traumatisé » (caractérisé par le fait d’avoir vécu
diverses formes de maltraitance) s’améliorent davantage au niveau des com-
portements sexuels suite à une participation à la TCC comparativement à une
participation à la thérapie expressive. Les auteurs rapportent également que la
proportion d’enfants qui s’améliorent cliniquement après 16 semaines d’in-
tervention varie selon les sous-groupes (très traumatisé, réactif sexuellement,
briseur de règle, agressif sexuellement et sans symptôme). Par exemple, 58 %
des enfants du sous-groupe « briseur de règles » passent d’un score clinique
(nécessitant une intervention) au niveau des comportements sexuels au début
du traitement à un score non clinique 16 semaines plus tard, démontrant ainsi
une réduction de la fréquence des comportements sexuels. Pour les enfants du
sous-groupe « agressif sexuellement » seulement 7 % d’entre eux passent d’un
score clinique à un score non clinique concernant les comportements sexuels.
Ces résultats suggèrent ainsi que la TCC est mieux adaptée aux enfants ayant
vécu des mauvais traitements. À plus long terme, il semble toutefois que la
différence en faveur de la TCC pour ce sous-groupe d’enfants n’est plus signi-
ficative (Chaffin et al., 2002, cité dans Staiger et al., 2005).
Les résultats de l’étude de Tougas et al. (2016) vont partiellement dans le
même sens en confirmant un lien entre les formes de mauvais traitements et
l’amélioration en cours d’intervention des CSP. Cette étude avait pour but
d’examiner si les mauvais traitements, vécus par l’enfant ou par son parent, per-
mettaient de prédire l’évolution de 75 enfants de 6 à 12 ans participant à un
programme d’intervention visant à traiter leurs CSP au moyen d’une approche
fortement inspirée des orientations cognitive-comportementale et psychoédu-
cative. Bien que les résultats montrent que, dans l’ensemble, les mauvais traite-
ments de l’enfant ne sont pas associés à l’évolution des problèmes de comporte-
ment de l’enfant ni à l’évolution des habiletés sociales en cours d’intervention,
le fait pour les enfants d’avoir vécu diverses formes de mauvais traitements est
associé à l’évolution positive en cours d’intervention de différentes mesures de
comportements sexuels. En effet, concernant les problèmes de comportements
sexuels, tels que rapportés par le parent, les enfants ayant vécu une agression
sexuelle s’améliorent davantage que les enfants qui n’ont pas vécu cette forme de

119
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

maltraitance. Par ailleurs, l’amélioration de ces problèmes serait plus importante


chez les enfants plus jeunes que chez les plus âgés. De plus, les enfants ayant subi
un abus physique ont une diminution plus grande de comportements sexuels
suite à l’intervention que les enfants n’ayant pas vécu d’agression physique.
Concernant la maltraitance vécue par les parents dans leur enfance, les résul-
tats de l’étude de Tougas et al. (2016) montrent que les diverses formes de mal-
traitance (agression sexuelle, négligence, abus émotionnel et abus physique) ne
sont pas associées à l’évolution, suite à un traitement, de la plupart des problèmes
de comportement et des habiletés sociales de l’enfant. Par contre, les enfants qui
ont un parent ayant vécu des abus émotionnels durant l’enfance présentent une
légère augmentation des comportements sexuels, comparativement aux enfants
dont le parent n’a pas vécu cette forme de mauvais traitements qui voient leurs
comportements sexuels diminués suite au traitement. De plus, les enfants dont
le parent a vécu de la négligence durant l’enfance ont une plus grande dimi-
nution des problèmes de comportements sexuels suite à l’intervention. Enfin,
les enfants dont le parent a vécu de la violence conjugale ont une plus grande
diminution des problèmes de comportements sexuels et une amélioration plus
importante de leurs habiletés sociales suite à l’intervention, comparativement
aux enfants dont le parent n’a pas vécu de violence conjugale.
Silovsky et al. (2007), en plus d’avoir réalisé une étude d’efficacité d’un trai-
tement s’adressant à des enfants de 3 à 7 ans présentant des CSP (n = 28), ont
vérifié si l’âge et le sexe des enfants participants pouvaient être associés à leur
évolution suite au traitement. Leurs résultats démontrent que l’âge et le sexe
sont significativement associés à l’évolution des comportements sexuels. Plus
spécifiquement, les filles et les enfants plus âgés présentent une plus grande
amélioration au niveau des comportements sexuels suite au traitement. Par
contre, une histoire d’agression sexuelle vécue par les enfants n’est pas asso-
ciée à une plus grande réduction des CSP suite au traitement.
Dans une étude réalisée auprès de 27 enfants âgés entre 4 et 12 ans (M = 8,1
ans) et qui ont participé à une intervention visant à traiter leurs CSP, Stewart
(2009) a exploré le lien entre quatre variables sociodémographiques (âge, sexe
de l’enfant, revenu, structure familiale) et l’évolution des enfants suite à l’inter-
vention au niveau des comportements sexuels, des problèmes de comporte-
ments et des connaissances concernant la sécurité personnelle et les frontières
interpersonnelles. Dans l’ensemble, les résultats montrent que l’âge n’est pas lié
à l’évolution des enfants en cours de traitements sauf pour une sous-échelle du
CSBI, laquelle indique que les enfants plus âgés voient leurs comportements
sexuels diminuer davantage comparativement aux plus jeunes.
Le sexe de l’enfant, de même que le revenu et la structure familiale ne sont
pas associés à une amélioration des problèmes de comportements extériorisés
ou intériorisés. Par contre, ces trois variables sont associées à une diminution de
la fréquence des comportements sexuels, mais le sens du lien n’est pas précisé.

120
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

En conclusion, ces quelques études permettent de penser que les interven-


tions visant à réduire les CSP peuvent ne pas avoir le même effet selon cer-
taines caractéristiques de l’enfant, en l’occurrence le sexe, l’âge et l’histoire
de mauvais traitements, ainsi que certaines caractéristiques de sa famille. Ces
études tendent à montrer que les enfants qui ont vécu des mauvais traitements
évoluent aussi bien, sinon mieux, que ceux qui n’en ont pas vécu, suggérant
que ces programmes sont bien adaptés aux enfants dans leur singularité.

4.4. Recommandations relatives au traitement des CSP


Au cours des dernières années, la réalisation d’études évaluatives a graduel-
lement conduit à la formulation de recommandations pour l’intervention
en matière de CSP. En parallèle aux travaux de l’ATSA (Chaffin et al., 2006),
St-Amand, Bard et Silovsky (2008) ont réalisé une méta-analyse dont un des
objectifs consistait à mettre en lumière les composantes qui influencent l’effi-
cacité des programmes visant à réduire les comportements sexuels probléma-
tiques chez les enfants qui présentent des CSP et les enfants ayant été victimes
d’agression sexuelle. Les résultats de ces travaux, juxtaposés à ceux de notre
recension, peuvent contribuer à éclairer les décisions cliniques entourant l’in-
tervention à mettre en œuvre auprès des enfants qui présentent des CSP.

4.4.1. Approches et modalités de traitement


D’entrée de jeu, les recommandations formulées par l’ATSA mettent en valeur
le potentiel des programmes de traitement de courte durée, offerts en milieu
clinique et structurés selon une approche de TCC. En raison des résultats des
études randomisées qui confèrent des bénéfices légèrement plus importants à
ce type de programmes, ainsi que des faibles implications qui en découlent en
termes de coûts et de risques pour les participants, l’ATSA suggère d’y recourir
d’office lorsqu’il est question de traiter un enfant qui manifeste des CSP. Selon
l’ATSA, l’efficacité des programmes de traitement en matière de CSP repose
davantage sur l’approche d’intervention privilégiée que sur la modalité mise
en œuvre. Le groupe d’experts rappelle à cet effet que les séances de groupe
ne constituent pas l’unique modalité possible, et que malgré sa forte popularité
sur le plan clinique, rien n’indique qu’elle soit supérieure aux autres modalités.
Selon Burton, Rasmussen, Bradsaw, Christopherson et Huke (1998, cité dans
Gagnon, 2004), la réalisation de séances individuelles complémentaires peut
contribuer au bon déroulement des séances de groupe. Les enfants y seraient
plus confortables pour parler de leurs CSP et poser des questions sur la sexualité,
tandis que le thérapeute peut profiter de ces occasions pour clarifier les notions
couvertes en groupe et explorer les problèmes spécifiques à chacun.

121
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Si à première vue les résultats de notre recension semblent favorables à la


TCC, il nous apparaît prématuré de déconseiller le recours à des programmes
qui privilégient d’autres approches d’intervention en matière de CSP (ex. : édu-
cative, psychodynamique, systémique). Il en est de même en ce qui concerne
les modalités de traitement.
Dans cette perspective, les conclusions de notre recension se rapprochent
de celles émises par St-Amand et al. (2008). En effet, les résultats de la méta-
analyse ont révélé que l’approche d’intervention privilégiée n’influençait pas
significativement l’efficacité des programmes de traitement évalués et ce, bien
que les résultats observés semblaient favoriser la TCC. De plus, la méta-analyse
a démontré des résultats semblables pour ce qui est de la modalité de groupe, à
savoir que cette dernière n’était pas associée à des résultats plus favorables que
les modalités individuelle ou familiale. Il convient toutefois de demeurer pru-
dent dans l’interprétation de tels résultats puisque l’échantillon de la méta-ana-
lyse était surtout composé d’études ayant évalué des programmes de traitement
destinés à des victimes d’agression sexuelle qui visaient à réduire les CSP (12
études sur 18) et que les mesures d’efficacité retenues témoignaient unique-
ment des comportements sexuels au sens large sans tenir compte d’autres effets
possibles comme les troubles du comportement, les habiletés sociales, etc.

4.4.2. Implication des parents et des autres soignants


L’importance d’impliquer activement les parents dans le traitement des CSP
constitue sans aucun doute la recommandation qui trouve le plus large consen-
sus entre les travaux de l’ATSA (Chaffin et al., 2006), ceux de St-Amand et al.
(2008) et les nôtres. Lorsqu’il est question des parents dans les études portant
sur les programmes de traitement des CSP, les auteurs incluent tout autant les
parents biologiques, les parents d’accueil, la famille élargie en situation d’ac-
cueil et les autres soignants, en considérant à la fois ceux qui interviennent
actuellement dans la vie de l’enfant et ceux qui sont pressentis pour le futur.
Selon le groupe d’experts de l’ATSA, les parents constituent la clé d’une inter-
vention efficace en matière de CSP et il est profitable de multiplier les approches
pour favoriser leur participation : séances en dyades, séances en parallèle à celles
destinées à l’enfant, rencontres à la maison, thérapie familiale, etc. Si dans cer-
tains cas, les parents sont interpellés pour stabiliser l’environnement familial
et y gérer les facteurs susceptibles de maintenir les CSP, dans d’autres cas où
l’environnement familial ne contribue pas au problème, les parents sont plutôt
appelés à assurer l’application d’un plan d’intervention au quotidien. La recom-
mandation émise par l’ATSA est appuyée par les résultats de la méta-analyse
de St-Amand et al. (2008) qui a démontré que l’implication des parents était
associée à une plus grande efficacité des programmes de traitement évalués en
termes de diminution des comportements sexuels. Notre recension des écrits

122
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

pointe également vers la pertinence clinique de cette composante. En effet, la


quasi-totalité des programmes de traitement recensés (18 études sur 19) prévoit
au moins une modalité favorable à l’implication des parents (ex. : groupe psy-
choéducatif ou de soutien, thérapie familiale, séances en dyade, etc.) et certaines
études évaluatives ont décelé des changements significatifs chez ces derniers
(Staiger et al., 2005) ou dans la famille (Ray et al., 1995) suite à leur participation.

4.4.3. Composante d’entraînement aux habiletés parentales


Pour intervenir adéquatement auprès des parents dans le cadre d’un traitement
visant à réduire les CSP, l’ATSA suggère de s’inspirer des programmes d’entraî-
nement aux habiletés parentales dont l’efficacité a été démontrée dans le domaine
des problèmes de comportement (ex. : Parent-Child Interaction Therapy, Brestan
& Eyberg, 1998; Ces années incroyables, Webster-Stratton, 2005 ; Barkley’s Deviant
Child protocol, Barkley & Benton, 2013; Triple-P program, Sanders, Cann, & Mar-
kie-Dadds, 2003). Par ailleurs, les résultats de la méta-analyse de St-Amand et al.
(2008) indiquent que les programmes comportant une composante d’habiletés
parentales et de gestion des comportements se sont révélés les plus efficaces pour
diminuer les comportements sexuels des enfants. Les objectifs généralement visés
par les programmes qui incluent une telle composante consistent à enseigner
aux parents comment donner des directives claires, renforcer les comportements
positifs, recourir à des conséquences logiques en fonction de l’âge, assurer une
présence constante, chaleureuse et sensible aux besoins de l’enfant (Chaffin et
al., 2006). D’après notre analyse, plus de la moitié des programmes recensés (11
études sur 18) comprennent cette cible d’intervention générale (gestion des com-
portements). Afin de répondre aux besoins des enfants qui présentent des CSP,
l’ATSA suggère de viser également deux cibles d’intervention plus spécifiques :
établir un plan de supervision et créer un environnement sécuritaire non sexualisé
pour l’enfant. D’après notre analyse, ces cibles spécifiques se retrouvent dans plus
de la moitié des programmes recensés (10 études sur 18).

4.4.4. Adaptations en contexte de comorbidité


Tel qu’abordé plus en détail précédemment, le groupe d’experts de l’ATSA, tout
comme St-Amand et al. (2008), rappelle que les CSP peuvent faire partie d’une
constellation de problèmes et recommande de réaliser une évaluation appro-
fondie de la situation afin d’adapter l’intervention à la réalité de chaque enfant.
Lorsque les CSP représentent le problème à traiter en priorité, les approches de
TCC de courte durée et offertes en milieu clinique sont recommandées. Dans les
cas où les CSP constituent plutôt le symptôme d’un autre problème plus urgent à
traiter, il est suggéré de recourir d’abord à une approche d’intervention ayant fait
ses preuves auprès du problème prioritaire. Par exemple, lorsque les CSP semblent

123
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

émaner d’un ensemble de symptômes associés à un épisode de stress post-trau-


matique, une intervention fondée sur le trauma mériterait d’être envisagée en pre-
mier lieu. En revanche, lorsque les CSP représentent plutôt une manifestation d’un
trouble de comportement sévère parmi d’autres, les programmes d’entraînement
aux habiletés parentales devraient être privilégiés. Enfin, la thérapie familiale serait
propice lorsque la priorité consiste à assurer un environnement sécuritaire, sain,
stable et structuré à l’enfant, tandis que l’intervention fondée sur l’attachement
serait profitable dans les situations où la relation parent-enfant détériorée semble
être à la source du problème. Une fois l’approche d’intervention prioritaire établie,
l’ATSA suggère d’y intégrer certaines composantes psychoéducatives répondant
aux principes de la TCC appliquée aux CSP. Auprès de l’enfant, les composantes
à intégrer peuvent viser l’apprentissage des règles et normes sociales entourant le
toucher, la sexualité et les frontières (Chaffin et al., 2006). Auprès des parents, ces
composantes peuvent viser à enseigner comment réduire les sources d’exposition
aux situations inappropriées encourageant la sexualité dans la maison, superviser
adéquatement les interactions avec les autres enfants, et gérer les comportements
sexualisés de l’enfant (Chaffin et al., 2006).

4.5. Enjeux et défis relatifs au traitement des CSP


Si l’examen des écrits scientifiques permet de dégager un certain nombre de
recommandations pour l’intervention en matière de CSP, leur mise en œuvre
implique néanmoins des enjeux et défis particuliers. Nous en esquissons ici
les principaux contours en nous appuyant sur les deux orientations s’étant le
plus imposées dans notre recension : assurer un environnement sécuritaire et
favoriser l’adhésion au traitement.

4.5.1. Assurer un environnement sécuritaire


De l’avis de plusieurs auteurs, aucune intervention ne devrait être entreprise
auprès des enfants qui présentent des CSP si ces derniers n’évoluent pas au
sein d’un environnement sécuritaire, propice aux apprentissages et au chan-
gement thérapeutique (Butler & Elliott, 1999 ; Friedrich, 2007 ; Gil & Shaw,
2014 ; Ray et al., 1995 ; Ryan, Leversee, & Lane, 2011). Pour favoriser un tel
contexte, une double protection doit être assurée : envers l’enfant qui présente
des CSP et envers les autres enfants de son entourage.
D’entrée de jeu, les enfants qui présentent des CSP constituent une clientèle
hautement vulnérable, car susceptibles d’avoir vécu des traumatismes sévères et/
ou multiples. Rapidement, ce constat pose l’enjeu du placement qui, pour cer-
tains enfants, représente la seule option envisageable en vue d’assurer leur sécu-
rité. Or, cette option serait loin d’être idéale pour l’intervention en matière de
CSP, notamment en raison du fait que la séparation de la famille d’origine peut

124
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

induire un traumatisme difficilement réparable (Barker, 1998 cité dans Rose,


2008) en plus d’aggraver la situation, par exemple, en maintenant les problèmes
d’attachement de l’enfant. De plus, bien que les traitements offerts en milieux
fermés (ou résidentiels) paraissent prometteurs pour réduire les problèmes de
comportement des enfants, ces derniers éprouveraient de grandes difficultés à
généraliser les comportements appris lorsqu’ils réintègrent leur milieu de vie
d’origine (Rose, 2008). Enfin, certains auteurs expliquent l’échec de ces pro-
grammes offerts en milieux fermés (ou résidentiels) par la trop grande distance
entre le milieu d’accueil et le domicile d’origine de l’enfant qui pose obstacle aux
visites régulières de la famille et à son implication dans le traitement (Schladale,
2002 cité dans Griffith, 2005). C’est pourquoi, lorsque le placement d’un enfant
qui présente des CSP est inévitable, il est recommandé de choisir l’environne-
ment le plus naturel et le moins restrictif possible (Chaffin et al., 2006).
Dans la perspective où les CSP de l’enfant sont dirigés vers les autres enfants,
il importe tout autant d’assurer la sécurité de ces derniers. Pour ce faire, plu-
sieurs auteurs recommandent de mettre en place des règles de sécurité et de
convenir d’arrangements avec les parents pour éviter que l’enfant se retrouve
dans des situations qui augmentent les risques d’émettre des CSP (Butler &
Elliott, 1999 ; Elliott & Butler, 1994 ; Gil & Johnson, 1993 ; Jones et al., 2006).
La mise en œuvre de telles règles pointe également vers la nécessité de créer un
filet de sécurité plus large et d’impliquer les adultes et intervenants évoluant
au sein des différents milieux de vie de l’enfant : éducateurs en garderie, ensei-
gnants et intervenants scolaires, chauffeur d’autobus, responsables d’activités
parascolaires, voisins, etc. La création d’un filet de sécurité plus large qui inclut
les intervenants de différents milieux signifie également de tirer profit du tra-
vail en équipe multidisciplinaire : consultation de collègues experts, réparti-
tion des tâches, soutien entre professionnels, triangulation des observations,
prévention des problèmes liés à la manipulation par le client (Griffith, 2005).
Aussi avantageuse puisse-t-elle paraître, la présence de multiples collabora-
teurs en contexte de traitement des CSP implique des défis particuliers (Jones
et al., 2006). D’une part, le respect de la confidentialité pose le défi de limiter
le partage d’information au véritable besoin d’informations de chaque interve-
nant pour participer adéquatement au processus de traitement. D’autre part, la
non-reconnaissance des CSP par certains adultes pose le défi de convaincre ces
derniers de la dangerosité des gestes de l’enfant et de la nécessité d’intervenir
au sein du milieu de vie qui les concerne. Comme l’ont souligné Staiger et al.
(2005), il y a un besoin urgent de formation auprès des intervenants de divers
milieux susceptibles d’entrer en contact avec les enfants qui présentent des CSP
et leurs familles. Dans un même esprit, le groupe d’expert de l’ATSA est for-
mel à l’effet qu’il n’est pas nécessaire ni profitable, de réserver l’intervention
en matière de CSP uniquement à des thérapeutes spécialisés dans ce domaine.

125
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

4.5.2. Favoriser l’adhésion au traitement


Une fois la sécurité des enfants assurée, l’adhésion des participants au pro-
gramme de traitement constituerait le principal défi en matière de traitement
des CSP (Elliott & Butler, 1994 ; Gil & Shaw, 2014 ; Ryan et al., 2011 ; Stewart,
2009). À titre d’exemple, l’étude réalisée par Bonner et al. (1999) rapporte que
seulement 63 % des participants aux programmes de traitement offerts ont
complété au moins 9 des 12 séances prescrites. Si, à l’heure actuelle, les écrits
scientifiques nous renseignent sur les composantes à mettre en œuvre auprès
des enfants et de leurs parents, encore faut-il que ces derniers en bénéficient
selon une fréquence et une intensité appropriée pour qu’apparaissent les effets
escomptés. Dans un contexte où les programmes de traitement destinés aux
enfants qui présentent des CSP sont offerts sur une base volontaire, l’adhé-
sion au traitement se trouve lourdement menacée en raison des vulnérabili-
tés que présentent les familles participantes (ex. : situation de garde, précarité
financière, stress, faible niveau d’éducation, etc.) et des émotions que les CSP
suscitent chez elles (ex. : confusion, inquiétudes, honte, culpabilité, détresse).
Selon plusieurs auteurs, dont Gil et Shaw (2014) et Friedrich (2007), les pre-
mières démarches thérapeutiques à entreprendre auprès des enfants et de leurs
parents doivent chercher à gagner leur confiance afin de favoriser leur réceptivité
et leur adhésion aux faits, concepts, approches et conseils suggérés dans le cadre
d’un programme de traitement. Une fois le traitement entamé, différentes modali-
tés peuvent être privilégiées pour consolider l’engagement et l’adhésion des enfants
comme des adultes participants. Les sections qui suivent en résumeront les princi-
pales orientations. Le lecteur est invité à consulter la littérature clinique disponible
dans ce domaine pour connaître les modalités concrètes à envisager à cet effet.
Afin de favoriser la réceptivité des enfants qui présentent des CSP envers les
contenus d’un programme de traitement et d’accroître leur motivation à y partici-
per, il importe que les activités qui y sont proposées soient appropriées à leur âge,
limitées dans le temps, répétitives, et stimulantes à tous les niveaux de leur déve-
loppement : intellectuel, émotionnel, physique et expressif (Gil & Shaw, 2014).
Sur le plan cognitif, les enfants ne disposent pas de la maturité nécessaire pour
intégrer le contenu abstrait transmis sous forme de présentations didactiques ou
pour participer à de longues discussions en groupe, comme cela se fait tradition-
nellement avec les adolescents ou les adultes. De plus, ils ne sont pas en mesure
d’anticiper les conséquences de leurs gestes, de comprendre les raisons morales
derrière certaines règles sociales, comme d’identifier les mécanismes de pensées
qui les conduisent à émettre des CSP. Si la TCC représente l’approche d’inter-
vention la plus populaire auprès de cette clientèle, il est néanmoins suggéré d’en
adapter le contenu et les modalités de manière à faire appel à des mécanismes
simples et concrets en misant sur des démonstrations et des occasions de pra-
tiques et de renforcement (Gil & Shaw, 2014 ; Stewart, 2009). Afin de respecter
les capacités d’attention limitées des enfants et de tenir compte de leur difficulté

126
Chapitre 3 – Les comportements sexuels problématiques chez les enfants âgés de douze ans et moins

à contrôler leurs impulsions, il est préférable d’introduire les contenus nécessi-


tant un apprentissage à l’intérieur d’une fenêtre de temps restreinte et de répéter
fréquemment le matériel à chaque séance. Enfin, pour faciliter la répétition des
contenus sans pour autant perdre l’intérêt des enfants, les thérapeutes doivent
faire preuve de créativité en proposant des activités diversifiées (ex. : quiz, bandes
dessinées, jeux de rôle, procédés mnémotechniques, mises en situation, etc.).
Des recommandations sont également émises quant à la façon d’organiser les
séances de groupe pour mieux répondre aux besoins des enfants. Par exemple, une
répartition en fonction de l’âge serait plus appropriée pour enseigner les comporte-
ments socialement attendus (Rasmussen, 2006), tandis qu’une répartition selon le
genre éviterait les malaises lorsque vient le temps d’aborder la sexualité (Gil & John-
son, 1993). Une division des groupes selon l’âge permet également de privilégier des
techniques spécifiques et appropriées telle que le jeu ou l’art pour les plus jeunes et
l’écriture ou la vidéo pour les plus vieux (Gagnon, 2004). Le moment des séances
serait aussi un élément à considérer selon Butler et Elliott (1999) qui suggèrent de les
mener en matinée pour profiter d’une atmosphère calme, plutôt qu’en après-midi
où les enfants sont généralement plus agités. Enfin, Gil et Shaw (2014) rappellent
que les périodes de transition méritent également d’être soigneusement réfléchies,
en privilégiant des activités qui favorisent la relaxation et la conscience de soi.
En raison des vulnérabilités qu’ils sont susceptibles de présenter, l’établis-
sement d’une alliance de travail avec les parents d’enfants qui manifestent des
CSP peut nécessiter un investissement important de la part du thérapeute.
Afin de favoriser leur réceptivité et leur adhésion au programme de traite-
ment proposé, il importe donc d’aborder en premier lieu leurs propres besoins
avant d’envisager les solutions possibles pour répondre à ceux de leur enfant.
Quelques travaux seulement, dont ceux de Friedrich (2007) et de Gil et Shaw
(2014), nous renseignent sur les précautions à prendre auprès des parents,
préalablement ou pendant leur participation au programme de traitement.
Selon la perception qu’ils ont de leur enfant et l’interprétation qu’ils tirent d’ex-
périences antérieures vécues, certains parents sont méfiants vis-à-vis des services
offerts et préfèrent nier la situation plutôt que l’affronter. Une intervention est
nécessaire auprès de ces parents afin de les informer adéquatement du rationnel et
des implications du programme de traitement, de les rassurer quant au potentiel
de changement de leur enfant et de les convaincre du rôle important qu’ils jouent
dans ce processus de changement. Si la plupart des parents vivent difficilement la
découverte des CSP de leur enfant, certains peuvent avoir besoin d’une aide théra-
peutique supplémentaire pour accepter la situation, notamment si elle ravive une
histoire personnelle de mauvais traitements non résolue. Ainsi, dès le moment
de la référence de l’enfant au programme de traitement, il importe de prendre en
compte les caractéristiques et l’histoire personnelle des parents afin d’évaluer la
pertinence de diriger ces derniers au besoin vers une thérapie individuelle, préa-
lable ou en parallèle au traitement des CSP de l’enfant.

127
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Une fois que leurs besoins sont compris et abordés ouvertement, il est pos-
sible de consolider la confiance et la réceptivité des parents en les impliquant
étroitement dans le processus de traitement, et ce, dès les premières séances.
Plus spécialement, les parents peuvent être invités à collaborer avec le théra-
peute dans l’élaboration et l’évaluation des objectifs de traitement. Parallèlement
aux séances offertes dans le milieu d’intervention, le thérapeute peut effectuer
des appels téléphoniques réguliers auprès des parents afin de soutenir les efforts
de ces derniers dans l’actualisation du plan de traitement au quotidien. Des
contacts répétés permettent également d’assurer une présence essentielle pour
répondre aux besoins des parents au fur et à mesure qu’ils surviennent en cours
de traitement. Cette stratégie serait déterminante pour rappeler aux parents qu’il
y a espoir de changement pour leur enfant, qu’il est toujours important qu’ils
s’investissement dans cette direction et qu’ils ne sont pas seuls pour y arriver.

5. Conclusion
Les CSP représentent un phénomène préoccupant et complexe, tant pour les
parents, les professionnels et les chercheurs qui cherchent à venir en aide aux
enfants qui les présentent. Néanmoins, la grande majorité des auteurs s’ac-
cordent pour souligner la difficulté, mais aussi l’importance de reconnaître
objectivement et humainement qu’il soit possible que les enfants présentent
des CSP. Il est désormais nécessaire de tenir compte de la souffrance vécue par
les enfants qui manifestent des CSP, tout en s’assurant que ceux-ci reçoivent
un accompagnement social et psychologique individualisé pour leur per-
mettre de rejoindre la trajectoire normative du développement psychosexuel.
Pour finir, ce chapitre aura permis de dresser un portait des connaissances
scientifiques actuelles sur les enfants qui présentent des CSP. Malgré l’intérêt
grandissant pour ce phénomène, ce dernier est encore trop peu documenté.
Des efforts devront inévitablement être consacrés, dans les prochaines années,
afin d’intensifier la coopération internationale pour affiner la définition des
CSP chez les enfants, mieux comprendre leur origine et développer des services
d’évaluation et d’intervention qui permettent de répondre de façon adaptée aux
besoins complexes des enfants qui présentent de tels comportements. Il est tou-
tefois encourageant de constater que plusieurs cliniciens et chercheurs tentent,
par leur expertise, de consolider les connaissances exposées dans ce chapitre.

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136
Chapitre 4
L’agression sexuelle envers
les enfants et les adolescents

4 Martine HÉBERT, Isabelle DAIGNEAULT,


Rachel LANGEVIN, Andreas JUD
Le présent chapitre aborde la question de l’agression sexuelle des enfants et
des adolescents. Il présente d’abord un bref aperçu des données d’incidence et
de prévalence de l’agression sexuelle. Cette section est suivie de faits saillants
sur les conséquences de l’agression sexuelle sur la santé. Par la suite, la ques-
tion du risque de revictimisation sera abordée. Une discussion relative aux
enjeux liés à la prévention de l’agression sexuelle suivra. Cette section offrira
un survol des initiatives préventives et évoquera les limites des études évalua-
tives menées à ce jour. Finalement, des recommandations pour la prévention
seront formulées.

1. Incidence et prévalence de l’agression sexuelle


Il existe deux types d’études sur l’épidémiologie de l’agression sexuelle envers
les enfants : les études de prévalence et les études d’incidence. Les études de
prévalence recrutent idéalement des échantillons représentatifs de la popula-
tion et invitent les participants à remplir un questionnaire par écrit ou ora-
lement. Leur objectif est d’identifier le pourcentage de personnes ayant été
victimes d’une agression sexuelle avant l’âge adulte (le critère étant avant l’âge
de 18 ans pour la majorité des études) dans une population donnée (souvent
la population générale). Au niveau international, un corpus de littérature
considérable a été développé sur la prévalence de l’agression sexuelle (ex. :
Stoltenborgh, van IJzendoorn, Euser, & Bakermans-Kranenburg, 2011). Il faut
néanmoins préciser qu’il existe très peu d’études représentatives à travers le

137
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

monde permettant de bien identifier les services disponibles pour les victimes
d’agression sexuelle (voir Jud, Finkelhor, Jones, & Mikton, 2015). Ainsi, dans
de nombreux pays, peu d’informations sont disponibles pour évaluer si les
victimes sont bel et bien identifiées, si elles reçoivent la protection et l’assis-
tance adéquates, s’il y a des déficits d’approvisionnement ou si les mesures
prises sont efficaces.
Les plus récentes recensions des études de prévalence (Barth, Bermetz,
Heim, Trelle, & Tonia, 2013; Pereda, Guilera, Forns, & Gomez-Benito, 2009;
Stoltenborgh et al., 2011) soulignent la grande hétérogénéité des méthodes uti-
lisées et, par conséquent, des résultats obtenus. Dans les 217 études de la méta-
analyse de Stoltenborgh et al. (2011), les prévalences d’agression sexuelle se
situent entre 0,1 % et 71,0 %. La plus récente recension de Barth et al. (2013),
qui analyse 55 études publiées depuis 2000, rapporte des taux de prévalence
de 15 % pour les filles (Intervalle de confiance [IC] 9-24 %) et de 8 % pour
les garçons (IC 4-16 %), ce qui suggère que les filles seraient de 2 à 3 fois plus
susceptibles que les garçons d’être victimes d’agression sexuelle. Bien qu’il soit
pertinent de considérer certains enjeux méthodologiques – notamment le fait
que les garçons soient moins nombreux à dévoiler leur expérience d’agression
sexuelle (Hébert, Tourigny, Cyr, McDuff, & Joly, 2009) -les différences entre
les genres dans les études de prévalence demeurent assez stables, quel que soit
le contexte d’évaluation ou la méthode utilisée (Barth et al., 2013).
Les différents facteurs liés à l’hétérogénéité des résultats de prévalence sont
nombreux et comprennent des artefacts méthodologiques tels que la taille
de l’échantillon, la procédure de recrutement des participants, l’étendue des
groupes d’âge des participants interrogés, le taux de réponse, le nombre et
la sélection des énoncés du questionnaire et la définition utilisée (Barth et
al., 2013 ; Stoltenborgh et al., 2011). Stoltenborgh et al. (2011) rapportent un
taux de prévalence plus élevé pour les études présentant des échantillons plus
petits, des taux de réponse plus faibles et des échantillons non aléatoires. Les
taux de prévalence pour les garçons sont plus élevés quand les études ciblent
des adultes invités à rapporter des événements d’agression sexuelle vécus
durant leur enfance que dans les études qui questionnent des adolescents.
Certaines autres caractéristiques méthodologiques, notamment le continent
ou le niveau de développement économique du pays où l’étude est effectuée,
ont un effet modérateur sur les taux de prévalence observés. Par exemple,
les filles d’Océanie présentent le taux de prévalence le plus élevé tandis que
ce sont les garçons d’Afrique qui ont les taux de prévalence les plus élevés
(Stoltenborgh et al., 2011). Cette même méta-analyse indique également que
les garçons provenant de pays ayant peu de ressources présentent des taux de
prévalence plus élevés (14,0 %) que ceux provenant de pays ayant beaucoup
de ressources (6,8 %) tandis que l’inverse semble se produire chez les filles
(15,9 % peu de ressources vs 18,3 % beaucoup de ressources). On ne trouve

138
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

toutefois pas d’effet du niveau de développement du pays sur les taux de préva-
lence de l’agression sexuelle chez les garçons lors d’une méta-analyse d’études
portant sur les adolescents seulement (Barth, et al., 2013). Les facteurs modé-
rateurs énumérés ci-dessus n’expliquent toutefois qu’une faible proportion de
la variance. Ainsi, les différences parfois drastiques entre les études ne peuvent
être adéquatement expliquées que par des artefacts méthodologiques.
Les différentes définitions de l’agression sexuelle sont une autre source de
variation importante à considérer (Stoltenborgh et al., 2011). La littérature
scientifique n’utilise pas de définition commune de la violence sexuelle (voir
Herrenkohl, 2005). Pourtant, une définition uniforme serait essentielle pour
développer un corpus de connaissances des différents facteurs de risque asso-
ciés à la violence sexuelle envers les enfants et des facteurs en cause dans le
développement des constellations symptomatiques typiques (Azar, Povilaitis,
Lauretti, & Pouquette, 1998). Tenant compte de l’état actuel de la recherche
provenant de différentes disciplines (médecine, psychologie, sociologie, tra-
vail social, etc.) la définition de l’agression sexuelle des Centers for Disease
Control and Prevention [CDC] (Leeb, Paulozzi, Melanson, Simon, & Arias,
2008) marque une étape importante pour le développement d’une définition
commune dans ce domaine : Tout acte sexuel ou tentative d’acte sexuel, contact
sexuel ou exploitation (ex. : interaction sexuelle sans contact physique) d’un
enfant par une personne qui en a la charge (traduction libre).
Cette définition spécifie qui sont les auteurs potentiels de l’agression
sexuelle, soit les personnes s’occupant de l’enfant (Leeb et al., 2008). Ce groupe
comporte les parents biologiques et les tuteurs légaux, ou toute autre personne
ayant la responsabilité parentale permanente des enfants. Les personnes qui
sont temporairement responsables de la santé et du bien-être des enfants sont
également incluses : les enseignants, les éducateurs, les entraîneurs, etc. Cette
opérationnalisation des auteurs de la violence est considérée dans la plupart
des définitions de la négligence et de la maltraitance physique et psychologique
-souvent implicitement. Les définitions des agressions sexuelles, cependant,
n’incluent souvent pas seulement les actes commis par les personnes s’occu-
pant des enfants, mais aussi par les pairs de ces derniers ou des étrangers. Si l’on
ne fait pas la distinction entre les types d’auteurs, intrafamiliaux ou extrafami-
liaux, on ne peut évaluer si les causes et les conséquences de l’agression sexuelle
se distinguent en fonction de la relation avec l’agresseur. Les différences dans
l’opérationnalisation des auteurs de la violence sexuelle ont non seulement un
impact quant aux résultats divergents des études de prévalence, mais ils contri-
buent également aux résultats contradictoires des études portant sur les fac-
teurs de risque de violence sexuelle (Black, Heyman, & Smith Slep, 2001).
Les études sur l’incidence des agressions sexuelle envers les mineurs (visant
à identifier le nombre de nouveaux cas d’agression sexuelle sur une période
donnée) et portant sur les services dont bénéficient les victimes sont beaucoup

139
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

plus rares (recension pour l’Amérique du Nord : Fallon et al., 2010 ; recension
internationale : Krüger & Jud, 2015). Ces études s’effectuent généralement
par des analyses de dossiers administratifs et des enquêtes auprès de profes-
sionnels. Un exemple d’analyse de dossiers administratifs à suivre est celui du
National Child Abuse and Neglect Data System (NCANDS) aux États-Unis,
qui résume annuellement les données relatives aux enfants signalés aux ser-
vices de protection de la jeunesse (SPJ) pour 50 états (ex. : U.S. Department of
Health and Human Services, 2014).
Il n’y a que quatre enquêtes nationales effectuées auprès des professionnels
qui sont représentatives et répétées périodiquement en Amérique du nord,
notamment les quatre cycles de la National Incidence Study of Child Abuse and
Neglect (NIS) aux États-Unis (National Center on Child Abuse and Neglect,
1981; Sedlak, 1991; Sedlak & Broadhurst, 1996; Sedlak et al., 2010) et les trois
cycles de l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et
de négligence envers les enfants (ECI) (Public Health Agency of Canada [PHAC],
2010 ; Trocmé et al., 2005 ; Trocmé et al., 2010 ; Trocmé, Tourigny, MacLaurin,
& Fallon, 2003) au Canada. En Europe, on retrouve les deux cycles de la Natio-
nale Prevalentiestudie Mishandeling Kinderen en Jeugdigen (NPM) aux Pays-Bas
(Alink et al., 2011 ; Euser, van IJzendoorn, Prinzie, & Bakermans-Kranenburg,
2010; Euser et al., 2013) et l’étude Optimus en Suisse (Maier, Mohler-Kuo, Lan-
dolt, Schnyder, & Jud, 2013) dont le deuxième cycle est en préparation. Ces
études utilisent les données issues des professionnels des SPJ (voir ECI), voire
des autres institutions tels que les hôpitaux pour enfants, les services de psychia-
trie, les forces de police, etc. (ex. : Sedlak et al., 2010).
Tout comme les études de prévalence, les études d’incidence rapportent
une proportion de victimes féminines élevée en ce qui concerne l’agression
sexuelle (Euser et al., 2013 ; Lefebvre, Fallon, & Trocmé, 2012 ; Maier et al.,
2013 ; Sedlak et al., 2010 ; U.S. Department of Health and Human Services,
2014). Lorsque comparée aux autres formes de maltraitance signalées aux ins-
titutions, l’incidence d’agressions sexuelles est modeste – 9 % des cas signa-
lés aux SPJ des États-Unis en 2013 (U.S. Department of Health and Human
Services, 2014). Souvent, les victimes des actes sexuels violents ont également
vécu d’autres formes de maltraitance.
La saisie périodique de données d’études d’incidence permet de suivre
des tendances. Aux États-Unis, les cas d’agressions sexuelles rapportés entre
1992 et 2004 ont diminué de 49 % (Finkelhor & Jones, 2006). Bien que cette
tendance puisse s’expliquer par des changements dans les pratiques de signa-
lement, des travaux (Finkelhor & Jones, 2006 ; Jones, Finkelhor, & Halter,
2006) suggèrent qu’aux États-Unis plusieurs facteurs indiquent qu’au moins
une partie de la baisse des signalements pourrait être due à une réduction
réelle des agressions sexuelles envers les enfants. La baisse des signalements
est en effet accompagnée par une diminution de la prévalence dans les études

140
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

questionnant directement les victimes, ce qui semble corroborer l’hypothèse


d’une diminution réelle. De plus, une diminution des cas non ambigus, tels
ceux impliquant des aveux des agresseurs ou encore des signes médicaux (ex. :
des infections sexuellement transmissibles), est également notée. Toutefois, la
diminution observée aux États-Unis ne semble pas se manifester aussi claire-
ment au Québec et au Canada, certaines études montrant même, au contraire,
une augmentation des cas rapportés et corroborés selon les sources d’informa-
tions considérées (Collin-Vézina, Hélie, & Trocmé, 2010).

2. Conséquences associées à l’agression sexuelle


La documentation scientifique foisonne d’études ayant exploré les différentes
conséquences associées à l’agression sexuelle ; la majorité ayant par ailleurs
porté sur les conséquences à l’âge adulte. Malgré cela, nous disposons mainte-
nant d’un corpus de connaissances sur les conséquences à court terme mani-
festes à l’enfance et à l’adolescence. Les principales conclusions de ces analyses
seront résumées en abordant les conséquences sur la santé psychologique,
physique et sexuelle.

2.1. Santé psychologique


Trois grandes conclusions ont pu être tirées des études portant sur les pro-
blèmes de santé mentale après une agression sexuelle durant l’enfance. La pre-
mière est qu’aucun symptôme ou trouble unique ne caractérise une majorité
des enfants et adolescents qui ont vécu une agression sexuelle (Kendall-Tac-
kett, Williams, & Finkelhor, 1993). En effet, les résultats de recensions et méta-
analyses ont démontré que l’agression sexuelle durant l’enfance constitue un
facteur de risque non spécifique pour un ensemble de problèmes de santé
mentale et de troubles psychiatriques divers (Fergusson, Boden, & Horwood,
2008; Fergusson, Horwood, & Lynskey, 1996; Hillberg, Hamilton-Giachrit-
sis, & Dixon, 2011; MacMillan, 2010; Maniglio, 2009; Tyler, 2002). Les consé-
quences socioémotionnelles de l’agression sexuelle envers les enfants et ado-
lescents varient selon l’âge, les adolescents présentant une plus grande variété
de problèmes (ex. : fugues, abus de substances) que les enfants (Tyler, 2002).
Les travaux québécois auprès des adolescents qui reçoivent des services en
protection de l’enfance concordent avec les résultats d’études mentionnées ci-
dessus et indiquent que l’exposition à l’agression sexuelle durant l’enfance est
associée à un ensemble de séquelles post-traumatiques complexes (Daigneault,
Cyr, & Tourigny, 2007 ; Daigneault, Tourigny, & Cyr, 2004). Qui plus est, chez
des adolescents provenant d’échantillons de la population générale, l’agres-
sion sexuelle durant l’enfance est associée à un risque jusqu’à 5 fois plus élevé

141
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

de vivre des expériences psychotiques sous-cliniques (ex. : hallucinations)


(Lataster et al., 2006). En comparant des patients adolescents et adultes ayant
un diagnostic de trouble psychotique à un groupe n’en ayant pas, une méta-
analyse a également révélé que les patients étaient trois fois plus à risque que
les autres d’avoir été exposés à des événements de vie adverse durant l’enfance,
incluant l’agression sexuelle (Varese et al., 2012). Comparativement à ceux qui
ne l’ont pas été, les adolescents agressés sexuellement durant l’enfance sont
également plus à risque d’avoir des idées suicidaires, de tenter de se suicider
ou d’avoir des comportements parasuicidaires (ex. : automutilation) (Decker
et al., 2014 ; Kanamüller, Riala, Nivala, Hakko, & Räsänen, 2014 ; Kisiel et al.,
2014 ; Stewart, Baiden, & Theall-Honey, 2014 ; Turner, Finkelhor, Shattuck, &
Hamby, 2012 ; Yen et al., 2013 ; Zapata et al., 2013).
La deuxième conclusion que l’on peut tirer des nombreuses études sur les
conséquences psychologiques de l’agression sexuelle réfère au fait qu’environ
un tiers des enfants et adolescents agressés sexuellement ne présente aucun
symptôme clinique lorsqu’évalués à un moment précis (Kendall-Tackett et
al., 1993 ; Putnam, 2003). Cette proportion d’enfants asymptomatiques varie
de 0 % à 62 % selon les populations et les symptômes évalués (Collin-Vézina,
Coleman, Milne, Sell, & Daigneault, 2011 ; Daigneault, Cyr, et al., 2007 ; Dai-
gneault, Hébert, & Tourigny, 2007 ; Daigneault et al., 2004 ; Hébert, Lange-
vin, & Charest, 2014 ; Hébert, Lavoie, Blais, & les membres de l’équipe PAJ,
2014).
Afin d’expliquer cette absence de symptômes et l’importante variabilité
observée, plusieurs hypothèses peuvent être considérées :
• le plus souvent, un seul aspect du fonctionnement des enfants (ex. :
symptômes de dépression) est évalué par une étude en particulier et
l’apparente résilience serait due au fait que les conséquences de l’agres-
sion sexuelle se manifestent autrement pour certains enfants ;
• on observe une grande variabilité des caractéristiques des agressions
sexuelles commises à l’endroit des enfants et des adolescents (lien avec
l’agresseur, durée, sévérité des actes impliqués, etc.), ce qui peut être lié
à des conséquences de nature et d’ampleur variées. Par exemple, une
étude longitudinale de cohortes d’enfants suivis depuis la naissance a
démontré que les agressions sexuelles ne comportant pas de contact
physique (ex. : exhibitionnisme) sont associées à une probabilité plus
faible de troubles psychiatriques, probabilité qui est parfois similaire à
celle des adolescents n’ayant pas été agressés sexuellement (Fergusson
et al., 1996) ;
• puisque la plupart des études sur les conséquences de l’agression sexuelle
sont transversales et dressent une liste de symptômes à un seul moment
dans la vie des enfants, on a également suggéré la possibilité d’effets de
latence, c’est-à-dire que les symptômes pourraient se manifester plus

142
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

tard (Daignault & Hébert, 2008 ; Daigneault, Cyr, et al., 2007 ; Dai-
gneault, Hébert, et al., 2007) ;
• enfin, les enfants et adolescents peuvent démontrer une réelle résilience
psychologique suite à une agression sexuelle. En effet, lorsque l’on éva-
lue un ensemble très large de symptômes possibles sur une période d’un
an, on observe qu’entre 34 % et 56 % des adolescents agressés sexuel-
lement présentent une trajectoire de santé mentale résiliente, exempte
de symptômes (Daigneault, Cyr, et al., 2007 ; Daigneault, Hébert, et al.,
2007). Cette résilience leur serait conférée par des facteurs de protec-
tion (ex. : stratégies d’adaptation, soutien parental, soutien des pairs)
qui agissent contre les effets délétères de l’agression sexuelle (Collin-
Vézina, Daigneault, & Hébert, 2013 ; Hébert, 2011 ; Williams & Nelson-
Gardell, 2012).
La troisième conclusion pouvant être tirée des études menées à ce jour
est que les jeunes agressés sexuellement durant l’enfance présentent une plus
grande comorbidité de problèmes que leurs pairs non agressés, davantage
même que ceux qui reçoivent des services psychiatriques, mais qui n’ont pas
vécu d’agression sexuelle (Brand, King, Olson, Ghaziuddin, & Naylor, 1996;
Silverman, Reinherz, & Giaconia, 1996). Ainsi, parmi des jeunes recevant des
services psychiatriques, on a observé que ceux ayant été exposés à l’agres-
sion sexuelle présentaient davantage de symptômes intériorisés ou de stress
post-traumatique que leurs pairs non agressés (Naar-King, Silvern, Ryan, &
Sebring, 2002), en plus d’un ensemble complexe de troubles psychologiques et
comportementaux (Collin-Vézina et al., 2011 ; Daigneault, Cyr, et al., 2007 ;
Daigneault et al., 2004 ; Ford, Gagnon, Connor, & Pearson, 2011 ; Grilo, Sanis-
low, Fehon, Martino, & McGlashan, 1999 ; Tremblay, Hébert, & Piché, 2000).
Cette comorbidité concorde avec la conceptualisation du stress post-trau-
matique complexe, mise en avant par plusieurs auteurs (Cook et al., 2005 ;
Ford, 2011 ; Herman, 1992a, 1992 b ; van der Kolk, Roth, Pelcovitz, Sunday,
& Spinazzola, 2005), et qui sera prochainement ajoutée à la 11e version de la
Classification internationale des maladies (CIM-11) (Knefel, Garvert, Cloitre,
& Lueger-Schuster, 2015 ; Knefel & Lueger-Schuster, 2013 ; Maercker et al.,
2013). Une étude récente auprès de plus de 1 000 enfants et adolescents rece-
vant des services psychiatriques indique également que l’agression sexuelle
est associée à un risque accru de comorbidité couvrant plus d’une catégorie
diagnostique (ex. : troubles de l’humeur, anxieux, de comportement), de poly-
médication lors de l’admission en psychiatrie, de prise d’antipsychotiques à
la sortie de leur séjour en psychiatrie et à des séjours hospitaliers plus longs
(Keeshin et al., 2014).
Bien qu’un nombre grandissant d’études évaluent les problèmes de santé
mentale des enfants et adolescents agressés sexuellement durant l’enfance,
peu ont documenté l’évolution de ces problèmes à court ou moyen terme.

143
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Les études longitudinales existantes indiquent que l’agression sexuelle durant


l’enfance prédit plus de détresse psychologique, de symptômes de stress post-
traumatique, de consultations médicales et d’hospitalisations pour des pro-
blèmes de santé mentale jusqu’à 10 ans après l’agression (Daigneault, Hébert,
Bourgeois, Dargan, & Frappier, sous presse ; Dion et al., 2015 ; Walsh et al.,
2012). Une première étude observe une augmentation de la détresse entre 14
et 18 ans (Dion et al., 2015). Une autre étude observe une diminution de l’inci-
dence annuelle du recours aux services médicaux, mais une stabilité de l’inci-
dence annuelle des hospitalisations pour des problèmes de santé mentale au
cours des 10 années suivant le dévoilement d’agression sexuelle (Daigneault
et al., soumis). Enfin, une troisième étude observe une stabilité des symp-
tômes de stress post-traumatique sur une période de trois ans, sauf lorsque les
adolescentes étaient à nouveau exposées à la violence sexuelle, auquel cas les
symptômes augmentaient (Walsh et al., 2012).

2.2. Santé physique et sexuelle


Bien que les conséquences de l’agression sexuelle durant l’enfance sur la santé
psychologique des enfants et adolescents soient très bien documentées, celles
affectant leur santé physique le sont beaucoup moins. En effet, ayant débuté
plus tardivement, les études mettant en lien l’agression sexuelle chez les enfants
et leur santé physique sont comparativement peu nombreuses. Néanmoins,
de plus en plus d’études indiquent que l’exposition à une agression sexuelle
durant l’enfance est associée à des problèmes de santé physique accrus à l’âge
adulte (Dong et al., 2004 ; Irish, Kobayashi, & Delahanty, 2010). La plupart
des études documentant les conséquences de l’agression sexuelle sur la santé
physique ont été effectuées auprès d’adultes et amalgament une variété d’évé-
nements traumatiques sans toujours étudier la contribution spécifique de
l’agression sexuelle (Dube, Felitti, Dong, Giles, & Anda, 2003 ; Fagundes, Gla-
ser, & Kiecolt-Glaser, 2013 ; Felitti et al., 1998 ; Irish et al., 2010 ; Miller, Chen,
& Parker, 2011). C’est pourquoi nous connaissons peu de choses sur l’impact
à court terme de l’agression sexuelle sur la santé physique des jeunes qui ont
été victimes. Afin d’esquisser un aperçu de ces problèmes, nous documentons,
ci-dessous, les résultats d’études qui portent sur la maltraitance ou l’adversité
de manière plus générale, dans la mesure où l’agression sexuelle fait partie de
la définition utilisée.
Ainsi, on observe tout d’abord un ensemble de résultats d’études indi-
quant que l’agression sexuelle a un effet neurobiologique marqué chez les
jeunes filles, suggérant une dérégulation importante de plusieurs systèmes,
tels que les systèmes nerveux sympathique ou immunitaire, et une modifica-
tion de la taille de certaines structures cérébrales (De Bellis, Spratt, & Hooper,
2011 ; Putnam, 2003). Certains marqueurs neurobiologiques sont également

144
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

impliqués dans le développement ultérieur de troubles de santé physique,


notamment par leur association à des processus pro-inflammatoires (Miller,
Chen, & Cole, 2009). Le premier indice de ces problèmes de santé physique
accrus est la présence de plaintes somatiques diverses (nausées, céphalées,
douleurs diverses, faiblesses, chaleurs/frissons) plus importantes chez les filles
et adolescentes victimes d’agression sexuelle en comparaison à leurs pairs non
agressées (Halpern et al., 2013). Les enfants et adolescents exposés à une vio-
lence sexuelle rapportent également une moins bonne santé physique générale
que leurs pairs non agressés (Decker et al., 2014 ; Odgers, Robins, & Russell,
2010 ; Zhao et al., 2011). En surcroit des problèmes de santé généraux, on
trouve plus de blessures, d’automutilation et d’hospitalisations lorsque des
adolescentes impliquées dans le système de justice présentent une exposi-
tion accrue à la violence familiale et à l’agression physique et sexuelle durant
l’enfance (Odgers et al., 2010). Parmi les enfants et adolescents de niveaux
socio-économiques faibles, les problèmes d’asthme, cardio-respiratoires et les
infections (non transmissibles sexuellement) sont plus élevés pour ceux qui
ont été maltraités en comparaison de ceux qui ne l’ont pas été (Lanier, Jonson-
Reid, Stahlschmidt, Drake, & Constantino, 2010). Des adolescents agressés
sexuellement présentent également plus de problèmes gastro-intestinaux, tels
que douleurs abdominales et constipation, que leurs pairs non agressés (Deva-
narayana et al., 2014 ; Rajindrajith et al., 2014).
Une récente étude longitudinale québécoise a également démontré que
les enfants et adolescents pour qui un signalement d’agression sexuelle a été
corroboré sont 20 % plus nombreux à consulter un médecin pour des pro-
blèmes de santé physique, et 60 % plus nombreux à être hospitalisés au moins
une fois annuellement en comparaison à leurs pairs de la population générale
(Daigneault et al., sous presse). Cette étude indique également que les taux
d’incidence annuelle diminuent de la même manière pour les deux groupes au
cours de l’étude, de sorte que les jeunes agressés sexuellement sont toujours
20 % à 60 % plus nombreux à consulter leur médecin ou être hospitalisés pour
des problèmes de santé physique que ceux de la population générale, même 10
ans après le signalement.
La santé sexuelle présente un autre enjeu majeur pour les jeunes ayant été
victimes d’agression sexuelle. Une recension couvrant 30 études empiriques
indique que les adolescentes ayant vécu une agression sexuelle présentent
divers comportements à risque pouvant sérieusement compromettre leur
santé sexuelle (Fernet, Hébert, Gascon, & Lacelle, 2012). Ainsi, comparati-
vement à leurs pairs n’ayant pas subi d’agression sexuelle, les victimes étaient
plus jeunes lors de la première relation sexuelle consentante, avaient un
nombre de partenaires sexuels plus élevé et une consommation accrue d’alcool
ou de drogues dans le contexte d’une relation sexuelle. De plus, les études de
cette recension révèlent qu’elles font un usage moins fréquent de contraceptifs

145
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

et de préservatifs et affichent des taux plus élevés d’infections transmissibles


sexuellement et par le sang. Le taux de grossesses à l’adolescence est aussi plus
élevé chez les victimes d’agression sexuelle, qui sont par ailleurs davantage
impliquées dans des activités sexuelles en échange d’argent ou de biens (Fer-
net et al., 2012). Finalement, l’on observe davantage de vulvodynie chez les
jeunes filles soupçonnées d’avoir été agressées sexuellement (Anderson et al.,
2014) et plus d’infections urinaires et vaginales (Santerre-Baillargeon, Vézina-
Gagnon, Bergeron, Daigneault, & Landry, 2015) chez les adolescentes agres-
sées sexuellement.

2.3. Mécanismes explicatifs des conséquences de l’agression


sexuelle sur la santé
Les processus qui lient la victimisation vécue pendant l’enfance et les séquelles
sur le plan de la santé physique et psychologique ont typiquement été étudiés
de façon distincte. S’appuyant sur les paradigmes du trauma psychologique et
de la psychoneuro-immunologie, Kendall-Tackett (2013) propose de regrou-
per les différents mécanismes menant à des problèmes de santé physique chez
les adultes maltraités durant l’enfance sous cinq catégories : physiologique
(hormones et inflammation), comportementale (comportements néfastes
pour la santé), cognitive (croyances négatives par rapport à soi et les autres,
cognition sociale), sociale (relations difficiles, isolement) et affective (régula-
tion des émotions). À ce jour, les trajectoires comportementales (via des com-
portements de santé à risque ; Repetti, Taylor, & Seeman, 2002) et physiolo-
giques sont les deux trajectoires les plus étudiées. Les trajectoires cognitives,
sociales et affectives sont parfois indirectement étudiées via leurs manifesta-
tions comportementales observables (Miller et al., 2011). Par conséquent, les
chercheurs peuvent faire preuve d’un certain réductionnisme en analysant les
liens entre la maltraitance ou l’agression sexuelle durant l’enfance et les pro-
blèmes de santé chroniques uniquement par l’entremise des facteurs biolo-
giques ou comportementaux (Miller et al., 2011).
En ce qui concerne l’étude des impacts de la maltraitance ou de l’agression
sexuelle sur la santé mentale, les mécanismes affectifs et cognitifs les plus étu-
diés sont souvent imbriqués avec ceux mis en avant pour expliquer les impacts
sur la santé physique. Par exemple, une importante étude d’imagerie cérébrale
a récemment montré que les jeunes adultes maltraités durant l’enfance pré-
sentaient, en comparaison avec des adultes non maltraités, une diminution
de l’activation ou de la connectivité de différentes régions du cerveau asso-
ciées à la régulation des émotions et à la cognition sociale (Teicher, Ander-
son, Ohashi, & Polcari, 2014). Les auteurs ont suggéré que ces patrons expli-
quaient les trajectoires développementales menant à la psychopathologie chez
des personnes ayant subi de la maltraitance. En bref, ces deux mécanismes, la

146
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

régulation des émotions et la cognition sociale, sont parmi les plus cités pour
expliquer les liens entre la victimisation durant l’enfance et les problèmes de
santé à la fois mentale et physique chez les adolescents et les adultes (Dong
et al., 2004 ; Ford, 2005 ; Kendall-Tackett, 2013 ; Marx, Heidt, & Gold, 2005 ;
Miller et al., 2011 ; Sharp et al., 2011).
Ce corpus d’études suggère que la victimisation durant l’enfance mène à
une moins grande conscience des émotions, une plus faible capacité à réguler
ses émotions de manière adaptative et à de moins bonnes habiletés en ce qui
concerne l’interprétation des émotions, comportements et intentions d’autrui.
Ce sont ces facteurs, en combinaison avec d’autres de nature physiologique
et comportementale, qui résulteraient en des problèmes de santé physique et
mentale. Dans cet ordre d’idées, des études ont montré que la victimisation
durant l’enfance était associée à des déficits de régulation des émotions (Cook
et al., 2005 ; Langevin, Cossette, & Hébert 2016 ; Shipman, Zeman, Penza, &
Champion, 2000 ; van der Kolk & Fisler, 1994) et sur le plan de la cognition
sociale (Liu & Yu, 2011). Par exemple, des auteurs ont identifié une perception
accrue de colère dans des situations ambiguës, ou bien lorsque les informa-
tions disponibles ne sont que partielles, chez des enfants maltraités en com-
paraison de ceux qui n’ont pas été exposés à la maltraitance (Pollak, Cicchetti,
Hornung, & Reed, 2000; Pollak & Sinha, 2002). En somme, la régulation des
émotions et la cognition sociale sont des mécanismes qui semblent pouvoir
expliquer les liens entre la victimisation durant l’enfance et les problèmes de
santé mentale et physique ultérieurs.

2.4. Revictimisation
Outre les conséquences délétères associées à la santé psychologique et la santé
physique, l’agression sexuelle est aussi mise en relation avec une vulnérabilité
accrue à la revictimisation. Ainsi, plusieurs études ont montré que les victimes
d’agression sexuelle durant l’enfance sont plus à risque de vivre une deuxième
expérience de victimisation sexuelle durant l’adolescence ou à l’âge adulte
(Breitenbecher, 2001; Casey & Nurius, 2005). Dans l’une des plus importantes
études longitudinales de cas corroborés d’agression sexuelle intrafamiliale, les
participantes ont été recrutées entre 6 et 16 ans et l’évaluation des situations
de revictimisation a été réalisée alors qu’elles étaient âgées en moyenne de 18,8
ans. Un taux deux fois plus élevé de victimisation sexuelle a été noté chez les
victimes d’agression sexuelle (21 %) relativement aux participantes du groupe
de comparaison (10 %) (Noll, Horowitz, Bonanno, Trickett, & Putnam, 2003).
Une étude de suivi menée six ans plus tard indique que les victimes d’agres-
sion sexuelle étaient deux fois plus à risque de revictimisation sexuelle que
leurs pairs non victimisés durant l’enfance (Barnes, Noll, Putnam, & Trickett,
2009).

147
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Certains auteurs ont considéré la revictimisation dans une perspective


plus globale, soit en référant au fait de vivre une agression sexuelle pendant
l’enfance et subséquemment de vivre différentes expériences de violence. Est
entre autres considérée à ce titre la victimisation psychologique ou physique,
notamment dans le contexte des relations amoureuses ou des relations de
couple (Banyard, Arnold, & Smith, 2000). Les études ont donc mis en évi-
dence une relation entre l’agression sexuelle pendant l’enfance et le fait de
vivre la violence sexuelle, physique ou psychologique de la part d’un parte-
naire amoureux à l’âge adulte (Banyard et al., 2000; DiLillo, Giuffre, Trem-
blay, & Peterson, 2001; Whitfield, Anda, Dube, & Felitti, 2003). Au Canada,
une enquête sur la victimisation réalisée auprès de plus de 15 000 adultes, en
couple ou l’ayant été au cours des cinq dernières années, a ainsi révélé que les
femmes ayant vécu une agression sexuelle durant l’enfance étaient deux à cinq
fois plus à risque de vivre de la violence psychologique, physique ou sexuelle
au sein de leur relation de couple (Daigneault, Hébert, & McDuff, 2009). De
façon similaire, les résultats de cette étude indiquent que les hommes victimes
durant l’enfance étaient deux à trois fois plus susceptibles de vivre de la vio-
lence psychologique ou physique au sein de leur relation de couple.
Chez les adolescents, les quelques études ayant examiné cette association
montrent également que les jeunes ayant été exposés à l’agression sexuelle sont
nombreux à rapporter subir de la violence de la part d’un partenaire amou-
reux (Cyr, McDuff, & Wright, 2006 ; Hébert, Brabant, & Daigneault, 2013 ;
Manseau, Fernet, Hébert, Collin-Vézina, & Blais, 2008) et qu’ils sont signifi-
cativement plus à risque d’en subir que les jeunes n’ayant pas vécu une agres-
sion sexuelle (Hébert, Lavoie, Vitaro, McDuff, & Tremblay, 2008 ; Tourigny,
Lavoie, Vézina, & Pelletier, 2006). Qui plus est, cette association apparaît
robuste. À titre d’exemple, les données de l’enquête Parcours amoureux des
Jeunes (PAJ) auprès d’un échantillon représentatif de plus de 8 000 adolescents
au Québec indique que même après avoir statistiquement contrôlé les effets
d’autres traumatismes de nature interpersonnelle vécus pendant l’enfance (ex. :
avoir été témoin de violence conjugale), l’agression sexuelle explique la surve-
nue de violence psychologique, physique et sexuelle dans les relations amou-
reuses (Hébert, Moreau, Blais, Lavoie, & Guerrier, 2016). Les résultats de cette
enquête populationnelle indiquent que le risque accru de revictimisation appa-
raît encore plus prononcé chez les garçons victimes d’agression sexuelle.
Certains modèles conceptuels offrent des pistes pour mieux cerner les
mécanismes en jeu dans la relation entre l’agression sexuelle et la revictimi-
sation dans les relations amoureuses à l’adolescence (Hébert, Daigneault, &
Van Camp, 2012). Pour certains auteurs, les séquelles associées à la violence
sexuelle favoriseraient une plus grande exposition des victimes à des situa-
tions à risque, ou encore, la vulnérabilité des victimes ferait en sorte qu’elles
sont davantage identifiées et ciblées par les agresseurs (Grauerholz, 2000). Le

148
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

modèle des dynamiques traumatogènes de Finkelhor et Browne (1985) est


souvent cité pour expliquer les conséquences associées à l’agression sexuelle,
dont le risque de revictimisation. Le modèle propose que les victimes res-
sentent souvent des sentiments d’impuissance et que ces sentiments peuvent
inhiber les comportements d’autoprotection lorsqu’elles sont à nouveau
confrontées à des situations où leur risque de victimisation est élevé (Banyard
et al., 2000). Tel que mentionné précédemment, l’agression sexuelle peut aussi
être liée à une diminution des capacités de régulation émotionnelle et, ainsi,
rendre la victime moins à même de déceler les comportements violents à son
endroit ou de mettre fin à une relation empreinte de violence (Banyard et al.,
2000). L’agression sexuelle est aussi liée à un plus jeune âge lors des premières
relations sexuelles et à un nombre plus élevé de partenaires, deux éléments
identifiés comme des facteurs de risque de subir de la violence dans les rela-
tions amoureuses (Vézina & Hébert, 2007). Enfin, Ghimire et Follette (2011)
proposent que quatre facteurs, validés par les études empiriques, expliquent
le risque de revictimisation : la présence de symptômes de stress post-trau-
matique, les comportements sexuels à risque, la consommation d’alcool et
les distorsions au niveau de la perception du risque. Ainsi, l’interaction de
ces quatre facteurs pourrait augmenter l’exposition des victimes au risque de
revictimisation tout en diminuant leurs habiletés préventives.
Les résultats d’analyses acheminatoires réalisées dans le cadre de l’enquête
populationnelle québécoise PAJ suggèrent que le fait d’avoir été victime
d’agression sexuelle est associé à davantage de symptômes de stress post-
traumatique et, qu’en retour, les symptômes de stress post-traumatique sont
positivement associés à la violence subie de la part d’un partenaire amoureux
(Hébert, Daspe, Blais, Lavoie, & Guerrier, sous presse). Cet effet de média-
tion est observé à la fois pour la violence psychologique, physique et sexuelle
subie au cours des 12 derniers mois et semble s’exercer tant pour les filles que
pour les garçons. La relation entre les symptômes de stress post-traumatique
et la victimisation au sein des relations amoureuses s’expliquerait par le fait
que la nature des symptômes taxerait la capacité de l’individu à identifier les
situations à risque et à déployer des stratégies de protection face à ces situa-
tions (Arata, 2000; Orcutt, Erickson, & Wolfe, 2002). À ce titre, des niveaux
élevés d’hypervigilance ou d’activation neurovégétative pourraient être asso-
ciés à une plus faible capacité à discriminer les fausses alarmes des signaux de
danger réel, conduisant éventuellement la personne à négliger les signes de
menaces et la plaçant ainsi à plus grand risque de revictimisation.
Des études récentes ont examiné le risque de revictimisation dans d’autres
contextes que les relations amoureuses. Notons entre autres que des données
québécoises montrent que la prévalence des expériences de cyberintimida-
tion est deux fois plus élevée chez les adolescents ayant vécu une agression
sexuelle pendant l’enfance, tant chez les filles (33,5 % vs 17,8 %) que chez les

149
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

garçons (29,6 % vs 13,3 %) (Hébert, Cénat, Blais, Lavoie, & Guerrier, 2016).
Plus de la moitié des enfants d’âge scolaire victimes d’agression sexuelle rap-
porte avoir subi des situations de victimisation verbale et 35 % de violence
physique de la part de leurs pairs en contexte scolaire (Hébert, Langevin,
& Daigneault, 2016). En outre, les résultats de cette étude illustrent que
les expériences de victimisation par les pairs accentuent les symptômes de
stress post-traumatique et de dissociation. Les mécanismes explicatifs liés à
la revictimisation demeurent malheureusement encore peu validés. Pour-
tant, le développement de programmes de prévention spécifiques à cette
population vulnérable requiert une meilleure connaissance des facteurs qui
contribuent à la revictimisation.

3. La prévention de la victimisation sexuelle


Les taux de prévalence élevés des agressions sexuelles envers les enfants et les
adolescents, de même que les conséquences délétères qui y sont associées, jus-
tifient l’élaboration et l’implantation de programmes de prévention. La pré-
vention primaire consiste en des actions posées avant même qu’un problème
ne survienne. Appliquée au domaine de l’agression sexuelle, la prévention pri-
maire vise à prévenir les nouveaux cas d’agression sexuelle, donc à en diminuer
l’incidence et, ultimement, la prévalence (www.atsa.com/prevention). En pré-
vention primaire, on inclut généralement aussi des interventions préventives
sélectives, c’est-à-dire visant des populations présentant des caractéristiques
les plaçant à risque de subir des agressions sexuelles, mais n’y ayant pas encore
été exposées. La prévention secondaire, quant à elle, cible les victimes récentes.
Son objectif est de déceler le problème, ou l’agression, dès son apparition et
d’en prévenir les conséquences à court terme (www.atsa.com/prevention). La
prévention secondaire peut également avoir pour objectif de maximiser les
probabilités que des nouveaux cas d’agression sexuelle soient identifiés, soit
en raison d’un dévoilement ou parce qu’une personne de l’entourage décèle
des indices d’agression sexuelle chez un proche. Enfin, la prévention tertiaire
cherche à minimiser les séquelles après la survenue du problème, donc de
l’agression sexuelle elle-même (www.atsa.com/prevention). Toutes les inter-
ventions curatives et tous les services offerts aux victimes et à leurs proches
en vue de minimiser les impacts de l’agression sexuelle à moyen et long terme
font donc partie des interventions de prévention tertiaire.
Selon le modèle des cercles d’influence, fortement inspiré du modèle éco-
logique de Bronfenbrenner (1977), les efforts de prévention devraient non
seulement viser les facteurs individuels, mais également les facteurs relation-
nels, communautaires et sociétaux (CDC, 2011). Ainsi, les efforts de préven-
tion visant à réduire le risque de victimisation sexuelle peuvent impliquer les

150
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

enfants eux-mêmes, leurs parents, les professionnels travaillant auprès d’eux,


les milieux communautaires où ils évoluent et, plus largement, la société. Il en
va de même pour les interventions visant à prévenir la perpétration des agres-
sions sexuelles auprès des agresseurs potentiels. Les initiatives visant l’acqui-
sition d’habiletés de protection ou l’affirmation de soi chez les enfants sont
des exemples d’interventions individuelles ciblant les enfants comme victimes
potentielles. Les actions visant l’acquisition de connaissances sur l’agression
sexuelle auprès des parents ou des enseignants sont des exemples d’interven-
tions qui se situent au niveau relationnel. Les interventions de niveau com-
munautaire incluent les actions visant des changements à l’échelle de la com-
munauté (ex. : développement de programmes parascolaires, améliorations
de la sécurité d’un quartier). Enfin, les campagnes médiatiques qui visent un
changement des normes culturelles et sociales cautionnant la violence sexuelle
sont des exemples d’intervention dont la cible est sociétale.
Le but ultime de la prévention de la violence sexuelle est de l’enrayer (CDC,
2011). Puisque la violence résulte d’un amalgame complexe de facteurs indi-
viduels, relationnels, communautaires et sociétaux, les CDC recommandent
que des interventions préventives soient implantées à tous ces niveaux. Pour
sa part, l’International Society for the Prevention of Child Abuse and Neglect
(IPSCAN), en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS),
recommande que les efforts de prévention de la maltraitance, dont fait partie
l’agression sexuelle, s’appuient sur les facteurs de risque reconnus.
La prévention des agressions sexuelles envers les enfants se déploie par des
interventions ciblant principalement deux groupes : les enfants comme vic-
times potentielles et les agresseurs avérés ou potentiels. En effet, contraire-
ment à la prévention des autres formes de maltraitance ciblant principalement
les parents, la grande majorité des initiatives de prévention des agressions
sexuelles s’adresse aux enfants comme victimes potentielles. Cette stratégie
pourrait découler du fait que, contrairement à la négligence ou l’abus phy-
sique, les parents ne sont pas en cause dans la majorité des cas d’agression
sexuelle envers les enfants. Toutefois, les approches ciblant les agresseurs
(ex. : registres, enquêtes avant embauche, sentences, programmes d’interven-
tion) constituent des initiatives de prévention tertiaire visant la sphère indivi-
duelle (Finkelhor, 2009). Bien que le public approuve les pratiques juridiques
dites punitives (ex. : de plus longues sentences), ces dernières reposent sur
une conception des agresseurs en tant que pédophiles inconnus, alors que les
agresseurs sexuels d’enfants sont le plus souvent connus de la victime et, dans
près du tiers des cas, sont mineurs (Finkelhor, 2009). Dans les prochaines sec-
tions, les programmes ciblant les enfants comme victimes potentielles d’agres-
sion sexuelle seront décrits. Certaines initiatives de prévention des agressions
sexuelles déjà mises en application seront présentées et les faits saillants des
études évaluant leur efficacité seront résumés.

151
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

3.1. Interventions préventives au niveau individuel


La grande majorité des initiatives de prévention des agressions sexuelles
cible les enfants et s’attarde au niveau individuel du modèle des cercles
d’influence. L’approche universelle est préconisée, c’est-à-dire que les pro-
grammes sont habituellement offerts à tous les enfants d’un milieu donné.
Les interventions sont réalisées pour la grande majorité en milieux scolaires,
où il est facile de rejoindre un grand nombre d’enfants. Les programmes
de prévention auprès des enfants ont généralement comme objectif premier
de diminuer leur vulnérabilité en favorisant l’acquisition de connaissances
sur l’agression sexuelle et d’un sens de ses droits, et en favorisant le déve-
loppement des capacités d’affirmation de soi et des habiletés de protection.
La plupart des programmes visent également l’identification d’un réseau de
soutien et insistent sur l’importance de dévoiler toute situation abusive à
une personne de confiance (Hébert & Tourigny, 2004). Si les programmes
partagent souvent les mêmes objectifs, leur durée, le matériel pédagogique
utilisé et les modalités de présentation varient considérablement d’un pro-
gramme à l’autre (Tutty, 2014).
Une récente recension des écrits (Fryda & Hulme, 2015) s’est attardée à
décrire les programmes de prévention des agressions sexuelles offerts dans les
écoles et d’en recenser les effets. Au total, 31 articles scientifiques publiés entre
1975 et 2013 portant sur 23 programmes de prévention distincts ont été ana-
lysés. En termes de durée, la majorité des programmes consistait en une ren-
contre de 60 minutes (ou moins) et seulement sept programmes incorporaient
plus d’une session, alors que seulement trois offraient des séances de rappel.
Les enfants de tous les âges (préscolaire à l’adolescence) étaient représentés,
mais la majorité des programmes recensés ciblaient les enfants d’âge scolaire.
Tous les programmes sauf un étaient destinés à des enfants sans handicap ou
difficulté particulière. Selon les auteurs, les thématiques abordées se déclinent
en sept grandes catégories : le continuum de l’abus, l’éducation à la sexualité
(identification des parties privées, propriété de son corps), les types de tou-
chers, les comportements de prédation des agresseurs, les situations sécuri-
taires et non sécuritaires, dire non/l’affirmation de soi, en parler à un adulte/
ne pas garder le secret. Les catégories de contenus les plus souvent abordés par
les programmes étaient le fait d’en parler à un adulte, les types de touchers et
l’affirmation de soi. Toujours selon la recension de Fryda et Hulme (2015), la
majorité des programmes abordaient entre deux et six catégories de contenus.
Les modalités les plus souvent utilisées pour transmettre les messages préven-
tifs étaient les films et le théâtre. Environ la moitié des programmes recen-
sés intégraient également des discussions de groupe et des jeux de rôles. La
plupart des programmes de prévention utilisaient plusieurs stratégies parmi
les suivantes : le modelage, la rétroaction, des jeux, des leçons, des histoires,
des images, la répétition du contenu, des chansons, du matériel écrit et des

152
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

rencontres individuelles avec l’animateur. Les programmes étaient principale-


ment animés par des enseignants ou des intervenants en milieu scolaire.
Fryda et Hulme (2015) ont également recensé les résultats des études éva-
luant l’efficacité de ces programmes de prévention en milieu scolaire. La plu-
part des études évaluatives ont eu recours à un devis impliquant un groupe
de contrôle n’ayant pas reçu le programme et des mesures pré- et post-pro-
gramme. Afin de témoigner des effets des programmes, la vaste majorité des
études évaluatives ont considéré les changements sur le plan des connais-
sances (20 études), alors que neuf études ont évalué des habiletés d’autopro-
tection (ex. : savoir reconnaître les situations d’abus potentiel, s’affirmer, dire
non). Douze études ont mesuré le maintien des gains réalisés sur le plan des
connaissances. Seulement cinq études ont aussi intégré des mesures évaluant
différentes variables psychologiques (ex. : l’estime de soi), alors que deux ont
intégré des mesures sur la capacité à percevoir le risque dans une situation
potentiellement abusive. Les effets négatifs potentiels ont été considérés dans
sept études. Par ailleurs, parmi les études recensées, seulement deux études
ont documenté les dévoilements d’agression sexuelle.
Parmi les constats qui se dégagent de cette analyse, les auteurs notent
d’abord que peu d’études ont eu recours à des outils de mesure validés. Les
résultats des études d’évaluation indiquent une association positive entre
la participation à un programme de prévention et l’émergence de dévoi-
lements. Des gains sur le plan des connaissances sont également observés
chez les enfants de tous les âges, mais dans une moindre mesure chez les
jeunes enfants. Le maintien des connaissances était observable dans toutes
les études sauf une, mais la durée et l’ampleur du maintien variaient selon
les connaissances évaluées. Les études ayant évalué l’effet des programmes
sur des variables psychologiques montraient, pour leur part, des résultats
mitigés ; une étude indiquant une augmentation de l’estime de soi et une
autre non. Aucune amélioration concernant le soutien social, le niveau
d’empathie et le sentiment d’efficacité personnelle n’avait été observée après
une séance de rappel. Les deux études ayant évalué la capacité à percevoir le
risque montrent des améliorations en ce sens. Toutes les études évaluant les
habiletés d’autoprotection témoignaient également d’améliorations suite à
la participation au programme, et un certain nombre d’études faisaient état
d’un maintien de ces acquis dans le temps.
La plus récente méta-analyse, effectuée par Walsh, Zwi, Woolfenden, et
Shlonsky (2015), montre des résultats similaires à ceux rapportés par Fryda
et Hulme (2015). Les auteurs ont intégré à leur méta-analyse un total de 24
études évaluatives visant des programmes de prévention en milieu scolaire
(échantillon total de 5 802 enfants âgés de 5 à 18 ans). Les résultats indiquent
que les programmes de prévention ont un important effet sur la mise en appli-
cation de comportements de protection et un effet modéré sur l’acquisition de

153
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

connaissances concernant les agressions sexuelles et leur prévention. Il sem-


blerait également que les gains sur le plan des connaissances soient maintenus
jusqu’à six mois après la participation à un programme de prévention. Selon
cette méta-analyse, les résultats quant à l’augmentation du taux de dévoile-
ment après la participation aux programmes de prévention sont toutefois
incertains, bien qu’un certain effet positif soit observable.
Enfin, bien que certains parents émettent des inquiétudes quant à la
possibilité que les programmes de prévention aient des répercussions néga-
tives (développement de peurs ou de craintes chez les enfants), les résultats
montrent que la plupart des enfants ne présentent pas plus de détresse après
leur participation aux programmes (Fryda & Hulme, 2015 ; Walsh & al. 2015).
De plus, la détresse ressentie chez la minorité d’enfants montrant une aug-
mentation d’anxiété se résorberait rapidement après l’intervention (Meza de
Luna & Hernandez Sampieri, 2005). Il importe de souligner qu’une étude de
Finkelhor et Dziuba-Leatherman (1995) avait montré que les enfants présen-
tant une augmentation d’anxiété étaient ceux qui utilisaient le plus les concepts
de prévention enseignés, et dont les parents paraissaient les plus satisfaits du
programme. Une légère augmentation de l’anxiété et des craintes après la par-
ticipation à un programme de prévention des agressions sexuelles pourrait
être considérée comme normale (Lutzker & Boyle, 2002). En effet, la prise de
conscience de l’existence d’un danger jusqu’alors inconnu (ex. : le risque d’in-
cendie) est généralement associée à une augmentation saine et temporaire des
craintes. Notons par ailleurs que les programmes de prévention de l’agression
sexuelle sont généralement appréciés des enfants (Tutty, 2014).

3.2. Interventions préventives au niveau relationnel


et communautaire
Malgré l’importance centrale des parents, des intervenants et des profes-
sionnels œuvrant auprès des enfants, force est de constater que les efforts de
prévention ont à ce jour grandement négligé leur implication (Bergeron &
Hébert, 2011 ; Mendelson & Letourneau, 2015). Dans les prochaines sections,
un aperçu des initiatives proposées sera offert.

3.2.1. Auprès des parents


La participation des parents à des initiatives de prévention des agressions
sexuelles comporte de nombreux avantages. En effet, les parents peuvent pré-
senter les notions préventives à leurs enfants de façon continue sur de plus
longues périodes (Mendelson & Letourneau, 2015 ; Tutty, 1993). Ils sont éga-
lement dans une position privilégiée pour renforcer les éléments présentés
dans le cadre des programmes et favoriser leur application à la maison (Tutty,

154
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

1993). Les parents sont également à même de répondre aux questions de leur
enfant et de reformuler les éléments moins bien compris en utilisant un langage
familier pour l’enfant (Wurtele, Kvaternick, & Francklin, 1992). Ils peuvent
convenir du meilleur moment pour aborder certaines notions en fonction du
niveau de développement de leur enfant (Mendelson & Letourneau, 2015).
Enfin, les parents occupent une place privilégiée pour protéger leurs enfants
contre de potentiels agresseurs (Mendelson & Letourneau, 2015), pour les
écouter si une agression sexuelle survenait et pour leur offrir le soutien néces-
saire suite au dévoilement de cette agression. Une étude réalisée au Québec
indique qu’après avoir pris part au volet parental du programme de préven-
tion « ESPACE », les parents identifient davantage d’interventions visant à
soutenir l’enfant qui dévoile une situation d’agression sexuelle, et tendent à
solliciter plus d’aide auprès d’un organisme compétent que les parents n’y
ayant pas participé (Hébert, Lavoie, & Parent, 2002). Les enfants qui parti-
cipent au programme et dont les parents ont aussi participé démontrent par
ailleurs des gains plus importants que ceux dont les parents n’ont pas participé
(Hébert, Lavoie, Piché, & Poitras, 2001).
Malgré tous ces bénéfices potentiels, seulement une minorité de pro-
grammes sollicitent la participation des parents. De plus, les études montrent
que lorsque les parents sont invités à participer à des programmes de pré-
vention, seulement une minorité d’entre eux le font (Hébert et al., 2002). De
surcroît, bien que la majorité des études montrent des bénéfices tant sur le
plan des connaissances, que de la capacité à agir de façon appropriée et de sou-
tenir leur enfant après un dévoilement (Hébert et al., 2002 ; McGee & Painter,
1991 ; Tremblay, 1998), au moins une étude ne montre aucun effet de la par-
ticipation des parents (Kolko, Moser, Litz, & Hughes, 1987). Compte tenu du
faible taux de participation des parents aux programmes de prévention et des
résultats mitigés de l’impact de leur participation, il semble essentiel de déve-
lopper de nouvelles approches afin de favoriser la participation des parents
et de mieux promouvoir les bénéfices qu’ils peuvent en retirer. Mendelson et
Letourneau (2015) offrent plusieurs suggestions à cet effet qui seront discutées
dans la section des recommandations.

3.2.2. Auprès des professionnels œuvrant auprès des enfants


Après les parents, les professionnels œuvrant auprès des enfants (ex. : ensei-
gnants, éducateurs des milieux de garde, infirmières scolaires, psychoéduca-
teurs) sont certainement parmi les adultes ayant le plus de proximité avec les
enfants. Chaque professionnel est quotidiennement en contact avec plusieurs
enfants, c’est pourquoi ils sont en excellente position pour participer à la pré-
vention des agressions sexuelles envers les mineurs (Rheingold et al., 2015).
Les professionnels sont notamment en mesure d’observer les comportements

155
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

inhabituels d’enfants récemment victimisés, peuvent déceler certains indices


et sont susceptibles de recevoir des dévoilements (Bergeron, 2008 ; Hamelin-
Brabant, Michaud, Gauthier, Damant, & Alain, 2007 ; Hicks & Tite, 1998 ;
Kenny, 2007 ; Kenny, Capri, Thakkar-Kolar, Ryan, & Runyon, 2008). Ils sont
également en bonne position pour diminuer l’accès des agresseurs sexuels
potentiels aux enfants (Rheingold et al., 2015). Malheureusement, les pro-
fessionnels travaillant auprès des enfants ont aussi été grandement négligés
jusqu’à maintenant dans les efforts de prévention (Bergeron & Hébert, 2011 ;
Rheingold et al., 2015) et plusieurs d’entre eux déplorent le manque de for-
mation en matière d’agression sexuelle dans leur cursus académique (Kenny,
2001). Le manque de connaissances et l’insuffisance de la formation seraient
des obstacles importants au signalement des cas d’agression sexuelle par ces
professionnels (Smith, 2006).
Certaines interventions offertes aux professionnels, évaluées il y a plusieurs
années, ont pourtant donné lieu à des résultats positifs sur plusieurs plans. On
observe, en effet, une amélioration en ce qui concerne l’acquisition et le main-
tien de connaissances, la capacité à réagir adéquatement face à un dévoilement
et à dénoncer celle-ci aux autorités compétentes, le fait d’aborder davantage
le sujet des agressions sexuelles avec les enfants et la capacité à déceler les
signes qu’un enfant est à risque d’avoir vécu une agression sexuelle (Klee-
meier, Webb, Hazzard, & Pohl, 1988 ; McGrath, Cappelli, Wiseman, Khalil,
& Allan, 1987 ; Randolph & Gold, 1994). Plus récemment, une étude s’est
penchée sur les effets du programme Stewards of Children, développée par
Darkness to Light (D2L) (Rheingold et al., 2015). Ce programme vise à former
les adultes à la prévention primaire des agressions sexuelles envers les enfants
et consiste en une formation de deux heures et demie, pouvant être complétée
sur internet ou avec un formateur. Les résultats de l’étude évaluative montrent
que les adultes ayant participé au programme ont davantage de connaissances
et sont moins enclins à adhérer aux mythes reliés aux agressions sexuelles,
immédiatement après la participation à la formation et trois mois plus tard,
comparativement aux adultes n’ayant pas participé. Une augmentation des
comportements préventifs a été observée, mais uniquement lors de l’évalua-
tion de suivi, trois mois après la participation au programme. Cette augmenta-
tion n’était pas observable immédiatement après la participation. La modalité
de participation (en ligne ou en personne) ne semble pas influencer l’efficacité
du programme au suivi de trois mois. Il est à noter que selon le Center for
Child Protection (http://centerforchildprotection.org/services/education-ser-
vices/), ce programme serait approprié pour former les employés et bénévoles
œuvrant au sein de divers organismes offrant des services aux enfants (ex. :
ligues sportives, programmes parascolaires). En somme, les interventions pré-
ventives auprès des professionnels travaillant avec des enfants semblent avoir
des effets positifs, mais sont encore peu offertes et rarement évaluées.

156
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

3.2.3. Au sein des organismes de loisirs


Les organismes de loisirs (ex. : milieux sportifs, centres communautaires
offrant des activités parascolaires) peuvent être des lieux privilégiés pour l’im-
plantation d’initiatives de prévention communautaire, niveau auquel se situent
plusieurs facteurs de risque associés à l’agression sexuelle (ex. : tolérance à
la violence). Dans les dernières années, des cas très médiatisés d’agressions
sexuelles ayant eu lieu en contexte sportif ont favorisé une prise de conscience
par la population générale des risques présents dans ces milieux. Malgré cela,
encore peu d’initiatives de prévention y sont mises en place (Parent & Demers,
2011 ; Parent & El Hlimi, 2013).
Une étude s’intéressant aux facteurs associés à la prise de mesures pour
protéger les jeunes contre les agressions sexuelles en milieu sportif montre
que plusieurs facteurs alimentent l’inaction des milieux en terme de préven-
tion : perceptions négatives de l’efficacité des programmes de prévention,
craintes d’une augmentation des taux de fausses allégations et le fait que la
prévention des agressions sexuelles ne soit pas une priorité pour les milieux
(notamment en raison d’un manque de ressources et de formation) (Parent
& Demers, 2011). À l’opposé, la survenue de cas d’agression sexuelle dans
des milieux aurait mené les responsables des structures sportives à poser des
actions concrètes pour protéger les jeunes, mais toujours a posteriori (Parent
& Demers, 2011). Les auteurs concluent donc en suggérant un modèle de pré-
vention des agressions sexuelles en contexte sportif qui cible les différents fac-
teurs identifiés comme contribuant à l’inaction.
En Grande-Bretagne, le programme appelé Child Protection in Sport Unit,
fondé en 2001 (National Society for the Prevention of Cruelty to Children,
https://thecpsu.org.uk), sollicite la participation de différentes organisations
pour minimiser les risques d’abus envers les enfants en contexte sportif. Plus
spécifiquement, ce programme invite les organisations à prendre conscience
de leurs responsabilités face à la protection des enfants dont ils ont la charge,
à développer des stratégies et codes de pratiques pour protéger les jeunes, à
identifier les adultes qui représentent une menace pour les jeunes, à inter-
venir et à développer des connaissances et habiletés préventives auprès de
tous les employés et bénévoles impliqués dans les communautés sportives.
Parent et El Hlimi (2013) ont suggéré que ce programme soit implanté au
Québec, jugeant qu’il pouvait aider à prévenir des agressions sexuelles dans
les milieux sportifs.
Au Canada, le programme « Respect et sport » (http://french.respectins-
port.com/), disponible en ligne, a été mis sur pied par le Respect Group en
collaboration avec la Croix Rouge canadienne. Ce programme, ciblant les
leaders d’activités sportives et entraîneurs, vise à favoriser la reconnaissance
et une meilleure compréhension des incidents d’intimidation et d’abus en
contexte sportif et invite les milieux sportifs et leurs dirigeants à y répondre

157
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

adéquatement. Une formation complémentaire est également disponible pour


les parents. Bien que cette approche semble prometteuse et paraît cibler cer-
tains obstacles identifiés par Parent et Demers (2011), aucune étude d’évalua-
tion n’a encore été effectuée pour en mesurer les effets.
En somme, malgré la pertinence de l’implantation d’interventions préven-
tives dans les milieux sportifs, peu de programmes adaptés pour ces contextes
sont disponibles. De plus, les quelques programmes disponibles (dont la des-
cription ici n’est pas exhaustive) n’ont pas encore été évalués. Il s’agit donc
d’un domaine où beaucoup reste à faire en termes de prévention.

3.3. Interventions préventives au niveau sociétal


Comme plusieurs facteurs de risque d’agression sexuelle se situent au niveau
sociétal du modèle des cercles d’influence (ex. : inégalités de genre, pauvreté,
normes sociales et culturelles cautionnant la violence, politiques sociales et
économiques menant à d’importantes inégalités socio-économiques), les
interventions préventives à ce niveau paraissent prometteuses (CDC, 2011 ;
OMS & IPSCAN, 2006). Les campagnes médiatiques de sensibilisation de la
population à la problématique des agressions sexuelles envers les enfants sont
les stratégies les plus visibles lorsqu’il est question de prévention à l’échelle
sociétale. En Australie, la campagne Child Abuse Hurts Us All menée au milieu
des années 2000 et visant à responsabiliser les adultes quant à leur rôle face à
la prévention de la maltraitance envers les enfants en est un exemple (Hors-
fall, Bromfield, & MacDonald, 2010). Cette campagne proposait des annonces
télévisées et du matériel imprimé. Aux États-Unis, Stop It Now! (http://www.
stopitnow.org), une organisation fondée il y a 26 ans par une survivante
d’agression sexuelle durant l’enfance a également mis en place, entre autres,
des campagnes médiatiques visant un changement du climat social et la mobi-
lisation des adultes, des familles et des communautés face à la problématique
de la violence sexuelle envers les enfants. Stop It Now! a été exporté en Grande-
Bretagne, où des messages télévisés ont également été présentés. Un autre
exemple est la campagne Briser le silence, implantée au Québec entre 2008 et
2013. Il s’agissait de la première campagne québécoise ciblant spécifiquement
l’agression sexuelle qui a inclus des messages télévisés. Les objectifs de cette
campagne étaient d’éliminer la méconnaissance et la tolérance face aux agres-
sions sexuelles.
Une recension systématique des campagnes médiatiques de préven-
tion de la maltraitance a été effectuée en 2010 (Horsfall et al., 2010). Les
auteurs ont identifié 36 publications (entre 1995 et 2009) portant sur 21
campagnes de prévention. Pour la plupart, les campagnes s’adressaient aux
parents, visaient la prévention primaire et avaient pour objectif de modifier
les comportements (Horsfall et al., 2010). Plusieurs visaient également la

158
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

sensibilisation de la communauté par rapport à la maltraitance, le change-


ment dans les attitudes et l’augmentation des connaissances (Horsfall et al.,
2010). Neuf campagnes sur 21 faisaient appel, en plus des stratégies média-
tiques, à l’implantation d’activités ou de services auprès des communautés
(Horsfall et al., 2010).
L’évaluation des impacts a été effectuée pour seulement 12 des 21 cam-
pagnes médiatiques recensées (Horsfall et al., 2010). Ces évaluations se fai-
saient généralement à l’aide de sondages pré- et post-campagnes, de sondages
post-campagnes ou de l’analyse des données provenant de lignes d’écoute. Les
résultats des études évaluatives indiquaient certains bénéfices sur le plan des
connaissances, des changements d’attitudes, une recherche d’aide accrue et
des changements de comportements parentaux. Un programme américain,
Triple-P, a été associé à une diminution de la prévalence de la maltraitance
envers les enfants parmi les communautés exposées (Horsfall et al., 2010).
En somme, bien que certains effets positifs aient été identifiés, l’efficacité des
campagnes médiatiques est encore peu démontrée, notamment en raison du
manque d’études évaluatives.

3.4. Limites des initiatives de prévention actuelles


Ce tour d’horizon ne visait pas à recenser de façon exhaustive les diffé-
rentes approches concernant la prévention des agressions sexuelles envers
les enfants, mais permet néanmoins d’identifier certaines limites des efforts
de prévention implantés à ce jour. Plusieurs ont déjà souligné qu’on ne peut
remettre la presque entière responsabilité de la prévention des agressions
sexuelles aux enfants par le recours presque exclusifs aux programmes de
prévention leur étant destinés. Pour enrayer une problématique complexe et
multi-déterminée, telle que l’agression sexuelle, il faut nécessairement envisa-
ger une approche globale. Ainsi, plusieurs auteurs s’entendent pour dire que
davantage de programmes devraient cibler les adultes qui ont la responsabilité
du bien-être et de la sécurité des enfants et que toute approche qui ne cible
pas simultanément des changements sociaux ne pourra atteindre son objectif
ultime.
Plusieurs limites peuvent être identifiées en ce qui concerne plus spécifi-
quement les programmes ciblant les enfants comme potentielles victimes. La
majorité des programmes recensés par Fryda et Hulme (2015) n’impliquait
qu’une rencontre d’un maximum de 60 minutes, alors qu’il est maintenant
reconnu que les programmes offerts sur plusieurs séances, favorisant la répé-
tition des concepts-clés, sont plus efficaces.
De plus, toujours selon les résultats de cette recension, peu de pro-
grammes adaptés pour des clientèles particulières, comme les enfants pré-
sentant une déficience intellectuelle, les enfants déjà agressés sexuellement

159
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

ou ceux issus de communautés culturelles diverses, sont implantés et éva-


lués. Pourtant, les enfants présentant une déficience intellectuelle seraient
deux à six fois plus à risque d’être agressés sexuellement (Dion, Bouchard,
Gaudreault, & Mercier, 2012) et le phénomène de la revictimisation, tel
que discuté précédemment, est bien démontré. Il est à noter qu’une récente
étude a montré des résultats encourageants concernant le dévoilement et
l’augmentation des connaissances après la participation d’enfants agressés
sexuellement à un programme de prévention (Barron & Topping, 2013).
Inversement, une étude effectuée auprès d’enfants en provenance d’un
milieu socioculturel défavorisé a mis en lumière moins d’améliorations
chez ces enfants après leur participation à un programme de prévention
(Daigneault, Hébert, McDuff, & Frappier, 2012). Ces résultats soulignent
l’importance d’adapter les programmes aux besoins particuliers de publics
spécifiques.
Certaines limites méthodologiques et conceptuelles peuvent également
être identifiées dans la majorité des études réalisées à ce jour. Ainsi, Fryda et
Hulme (2015) ont souligné le peu d’études utilisant des mesures validées pour
évaluer les impacts des programmes de prévention auprès des enfants. Les
impacts mesurés sont également très divers, mettant en lumière le manque
de consensus des marqueurs de réussite en prévention de l’agression sexuelle
(Fryda & Hulme, 2015). Enfin, les bénéfices des programmes de prévention
seraient moindres pour les enfants plus jeunes (Fryda & Hulme, 2015). Aussi,
bien que les programmes de prévention soient susceptibles de favoriser cer-
tains signalements aux autorités de situations de victimisation sexuelle (Rous-
seau, 2006 ; Wurtele, 2002), une récente méta-analyse suggère que l’effet sur
les dévoilements est incertain (Walsh et al., 2015).
Une autre conclusion pouvant être tirée des informations recensées dans
ce chapitre est qu’il existe une importante lacune en ce qui concerne l’éla-
boration, l’implantation et l’évaluation de programmes de prévention de
l’agression sexuelle ciblant les parents et les adultes côtoyant quotidienne-
ment des enfants dans le cadre de leur travail ou en milieu communautaire
(Mendelson & Letourneau, 2015). Il y aurait donc un manque d’initiatives
de prévention aux niveaux relationnels et communautaires du modèle des
cercles d’influence.
La principale critique concernant les initiatives de prévention sur le plan
sociétal relève du manque d’évaluation systématique de leurs retombées
(Horsfall et al., 2010). Enfin, une critique à l’endroit des initiatives de pré-
vention offertes à tous les niveaux du modèle des cercles d’influence est qu’il
existe peu de preuves démontrant que celles-ci atteignent leur objectif ultime,
soit la diminution de l’incidence et de la prévalence des agressions sexuelles
envers les enfants (Fryda & Hulme, 2015; Lutzker & Boyle, 2002; Mendelson
& Letourneau, 2015; Mikton & Butchart, 2009).

160
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

4. Pistes et recommandations pour la prévention


de l’agression sexuelle
Les prochaines sections visent à exposer certaines pistes et recommandations
pour la prévention de l’agression sexuelle abordant les différents niveaux des
cercles d’influence.

4.1. Au niveau individuel


D’après les résultats d’études évaluatives des programmes de prévention
ciblant les enfants comme potentielles victimes, les programmes doivent
intégrer certains éléments-clés pour optimiser leurs effets. D’abord, les pro-
grammes favorisant la participation active des enfants (ex. : jeux de rôles les
amenant à pratiquer les habiletés préventives) sont associés à des gains plus
importants. Les données probantes indiquent par ailleurs que les programmes
s’étalant sur plusieurs séances, qui assurent une répétition des concepts, don-
neraient davantage de résultats que les programmes consistant en une seule
rencontre. Le contenu et le format des programmes doivent absolument être
adaptés au niveau de développement des enfants ciblés. Il apparaît également
essentiel de baser les programmes sur des notions concrètes (ex. : comporte-
ments interdits), plutôt qu’abstraites (ex. : notions de droits ou sentiments), et
ce, particulièrement pour les enfants plus jeunes. Rappelons, par ailleurs, l’im-
portance de s’assurer que tous les enfants puissent avoir accès à de tels pro-
grammes. À ce titre, en analysant les données du National Survey of Children’s
Exposure to Violence, les auteurs concluent que seulement 21 % des jeunes
auraient été exposés à un programme de prévention de la violence sexuelle
(Finkelhor, Vanderminden, Turner, Shattuck, & Hamby, 2014).
Si les programmes dispensés en milieux scolaires demeurent l’approche
privilégiée pour rejoindre un maximum des jeunes, il y aurait lieu de considé-
rer d’autres axes de prévention des agressions sexuelles. L’un d’entre eux serait
de faire appel aux nouvelles technologies. De plus en plus d’études montrent
que les nouvelles technologies et les réseaux sociaux peuvent avoir des impacts
positifs sur les jeunes. Elles offrent, entre autres, des opportunités d’appren-
tissage accrues en rendant disponibles de nombreux contenus éducatifs et en
facilitant l’échange d’informations. Elles faciliteraient également la commu-
nication avec la famille et les amis, même lorsqu’une distance physique est
présente (Stonard, Bowen, Lawrence, & Price, 2014). Une recension des écrits
a montré que l’utilisation des nouvelles technologies pour la promotion de
changements d’habitudes concernant l’activité physique chez les enfants et les
adolescents était prometteuse (Lau, Lau, Wong, & Ransdell, 2011). Il serait
donc intéressant de développer de telles approches en prévention de la vio-
lence afin de rejoindre un plus grand nombre d’enfants et d’adolescents.

161
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

L’application pour téléphones Circle of Six® est un exemple d’utilisation


des nouvelles technologies pour favoriser les relations saines et la sécurité des
jeunes. Cette application, originalement développée pour prévenir la violence
sexuelle sur les campus américains, est maintenant disponible pour tous. Plu-
sieurs fonctionnalités y sont incluses et permettent aux jeunes d’entrer rapi-
dement et discrètement en contact avec six personnes de son entourage pour
leur demander soit de venir les chercher (la géolocalisation est utilisée par
l’application) ou de les appeler. Différents liens permettant d’accéder direc-
tement à des informations crédibles sur la sexualité et les relations amou-
reuses sont également intégrés à l’application et il est possible de contacter des
lignes d’écoute spécialisées pour venir en aide aux jeunes victimes d’agression
sexuelle. À notre connaissance, aucune étude d’évaluation n’a encore été effec-
tuée au sujet de cette application. Toutefois, Lavoie (2013) critique le fait que
l’application cible principalement les situations d’agression sexuelle impli-
quant des inconnus, alors que celles-ci ne constituent qu’une faible propor-
tion des agressions sexuelles perpétrées.

4.2. Au niveau relationnel et communautaire


En ce qui concerne le niveau relationnel du modèle des cercles d’influence,
il semble opportun de développer davantage d’interventions ciblant les
parents et les adultes œuvrant auprès des enfants au quotidien. Mendelson et
Letourneau (2015) émettent plusieurs recommandations concernant ce type
d’intervention, dont l’importance d’inclure des interventions ciblées auprès
des familles présentant des facteurs de risque, comme c’est le cas pour la pré-
vention de la maltraitance de façon plus générale. Compte tenu des faibles
taux de participation des parents à ces programmes et des défis à surmon-
ter pour les rejoindre en plus grand nombre, il serait utile de développer des
partenariats avec les milieux de pratique afin d’offrir les programmes dans
les lieux d’intervention fréquentés par les familles. Ceci nécessiterait égale-
ment que le format des interventions soit adapté au contexte organisation-
nel de ces milieux (interventions brèves, flexibles et faciles à implanter). Pour
favoriser l’engagement des parents, inclure les interventions préventives dans
le cadre de programmes plus larges visant le développement de comporte-
ments parentaux sains et offrir du soutien supplémentaire aux parents ayant
des besoins particuliers (ex. : présentant des problèmes de santé mentale ou
ayant eux-mêmes un vécu traumatique) pourraient s’avérer être des stratégies
efficaces (Mendelson & Letourneau, 2015). Parmi les autres propositions for-
mulées par Mendelson et Letourneau (2015), on note l’importance d’adapter
les contenus et les formats afin que les interventions soient accessibles à un
plus grand nombre de personnes (ex. : communautés culturelles). Afin d’as-
surer et de maximiser les bénéfices des initiatives de prévention, il faudrait

162
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

minimalement en évaluer les impacts. Mais pour ce faire, il faudrait, au préa-


lable, documenter les composantes clés des programmes, leur dosage optimal
et les mécanismes en jeux dans les programmes évalués comme étant efficaces.
La pertinence d’inclure la thématique de l’agression sexuelle au contenu des
différentes formations académiques des futurs intervenants appelés à côtoyer
les jeunes (enseignants, médecins, policiers, etc.) ne fait plus de doute. Outre
des contenus qui reposent sur les connaissances quant aux caractéristiques des
agressions sexuelles, les enjeux liés au dévoilement, les procédures de signa-
lement et les différentes ressources disponibles, la formation de ces acteurs
clés de la prévention de l’agression sexuelle doit nécessairement mobiliser le
développement du savoir-être. En effet, les quelques études disponibles à ce
sujet suggèrent que plusieurs membres du personnel scolaire – qu’il s’agisse
d’enseignants ou d’infirmières - se sentent peu outillés pour aborder la thé-
matique, craignent de devoir réagir à des dévoilements ou entretiennent des
malaises à parler de sexualité (Cohen, Byers, & Sears, 2012 ; Fernet, Hébert et
al., 2013 ; Hamelin-Brabant et al. 2007 ; St-Vincent, 2002).
De plus en plus d’interventions préventives, notamment aux niveaux rela-
tionnels et communautaires, sont offertes en ligne (ex. : Stewards of Child-
ren, Respect et sport). Ce format est avantageux puisqu’il possède un bon
ratio coûts-bénéfices, peut rejoindre un grand nombre de personnes sur des
territoires géographiques distants et permet aux personnes les utilisant de
compléter la formation selon leurs disponibilités et à leur rythme. Selon ce
que suggèrent les résultats de l’étude évaluative du programme Stewards of
Children (Rheingold et al., 2015), les gains observés semblent similaires à ceux
obtenus par des interventions traditionnelles en présence d’un formateur. Un
programme de formation en ligne a été développé à l’intention des prêtres,
candidats à la prêtrise, ordres religieux et employés d’église par la Pontifica
Università Gregoriana (http://childprotection.unigre.it). Ce type de formation
semble donc prometteur pour rejoindre une très grande variété de membres
de la communauté et pourrait conduire à des gains significatifs en termes de
connaissances et d’habiletés associées à la prévention de la violence sexuelle. Il
s’agit d’un domaine de recherche qui mérite d’être approfondi, tant au niveau
de l’implantation de ces formations que de l’évaluation de leur efficacité.
Une autre axe de prévention en plein essor concerne les interventions
ciblant les témoins potentiels de violence (Banyard, 2011; Bennett, Banyard,
& Garnhart, 2014; Cares et al., 2015). Ces interventions visent généralement à
sensibiliser les témoins de violence aux conséquences qu’elle engendre, à amé-
liorer leurs connaissances et attitudes envers la violence, et à favoriser la prise
d’action concrète pour faire cesser les agressions sexuelles dont ils sont ou
seront témoins. Certains éléments favoriseraient l’intervention des témoins.
On constate en effet que lorsque des témoins reconnaissent qu’une situa-
tion de violence est problématique, se sentent responsables, ne blâment pas

163
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

la victime, connaissent la victime ou s’identifient à elle, lorsqu’ils perçoivent


un faible niveau de risque associé à une intervention de leur part et lorsqu’ils
sont de sexe féminin, ils interviennent davantage (Banyard, 2011; Bennett
& Banyard, 2016). Une étude expérimentale récente s’est penchée sur l’effi-
cacité du programme de prévention de la violence sexuelle appelé Bringing
in the Bystander et implanté dans deux universités américaines (Cares et al.,
2015 ; Moynihan et al., 2015). Les résultats sont encourageants, indiquant des
changements significatifs des comportements et des attitudes des étudiants
ayant participé au programme, et ce, jusqu’à un an après l’intervention. Bien
que d’autres études effectuées plus spécifiquement auprès des adolescents et
dans des contextes variés soient nécessaires, la prévention ciblant les membres
d’une communauté comme témoins potentiels de violence sexuelle apparaît
comme une avenue prometteuse à explorer.

4.3. Au niveau sociétal


En ce qui concerne l’élaboration et l’implantation des campagnes médiatiques
de sensibilisation, Horsfall et ses collègues (2010) ont pu identifier quelques
facteurs clés à considérer pour favoriser leur diffusion et, ainsi, en accroître
l’efficacité. Ils suggèrent, notamment, que d’arrimer les initiatives médiatiques
avec des services et des activités communautaires donne généralement de
meilleurs résultats. De plus, les messages télévisuels doivent être diffusés à des
heures de grande écoute. Par ailleurs, les auteurs soulignent la pertinence de
s’intéresser à des médiums alternatifs pour atteindre les jeunes.
Les médias peuvent jouer un rôle important puisque pour plusieurs
adultes, il s’agit d’une source d’information privilégiée à propos de l’agres-
sion sexuelle. Par contre, suite à l’analyse d’un échantillon d’articles portant
sur l’agression sexuelle et diffusés dans des quotidiens québécois, Baril (2013)
conclut que la couverture journalistique porte surtout sur les aspects judi-
ciaires (accusations, enquête). Les quotidiens font très peu référence aux res-
sources offertes aux victimes et intègrent peu de contenu informationnel sur
les agressions sexuelles. Les résultats de l’étude indiquent également que, par
rapport aux données de prévalence, les agressions sexuelles sévères commises
par une personne en situation d’autorité seraient surreprésentées, alors que les
agressions envers les mineurs (filles) et commises par un membre de la famille
ou un conjoint seraient sous-représentées dans les médias. Pour favoriser la
prévention sur le plan sociétal, les actions devraient donc viser à sensibili-
ser les médias à l’importance de fournir des informations justes, exemptes de
sexisme et de préjugés. Ainsi, on minimiserait les risques de perpétuation des
mythes concernant l’agression sexuelle et favoriserait une représentation plus
fidèle de la réalité. Un effort en ce sens a été réalisé récemment au Québec par
la mise en place d’une Trousse Média sur les agressions sexuelles (pour plus

164
Chapitre 4 – L’agression sexuelle envers les enfants et les adolescents

d’informations, consulter le site : http://securitetraumatismes.inspq.qc.ca/


agressionsexuelle).
Enfin, plusieurs auteurs suggèrent d’adopter une perspective de santé
publique lorsqu’il est question de la prévention des agressions sexuelles
envers les enfants (Barron, Miller, & Kelly, 2015). Il subsiste à ce jour de
nombreuses lacunes à combler en regard de l’élaboration et de l’implantation
de stratégies préventives reposant sur les données probantes, et offertes de
manière coordonnée à plusieurs niveaux du modèle des cercles d’influence
(Mendelson & Letourneau, 2015). Il apparaît également essentiel d’effectuer
systématiquement des études d’impacts lorsque de nouvelles approches de
prévention sont expérimentées (Horsfall et al., 2010 ; Mendelson & Letour-
neau, 2015).
La vaste majorité des efforts de prévention documentés dans le présent cha-
pitre ont été implantés en Amérique du Nord et en Europe de l’ouest. De telles
approches se doivent d’être élargies à l’ensemble des populations affectées par
la violence sexuelle si l’on souhaite une réelle diminution de ce phénomène. La
promotion de valeurs misant sur le respect de l’intégrité physique et psycho-
logique des personnes, d’égalité et de responsabilité collective pour prévenir
et dénoncer la violence sexuelle doit être favorisée. En somme, si d’impor-
tants progrès ont été réalisés sur le plan des connaissances sur l’ampleur et les
conséquences associées à l’agression sexuelle, il n’en demeure pas moins qu’il
subsiste des défis afin d’assurer à tous une enfance sans violence.

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178
Chapitre 5
Les adolescents auteurs
d’abus sexuels : attitudes
et comportements envers
la sexualité

5 Monique TARDIF, Fabienne GLOWACZ,


Katherine PASCUZZO

1. Introduction
À ce jour, les phases évolutives de la sexualité normative chez les enfants et
les adolescents restent difficiles à étudier, et l’évolution de la sexualité non
normative est difficile à cerner dans sa globalité. Il en va ainsi pour l’obtention
de résultats de recherches qui renseignent sur les facteurs de développement
des enfants et des adolescents aux prises avec des comportements sexuels
problématiques et d’abus sexuels (AS). En ce qui concerne les adolescents
auteurs d’abus sexuels (dorénavant cités comme AAAS1), il semble difficile
de déterminer des facteurs physiologiques, psychologiques et neuropsycho-
logiques les différenciant d’autres jeunes, particulièrement des délinquants
non sexuels. Bien que nous sachions que les facteurs hormonaux exercent une
influence importante sur le fonctionnement émotionnel et comportemental,
les connaissances théoriques et empiriques actuelles ne parviennent pas bien à

1 Lorsque l’on emploie dans le texte « adolescents auteurs d’abus sexuel (AAAS) », on fait
référence à l’ensemble des adolescents qui ont commis un abus sexuel. Lorsqu’on tient
compte du groupe d’âge des victimes, on mentionne AS d’enfant (moins de 12 ans) ou AS
de pairs (12 ans et plus).

179
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

expliquer pourquoi certains AAAS se démarquent par des niveaux élevés d’ex-
citation, de préoccupations sexuelles ou de comportements sexuels compulsifs
qui s’apparentent à ceux des adultes. Il faut bien admettre qu’à l’adolescence,
le phénomène est complexifié par l’interaction des changements somatiques
et psychiques et l’influence accrue des facteurs de l’environnement qui se
reflètent par de multiples trajectoires de développement. Le but de ce chapitre
consiste à proposer un arrimage des connaissances actuelles à la délinquance
sexuelle des mineurs en ayant en tête les trajectoires développementales nor-
matives des adolescents afin de pouvoir mieux les distinguer.
La sexualité à l’adolescence, bien qu’au cœur des processus de maturation
identitaire, pubertaire et psycho-affective, demeure un champ de recherches
peu étudié, principalement pour des raisons méthodologiques et éthiques,
surtout lorsqu’il s’agit d’explorer les pratiques sexuelles des adolescents, et
plus encore les pratiques déviantes telles que les abus sexuels. L’adolescence,
période de transition de la vie, est caractérisée par un processus de maturation
progressive marquant la fin de l’enfance et l’entrée dans la phase adulte. Elle
constitue à cette étape de la vie un élément-clé du développement de la sexua-
lité et des relations amoureuses.
Dans le cadre de ce chapitre, nous nous intéresserons aux processus de
« maturation » non normatifs de la sexualité de l’adolescent et au développe-
ment de conduites sexuelles déviantes. Comme la prévalence des filles qui ont
commis des abus sexuels à l’adolescence est relativement faible (3 à 5 %), et
que les études portant sur cette population particulière sont rares, l’essentiel de
notre propos porte sur la documentation traitant des garçons auteurs d’abus
sexuels. Au préalable, il convient de souligner l’importance, dès lors que l’on
aborde la sexualité et la déviance, de recontextualiser ces thèmes en vertu des
attentes et normes socioculturelles en vigueur. La définition et le sens accor-
dés aux manifestations de nature sexuelle, de même qu’à certaines formes de
transgression et à la déviance peuvent différer selon la culture et le système
légal. La définition de la déviance est fonction des groupes sociaux ; tous les
groupes ne nomment pas déviants les mêmes comportements. En effet, il s’agit
bien d’une déviation de conduites sexuelles par rapport à une norme dans un
groupe et à un temps développemental donnés. La déviance sexuelle est donc
synonyme de conduites qui sont socialement désapprouvées, autant formel-
lement (par la loi) que d’une façon informelle (par les règles et les normes
sociales). Conclure qu’un comportement est sexuellement déviant présuppose
que le comportement normatif est bien établi, ce qui n’est pas le cas, d’autant
que ce type de comportement est en évolution au plan des normes, des pra-
tiques sociales et des étapes de développement. Les comportements sexuels à
l’adolescence deviennent plus fréquents, extensifs et complexes ; ils sont éga-
lement dépendants d’un contexte social et sociétal. Dans nos sociétés contem-
poraines, les enfants et les adolescents sont exposés et ont accès à de multiples

180
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

représentations de la sexualité sous différentes formes sans avoir la maturité


et les connaissances pour traiter ces informations de la même manière que
les adultes. Nous observons au cours des dernières années un élargissement
des comportements à composante sexuelle notamment depuis l’avènement
d’internet, nous y reviendrons plus loin.
Aborder la notion de déviance relative aux comportements sexuels des ado-
lescents pose des questions telles que « Peut-on considérer que seul le compor-
tement sexuel d’un adolescent similaire à celui des pairs est vu comme norma-
tif ? Peut-on considérer que, dans la phase de transition enfance-adolescence,
un comportement perçu comme anormal en rapport avec son groupe d’âge
puisse être normal à un stade ultérieur de développement ? »
En revanche, nous pouvons reconnaître un éventail de comportements
sexuels comme étant transgressifs chez les adolescents ce qui englobe des
communications obscènes, du voyeurisme, des attouchements et de l’exhi-
bitionnisme ou d’autres comportements (ex. : déculottage, vol de sous-vête-
ment, etc.), jusqu’aux abus sexuels avec contact et parfois avec violence. Plus
récemment, d’autres comportements sexuels ont été reconnus comme juridi-
quement sanctionnables, tels que la possession, la distribution et la produc-
tion de pornographie juvénile.
Avant d’analyser divers facteurs contribuant au développement de telles
conduites, nous allons présenter les processus de maturation normatifs de
la sexualité à l’adolescence qui seront ensuite mis en lien avec le thème des
auteurs d’agression sexuelle.

2. Puberté et développement de la sexualité


2.1. Adolescence et puberté
L’adolescence caractérisée par des transformations physiques, psychologiques,
cognitives et sociales est indéniablement associée au processus pubertaire. Les
changements sexuels primaires et secondaires de la puberté ont une influence
majeure sur le développement sexuel et le moment des expériences sexuelles.
La puberté, dernière transformation physiologique de l’enfance, est un pro-
cessus impliquant une métamorphose complexe sur le plan physiologique,
psychologique, social, identitaire et comportemental, qui va induire une dés-
tabilisation anxiogène pour l’adolescent. Ce processus irréversible impose, dès
lors, un travail de deuil du corps d’enfant et donc de « l’état enfant », pou-
vant générer notamment des pensées et des affects dépressifs typiques de cette
phase développementale. Bien que l’adolescence ne se limite pas à la puberté
ou aux transformations physiologiques et hormonales, ces mutations fonc-
tionnelles et sexuelles du corps relancent la construction de l’identité amorcée

181
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

au cours de l’enfance. La puberté, bouleverse le corps de l’enfant par des modi-


fications physiques rapides et brusques en l’amenant au corps adulte, et elle
donne également accès à un corps sexuellement mature capable de procréer.
Elle induira des sensations nouvelles, éveille directement le désir et l’intérêt
sexuels et donne accès à la procréation. La puberté modulera inévitablement la
relation que l’adolescent aura durant cette période transitoire avec le monde,
avec lui-même, avec autrui et avec l’autre sexe. Une des tâches développe-
mentales pendant l’adolescence consistera notamment à intégrer cette nou-
velle image corporelle et cette nouvelle réalité du corps sexuellement mature
(Glowacz, 2009 ; Glowacz & Born, 2014). La mutation de ce corps d’enfant en
corps d’adolescent puis d’adulte peut effectivement être source d’angoisses,
notamment parce qu’elle confronte l’adolescent au regard porté sur soi, sur
ces changements visibles du corps (les caractères sexuels secondaires) qui lui
donnent un statut et une identité sociale. Avec la puberté, l’apparence phy-
sique devient préoccupante, la majorité des filles et des garçons se soucient
de leur image corporelle, d’autant plus lorsque les changements pubertaires
surviennent en décalage par rapport aux pairs, ou à un âge qui s’écarte de
la moyenne. Cette dimension est importante car l’on sait qu’une évaluation
négative de son image affecte le sentiment d’être attirant et, par là, la qualité
des relations interpersonnelles et intimes. Les recherches s’étant intéressées au
timing pubertaire (qui réfère à l’âge du début de la maturation pubertaire par
rapport à la maturation pubertaire attendue à un âge) ont montré combien
le décalage (précocité ou retard) de la puberté pouvait avoir un impact sur
de multiples dimensions du fonctionnement psychologique de l’adolescent et
notamment sur le plan de la sexualité (Glowacz, Domine, Ledent, & Bourgui-
gnon, 2008).
Les garçons qui perçoivent leur développement pubertaire (timing puber-
taire perçu) comme retardé par rapport aux pairs se caractérisent par une
estime de soi globale plus négative, une insatisfaction par rapport à leur appa-
rence physique et un engagement envers la sexualité plus évitant et plus tardif
(Glowacz, 2009 ; Glowacz & Born, 2014 ; Glowacz & Bourguignon, 2015). À
l’inverse, les adolescents se percevant comme plus avancés sur le plan de leur
maturation physique sont susceptibles d’initier plus précocement leur sexua-
lité, d’avoir plus de partenaires sexuels et de conduites à risque au cours de
leur adolescence (Negriff, Susman, & Trickett, 2011).
La puberté est une période et un processus qui activent à la fois des méca-
nismes biologiques et psychiques, dont la pulsionnalité de l’adolescent, qui
vont inévitablement influencer le mode de relation aux pairs et le dévelop-
pement des habiletés hétérosociales. Dans l’étude de Glowacz (2009), la
variable du timing pubertaire perçu s’est révélée être une dimension per-
tinente à prendre en compte dans le développement de conduites sexuelles
transgressives à l’adolescence. En effet, les adolescents délinquants sexuels

182
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

sont significativement plus nombreux que les adolescents du groupe contrôle


à évaluer leur timing pubertaire comme en décalage par rapport aux pairs, soit
en avance, soit en retard, ce qui signifie qu’ils se sentent en inadéquation rela-
tivement aux normes attendues et aux pairs. Ce décalage peut exercer soit des
pressions de performance et de domination dans les relations, soit des réac-
tions d’évitement et un repli sur soi assujetti à un vécu d’infériorité (Glowacz,
2009). De plus, des expériences (antérieures et actuelles) de rejet ou d’humilia-
tion, les échecs et l’isolement social peuvent renforcer les difficultés à dévelop-
per et maintenir une relation intime. Les mises en relation aux autres seront
entachées d’anxiété et le sentiment d’inadéquation masculine sera grandissant
tout autant que la colère envers ceux par lesquels ces adolescents se sentent
rejetés et humiliés.

2.2. Les relations intimes et la sexualité en évolution


La majorité des garçons et des filles feraient l’expérience de leurs premières
attirances pour un partenaire avant la puberté, respectivement vers l’âge de
11 ans et de 13,7 ans (Bancroft, 2006). Broderick (1966) a déterminé que les
âges de 10-13 ans servent à acquérir les habiletés et l’expérience de sentiments
appropriés pour accéder aux relations hétérosexuelles futures. L’auteur a
défini trois phases :
• 10-11 ans : une prédominance des interactions sociales avec des parte-
naires de même sexe et une expression de certains intérêts hétérosexuels ;
• 12-13 ans : les adolescents sont plus en mesure d’identifier l’objet de
leur attirance romantique ;
• 14-15 ans : les interactions sociales avec le sexe opposé sont plus fré-
quentes, les amours secrètes sont plus ouvertement reconnues et la ten-
dance à se donner des rendez-vous (dating) devient populaire.
Vers l’âge de 14-17 ans pour les garçons et 15-18 ans pour les filles, les pre-
mières activités sexuelles avec les partenaires progressent selon un continuum
comme se tenir la main, les baisers, les caresses, les touchers aux seins, puis aux
organes génitaux (pénis et vagin), pour ensuite en venir à plus de mutualité
dans les échanges des touchers, des relations sexuelles et des échanges oraux
génitaux, ces derniers étant expérimentés généralement plus tard (Bukowski,
Sippola, & Brender, 1993 ; voir chapitre de Boislard et Van de Bongardt dans
ce livre pour une description plus détaillée). Si l’apprentissage de l’altérité et la
gestion de l’intimité et de la sexualité relèvent d’un processus complexe et pro-
gressif comparable à une tâche développementale majeure de l’adolescence, la
progression dans l’exploration des actes sexuels décrite ci-dessus peut varier
notamment sous les influences de l’environnement familial et social dans
lequel les enfants et adolescents évoluent. Nous y reviendrons plus loin.

183
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Une recherche sur les violences dans les relations amoureuses, menée en
Belgique en 2009 auprès de jeunes âgés de 12 à 21 ans, s’est intéressée aux moti-
vations poussant à avoir une première relation sexuelle (Brauns, Adriaens-
sens, & Kupperberg, 2009). Être amoureux et avoir de l’attirance et du désir
pour l’autre sont les principales raisons qui incitent le jeune, fille et garçon, à
avoir une première relation sexuelle. « Se sentir prêt » et « la curiosité » sont les
deux autres motivations invoquées. Seulement 3 % de l’échantillon (n = 608)
ont spontanément évoqué comme motivation le fait d’y avoir été obligé par le
partenaire, alors que 13 % disent avoir voulu cette relation sexuelle pour accé-
der au statut « adulte », possiblement sans considération sentimentale envers
le partenaire.
En ce qui a trait à l’engagement des AAAS dans la sexualité, il est particuliè-
rement intéressant de relever la réticence ou l’évitement associé aux relations
sexuelles. Ainsi, une des rares études sur le sujet fait ressortir que des garçons
âgés de 3 à 10 ans qui ne semblent pas avoir des trajectoires habituelles de
développement en raison de leurs comportements non conventionnels mani-
festent, à l’adolescence, une anxiété sexuelle élevée et ils évitent les rendez-vous
et l’exploration de comportements érotiques (Kagan & Moss, 1962). Dans la
lignée des résultats de la précédente étude, les garçons âgés de 10 à 14 ans qui
évitent les rencontres sont moins enclins à établir des relations hétérosexuelles
intimes ou à s’engager dans des activités érotiques à la fin de l’adolescence et
à l’âge adulte. Par ailleurs, Zimmer-Gembeck, Siebenbruner et Collins (2001)
ont trouvé que les adolescents âgés de 16 ans qui ont surinvesti les rencontres
ont été plus enclins, à l'âge de 12 ans, à avoir un fonctionnement psychosocial
marqué par des problèmes de motivation et de performance scolaire de même
que des problèmes externalisés. À une étape ultérieure, les problèmes à établir
des relations dyadiques intimes sur des bases autres que sexuelles sont suscep-
tibles de faire obstacle au développement d’une sexualité mature et intégrée
(Bancroft, 2006).
Après la période de la puberté, la finalité des comportements sexuels est
connue et anticipée, de sorte que la séduction et les préliminaires sexuels
deviennent orientés vers l’atteinte d’une intimité, d’une excitation sexuelle
et d’un orgasme. Ces premières expériences sexuelles plus orientées, moins
exploratoires, peuvent rehausser ou abaisser l’estime de soi, selon que l’expé-
rience est perçue comme un succès ou un échec, et influencer la possibilité de
vivre des apprentissages d’altérité sexuelle basés sur l’échange de plaisir et de
tendresse partagés (Tardif, 2015).
Enfin, au moment de l’adolescence, sous l’effet de la puberté et des enjeux
développementaux identitaires y étant associés, les vulnérabilités de l’enfance
risquent d’amener des difficultés à développer des relations saines avec autrui
et une sexualité sur un mode de la réciprocité. Les vécus engrammés d’humi-
liation, les pertes et les éventuels rejets subis dans les relations avec les filles

184
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

peuvent alors donner lieu, lors des masturbations, à des fantasmes sexuels
déviants. Les expériences négatives de l’enfance, en plus des rejets réels ou
redoutés par rapport aux filles, peuvent orienter l’adolescent vers le désir de
contrôler, de dominer, de se sentir puissant. Ces éléments peuvent sous-tendre
l’élaboration mentale de stratégies en vue d’une agression sexuelle.

2.3. Attitudes des adolescents envers la sexualité


À l’adolescence, les pulsions et les sensations sexuelles ressenties sont relative-
ment nouvelles et fortes, et parfois irrépressibles pour des jeunes moins habiles
à autoréguler leurs émotions et leur impulsivité. En parallèle, le désir de se
conformer aux standards sociaux est amoindri, ce qui favorise des comporte-
ments sexuels plus « expérimentaux et quelque peu désorganisés » (Glowacz,
2009). Le risque d’exprimer sa sexualité sur un mode coercitif est alors accru
pour les jeunes en mal de vivre qui cherchent des sensations fortes ou qui ont
un fonctionnement antisocial et des difficultés à contrôler leur impulsivité.
Une recherche ayant évalué la tolérance des jeunes par rapport à la violence
sexuelle dans les relations amoureuses a constaté que près de la moitié des
jeunes interrogés ont des difficultés à accepter que le partenaire refuse un bai-
ser (Brauns et al., 2009). De plus, lorsqu’il s’agit de pratiques « plus engagées »
de la relation amoureuse, 34 % ont des difficultés à accepter que l’autre refuse
des caresses et 17 % à ce que l’autre ne veule pas faire l’amour. Il est donc
intéressant de constater que seulement 35 % des jeunes interrogés expriment
une intolérance par rapport à la violence sexuelle. Ces résultats mettent en
évidence que la sexualité est associée à l’apprentissage de codes relationnels
en rapport avec le consentement et de repères sur ce qui est acceptable ou non
socialement dans une relation intime et sexuelle. De plus, les adolescents sont
vulnérables par rapport aux refus, ils peuvent également craindre de décevoir
le partenaire ou d’être jugés négativement. Cette crainte peut conduire cer-
tains adolescents soit à se soumettre aux relations sexuelles contraintes soit à
les imposer sous l’effet de pressions de performances.
Un modèle développemental des attitudes envers la sexualité a permis de
définir quatre phases distinctes : hédoniste, conventionnelle, interpersonnelle
et interdépendante (Gfellner, 1988). La phase hédoniste est caractérisée par
un mode égocentré de la satisfaction sexuelle, voire le recours à une activité
solitaire pour vivre le plaisir sans considération pour les conséquences engen-
drées. Le rôle du partenaire est limité à un échange de faveurs ; l’individu peut
alors chercher à contrôler l’autre ou à le manipuler. La phase conventionnelle
correspond à un processus où l’individu cherche à répondre aux attentes
implicites de son groupe social en regard d’un rôle stéréotypé selon le sexe
en approuvant une manière de manifester de l’affection, des sentiments ou de
plaire. La plupart des jeunes adolescents se trouvent dans la phase de transition

185
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

entre l’hédoniste et la conventionnelle. Ceci implique que ces jeunes adhèrent


plus facilement à la permissivité et à l’instrumentalisation du comportement
sexuel et moins facilement à la responsabilité, aux attitudes conventionnelles
et à la mutualité qui représentent les phases les plus matures du concept de la
sexualité (Tardif, 2015).

3. Développement de la sexualité non-normative


Bien que la grande majorité des enfants traversent les différentes étapes
du développement psychosexuel de façon saine, il arrive qu’une variété de
comportements sexuels aient été expérimentés pendant ce parcours avant
le début de l’adolescence (Lightfoot & Evans, 2000 ; Ryan, 2000). Certains
enfants peuvent dévier de cette trajectoire développementale et manifester
des comportements sexuels problématiques. Les aspects problématiques
de la sexualité pendant l’enfance et l’adolescence qui sont discutés dans les
prochaines sections concernent l’érotisation précoce et l’hypersexualisation,
l’émergence d’intérêts sexuels déviants, les manifestations sexuelles problé-
matiques et les comportements d’abus sexuels.

3.1. Érotisation problématique et hypersexualisation


Les comportements sexuels considérés problématiques chez les enfants de
12 ans et moins se manifestent par des tentatives de relations sexuelles, des
contacts oraux génitaux et des comportements impliquant une pénétration
(Friedrich, Fisher, Broughton, Houston, & Shafran, 1998). L’usage de force, de
coercition ou d’intimidation, la présence de blessures physiques, l’implication
d’enfants plus jeunes peuvent également traduire des comportements sexuels
problématiques (Chaffin, 2008). Certains adolescents agressant sexuellement
ont présenté antérieurement des comportements sexuels problématiques
durant leur enfance, l’agression sexuelle à l’adolescence prenant place dans la
continuité de cette trajectoire déviante (Gray, Busconi, Houchens, & Pithers,
1997).
Selon la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1986), l’enfant peut
reproduire un comportement dont il a été témoin. Cela implique que les com-
portements appris par ce mode d’apprentissage comprennent des patterns
verbalisés de pensées et d’émotions exprimées par la personne qui fait figure
de modèle et qui sont susceptibles d’être interprétés par l’enfant témoin (Bur-
ton, Miller, & Shill, 2002). La présence d’activités sexuelles pendant l’enfance
ne constitue donc pas un indicateur d’une pathologie ou d’une victimisation
préexistante, voire un signe délétère en soi.

186
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

Les comportements sexuels de l’enfant peuvent aussi dépendre des atti-


tudes négatives ou réfractaires des adultes envers la sexualité (absence de com-
munication sur le sujet de la sexualité, jugements, tension, hostilité, discipline
coercitive, brutalité). Dans un autre registre, l’environnement familial peut
manquer de limites en rapport avec la sexualité ou s’avérer fortement sexualisé.
De fait, les enfants fréquemment exposés à de la pornographie et à des envi-
ronnements relationnels abusifs (Johnson & Feldmeth, 1993) peuvent avoir
une surstimulation sexuelle impossible à contenir. Dans d’autres familles, les
parents ont des problèmes compromettant leur capacité d’être parents, parce
qu’ils sont consommateurs de substances ou incapables de contrer les fac-
teurs de l’environnement propices à socialiser leurs enfants dans des activi-
tés sexuellement abusives ou agressives. Selon Johnson et Feldmeth (1993),
les motivations de l’enfant à avoir des comportements sexuels non normatifs
peuvent être associées à une recherche de réduction de l’anxiété, des réactions
post-traumatiques, à une confusion ou à se méprendre sur le sens de la sexua-
lité ou d’une victimisation.
Selon Prentky et ses collaborateurs (2000), l’hypersexualisation représente
un indicateur de la force des conduites et des préoccupations sexuelles qui
peuvent s’attacher à un ou plusieurs des comportements suivants : exhibi-
tionnisme, fétichisme, masturbation compulsive, usage de pornographie, lan-
gage et gestuelle sexualisés, ou encore comportements sexuels indifférenciés
avec plusieurs partenaires sans lien relationnel. À cet effet, Glowacz (2009)
a montré que 21 % des AAAS ayant participé à son étude ont présenté des
déficits dans la gestion de leurs désirs sexuels et des comportements sexuels
inadéquats.

3.2. Problématiques de maltraitance


et de comportements sexuels
Les enfants qui manifestent des comportements sexuels problématiques sont
nombreux à avoir vécu des expériences de victimisation sexuelle. Une étude
rapporte que 95 % des enfants (n = 66 ; garçons et filles) ayant manifesté des
problèmes de comportements sexuels ont été victimes d’abus sexuels, d’abus
physique (48 %) et d’abus psychologique (33 %) (Gray et al., 1997). Or, une
proportion équivalente de leurs agresseurs était d’âge mineur (16,7 % de 5 à 10
ans et 22,7 % de 11 à 18 ans) et d’âge majeur (6,1 % de 19 à 25 ans et 33 % de
26 ans et plus). Les auteurs concluent que les comportements sexuels problé-
matiques chez les enfants constituent un prédicteur des abus sexuels commis
à l’adolescence (Gray et al., 1997).
À cet égard, les prévalences de victimisation sexuelle pendant l’enfance
chez les AAAS sont au moins cinq fois plus élevées que chez des adolescents
délinquants ayant commis des délits non sexuels (Seto & Lalumiere, 2010). La

187
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

cooccurrence des abus sexuels et physiques est plus élevée chez les délinquants
sexuels comparativement aux délinquants non sexuels, et ce, de manière plus
significative pour les AAAS de pairs (Glowacz, 2009). De plus, le fait d’avoir
vécu des victimisations sexuelles plus atypiques ou sévères (ex. : agressé par
un couple homme et femme, abus sexuels répétés, avec violence, un agresseur
connu) augmente la probabilité de commettre un abus sexuel (Burton et al.,
2002). Chez le garçon, les antécédents de victimisation sexuelle constituent
le facteur de risque le plus déterminant associé au fait de commettre un abus
sexuel, mais cela n’en prédit pas la récidive (Seto & Lalumiere, 2010).
Le modèle des dynamiques traumagéniques de Finkelhor et Browne
(1985) décrit que les représentations cognitives et émotionnelles de l’en-
fant victime sont susceptibles d’être modifiées par une sexualisation trau-
matique. Trois composantes de ce modèle semblent jouer un rôle chez les
AAAS qui ont été victimes d’abus sexuel ou de maltraitance (Tardif, 2015).
La sexualisation représente une première composante qui compromettrait
l’intégration d’une sexualité normative et de ses modalités relationnelles et
affectives, en accordant une prédominance à la sexualité au détriment des
autres sphères de leur vie et aux enjeux sexuels dans leur rapport à soi et à
l’autre. Une deuxième composante, le sentiment d’impuissance et de trahi-
son, devient préoccupante chez les AAAS ayant été victimisés au point de
les mobiliser pour tenter de renverser les rôles en leur permettant d’être en
contrôle d’une situation d’abus sexuel et en devenant égocentré en soumet-
tant l’autre pour accomplir leurs propres désirs. Ressentir un vide interne
et un état submergé d’affects associés au trauma peut entraîner une forte
pression nécessitant une évacuation des affects dans un passage à l’acte de
nature sexuelle chez les AAAS (Tardif, 2015). La troisième composante, la
stigmatisation sociale, émerge lorsque le contact avec les autres est recher-
ché pour évacuer les affects négatifs et apaiser les tensions internes, ce qui
représente une forme primaire de régulation émotionnelle parce qu’elle ne
comporte pas de stratégie mentalisée.
Les AAAS qui ont subi de graves violences sexuelles (pénétration, AS répé-
tés) ont aussi commis les délits les plus sévères comparativement à ceux qui
n’ont pas eu d’histoires de victimisation (Burton et al., 2002). Nous envisa-
geons que le modus operandi de la violence sexuelle subie à celle commise
ne représente qu’une des trajectoires évolutives possibles, car certains AAAS
peuvent avoir façonné leur script sexuel en intégrant des éléments de leur vic-
timisation avec d’autres enjeux idiosyncrasiques. Ce point de vue est partagé
avec d’autres auteurs qui considèrent l’interaction de diverses formes d’abus et
la présence d’un mode de vie chaotique chez plusieurs familles d’AAAS à l’ori-
gine de la formation de plusieurs trajectoires (Daversa & Knight, 2007). Par
exemple, Knight et Sims-Knight (2003) ont établi trois trajectoires qui per-
mettent de prédire une sexualité coercitive chez les adolescents sexuellement

188
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

orientés vers les pairs féminins ou les femmes. Lesdites trajectoires comportent
une forme spécifique d’abus :
• des antécédents de victimisation physique ou verbale associés à un
comportement antisocial et agressif aboutissant à un comportement de
coercition sexuelle ;
• des antécédents de victimisation physique ou verbale associés à une
personnalité peu émotive et insensible qui, ensuite, relie le comporte-
ment antisocial et agressif à des fantaisies sexuelles violentes ;
• des antécédents de victimisation sexuelle engendrant des préoccupa-
tions sexuelles, des pulsions et des compulsions qui deviennent asso-
ciées à des fantaisies d’agression sexuelle.
Les résultats de la méta-analyse de Seto et Lalumiere (2010) montrent
qu’une proportion un peu plus élevée d’AAAS (59 %) a été victime d’abus
physique comparativement aux délinquants non sexuels (49 %), ce qui s’avère
une différence significative, mais faible. De plus, les AAAS à l’endroit de pairs
ou d’adultes ont subi significativement plus d’abus sexuels que les AAAS d’en-
fants. La pertinence d’analyser les résultats des études en ayant comme réfé-
rentiel la théorisation sur la polyvictimisation et le phénomène des traumas
complexes est donc mise en évidence par les résultats des études antérieures.
Les facteurs qui augmentent aussi le risque de perpétration d’abus sexuels
par des adolescents sont la violence parentale, particulièrement l’abus phy-
sique par le père, et la discipline parentale sévère (Ford & Linney, 1995). Dans
une autre étude, 70 % des familles des AAAS (n = 47) ont été exposées à de la
violence familiale, dont 36 % ont vécu dans un climat sexualisé se caractérisant
soit par une exposition précoce et répétée à la sexualité des adultes soit par
des comportements sexualisés dans les relations parents-enfants, ou encore
par la présence envahissante de matériel de nature pornographique (Glowacz,
2009). Les résultats mettent également en lumière que 12 % ont été témoins
visuels ou auditifs de relations sexuelles entre adultes et que 6 % ont vu un
membre de la fratrie commettre des abus sexuels. De plus, la moitié des AAAS
ont été témoins de violence conjugale : 11 % avant l’âge de 6 ans, 10,7 % avant
l’âge de 10 ans et 8,5 % jusqu’à l’âge de 14 ans (Glowacz, 2009).

3.3. Comportements sexuels et d’abus sexuels à l’adolescence


Bien que peu d’études antérieures aient examiné les activités sexuelles non
déviantes des AAAS, ceux-ci ont été dépeints comme ayant fait l’expérience de
comportements sexuels consensuels similaires à ceux des autres jeunes (van
Wijk et al., 2005) ou similaires à ceux des autres délinquants relativement au
nombre de partenaires sexuels (Seto & Lalumiere, 2010). La fiabilité des infor-
mations, pour la plupart auto-révélées, laisse à penser qu’il y a peut-être une

189
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

confusion sur la nature abusive ou non des expériences sexuelles. En revanche,


d’autres études ont trouvé que les AAAS sont moins actifs et moins expéri-
mentés sexuellement que des adolescents délinquants non sexuels (Daleiden,
Kaufman, Hilliker, & O’Neil, 1998 ; Seto & Lalumiere, 2010). À titre d’exemple,
la même prévalence, soit 34 %, de 293 AAAS a rapporté une expérience hété-
rosexuelle ou homosexuelle consentie et non déviante (Auclair, Carpentier, &
Proulx, 2012). Lorsqu’on compare le profil psychologique des AAAS à celui
des adolescents non délinquants sexuels sur l’inventaire de personnalité de
Millon (MACI ; Millon, 1993), l’inconfort sexuel, dont l’anxiété et l’état de
tension généré par les pulsions sexuelles, caractérise les AAAS (Glowacz &
Born, 2013). De plus, les malaises concernant la sexualité peuvent entraîner
des réactions de déni de certaines formes de sexualité en raison de leur carac-
tère atypique ou déviant.
De façon générale, les AAAS – et plus encore les AAAS d’enfants – se
perçoivent moins intéressants que les adolescents non délinquants dans une
relation hétérosociale et moins disposés à vivre et à maintenir une relation
d’intimité (Daversa & Knight, 2007 ; Glowacz, 2009). En effet, les AAAS d’en-
fants éprouvent un sentiment d’incompétence généralisée, une faible estime
de soi et une perception de soi déficitaire comparativement aux adolescents
non délinquants (Glowacz, 2009). De plus, l’insatisfaction relative à leur corps
et à leur développement masculin s’avère plus préoccupante pour les AAAS
d’enfants que pour les AAAS de pairs (Glowacz & Born, 2013). Les différences
les plus marquées concernent le rôle de genre, la difficulté à concilier la sexua-
lité et l’amour, le sentiment d’être inadéquat sexuellement et la recherche de
pouvoir et l’interaction sociale avec les pairs (Ryan, Miyoshi, Metzner, Krug-
man, & Fryer, 1996).
Les AAAS ont des défis à relever par rapport à leur sentiment de mascu-
linité, qui se reflète par une perception négative de leur capacité d’attraction,
ce qui ajoute à leur manque d’habiletés à former des relations saines avec des
pairs féminins (Daversa & Knight, 2007 ; Glowacz, 2009). Les AAAS d’enfants
sont donc amenés à choisir des enfants plus jeunes en vue de compenser leur
incapacité à compétitionner avec les jeunes de leur âge (Daversa & Knight,
2007). De leur côté, les AAAS de pairs ont une pauvre estime de soi globale
et des déficits relatifs à la gestion de l’intimité, comparativement aux autres
adolescents. Ils ont alors recours à une sexualité qu’ils imposent par la domi-
nation, en y incluant des éléments de coercition verbale et physique (Hunter,
Hazelwood, & Slesinger, 2000), plutôt qu’établir une négociation et risquer de
vivre un rejet.
L’étude de Glowacz (2009) portant sur le timing pubertaire a permis de
recueillir des informations sur l’expression de la sexualité non déviante
de 47 AAAS (26 AAAS d’enfants et 21 AAAS de pairs). Les résultats de
l’étude montrent que l’âge des premiers rapports sexuels non déviants est

190
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

significativement plus élevé (pour ceux qui en avaient expérimenté) chez les
AAAS d’enfants (15,6 ans, écart type = 0,97) que chez les AAAS de pairs (13,8
ans, écart type = 1,54), mais similaire aux adolescents non délinquants (15 ans,
écart type = 1,87). Toutefois, ils sont peu nombreux à avoir eu des relations
sexuelles consenties avant d’avoir commis des abus sexuels. En effet, pour
76 % des AAAS d’enfants et 52 % des AAAS de pairs, la sexualité est initiée
par un comportement d’abus sexuel. Dans la période post-délictuelle, 50 %
des AAAS d’enfants ont eu des relations sexuelles consenties avec des jeunes
de leur âge contre 19 % des AAAS de pairs. Ainsi, pour la majorité des AAAS
de l’étude, l’initiation à la sexualité a été faite sur un mode déviant comportant
une forme de contrainte (psychologique, affective, physique). Leur engage-
ment dans l’expression de la sexualité s’avère donc problématique, car leur
première expérience de relation sexuelle est déviante.

3.4. Émergence d’intérêts sexuels déviants


Le fantasme sexuel est un phénomène quasiment universel. La moyenne d’âge
pour l’apparition de fantasmes sexuels se situe entre 11 et 13 ans. Les résul-
tats d’une méta-analyse montrent que les AAAS ont rapporté significative-
ment plus de fantaisies sexuelles atypiques, de comportements ou d’intérêts
de même nature, ou sont plus souvent diagnostiqués comme étant aux prises
avec une paraphilie que les délinquants non sexuels (Seto & Lalumiere, 2010).
Toutefois, les excitations et les intérêts sexuels de ces jeunes paraissent moins
fixés que ceux des adultes (agresseurs sexuels et non agresseurs), ce qui suggère
que le caractère prédominant de leurs dispositions serait de nature réactive ou
transgressive plutôt que sexuellement déviante (Glowacz, 2009 ; Tardif, 2015).
En effet, Daleiden et ses collaborateurs (1998) ont démontré que deux groupes
d’AAAS (de 16 à 20 ans en centres fermés et de 10 à 15 ans en milieu ouvert)
rapportent plus d’expériences sexuelles non consentantes, moins d’expé-
riences sexuelles consentantes, ainsi que des intérêts sexuels déviants plus
marqués en nombre et en fréquence, sans toutefois être en mesure de pré-
ciser des fantasmes spécifiques. Les études ayant porté sur l’identification
de facteurs de risque à la récidive auprès d’AAAS ont montré de forts liens
d’association entre la présence récurrente de fantaisies sexuelles et une excita-
tion sexuelle déviante, une hypersexualité, des préoccupations sexuelles et la
récidive sexuelle (Worling, 2004). Les fantaisies sexuelles déviantes qui appa-
raissent pendant la phase précrime constituent aussi un facteur prédicteur du
recours à la force lors de l’agression sexuelle chez les AAAS d’enfants (Carpen-
tier, Proulx, & Leclerc, 2007).
Des auteurs ont suggéré que la consommation de pornographie a pu
engendrer l’élaboration de fantaisies sexuellement agressives chez des adoles-
cents, victimisés ou non, qui sont devenus sexuellement abusifs (Knight &

191
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Sims-Knight, 2004). De surcroît, les fantaisies masturbatoires, stimulées par


la pornographie, sont susceptibles de générer des distorsions cognitives qui
peuvent avoir un effet anticipatoire ou permissif. Le matériel le plus souvent
cité comme source d’excitation sexuelle par les AAAS englobe des magazines
(35-43 %) (Ford & Linney, 1995), des enregistrements vidéo (26 %), la télévi-
sion (15 %) et des livres (3 %) (Becker & Stein, 1991). De plus, alors que 74 %
des AAAS admettent avoir eu recours à la pornographie pour accroître leur
excitation, 23 % signalent que la pornographie n’a aucun effet, 3 % rapportent
que cela diminue leur excitation et 11 % affirment ne pas utiliser ce matériel.
Toutefois, toute forme de pornographie comporte des éléments latents ou
implicites de violence qui augmentent les associations des fantaisies sexuelles
déviantes et de violence.

3.5. Exposition à la pornographie


Le rôle de la pornographie dans le processus développemental à l’adolescence,
et plus précisément dans les conduites sexuelles abusives ou non, fait l’objet
de débats et de controverses. La jeune génération étant fortement exposée aux
images pornographiques et aux nouvelles technologies (sites de messagerie
instantanée, jeux vidéo, etc.), la recherche en ce domaine, bien que difficile
à mener, est d’une importance majeure (Spearson-Goulet, Fortin, & Tardif,
2015).
En ce qui a trait à l’accès à la pornographie, une enquête nationale améri-
caine a montré qu’au cours d’une année, 42 % des enfants âgés de 10 à 17 ans
ont été exposés à des images pornographiques ; parmi ces jeunes, 66 % n’ont
pas cherché activement ce type de matériel, la mise en contact étant quali-
fiée d’accidentelle (Wolak, Mitchell, & Finkelhor, 2007). Une étude récente
menée auprès d’adolescents (n = 319) portant sur la consommation pornogra-
phique constate que 85 % des jeunes interrogés déclarent avoir déjà regardé
des médias sexuellement explicites dont 62 % dans les 6 derniers mois (Puglia
& Glowacz, 2015). La première consommation se situe en moyenne à l’âge de
12 ans ; ces jeunes utilisent différents supports mais le principal est internet.
La fréquence de consommation est variable selon les répondants : 8 % en ont
regardé une fois par jour ; 23 % plusieurs fois par semaine ; et 20 % une fois par
semaine. Cette étude a comparé les consommateurs aux non-consommateurs
de pornographie relativement à des dimensions liées à leur sexualité dont
leurs désirs, leurs activités sexuelles de même que leurs fréquences. Pour leur
part, les consommateurs perçoivent que leur consommation a une influence
sur les trois dimensions préalablement mentionnées. Toutefois, les résul-
tats comparatifs ne confirment pas que la consommation de pornographie
soit associée à une initiation plus précoce ou à une fréquence plus élevée des
activités sexuelles. Par contre, les jeunes consommateurs rapportent changer

192
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

plus souvent de partenaires et expérimenter davantage de pratiques sexuelles


diversifiées que leurs pairs non consommateurs (pénétration anale et orale).
Puglia et Glowacz (2015) ne trouvent pas de différence significative entre le
groupe de jeunes consommateurs et le groupe de non-consommateurs en ce
qui concerne la contrainte sexuelle, 17 % des consommateurs et 14 % des non-
consommateurs déclarant avoir imposé au moins une fois des comportements
sexuels à son/sa partenaire. Ces données récentes sont de nature à apporter
un éclairage à la réflexion de Mancini, Reckenwald et Beauregard (2012),
soulignant que le rôle informel d’apprentissage, que représente l’influence
de l’exposition précoce à la pornographie sur la propension à commettre des
abus sexuels, et ce, à divers stades du développement, est méconnu. D’autres
facteurs doivent être envisagés comme l’âge, puisqu’une exposition à la por-
nographie pendant l’enfance peut avoir des effets différents de ceux produits
pendant l’adolescence en raison des capacités fort différentes de l’enfant et de
l’adolescent à traiter les informations et à les mentaliser.
Lorsqu’on évalue la consommation pornographique des AAAS, on constate
que la prévalence d’une exposition à la pornographie avant l’âge de 10 ans est
de plus de 50 %, tant chez les AAAS que chez les délinquants non sexuels,
et chez presque tous, après l’âge de 10 ans (Burton, Leibowitz, & Howard,
2010). Dans une méta-analyse, on relève que les AAAS rapportent avoir été
plus exposés à la pornographie que les autres délinquants (Seto & Lalumiere,
2010). Les jeunes abuseurs sexuels ont été en contact avec de la pornogra-
phie soft-core avant l’âge de 10 ans et avec de la pornographie hard-core après
l’âge de 10 ans, et ce, significativement plus que les délinquants non sexuels
(Burton et al., 2010). Pendant le mois précédant le délit, la consommation de
matériel pornographique reflète un intérêt sexuel émergent chez 48 % des 208
AAAS d’enfants et 56,5 % des 85 AAAS de pairs (Auclair et al., 2012).
Les résultats d’une autre étude auprès d’AAAS montrent que l’exposition
à du matériel pornographique à un âge moyen de 8 ans a suscité l’émergence
de fantaisies sexuelles déviantes accompagnées d’activités masturbatoires
vers l’âge moyen de 9 ans (Wieckowski, Hartsoe, Mayer, & Shortz, 1998). Par
la suite, ces AAAS ont commis des abus sexuels sans contact (frotteurisme,
voyeurisme, etc.) dans un délai approximatif de 3 ans après avoir eu la pre-
mière exposition au matériel pornographique. Ces résultats font ressortir une
structuration progressive d’un pattern d’abus sexuel entre l’âge de 8 et 11 ans
avant de commettre leur premier délit (Wieckowski et al., 1998).
Les AAAS qui ont été victimes d’abus sexuel et qui ont été exposés pré-
cocement à la pornographie (avant 10 ans) ne sont pas associés à un nombre
plus élevé d’enfants victimes, et les scores obtenus à l’exposition à de la por-
nographie présentant une forme de contrainte ne sont pas corrélés avec une
excitation associée au viol ni avec le niveau de force utilisé lors des délits (Bur-
ton et al., 2010). Toutefois, les scores de consommation de pornographie avant

193
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

l’âge de 10 ans sont associés positivement avec toutes les échelles concernant les
délits non sexuels. Il s’agit de délits divers dont l’importance des corrélations se
situe de 0,35 à 0,18 en commençant par les voies de fait graves, la délinquance
générale, le vol aggravé, la vente de drogues, l’usage de drogues ou d’alcool, le
cambriolage, le désordre publique et le dommage à la propriété. Les auteurs
concluent qu’aucune des variables liées aux délits d’abus sexuels perpétrés n’est
associée à la consommation de pornographie des AAAS, mais que l’exposition
à du matériel pornographique associée à l’excitation sexuelle avant l’âge de 12
ans présente un facteur de risque de récidive (Burton et al., 2010).

3.6. Manifestations sexuelles problématiques


et comportements d’abus sexuels
L’hypersexualité se définit par une pulsion sexuelle excessive et un ensemble
de préoccupations, ou un appétit sexuel démesuré, qui exercent une fonction
structurante basique des autres types de comportements sexuels non contrôlés,
incluant les paraphilies et la coercition sexuelle. La présence d’une hypersexua-
lité permet de prédire les sujets mineurs ou adultes (criminalisés ou non) qui
sont à risque d’avoir des comportements sexuels coercitifs envers des femmes et
les sujets susceptibles de choisir des femmes d’âge approprié comme partenaire
(Knight & Sims-Knight, 2004). L’intensité des pulsions sexuelles semble jouer
un rôle déterminant ainsi que l’inclination à s’engager dans la promiscuité et à
avoir des activités sexuelles sans lien d’attachement ou émotionnel.
Les AAAS de pairs/adultes sont plus susceptibles de commettre leurs délits
en groupe que les AAAS d’enfants (24 % contre 14 %) et sur les lieux de l’école
(12 % contre 2 %), et les AAAS d’enfants sont plus enclins à s’en prendre aux
garçons et aux victimes plus jeunes (Finkelhor, Ormrod, & Chaffin, 2009). Une
enquête nationale américaine révèle que les AAAS ayant victimisé des garçons
sont âgés de 11-12 ans et que leurs victimes sont plus jeunes et immatures (de 4
à 7 ans). En revanche, la proportion des AAAS plus âgés (15 à 17 ans) ont vic-
timisé des filles (de 13 à 15 ans) plus proches de leur groupe d’âge (Finkelhor et
al., 2009). Cependant, la moindre proportion de victimes masculines plus âgées
peut être attribuable à un plus faible taux de dévoilement chez les garçons com-
parativement aux filles (Finkelhor et al., 2009). Finkelhor et ses collaborateurs
(2009) suggèrent que l’écart d’âge avec les victimes est un critère déterminant
d’instauration de l’inégalité. Les auteurs soulignent que les AAAS âgés de 13
ou 14 ans sont plus nombreux à avoir abusé sexuellement de victimes de moins
de 12 ans, ce qui contraste avec les AAAS âgés de 15 ans qui abusent de vic-
times pubères et plus âgées. Par ailleurs, plus de la moitié des AAAS abusent
de victimes connues (63 %), 49 % commettent des attouchements, 24 % des
viols et 13 % des pénétrations anales (Finkelhor et al., 2009). La proportion des
AAAS qui ont abusé de victimes masculines est à hauteur de 25 % (Finkelhor

194
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

et al., 2009). Le rôle étiologique de la sexualisation joue un rôle distinct chez les
AAAS de pairs (Knight & Sims-Knight, 2004) et les AAAS d’enfants (Daversa
& Knight, 2007). Les jeunes qui sont le plus aux prises avec un mécanisme de
sexualisation paraissent plus problématiques sur le plan de l’intensité et la fré-
quence des fantaisies et des comportements sexuels déviants.

3.7. AAAS de sexe féminin et déviance sexuelle


Les données que nous avons jusqu’ici présentées concernent les AAAS de
sexe masculin, on ne peut toutefois terminer ce chapitre sans aborder les filles
auteures d’agression sexuelle. La délinquance sexuelle des adolescentes suscite
un intérêt très récent et peu de recherches sont actuellement disponibles. Tso-
pelas et ses collaborateurs (2011) affirment que parmi tous les abuseurs sexuels
juvéniles, 5 à 10 % sont des filles. Cette estimation est cohérente avec les taux
rapportés dans les recherches récentes variant de 2 à 10 %. Un des facteurs étio-
logiques qui se confirme au fil des recherches est la victimisation sexuelle : les
auteures adolescentes d’abus sexuel ont une trajectoire de vie marquée par des
événements traumatisants, entre 70 et 100 % d’entre elles ont été victimisées
sexuellement pendant l’enfance (van der Put, van Vugt, Stams, & Hendricks,
2013). Une autre étude révèle que les facteurs étiologiques les plus saillants
chez les adolescentes auteurs d’AS (n = 15) sont la présence d’une relation
conflictuelle avec la mère qui se voit attribuer la responsabilité de l’abandon
paternel, une attitude non protectrice par rapport à la victimisation subie ou
de l’égocentrisme (Tardif, Auclair, Jacob, & Carpentier, 2005). Plusieurs de
ces adolescentes rapportent également des sentiments de rivalité envers un
membre de la fratrie. Parmi les motivations à l’agression sexuelle retrouvées
chez les jeunes filles, plusieurs catégories sont identifiées dont notamment : la
pression de groupe, le rôle initiatique des abus sexuels pour être acceptée dans
un groupe de pairs, la représentation des abus sexuels comme passe-temps
peuvent constituer une motivation pour que certaines adolescentes passent à
l’acte. La régulation émotionnelle par rapport au stress et aux problèmes peut,
comme pour les garçons, s’avérer un autre facteur les prédisposant à l’abus
sexuel ; les actes peuvent être commis pour prendre sa revanche sur une rivale,
pour diminuer la colère ou prendre du plaisir à humilier d’autres personnes,
prendre physiquement ou psychologiquement l’avantage sur un enfant vulné-
rable (domination) (Wijkman, Bijleveld, & Hendricks, 2013). L’envie d’expé-
riences sexuelles peut également être un déclencheur du passage à l’acte ; ce
sont des auteures qui n’ont pas d’expérience sexuelle, qui ne savent pas com-
ment faire et qui utilisent l’autre avec forçage psychologique ou physique pour
approcher la sexualité. De fait, plus de la moitié des filles (n = 15) de l’étude de
Tardif et al. (2005) ont admis avoir eu une excitation sexuelle et des fantaisies
sexuelles impliquant la victime avant de commettre leur délit.

195
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

L’agression sexuelle des filles s’explique par de multiples facteurs dont


certains sont encore méconnus. La dimension du traumatisme sexuel appa-
raît comme central et altérerait le développement psycho-sexuel. Le recours
à la violence pourrait être un moyen pour ces filles de répondre à leur propre
vécu de victimisation et de dépasser leur vécu d’impuissance en affirmant leur
domination par la violence physique (Glowacz & Buzitu, 2014). Les processus
développementaux et les dynamiques psychologiques et psycho-sexuelles en
jeu dans l’orientation vers des conduites abusives chez les adolescentes sont
un domaine de recherche qui devrait permettre de développer des stratégies
d’intervention préventive et de traitement spécifiques aux filles.

4. Conclusion
Les facteurs qui déterminent les manifestations déviantes ou non de la sexualité
s’avèrent complexes et ne peuvent se réduire à un modèle simplifié de cause à
effet, comme le seraient les causes d’avoir été victime d’abus sexuel, d’être exposé
à l’expression d’une sexualité déviante ou de violence interpersonnelle. En effet,
dans le champ de la délinquance sexuelle, les études concernant les AAAS étant
essentiellement rétrospectives et prospectives ne peuvent valider un lien causal
du modèle conceptuel voulant que la victimisation mène à l’agression. Le but
général des traitements actuels auprès des AAAS vise principalement à modifier
leurs comportements d’abus sexuels, et les cognitions associées de même qu’à
prévenir la récidive (Barbaree & Langton, 2006 ; Letourneau et al., 2009 ; Rich,
2011). De plus, les modalités de traitement actuel tiennent peu compte des pré-
valences élevées des antécédents de victimisation chez les AAAS qui entraînent
des répercussions sur le plan de la santé mentale (Bukhart & Newman, 2014). De
plus, nous déplorons que l’orientation très ciblée des interventions laisse peu de
place pour aborder les dimensions plus idiosyncrasiques, subjectives et intimes
de la sexualité du jeune. Or, un enfant ou un adolescent peut intégrer une vision
déformée ou confuse de la sexualité à partir de ses expériences, cette notion sou-
ligne la part active, en opposition à passive, de l’enfant dans sa capacité à trans-
former ses expériences. La part active de l’enfant ou du jeune souligne aussi
l’importance du stade développemental dans lequel surviennent les expériences
de victimisation sexuelle ou traumatique qui sont susceptibles d’influencer de
façon déterminante le rapport du jeune à la sexualité. Un autre aspect négligé
dans les traitements ayant cours concerne le milieu familial dysfonctionnel de
ces adolescents qui se caractérise souvent par des histoires d’abus sexuels, d’ex-
position précoce à la sexualité, de manque de limites et de règles. Ces familles
peuvent se montrer très permissives, très restrictives ou exploitantes et présen-
ter le sexe comme une monnaie d’échange.

196
Chapitre 5 – Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes et comportements envers la sexualité

Les programmes de traitement destinés aux AAAS préconisent des moda-


lités de groupe et une approche éducative, ce qui limite la possibilité de cibler
la détresse et les symptômes psychologiques en vue d’améliorer leur santé psy-
chologique et sexuelle tout en prévenant la récidive sexuelle et de violence. Il
importe donc que l’évaluation clinique des AAAS se doive d’indiquer la pré-
sence d’anxiété et de symptômes associés aux expériences de victimisation
sexuelle et non sexuelle afin d’intégrer des interventions pour réduire l’anxiété et
les tensions qui en découlent tant sur le plan intrapsychique qu’interpersonnel.
Les enjeux dévolus au traitement des AAAS requièrent donc des disposi-
tions particulières. De fait, l’abord de leur vie sexuelle et intime dans le cadre
d’une thérapie fait fréquemment écho aux expériences de violence agie et subie,
ce qui favorise fréquemment une attitude défensive et interprétative chez ces
jeunes, souvent sous une forme verbale ou non verbale sexualisée. Des réac-
tions émotionnelles et affectives plus épineuses (ex. : attitude provocatrice,
arrêt prématuré de la thérapie, acting-out ou passage à l’acte) se révèlent si
le clinicien est perçu comme contrôlant, intrusif ou séducteur, particulière-
ment lorsque l’entretien porte sur la sexualité. Les conflits de certains de ces
adolescents avec la sexualité consistent à ne pas pouvoir ou vouloir vivre une
sexualité comme leurs pairs alors que d’autres veulent accéder précocement
à une sexualité adulte. Dans ces cas de figure, ces jeunes ont un Moi vulné-
rable et déstabilisé par les transformations pubertaires, leurs fantasmes et
leurs désirs sexuels (Lemitre & Tardif, 2012). Bien que la thérapie soit orientée
de façon à conscientiser et gérer les comportements sexuels problématiques,
il importe de pouvoir aussi parler des expériences sexuelles saines (Brown,
2000 ; Oneal, Burns, Kahn, Rich, & Worling, 2008 ; Tardif & Hébert, 2011).
Dans ce contexte, les thèmes à la base des échanges concernent les expériences
sexuelles de l’adolescent, sa perception de soi et du partenaire féminin ou mas-
culin, les dimensions affectives et relationnelles, du plaisir, du respect, de la
manipulation lorsque le matériel s’y prête (Lemitre & Tardif, 2012).
Nous préconisons également une approche éducative en groupe restreint
pour amener les AAAS à connaître les phases de développement de la sexualité,
à promouvoir l’expression d’une sexualité saine et non déviante (ex. : notion
de consentement) de même qu’à encourager l’expression d’une mutualité
en regard de la sexualité (Dallaire, 2012). De plus, les AAAS et leurs parents
devraient être amenés à discerner les comportements sexuels normatifs des
comportements déviants, à favoriser une dynamique familiale respectant les
limites à l’intimité personnelle et interpersonnelle des enfants et des parents et
une communication appropriée lorsque des sujets sexuels sont abordés.
L’identification des facteurs étiologiques à l’émergence d’une probléma-
tique d’abus sexuel permet également de suggérer quelques pistes d’interven-
tion sur le plan de la prévention. Sur le plan de la santé publique, un pre-
mier objectif consiste à faire connaître les signes précoces de comportements

197
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sexuels non normatifs et à risque. Un deuxième objectif concerne la continua-


tion et l’intensification des programmes de prévention de la violence et des
abus sexuels auprès des enfants d’âge scolaire afin d’améliorer leurs capacités à
se prémunir contre certaines situations préjudiciables et à verbaliser leurs pré-
occupations. Des interventions destinées à aider des jeunes plus vulnérables à
lutter contre les influences négatives provenant de leurs familles, des pairs et
des médias et à tisser des liens sociaux positifs seraient à promouvoir.

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202
Chapitre 6
Les enjeux du développement
psychosexuel et social
des jeunes de la diversité
sexuelle

6 Martin BLAIS, Félix-Antoine BERGERON,


José Ignacio, Pachardo Galán
Dans la majorité des sociétés, l’hétérosexualité et l’adoption de comporte-
ments et de rôles masculins pour les hommes, ou féminins pour les femmes,
constituent des normes institutionnalisées et culturelles. L’expression « mino-
rités d’orientation sexuelle et de genre » désigne les personnes ou groupes dont
l’identité, l’orientation ou les pratiques sexuelles ne se conforment pas à ces
normes. Le concept d’orientation sexuelle désigne la prédisposition à avoir des
fantasmes et des pensées érotiques ou sexuels ou une profonde attirance émo-
tionnelle, affective ou sexuelle pour des personnes de même genre ou de plu-
sieurs genres, impliquant ou non la capacité d’entretenir des relations intimes et
sexuelles avec ces individus (Chambre de commerce gaie du Québec [CCGQ],
20141; Savin-William, 2011). Les minorités d’orientation sexuelle décrivent
les personnes dont les comportements ou les attirances ne sont pas

1 Les traductions en langue française des concepts relatifs à la diversité sexuelle et de genre
sont tirées du Lexique LGBT sur la diversité sexuelle et de genre en milieu de travail,
lorsqu’elles y sont proposées. Ce projet, financé par l’Office québécois de la langue française,
a été développé par un comité d’experts issus des milieux universitaires, communautaires et
gouvernementaux sous la direction de la Chambre de commerce gaie du Québec (CCGQ).
Par souci d’uniformité, la définition de ces concepts s’inspire souvent de celles proposées
par ce Lexique, lorsqu’elle est disponible, tout en intégrant d’autres dimensions jugées per-
tinentes selon les contextes d’usage. Dans tous les cas où des références en langue autre que
française sont citées, la traduction est la nôtre.

203
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

exclusivement hétérosexuels ou encore celles qui se désignent elles-mêmes


comme lesbiennes, gaies, bisexuelles, ou encore par tout autre terme forgé
pour désigner une identité ou une orientation sexuelle non exclusivement
hétérosexuelles (pansexuelle, allosexuelle, queer, etc.). Ces différents mar-
queurs de l’orientation sexuelle — comportements, attirances sexuelles, auto-
désignation — ne convergent pas nécessairement chez un même individu2.
Quant à l’identité de genre, elle désigne l’« expérience individuelle du genre
d’une personne, qui peut correspondre ou non à son sexe biologique ou assigné
à la naissance et qui peut impliquer, avec son consentement, des modifications
corporelles, des choix esthétiques ou tout autres expressions de genre, dont
l’habillement ou la façon de se conduire » (CCGQ, 2014, p. 14). Les minorités
de genre désignent les personnes dont l’apparence, l’identité ou l’expression
de genre divergent des normes culturelles et sociales sur la masculinité ou la
féminité, ainsi que celles qui se disent transsexuelles ou transgenres. Les per-
sonnes dont l’identité de genre correspond à leur sexe biologique ou assigné à
la naissance sont dites cissexuelles et celles dont l’expression de genre corres-
pond à leur identité de genre sont dites cisgenres (CCGQ, 2014, p. 5).
Les personnes qui sont en questionnement à l’égard de leur orientation
sexuelle ou leur identité de genre font également partie des minorités sexuelles
ou de la diversité sexuelle3. Il est aussi habituel de désigner l’ensemble de ces
groupes par des acronymes combinant les lettres LGBTQ, désignant les per-
sonnes lesbiennes (L), gaies (G), bisexuelles (B), transidentifiées, transsexuelles
ou transgenres (T), queer ou en questionnement (Q). Certains y ajoutent la
lettre A (LGBTQA) pour désigner les personnes alliées, des personnes « qui ne
s’identifient pas ouvertement comme LGBT, mais qui sont reconnues par les
membres des communautés en question comme défenseur de leurs droits »
(CCGQ, 2014, p. 2)4.
Le terme « identité sexuelle » désigne la façon dont l’individu définit sa
sexualité en y mettant généralement en avant l’aspect de sa sexualité qu’il
considère comme le plus saillant (Savin-William, 2011). Par exemple, si elle
se définit par ses préférences sexuelles, la personne pourra se dire gaie, les-
bienne, hétérosexuelle, bisexuelle, etc. Si elle se définit par son genre, elle
pourra se dire trans, androgyne, etc. Si elle se définit en fonction des quali-
tés de ses partenaires, elle pourra se qualifier de pansexuelle ou aveugle au

2 On tend à ajouter l’attirance affective ou romantique (homoromantique, hétéroromantique)


aux marqueurs de l’orientation sexuelle (Igartua & Montoro, 2015).
3 Dans la suite de ce chapitre, nous allons utiliser l’expression « diversité sexuelle » comme
équivalent à « minorités d’orientation sexuelle et de genre ». L’asexualité, qui désigne des
attirances homoérotique et hétéroérotique faibles ou nulles, est intégrée dans certains
modèles comme une orientation sexuelle (Igartua & Montoro, 2015).
4 Ces lettres sont combinées de différentes façons selon les caractéristiques des personnes
étudiées. Lorsque nous citons les travaux de recherche dans ce chapitre, nous utilisons géné-
ralement les acronymes tels qu’ils sont utilisés par leurs auteurs.

204
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

genre (gender-blind), ces identités désignant l’attraction pour une personne


sans considération de son sexe ou de son genre. Si elle se définit sur la base
de ses comportements, elle pourra se dire polyamoureuse ou s’identifier à des
pratiques ou à des communautés spécifiques (ex. : les pratiques de ligotage, de
domination ou de soumission). Les concepts émergeant pour désigner l’iden-
tité sexuelle dont se réclament les individus tendent à se diversifier en réponse
à une volonté parfois explicite de refuser les catégorisations binaires de l’ex-
périence affective, sexuelle ou de genre (Elizabeth, 2013). Dans ce contexte,
l’identité sexuelle peut aussi recouvrir des mouvements politiques auxquels
l’individu s’identifie. En effet, certains jeunes de la diversité sexuelle (JDS) se
revendiquent de contrecultures qui s’érigent contre l’hétéronormativité et ce
qui est perçu comme une normalisation de la diversité sexuelle à travers des
codes hétéronormatifs tels que le mariage monogame institutionnalisé, civil
ou religieux, ou la fondation d’une famille nucléaire. Certains refusent expres-
sément la catégorisation binaire des relations (amour/amitié, célibataire/uni),
des sexualités (hétéro/homo) et des genres (homme/femme, masculin/fémi-
nin), dénoncent les injonctions à la mononormativité (union avec un seul
partenaire) et à la monosexualité (sexualité avec un seul sexe), favorisant ainsi
l’émergence de pratiques de résistance et d’identités nouvelles (ex. : trans-
genres, pansexualité ou attirance indépendante du sexe ou du genre, couple
non exclusif sexuellement, polyamour). Ce chapitre s’attarde sur les jeunes
de la diversité d’orientation sexuelle et, dans une moindre mesure, de genre.
Après ce survol terminologique, nous présentons les travaux documentant
la proportion de JDS dans la population adolescente. Ensuite, nous décri-
vons le contexte social et culturel du développement psychosexuel et social
des jeunes de la diversité sexuelle et de genre. Ce contexte constitue la toile
de fond sur laquelle les JDS évoluent et permet de comprendre certains des
enjeux spécifiques, présentés dans la section suivante, de la formation et de
l’intégration d’une identité sexuelle minoritaire en contexte hétérosexiste et
hétéronormatif. Dans les deux sections subséquentes, nous présentons les fac-
teurs qui contribuent au développement psychosexuel harmonieux des JDS.

1. Les jeunes de la diversité sexuelle,


la population adolescente
Étudier les JDS pose plusieurs défis, car ils constituent une population cachée
et difficile à rejoindre. D’une part, malgré les changements sociopolitiques
ayant augmenté la visibilité et l’affirmation sociale des minorités sexuelles, les
variations de genre et d’orientation sexuelle restent stigmatisées et plusieurs
personnes choisissent de ne pas les révéler dans les enquêtes. D’autre part, il
s’agit d’un groupe aux frontières mouvantes. En effet, la prise de conscience

205
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

et la révélation (à soi et aux autres) de son orientation ou identité sexuelle


surviennent à des moments différents pour chaque personne, impliquant
que plusieurs personnes peuvent rapporter à un moment de leur vie ne pas
être LGBTQ. De plus, l’orientation sexuelle, en particulier, est souvent fluide
chez l’adolescent et le jeune adulte, de sorte que les personnes concernées
peuvent ne pas se reconnaître dans les « étiquettes » proposées par les cher-
cheurs. Enfin, l’identité sexuelle peut être définie selon plusieurs critères qui
ne convergent pas nécessairement (autodésignation, attraction, genre du par-
tenaire) et contribuent à délimiter des groupes de répondants potentiellement
distincts les uns des autres.
Une recension de 21 études canadiennes portant sur un total de plus de
81 000 répondants âgés de 14 à 25 ans suggère que les jeunes non exclusive-
ment hétérosexuels comptent pour 15,9 % de la population adolescente, avec
une légère surreprésentation des femmes comparativement aux garçons (Blais,
Bergeron, Duford, Boislard, & Hébert, 2015). Parmi les hommes, 87,2 % se
sont décrits comme hétérosexuels (autodésignation) ou ont dit avoir des rap-
ports sexuels exclusivement avec des femmes (comportements) ou n’être atti-
rés que par les femmes (attirance). Parmi les JDS masculins, 5,2 % se sont dits
en questionnement ou incertains. Un peu plus de 4 % étaient bisexuels, attirés
par les hommes et les femmes (y compris principalement, mais pas exclusi-
vement par les femmes), ou avaient des rapports sexuels avec des hommes
et des femmes. Un peu plus de 3 % se désignaient comme gais ou homo-
sexuels, avaient des rapports sexuels avec d’autres hommes exclusivement, ou
n’étaient attirés que par d’autres hommes. Chez les femmes, 83,2 % ont dit
être exclusivement hétérosexuelles, n’avoir des rapports sexuels qu’avec des
hommes, ou n’être attirées que par les hommes. Près de 5 % se sont dites en
questionnement ou incertaines. Près de 12 % se sont dites bisexuelles, attirées
par les hommes et les femmes (y compris principalement, mais pas exclusive-
ment par les hommes), ou ont rapporté avoir des relations sexuelles avec les
hommes et les femmes. Enfin, 0,2 % se sont dites lesbiennes ou ont rapporté
avoir des relations sexuelles avec d’autres femmes exclusivement ou n’être
attirées que par les femmes.
La récente enquête américaine sur la famille (Copen, Chandra, & Febo-
Vazquez, 2016), représentative et réalisée auprès de plus de 9 000 répondants
âgés de 18 à 44 ans, suggère des résultats similaires. Parmi l’ensemble des
femmes interrogées, 17,4 % rapportaient avoir eu au moins un contact sexuel
avec une personne du même sexe. Parmi les femmes de 18 à 24 ans, 2,7 %
rapportaient être principalement ou exclusivement attirées par le même sexe,
5,3 % rapportaient être également attirées par les deux sexes, et 14,4 % rap-
portaient être principalement attirées par l’autre sexe. Parmi l’ensemble des
hommes, 6,2 % rapportaient avoir eu au moins contact sexuel avec une per-
sonne du même sexe. Chez les hommes de 18 à 24 ans, 3,2 % rapportaient être

206
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

principalement ou exclusivement attirés par le même sexe, 1,0 % rapportaient


être également attirés par les deux sexes, et 5,9 % rapportaient être principale-
ment attirés par l’autre sexe. En ce qui concerne l’autodésignation, les femmes
se sont identifiées comme non-exclusivement hétérosexuelles dans des pro-
portions plus grandes que les hommes (7,7 % vs 4,9 %). Le détail par orien-
tation sexuelle suggère que davantage de femmes de 18 à 24 ans s’identifient
comme bisexuelles (7,8 %) comparativement à celles s’identifiant comme les-
biennes (1,8 %). Les hommes de 18 à 24 ans s’identifiaient également comme
gais (2,6 %) ou bisexuels (2,5 %). Des données espagnoles colligées en 2013
auprès de 3 236 jeunes fréquentant l’école secondaire montrent que 85 % ont
rapporté une attirance exclusivement hétérosexuelle, 9 % ont préféré ne pas
répondre à cette question pour des raisons non spécifiées, 4 % ont dit ressentir
une attirance envers les deux sexes et 2 %, envers des personnes de même sexe
exclusivement (Pichardo Galán & De Stéfano Barbero, 2015), des résultats qui
convergent avec les études espagnoles précédentes (Pichardo Galán, 2009).
En ce qui a trait aux jeunes de minorités de genre, peu d’études ont docu-
menté la prévalence de ces personnes dans la population. Dans leur chapitre
recensant des enquêtes sur la prévalence des personnes de la diversité de
genre, Meier et Labuski (2013) rapportent que les proportions de personnes
transidentifiées varieraient entre 0,009 % et 3 % et qu’il y aurait une plus
grande proportion de femmes transgenres (femmes ayant effectué une tran-
sition depuis un corps dont le sexe assigné à la naissance n’était pas féminin ;
CCGQ, 2014, p. 10) que d’hommes transgenres (hommes ayant effectué une
transition depuis un corps dont le sexe assigné à la naissance n’était pas
masculin; CCGQ, 2014, p. 13). Cette tendance n’est toutefois pas remarquée
en Pologne, au Japon, en Suède et en Iran (Meier & Labuski, 2013). Ces
données ne portent pas spécifiquement sur les jeunes, mais dans des études
canadiennes agrégées, les jeunes se décrivant comme trans, transgenres,
transidentifiés ou transsexuels comptaient pour 0,7 % des répondants (Blais
et al., 2015).
Ces proportions ne sont toutefois pas fixes dans le temps. L’analyse longi-
tudinale des patrons de réponse auprès d’un échantillon représentatif de près
de 14 000 répondants américains, âgés de 12 à 25 ans, a montré des modifica-
tions importantes dans la proportion des catégories d’orientation sexuelle par
lesquelles les jeunes s’autodésignent (Ott, Corliss, Wypij, Rosario, & Austin,
2011). Entre 13 et 26 ans, Ott et al. (2011, p. 523) ont constaté que la propor-
tion de jeunes se qualifiant de principalement hétérosexuels avait augmenté
de 2,4 à 5,9 % chez les hommes et de 4,0 % à 12,3 % chez les femmes. La pro-
portion de jeunes se disant bisexuels a aussi augmenté de 0,4 à 0,6 % chez les
hommes et de 0,6 à 2,1 % chez les femmes. La proportion de jeunes se disant
complètement homosexuels a augmenté de 0,3 à 3,5 % chez les hommes et de
0 à 1,0 % chez les femmes au cours des dix années précédentes. Au contraire,

207
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

la proportion de jeunes se décrivant comme complètement hétérosexuels


ou incertains a diminué avec l’âge. Ces données soulignent la variabilité des
trajectoires de formation et d’intégration de l’identité sexuelle minoritaire
au cours de la vie, en particulier à l’adolescence et au cours de l’âge adulte
émergent au cours desquelles elles surviennent pour une majorité d’individus.

2. Contexte social et culturel du développement


psychosexuel et social des jeunes
de la diversité sexuelle
Au cours des dernières décennies, ont pris place des changements impor-
tants en faveur d’une acceptation grandissante, bien que variable selon les
pays, de l’homosexualité (Blais, Lévy, Bédard, & Corriveau, 2011; Clements
& Field, 2014; Stulhofer & Rimac, 2009). Plusieurs pays, comme le Canada
de même que les pays de l’Union européenne, ont d’ailleurs inclus l’orien-
tation sexuelle comme motif de distinction illicite dans leur législation rela-
tive aux droits de la personne. La majorité des pays d’Amérique et d’Europe
reconnaissent aussi désormais les couples de même sexe. Toutefois, l’accès
au mariage, traditionnellement réservé aux couples hétérosexuels, conti-
nue de soulever des débats animés. Ces débats illustrent le décalage entre la
reconnaissance juridique et la reconnaissance sociale de la diversité sexuelle.
Des formes plus subtiles d’homophobie, aussi appelée homonégativité
moderne, ont été dégagées (Morrison & Morrison, 2003, 2011). Ces formes
contemporaines d’homonégativité ne reposeraient plus aussi explicitement
sur des objections traditionnelles, religieuses ou morales à l’égard des per-
sonnes gaies et lesbiennes. Elles se manifesteraient plutôt dans l’adhésion à
la croyance que les gais et lesbiennes revendiquent des changements illégi-
times ou non nécessaires (ex. : les droits sociaux pour les époux de même
sexe), que la discrimination envers eux est chose du passé, ou encore qu’ils
exagèrent l’importance de leur orientation ou identité sexuelle de telle sorte
qu’ils restent volontairement en marge de la population générale (Morrison
& Morrison, 2003).
La remise en question de l’importance ou de la légitimité de la reconnais-
sance juridique ou sociale des personnes de la diversité sexuelle leur envoie le
message que leur vécu et leurs relations sont inopportuns, de moindre valeur
ou illégitimes, renforçant ainsi la stigmatisation et la discrimination des sexua-
lités minoritaires (Herek, 2011). De fait, les attitudes des populations à l’égard
de l’homosexualité constituent un autre indicateur important du contexte
social dans lequel les personnes de minorités d’orientation sexuelle et de genre
évoluent. L’enquête du Pew Internet & American Life Project (2014), réalisée

208
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

en 2013 auprès de 40 117 répondants dans 40 pays, montre qu’à la question


« Croyez-vous personnellement que l’homosexualité soit moralement accep-
table, moralement inacceptable ou qu’elle ne soit pas un enjeu moral ? », les
pays européens, notamment l’Espagne, l’Allemagne et la France, ainsi que le
Canada et certains pays d’Amérique latine comme le Chili et l’Argentine font
partie des plus tolérants. En effet, moins de 20 % de leur population endossent
l’idée que l’homosexualité est inacceptable.

2.1. La persistance des violences envers les personnes


de la diversité sexuelle
Malgré ces avancées juridiques, les violences basées sur le genre et l’orientation
sexuelle, résumées ici sous le vocable de violences homophobes5, touchent
encore directement une grande proportion de personnes de la diversité
sexuelle. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne [FRA]
(2013) a révélé, à l’issue d’une enquête conduite auprès de plus de 90 000
personnes se désignant comme LGBT dans les 27 États membres de l’UE et
la Croatie, que près de la moitié des répondants (47 %) ont déclaré s’être
sentis personnellement discriminés ou harcelés en raison de leur orientation
sexuelle au cours de l’année précédant l’enquête. Parmi les sous-groupes les
plus touchés, on trouve notamment les répondants de 18 à 24 ans qui étaient
majoritaires à attribuer, en tout ou en partie, la dernière agression ou menace
de violence dont ils ont fait l’objet à leur statut sexuel ou de genre minoritaire
(57 %). Dans certains pays comme l’Espagne, la majorité des crimes haineux
sont commis sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre
(Ministerio del Interior, 2015). Une enquête québécoise récente, portant sur
plus de 8 000 jeunes âgés de 14 à 22 ans, montre qu’entre 16 et 85 % des
JDS ont souffert de préjudice basé sur l’orientation sexuelle ou le genre, des
proportions significativement plus élevées que chez les jeunes hétérosexuels
(Blais et al., 2013). Parmi eux, les jeunes transidentifiés et les hommes gais
et bisexuels présentaient les taux de victimisation les plus élevés. Chez les
jeunes rapportant des attractions pour les personnes de même sexe ou des

5 Nous nous inspirons ici de la définition inclusive de l’homophobie proposée dans le rapport
de consultation du Groupe de travail mixte contre l’homophobie (2007) soumis à la Com-
mission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, qui la définit
comme toutes les attitudes négatives pouvant mener au rejet et à la discrimination, directe
et indirecte, envers les gais, les lesbiennes, les personnes bisexuelles, transsexuelles et trans-
genres, ou à l’égard de toute personne dont l’apparence ou le comportement ne se conforme
pas aux stéréotypes de la masculinité ou de la féminité (Groupe de travail mixte contre
l’homophobie, 2007). Cette définition inclut donc les formes de rejet et de discrimination
spécifiques aux sous-groupes de la diversité sexuelle (lesbophobie, gaiphobie, biphobie et
transphobie).

209
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

deux sexes, les garçons sont plus nombreux que les filles à avoir subi de la
victimisation en raison d’une expression de genre jugée non conforme6 (46 %
chez les garçons vs 26-29 % chez les filles ; Blais et al., 2013).

2.2. L’hétérosexisme, l’hétéronormativité et la contrainte


à l’hétérosexualité
À la source de ces différentes formes de discrimination et de violence, on
trouve l’hétérosexisme, un système idéologique qui défend et promeut la
supériorité de l’hétérosexualité à l’exclusion des autres identités et orienta-
tions sexuelles (CCGQ, 2014, p. 13). En tant que tel, l’hétérosexisme « nie,
dénigre et stigmatise les comportements, les identités, les relations ou les
communautés non hétérosexuels et […] se manifeste dans les institutions
sociales, les mœurs sociales ainsi que dans les attitudes et les comportements
individuels » (Herek, 1990, pp. 316-317). L’hétérosexisme et l’homonégativité
ont un impact tant sur les communautés majoritaires que les communautés
sexuelles minoritaires, tant à l’échelle sociétale ou institutionnelle qu’indivi-
duelle (Duke & Davidson, 2009 ; Herek, 2011). L’hétérosexisme est ancré dans
la religion, le langage, la loi et autres institutions sociales (Herek, 2011). Dans
les communautés majoritaires, l’hétérosexisme et l’homonégativité compro-
mettent la tolérance sociale, contribuent à rendre invisibles les défis auxquels
les communautés sexuelles minoritaires sont confrontées ou délégitiment les
actions visant à corriger des mesures discriminatoires à leur égard.
Ainsi, les jeunes de la diversité sexuelle grandissent dans une société qui
attend d’eux qu’ils soient hétérosexuels, ce qu’on peut qualifier de contrainte à
l’hétérosexualité ou d’hétérosexualité obligatoire (Konik & Stewart, 2004 ; Rich,
1980). Dans cette société, ils sont généralement exposés très tôt à des attitudes,
messages et comportements défavorables à la diversité sexuelle, c’est donc dire
désapprobateurs en regard de leurs préférences, intérêts ou comportements.
Torkelson (2012) insiste sur l’importance de s’attarder aux effets disciplinaires
de l’hétéronormativité sur les JDS. Ces effets disciplinaires sont notamment
réitérés par l’école — par exemple à travers des codes vestimentaires genrés et
une éducation à la sexualité qui rendent invisible la diversité sexuelle —, par
le marché du travail et dans l’espace public, où les variations dans l’expres-
sion du genre ou de la sexualité sont souvent mal perçues. Les conceptions
traditionnelles du mariage, de la famille, de la monogamie ou de l’expres-
sion du genre participent à la définition du citoyen et de l’adulte accompli
face à laquelle certains JDS qui ne partagent pas ces idéaux peuvent se sentir

6 L’expression de genre jugée non conforme est définie, chez les garçons, par le fait d’être
considérée comme pas assez masculins ou trop féminins, et chez les filles, comme pas assez
féminines ou trop masculines.

210
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

marginalisés (Torkelson, 2012). Il est nécessaire de prendre en compte cet


environnement social, encore largement marqué par l’hétérosexisme et l’ho-
monégativité, pour comprendre le développement psychosexuel et social des
JDS. En effet, ce contexte social et culturel en mouvance constitue une toile de
fond sur laquelle se jouent les enjeux développementaux propres aux JDS et
qui est susceptible de compliquer la réalisation des tâches développementales
propres à l’adolescence.

2.3. Le stress minoritaire


Le concept de stress minoritaire (minority stress) fondé sur le statut sexuel et
de genre a été forgé pour décrire et comprendre les impacts psychologiques
de l’hétérosexisme sur les personnes de minorités sexuelles. Il a été introduit
par Brooks (1981) dans son travail sur les lesbiennes pour désigner soit l’état
de stress vécu par les personnes qui se voient assignées à un statut inférieur
par leur culture, soit les préjudices et la discrimination qui en résultent, soit
encore l’impact de ces forces sur la structure cognitive de l’individu et son
réajustement subséquent ou son échec à s’y adapter. Le concept a été popula-
risé par Meyer (1995 ; 2003) et constitue aujourd’hui non seulement l’un des
modèle de référence les plus mobilisés pour décrire l’expérience des personnes
de minorités sexuelles, mais également l’un des modèles les plus solidement
fondés sur des données probantes.
Le modèle du stress minoritaire distingue deux types de facteurs stressants
(Meyer, 1995 ; 2003). D’une part, il pointe dans l’environnement social des
facteurs de stress distaux, qui décrivent la stigmatisation, la victimisation et les
préjudices objectifs qui peuvent affecter les personnes de la diversité sexuelle,
indépendamment de leur interprétation subjective d’elles-mêmes ou des évé-
nements. D’autre part, le modèle insiste sur ces facteurs de stress déclenchant
une réaction en chaîne qui se traduit notamment par l’activation de facteurs de
stress proximaux, que Hatzenbuehler (2009) classe en trois catégories : 1) les
capacités de régulation émotionnelle et d’adaptation (ruminations, stratégies
d’adaptation centrées sur les émotions) ; 2) les facteurs sociaux et interper-
sonnels (isolement social, normes sociales) ; et 3) les facteurs cognitifs (pes-
simisme, perception négative de soi, etc.). Pour chaque catégorie, il est pos-
sible d’identifier des facteurs spécifiques et non spécifiques aux personnes de
la diversité sexuelle. Les modèles fondés sur le stress minoritaire permettent
de postuler les hypothèses suivantes : 1) l’appartenance à un statut minori-
taire d’orientation sexuelle ou de genre accroît la probabilité d’être exposé à
des préjudices, à de la stigmatisation ou à de la victimisation dans les diffé-
rents milieux de vie tels que la famille, l’école, le réseau de pairs ou le milieu
de travail (facteurs stressants distaux) ; 2) cette exposition interfère avec les
capacités de régulation émotionnelle et d’adaptation, influence les relations

211
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

interpersonnelles et sociales ainsi que la représentation cognitive que l’indi-


vidu se fait de lui-même et de son environnement (facteurs stressants proxi-
maux) ; et 3) ces facteurs stressants proximaux précipitent et maintiennent, à
leur tour, certains troubles associés au stress ou à la psychopathologie.
Si ces hypothèses sont largement validées par des données probantes, le
modèle du stress minoritaire n’a été que peu étudié dans une perspective déve-
loppementale. Il cadre toutefois assez bien avec la théorie de la contextua-
lisation développementale (developmental contextualism ; Coulter, Herrick,
Friedman, & Stall, 2016 ; Dispenza, Brown, & Chastain, 2015). Cette approche
postule que le développement humain s’inscrit dans des contextes sociaux
proximaux (relations familiales, interpersonnelles, professionnelles, etc.) et
distaux (influences sociétales, politiques, économiques, etc.) qui jouent un
rôle important dans le développement positif de l’individu. Le stress mino-
ritaire vécu au sein de ces différents contextes peut avoir un impact d’autant
plus important sur les JDS qu’ils sont déjà confrontés, au cours de l’adoles-
cence et de l’âge adulte émergent, à des tâches et défis développementaux qui
requièrent, pour être relevés, des habiletés et des compétences encore en voie
d’acquisition.

3. Les modèles de formation et d’intégration


d’une identité sexuelle minoritaire en contexte
hétérosexiste et hétéronormatif
Plusieurs catégories de modèles ont été développées pour décrire le dévelop-
pement de l’identité sexuelle chez les JDS. La première catégorie de modèles,
dits du dévoilement (coming out), a émergé dans les années 1970. Ces modèles
décrivent la formation et l’intégration de l’identité (homo)sexuelle en fonc-
tion de stades présumés être vécus plus ou moins successivement jusqu’au
dévoilement de l’orientation sexuelle minoritaire et l’adoption d’un style de
vie qui l’intègre. Une seconde catégorie s’attarde plutôt aux jalons dévelop-
pementaux rapportés comme fréquemment vécus ou jugés importants, sans
toutefois présumer de leur nécessaire occurrence, d’une séquence normative
ou d’un moment idéal de leur survenue. Une troisième catégorie de modèles
porte moins sur les événements objectifs qui jalonnent le processus de forma-
tion et d’intégration de l’identité sexuelle minoritaire que sur le vécu subjec-
tif des JDS eu égard à leur statut sexuel minoritaire et à leur adaptation psy-
chosexuelle et sociale à ce statut. Une quatrième catégorie de modèles intègre
explicitement les résultats de recherche sur la fluidité sexuelle et pose des
prémisses pour comprendre la diversité des trajectoires développementales
observée chez les individus, indépendamment de leur orientation sexuelle.

212
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

Ces quatre catégories de modèles sont principalement applicables aux mino-


rités d’orientation sexuelle. Leur description est suivie d’une présentation des
données principales sur le développement des jeunes de minorités de genre.

3.1. Les stades de formation et d’intégration d’une identité


sexuelle minoritaire
Depuis les années 1970, plusieurs modèles du développement identitaire chez
les JDS ont été proposés (Cass, 1979, 1984 ; Coleman, 1982 ; Troiden, 1989).
S’ils formulent un nombre variable de stades critiques, ces modèles s’arti-
culent autour d’enjeux développementaux centraux, généralement négociés
successivement. Lipkin (2000) a proposé une synthèse en cinq stades des trois
modèles les plus cités. Le Tableau 1, inspiré de Lipkin (2000), présente cette
synthèse et met en lumière les similitudes entre les stades issus de différents
modèles.

Tableau 1. Synthèse des modèles du développement de l’identité homosexuelle par stades

Lipkin (2000) Cass (1979) Coleman (1982) Troiden (1989)


Présexualité Sensibilisation
Confusion identitaire Prédévoilement Dissociation et
Questionnement
signification
identitaire
Comparaison de l’identité
Tolérance de l’identité Dévoilement Dévoilement
Dévoilement Acceptation de l’identité Exploration
Première relation
Fierté Fierté identitaire Intégration Engagement
Post-sexualité Synthèse de l’identité

Le premier stade se caractérise par la prise de conscience d’une différence


et un sentiment général d’aliénation à l’égard d’autrui. Dans un premier
temps, généralement avant 13 ans (Troiden, 1989), ces sentiments de diffé-
rence et de marginalité ne seraient pas attribués à une différence d’orienta-
tion sexuelle, d’où le terme de présexualité attribué par Lipkin (2000), mais
il peut s’accompagner d’un sentiment d’inadéquation en regard des rôles de
genre, d’expériences d’excitation en présence de personnes du même sexe,
ou de l’impression d’avoir peu en commun avec les pairs de même sexe et
de même âge. Ces expériences sociales sensibilisent l’individu à la possibilité
qu’il soit homosexuel, mais elles ne seront réinterprétées ainsi que dans un
second temps, que Troiden (1989) situe entre 13 et 17 ans, alors que le senti-
ment de différence sera attribué plus explicitement à une différence de nature

213
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sexuelle. Durant cette période, le sentiment d’être différent est ancré dans des
expériences affectives et génitales qui distinguent les JDS de leurs pairs hété-
rosexuels : moins d’intérêt sexuel pour les personnes de l’autre sexe que leurs
pairs ; intérêt pour les pairs de même sexe ; activité sexuelle avec des pairs de
même sexe ; et sentiment d’inadéquation en regard des rôles de genre sont les
motifs les plus souvent évoqués (Troiden, 1989, p. 290).
Le second stade est celui du questionnement identitaire. Si, pour la majo-
rité des adolescents, les informations sur l’homosexualité ne signifient rien
pour eux-mêmes, la prise de conscience par certains que leurs sentiments ou
leurs comportements peuvent être qualifiés d’homosexuels constitue, pour
Cass (1979), le premier temps du processus de formation de l’identité homo-
sexuelle. La question centrale que l’individu s’adresse à lui-même durant ce
stade est : « suis-je homosexuel ? » (Cass, 1979, p. 223). Cette phase de ques-
tionnement identitaire est marquée par une attirance ambiguë, et souvent
combattue, pour des personnes de même sexe. Cette attirance peut s’actua-
liser dans des comportements, mais ils suscitent de la culpabilité. L’individu
sait que cette différence peut être qualifiée d’homosexualité, une étiquette qui
est en rupture avec la vision que lui-même et autrui entretiennent de lui et
qui génère une dissonance. Cette phase de questionnement de ses préférences
sexuelles, que l’individu sait être socialement stigmatisées, est fréquemment
marquée par la souffrance, la confusion, l’anxiété, la honte et un sentiment
de dissonance et d’aliénation à l’égard des pairs, de la famille et de la commu-
nauté hétérosexuels, sans pour autant avoir accès à un groupe alternatif à qui
s’affilier. À ce stade, l’individu ne dévoile généralement pas à son entourage
ses questionnements sur son orientation sexuelle, d’où la dénomination de
prédévoilement proposée par Coleman (1982).
Cass (1979) et Troiden (1989) identifient différentes voies de résolu-
tion à cette confusion identitaire. Deux voies mèneront à une forclusion
de l’identité homosexuelle : 1) un changement des pensées, sentiments et
comportements homosexuels mêmes (en les niant ou en les inhibant) ; et
2) un changement dans leur interprétation (en les considérant comme non-
homosexuels, par exemple comme des jeux exploratoires normaux sans
implication identitaire). Troiden (1989) décrit aussi les efforts faits pour
justifier, expliquer ou excuser les sentiments ou les comportements homo-
sexuels, notamment en les considérant comme passagers. Il y voit une tenta-
tive, durant ce stade, de dissocier ou séparer son identité de l’homosexualité
qui est vécue de façon conflictuelle et égodystonique. Une troisième voie
décrite par Cass (1979) consiste, au contraire, à modifier la signification
que l’individu accorde à son identité sexuelle, envisageant alors la possi-
bilité d’être homosexuel. Dans ce cas, le questionnement identitaire entre
dans un stade de comparaison identitaire. En se comparant aux personnes
de son entourage, perçues comme hétérosexuelles, l’individu peut affirmer

214
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

pour lui-même : « je suis différent, je pourrais être homosexuel » (Cass, 1979,


p. 225).
Si le stade du questionnement identitaire se résout sur le constat de la pos-
sibilité d’être homosexuel, alors l’individu entre dans un troisième stade dont
la tâche centrale est l’appropriation de son identité (homo)sexuelle, dont un
des marqueurs les plus importants est son dévoilement aux proches. Pour Cass
(1979), l’individu se détourne un peu plus d’une image de lui-même comme
hétérosexuel et tolère davantage l’idée d’avoir une orientation homosexuelle,
pouvant ainsi s’affirmer à lui-même : « je suis probablement homosexuel »
(Cass, 1979, p. 229). Cette tolérance accrue permet à l’individu d’explorer la
culture gaie, de prendre contact avec d’autres personnes homosexuelles, d’être
exposé à des modèles positifs de gestion de la visibilité d’une identité stig-
matisée, etc. Dans la décision ultérieure de se décrire comme une personne
homosexuelle, Troiden (1989) rapporte la centralité, entre autres, des ren-
contres sociales avec d’autres personnes homosexuelles, de l’expérimentation
sexuelle afin de déterminer si la sexualité homosexuelle correspond bien à ce
qui est désiré, du plaisir ressenti suite à une expérience homosexuelle et du fait
d’éprouver de l’amour pour une personne du même sexe. Si ces expériences
sont positives, elles soutiendront l’acceptation par l’individu de son orien-
tation et lui permettront d’affirmer : « je suis homosexuel » (Cass, 1979, p.
231). À ce stade, l’individu accroît ses contacts avec d’autres personnes homo-
sexuelles et la communauté LGBT. Il commence à dévoiler cette identité à son
entourage, généralement les amis proches ou la famille (Coleman, 1982), mais
de façon prudente et sélective (Lipkin, 2000).
L’appropriation réussie de son identité sexuelle favorise l’accès au stade de
la fierté identitaire (Cass, 1979 ; Lipkin, 2000). Les autres personnes homo-
sexuelles peuvent être perçues comme l’unique source tangible de soutien et la
culture LGBT fournit des valeurs et une vision de l’homosexualité alternatives
et plus satisfaisantes pour l’individu que l’hétérosexualité (Cass, 1979, p. 233).
Cass (1979) décrit l’identification accrue à la communauté gaie, l’émergence
de la dichotomie eux/nous et la possible dévalorisation de l’hétérosexualité
comme des stratégies de résolution de la dissonance cognitive entre une iden-
tité sexuelle vécue personnellement comme désormais entièrement accep-
table, mais encore dévalorisée socialement. Non seulement l’individu accepte
son identité, mais il la préfère à l’hétérosexualité, ce qui lui permet de se sentir
plus libre de dévoiler son identité (homo)sexuelle. Troiden (1989) qualifie ce
stade d’engagement, référant ainsi à l’adoption par l’individu de l’homosexua-
lité comme style de vie. L’individu réconcilie son image publique et son image
privée, d’où le concept d’intégration proposée par Coleman (1982) pour
décrire ce stade.
Cette réconciliation facilite la transition au dernier stade d’intégration de
l’identité homo(sexuelle), que Lipkin (2000) qualifie de post-sexualité et Cass

215
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

(1979), de synthèse de l’identité. Durant ce stade, la centralité de l’homosexua-


lité dans l’identité personnelle et dans les relations sociales diminue (Lipkin,
2000) et elle est perçue comme une facette parmi d’autres de l’individu (Cass,
1979). L’individu renoue ou intensifie ses contacts avec des personnes hété-
rosexuelles et l’emprise de la dichotomie eux/nous qui avait, essentiellement,
une fonction de consolidation d’une identité stigmatisée, diminue. L’indi-
vidu réalise qu’il existe autant de similitudes entre lui-même et les personnes
hétérosexuelles que de différences entre lui-même et d’autres personnes
homosexuelles (Cass, 1979). L’individu peut alors se dire : « je ne suis pas
qu’homosexuel ».
Les modèles par stades partagent la prémisse que l’intégration de l’orien-
tation sexuelle se réaliserait donc ultimement à travers la formation d’une
identité sexuelle — considérée ici en regard des préférences sexuelles — vécue
au regard de tous et intégrée à l’identité personnelle de façon stable pour le
reste de la vie. Toutefois, ils ont fait l’objet de nombreuses critiques (Diamond,
2008 ; Katz-Wise & Hyde, 2014 ; Savin-Williams, 2011). Développés principa-
lement sur des populations d’hommes gais, ils semblent s’appliquer au vécu de
plusieurs de ces hommes, mais ils reflètent peu le vécu des femmes et d’autres
sous-groupes sexuels minoritaires. Ainsi, ils placent l’accent sur les variations
intergroupes (hétérosexuels vs non hétérosexuels), mais accordent peu de
place aux variations intragroupes (au sein même de la catégorie « diversité
sexuelle », par exemple lesbiennes vs hommes gais vs bisexuels, etc., comme
au sein même de chacun de ces sous-groupes). D’autres modèles similaires ont
été proposés (McDonald, 1982 ; Monteflores & Schultz, 1978), incluant des
modèles adaptés aux femmes lesbiennes (Chapman & Brannock, 1987 ; Mor-
ris, 1997 ; Sophie, 1986). Toutefois, ces modèles simplifieraient exagérément
un processus complexe et fluide de formation de l’identité sexuelle et accorde-
raient peu d’égards à la plasticité érotique, c’est-à-dire la mesure dans laquelle
la sexualité d’une personne peut être façonnée et modifiée par des facteurs
sociaux, culturels ou situationnels (Baumeister, 2000, p. 348).
De même, ces modèles ne permettent pas de théoriser l’absence de conver-
gence systématique entre désir, attirance, comportement et orientation sexuels
et la polysémie de ces catégories. Ils présentent peu d’égards aux intersections
du développement de l’identité sexuelle avec le genre, la classe, la cohorte de
naissance ou l’ethnicité. Enfin, ils partagent certaines prémisses que les tra-
vaux plus récents ont invalidées, notamment l’idée que seuls les JDS ont à
développer une identité sexuelle ou que l’orientation sexuelle se développe tôt
dans la vie et demeure stable dans le temps. Néanmoins, les modèles par stades
ont été les précurseurs de deux approches aujourd’hui répandues : l’approche
des jalons de la formation de l’identité sexuelle minoritaire et l’approche de
l’intégration de l’identité sexuelle minoritaire.

216
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

3.2. Les jalons de la formation et de l’intégration d’une identité


sexuelle minoritaire
Les modèles de formation et d’intégration d’une identité sexuelle minoritaire
par stades, s’ils n’ont pas permis de produire un modèle universel et validé
empiriquement de leurs étapes, ont permis d’identifier des jalons encore
aujourd’hui considérés comme des événements marquants dans le dévelop-
pement psychosexuel des JDS. Toutefois, ils sont conceptualisés de façon dif-
férente. Si les modèles de développement par stades mettaient l’accent sur les
similitudes dans l’expérience de ces événements, les auteurs qui présentent
les jalons tendent plutôt à montrer les variations interindividuelles et inter-
groupes (notamment en termes de genre et d’ethnicité) relatives au moment
où surviennent ces jalons et à la façon dont ils sont vécus. Le tableau 2 présente
l’âge moyen auquel surviennent six des jalons les plus fréquents selon diffé-
rentes études. Ces moyennes sont présentées à titre indicatif et ne représentent
pas une trajectoire normative7. De fait, les données empiriques, souvent colli-
gées rétrospectivement chez des adultes, montrent des variations importantes,
tant dans l’occurrence même de ces jalons — certains ne survenant jamais
chez certaines personnes — qu’à l’âge auquel ils surviennent, leur ordre d’oc-
currence, leur intensité ou les significations qu’ils ont pour ceux qui les vivent
(Savin-Williams & Cohen, 2015). De même, les travaux ne parviennent pas à
distinguer des trajectoires préférables ou défavorables en termes d’adaptation
psychosociale ou de santé mentale (Floyd & Stein, 2002 ; Rosario, Schrims-
haw, & Hunter, 2008 ; Savin-Williams & Cohen, 2015) qui permettraient d’en
tirer une norme.
La prise de conscience d’une différence entre soi et autrui constitue l’un
des premiers jalons rapportés par une majorité de JDS. Ce sentiment d’être
différent est généralement attribué à deux éléments (Savin-Williams & Cohen,
2015) :
− une expression de genre atypique, tel qu’une expression émotionnelle,
des intérêts ou des comportements considérés comme plus typiques de
l’autre genre ;
− et la perception d’une attirance pour le même sexe qui se distingue de
celle des pairs exprimée généralement exclusivement envers l’autre sexe.
Le sentiment d’être différent peut s’intensifier durant l’adolescence,
alors qu’augmentent les pressions normatives à fréquenter des personnes

7 La mesure de l’âge auquel surviennent ces jalons est une approche critiquée pour être peu
informative considérant la diversité des âges auxquels ils sont vécus (Diamond & Savin-
Williams, 2000). D’autres études s’intéressent non pas aux âges, mais au temps écoulé entre
l’âge actuel et l’âge auquel ont été vécus les principaux jalons (Rosario et al., 2008), s’ap-
puyant sur l’hypothèse que les leçons à tirer de l’expérience de ces jalons, lorsqu’ils sont
vécus, prennent du temps à être intégrées.

217
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

de l’autre sexe et à diminuer les contacts avec les pairs du même sexe. Cette
différence chez l’enfant, qu’elle soit ressentie par l’enfant lui-même ou per-
çue par ses parents, n’implique pas nécessairement le développement d’une
orientation ou d’une identité sexuelle minoritaire, bien qu’elle y soit souvent
associée.
La prise de conscience de son attirance pour des personnes de même
sexe survient généralement avant la puberté et peut remonter jusqu’aux
premiers souvenirs. Malgré le caractère intuitif de l’hypothèse voulant que
cette prise de conscience survienne de plus en plus tôt dans les nouvelles
générations, évoluant dans un contexte historique plus favorable à la diver-
sité sexuelle, les travaux sur les effets de cohortes réalisés auprès d’indivi-
dus nés au cours du xxe siècle montre qu’il ne s’agit pas d’un phénomène
récent. À ce propos, une majorité d’individus, quelle que soit leur cohorte
de naissance, rapporte une telle prise de conscience assez tôt, généralement
durant la préadolescence ou au début de l’adolescence, dans leur vie (Calzo,
Antonucci, Mays, & Cochran, 2011 ; Corliss, Cochran, Mays, Greenland, &
Seeman, 2009 ; Floyd & Bakeman, 2006). L’effet de la permissivité croissante
à l’égard de la diversité sexuelle se ferait plutôt sentir chez les plus récentes
cohortes en regard du dévoilement de l’orientation sexuelle à autrui (Floyd
& Bakeman, 2006).
Cette prise de conscience n’exclut pas une attirance pour des personnes de
l’autre sexe, par exemple chez les personnes ayant une attirance pour les deux
sexes, bien que la prise de conscience d’une attirance pour une personne de
même sexe tend à survenir plus tardivement chez les personnes bisexuelles que
chez les personnes gaies ou lesbiennes (Maguen, Floyd, Bakeman, & Armis-
tead, 2002). L’attirance pour une personne de même sexe n’est pas non plus
nécessairement associée aux autres jalons. Par exemple, certaines personnes
présentant une attraction, exclusive ou non, envers des personnes de même
sexe ne remettent pas en question leur hétérosexualité, soit parce qu’ils mini-
misent la signification de cette attirance (Savin-Williams & Cohen, 2015) ou
l’attribuent au contexte dans les milieux marqués par la ségrégation sexuelle
(Cass, 1979).

218
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

Tableau 2. Jalons du développement psychosexuel des jeunes de minorités sexuelles

Étendue des âges


moyens recensés
Jalons
Total Femmes Hommes
LGB LB GB
Conscientiser son attirance pour les personnes de même 8-17 10-17 9-13
sexe
Remettre en question son orientation sexuelle/hétérosexua- 3-22
lité présumée
Se définir comme lesbienne, gai, bisexuel ou non exclusi- 12-31 14-31 12-18
vement hétérosexuel
Avoir un premier contact sexuel
– avec une personne du même sexe 13-23 15-23 13-19
– avec une personne de l’autre sexe 15 †
Dévoiler son orientation sexuelle 17 †
– à une autre personne qu’un parent 16-23 17-23 16-20
– à un parent 18 † 24 †
(11-26)
– à un membre de sa famille (autre qu’un parent) 19 †
(11-25)
– pour la première fois (selon la définition personnelle des 15-25 23-25 23 †
répondants, pouvant inclure les deux jalons précédents)*
Avoir une relation amoureuse sérieuse avec une personne 19 †
du même sexe (13-25)

Notes : Les données sont agrégées à partir des résultats présentés dans les études suivantes : Anhalt,
Morris, Scotti, & Cohen, 2003 ; Calzo et al., 2011 ; Corliss et al., 2009 ; Fisher, 2012 ; Floyd & Bakeman,
2006 ; Floyd & Stein, 2002 ; Maguen et al., 2002. Les âges rapportés sont des moyennes arrondies à
l’entier.
* Nous avons placé sous ce jalon les résultats des études qui ne spécifiaient pas à qui l’orientation
sexuelle était dévoilée.
† Une seule étude ayant été recensée pour ce jalon, l’âge moyen rapporté provient exclusivement de cet
échantillon et non d’une agrégation de plusieurs études; lorsque disponible, l’étendue d’âges observée
dans cet échantillon est rapportée entre parenthèse.

Chez certaines personnes, l’attirance pour des personnes de même sexe


conduira au questionnement de leur orientation sexuelle et à la remise en
question de leur hétérosexualité présumée. Plusieurs personnes anticipent
négativement cette remise en question de l’hétérosexualité présumée. Les
travaux montrent que les jeunes qui sont confus ou en questionnement à
l’égard de leur orientation sexuelle présentent une plus grande vulnérabilité
que les jeunes qui se disent certains de leur orientation sexuelle, minoritaire
ou non, sur des indicateurs tels que la détresse psychologique, la suicidalité,
la consommation de substances et la délinquance (Birkett et al., 2009). Bien
qu’encore peu nombreuses, de plus en plus d’études s’intéressent aux jeunes

219
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

qualifiant leur attirance sexuelle d’incertaine ou en questionnement. L’enquête


longitudinale d’Ott et al. (2011) montre qu’une proportion équivalente de
jeunes hommes et femmes est susceptible de se dire incertaine de son orienta-
tion à un certain moment de leur développement, mais que les jeunes femmes
tendraient à vivre ce questionnement pendant une période plus longue que
les jeunes hommes. Ces données permettent aussi d’affirmer que la propor-
tion de jeunes décrivant leur orientation sexuelle comme incertaine diminue
avec l’âge et que, contrairement à une hypothèse répandue, la majorité de ces
jeunes (deux sur trois) finiront par se décrire comme exclusivement hétéro-
sexuels ultérieurement (Ott et al., 2011).
La probabilité d’endosser une orientation sexuelle minoritaire tend à
augmenter avec l’âge (Ott et al., 2011), suggérant que se définir comme une
personne gaie, lesbienne ou bisexuelle est un processus qui prend du temps.
Savin-Williams et Cohen (2015) relatent que certaines personnes, tout en
reconnaissant leur attraction pour des personnes de même sexe, refusent de
se désigner comme personnes gaies, lesbiennes ou bisexuelles. Ce refus peut
résulter de craintes à l’égard de répercussions familiales ou sociales négatives,
d’une préférence pour mettre de l’avant d’autres facettes de leur identité (ex. :
ethnique ou religieuse), ou encore d’un rejet des systèmes de classification du
genre et de la sexualité qu’elles perçoivent comme inexactes ou oppressifs dans
un contexte où elles se décrivent comme sexuellement fluides. D’autres encore
se décrivent comme principalement (mais pas seulement) hétérosexuelles.
Savin-Williams et Vrangalova (2013) rapportent quatre éléments justifiant la
description de la catégorie principalement hétérosexuel comme une orientation
sexuelle distincte. D’abord, les individus qui s’en réclament constituent une
proportion non négligeable de la population, avec des estimations moyennes
variant de 7,6 à 9,5 % chez les femmes et 3,6 à 4,1 % chez les hommes. Ensuite,
ils forment un groupe distinct des autres, en ayant une attraction sexuelle ou
romantique envers les personnes de même sexe et un nombre de partenaires
sexuels plus élevés que les personnes exclusivement hétérosexuelles, mais plus
faibles que les personnes bisexuelles. De plus, cette identité se montre relative-
ment stable dans le temps, certes moins que l’hétérosexualité exclusive, mais
davantage que la bisexualité, par exemple. Enfin, les individus qui endossent
cette identité le font parce qu’elle reflète plus adéquatement leur expérience
subjective que les catégories d’hétérosexualité ou de bisexualité.
Le dévoilement de son orientation sexuelle survient généralement à un âge
significativement plus avancé que la prise de conscience de son attirance pour
une personne de même sexe (Maguen et al., 2002 ; Savin-Williams & Dia-
mond, 2000). Le dévoilement de l’orientation se fait en général progressive-
ment, d’abord aux amis de la même orientation sexuelle, suivi des amis hété-
rosexuels, puis des membres de la famille (Martos, Nezhad, & Meyer, 2015).
L’âge du dévoilement de l’orientation sexuelle à autrui serait notamment

220
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

influencé par la permissivité croissante à l’égard de la diversité sexuelle et


pourrait diminuer dans les plus récentes cohortes (Corliss et al., 2009 ; Floyd
& Bakeman, 2006), ainsi que par l’orientation sexuelle. En effet, les bisexuels
seraient moins susceptibles de dévoiler leur orientation sexuelle (Maguen et
al., 2002). L’ethnicité pourrait également intervenir, le dévoilement étant par
exemple moindre chez les Afro-américains (Maguen et al., 2002).
Les conversations menant au dévoilement de l’identité LGB sont souvent
tendues. Manning (2014a, 2015) a analysé 258 récits de dévoilement de l’iden-
tité LGB chez 130 personnes âgés de 18 à 72 ans. Il en a dégagé sept types de
conversation liées au dévoilement, chacune mettant en lumière des circons-
tances différentes (Manning, 2014a, 2014b). Les conversations dites prémédi-
tées, initiées par la personne LGB, sont les plus fréquentes (plus de 50 % des
récits) et sont structurées principalement autour de la volonté de dire à l’autre
quelque chose d’important ou de cesser de lui mentir. Certains rapportent
aussi des conversations encouragées par un tiers conscient de leur statut LGB.
D’autres conversations sont dites émergentes, car elles sont plutôt initiées sans
préméditation par la personne LGB dans le contexte d’une conversation qui
s’y prête. Certains récits sont forcés, l’autre demandant à la personne LGB de
se dévoiler suite à la découverte d’informations suggérant qu’elle n’est pas
hétérosexuelle (lettre, journal intime, conversation téléphonique, dévoilement
par un tiers, etc.). Certaines conversations sont plutôt éducatives/militantes,
qui visent à éduquer autrui sur l’expérience LGB, par exemple dans le cadre
d’activités de sensibilisation à l’école ou pour dénoncer un traitement inégal
(ex. : l’absence de couverture d’assurance du conjoint de même sexe). Si tous
les types de conversations décrits précédemment se déroulent en face à face
dans la typologie de Manning (2014a), il décrit aussi le type médiatisé, qui
survient via une lettre, un appel téléphonique, ou l’usage d’Internet. Ces six
types de conversations sont centrés sur le dévoilement de l’identité LGB. Un
autre type est plutôt centré sur le dévoilement d’une relation romantique, par
exemple à ses parents, ou d’une attirance sexuelle, par exemple envers un ami,
laissant à l’autre de déduire implicitement l’identité LGB. Considérant qu’un
même individu est susceptible de révéler son identité sexuelle à de nombreuses
reprises et à de nombreuses personnes, il est plausible qu’il doive faire face à
différents types de conversations au cours de sa vie.
Pour D’Augelli (1994), le dévoilement de l’orientation marque l’aboutisse-
ment des processus de rupture avec l’identité hétérosexuelle et de construction
d’une identité LGB. Ils impliquent d’autres processus (dont la séquence est
grandement variable d’un individu à l’autre) qui confrontent les JDS aux réac-
tions d’autrui : devenir un enfant LGB pour ses parents ; explorer les relations
intimes avec des partenaires de même sexe ; entrer dans la communauté LGB
et apprendre à confronter les obstacles sociaux et politiques au développe-
ment d’une identité LGB ; et développer une identité sociale LGB.

221
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Le dévoilement de l’identité LGB peut susciter des réactions diverses.


Rosario, Schrimshaw, et Hunter (2009) rapportent que si 96 % des jeunes rap-
portent des réactions d’acceptation suite au dévoilement de leur orientation
sexuelle, elles sont aussi, dans la moitié des cas, concomitantes à des réactions
négatives (54 %) ou neutres (42 %). Parmi les réactions positives, qui sou-
tiennent la personne LGB dans le processus de dévoilement, Manning (2015)
recense l’ouverture à la communication, manifestée par l’écoute, des encoura-
gements à parler, un effort de compréhension de part et d’autre ; l’expression
verbale d’acceptation, d’approbation et d’amour ; le rire et l’humour ; et les
manifestations non verbales telles que les sourires, les hochements de tête, les
accolades. Manning (2015) documente aussi cinq types de réactions négatives
d’autrui au dévoilement : le déni, en suggérant par exemple qu’il s’agit d’une
passade ; la leçon religieuse ; les questions ou les préoccupations inappropriées
(ex. : craindre que la personne contracte le VIH) ; les commentaires visant à
faire honte à la personne LGB, par exemple, formuler qu’il s’agit d’une honte à
la famille ou exprimer du dégoût ; et l’agression, telles les insultes, la violence
ou les menaces. Les hommes tendraient à rapporter davantage de réactions
négatives de leur famille, en particulier dans certains groupes ethnoculturels
où les attitudes à l’égard de la sexualité sont plus conservatrices (Ryan, Hueb-
ner, Diaz, & Sanchez, 2009).
Le premier contact sexuel avec une personne de même sexe constitue un
jalon du développement de l’identité sexuelle chez les JDS. Il surviendrait en
moyenne plus tôt chez les hommes gais que chez les femmes lesbiennes et les
personnes bisexuelles (Maguen et al., 2002). Il serait aussi relativement stable
chez les hommes (environ 15 ans ; Maguen et al., 2002), mais sujet à des effets
de cohortes chez les femmes, le premier contact sexuel survenant avant 18 ans
pour une proportion croissante de femmes (37 % chez les femmes nées après
1975 vs moins de 30 % chez celles nées avant les années 1960 ; Corliss et al.,
2009). Néanmoins, il peut survenir à tout moment en regard des autres jalons.
Les contacts sexuels avec les personnes de même sexe peuvent permettre de
tester l’attirance homoérotique et de valider une identité sexuelle émergente
(Diamond, Savin-Williams, & Dubé, 1999). Ils peuvent prendre place dans
différents contextes relationnels (amitiés, fréquentations amoureuses ou ano-
nymes). Diamond et al. (1999) avancent que la sexualité peut constituer, en
contexte hétérosexiste, la seule avenue pour les jeunes hommes de minorités
sexuelles permettant d’établir un lien affectif et une proximité physique avec
un autre homme, étant donné la distance qui s’installe généralement entre eux
et leurs pairs masculins hétérosexuels à l’adolescence. Dans ce contexte, le sexe
anonyme peut être plus facile à soustraire au regard d’autrui.
La majorité des chercheurs inclut le premier contact avec une personne de
l’autre sexe comme un jalon possible du développement de l’identité (homo)
sexuelle (Fisher, 2012 ; Floyd & Stein, 2002). Plusieurs raisons sont évoquées

222
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

pour l’expliquer (Diamond et al., 1999 ; Savin-Williams & Cohen, 2015), à


savoir une attirance hétérosexuelle authentique concomitante à l’attraction
pour des personnes de même sexe ou les efforts pour développer une telle atti-
rance, l’expérimentation et la recherche de plaisir, la pression des pairs pour
fréquenter des partenaires de l’autre sexe, la tentative de cacher ou de nier les
attirances pour des personnes de même sexe, la recherche de confirmation de
ses préférences sexuelles ou encore l’exposition plus grande aux demandes de
l’autre sexe (plus grande chez femmes que les hommes).
La première relation amoureuse avec une personne du même sexe consti-
tue un autre jalon vers le développement d’une identité sexuelle minoritaire.
Parmi des jeunes Américaines lesbiennes et jeunes Américains gais âgés de
16 à 22 ans, D’Augelli, Rendina, Sinclair et Grossman (2008) ont observé que
33 % des jeunes garçons et 52 % des jeunes femmes avaient un petit ami de
même sexe au moment de l’étude, des relations d’une durée de un à cinq ans
pour 54 % des femmes et 37 % des hommes. Les changements récents dans la
reconnaissance sociale et juridique des couples de même sexe et les familles
homoparentales fournissent un nouveau contexte social et culturel suscep-
tible de transformer les aspirations romantiques, conjugales et familiales des
JDS. D’Augelli et al. (2008) les ont documentées dans un échantillon de jeunes
Américains gais (n = 83) et jeunes Américaines lesbiennes (n = 50), âgées
de 16 à 22 ans. Ces jeunes considéraient les relations à long terme comme
extrêmement ou très importantes (66 % des jeunes hommes ; 80 % des jeunes
femmes). Plus de la moitié de ces jeunes espérait avoir une relation monogame
dans les 5 prochaines années, bien que les jeunes femmes lesbiennes étaient
plus nombreuses à exprimer ce souhait que les jeunes hommes gais (82 % vs
61 %). Cet écart diminue quand on demande aux jeunes de se projeter après
30 ans, 92 % des lesbiennes et 82 % des homosexuels espérant alors être dans
une relation monogame. En ce qui concerne les attentes en regard du mariage,
les jeunes lesbiennes (64 %) étaient deux fois plus susceptibles que les jeunes
homosexuels (37 %) de déclarer qu’il serait très probable qu’elles épousent un
partenaire de même sexe dans le futur. En ce qui concerne les attentes relatives
à la fondation d’une famille, 36 % des lesbiennes et 20 % des gais ont signalé
qu’il serait extrêmement probable pour eux d’élever des enfants dans le futur
(D’Augelli et al., 2008). Des données québécoises colligées auprès de 259 JDS
âgés de 14 à 21 ans suggèrent que 73 % des filles, 65 % des garçons et environ
70 % des jeunes qui se disent d’une autre identité de genre songent à épouser
un jour une personne du même sexe qu’eux, et 68 % des répondants ont men-
tionné désirer avoir des enfants (Dorais, Mendo, & Vaillancourt, 2014).
Malgré ces aspirations assez similaires aux jeunes hétérosexuels, les JDS doivent
aussi faire face à des défis uniques en ce qui concerne leurs relations amoureuses,
tels que l’hétérosexisme, le stress minoritaire, le manque de modèles de couples
de même sexe et les normes de relations socialement prescrites (Greene, Fisher,

223
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Kuper, Andrews, & Mustanski, 2015). Non seulement l’hétérosexisme dans la


société contribue-t-il à un manque de soutien pour les couples de même sexe,
mais la prévalence des personnes de la diversité sexuelle dans la société implique
un nombre relativement faible de partenaires romantiques potentiels, et ces der-
niers sont souvent invisibles étant donné que peu de JDS dévoilent leur identité
sexuelle (Mustanski, Birkett, Greene, Hatzenbuehler, & Newcomb, 2014).
L’acceptation de soi et la synthèse de l’identité ont longtemps été considé-
rées comme l’étape ultime du développement de l’identité sexuelle minoritaire.
Elles s’accompagnent d’un sentiment d’authenticité, de paix, de réalisation
de soi chez l’individu, d’une absence de réactions défensives à l’égard de leur
identité sexuelle, ainsi que d’interactions positives avec les personnes hétéro-
sexuelles et d’une intégration de l’identité sexuelle à l’identité personnelle, sans
pour autant y accorder un rôle prépondérant (Savin-Williams & Cohen, 2015 ;
Savin-Williams, 2011). Toutefois, cette intégration ne se réalise pas nécessai-
rement et n’est plus considérée comme une étape ultime à atteindre. Certaines
personnes ayant une attirance envers des personnes de même sexe, exclusive
ou non, ne s’identifieront jamais comme personne LGB, préférant fonder leur
identité sur d’autres dimensions (religieuses, ethniques, etc.). L’acceptation de
soi et la synthèse de l’identité sexuelle et de l’identité personnelle ne sont plus
conçues comme un stade spécifique, mais comme un processus multidimen-
sionnel (ces dimensions sont présentées dans la section suivante).
L’étude des jalons du développement et de l’intégration d’une identité
sexuelle minoritaire a permis de révéler une diversité de trajectoires qui se
démarquent des modèles par stades. Les études qui utilisent des méthodes de
classification des répondants en fonction de leur patron de réponses relèvent
jusqu’à cinq trajectoires types. Par exemple, s’appuyant sur l’âge auquel
surviennent quatre jalons (prise de conscience d’une attirance envers les
personnes de même sexe, contact sexuel avec une personne de même sexe,
dévoilement à une autre personne [autre que les parents] et dévoilement à un
parent), Floyd et Stein (2002) ont identifié cinq profils types dans un échan-
tillon de 72 jeunes gais (16 à 27 ans), lesbiennes et bisexuel(le)s américains
(50 % femmes). Un premier bloc de trois profils présentait des trajectoires
hâtives, débutant par une prise de conscience de l’attirance envers des per-
sonnes de même sexe entre 8,7 et 9,6 ans. Un seul de ces profils hâtifs pré-
sentait une trajectoire typique des modèles par stade, avec une progression
rapide entre les jalons culminant avec un dévoilement hâtif à autrui (vers 15
ans) et aux parents (avant 18 ans). Les deux autres trajectoires présentaient un
délai soit dans l’expérience sexuelle (une première expérience sexuelle avec
une personne de même sexe vécue après 16 ans ou encore absente au moment
de l’étude), soit le dévoilement (survenant après 16 ans pour une autre per-
sonne ou, pour les parents, après 18 ans ou encore non réalisé au moment de
l’enquête). Un second bloc de deux autres profils présentait des trajectoires

224
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

tardives, débutant par une prise de conscience tardive de l’attirance pour une
personne de même sexe (après 11 ans), une première expérience sexuelle avec
une personne de même sexe tardive (après 16 ans) ou absente au moment
de l’étude, un dévoilement à autrui tardif (après 18 ans) et un dévoilement
aux parents tardif (après 18 ans) ou non survenu. Basée sur un échantillon de
volontaires non représentatifs, cette étude ne permet pas de conclure sur la
prédominance d’un profil en particulier chez les JDS.
S’appuyant plutôt sur le temps écoulé depuis l’expérience de quatre jalons
(prise de conscience, questionnement de son orientation sexuelle, identifica-
tion comme lesbienne, gai ou bisexuel, et dévoilement), Rosario et al. (2008)
ont dégagé deux trajectoires types de développement identitaire : l’une où le
temps écoulé depuis l’expérience des jalons est relativement bref (entre 2,6 et
5,6 ans), qualifié de développement récent, et l’autre où le temps écoulé est plus
long (entre 5,7 et 9,7 ans), qualifié de développement hâtif. Les répondants du
groupe présentant un développement hâtif étaient plus susceptibles d’avoir été
agressés sexuellement dans l’enfance, confirmant les travaux antérieurs sug-
gérant que l’agression sexuelle peut contribuer à une sensibilisation précoce à
la sexualité et conduire à une prise de conscience et un questionnement hâtifs
de son orientation sexuelle. Toutefois, ces deux trajectoires ne présentaient
pas de distinction dans l’engagement dans des activités lesbiennes, gaies ou
bisexuelles, les attitudes à l’égard de l’homosexualité et de la bisexualité, le
confort à l’égard du dévoilement de son orientation sexuelle et l’ampleur de
son dévoilement à autrui.
D’autres exemples de trajectoires existent et proposent des modèles à 2, 3 ou
4 trajectoires (Friedman, Marshal, Stall, Cheong, & Wright, 2008 ; Savin-Wil-
liams & Diamond, 2000), mais les résultats varient principalement en fonction
de la taille des échantillons, du choix des jalons inclus dans les analyses, de
l’objet précis de l’analyse (l’âge auquel surviennent les jalons ou l’intervalle de
temps entre les jalons) et de la méthode d’analyse choisie (catégorisation par le
chercheur, regroupements par grappes, analyse de classes latentes). Dans tous
les cas, ils révèlent des trajectoires multiples présentant une variabilité impor-
tante dans la séquence des jalons, le temps écoulé entre eux et la durée de la
trajectoire entre le premier et le dernier jalon expérimenté, se démarquant
ainsi significativement des modèles par stades.

3.3. L’intégration de l’identité sexuelle minoritaire


Considérées par les modèles par stades comme l’étape ultime et souhaitable
du développement des JDS, l’acceptation de soi et la synthèse de son iden-
tité ne sont plus décrites aujourd’hui comme une étape délimitée à atteindre.
Elles sont plutôt conçues comme un processus multidimensionnel d’intégra-
tion de son identité sexuelle minoritaire et le développement psychosexuel des

225
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

personnes de la diversité sexuelle est décrit en référence à leur positionnement


sur des enjeux qui témoigneraient d’une intégration plus ou moins harmo-
nieuse de leur identité sexuelle minoritaire. Cette intégration est évaluée en
fonction de dimensions spécifiques et non spécifiques aux personnes de la
diversité sexuelle. Les marqueurs de l’intégration de l’identité sexuelle mino-
ritaire qui leur sont spécifiques font largement écho aux facteurs identifiés
dans le cadre des modèles par stades, tout en en proposant une perspective
dimensionnelle.
Mohr et Kendra (2011) proposent différents marqueurs de l’intégration de
l’identité LGB. Certains marqueurs témoigneraient de difficultés dans l’inté-
gration de son identité LGB : les préoccupations relatives à l’acceptation de
son identité LGB par autrui ; la dissimulation de l’orientation sexuelle ; l’incer-
titude relative à son identité LGB ; l’homonégativité intériorisée ; la perception
de supériorité de l’identité LGB ; et les difficultés relatives à l’acceptation de
soi. L’affirmation et la centralité de l’identité LGB seraient, au contraire, des
marqueurs positifs d’intégration.
Riggle, Gonzalez, Rostosky et Black (2014) ont étudié l’importance de l’es-
time de soi, de l’estime de soi collective et d’une identité LGBTQA positive sur
le bien-être des JDS. L’estime de soi réfère à la valeur que s’accorde l’individu.
L’estime de soi collective décrit plutôt l’opinion plus ou moins favorable de
l’individu à l’égard du groupe auquel il appartient. L’identité LGBTQA est
multidimensionnelle. Elle réfère à l’authenticité, la conscience de soi, les capa-
cités d’introspection et de croissance personnelle à l’égard de son statut de
minorité sexuelle ou d’allié, la flexibilité dans l’expression du genre, la capa-
cité d’entrer en relation intime, le sentiment de liberté à explorer les relations
intimes et la sexualité, l’empathie et la compassion pour les autres, la capacité
à être un mentor, un modèle ou un militant et le sentiment d’appartenance à
la communauté LGBTQ. Ces trois dimensions contribueraient au bien-être,
à la santé mentale et à la résilience chez les personnes de la diversité sexuelle,
pouvant ainsi contribuer à maintenir un fonctionnement psychologique posi-
tif dans des environnements sociaux peu soutenants.
Riggle, Mohr, Rostosky, Fingerhut, et Balsam (2014) ont proposé cinq
marqueurs témoignant d’une intégration harmonieuse de l’identité LGB : la
croyance que son identité LGB a contribué à augmenter la conscience de soi ;
l’authenticité, qui renvoie au confort de l’individu à l’égard de son identité
LGB et au confort à la dévoiler dans ses interactions avec autrui ; le sentiment
d’être engagé dans la communauté LGB et d’en retirer un soutien ; la croyance
que son identité LGB augmente sa capacité à entrer en relation intime et le
sentiment d’être sexuellement libre ; et la croyance que l’identité LGB sensibi-
lise aux différentes formes d’oppression et à l’importance de la justice sociale.
Riggle et Mohr (2015) ont adapté aux personnes transidentifiées ces mesures
qu’ils décrivent comme des ressources, des valeurs et des forces susceptibles

226
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

d’accroître leur bien-être. Néanmoins, peu d’études permettent de valider


l’importance de ces dimensions sur le développement à long terme des per-
sonnes la diversité sexuelle.
Le Tableau 3 présente des exemples d’énoncés tirés des questionnaires de
Mohr et Kendra (2011), de Riggle, Mohr et al. (2014) et Riggle, Gonzalez et al.
(2014) qui permettent d’opérationnaliser ces marqueurs.

Tableau 3. Dimensions de l’intégration de l’identité sexuelle minoritaire et exemples d’énon-


cés permettant de les opérationnaliser

Marqueurs d’intégration
Exemples d’énoncés
de l’identité sexuelle
Dissimulation de son • Je garde un contrôle sur les personnes qui connaissent
orientation sexuellea mes relations amoureuses avec des personnes de même sexe.
• Mon orientation sexuelle est une question très personnelle
et privée.
Incertitude relative à son • Je ne suis pas tout à fait certain de mon orientation sexuelle.
identité LGBa • Il m’arrive de changer d’idée à propos de mon orientation
sexuelle.
Homonégativité • Je souhaiterais être hétérosexuel.
intérioriséea • Si j’en avais la possibilité, je préfèrerais être hétérosexuel.
Préoccupations relatives à • Il m’arrive souvent de me demander si les autres me jugent
l’acceptation de son iden- à cause de mon orientation sexuelle.
tité LGB par autruia • Je ne me sens pas confortable de savoir que les autres
me jugent négativement à cause de mon orientation sexuelle.
Affirmation de l’identité • Je suis heureux d’être une personne gaie, lesbienne ou
LGBa bisexuelle.
• Je suis fier de faire partie de la communauté gaie et lesbienne
Supériorité de l’identité • Je pense que les personnes LGB sont supérieures aux
LGBa personnes hétérosexuelles.
• Les personnes hétérosexuelles ont des vies ennuyeuses
comparées aux personnes LGB.
Centralité de l’identité • Mon orientation sexuelle est un élément central de
LGBa mon identité.
• Être une personne LGB est un aspect important dans ma vie.
Difficultés relatives à • Admettre que je suis une personne gaie, lesbienne, bisexuelle
l’acceptation de soia a été un processus très douloureux et difficile pour moi.
• Reconnaître que je suis une personne gaie, lesbienne ou
bisexuelle a été un très long processus.
Authenticitéb • Je suis à l’aise avec mon identité LGBT.
• Je sens que je peux être honnête et partager mon identité
LGBT avec les autres.
Capacités d’introspection • Mon identité LGBTA me motive à être plus conscient
et de croissance person- de moi-même.
nelle à l’égard de son statut • Je ressens un sentiment de paix intérieure quant à
LGBTAb mon identité LGBTA.

227
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Flexibilité dans l’expres- • Mon identité LGBT me libère de l’obligation d’agir comme
sion du genreb un « vrai homme » ou une « vraie femme ».
• J’ai la liberté de créer mes propres rôles de genre en raison
de mon identité LGBT.
Capacité d’entrer en rela- • En raison de mon identité LGBT, je suis plus en phase avec
tion intimeb ce qui se passe autour de moi.
• Mon identité LGBT me permet de mieux comprendre
mon partenaire sexuel.
Sentiment de liberté à • Mon identité LGBT me libère des contraintes de choix
explorer les relations associé à mon partenaire sexuel.
intimes et la sexualitéb • Je ressens un sentiment de liberté sexuelle en raison de mon
identité LGBT.
Empathie et compassion • Je suis plus sensible aux préjugés et à la discrimination
pour autruib à l’égard d’autrui étant donné mon identité LGBT.
• J’ai plus de respect pour les individus qui sont différents
des attentes qu’entretient la société étant donné
mon identité LGBT.
Capacité à être un mentor, • Mon expérience en tant que personne LGBT m’amène
un modèle ou un militantb à me battre pour les droits des autres.
• En tant que personne LGBT, il est important pour moi d’agir
comme un défenseur des droits LGBT.
Sentiment d’appartenance • Je me sens intégré dans la communauté LGBT.
à la communauté LGBTb • Je sens que la communauté LGBT me soutient.
Estime de soic • J’ai une attitude positive à l’égard de moi-même.
Estime de soi collectivec • L’appartenance à la communauté LGBTQA est une partie
importante de mon estime de moi-même.
Identité LGBTQA • Mon identité LGBTQA m’a conduit à développer
positivec une nouvelle perspective sur mes forces.
• Mon identité LGBTQA m’aide à développer des habiletés et
compétences qui améliorent ma qualité de vie.

Notes. a Mohr & Kendra, 2011; b Riggle, Mohr et al., 2014; c Riggle, Gonzalez et al., 2014. Notre
traduction.

D’autres travaux ouvrent la voie d’une exploration des marqueurs d’une


transition réussie chez les JDS, notamment en intégrant les modèles centrés
sur les ressources personnelles, sociales et contextuelles qui soutiennent un
développement favorable et le bien-être. S’appuyant sur une approche du
développement réussi reposant sur les qualités, les forces et les expériences
positives vécues par l’individu, Busseri, Willoughby, Chalmers, et Bogaert
(2006) ont étudié huit marqueurs répartis dans trois domaines : intraper-
sonnel (attitudes à l’égard du risque, fonctionnement psychologique, cen-
tration sur l’école), interpersonnel (qualité des relations avec les parents et
avec les amis, expériences de victimisation) et environnemental (qualité du
milieu scolaire et du voisinage). Ils ont étudié ces marqueurs auprès de plus
de 7 000 adolescents canadiens de 13 à 18 ans répartis dans quatre groupes

228
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

d’orientation sexuelle : (1) attirance exclusivement hétérosexuelle ; (2) atti-


rance principalement hétérosexuelle ; (3) attirance bisexuelle ; et (4) atti-
rance homosexuelle. Dans les analyses intergroupes, les groupes minori-
taires ne se distinguaient pas entre eux, mais ils présentaient, sur certaines
dimensions, des scores plus faibles que les jeunes exclusivement hétéro-
sexuels, sans distinction de genre, soulignant l’expérience de défis particu-
liers aux JDS. Les jeunes rapportant une attirance bisexuelle présentaient
des scores plus faibles sur six des huit marqueurs (seules exceptions, qualité
des relations amicales et du milieu scolaire). Les jeunes rapportant une atti-
rance homosexuelle exclusive évaluaient plus défavorablement quatre des
huit marqueurs : fonctionnement psychologique, qualité des relations avec
les parents, expériences de victimisation et qualité du voisinage. Quant aux
jeunes principalement hétérosexuels, ils se distinguaient défavorablement
des jeunes exclusivement hétérosexuels sur deux marqueurs, à savoir le fonc-
tionnement psychologique et la qualité des relations avec les parents. Malgré
ces différences, cette étude permet aussi de montrer des similitudes entre
les JDS et leurs pairs hétérosexuels dans les marqueurs du développement
(notamment la centration sur l’école et les attitudes à l’égard du risque).
Coulter et al. (2016) ont évalué, dans une cohorte de plus de 1 800 adoles-
cents américains, le modèle des 5C du développement positif des jeunes : com-
pétence, confiance en soi, connexion, caractère et compassion (Bowers et al.,
2010; Heck & Subramaniam, 2009). La compétence désigne une vision posi-
tive de ses compétences dans les domaines social (relations interpersonnelles),
cognitif (ex. : la prise de décisions), la réussite et la persévérance scolaires, les
habitudes de travail, etc. La confiance en soi décrit un sens général positif de sa
valeur et de son auto-efficacité. La connexion décrit les liens positifs entretenus
avec les autres et avec les institutions, dont témoignent les échanges bidirec-
tionnels entre l’individu et ses pairs, sa famille, son école, sa communauté, etc.
La dimension caractère renvoie au respect des règles sociales et culturelles, la
reconnaissance des normes de comportements adéquats, la capacité à distin-
guer le bien et le mal (la moralité) et l’intégrité. Enfin, la compassion désigne
la capacité d’empathie et de sympathie pour autrui. Coulter et al. (2016) ont
constaté que les JDS rapportaient des scores plus faibles que les autres sur les
dimensions compétence, confiance et connexion. Ils ont montré que la victi-
misation expliquait, en partie, ces scores plus faibles.
Ces études permettent de documenter une diversité de marqueurs d’un
développement psychosexuel harmonieux chez les JDS qui constituent des
pistes prometteuses tant pour la planification d’interventions leur étant desti-
nées que pour l’évaluation de ces interventions. Elles confirment aussi que les
JDS peuvent accéder à un développement positif lorsque leur environnement
leur est favorable.

229
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

3.4. La fluidité sexuelle et les trajectoires développementales


différentielles
Les modèles basés sur des stades ou des jalons reposent sur la prémisse, remise
en question, que les JDS ont des trajectoires développementales distinctes des
jeunes hétérosexuels, que seuls les JDS doivent intégrer harmonieusement
leur orientation sexuelle, développer une identité sexuelle et intégrer cette
identité sexuelle à leur identité personnelle. Ils reposent également sur une
vision binaire de l’orientation sexuelle qui laisse peu de place à la bisexualité
ou au changement d’orientation ou d’identité sexuelle au cours de la vie. Dia-
mond (2008) propose de considérer la formation de l’identité sexuelle comme
un processus plutôt que comme une finalité développementale. Elle place la
fluidité sexuelle au cœur de sa conception, qu’elle définit comme une réacti-
vité sexuelle qui varie en fonction des situations et qui se manifeste par des
changements dans l’identité ou l’attirance sexuelle au fil du temps (Diamond,
2008).
Des données récentes mettent en lumière une diversité de trajectoires qui
appuient l’hypothèse d’une fluidité de l’identité sexuelle. Un exemple récent
de ces résultats est illustré dans l’étude de Fish et Pasley (2015). Les auteurs ont
identifié cinq trajectoires à partir des réponses obtenues auprès d’un échan-
tillon représentatif de plus de 12 000 jeunes Américains âgés de 13 à 18 ans
et questionnés sur l’évolution de leur attirance sexuelle, leurs comportements
sexuels et leur autodescription de leur orientation sexuelle sur une période de
14 ans. Deux trajectoires décrivent la majorité des participants et regroupent
des personnes rapportant une attirance sexuelle exclusivement pour les per-
sonnes de l’autre sexe, des comportements sexuels exclusivement avec des
personnes de l’autre sexe et décrivant leur orientation sexuelle comme 100 %
hétérosexuelle. Ces deux trajectoires se distinguent par le moment auquel les
participants ont commencé à avoir des partenaires sexuels/romantiques (soit
à l’adolescence, pour 58 % de l’échantillon qualifiés d’hétérosexuels hâtifs, ou
au début de l’âge adulte pour 30 % de l’échantillon qualifié d’hétérosexuels tar-
difs). Les personnes de la diversité sexuelle sont regroupées dans trois autres
trajectoires. La trajectoire hétéroflexible (6 % de l’échantillon) qui regroupe
les personnes qui ont rapporté une attirance pour l’autre sexe dans les deux
premières vagues (12 à 18 ans) ainsi que la dernière vague de collecte de don-
nées, mais ils ont rapporté, à la troisième vague (18-24 ans), une attirance pour
des personnes de même sexe. Tout comme l’attirance, l’auto-identification
change durant cette troisième vague puisque la majorité du groupe adopte
une identité bisexuelle ou principalement hétérosexuelle. Fait à noter, seuls
les comportements n’ont pas suivi cette tendance et sont restés similaires. La
trajectoire décrivant les personnes bisexuelles tardives décrit une attirance et
des comportements sexuels avec des personnes de l’autre sexe dans les trois

230
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

premières vagues, mais un changement dans l’auto-identification et l’attirance


à la quatrième vague (24-32 ans). Ainsi, la majorité du groupe s’identifie à
l’âge de 24 à 32 ans comme bisexuelle ou principalement hétérosexuelle et la
totalité rapportait avoir une attirance pour les deux sexes. Finalement, dans
la cinquième trajectoire, le groupe LG(B), une plus grande proportion d’in-
dividus ont une attirance pour le même sexe ou les deux sexes. De plus, les
personnes de ce groupe s’identifient majoritairement comme 100 % homo-
sexuelles ou principalement homosexuelles et ont des comportements sexuels
avec des personnes du même sexe ou des deux sexes (Fish & Pasley, 2015).
Le modèle des trajectoires développementales différentielles proposé par
Savin-Williams (2011) résume les résultats de la recherche sur le dévelop-
pement de l’identité sexuelle en quatre principes. D’abord, les jeunes atti-
rés par des personnes du même sexe ont des trajectoires développementales
similaires aux autres et sont sujets aux mêmes influences biologiques, psy-
chologiques et sociales. La focalisation exclusive sur les conséquences de
l’attirance envers des personnes de même sexe dans les modèles de déve-
loppement de l’identité sexuelle peut avoir pour conséquence d’attribuer
erronément à une orientation sexuelle spécifique (minoritaire) des expé-
riences adolescentes normales et répandues. Ensuite, les jeunes attirés par
des personnes du même sexe ont des trajectoires développementales diffé-
rentes des jeunes attirés par des personnes de l’autre sexe en raison de fac-
teurs possiblement biologiques et culturels, tels que l’hétérosexisme qui se
traduit par un traitement social préjudiciable des personnes qui présentent
des intérêts et des comportements divergeant des normes traditionnelles de
genre et de sexualité. De plus, les jeunes attirés par des personnes du même
sexe, incluant ou non une attirance pour des personnes de l’autre sexe, ne
forment pas un groupe homogène, tout comme les jeunes attirés par des per-
sonnes de l’autre sexe n’en forment pas un. Leurs trajectoires se diversifient
notamment sous l’influence du genre, de l’ethnicité, du lieu de résidence, du
statut socioéconomique et des effets de cohorte. Enfin, les jeunes attirés par
des personnes du même sexe empruntent des trajectoires idiosyncrasiques,
rendant ainsi peu informative, pour une personne donnée, la description
générale de différences et de similitudes sous forme de moyennes de groupe.
Ces principes remettent en question l’idée que les JDS auraient plus en
commun avec les autres JDS qu’avec leurs pairs hétérosexuels, et vice-versa, et
mettent l’accent sur la nécessité de penser l’orientation sexuelle comme l’une
des caractéristiques de l’identité personnelle, mais certainement ni la seule, ni
celle qui domine nécessairement (Savin-Williams, 2011). Cette nouvelle pers-
pective scientifique sur le développement des JDS apparaît plus appropriée
pour comprendre la diversification des catégories à travers lesquelles les JDS
se pensent aujourd’hui et la place très variable qu’ils accordent à leur identité
sexuelle dans leur identité personnelle. Néanmoins, il reste à mieux articuler

231
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

cette perspective aux travaux sur le stress minoritaire qui montre que si les
JDS ne forment pas un groupe homogène, leur développement est profondé-
ment affecté par des facteurs communs qui se rapportent à l’hétérosexisme, à
l’hétéronormativité et au stress minoritaire.

3.5. Le développement identitaire des jeunes transgenres


ou en questionnement de leur identité de genre
Si la réalité transgenre acquiert une visibilité grandissante dans l’espace
public et suscite un intérêt grandissant par les chercheurs en psychologie et
en sciences sociales, il existe encore peu de données sur le développement
identitaire des personnes de minorités de genre qui adhèrent à une approche
positive de la diversité de genre et ne soient pas colligées dans une perspec-
tive biomédicale. Dans cette section, nous allons présenter une brève recen-
sion des principaux modèles afin d’éclairer les tâches développementales et
les défis auxquels peuvent être confrontés les jeunes qui s’identifient comme
transgenre ou en questionnement.
Devor (2004) a proposé un modèle composé de 14 stades possibles. L’au-
teur précise que chaque personne transgenre en fait l’expérience à un rythme
personnel ou idiosyncrasique, certains stades pouvant être répétés et d’autres
ne jamais être vécus. De plus, le modèle peut être inapplicable à certaines per-
sonnes. Les trois premiers stades sont : 1) une anxiété persistante, un inconfort
général non attribué au genre ou sexe assigné à la naissance ; 2) une confusion
quant au sexe et au genre assignés à la naissance et la difficulté à s’y recon-
naître et 3) l’exploration d’identités alternatives permettant l’expression de
variations de genre, par exemple l’identité lesbienne ou gaie. Les trois stades
suivants décrivent : 4) la découverte des réalités transgenres, 5) la confusion
quant à la possibilité d’être transgenre ou transsexuel, et 6) la comparaison de
soi à l’identité transgenre. Ce sont trois stades pendant lesquels les personnes
en questionnement cherchent plus activement de l’information sur les réalités
transgenres et commencent à se désidentifier des sexe et genre assignés à la
naissance. Par la suite, 7) une tolérance grandissante à l’identité transgenre se
met en place, 8) et la personne expérimente son identité dans son quotidien, 9)
jusqu’à ce qu’elle puisse se dire transsexuelle ou transgenre. Ce stade marque
un nouveau début, à partir duquel la personne se présente à autrui comme
une personne transgenre. Les stades suivants décrivent les processus (10) et
les actions qui mènent à la décision d’effectuer une réassignation du sexe et
du genre (11). Les trois derniers stades décrivent les processus qui mènent
à l’acceptation post-transition (12), à l’intégration de l’identité transgenre à
l’identité personnelle (13) et à la fierté, pouvant s’accompagner d’un militan-
tisme transgenre (14).

232
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

D’autres modèles ont été proposés. Hiestand et Levitt (2005) proposent


6 étapes chez des femmes qui ne s’identifient pas à la féminité. Bockting et
Coleman (2007) proposent un modèle d’intégration de l’identité transgenre
en 5 stades, inspirés du modèle de Coleman (1982) développé chez les mino-
rités d’orientation sexuelle et présenté précédemment. Ces modèles partagent
plusieurs caractéristiques communes telles que des étapes initiales de détresse,
de confusion et d’exploration d’identités alternatives jusqu’à une étape d’ad-
hésion à une identité qui leur permette de retrouver un sentiment d’authen-
ticité et de cohérence entre leur sentiment d’appartenance à un genre, sa tra-
duction comportementale et le vécu de cette nouvelle identité dans différents
contextes sociaux (Levitt & Ippolito, 2014).
Par ces modèles, ces chercheurs souhaitent proposer une alternative au
diagnostic de trouble de l’identité de genre, affirmant que les variations de
genre font partie de la diversité humaine, que le développement d’une identité
de genre minoritaire est un processus sain, mais qu’il est complexifié par les
pressions sociales et culturelles à se conformer aux rôles de genre (Bockting,
2009 ; Hiestand & Levitt, 2005). En effet, comme les personnes de la diversité
d’orientation sexuelle, les personnes de la diversité de genre sont confrontées
à des pressions importantes pour se conformer aux attentes sociales et cultu-
relles sur le genre, lesquelles les placent dans des situations de vulnérabilité
(White Hughto, Reisner, & Pachankis, 2015).

4. Les facteurs contribuant au développement


psychosexuel harmonieux des JDS :
des pistes prometteuses pour l’intervention
L’intégration harmonieuse d’un statut minoritaire d’orientation sexuelle
ou de genre, l’acquisition de compétences sociales, notamment en contexte
romantique et sexuel, le développement et la poursuite d’aspirations scolaires,
le maintien de relations harmonieuses avec la famille d’origine constituent
des tâches développementales considérées cruciales pour les JDS. La négo-
ciation avec succès de ces tâches dépend largement de l’importance de l’hété-
rosexisme, de l’hétéronormativité et de l’homonégativité dans leur contexte
social et culturel. De plus en plus d’études s’attardent à la description des fac-
teurs qui contribuent au développement psychosexuel harmonieux des JDS.
Ces facteurs interviennent soit en réduisant la probabilité d’occurrence d’évé-
nements stressants, traumatiques, soit en atténuant leurs effets sur le bien-être
et la santé mentale des JDS, offrant ainsi des pistes d’intervention importantes
auprès des JDS. Il est aussi souhaitable que les personnes qui œuvrent auprès
d’eux — intervenants psychosociaux, psychologues, sexologues, travailleurs

233
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

sociaux, psychoéducateurs, enseignants, etc. — se positionnent comme des


alliées de leur développement positif.

4.1. Des caractéristiques personnelles


Différentes caractéristiques personnelles peuvent soutenir les JDS dans leur
développement. La motivation à trouver du soutien social, l’ouverture émo-
tionnelle, une identité LGBT positive (rejet des stéréotypes, acceptation de son
identité sexuelle, engagement dans la communauté LGBT, etc.), l’optimisme à
l’égard du futur (Hill & Gunderson, 2015) et l’agentivité (Meyer, 2015) favo-
riseraient le bien-être, la résilience et le fonctionnement psychologique des
JDS en présence de conditions difficiles (homophobie, hétérosexisme, etc.).
Divers traits de personnalité (ex. : faible névrosisme et niveaux élevés d’ouver-
ture à l’expérience, d’extraversion, d’agréabilité et du caractère consciencieux)
réduiraient la suicidalité (Livingston et al., 2015). Le modèle des 5C, appliqué
à l’étude des JDS par Coulter et al. (2016), montre l’importance de développer
leur sentiment de compétence dans de multiples domaines, la confiance en
eux-mêmes, la connexion à travers des échanges riches avec les personnes et
les institutions, des forces de caractère valorisant l’intégrité et la moralité, ainsi
que la compassion envers les autres.
Les travaux issus de la psychologie positive permettent de recadrer le sta-
tut sexuel minoritaire comme une différence constituant une source poten-
tielle de force et de croissance (Vaughan et al., 2014). Parmi les 24 forces du
caractère proposées par Peterson et Seligman (2004), huit ont fait l’objet d’une
attention particulière dans les travaux sur les personnes de la diversité sexuelle
(Vaughan et al., 2014) : la créativité, la bravoure, l’authenticité, l’enthousiasme,
l’amour, l’intelligence sociale, la citoyenneté et l’équité. Les interventions des-
tinées à soutenir les JDS devraient viser le développement ou la consolidation
de ces caractéristiques individuelles. Pour y parvenir, les JDS doivent bénéfi-
cier d’un environnement interpersonnel, institutionnel et sociolégal qui leur
soit favorable.

4.2. Des facteurs interpersonnels


4.2.1. La qualité des relations avec les parents
Les parents et la fratrie jouent un rôle crucial dans le développement des JMS.
Pourtant, plus de la moitié (67 %) des personnes interrogées ne parlent pas du
fait qu’elles sont LGBT devant les membres de leur famille ou ne le font que
devant quelques membres (FRA, 2013). Parmi les actes de violence les plus
récents qui ont été commis au cours de l’année écoulée parce que la victime
avait été perçue comme une personne LGBT, 10 % des incidents l’ont été par un

234
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

membre de l’environnement immédiat de la victime (FRA, 20138). Les parents


peuvent éprouver des réactions variées et contradictoires au dévoilement d’une
identité LGB de leur enfant, telles qu’un sentiment d’échec, des doutes par rap-
port à la stabilité de l’orientation sexuelle de leur enfant, ou la peur des réac-
tions de leur entourage (D’Amico, Julien, Tremblay, & Chartrand, 2012). Parmi
les conséquences extrêmes de ces réactions négatives, on trouve l’expulsion du
domicile familial, qu’elle soit précipitée directement par les réactions négatives
des parents ou indirectement par leur anticipation. Les enquêtes américaines
estiment d’ailleurs que 30 % à 45 % des jeunes en situation de rue sont des jeunes
LGBTQ (Durso & Gates, 2012; Keuroghlian, Shtasel, & Bassuk, 2014).
Néanmoins, plusieurs parents réussissent à mettre en place des formes
de soutien : 1) un soutien direct, par exemple en exprimant leur sollicitude
à l’égard de leur enfant, en le protégeant des réactions négatives possibles de
l’entourage par une divulgation sélective, ou en s’impliquant dans des sorties
ou des activités LGB avec lui ; 2) un soutien direct à la vie amoureuse de l’en-
fant en accueillant le partenaire amoureux et en acceptant les marques d’affec-
tion ; 3) un soutien indirect en étant à l’aise de dévoiler l’orientation sexuelle
de l’enfant dans leur entourage ou en défendant la cause de l’homosexualité
en société ; et 4) un soutien de la famille immédiate ou élargie (D’Amico et al.,
2012, p. 134).
Willoughby, Malik et Lindahl (2006) avancent qu’à travers la quête de
validation de leur expérience que représente le dévoilement de leur identité
sexuelle, ils intériorisent les réactions auxquelles ils font face et développent
une représentation d’eux-mêmes conséquente. Un climat familial posi-
tif constitue un facteur de protection contre la discrimination chez les JDS
(Freitas, D’Augelli, Coimbra, & Fontaine, 2016). Le soutien parental permet
d’atténuer les effets défavorables de la victimisation homophobe sur la santé
mentale des JDS, possiblement en les aidant à consolider un sentiment de
sécurité identitaire et des mécanismes de gestion du stress (Bergeron, Blais, &
Hébert, 2015). Chez les jeunes transidentifiés ou en questionnement de leur
identité de genre, la violence verbale des parents, notamment les insultes ou
l’appellation par des épithètes péjoratives, constitue un facteur affectant défa-
vorablement leur estime d’eux-mêmes et contribuant à accroître leur détresse
psychologique (Raymond, Blais, Bergeron, & Hébert, 2015). Au contraire,
le soutien social et l’acceptation par la famille favorisent l’estime de soi des
JDS et les protègent de difficultés de santé mentale telles que la dépression, la
consommation de substances ou la suicidalité (D’Amico & Julien, 2012 ; Ryan,
Russell, Huebner, Diaz, & Sanchez, 2010).

8 À moins d’indications contraires, toutes les statistiques de la FRA citées dans la suite du
texte ont été extraites spécifiquement pour le groupe d’âge 18-24 ans.

235
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

4.2.2. Les relations avec les pairs


La création de liens d’amitié et d’un réseau de soutien par les pairs se déroule
principalement durant l’adolescence et le début de l’âge adulte. Durant cette
période, les jeunes se tournent vers leurs amis pour recevoir des conseils, de
la camaraderie, du soutien émotionnel, etc. Le soutien des amis aurait un effet
positif sur le bien-être des JDS, sur le fait de divulguer et d’accepter son orien-
tation sexuelle, ainsi que sur la diminution des symptômes dépressifs (Sheets
& Mohr, 2009; Shilo & Savaya, 2011). Pourtant, ce soutien n’est souvent pas
aussi disponible pour les JDS que pour leurs pairs hétérosexuels. Hatzenbueh-
ler, McLaughlin et Xuan (2012) ont montré que les JDS, particulièrement les
filles, se sentaient plus isolés, moins connectés aux autres et avaient un plus
faible statut social dans leur réseau de pairs que les jeunes hétérosexuels. Les
JDS rapportent moins de camaraderie avec leurs meilleurs amis que leurs pairs
hétérosexuels (Williams, Connolly, Pepler, & Craig, 2005). Si les JDS qui ont
dévoilé leur identité sexuelle ont un réseau social plus large que ceux qui ne
l’ont pas fait, ils sont néanmoins plus nombreux que les jeunes hétérosexuels à
perdre des amis et à vivre avec cette crainte, notamment suite au dévoilement
de leur orientation sexuelle, ce qui influence défavorablement leur santé men-
tale (Diamond & Lucas, 2004).
Les amitiés développées ou entretenues en ligne, via les applications
mobiles, les jeux vidéo de masse ou les médias sociaux, font partie intégrante
de la réalité des adolescents et des jeunes adultes. Les trois quarts des adoles-
cents rapportent utiliser les médias sociaux tels que Facebook®, Instagram®
ou Twitter® et 74 % d’entre eux le font dans l’objectif de passer du temps avec
leurs amis, dont 23 % sur une base quotidienne (Pew Internet & American Life
Project, 2014). Internet permet également de développer de nouvelles ami-
tiés. Près de 60 % des adolescents rapportent avoir développé au moins une
amitié et près de 30 %, plus de cinq nouvelles amitiés. Néanmoins, seuls 20 %
rapportent avoir rencontré ces nouveaux amis en personne (Pew Internet &
American Life Project, 2014).
Plusieurs travaux montrent le bénéfice d’Internet pour les JDS, qui leur
permet d’exprimer librement leur orientation sexuelle et de construire leur
identité sexuelle d’une manière relativement anonyme (Shaw & Gant, 2002),
en évitant de devoir confronter les réactions potentiellement négatives des
proches dont ils dépendent. L’usage d’Internet par les JDS leur permet aussi
de développer un sentiment d’appartenance à la communauté LGBTQ, favo-
rise la promotion d’événements culturels, politiques, sociaux et rend ainsi
plus visible et normatif leur vécu affectif, social et culturel (Gudelunas, 2012;
Mehra, Merkel, & Bishop, 2004).
L’utilisation d’Internet par les JDS est associée à une réduction significative
des symptômes dépressifs et de la solitude, ainsi qu’à une augmentation du
soutien social perçu et de l’estime de soi (Shaw & Gant, 2002). De surcroît, les

236
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

JDS rapportent que leurs amis en ligne offrent un meilleur soutien que leurs
amis hors ligne (Ybarra, Mitchell, Palmer, & Reisner, 2015). Toutefois, l’usage
d’Internet et des réseaux sociaux n’est pas uniquement positif pour les JDS. La
cyberintimidation est un des facteurs qui influencent négativement la santé
mentale des jeunes en général, et les JDS en sont particulièrement victimes. La
cyberintimidation est définie comme un comportement ou un acte agressif,
intentionnel et répété d’une personne ou d’un groupe de personne contre un
individu ou un groupe par voie électronique telle que courriels, appels télé-
phoniques, messagerie texte, envoi de photos ou vidéoclips, messagerie ins-
tantanée, site web ou salon de clavardage (Smith et al., 2008). De 21,5 à 24,2 %
des jeunes de la population générale recrutés en milieu scolaire sont victimes
de cyberintimidation (Cénat et al., 2014). Cette proportion est encore plus
élevée chez les JDS (jusqu’à 33 %) et entre 10 et 30 % des situations de cyber-
intimidation chez ces derniers ciblent directement leur orientation sexuelle
(Cénat, Blais, Hébert, Lavoie, & Guerrier, 2015). Les jeunes victimes de cyber-
intimidation de toute orientation sexuelle sont significativement plus nom-
breux à rapporter de la détresse psychologique, une plus faible estime d’eux-
mêmes et des indices de suicidalité (Cénat et al., 2015 ; Sampasa-Kanyinga,
Roumeliotis, & Xu, 2014).

4.2.3. La qualité des relations amoureuses


Les expériences amoureuses sont cruciales dans le développement des ado-
lescents et des jeunes adultes, puisqu’elles leur permettent de développer
leurs premiers scripts relationnels et de se sentir aimés et importants pour
quelqu’un. Pour les JDS, ces premières relations amoureuses leurs permettent
d’entrer en contact avec quelqu’un qui a déjà vécu ou vit des défis similaires
aux leurs (Detrie & Lease, 2007). Les relations amoureuses sont associées, chez
les JDS, à l’acquisition de certaines stratégies qui facilitent la gestion du stress
minoritaire et diminuent la peur du rejet (Baams, Bos, & Jonas, 2014; Rus-
sell & Consolacion, 2003), ainsi qu’à une réduction des symptômes anxieux
et dépressifs (Davila, Steinberg, Kachadourian, Cobb, & Fincham, 2004 ; La
Greca & Harrison, 2005) et à une meilleure estime de soi (Bauermeister et al.,
2010).
Néanmoins, les relations amoureuses des JDS sont parfois marquées par la
violence, et ce, dans des proportions généralement plus élevées que leurs pairs
hétérosexuels. Dans un échantillon de plus de 3 700 JMS de 12 à 19 ans en
couple, Dank, Lachman, Zweig et Yahner (2014) ont observé des taux beau-
coup plus élevés chez les JDS de violence psychologique (59 % vs 46 %), de
violence physique (43 % vs 29 %), et de violence sexuelle (23 % vs 12 %). Les
JDS sont aussi à risque de vivre une forme de violence à laquelle les personnes
hétérosexuelles ne sont pas exposées : les menaces de divulgation de leur

237
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

orientation sexuelle à l’entourage (Freedner, Freed, Yang, & Austin, 2002).


Cinq principaux mécanismes peuvent expliquer la vulnérabilité particulière
des JDS à la violence dans leurs relations amoureuses (Blais, Hébert, Gervais &
Bergeron, 2014) : 1) l’hétérosexisme intériorisé et la honte ; 2) la dissimulation
de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ; 3) le manque de soutien et
l’isolement au sein de la relation amoureuse ; 4) la réticence à demander de
l’aide ; 5) le manque de figures identificatoires issues de la diversité sexuelle.
Ces facteurs de risque s’ajoutent à ceux qui touchent les adolescents en général
(Vagi et al., 2013 ; Vézina & Hébert, 2007), d’où une vulnérabilité potentielle-
ment accrue chez les JDS.

4.3. Des institutions favorables


Comme le soulignent Seligman et Csikszentmihalyi (2000), c’est à travers ses
institutions que la société promeut le développement de caractéristiques indi-
viduelles favorisant des expériences subjectives positives. L’école et les services
de santé constituent des institutions centrales dans le développement psycho-
sexuel des JDS.

4.3.1. L’école
La plupart des travaux qui documentent le vécu des JDS en milieu scolaire
montrent que les conditions favorables nécessaires pour créer un climat de
sécurité sont rarement rencontrées. Une récente méta-analyse réalisée sur
18 études indépendantes publiées entre 1993 et 2007 incluant près de 57 000
répondants confirme que les taux de victimisation à l’école rapportés par
les JDS sont significativement plus élevés que chez leurs pairs hétérosexuels
(Toomey & Russell, 2013). Les données de la FRA (2013) auprès des JDS âgés
de 18-24 ans montrent que plus de 90 % d’entre eux ont vu ou entendu, au
cours de leur scolarité et avant l’âge de 18 ans, des commentaires négatifs ou
constaté des comportements négatifs à l’égard d’un autre élève, parce qu’il
était perçu comme étant une personne LGBT. Deux tiers (70 %) de l’ensemble
des personnes interrogées qui ont répondu à cette question ont aussi déclaré
que ces commentaires ou ces comportements étaient fréquents ou systéma-
tiques au cours de leur scolarité avant l’âge de 18 ans. Une personne sur cinq
(22 %) ayant fréquenté un établissement scolaire ou universitaire s’est person-
nellement sentie victime de discrimination de la part du personnel scolaire du
fait d’être LGBT (FRA, 2013).
Le National School Climate Survey de 2013 portant sur près de 8 000 JDS
américains âgés de 13 à 21 ans a démontré que les trois quarts d’entre eux
vivaient du harcèlement verbal lié à leur orientation sexuelle et le tiers d’entre
eux, du harcèlement physique lié à leur orientation sexuelle (Kosciw, Greytak,

238
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

Palmer, & Boesen, 2014). Une étude québécoise sur la victimisation homo-
phobe et liée à la non-conformité de genre en milieu scolaire et ses impacts
sur les JDS rapportent que la victimisation homophobe par les pairs (autres
élèves) touche plus de la moitié d’entre eux, toutes formes confondues, et que
la prévalence de ses diverses formes en milieu scolaire varie de 12,5 % (pour
des attouchements sexuels) à 53,1 % pour l’exclusion (Boucher et al, 2013).
Confrontés à un tel climat scolaire, il n’est pas étonnant que près de trois
JDS sur quatre indiquent avoir souvent ou toujours caché le fait qu’ils étaient
LGBT au cours de leur scolarité avant l’âge de 18 ans, en particulier les jeunes
hommes et les personnes transgenres, ou que moins d’une personne sur cinq
parle du fait qu’elle est LGBT devant tous ses camarades de classe ou collègues
de travail (FRA, 2013).
Or, un climat scolaire défavorable est associé, chez les JDS, à une dimi-
nution du sentiment de sécurité et d’appartenance à l’école, à l’absentéisme
scolaire, ainsi qu’à la compromission de leur réussite, de leur persévérance et
de leurs aspirations scolaires (Birkett et al., 2009 ; Bos, Sandfort, de Bruyn, &
Hakvoort, 2008 ; Chamberland, Émond, Julien, Otis, & Ryan, 2011 ; Goode-
now, Szalacha, & Westheimer, 2006 ; Robinson & Espelage, 2011). Barrett,
Pollack, et Tilden (2002) ont proposé différentes voies par lesquelles la vio-
lence homophobe peut agir négativement sur la réussite scolaire : des relations
sociales difficiles contribuant à un sentiment de ne pas être à sa place dans le
milieu scolaire ; une participation limitée aux activités sociales et sportives,
pourtant susceptibles d’accroître les futures opportunités scolaires et profes-
sionnelles ; des relations familiales difficiles qui ne fournissent pas le soutien
social et tangible nécessaire à la réussite scolaire ; et le détournement de l’éner-
gie nécessaire à la réussite scolaire et professionnelle vers la négociation d’une
identité stigmatisée. Au contraire, diverses mesures de soutien en milieu sco-
laire telles que des groupes LGBT, l’accès à un membre du personnel pour dis-
cuter, la présence de politiques contre l’intimidation ou la formation du per-
sonnel sont associées à un plus grand sentiment de sécurité ainsi qu’à moins
de victimisation et de suicidalité chez les JDS (Goodenow et al., 2006).
L’organisme Stonewall, au Royaume-Uni, propose cinq mesures à mettre
en œuvre pour soutenir les JDS en milieu scolaire (Hall, 2015) : 1) établir une
politique de lutte contre l’intimidation qui intègre explicitement l’intimida-
tion homophobe (incluant la biphobie et la transphobie), soucieuse autant des
comportements que du langage utilisé pour décrire les personnes LGBT et
leur vécu ; 2) informer les parents ou leurs représentants de cette politique ;
3) implanter un registre des incidents à caractère homophobe ; 4) réaliser des
enquêtes auprès des étudiants, du personnel, des parents et de leurs repré-
sentants sur la présence d’homophobie ; 5) assurer des services inclusifs en
rendant disponibles, par exemple, des ressources et des informations sur les
enjeux LGBT et en assurant leur visibilité et leur accessibilité pour les étudiants.

239
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

D’autres mesures peuvent aussi être implantées, notamment le développe-


ment de scénarios destinés au personnel pour répondre adéquatement aux
incidents à caractère homophobe, la promotion des initiatives soutenant la
diversité sexuelle et la lutte contre l’homophobie, et l’inclusion explicite des
enjeux LGBT dans le curriculum de formation (Hall, 2015). Ces recomman-
dations sont en phase avec les résultats de la recherche en milieu scolaire et
sont susceptibles de permettre la création de réseaux d’alliés LGBT (Boucher
et al., 2013 ; Chamberland, Richard, & Bernier, 2013 ; Goodrich, Harper, Luke,
& Singh, 2013). Mentionnons que les JDS ne sont pas les seuls à bénéficier
d’une transformation des institutions qui leur soit favorable, car la diversité
sexuelle est aussi une opportunité éducative dont bénéficient toutes les per-
sonnes impliquées (Pichardo Galán & De Stéfano Barbero, 2015).

4.3.2. Les services de santé


Les données de la FRA (2013) auprès des JDS âgés de 18-24 ans montrent
qu’entre 31 et 86 % d’entre eux (moyenne : 59 %), selon les pays, n’ont pas
divulgué leur orientation sexuelle à leurs professionnels de la santé. De même,
dans cette même enquête, une moyenne de 9 % des participants rapporte avoir
subi de la discrimination de la part du personnel de santé. Si certaines bar-
rières relèvent davantage des JDS eux-mêmes, telles que les préoccupations
relatives à la confidentialité des services, à leur sécurité ou au dévoilement de
leur orientation sexuelle à leurs parents (Acevedo-Polakovich, Bell, Gamache,
& Christian, 2011 ; Burton, Marshal, Chisolm, Sucato, & Friedman, 2013 ;
Williams & Chapman, 2011), elles soulignent l’importance, pour les services
de santé, de mettre en place des mesures assurant un climat de confiance et
d’ouverture à la diversité sexuelle. D’autres barrières relèvent directement du
personnel soignant. Certains professionnels présenteraient un inconfort à dis-
cuter de l’orientation sexuelle avec leurs patients ou des attitudes moins favo-
rables envers les JDS qu’envers les jeunes hétérosexuels, ce qui pourrait contri-
buer à la disparité dans l’utilisation des services de santé des JDS et affecter
la qualité de la relation patient-professionnel (Institute of Medicine, 2011 ;
Sabin, Riskind, & Nosek, 2015). Certains manqueraient aussi de compétences
implicites (décrivant des pratiques hétéronormatives) ou explicites (man-
quant de formation sur la santé des JDS) et ces lacunes nuiraient à leur capa-
cité à répondre aux besoins spécifiques des JDS (Dearing & Hequembourg,
2014 ; Knight, Shoveller, Carson, & Contreras-Whitney, 2014).
Qu’il s’agisse d’attitudes défavorables aux JDS ou d’un manque de compé-
tence à intervenir auprès d’eux, il est nécessaire que les institutions de santé
soutiennent concrètement le développement professionnel de leur personnel.
Pour ce faire, elles doivent notamment éviter les pratiques hétéronormatives
et cisnormatives (ex. : en interdisant la distribution de feuillets destinés aux

240
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

personnes de la diversité sexuelle ou en émettant des formulaires qui nient la


diversité de genre). Elles doivent aussi cultiver des normes et des valeurs res-
pectant la diversité sexuelle et fournir des ressources pour implanter des pro-
grammes de sensibilisation spécifiques aux JDS (Knight et al., 2014). Plusieurs
organisations nationales et internationales ont émis des lignes directrices sur
la conduite à tenir dans la prise en charge des personnes LGBT, rappelant leur
position contre les approches visant le changement de l’orientation sexuelle
de l’homosexualité à l’hétérosexualité ou en faisant la promotion. Ces organi-
sations incluent notamment l’Association américaine de psychologie, l’Asso-
ciation américaine de psychiatrie, l’Organisation panaméricaine de la santé,
l’Académie américaine de pédiatrie et elles publient des lignes directrices pour
la prise en charge des personnes de la diversité sexuelle (American Psycholo-
gical Association, 2012).

4.4. Le contexte sociolégal


Les pratiques sociales et institutionnelles s’inscrivent dans un contexte socio-
légal dont les effets sont tangibles. Parmi les facteurs ayant historiquement
contribué à soutenir un développement harmonieux des JDS, on peut rele-
ver la décriminalisation des relations sexuelles entre personnes de même sexe,
la protection de l’orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination
dans les chartes de droits et libertés, la fin de la politique ne rien demander,
ne rien dire à propos de l’orientation sexuelle dans l’armée (« don’t ask, don’t
tell »), les droits sociaux accordés aux conjoints de même sexe, la reconnais-
sance juridique du mariage gai, les changements de réglementation sur le
changement de la mention de sexe à l’État civil pour les personnes trans, la
reconnaissance de l’homoparentalité et de la transparentalité, etc. (pour une
liste des événements historiques concernant les personnes LGBT, voir Cook-
Daniels, 2008). Ces transformations sociolégales ont un impact sur les per-
sonnes de la diversité sexuelle. Pour ne prendre que l’exemple des lois sur le
mariage gai et la définition de la famille, des études en ont montré les effets
négatifs (Herek, 2011), documentant par exemple comment la limitation des
aspirations à la paternité en raison des interdits légaux influence négativement
le développement psychosocial des hommes de la diversité sexuelle, notam-
ment leur estime d’eux-mêmes et leur bien-être psychologique (Bauermeister,
2014). D’autres en ont documenté les effets positifs des changements légaux
en faveur des couples de même sexe, notamment le fait pour les personnes de
se sentir légitimées, comprises, soutenues et protégées par la société et leur
communauté, de même qu’un niveau significativement plus élevé de satisfac-
tion relationnelle et moins d’anxiété et d’évitement liés à l’attachement (Mac-
Intosh, Reissing, & Andruff, 2010). Hatzenbuehler, O’Cleirigh, et al. (2012)
ont montré que dans les 12 mois ayant suivis la légalisation du mariage gai,

241
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

le nombre de visites médicales, le nombre de visites pour des soins en santé


mentale et le montant dépensé en soins de santé mentale avaient significati-
vement diminué comparativement aux données observées dans les 12 mois
ayant précédé le changement de loi, suggérant également que le soutien socio-
légal des couples de même sexe a des effets favorables sur les individus. Ces
données permettent aussi d’illustrer les coûts humains et économiques de la
discrimination sociolégale.
Dans de nombreux pays, les JDS nés des cohortes les plus récentes auront
vécu toute leur vie en sachant que deux hommes ou deux femmes peuvent
se marier et n’auront donc jamais été en contact avec les débats sociaux qui
auraient pu contribuer à remettre en question la légitimité de leur orientation
sexuelle et de leurs projets conjugaux et familiaux. Interrogé sur la contro-
verse qui a accompagné la légalisation des unions de même sexe en Espagne en
2005, un jeune homme gai répond : « Que puis-je vous dire ? Je ne me souviens
de rien à ce sujet. J’ai grandi en sachant que je pouvais épouser qui je voulais »
(Rigal & Escudero, 2015).

4.5. Le rôle des alliés


Les alliés constituent à la fois une source importante de soutien social et un
moteur de changement dans les attitudes et les politiques au sein des institu-
tions. Pour faire des personnes hétérosexuelles des alliées, Gonzalez, Riggle,
et Rostosky (2015) soulignent l’importance de promouvoir, chez elles, une
meilleure compréhension de leurs propres privilèges et de leur rôle poten-
tiel dans l’oppression des groupes minoritaires pour rendre plus efficace la
lutte contre les préjudices à l’égard des personnes de minorités sexuelles. Ces
chercheurs montrent aussi le rôle d’une connaissance accrue de l’expérience
des groupes stigmatisés, de la stigmatisation et des préjudices qu’ils subissent
permettant de modifier les relations entre le groupe majoritaire et les groupes
minoritaires. Le renforcement de valeurs positives à l’égard des groupes mino-
ritaires (compassion, connexion, empathie) est une piste prometteuse pour le
changement d’attitudes à l’égard des personnes de la diversité sexuelle. Non
seulement de tels changements permettent le développement d’un réseau
d’alliés contribuant à la création d’un climat plus favorable aux JDS dans
leurs différents milieux de vie, mais ils auraient des bénéfices pour les per-
sonnes hétérosexuelles elles-mêmes. Rostosky, Black, Riggle et Rosenkrantz
(2015) ont analysé les témoignages de près de 300 personnes hétérosexuelles
se décrivant comme des alliés LGBT et ont dégagé des bénéfices dans trois
domaines. Certains bénéfices faisaient écho à un sentiment de croissance per-
sonnelle émergeant d’une connaissance et d’une conscience plus grande de
soi et d’autrui, de la société, des privilèges du statut majoritaire, ainsi que de
la satisfaction et de la fierté de vivre selon des valeurs de justice, de moralité et

242
Chapitre 6 – Les enjeux du développement psychosexuel et social des jeunes de la diversité sexuelle

d’équité. D’autres bénéfices décrivaient diverses formes de renforcement d’un


sentiment de connexion interpersonnelle, émergeant notamment de relations
enrichissantes marquées par le soutien reçu et offert ainsi que d’un sentiment
d’appartenance à la communauté LGBT. Enfin, certains bénéfices se rappor-
taient au sentiment d’apporter une contribution sociale et communautaire
en éduquant autrui sur la diversité sexuelle, en étant un modèle d’ouverture
pour les enfants et les autres adultes hétérosexuels, en utilisant leurs privilèges
sociaux au nom de l’égalité, ainsi qu’en prenant position publiquement pour
la justice sociale.

5. Conclusion
Les JDS font face à des enjeux spécifiques au cours de leur développement
psychosexuel. Ces enjeux concernent principalement la remise en question
d’une identité présumée hétérosexuelle masculine ou féminine ainsi que le
développement et l’intégration d’une nouvelle identité sexuelle, personnelle
et sociale. Dans ce processus, non seulement sont-ils exposés à l’ensemble des
tâches développementales et des défis qui sont le propre de l’adolescence et
de la transition vers l’âge adulte, mais ils sont aussi exposés à une forme de
stress particulière — le stress minoritaire — qui émerge du traitement légal,
social, institutionnel et interpersonnel souvent inégalitaire et discriminatoire
réservé aux minorités sexuelles dans une société et une culture données. Ce
traitement s’est certainement amélioré au cours des dernières décennies, plus
favorablement pour les minorités d’orientation sexuelle que pour les mino-
rités de genre, mais la discrimination et la victimisation demeurent très pré-
sentes dans le quotidien des JDS et elles ont des conséquences délétères sur
leur développement et leur santé. Pour assurer le développement harmonieux
des JDS, il importe de créer un environnement qui les soutienne et leur soit
sécuritaire. Lorsque ces conditions sont réunies, les JDS présentent des trajec-
toires de transition vers l’âge adulte et d’adaptation à cette transition qui sont
similaires à celles des adolescents hétérosexuels.

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253
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

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254
Chapitre 7
Les enjeux du développement
sexuel et social des jeunes
vivant avec le VIH depuis
la naissance

7 Mylène FERNET, Karène PROULX-BOUCHER,


Nadine TROCMÉ, Marie-Chantal CACOU

1. Le VIH chez les enfants et les adolescents


À l’échelle mondiale, l’ONUSIDA (2014) estime qu’il y aurait environ 3,2 mil-
lions d’enfants de moins de 15 ans vivant avec le VIH. En 2013, environ
240 000 nouvelles infections seraient survenues chez les enfants dans les pays
à revenu faible et intermédiaire (ONUSIDA, 2014). Ces données ne sont pas
disponibles par catégorie d’exposition au virus et ne nous permettent donc
pas d’évaluer le nombre d’enfants infectés par transmission verticale, soit de la
mère à l’enfant, à l’échelle mondiale. Cependant, on sait que la grande majo-
rité des infections au VIH chez les enfants sont acquises par transmission ver-
ticale (ONUSIDA, 2014).
Les avancées thérapeutiques dans la lutte contre le VIH ont permis d’amé-
liorer grandement l’état de santé des personnes vivant avec le VIH et de pro-
longer leur espérance de vie. À plusieurs niveaux, depuis l’avènement des trai-
tements antirétroviraux (ARV) en 1996, le portrait de l’infection au VIH a
radicalement changé. Les taux de transmission de la mère à l’enfant dans les
pays occidentaux, là où les traitements ARV sont les plus accessibles, se situent
entre 0,4 et 1 % selon les pays et le moment où les traitements sont initiés

255
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

durant la grossesse (Forbes et al., 2012). À l’échelle mondiale, les taux de trans-
mission du VIH de la mère à l’enfant, sans intervention thérapeutique pré-
ventive, varient entre 15 et 45 % (Organisation mondiale de la santé [OMS],
2015). La réalité des pays en développement est particulièrement alarmante,
alors qu’on estime qu’environ 650 enfants par jour sont nouvellement infec-
tés et que seulement 24 % d’entre eux ont accès aux traitements ARV. L’épi-
démie pédiatrique se caractérise dorénavant par l’émergence d’une cohorte
d’adolescents et de jeunes adultes infectés par le VIH depuis la naissance. Ces
jeunes représentent un groupe unique qui, en plus d’avoir à composer avec les
tâches développementales propres à l’adolescence et de la transition vers l’âge
adulte, dont l’exploration des relations intimes et des comportements sexuels
(Boislard, 2014; Tolman & McClelland, 2011), doit vivre avec une maladie
chronique, sexuellement transmissible, socialement stigmatisée et criminali-
sée dans plusieurs pays.
Si de nombreuses études se sont intéressées aux enjeux d’observance aux
traitements, de prise en charge du VIH et de la transition des services pédia-
triques aux services adultes, un nombre croissant d’études s’attarde désormais
à la santé sexuelle et reproductive et aux enjeux de stigmatisation vécus par
les jeunes vivant avec le VIH (JVVIH). La sexualité des adolescents a long-
temps été exclusivement abordée en fonction de ses conséquences potentielles
négatives, comme les grossesses imprévues et les infections transmissibles
sexuellement et par le sang (ITSS), notamment le VIH. Considérant les enjeux
de santé publique associés à la transmission du VIH, la littérature traitant de
la sexualité des JVVIH ne fait pas exception (Dollfus et al., 2010). Selon le
paradigme dominant, les JVVIH sont considérées comme un groupe à risque,
inadéquatement outillé pour gérer sa sexualité de façon sécuritaire (Persson &
Newman, 2012). Par conséquent, les enjeux développementaux individuels et
interpersonnels associés à leur sexualité sont moins documentés.
Dans le présent chapitre, nous dresserons un bilan des écrits scientifiques
qui se sont attardés au développement sexuel des JVVIH depuis la naissance.
Sans toutefois prétendre à l’exhaustivité, tant les travaux qui proviennent des
pays du Nord que du Sud seront considérés. Compte tenu des enjeux liés à
l’accès aux traitements ARV dans les pays du Sud, l’attention des chercheurs
s’est davantage portée à documenter la prévention de la transmission mère-
enfant plutôt qu’à décrire la situation des JVVIH depuis la naissance. Les rares
études disponibles ne distinguent pas toujours les jeunes ayant contracté le
VIH par transmission verticale de ceux qui ont été infectés par voie sexuelle, et
elles tiennent rarement compte des spécificités développementales, considé-
rant par exemple, les 10-19 ans ou 15-24 ans comme des groupes d’âge homo-
gènes. Ce chapitre situe d’abord le développement sexuel et social des JVVIH
et le rôle prédominant que joue la cellule familiale sur les représentations de la
révélation du statut de séropositivité au VIH, des relations interpersonnelles,

256
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

amoureuses et de la sexualité. Il traite, dans un second temps, des sources


par lesquelles les JVVIH depuis la naissance obtiennent de l’information au
sujet de la sexualité telles que la famille et les prestataires de soins, et de leurs
connaissances en matière de sexualité. Dans un troisième temps, les enjeux
soulevés par la révélation du statut de séropositivité au VIH en contexte
amoureux et sexuel sont mis en lumière. Les motifs pour dire ou ne pas dire,
les conditions nécessaires, ainsi que les expériences de révélation du statut
d’infection au VIH sont abordés. Par la suite, les comportements sexuels des
JVVIH depuis la naissance, incluant la transition vers la vie sexuelle active, les
représentations de la sexualité et les stratégies de réduction des risques sont
présentés. Enfin, les pratiques d’intervention qui ciblent la santé sexuelle et
reproductive des JVVIH depuis la naissance sont discutées et des pistes d’in-
tervention sont soulevées.

2. Les enjeux du développement sexuel


et social des jeunes vivant avec le VIH
La sexualité tient une place fondamentale chez les adolescents en général, lieu
d’une construction mentale singulière où l’intégration d’une nouvelle image
du corps sexué et la question de la relation à l’autre sont au premier plan. La
« métamorphose » sexuée que représente la puberté est susceptible de confron-
ter les adolescents de façon nouvelle et directe à de multiples interrogations.
Chez les JVVIH, les représentations de la sexualité soulèvent la question du
VIH et celle du secret (Trocmé, 2003a). Aussi, l’intégration du corps sexué
est étroitement liée à l’intégration de la possibilité de transmettre le VIH par
voie sexuelle. Avant même que le jeune n’ait eu une rencontre amoureuse ou
sexuelle, la notion du risque de transmission sexuelle et l’utilisation du préser-
vatif sont évoquées par les soignants et éventuellement par l’entourage du jeune
(parents ou tuteurs par exemple) (Trocmé, 2003a). Le VIH prend une place
importante dans la perception que l’adolescent a de son propre corps et de lui-
même. Le VIH n’est plus seulement perçu comme un virus pouvant affaiblir
le corps de l’adolescent, il pose aussi des enjeux identitaires en transformant
non seulement sa façon de se percevoir, mais aussi la façon dont l’adolescent
se croit perçu par les autres. L’adolescent croit, par exemple, que personne ne
voudra de lui parce qu’il n’est pas comme les autres. Selon Trocmé (2003b),
l’adolescence est aussi le moment privilégié pour s’interroger à nouveau sur
les questions liées à ses origines. L’origine de l’adolescent séropositif, passant
par celle de l’infection au VIH, pourra attiser chez lui des questionnements
particuliers, y compris sur la sexualité de ses parents, à savoir comment ils ont
contracté le virus. Par ailleurs, ces questionnements sont intimement liés à la
question du secret entourant le VIH au sein de ces familles affectées.

257
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

3. L’environnement familial et son rôle clé


sur les représentations du VIH,
des relations amoureuses et de la sexualité
Le VIH pose des enjeux singuliers au sein de la cellule familiale puisque plu-
sieurs membres, notamment la mère, en sont aussi porteurs (Thoth, Tucker,
Leahy, & Stewart, 2014). Le VIH reste très souvent caché, y compris entre les
membres d’une même famille, voire entre les conjoints. L’infection de l’enfant
et l’annonce de son diagnostic sont sources d’angoisses et soulève plusieurs
craintes chez les parents (Hiffler & Masson, 2013 ; Proulx-Boucher et al.,
2014). Entre autres, certains parents craignent des réactions de colère ou de
blâme de leur enfant à leur égard (Champion, Lefebvre Des Noëttes, Taboulet,
& Lemerle, 1999 ; Lester et al., 2002 ; Waugh, 2003). D’autres parents s’in-
quiètent que l’enfant les questionne sur le mode de transmission par lequel ils
ont contracté le VIH (Flanagan-Klygis, Ross, Lantos, Frader & Yogev, 2001).
Enfin, des parents craignent plutôt la stigmatisation sociale que leur enfant
pourrait subir ou qu’il ne révèle à d’autres personnes son statut séropositif au
VIH (Lester et al., 2002).
La question de l’annonce du diagnostic de VIH aux JVVIH depuis la naissance
a fait l’objet de nombreuses publications (Dollfus et al., 2002 ; Proulx-Boucher
et al., 2014 ; Wiener, Mellins, Marhekka, & Battles, 2007) et a été reprise dans
différents guides de prise en charge de l’infection au VIH chez l’enfant et l’ado-
lescent (Hiffler & Masson, 2013). Pour l’enfant, l’infection au VIH ne se résume
pas à une prise régulière de médicaments (Trocmé, 2003c). Le VIH s’immisce
dans la relation que l’enfant entretient avec son entourage et est susceptible de
générer de l’angoisse et de l’agressivité chez les parents si les traitements sont
refusés par l’enfant, dans un contexte où on garde le silence sur la question du
VIH (Hiffler & Masson, 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2011). L’infection au VIH
chez l’enfant et l’adolescent peut générer de la souffrance physique et psycholo-
gique, de la tristesse (pouvant aller jusqu’à des états dépressifs), de l’isolement
social et des situations de deuil. Dans certains cas, l’enfant sera exclu de jeux ou
d’activités familiales, parfois il peut être victime de ségrégations importantes
au sein même de sa famille (ex. : manger dans une assiette à part) et ressentira
aussi la souffrance parentale et familiale, ainsi que le poids du secret (Hiffler
& Masson, 2013). Les enfants ignorent généralement qu’ils sont porteurs du
VIH durant la petite enfance, mais deviendront graduellement conscients d’être
différents, car ils prennent quotidiennement des médicaments et ils reçoivent
un suivi médical régulier (Champion et al., 1999 ; Lester et al., 2002 ; Mellins et
al., 2002 ; Proulx-Boucher et al., 2014 ; Wiener, Mellins, et al., 2007). Certains
enfants ont le sentiment qu’on leur cache quelque chose, qu’on ne répond pas
à leurs questions ou que les réponses offertes sont insatisfaisantes (Hiffler &

258
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

Masson, 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2014). Ils ne savent pas toujours com-
ment ils ont contracté le VIH, ils ne savent pas qui connaît leur statut au VIH,
à qui ils ont le droit d’en parler, d’autant que les adultes tendent à répondre
vaguement à leurs questions. Les enfants grandissent souvent dans une atmos-
phère de secret, de silence, de tabou et d’informations erronées ou inexactes
susceptible d’entraîner des effets délétères sur le plan psychosocial (Hiffler &
Masson, 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2014). De plus, nombre d’entre eux vivent
des ruptures ou des changements familiaux notamment dus à la maladie. Des
études indiquent que la première cohorte de JVVIH depuis la naissance dans les
pays du Nord provient de familles caractérisées par une grande vulnérabilité, où
les parents vivent dans des conditions socioéconomiques précaires, font parfois
l’utilisation de drogues injectables et sont victimes de discrimination (Lester et
al., 2009 ; Schuster et al., 2000 ; Thorne, Newell & Peckman, 1998). Dans ces
conditions, certains parents se voient dans l’obligation de confier la garde de
leur enfant à d’autres membres de leur famille ou aux services de protection de
la jeunesse (Thorne et al., 1998). Plusieurs JVVIH depuis la naissance doivent
également composer avec le décès d’un parent ou d’un être cher, le plus souvent
des suites du sida (Hiffler & Masson, 2013 ; Mellins & Malee, 2013 ; Proulx-
Boucher et al., soumis).
Selon les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS,
2011), les enfants devraient être informés de leur condition de santé avant l’âge
de 12 ans, alors que les enfants plus jeunes devraient être préparés graduelle-
ment en fonction de leur maturité cognitive et émotionnelle. Toutefois, l’âge
auquel les enfants apprennent leur diagnostic d’infection au VIH semble varier
grandement entre les pays du Nord et du Sud. Par exemple, l’âge moyen de l’an-
nonce aux enfants se situerait à 11 ans en Amérique du Nord (Wiener, Mellins,
et al., 2007), alors qu’en Côte-d’Ivoire, cette annonce se ferait plutôt entre l’âge
de 15 et de 18 ans (Aka Dago-Akribi et al., 2013). Outre l’hésitation des parents à
révéler à leur enfant qu’il est porteur du VIH, le corps médical n’est pas non plus
toujours très à l’aise pour annoncer le diagnostic d’infection au VIH à l’enfant, et
en particulier quand les parents s’y opposent (Trocmé, 2007). Dans ce contexte,
se sachant atteints d’une maladie incurable, transmissible sexuellement et stig-
matisée, les enfants porteurs du VIH devront graduellement apprendre à dire,
ou plus souvent à taire, leur infection au VIH à leur entourage (Fair & Albright,
2012 ; Fernet et al., 2011 ; Gillard & Roark, 2012 ; Greenhalgh Evangeli, Frize,
Foster & Fidler, 2013 ; Michaud et al., 2009 ; Proulx-Boucher et al., 2015).
À ce propos, les études disponibles suggèrent que les attitudes des jeunes
face à la révélation de la séropositivité au VIH sont influencées par les attitudes
de leurs parents, en particulier par celles de leur mère (Michaud et al., 2009 ;
Proulx-Boucher et al., 2014 ; Thoth et al., 2014). Plusieurs jeunes rapportent
ressentir des pressions parentales les enjoignant de maintenir le secret ou leur
interdisant de révéler à autrui leur statut sérologique au VIH (Proulx-Boucher

259
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

et al., 2015 ; Thoth et al., 2014). En effet, la révélation de son statut d’infection
au VIH à un ami ou à un partenaire est susceptible de révéler le statut de séro-
positivité de la mère biologique et soulève des questions sur les autres membres
de la famille si le mode de transmission est dévoilé ou présumé (Calabrese et al.,
2012 ; Proulx-Boucher et al., 2014 ; Thoth et al., 2014). Ces pressions se font par-
ticulièrement sentir dans la vie amoureuse et sexuelle des adolescents. Certains
parents, pourtant soucieux de protéger leur adolescent, pourraient contribuer à
renforcer une perception négative de la sexualité (Busza, Besana, Mapunda, &
Oliveras, 2013 ; Fernet et al., 2011 ; Proulx-Boucher et al., 2015). Par exemple,
des jeunes mentionnent que leurs parents leur interdisent de s’engager dans des
relations amoureuses et sexuelles pour éviter tout risque de transmission du
VIH (Fernet et al., 2011 ; Proulx-Boucher et al., 2015). Des études rapportent
que des parents prônent l’abstinence en insistant sur le fait que les personnes
vivant avec le VIH ne devraient pas s’engager dans des activités sexuelles d’ici à
ce qu’une cure soit disponible. Des informations basées sur des croyances erro-
nées de la sexualité peuvent alors être données aux adolescents (ex. : « la sexua-
lité, c’est du poison » ; « les activités sexuelles contribuent à réduire le nombre
de cellules CD41 »), (Busza et al., 2013). Les premières relations amoureuses des
JVVIH seront de ce fait marquées par un sentiment de dangerosité, accentué par
la question du secret à gérer, un secret que l’adolescent porte depuis toujours
comme quelque chose qui ne doit pas sortir du cercle familial.

4. L’éducation à la sexualité chez les jeunes


vivant avec le VIH depuis la naissance
Cette section aborde l’éducation à la sexualité offerte en milieu familial en termes
de communication parent-enfant à propos de la sexualité, de préoccupations et
d’obstacles rencontrés, et ce, tant du point de vue des JVVIH que de celui de
leurs parents ou tuteurs. Les autres sources d’information au sujet de la sexualité
et les connaissances relatives au VIH, aux modes de transmission et aux straté-
gies de protection sont aussi abordées.

4.1. La communication parent-enfant à propos de la sexualité


et les pratiques d’éducation à la sexualité
Comme le soulignent Dittus, Jaccard et Gordon (1999), les pratiques paren-
tales en matière d’éducation à la sexualité réfèrent tant aux comportements

1 Lymphocytes (globules blancs) qui jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire et qui
sont la cible privilégiée du VIH.

260
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

parentaux directs (ex. : la communication parent-adolescent à propos de la


sexualité) qu’aux comportements parentaux indirects (ex. : les attitudes des
parents en lien avec la sexualité adolescente). Plusieurs études ont d’ailleurs
démontré chez les populations générales d’adolescents (se référer au cha-
pitre 2 pour une description détaillée) que la communication parent-enfant
au sujet de la sexualité favorise l’adoption de comportements sexuels sécu-
ritaires, améliore les capacités de l’adolescent à parler de sexualité avec un
partenaire sexuel et est associée à une perception plus élevée d’efficacité per-
sonnelle pour négocier l’utilisation du préservatif (Ancheta, Hynes & Shrier,
2005 ; Aronowitz, Rennells & Todd, 2005 ; Hadley et al., 2009). D’autres études
démontrent que les adolescents, filles ou garçons, sont généralement plus à
l’aise de discuter de sexualité avec leur mère plutôt qu’avec leur père (DiIo-
rio, Kelley, & Hockenberry-Eaton, 1999 ; Dutra, Miller & Forehand, 1999 ;
Guzmán et al., 2003).
Des travaux réalisés auprès de familles de JVVIH depuis la naissance sou-
lèvent combien les enjeux liés à la stigmatisation et au secret modulent la
communication parent-enfant au sujet de la sexualité (Corona et al., 2009 ;
Edwards, Reis, & Weber, 2013 ; Fernet et al., 2015, 2016 ; Proulx-Boucher
et al., 2011). La sexualité est un sujet rarement discuté (Fernet et al., 2007 ;
Fielden et al., 2006 ; Proulx-Boucher et al., 2011) et les discussions autour de
l’expérience subjective de la sexualité sont généralement évitées (Fernet et al.,
2007 ; Proulx-Boucher et al., 2011). Du point de vue des JVVIH, les messages
reçus de leurs parents insistent sur l’importance d’utiliser le préservatif, sans
toutefois leur fournir d’explications sur son utilisation, l’endroit où s’en pro-
curer ou encore sur les stratégies à privilégier pour négocier l’usage du pré-
servatif. Dans une étude menée en Côte-d’Ivoire (Aka Dago-Akribi & Cacou
Adjoua, 2004), les JVVIH ont mentionné n’avoir jamais abordé la question de
la sexualité au sein de leur famille. La verbalisation des pensées, le partage des
émotions et les discussions entourant la sexualité se limitent habituellement à
des plaisanteries, des remarques espiègles ou à l’emploi de mots interdits selon
les valeurs culturelles. Dans l’ensemble, lorsque les parents discutent de sexua-
lité avec leurs enfants, ils tendent généralement à parler des interdits et des
risques en insistant sur ce qu’il ne faut pas faire, plutôt que d’offrir des pistes
d’action et de réflexion pour prendre des décisions éclairées. Ceci confine les
jeunes à gérer des limites à ne pas franchir, plutôt que de leur fournir des
repères pour vivre une sexualité épanouie et sécuritaire.
Au Canada, une étude qualitative menée auprès de mères vivant avec le
VIH et de leurs enfants (séronégatifs et séropositifs) met en lumière certains
obstacles rencontrés par les jeunes lorsque vient le temps d’aborder avec
leur mère des questions relatives à la sexualité (Fernet et al., 2015). Parmi
les plus jeunes (13-14 ans), un manque d’intérêt au sujet de la sexualité est
mentionné, notamment parce qu’ils se considèrent encore trop jeunes ou

261
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

pas suffisamment curieux au sujet de la sexualité. D’autres rapportent être


embarrassés de parler de sexualité avec leur mère, raison pour laquelle ils s’en
abstiennent. Le malaise entourant la sexualité concerne surtout des aspects
perçus comme étant personnels et intimes, tel que les attirances et les désirs
sexuels. D’autres sujets, par exemple la contraception, seraient perçus comme
étant plus neutres et moins embarrassants. Aussi, certains jeunes jugent que
l’écart entre leur génération et celle de leur mère est trop grand et que, par
conséquent, leur expérience de la sexualité est trop différente pour être vérita-
blement comprise par leur mère. Enfin, certains jeunes ne veulent pas laisser
croire à leur mère qu’ils pourraient être sexuellement actifs ou révéler qu’ils le
sont et, dans ce contexte, vont éviter d’aborder le sujet.
Des préoccupations et des obstacles à l’égard de l’éducation à la sexualité
des JVVIH sont aussi rapportés par les parents. Des travaux canadiens sou-
lignent que les parents de JVVIH depuis la naissance appréhendent les discus-
sions au sujet de la sexualité avec leur enfant (Fielden et al., 2006). À ce propos,
Fernet et collaborateurs (2016) soulèvent trois ensembles d’obstacles à l’édu-
cation à la sexualité en milieu familial qui seraient rencontrés par les mères
vivant avec le VIH. Un premier ensemble questionne l’efficacité de l’éducation
à la sexualité en milieu familial et le pouvoir que ces mères perçoivent sur les
décisions d’ordre sexuel prises par leur enfant. Un deuxième ensemble d’obs-
tacle relève de la perception que la sexualité est un sujet interdit, ce qui soulève
le rôle des normes culturelles sur la façon de percevoir la sexualité et l’idée pré-
conçue selon laquelle l’éducation à la sexualité encourage l’enfant à avoir une
sexualité active. Un troisième ensemble d’obstacles réfère aux connaissances
et aux habiletés limitées que se reconnaissent les mères en matière d’éducation
à la sexualité et du peu crédibilité que certaines s’accordent pour agir comme
modèle auprès de leur enfant. Enfin, la perception que l’enfant possède des
connaissances suffisantes considérant les autres sources d’information dont il
dispose au sujet de la sexualité (ex. : école, internet, médecins et autres inter-
venants) est mentionnée par certaines mères. Pour expliquer l’inconfort des
parents vivant avec le VIH à parler de sexualité, Corona et collaborateurs
(2009) soutiennent que puisque le sujet de la sexualité est intimement lié à
celui du VIH, les parents vivant avec le VIH peuvent vouloir éviter le sujet de
la sexualité avec leur adolescent pour ne pas avoir à aborder leur propre expé-
rience avec le VIH. Cette hypothèse tend à être confirmée par d’autres études
qui rapportent que les parents qui n’ont pas dévoilé leur séropositivité au VIH
à leur enfant discutent moins souvent de sexualité avec celui-ci comparative-
ment à ceux l’ayant révélé (Edwards et al., 2013 ; Fernet et al., 2016).
Malgré les nombreux défis soulevés, des mères vivant avec le VIH ont iden-
tifié des stratégies qui, de leur point de vue, favorisent le dialogue sur la sexualité
avec leur enfant (Fernet et al., 2015). Ainsi, dans le cadre d’une étude effectuée
auprès de dyades mères (séropositives)-enfants (séropositifs et séronégatifs),

262
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

six stratégies ont été identifiées (Fernet et al., 2015). D’abord, des mères rap-
portent saisir les occasions qui se présentent au quotidien pour amorcer le
dialogue avec leur enfant (ex. : livre, télévision, journaux). Ceci leur permet
d’aborder le sujet indirectement et de diminuer ainsi l’inconfort que peut sus-
citer le sujet. Certaines mères préfèrent attendre que leur enfant leur pose des
questions afin d’éviter qu’ils ne soient mal à l’aise. Les jeunes ont d’ailleurs
confirmé qu’ils pouvaient effectivement poser des questions à leur mère et
qu’ils étaient confiants que celle-ci allait être en mesure de leur répondre. Une
autre stratégie employée par les mères consiste à utiliser l’humour pour par-
ler de sexualité avec leur enfant et ainsi dédramatiser le sujet. D’autres mères
planifient leurs interventions en fonction du développement psychosexuel de
leur enfant. En effet, certaines mères voient la puberté comme un moment
opportun pour amorcer le dialogue au sujet de la sexualité. Ensuite, des mères
ont mentionné partager certaines expériences personnelles (préoccupations
par rapport aux premières relations amoureuses, valeurs qui sont considérées
importantes, obstacles rencontrés pour négocier le préservatif) pour favoriser
la réflexion chez leur adolescent. Enfin, des adolescents ont souligné que leur
mère posait des questions, entre autres sur ce qu’ils avaient appris à l’école
au sujet de la sexualité ainsi que sur leur vie amoureuse et sexuelle. Certains
jeunes y voyaient une tentative de la mère d’ouvrir le dialogue. À l’opposé,
d’autres jeunes étaient plutôt d’avis que ces questions n’étaient pas propices à
l’échange sur la sexualité, car elles reflétaient plutôt les préoccupations de leur
mère.

4.2. Les connaissances relatives au VIH, aux modes


de transmission et de protection, et les sources
d’information au sujet de la sexualité
Bien que l’accès à l’information concernant le VIH, ses modes de transmis-
sion et de protection soit une cible prioritaire à l’échelle mondiale, les niveaux
de connaissance sur la transmission du VIH restent faibles dans plusieurs
pays, et les filles sont généralement moins bien informées que les garçons
(UNESCO, 2010). Selon l’ONUSIDA (2008), de nombreux jeunes n’ont pas
de connaissances précises et complètes sur la manière d’éviter l’exposition au
VIH. Tandis que l’ONUSIDA (2008) rapporte que plus de 70 % des jeunes
garçons savent que le préservatif peut protéger contre l’infection au VIH, 55 %
seulement des filles identifient le préservatif comme étant un moyen efficace
de prévention du VIH. Les résultats d’enquêtes menées dans 64 pays révèlent
que seulement 40 % des jeunes hommes et 38 % des jeunes femmes âgés de
15 à 24 ans possèdent des connaissances justes sur le VIH et ses moyens de
prévention. En ce qui a trait aux connaissances sur le VIH et ses modes de

263
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

transmission et de protection, les données disponibles font état de niveaux


variables de connaissances, même chez les JVVIH qui bénéficient d’une prise
en charge. Par exemple, dans une étude conduite par Ezeanolue, Wodi, Patel,
Dieudonne et Oleske (2006) auprès de 57 JVVIH depuis la naissance, une
majorité (95 %) de participants a identifié les rapports sexuels comme un
mode potentiel d’infection et 77 % ont indiqué le préservatif comme étant une
stratégie de prévention efficace. Aussi, 82 % savaient que le VIH peut se trans-
mettre de la mère à l’enfant, tandis que 7 % croyaient que s’ils avaient des acti-
vités sexuelles bucco-génitales uniquement, ils pouvaient empêcher la trans-
mission du VIH. Enfin, 3,5 % des participants étaient d’avis que le VIH peut se
transmettre par des caresses, alors que 12 % croyaient qu’un traitement curatif
contre le VIH était disponible. L’étude de Wiener, Battles, et Wood (2007),
qui s’appuie sur un devis longitudinal, suggère que le niveau de connaissances
des JVVIH (transmission verticale et par transfusion) au sujet des modes de
transmission du VIH et des stratégies de protection est relativement faible,
mais qu’il tend à s’accroître au fil du temps. Seulement 18 % des jeunes ayant
complété le questionnaire au premier temps de l’étude avaient répondu cor-
rectement aux six questions relatives aux risques potentiels de certaines pra-
tiques sexuelles et de l’efficacité des stratégies de protection contre le VIH,
alors que lors du suivi réalisé deux ans plus tard, 28 % des répondants avaient
obtenu des réponses correctes au même questionnaire. Ces différences dans
les niveaux de connaissances seraient principalement attribuables à la diffé-
rence d’âge des répondants entre les études et aux instruments de collecte de
données, qui diffèrent aussi grandement d’une étude à l’autre et du pays où
ont été recueillies les données.
D’autres travaux ont documenté les sources d’information par lesquelles
les JVVIH depuis la naissance obtiennent de l’information au sujet de la
sexualité (Ezeanolue et al., 2006 ; Fernet et al., 2007 ; Zorilla et al., 2003).
Outre la famille, ces derniers identifient trois sources principales d’éducation
à la sexualité, à savoir les soignants (infirmières, médecins et autres profes-
sionnels de la santé), les pairs et les amis, de même que les enseignants et les
intervenants scolaires. Toutefois, le rôle de chacune de ces sources n’a pas
été documenté spécifiquement auprès des JVVIH depuis la naissance, ce qui
serait pourtant pertinent, car la stigmatisation perçue du VIH pourrait freiner
les jeunes à partager leur expérience avec leurs amis et à poser des questions à
des intervenants en milieu scolaire. D’ailleurs, l’éducation offerte au sujet du
VIH dans le cadre scolaire demeure très limitée. En effet, sur les 15 pays ayant
transmis leurs données à l’ONUSIDA en 2006, cinq font état d’une couverture
de la prévention du VIH à l’école inférieure à 15 % (UNESCO, 2010).
En somme, même si les études semblent suggérer qu’il y a effectivement
certaines pratiques d’éducation à la sexualité offertes en milieu familial, un
inconfort semble persister tant chez les parents que chez leurs enfants (Aka

264
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

Dago-Akribi & Cacou Adjoua, 2004 ; Fernet et al., 2015, 2016 ; Proulx-
Boucher et al., 2011). Dans bien des cas, les jeunes doivent s’en remettre aux
prestataires de soins lorsqu’ils ont des questions relatives à la sexualité, ce
qui oriente le contenu des messages qu’ils reçoivent qui sont généralement à
teneur préventive (Ezeanolue et al., 2006). Les JVVIH pourraient également
se sentir mal à l’aise de poser des questions ou de se confier au personnel soi-
gnant concernant certaines pratiques sexuelles de peur d’être jugés, d’être ser-
monnés ou de voir leur séropositivité révélée à des tiers. Pourtant, les JVVIH
souhaiteraient recevoir plus d’informations sur la santé sexuelle et aimeraient
être capables d’en discuter tant au sein de la famille qu’à l’extérieur de celle-
ci (Zorilla et al., 2003). Internet est de plus en plus utilisé par les adolescents
de la population générale quand vient le temps de trouver des réponses aux
interrogations qu’ils ont sur la sexualité (Salmon & Zdanowicz, 2007), ce qui
à notre connaissance n’a pas été documenté auprès des JVVIH. Le présent
survol des travaux réalisés auprès des JVVIH souligne, d’une part, un manque
d’informations au sujet de la sexualité et, d’autre part, une méconnaissance de
leurs habitudes de consultation pour trouver des informations relatives à la
sexualité. Il serait souhaitable que des études ultérieures visent à documenter
la part d’informations que les JVVIH tirent d’Internet, la fiabilité des sources
consultées et la pertinence de l’information véhiculée étant donné l’unicité de
leur vécu.

5. La révélation du statut d’infection au VIH


en contexte amoureux et sexuel
Au fur et à mesure que les jeunes nouent des amitiés plus profondes avec leurs
pairs et vivent des sentiments amoureux intenses, la question de la révéla-
tion du VIH devient de plus en plus présente. Cette question s’avère parti-
culièrement épineuse pour ces adolescents (Kang, Mellins, Ng, Robinson, &
Abrams, 2008). De nombreux travaux se sont intéressés à la révélation du sta-
tut d’infection au VIH chez les JVVIH depuis la naissance. Les résultats de
ces études sont unanimes sur le fait que le statut de séropositivité au VIH est,
pour la grande majorité des jeunes, perçu comme un secret à préserver. Ce
secret est susceptible de contribuer aux difficultés psychosociales rencontrées
par ces jeunes, dont l’isolement et le rejet (Fair & Albright, 2012 ; Fernet et
al., 2011 ; Gillard & Roark, 2012 ; Michaud et al., 2009 ; Proulx-Boucher et
al., 2015), en plus de les exposer à la criminalisation pour non-divulgation de
leur statut d’infection au VIH dans plusieurs pays (ONUSIDA, 2012, 2013).
En effet, dans certains pays, les personnes qui n’informent pas leur partenaire
sexuel de leur statut sérologique positif au VIH peuvent faire face à différentes
accusations criminelles (voie de fait, agression sexuelle aggravée, tentative de

265
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

meurtre, meurtre), et ce, qu’il y ait eu transmission du virus ou non selon les
juridictions en vigueur (Global Network of People Living with HIV [GNP+],
2010).
La présente section décrit les enjeux spécifiques de la révélation du statut
d’infection au VIH en contexte amoureux et sexuel, aux motifs pour lesquels
certains décident ou non d’aborder la question, aux conditions nécessaires
pour révéler sa séropositivité au VIH, ainsi qu’aux expériences rapportées par
les JVVIH.

5.1. Les enjeux spécifiques de la révélation du statut


d’infection au VIH en contexte amoureux
Plusieurs études font état de la révélation du statut d’infection au VIH comme
étant un aspect central des relations amoureuses, voir comme étant le princi-
pal défi rencontré par les JVVIH depuis la naissance (Leonard, Markham, Bui,
Shegog, & Paul, 2010). Nombreux sont les JVVIH qui doutent être en mesure
de maintenir une relation amoureuse après avoir révélé leur statut d’infection
au VIH à leur partenaire. Comme en témoignent les ouvrages Paroles d’ados
séropos publiés par l’association ADOVIH (2010, 2012), les JVVIH craignent
de ne pouvoir un jour s’unir et fonder une famille (Busza et al., 2013). Qu’elles
se déroulent au Nord ou au Sud, les études sur la révélation du statut d’infec-
tion au VIH témoignent de craintes qui sont partagées par un ensemble de
JVVIH depuis la naissance. Ces jeunes anticipent, d’une part, que leur secret
ne soit trahi, et ainsi perdre le contrôle en faisant face à des révélations non-
autorisées et, d’autre part, ils craignent de devenir l’objet de stigmatisation
(Gillard & Roark, 2012 ; Hogwood, Campbell & Butler, 2012 ; Mburu et al.,
2014 ; Proulx-Boucher et al., 2015 ; Thoth et al., 2014). Ils éprouveraient des
difficultés à décider à qui, quand et comment révéler leur séropositivité. D’ail-
leurs, une importante proportion des JVVIH n’aurait jamais révélé son statut
d’infection au VIH ni à un ami ni à un partenaire amoureux (Fair & Albright,
2012 ; Fernet et al., 2011 ; Gillard & Roark, 2012 ; Leonard et al., 2010 ; Mburu
et al., 2014 ; Michaud et al., 2009 ; Proulx-Boucher et al., 2015).
Dans la sphère amoureuse, les JVVIH anticipent plus particulièrement
d’être rejetés ou abandonnés par leur partenaire (Fielden et al., 2006, 2011 ;
Thoth et al., 2014). Certains d’entre eux craignent que leur partenaire amou-
reux confonde le VIH et le SIDA et qu’il croie, à tort, qu’ils sont mourants
(Greenhalgh et al., 2013). D’autres redoutent que leur partenaire pense qu’ils
ont multiplié les partenaires sexuels ou qu’ils ont été infidèles (Greenhalgh et
al., 2013). Dans une recension des écrits réalisée par Thoth et collaborateurs
(2014) sur la question de la révélation du VIH en contexte amoureux, d’autres
préoccupations sont aussi répertoriées. Parmi ces préoccupations, le manque
d’habileté de communication, le sentiment de ne pas être outillé pour initier

266
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

une conversation visant à révéler son statut d’infection au VIH, ainsi que la
peur de ne pas savoir comment gérer une réaction négative suite à la révéla-
tion ont été énumérées. L’ensemble de ces préoccupations constituerait des
obstacles importants à la révélation du statut d’infection au VIH en contexte
amoureux ou sexuel.
Le taux de révélation à un partenaire amoureux ou sexuel varie considé-
rablement d’une étude à l’autre, cette proportion oscillant entre 9 % et 68 %
(Thoth et al., 2014). Cette variation pourrait être expliquée par différents
facteurs dont l’âge des participants, la taille des échantillons, ainsi que par
la stigmatisation environnante qui fluctuent d’une étude à l’autre. Ceux qui
connaissent leur statut d’infection au VIH depuis plusieurs années auraient
plus de facilité à le révéler à un partenaire sexuel comparativement à ceux qui
en ont été informés depuis moins longtemps (Thoth et al., 2014). Les filles
seraient aussi plus nombreuses à avoir révélé leur statut d’infection au VIH à
un partenaire sexuel que les garçons (Thoth et al., 2014). En contexte nord-
américain, les jeunes caucasiens révèleraient également plus aisément leur sta-
tut à un partenaire sexuel que les jeunes issus de minorités ethnoculturelles,
quoiqu’une étude parmi celles recensées par Thoth et al. (2014) ne rapporte
aucune différence significative liée à l’origine ethnoculturelle des JVVIH sur
l’expérience de révélation du statut d’infection au VIH (Dempsey, MacDonell,
Naar King, & Lau, 2012). De plus, il semble que les JVVIH révèlent plus sou-
vent leur statut d’infection au VIH lorsque leur partenaire partage le même
statut sérologique au VIH (Thoth et al., 2014).

5.2. Les stratégies pour préserver la confidentialité


de son statut d’infection au VIH
Pour préserver la confidentialité, les JVVIH depuis la naissance rapportent
déployer diverses stratégies, telles que de retarder la première relation amou-
reuse (Fair & Albright, 2012 ; Fernet et al., 2011 ; Fielden et al., 2011 ; Proulx-
Boucher et al., 2015). Dans l’étude de Proulx-Boucher et collaborateurs (2015),
des jeunes, jugeant que les relations amoureuses à l’adolescence ne sont pas
suffisamment sérieuses, estiment qu’ils n’ont pas à révéler leur statut au VIH à
un partenaire avec qui ils ne se projettent pas dans une relation à long terme.
Certains jeunes rencontrés dans le cadre d’une étude conduite par Fair et
Albrigth (2012) ont mentionné qu’ils s’engageaient très lentement dans une
relation amoureuse de manière à retarder le moment où ils auront potentiel-
lement à en parler avec leur partenaire. Enfin, une autre stratégie pour ne pas
avoir à révéler son statut serait de mettre fin à la relation amoureuse lorsque
celle-ci tend à devenir sérieuse (Fair & Albright, 2012 ; Proulx-Boucher et al.,
2015).

267
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

5.3. Les conditions nécessaires et les stratégies de révélation


du statut d’infection au VIH en contexte amoureux
et sexuel
Malgré les réticences exprimées par de nombreux JVVIH depuis la naissance,
certains d’entre eux choisissent de révéler leur statut d’infection au VIH dans
un cadre amoureux ou sexuel. Les intentions évoquées sont relativement
convergentes dans les écrits scientifiques. Dans un premier cas de figure, la
révélation de son statut d’infection au VIH est envisagée dans une optique de
protection. Par souci de protéger leur partenaire des risques de transmission,
la révélation est considérée comme un moyen de le sensibiliser à l’importance
d’utiliser le préservatif (Greenhalgh et al., 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2015).
Une exposition accidentelle au VIH (bris du préservatif) a aussi été rapportée
comme étant un moyen permettant de s’assurer que le partenaire reçoive une
prophylaxie post-exposition (Michaud et al., 2009). D’autres jeunes font plu-
tôt valoir des motifs relationnels où la révélation de sa condition de personne
vivant avec le VIH est perçue comme un marqueur d’authenticité à l’égard du
partenaire (Proulx-Boucher et al., 2015) ou de proximité puisqu’elle implique
un partage d’informations considérées intimes (Fernet al., 2011 ; Gillard &
Roark, 2012 ; Michaud et al., 2009 ; Proulx-Boucher et al., 2015). Enfin, révé-
ler son statut d’infection au VIH pourrait aussi servir à se prémunir contre la
criminalisation du VIH (Fair & Albright, 2012).
Toutefois, avant de pouvoir envisager la possibilité de révéler leur statut
d’infection au VIH, ces jeunes rapportent plusieurs conditions. Ces conditions
visent à les protéger du rejet et de la stigmatisation (Thoth et al., 2014). Parmi
ces conditions, on retrouve le fait d’avoir sélectionné un partenaire amoureux
de façon réfléchie, d’entretenir une relation de confiance avec ce partenaire, de
le connaître depuis longtemps et de se projeter à long terme dans cette relation
(envisager une union ou de fonder une famille).
Certains chercheurs ont aussi questionné les jeunes sur les stratégies mises
en place pour aborder la question du VIH avec un partenaire amoureux.
Un éventail de stratégies sont déployées à différents moments du processus
de révélation (Fernet et al., 2011 ; Proulx-Boucher et al., 2015). Un premier
ensemble de stratégies sont généralement utilisées par les JVVIH pour les sou-
tenir dans la prise de décision, à savoir s’ils révèlent ou non à leur partenaire
amoureux qu’ils sont porteurs du VIH. Ces stratégies consistent à sonder l’ou-
verture d’esprit de son partenaire en vérifiant ses connaissances sur le VIH
et les réactions qu’il pourrait potentiellement avoir s’il était en contact avec
une personne séropositive. Elles peuvent aussi viser à informer le partenaire
sur le VIH et ses modes de transmission afin de le sensibiliser, et ce, avant
même d’envisager révéler son statut sérologique au VIH (Proulx-Boucher et
al., 2015).

268
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

Une fois que la décision d’aller de l’avant dans le processus de révélation


est prise, d’autres stratégies sont mises en place pour préparer la démarche et
s’assurer de recevoir un accompagnement adéquat. Ces stratégies consistent
à choisir un lieu intime, favorable au partage et de s’assurer de disposer de
suffisamment de temps pour bien expliquer la situation et pouvoir rassurer le
partenaire (Fair & Albright, 2012 ; Fernet et al., 2011 ; Greenhalgh et al., 2013).
D’autres jeunes vont, au préalable, s’être informés des ressources disponibles
pour répondre aux questions que le partenaire pourrait leur poser. À ce pro-
pos, ils vont prévoir de la documentation pertinente à offrir au partenaire ou
vont prendre rendez-vous avec un professionnel de la santé pour recevoir un
accompagnement au moment de la révélation à leur partenaire de leur statut
d’infection au VIH ou suite à celle-ci (Fair & Albright, 2012 ; Fernet et al.,
2011 ; Proulx-Boucher et al., 2015).
La révélation du statut infectieux est décrite comme étant une démarche
graduelle qui suit plusieurs étapes. Dans un premier temps, les jeunes infor-
ment leur partenaire qu’ils sont atteints d’une maladie. Ensuite, ils précisent
qu’il s’agit d’une maladie chronique et en expliquent les traitements et les
modes de transmission. Enfin, ils expliquent à leur partenaire qu’ils ne sont
pas atteints du SIDA, mais qu’ils sont porteurs du VIH (Fernet et al., 2011 ;
Greenhalgh et al., 2013 ; Proulx-Boucher et al., 2015).
En ce qui concerne le moment le plus propice pour révéler au partenaire
amoureux leur séropositivité, les avis sont partagés. Une majorité d’entre eux
attend de se sentir engagée dans la relation avant de révéler leur séropositivité
(Fair & Albright, 2012). Au contraire, d’autres jeunes privilégient de révéler
leur statut infectieux tôt dans la relation afin de mettre à l’épreuve leur parte-
naire amoureux. Les jeunes qui préconisent cette stratégie indiquent qu’ils ne
souhaitent pas initier une relation avec une personne qui serait susceptible de
les rejeter. Néanmoins, peu importe la stratégie de révélation privilégiée par
les JVVIH, une constante se dégage des travaux et consiste à se préparer émo-
tionnellement à devoir composer avec une réaction négative du partenaire
amoureux (Fair & Albright, 2012 ; Proulx-Boucher et al., 2015).

5.4. Les expériences de révélation du statut d’infection au VIH


Nonobstant des anticipations et de nombreux défis soulevés par la révélation
du statut d’infection au VIH, les jeunes témoignent, à travers les études, d’expé-
riences tant positives que négatives (Fair et Albrigth, 2012 ; Fernet et al., 2011 ;
Greenhalgh et al., 2013 ; Thoth et al., 2014). Suite à la révélation de leur statut
d’infection au VIH, certains jeunes rapportent s’être sentis acceptés et soutenus
par leur partenaire. Ce soutien du partenaire s’exprimerait par l’aide offerte
dans la prise en charge de leur santé, par exemple, un amoureux qui les accom-
pagne chez le médecin, qui leur rappelle de prendre leurs médicaments, qui les

269
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

aident à chercher des informations au sujet du VIH (Fair & Albright, 2012 ;
Fernet et al., 2011 ; Greenhalgh et al., 2013). De l’avis de certains, ce partage
aurait favorisé le renforcement des liens affectifs et intimes qu’ils entretiennent
avec leur partenaire amoureux (Fernet et al., 2011). En dépit de cette percep-
tion de soutien de la part du partenaire amoureux, ils mentionnent rencontrer
des défis. En effet, ils seraient régulièrement confrontés aux questions du par-
tenaire à propos du VIH, questions parfois perçues comme ayant un caractère
stigmatisant et lourdes à gérer à moyen terme (Fair & Albright, 2012).
Des expériences négatives sont aussi rapportées par les JVVIH où ils se
sont sentis jugés par leur partenaire. En effet, certains ont dû composer avec
des préoccupations, parfois injustifiées du partenaire, quant aux possibilités
qu’il soit infecté. D’autres ont eu à composer avec le fait que leur partenaire
présumait qu’ils avaient eu de multiples partenaires sexuels ou qu’ils avaient
fait usage de drogues injectables. Certains témoignent d’expériences de rejet
suite à la révélation du statut d’infection au VIH (Fair & Albright, 2012 ; Fer-
net et al., 2011 ; Mburu et al., 2014) et, dans de plus rares cas, d’épisodes de
violence psychologique suite à la révélation du statut sérologique au VIH (Fer-
net et al., 2011). Ces expériences de rejet pourraient teinter la façon dont ils
entrevoient la possibilité de développer une relation amoureuse qui répond à
leurs besoins et semblent les décourager à révéler leur séropositivité, à nou-
veau, dans le contexte d’une nouvelle relation (Fernet et al., 2011).
En somme, les travaux s’étant attardés à la révélation du statut sérologique
chez les JVVIH s’appuient, pour la plupart, sur des devis qualitatifs qui ont
l’avantage de donner la parole aux jeunes. Même si plusieurs jeunes rapportent
des expériences positives de révélation auprès d’un partenaire amoureux, la
grande majorité d’entre eux craint fortement cette situation et l’éventualité
d’être jugé ou rejeté. Les stratégies adoptées par ces jeunes pour se protéger
de la stigmatisation potentielle consistent, entre autres, à se priver de relations
amoureuses et sexuelles, accentuant de la sorte leur isolement. Pourtant, les
besoins affectifs et les enjeux développementaux auxquels font face ces jeunes
sont comparables à ceux de la population générale. Enfin, même s’ils sont
moins nombreux, quelques uns témoignent d’expérience de révélation de leur
statut de séropositivité au VIH à un partenaire amoureux ou sexuel. Ils font
appel aux ressources disponibles (intervenants de la santé) et à leurs connais-
sances pour tenter d’atténuer les réactions négatives potentielles que leur par-
tenaire pourrait avoir. Lorsque l’expérience de révélation s’avère négative, les
craintes ressenties au départ semblent se décupler et les risques d’isolement
s’accentuent. Outre les enjeux liés à la révélation du VIH, les autres dimensions
de la vie affective et sexuelle des JVVIH ont été peu explorées considérant le
rôle clé des pairs et des partenaires amoureux comme sources substantielles de
soutien et de références significatives en ce qui concerne la manière de penser
et d’agir des adolescents.

270
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

6. Les pratiques sexuelles des JVVIH depuis


la naissance
Considérant les enjeux de santé publique associés à la transmission sexuelle du
VIH, les pratiques sexuelles et de prévention des JVVIH depuis la naissance
ont retenu l’attention des chercheurs (Persson, Newman, & Miller, 2014).
Toutefois, ces travaux se sont surtout attardés à documenter les risques liés à
la sexualité (Marhefka et al., 2011 ; Persson & Newman, 2012 ; Persson et al.,
2014) en termes d’âge de la première relation sexuelle, de pratiques de protec-
tion (c’est-à-dire l’utilisation ou non du préservatif) et de contextes de prise de
risques sexuels (partenaires multiples, consommation d’alcool et de drogues,
etc.). Considérant les risques de transmission du VIH de la mère à l’enfant, les
pratiques contraceptives des JVVIH ont également été documentées (Bauer-
meister, Elkington, Brackis-Cott, Dolezal, & Mellins, 2009 ; Bauermeister,
Elkington, Robbins, Kang, & Mellins, 2012 ; Busza et al., 2013 ; Elkington et
al., 2012 ; Mellins et al., 2009, 2011 ; Wiener, Battles, et al., 2007). En retour,
moins nombreuses sont les études qui se sont intéressées aux représentations
(significations et expériences) de la sexualité et de la prise de risques sexuels
(Fernet et al., 2007, 2011 ; Fielden et al., 2006 ; Persson et al., 2014 ; Proulx-
Boucher et al., 2011, 2015). Ces études qualitatives, conduites tant dans les
pays du Nord que du Sud, accordent la parole aux jeunes et rompent avec le
paradigme dominant, offrant un éclairage différent de la sexualité des JVVIH
depuis la naissance (Persson & Newman, 2012). Dans cette section, les repré-
sentations de la sexualité et des risques sexuels, la transition à une vie sexuelle
active, les activités sexuelles et la gestion des risques, de même que le rôle de
la révélation du statut d’infection au VIH sur l’utilisation du préservatif et les
stratégies de négociation du préservatif seront abordées.

6.1. Les représentations de la sexualité et des risques


de transmission sexuelle et la transition
vers une vie sexuelle active
Des travaux suggèrent que les JVVIH depuis la naissance partagent une
conception plutôt négative de la sexualité. En effet, considérant leur séropo-
sitivité au VIH, plusieurs croient qu’il serait inapproprié d’avoir des relations
amoureuses et de s’adonner à des activités sexuelles (Busza et al., 2013). Outre
les enjeux interpersonnels liés aux risques de rejet dans la sphère amoureuse
qui ont été abondamment discutés précédemment, les JVVIH depuis la nais-
sance se disent aussi très préoccupés des risques de transmission sexuelle
(Busza et al., 2013 ; Fernet et al., 2011). Qu’ils soient actifs sexuellement ou
non, ils s’inquiètent non seulement de transmettre le VIH à un partenaire

271
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

éventuel, mais reconnaissent l’importance de protéger leur propre santé (Fer-


net et al., 2007). Ils craignent, entre autres, de contracter d’autres infections
transmissibles sexuellement (ITS) s’ils n’arrivent pas à exiger le préservatif
(Busza et al., 2013 ; Fernet et al., 2007 ; Persson et al., 2014).
Ces représentations de la sexualité et des risques semblent avoir des retom-
bées sur la transition des JVVIH depuis la naissance vers une vie sexuelle active.
En effet, dans le cadre de travaux qualitatifs, des participants ont témoigné que
le VIH a eu des répercussions sur leur trajectoire en les incitant à reporter leur
entrée dans la vie sexuelle (Fernet et al., 2007, 2011) ou à envisager de s’abste-
nir, voire en permanence, d’activités sexuelles (Busza et al., 2013).
À ce propos, la première étude longitudinale à avoir été conduite auprès
des JVVIH par infection verticale aux États-Unis suggérait un délai puber-
taire et des activités sexuelles en raison du VIH (Wiener, Battles et Woods,
2007). Les résultats d’études quantitatives les plus récentes vont dans le même
sens, attestant d’un report intentionnel des activités sexuelles et plus particu-
lièrement les pratiques sexuelles potentiellement à risque pour la transmission
du VIH (bucco-génitales ou avec pénétration vaginale ou anale) (Busza et al.,
2013). À ce propos, la transition vers une vie sexuelle active, mesurée par le
premier coït, serait vécue pour les JVVIH depuis la naissance à un âge com-
parable à celui des jeunes de la population générale. Les résultats de l’enquête
de cohorte multicentrique française COVERTE constituée de 193 JVVIH âgés
entre 18 et 25 ans, infectés principalement par voie périnatale et ayant reçu
un diagnostic avant l’âge de 13 ans, soutient que l’âge médian à la première
relation sexuelle est de 17 ans (Briand et al., 2012). Ceci permet de nuancer les
résultats d’études corrélationnelles réalisées auprès de plus jeunes adolescents
vivant avec le VIH et qui situaient l’âge moyen à la première relation entre 13
et 15 ans (Bauermeister et al., 2012 ; Fernet et al., 2007, 2011 ; Kœnig et al.,
2010 ; Tassiopoulos et al., 2012).
En ce qui a trait aux pratiques sexuelles privilégiées, les JVVIH depuis la
naissance auraient davantage tendance à s’engager dans des activités sexuelles
non coïtales, telles que les baisers et les caresses (Bauermeister et al., 2009 ;
Mellins et al., 2009). À ce propos, les travaux de Bauermeister et collabora-
teurs (2009) effectués aux États-Unis révèlent qu’ils seraient quatre fois moins
susceptibles de s’engager dans une relation sexuelle coïtale comparativement
aux jeunes séronégatifs, mais, qu’en retour, ils seraient trois fois plus enclins à
adopter des activités sexuelles non coïtales.

6.1.1. Les activités sexuelles et les stratégies de gestion des risques


En ce qui a trait aux activités sexuelles, les JVVIH depuis la naissance ayant
participé aux différentes études rapportent avoir eu, en moyenne, entre 2 et
3 partenaires avec qui ils ont eu des activités coïtales depuis le début de leur

272
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

vie sexuelle (Kœnig et al., 2010 ; Tassiopoulos et al., 2012 ; Wiener, Battles,
et al., 2007). En ce qui a trait à l’usage du préservatif à la première relation
sexuelle, parmi les 125 jeunes actifs sexuellement de la cohorte COVERTE
(ANRS), 97 % rapportent avoir utilisé un préservatif lors de leur première
relation sexuelle, alors qu’ils seraient un peu plus de 40 % à rapporter une uti-
lisation irrégulière du préservatif dans la dernière année (Briand et al., 2012).
Les jeunes femmes étaient significativement plus nombreuses à révéler un
usage moins constant du préservatif. Ces difficultés seraient attribuables à la
difficulté de négocier des pratiques sécuritaires avec leur partenaire et à celle
d’aborder la prise de risques avec leur médecin traitant (Briand et al., 2012).
L’usage constant du préservatif a également été comparé en fonction de la
charge virale des patients lors de la dernière visite, et selon les résultats obte-
nus les patients qui présentaient une charge virale détectable (41,7 %) ne se
distinguaient pas significativement de ceux qui présentaient une charge virale
indétectable (49,2 %) (Briand et al., 2012). En somme, à travers les travaux
scientifiques, on estime qu’entre 28 % et 65 % des JVVIH depuis la naissance
et actifs sexuellement auraient eu des relations sexuelles non protégées (Dodds
et al., 2003 ; Fernet et al., 2011 ; Kœnig et al., 2010 ; Mellins et al., 2009, 2011 ;
Wiener, Battles, et al., 2007).
En ce qui concerne leurs pratiques contraceptives, les taux d’incidence de
grossesses non planifiées estimés sont comparables à ceux observés au sein de
la population générale (Brogly et al., 2007 ; Kœnig et al., 2010 ; Wiener, Battles,
et al., 2007). Les JVVIH de la cohorte COVERTE (ANRS) seraient un peu plus
de 80 % à indiquer avoir fait usage d’un contraceptif dans la dernière année,
alors que près de 70 % rapportaient un usage combiné de la pilule contracep-
tive et du préservatif (Briand et al., 2012).

6.1.2. La révélation du statut sérologique au VIH et la négociation


du préservatif
L’influence de la révélation du statut sérologique sur l’usage du préservatif
a également été documentée et les résultats obtenus sont mitigés. Dans leur
recension des écrits scientifiques, Thoth et collaborateurs (2014) rapportent
que les JVVIH depuis la naissance n’utilisent pas plus souvent le préservatif
après avoir révélé leur statut sérologique au VIH à leur partenaire amoureux
ou sexuel. D’autres travaux ont montré l’effet inverse, à savoir que les JVVIH
depuis la naissance avaient moins tendance à utiliser le préservatif une fois
qu’ils avaient révélé leur statut au VIH à leur partenaire amoureux ou sexuel
(Rice, Batterham, & Rotheram-Borus, 2006). En effet, suite à cette révélation,
des JVVIH ont témoigné du refus de leur partenaire d’utiliser le préservatif et
des difficultés éprouvées à négocier par la suite l’utilisation du préservatif (Fair
& Albright, 2012 ; Greenhalgh et al., 2013).

273
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Une étude réalisée par Fernet et collaborateurs (2007) relève des stratégies
déployées par les JVVIH depuis la naissance, et actifs sexuellement, pour négo-
cier le préservatif avec leur partenaire sexuel sans avoir à révéler leur statut
d’infection au VIH. Les filles ont tendance à faire valoir la menace potentielle
d’une grossesse comme prétexte pour convaincre leur partenaire d’utiliser le
préservatif, mais elles vont aussi avoir recours à des arguments d’ordre affectif
(ex. : « si tu m’aimes, tu vas utiliser le préservatif »). D’autres vont plutôt inté-
grer le préservatif à leurs scénarios sexuels en évitant toute discussion relative
à son utilisation. Enfin, certains jeunes affirment s’abstenir complètement ou
temporairement de certaines activités sexuelles, comme le coït vaginal ou anal,
comme stratégie de prévention.
En somme, la prise de risques sexuels des JVVIH est comparable à celle des
jeunes de la population générale (Briand et al., 2012). Ils s’engageraient moins
souvent dans des activités sexuelles coïtales et sans protection comparativement
à leur pairs séronégatifs pour le VIH (Bauermeister et al., 2009, 2012 ; Elking-
ton et al., 2012). Les JVVIH depuis la naissance ne diffèreraient pas significa-
tivement des adolescents exposés au VIH en période périnatale, mais qui sont
séronégatifs au VIH (Dolezal et al., 2014). À quelque exception près (Briand et
al., 2012), les études disponibles sont peu nombreuses et présentent d’impor-
tantes limites méthodologiques (Bauermeister et al., 2012). En effet, les groupes
à l’étude sont souvent composés de pré-adolescents et de jeunes adolescents
(environ 12 ans) où l’activité sexuelle est plutôt limitée. Les échantillons sont
constitués de jeunes tout mode d’infection au VIH confondu (vertical, sexuel,
matériel contaminé). Parfois, les jeunes eux-mêmes sont exclus des études pour
n’interroger que leurs parents/tuteurs ou les prestataires de soins de santé. Par
ailleurs, la plupart des données sont transversales alors que des données longi-
tudinales permettraient de documenter l’évolution des comportements sexuels
au fil du temps et à travers les différents stades de l’adolescence et de mieux
saisir les enjeux du développement sexuels des JVVIH. Cette insistance à docu-
menter les risques associés à la sexualité fait en sorte que les stratégies d’adapta-
tion et les mécanismes de résilience mis à l’œuvre par les JVVIH dans la gestion
des risques sexuels demeurent méconnus (Persson & Newman, 2012).

7. Constats et pratiques d’intervention destinées


aux JVVIH
Considérant les risques d’infection associés au VIH, il n’est pas étonnant que
les discours tant scientifiques (Mergui & Giami, 2011 ; Persson & Newman,
2012) que médicaux (Hiffler & Masson, 2013) se soient focalisés sur la ques-
tion de la prise de risques. Ce chapitre a mis en évidence des représentations
du VIH, associant notamment celui-ci à l’idée d’une sexualité transgressive.

274
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

En revanche, peu de travaux se sont attardés à documenter les dimensions


subjectives de la sexualité (désir, imaginaire, érotisation) des JVVIH (Mergui
& Giami, 2011), témoignant d’une vision réductrice de la sexualité qui n’est
considérée que sous l’angle des comportements à risque (Persson & Newman,
2012). Le discours médical n’échappe pas à cette logique : la sexualité y serait
décrite comme dangereuse et orientée sur la prévention des risques de trans-
mission sexuelle (Hiffler & Masson, 2013). Dans cette dernière section, le déca-
lage entre l’accompagnement offert et les besoins exprimés par les JVVIH en
matière d’éducation à la sexualité sera mis en lumière. Par la suite, les modali-
tés d’éducation à la sexualité et des pistes d’intervention seront abordées.

7.1. Un décalage entre les réponses et les besoins exprimés


par les JVVIH en matière d’éducation à la sexualité
Les JVVIH n’auraient pas accès à une information adéquate au sujet de la
sexualité et l’accompagnement offert dans la transition vers une sexualité
active demeure limité (Busza et al., 2013). Les interventions en matière de
santé sexuelle et reproductive dans les services pédiatriques semblent insuf-
fisantes, critiques qui ont été soulevées tant par les jeunes que par les presta-
taires de soins qui les accompagnent (Dowshen & D’Angelo, 2011). L’exemple
d’un pays d’Afrique de l’Est (UNESCO, 2010) montre ainsi que les JVVIH
font souvent l’objet de discrimination de la part des prestataires de soins de
santé sexuelle et reproductive et sont souvent vivement encouragés à éviter
toute activité sexuelle.
L’expérience clinique révèle que les équipes soignantes sont souvent
démunies quand vient le temps d’aborder des questions relatives à la sexualité
puisqu’à l’exception du VIH, la sexualité n’est généralement pas abordée en
consultation pédiatrique (Hiffler & Masson, 2013). Considérée du domaine
familial, privé et intime, la sexualité est régie par des normes et des valeurs
culturelles et religieuses qui, en l’absence de formation, découragent souvent
la discussion de la sexualité avec les patients. La position des soignants est
inconfortable puisqu’ils sont confrontés à certains parents qui leur reprochent
d’inciter leur adolescent à avoir une vie sexuelle active, alors qu’ils savent que
certains de leurs patients sont sexuellement actifs et sont susceptibles de com-
promettre leur santé et celle d’autrui s’ils ne reçoivent pas l’accompagnement
nécessaire (Hiffler & Masson, 2013). En règle générale, les JVVIH ont entendu
le discours sur l’utilisation du préservatif à l’hôpital, à l’école ou dans les asso-
ciations de lutte contre le VIH, sans avoir pu aborder avec quiconque la ques-
tion de leur sexualité future dans le contexte du VIH. Les intervenants qui
entourent ces jeunes constatent cependant qu’une fois le cap de l’information
sur le préservatif dépassé, il est temps d’aider aussi les jeunes à s’interroger sur
leur capacité à pouvoir l’utiliser et le négocier (Darmon, 2011).

275
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

On constate donc un décalage entre l’accompagnement reçu par les JVVIH


et les besoins exprimés en matière d’éducation à la sexualité. Les JVVIH depuis
la naissance ont des besoins spéciaux concernant leur santé sexuelle et reproduc-
tive. Ils souhaitent discuter des moyens de vivre positivement avec le VIH, de
parler de sexualité et des relations interpersonnelles et d’aborder des questions
ayant trait à la révélation du statut sérologique, à la stigmatisation et à la discri-
mination (UNESCO, 2010). Les questionnements des JVVIH débordent géné-
ralement du cadre de la prévention. En plus des questions que se posent tous les
adolescents sur leur capacité à plaire, sur la manière d’entrer en relation et de
déclarer leur amour, les JVVIH se demandent s’il est possible de séduire quand
on est séropositif ou encore s’ils sont autorisés à le faire. Ils se questionnent éga-
lement à savoir s’ils doivent entrer en relation uniquement avec une personne
séropositive. Dans l’éventualité où le partenaire n’est pas infecté par le VIH, ils
s’interrogent s’il leur sera possible d’avoir des enfants avec lui (Hiffler & Mas-
son, 2013). Ces questions peuvent être très complexes, particulièrement celle de
la révélation du statut d’infection au VIH à son partenaire lorsqu’il y a des senti-
ments amoureux en jeu. Dans cette situation, très souvent, le jeune se confronte
au fait que se protéger en utilisant le préservatif lors de relations sexuelles n’ex-
clut pas le fait qu’il doit se révéler à l’autre dans le cadre de la relation. L’enjeu
pour lui est identitaire, car il souhaite être aimé « tel qu’il est » et la révélation de
soi devient une condition pour pouvoir envisager des projets à long terme (vie
amoureuse partagée, projets d’enfants, etc.) (Hiffler & Masson, 2013).
Dans les faits, les jeunes et leur famille sont souvent laissés à eux-mêmes
pour faire face aux enjeux liés à la révélation du VIH (Evangeli & Foster, 2014).
En se sens, il s’avère primordial de renforcer les interventions ciblant spécifi-
quement les habiletés des JVVIH en matière de prise de décisions et qui sou-
tiennent le développement des compétences, favorisent l’aisance à communi-
quer, la confiance en soi et en ses moyens et une juste connaissance de ses droits
et responsabilités en matière de révélation du VIH (Evangeli et Foster & 2014 ;
Proulx-Boucher et al., 2015). À ce propos, les interventions qui se sont avé-
rées efficaces pour développer les compétences décrites précédemment auprès
d’adolescents et de jeunes adultes affectées par d’autres maladies chroniques
transmissibles sexuellement et stigmatisées dont les hépatites B et C, gagne-
raient à être adaptées au contexte spécifique du VIH (Evangeli & Foster, 2014).
D’autres programmes d’intervention offerts aux populations adultes, qui misent
sur la mobilisation et le renforcement des capacités, pourraient aussi être mis à
contribution auprès des JVVIH. À titre d’exemple, le programme Pouvoir-Par-
tager/Pouvoirs-partagés (Massie et al., 2015 ; Otis et al., 2012) vise à soutenir les
femmes vivant avec le VIH dans la prise de décisions proactives et éclairées rela-
tives à la révélation de leur statut d’infection au VIH dans différents contextes
de vie, dans la mise en œuvre de stratégies avec lesquelles elles se sentent à l’aise
et en les préparant à faire face à de possibles expériences négatives. En contexte

276
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

nord-américain, les effets de cette intervention se sont avérés bénéfiques, aidant


les femmes vivant avec le VIH à avoir un meilleur contrôle sur les situations où
la question de la révélation de leur statut d’infection au VIH se pose, contribuant
ainsi au renforcement de leurs capacités (Otis, 2015).
Le potentiel de ces interventions serait accru si elles étaient proposées aux
JVVIH tôt dans leur cheminement, avant même qu’ils n’envisagent leurs pre-
mières expériences de révélation (Evangeli & Foster, 2014). En effet, comme il
a été soulevé précédemment, les expériences négatives minent les perspectives
relationnelles des jeunes et semblent les décourager à révéler leur séropositi-
vité dans le contexte d’une nouvelle relation (Fernet et al., 2011). Sur le plan
clinique, nous observons aussi de façon récurrente qu’une fois le statut d’in-
fection au VIH révélé au partenaire, s’il y a ensuite rupture amoureuse, celle-ci
est d’emblée attribuée au VIH en dépit des raisons évoquées. Autrement dit, le
jeune se met souvent lui-même dans une position singulière de rejet possible à
cause du VIH et de son ambivalence à lui-même à s’accepter comme personne
vivant avec le VIH. L’adolescent n’est finalement plus à même de s’interroger
sur les motifs réels de ce qu’il vit comme un rejet puisque le rejet est attribué
d’emblé au VIH.

7.2. L’éducation à la sexualité en réponse aux besoins


exprimés
Pour mieux répondre aux besoins exprimés par les JVVIH, il nous semble
impératif de leur offrir une éducation à la sexualité globale et adaptée aux
enjeux sexuels et sociaux auxquels ils font face. L’éducation à la sexualité est
non seulement une composante essentielle de la prévention du VIH, mais elle
est également capitale pour pouvoir atteindre les objectifs de l’accès universel
à la santé reproductive et à la prévention, au traitement, aux soins et à l’appui
en matière de VIH (ONUSIDA, 2006). Le principal objectif d’une éducation
à la sexualité est de doter les jeunes des connaissances, des compétences et
des valeurs leur permettant de faire des choix responsables quant à leurs rela-
tions sexuelles et sociales dans un monde affecté par le VIH (UNESCO, 2010).
Selon les lignes directrices de l’UNESCO (2010), une éducation à la sexualité
efficace est le moyen de fournir aux jeunes des informations s’appuyant sur
des données probantes, culturellement pertinentes et adaptées à leur niveau
de développement. Les nombreuses vertus de l’éducation à la sexualité ont été
abondamment documentées. Des programmes efficaces peuvent, entre autres,
limiter la désinformation, accroître les connaissances pertinentes, clarifier et
renforcer les valeurs et les attitudes positives, développer la capacité à prendre
des décisions éclairées et à s’y conformer, améliorer la perception des normes
des pairs et de la société et favoriser la communication avec les parents ou
d’autres adultes de confiance (UNESCO, 2010).

277
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

7.2.1. Un dialogue ouvert avec les adultes significatifs


Étant donné leur position privilégiée auprès des JVVIH et de leur famille,
les professionnels de la santé ont un rôle clé à jouer auprès de ces jeunes qui
amorcent leur vie amoureuse et sexuelle et qui doivent composer notamment
avec les multiples enjeux liés à la révélation du statut d’infection au VIH, qu’ils
soient d’ordre légal, relationnel, social ou moral (Evangeli & Foster, 2014). Les
professionnels de la santé souhaitent être accompagnés et soutenus dans leurs
interventions (Bott & Obermeyer, 2013) et bénéficieraient de recevoir une for-
mation en matière d’éducation à la sexualité.
Les parents et les familles jouent un rôle capital en matière d’éducation à
la sexualité, car ils façonnent la façon dont leurs enfants conçoivent les iden-
tités sexuelles et sociales (UNESCO, 2010). Il apparaît opportun d’encourager
les parents et les tuteurs à ouvrir le dialogue au sujet de la sexualité avec leurs
enfants, et ce, dans un climat de confiance et d’ouverture propice à l’échange
entourant les changements pubertaires, l’éveil amoureux et sexuel et l’agir sexuel
(préoccupations, anticipations, savoir-être et savoir-faire) (Fernet et al., 2015).
En effet, les familles affectées par le VIH pourraient bénéficier d’un soutien pour
créer des opportunités d’échange au sujet du VIH et de la sexualité. En effet, le
sentiment de proximité et la satisfaction dans la relation avec les parents facilite-
raient les discussions à propos de la sexualité. En retour, les discussions visant une
éducation à la sexualité (ex. : relations amoureuses, santé sexuelle, valeurs, etc.)
contribueraient à accroître, du point de vue du jeune, la perception d’ouverture
dans ses communications avec ses parents (Martino, Elliott, Corona, Kanouse, &
Shuster, 2008). Il s’avère également important de sensibiliser les parents à l’im-
portance d’établir ce dialogue dès l’enfance, avant le début de la puberté, période
où le jeune ressent désormais le besoin de prendre de la distance à l’égard de
ses parents et où les interactions avec les parents peuvent devenir plus tendues.
Enfin, les interventions auraient intérêt à miser sur les qualités d’éducateurs du
parent qui, dans bien des cas, vit lui aussi avec le VIH (Fernet et al., 2015). Celles-
ci pourraient soutenir les parents en les aidant, d’une part, à clarifier leurs propres
attitudes, perceptions et opinions à l’égard du VIH et de la sexualité et, d’autre
part, en les préparant à jouer leur rôle d’éducateur sexuel à travers un éventail de
situations qu’il pourrait rencontrer avec leur adolescent (accompagner et soute-
nir, répondre à des questions, rectifier des informations inadéquates, favoriser la
prise de conscience et un changement d’attitudes, etc.).

7.2.2. Le rôle des pairs


Des travaux qui documentent spécifiquement l’influence des pairs sur les
normes sexuelles (ex. : perceptions des comportements normatifs, acceptés
ou désirés parmi des figures valorisées), les comportements sexuels et la prise
de risque chez les JVVIH seraient fort utiles. Ils permettraient, entre autres,

278
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

de mieux comprendre comment les normes sociosexuelles (comportements


réels et perçus), les injonctions (désapprobation réelle et perçue) et la pres-
sion des pairs (encouragement explicite et actif) interviennent sur la sexualité
des JVVIH, dans un contexte où le VIH est stigmatisé et qu’une importante
proportion ne révèle pas à leurs pairs leur statut sérologique. Une meilleure
compréhension du rôle des pairs sur la sexualité des JVVIH pourrait égale-
ment offrir des pistes intéressantes pour orienter les interventions leur étant
destinées en matière d’éducation à la sexualité.

7.3. Des interventions Avec, Par et Pour les jeunes vivant avec
le VIH
Comme le montrent les études et l’expérience pratique, les programmes d’édu-
cation à la sexualité sont souvent perçus comme plus attrayants et sont plus
efficaces quand les jeunes sont impliqués dans l’élaboration de leur contenu
(UNESCO, 2010). Faciliter le dialogue entre les différentes parties prenantes,
et plus particulièrement entre les jeunes et les adultes, peut aussi contribuer à
mobiliser un soutien (UNESCO, 2010). Chez les JVVIH, ce soutien pourrait
être favorable à la gestion du stigmate associé au VIH et contribuer à briser
l’isolement. L’engagement des parties prenantes en matière d’intervention est
bien connu dans la communauté des personnes vivant avec le VIH. « Rien sur
nous sans nous », clamaient dès 1983 les communautés affectées par le VIH
(ONUSIDA, 2007). Le principe GIPA (Greater Involvement of People Living
with HIV/AIDS), Avec, Par et Pour « vise à garantir aux personnes vivant avec
le VIH l’exercice de leurs droits et de leurs responsabilités, y compris leur droit
à l’autodétermination et à la participation aux processus de prise de décisions
qui affectent leur propre vie » (ONUSIDA, 2007). Les bénéfices du principe
Avec, Par et Pour sont nombreux et sont perceptibles tant sur les plans indivi-
duel, organisationnel que social et communautaire (ONUSIDA, 2007). Sur le
plan individuel, la participation accrue contribue à briser l’isolement, renforce
l’estime de soi et améliore la qualité de vie en permettant aux personnes impli-
quées d’être mieux informées et de gagner du pouvoir décisionnel dans des
espaces protégés. Sur le plan des organisations, la participation des personnes
vivant avec le VIH offre des modèles positifs et variés aux autres personnes
affectées, donne accès à des connaissances et à des expériences subjectives
enrichissantes, en plus d’orienter les services offerts et ainsi mieux répondre
aux besoins. Enfin, sur le plan social, les activités visant à accroître la visibilité
des personnes vivant avec le VIH peuvent contribuer à atténuer la stigmatisa-
tion entourant le VIH et à offrir une image positive (ONUSIDA, 2007).
Dans un rapport produit par les Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
[UNICEF] (2010), des initiatives considérées comme les meilleures pratiques
pour les enfants et les adolescents VVIH sont exposées. Un premier cas de

279
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

figure est le Baylor International Pediatric AIDS Service (BIPAI0 Teen Club
programs, http://bipai.org/About-BIPAI/Teen-Club-International.aspx), l’un
des plus grands réseaux regroupant 3 500 membres actifs en opération dans
6 pays d’Afrique (Botswana, Lesotho, Malawi, Uganda, Swaziland et Tanza-
nie). Un deuxième cas de figure est l’organisation Africaid qui offre, dans le
cadre de son programme Zvandiri (http://www.africaid-zvandiri.org/), des
services de prévention, de traitement, de soins et de soutien à l’échelle de la
communauté et destinés aux enfants et aux adolescents VVIH au Zimbabwe.
Ces initiatives ont en commun d’offrir aux JVVIH un accompagnement spéci-
fique, incluant un soutien psychologique et communautaire allant au-delà des
services cliniques (UNICEF, 2010). Fidèles au principe Avec, Par et Pour, ces
initiatives valorisent le potentiel de mobilisation et le renforcement des capaci-
tés des enfants et des adolescents dans leur capacité d’établir des relations posi-
tives, d’améliorer leur estime d’eux-mêmes et d’acquérir leurs compétences à
travers un réseau de soutien par les pairs et d’activités structurées. Les enfants
et les adolescents sont au cœur de ces initiatives puisqu’ils sont non seulement
engagés dans la planification, l’implantation, la supervision, mais aussi dans
l’évaluation des programmes et des activités proposées.

7.4. Les modèles d’accompagnement complémentaires


de la prise en charge individuelle
Des modèles d’accompagnement complémentaires de la prise en charge indi-
viduelle sont de plus en plus organisés dans les services et les associations qui
prennent en charge les enfants et les adolescents vivant avec le VIH (Hiffler &
Masson, 2013). Ces modèles sont propices à l’intégration de contenus relatifs
à l’éducation à la sexualité.

7.4.1. Les groupes d’animation/récréation


Ces groupes sont organisés autour d’une activité ludique ou culturelle (des-
sin, chant pour les plus jeunes ou théâtre, sports, sorties pour les plus âgés).
Ces groupes favorisent la socialisation et sont particulièrement intéressants à
l’adolescence puisqu’ils mobilisent le groupe d’appartenance (Hiffler & Masson,
2013). Parmi les initiatives recensées en Amérique du Nord, on retrouve des
camps de vacances offerts aux JVVIH depuis la naissance (Camp Moomba au
Canada, Camp Strong et Teen Forum aux États-Unis). En plus d’offrir les mêmes
avantages que tout autre camp (activités récréatives, développement de l’auto-
nomie et des compétences sociales, etc.), ces camps proposent des interventions
destinées aux JVVIH (Gillard, Witt & Watts, 2011). Une étude de cas menée aux
États-Unis dans un camp de vacances pour JVVIH (Camp Strong) documente
l’appréciation des participants au sujet des discussions modérées par un adulte

280
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

(Gillard et al., 2011). Les participants rencontrés dans le cadre d’entrevues et de


groupes de discussion rapportent, en premier lieu, avoir apprécié le soutien des
autres campeurs. À ce propos, ils témoignent avoir développé des relations posi-
tives avec d’autres jeunes avec qui ils partagent des expériences communes (état
de santé, traitements, avoir perdu un parent ou un ami des suites du sida, etc.) et
ainsi briser l’isolement. En deuxième lieu, le camp est perçu comme un moment
de répit et de divertissement où ils se sentent libérés de leurs stress et responsa-
bilités quotidiennes. Ils ne ressentent plus le besoin de taire leur séropositivité,
comme c’est le cas lorsqu’ils sont dans leur environnement habituel. En troi-
sième lieu, le camp favorise l’acquisition de connaissances en lien notamment
avec la gestion de la colère, le virus du VIH, la révélation du statut, les relations
amoureuses et l’adhésion aux traitements. Cette formule valorise le partage
d’histoires personnelles, caractéristique apparaissant particulièrement adaptée
aux communautés culturelles ayant une forte tradition orale, par exemple les
communautés amérindiennes et africaines. Au sud, le camp Hope s’inscrit dans
les activités du BIPAI Teen Club program (http://bipai.org/About-BIPAI/Teen-
Club-International.aspx) et cible plus spécifiquement les jeunes les plus vulné-
rables et qui présentent, par exemple, des difficultés d’adhésion aux traitements.
Le camp offre des activités récréatives (cuisine et nutrition, développement de la
personnalité, arts et métiers, danse, sports, etc.) et vise à favoriser le développe-
ment d’amitiés. Pour ce faire, on fait appel à la participation de pairs adolescents
qui agissent à titre de modèles et appuient les intervenants (psychologues et tra-
vailleurs sociaux) dans les activités proposées.

7.4.2. Les groupes d’éducation thérapeutique


Ces groupes suivent une démarche structurée, calquée sur les séances indi-
viduelles d’éducation thérapeutique. Un diagnostic initial des besoins de
renforcement de compétences, de savoir-faire est d’abord effectué, puis un
programme avec contenu, objectifs pédagogiques et évaluation finale est éta-
bli (Hiffler & Masson, 2013). À titre d’exemple, le Life Skills Curricula Deve-
lopment (http://bipai.org/About-BIPAI/Teen-Club-International.aspx) vise à
outiller les jeunes pour prendre des décisions éclairées au sujet de leur santé
durant cette période de transition vers l’âge adulte. Une trousse d’intervention
« Teen Talk for HIV-positive adolescents » prévoit, entre autres, des modules sur
la santé reproductive, les émotions, les relations interpersonnelles, le stigma et
la révélation du statut d’infection au VIH et l’adhésion aux traitements.

7.4.3. Les groupes de soutien et de parole


Les groupes de soutien sont animés par les pairs qui s’autorégulent et qui
concernent les adolescents plus âgés et jeunes adultes (Hiffler & Masson,

281
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

2013). Par exemple, dans le cadre du programme Zvandiri, l’organisation


Africaid (http://www.africaid-zvandiri.org/) accueille plus de 500 JVVIH
dans 17 communautés de Harare et Chitungwiza au Zimbabway. Ces jeunes
assistent, chaque mois, à des groupes de soutien animés par un mentor devenu
adulte qui a lui-même évolué au sein du programme. Ce forum est un lieu de
partage et d’apprentissage où les jeunes se sentent acceptés et soutenus dans
un espace sécuritaire.
Les groupes de parole recouvrent sur le terrain des pratiques parfois très
différentes. La définition et les objectifs des groupes de parole sont assez précis
et consistent en un espace de libre parole regroupant des personnes confron-
tées à un problème commun et animé par un intervenant/prestataire, qui vise
à des effets thérapeutiques (Hiffler & Masson, 2013). L’association ADOVIH
vise la réflexion et l’organisation de forums parisiens autour des questionne-
ments des JVVIH et de leur entourage. Cette association a été créée en 2008
à l’initiative d’un groupe de professionnels pluridisciplinaire travaillant en
milieux hospitaliers ou dans des associations de lutte contre le sida. ADOVIH
favorise les échanges entre les adolescents concernés par le VIH sur des thé-
matiques qui les concernent (c’est-à-dire sexualité, adhésion aux traitements,
transition des services pédiatriques aux services adultes, etc.).

7.4.4. Les espaces d’échange en ligne


Les plateformes de discussion et de forum en ligne par les personnes affectées
d’une maladie chronique sont largement utilisées (Thoër, 2012). Les récits
de vie, les témoignages et les conseils de santé s’appuyant sur l’expérience
favorisent non seulement l’appropriation et la vulgarisation d’informations
médicales, mais permettent aussi de briser l’isolement, d’obtenir du soutien
et d’acquérir de nouveaux outils. La mise en commun d’expériences avec
des pairs vivant des situations semblables est aussi l’occasion de partager
ses émotions sous le couvert de l’anonymat et sans crainte d’être stigmatisé,
ce qui incite à une plus grande révélation de soi (Wright, Johnson, Bernard,
& Averbeck, 2011). Plusieurs études soulignent d’ailleurs le potentiel des
espaces d’échanges en ligne pour aider les individus à mieux vivre avec une
situation problématique en réduisant l’anxiété et la détresse psychologique
(Hill & Weinert, 2004). Par ailleurs, considérant la stigmatisation entou-
rant le VIH et les craintes associées à la révélation du statut d’infection
au VIH, on peut supposer que ces jeunes ont peu de modèles auxquels se
référer en matière de relations amoureuses et de sexualité. Sur le plan de
l’intervention, les espaces d’échanges en ligne s’avèrent un axe novateur à
considérer auprès des JVVIH considérant leur potentiel à fournir un sou-
tien émotionnel, informationnel et normatif (Gauducheau, 2012 ; Wright
et al., 2011).

282
Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

8. Conclusion
Ce chapitre met en lumière des défis particuliers avec lesquels doivent com-
poser les JVVIH depuis la naissance. En effet, en plus de devoir naviguer à
travers les relations amoureuses et d’apprivoiser leur sexualité comme tout
autre adolescent, ils doivent en plus apprendre à vivre avec le VIH, une mala-
die chronique, sexuellement transmissible et socialement stigmatisée. Diffé-
rents constats peuvent être dégagés de ce bilan des travaux s’étant intéressés
aux JVVIH. Le VIH s’inscrit dans le parcours biographique de ces jeunes et
marque leur développement identitaire. Ils sont angoissés par l’établissement
de relations amoureuses et sont habités par la peur du rejet, mais ils rêvent
pourtant d’être amoureux et de fonder une famille. Ces jeunes sont préoccu-
pés par la question de la révélation de leur statut d’infection au VIH, ce qui
teinte l’ensemble de leurs expériences amoureuses et sexuelles. Les messages
que reçoivent les JVVIH sur la sexualité, souvent renforcés par les parents et
les prestataires de soins, sont le plus souvent négatifs et associés à une sexualité
transgressive et dangereuse. Considérant les risques de transmission et, dans
certains pays, les enjeux associés à la criminalisation du VIH, les messages
offerts sont orientés vers l’abstinence sexuelle ou misent uniquement sur la
protection sexuelle.
Ce positionnement paradigmatique centré sur les comportements à risque
occulte les stratégies d’adaptation, les mécanismes de résilience et les com-
pétences spécifiques développées par ces jeunes dans la gestion des risques
sexuels (Persson & Newman, 2012). Des travaux ultérieurs auraient intérêt à
explorer les compétences spécifiques développées par les JVVIH puisque ces
dernières pourraient servir de leviers d’intervention dans les actions leur étant
destinées. En effet, de plus en plus nombreux sont les chercheurs qui recon-
naissent que les relations amoureuses et sexuelles offrent l’opportunité aux
adolescents de développer leur concept de soi sexuel et leur réflexivité, et d’ac-
quérir de nouvelles compétences interpersonnelles pour combler leurs besoins
d’intimité et de proximité émotionnelle (Boislard & Zimmer-Gembeck, 2012;
Tolman & McClelland, 2011). Les besoins de ces jeunes en matière d’éducation
à la sexualité sont criants, mais il semble y avoir un décalage entre les besoins
exprimés et l’accompagnement reçu. L’éducation à la sexualité est un lieu pri-
vilégié qui offre des possibilités structurées d’exploration des attitudes et des
valeurs et de promotion de comportements sécuritaires (UNESCO, 2010). En
plus d’offrir aux jeunes une information adéquate, des interventions d’éduca-
tion à la sexualité adaptées aux besoins particuliers de ces jeunes pourraient
leur permettre de mieux naviguer à travers le développement psychosexuel et
social et de renforcer leurs compétences afin qu’ils soient en mesure de faire des
choix éclairés et responsables dans leur vie sexuelle. Ces interventions doivent
nécessairement dépasser le cadre clinique, offrir des méthodes diversifiées et

283
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

des activités attrayantes et engager l’ensemble des acteurs concernés, à savoir


leurs parents/tuteurs, les prestataires de soins qui les accompagnent. Fidèles au
principe Avec, Par et Pour, ces interventions doivent favoriser la participation
accrue des principaux intéressés, c’est-à-dire les JVVIH, à toutes les phases du
développement, de l’implantation et de l’évaluation.

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Chapitre 7 – Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance

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291
Chapitre 8
La sexualité des jeunes
en situation de précarité

8 Philippe-Benoit CÔTÉ, Marta MAIA,


Guillaume RENARD-ROBERT

1. Introduction
Au cours des dernières années, les études portant sur la sexualité des jeunes
en situation de précarité se sont multipliées de manière importante. Or, aucun
document, à notre connaissance, ne présente un portrait global des résultats
empiriques récents sur la sexualité de ces jeunes. À partir d’un état des lieux sur
la sexualité et les interventions en santé sexuelle chez les jeunes en situation de
précarité, ce chapitre se veut une réponse à cette lacune scientifique. Le texte
débute par une réflexion sur les éléments définitionnels de la catégorie sociale
des « jeunes en situation de précarité ». Par la suite, un état des connaissances
sur les principales thématiques liées à la sexualité des jeunes en situation de
précarité est présenté : la prise de risque sexuel, les expériences amoureuses
et parentales ainsi que la victimisation sexuelle. Les interventions et les ser-
vices en santé sexuelle chez les jeunes en situation de précarité sont également
documentés. En guise de conclusion, des pistes de recherches futures sur la
sexualité de ces jeunes sont discutées.

2. Qui sont les jeunes en situation de précarité ?


Le concept de « jeunesse » désigne, de façon générale, une période de transition
entre l’enfance et la vie adulte (Galland, 2011). En raison de l’individualisation

293
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

propre aux sociétés contemporaines, cette période de transition qu’est la jeu-


nesse se voit marquée par une multiplicité de réalités singulières et propres
à chacun des jeunes : ce que Schehr (2000) désigne par la notion de « pro-
cessus de singularisation ». En effet, les jeunes ont des comportements, des
représentations, des normes, des façons de penser, de sentir et d’agir, des pers-
pectives par rapport au futur, des trajectoires de vie et des identités sociales
diverses selon les contextes historiques, géographiques, économiques, poli-
tiques, culturels et sociaux qui encadrent leurs quotidiens (Mauger, 2006). Ce
processus de singularisation de la jeunesse conduit les jeunes à définir eux-
mêmes leur identité en fonction d’une appropriation personnelle des rituels
professionnels, familiaux et sexuels qui marquent leur passage vers la vie
adulte (Galland, 2011 ; Schehr, 2000). Au-delà de la quête identitaire propre
à cette période de la vie, certains jeunes doivent, en plus, composer avec des
conditions de vie particulières, telles que la précarité (Germes, Schimel, Brai-
lich, Glaszei, & Pütz, 2010), qui les poussent à se définir et à agir à l’aune
« de la misère et de l’absence » (Le Blanc, 2007, p. 78). Le concept de jeunesse
constitue donc une période de vie dynamique – néanmoins, pour des raisons
pratiques, nous situerons les jeunes dans la tranche d’âge de 15 à 24 ans1 – qui
pose des enjeux identitaires importants, notamment sur le plan de la sexualité,
et ce, tout particulièrement dans le contexte de la précarité.
Le concept de « précarité » chez les jeunes constitue une notion poly-
sémique qui se déploie et se comprend différemment selon la culture et le
contexte social auxquels il est associé (Vultur, 2010). Dans son acception la
plus répandue, le concept de précarité témoigne des difficultés d’accès ou de
maintien au marché de l’emploi par les jeunes ou par leurs familles (« pré-
carité économique » ; Gauthier, 2011). Cette définition sous-tend la préca-
rité des conditions de vie économiques des jeunes et leurs difficultés à sub-
venir à leurs besoins essentiels, tels qu’un hébergement, de la nourriture et
des vêtements. Le concept de précarité est également mobilisé par certains
auteurs pour décrire l’instabilité résidentielle et les obstacles de domiciliation
rencontrés par les jeunes (« précarité résidentielle » ; Laberge & Roy, 2001 ;
Peretti, 2006). La question de la précarité résidentielle, qui a été surtout étu-
diée à la lumière du phénomène de l’itinérance, témoigne d’une absence de
domicile fixe conduisant les jeunes à multiplier les stratégies d’hébergement
(dormir chez des connaissances ou des amis, vivre à la rue, cumuler les séjours
de thérapies, etc.) ponctuées de courtes périodes en appartement privé ou en
colocations plus ou moins houleuses. En plus de cette instabilité économique
et résidentielle, certains chercheurs ajoutent au concept de précarité les diffi-
cultés psychosociales vécues par les jeunes, telles que les ruptures familiales,

1 Il n’existe pas de définition officielle de l’âge de la jeunesse. Cependant, les Nations unies
définissent les « jeunes » comme des personnes âgées de 15 à 24 ans (Centre d’observation
de la Société, 2015).

294
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

la détresse et la souffrance psychologique, ainsi que la dépendance à la drogue


(« précarité psychosociale » ; Lafortune & Gilbert, 2013). Cette diversité de
significations illustre la complexité du concept de précarité et témoigne de
l’importance de l’appréhender dans une acception large.
Afin de mettre en évidence le caractère pluriel de cette réalité sociale chez
les jeunes, c’est le concept de « situation de précarité » qui est utilisé dans ce
chapitre. La précarité n’est pas conçue ici comme un état statique, mais comme
une situation de vie flexible et mouvante à laquelle les jeunes sont confrontés
(Côté, 2013 ; Vultur, 2010). Cette variabilité est d’autant plus importante que
les travaux empiriques montrent que la situation de précarité chez les jeunes
n’est pas linéaire, mais qu’elle traduit plutôt une histoire à épisodes multiples
marqués par des allers-retours entre des situations de stabilité et d’instabilité
résidentielle et économique (Gauthier, 2011 ; Kelly & Caputo, 2007). Dans ce
chapitre, la sexualité des jeunes est illustrée principalement à partir des tra-
vaux portant sur deux catégories sociales spécifiques, à savoir les jeunes de
« banlieue » et les jeunes de « la rue », qui constituent des idéaux-types de la
« situation de précarité » (Le Blanc, 2007 ; Mauger, 2006).
Les jeunes de « banlieue » et de « la rue » sont des catégories sociales aux
contours flous et mal définis. Elles sont construites par des unités de sens liées
à des expériences subjectives et à des positions matérielles et mouvantes (Côté,
2013 ; Germes et al., 2010 ; Maia, 2004). Le concept de « jeunes de banlieue »
(ou « jeunes des quartiers sociaux ») apparaît dans les années 1980, en France,
pour désigner les jeunes des périphéries urbaines qui sont socialement défavo-
risés et en grande partie issus de l’immigration. Cette catégorie sociale existe
également dans d’autres pays européens pour désigner les jeunes des « milieux
populaires » ou de « zones urbaines sensibles ». Bien qu’avec quelques variantes
selon les pays (l’accent est mis soit sur l’origine culturelle, soit sur les pro-
blèmes sociaux), ce concept renvoie invariablement à la précarité, l’exclusion
sociale et la violence (Germes et al., 2010 ; Maia, 2004). L’hétérogénéité de
cette catégorie sociale constitue un obstacle à son dénombrement, mais les
chiffres disponibles estiment que, en France, la population des « ZUS » – zones
urbaines sensibles – s’élève à quatre millions d’habitants, dont près de 43 %
des habitants sont âgés de moins de 25 ans (Onzus, 2012).
Quant au concept de « jeunes de la rue » (ou « jeunes itinérants »), il est
utilisé en Amérique du Nord, principalement au Canada et aux États-Unis,
pour décrire les jeunes qui passent un temps considérable dans la rue et qui
vivent dans des conditions de vie d’instabilité économique et résidentielle
(Kelly & Caputo, 2007). En Europe, les jeunes de la rue sont identifiés notam-
ment sous les vocables de « jeunes sans domicile fixe » ou « jeunes sans-abri »
et renvoient principalement à la précarité résidentielle à laquelle s’ajoutent
des conditions de vie économiques défavorisées (Peretti, 2006). En raison du
caractère flexible et mouvant de la définition de cette catégorie sociale, il est

295
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

difficile d’identifier la population exacte de ces jeunes, mais ils sont évalués à
des millions à travers le monde, et seraient près de 150 000 au Canada à vivre
dans la rue chaque jour (Agence de santé publique du Canada [ASPC], 2006).
Le recours à ces deux catégories sociales permet de témoigner de la diver-
sité des enjeux liés à la sexualité chez les jeunes en situation de précarité, et
ce, dans une logique intégrative entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Ce
chapitre propose donc de faire un état des lieux sur la sexualité des jeunes en
situation de précarité à partir des thématiques les plus explorées au sein des
écrits scientifiques, soit la prise de risque sexuel, les expériences amoureuses
et parentales, la victimisation sexuelle et les interventions en santé sexuelle. La
prise de risque sexuel, qui constitue la thématique la plus documentée parmi
les travaux scientifiques, est détaillée dans la prochaine section sous l’angle des
facteurs associés à l’absence de méthodes prophylactiques chez les jeunes en
situation de précarité.

3. La prise de risque sexuel chez les jeunes


en situation de précarité
La majorité des jeunes en situation de précarité sont actifs sexuellement
(Godeau, Navarro, & Arnaud, 2012 ; Solorio, Milburn, Weiss, & Batterham,
2006). Autant en Europe qu’en Amérique du Nord, cette vie sexuelle active
s’accompagne de risques importants pour la santé des jeunes, à savoir une
utilisation inconstante du préservatif (Godeau et al., 2012 ; Leclerc, Gallant,
Morisette, & Roy, 2013 ; Marshall et al., 2009) et la fréquentation de parte-
naires sexuels multiples (Maia, 2004 ; Marshall et al., 2009 ; Rosa, Montgo-
mery, Hyde, Iverson, & Kipke, 2001). Il est difficile de porter un jugement
précis sur la prévalence de partenaires sexuels multiples chez les jeunes en
situation de précarité étant donné que les critères d’identification, tels que
le nombre de partenaires, sont différents pour l’ensemble des études (Haley
et al., 2002 ; Rosa et al., 2001). Il est toutefois important de rappeler que le
nombre de partenaires sexuels n’est pas un facteur de risque en lui-même,
mais bien un indicateur de risques sexuels.
Cette prise de risque sexuel chez les jeunes en situation de précarité se tra-
duit par une prévalence élevée d’infections transmissibles sexuellement et par
le sang (ITSS) et de grossesses non planifiées (Boivin, Roy, Haley, & Du Fort,
2005 ; Leclerc et al., 2013 ; Le Vu et al., 2010). Par exemple, l’étude quantitative
de Leclerc et al. (2013), réalisée au Canada auprès de 182 jeunes de la rue à
Montréal âgés de 15 à 24 ans, montre que les taux de prévalence sont particu-
lièrement élevés chez ces jeunes en ce qui concerne l’infection à la chlamydiose
génitale (6,2 %), à l’hépatite C (6,3 %) et au VIH (1,1 % ; Leclerc et al., 2013) :
une proportion de 20 à 30 fois plus élevée que chez les jeunes de la population

296
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

générale au Canada (Boivin et al., 2005 ; Shields et al., 2004). Également, entre
37 % et 62 % des jeunes filles de la rue âgées de 14 à 23 ans rapportent au moins
un épisode de grossesse au cours de leur vie (Leclerc et al., 2013 ; Winetrobe
et al., 2013). De façon plus spécifique, la grossesse en situation de précarité est
associée à des problèmes de santé, tels que les troubles de santé mentale (ex. :
dépression majeure, syndrome de stress post-traumatique : Simmat-Durand,
2002), la dépendance à la drogue (Simmat-Durand, 2002), les enfants de petit
poids et la mortalité infantile (Crawford, Trotter, Hartshorn, & Whitbeck,
2011). Pour expliquer cette prise de risque sexuel chez les jeunes en situation
de précarité, différents facteurs individuels et structurels sont documentés
dans la littérature scientifique.

3.1. Les facteurs individuels associés à la prise de risque


sexuel chez les jeunes en situation de précarité
Six principaux facteurs individuels ont été identifiés pour expliquer la prise de
risque sexuel chez les jeunes en situation de précarité : l’âge, les connaissances
sur la sexualité, les attitudes à l’égard du préservatif, la perception des risques
sexuels, la consommation de drogues et la prostitution2. De façon générale,
c’est la méthodologie quantitative qui prédomine parmi ces travaux, bien que,
depuis quelques années, les chercheurs semblent s’appuyer de plus en plus
sur la méthodologie qualitative afin de documenter la perception et les méca-
nismes sous-jacents à la prise de risque sexuel chez ces jeunes.

3.1.1. L’âge
Les jeunes en situation de précarité qui sont plus âgés (plusieurs études font
référence à la catégorie d’âge « 19 ans et plus ») sont davantage à risque de
contracter une ITSS (Boivin et al., 2005 ; Bozon, 2009 ; Paicheler, 2000 ; Rosa
et al., 2001 ; Roy et al., 2001). L’étude quantitative de Roy et al. (2001) défend
l’hypothèse de l’effet cumulatif pour expliquer cette association entre l’âge et
les ITSS chez les jeunes en situation de précarité. Les jeunes plus âgés seraient
actifs sexuellement et exposés à la situation de précarité depuis plus longtemps
(Roy et al., 2001), ce qui augmenterait leur probabilité d’adopter des compor-
tements sexuels à risque pour répondre à leurs besoins essentiels, tels que le
recours à la prostitution, le multipartenariat sexuel et l’abandon du préservatif
sans tests de dépistage préalables (Bozon, 2009 ; Maia, 2004). L’âge ne serait

2 Si différents termes sont utilisés dans les études empiriques pour témoigner de la prostitu-
tion chez les jeunes en situation de précarité (ex. : sexe de survie, transactions sexuelles,
travail du sexe), ils évoquent tous l’idée d’un échange de faveurs sexuelles contre de l’argent,
de la drogue, un endroit pour dormir, des cadeaux ou de la nourriture (voir, entre autres,
Moujoud, 2005 ; Provencher, Côté, Blais, & Manseau, 2013).

297
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

donc pas en soi un prédicteur de la prise de risque sexuel chez ces jeunes, il
témoignerait plutôt de la durée d’exposition à la situation de précarité qui les
contraindrait à mobiliser des comportements sexuels à risque afin d’assurer
leur survie en contexte d’instabilité économique et résidentielle.

3.1.2. Les connaissances sur la sexualité


Quelques études indiquent que les jeunes en situation de précarité possèdent
de bonnes connaissances sur la sexualité, principalement sur les symptômes,
la transmission et le traitement des ITSS (Haley, Denis, & Roy, 2005 ; Rew,
Grady, Whittaker, & Bowman, 2008). Toutefois, ces jeunes font preuve de
fausses croyances à l’égard de la santé reproductive et génésique, telles que le
cycle menstruel et l’infertilité (Haley et al., 2005), et de la prévention des ITSS,
tels que les qualités prophylactiques du préservatif (Maia, 2010a), ainsi que les
risques d’infection associés à certaines pratiques sexuelles (notamment le sexe
oral et la pénétration anale ; Maia, 2010a ; Manseau, Blais, Côté, & Provencher,
2011). Par exemple, si les jeunes filles de la rue sont unanimes sur l’effica-
cité du préservatif pour la prévention des ITSS, elles doutent de son efficacité
pour prévenir les grossesses (Haley et al., 2005). D’après l’étude quantitative
d’Haley et al. (2006), réalisée auprès de 148 jeunes filles de la rue âgées de 14 à
23 ans, une proportion non négligeable d’entre elles rapportent se fier sur des
méthodes peu efficaces pour prévenir les grossesses (21,5 % rapportent utiliser
le coït interrompu occasionnellement et 12,7 %, toujours ou régulièrement).
Par ailleurs, les jeunes filles en situation de précarité possèdent de meilleures
connaissances que les jeunes garçons à l’égard des ITSS en raison des inquié-
tudes associées aux risques de grossesses non planifiées (Beltzer, Saboni, Sau-
vage, Sommen, & l’équipe KABP, 2011 ; Germes et al., 2010 ; Maia, 2004).

3.1.3. Les attitudes à l’égard du préservatif


Les attitudes à l’égard du préservatif sont documentées comme étant un facteur
de risques sexuels important chez les jeunes en situation de précarité. Les jeunes
qui utilisent de façon constante le préservatif estiment qu’il s’agit de la meilleure
méthode pour prévenir une grossesse (Beltzer et al., 2011 ; Kennedy et al., 2015 ;
Tyler & Melander, 2012 ; Winetrobe et al., 2013), manifestent un sentiment
de peur et d’inquiétude à l’égard des ITSS (Bajos & Bozon, 2008 ; Kennedy et
al., 2015 ; Rana et al., 2014 ; Winetrobe et al., 2013) et présentent une attitude
favorable à l’égard de cette méthode prophylactique (Kennedy, Tucker, Green,
Golinelli, & Ewing 2012 ; Tucker et al., 2014). Toutefois, l’étude qualitative de
Manseau et al. (2011), menée au Canada auprès de 42 jeunes de la rue âgés de 18
à 32 ans, soutient que la peur des grossesses et des ITSS, bien qu’elle soit souvent
évoquée par les jeunes, ne semble pas suffisante pour les encourager à utiliser de

298
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

façon constante le préservatif. Le manque de motivation à faire usage du préser-


vatif et l’inconfort à l’utiliser augmentent les risques d’infection aux ITSS chez
ces jeunes (Leclerc et al., 2013). L’étude qualitative de Rana et al. (2014), réalisée
aux États-Unis auprès de 29 jeunes de la rue âgés de 13 à 23 ans, ainsi que celle
de Maia (2004), réalisée en France auprès de 528 jeunes de la banlieue parisienne
âgés de 13 à 20 ans, révèlent que les participants résistent à utiliser le préservatif,
car ils considèrent que cette méthode de protection sexuelle fait obstacle au plai-
sir sexuel et réduit les sensations physiologiques.

3.1.4. La perception des risques sexuels


Les jeunes en situation de précarité qui présentent une faible perception des
risques sexuels utilisent moins le préservatif et, ainsi, s’exposent davantage
aux risques d’ITSS (Bozon, 2009 ; Leclerc et al., 2013 ; Paicheler, 2000). Une
étude canadienne menée auprès de 182 jeunes de la rue révèle que presque
60 % de ceux qui étaient infectés par une ITSS évaluaient leur risque comme
faible ou nul (Leclerc et al., 2013). Selon cette dernière étude, ce pourcen-
tage est d’ailleurs similaire à celui des jeunes de la rue qui rapportent n’avoir
jamais contracté une ITSS. Manseau et al. (2011) émettent l’hypothèse que les
conditions de vie d’instabilité résidentielle et économique font en sorte que les
jeunes en situation de précarité se soucient assez peu de leur santé sexuelle et
qu’ils se préoccupent davantage de répondre à leurs besoins essentiels, tels que
se nourrir, se loger et se vêtir. Au goût du risque manifeste chez les jeunes des
quartiers défavorisés (surtout les garçons), s’ajoute une banalisation du risque
qui découle de leur expérience quotidienne peuplée de dangers et de soucis
divers (violence, drogue, échec scolaire, chômage, exclusion sociale, racisme,
etc.), reléguant au second plan les risques liés aux ITSS (Maia, 2004).
La perception des jeunes à l’égard de la parentalité constitue un facteur de
risque associé à la grossesse en situation de précarité (Haley et al., 2006 ; Smid,
Bourgois, & Auerswald, 2010 ; Testenoire, 2006 ; Tucker et al., 2012 ; Wine-
trobe et al., 2013). Ce sont les jeunes en situation de précarité manifestant une
attitude ambivalente à l’égard des grossesses qui font un usage moins fréquent
des méthodes contraceptives (Lejeune, 2008 ; Tucker et al., 2012). La grossesse
représente pour plusieurs jeunes filles une réalité à éviter en raison notam-
ment des conditions de vie d’instabilité résidentielle et économique qui sont
jugées, par les jeunes elles-mêmes, comme étant incompatibles avec la paren-
talité (Haley et al., 2005 ; Manseau et al., 2011). Toutefois, certains jeunes en
situation de précarité disent concevoir la grossesse comme une motivation
nécessaire pour transformer leur vie (Manseau et al., 2011 ; Smid et al., 2010),
améliorer leurs relations amoureuses (Rana et al., 2014), surpasser leurs trau-
matismes familiaux (Smid et al., 2010) et se stabiliser sur le plan résidentiel
(Hathazi et al., 2009 ; Manseau et al, 2011 ; Rana et al., 2014).

299
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Le lien établi avec le partenaire sexuel constitue aux yeux des jeunes en
situation de précarité un facteur qui module à la baisse l’évaluation qu’ils font
des risques sexuels. Le sentiment amoureux éprouvé pour le partenaire (Fer-
reira, 2010b ; Haley et al., 2005 ; Kennedy et al., 2015 ; Maia, 2004 ; Rana
et al., 2014), la confiance ressentie pour l’autre (Kennedy et al., 2015 ; Maia,
2010a ; Rana et al., 2014), la familiarité et la connexion avec le partenaire
(comme l’impression d’être spécial et unique aux yeux du partenaire ; Fer-
reira, 2010a ; Kennedy et al., 2015), ainsi que l’impression de connaître l’autre
(Maia, 2010a ; Manseau et al., 2011) ou de connaître le statut sérologique du
partenaire (Rana et al., 2014) diminuent l’utilisation que les jeunes font des
méthodes prophylactiques. D’ailleurs, ces jeunes rapportent utiliser davantage
le préservatif lorsqu’ils ont des activités sexuelles avec des partenaires incon-
nus ou occasionnels (Maia, 2004). Il est suggéré, à titre d’hypothèse, que le
lien émotionnel avec le partenaire sexuel s’inscrit, chez ces jeunes, dans une
logique de solidarité et d’entraide nécessaires à la survie au sein de la situation
de précarité (Manseau et al., 2011). L’évaluation à la baisse des risques sexuels
semble donc constituer un mécanisme pour préserver le lien établi avec le
partenaire dans un contexte social qui nécessite, à leurs yeux, la création
de contacts sociaux (affectifs, amoureux ou sexuels) pour répondre à leurs
besoins essentiels.
La forme de la relation, soit en termes de durée (Bozon, 2009 ; Rana et al.,
2014), d’engagement (Bozon, 2009 ; Kennedy et al., 2012) ou de fidélité (Haley
et al., 2005 ; Maia, 2010a ; Tucker et al., 2014), constitue aussi un facteur asso-
cié aux risques sexuels chez les jeunes en situation de précarité. L’étude qua-
litative de Smid et al. (2010), réalisée aux États-Unis auprès de 13 jeunes filles
de la rue âgées de 18 à 26 ans, révèle que, pour plus de la moitié des jeunes
qui sont engagés dans une relation amoureuse à long terme, l’idée d’une gros-
sesse s’insère dans un projet de couple. D’ailleurs, le sentiment amoureux et
l’exclusivité sexuelle au sein d’une relation amoureuse réduisent l’utilisation
des méthodes de contraception par les jeunes en situation de précarité (Beck &
Richard, 2013 ; Maia, 2004 ; Manseau et al., 2011 ; Thrane & Chen, 2012 ;Tuc-
ker et al., 2012).
Les jeunes en situation de précarité ont également recours à des indicateurs
comportementaux pour évaluer, chez leurs partenaires sexuels, les risques
d’être infectés aux ITSS : l’attirance physique (Kennedy et al., 2015 ; Maillo-
chon, 2004), l’hygiène corporelle (Kennedy et al., 2015 ; Maia, 2004 ; Rana et al.,
2014) et la réputation du partenaire (promiscuité sexuelle, consommation de
drogues, prostitution : Maia, 2004 ; Rana et al., 2014). Aussi, l’absence de com-
munication sur les risques sexuels et le VIH/sida avec son partenaire sexuel
augmente l’exposition au risque d’ITSS chez les jeunes en situation de préca-
rité (Jaspard, 2005 ; Kennedy et al., 2015). À titre d’hypothèse, certains travaux
concluent que ces jeunes mobilisent des indicateurs comportementaux pour

300
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

tenter de se protéger des risques sexuels en sélectionnant des partenaires qui


n’évoluent pas dans des conditions de vie jugées insalubres (Kennedy et al.,
2015 ; Maia, 2004). Cette méfiance envers les autres jeunes évoque la percep-
tion négative que certains d’entre eux entretiennent à l’égard de la situation
de précarité (honte, gène, humiliation, etc.), ainsi que leur tentative de se dis-
socier des stigmates visibles associés à ces conditions de vie qu’ils considèrent
comme antihygiéniques, voire dangereuses pour leur santé.

3.1.5. La consommation de drogues


La consommation de drogues constitue un facteur de risque sexuel impor-
tant étant donné le nombre significatif de jeunes en situation de précarité qui
font un usage marqué de substances. Par exemple, au Canada, la majorité des
jeunes de la rue ont déjà consommé des drogues au moins une fois au cours de
leur vie (73,1 % à 99 % ; ASPC, 2006) et près de la moitié d’entre eux (48,9 %)
consomment des substances sur une base quotidienne (Leclerc et al., 2013).
Il est relevé que la consommation de drogues avant ou pendant les activités
sexuelles diminue, de façon significative, l’utilisation de méthodes prophylac-
tiques chez les jeunes en situation de précarité (Kennedy et al., 2012 ; Maia,
2010a ; Solorio et al., 2006 ; Tucker et al., 2014). Plus spécifiquement, l’étude
de Leclerc et al. (2013) montre que la majorité de ceux qui n’ont pas utilisé de
préservatif lors de leur dernière relation sexuelle a rapporté avoir consommé
de la drogue avec leurs partenaires sexuels.
Le mode de consommation de drogues par injection constitue également
un facteur de risque d’ITSS chez les jeunes en situation de précarité (Boivin
et al., 2005 ; Jauffret-Roustide et al., 2013 ; Marshall, Kerr, Qi, Montaner, &
Wood, 2010 ; Sansfaçon, Barchechat, Lopez, & Valade, 2005). L’injection
de drogues multiplie par quatre le risque d’infection par le VIH (Boivin et
al., 2005 ; EMCDDA, 2014) et par vingt-huit celui de contracter l’hépatite C
(Boivin et al., 2005 ; Jauffret-Roustide et al., 2013) chez les jeunes en situa-
tion de précarité. D’ailleurs, selon l’enquête de Leclerc et al. (2013), réalisée
au Canada auprès de 182 jeunes de la rue, un participant sur quatre (24,2 %)
s’est déjà injecté de la drogue au cours de sa vie : ce qui suggère l’importance
de ce facteur de risque pour les jeunes en situation de précarité. Également, les
jeunes qui consomment du crack, de l’héroïne, de la méthamphétamine et de la
cocaïne sont plus à risque d’être infectés aux ITSS (EMCDDA, 2014 ; Paquette,
Roy, Petit, & Boivin, 2010 ; Tucker et al., 2014) : toutes des drogues fortement
consommées par les jeunes en situation de précarité, notamment par les jeunes
de la rue (Leclerc et al., 2013) et les jeunes de quartiers défavorisés (Apostolidis,
Rouan, & Eisenlhor, 2003). Le partage du matériel d’injection ou d’inhalation
de drogues augmente aussi les risques d’ITSS chez les jeunes en situation de
précarité (Apostolidis et al., 2003 ; Jauffret-Roustide et al., 2006).

301
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Aussi, les jeunes qui consomment du crack ou qui s’injectent de la drogue


auraient un plus grand nombre de partenaires sexuels (Paquette et al., 2010 ;
UNICEF, 2011). Le crack et l’injection de drogues seraient associés à un mode
de vie en collectivité (Joubert, Arcella-Giraux, & Mougin, 2005 ; Paquette et
al., 2010) qui peut favoriser des rencontres sexuelles (Côté, 2013). En effet,
l’étude qualitative de Côté (2013), réalisée au Canada auprès de 32 jeunes de la
rue âgés de 18 à 32 ans, révèle que les jeunes qui consomment du crack et de
la drogue par injection tendent à fréquenter d’autres jeunes qui font une expé-
rience similaire de consommation de substances, ce qui accroit l’accessibilité
à un bassin potentiel de partenaires sexuels, et ce, dans un groupe à forte pré-
valence d’infection par le VIH et l’hépatite C. En plus de cette fréquentation
accrue de partenaires sexuels, il est proposé que la consommation de drogues
altérerait les capacités cognitives et d’affirmation de soi des jeunes en situation
de précarité, ce qui rendrait difficiles la négociation et l’usage du préservatif
(Bozon, 2009 ; Haley, Roy, Leclerc, & Boudreau, 2006 ; Hathazi et al., 2009 ;
Maia, 2010b ; Marshall, 2008 ; Simmat-Durand, 2002 ; Tucker et al., 2012 ;
Winetrobe et al., 2013).

3.1.6. La prostitution
Les jeunes en situation de précarité qui ont recours à la prostitution sont plus à
risque d’être infectés aux ITSS comparativement à ceux qui n’y ont pas recours
(Boivin et al., 2005 ; Haley, Roy, Leclerc, Boudreau, & Boivin, 2004 ; Marshall
et al., 2010 ; UNICEF, 2011). L’étude quantitative de Tyler, Whitbeck, Chen et
Johnson (2007), réalisée aux États-Unis auprès de 428 jeunes de la rue, indique
que les jeunes qui ont recours à la prostitution ont 2,5 fois plus de risque de
contracter une ITSS comparativement à ceux qui ne mobilisent pas cette pra-
tique sexuelle. Ce facteur de risque est d’autant plus important qu’une préva-
lence élevée de jeunes de la rue en Amérique du Nord (12 % à 32 %) rapporte
avoir déjà pratiqué la prostitution (ASPC, 2006 ; Leclerc et al., 2013 ; Moon et
al., 2001). En Europe, la prostitution est également un facteur de risque d’ITSS
chez les jeunes en situation de précarité. Par exemple, la prévalence du VIH
est de 3,2 % en Espagne et de 0,7 % en Bulgarie chez les jeunes en situation
de précarité qui se définissent comme travailleurs du sexe (Apostolidis et al.,
2003 ; Sansfaçon et al., 2005).
L’une des hypothèses avancées pour expliquer la prise de risque sexuel chez
ceux qui pratiquent la prostitution renvoie à l’urgence de la survie qui contraint
les jeunes en situation de précarité à négliger les comportements sexuels sécu-
ritaires afin de répondre à leurs besoins essentiels, comme s’héberger, se nour-
rir et se vêtir. Ainsi, les jeunes en situation de précarité qui ont recours à la
prostitution utilisent de façon inconstante le préservatif (Marshall et al., 2010 ;
Rew, Fouladi, & Yockey, 2002) pour répondre notamment aux exigences de

302
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

certains clients qui préfèrent débourser un surplus pour ne pas l’utiliser lors
des relations sexuelles (Manseau et al., 2011). Toutefois, l’implication dans
la prostitution semble être associée à une motivation plus grande d’utiliser le
préservatif chez certains jeunes en situation de précarité. Le nombre élevé de
partenaires sexuels et la nature même des relations sexuelles en contexte de
prostitution susciteraient beaucoup de craintes chez les jeunes quant au risque
d’ITSS, ce qui les conduirait à être davantage sensibilisés et motivés à utiliser le
préservatif. Par contre, l’impératif de survie semble moduler cette motivation
et sa traduction comportementale en raison de l’urgence et de la nécessité de
répondre à leurs besoins essentiels (Manseau et al., 2011).
La prise de risque sexuel en contexte de prostitution est également expli-
quée par le rapport que les jeunes en situation de précarité entretiennent à
l’égard de la consommation de drogues (Apostolidis et al., 2003 ; Chen, Tyler,
Whitbeck & Hoyt, 2004 ; Chettiar, Shannon, Wood, Zhang & Kerr, 2010 ;
Paquette et al., 2010 ; Weber et al., 2002). Les risques d’ITSS sont plus élevés
chez les jeunes qui, de façon concomitante, consomment de façon intensive
de la drogue et pratiquent la prostitution, et ce, comparativement à ceux qui
n’adoptent que l’un de ces deux comportements (Paquette et al., 2010 ; Weber
et al., 2002). Certaines études qualitatives montrent que la consommation
de drogues permettrait aux jeunes de réduire ou d’inhiber la souffrance et la
détresse associées à la pratique de la prostitution (Apostolidis et al., 2003 ;
Bertrand & Nadeau, 2006 ; Côté et al., 2014). Ce faisant, ces jeunes s’inscrivent
dans un enchaînement complexe entre, d’une part, l’obligation de pratiquer la
prostitution pour obtenir de la drogue et, d’autre part, la nécessité de consom-
mer des substances pour réaliser les activités prostitutionnelles (Côté et al.,
2014 ; Provencher et al., 2013). Ce rapport complexe entre la consommation
de drogues et la prostitution enferme les jeunes dans une logique qui ne fait
plus de sens pour eux, sinon que de continuer à maintenir ce rythme effréné
pour répondre à l’urgence imposée par la dépendance aux substances (Ber-
trand & Naderau, 2006 ; Côté et al., 2014) : contribuant ainsi à diminuer l’uti-
lisation qu’ils font du préservatif afin d’augmenter leurs gains potentiels pour
se procurer davantage de drogues (Weber et al., 2002).
En résumé, une grande partie des travaux scientifiques disponibles docu-
mente les facteurs individuels associés à la prise de risque sexuel (ex. : utili-
sation inconstance du préservatif, fréquentation de partenaires sexuels mul-
tiples) chez les jeunes en situation de précarité. Ces facteurs renvoient à des
enjeux d’ordre cognitif (méconnaissances sur la sexualité, attitudes négatives
à l’égard du préservatif et faible perception des risques sexuels) et comporte-
mental (consommation de drogues et prostitution) qui s’articulent dans un
chassé-croisé complexe incitant les jeunes à adopter des pratiques sexuelles à
risque pour leur santé. Ces facteurs individuels ne peuvent toutefois expliquer
à eux seuls la prise de risque sexuel chez les jeunes en situation de précarité. Il

303
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

importe également de tenir compte du contexte particulier de la situation de


précarité propre à ces jeunes, tel que suggéré par le facteur de l’âge (à savoir,
une plus longue exposition aux conditions de vie d’instabilité économique et
résidentielle), qui influence l’adoption de comportements sexuels non sécuri-
taires. La prochaine section présente les facteurs structurels associés à la prise
de risque sexuel chez les jeunes en situation de précarité qui sont documentés
au sein de la littérature scientifique.

3.2. Les facteurs structurels associés à la prise de risque


sexuel chez les jeunes en situation de précarité
Quatre principaux facteurs structurels sont associés, dans les études empi-
riques, à la prise de risque sexuel chez les jeunes en situation de précarité : l’ori-
gine ethnique, le genre, l’instabilité économique et l’instabilité résidentielle.

3.2.1. L’origine ethnique


La naissance à l’extérieur du pays d’accueil (Boivin et al., 2005) et l’origine
ethnique afro-américaine (Carlson, McNulty, Bellair, & Watts, 2014 ; Solo-
rio et al., 2006 ; Tyler et al., 2007), hispanophone (Carlson et al., 2014 ; Tuc-
ker et al., 2014) ou maghrébine (Coslin, 2003) est associée à un risque d’ITSS
plus élevé chez les jeunes en situation de précarité. Différentes hypothèses
sont proposées pour expliquer cette association entre l’origine ethnique et
les ITSS, notamment celle de l’intersectionnalité des enjeux culturels et de la
précarité économique qui serait considérée comme un obstacle à l’utilisation
des services en santé sexuelle et aux connaissances sur les infections chez les
jeunes provenant d’une minorité ethnique (Coslin, 2003 ; Harling, Subrama-
nian, Bärnighausen, & Kawachi, 2013 ; Solorio et al., 2006). Les différences
culturelles liées, entre autres, à la langue ou à la perception de la santé (ex. :
méfiance, primauté de la famille, méconnaissance) se combineraient aux diffi-
cultés socio-économiques chez les jeunes en situation de précarité issues d’une
origine ethnique minoritaire, telles qu’un faible niveau d’éducation, un faible
revenu et un isolement géographique, les conduisant ainsi à adopter des com-
portements sexuels non sécuritaires et à moins fréquenter les services en santé
sexuelle qui leur sont offerts (Carlson et al., 2014 ; Tucker et al., 2014). D’ail-
leurs, Carlson et al. (2014) concluent leur étude sur l’importance de réduire
les inégalités sociales chez les jeunes de minorités ethniques par la mise en
place de politiques sociales visant à diminuer la discrimination ethnique et à
renforcer la collaboration entre les familles et les institutions publiques (ex. :
écoles, hôpitaux). Ces mesures, selon Carlson et al. (2014), permettraient aux
jeunes en situation de précarité issus d’une minorité ethnique d’accéder plus

304
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

facilement aux services en santé sexuelle et d’augmenter leur connaissance des


ITSS et des méthodes prophylactiques.

3.2.2. Le genre
Les jeunes filles et les jeunes garçons en situation de précarité n’adoptent pas
les mêmes comportements sexuels à risque pour leur santé (Maia, 2010a ;
Solorio et al., 2006). Ainsi, les jeunes garçons présentent une fréquence plus
élevée de partenaires sexuels (Solorio et al., 2006), tandis que les jeunes filles
font une utilisation moins régulière du préservatif et sont plus susceptibles
de s’engager dans des comportements sexuels avec des partenaires infectés
aux ITSS (Clair, 2008 ; Solorio et al., 2006 ; Valente & Auerswald, 2013). Ces
distinctions entre les jeunes garçons et les jeunes filles quant à l’adoption
de comportements sexuels à risque seraient influencées par les rapports de
genre présents dans la situation de précarité.
Les jeunes garçons en situation de précarité ont tendance à se replier sur
des rôles traditionnels de la masculinité, comme la performance sexuelle, la
bravoure et la prise de risque, pour obtenir une valorisation auprès de leur
réseau social (Jamoulle, 2005 ; Kebabza, 2007 ; Osthus & Sewpaul, 2014). De
ce fait, les jeunes garçons rapportent fréquenter un grand nombre de parte-
naires sexuels en situation de précarité, ceci leur servant de stratégie pour affi-
cher leur puissance sexuelle et, ainsi, pour présenter une identité masculine
valorisée et valorisante en contexte d’instabilité économique et résidentielle
(Côté, 2013 ; Jamoulle, 2005). Les jeunes garçons rapportent également que
leur sentiment de virilité est remis en cause par le préservatif, car l’usage de
cette méthode prophylactique est considéré comme un signe de peur, ce qui va
à l’encontre des rôles traditionnels de la masculinité (Maia, 2010a).
De leur côté, les jeunes filles rencontrent plus de difficultés que les jeunes
garçons à accéder aux ressources économiques et matérielles lorsqu’elles se
retrouvent en situation de précarité (Coslin, 2003 ; Osthus & Sewpaul, 2014 ;
Watson, 2013). Dans ce contexte, les jeunes filles se voient contraintes de
mobiliser des stratégies de survie, comme la prostitution, qui les place dans un
rapport d’assujettissement à l’égard des clients et qui les pousse à adopter des
comportements sexuels à risque afin de répondre rapidement à leurs besoins
essentiels (Valente & Auerswald, 2013). Dans le contexte de « la banlieue », où
la violence est exacerbée par la précarité et l’exclusion sociale, les jeunes filles
courent davantage de risque de subir une agression sexuelle (Alidières, 2010)
et, par conséquent, de contracter une ITSS, que celles de la population géné-
rale. Elles ont aussi plus de mal que les garçons à négocier l’usage du préserva-
tif en raison des rapports de pouvoir qui les lient à leurs partenaires sexuels et
qui les placent en situation de grande précarité (Bajos & Bozon, 2008).

305
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

3.2.3. L’instabilité résidentielle


L’instabilité résidentielle est identifiée comme un facteur de risque d’ITSS (VIH
et hépatite C ; Rew et al., 2008 ; Rosa et al., 2001) et de grossesses non planifiées
(Haley et al., 2004 ; Thrane & Chen, 2012 ; Tucker et al., 2012) chez les jeunes,
car les éléments contextuels liés à la situation de précarité font obstacle à l’utili-
sation des méthodes prophylactiques. Par exemple, le mode de vie basé sur les
festivités chez certains jeunes de la rue, ainsi que l’emploi du temps irrégulier
associé à la situation de précarité serait incompatible avec la régularité qu’exige
l’usage de contraceptifs oraux (Haley et al., 2006 ; Manseau et al., 2011). Aussi,
les conditions d’entreposage des préservatifs en situation de précarité (ex. :
objets coupants dans les sacs), tout comme le froid de l’hiver, peuvent endom-
mager les méthodes de protection sexuelle (Haley et al., 2005). En l’absence
d’un domicile fixe, l’obligation d’avoir des relations sexuelles dans des endroits
publics créerait un sentiment d’urgence et de peur à l’idée de se faire arrêter
par la police ou d’être observé par des passants, ce qui réduirait l’utilisation que
les jeunes font du préservatif (Marshall et al., 2009 ; Rodrigues, 2014). Chez les
jeunes de la rue, la fréquentation d’espaces d’hébergement temporaire (comme
des hôtels ou des squats3) augmente la probabilité d’entrer en contact avec de
multiples partenaires sexuels (Marshall et al., 2009). Comme ces espaces sont
fréquentés par un grand nombre d’usagers et qu’elles suscitent une grande
proximité physique, telle que le partage d’une chambre, l’hypothèse suggérée
est que ces lieux sont propices à des rencontres sexuelles entre les jeunes.
Par ailleurs, l’instabilité résidentielle depuis plus de deux années ne serait
pas associée à l’adoption de comportements sexuels à risque chez les jeunes
(Rew et al., 2008). Les jeunes en situation d’instabilité résidentielle chro-
nique (plus de deux années) possèderaient de meilleures connaissances sur
les ITSS que ceux en situation d’instabilité résidentielle épisodique (moins de
six mois), puisqu’ils auraient été depuis plus longtemps exposés aux services
en santé sexuelle et aux informations sur les comportements sexuels à risque
(Rew et al., 2008). Or, cette hypothèse s’appuie sur la prémisse que les jeunes
en situation d’instabilité résidentielle chronique fréquentent les ressources qui
leur sont destinées et qu’ils consultent les services en santé sexuelle qui leur
sont offerts. Ce constat est cependant remis en question par certaines études
qui montrent que l’absence de domicile fixe constitue une barrière importante
à l’utilisation des soins par ces jeunes, notamment en raison des problèmes de
mobilité et de transport (Ensign & Panke, 2002 ; Marshall et al., 2009).
À l’opposé, la stabilité résidentielle constitue un facteur de protection des
comportements sexuels sécuritaires chez les jeunes en situation de précarité.
Les jeunes qui demeurent en appartement ont quatre fois moins de risque

3 Le terme « squat » désigne « une habitation illégale dans des immeubles laissés à l’abandon »
(Levac & Labelle, 2007 : 349).

306
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

de contracter une ITSS comparativement à ceux qui sont sans domicile fixe
(Solorio et al., 2006). La domiciliation chez les jeunes diminue la fréquenta-
tion de pairs qui se retrouvent en situation de précarité et qui peuvent avoir
une influence négative sur l’utilisation du préservatif (Rosa et al., 2001). Par
exemple, il est montré que les jeunes qui pratiquent la prostitution en situation
de précarité encouragent les nouveaux initiés à évaluer à la baisse les risques
sexuels associés au sexe oral sans préservatif, puisque les clients sont prêts à
débourser davantage d’argent pour ne pas en utiliser (MacDonald, 2012). Il
est également avancé, à titre d’hypothèse, que la stabilité résidentielle favorise
une plus grande autonomie chez les jeunes à l’égard de leur milieu familial qui,
dans certains cas, constitue un facteur de risque d’ITSS lorsqu’il y a présence
de conflits ou de négligence familiale (Solorio et al., 2006). De la même façon,
avoir des projets pour le futur et être inscrits à l’école diminuent la probabilité
que les jeunes adoptent des comportements sexuels à risque (Roy et al., 2011 ;
Solorio et al., 2006).

3.2.4. L’instabilité économique


En plus de l’instabilité résidentielle, certaines études montrent une corréla-
tion négative entre un diagnostic d’ITSS chez les jeunes et le revenu de leur
parent (Davis, 2009 ; Harling et al., 2013). L’étude quantitative longitudinale
d’Harling et al. (2013), réalisée aux États-Unis à partir d’un échantillon de
10 791 jeunes âgés de 13 à 18 ans, montre que le risque de contracter une ITSS
diminue chez les jeunes lorsque le revenu familial augmente, passant de 14,7 %
dans le quintile le plus pauvre à 5,2 % dans le quintile le plus riche. L’hypo-
thèse proposée est que l’instabilité économique placerait les jeunes dans une
logique de survie, ce qui les conduirait à adopter des comportements sexuels
à risque, tels que le recours à la prostitution, afin de répondre à leurs besoins
essentiels (Manseau et al., 2011 ; Rew et al., 2008) et qu’ils auraient moins de
ressources à consacrer à l’usage des services en santé sexuelle (Harling et al.,
2013 ; Jaspard, 2005).
Également, les jeunes de quartiers défavorisés sont davantage susceptibles
d’être initiés sexuellement à un âge plus jeune que ceux de la population géné-
rale (Carlson et al., 2014 ; Cubbin, Santelli, Brindis, & Braveman, 2005 ; Dupéré,
Lacourse, Willms, Leventhal, & Tremblay, 2008) et de cumuler un plus grand
nombre de partenaires sexuels (Browning, Burrington, Leventhal, & Brooks-
Gunn, 2008 ; Carlson et al., 2014 ; Davis, 2009 ; Lindberg & Orr, 2011 ; Marshall
et al., 2009 ; Rodrigues, 2014). Il est proposé que les milieux de vie où il y a une
forte instabilité économique encouragent les jeunes à s’associer à des groupes
de « pairs déviants » qui, à leur tour, exercent une influence sur l’initiation pré-
coce à la sexualité et sur le nombre élevé de partenaires sexuels. Le concept de
« déviance » renvoie ici à l’incitation, par des groupes de pairs, à la transgression

307
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

des normes sociales chez les jeunes (Dupéré et al., 2008). L’instabilité écono-
mique est aussi documentée comme un facteur de risque structurel des gros-
sesses chez les jeunes. Ceux qui proviennent de familles avec un faible revenu
sont plus à risque de vivre des épisodes de grossesse que ceux qui viennent de
familles avec un revenu plus élevé (Lindberg & Orr, 2011 ; Testenoire, 2006 ;
Young, Turner, Denny, & Young, 2004). L’étude quantitative de Young et al.
(2004), réalisée aux États-Unis à partir d’un échantillon de 941 jeunes filles,
révèle que les épisodes de grossesses chez les jeunes ne résultent pas, à propre-
ment dit, de la précarité économique, mais sont plutôt la conséquence du faible
niveau d’éducation des parents qui, d’une part, est corrélé avec un faible revenu
familial et qui, d’autre part, est associé à de faibles habiletés d’éducation à la
sexualité (ITSS, méthodes prophylactiques, etc.) avec leurs enfants.
Dans l’ensemble, les travaux sur les facteurs structurels mettent en évi-
dence que la situation de précarité exerce une pression considérable sur les
jeunes afin qu’ils trouvent les moyens nécessaires pour répondre à leurs
besoins essentiels, tels que se nourrir, se loger et se vêtir. Devant la difficulté
d’accéder aux ressources symboliques, matérielles et économiques essentielles
à leur survie, ces jeunes se voient contraints d’adopter des comportements
sexuels pour améliorer leurs conditions de vie en situation de précarité qui
les exposent au risque de contracter des ITSS ou de faire l’expérience de gros-
sesses non planifiées. Certains constats laissent penser que ces facteurs struc-
turels associés à la prise de risque sexuel ne fonctionnent pas de manière indé-
pendante, mais qu’ils se construisent dans des expériences précises à l’aune de
l’intersection de différentes catégories sociales, telles que l’origine ethnique, le
genre et la classe sociale. L’analyse de cette intersectionnalité entre les catégo-
ries sociales demanderait néanmoins un approfondissement supplémentaire
afin de mieux documenter les croisements à l’œuvre entre les facteurs struc-
turels et individuels impliqués dans la prise de risque sexuel chez les jeunes
en situation de précarité, tels que l’influence de leurs expériences amoureuses
et parentales. La prochaine section présente d’ailleurs un portrait des études
empiriques qui explorent les relations amoureuses et les expériences paren-
tales chez les jeunes en situation de précarité.

4. Les expériences amoureuses et parentales


chez les jeunes en situation de précarité
Les travaux disponibles permettent d’avancer que la majorité des jeunes en
situation de précarité sont célibataires (70 % à 90 % au Canada [Fournier,
2001], 90 % à 95 % en France [Bajos, Guillaune, & Kontula, 2004]), et ce,
dans un contexte où plusieurs d’entre eux font l’expérience de la grossesse
et de la parentalité (37 % à 62 % en Amérique du Nord [Leclerc et al., 2013 ;

308
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

Winetrobe et al., 2013], 4 % à 56 % en Europe [Chanvril et al., 2009]). Cette


prévalence élevée d’expériences de célibat et de parentalité soulève des ques-
tionnements sur les obstacles et les motifs aux relations amoureuses chez ces
jeunes, ainsi que sur la façon dont ils vivent la grossesse et la parentalité dans le
contexte particulier de la situation de précarité. Il importe de préciser que les
travaux sur les expériences amoureuses et parentales de ces jeunes s’appuient,
pour la grande majorité, sur une méthodologie qualitative et exploratoire, et
ce, auprès de participants sélectionnés spécifiquement pour leur capacité et
volonté à témoigner de ces réalités particulières.

4.1. L’absence de relations amoureuses en situation


de précarité chez les jeunes
Pour expliquer l’absence de relations amoureuses chez les jeunes en situa-
tion de précarité, trois principaux obstacles sont invoqués au sein des travaux
empiriques : le cycle des relations conflictuelles en milieu familial, la consom-
mation de drogues, ainsi que l’instabilité résidentielle et économique.

4.1.1. Le cycle de relations conflictuelles en milieu familial


L’absence de relations amoureuses en situation de précarité serait issue d’un
choix délibéré, les jeunes préférant rompre avec un cycle de relations abusives
et destructrices (Blais, Côté, Manseau, Martel, & Provencher, 2012 ; Jamoulle,
2009 ; Levac & Labelle, 2007). Les modèles parentaux des jeunes en situation
de précarité sont teintés de domination, de violence, d’abus et de vengeance
(Jamoulle, 2009 ; Lussier et al., 2002 ; Wallez & Aubrée, 2005). Ces jeunes,
ne voulant pas reproduire ces situations de maltraitance et de traumatismes
affectifs avec des partenaires potentiels, préfèrent alors s’abstenir de tisser des
relations amoureuses en situation de précarité. L’étude qualitative de Blais et
al. (2012), réalisée au Canada auprès de 42 jeunes de la rue âgés de 18 à 32 ans,
révèle que les expériences familiales conflictuelles des jeunes, empreintes de
violence, de rejet et d’abandon, entachent leur capacité à aimer et à se laisser
aimer par des partenaires. Ces travaux illustrent que les relations familiales
antérieures contribuent à générer de la méfiance à l’égard d’autrui et à faire
entrave à un engagement affectif nécessaire à la réussite d’une relation amou-
reuse. Les parcours amoureux et sexuels des jeunes doivent donc être compris
à la lumière des liens affectifs entretenus avec leurs parents.

4.1.2. La consommation de drogues


La consommation de drogues des jeunes peut aussi fragiliser le développement et
le maintien de relations amoureuses en situation de précarité (Blais et al., 2012 ;

309
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Jamoulle, 2009 ; Lussier et al., 2002). L’étude ethnographique de Jamoulle (2009),


réalisée en France auprès de jeunes itinérants, rapporte que l’emprise de la
consommation de drogues fait que ces jeunes sont amenés à se couper des autres,
notamment de partenaires amoureux potentiels. Dans le contexte d’une consom-
mation de drogues intensive, les partenaires amoureux des jeunes peuvent être
vus comme une menace potentielle de vol ou de duperie (Blais et al., 2012 ;
Côté et al., 2013). L’étude qualitative de Côté, Blais, Bellot, Manseau et Fournier
(2014), réalisée au Canada auprès de 14 jeunes de la rue âgés de 19 à 27 ans, met
en évidence que la consommation de drogues joue un rôle important dans la
construction des relations amoureuses en situation de précarité. Les jeunes ren-
contrés rapportent que la consommation de drogues constitue une expérience
de rencontres affectives avec d’autres jeunes : ce que Jamoulle (2009) désigne
comme une « communauté d’intérêts » où chacun des partenaires s’entraide et
s’accompagne à se procurer et à consommer des substances. La consommation
de drogues évoque alors une expérience de socialisation permettant aux jeunes en
situation de précarité de développer des liens sociaux et, ainsi, de rencontrer des
partenaires potentiels qui partagent une réalité similaire (Côté et al., 2014). Par
contre, l’étude de Côté et al. (2014) montre que la consommation de drogues en
situation de précarité rend peu propice le maintien de relations amoureuses chez
les jeunes. La dépendance à la drogue semble prendre le dessus sur les sentiments
que les jeunes peuvent éprouver pour un partenaire jusqu’à venir monopoliser
toute l’énergie et tout le temps qu’ils peuvent consacrer à une autre personne. La
difficulté à créer et à maintenir des relations amoureuses en situation de préca-
rité s’articule donc, chez certains jeunes, autour d’une instrumentalisation des
contacts amoureux pour répondre à leur dépendance à la drogue.

4.1.3. L’instabilité résidentielle et économique


Les études indiquent que l’instabilité résidentielle et économique fait aussi
obstacle au développement et au maintien des relations amoureuses chez les
jeunes en situation de précarité. Un mode de vie organisé autour de la sur-
vie conduirait les jeunes à investir leur temps et leur énergie à répondre à
leurs besoins essentiels et, par conséquent, à reléguer les relations amoureuses
au second plan (Blais et al., 2012 ; Côté, Blais, Bellot, & Manseau, 2013). La
volonté de ne pas s’engager émotionnellement avec un partenaire est expli-
quée, par les jeunes, par la crainte de ressentir l’obligation morale de s’occuper
et de soutenir l’autre, notamment en partageant avec lui/elle les gains obtenus
suite à l’utilisation de stratégies de survie (Blais et al., 2012). De la même façon,
la logique de la survie prend une telle importance chez les jeunes de banlieue
qu’elle vient faire obstacle à l’investissement dans une relation amoureuse
(Clair, 2008; Kebabza, 2007; Maia, 2004).

310
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

La mobilité des jeunes en situation de précarité les conduit également à tis-


ser des relations amoureuses entrecoupées de périodes d’absences et de retrou-
vailles. La situation de précarité expose ces jeunes à différentes expériences de
vie, comme l’emprisonnement, le voyage ou les cures de désintoxication, qui
les placent dans des rapports sociaux et amoureux discontinus (Côté, 2013 ;
Levac & Labelle, 2007). L’attachement est alors vécu par ces jeunes comme
une menace à la survie en situation de précarité, puisqu’elle implique de se
rendre vulnérable à l’autre et de lui donner un certain pouvoir sur soi (Blais
et al., 2012). D’ailleurs, l’étude de Jamoulle (2009) montre que les jeunes en
situation de précarité tentent d’échapper à l’amour par crainte que leurs sen-
timents soient instrumentalisés aux profits de leurs partenaires amoureux.
L’amour devient donc une dimension taboue et rejetée par crainte de perdre
son indépendance chèrement acquise.
Aussi, certains jeunes, surtout les garçons, préfèrent s’abstenir de toute
forme de relations amoureuses en situation de précarité étant donné leur sen-
timent d’humiliation associé à leurs conditions de vie d’instabilité résidentielle
et économique (Blais et al., 2012 ; Côté et al., 2013 ; Maia, 2004). En l’absence
d’un logement ou d’un emploi, ces jeunes disent ne pas se sentir attirants et
séduisants aux yeux de partenaires amoureux potentiels, ce qui les conduit à
se retirer volontairement de tout contact avec d’autres jeunes pouvant mener
à l’établissement d’un lien affectif. D’ailleurs, certains jeunes en situation de
précarité mentionnent qu’ils ne sont pas prêts à vivre une relation amoureuse,
parce qu’ils ont l’impression de n’avoir rien à offrir à un partenaire et parce
qu’ils ont encore des difficultés à régler dans leur vie (Blais et al., 2012 ; Levac
& Labelle, 2007). Vivre en situation de précarité suscite chez ces jeunes une
impression d’inégalité à l’égard des autres, ce qui réduit leur capacité et leur
intérêt à se présenter de façon favorable à des partenaires amoureux potentiels
(Blais et al., 2012 ; Côté et al., 2013).
Enfin, l’hétérogénéité de la situation de précarité peut faire obstacle à la
création d’une relation amoureuse. L’étude quantitative de Harding (2007),
réalisée aux États-Unis à partir d’une enquête nationale de près de 20 000 étu-
diants, montre que la diversité des expériences et des caractéristiques des
jeunes en situation de précarité accroît la difficulté à trouver un partenaire qui
partage les mêmes valeurs, visions et conceptions relatives à l’amour. Comme
la situation de précarité est empreinte de parcours de vie hétérogènes chez
les jeunes, Harding (2007) affirme qu’ils ont peu de chances de trouver un
partenaire amoureux compatible avec leur vision de l’amour. Dans le cas où
une relation amoureuse est créée sur la base de visions différentes de l’amour,
cette enquête montre qu’au moins un des deux partenaires ne parviendra
pas à actualiser sa conception idéale de l’amour et, ainsi, sera insatisfait de
cet engagement. Cette étude illustre donc que les jeunes en situation de pré-
carité sont exposés à une diversité de modèles relationnels et amoureux en

311
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

raison, notamment, de l’hétérogénéité des façons de réagir et de s’organiser en


contexte d’instabilité économique et résidentielle.
En résumé, plusieurs obstacles viennent freiner la volonté, voire la
capacité, des jeunes à développer et entretenir des relations amoureuses
en situation de précarité. Les expériences familiales antérieures abusives et
destructrices, la consommation de drogues et les conditions de vie d’insta-
bilité économique et résidentielle complexifient la possibilité pour les jeunes
en situation de précarité de créer des relations amoureuses saines et épa-
nouies. Malgré ces obstacles, il serait tout de même erroné de croire que
l’ensemble de ces jeunes s’abstient de toutes formes de relations amoureuses
en situation de précarité. Certaines études se sont d’ailleurs intéressées à
comprendre la signification et l’expérience des relations amoureuses chez
les jeunes en situation de précarité.

4.2. La création de relations amoureuses en situation


de précarité chez les jeunes
Les jeunes en situation de précarité tissent des relations amoureuses de
durée plus ou moins longue (Blais et al., 2012 ; Kidd & Davidson, 2007 ;
Levac & Labelle, 2007). Ces relations amoureuses sont vécues avec beau-
coup d’intensité, tant dans les joies procurées (Blais et al., 2012 ; Côté et al.,
2013) que dans l’anxiété ou la douleur qu’elles peuvent produire (Jamoulle,
2009). Les ruptures amoureuses sont vécues avec beaucoup de souffrance,
particulièrement chez les jeunes en situation de précarité qui sont isolés
socialement (Kidd, 2003). Certains travaux illustrent d’ailleurs l’importance
accordée aux partenaires amoureux chez les jeunes en situation de précarité
(Blais et al., 2012 ; Kidd, 2003 ; Harding, 2007 ; Maia, 2004). Ces jeunes
présentent une vision romantique de l’amour (Harding, 2007), caractérisée
par la magie, la réciprocité, la confiance, l’authenticité, le respect, le souci
pour l’autre, la gentillesse et la communication avec le partenaire amoureux
(Blais et al., 2012). Cette vision romantique est plus fréquemment invoquée
par les jeunes qui cherchent, à travers leurs relations amoureuses, la stabilité
temporelle, la douceur et la sécurité. Cette description de la conception de
l’amour en situation de précarité trouve de nombreuses ressemblances avec
les représentations des liens affectifs au sein de la population générale (Blais
et al., 2012).
Les jeunes tendent à développer des relations amoureuses dans le but
d’améliorer leurs conditions de vie en situation de précarité, ce que Jamoulle
(2009) conceptualise par la notion de « stratégies sociales et affectives ». Ce
rapport opportuniste et intéressé des relations amoureuses prend différentes
formes chez les jeunes en situation de précarité : combler un vide affectif
(Levac & Labelle, 2007 ; Maia, 2004), briser l’isolement (Kidd, 2003 ; Kidd

312
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

& Davidson, 2007), se sentir en sécurité (Blais et al., 2012 ; Watson, 2013),
développer un sentiment d’amour-propre (Kidd & Davidson, 2007), four-
nir un soutien économique et psychologique (Blais et al., 2012), diminuer
la consommation de drogues (Blais et al., 2012 ; Kidd & Davidson, 2007 ;
Levac & Labelle, 2007), se stabiliser sur le plan résidentiel (Blais et al., 2012 ;
Kidd & Davidson, 2007 ; Levac & Labelle, 2007) et se motiver à continuer
de survivre en situation de précarité (Blais et al., 2012 ; Kidd, 2003). Ce
rapport opportuniste des relations amoureuses semble s’articuler différem-
ment selon le genre des jeunes (Jamoulle, 2009). Du côté des jeunes filles,
les relations amoureuses sont vécues comme une façon d’obtenir une sécu-
rité émotionnelle, physique et matérielle leur permettant d’améliorer leurs
conditions de vie et de se protéger des dangers de la situation de précarité
(Watson, 2013). Du côté des jeunes garçons, l’accès à certaines ressources
socio-économiques, tel qu’un emploi illégal, les rend plus attirants auprès
des jeunes filles qui cherchent à subvenir à leurs besoins essentiels et à se
protéger de la violence en situation de précarité (Côté et al., 2013). Les rela-
tions amoureuses permettent alors aux jeunes garçons de se sentir sédui-
sants et attirants (Blais et al., 2012 ; Côté et al., 2013) et, ainsi, de favoriser
la construction d’une identité masculine basée, notamment, sur le rôle de
protecteur (Jamoulle, 2005).
Par ailleurs, l’étude qualitative de Côté et al. (2013), basée sur les témoi-
gnages de 32 jeunes de la rue âgés de 18 à 32 ans, met en relief que certains
jeunes en situation de précarité développent des relations amoureuses basées
sur un engagement affectif et émotionnel avec un partenaire conçu comme un
sujet à part entière. Ces jeunes évoquent l’importance des rapports égalitaires
et réciproques avec leurs partenaires pour la création d’un espace commun de
partage affectif. Dans cette étude, plusieurs de ces jeunes mentionnent que leurs
partenaires jouent le rôle de « partenaires de rue » avec lesquels ils apprennent
les différents codes sociaux pour s’organiser et survivre en situation de préca-
rité. Cette étude montre donc que les partenaires amoureux en situation de
précarité ne se réduisent pas uniquement à des instruments de survie, mais
peuvent aussi être conçus comme des sujets participants à la construction
d’une relation égalitaire, réciproque et potentiellement émancipatrice.
Au-delà des difficultés à développer et maintenir des relations amoureuses,
l’ensemble de ces travaux illustre que les expériences affectives en situation de
précarité sont possibles, voire nécessaires dans certains cas, pour assurer la sur-
vie et la construction identitaire de ces jeunes. D’ailleurs, les études montrent
que les jeunes en situation de précarité accordent une grande importance à
la vision romantique de l’amour, cela pouvant se traduire par l’établissement
d’expériences amoureuses basées sur un engagement affectif et réciproque.
Qu’en est-il, par ailleurs, de la façon dont les jeunes en situation de précarité
vivent l’expérience de la grossesse et de la parentalité ?

313
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

4.3. L’expérience de la grossesse et de la parentalité


en situation de précarité chez les jeunes
Quelques travaux, principalement qualitatifs, explorent l’expérience que les
jeunes font de la grossesse et de la parentalité en situation de précarité. La
majorité de ces études se concentre sur les difficultés liées à la grossesse et à la
parentalité dans le contexte de la situation de précarité. Seulement un nombre
réduit de travaux documentent, pour leur part, les mécanismes de résilience
lors de la grossesse et de la parentalité chez ces jeunes.
Les jeunes filles en situation de précarité disent que l’expérience de la mater-
nité leur donne l’impression de vieillir trop rapidement et les empêche de vivre
pleinement leur jeunesse (Dworsky & Meehan, 2012 ; Testenoire, 2006), car
elles expliquent se concentrer principalement sur les besoins de leurs enfants
(Levin & Helfrich, 2004 ; Zaouche-Gaudron, Euillet, Troupel-Cremel, & Jayr,
2007). Les jeunes en situation de précarité priorisent les besoins essentiels de
leurs enfants, comme la nourriture, les vêtements et l’hébergement, au détri-
ment, dans certains cas, de leur propre survie (Levin & Helfrich, 2004). À cet
effet, l’étude qualitative de Wallez et Aubrée (2005), réalisée en France auprès
de 53 jeunes issus de milieux populaires âgés de 18 à 29 ans, montre que les
jeunes en situation de précarité qui attendent un enfant investissent beaucoup
d’efforts pour trouver un logement et un travail, ne voulant pas être séparés
de leur bébé dès sa naissance en raison de politiques étatiques de protection à
l’égard des enfants.
Les études qualitatives réalisées indiquent que l’instabilité résidentielle et
économique des jeunes en situation de précarité constitue un obstacle de taille
à leur capacité de répondre aux besoins de leurs enfants, ce qui les conduit à
faire des choix déchirants qui suscitent du stress et de l’inquiétude (Smid et
al., 2010 ; Tucker et al., 2012 ; Zaouche-Gaudron et al., 2007). L’obligation de
mettre en place différentes stratégies de survie pour s’organiser au quotidien,
telles qu’un retour à l’école, obtenir un emploi, prendre soin de leurs enfants,
et ce, souvent sans l’aide du père qui tend à se désinvestir de ce rôle, fait subir
aux jeunes beaucoup d’anxiété (Dworsky & Meehan, 2012 ; Levin & Helfrich,
2004). De plus, l’organisation entre ces différentes stratégies de survie pose
problème. Par exemple, la grossesse et la maternité constituent des barrières
importantes au retour à l’emploi et à l’école chez les jeunes filles en situation
de précarité (Levin & Helfrich, 2004).
Certains jeunes en situation de précarité, notamment des jeunes filles,
déplorent l’absence de modèle parental positif durant leur enfance (Dworsky
& Meehan, 2012 ; Levin & Helfrich, 2004). Ces jeunes filles perçoivent de
façon très négative la relation avec leur propre mère, certaines allant jusqu’à la
considérer comme un modèle à ne pas reproduire (Dworsky & Meehan, 2012).
En l’absence d’un modèle parental auquel se référer, elles se disent isolées et

314
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

laissées à elles-mêmes quant à la façon dont elles doivent se comporter avec


leurs propres enfants. Toutefois, les jeunes filles rapportent qu’il est important
pour elles d’être un modèle positif pour leurs enfants, et ce, peu importe les
apprentissages et les expériences vécues durant leur enfance (Levin & Helfrich,
2004 ; Zaouche-Gaudron et al., 2007).
Dans un autre ordre d’idées, quelques études qualitatives ont tenté d’identi-
fier les mécanismes de résilience quant à l’expérience de la parentalité chez les
jeunes en situation de précarité. Certains jeunes manifestent de l’espoir pour
l’avenir, tant pour eux-mêmes que pour leurs enfants (Dworsky & Meehan,
2012 ; Kidd & Davidson, 2007 ; Levin & Helfrich, 2004). Certaines jeunes filles
aspirent à être de bonnes mères, se stabiliser sur le plan socio-économique,
retourner à l’école et arrêter de consommer de la drogue (King et al., 2009 ;
Levin & Helfrich, 2004 ; Simmat-Durand, 2002). La maternité est ainsi considé-
rée comme une source de motivation permettant aux jeunes filles de se respon-
sabiliser et de rompre avec un mode de vie centré sur les festivités et la consom-
mation de substances (King et al., 2009 ; Simmat-Durand, 2002). À partir d’une
analyse narrative, l’étude qualitative de King et al. (2009), réalisée auprès de 10
jeunes filles de la rue âgées de 17 à 21 ans, précise que l’annonce d’une grossesse
produit des changements identitaires importants chez les jeunes en situation
de précarité, jusqu’à recréer une nouvelle image de soi, à modifier leurs priori-
tés de vie et à anticiper positivement leur nouveau rôle de parent.
Dans l’une des rares études ayant interrogé les pères, il est mis en évidence
que ces jeunes mettent en place une diversité de stratégies pour s’adapter à l’ex-
périence de la paternité en contexte de précarité économique (Labarre, 2013).
Cette étude qualitative a été réalisée au Canada auprès de 12 jeunes pères âgés
de 20 à 25 ans. Les stratégies les plus prégnantes pour ces jeunes pères sont
celles qui sont centrées sur la résolution de problèmes et la recherche de sou-
tien, comme de s’entendre sur le partage des tâches domestiques, se réserver
du temps pour soi ou de demander des conseils ou des informations à des
personnes de leur entourage. Si cette étude illustre que la transition à la pater-
nité comporte des défis chez les jeunes pères en situation de précarité, notam-
ment des préoccupations financières, elle met également en évidence que la
paternité peut être synonyme de valorisation et d’émancipation pour certains
d’entre eux.
En bref, les travaux qui explorent l’expérience de la grossesse et de la
parentalité en situation de précarité mettent principalement en évidence les
difficultés vécues par ces jeunes, notamment en termes d’anxiété suscitée par
la réorganisation de leur réalité pour subvenir aux besoins de leurs enfants.
Quelques études montrent néanmoins que les jeunes en situation de précarité
bénéficient, dans une certaine mesure, de cette expérience transitoire que sont
la grossesse et la parentalité afin de se redéfinir et de réorienter leur avenir.
L’amour et la parentalité sont donc des réalités importantes pour les jeunes en

315
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

situation de précarité, mais ces dimensions demanderaient à être davantage


approfondies au sein des travaux scientifiques afin de documenter plus spéci-
fiquement l’impact des conditions de vie d’instabilité économique et résiden-
tielle sur ces expériences de vie particulières. La prochaine section détaillera
une dimension qui est, quant à elle, bien explorée chez les jeunes en situation
de précarité, et ce, non seulement en contexte amoureux, à savoir celle de la
victimisation sexuelle.

5. La victimisation sexuelle chez les jeunes


en situation de précarité
Les études empiriques rapportent que les jeunes en situation de précarité
constituent un groupe particulièrement à risque d’avoir vécu ou de vivre de
la victimisation sexuelle. Le concept de « victimisation sexuelle » renvoie à
différentes acceptions dans la littérature scientifique : viol, abus sexuel, agres-
sion sexuelle, violence sexuelle, etc. Selon Heerde, Scholes-Balog et Hemphill
(2015), le recours à cette diversité de concepts fait obstacle à un portrait clair et
précis du phénomène de la victimisation sexuelle chez les jeunes en situation
de précarité. Dans ce chapitre, le concept de victimisation sexuelle désigne
l’agression sexuelle pendant l’enfance et la violence sexuelle vécue en situation
de précarité. Les travaux ayant exploré la prévalence de l’agression sexuelle
durant l’enfance chez ces jeunes et la violence sexuelle vécue dans le contexte
de la situation de précarité seront résumés dans les prochains paragraphes.

5.1. L’agression sexuelle durant l’enfance chez les jeunes


en situation de précarité
Les jeunes en situation de précarité présentent une prévalence élevée d’agres-
sions sexuelles durant leur enfance (11 % à 60 % des jeunes de la rue en Amé-
rique du Nord [Bender, Brown, Thompson, Ferguson, & Langenderfer, 2015 ;
Leclerc et al., 2013], 6 % à 36 % chez les jeunes de moins de 16 ans en Europe4
[Lampe, 2002]) comparativement aux personnes de la population générale
(12 % à 35 % chez les femmes et 4 à 9 % chez les hommes en Amérique du
Nord ; Putnam, 2003). Ce pourcentage est significativement plus élevé parmi
les jeunes filles (Lalor & McElvaney, 2010 ; Leclerc et al., 2013) et les jeunes
des minorités sexuelles (Ciavaldini & Balier, 2000 ; Lalor & McElvaney, 2010 ;
Tyler & Beal, 2010).

4 Ces chiffres se rapportent à la population des jeunes en général. Les études de prévalence de
l’agression sexuelle en Europe sont rares et concernent surtout les jeunes en général.

316
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

L’agression sexuelle durant l’enfance a des impacts importants sur certaines


dimensions individuelles de la vie des jeunes en situation de précarité. Par
exemple, l’étude de Thrane et Chen (2012) rapporte que l’expérience de victi-
misation sexuelle en situation de précarité augmente la probabilité de vivre une
grossesse chez les jeunes filles. Ces dernières doivent alors composer avec certains
traumatismes psychologiques qui freinent leurs capacités à utiliser régulière-
ment des méthodes de contraception et à négocier l’usage du préservatif (Aubin,
Jourdin-Menninger, & Chambaud, 2009 ; Haley et al., 2004). Également, les
jeunes en situation de précarité ayant vécu des agressions sexuelles durant leur
enfance présentent une consommation de drogues plus importante comparati-
vement à ceux n’ayant pas vécu d’agressions sexuelles (Chen, Tyler, Whitbeck, &
Hoyt, 2004). Ces jeunes consomment de la drogue pour compenser la détresse
et les traumatismes psychologiques suscités par les agressions sexuelles (Melan-
der & Tyler, 2010). D’ailleurs, les jeunes en situation de précarité qui ont vécu
des agressions sexuelles durant leur enfance rapportent davantage de troubles de
santé mentale : idéations et actes suicidaires, symptômes de stress post-trauma-
tique et difficultés à se projeter dans l’avenir (Johnson, Rew, & Sternglanz, 2006).
L’étude quantitative de Johnson et al. (2006), menée aux États-Unis auprès de
387 jeunes de la rue âgés de 16 à 23 ans, montre que les jeunes ayant vécu des
agressions sexuelles durant leur enfance sont plus isolés et ont accès à moins de
soutien social pour les aider et les soutenir en situation de précarité comparative-
ment à ceux qui n’ont jamais vécu d’agression sexuelle, ce qui pourrait expliquer,
notamment, leur détresse et leur souffrance psychologique.
L’agression sexuelle durant l’enfance a des incidences importantes sur dif-
férentes dimensions sociales de la vie des jeunes en situation de précarité. Elle
est associée, entre autres, à un risque plus élevé que les jeunes se retrouvent
en situation d’instabilité résidentielle (Chen et al., 2004), et ce, à un plus jeune
âge (Thrane, Hoyt, Whitbeck, & Yoder, 2006), comparativement à ceux qui
n’ont pas vécu d’agression sexuelle durant leur enfance. Cette instabilité rési-
dentielle conduit les jeunes ayant vécu une agression sexuelle à mobiliser
davantage de stratégies de survie centrées sur la criminalité, comme la vente
de drogues et la prostitution (Chen et al., 2004 ; Tyler, Hoyt, Whitbeck, &
Cauce, 2001). Ainsi, ces jeunes fréquenteraient davantage de pairs déviants, ce
qui les inciterait à adopter des comportements à risques pour leur santé (Tyler
et al., 2001), tels qu’un usage inconstant du préservatif et la fréquentation de
multiples partenaires sexuels.

317
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

5.2. La violence sexuelle en situation de précarité


chez les jeunes
Les jeunes ont une probabilité élevée de vivre des expériences de violence
sexuelle (dans le cadre d’une relation intime ou non) lorsqu’ils se retrouvent
en situation de précarité (11 % à 55 % en Amérique du Nord [Bender et al.,
2015 ; O’Donnell, Agronick, Duran, Myint-U, & Stueve, 2009 ; Tyler, Whit-
beck, Hoyt, & Cauce, 2004], 7 % à 48 % en Europe [Brauns, Adriaenssens, &
Kupperberg, 2009 ; Fernández-Fuertes, Fuertes, & Pulido, 2006]). En France,
on constate depuis quelques années une progression des « viols en réunion »,
c’est-à-dire des agressions sexuelles commises par des bandes de jeunes, prin-
cipalement des jeunes garçons sur des jeunes filles. On estime en France, par
inférence statistique, que ces cas représentent environ 600 situations par an
(Ciavaldini & Balier, 2000). Ce phénomène, également appelé « tournantes » –
une expression argotique – à la suite d’une médiatisation intense et subite,
en 2001, de cas de viols collectifs dans des quartiers sociaux, est associé aux
jeunes de banlieue.
Les épisodes de violence sexuelle ont des conséquences importantes chez
les jeunes en situation de précarité : des douleurs physiques (difficulté à mar-
cher, douleurs aux organes génitaux, saignements et plaies ; Tyler et al., 2001),
des troubles de santé mentale (dépression et symptômes de stress post-trau-
matique ; Bender et al., 2015) et une consommation intensive de drogues
(Bender et al., 2015 ; Melander & Tyler, 2010 ; Tyler, Gervais, & Davidson,
2013). En raison de la prévalence élevée de la violence sexuelle en situation de
précarité et des conséquences importantes sur la santé des jeunes, plusieurs
études documentent les facteurs individuels et structurels qui y sont associés.
Dans ce chapitre, la notion de violence sexuelle couvre les actes allant du har-
cèlement verbal à la pénétration forcée, ainsi que des formes de contrainte
très variées allant de la pression et de l’intimidation sociales jusqu’à la force
physique, et ce, dans le cadre d’une relation conjugale ou non (World Health
Organization, 2010).

5.2.1. Les facteurs individuels


Le fait d’avoir vécu une agression sexuelle durant l’enfance figure parmi
les facteurs de risque d’être victimes de violence sexuelle lorsque les jeunes
se retrouvent en situation de précarité (Melander & Tyler, 2010 ; Slesnick,
Erdem, Collins, Patton, & Buettner, 2010 ; Thrane et al., 2006 ; Tyler al., 2013).
L’étude quantitative de Slesnick et al. (2010), réalisée aux États-Unis auprès
d’un échantillon de 180 jeunes de la rue âgés de 14 à 20 ans, indique que les
jeunes en situation de précarité ayant subi des agressions sexuelles durant leur
enfance ont deux fois plus de risque d’être victimes de violence sexuelle au

318
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

sein de leurs relations amoureuses. L’effet cumulatif des traumatismes vécus


par les agressions sexuelles durant l’enfance et des conditions de vie stres-
santes de la situation de précarité diminuerait la capacité des jeunes à s’affir-
mer et à faire respecter leurs limites auprès de leurs partenaires amoureux et
sexuels (Melander & Tyler, 2010).
La consommation de drogues est également identifiée comme un facteur
de risque important de la violence sexuelle en situation de précarité chez les
jeunes (Tyler et al., 2001 ; 2004). Ce sont surtout les jeunes filles qui consom-
ment de la drogue qui risquent d’être victimes de violence sexuelle par un
partenaire amoureux ou sexuel. La consommation de drogues en situation de
précarité diminuerait la capacité des jeunes filles à se protéger des actes de vio-
lence (Tyler et al., 2001) et, par le fait même, augmenterait la perception des
jeunes garçons à l’égard de leur vulnérabilité potentielle (Tyler et al., 2004). La
consommation de drogues place donc les jeunes filles dans une condition par-
ticulièrement vulnérable aux actes de violence, notamment en raison de l’effet
inhibiteur des substances sur leurs capacités d’affirmation de soi.
Le recours à la prostitution multiplie par cinq la probabilité que les jeunes
en situation de précarité soient victimes de violence sexuelle (Tyler et al., 2001 ;
2004 ; 2013). L’étude quantitative de Tyler et al. (2004), réalisée aux États-Unis
auprès de 372 jeunes de la rue âgés de 13 à 21 ans, montre que les jeunes filles
qui ont recours à la prostitution sont davantage victimes de violence sexuelle
par des connaissances avec lesquelles elles tentent d’obtenir un hébergement
ou de la nourriture en échange de faveurs sexuelles, tandis que les jeunes gar-
çons qui se prostituent sont davantage victimes de violence sexuelle par des
personnes étrangères (des clients) avec lesquelles ils marchandent leur travail
sexuel pour obtenir de l’argent. Aussi, les jeunes qui ont recours à la prostitu-
tion sont plus visibles dans l’espace public et, par conséquent, plus exposés aux
actes de violence perpétrés par des individus qui les considèrent comme des
cibles vulnérables (Tyler et al., 2001).
Quelques études rapportent que l’apparence physique des jeunes constitue
un facteur de risque de violence sexuelle en situation de précarité. L’étude
quantitative de Tyler et al. (2001), réalisée aux États-Unis auprès de 311 jeunes
de la rue âgés de 13 à 21 ans, indique que les jeunes en situation de préca-
rité qui présentent une apparence physique considérée soignée et propre ont
plus de risque de subir des agressions sexuelles. Les auteurs suggèrent que les
jeunes qui accordent davantage de temps et d’énergie à leur apparence phy-
sique se démarquent des autres jeunes en situation de précarité et, par consé-
quent, seraient plus ciblés par des agresseurs potentiels. À l’opposé, l’étude
quantitative de Tyler et Beal (2010), basée sur un échantillon de 127 jeunes
de la rue américains âgés de 19 à 27 ans, montre que ce sont plutôt les jeunes
ayant une apparence physique jugée insalubre et malpropre qui sont davan-
tage la proie des actes de violence sexuelle en situation de précarité. Selon ces

319
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

auteurs, ces jeunes seraient considérés par les agresseurs comme des victimes
potentielles de violence sexuelle en raison du fait qu’ils seraient jugés comme
étant plus vulnérables, plus isolés socialement et dotés de moins de ressources
que ceux qui présentent une apparence physique jugée plus soignée et propre.

5.2.2. Les facteurs structurels


Les jeunes filles sont plus à risque d’être victimes de violence sexuelle en situa-
tion de précarité comparativement aux jeunes garçons (Leclerc et al., 2013 ;
Melander & Tyler, 2010 ; Slesnick et al., 2010 ; Tyler & Beal, 2010 ; Tyler et al.,
2001). L’étude de Tyler et al. (2001) démontre que les jeunes filles, par rapport
aux jeunes garçons, ont sept fois plus de risque de faire l’expérience de violence
sexuelle dans le contexte de la rue. Pour expliquer cette prévalence élevée de
victimisation sexuelle chez les jeunes filles, Watson (2013) pointe l’influence
des inégalités de genre dans le contexte de la situation de précarité qui les
positionnent dans un rapport d’oppression à l’égard des jeunes garçons. Cette
étude propose que les jeunes filles en situation de précarité tendent à tolérer
des relations amoureuses marquées par la violence sexuelle plutôt que de se
retrouver isolées, sans ressource et sans protection dans un contexte d’ins-
tabilité résidentielle et économique qu’elles considèrent comme menaçant et
dangereux. Selon Watson (2013), ce sentiment d’insécurité évoque le peu de
ressources dont les jeunes filles en situation de précarité disposent et témoigne
de la nécessité, pour elles, d’établir des relations amoureuses pour répondre à
leurs besoins essentiels, au risque de subir des actes de violence sexuelle.
La durée du maintien en situation de précarité constitue également un fac-
teur de risque de victimisation sexuelle chez les jeunes. Plus les jeunes sont
exposés longtemps à la situation de précarité, plus ils risquent d’être victimes
de violence sexuelle (Tyler et al., 2013). D’ailleurs, les jeunes qui demeurent à
long terme dans une situation d’instabilité économique, notamment ceux qui
sont issus de familles défavorisées, présentent davantage de risque d’être vic-
timisés sexuellement (Spriggs, Halpern, Herring, & Schoenbach, 2009). Ainsi,
une plus longue exposition à la situation de précarité augmente la probabilité,
pour ces jeunes, de consommer de la drogue et de rencontrer des individus
qui cherchent à les exploiter et, par conséquent, à leur faire subir des actes de
violence sexuelle (Tyler et al., 2004).
La composition du réseau social des jeunes en situation de précarité peut
accentuer les risques d’être victimes de violence sexuelle (Baron, 2003 ; Pete-
ring, Rice, Rhoades, & Winetrobe, 2014 ; Tyler & Beal, 2010). À cet effet,
les jeunes filles en situation de précarité qui fréquentent un groupe de pairs
constitué principalement d’amis masculins sont plus à risque de subir la vio-
lence au sein du couple (Petering et al., 2014). De même, l’étude de Baron
(2003) démontre que les jeunes en situation de précarité qui côtoient des pairs

320
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

ayant recours à la violence ont une plus grande probabilité d’être victimes
de violence sexuelle. L’immersion dans un environnement où la violence est
l’une des méthodes privilégiées pour résoudre les conflits augmente le risque
d’avoir recours à la violence, ainsi que d’être victime de violence physique et
sexuelle (Baron, 2003).
Dans un même ordre d’idées, les jeunes en situation de précarité, particu-
lièrement les jeunes filles, peuvent être la proie de violences sexuelles par des
membres de gangs de rue ou de bandes de rues. Ces gangs de rue, qui sont en
grande partie composés de jeunes garçons provenant de milieux défavorisés et
précaires, constituent un espace de protection, d’appartenance et de construc-
tion identitaire pour leurs membres (Corriveau, 2009 ; Dorais et Corriveau,
2006 ; Perreault, 2005). Les jeunes garçons qui appartiennent à ces groupes
sociaux sont amenés à manifester une grande violence sexuelle (ex. : viol,
intimidation sexuelle, agressions sexuelles, menaces, violence amoureuse)
à l’égard des jeunes filles (Fournier, Cousineau & Hamel, 2004), tant pour
s’intégrer au gang de rue que pour préserver une image de masculinité virile
(Corriveau, 2009 ; Perreault, 2005). Cette violence sexuelle s’inscrit également
sous la forme d’une exploitation sexuelle des jeunes filles pour en retirer des
gains économiques nécessaires au fonctionnement du gang de rue (Dorais
& Corriveau, 2006). Les jeunes garçons deviennent ainsi des proxénètes qui
contraignent les jeunes filles à pratiquer la prostitution sous différents sec-
teurs d’activités, comme la danse érotique, l’escorte, la prostitution de rue et la
prostitution en maison close. Les jeunes filles, qui proviennent souvent, elles
aussi, de milieux défavorisés et précaires, se font recruter par les gangs de rue
principalement pour obtenir l’amour ou l’admiration d’un jeune garçon. Cette
quête d’amour et de reconnaissance se voit toutefois masquée par les sévices
sexuels dont elles sont victimes et se cristallise, bien souvent, en des trauma-
tismes psychologiques importants chez les jeunes filles (Fournier et al., 2004;
Dorais et Corriveau, 2006).
Somme toute, plusieurs travaux montrent que les jeunes en situation de
précarité sont particulièrement à risque de faire l’expérience de victimisation
sexuelle, tant dans leur enfance que pendant la situation de précarité. L’ensemble
des études empiriques sur la victimisation sexuelle de ces jeunes suggère que
les facteurs individuels, tels que la consommation de drogues, la prostitution
et l’apparence physique, se combinent aux facteurs structurels liés à la situation
de précarité, tels que les rapports de genre, l’instabilité résidentielle, la précarité
économique et l’influence du réseau social. Ce contexte d’instabilité résiden-
tielle et économique propre à la situation de précarité semble donc accroître la
vulnérabilité et la fragilité de certains jeunes à subir ou commettre des actes de
violences sexuelles. Dans cette optique, il devient important, voire nécessaire, de
penser à des stratégies d’intervention qui s’adressent non seulement aux facteurs
individuels associés au risque de victimisation sexuelle, mais aussi aux enjeux

321
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

structuraux inhérents à la situation de précarité qui contribuent à la vulnérabi-


lité de ces jeunes. À cet effet, la prochaine section présente un portrait des inter-
ventions et services en santé sexuelle chez les jeunes en situation de précarité qui
sont documentés au sein des écrits scientifiques.

6. Les interventions et les services en santé


sexuelle chez les jeunes en situation
de précarité
Malgré l’abondante littérature scientifique sur la sexualité des jeunes en situa-
tion de précarité, peu d’études empiriques documentent les interventions en
santé sexuelle auprès de cette population. De façon générale, les interventions
en santé sexuelle destinées aux jeunes en situation de précarité s’inscrivent
dans une logique de prévention des risques sexuels et des ITSS (Hwang, Tolo-
miczenko, Kouyoumdjian, & Garner, 2005 ; Joubert & Louzon, 2005). Qu’elles
soient communautaires ou institutionnelles, ces interventions impliquent
une diversité de services : la distribution de préservatifs et de seringues, des
campagnes de vaccination contre les hépatites A et B, des tests de grossesse
et de dépistage des ITSS, l’accès à des professionnels de santé, ainsi que la
mise sur pied de cliniques médicales, de programmes spécialisés et de services
d’information et de référence dans le domaine de la santé sexuelle. Dans les
prochaines sections, nous résumons d’abord les données empiriques ayant
trait à l’utilisation des services en santé sexuelle par les jeunes en situation de
précarité et, ensuite, les études évaluatives des interventions en santé sexuelle
auprès des jeunes en situation de précarité.

6.1. L’utilisation des services en santé sexuelle par les jeunes


en situation de précarité
Deux principaux thèmes ont fait l’objet d’analyse concernant l’utilisation des
services en santé sexuelle par les jeunes en situation de précarité, à savoir les
motifs d’utilisation des services en santé sexuelle et les barrières qui limitent
l’utilisation des services en santé sexuelle.

6.1.1. Les motifs d’utilisation des services en santé sexuelle


Le dépistage et le traitement des ITSS sont les principaux motifs d’utilisation
des services en santé sexuelle par les jeunes en situation de précarité (Evans,
Handschin, & Giesel, 2014 ; Hwang et al., 2005). Les jeunes filles utilisent
davantage les services en santé sexuelle comparativement aux jeunes garçons,

322
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

principalement dans l’optique d’obtenir des informations ou des soins liés à


la grossesse et à la contraception (Evans et al., 2014). L’étude qualitative de
Haley et al. (2005) montre que les jeunes filles utilisent surtout les services qui
sont spécifiquement destinés aux femmes et aux jeunes en situation de préca-
rité, puisque, selon les participantes, les professionnels de ces ressources sont
formés pour comprendre leur réalité et évaluer adéquatement leurs besoins.
La compétence, le professionnalisme et la gentillesse des professionnels
sont identifiés comme étant des caractéristiques qui influencent l’usage que
les jeunes en situation de précarité font des services en santé sexuelle (Côté,
Manseau, Boucher, Provencher, & Blais, 2015 ; Haley et al., 2005). L’étude
qualitative de Côté et al. (2015), réalisée au Canada auprès de 42 jeunes de
la rue âgés de 18 à 32 ans, indique que ces jeunes reconnaissent les qualités
humaines et les compétences des professionnels qui œuvrent auprès d’eux,
telles que l’écoute attentive, l’absence de jugement, la capacité de créer des
liens de confiance, la volonté d’aider et de faire grandir les jeunes, la disponi-
bilité et le respect de la confidentialité des échanges. La qualité et l’accessibilité
des professionnels jouent donc un rôle considérable dans l’utilisation des ser-
vices en santé sexuelle par les jeunes en situation de précarité.
Aussi, ces jeunes souhaitent que les services en santé sexuelle dépassent la
prévention des ITSS et la promotion du préservatif (Côté et al., 2015 ; Haley et
al., 2005). Certains jeunes en situation de précarité rapportent l’importance que
les services en santé sexuelle abordent une diversité de dimensions de la sexua-
lité, telles que la séduction, les relations conjugales et l’orientation sexuelle, et
non exclusivement la prévention des risques sexuels (Marshall, 2008).

6.1.2. Les barrières qui limitent l’utilisation des services en santé


sexuelle
Des barrières individuelles et institutionnelles limitent l’usage que les jeunes en
situation de précarité font des services en santé sexuelle. Du côté des barrières
individuelles, les études identifient la méconnaissance des ressources (Rew et
al., 2002), les troubles de santé mentale et la toxicomanie (Morantz-Ornstein,
Haley, & Roy, 2003), la perte d’habiletés sociales (Aviles & Helfrich, 2004) et
les problèmes de mobilité (Ensign & Panke, 2002 ; Garrett et al., 2008). Cer-
tains jeunes en situation de précarité ne voient pas la pertinence de discuter de
sexualité au sein des ressources institutionnelles et communautaires destinées
à ce groupe particulier (Côté et al., 2015). Selon eux, la sexualité constitue un
sujet tabou, confidentiel et incompatible avec l’objectif réel des ressources qui
consiste principalement à assurer leurs besoins essentiels, comme l’héberge-
ment, la nourriture, les vêtements et la réinsertion sociale, et non de discuter
de sexualité, sujet qu’ils considèrent plutôt comme un enjeu secondaire de
leur réalité quotidienne.

323
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

Du côté des barrières institutionnelles, les travaux rapportent l’obligation de


posséder des papiers d’identification (Morantz-Ornstein et al., 2003), les heures
d’ouverture limitées (Aviles & Helfrich, 2004 ; Garrett et al., 2008), l’emplace-
ment géographique (Marshall et al., 2009), le temps d’attente dans les ressources
(Garrett et al., 2008 ; Hudson et al., 2010) et les attitudes discriminatoires des
professionnels envers les jeunes (Haley et al., 2005 ; Hudson et al., 2010). À cet
effet, l’étude de Haley et al. (2005) montre que les jeunes filles qui ont fait l’expé-
rience d’au moins une fois dans leur vie d’une interruption volontaire de gros-
sesse disent avoir été jugées négativement (mépris et culpabilisation) de la part
du personnel médical. L’étude de Côté et al. (2015) indique que, selon certains
jeunes en situation de précarité, les professionnels sont trop « doux » et « pater-
nalistes » avec eux. Selon cette étude, les participants indiquent que les profes-
sionnels devraient confronter davantage les jeunes sur leur propre réalité, plutôt
que de les infantiliser en valorisant leur situation de vie.
Peu de travaux documentent le point de vue des professionnels à l’égard
de leurs pratiques d’intervention en santé sexuelle auprès des jeunes en situa-
tion de précarité. Une étude qualitative, réalisée par Samson (2012) auprès de
travailleurs de rue à Montréal (Canada), indique que ces professionnels ont
l’impression de ne pas intervenir de la même façon sur la sexualité que sur
d’autres phénomènes concernant les jeunes en situation de précarité, comme
la santé mentale ou la toxicomanie. Ils témoignent de l’importance d’être à
l’aise avec le sujet de la sexualité, de trouver le moment propice pour en parler
et d’éviter de brusquer les jeunes lors de périodes de discussion. L’une des
interventions en santé sexuelle fréquemment utilisées par les travailleurs de
rue renvoie à la distribution des préservatifs qui offre une occasion, selon eux,
de discuter plus globalement de la sexualité, comme de l’érotisme, de la séduc-
tion et de la sensualité (Samson, 2012). Les professionnels interrogés dans cer-
tains travaux rapportent l’importance de mettre en place des interventions
formelles en santé sexuelle, comme des ateliers ou des programmes structu-
rés, pour discuter explicitement avec les jeunes de différentes thématiques,
telles que les tests de grossesse, l’utilisation du préservatif et la prévention
des ITSS (Morantz-Ornstein et al., 2003 ; Rew et al., 2008 ; Samson, 2012).
D’ailleurs, dans l’étude de Morantz-Ornstein et al. (2003), les professionnels
reconnaissent la nécessité de créer des outils de formation pour les sensibiliser
davantage à la sexualité.

6.2. La description et l’évaluation des interventions en santé


sexuelle auprès des jeunes en situation de précarité
Quelques interventions en santé sexuelle auprès de jeunes en situation de pré-
carité ont fait l’objet d’évaluation. Avant de présenter ces résultats, le format
des principales interventions sera décrit.

324
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

6.2.1. Le format des interventions en santé sexuelle


La plupart des interventions en santé sexuelle qui sont documentées dans les
études empiriques s’adressent directement aux jeunes en situation de préca-
rité. Elles sont organisées sous forme de programmes d’éducation et de pro-
motion de la santé sexuelle (Carmona, Slesnick, Guo, & Letcher, 2014 ; Guil-
bert et al., 2006 ; Rew, Fouladi, Land, & Wong, 2007 ; Rotheram-Borus et al.,
2003 ; Schumann, Nyamathi, & Stein, 2007). Ces programmes s’appuient sur
différents modèles théoriques, comme la théorie sociale cognitive (Rew et al.,
2007 ; Rotheram-Borus et al., 2003), la théorie de l’action raisonnée (Rew et al.,
2007), l’entretien motivationnel (Carmona et al., 2014), l’apprentissage coopé-
ratif et l’empowerment (Guilbert et al., 2006), ainsi que la théorie du coping
(Schumann et al., 2007). Pour la plupart, ces programmes prennent la forme
d’intervention de groupe et sont répartis sur différentes rencontres (entre
deux et onze, selon les programmes). Différentes thématiques sont ciblées
au sein de ces programmes : les connaissances sur les ITSS et le VIH/sida, le
développement d’habiletés de communication, le développement d’habiletés
de résolution de problèmes, la gestion des comportements sexuels à risque,
l’adoption de méthodes de protection sexuelle et la mise en place d’un réseau
social. Ces programmes sont conçus pour être implantés dans différents
milieux d’intervention, dont les écoles (Guilbert et al., 2006), les organismes
communautaires (Carmona et al., 2014 ; Rew et al., 2007 ; Rotheram-Borus et
al., 2003) et les ressources institutionnelles (Schumann et al., 2007).
Il existe aussi des interventions de proximité pour prévenir les ITSS et le
VIH/sida chez les jeunes en situation de précarité (Auerswald, Sugano, Ellen,
& Klausner, 2006). Ces interventions combinent divers services réalisés au
sein des milieux de vie des jeunes : dépistage des ITSS, distribution de matériel
de protection sexuelle, interventions éducatives et discussions animées par des
professionnels et des pairs-aidants. Les professionnels sont également amenés
à aller à la rencontre de ces jeunes afin d’établir un contact soutenu avec eux
et de les référer à des cliniques spécialisées en matière de santé sexuelle. Le
travail de proximité constitue donc une composante-clé quant à la réussite des
interventions en santé sexuelle (Auerswald et al., 2006).
Peu d’interventions en santé sexuelle ciblent à la fois les parents et les
jeunes en situation de précarité. L’une des interventions identifiées est le pro-
gramme « STRIVE » (Support to Reunite, Involve and Value Each Other) qui
vise à augmenter la résolution des problèmes et des habiletés de résolution
des conflits familiaux chez les jeunes de la rue à partir d’une interaction sou-
tenue avec leurs parents (Milburn et al., 2012). En se basant sur la théorie
cognitive-comportementale, ce programme s’appuie sur la prémisse qu’une
amélioration du climat familial permet aux jeunes de la rue de réduire leurs
comportements sexuels à risque, leur consommation de drogues et leurs com-
portements « déviants ». Ce programme comporte cinq rencontres d’une

325
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

durée d’environ une heure. Les rencontres sont animées par un intervenant
formé sur le contenu et les activités du programme et elles sont dispensées
conjointement aux jeunes et aux parents.

6.2.2. L’évaluation des interventions en santé sexuelle


En raison des barrières qui limitent l’usage que les jeunes en situation de
précarité font des services en santé sexuelle, peu d’études documentent les
effets de ces interventions (Lecompte, 2003 ; Naranbhai, Abdool Karim, &
Meyer-Weitz, 2011). Les quelques études évaluatives disponibles s’appuient
sur une méthodologie quantitative et aucune d’entre elles ne recourt à une
méthodologie qualitative. Plusieurs devis de recherche sont mobilisés au sein
de ces études, soit un devis pré-expérimental avec mesure répétée (immédiate-
ment après l’intervention et 6 mois plus tard ; Auerswald et al., 2006), un devis
quasi-expérimental avec mesure répétée (immédiatement après l’interven-
tion, 6 semaines, 3 mois, 6 mois, 12 mois, 18 mois et 24 mois plus tard [Rew et
al., 2007; Rotheram-Borus et al., 2003]) et un devis expérimental avec mesure
répétée (3 mois, 6 mois et 12 mois plus tard [Carmona et al., 2014 : Milburn et
al., 2012 ; Schumann et al., 2007]).
De façon générale, les interventions en santé sexuelle favorisent une aug-
mentation des connaissances chez les jeunes quant aux ITSS et au VIH (Car-
mona et al., 2014 ; Rew et al., 2007 ; Schumann et al., 2007). Or, les résultats
sont moins clairs quant à la modification des comportements. Certains tra-
vaux révèlent une diminution de comportements sexuels à risque, tels qu’une
augmentation de l’utilisation du préservatif et une diminution du nombre de
partenaires sexuels (Auerswald et al., 2006 ; Carmona et al., 2014 ; Milburn
et al., 2012 ; Rotheram-Borus et al., 2003). Par exemple, l’étude évaluative de
Carmona et al. (2014), réalisée auprès de 270 jeunes de la rue, montre que les
participants à une intervention en santé sexuelle ont augmenté, de façon signi-
ficative, leur connaissance sur le VIH (après 12 mois) et l’utilisation qu’ils font
du préservatif (après 6 mois). Par contre, d’autres études ont démontré un
statu quo, voire une augmentation des comportements sexuels à risque, suite
à la consultation des interventions en santé sexuelle (Rew et al., 2007 ; Schu-
mann et al., 2007). À titre d’exemple, l’étude évaluative de Rew et al. (2007),
basée sur un échantillon de 572 jeunes de la rue âgés de 16 à 23 ans, montre
que l’intervention en santé sexuelle n’a pas modifié l’usage que les jeunes font
du préservatif, et ce, sans différence significative entre le groupe expérimental
(n = 196) et le groupe contrôle (n = 287). Au contraire, les jeunes qui ont par-
ticipé à l’intervention rapportent une diminution de leur assertivité sexuelle
à l’égard de l’usage du préservatif, ainsi qu’une diminution de leur capacité
à utiliser les services en santé sexuelle qui leur sont offerts (Rew et al., 2007).

326
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

Par ailleurs, certaines de ces études évaluatives illustrent des différences de


genre quant aux effets des interventions sur la santé sexuelle des jeunes en situa-
tion de précarité. Les jeunes filles ayant participé aux interventions en santé
sexuelle rapportent une diminution de leurs comportements sexuels à risque,
tels qu’un usage plus élevé du préservatif et une augmentation de leur assertivité
sexuelle, contrairement aux jeunes garçons qui ne rapportent pas de différence
significative sur ces deux dimensions (Rew et al. 2007 ; Rotheram-Borus et al.,
2003). Également, les jeunes filles présentent une augmentation plus élevée de
leur connaissance sur les ITSS et le VIH suite à la consultation des interven-
tions en santé sexuelle, et ce, comparativement aux jeunes garçons (Rew et al.,
2007). Pour expliquer ces effets différenciés selon genre, Rotheram-Borus et al.
(2003) suggèrent que les jeunes filles auraient tendance à rompre plus rapide-
ment que les jeunes garçons avec une instabilité résidentielle, notamment par
la création de relations amoureuses leur permettant de subvenir à leurs besoins
essentiels, ce qui faciliterait leur apprentissage de nouvelles informations et la
mise en place de nouvelles habiletés, telles que la communication et la négo-
ciation du préservatif. En tout état de cause, ces effets différenciés suggèrent
l’importance de développer des interventions en santé sexuelle adaptées selon
le genre des jeunes en situation de précarité (Rew et al., 2007).
En somme, peu d’interventions en santé sexuelle ciblent les dimensions
liées à la sexualité abordées dans ce chapitre, soit les facteurs structurels asso-
ciés à la prise de risque sexuel, les expériences amoureuses et les expériences
parentales, ainsi que la victimisation sexuelle chez les jeunes en situation de
précarité. Également, peu d’études évaluatives sont réalisées pour mesurer
l’impact des interventions en santé sexuelle ciblant les jeunes en situation de
précarité. Par ailleurs, plusieurs travaux mettent en évidence l’importance de
la mise en place de certaines stratégies d’intervention pour agir sur la santé
sexuelle de ces jeunes. Par exemple, le travail de proximité et le modèle de
l’accompagnement social constituent des pistes prometteuses pour adapter les
interventions aux besoins sexuels des jeunes en situation de précarité (Côté et
al., 2015 ; Haley et al., 2005). Aussi, l’étude de Milburn et al. (2012) met en évi-
dence l’implication des parents au sein des interventions en santé sexuelle pour
favoriser l’adoption de comportements sexuels sécuritaires chez ces jeunes. En
Europe, une étude menée par des chercheurs de la Population Council révèle
que les programmes d’éducation sexuelle fondés sur l’égalité des sexes dans
les relations sexuelles sont plus efficaces en matière de prévention des ITSS et
des grossesses non désirées que les programmes qui n’insistent pas sur cette
égalité intrinsèque des deux partenaires (Haberland, 2015). Enfin, d’autres
auteurs appellent à repenser l’accessibilité des interventions en santé sexuelle
en développant davantage de programmes d’éducation à la sexualité et en aug-
mentant l’accès aux tests de grossesses et d’ITSS dans les ressources destinées
aux jeunes en situation de précarité (Morantz-Ornstein et al., 2003).

327
Le développement sexuel et psychosocial de l’enfant et de l’adolescent

7. Conclusion
Cette recension des écrits documente l’importance de la situation de précarité
sur la façon dont les jeunes expriment leur sexualité. En effet, la situation de
précarité conduit les jeunes à adopter des pratiques sexuelles à risque (consom-
mation de drogues, relations sexuelles non protégées, prostitution, multiples
partenaires sexuels, initiation précoce à la sexualité, etc.), à faire l’expérience de
grossesses non planifiées, à vivre des difficultés quant à la création et au main-
tien de relations amoureuses, ainsi qu’à être à risque de subir de la victimisation
sexuelle. À la lumière de cette recension des écrits, il est possible de comprendre
que la situation de précarité constitue, en Europe comme en Amérique du Nord,
une barrière importante à l’épanouissement et au bien-être sexuels des jeunes.
Par ailleurs, si les constats empiriques pointent vers un effet combiné des
facteurs individuels et structurels sur la sexualité des jeunes en situation de
précarité, peu de travaux explorent l’intersection des différentes catégories
sociales, telles que le genre, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique et la classe
sociale, sur les activités sexuelles de ces jeunes. À cet effet, l’intersectionnalité
constitue une approche prometteuse pour comprendre cette préoccupation en
identifiant la construction des expériences particulières liées à la sexualité des
jeunes en situation de précarité. Il serait alors possible d’étudier l’intersection
d’autres catégories sociales qui sont peu couvertes au sein des travaux scien-
tifiques ciblant les jeunes en situation de précarité, notamment l’orientation
sexuelle minoritaire qui constitue une réalité prépondérante pour certaines
sous-populations comme les jeunes de la rue. Les futurs travaux demande-
raient donc un approfondissement de l’intersection des facteurs individuels
et structurels dans la construction des expériences amoureuses, parentales et
sexuelles des jeunes en situation de précarité.
Il importe toutefois de préciser que les recherches disponibles se concentrent
principalement sur les risques pour la santé sexuelle des jeunes en situation de
précarité et que très peu d’entre elles explorent la sexualité sous l’angle de la
santé positive, à savoir l’amour, le bien-être sexuel ou la satisfaction sexuelle.
Peu d’études documentent également les mécanismes de résilience des jeunes,
ainsi que leurs stratégies d’adaptation, pour améliorer leur vie sexuelle en
situation de précarité. De futurs travaux de recherche devraient ainsi adop-
ter l’angle de la santé positive pour documenter le pouvoir d’agir des jeunes
sur leur sexualité, dans le contexte particulier de la situation de précarité. Par
exemple, quel est le parcours amoureux et sexuel des jeunes en situation de
précarité ? Quelles sont les raisons qui motivent les jeunes à utiliser de façon
constante le préservatif ? Quels sont les mécanismes de résilience mobilisés
par les jeunes pour faire face à la maternité et à la paternité en situation de
précarité ? Quelles sont les stratégies déployées par les jeunes pour contrer la
violence sexuelle en situation de précarité ? Autant de questions qui méritent

328
Chapitre 8 – La sexualité des jeunes en situation de précarité

réflexion et qui pourraient guider l’élaboration d’interventions adaptées aux


besoins des jeunes en situation de précarité.
Étant donné que peu de travaux sont publiés sur les interventions en santé
sexuelle auprès des jeunes en situation de précarité, il semble important d’in-
vestir davantage ce champ d’expertise afin de réfléchir aux meilleures pra-
tiques pour favoriser le bien-être sexuel de cette population. D’ailleurs, peu
d’information est disponible sur les connaissances et l’expertise des profes-
sionnels quant aux interventions en santé sexuelle offertes aux jeunes en situa-
tion de précarité. Les futurs travaux de recherche devraient documenter les
projets d’intervention novateurs en santé sexuelle ciblant les jeunes en situa-
tion de précarité, ainsi qu’évaluer l’efficacité de ces interventions. Également,
de nouvelles études devraient être réalisées afin de documenter les savoirs
d’expérience des professionnels qui dispensent des services en santé sexuelle
aux jeunes en situation de précarité ; une expertise importante qui permet-
trait d’identifier des pratiques méconnues pour favoriser le bien-être sexuel
de cette population. Des efforts considérables devraient donc être déployés à
l’avenir afin d’améliorer les interventions en santé sexuelle auprès des jeunes
en situation de précarité.
Enfin, le concept de « précarité » demanderait à être mieux défini au sein
des travaux scientifiques, car, tel que présenté dans la première section de ce
chapitre, cette notion renvoie à plusieurs réalités hétérogènes et mouvantes
qui peuvent avoir des incidences particulières sur la sexualité des jeunes. La
plupart des travaux recensés ne mobilisent pas le concept de précarité pour
désigner les jeunes qui se retrouvent en situation de vulnérabilité économique,
d’instabilité résidentielle ou de difficultés psychosociales. Les études dispo-
nibles se concentrent plutôt sur des sous-populations spécifiques, telles que
les jeunes de la rue, les jeunes de banlieue, les jeunes de quartiers défavorisés
ou les jeunes en situation d’inégalité sociale, ce qui limite l’analyse globale
du phénomène de la sexualité chez les jeunes en situation de précarité. Les
futurs travaux de recherche devraient donc clarifier le concept de situation de
précarité chez les jeunes, ce qui permettrait de cibler de façon plus précise la
diversité des enjeux liés à la sexualité de cette population particulière.

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339
Table des matières

Les auteurs ....................................................................................................V


Sommaire...................................................................................................VII
Avant-propos ..............................................................................................IX

Chapitre 1. Le développement de la sexualité chez l’enfant ...1


1. Introduction ......................................................................................1
2. Développement du genre : identité de genre et autres concepts
connexes .............................................................................................3
2.1. Les composantes du genre........................................................3
2.1.1. Identité de genre ................................................................3
2.1.2. Rôles de genre ....................................................................5
2.1.3. Orientation sexuelle ..........................................................6
2.2. Développement « typique » et développement « atypique » ....8
3. Comment se développent la sexualité et le genre :
explications théoriques et vérifications empiriques .....................9
3.1. Théories d’orientation psychanalytique ...............................10
3.1.1. La théorie psychanalytique freudienne ........................11
3.1.2. Les approches psychanalytiques néofreudiennes ......12
3.2. Modèles de socialisation .........................................................14
3.2.1. Théorie de l’apprentissage social...................................14
3.2.2. Théorie sociale cognitive ................................................15
3.3. Théories cognitives ..................................................................17
3.3.1. Théorie cognitivo-développementale de l’identité
de genre.............................................................................17
3.3.2. Théorie des schémas .......................................................22
3.4. Approches biologiques ...........................................................22
3.5. Approche interactionnelle......................................................25

341
Table des matières

3.6. Modèle intégratif .....................................................................27


4. Comportements sexuels .................................................................28
4.1. Comportements de genre et comportements sexuels .......28
4.2. La mesure des comportements sexuels infantiles ...............30
5. Conclusion .......................................................................................32
6. Références ........................................................................................32

Chapitre 2. Le développement psychosexuel à l’adolescence ... 39


1. La sexualité : une tâche développementale à l’adolescence .......40
2. Portrait actuel de la sexualité des adolescents.............................40
2.1. Les répertoires sexuels des adolescents.................................40
2.2. La transition vers une vie sexuelle active..............................41
2.3. Décalages développementaux dans la transition
vers une vie sexuelle active .....................................................41
2.3.1. Précocité ...........................................................................42
2.3.2. Tardiveté ...........................................................................43
2.4. La sexualité des adolescents d’hier à aujourd’hui ...............44
2.5. Limites méthodologiques et défis du domaine....................44
2.6. Les rapports sexuels non consensuels ou perçus comme
attendus .....................................................................................45
2.7. Les activités sexuelles avec des partenaires non
romantiques..............................................................................46
3. Les corrélats biopsychosociaux de la sexualité adolescente ......46
3.1. Facteurs biologiques ................................................................47
3.2. Facteurs psychologiques .........................................................47
3.3. Facteurs sociaux .......................................................................48
3.3.1. Parents ..............................................................................48
3.3.2. Pairs ...................................................................................51
3.3.3. Effets combinés des parents et des pairs ......................53
3.3.4. Médias ...............................................................................53
3.3.5. Relations bidirectionnelles entre les médias
et la sexualité ....................................................................56
3.3.6. Les corrélats distaux et proximaux du comportement
sexuel .................................................................................57
4. Différences et similitudes de genre...............................................58
5. La sexualité comme contexte de développement .......................59
6. Retombées appliquées pour l’éducation à la sexualité
et l’intervention auprès des adolescents ......................................60
6.1. Les adolescents .........................................................................61

342
Table des matières

6.2. Les parents ................................................................................62


6.3. Les pairs ....................................................................................63
6.4. Les médias sociaux ..................................................................64
7. Conclusion .......................................................................................65
8. Références ........................................................................................66

Chapitre 3. Les comportements sexuels problématiques


chez les enfants âgés de douze ans et moins ...................................83
1. Introduction ....................................................................................83
2. Le développement des comportements sexuels problématiques .. 84
2.1. Définition des comportements sexuels problématiques ....84
2.2. Ampleur et persistance des comportements sexuels
problématiques ........................................................................86
2.3. Modèles explicatifs des comportements sexuels
problématiques ........................................................................88
2.4. Caractéristiques des enfants qui présentent
des comportements sexuels problématiques .......................92
2.4.1. Facteurs individuels prédisposant aux problèmes
de comportement ............................................................93
2.4.2. Stresseurs affectant la capacité des parents à fournir
des soins optimaux à leur enfant ...................................94
2.4.3. Pratiques parentales coercitives ....................................94
2.4.4. Perturbation du développement psychosexuel
de l’enfant .........................................................................95
2.4.5. Qualité de l’attachement parent-enfant .......................95
3. Lignes directrices entourant l’évaluation des enfants
et de leur famille ..............................................................................97
3.1. Description détaillée des CSP et facteurs contributifs........98
3.2. Profil psychologique et comportemental de l’enfant........100
3.3. Environnement familial et social.........................................101
4. Le traitement des enfants qui présentent des comportements
sexuels problématiques ................................................................107
4.1. Les programmes de traitement existants............................115
4.2. L’efficacité des programmes de traitement des CSP ........116
4.3. Les caractéristiques associées à l’efficacité
des traitements .......................................................................118
4.4. Recommandations relatives au traitement des CSP .........121
4.4.1. Approches et modalités de traitement .......................121
4.4.2. Implication des parents et des autres soignants ........122

343
Table des matières

4.4.3. Composante d’entraînement aux habiletés


parentales........................................................................123
4.4.4. Adaptations en contexte de comorbidité ...................123
4.5. Enjeux et défis relatifs au traitement des CSP ...................124
4.5.1. Assurer un environnement sécuritaire.......................124
4.5.2. Favoriser l’adhésion au traitement .............................126
5. Conclusion .....................................................................................128
6. Références ......................................................................................128

Chapitre 4. L’agression sexuelle envers les enfants


et les adolescents ...................................................................................137
1. Incidence et prévalence de l’agression sexuelle .......................137
2. Conséquences associées à l’agression sexuelle ..........................141
2.1. Santé psychologique ..............................................................141
2.2. Santé physique et sexuelle ....................................................144
2.3. Mécanismes explicatifs des conséquences de l’agression
sexuelle sur la santé ...............................................................146
2.4. Revictimisation ......................................................................147
3. La prévention de la victimisation sexuelle.................................150
3.1. Interventions préventives au niveau individuel ................152
3.2. Interventions préventives au niveau relationnel
et communautaire .................................................................154
3.2.1. Auprès des parents ........................................................154
3.2.2. Auprès des professionnels œuvrant auprès
des enfants ......................................................................155
3.2.3. Au sein des organismes de loisirs................................157
3.3. Interventions préventives au niveau sociétal .....................158
3.4. Limites des initiatives de prévention actuelles ..................159
4. Pistes et recommandations pour la prévention de l’agression
sexuelle ..........................................................................................161
4.1. Au niveau individuel .............................................................161
4.2. Au niveau relationnel et communautaire ..........................162
4.3. Au niveau sociétal..................................................................164
5. Références ......................................................................................165

Chapitre 5. Les adolescents auteurs d’abus sexuels : attitudes


et comportements envers la sexualité.............................................179
1. Introduction ..................................................................................179
2. Puberté et développement de la sexualité..................................181

344
Table des matières

2.1. Adolescence et puberté .........................................................181


2.2. Les relations intimes et la sexualité en évolution ..............183
2.3. Attitudes des adolescents envers la sexualité .....................185
3. Développement de la sexualité non-normative ........................186
3.1. Érotisation problématique et hypersexualisation .............186
3.2. Problématiques de maltraitance et de comportements
sexuels .....................................................................................187
3.3. Comportements sexuels et d’abus sexuels
à l’adolescence ........................................................................189
3.4. Émergence d’intérêts sexuels déviants................................191
3.5. Exposition à la pornographie ...............................................192
3.6. Manifestations sexuelles problématiques et comportements
d’abus sexuels .........................................................................194
3.7. AAAS de sexe féminin et déviance sexuelle .......................194
4. Conclusion .....................................................................................196
5. Références ......................................................................................197

Chapitre 6. Les enjeux du développement psychosexuel


et social des jeunes de la diversité sexuelle ...................................203
1. Les jeunes de la diversité sexuelle, la population adolescente 205
2. Contexte social et culturel du développement psychosexuel
et social des jeunes de la diversité sexuelle ................................208
2.1. La persistance des violences envers les personnes
de la diversité sexuelle ...........................................................209
2.2. L’hétérosexisme, l’hétéronormativité et la contrainte
à l’hétérosexualité ..................................................................210
2.3. Le stress minoritaire ..............................................................211
3. Les modèles de formation et d’intégration d’une identité sexuelle
minoritaire en contexte hétérosexiste et hétéronormatif ..........212
3.1. Les stades de formation et d’intégration d’une identité
sexuelle minoritaire ...............................................................213
3.2. Les jalons de la formation et de l’intégration d’une identité
sexuelle minoritaire ...............................................................217
3.3. L’intégration de l’identité sexuelle minoritaire .................225
3.4. La fluidité sexuelle et les trajectoires développementales
différentielles ..........................................................................230
3.5. Le développement identitaire des jeunes transgenres
ou en questionnement de leur identité de genre ...............232

345
Table des matières

4. Les facteurs contribuant au développement psychosexuel


harmonieux des JDS : des pistes prometteuses pour
l’intervention .................................................................................233
4.1. Des caractéristiques personnelles ........................................234
4.2. Des facteurs interpersonnels ................................................234
4.2.1. La qualité des relations avec les parents .....................234
4.2.2. Les relations avec les pairs............................................236
4.2.3. La qualité des relations amoureuses ...........................237
4.3. Des institutions favorables ...................................................238
4.3.1. L’école .............................................................................238
4.3.2. Les services de santé ......................................................240
4.4. Le contexte sociolégal ...........................................................241
4.5. Le rôle des alliés .....................................................................242
5. Conclusion .....................................................................................243
6. Références ......................................................................................243

Chapitre 7. Les enjeux du développement sexuel et social


des jeunes vivant avec le VIH depuis la naissance .....................255
1. Le VIH chez les enfants et les adolescents .................................255
2. Les enjeux du développement sexuel et social des jeunes vivant
avec le VIH.....................................................................................257
3. L’environnement familial et son rôle clé sur les représentations
du VIH, des relations amoureuses et de la sexualité ................258
4. L’éducation à la sexualité chez les jeunes vivant avec le VIH
depuis la naissance ........................................................................260
4.1. La communication parent-enfant à propos de la sexualité et
les pratiques d’éducation à la sexualité ...............................260
4.2. Les connaissances relatives au VIH, aux modes de
transmission et de protection, et les sources d’information
au sujet de la sexualité ..........................................................263
5. La révélation du statut d’infection au VIH en contexte
amoureux et sexuel .......................................................................265
5.1. Les enjeux spécifiques de la révélation du statut d’infection
au VIH en contexte amoureux ...........................................266
5.2. Les stratégies pour préserver la confidentialité
de son statut d’infection au VIH .........................................267
5.3. Les conditions nécessaires et les stratégies de révélation du
statut d’infection au VIH en contexte amoureux et sexuel.... 268
5.4. Les expériences de révélation du statut d’infection au VIH ....269

346
Table des matières

6. Les pratiques sexuelles des JVVIH depuis la naissance ...........271


6.1. Les représentations de la sexualité et des risques de
transmission sexuelle et la transition vers une vie sexuelle
active........................................................................................271
6.1.1. Les activités sexuelles et les stratégies de gestion
des risques ......................................................................272
6.1.2. La révélation du statut sérologique au VIH et la
négociation du préservatif............................................273
7. Constats et pratiques d’intervention destinées aux JVVIH ...274
7.1. Un décalage entre les réponses et les besoins exprimés par
les JVVIH en matière d’éducation à la sexualité ..............275
7.2. L’éducation à la sexualité en réponse aux besoins exprimés ...277
7.2.1. Un dialogue ouvert avec les adultes significatifs ......278
7.2.2. Le rôle des pairs ............................................................278
7.3. Des interventions Avec, Par et Pour les jeunes vivant
avec le VIH .............................................................................279
7.4. Les modèles d’accompagnement complémentaires
de la prise en charge individuelle ........................................280
7.4.1. Les groupes d’animation/récréation ...........................280
7.4.2. Les groupes d’éducation thérapeutique ....................281
7.4.3. Les groupes de soutien et de parole ............................281
7.4.4. Les espaces d’échange en ligne ....................................282
8. Conclusion .....................................................................................283
9. Références ......................................................................................284

Chapitre 8. La sexualité des jeunes en situation de précarité.....293


1. Introduction ..................................................................................293
2. Qui sont les jeunes en situation de précarité ? ..........................293
3. La prise de risque sexuel chez les jeunes en situation
de précarité ....................................................................................296
3.1. Les facteurs individuels associés à la prise de risque sexuel
chez les jeunes en situation de précarité.............................297
3.1.1. L’âge ................................................................................297
3.1.2. Les connaissances sur la sexualité ...............................298
3.1.3. Les attitudes à l’égard du préservatif ..........................298
3.1.4. La perception des risques sexuels ...............................299
3.1.5. La consommation de drogues .....................................301
3.1.6. La prostitution ...............................................................302

347
Table des matières

3.2. Les facteurs structurels associés à la prise de risque sexuel


chez les jeunes en situation de précarité.............................304
3.2.1. L’origine ethnique .........................................................304
3.2.2. Le genre...........................................................................305
3.2.3. L’instabilité résidentielle...............................................306
3.2.4. L’instabilité économique ..............................................307
4. Les expériences amoureuses et parentales chez les jeunes en
situation de précarité ....................................................................308
4.1. L’absence de relations amoureuses en situation
de précarité chez les jeunes ..................................................309
4.1.1. Le cycle de relations conflictuelles en milieu familial ...309
4.1.2. La consommation de drogues .....................................309
4.1.3. L’instabilité résidentielle et économique....................310
4.2. La création de relations amoureuses en situation
de précarité chez les jeunes ..................................................312
4.3. L’expérience de la grossesse et de la parentalité
en situation de précarité chez les jeunes.............................314
5. La victimisation sexuelle chez les jeunes en situation de
précarité..........................................................................................316
5.1. L’agression sexuelle durant l’enfance chez les jeunes
en situation de précarité .......................................................316
5.2. La violence sexuelle en situation de précarité
chez les jeunes ........................................................................318
5.2.1. Les facteurs individuels ................................................318
5.2.2. Les facteurs structurels .................................................320
6. Les interventions et les services en santé sexuelle chez les jeunes
en situation de précarité...............................................................322
6.1. L’utilisation des services en santé sexuelle par les jeunes en
situation de précarité.............................................................322
6.1.1. Les motifs d’utilisation des services en santé sexuelle...322
6.1.2. Les barrières qui limitent l’utilisation des services en
santé sexuelle..................................................................323
6.2. La description et l’évaluation des interventions en santé
sexuelle auprès des jeunes en situation de précarité .........324
6.2.1. Le format des interventions en santé sexuelle ...........325
6.2.2. L’évaluation des interventions en santé sexuelle ......326
7. Conclusion .....................................................................................328
8. Références ......................................................................................329

348

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