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Neuropsychopharmacologie Professeur

Régis Bordet
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Chez le même éditeur

Du même auteur
Pharmacologie des anti-infectieux, par la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique
et le Collège National de Pharmacologie Médicale, coordonné par M.-C. Verdier. 2018. 224 pages.
Pharmacologie cardiovasculaire et respiratoire, par la Société Française de Pharmacologie et de
Thérapeutique et le Collège National de Pharmacologie Médicale, coordonné par J. Bellien et J.-L.
Cracowski. 2016. 256 pages.

Autres ouvrages
Guide de thérapeutique, par G. Perlemuter. 2019, 10e édition, 2600 pages.
Pharmacie clinique et thérapeutique, par l’Association Nationale des Enseignants de Pharmacie
Clinique, coordonné par G. Aulagner, J.-L. Cazin, B. Demoré, A. Dupuis, F. Fagnoni, C. Fernandez,
S. Limat. 2018, 5e édition. 1192 pages.
Pharmacologie à l’officine. Pour la délivrance éclairée de l’ordonnance, par P. Poucheret, J. Costentin.
2017, 2e édition. 328 pages.
Conseils à l’officine. Le pharmacien prescripteur, par J.-P. Belon. 2016, 8e édition. 552 pages.
Pharmacie clinique pratique en oncologie, par l’Association Nationale des Enseignants de Pharmacie
Clinique, coordonné par G. Aulagner, J.-L. Cazin, F. Lemare, S. Limat. 2016. 344 pages.
Neuropsychopharmacologie
Société Française de Pharmacologie
et de Thérapeutique

Collège National de Pharmacologie Médicale


Coordonné par :

Régis Bordet
Pharmacologue et neurologue, Professeur de Pharmacologie Médicale à la Faculté de Médecine de l’Université de Lille,
chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Lille et directeur de l’UMR INSERM U1171

Louise Carton
Pharmacologue, psychiatre, addictologue et assistante hospitalo-universitaire à la Faculté de Médecine de l’Université de Lille et au
CHU de Lille

Julie Deguil
Neurobiologiste et neuropharmacologue, Maître de Conférence de Pharmacologie à la faculté de Médecine de l’Université de Lille

Thibaut Dondaine
Neuropsychologue au CHU de Lille
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Neuropsychopharmacologie, de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique et du Collège National de Pharmacolo-
gie Médicale, coordonné par R. Bordet, L. Carton, J. Deguil, T. Dondaine.
© 2019 Elsevier Masson SAS
ISBN : 978-2-294-75299-5
e-ISBN : 978-2-294-75424-1
Tous droits réservés.

Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et
concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies
par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de
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et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin.

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Remerciements

L’idée de ce livre est née, au cours des vingt ouvrage, Jean-Louis Montastruc, mon complice
dernières années, au fil des enseignements ou pendant six ans au CNU, Jean-Charles Schwartz
conférences dispensés sur tous les aspects de la et Pierre Sokoloff, qui me firent découvrir l’uni-
neuropsychopharmacologie. J’ai néanmoins pré- vers fascinant des récepteurs dopaminergiques,
sumé de ma capacité à le rédiger seul et je souhaite Alain Puech, Michel Bourin, Michel Hamon…
remercier Louise Carton, Julie Deguil et Thibaut On me permettra une pensée spéciale pour Hervé
Dondaine qui ont accepté (ou que j’ai persuadé Allain, trop tôt disparu, dont l’esprit créatif m’a
d’accepter) de m’accompagner dans cette aven- beaucoup inspiré. Je souhaiterais mentionner dans
ture. Ces mois de rédaction nous ont fait sortir ces remerciements deux collègues de l’indus-
tous les quatre de nos zones de confort respectives trie, Sylvia Goni et Thierry Marquet, qui m’ont
avec ce que cela génère comme tension dans un donné un autre regard sur les médicaments du
contexte où il y a urgence à produire. Mais cette système nerveux central. Les échanges avec mes
période restera, sans aucun doute, un moment collègues pharmacologues, neurologues, psy-
fort de notre vie professionnelle grâce aux débats chiatres, neurobiologistes lillois, trop nombreux
et confrontations intellectuels que nous avons eu pour tous les citer, sont une source permanente
tout au long du processus de rédaction. En tout de ressourcement et de mise en question qui enri-
cas, ce le fût pour moi car c’est toujours une satis- chissent régulièrement ma réflexion sur la neu-
faction que d’accompagner des plus jeunes que ropsychopharmacologie, en particulier à travers
soi dans leur développement en essayant d’être un les travaux de l’U1171 et du Lille Neuroscience
passeur des connaissances que l’on a pu soi-même et Cognition, avec une mention spéciale pour
acquérir grâce à des recherches, des lectures ou à Dominique Deplanque, David Devos, Sophie
ceux qui vous ont fait partagé leur vision d’une Gautier, Thavarak Ouk, pour leur engagement, à
matière complexe. mes côtés, au sein de notre discipline de pharma-
Mes remerciements vont aux collègues qui cologie médicale.
ont jalonné ma carrière et m’ont enrichi de leur Je tiens à remercier la Société Française de
expérience. En pharmacologie, il s’agit d’abord Pharmacologie et de Thérapeutique et le Collège
de Jacques Caron qui m’a appris l’essentiel de de Pharmacologie Médicale, sous l’égide desquels
ce que je sais en pharmacologie, complété par cet ouvrage a été écrit, ainsi que les Editions
l’expérience et le recul de Christian Libersa et Elsevier pour leur confiance, avec une mention
Bernard Dupuis. Dans le domaine plus particulier spéciale pour Madame Séverine Rolland qui a fait
de la neuropsychopharmacologie, j’ai eu la chance preuve d’une grande patience.
d’échanger très régulièrement avec Jean Costen- Régis Bordet
tin, qui me fait l’immense plaisir de préfacer cet
Préface

C’est avec un vif plaisir que je souscris à l’aimable l’Homme s’essaie à manipuler le fonctionnement
invitation du professeur Bordet de préfacer ce de ce que l’on pourrait très trivialement appeler
livre de Neuropsychopharmacologie. Ce plaisir « sa motte de beurre » ; cet organe d’un kilo-
tient non seulement au fait que cette discipline a gramme et demi, fait de cellules et d’éléments
été au cœur de mes recherches durant près d’un très riches en lipides complexes, succulents (il me
demi-siècle ; mais aussi à l’expression de mon souvient de ces cervelles de mouton consommées
amitié, de mon estime et mon admiration à son dans mon enfance, avant que la scrapie/tremblante
coordonnateur. du mouton ne dissuade de les consommer). Ses
Ce livre de neuropsychopharmacologie est le cellules « nobles », les neurones, estimés à presque
premier, en langue française, qui s’adresse en 100 milliards, y sont entourés des cellules gliales
priorité aux étudiants, grâce à sa forte valence (la glie), qu’on a longtemps réduites à un simple
didactique, qui lui vaut d’être publié sous l’égide tissu d’emballage / à des paillettes / à du papier
du Collège National de Pharmacologie Médicale, bulles. Les dernières décennies ont précisé leur
ainsi que sous celle de la Société Française de importance, bien au-delà de cette seule fonction
Pharmacologie et Thérapeutique. Ces parrainages de soutien mécanique ; puisqu’elles interviennent
ciblent ses principaux lecteurs potentiels. dans la trophicité des neurones, dans l’équilibre
La rédaction de ce livre est donc coordonnée du milieu extra-cellulaire (résorbant par exemple
par le professeur Régis Bordet. Neurologue, neu- les excès de concentration du glutamate aux effets
robiologiste, pharmacologue, il dirige de longue excito-toxiques) ; puisqu’elles sont impliquées
date une équipe de recherche qui, par sa qualité, encore dans la libération de glio-transmetteurs ;
s’est élevée au rang d’unité associée à l’Inserm. La tel l’octadécaneuropeptide / ODN, aux effets
confluence de ces cultures très complémentaires anxiogènes, anorexigènes…)
l’arme pour s’affronter à cet ambitieux défi, dans Pour manipuler le fonctionnement de son
lequel il a impliqué trois de ses collaborateurs : cerveau, l’Homme a très tôt sollicité le monde
mesdames L. Carton, J. Deguil et monsieur T. végétal ; « le laboratoire du père Bon Dieu »,
Dondaine. comme l’appelait Pierre Potier (médaille d’Or du
Si cette discipline est d’un développement CNRS). Il a eu recours, par exemple, à la cocaïne
récent (une soixantaine d’années), elle plonge du Cocayer, à la cathinone du Khat d’Abyssinie,
pourtant ses racines dès les premiers temps de à la morphine de l’opium (produit de concrétion
l’humanité. du latex qui s’écoule des incisions pratiquées
Depuis toujours l’Homme a trouvé sa tête trop sur la capsule du Pavot), au tétrahydrocanna-
lourde à porter, avec la perception du mal être binol (THC) du chanvre indien et de sa résine
que lui infligent : la perception de sa finitude ; sa (haschisch), à la caféine et autres méthyl xanthines
confrontation à autrui (« l’enfer c’est les autres », (théophylline, théobromine), des café, thé, kola,
J.-P. Sartre) ; ses interrogations existentielles ; les cacao…, à la réserpine du Rauwolfia serpentina, à
inévitables traumatismes ambiants ; la sensation la mescaline du Peyotl et, oh combien, à l’alcool
de ne pas être à la hauteur de ses propres attentes résultant de la fermentation du glucose contenu
et/ou de celles d’autrui... Aussi, de longue date, dans de multiples espèces végétales…
VIII Préface

La chimie extractive a isolé des multiples consti- siasme s’est apaisé, alors que pourtant les besoins
tuants des végétaux les principes actifs d’intérêt de la santé psychique se font plus pressants que
pharmaco-thérapeutique ; rompant enfin avec les jamais.
phytothérapies, les thériaques et autres panacées ; Parmi les neuropsychopharmacologues français
s’affranchissant des « soupes végétales », et de de ma génération me viennent à l’esprit, dans
leurs compositions variables selon l’année, le lieu le désordre, les noms de : Jean-Robert Boissier,
de récolte, les modalités de la cueillette et de la Pierre Simon, Alain Puech, Jean Rossier, Gérard
conservation... (« Végétal varie, bien fou qui s’y Le Fur, Hervé Le Moal, Marie-Hélène Thié-
fie »). bot, Georges Chapoutier, Roger Porsolt, Hervé
Avec Magendie et son élève Claude Ber- Allain, Geneviève Guilbaud, Jean-Marie Besson,
nard, l’étude sérieuse, i.e. la Pharmacologie, va Michel Hamon, Michel Bourin, Bernard Scatton,
commencer. Ce sont alors des recherches sys- Jean Costentin (qui, pour ses nombreux élèves, ne
tématiques inspirées, pour nombre d’entre elles, s’exclura pas de cette liste)… et beaucoup d’autres
par des constatations fortuites (« le hasard ne dont la réminiscence instantanée n’a pas résisté à
profite qu’à l’Homme de Sciences » A. Einstein). la raréfaction de mes neurones. Ces neuropsycho-
Les produits issus des « leads » d’origine végétale pharmacologues travaillaient souvent en symbiose
par le jeu d’hémi-synthèses visent à améliorer étroite avec des neurobiologistes ; la France en
les performances des produits naturels. Puis la comptant de très éminents : J.-C. Schwartz, J.
chimie s’est enhardie, synthétisant des molécules Glowinski, Jean-Pierre Changeux, Hubert Vau-
complètement originales dont elle dessinait la dry, … Ils collaboraient aussi avec de talentueux
formule sur le papier. C’est ainsi que naquirent, pharmacochimistes : Camille Wermuth, Bernard
entre autres : les barbituriques, les benzodiazé- Roques, Max Robba, Pierre et Lucette Duha-
pines, les phénothiazines, les triazolopyridazines, mel, André Boucherle, … Il serait très injuste,
les anilinopipéridines... La prodigalité de ces syn- dans cette réminiscence, d’oublier la production
thèses chimiques aboutit aujourd’hui à des cen- scientifique importante des biologistes, chimistes
taines de milliers de molécules à tester. Une telle et pharmacologues de l’industrie pharmaceu-
abondance impose au pharmacologue de se doter tique, beaucoup plus présents dans la signature
d’automates pour effectuer le tri primaire de celles de brevets que dans celle des publications des
qui manifestant une affinité significative pour les grandes revues internationales, discrétion indus-
grandes cibles biologiques auxquelles s’associent trielle oblige.
les molécules à potentialité pharmacologique Je ne sais plus qui prétendait : « Ceux qui
(« corpora non agunt nisi fixata » P. Erhlich) : connaissent le mieux les psychotropes n’ont pas
Enzymes, récepteurs, canaux ioniques… C’est la responsabilité de les prescrire, et ceux qui les
l’heure du criblage à haut débit/high throughput prescrivent en ont une connaissance par trop
screening / HTS, qui fait de la qualité (molécule restreinte ». Ce livre constitue un pont entre ces
d’intérêt pharmacologique) un sous-produit de la deux entités, dont les échanges devraient s’inten-
quantité (prodigalité du chimiste). sifier pour un enrichissement mutuel.
Il n’y a que 60 ans que le premier neurolep- Le plan de ce livre est logique car il pose les
tique, la chlorpromazine, est né en France. On indispensables fondations des classes de médica-
avait prise sur les psychoses, sur la schizophrénie ; ments abordés par une présentation synthétique,
suivit bientôt un antidépresseur tricyclique, un des grandes transmissions aminergiques sur les-
anxiolytique benzodiazépinique… déclenchant quelles prennent appui les mécanismes d’actions
une véritable structuration de la neuropsycho- de la majorité des agents neurotropes et psy-
pharmacologie. Elle a attiré alors un important chotropes. Il lui fait suite l’approche pharma-
contingent de jeunes chercheurs enthousiastes. cologique des grandes fonctions ou de diverses
Succombant au travers qui fait considérer que pathologies psychiques ou neurologiques.
« c’était mieux avant », j’ai l’impression (dont On perçoit en filigrane une situation qui
j’aimerais qu’elle soit fausse) que cet enthou- s’exprime d’une façon récurrente, la séparation,
Préface IX

et même le divorce, intervenu entre la psychia- d’un trop volumineux ouvrage qui dissuaderait le
trie et la neurologie. Elle aboutit désormais à lecteur de s’y aventurer par peur de s’égarer.
une trop grande prise de distance. Il y a près de Ce livre est destiné aux étudiants en Méde-
deux générations la faculté formait encore des cine, en Pharmacie, en Psychologie, ainsi qu’aux
neuropsychiatres. Si certains exerçaient les deux jeunes internes de neurologie et de psychiatrie,
disciplines, la majorité d’entre eux, devant la de médecine générale. Les médecins généralistes
complexification de chaque discipline, n’en exer- sont en effet très impliqués dans la prescription de
çaient qu’une seule. Néanmoins, paraphrasant nombre de psychotropes, mais aussi de quelques
Lamartine, le neurologue était un neuropsychiatre neurotropes. Cette lecture leur permettra de
qui se souvenait de la psychiatrie et, réciproque- mieux dominer cet aspect de leur exercice.
ment, le psychiatre était un neuropsychiatre qui Le succès que devrait remporter ce livre, inci-
se souvenait de la neurologie. N’épiloguons pas tera peut-être ses auteurs à le prolonger d’un
sur cette scission, elle semble irréversible, aucun deuxième tome, complétant les quelques classes
praticien n’accepterait un retour en arrière ; sans et médicaments éludés dans ce premier livre. Il
doute parce que leurs viviers respectifs se sont pourra insister sur les interactions médicamen-
depuis lors constitués à partir de praticiens ayant teuses parfois à rechercher, mais plus souvent à
des histoires et des traits de personnalités assez éviter ; il pourra mettre en exergue les précautions
nettement différents. d’emploi ; les incompatibilités en relation avec les
Dans ce contexte proposons que la neuropsy- pathologies associées ; les mises en garde à expri-
chopharmacologie soit, ou devienne, l’espace mer au patient… autant d’éléments aux confins de
privilégié où se rencontrent pour s’enrichir la pharmacologie et de la thérapeutique.
mutuellement ces deux spécialités. Beaucoup
Jean Costentin
d’affections neurologiques ne comportent-elles
Pharmacien, Médecin, Neurobiologiste docteur
pas des expressions psychiatriques ? De même
ès sciences
que diverses pathologies psychiatriques ou leurs
Professeur émérite
traitements comportent des expressions neuro- Directeur de l’unité de neuropsychopharmacologie
logiques. associée au CNRS (1984-2008)
Faisant la liste des différentes pathologies et Directeur de l’unité de Neurobiologie clinique du
/ou familles des agents neurotropes et psycho- CHU de Rouen (1999-2010)
tropes considérés : les troubles de l’attention, Membre titulaire des académies nationales
les troubles affectifs et émotionnels, les trouble de Médecine et de Pharmacie
de l’apprentissage et de la mémoire, l’anxiété, Ancien président de l’association française de
psychiatrie biologique (2000)
les troubles du sommeil, du tonus psychique, les
Ancien président du Groupe d’Etudes des relations
troubles psychotiques, les addictions, les troubles
Structure Activité (GESA)
de l’humeur, la maladie de Parkinson, les troubles Membre du collège de l’agence française de lutte
de la cognition, les épilepsies, j’ai noté (si j’ose contre le dopage (AFLD)
dire après avoir évoqué les épilepsies) quelques Président du centre national de prévention d’études
absences…. Elles ne s’expliquent manifestement et de recherches sur les toxicomanies
que par un manque de place et par le souci de Ancien membre de la commission nationale
se focaliser sur l’essentiel, en se prémunissant de la Pharmacopée
Avant-propos

Le système nerveux central est complexe tant dans vient éclairer cette complexité, à la fois par leur
son organisation que dans son fonctionnement. usage détourné ou illicite et par leur utilisation à
La localisation ou les structures moléculaires et visée thérapeutique. C’est l’ambition de ce traité
cellulaires des voies de neurotransmission sont de neuropsychopharmacologie que de décliner
de mieux en mieux connues, même si une vision la pharmacologie du système nerveux central en
indépendante de chacune des voies masque leur trois facettes qui permettent de mieux appréhen-
nombreuses interactions. Une conception figée der les processus de neurotransmission et de neu-
du cerveau s’est révélée erronée depuis qu’a roplasticité, les principales fonctions cérébrales et
été mise en évidence la plasticité moléculaire, les principaux dysfonctionnements pathologiques.
cellulaire ou synaptique. Tout ceci explique la Cet ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité et ne
richesse fonctionnelle sous-tendue par les dif- constitue pas un guide de prescription. Les choix
férentes régions cérébrales et leurs intrications. opérés ont été guidés par un double objectif
Cette complexité physiologique est assortie d’un de progression didactique et de cohérence dans
autre niveau de complexité quand on considère l’organisation des chapitres, dont nous espérons
les maladies neurologiques et mentales dans leurs qu’ils permettent au lecteur d’être accompagné
diversités séméiologique, physiopathologique et dans sa découverte (ou sa redécouverte) de la
nosographique. neuropsychopharmacologie.
La pharmacologie des substances psychoactives
et des médicaments du système nerveux central
Table des matières

Remerciements V Les récepteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32


Préface
--------- VII Rôles fonctionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Avant-propos XI Dysfonctionnements et pathologies . . . . . . . . 38
Modulation pharmacologique . . . . . . . • . . . . . 41
Abréviations XVII
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Approches pharmacologiques des maladies Chapitre 3


neurologiques et mentales Pharmacologie du système
Aspects généraux de la neurotransmission . . . 2 cholinergique 47
Modulation pharmacologique de la Synthèse, recapture et catabolisme 47
neurotransmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Distribution anatomique ................. . 48
Approche pharmacologique de la plasticité
cérébrale et de la mort neuronale . . . . . . . . . . 9
Les récepteurs . .... . .. ..... • . . .. • . . . .. . 48
Rôles fonctionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Classification des médicaments du système
nerveux central . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Dysfonctionnements et pathologies . . . . . . . . 53
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Modulation pharmacologique . . . . . . . . . . . . . 55
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

Chapitre 4
Pharmacologie du système
Pharmacologie des systèmes dopaminergique 61

de neurotransmission Synthèse, recapture et catabolisme 61


Distribution anatomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Chapitre 1 Les récepteurs .......... . ... . •...... . .. 63
Pharmacologie du système Rôles fonctionnels ..................... . 66
GABAergique 19 Dysfonctionnements et pathologies . .. . ... . 69
Synthèse, recapture et catabolisme 19 Modulation pharmacologique ............ . 72
Distribution anatomique . ....... . . .... • . . . 20 En conclusion . . .... . ... . . . . . ... . . .... . . 75
Les récepteurs . . ... . .. .... . . ..... ..•... 20
Rôles fonctionnels ..... .... .... . ..... . . . 23 Chapitre 5
Pharmacologie du système
Dysfonctionnements et pathologies ....... . 25
sérotoninergique 77
Modulation pharmacologique .. . ...... .. . . 26
En conclusion ... . . ...... . ... . •... . . ... . 30 Synthèse, recapture et catabolisme 77
Distribution anatomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
Chapitre 2 Les récepteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Pharmacologie du système Rôles fonctionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
glutamatergique 31
----- Dysfonctionnements et pathologies . . . . . . . . 83
Synthèse, recapture et catabolisme 31 Modulation pharmacologique . .. . . . . ..... . 86
Distribution anatomique . ............... . . 32 En conclusion ... . ..... .. ....• . . . ....... 89
XIV Table des matières

Chapitre 6 Chapitre 10
Pharmacologie du système Approche pharmacologique
noradrénergique 91 de l'apprentissage et de la mémoire 127
Synthèse, recapture et catabolisme 91 Bases moléculaires de la mémoire, l'exemple
Distribution anatomique .. .... . ..... . • . . . . 91 de la potentialisation à long terme . . . . . . . . . . 127

Les récepteurs .. . .. ..... . . . . ... • . . • . .. . 92 Les différents systèmes mnésiques . . . . . . . . . 128

Rôles fonctionnels .. .. . ... . ... . .... . ... . 93 Neurotransmetteurs impliqués


dans les processus mnésiques . . . . . . . . . . • • . . . 131
Dysfonctionnements et pathologies ... . .. •. 94
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Modulation pharmacologique . .... ......• . 94
En conclusion . . ......................•. 96
Chapitre 11
Chapitre 7 Approche pharmacologique
Pharmacologie du système de la récompense et de la dépendance 135
histaminergique 97 Bases neurales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Synthèse, recapture et catabolisme 97 Neurotransmission et addiction . . . . . . . . . . . . 137
Distribution anatomique . ... ... . ....... . . . 98 Les substances psychoactives . . . . . . . . . . . . 139
Les récepteurs .. . . ..... ... . .... .. ..... . 98 En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . 147
Rôles fonctionnels ... . . . ............... . 100
Dysfonctionnements et pathologies . . . . . . . . 103
Modulation pharmacologique . . . . . . . . . . . . . 105 Il
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Pharmacologie
des médicaments
et substances
Approches pharmacologiques neuropsychotropes
des fonctions cérébrales
Chapitre 12
Chapitre 8 Pharmacologie des anxiolytiques 151
Approche pharmacologique De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 152
de l'attention 111
Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 153
Description des différentes composantes Des médicaments à la pharmacodynamie
attentionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Approche pharmacologique de l'alerte . . . . . . 111 Variabilité des anxiolytiques . . . . . . . . . . . . . . . 156
Approche pharmacologique de l'orientation Risque médicamenteux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
attentionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Bon usage médicamenteux
Approche pharmacologique du contrôle des benzodiazépines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . 159
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Chapitre 9
Approche pharmacologique des états Chapitre 13
affectifs et motivationnels 119 Pharmacologie des hypnotiques 161
Définitions et bases neurales des émotions De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 161
et de la motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 164
Les affects positifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 Des médicaments à la pharmacodynamie
Les affects négatifs . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . 124 clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126 Variabi lité des hypnotiques . . . . . . . • . . . . . . . 168
Table des matières XV

Le risque médicamenteux des hypnotiques . . . 168 Indications des antipsychotiques . . . . . . . . . . 222


Bon usage médicamenteux . . . . . . . . . . . . . . . 170 Variabilité de l'effet des antipsychotiques . . . . 223
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170 Le risque médicamenteux
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 des antipsychotiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
Le bon usage des antipsychotiques . . . . . . . . 225
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Chapitre 14
Pharmacologie des psychostimulants 173 En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 174


Chapitre 18
Des cibles aux substances psychoactives . . . 175
Pharmacologie des stimulants
Des médicaments à la phanmacodynamie de la cognition 229
clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 230
Variabilité des psychostimulants . . . . . . . . . . . 180
Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 233
Indications des traitements médicamenteux . . . 181
Des médicaments à la pharmacodynamie
Risque médicamenteux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
Bon usage des psychostimulants . . . . . . . . . . 182
Variabilité pharmacologique des stimulants
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 de la cognition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Risque médicamenteux des stimulants
de la cognition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239
Chapitre 15 Bon usage des stimulants de la cognition . . . . 239
Pharmacologie des antidépresseurs 185 En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 240

De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 185


Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 187 Chapitre 19
Des cibles à la pharmacodynamie clinique . . . 190
Pharmacologie des médicaments
de l'addiction 241
Indications des antidépresseurs . . . . . . . . . . . 194
Variabilité de l'effet des antidépresseurs . . . . . 196 De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 241

Risque médicamenteux Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 243


des antidépresseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 Des médicaments à la phanmacodynamie
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247
Variabilité des traitements des addictions . . . . 248
Le risque médicamenteux des traitements
Chapitre 16 en addictologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248
Pharmacologie des régulateurs
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249
de l'humeur 201
En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 201
Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 204
Chapitre 20
Des médicaments à la phanmacodynamie Pharmacologie des antiépileptiques 251
clinique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
Variabilité de la réponse pharmacologique . . . 209 De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 251

Risque médicamenteux 211 Des cibles aux médicaments ............. . 252

En conclusion .. . . . .. . ............ . ... . . 213 Des médicaments à la pharmacodynamie


clinique .... .... .... ........ .. ........ . 254
De la pharmacodynamie clinique
Chapitre 17 aux indications .... . ................... . 256
Pharmacologie des antipsychotiques 215 Variabilité de l'effet des antidépresseurs ... . . 258
De la physiopathologie aux cibles .... ..... . 217 Le risque médicamenteux
Des cibles aux médicaments . . . . ...... . . . . 219 des antiépileptiques ......... . ... .. . .... . 259

Des médicaments à la pharmacodynamie Bon usage des antiépileptiques ........... . 261


clinique : les effets symptomatiques ....... . 221 En conclusion ... .... .. .. ..... . ... . .... . 262
XVI Table des matières

Chapitre 21 Risque médicamenteux


Pharmacologie des antiparkinsoniens 263 des antiparkinsoniens . . . . . • . . • . . . . . . . . . . 269
Perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271
De la physiopathologie aux cibles . . . . . . . . . . 263
En conclusion . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . 272
Des cibles aux médicaments . . . . . . . . . . . . . . 265
Des cibles à la phanmacodynamie clinique . . . 267
Variabilité de l'effet des antiparkinsoniens . . . . 268
Index 273
Abréviations

4-MEC 4-méthylethcathinone CPVL cortex préfrontal ventromédian


5-HIAA acide hydroxyindoleacétique ou carboxypeptidase, vitellogenic
5-HT (1, 2…) récepteurs sérotoninergiques like
acétylcholine ACh acétylcholine CREB C AMP response element
AChE acétylcholinestérase binding protein
ADAS-cog  alzheimer’s disease assessment CRF corticotropin-releasing factor
scale-cognitive subscale CRH  corticotropin-releasing hormone
ADN acide désoxyribonucléique CS stimulus neutre
AMM autorisation de mise sur DAG diacylglycérol
le marché DAO diamine oxydase
AMPA acide propionique DAT transporteur de la dopamine
(-amino-3-hydroxy- DLT dépression à long terme
5-méthyl-5-méthyl- DOPAC acide
4-isoxazole-récepteurs 3,4-dihydroxyphénylacétique
AMPc adénosine monophosphate DSM 5 diagnostic and statistical
cyclique manual of mental disorders
ANSM agence nationale de sécurité (manuel diagnostique
du médicament et statistique des troubles
APP amyloid protein precursor mentaux)
ARNm acide ribonucléique messager EAAT transporteurs des acides
ATP adénosine triphosphate aminés excitateurs
ATU autorisation temporaire EEG électroencéphalogramme /
d’utilisation électroencéphalographie
ATV aire tegmentale ventrale ERK  extracellular signal-regulated
AV aires visuelles kinases
BAV blocs auriculoventriculaires FDA  Food and Drug Administration
BDNF brain derived nerve factor FEF frontal eyes field
BHD buprénorphine haut dosage GABA acide γ-aminobutyrique
BHE barrière hémato-encéphalique GABA-T GABA transaminase
BMI  body mass index (indice de GAD glutamate-décarboxylase
masse corporelle) GAT transporteur du GABA
BPCO bronchopathie chronique GHB acide gamma
obstructive hydroxybutyrique
BZD benzodiazépines GP globus pallidus
CA (1, 2, 3…) corne d’Ammon HDC histidine décarboxylase
CaMKII complexe calcium/ HIAA acide hydroxyindoléacétique
calmoduline HNMT histamine
CBD cannabidiol N-méthyl-transférase
CDR clinical dementia rating HTA hypertension artérielle
COMT catéchol-O-méthyltransférase HVA acide homovanillique
XVIII Abréviations

IMAO inhibiteurs de la monoamine NF-kappa B  nuclear factor-kappa B


oxydase NFS numération de la formule
IP3 inositol triphosphate sanguine
IRM imagerie par résonance NGF nerve growth factor
magnétique NIMH national institute of mental
IRMf imagerie par résonance health
magnétique fonctionnelle NMDA acide N-méthyl-D-aspartique
IRS inhibiteurs de la recapture NPS nouveaux produits de
de la sérotonine synthèse
IRSN inhibiteurs de la recapture NRF2  nuclear factor
de la sérotonine et de la (erythroid-derived 2)-like 2
noradrénaline PCP phéncyclidine
JAK-STAT janus kinase - signal (phénylcyclohexylpipéridine)
transducers and activators PET-scan  positron emission tomography
of transcription (tomographie par émission de
JPO jonction temporo-pariétale positrons)
KCNT1  potassium channel subfamily T, PKA protéine kinase A
member 1 PLT (ou LTP) potentialisation à long terme
LCR liquide céphalo-rachidien PPAR  peroxisome
LI libération immédiate proliferator-activated
LP libération prolongée receptor (récepteur activé
LSD lysergic acid diethylamide par les proliférateurs de
MADRS  Montgomery and Asberg peroxysomes)
Depression Scale PRP plasticity-related protein
MAO monoamine oxydase RDoC Research domain Criteria
MAP modulateurs allostériques CA1 région de l’hippocampe
positifs REST  repressor element 1-silencing
MAPK  mitogen-activated protein transcription factor
kinases RTU recommandation temporaire
MCI  mild cognitive impairment d’utilisation
(troubles cognitifs légers) SERT transporteur de la sérotonine
MDMA méthylène- SIP sulcus intrapariétal
dioxyméthamphétamine SJRR syndrome des jambes sans repos
MDPV méthylène-dioxypyrovalérone SLA sclérose latérale
MEK éthyl méthyl cétone amyotrophique
mGluR récepteurs métabotropes du SNC système nerveux central
glutamate SNc substance noire pars compacta
MHPE 3-méthoxy- SNr substance noire pars reticulata
4-hydroxyphényléthanol SOD superoxyde dismutase
MHPG 3-méthoxy- TDAH trouble du déficit de l’attention
4-hydroxyphényléthylène avec/sans hyperactivité
glycol TGF transforming growth factor
NADPH nicotinamide adénine THC δ-9-tétrahydrocannabinol
dinucléotide phosphate TNS traitements nicotiniques de
NEM neurones épineux moyens substitution
NET transporteurs présynaptiques TSO traitements de substitution
de noradrénaline opiacés
Abréviations XIX

US stimulus aversif VIAAT 


vesicular inhibitory amino acid
VAChT transporteur vésiculaire de transporter
l’acétylcholine VLPO noyau préoptique
VCN variation contingente négative ventro-latéral
VGaT  vesicular GABA transporter VMA acide vanylmandélique
(transporteur vésiculaire VMAT vesicular monoamine
des GABA) transporter (transporteur
VGLUT transporteurs vésiculaires vésiculaire des monoamines)
du glutamate
Approches pharmacologiques
des maladies neurologiques
et mentales
Au-delà de leur complexité nosographique, des substances bien identifiées, que l’on nomme
les maladies neurologiques et mentales ont en neurotransmetteurs, qui sont libérés dans les
commun deux dimensions cliniques qui sous- synapses, espaces situés entre deux neurones en
tendent les possibilités de leur modulation phar- contact. Cependant, il est maintenant établi que
macologique : les cellules gliales, au-delà du rôle trophique des
1. les dimensions symptomatiques de ces affec- astrocytes, sont impliquées dans la régulation de
tions qui mêlent motricité, cognition, émotion ; la neurotransmission. Les astrocytes interagissent
2. la perspective évolutive de ces maladies. également avec les cellules endothéliales pour
Il en découle un schéma simple mais opérant réguler le débit sanguin cérébral en fonction de
pour comprendre les approches pharmacolo- l’activité neuronale et ces interactions consti-
giques spécifiques à chaque maladie : tuent aussi une barrière, la barrière hémato-
1. une approche symptomatique, qui vise à faire encéphalique, qui explique la nécessité d’une syn-
rétrocéder, au moins partiellement, les symp- thèse in situ dans les neurones des neurotransmet-
tômes en modulant préférentiellement les sys- teurs auxquels elle est imperméable et qui peut
tèmes de neurotransmission ; se révéler également un obstacle au passage de
2. une approche modulant le cours évolutif de certains médicaments, notamment hydrosolubles.
la maladie (disease modifier en anglais) par des L’unité neurogliovasculaire n’est pas figée dans
actions sur les processus physiopathologiques le temps mais peut être le siège de remaniements
dont la mort neuronale et la plasticité céré- (on parle souvent de plasticité) qui permettent au
brale constituent les deux mécanismes les plus cerveau de s’adapter à tout moment aux change-
communs. ments de l’environnement ou à des stimuli. Le
Le fonctionnement cérébral normal résulte des dogme d’un nombre fixe et définitif de neurones
interactions au sein de l’unité neurogliovasculaire, tout au long de la vie a été remis en question
qui regroupe trois composantes principales : les par l’observation dans plusieurs régions du cer-
neurones, les cellules gliales (astrocytes, micro- veau (gyrus denté de l’hippocampe, zone sous-
glie, oligodendrocytes), les vaisseaux (et notam- ventriculaire) de cellules souches capables de migrer
ment les cellules endothéliales). Les avancées et de se différencier en neurones (neurogenèse)
de l’imagerie cérébrale ont permis de montrer ou en cellules gliales. La neurogenèse permet la
que l’émergence des fonctions cognitives et psy- plasticité nécessaire aux phénomènes de mémo-
chocomportementales est liée à la communication risation ou la réponse aux stimuli de stress, mais
étroite entre les différentes régions cérébrales, également une part de neuroréparation en cas de
remettant en question les théories localisation- lésion. L’intégrité du système vasculaire est indis-
nistes trop réductrices du xixe siècle. La commu- pensable à ces processus d’autorenouvellement et
nication intracérébrale repose sur des circuits de multipotence puisque les cellules souches sont
neuronaux et des connexions interneuronales ou situées dans des niches vasculaires. Ce sont les
synapses. Si l’activité neuronale est essentielle- facteurs neurotrophiques qui favorisent la mul-
ment électrique, résultat de mouvements ioniques tipotence, chaque cellule souche se différenciant
transmembranaires par le truchement d’une acti- en fonction du sous-type de facteur trophique
vation de canaux ioniques, la connectivité entre dont elle est la cible. Les connexions cérébrales
neurones nécessite une médiation chimique par sont, elles aussi, en perpétuel remaniement pour

Neuropsychopharmacologie
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2 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

le développement ou l’adaptation des fonctions d’expression de certains récepteurs en réponse


cérébrales. La synaptogenèse conduit à la modifi- à une pulsatilité accrue de la neurotransmission.
cation de circuits neuronaux existants ou à la mise
en place de nouveaux circuits. Dès le début du xxe
siècle, Santiago Ramon y Cajal a été le premier à Aspects généraux
décrire les cônes de croissance, qui correspondent de la neurotransmission
à un axone en train de croître. Cette croissance
axonale répond à deux types de signaux : La neurotransmission est le phénomène par lequel
1. des signaux fabriqués par d’autres cellules pour une information électrique peut être transmise
attirer ou repousser les cônes de croissance d’un neurone à l’autre par un messager chimique,
(sémaphorines, cytokines, etc.) ou pour les faire afin de pallier l’absence d’interaction physique
adhérer (molécules d’adhésion cellulaire) ; directe entre les neurones (figure 1).
2. les facteurs neurotrophiques (nerve growth fac- Le phénomène de neurotransmission se produit
tor, brain derived neurotrophic factor, etc.) qui au niveau de la synapse, espace de quelques
sont synthétisés par les neurones eux-mêmes ou nanomètres qui séparent les axones et dendrites
par les cellules gliales. des neurones connectés entre eux. Un même
La plasticité cellulaire ou synaptique rend neurone pouvant être connecté à plusieurs autres
compte de phénomènes plus macroscopiques qui neurones, on estime que les cent milliards de
se matérialisent par des modifications volumé- neurones qui composent le cerveau humain sont
triques de certaines régions cérébrales, visibles à l’origine de cent mille milliards de synapses.
en imagerie fonctionnelle ou métabolique. La Lorsqu’un agent pharmacologique agit au niveau
plasticité cérébrale cellulaire ne se résume pas à d’une synapse, son action pharmacodynamique
la formation de nouvelles cellules et de nouvelles a des effets directs sur la voie de neurotrans-
connexions cérébrales. Elle nécessite également mission sur laquelle il agit, mais aussi des effets
la mort cellulaire, par voie d’apoptose, et l’éli- indirects sur d’autres voies de neurotransmis-
mination synaptique, en particulier lorsque ces
synapses n’appartiennent pas à des réseaux neuro-
naux fonctionnels.
En conditions pathologiques, des agressions
diverses (toxiques, inflammatoires, oxydatives,
etc.) peuvent conduire à des remaniements cellu-
laires importants :
1. mort neuronale
2. réaction gliale anormale (astrogliose, activation
microgliale)
3. perte synaptique
Ces mécanismes cellulaires ont des consé-
quences pathologiques qui se déclinent en perte
progressive de fonctions, comme dans le cas des
maladies neurodégénératives ou de l’émergence
de tableaux symptomatiques aigus, par exemple
lors de traumatismes ou d’accidents vasculaires.
Une plasticité moléculaire anormale peut aussi
rendre compte de certains phénomènes patholo-
giques, notamment le trouble d’usage à certaines
substances conduisant à un abus en lien avec Figure 1. Schéma général d’une synapse montrant la
une sensibilisation comportementale, en raison médiation chimique de la transmission de l’activité élec-
de la modification de la sensibilité ou du niveau trique d’un neurone à l’autre.
Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 3

sion compte tenu des connections du neurone 1 % des neurones, se sont spécialisés sur le plan
post-synaptique avec d’autres neurones exprimant anatomique, chimique et fonctionnel (figure 3).
d’autres types de neurotransmetteurs (figure 2). Cette diversité est augmentée par le fait que les
En outre, au-delà des seuls neurones, la trans- neurones, dévolus à un neurotransmetteur donné,
mission synaptique est également modulée par les synthétisent également des neuromodulateurs,
astrocytes dont la fonction ne se résume pas un souvent de nature peptidergique (neuropeptides),
simple rôle de cellules de soutien, en raison d’un qui sont colibérés avec le neurotransmetteur et
équipement moléculaire complexe semblable à vont pouvoir moduler son action, en agissant sur
celui des neurones (récepteurs, systèmes de recap- le même neurone post-synaptique ou sur d’autres
ture, enzymes, canaux ioniques). Ceci explique la neurones via des récepteurs particuliers.
complexité des effets pharmacodynamiques des
neuropsychotropes, que l’on commence à mieux À retenir
appréhender grâce aux techniques modernes
• Les cent milliards de neurones qui composent le
d’imagerie (PET-scan, IRM fonctionnelle).
cerveau humain sont connectés entre eux pour former
Au cours de l’évolution phylogénétique et au cent mille milliards de synapses.
fur et à mesure de la structuration cérébrale, des • Au niveau de ces synapses, des messagers chi-
groupes neuronaux se sont spécialisés dans la syn- miques appelés neurotransmetteurs permettent de
thèse et la libération de neurotransmetteurs. Cer- véhiculer les signaux électriques d’un neurone à l’autre.
tains neurotransmetteurs, comme le GABA et le • Les principaux neurotransmetteurs sont au nombre
glutamate, qui ont des effets opposés (inhibiteurs de 6 : deux acides aminés (GABA, glutamate) ; trois
et excitateurs), sont synthétisés par un nombre monoamines (dopamine, noradrénaline, sérotonine) ;
acétylcholine.
important de neurones : 60 à 80 % des neurones
• Les médicaments neuropsychotropes agissent en
du cerveau humain expriment et libèrent soit modulant ces différents systèmes de neurotransmission.
le GABA, soit le glutamate. En revanche, pour
d’autres neurotransmetteurs (dopamine, noradré-
naline, sérotonine, acétylcholine, histamine), de Divers composants moléculaires exprimés au
petits groupes de neurones, représentant à peine niveau du neurone pré-synaptique, de la synapse

Figure 2. Interaction entre les systèmes de neurotransmission.


4 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

Figure 3. Localisation et fonctions des six principaux neurotransmetteurs.

et du neurone post-synaptiques sont à l’origine du formés en neurotransmetteur sous l’action d’une


phénomène de neurotransmission (figure 4). Les ou plusieurs enzymes. L’équipement enzymatique
neurotransmetteurs sont directement synthétisés confère à un neurone donné sa spécialisation
au niveau neuronal à partir de précurseurs. Ces vis-à-vis d’un système de neurotransmission parti-
précurseurs sont des acides aminés qui sont ame- culier : les neurones cholinergiques expriment la
nés dans les corps cellulaires des neurones grâce à choline-acétyl-transférase ; les neurones dopami-
des systèmes de transports spécifiques, puis trans- nergiques expriment la tyrosine hydroxylase.

Figure 4. Les principaux acteurs moléculaires de la neurotransmission.


Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 5

Une fois synthétisé, le neurotransmetteur est line ; monoamine oxydase-B pour la dopamine ;
stocké dans une vésicule, grâce à un système de acétylcholinestérase pour l’acétylcholine ;
transport couplé au système de transport des pro- GABA transaminase pour le GABA…
tons. Chaque vésicule contient une quantité bien • Les systèmes de recapture : pour chaque neuro-
définie du neurotransmetteur synthétisé par le neu- transmetteur, il existe des systèmes protéiques,
rone Une fois remplie, la vésicule est acheminée composés de 10 ou 12 domaines transmem-
par un système de transport axonal antérograde branaires, exprimés par les neurones présynap-
vers la terminaison synaptique. Sous l’effet d’une tiques ou les cellules gliales, qui sont capables
activation électrique neuronale, correspondant à d’extraire le neurotransmetteur de la fente
des potentiels d’action liés à l’activation de canaux synaptique pour le recycler au niveau cellulaire,
sodiques voltage-dépendants, du calcium entre grâce à un système d’échange ionique.
dans le corps cellulaire du neurone par le biais d’un • Les récepteurs présynaptiques : certaines iso-
canal calcique voltage-dépendant. L’augmentation formes des récepteurs des neurotransmetteurs
de la concentration calcique intraneuronale pro- peuvent être exprimés au niveau du neurone
voque la modification d’un système complexe de présynaptique : soit au niveau de la terminaison
protéines exprimées par les membranes vésiculaires synaptique ; soit au niveau somato-dentritique.
et neuronales, conduisant à leur interaction et à la La stimulation de ces récepteurs présynaptiques
fusion des membranes. Cette fusion des membranes par le neurotransmetteur induit un effet de rétro-
aboutit à l’ouverture de la vésicule dans la fente contrôle négatif, à l’origine d’une diminution de
synaptique et à la libération du neurotransmetteur. la neurotransmission. Le récepteur nicotinique
Une fois dans la fente synaptique, le neu- est la seule exception puisque, exprimé au niveau
rotransmetteur peut se fixer sur les récepteurs présynaptique, il exerce un rétrocontrôle positif.
membranaires du neurone post-synaptique, afin
de lui transférer l’information de l’activation du
neurone présynaptique. Les modifications cellu- À retenir
laires du neurone post-synaptique pourront à leur
• La neurotransmission nécessite la synthèse du neu-
tour être transmises, par transmission synaptique,
rotransmetteur dans des neurones spécialisés grâce à
à d’autres neurones expliquant que l’activation leur équipement enzymatique.
d’un groupe neuronal puisse aboutir à l’activation • Sous l’effet de l’activité électrique neuronale, le
d’un autre groupe neuronal auquel il n’est pas neurotransmetteur présent dans les vésicules est libéré
directement connecté, par le biais de circuits neu- par un phénomène d’exocytose calcium-dépendante.
ronaux complexes. À l’échelon post-synaptique, le • Une fois libéré, le neurotransmetteur agit sur des
neurotransmetteur agit essentiellement par le biais récepteurs post-synaptiques pour transmettre l’infor-
de récepteurs membranaires de type ionotropes mation au neurone post-synaptique.
(récepteurs-canaux) et de type métabotropes • La transmission synaptique devant être un phéno-
mène transitoire, trois systèmes permettent l’inactivation
(récepteurs couplés à une protéine G).
du neurotransmetteur : sa dégradation enzymatique ;
Une fois libéré, le neurotransmetteur est très sa recapture par un transporteur présynaptique ; la
rapidement inactivé afin d’induire une stimulation stimulation de récepteurs présynaptiques.
pulsatile et non permanente, seule capable d’être
perçue comme un signal biologique pertinent et
évitant un phénomène de désensibilisation des
récepteurs. Trois mécanismes sont en cause dans Modulation
l’inactivation de la neurotransmission : pharmacologique
• Dégradation enzymatique du neurotransmet- de la neurotransmission
teur, conduisant à la formation de métabolites
inactifs. Pour chaque neurotransmetteur exis- Étant donné que la plupart des pathologies neu-
tent des enzymes particulières : monoamine ropsychiatriques résultent, sur le plan symptoma-
oxydase-A pour la sérotonine et la noradréna- tique, d’anomalies d’une ou plusieurs voies de
6 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

neurotransmission, les médicaments actuellement ou plusieurs voies de neurotransmission et ont


utilisés en neuropsychopharmacologie ont pour souvent pour voie finale commune la transmission
effet de stimuler ou d’inhiber la neurotransmis- dopaminergique. En effet, de manière directe ou
sion. On distingue deux approches pharmacolo- indirecte, elles stimulent la libération de dopa-
giques distinctes : mine dans le noyau accumbens, une petite zone
1. une modulation présynaptique ou indirecte, sur du complexe striatal qui contrôle le système de
les cibles situées dans le neurone présynaptique récompense. Cette libération de dopamine sous-
(synthèse, vésiculisation, libération, recapture, tend le pouvoir renforçant de la prise de substance
récepteurs présynaptiques) ou dans la fente psychoactive conduisant à un mésusage pouvant
synaptique (enzymes de dégradation) ; aboutir à une dépendance.
2. une modulation postsynaptique ou directe sur
les récepteurs postsynaptiques. Activation pharmacologique
Ces agents pharmacologiques peuvent agir sur de la neurotransmission
des sites identiques aux neurotransmetteurs ou sur
des sites différents. Au niveau d’un même récep- L’activation de la neurotransmission peut
teur, deux ligands peuvent se fixer sur le même emprunter différents mécanismes (figure 5) :
site conduisant à un phénomène de compétition
dont le résultat sera fonction de l’affinité relative
et du niveau d’activité des deux ligands. Dans Activation présynaptique
d’autres cas de figure, deux ligands peuvent agir • Apport de précurseur : un apport important du
sur un même récepteur en se fixant sur deux sites précurseur d’un neuromédiateur peut conduire
différents : il s’agit d’une modulation allostérique. au rétablissement d’une synthèse en cas de
Cette modulation allostérique peut conduire à une déficit ou entraîner une stimulation de la trans-
coopération positive (effet additif ou synergique) mission. Cette voie est utilisée dans la maladie
ou négative (effet antagoniste) des deux ligands. de Parkinson par l’apport de L-Dopa, mais peut
En dehors des médicaments, la plupart des aussi être utilisée pour stimuler la transmission
substances susceptibles d’induire une addiction sérotoninergique par l’apport de 5-OH-trypto-
agissent par le biais d’une modulation d’une phane.

Figure 5. Les différentes modalités d’activation d’un système de neurotransmission.


En rouge : modulation inhibitrice ; en bleu : modulation activatrice.
Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 7

• Stimulation de la libération : en l’absence de irréversibles du site de fixation de substrat,


réelle possibilité pharmacologique de stimu- l’empêchant définitivement de se fixer.
ler électriquement le neurone ou d’activer le Dans le cas d’une inhibition enzymatique irré-
complexe protéique à l’origine de l’ouverture versible, qu’elle soit compétitive ou allostérique,
vésiculaire dans la fente synaptique, la stimu- l’inhibition enzymatique persiste même à l’arrêt
lation de la libération de neurotransmetteur du traitement inhibiteur. Seule une nouvelle syn-
peut emprunter des voies indirectes, comme la thèse d’enzyme permet de lever l’inhibition, ce
conjonction d’une inhibition de la vésiculisation qui explique la durée parfois importante avant
provoquant une augmentation de la concen- que l’inhibition soit complètement levée (l’inhi-
tration cytosolique du neurotransmetteur et bition irréversible de la monoamine oxydase-A,
d’une inversion du sens de fonctionnement du par exemple, nécessite deux semaines d’arrêt du
système de recapture. C’est classiquement le traitement pour être levée).
mécanisme d’action des amphétamines pour sti- • Inhiber les systèmes de recapture : en inhibant
muler la transmission dopaminergique. Cepen- le système de recapture, il est également pos-
dant, de nouvelles voies émergent, par exemple sible d’accroître la quantité de neurotransmet-
la modulation des connexines, ces transporteurs teur présent dans la fente synaptique, et donc
ioniques exprimés par les cellules gliales. son action.
• Inhiber les enzymes de catabolisme du neuro- • Antagonisme des récepteurs présynaptiques :
transmetteur : par cette inhibition, il est possible en bloquant les récepteurs présynaptiques par
de ralentir la dégradation du neurotransmetteur un antagoniste, le rétrocontrôle négatif de la
en métabolite inactif. L’inhibition enzymatique libération du neurotransmetteur est inhibé, ce
permet de prolonger le temps de présence du qui a pour conséquence de l’augmenter.
neurotransmetteur dans la fente synaptique et
donc d’amplifier son action. Cette inhibition
Activation postsynaptique
peut être de trois types :
– Inhibition compétitive et réversible : dans Les agonistes des récepteurs post-synaptiques
ce cas, l’inhibiteur enzymatique se fixe sur le d’un neurotransmetteur donné peuvent mimer
même site que le substrat de l’enzyme, expli- son effet, avec une intensité dépendante de leur
quant le caractère compétitif. La liaison de affinité et de leur activité intrinsèque. Les ago-
l’inhibiteur à l’enzyme est réversible, expli- nistes sont des substances responsables d’une
quant que l’inhibition soit levée rapidement stimulation d’un récepteur qui entraîne une
à l’arrêt de l’inhibiteur, le substrat retrouvant réponse pharmacologique. Cependant, même à
ses sites de fixation pour y être dégradé. affinité identique, les agonistes ne sont pas tous
– Inhibition compétitive et irréversible : dans équivalents en terme d’intensité de la réponse, car
ce cas, l’inhibiteur enzymatique se fixe sur leurs activités intrinsèques peuvent être variables.
le même site que le substrat, expliquant le On distingue : les agonistes entiers qui ont une
caractère compétitif. Néanmoins, la fixation activité intrinsèque maximale (jamais obser-
se fait avec des forces de liaison impor- vée) ; les agonistes partiels qui ont une activité
tantes (par exemple une liaison covalente), intrinsèque plus faible et n’induisent qu’un effet
empêchant le substrat de pouvoir se fixer à pharmacologique partiel. La notion d’agoniste
l’enzyme, même lorsque l’administration de entier n’est que relative car la mise au point d’un
l’inhibiteur a cessé, ce qui confère un carac- agoniste ayant une activité intrinsèque supérieure
tère irréversible à l’inhibition enzymatique. peut transformer un agoniste entier en agoniste
– Inhibition non compétitive et irréversible : partiel. En présence d’un agoniste entier, l’ago-
l’inhibiteur se fixe sur un site allostérique niste partiel joue le rôle d’antagoniste fonction-
de celui du substrat expliquant son caractère nel. En effet, l’occupation d’un récepteur par un
non compétitif. Cette fixation allostérique agoniste partiel qui entraîne un effet moindre
provoque des changements de conformation vient minorer l’effet qu’aurait l’agoniste entier s’il
8 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

était utilisé seul (figure 6). Plus récemment ont • Inhibition des canaux ioniques : le blocage
été décrits des agonistes biaisés qui, en se fixant des canaux sodiques ou calciques voltage-
sur un récepteur, n’activent qu’un des systèmes dépendants empêche l’activation électrique
de transduction qui lui est associé, lui permettant neuronale et l’entrée de calcium dans le neu-
d’être plus sélectif sur une fonction donnée. A rone, indispensables à l’activation de la libéra-
côté des agonistes qui se fixent sur le même site tion du neurotransmetteur.
d’action que le neurotransmetteur, certains ago- • Agonisme des récepteurs présynaptiques : en
nistes agissent comme modulateurs allostériques activant les récepteurs présynaptiques respon-
positifs, en renforçant l’action des neurotrans- sables d’une inhibition de la neurotransmission,
metteurs par leur fixation sur des sites différents on renforce le rétrocontrôle négatif de celle-ci.
au sein du récepteur.
Inhibition postsynaptique
Inhibition pharmacologique Le blocage des récepteurs post-synaptiques
de la neurotransmission empêche la fixation du neurotransmetteur, et donc
son action. Les antagonistes peuvent empêcher
Il est possible d’inhiber la transmission d’un
l’action des agonistes en se fixant sur le même site
neurotransmetteur par plusieurs méthodes
que le neurotransmetteur (antagoniste compétitif)
(figure 7) :
ou sur un site différent (antagoniste non compé-
titif). Cet antagonisme peut être réversible ou sur-
Inhibition présynaptique
montable dans le cas d’un antagoniste compétitif :
• Inhibition de la vésiculisation : en bloquant les l’augmentation de la concentration d’un agoniste
systèmes de transport assurant l’entrée du neuro- permet de déplacer l’antagoniste hors de son site
transmetteur dans la vésicule, la transmission est de fixation et donc d’abolir son effet. L’antagonisme
bloquée. En effet, lorsque le neurotransmetteur peut être irréversible ou insurmontable. Dans le cas
reste dans le cytosol, sa capacité à diffuser vers la d’un antagoniste compétitif, le caractère irréversible
fente synaptique est quasiment nulle. ou insurmontable résulte du fait que la fixation de

Figure 6. Dualité de l’action d’un agoniste partiel.


Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 9

Figure 7. Les différentes modalités d’inhibition d’un système de neurotransmission.


En rouge : modulation inhibitrice ; en bleu : modulation activatrice.

l’antagoniste sur le récepteur se fait par une force Approche pharmacologique


de liaison de type covalente. Dans le cas d’un de la plasticité cérébrale
antagoniste non compétitif, le caractère irréversible et de la mort neuronale
ou insurmontable résulte du fait que la fixation
allostérique de l’antagoniste modifie la confor- Bien qu’aujourd’hui, les médicaments modulant
mation du site de fixation du ligand endogène, le cours évolutif des maladies neurologiques et
empêchant sa fixation ou celle d’agonistes, sans mentales, les disease modifiers, soient rares et
possibilité d’inhiber l’action de l’antagoniste en d’évaluation clinique compliquée (ce qui rend
raison de son caractère non compétitif. Même en difficile la preuve d’une efficacité et leur mise
cas d’augmentation de la dose d’un agoniste, il est sur le marché), c’est un enjeu et un défi majeur
impossible d’atteindre le même effet maximal que pour les prochaines décennies, même si une mala-
celui observé en l’absence d’antagoniste. Un effet die comme la sclérose en plaques constitue un
de type antagoniste peut également être obtenu exemple de réalité du concept. Cette approche
avec un agoniste partiel ou avec un agoniste inverse. est double :
1. inhiber les mécanismes spécifiques ou non
À retenir spécifiques de la mort neuronale (neuropro-
tection) ;
• La neurotransmission peut être activée en mimant
l’effet du neurotransmetteur au niveau post-synaptique
2. activer les mécanismes de la plasticité molécu-
ou en inhibant l’un de ses trois systèmes d’inactivation. laire, cellulaire et synaptique afin de préserver
• La neurotransmission peut être inhibée principale- ou de restaurer un nombre de neurones et de
ment par le blocage des récepteurs avec un antagoniste. connexions neuronales suffisantes (neurorépa-
• Les agonistes partiels peuvent, selon les circons- ration).
tances, activer ou inhiber la neurotransmission. De multiples études cellulaires et animales ont
• L’inhibition enzymatique ou l’antagonisme des permis de mettre en évidence les principales
récepteurs peuvent être réversibles ou irréversibles, voies physiopathologiques (figure 8) en cause
changeant la durée de persistance de l’effet à l’arrêt du
et l’effet d’un nombre important de molécules,
traitement.
dont certaines sont déjà sur le marché pour un
10 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

Figure 8. Les principaux acteurs moléculaires de la balance neurodégénérescence/neuroréparation.

autre mécanisme d’action, capables de moduler la le neurone. Les radicaux libres oxygénés ou chlo-
mort neuronale ou la plasticité cérébrale, mais se rés, déchets d’un fonctionnement anormal des
heurtant à la translation clinique de ces résultats mitochondries en conditions pathologiques, sont
précliniques. hautement réactifs et s’attaquent notamment aux
membranes cellulaires, provoquant la mort neu-
Approche pharmacologique ronale. Les métaux, notamment le fer, participent
de la mort neuronale également à ces réactions oxydatives, quand ils
sont produits en excès. Des formes spécifiques
La mort neuronale, mais aussi celle d’autres cellules de mort neuronale (ferroptose) ont été décrites
du système nerveux central comme les oligoden- en lien avec un métabolisme anormal du fer. La
drocytes dans la sclérose en plaques, est la consé- formation du stress oxydant est souvent liée à
quence d’une agression cellulaire par différents une neuroinflammation, processus complexe, à la
mécanismes, avec un processus essentiellement fois périphérique et central. Les maladies neuro-
nécrotique. La libération excessive de glutamate logiques et mentales sont plus systémiques qu’on
provoque une activation de ces récepteurs iono- ne le pense habituellement comme le démontre
tropes (NMDA, AMPA ou kaïnate), responsable des marqueurs périphériques dysimmunitaires et
d’une entrée massive de calcium toxique pour inflammatoires. L’activation du système immu-
la cellule en raison de l’activation de multiples nitaire (lymphocyte) ou des éléments figurés du
enzymes, notamment des protéases. Une hyper- sang (polynucléaires) conduisent des cellules péri-
activité des canaux ioniques peut conduire à phériques à pénétrer dans le système nerveux cen-
un épuisement énergétique par hyperexcitabilité tral, au niveau de la barrière hémato-encéphalique,
neuronale ou également provoquer une entrée grâce à l’expression de protéines d’adhésion
de calcium activatrice d’enzymes délétères pour au niveau des cellules endothéliales. Une fois
Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 11

dans le système nerveux central, elles libèrent pathologies liées au stress (dépression), avec un
des substances inflammatoires (oxyde nitrique, défaut de neurogenèse ou de synaptogenèse ;
cytokines, leukotriènes…) et oxydatives, toxiques 2. la plasticité peut être aberrante (expression
pour les cellules mais coopèrent également avec la de nouveaux récepteurs, connexion synaptique
microglie, le système cellulaire inflammatoire et excessive), dans les pathologies liées au neuro-
endogène du système nerveux central. La micro- développement ou en raison d’une stimulation
glie est une sous-population de cellules gliales qui anormale et irrégulière par des substances psy-
représente l’équivalent des macrophages et assure choactives (molécules induisant un abus) ou
la défense immunitaire du cerveau. Activées de par activation d’une voie de neurotransmission
manière anormale en conditions pathologiques, (dopamine), les deux mécanismes pouvant être
les cellules microgliales libèrent des cytokines et liés.
des radicaux libres neurotoxiques. Des modifica- Les systèmes de neurotransmission participent
tions protéiques ou peptidiques peuvent partici- à cette régulation de la plasticité cérébrale et
per à la mort neuronale de manière spécifique à contrôlent ainsi la plupart des fonctions cogni-
certaines pathologies : tives et comportementales au-delà de leur effet
1. formes solubles de peptides ou protéines exis- direct. Le glutamate favorise la formation de
tant à l’état physiologique mais qui deviennent nouvelles synapses sous-tendant les processus
neurotoxiques lorsqu’elles sont produites en d’apprentissage. La sérotonine régule la neu-
excès et finissent par s’agréger au niveau extra- rogenèse, en réponse au stress. La dopamine
ou intraneuronal (peptide amyloïde, alpha- joue un rôle important dans la plasticité molécu-
synucléine) ; laire. Cependant, lorsque ces systèmes de trans-
2. phosphorylation anormale de protéines consti- mission fonctionnent en excès ou de manière
tutives du neurone (protéine tau des microtu- insuffisante, les conséquences sur la plasticité
bules). cérébrale sont importantes, comme le suggèrent
Au-delà de la nécrose, la mort neuronale peut les études en imagerie fonctionnelle ou méta-
résulter d’un déséquilibre des protéines (type Bcl2 bolique, et expliquent nombre de conséquences
ou Bax) qui régulent l’apoptose, mort program- fonctionnelles (déficit mnésique, sensibilisation
mée qui existe à l’état physiologique mais peut comportementale, troubles de l’humeur, etc.).
devenir pathologique lorsqu’elle est anormale- En dehors des systèmes de neurotransmission, de
ment activée par des enzymes comme les caspases. nombreuses molécules possèdent des propriétés
neurotrophiques, susceptibles d’avoir un effet sur
la réorganisation des circuits neuronaux. Cer-
Approche pharmacologique taines sont spécifiquement dédiées à la croissance
de la plasticite cérébrale neuronale alors que d’autres sont des facteurs
de croissance ayant une activité neurotrophique.
La plasticité cérébrale (moléculaire, cellulaire, Ces facteurs neurotrophiques agissent par l’inter-
synaptique) est un mécanisme fondamental d’adap- médiaire de récepteurs-enzymes (récepteurs Trk
tation du fonctionnement cérébral, en réponse A et B par exemple). Ils sont produits par les
aux modifications ou aux stimuli environne­ cellules neuronales ou gliales. Des démonstrations
mentaux. C’est ainsi qu’une partie des neurones expérimentales ont été apportées que certains de
peut se régénérer, qu’ils peuvent créer de nouvelles ces facteurs, comme le BDNF, sont impliqués
connexions synaptiques renforçant la coopération dans les phénomènes de plasticité moléculaire au
des différentes régions cérébrales, favorisant une cours de la sensibilisation comportementale par le
réponse cognitive ou comportementale adaptée. biais de leur récepteur Trk B. La capacité qu’ont
Néanmoins, la plasticité cérébrale peut devenir certains médicaments psychotropes, comme les
anormale en conditions pathologiques : antidépresseurs, de modifier le niveau d’expres-
1. la plasticité peut être réduite, notamment en sion des facteurs neurotrophiques, en particulier
cas de maladies neurodégénératives ou dans les le BDNF, pourrait sous-tendre certains effets à
12 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

long terme de ces médicaments psychotropes. Les de nombreuses hypothèses ont été émises pour
hormones peuvent également réguler la plasticité expliquer le décalage entre les effets précliniques
cérébrale : et cliniques empêchant l’émergence de traite-
1. les neurostéroïdes favorisent la formation de ments disease modifier :
nouvelles synapses ; • non pertinence des modèles animaux ;
2. les glucocorticoïdes rendent compte de l’effet • absence de biomarqueurs permettant d’affiner
délétère du stress par leurs effets toxiques sur la nosologie ou de dépister les formes précoces ;
les neurones et leur connectivité. • inadaptation de la méthodologie des essais cli-
Tous les mécanismes sous-tendant la plas- niques pour la démonstration d’effets à long
ticité cérébrale normale ou pathologique sont terme.
mis à contribution en termes de modulation Du point de vue pharmacologique, le constat
pharmacologique, même si la complexité des peut être fait que l’action « sélective » sur
phénomènes en jeu rend illusoire la capacité une seule voie physiopathologique est probable-
à aboutir à un effet probant avec une seule ment trop réductrice dans un système physiopa-
molécule modulant une seule voie physiopatho- thologique éminemment complexe doublé par
logique (figure 9). Dans de nombreuses patho- une variabilité interindividuelle humaine plus
logies, en dépit d’une démonstration d’efficacité importante que chez l’animal (par exemple, la
dans les modèles animaux, la translation clinique neuroinflammation n’est pas que délétère car elle
s’est avérée infructueuse. Aujourd’hui, la sclé- stimule aussi la neuroplasticité). La pléiotropie
rose en plaques est la seule pathologie à pouvoir ou multimodalité de l’action d’une molécule
revendiquer des traitements disease modifier. Le ou d’une combinaison de molécules paraît une
riluzole dans la sclérose latérale amyotrophique solution pour pallier cette problématique, même
ou la rasagiline dans la maladie de Parkinson si les modalités en restent à définir tant du point
induisent aussi un effet sur le cours évolutif de vue pharmacologique (choix des doses, inter-
de ces deux maladies, mais avec une faible actions potentielles…) qu’industriel, le codéve-
amplitude d’effet. On peut également constater loppement ou le repositionnement de molécules
que les régulateurs de l’humeur exercent un restant un processus complexe. La modulation
effet sur le cours évolutif du trouble bipolaire. des systèmes de neurotransmission peut permet-
Néanmoins, ces exemples restent trop limités et tre une certaine pléiotropie, compte tenu de la

Figure 9. Les principales cibles théoriques permettant de moduler le cours évolutif des maladies neurologiques
et mentales.
Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 13

diversité des récepteurs et de nombreux médica- Classification


ments possèdent plusieurs mécanismes d’action des médicaments
dont l’intérêt reste souvent à étudier, avec l’écueil du système nerveux central
d’une absence de valorisation économique pour
des molécules sur le marché depuis plusieurs La distinction entre approche symptomatique et
années voire plusieurs décennies. Une autre approche disease modifier reste aujourd’hui insuf-
approche pourrait reposer sur la modulation de fisamment opérante faute d’un nombre suffisant
cibles ayant, en elles-mêmes, des actions mul- de disease modifiers. Les classifications jusqu’alors
tiples comme les récepteurs nucléaires, encore utilisées concernent surtout les traitements symp-
appelés récepteurs activateurs de transcription tomatiques et soulignent le souci de distinguer les
compte tenu de leur mécanisme d’action. Ce sont médicaments en fonction de la nature de leur effet
des structures protéiques situées dans le cyto- pharmacodynamique sur le système nerveux cen-
plasme ou dans le noyau et capables de fixer des tral. Il y a presque un siècle, Lewin proposait une
ligands qui entrent dans la cellule. Ces récepteurs classification (tableau 1) essentiellement fondée
sont composés de plusieurs domaines, qui leur sur les effets fonctionnels, à une époque où, il
confèrent trois propriétés principales : est vrai, en dehors des barbituriques et de la
1. fixation de ligands endogènes ou de synthèse ; morphine, il existait peu de médicaments visant
2. liaison à l’ADN ; spécifiquement des maladies neurologiques ou
3. rôle de facteurs de transcription, c’est-à-dire mentales.
capacité à activer ou à inhiber l’expression de C’est la découverte de la chlorpromazine en
plusieurs gènes, conduisant à une activation 1952, puis de l’imipramine en 1956 ou du chlor-
ou une répression de la synthèse de plusieurs diazépoxide en 1957, qui a conduit Jean Delay et
protéines. Pierre Deniker à proposer une nouvelle classifica-
Par leur activité de régulation génique, ces tion des psychotropes en 1957 (tableau 2) – elle a
récepteurs induisent des phénomènes de régu- été admise au niveau international en 1961. Elle a
lation à long terme, jouent sur les processus ensuite été complétée en 1991 par Jean Thuillier
de différenciation, de prolifération ou de mort et Yves Pelicier. Il s’agit d’une classification qui
cellulaire et donc, dans le système nerveux cen- a essayé de combiner les effets pharmacodyna-
tral, sont capables d’inhiber les processus de mort miques et les effets thérapeutiques, et qui a eu le
neuronale ou de moduler la plasticité cérébrale. mérite de distinguer les médicaments qui dimi-
nuaient l’activité psychique, ceux qui la stimu-
À retenir laient et ceux qui la distordaient. Néanmoins, elle
mêlait des médicaments et des substances d’abus
• Le cerveau, même à l’âge adulte ou dans des ou récréatives, ne prenait pas en compte les médi-
circonstances pathologiques, est le siège de remanie-
caments à visée neurologiques et s’avérait moins
ments cellulaires : c’est la plasticité cérébrale.
• Nombre de maladies neurologiques sont liées à
une mort neuronale dont les mécanismes (oxydatif,
inflammatoire, toxique) sont complexes.
• Les facteurs neurotrophiques jouent un rôle essentiel Tableau 1. La classification des psychotropes selon
Lewin (1924).
dans la plasticité cérébrale.
• Le fonctionnement anormal des voies de neurotrans- Type d’effet Substances
mission peut provoquer des modifications par excès ou Euphorica (bien-être et Morphine, héroïne, cocaïne
par défaut de la plasticité cérébrale. désinhibition)
• En dehors de la sclérose en plaques, le développe-
Phantastica (hallucination) Mescaline, cannabis
ment des disease modifiers reste difficile et nécessite
une approche multimodale, via des molécules pléio- Inebrianta (ivresse) Alcool, éther
tropes ou via la stimulation de récepteurs modulant Hypnotica (sédation) Chloral, barbituriques
plusieurs voies, comme les récepteurs nucléaires. Excitentia (psychostimulation) Café, thé, tabac
14 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

Tableau 2. La classification des psychotropes de Delay et Deniker (1957).


Classes Sous-classes Substances
Psycholeptiques ou sédatifs Nooleptiques ou hypnotiques Barbituriques
Neuroleptiques Chlorpromazine
Tranquillisants mineurs Benzodiazépines
Anesthésiques généraux
Psychoanaleptiques ou excitants Nooanaleptiques Amphétamines
Thymoanaleptiques Antidépresseurs
Psychostimulants Kat, cola
Psychodysleptiques Hallucinogènes Mescaline, peyotl, kétamine, phéncyclidine
Délirogènes LSD25
Stupéfiants Morphine, héroïne, opium
Thymoisoleptiques Sels de lithium

opérante d’un point de vue thérapeutique que même classe ou un même médicament peut avoir
d’un point de vue pharmacodynamique. plusieurs indications et que, pour rendre compte
Ceci explique que, dans le contexte du Diag- de l’effet réel d’un médicament neuropsychotrope
nostic Statistical Manual of Mental Disorders et de ses effets indésirables, il est indispensable
(DSM), il ait été proposé une classification essen- d’intégrer les effets fonctionnels et les effets neu-
tiellement fondée sur la correspondance entre robiologiques (tableau 3). Il faut sans doute aller
les classes médicamenteuses et leur indication plus loin dans la complexité pour classer chaque
principale. Néanmoins, le développement phar- médicament du système nerveux central en utili-
macologique et thérapeutique a vite rendu cette sant une matrice multidimensionnelle synthétisant
classification peu opérante, dans la mesure où une les différents modes de classification (figure 10).

Figure 10. Les différents niveaux de classification pharmacologique des médicaments du système nerveux central.
Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales 15

Tableau 3. Classification combinant indication, fonctions comportementales et neurotransmission.


Classes médicamenteuses Indications Fonctions Neurotransmetteurs
Antipsychotiques Psychose (schizophrénie) Émotion Dopamine
Trouble bipolaire Humeur Sérotonine
Troubles anxieux Motricité Acétylcholine
Cognition
Antidépresseurs Dépression unipolaire Humeur Sérotonine
Trouble bipolaire Émotion Noradrénaline
Troubles anxieux
Régulateur de l’humeur Trouble bipolaire Humeur Dopamine
Anxiolytiques Trouble anxieux Émotion GABA
Vigilance Sérotonine
Médicaments de l’addiction Addiction (alcool, opiacés, tabac) Plaisir Dopamine
Émotion Sérotonine
Humeur Glutamate
GABA
Psychostimulants Trouble de l’attention avec ou sans Attention Noradrénaline
hyperactivité Émotion Dopamine
Narcolepsie Vigilance
Stimulants de la cognition Maladie d’Alzheimer Cognition Acétylcholine
Maladie de Parkinson Attention Glutamate
Antiépileptiques Épilepsie Motricité Glutamate
Trouble bipolaire Humeur GABA
Troubles anxieux Émotion
Douleurs neurogènes

Chaque médicament devrait ainsi être caractérisé ou plusieurs neurotransmetteurs. Néanmoins,


pharmacologiquement selon cette matrice, afin une approche idéale devrait combiner un effet
d’en décrire précisément les effets moléculaires symptomatique ou fonctionnel à un effet sur les
ou cellulaires, les effets dimensionnels cliniques, processus étiopathogéniques afin de pouvoir en
les effets fonctionnels, les effets thérapeutiques, même temps améliorer les symptômes et modifier
les effets étiologiques, les effets sociaux. le cours évolutif des maladies. Néanmoins, si
de nombreux médicaments ont vu le jour en
neuropsychopharmacologie entre 1950 et 1990,
À retenir il faut reconnaître une certaine stagnation depuis
• Différentes classifications ont été proposées depuis une vingtaine d’années, en dépit de l’émergence
celle de Lewin en 1924, mais aucune n’est réellement de concepts comme la connectivité, la plasticité
opérante. cérébrale ou la neurogenèse, qu’il reste sans doute
• Une classification matricielle et multimodale devrait à mieux intégrer dans la recherche en neuropsy-
permettre de classer chaque médicament afin de rendre chopharmacologie.
compte de la totalité de ses caractéristiques pharmaco-
logiques.
Pour en savoir plus
Bordet R. « Vingt ans de progrès en neuropsychopharmaco-
En conclusion logie ». La lettre du pharmacologue 2007;21:35–40.
Bordet R., Lestage P., Onteniente B. et les participants à
la table ronde n 4 de Giens XXI, « Des agents neuro-
Les médicaments ou les substances psychoac- protecteurs au concept de traitement modulateur du
tives exercent aujourd’hui essentiellement leur cours évolutif des maladies cérébrales », Thérapie,
activité pharmacologique via la modulation d’un 2007, 63, p.463-472.
16 Approches pharmacologiques des maladies neurologiques et mentales

Bordet R, Ihl R, Korczyn AD, Lanza G, Jansa J, Hoerr R, Corvol J.C., Goni S., Bordet R. et les participants à la table
Guekht A. «Towards the concept of disease-modifier ronde n 1 de Giens XXXI, «Translational research on
in post-stroke or vascular cognitive impairment: a cognitive and behavioural disorders in neurological
consensus report». BMC Medicine 2017;15:107. and psychiatric diseases», Therapie, 2016, 71, p.1-13.
Burchinsky SG. «Neurotransmitter receptors in the central
nervous system and aging: pharmacological aspect».
Exprimental Gerontology 1984;19:227–39.
Chapitre 1
Pharmacologie du système
GABAergique
L’acide γ-aminobutyrique (GABA) identifié en glutamine et l’α-cétoglutarate (intermédiaire du
1950 est le principal neurotransmetteur inhibiteur cycle de Krebs). Le glutamate est métabolisé en
ubiquiste du système nerveux central (SNC). Sa GABA sous l’action de la glutamate décarboxy-
fonction de neuromédiateur a été découverte lase (GAD) associée à son cofacteur, le phosphate
dans les années 1970, suite à l’étude des agents de pyridoxal ou vitamine B6. La glutamate décar-
convulsivants (bicuculline et picrotoxine). Le sys- boxylase, presque exclusivement retrouvée dans
tème GABAergique joue un rôle crucial dans la les neurones GABAergiques, existe sous deux
régulation de la transmission neuronale au sein du isoformes dans le SNC (GAD 65 et GAD 67) et
SNC. Il assure le bon fonctionnement des proces- permet une modulation très fine du métabolisme
sus physiologiques et psychologiques en exerçant du GABA. Le GABA est stocké dans les vésicules
son action inhibitrice sur les circuits neuronaux synaptiques grâce au transporteur vésiculaire
participant au maintien de l’équilibre excitation/ VGaT (vesicular GABA transporter), également
inhibition de l’activité neuro-électrique du cer- appelé VIAAT (vesicular inhibitory amino acid
veau. La plupart des neurones exprimant le GABA transporter) ayant comme autre substrat la gly-
se présentent sous la forme d’interneurones de cine. Après libération dans l’espace synaptique,
petite taille contrôlant l’excitabilité de circuits le GABA est efficacement capté par les cel-
locaux au sein de régions cérébrales données. lules gliales environnantes et, dans une moindre
Les neurones GABAergiques de grande taille, mesure, par les neurones GABAergiques, grâce à
plus rares, comprennent principalement les cel- un transport actif. Parmi les quatre isoformes de
lules de Purkinje du cervelet et les neurones transporteurs décrits (GAT 1 à 4), les transpor-
nigro-striataux. teurs GAT1 et 4 sont préférentiellement exprimés
dans les neurones et les transporteurs GAT2 et 3
au sein des cellules gliales. Le GABA capté par
Synthèse, recapture les astrocytes est catabolisé dans le compartiment
et catabolisme mitochondrial sous l’action de la GABA trans-
aminase (GABA-T) en succinate semi-aldéhyde,
La biosynthèse du GABA est étroitement liée à puis en succinate qui sera par la suite réintégré au
celle du glutamate et nécessite des interactions cycle de Krebs pour produire de la glutamine. La
étroites entre les neurones GABAergiques et le glutamine est ensuite libérée par les astrocytes,
tissu glial. Les étapes de synthèse et de catabo- puis captée par les neurones grâce à la présence de
lisme du GABA sont compartimentées et forment transporteurs spécifiques au niveau des terminai-
ce que l’on appelle le shunt GABA. La syn- sons GABAergiques. Ce mécanisme de recapture
thèse du GABA est assurée dans le cytoplasme est très efficace et permet de maintenir le taux
des terminaisons axonales à partir du glutamate de GABA mobilisable au sein des terminaisons
provenant lui-même de deux précurseurs : la neuronales (figure 1.1).

Neuropsychopharmacologie
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20 Pharmacologie des systèmes de neurotransmission

Figure 1.1. Les voies de biosynthèse du GABA.

striatal, hippocampique ou cérébelleux, qui sont


À retenir en interaction avec les neurones responsables des
• Le GABA est un neurotransmetteur ubiquiste dont autres systèmes de neurotransmission, d’où un
la synthèse, à partir du glutamate, dépend de deux rôle neurobiologique prépondérant. On estime
isoformes de glutamate décarboxylase. que 30 à 40 % des neurones expriment le GABA.
• Il existe une famille de transporteurs de recapture du
GABA (GAT) qui comprend quatre isoformes exprimées
par les neurones ou les cellules gliales. Les récepteurs
• Les cellules gliales jouent un rôle majeur dans le
cycle de synthèse/catabolisme du GABA.
La neurotransmission GABAergique est médiée
par l’activation de deux classes de récepteurs : des
récepteurs ionotropes (récepteurs GABA de types
Distribution anatomique A et C) responsables de la composante rapide
de la transmission synaptique inhibitrice et des
À la différence d’autres systèmes de neurotransmis- récepteurs métabotropes (récepteurs GABA-B)
sion (dopamine, acetylcholine, etc.), l’organisa- qui participent à la composante lente et prolongée
tion anatomique du système de neurotransmission de l’inhibition synaptique (figure 1.2).
GABAergique n’est pas systématisée et n’a donc
pas de localisation anatomique bien caractérisée.
Le système GABAergique est distribué de façon Les récepteurs ionotropes
ubiquiste dans l’ensemble du SNC, à travers de Structure des récepteurs ionotropes
nombreuses voies neuronales dans les noyaux
gris centraux, le cervelet, le tronc cérébral ou la Les récepteurs GABA-A
moelle épinière. Le GABA est surtout présent Les récepteurs GABA de type A (GABA-A) font
dans des interneurones courts, au niveau cortical, partie de la famille des récepteurs-canaux activés
Chapitre 1. Pharmacologie du système GABAergique 21

Figure 1.2. Répartition synaptique des récepteurs au GABA.

par un ligand et sont exprimés de manière ubi- π, θ. Le récepteur GABA-A possède deux sites
quiste dans le SNC sur les neurones ou les de reconnaissance du GABA situés à l’interface
astrocytes. Ils possèdent une perméabilité sélec- des sous-unités α et β, mais également des sites
tive pour l’ion chlore (Cl-) et sont constitués « secondaires ». Parmi les sites secondaires du
de cinq sous-unités protéiques (pentamère). On récepteur GABA-A, on retrouve un site bloqueur,
retrouve pour chaque sous-unité une organi- situé au cœur du canal, et de nombreux sites
sation en quatre domaines transmembranaires dits « allostériques » disposés sur le domaine
M1-M4, le segment M2 constituant la paroi du extracellulaire permettant de moduler la réponse
pore ionique. Une boucle intracellulaire reliant au GABA. Ces derniers sont la cible de nombreux
les domaines M3 et M4 est impliquée dans la ligands endogènes (endozépines, neurostéroïdes
modulation par phosphorylation du récepteur. De et certains endocannabinoïdes) ou exogènes
nombreuses protéines peuvent interagir avec cette (benzodiazépines, barbituriques, alcool, étomi-
boucle intracellulaire et jouent un rôle dans le date, etc.) pouvant être utilisés en thérapeutique
trafic intracellulaire et l’ancrage du récepteur à la pour corriger des altérations de la neurotransmis-
membrane post-synaptique. La structure hétéro- sion GABAergique.
pentamérique est composée de la combinaison de
sous-unités d’une grande diversité (α1-6, β1-3, Les récepteurs GABA-C
γ1-3, δ, θ, ε, π et ρ1-3) aboutissant à la formation Les récepteurs GABA-C sont considérés comme
d’un grand nombre de sous-types de récepteurs une sous-classe des récepteurs GABA-A, ils sont
GABA-A exprimés de manière différente dans les constitués uniquement de l’association de sous-
structures cérébrales et présentant des proprié- unités ρ. Bien que perméables aux ions Cl-,
tés pharmacologiques et fonctionnelles variées. ils divergent des récepteurs GABA-A par leur
L’assemblage retrouvé majoritairement au sein conductance plus faible et par leurs propriétés
du SNC est composé des sous-unités α, β, γ physiologiques et pharmacologiques. Ils ont une
dans une stœchiométrie 2 :2 :1. La sous-unité γ affinité dix fois supérieure pour le GABA et sont
pouvant être remplacée par une sous-unité δ, ε, insensibles à la bicuculline, aux benzodiazépines
22 Pharmacologie des systèmes de neurotransmission

ou aux barbituriques. Ils ont été décrits principa- Les récepteurs métabotropes
lement dans la rétine et l’hippocampe.
Structure des récepteurs métabotropes
Activité des récepteurs ionotropes Les récepteurs métabotropes GABA-B font partie
Les récepteurs GABA-A sont caractérisés par de la famille des récepteurs à sept domaines
une cinétique d’activation rapide conduisant à transmembranaires couplés aux protéines G. Ce
l’inhibition de l’excitabilité neuronale. Ils sont sont des hétérodimères constitués de deux sous-
principalement localisés au niveau des membranes unités GABA-B1 et GABA-B2. Cette hétéro-
post-synaptiques neuronales où ils exercent une dimérisation GABA-B1/B2 est nécessaire à la
inhibition dite « phasique » en réponse à la libéra- fonctionnalité du récepteur, et notamment à son
tion du GABA. La stimulation des récepteurs par ciblage à la surface membranaire et à son cou-
le GABA déclenche l’ouverture brève du canal plage aux voies de signalisation intracellulaire. La
entraînant un flux entrant d’ions Cl- dans la cellule sous-unité GABA-B1 assure la liaison au ligand
sous l’effet de son gradient de concentration. Il et la sous-unité GABA-B2 assure le couplage
en résulte une hyperpolarisation de la membrane aux effecteurs en plus de son rôle de stabilisateur
post-synaptique. Dans les neurones où le poten- de la liaison au ligand. Ce récepteur dispose
tiel de membrane est très proche du potentiel dans sa partie intracellulaire d’un site modulateur
d’inversion des ions Cl-, l’activation des récepteurs modifiant l’affinité du récepteur pour les ligands.
GABA-A augmente la conductance de la mem- Trois sous-unités du récepteur GABA-B ont été
brane et atténue l’amplitude des dépolarisations identifiées : GABA-B1 (GB1) présentant deux
post-synaptiques excitatrices. Ce processus appelé isoformes (GB1a et GB1b) et GABA-B2 (GB2).
effet shunt ou inhibition silencieuse s’oppose à la Ces sous-unités s’assemblent pour former deux
genèse d’un potentiel d’action post-synaptique. sous-types de récepteurs GABA-B : les récepteurs
Ce type d’inhibition phasique est porté principa- GABA-B R1, constitués des sous-unités GB1a et
lement par les récepteurs GABA-A contenant la GB2, et les récepteurs GABA-B R2, constitués
sous-unité β2 sensibles aux benzodiazépines. des sous-unités GB1b et GB2. Ces sous-types se
Des récepteurs GABA-A sont également différencient par leur fonction et leur localisation
présents au niveau extra-synaptique où ils vont subcellulaire. Les récepteurs GABA-B R1 sont
exercer une inhibition dite « tonique ». Ces des auto- et hétérorécepteurs présynaptiques qui
récepteurs, dont la composition en sous-unités régulent la libération des neurotransmetteurs,
diffère de celle des récepteurs synaptiques, sont alors que les récepteurs GABA-B R2 sont des
hautement sensibles au GABA et à l’alcool et ont récepteurs post-synaptiques. Ces deux popula-
une cinétique d’ouverture des canaux plus durable tions de récepteurs sont largement distribuées
(désensibilisation lente et peu marquée). Ainsi, dans le SNC et dans les terminaisons synaptiques
contrairement aux récepteurs GABA-A synap- autonomes.
tiques dont l’effet inhibiteur n’est induit qu’au
moment d’activités synaptiques, les récepteurs Activité des récepteurs métabotropes
GABA-A extra-synaptiques exercent une inhibi- Par opposition aux récepteurs GABA-A, l’inhibi-
tion persistante en réponse à de faibles concentra- tion portée par les récepteurs GABA-B suit une
tions de GABA. Ces récepteurs extra-synaptiques cinétique lente par activation de cascades de signa-
contiennent majoritairement la sous-unité δ ou lisation dépendantes des protéines G (Gi ou G0)
α4. Toutefois, il a été montré qu’au sein de l’hip- auxquelles ils sont associés. En fonction de leur
pocampe et du gyrus denté, l’inhibition tonique localisation pré- ou post-synaptique, les récep-
est médiée par les récepteurs GABA-A portant la teurs GABA-B ne modulent pas les mêmes cibles
sous-unité α5. Des altérations de cette inhibition protéiques, à savoir des canaux calciques vol-
tonique seraient impliquées dans de nombreux tage-dépendants pour les premiers et des canaux
états pathologiques. potassiques pour les seconds. La liaison du GABA
Chapitre 1. Pharmacologie du système GABAergique 23

induit la libération des protéines G qui diffusent et de neurotransmission. Les études de lésions sélec-
activent différentes voies de signalisation intracel- tives réalisées chez le chat ont mis en évidence le
lulaire. Dans le cas des récepteurs GABA-B R1, le rôle central des neurones GABAergiques de l’aire
couplage aux canaux calciques conduit à une dimi- préoptique de l’hypothalamus dans la genèse
nution de l’influx calcique se traduisant par une du sommeil. Cette région exerce un contrôle
réduction de la libération des neuromédiateurs inhibiteur réciproque sur les systèmes d’éveil
(GABA, glutamate, acétylcholine, noradrénaline, permettant de faciliter les transitions rapides
sérotonine, dopamine). Dans le cas des récepteurs veille-sommeil. D’un point de vue physiologique,
post-synaptiques GABA-B R2, la cascade de signa- la phase de sommeil lent s’accompagne d’une
lisation induit l’activation et l’ouverture de canaux augmentation de la fréquence de décharges des
potassiques dont l’action hyperpolarisante abou- neurones GABAergiques du noyau préoptique
tit à une diminution de l’excitabilité neuronale. ventro-latéral qui se traduit par une synchronisa-
Il semblerait toutefois que quelques récepteurs tion des ondes cérébrales associée à une diminu-
post-synaptiques GABA-B R2 puissent également tion de leur fréquence et une augmentation de
inhiber des canaux calciques voltage-dépendants. leur amplitude. Le processus d’endormissement
Les récepteurs GABA-B participent à divers types est la résultante de deux mécanismes concomi-
d’inhibition. Ils assurent principalement l’inhibi- tants. D’une part, l’inhibition directe ou indirecte
tion présynaptique. En qualité d’auto- et hétéro- (via l’inhibition des neurones à orexine) des
récepteurs, ils freinent la libération du GABA et systèmes participant à l’éveil (cholinergique, his-
d’autres neuromédiateurs du SNC. Les récepteurs taminergique, noradrénergique) par les efférences
GABA-B participent également à une composante neuronales GABAergiques du noyau préoptique
un peu plus lente de la réponse synaptique rapide ventro-latéral ; d’autre part, la « désinhibition »
dite phasique et soutiennent des courants inhibi- des neurones pacemaker GABAergiques du noyau
teurs toniques dans certaines régions cérébrales réticulaire thalamique par disparition progressive
telles que le cortex préfrontal (figure 1.2). de l’influence inhibitrice exercée par les réseaux
de l’éveil. Cette levée d’inhibition (cholinergique
notamment) restaure l’activité oscillatoire sponta-
À retenir née des neurones pacemaker GABAergiques qui
• Il existe deux grandes familles de récepteurs au GABA : va être transmise à l’ensemble du cortex via les
les récepteurs ionotropes qui sont des récepteurs-canaux synapses inhibitrices établies avec les neurones
chlore, et les récepteurs métabotropes qui sont couplés à thalamo-corticaux. Au sein du cortex, la présence
des cascades enzymatiques intracellulaires. d’interneurones GABAergiques locaux pourrait
• Les récepteurs ionotropes GABA-A sont composés contribuer à promouvoir le maintien du sommeil
de très nombreuses isoformes issues de la combinai-
lent (stades III et IV) en exerçant une hyperpola-
son de multiples sous-unités présentant une grande
diversité.
risation sur les neurones pyramidaux probable-
• Il existe deux sous-types de récepteurs GABA-B qui ment sous l’influence des neurones préoptiques.
modulent des systèmes de transduction différents en Par ailleurs, une sous-population d’interneurones
fonction de leur localisation pré- ou post-synaptique. GABAergiques capables de synthétiser la cortis-
tatine, un neuropeptide aux propriétés fortement
hypnogènes, a été identifiée.

Rôles fonctionnels GABA et régulation motrice


GABA et sommeil Les neurones GABAergiques sont au centre
de l’activité des boucles thalamo-corticales qui
La régulation du cycle veille-sommeil repose sur jouent un rôle dans la sélection et l’initiation des
l’action synchronisée d’un ensemble de systèmes programmes moteurs (système extrapyramidal).
24 Pharmacologie des systèmes de neurotransmission

L’influence GABAergique est présente à tous quelles convergent les afférences cérébelleuses et
les niveaux du circuit moteur des noyaux gris qui régulent par des projections inhibitrices les
centraux comme en témoigne la présence des noyaux cérébelleux (principale voie de sortie céré-
récepteurs GABA-A et GABA-B dans l’ensemble belleuse). L’activation des récepteurs GABA-A
des structures le constituant (striatum, pallidum extrasynaptiques cérébelleux a été associée aux
interne et externe, substance noire et noyaux perturbations de la coordination motrice induite
sous-thalamiques). Le striatum, représentant la par la prise d’alcool ou par l’administration de
principale structure d’entrée des noyaux gris cen- gaboxadol, agoniste sélectif de la sous-unité δ
traux, est majoritairement composé de neurones composant les récepteurs GABA-A extrasynap-
GABAergiques de projection appelés neurones tiques. Ces effets seraient liés à une potentialisation
épineux moyens ainsi que d’interneurones de l’inhibition tonique exercée par les récepteurs
GABAergiques et cholinergiques dont le rôle α6β3δ sur les cellules granulaires du cervelet.
est de moduler l’activité des neurones épineux
moyens. Les neurones épineux moyens reçoi- GABA et émotion
vent les afférences glutamatergiques provenant
de nombreuses régions corticales et thalamiques Au sein du circuit limbique de régulation des
et sélectionnent, en retour, les circuits moteurs émotions, la neurotransmission GABAergique est
spécifiques adaptés au contexte (sous l’influence particulièrement impliquée dans l’apprentissage et
des interneurones locaux). Ils sont subdivisés en l’expression des réponses de peur conditionnée.
deux groupes en fonction de leur identité neuro- Des études cliniques ont notamment démontré
chimique et leurs structures cibles : que l’expérience de peur pouvait influencer la
1. les neurones épineux moyens synthétisant la neurotransmission GABAergique se caractérisant
substance P constituent la voie directe vers par une diminution des niveaux de GABA libéré
le pallidum interne et la substance noire pars au sein du cortex (notamment cortex préfrontal
reticulata, médian). Par ailleurs, la modulation pharmacolo-
2. les neurones épineux moyens synthétisant gique des récepteurs GABA-A par les benzodia-
l’enképhaline constituent la voie indirecte vers zépines influence l’expression des comportements
le pallidum externe qui se projette ensuite vers la de peur en modifiant l’activation de régions
pallidum interne via le noyau sous thalamique. impliquées dans le traitement des émotions. Les
Ces deux voies régulent de manière opposée études cliniques ont notamment relié l’action
la voie thalamo-corticale et l’activité motrice anxiolytique des benzodiazépines à une réduction
extrapyramidale. L’activité des neurones épineux de la réactivité de l’amygdale et de l’insula. Parmi
moyens au point de départ de ces deux voies les structures limbiques, l’amygdale joue un rôle
est modulée par les afférences dopaminergiques critique dans la régulation des émotions néga-
provenant de la substance noire pars compacta qui tives, notamment de peur.
exercent un effet stimulateur sur la voie directe et Au sein de la région amygdalienne, les informa-
inhibiteur sur la voie indirecte. tions sensorielles de toutes modalités (auditives,
Le système GABAergique régule également les visuelles, somato-sensorielles/nociceptives, olfac-
fonctions motrices dépendantes du cervelet, par tives et gustatives) relatives aux stimuli menaçants
le truchement des cellules de Purkinje situées au entrent par le noyau latéral et le noyau basolatéral,
sein du cortex cérébelleux et des interneurones puis sont transmises au noyau central de l’amygdale
cérébelleux divisés en trois populations distinctes qui les convertit en réponses comportementales et
(cellules étoilées, cellules paniers et cellules de physiologiques. Cette réponse conditionnée est
Golgi). Cette région cérébrale assure l’équilibre portée par les efférences GABAergiques à destina-
postural et la coordination motrice en intégrant les tion des structures autonomes du tronc cérébral
différents messages sensoriels de manière à réguler et de la substance grise périaqueducale. La lésion
finement les mouvements précis. Les cellules de sélective du noyau central de l’amygdale abolit les
Purkinje sont des cellules intégratrices vers les- manifestations comportementales de la peur et les
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is doubtful whether they would have succeeded had it not been for
the help of the friendly Esquimaux, who did everything in their power
for their visitors.
At one time, they all gave up the ship as lost. The ice closed
around them with such a crushing force, that the captain and crew
fled to the shelter of the Esquimaux snow houses, where they were
most hospitably received, and preparations were made to entertain
them all winter.
But the vessel escaped, it seemed, almost by a miracle, and the
crew returned to it very soon. Then the ice broke up into smaller
pieces and drifted away towards the open sea, and the ship
prepared to follow as soon as the channel should be sufficiently
open. The Esquimaux bade farewell to the whalers, and went off on
an expedition, partly for hunting, but chiefly to gather in their dogs
and reindeer under shelter for the winter, leaving a few old men and
boys to guard the settlement.
Polargno happened to be one of the boys left behind. The day
after the expedition started he walked down to the shore to see if the
bay was sufficiently open for the ship to start on its voyage. He found
that the vessel was enclosed in thin ice which extended for quite a
distance beyond in a solid sheet. But, as the weather was still
moderating, this ice would probably break up in a few hours. Some
sailors were packing up their things in a tent they had occupied on
the shore. They evidently expected certainly to get away this time.
But, before Polargno reached the place, they ran out of the tent, and
down towards the beach with exclamations of horror. Polargno ran
after them, and soon discovered the cause of their excitement.
Lower down could be seen the open sea, and, rising and falling on
the waves were blocks of ice, some large and some small. On one of
the largest floes stood a sailor, trying to ward off the attack of a polar
bear. The bear had evidently just arrived upon the scene, and was
walking around the man, preparatory to making a rush upon him. If
he once closed with the sailor there was small chance of the latter
escaping with his life. The ice floe, on which they both stood, was
now almost stationary, having become wedged in a mass of light,
loose pieces that were swaying back and forth on the water.
Having taken in this situation at a glance, Polargno did not hesitate
an instant, but ran down the shore at his best speed to a spot
opposite the ice-floe. The four sailors followed, but they could not
equal the speed of the Esquimaux boy, and when they arrived he
had taken off his outer suit and boots, retaining only his in-door suit,
and light seal-skin boots. The sailors could not imagine what the boy
was about, but their attention was absorbed in their comrade who
was in such deadly peril, and they paid little heed to Polargno. Two
of them had guns, but they found to their dismay, that these were of
no use. The distance was too great for them to aim at any particular
spot of the beast’s body, and a polar bear is very hard to kill, unless
a vital part is struck. If he were only wounded he would be so
infuriated that the sailor’s case would be hopeless. And, besides, the
bear was now on the farther side of the block of ice, and was thus
partly covered from their fire by the man’s body.
All this had passed in the space of a very few minutes; and now,
while they were wondering what they could do, and watching for a
chance to fire, the sailors suddenly discovered that the Esquimaux
boy was far on his way to the help of their comrade. He had made no
boast of what he was going to do. He had asked for no help. He
knew they could not give him any. The thin cakes of ice, which
dipped into the water under his light tread, would have sunk with the
weight of one of the sailors. He saw that a fellow-creature was in
danger of being killed by a ferocious animal; and, at once, without a
care for his own personal safety, he went to the rescue. He had, in
his belt, his knife and his hatchet, and, on these, and his dexterity
and quickness, and knowledge of the ways of polar bears, he relied
for success.
The sailors watched him, full of admiration for his courage, and for
his skill in jumping the floating cakes of ice that one would scarcely
expect to bear the weight of a bird. He seemed to select the largest
and strongest pieces, by a sort of quick instinct, and bounded from
one to another as lightly as a cat. A foot went into the water at nearly
every step, but he did not sink.
Meantime the bear had advanced upon the sailor, who, it now was
seen, had a knife in his hand, prepared to do his best.
The Esquimaux boy had now reached the pack of loose ice
against which the ice floe had rested. This was firm, and he paused
an instant, before springing on to the floe. The sailors thought his
courage had failed at the last moment. But no! Polargno knew there
was no time to lose, and he required only this instant to see where
he could best strike the bear. There was no vital part at which he
could get a good stroke. All he could do at first was to divert the
bear’s attention from the sailor to himself.
He threw his hatchet straight at the side of the bear that was
exposed to him. It sank through the tough skin into the flesh, but the
wound was not a very severe one. The astonished animal turned,
and, seeing the boy who had now sprung upon the ice floe, not a
dozen yards from him, he made towards this new comer in a great
rage.
But Polargno was ready for him. He sprang aside, and quickly
struck his knife into the side of the bear. The animal fell, but was not
killed, and it tried to stagger up again; but, by this time, the sailor had
recovered his senses, for he had stood apparently stupefied when
the bear left him. He now came to the boy’s assistance, and,
together, they soon put an end to their formidable foe.
Polargno pulled off his hood, and waved it in the air, and shouted
“Hurrah!” This word and action he had learned from the sailors. By
this time the whole crew had come down from the ship, and they
also joyfully waved their hats, and shouted “Hurrah!”
But the two must be taken off the ice-floe before it went sailing out
into the sea. The pack of ice was, even now, moving faster, and gave
signs of breaking up. So a boat was got down from the ship as
speedily as possible, and some of the sailors, steering in and out of
the floating ice, went to their relief, and took them safely to the shore.
They intended to leave the carcass of the bear, but it went to
Polargno’s heart to see so much good meat wasted, and he begged
so hard for it, that the sailors waited long enough to tow it to shore,
though they were in a hurry to get back before the upper ice field
broke up.
You may wonder how the sailor and the bear got off on this ice-floe
together; as you, no doubt, feel sure they did not make an
appointment to meet there. The sailor told how he came there. It
happened this way: The day before, he had lost a small wallet,
containing some of his valuables, among the ice hummocks near the
shore. As soon as he discovered his loss he searched for the bag,
and his companions aided him. It could not be found, and, this day,
while the men were occupied in packing up the last of their effects,
he went out on the ice to look once more among the hummocks for
his wallet. He wandered some distance out, but the ice was solid and
firm. Suddenly he heard a noise like a sharp thunder clap, and the
next instant he was floating out into the open sea, with blocks of ice
swirling and tumbling about him in all directions. The ice had broken
loose, and there was no way for him to reach the shore. He called
and shouted, but his cries did not reach the ship, or the men in the
tent. He was afraid the floe he was on would go to pieces before he
could be rescued, and he knew it would be impossible for him to
swim through the masses of loose ice. His swift course was
fortunately arrested by the ice-pack, and he hoped there would be
time to rescue him before it was all swept away by the waves, as he
was sure he must soon be missed by his companions in the tent.
Just as he was comforting himself with this thought, he turned, and
saw a large polar bear sitting upon its haunches very near him, and
regarding him attentively.
As the polar bear is dead, and as he was not able to tell his own
story, either living or dead, in any language that we could
understand, I cannot inform you how he came to be sailing out to
sea on a cake of ice. But there he was, and greatly alarmed was the
sailor when he caught sight of him. He had the presence of mind,
however, not to make any sudden motion, and hoped by keeping
very still, to persuade the bear that he was only an inanimate object.
But the creature knew better than that. It is probable he had been
observing the sailor for some time, and the reason the man did not
notice the beast was because it was so nearly the color of the ice
hummocks. It soon crossed over to his ice-floe, and it was then that
the men in the tent first saw what had happened to their companion.

THE ICEBERGS CLOSED AROUND THE SHIP.


You may be sure the sailor was deeply grateful to the Esquimaux
boy. He had nothing to give his preserver, but he wanted to take him
home with him to New England, and take care of him ever after. But
nothing would induce Polargno to leave his beloved Greenland. The
captain, and such of the crew as had anything to give, loaded
Polargno and his parents with gifts. The parents took them all, but I
think they were very much surprised at this munificence, and at the
praise that the white men showered upon the boy for his brave deed.
They were very much pleased that he should have behaved so well
when called upon to do his duty; but it did not occur to them,
apparently, that he could possibly have done otherwise than he did,
though they admitted that it was a bold deed to go out single-handed
to fight a polar bear. The Esquimaux are a very brave people.
Courage is such a common quality among them that it excites no
surprise. But, of all their foes, the one they dread most is the polar
bear. But then here was a man in danger of being killed by a bear,
and the boy went to his assistance as a matter of course. That was
the way they looked at it.
They all had plenty of time to talk this over, for the ship did not get
away for a week after the hunting party returned. The ice closed
around it again; and again the sailors made up their minds to winter
there. The Esquimaux had told them of two ships that had remained
there too late the years before, and had become enclosed in
icebergs. Great masses of these icy mountains, descended upon the
doomed ships. The crews worked hard to get the ships free, even
dragging them out from among the icebergs on one occasion with
ropes. But it was all in vain. The vessels were destroyed, and the
crews lost all they had. The Esquimaux took them in their sledges to
a lower settlement, where they found a whaling ship that conveyed
them home. The ships were probably all gone now, and if this vessel
was in like manner destroyed, these sailors would be compelled to
stay all the season with the Esquimaux.
But, one day, the ice broke up with a great noise, and disappeared
as suddenly as it came, and the vessel sailed out of the bay in a
clear channel, the sailors having promised to return next year if they
could.
And, in a short time, snow and ice, and winter, and darkness
enveloped the place.
But the Esquimaux did not care. They were used to it. They did
what work they could. They had abundant stores for the winter. And
they sat around their lamps, and told stories of the wonderful
adventures they had passed through, or heard of.
Polargno, we are agreed, is not handsome to our American eyes;
and he does not know how to read and write; and never even heard
of geography and arithmetic. And yet, I wonder how many well-
taught American boys would so bravely and unselfishly risk their
lives to save the life of another.
TURTLES AND THEIR EGGS.

MATAMATA TURTLE.
How would you like this pretty creature for a pet? He can be
domesticated, and will stay with you very contentedly, if you put him
in a place where he can’t get away. If you leave an open gateway,
however, the chances are he will walk out of it some day, and return
no more. He does not go away because he is tired of being petted,
for he likes that; or because he does not like you, for perhaps, in his
heart, (if he has one) he is sorry to part from you. He goes simply
because he can. This restless disposition moves him to extend his
travels; and, no doubt, he intends to return at some future day. But
he never does.
If you have him in any place where he can do mischief you had
better keep an eye on him; otherwise he will be poking his long nose
into things that do not concern him in the least.
His two ends are not well balanced, his neck being so very long,
and his tail so very short! The fringe-like appendage hanging from
his neck gives it somewhat the appearance of a great centipede.
His small eyes have not a very intelligent expression, but our
matamata has quite sense enough to take very good care of himself.
His shell is really very pretty. It looks as if it were hung loosely
upon him for a canopy, and as if he might be just as well off without
it, especially as it must be somewhat heavy to carry around on all
occasions. But, if you consulted him upon the matter of removing it,
he would, at once, object. Probably he would draw his long neck
instantly within his shell, leaving not so much as the tip of his sharp
nose visible; then he would whisk in his ridiculous tail; and, lastly, in
would go his fat legs and feet; and there he would have as tight and
snug a house as possible.
Did you ever eat any turtles’ eggs? If not, I advise you to do so on
the first opportunity, for they are very good.
The turtles lay their eggs in the sand that the heat of the sun and
sand combined may hatch them at the proper time. As soon as they
are hatched the young turtles make their way to the water, where
they know how to provide their own living, without instruction. But, in
the warm countries, where turtles abound, it is a wonder that any
young ones manage to get out of their eggs.
For the eggs are esteemed such a luxury, that, as soon as the
laying season of the turtles is over, the natives turn out in great
numbers, and search the sands for eggs, which they collect by the
thousands, for sale, and for their own eating.
SEARCHING THE SAND FOR TURTLES’ EGGS.
It is at this laying season that the South American Indians capture
great numbers of turtles. The turtles come out of the water at night,
in crowds, for the purpose of depositing their eggs. They dig
trenches in the sand; and, having placed their eggs in these, and
covered them, they all make a grand rush back to the water. Then
the Indians, who are on the watch, run after them, seize as many as
they can get hold of by the tails, and throw them over on their backs.
In this position a turtle is helpless, and the Indians can easily kill
them.
The flesh is excellent food; but what the Indians chiefly desire to
possess is the fine yellow fat with which the turtles are well supplied.
From this fat the Indians manufacture a superior kind of oil, for which
they find a ready sale.
If these turtles were as large as some of the West Indian turtles
that have been brought to this country, the Indians would not have
an easy task in turning them over.
A FEW VOLCANOES.

A mountain with its great cone smoking like a chimney, or sending


up into the clouds a grand sheaf of flame, must be a splendid sight,
and one never to be forgotten. But when it begins to pour forth rivers
of hot lava it is time to get entirely out of sight of it, if you can. For
these streams of lava are sometimes very long.

RIVER OF RED-HOT LAVA FROM MOUNT ETNA.


A hundred years ago Etna poured forth such an immense river of
fiery stones, and liquid lava, and threw it out with such violence that
it rushed in cascades and whirling torrents for fifteen miles, burning
up everything in its course, until it finally plunged into the sea.
This volcano has
an eruption once in a
while, but does not
often give the world
such a terrible one as
this. Sometimes the
lava only destroys the
fields and vineyards
near the mountain. It
is a small volcano,
but it has done a
good deal of damage.
Two hundred years
ago it entirely
destroyed the town of
Catania.
At a short distance
from it stands another
small volcano, which
is famous for the ruin
it has caused. You
have no doubt read
of the destruction of
the city of Pompeii;
and how it was
entirely buried under
the ashes thrown
from Vesuvius during
an eruption. Nearly
everybody in the
ERUPTION OF COTOPAXI IN 1741.
place at that time
perished, and now
people have to dig many feet under the ground to find the houses of
the buried city. A smaller city in the neighborhood, Herculaneum,
was buried at the same time, by the shower of ashes.
This happened eighteen hundred years ago. But Vesuvius has not
been quiet ever since that time. There have been several eruptions.
In 1794 it hurled out torrents of fire from its top which rolled over a
town, a few miles distant, and burned it into ruins. Strange to say, the
town was rebuilt; and, a few years ago, Vesuvius visited it again with
a fiery flood, which, however, only destroyed part of the town.
A very much larger volcano, Cotopaxi, has, at different times, had
most frightful eruptions, but on account of its situation, has not done
so much damage as Etna and Vesuvius.
Just before an eruption occurs dull roars are heard inside of the
mountain, which seems to shake with the action of the lava boiling
up within it. Presently columns of smoke shoot up, then sheafs of
flame rise into the air with masses of cinders, and burning rocks. And
then the lava-streams pour over the sides, and roll down into the
plains.
Some volcanoes are always smoking when not in active eruption,
but the active volcanoes usually take long rests. The people who live
on, or near these burning mountains rely upon this fact for safety.
But it is not a very safe reliance, for their periods of rest are very
irregular; and they may break forth when least expected.
The greater number of these mountains throw out flames and lava,
but some send out hot mud instead, and others boiling water.
There are volcanoes that seem to have burned themselves out,
and are said to be extinct. Men can go down into the craters of
these, from whence the flames, and lava formerly issued, and
examine them. Some of these immense holes, or craters are now
filled with forests, and in others there are lakes. Others again are
nothing but rocky ravines.
Orizaba, in Mexico, is an extinct volcano, with a monstrous crater.
Persons standing on the opposite sides of this crater can barely see
each other, the distance between them is so great.
CRATER OF ORIZABA.
The small volcanoes are more active than the large ones. Little
Stromboli is nearly always sending up flames, while the lofty
Cotopaxi is quiet sometimes for a century.
THE ABSENT-MINDED BOTANIST.

The learned Mr. Nathaniel P. Reed, a native of New Jersey, and a


man well known to all the botanical and agricultural societies of the
civilized world, had, in the course of some thirty years spent in
patient and careful investigation into the structure and habits of
plants, acquired the power of completely abstracting his mind from
all its surroundings while engaged in his favorite pursuit. This was
often a very fortunate thing for him. But then, again, sometimes it
was very unfortunate.
He traveled everywhere, searching for specimens of plants. He
never seemed to get tired of this study. Over hot, sandy deserts, and
through savage forests he went undaunted; and, if he found a new
flower, or tree, he felt he was fully rewarded.
At last, he reached Cape Town in Southern Africa, a region he had
never before visited. A party of European hunters was just on the
point of starting on an expedition into the woods and jungles, and, in
an evil hour for them, asked Mr. Reed to join them. He at once
accepted the invitation, for it was a fine opportunity to hunt up new
plants.
I say it was in an evil hour that the hunters asked him because he
gave them so much trouble through his absent-mindedness. He was
a very entertaining traveling companion when not engaged in his
botanical studies, and so good-humored, and obliging that his
comrades did not grumble very much at the trouble he gave them.
But, nevertheless, he did cause them great anxiety, for they found
out that when he was searching for plants, or had a flower in his
hand analyzing it, he would put himself into situations of great peril
without knowing anything about it. And so, at least one of their
number always had to be on the lookout for Mr. Reed, to keep him
out of mischief.
For one thing, he would stray away from the main body. This was
against the rules of the expedition, for, in a forest full of wild beasts it
was necessary to keep together. Generally, when he wandered off
this way, he would be missed, and brought back before he had got
entirely out of sight. But, on three occasions, he managed to get lost,
without intending anything of the kind, and each time, he met with a
remarkable adventure.
The party had been out but a few days when he was lost for the
first time. He must have been absent two hours, when his
companions first missed him. At least no one could remember
having seen him for that length of time. What might not have
happened to him in those two hours, everywhere surrounded by
dangers? They immediately commenced the search for him.
They went back over the route they had traveled, and, at last,
found the place where Mr. Reed had left the caravan. They knew it
by the trampled bushes, and by the twigs broken off here and there,
and plants pulled up by the roots. Following these marks of his
progress they suddenly came out upon the banks of a river. And
there they saw the botanist. And, at the same time, all were struck
with horror at his situation. He, alone, was happily serene,
unconscious that any danger was near him.
Seated on a mossy bank, in the midst of tall reeds, on a peninsula
that extended pretty far out into the river, was their botanist. He had
an umbrella over his head to shield him from the sun, and was busily
engaged, arranging some “specimens” in his book of plants, which
he called an Herbarium. His back was towards the river, and so
absorbed was he in his occupation that he had not discovered that a
whole colony of crocodiles had come to pay him a visit. Neither did
he hear or see his companions although his face was turned directly
towards them.
The crocodiles had arranged themselves in a long row, with their
heads above the water, watching the botanist with great interest, and
evidently, meditating an attack upon him. How long they had been
there could not, of course, be known, but, in a few moments after the
hunters appeared upon the scene, the nearest crocodile seemed to
have made up his mind that a botanist was good to eat, and made
straight towards the land, followed by another huge beast.
THE UNCONSCIOUS MR. REED.
Mr. Reed continued calmly to arrange his specimens.
Two men from the hunting party at once rushed forward upon the
peninsula, and fired upon the crocodiles. It was quite time, for two of
the foremost ones had reached the land. They rolled over into the
water, and all of the great beasts at once disappeared under the
surface of the river.
The shots did arouse Mr. Reed’s attention, or else he had finished
his work; for he looked up, and said to his companions, who now
surrounded him:
“I have found one of the rarest of plants—the Iscodextiana—and it
has twelve stamens, just as I have always maintained.”
“I wonder if it would have agreed with the stomach of a crocodile!”
said one of the hunters.
Mr. Reed was so alarmed at the account of the peril to which he
had exposed himself, that it was a long time before he again
wandered from the caravan. The party had then formed a camp on
what was considered good hunting ground—that is in a forest
frequented by wild beasts. The hunters were successful in killing a
good many of these, and enjoyed the dangerous sport very greatly.
Meanwhile Mr. Reed continued his peaceful hunting of the wild
flowers, which grew all around in the most lavish profusion.
There were always some men left in the camp to guard it. One
day, when the hunters had returned, and were gathering around the
supper table, they missed Mr. Reed. On questioning the men who
had had charge of the camp, they could not remember when they
had last seen him. It was evident that he had wandered off to a
distance. If he got into one of his fits of abstraction there was no
knowing when he would ever find out he was lost, and try to get back
again.
Hastily swallowing some supper, a party of men went out in search
of the lost botanist, but were obliged to return to the camp without
him, for night came on, and the darkness was intense, and they
could not continue the search.
They retired to rest with heavy hearts, for they greatly feared their
very troublesome but very pleasant companion would fall a prey to
some wild beast. The sentinels on guard kept peering out into the
black forest, hoping to see the figure of their missing companion.
They kept up great fires as beacons to guide him to the camp.
In the middle of the night the whole camp was aroused by the
cries of the sentinels. The forest to the south of them was on fire.
The wind was high, and as there were many dead trees, and a great
deal of dry wood lying on the ground, the flames spread with great
rapidity. The hunters were not afraid that it would come their way, as
the wind blew it in an opposite direction. So they enjoyed the grand
spectacle.
In an hour the fire had extended through the woods for several
miles. The howls, and shrieks, and bellowings of hyenas, jackals,
lions, and tigers filled the air, as the frightened animals rushed out of
the flaming forest. A huge black form would sometimes loom up
against the red sky, and then seem to sink away into the darkness.
This was an elephant seeking refuge from the flames.
The hunters had watched the conflagration some time, when they
saw the figure of a man running towards them from the burning
woods. It was Mr. Reed! He had not been able to find the camp, he
said, until the fiery forest had made everything so bright that he
clearly saw the huts and tents from a long distance.
It appeared that he had lost his way while botanizing, but had
started on his return, confident he could follow his own trail back. But
he soon saw what he considered to be a flower. If so, it was larger
than any known to botanists. However he was not sure but it might
be a brilliantly colored mushroom. He forgot everything while
examining this, until, to his surprise, he found he could not see it.
Night had come on! He collected a quantity of dry wood into a heap,
and taking a match from his pocket applied it to the wood. This gave
him a bright light for the further examination of the plant.
He did not know how long it was after this that he discovered he
was nearly surrounded by burning wood, and that the forest was
roaring and crackling in front of him. He beat a retreat with all speed.

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