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Désir.
J. LE GALLIOT
Agrégé de l’Université
Maitre-Assistant
de Linguistique Française
à l’Université de Paris X
avec la participation
de
SIMONE LECOINTRE
Agrégée de l’Université
maître-assistant à l’Université
de Paris-X
et de
ROLAND LE HUENEN
PETER NESSELROTH
PAUL PERRON
Professeurs à l’Université
de Toronto
Psychanalyse et langages
littéraires
théorie et pratique
NATHAN
UNIVERSITÉ
INFORMATION
FORMATION
Sommaire
Couverture
Présentation
Page de titre
Introduction
Chapitre 1
1. - La topique freudienne
1. LA PREMIERE TOPIQUE :
INCONSCIENT/PRECONSCIENT/CONSCIENT
SURMOI
a) Le Ça.
b) Le Moi.
c) Le Surmoi.
PSYCHIQUE
1. LE PRINCIPE DE CONSTANCE
2. LE PRINCIPE DE PLAISIR/DEPLAISIR
3. LE PRINCIPE DE REALITE
4. LA COMPULSION DE REPETITION
1. CONFLIT/CENSURE/DEFENSE/ REFOULEMENT
2. FIXATION ET INVESTISSEMENT
Chapitre 2
2. - Le développement de la personnalité
I. LES STADES
1. LE TRAUMATISME DE LA NAISSANCE
2. LE STADE ORAL
3. LE STADE SADIQUE-ANAL
4. LE STADE PHALLIQUE
1. LE COMPLEXE D’ŒDIPE
2. LE COMPLEXE DE CASTRATION
III. SCENE PRIMITIVE ET ROMAN FAMILIAL
V. L’ETERNEL RETOUR
I. L’ACTE MANQUÉ
1. LA CONDENSATION
2. LE DEPLACEMENT
3. L’ELABORATION SECONDAIRE
AUTEUR/ŒUVRE/LECTEUR
1. - Le champ freudien
SPECIFIQUES
TRADITIONNELLE
1. CREATION ET REPRESENTATION
2. LE « PRIVILEGE » DU CREATEUR
3. CREATION ET AUTODESTINATION
littéraire
I. LE SCHEMA DE LA COMMUNICATION
LINGUISTIQUE
LITTERATURE »
PSYCHE
I. L’IMAGERIE « ORNEMENTALE »
LANGAGE
L’HOMOLOGIE
3. L’OSCILLATION METAPHORE/METONYMIE
ET L’INCONSCIENT
2. - Le champ symbolique
LITTERAIRE
3. - Le domaine mythique
I. CONTOUR DU MYTHE
1. L’IMAGINAIRE MYTHIQUE
4. - Psychanalyse du roman
I. LE PERSONNAGE ROMANESQUE
DU ROMAN
3. ROMAN ET DESIR
I. THEATRE ET PSYCHANALYSE
1. LA LECTURE-INTERPRETATION DES TEXTES
2. LE FAIT THEATRAL
1. L’EFFET DE COMIQUE
2. L’EFFET DE TRAGIQUE
I. LA PSYCHANALYSE ET LE PROBLEME DE LA
LECTURE
1. - L’analyse thématique
I. PRESUPPOSES THEORIQUES
II. LA METHODE
2. - La psychocritique
I. PRESUPPOSES THEORIQUES
1. LA PSYCHOCRITIQUE ET L’INCONSCIENT
2. LA PSYCHOCRITIQUE ET LA CREATION
LITTERAIRE
II. LA METHODE
III. PRATIQUES
MYTHIQUES
PERSONNEL
1. - Le projet sartrien
EXISTENTIELLE
1. METHODOLOGIE
2. IMPLICATIONS
Saint-Genet
1. LA DISSOLUTION DE L’ETRE.
2. LA CREATION SALVATRICE
I. FLAUBERT ET SARTRE
V. LA « SPIRALE » SARTRIENNE
3. LE STIMULUS
4. NEVROSE ET NECROSE
DU PERE »
I. LA PSYCHANALYSE DE L’AUTEUR
1. - De la lettre au sujet
I. LE SENS DE LA LETTRE
V. LE TEXTE A LA LETTRE
2. LA THEORIE DU SUJET
2. - Le désir à la lettre
I. VERITE ET SAVOIR
1. - La logique du texte
2. - La signifiance et sa « science »
I. LA SEMANALYSE, « SCIENCE » DE LA
SIGNIFIANCE
TRAVAIL DU POETIQUE
3. - L’expérience poétique
I. LA LOGIQUE DU TEXTE
4. - Lire le texte
I. L’AUTRE SCENE
II. LA TRANSPOSITION
III. LA NEGATIVITE
Annexes
ANNEXE I :
ANNEXE II
ANNEXE III
ANNEXE IV
BIBLIOGRAPHIE CONCERNANT
Conclusion générale
Compléments bibliographiques
JEAN LE GALLIOT
Notes
Copyright d’origine
Achevé de numériser
Introduction
œuvres d’art est à bout de souffle ». Le propos serait plus convaincant s’il ne
1
créateur , ce qui tendrait à prouver a contrario qu’il n’est peut-être pas trop
tard et que tout n’est pas encore dit. Et même s’il en allait ainsi et que, « à
analytique hors du champ de la cure. N’est-ce pas, de leur part, faire preuve
n’a-t-elle pas été confortée en ses origines par les matériaux que l’art lui
apportait et qui ont servi, autant que la cure directe et peut-être davantage,
démonte des mécanismes, car elle est analyse ; l’art est synthèse : il utilise
2
les mécanismes pour créer », art et psychanalyse ne sont-ils pas concernés
langage obéissant à des lois dont les sciences humaines ont à connaître.
C’est pour cette raison qu’à plusieurs reprises, l’articulation de notre propos
textes d’autre part, c’est parce que l’on a estimé que ce préalable théorique
n’était pas utile à notre propos et que l’on pouvait profiter, sans le discuter,
culturelle.
hâtif, soit de refus global, soit d’enthousiasme naïf, constituent les effets
avec les démarches critiques appliquées à ces langages quand elles sont
psychanalyse de l’auteur ;
soit sur l’œuvre littéraire en tant que produit fini témoin d’une « autre
science dont ce lecteur aurait ignoré jusqu’aux rudiments ? Cela n’a pas
ne lire dans un texte que ce qu’il semble dire, position faussement objective
elle traite. Ce que doit faire le critique littéraire en tout premier lieu, c’est
que l’on épouse la démarche analytique, fût-ce à propos d’une œuvre d’art,
engagé lui aussi dans cette aventure, et qui en a assumé les risques : « La
l’audace de rester seuls face aux livres, de reconnaître en eux notre propre
Ce qui implique, on s’en doute, une autre manière de lire, qui n’est pas
le sait, se déroule sans but apparent, au gré des associations, sans souci de la
voix, mais insistant, assourdissant. Discours sans queue ni tête, mais où tout
a un sens, les silences comme les accents, les lapsus comme les redites. La
l’analyste des traits secondaires par rapport à cette logique autre qu’il
entend peu à peu se mettre en place. Tache sur le mur, dessin dans le tapis,
d’elle, dans ses pleins comme dans ses déliés. Aux enchaînements débridés
mais autrement.
faire jouer sur et avec elle-même. Relire, lire dans tous les sens, aller à
préconçue tel détail aussi bien que tel ensemble, pour revenir peut-être au
discours, au jeu de mots le plus banal, trop aveuglant pour être envisagé de
prime abord. En un mot accepter l’hypothèse d’un autre texte, le même que
celui de la première lecture, mais autre cependant. C’est la seule façon pour
PREMIÈRE PARTIE
LE SUBSTRAT CONCEPTUEL
1.
5
La topique freudienne
D’une manière générale, une topique est une théorie des lieux qui assigne
disposés dans un certain ordre les uns par rapport aux autres, ce qui permet
point de vue sur la vie psychique est en relation avec les théories
e
matérialistes du XIX siècle, qui rapportaient rigoureusement telle fonction,
1. LA PREMIERE TOPIQUE :
INCONSCIENT/PRECONSCIENT/CONSCIENT
en 1900 dans l’Interprétation des rêves (Die Traumdeutung, ch. IV). Elle
Utilisation fréquente, on s’en doute, et qui n’implique nullement que l’on ait
encore de soi et suppose que l’on ait dépassé le stade des résistances naïves
le Surmoi.
a) Le Ça.
somatique. On voit que les caractéristiques du Ça sont à peu près celles qui,
b) Le Moi.
le monde extérieur.
unitaire et stable, lucide et responsable, avait été mise en pièces bien avant
e
Freud, notamment lors des observations menées au XIX siècle sur les
maladies mentales. Mais les idées sur cette question demeuraient floues. Le
mérite de Freud est d’avoir montré que le Moi est une instance
traditionnelle. Mais inconscient aussi, et pour une large part, car c’est le Moi
Pour résumer ce conflit, Freud écrit : « Wo Es war, soll Ich werden. » Phrase
indique : « Le Moi doit déloger le Ça », ce qui implique que le rôle du Moi
Moi serait donc dans cette perspective, non le gendarme du Ça, mais une
c) Le Surmoi.
d’instance morale intériorisée dont le « rôle est assimilable à celui d’un juge
de la vie, le Surmoi, s’il censure et refoule les pulsions du Ça, remplit cette
PSYCHIQUE
2. LE PRINCIPE DE PLAISIR/DEPLAISIR
tout comportement est déterminé par une excitation désagréable (la soif me
ou à la création imaginaire.
3. LE PRINCIPE DE REALITE
psychanalytique n’est pas lié à la seule satisfaction des besoins vitaux, mais
plus courtes, mais emprunte des détours et ajourne ses résultats en fonction
4. LA COMPULSION DE REPETITION
pas, que l’échec n’éclaire pas le sujet sur lui-même et que le désir est le plus
de la vie psychique.
de ce réel qu’est l’œuvre, ils ont tendance ensuite à inclure dans la réalité
l’objet d’art.
refoulement.
conduit Freud à corriger cette première théorie des pulsions. L’un des agents
entre les. pulsions du Moi et les pulsions sexuelles. Il préfère postuler que
« la libido est l’énergie générale des pulsions sexuelles investies sur le Moi,
sur autrui et sur les choses... Bien que pouvant entrer ultérieurement en
enfin Freud, dans une dernière étape, à distinguer entre les pulsions de vie et
Les pulsions de vie, que l’on désigne aussi sous le terme générique
d’Eros ont pour but de constituer des unités toujours plus grandes et de les
dans une unité plus vaste qui les transcende) qu’aux pulsions
différenciés :
— En premier lieu, les rêves diurnes, les rêveries, les fictions que le sujet
fantasme, qui est « la mise en scène du désir, mise en scène où l’interdit est
D’où il suit que le fantasme est le lieu d’élection où l’on cernera au plus
ou retour du refoulé.
1. CONFLIT/CENSURE/DEFENSE/ REFOULEMENT
vie et l’instinct de mort, etc. L’unité du concept de conflit réside dans le fait
que si l’un des deux termes de l’opposition est variable, l’autre terme
La censure est une « fonction qui tend à interdire aux désirs inconscients
biologique » (Vocab., p. 108). C’est le Moi qui est l’agent principal de ces
2. FIXATION ET INVESTISSEMENT
Les deux notions ont des points communs : la fixation est le « fait que la
Le développement de la personnalité
génitalité, qui n’en est que l’une des composantes. Si la sexualité en effet,
l’ensemble des traits qui différencient les deux sexes (organes génitaux et
qui traduisent cet appétit de plaisir dont l’orgasme n’est qu’un aspect. C’est
pourquoi, dans cette acception plus large, on pourra parler, par exemple, de
la sexualité du nouveau-né.
Lagache, p. 29.)
développement.
I. LES STADES
1. LE TRAUMATISME DE LA NAISSANCE
Encore que l’on se situe ici sur un terrain assez mouvant, il apparaît
première séparation.
2. LE STADE ORAL
p. 457). Durant ce stade, l’image de la mère qui procure la nourriture est
et de régressions.
de l’évolution.
3. LE STADE SADIQUE-ANAL
d’une part l’expulsion des matières fécales est ressentie comme une
bien mis en relief les valeurs symboliques du don et du refus qui s’attachent
à l’activité de défécation.
4. LE STADE PHALLIQUE
masculine, aussi bien chez la femme que chez l’homme », et que la notion
pas en effet entre un organe mâle et un organe femelle, mais entre un organe
C’est au cours du stade phallique que les tendances qui portent l’enfant
vers les adultes qui l’entourent vont prendre des tonalités affectives
conduit à nouer dans l’enfance, et elle est tout à fait normale. Ce qui est
1. LE COMPLEXE D’ŒDIPE
hostiles que l’enfant éprouve à l’égard de ses parents. Sous sa forme dite
sexe opposé. En fait, ces deux formes se retrouvent à des degrés divers dans
comportements.
pénis.
s’identifier à son père. Etape décisive puisqu’il renonce à ce qu’il veut avoir
(sa mère) pour investir dans ce qu’il veut être (son père), mais qui n’est pas
souffrir, soit par crainte d’être détruit par elle (angoisse de castration). Un
attachement trop tendre et exclusif du garçon pour son père dans la première
et, d’une façon générale, de cette homosexualité latente qui, à des degrés
2. LE COMPLEXE DE CASTRATION
Ce complexe est en relation étroite avec l’Œdipe. Il est décrit par Freud
« attribuant un pénis à tous les êtres humains, ne peut expliquer que par la
castration la différence anatomique des sexes » (Vocab., p. 75). Pour Freud
terminale de l’Œdipe, puisque le sujet redoute d’être châtré par son père,
que s’il surmonte cette crise de la castration que le garçon pourra s’identifier
fille se sent lésée par rapport au garçon et désire posséder comme lui un
pénis ; puis cette envie du pénis prend dans le cours de l’Œdipe deux
formes dérivées : envie d’acquérir un pénis au-dedans de soi
La scène primitive (ou originaire) est une « scène de rapport sexuel entre
l’enfant » ; le rapport sexuel des parents est « compris par l’enfant comme
ancrée dans la psyché qu’elle peut fort bien, sous une forme mythique et
Le roman familial, qui trouve son origine dans le complexe d’Œdipe, est
lequel l’enfant se complaît à modifier la nature des liens qui l’unissent à ses
V. L’ETERNEL RETOUR
son passé infantile. Bien entendu, les formes de régression sont très
pas à prendre au sens réel : il ne s’agit pas d’un retour physique aux stades
s’effectuer que dans et par le langage. Ce qui fait retour, c’est une forme de
Parmi les instruments utilisés par Freud pour vérifier ses intuitions et
création imaginaire.
I. L’ACTE MANQUÉ
Un acte manqué est un « acte où le résultat visé n’est pas atteint mais se
trouve remplacé par un autre » (Vocab., p. 5). Par un paradoxe aisément
moment dans ce que l’on appelle une formation de compromis (ou forme
de refoulement.
part que l’Inconscient ne se déploie dans le rêve qu’après avoir été l’objet
second lieu à la censure. Le postulat fondamental est ici que « tout rêve se
l’angoisse que le sujet éprouve est comme l’autopunition d’un désir éprouvé
langage.
du rêve, qui est l’« ensemble des opérations qui transforment les matériaux
1. LA CONDENSATION
2. LE DEPLACEMENT
privilégié : c’est ainsi qu’il arrive souvent que les éléments les plus
représentations sont investies d’une façon plus stable » (Vocab., p. 341).
3. L’ELABORATION SECONDAIRE
phase du travail du rêve s’applique donc à des produits qui ont déjà subi les
la vie psychique. » Ainsi que Paul Ricœur le rappelle dans son livre De
l’interprétation, Essai sur Freud (Le Seuil, 1965, p. 161-162), le rêve a
valeur de modèle pour toutes les formations inconscientes, et cela pour toute
qu’il nous donne ainsi accès à un phénomène général qui est au cœur
LECTURES COMPLEMENTAIRES
Fayard, 1971.
1955.
Payot, 1960.
E. Jones, Théorie et pratique de la psychanalyse, (Papers on
DEUXIÈME PARTIE
DE L’AUTEUR A L’ŒUVRE
SECTION 1
LA CRÉATION LITTÉRAIRE ET LA
RELATION AUTEUR/ŒUVRE/LECTEUR
1.
Le champ freudien
6
que dans ses applications à la médecine et aux autres sciences humaines ».
Freud une véritable fascination. Quelles sont les raisons de cet intérêt
persistant ? Certes, on peut avancer que Freud était un lettré, dont la double
ans plus tard, dans le Court Abrégé de Psychanalyse, on peut lire : « Les
artistique ne sont pas des tâches pour la psychanalyse. Mais il semble que la
psychanalyse est en position de dire le mot décisif pour toutes les questions
qui concernent la vie imaginaire des hommes. » Le rapprochement des deux
principes.
Il n’en reste pas moins que les travaux de Freud qui sont en rapport avec
porter d’estimation esthétique sur l’objet d’art, d’autre part ne pas pouvoir
volontaires, Sarah Kofman (op. cit., p. 12-13) ajoute que si l’on s’en tient à
discours, ce qui inviterait « à lire dans (son) texte autre chose et plus que ce
effet que l’une des extensions possibles dont on a parlé plus haut. Mais la
freudienne de l’art. Elles sont à cerner dans une double perspective : les
avec la réalité.
Pour mieux éclairer le glissement par lequel Freud en est venu à passer du
qui devrait le pousser à la vengeance est remplacée par des remords, des
conscients ce qui demeure inconscient dans l’âme du héros ; si l’on dit après
expliqué dans Hamlet que ses propres sentiments. Georges Brandes indique
dans son Shakespeare (1896) que ce drame fut écrit aussitôt après la mort
relations du fils avec ses parents, Macbeth, écrit vers la même époque, a
pour sujet l’absence d’enfant. De même que tous les symptômes
création poétique, jaillie des émotions de l’auteur, pourra avoir plus d’une
interprétation. J’ai essayé ici d’interpréter les tendances les plus profondes
de l’âme du poète. »
qui la manifeste également dans une autre pièce, Timon d’Athènes. Si bien
que l’on comprend après coup que la névrose dont il s’agit ici n’est pas celle
justifier, avec l’analyse des symptômes de l’auteur » (J.-L. Baudry, op. cit.,
c’est justement parce qu’elle n’est pas ressentie comme une confusion, mais
comme une évidence qu’on pourrait formuler ainsi : « Dis-moi qui tu crées,
et je te dirai qui tu es. » Si Hamlet est névrosé, c’est parce que Shakespeare
est hystérique.
contenus latents des rêves les plus symptomatiques peuvent s’y déployer
hors de toute censure. On postule donc que l’on peut cerner, dans l’objet
une jeune marcheuse, nomme cette jeune fille Gradiva (celle qui marche), et
se laisse aller à délirer à son sujet, jusqu’à se mettre en route pour Pompéi à
place du fantasme.
littéraire est le reflet d’un réel, même quand elle paraît n’être point
— ou bien l’œuvre littéraire n’est pas l’imitation d’un réel : quelle valeur
— ou bien l’œuvre littéraire est l’imitation d’un réel, et cette authenticité
doit alors aller jusqu’à englober les formations inconscientes qui s’y
s’agit est celle d’un fantasme. Et si l’on veut bien réfléchir au fait que le
l’art, pour hypothéquée qu’elle soit par une conception réaliste de l’objet
Il faut rappeler ici et une fois pour toutes que toute interprétation est
donc à la topique freudienne (cf. supra, p. 10) qu’il faut accepter ou rejeter
prétend pas fournir une explication totale de l’humain. Dans son livre De
l’interprétation, Essai sur Freud (Seuil, Paris, 1965), Paul Ricœur rappelle
considérables avec la cure classique. Le critique qui prend pour cible une
9
œuvre littéraire dispose d’un matériau fixé, intangible, un produit fini , non
susceptible d’évolution, soustrait aux repentirs et aux redites. On est loin ici
l’auteur, il faut souligner que la valeur de ces données est très relative. Elles
par des tiers au cours de la cure de son patient. Comme le rappelle Janine
10
Chasseguet-Smirgel , « l’interprétation (psychanalytique de l’œuvre
méthode analytique classique dans une situation qui ne l’est pas » (p. 50).
C’est en effet l’étude du travail du rêve qui permet d’avancer le postulat que
modèle onirique primaire. Cela aussi est un principe de base que l’on peut
dire que dans l’optique freudienne, toutes les formations culturelles, qu’il
s’agisse des religions ou des mythes, des objets artistiques ou des œuvres
déploie la pulsion. Mais elle participe aussi à la seconde topique (cf. supra,
p. 11) puisqu’elle met en jeu des rôles (le Moi, le Surmoi, le Ça) « qui sont
ceux d’une libido en situation de culture » (P. Ricœur, op. cit., p. 160). Si
l’on veut bien admettre enfin, dans une perspective encore élargie, que
réponses possibles d’Eros à la pulsion de Mort (cf. supra, p. 15), on voit
Il n’en est pas moins vrai qu’une réserve demeure, qui ne doit pas,
dit, une création durable de nos jours, et le rêve qui est, comme on sait, un
LECTURES COMPLEMENTAIRES
Pour rendre compte de cet effet de plaisir, Freud retient deux ordres de
facteurs :
— Des facteurs techniques, qui sont ceux du travail du rêve, axés sur la
Essais », Gallimard).
Tout ce qui est refoulé est inconscient, mais nous ne pouvons pas
affirmer que tout ce qui est inconscient soit refoulé » (cité par Anne
que « l’œuvre engendre son père, car les personnages doivent être
les interprète pas. Il ne fait donc pas œuvre de science. Il fait comme
s’il savait les mêmes choses. S’agit-il alors d’un savoir véritable, ou
telle, mais indirectement, projetée dans des œuvres d’art, dans des
p. 69-81). Le titre allemand, Der Dichter und das Phantasieren, est
l’imagination).
Pour Paul Ricœur (De l’interprétation, p. 167), « ce petit essai qui n’a
populaire où Freud constate que l’on rencontre les mêmes thèmes que
Moi », une opposition simpliste entre les bons et les méchants, etc.).
insatisfait » (P. Ricœur, op. cit., p. 167). Il faut néanmoins se garder
réflexion de Freud sur le plaisir esthétique a acquis avec les deux textes
toute sa cohérence.
Parmi les écrits esthétiques de Freud, cet article occupe une place
s’enfermer, vouée qu’elle semblait être « à faire du texte le reflet d’une
p. 368).
Dans Le thème des trois coffrets, Freud analyse l’un des motifs du
coffret de plomb sera élu, car ce coffret est celui qui contient le portrait
étrange qu’il a fait du plomb sur les deux autres métaux plus nobles.
le berger Pâris qui choisit la troisième déesse, Psyché et ses deux sœurs
des rêves, sont des figurations de la mort. Freud en déduit que le coffret
Essais », Gallimard).
Essais », Gallimard).
On consultera Paul Ricœur (op. cit., p. 170-171), Sarah Kofman (op.
B. APRES FREUD
d’analyse immanente de l’œuvre, sans oublier que cette œuvre n’est pas
l’Etoile.
Clancier Anne, Psychanalyse et critique littéraire, Privat, 1973.
lecteur (et de son plaisir), des symboles que transmettent les œuvres, du
l’artiste.
Mont-Blanc, 1952.
à-dire en lui faisant dire plus qu’il n’en dit dans sa littérarité. Selon
on en a aussi tracé les limites, celles-là mêmes que Freud avait suggérées, et
effet aux textes mêmes de Freud sur la création artistique, on doit tirer la
traditionnelle.
I. CREATION LITTERAIRE ET CRITIQUE
TRADITIONNELLE
« ces ailleurs indignes que sont... les bas-fonds de la psyché » (p. 37). Et
des significations.
l’écrivain garde prise entière, soit pour l’exprimer, directement ou non, soit
On ne prétendra pas ici que cet aspect de la critique soit totalement inutile
l’état de rêve » (Variété I, p. 56), elle peut légitimement conduire une
nouvelle imposture, J.-J. Pauvert, 1965, p. 69). Ouvert à de plus subtils
nous tirons de l’obscurité qui est en nous et que ne connaissent pas les
sommes nullement libres devant l’œuvre d’art, que nous ne la faisons pas à
notre gré, mais que, préexistant à nous, nous devons, à la fois parce qu’elle
est nécessaire et cachée, et comme nous ferions pour une loi de la nature, la
C’est vers cette latence de l’œuvre que se tournera, non pas contre la
1. CREATION ET REPRESENTATION
La distinction entre l’artiste-créateur et les autres n’est pas d’origine ou
dès qu’ils ont quitté le stade narcissique primaire, sont soumis de la même
manière à des pulsions en quête d’objets. Une situation de trauma est donc
des pulsions. C’est vers son passé narcissique qu’il est enclin à se tourner
2. LE « PRIVILEGE » DU CREATEUR
Mais privilège quand même, au moins pour les autres, puisqu’à partir d’une
représentation des images et des fantasmes liés aux pulsions est tout à fait
lequel celui qui n’est pas encore un créateur mais se trouve en voie de le
« Moi ».
3. CREATION ET AUTODESTINATION
Pas plus que ne doit être mise au compte d’un dessein volontaire la
puisse jouer un certain rôle dans la création littéraire, mais certainement pas
narcissique.
été créé par le sujet lui-même selon une filiation fantasmatique. Dans cette
pour n’être plus aussi intensément soumis aux pulsions et aux relations
objectales que suscite ce monde, et pour créer ainsi une sorte d’univers
n’interdit d’ailleurs d’assouplir le schéma. C’est ainsi que l’on peut situer à
plus que probable en effet que toute œuvre pleinement assumée passe par le
narcissique) pour produire une œuvre dont il est à la fois la mère, le père et
mesure où la création de cette œuvre lui a permis de naître une seconde fois.
l’édification du Moi, n’en est pas moins parvenu à nouer des liens positifs
ET LECTURES
la fonction.
l’écrivain est aussi celui qui joue avec le fantasme, qui se complaît à
du sujet que je jette sur la page ne peut plus arrêter » (Roland Barthes,
p. 140).
tira de moi
papa et maman
et la friture de ji en
Cri
au sexe (centre)
du grand étranglement
sement de la bière
(morte)
et de la matière
à Jizo-cri
quand de la fiente de
moi mort
fut tiré
le sang
dont se dore
dehors.
Pas d’esprit
sans état,
un être,
moi.
kha dou
khouda
khounde davagu
ounde
datro
khadou
khoundangu
khounde
datro.
littéraire peut être cerné dans les conflits qui éclatent parfois entre le
suivante :
d’une extrême rigueur avec laquelle l’écrivain ne peut pas tricher, sauf
toutes les autres se subordonnent » (op. cit., p. 352). Dans le cas
p. 353). Bien entendu, c’est le contentieux avec la Mère qui est ici en
d’une vie entière convertie en écriture » (op. cit., p. 353). Ainsi, la
création littéraire sera cette catharsis qui effacera par la beauté le crime
déchirement.
5. Surréalisme et psychanalyse
françaises, juin 1955, n° 7, p. 5-22), Yvon Belaval rappelle que les
surréalistes acceptent généralement les principaux concepts freudiens :
l’usage doit être « déréglé et passionnel ». Pour Reverdy, elle n’est plus
du désir. »
« livre les mots au désir », était vain. Comme le soulignait Eluard, « on
primordiale : le nom, bien qu’il soit pris dans une lignée, constitue
aussi une origine dès qu’il est associé à la première œuvre, il est
pseudonyme.
siècle met en évidence que l’art semble s’affranchir de plus en plus des
de style que l’on postule parfois une « liberté » pour l’art dans les
(Chine populaire). Sur les terres éclairées par les soleils marxistes, le
BIBLIOGRAPHIE
France, 1974.
p. 83-100. L’auteur rappelle que, selon Freud, la beauté étant l’arrêt des
suffisamment compte de la force d’Eros quand elle lie entre elles des
significations closes.
numéro spécial).
p. 301 à 320.
p. 43-77.
littéraire
d’abord ce n’est pas le rêve rêvé qui peut être interprété, mais le texte du
récit du rêve ; c’est à ce texte que l’analyste veut substituer un autre texte qui
serait comme la parole primitive du désir ; ainsi c’est d’un sens vers un
autre sens que se meut l’analyse ; ce n’est point le désir comme tel qui se
Le texte littéraire, on s’en doute, occupe une place privilégiée parmi ces
l’œuvre littéraire.
I. LE SCHEMA DE LA COMMUNICATION
LINGUISTIQUE
interlocuteur possède exactement les mêmes propriétés que l’autre. Ainsi les
cette dualité apparente correspond à la propriété d’un sujet unique, qui est le
LITTERATURE »
les traces sont repérables. C’est ainsi qu’il existe un donateur du récit et un
destinataire du récit (cf. Communications n° 8). Et quel que soit le type de
discours littéraire examiné (un récit purement historique où le je de l’auteur
texte alors que le destinataire dont il est question ici ne peut recevoir, de par
traditionnelle (le public, le lecteur, l’autre, etc.), on peut encore douter que
que tout acte de langage implique un sujet qui n’est pas seulement parlant,
condition a pour effet que la relation établie par l’auteur avec le destinataire
imaginé, une réponse qui l’assujettit à son tour. Echange complexe, qui
porte la double trace du désir, et qui se situe bien au-delà de ce dialogue naïf
« communication » littéraire.
son propre désir dans le texte de l’autre, la contrainte initiale est finalement
l’instance de désir. Roland Barthes l’a dit, et fort bien : « Ainsi tourne la
1.
I. L’IMAGERIE « ORNEMENTALE »
souligner que l’on se situera ici dans une perspective génétique, et non
esthétique ou structurale.
psychanalytique.
L’analogie constatée entre le rêve et l’œuvre d’art (cf. supra, p. 37) rend
l’inconscient.
si l’on pose que les images sont une révélation de et sur l’inconscient,
textes qui ne sera ni le répertoire des effets de réel (le monde des
l’auteur), mais une troisième voie encore étroite qui tentera d’approcher ce
existentiel.
Toute chaîne discursive peut être envisagée selon deux perspectives : celle
discours :
suivante :
(x)
14
non nommé dans le texte .
2. Les deux substances sont nommées : c’est la métaphore in praesentia :
Partir vers l’infini les arbres pèlerins. (E. Verhaeren, Les Vieux Soirs.)
x y
1972, p. 354).
nécessairement dans une langue,. ce qui revient à dire qu’il est appris,
avec lesquels il finit par s’unifier » (p. 85), alors que le symbolisme de
que (les symboles) ne sont ni appris ni reconnus comme tels de ceux qui les
produisent » (p. 85). Ainsi tout paraît bien militer contre tout essai de
naturelles.
acquise. Elle n’est plus vraie si l’on veut bien admettre que la langue n’est
le lieu enfin où un sujet spécifique manifeste son désir. Sujet qu’il faudra
bien entendre d’une autre manière que ne le font généralement les théories
fantasme !
C’est sans doute parce que le langage se déploie parfois autrement que
que l’on a pu tenter de l’articuler au désir. Mais par des voies de biais, des
p. 145, à propos des Essais de linguistique générale, éd. de Minuit, 1963,
même Jakobson élargit son propos et souligne que cette dualité est dotée
d’une généralité maximale et qu’elle peut être étendue à toute une série
par exemple, en un autre lieu, et avec une toute autre perspective que la
confronté à tel rêve que lui raconte un de ses patients. Celui-ci, par
16
exemple :
« La place déserte d’une petite ville ; c’est insolite, je cherche quelque
une licorne croise notre chemin ; nous marchons tous les trois vers une
Quand à la suite d’un travail patient, l’analyste aura cerné dans le texte de
rêve tout entier au désir de boire, il restera frappé par un double mécanisme
pour étancher la soif refoulée d’un corps interdit, celui de la jeune femme du
rêve, etc. C’est dire que l’interprétation du rêve devra postuler l’existence de
deux chaînes : une chaîne manifeste qui réunit les éléments du texte et du
rêve, une chaîne inconsciente dont ces éléments constituent des maillons à
déploie toute activité de langage. Ce n’est pas extrapoler que d’en déduire
que les processus primaires du psychisme et les lois du langage sont entre
rapport aux deux points particuliers de la chaîne signifiante qui font l’objet
substitution est de ne point opérer sur des termes synonymes, mais sur des
commun aux termes mis en rapport (cf. supra, p. 62). Ce maintien ne
problème que l’on ne peut résoudre d’un mot. Jean-Baptiste Crevier notait
semble bien que cette irruption ne fait que souligner la mise en avant de ce
mais qu’il désigne et masque en même temps le manque que le désir creuse
celui qui désigne, recouvre et masque la béance du sujet, ou, si l’on préfère,
p. 108).
c) L’« autre chaîne »
En évoquant plus haut le procès métaphorique, on a postulé que toute
chaîne signifiante était doublée d’une chaîne latente qui figurait en quelque
latente ne peut être ni comparée ni à plus forte raison assimilée à une chaîne
opératoire dans la mesure où les matériaux véhiculés ici sont des images et
non des signes linguistiques. C’est dire que le langage de l’inconscient n’est
encore ce discours s’il ajoute que l’écrivain dépasse ainsi ses propres limites
sémantique attendue. Car c’est prendre encore une fois l’effet pour la cause.
l’œuvre littéraire une place privilégiée, ce n’est pas dans une perspective
entre les deux pôles par lesquels l’inconscient du sujet affleure dans le
vrai qu’il arrive à la figure de discours de dire parfois l’indicible, mais pas
ainsi que l’entendait la critique traditionnelle. Elle dit en effet le désir qui ne
s’avoue pas, la pulsion qui se refoule, le fantasme qui s’ignore. On sait que
PRATIQUES
littéraires peut revêtir des formes très diverses. Nous en présentons ci-
17
dessous deux exemples inédits , sans prétendre naturellement qu’ils
Texte (p. 57) : « ... pilon rouge entrant et sortant immobilisé soudain
chiens collés la sueur refroidissant sur leurs corps nus des oreilles
blanche découvrant ses fesses callipyge chair d’un blanc bleuté aux
L’emploi du terme pilon pour désigner le sexe mâle, s’il n’est pas
guère dans la suite du texte. On propose de voir dans cet usage du mot
plaisir esthétique d’une métaphore bien en place. Car pilon n’est pas
mâle : le pilon est un instrument qui pénètre mais dont l’action est
interrompue brusquement dès qu’il bute sur une certaine paroi, qu’il
souffrais pas ce fut simplement plus tard que je sentis quelque chose de
son sur les épaules. Le corps dans son ensemble forme une masse
bosselée, rocailleuse. La tête est séparée du tronc par une ligne nette,
un peu au-dessus des épaules, à partir de laquelle la peau, ainsi que
celle du visage, est d’une couleur brique, comme si la tête était faite
d’une autre matière que celle du corps, comme celle d’un guillotiné,
celle des mains, est plus rugueuse que celle, très lisse, du corps. Au
18
perte du pénis à la vue de l’organe féminin , et que cette peur affleure
d’abord par la description la tête est séparée du tronc par une ligne
raidi et tendu, la peau du fourreau, qui évoque l’image du cou posé sur
19
être déplacé du pénis à l’œil (voir l’aveuglement d’Œdipe) . Dans le
qui surgit dans le discours simonien par le biais des images les plus
variées.
détecte d’abord les termes dérisoires tels cette espèce de tuyau (p. 19,
22, 44, 195), une épée de carton (p. 19, 195), fragile organe pendant
20
l’impuissance sexuelle : faisant le pont (p. 121, 213, 245) , chacun
des vaincus jetant javelots pilums et épées (p. 39), glaive étincelant [...]
arme mal assurée déséquilibrée tombant sans fin (p. 61). Enfin, les
congestionnée (p. 57, 62), dans le signifiant oreille (p. 24, 57, 58, 75,
à la révolte :
saisons champêtres
repas nécessaires
inoubliables morts
(mes villes aux pauvres pauvres dans l’aisselle des coffres mes
agités
futiles
travailleurs)
et la colère
petit homme
avec ta faim
(ou son absence) n’est pas seulement la motivation concrète qui incite
activité.
Psaume pour une révolte de terre à cette théorie des pulsions qui, selon
22
le mot de Freud, « est pour ainsi dire notre mythologie ». Mythologie
conscience d’un joug social qu’il faudrait briser. Ainsi les lexèmes
23
inversement : le non-vivant est antérieur au vivant . » Le
à l’inanimé, se manifeste chez l’être humain par ces détours que sont le
colère.
Vie se manifestent dans les images de temps cyclique : les jours au jour
Le champ symbolique
symbolique est cette fonction très générale selon laquelle l’esprit humain
restrictive qui voit dans le symbole un signe qui veut exprimer autre chose
désignation), ajoute un autre sens au sens manifeste. Et c’est cet autre sens
construit à partir d’un sens premier littéral qui fera l’objet du travail
ou d’écoute.
est y. Dans Booz endormi, la lune est « cette faucille d’or ». A partir de ce
explicitement, comme elle pouvait l’être entre pilon et membre viril dans le
tome I, p. 484), Paul Valéry écrit : « J’imagine ce poète un esprit plein de
puissance qui est sa proie. Là... une mystérieuse Arachné, muse chasseresse,
mort. Mais quel est le facteur qui a conduit à cette interprétation symbolique
de l’araignée ? C’est essentiellement le fait que Valéry a utilisé le terme
Moi. La métaphore vaut pour elle-même et elle épuise d’emblée et d’un seul
sémantique évoquée plus haut (cf. supra, p. 65). Le symbole ne vaut que par
sa réitération. C’est cet emploi répété qui lui permet de dire autre chose que
ce qu’il dit et de confirmer ce dire. C’est cette répétition aussi qui constitue
usées qui ne transgressent plus rien (le pied de la table par exemple), il
trois :
Vie, etc. — c’est la parole qui dit l’expressivité cosmique par la grâce
du double sens des mots terre, ciel, eau, vie, etc. L’expressivité du
monde vient au langage par le symbole comme double sens » (op. cit.,
p. 23-24).
puisque « c’est le rêve qui, toute question d’école mise à part, atteste
que sans cesse nous voulons dire autre chose que ce que nous disons »
(op. cit., p. 25), même si, comme il arrive souvent, l’inconscient
individuel recoupe et reproduit l’inconscient collectif, ce qui inviterait
langage.
n’y a pas de symbole sans langage, d’où, de toute façon, la nécessité de lire ;
Dès qu’il s’agit de symboles en effet, deux écoles sont en présence qui
interprétative. Ce clivage n’est pas étranger à notre propos, il est l’une des
ne sera donc pas perçu comme la manifestation d’un contenu latent, mais
comme un simple signe dont le sens devra être saisi dans un réseau
sens caché ou secret : il est l’un des éléments d’un système signifiant qui
que par ce qu’il traduit d’une dynamique expressive qui prend sa source
interprétation restrictive.
le symbole est motivé par le « principe de plaisir », qui fait lui-même l’objet
ou à une partie du corps sur lesquels la pensée consciente a fait peser une
résultant d’un accord entre les désirs et les objets de l’environnement social
25
primat total de l’imagination. Comme l’écrit Hélène Tuzet ,
conçoit dès lors que pour Bachelard, le symbole ne soit pas, en tant
exégétique ». Notre intention n’est pas de prendre ici parti pour ou contre
donc fallu choisir, et, dans le cadre de cet ouvrage, nous avons choisi.
d’ailleurs en cela la leçon de Freud, pour qui cette activité constitue l’un des
d’esprit, acte manqué, etc.). Il apparaît clair en effet que si « le symbole est
27
le signe figuré d’un désir ou d’un conflit de désirs », et si l’art, — comme
frappé par le nombre des symboles qui renvoient à ces obsessions. C’est
d’une image que si l’un des termes de la comparaison est refoulé. C’est dire,
stylistiques sur l’oreille d’une jeune paysanne qui subit avec réticence le
30
rapport conjugal par crainte de la grossesse . Dans l’économie
et neutres, acceptables en outre par un public beaucoup plus étendu. Par ces
confus des pulsions partielles liées aux fantasmes refusés par la répression
unanime de la part des créateurs ou des critiques. Dans Le livre à venir par
protester contre l’inéluctable : que l’écrivain, pas plus qu’un autre, n’est le
maître de son inconscient, et qu’il n’a pas de prise directe sur la symbolique
probablement mortelle, et c’est son risque majeur, que de suppléer coûte que
PRATIQUES
32
Lecture symbolique de la Chevelure, de Charles Baudelaire
symbolique par l’acquisition d’un sens supplémentaire qui lui est imposé
33
par une surdétermination contextuelle . Autrement dit, au signifié que
de nous livrer un sens latent aussi bien qu’un sens manifeste. « L’ambiguïté
p. 478.)
22 : dans ce noir océan qui contient l’autre. Le lecteur sait, dès la première
strophe, que la chevelure est une synecdoque pour la femme, par le fait que
35
appelle le déplacement . Ces procédés permettent au thème fétichiste du
poème de s’inscrire dans une forme qui lui est propre et forcent le lecteur à
replacer ce qui avait été déplacé, à restituer le signifié latent. Le poème fait
allusion, deux fois, au sens enfoui sous l’apparence : au vers 4 Les souvenirs
absent, presque défunt/ Vit dans tes profondeurs... Ce monde est ressuscité,
l’articulation des deux codes, car si moutonner sur une chevelure signifie
donc une réciprocité dans cet isomorphisme dont le verbe onduler forme la
resurgir le sens littéral, mais dormant, des métaphores aquatiques aux vers 9
amour, nage sur ton parfum, aux vers 21 et 22 : Je plongerai ma tête... aux
vers 16 et 17 :... où mon âme peut boire/A grands flots..., ainsi qu’au vers
11, où il s’agit d’énergie :... l’arbre et l’homme, pleins de sève. C’est aussi
le cas dans la strophe finale où le procédé produit un effet d’ironie, qui est
dû au double sens du mot gourde (vers 34), le poète indiquant par-là qu’il
n’est pas dupe de la vraie nature de celle qui symbolise l’Idéal. Cependant,
tresses, soyez la houle qui m’enlève, et par l’échange d’épithètes (vers 14 :
mer d’ébène, vers 26 : cheveux bleus) ; les deux codes, qu’ils soient séparés
sémiotique semblable : dans J’irai (v. 11), je plongerai (v. 21) et mon
vers 11 signifie pas ici, et comme les lieux qui suivent le pronom relatif où,
dans les vers 11, 16 et 18, évoquent un paysage positif qui est l’inverse des
chaleur (v. 20) et l’azur du ciel immense et rond sont l’antonyme du ciel bas
38
et lourd qui pèse comme un couvercle du dernier Spleen .
synesthésie.
opposition entre les deux sens est analogue aux deux principes
entre les deux types de procédés avait déjà été soulignée, dès 1956, par
contenu fera apparaître toutes les variétés de la métaphore, car c’est d’une
39
affectives . »
Le domaine mythique
I. CONTOUR DU MYTHE
Dans son acception la plus générale, le mythe est un récit des temps
légitimité.
La mythologie (ou étude des mythes) classe les mythes en cinq sous-
ensembles :
c) les mythes étiologiques qui expliquent l’origine des êtres et des choses
aire spécifique de répartition des mythes. C’est aux légendes et aux mythes
thèmes que recouvrent ces mythes sont des thèmes universels, non limités à
C’est en 1900 que, dans la Science des Rêves, Freud propose une
incestueux contenu dans la légende grecque (cf. supra, p. 20). Ainsi, l’étude
40
consolidaient les rapports de la mythologie et de la psychanalyse .
1. L’IMAGINAIRE MYTHIQUE
s’applique aussi bien au mythe qu’au rêve et, dans un premier temps, la
p. 189 et 214).
remanié par d’autres individus du même milieu, filtré pour ainsi dire dans
sujet que le mythe d’Œdipe constitue une exception, tant son contenu
p. 413-414).
structurales impératives.
hero — Faust or Don Juan, the picaro, the rogue-artist, the various lords of
misrule — can be felt as gods dying with or without rebirth. Virtually any
heroine can find her place in the Jungian pantheon of Virgin, Mother and
Crone. Even genres become the hardened crusts of myths. Comedy and
tragedy (as the death or triumph of a hero) are where the theory started.
Elegy, too, is obvious enough, as is epic : all self-respecting epics must have
Even pastoral has its link through the bonus pastor, the good shepherd, to
41
Christ, dying and reborn ». (The Dynamics of literary response, New
schéma suivant :
Dans ce schéma, le niveau essentiel est le niveau archétypal car c’est celui
discours.
envers son père peut aussi bien produire une situation de tragédie que
Pour mieux comparer les deux interprétations, on peut les représenter par
feuilleton rejoint les formes les plus basses du mythe, qui sont elles-mêmes
son originalité » (L’origine des matières de tables, p. 106). C’est même le
close, bien formée qu’elle est en son origine, elle devient indifférenciée, sans
1971.
Parque).
poétique bien connue : les êtres humains, à l’origine, ont été coupés en
d’un paradis perdu, la nostalgie d’un état paradoxal dans lequel les
monde extérieur soit comme l’un soit comme l’autre, même s’il garde
seulement à un mythe étiologique (cf. supra, p. 84), mais bien à une
de la même source. L’union entre frère et sœur serait donc plus étroite,
Au héros de Bany, le lien d’amour entre lui et sa sœur semble plus pur,
plus parfait que les relations qu’il a eues avec d’autres femmes. En
outre, ils sont jumeaux, unis par conséquent par le lien le plus fort qui
puisse exister entre deux êtres. Et elle meurt dans un bain de lait,
chambre, il n’y avait qu’un lit. Celui de notre seul amour possible
(p. 18). Avec elle, il sent qu’il pénètre dans un autre monde, et c’est ce
sociale : Nous sommes d’un seul coup dans un autre monde. Un monde
pourtant. Et frère et sœur surtout. Une façon d’être et d’avoir été qui
laid : Les femmes ? J’ai aimé une femme. Maintenant, elle couche avec
ses gros seins [...] Elle n’est pas si laide que ça, pas si grosse. Je l’ai
dans laquelle les frontières de chaque être s’estompent : Son odeur est
caresses, nos mots, nos cris, tout est moi (p. 19). Et déjà la finitude
même voix. Presque la même voix. Des mains longues aussi, les
siennes un peu plus fines. Sans cheveux, elle était comme un homme
gracile... Et moi, dans mon grand amour, dans ma folie, comme une
femme (p. 40). On ne peut s’empêcher ici de citer Lou Andréas
féminin que deux êtres ne sont plus qu’un et qu’ils n’ont plus pour but
47
d’être dressés l’un contre l’autre . »
mais il ne peut y faire face. Freud écrit que lorsqu’un être humain perd
l’objet de son amour, la réalité lui démontrant que l’objet n’existe plus,
manifeste : Ma sœur est morte. Je suis elle. Je suis une femme (p. 76).
suis de plus en plus femme, au fil des heures, des kilomètres. Mon sexe
féminin. Nous sommes deux en un, nous dit-il (p. 130). Ce que nous
comme objet.
objet d’amour du même sexe que soi, mais il implique aussi d’être
bisexuel. En se présupposant androgyne, on tend à la totalité sexuelle
essaie de saisir cet au-delà, cet absolu, qui ne pouvait exister que
rêver la mort pour mourir. Il faut mourir. On ne meurt pas d’un rêve
Tel est ce texte, qu’une analyse trop rapide n’a pu que trahir en risquant
aimer qu’un autre être que soi-même ? Car il n’est plus ici question
d’exister selon le désir de l’Autre, mais selon son propre désir retourné
sur lui-même.
Mais il faut aller plus avant : ce récit, qui déroute l’analyste par son
Psychanalyse du roman
I. LE PERSONNAGE ROMANESQUE
(p. 86). Et il ajoute que les raisons de cette survalorisation tiennent aussi à
analystes, d’ailleurs, ne sont pas loin de partager dans la plupart des cas.
contre lui. Il n’est que de se reporter au débat qui, entre les deux dernières
50
François Mauriac à Roger Caillois , pour concevoir comment, à partir de
d’interpsychologie qui, pour être fictive, n’en est pas moins efficace et peut
personnage de roman, étant une créature de pure fiction, ne peut être conçu
comme doté d’un inconscient, on peut aisément rétorquer qu’à prendre les
Dans ces conditions, il est tout aussi légitime (ou aussi peu) d’attribuer des
l’autre de ces démarches sont aussi peu (ou tout aussi) acceptables. Et s’en
n’implique nullement que l’on adopte une démarche et non l’autre. Car les
51
Tvétan Todorov et l’analyse actantielle issue du projet de sémantique
52
structurale défendu par A.-J. Greimas .
reçu comme tel que s’il est inscrit dans le schéma général de la
53
contraire dans l’objectivité d’un récit à la troisième personne . Dans
effacé à restituer.
effective d’énonciation. Cette raison, qui est d’ordre idéologique, s’étaie sur
la conviction que la littérature ne vaut qu’en tant que s’y trouve impliquée
une certaine instance subjective. C’est d’ailleurs l’argument qui permet de
et pas de littérature.
posée par la théorie comme condition sine qua non à l’institution du texte
marques sont repérables, c’est dans un objet littéraire conçu comme un texte
personnage réel. On voudra bien admettre que l’on sort en ce cas d’une
théorie littéraire fondée sur la linguistique pour entrer dans une toute autre
démarche analytique. En fait, on constate une fois de plus (cf. supra, p. 58)
loquens » dans laquelle les fonctions syntaxiques ne sont que des rôles
joués par les mots (fonction « sujet », fonction « objet », etc.), il est
(op. cit., p. 173). Par structure actantielle, entendons ici la série des
54
l’opposant à l’adjuvant . On voit que cette analyse correspond à la
fait que dans tout modèle actantiel, le concept de désir joue un rôle
joué.
symbolique latent est une hypothèse générale qui relève du postulat selon
mythe d’un langage unilinéaire qui ne se déroulerait que sur un seul plan : il
sein maternel. Deux des collaborateurs du présent ouvrage ont étudié voici
prolifération des images. Quoi qu’il en soit, les auteurs sont parvenus, à
hommes.
supposant que l’on puisse montrer par la méthode structurale que la rêverie
avions faite, car tout récit se fonde exclusivement sur une structuration des
C’est par le recours à une lecture pluridimensionnelle qui ouvre vers les
de la rêverie dans le texte latent de Rousseau qui est celui où parle son désir.
naissance coupable. Le mythe essentiel des Rêveries est le pur produit d’un
une constatation, qui est une tautologie, et en une question, qui est pour le
moment sans réponse : dans tout texte romanesque, comme dans tout texte
genre, par l’étendue de son champ prospectif, par ses relations obligées à
du désir.
fiction mentale, un roman non écrit à usage interne, qu’il a ensuite refoulé
qu’il prend que ses parents ne sont plus ces puissances tutélaires auquel il
penser comme bâtard. Il conserve le lien qui l’unit à sa mère, relègue son
convoitée que parce qu’elle a été désacralisée, alors que le vrai père, objet de
alors toute une série de prolongements au drame originel, dans une infinie
liberté de création, ayant dérobé à son père le pouvoir d’inventer la vie, mais
qui est en fait le tribut d’un crime puisqu’il est celui du meurtre du père, ce
58
2. « ROMAN FAMILIAL » ET ROMAN LITTERAIRE
a) Le fantasme romancé
phantasme brut selon les règles établies par un code artistique précis, (le
p. 63). Ainsi, la contrainte de contenu est compensée par une absolue liberté
b) L’illusion romanesque
forme même, non comme représentation du réel, mais comme le réel même,
dont il s’acharne à mimer l’allure et les contours, même dans le cas, bien
la fiction originelle. Fiction qui, bien que construite en un premier temps sur
Robert : « La réalité a ici deux visages, l’un blessant qu’il s’agit d’annuler,
lui incombe de soumettre la fantaisie au calcul, [...], ou, pour reprendre les
réalité » — ce qui certes ne rend pas la fable plus vraie, mais renforce ses
p. 66). Ce jeu paradoxal entre le vrai et le faux, entre le même et l’autre,
c) Thème et modulations
— D’autre part, les textes qui feignent d’ignorer qu’ils se fondent sur une
avoir rejeté ses parents naturels, s’imagine une origine mystérieuse, quelque
moindre touche de naturel » (op. cit., p. 73). Dans cette perspective, on
rattachera le roman onirique ou fantastique au stade pré-œdipien du roman
bâtard lucide et résigné du second stade situe la ligne de partage entre les
étapes historiques : il n’en est évidemment rien. Chaque époque connaît des
e
représentants de chaque tendance : au XVIII siècle, Marivaux à côté de
e
Swift, au XX , Alain Fournier à côté de Roger Martin du Gard. Il peut aussi
troubles de la libido.
imagination » (M. Robert, op. cit., p. 108). C’est, dans le mépris du
fait subir au monde qui l’entoure. Mais l’« âge de fer » sera le plus fort, et
60
l’Enfant trouvé sera tué par l’excès même de son désir .
il devient l’amant d’une femme plus âgée que lui, et qui est mère ; cet
mort.
généralisation hâtive comme de tout classement trop rigide. C’est ainsi que
e
le roman du XIX siècle, par exemple, « est le théâtre d’une lutte
aux tentations de l’utopie » (op. cit., p. 232). Cette mouvance rend
lequel il fait retour pour déployer le jeu de la fiction ? Rien n’est moins sûr,
celui d’une expérience, le roman d’une écriture. Il n’est pas douteux que
son mot à dire, cela est trop évident pour être discuté. La question qui se
pose néanmoins est si l’on peut encore ici parler de « roman », et si la forme
déclare : « La poésie, les romans, les nouvelles sont de singulières antiquités
qui ne trompent plus personne, ou presque. Des poèmes, des récits, pour
61
quoi faire ? L’écriture, il ne reste plus que l’écriture... », il refuse bien
est tout aussi imprégné d’idéologie que les formes qu’il analyse ?
3. ROMAN ET DESIR
a) L’instance de désir
Que le roman corresponde à l’une ou l’autre phase du roman familial
b) Le triangle du désir
figurée par une ligne droite, sous-tend les fictions les plus élémentaires, et le
62
désir qui s’y manifeste pourrait être appelé le « désir selon soi ». En
réalité, cette figure élémentaire masque une structure plus élaborée qui
désir de don Quichotte, mais elle n’est pas l’essentiel. Au-dessus de cette
sujet et vers l’objet. L’objet change avec chaque aventure mais le triangle
c) Médiation et distance
Il est aisé de montrer que la plupart des romans offrent cette structure
aussi bien le modèle que le rival. Mais qu’il soit modèle ou rival, c’est par
cet autre que le sujet désire, son désir est bien le désir selon l’autre. Ainsi
l’imagination remplie » (R. Girard, op. cit., p. 14). Entre le sujet et le
proclame tout haut, parce qu’il le connaît, l’objet de son désir, et c’est la
raison pour laquelle il est toujours un peu ridicule. C’est don Quichotte ou
impliquée par le roman familial est d’ordre externe plus qu’interne car la
roman. Formes dont l’évolution historique, dans cette perspective, n’est pas
où s’effacent peu à peu les différences » (op. cit., p. 21). Ainsi discerne-t-on
une « unité du roman qui est le Destin du Désir » (p. 23). Aux étapes
chez lequel le désir tend à sa chute et à sa mort. Mais quel que soit le
ce point de jonction est la famille. Tout roman n’est certes pas analytique,
mais tout roman est familial. Depuis les plus anciens récits mythiques
les suites courtoises, c’est toujours la famille qui est mise en scène : la
s’y limiter, on serait une fois de plus sollicité d’y voir l’une de ces tentatives
théorie dont on s’inspire. Il faut aller plus loin et rechercher dans l’essence
que revêt toute histoire écrite et qui fait qu’elle ressemble davantage à nos
64
rêves qu’à la réalité ». A partir de cette définition, il voit le roman comme
« un jeu subtil entre le même et l’autre ». Entendons qu’il « faut qu’il soit
qu’« il faut également qu’il soit assez même pour rendre l’autre crédible »
(op. cit., p. 21). Un survol même rapide des avatars du romanesque depuis
65
particulièrement éclairant . Or, quel que soit l’effort du romancier pour
ou de fabulation ou, comme dit Freud, de fantaisie » (op. cit., p. 23). Ainsi,
littéraire, c’est blanc bonnet ou bonnet blanc. Et que l’on y réfléchisse bien :
réalité psychique coupée de sa base réelle, est, selon le mot de Pingaud, « un
comme l’unique moyen de viser un même qui nous échappe par définition.
toujours à recommencer » (op. cit., p. 24). On ne saurait mieux dire pour
fiction : le fantasme.
Robbe-Grillet » (Les Temps Modernes, n° 233, octobre 1965, p. 608-
637), Didier Anzieu annonce d’emblée son propos, qui est sans
résultat auquel nous pensons être parvenu est que cette articulation
plus dans son esprit, qui redevient ainsi innocent ; il est dans les
extérieure existe en elle-même » (op. cit., p. 611). Ainsi les héros de
pour effet de « mettre le lecteur dans une position nouvelle par rapport
montre que chaque texte est le lieu d’une obsession. Par exemple, dans
d’autres sont là, il est seul. L’angoisse de l’obsédé le saisit quand il est
décrit avec les yeux du héros, c’est-à-dire tel que celui-ci le vit. Mais le
• Le fantasme :
Les quatre héros des romans analysés ont en commun un double trait :
d’une part, ils sont « de père inconnu ou absent », d’autre part, ils sont
envers celui qui promulgue l’interdit » (op. cit., p. 637). C’est contre ce
« danger mortel » que l’obsessionnel opposera les défenses dont les
tome XXXVIII, n° 1, janvier 1974, p. 5). D’où son nom de « roman
du ressentiment ;
• En second lieu, qu’il remplace, pour interpréter les relations entre les
roman analytique d’un roman qui ne l’est pas. Un tel roman comporte
son Maître, la trame est simple : dans une ville de province, un garçon,
mime, de ses rapports avec son propre père. Une série de scènes dans
les coulisses du théâtre, dans un café, dans la rue, dans une chambre,
amorçant une relation érotique avec Solange, une jeune fille qu’il
que la veille.
non plus celle de la fantaisie pure, mais une autre scène, à la fois
certaine façon malgré lui (même s’il s’y prête) comme le discours
compromise ;
piano, etc.
dans la chambre : « Je n’avais pas prévu que cette chambre serait celle
Besançon dans les années qui ont précédé sa mort. Elle a surgi, si j’ose
pas dire, demande Bernard Pingaud, qu’il est derrière lui comme
l’analyste derrière son patient ? Auquel cas, celui qui parle dans le
66
DE MARIE CARDINAL
question n’a guère de sens pour qui porte un jugement sur cet objet de
ici c’est qu’à partir d’une situation banale dans nos sociétés — la cure
psychanalytique — il se trouve qu’un texte littéraire soutient
langage peut dire la vérité, et qu’il peut la dire toute. Dans cette
dire TOUTE. Le texte de Marie Cardinal est en effet une tentative quasi
sens ? Même Sartre, dès les premières pages de son Flaubert, sait bien,
et l’on sait avec lui, qu’il est condamné à n’en rendre jamais compte
compris et de s’être comprise. Cela est bien, puisque cette certitude est
I. THEATRE ET PSYCHANALYSE
productions artistiques.
mythe d’Œdipe dans un roman ou dans une tragédie, c’est bonnet blanc et
68
Luigi Pirandello, Six personnages en quête d’auteur , il fait exactement ce
d’expliquer ces thèmes. Enfin, s’appuyant sur le fait que dans cette pièce
maturité » (p. 253).
Quel que soit l’intérêt d’une analyse de cet ordre, on voit que n’intervient
dans la pièce », qui est certes évoqué, mais considéré comme un simple
élément de défense dont l’auteur se servirait à la fois pour exhiber les désirs
les plus refoulés de son inconscient, et pour les répudier, dans la mesure où
l’auteur et les personnages et, d’une façon générale, les questions relevant
2. LE FAIT THEATRAL
Dans son essai Clefs pour l’Imaginaire ou l’Autre Scène (Paris, Le Seuil,
notion d’identification qui lui est plus ou moins clairement liée » (p. 161).
directement l’accès à l’imaginaire, quels que soient par ailleurs les efforts
possibilité d’identification.
le Moi réel et un Moi autre, cette dernière instance procédant des formations
Rêves, il existe en effet un savoir implicite qui fait que l’on sait que l’on
rêve, et qui a pour conséquence que l’on n’est jamais surpris au réveil de
implicite de même nature, qui fait que l’on sait, sans le savoir, que tout n’est
pièce est mauvaise, l’acteur détestable, ou si le mort se relève trop tôt pour
saluer. Alors le Moi réel chasse l’autre et reprend ses pouvoirs, ce qui, de
effectivement le lieu d’un processus psychique qui prend son origine dans
niée » (op. cit., p. 166). Peu importent dans ces conditions telle ou telle
comprend dès lors que le théâtre moderne, quand il supprime tout décor et
pas moins demeuré théâtre, ni plus ni moins que le théâtre traditionnel : car
ce n’est pas dans ces gadgets matériels que se situe l’essentiel de la relation
premiers, et qui définirait l’illusion théâtrale. Cette illusion, pas plus que ne
effets, à celui que l’on a caractérisé à propos du roman (cf. supra, p. 111) :
la fiction romanesque n’est ni vraie, ni fausse, elle est autre, et elle met en
œuvre des mécanismes psychiques pour lesquels le dilemme n’a pas de sens.
Narcissisme, le lieu des reflets et des identifications » (O. Mannoni, op. cit.,
p. 171). D’où il suit que le théâtre est une oscillation permanente entre le
ET LE TRAGIQUE
de la séparation des genres qui est à l’œuvre, on le sait, dans les idéologies
70
d’Occident . Si on la retient ici, c’est parce que tragique et comique
spectateur. Ce fonds est commun parce que tout spectacle, quel qu’il soit,
lieu du monde réel, prise en compte d’une fantaisie qui fournit matière à
présence ici d’un véritable travail puisque le résultat du processus est une
processus beaucoup plus général, décrit notamment par Freud dans Le mot
théâtre n’est qu’un effet parmi d’autres. Ce n’est donc pas la spécificité du
comique théâtral que l’on prétend cerner ici — spécificité qui n’existe
pas — mais la nature générale d’un mode de production qui aboutit aussi
plus. haut. On fera donc du comique et de son corollaire le rire, les éléments
71
Pour mieux saisir l’essentiel du phénomène comique , on prendra un
défini par Freud comme une « décharge d’énergie ? » Pour l’essentiel d’une
se traduit par une décharge en saccades qui est le rire. Ce travail est
72
chez le lecteur ou l’auditeur .
inversement ;
spectateur ;
bousculade dans la rue a pour témoin le Moi de la vie réelle, la distance est
en effet sont d’une part qu’il ne sollicite guère les sentiments altruistes et
généreux (le rire est sans pitié), d’autre part qu’il se démarque constamment
73
répétitif des situations angoissantes . Bien entendu, un tel renversement
puisque les auteurs les plus géniaux n’en créent pas de nouvelles, ne faut-il
comédie pour les adultes » (op. cit., p. 31-32). Une telle analyse rejoint
l’idée banale selon laquelle le rire est la meilleure défense contre l’angoisse
et qu’il vaut mieux, comme Figaro, se hâter de rire de tout pour éviter d’en
dans cette perspective, constitue, avec son corollaire le rire, la meilleure des
2. L’EFFET DE TRAGIQUE
relation que noue tel genre considéré avec l’ensemble des productions
Le discours sur le tragique est par ailleurs hypothéqué par l’assimilation que
plus générale entre la littérature et la vie. Il est prévisible que dans cette
dramatisée d’un sujet (le héros tragique) avec une entité globale de nature
Divinité, etc. Or, cette relation est pensée la plupart du temps en termes
de la philosophie.
besoin comme si elles avaient fait l’objet d’une théorie spécifique, ce qui est
d’ensemble dont les éléments principaux sont une situation caractérisée par
Hermione, etc.), une série d’affects pouvant donner lieu à des articulations
est sous-tendue par un conflit sans solution entre les deux principes qui
qu’il ne peut plus investir ni dans l’Autre ni dans le réel. Il en résulte une
telle que Freud l’a décrite dans Deuil et mélancolie : un sujet en situation de
structure du deuil serait donc « une spécification qui peut servir de modèle à
une structure beaucoup plus générale englobant tout ce que l’on repère
74
idéologiquement sous le nom de tragique ».
plaisir n’est pas absent non plus de l’effet de tragique et on ne saurait s’en
étonner. Ainsi que le rappelle André Green, après Freud, toute « œuvre d’art
75
offre à celui qui l’éprouve une prime de séduction ». Par prime de
séduction, Freud entend « ce plaisir préliminaire... qui nous est offert afin de
Donc, l’effet de tragique est aussi l’effet d’un plaisir décalé, transféré de
demeure trop générale car elle intéresse toutes les productions artistiques.
Roi bouleverse le public moderne tout autant que les premiers spectateurs de
héros tragique est le lieu d’une rencontre entre le pouvoir de l’aède, qui
plus avant dans les arcanes de la psyché comme dans les enfances du
mythe : si l’effet de tragique est doté d’un tel pouvoir, c’est parce que la
l’enfant à ses procréateurs au niveau des rapports du héros et des dieux. Elle
c’est par eux qu’en définitive il sera châtié, comme le héros, sur la scène, est
ET LECTURES
théâtral, il n’a plus alors besoin de les censurer en lui, d’où une
comment les dramaturges ont représenté sur la scène celui qui est la
certain Pridamant qui, tourmenté par l’absence de son fils Clindor dont
loin la vie de son fils. Coup de théâtre : Clindor était devenu comédien
et c’est à une pièce de théâtre qu’en croyant voir sa vie réelle
(p. 76).
LECTURES
(Standard Edition, VII, p. 305), Freud n’avait pas écrit sur le théâtre.
va pas beaucoup plus avant que celle de Diderot dans son Paradoxe sur
le comédien.
D’une part agression projetée sur le mauvais père ; d’autre part, amour
projeté sur celui qui est le « vrai » père. Mais en même temps,
meurtre.
1964.
1964.
1968.
Christ. On voit donc que la pièce n’est pas seulement un conflit entre
1968, p. 505-512.
représenter les avatars d’un Moi totalement dilué qui tend à la pure
conscience végétative).
Tolpin Marian, « Eugène lonesco’s The Chairs and the Theater of the
PSYCHANALYSE DE LA LECTURE
lecteur. Cette négligence se justifie le plus souvent par l’affirmation que les
réactions des lecteurs sont subjectives et qu’elles varient trop pour autoriser
78
certains critiques littéraires anglo-saxons . Dans la mesure où l’analyse se
des réactions, tous les lecteurs suivent une loi inexorable en lisant un texte
littéraire : ils recréent leur propre identité par des mécanismes de défense et
79
de transformations de fantasmes . Mais cette loi ne nous apprend rien que
pour expliquer les réactions des lecteurs aux procédés stylistiques qui sont
encodés dans le texte et qui ont pour fonction d’attirer l’attention du lecteur
80
prévisibilité et d’imprévisibilité . Si cette méthode est efficace dans le
exemple, est certainement une figure que l’on remarque, même lorsqu’il est
Les recherches qui ont été faites sur le rapport entre les figures de
(cf. supra, p. 73), l’interprétation des métaphores et des symboles est la
de l’œuvre littéraire. Nous reprendrons ici ces tropes (les figures qui
entraînent des modifications du sens) mais dans une optique différente. Car
qui valorisent la monosémie, le sens est clair pour tous ceux qui connaissent
le code, parce que les mots, dans la mesure du possible, ont leur sens
propre. Dans les textes littéraires, par contre, se produit une alternance, le
globale du message. C’est du passage de l’un des sens à l’autre que provient
dans lequel elles se trouvent. Par exemple, dans cette phrase de Proust du
Temps retrouvé (Pléiade, tome III, p. 903) : « ... un livre est un grand
cimetière où sur la plupart des tombes on ne peut plus lire les noms
effacés », le lecteur ne peut pas prendre cimetière dans son sens littéral
parce que ce serait un non-sens, livre et cimetière n’étant pas synonymes.
automatiquement les sèmes que les deux mots ont en commun, et qui sont
81
pictural), et le cadre le ou les mots employés dans leur sens propre . Le
donc dans l’espace entre le cadre et le foyer, dans le non-dit, que sa psyché
produire des tropes dont la valeur réside dans le degré d’arbitraire. André
Breton, qui a fait de ce procédé toute une esthétique, écrit par exemple dans
coquelicots. »
Il est clair que l’effort de décodage requis par cette séquence est beaucoup
plus grand que celui qu’exige la phrase classique de type proustien. On peut
est plane, et le lecteur, en tant que sujet culturel et conscient, n’est pas mis
en question ; lorsque la figure est difficile à déchiffrer, les deux bords sont
découpés comme les morceaux d’un puzzle qu’il faut emboîter les uns dans
les autres. C’est dans des cas similaires que les habitudes du lecteur, ancrées
manifeste.
représentées par des images — surtout des images visuelles). Dans une
certaine perspective, tous ces processus sont des transpositions d’une idée à
une autre, qui acquiert alors un sens double ; ce sont donc des
83
symbolisations .
84
condensation, l’oxymoron que l’association d’idées incompatibles . Quant
discontinus.
Plus le texte est difficile a décoder, plus il attire l’attention sur sa forme,
plus cette fois-ci dans le rêve, mais dans la lecture. Comme toute activité
86
culturelle, la lecture est sublimation . Elle surmonte, toutefois, le clivage
ordinaire parce qu’elle est jeu et travail à la fois, donc fusion. Le lecteur
2. Inconscient/Préconscient/Conscient — — — — — Ça/Moi — Surm
oi
Le décodage renverse la direction
PRATIQUE : PSYCHANALYSE DE LA
LECTURE
10. Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
14. Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
27. Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
63. Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
commencement et la fin) et une partie obscure entre les deux. Les cinq
incompatibilités sémantiques.
aussi symbole puisque, dès le titre, il est humanisé. Un des sèmes qui
(le Robert) et c’est ce sème-là qui définit les deux sens de bateau, celui
moi qui est celui du lecteur tout autant que celui du poète.
strophe ou de vers (25 vers sur 100 commencent par l’un ou l’autre).
c’est-à-dire des « parents » (v. 2-4), l’insouciance des autres (v. 5-6) et
sens », dans tous les sens du mot sens. Mais la libération totale du sujet
l’œil niais des falots), aussi bien que de la conscience, du Surmoi (v.
Les vers 21-22 (Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème/De la
dans un enjambernent et que les deux mots clés ont une majuscule. A
termine par un échec parce que, malgré l’ivresse, le Moi n’a pas réussi
laquelle le lecteur est habitué par sa culture, pour en faire son contenu,
langue ordinaire, comme nuit blanche et bleu vert, qui ont un signifié
d’alliance de mots, que le texte brouille leur sens, par exemple au vers
22 (azurs verts), au vers 37 (la nuit verte) et au vers 58, où les poissons
noirs parfums (v. 56) en yeux blonds (v. 66), Le bateau ivre lui-même
de l’amour.
que le participe présent dévorant (v. 23) renvoie à je, deux vers plus
haut ; que... délires/Et rythmes lents sous les rutilements du jour (v. 25-
26) doit qualifier les rousseurs amères de l’amour (v. 28) ; que le
complément d’objet direct d’illuminant (v. 34) est les flots (v. 36) ; que
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteur (v. 38) est une
pas de neiges éblouies (v. 37) qui est au pluriel. Il faut attendre la fin de
vers 56, pour suppléer le manque dans les constructions elliptiques (au
vers 47 [Mêlant] Des arcs-en-ciel et j’ai vu au commencernent du vers
53), et pour voir que le Qui du vers 75 n’a pas le même antécédent que
peut voir au besoin assez aisément dans Mêlant aux fleurs des yeux de
phrase noyau orage d’été ; mais comment trouver un sens aux vers 25-
ÉCOLES ET PRATIQUES
1.
L’analyse thématique
I. PRESUPPOSES THEORIQUES
89
Weber , se proclame une « doctrine scientifique pourvue d’un ensemble de
l’acte créateur peut être comprise comme modulation, à l’infini, d’un thème
Dans cet exposé liminaire, c’est évidemment le concept de thème qui est
1960, p. 14) ;
complexe de castration ;
aussi bien que pour des thèmes affectifs, intéressant les progrès de
II. LA METHODE
l’Oiseau mort ;
cherchera dans les poèmes de l’âge adulte toutes les allusions explicites
b) ou bien on pratique une lecture attentive des textes jusqu’à ce que l’on
l’enfance : après avoir constaté par exemple dans les œuvres de Vigny
clairement que l’horloge a occupé depuis cette date une place centrale
dans l’inconscient du poète et déterminé sans qu’il s’en doute les lignes
principaux :
plumes. Le catalogue est assez impressionnant pour que, tant dans les
déploie. Dans un premier bilan, J.-P. Weber note que « l’oiseau et l’aile
tomber. Ces vols, ces chutes, d’autre part, soufflent au poète des
90
et singulièrement », Mallarmé aime tout ce qui choit et tombe, la
(p. 240-241).
oiseaux que les reflets du soleil aveuglent tout en les attirant » (p. 270).
Le poète finit ainsi par ne faire qu’un avec son Oiseau thématique.
animaux. Pourquoi ne pas voir alors d’un côté « le Crime thématique et
ancien » expié chaque jour devant des enfants, de l’autre côté le rachat
tentant d’y voir l’origine de cette lutte avec une « folie naissante »,
plusieurs fois évoquée par le poète en son âge mûr. Il faut citer, avec J.-
heureusement, Dieu. Mais même cette lutte s’était passée sur son aile
complexes définis par Freud et ses disciples. Ce n’est pas seulement en effet
obsessionnelle ».
Tout n’est pas négatif dans ce propos, il s’en faut. Il est certes
expliqué, même à travers le thème indiqué par Weber, des amours d’une
femme avec un mort, par l’épisode de la mort du père quand le poète avait
six ans » (Les Temps Modernes, n° 186, nov. 1961, p. 592-601). On tombe
miroir, fixe en équilibre les désirs de Narcisse qui, selon les descriptions des
en l’image salvatrice, autre que la sienne » (G. Rosolato, op. cit., p. 598). En
composantes libidinales.
à laquelle elle s’attache. On ne doit pas oublier en effet qu’en ses prémices,
n’est certes pas la seule pratique littéraire à laquelle puisse s’appliquer cette
remarque, il s’en faut : cela ne lui donne pas un droit suffisant à supplanter
92
les autres !
2.
La psychocritique
93
I. PRESUPPOSES THEORIQUES
1. LA PSYCHOCRITIQUE ET L’INCONSCIENT
commence par prendre parti sur l’un des problèmes importants qui divisent
inconsciente et son rôle dans la création littéraire. Elle adopte sur cette
« elle se propose de déceler et d’étudier dans les textes les relations qui
n’ont pas été pensées ou voulues de façon consciente par l’auteur » (CM
moi profond » ? (CM 1963, p. 13-14). Non plus, car cette approche critique,
mal son concept de « moi profond », et « renonce aux cadres et aux outils
sens : car pour le moi conscient, qui donne à l’œuvre littéraire sa forme
entre autres textes, dans Le dernier Baudelaire (Paris, José Corti, 1966) :
« Le Moi social d’un artiste englobe toutes les fonctions qui ne sont pas
oscillante » d’Ernst Kris, qui introduit une relation dialectique entre les
inconscientes ». Dans une étude sur les Petits poèmes en prose, incluse dans
son Dernier Baudelaire, Mauron a pu montrer que le moi social du poète a
Petits poèmes en prose que l’inhibition paraît s’étendre au Moi créateur lui-
II. LA METHODE
psychanalyse est de déceler dans un texte les effets respectifs des facteurs
discours.
plus les mots organisés en discours, mais les relations que certains de
ces mots, à la faveur d’un procès récurrent, nouent entre eux dans des
1963, p. 30).
méthode psychocritique :
probablement involontaires.
combine ainsi l’analyse des thèmes variés avec celle des rêves et de
personnel.
4. Les résultats ainsi acquis par l’étude de l’œuvre sont contrôlés par
seulement l’ensemble des fantasmes les plus obsédants et les plus réitératifs,
les Trois Cigognes (de Mallarmé), demeure un souvenir de Maria (sa jeune
sœur morte) enrichi peut-être d’apports étrangers ; mais elle est déjà une
mythe personnel est ainsi une sorte d’« être vivant, réagissant aux
III. PRATIQUES
111-130).
1. LA RECHERCHE DES RESEAUX
95
baumes du temps , permet de mettre au jour une série d’associations
manière suivante :
mort : suicide — tombeau — tison
triomphe :
victorieusement — gloire — or — pourpre — éclat — fête — trésor — trio
mphe
grandeur : royal — impératrice
rire : rire
mort : mourir — soupirer
combat : rubis-écorche
triomphe : gloire — exploit — fulgurante — tutélaire
réseau est demeuré stable. Il en ira de même avec le troisième sonnet pour
peu que l’on fasse coïncider, dans une même vision poétique, « les
mort : enfouir — expirer — étouffe
triomphe : s’exaltent — drapeaux — Gloires
grandeur : princier — diamant
la formation est autonome parce qu’elle est maintenue inconsciente ; elle est
puisque l’on opère ici dans le domaine du préverbal, celui des associations
une sorte de rêve inconscient, avec personnages » (CM 1963, p. 112).
Mallarmé mourut lorsqu’il avait cinq ans ; lorsqu’il en eut quinze, l’une de
mort de sa mère. Il n’est pas douteux alors que l’image mortifère de la mère
occupe dans l’inconscient du poète une place prépondérante. Pourtant, il ne
une vue unitaire qui serait en définitive une réduction de l’œuvre. C’est
contours.
96
3. DES FIGURES MYTHIQUES AU MYTHE PERSONNEL
littéraire conduit à postuler que le sujet ne pourra créer l’objet que s’il utilise
atteignait à travers l’image de Maria » (la jeune sœur morte), « le complexe
Anne Clancier (op. cit., p. 60), « le mythe dans son ensemble peut être
les milieux de la critique littéraire. Elle a suscité des réactions très diverses
des associations libres. » Dans le même ordre d’idée, Mauron avait précisé
son analyse au niveau des structures inconscientes, étant bien entendu que
elle les donne pour des présences ou des relations à expliquer, non comme
des explications ». Tout cela est évident : lorsque Gérard Bessette, dans son
propre » et leur qualité esthétique, dans une lecture au premier degré dont se
reproche puisse être fait à Charles Mauron, ni aux travaux qu’il a inspirés.
Bien entendu, il n’est pas toujours facile de tracer une séparation stricte
légitime. Il est certain qu’il est tentant, après avoir interrogé l’œuvre, et
de phallique-narcissique » (op. cit., p. 33), elle ne fait pas autre chose, et
fécondité de la théorie.
L’un des points les plus positifs est que la psychocritique, parmi toutes les
suivie par la psychocritique : alors qu’il est facile, dès que l’on a repéré des
sur la structure. Ce n’est pas tant la signification du réseau qui importe, que
mythe qu’à son origine même. C’est pour cette raison sans doute que la
conscient du moi créateur. Et pour cette raison enfin qu’elle se refuse à faire
Cela établi, qui est positif, il reste que la psychocritique n’évite pas trois
pas alors, plutôt que de poser le mythe en perpétuel devenir, définir une
rigueur.
En troisième lieu enfin — et même si l’on porte au crédit de la
98
l’expression de J. Mehlman , consiste à « intégrer sa découverte du
100
moi médiateur qu’on avait trouvée chez Kris après Freud. L’œuvre
LA PSYCHANALYSE EXISTENTIELLE
1.
Le projet sartrien
Une lecture tant soit peu attentive des œuvres critiques et théoriques de
101
cela ... » — jusqu’à son dernier texte sur Flaubert, Sartre ne cesse de
l’Occident : « Mais pour moi l’intérêt de cet ouvrage réside avant tout en
102
sociologie . » Les nouvelles, de leur côté, ne manquent pas de faire
l’avarice. Je voudrais savoir une chose, dit-il, jusqu’à quel âge ta mère t’a-t-
103
elle essuyé ? » Boutade sans doute, mais néanmoins révélatrice d’une
et leur expression.
En fait, il faudrait dire que si Sartre n’a cessé de faire référence à la
psychanalyse, il n’a cessé en même temps d’en marquer les limites et d’en
domaine des faits une certaine justesse, il ne peut s’empêcher d’en rejeter le
langage, considéré à la fois dans ses concepts et dans sa logique. Ainsi dira-
d’un durcissement théorique appliqué à une pensée jugée trop molle, trop
serait pas une propriété toute faite de sa conscience, mais plutôt le sens
signifiants d’un signifié qui lui seul a droit au titre d’irréductible et qui sera
totalité de son élan vers l’être, son rapport originel à soi, au monde et à
105
fondamental . »
C’est ce projet fondamental qui constitue précisément pour Sartre l’objet
renvoie ainsi à un sens qui la dépasse, mais qui ne lui préexiste pas et ne
celui dont la fin projetée s’identifie à l’être même que le sujet s’est donné en
tant que conscience libre. Il s’agit bien ici d’une recherche ontologique, et
conscience, vise son être. Et cette forme spécifique de rapport à l’être n’est
possible qui lui manque pour être, possible sans cesse visé mais
PSYCHANALYSE EXISTENTIELLE
toute espèce.
outre, dans chacune des deux analyses, c’est un rapport d’objectivité qui
relie l’observateur et l’observé. Sartre ajoute toutefois qu’un sujet peut tenter
sont toutes deux des méthodes objectives qui appréhendent le sujet du point
complexe ne peut être extirpé que par les soins d’un observateur extérieur.
liberté qui est l’être même du pour-soi, en même temps qu’il se fonde
concrétion absolue (il ne préexiste pas à son choisir, exister pour lui,
par les signes temporels tels qu’ils ressortent d’un tempérament particulier,
1. METHODOLOGIE
Bien que pour les besoins de l’analyse, Sartre considère séparément les
L’analyse de l’élément est vouée à l’échec dans la mesure où, enfermé dans
pas originellement de mon présent actuel, si mon passé d’hier n’est pas
présent. Autrement dit, c’est un rapport ontologique originel qui relie les
trois éléments du temps que Sartre préfère appeler les trois ek-stases
temporelles. C’est ce présent qui est son passé derrière lui et son futur
devant lui.
deux notions, avoir un passé et être son passé, distinction qui conserve toute
demeurer interne, le lien entre les ek-stases ne saurait être pensé sous le
rapport de l’avoir mais sous celui de l’être. L’expression avoir un passé doit
présent qui est son passé. Si donc on étudie les rapports du passé au
109
des relations internes . »
matérialité ne peut être son passé et par suite n’a pas de passé. Il est dans
être son passé de même qu’elle est son futur. Il n’y a donc de temporalité
synthèse ontologique.
2. IMPLICATIONS
Toute conscience dans son actualité est en même temps son passé. Mais
conscience de ne pas être ce qu’elle a été par exemple hier. Même si elle
refuse son adhésion à ce qu’elle fut, elle en demeure encore hantée. Cet être
auquel on ne saurait échapper même par l’oubli, puisque l’oubli est encore
Mais d’un autre côté ce que j’étais hier, je ne le suis plus aujourd’hui, non
plus simplement à cause de l’écart temporel, mais surtout parce que je suis
objective de mon être. En d’autre termes, le sens d’un événement qui a pris
place dans mon passé n’est pas fixé une fois pour toutes mais reste
Le fait subsiste sans doute (facticité), mais son sens est sans cesse remis en
pour toujours dans l’en-soi. Mais tant qu’il y a vie, elle demeure disponible,
c’est-à-dire capable de modifier ses projets. C’est déjà montrer que même
d’un être qui est soi-même hors de soi... Il n’y a de temporalité que
s’interroger sur le projet d’être conduira pour une bonne part à décrire la
d’une ontologie vers une anthropologie suivant trois étapes qui sont
milieu social mais sous la forme abstraite de la nomination. Sartre dans une
moins à des analyses qu’à des allusions. L’histoire objective de Genet y est
n’est faite par exemple du contexte particulier dans lequel Genet enfant,
e
produit du XX siècle, a évolué, aucune analyse de l’Assistance publique en
d’idéologie.
subsiste non pas comme simple résidu mais comme constituant la réalité
plus vaste qui fait que le sujet est restitué devant le lecteur dans la
trouve répété au long des analyses, mais à chaque fois éclairé différemment
Baudelaire, ce n’est sans doute pas parce qu’il remet soudain en question la
médiations.
Saint-Genet
CONSCIENCE
Il n’est pas inutile de rappeler que Sartre, dans son Baudelaire, ne prétend
nullement faire œuvre de critique littéraire et que les objections qui lui ont
été adressées dans cette perspective ont peu de pertinence. Comme Georges
Introduction aux Ecrits intimes (le Baudelaire avait été conçu à l’origine,
112
s’éclaire par référence à l’Etre et le Néant . » Michel Leiris, d’autre part,
proses comme dans les poèmes baudelairiens... Pour Sartre, qui a choisi
113
instant . »
traduit par un désir de devenir chose aux yeux des autres dont le regard
voit, c’est l’autre qui le nomme, qui lui donne son être et lui fixe sa
destination.
114
ses prérogatives de sujet créateur . Certains traits du caractère de
subjectivité, être-existence.
choix originel ; elles sont des complications de ce choix et, pour tout
diversité des objets du monde (p. 125). » De sorte que le choix qui est
constitué par ce balancement perpétuel entre l’existence et l’être se
Sartre nous dit que Baudelaire « a choisi d’avancer à reculons, tourné vers
le passé » (p. 206), ayant dès 1846 écrit la plupart de ses poèmes dont il ne
fera ensuite que reprendre les idées et la forme, ayant donné à ses relations
familiales leur statut définitif, répétant les mêmes querelles et les mêmes
choix des possibles. Sans doute a-t-il choisi, mais il a choisi de ne plus
choisir, ayant décidé une fois pour toutes de vivre mal, de jouir en
qu’il apparaît dans les œuvres et en tant qu’il entretient une relation
avec le passé. Pour Sartre, chaque créateur poursuit à sa manière
créé dans sa vie et dans ses œuvres, c’est le spirituel. Or pour lui le
cette œuvre, les termes : parfum, pensée, secret sont à peu près
comme un choc, une fêlure, l’étude sur Jean Genet représente une évolution
fixation infantile chez Genet est un fait produit dans le cadre d’un milieu
Dès les premières pages, Sartre indique les grandes lignes de son étude ainsi
1. LA DISSOLUTION DE L’ETRE.
malheur de l’homme est d’avoir été enfant. Entendons que celui-ci vit dans
l’enfant vit dans l’être. Dès lors, lorsque le regard d’autrui s’appesantira sur
l’enfant Genet et le sacrera voleur, celui-ci ne songera pas une fois à douter
de cet être qu’on lui donne et souscrira sans peine au jugement ontologique
et terrifiant que les Justes auront porté sur lui. En un instant, la vie de Genet
s’est arrêtée, soudain figée autour d’un noyau de passé, d’un instant, instant
« Genet porte en son cœur un vieil instant qui n’a rien perdu de sa
Cet instant du regard, qu’est-il d’autre en effet que la mise à mort d’une
par une autre liberté, moment sacré où le futur bascule dans le passé, le
éternellement.
pour le réduire à l’éternité. Instant, éternité, mort sont les mots-clefs qui
voler que Genet volera que pour être voleur. En somme, il s’agira pour lui
d’une tentative mystique pour se perdre dans l’être et s’y retrouver tout à la
fois. Etre et se sentir être sous forme de coïncidence. Cet effort est payé
société ne l’exclut pas, c’est lui qui refuse de s’y intégrer : « J’ai décidé
d’être ce que le crime a fait de moi (p. 64). » Ce défi résume à lui seul
l’ambiguïté de l’attitude de Genet qui mêle tout à la fois une intention d’être
Le vol est pour Genet une sorte de cérémonie magique, un rituel qui
voler, pour surprendre son être de voleur. Loin d’être un faire gratuit qui
lui sous la forme d’un geste par lequel il consacre sa nature de voleur.
Rituel, consécration, le geste est religieux par excellence. Genet joue son vol
dans son cœur comme une honte, il la ressent dans son sexe comme un
dignité Genet revendique cet être qu’on lui impose du dehors. Cette
pénétration ontologique ne prend donc tout son sens que si l’aimé, c’est-à-
dire l’autre, se profile comme le double de Genet, le reflet de son être conçu
l’incarnation absolue du mal dont le regard d’autrui, fixé sur son geste
quoi l’amant vole à l’aimé son être pour se l’incorporer (p. 84). » Il serait
plus juste d’ailleurs de parler de restitution puisque cet être n’est autre que
conduite rituelle. Tout comme le vol, le coït est un geste mythique qui
qu’il veut être, Genet n’en accepte pas l’extériorité, il prétend le retrouver en
lui, et lui substitue un faire pour être. Dès lors, la conscience de Genet se
qu’un spectacle monté de toutes pièces, peuplé de figurants dont les qualités
maléfiques ne sont que parures de ballet. Dure révélation : Genet n’a réussi
2. LA CREATION SALVATRICE
s’irréalise, il joue le rôle d’un faux Genet qui serait dupe de ses phantasmes.
Il sait qu’ils sont néant, il feint de croire qu’ils ont de l’être (p. 339). » Le
C’est encore par une description de temporalité que Sartre rend son
« Le temps s’invertit : le coup de marteau n’est pas donné pour monter
d’un moment de passé. Ici, par contre, l’éternité n’est plus celle d’un passé
qui se prolonge, mais d’un instant présent qui condense en lui seul le temps
l’existence. Jusqu’alors immobilisé dans un être qui lui venait des autres,
Genet tentait de le revendiquer pour soi. Mais il est trop tard, il a déjà perdu
souvent dans son oeuvre tel que les autres l’ont sacré, mais l’acte d’écrire le
libère. Le Genet décrivant n’est déjà plus le Genet décrit. Et cette écriture
autrui : « Il n’est plus rien qu’une liberté sans visage qui dresse des pièges
d’autrui que Genet s’en libère. Son œuvre est le lieu d’un échange : il
dépose en l’autre comme une ordure son être de voleur et soudain délivré,
naît à l’existence.
situation ontologique :
(p. 511).
l’être, il a à l’être.
personne dans sa totalité, faire voir cette liberté aux prises avec le
destin, d’abord écrasée par ces fatalités puis se retournant sur elles
pour les digérer peu à peu, prouver que le génie n’est pas un don mais
exposer une réalité humaine aux prises avec sa situation dans le monde. Le
lors celui d’une aliénation dont l’analyse doit rendre compte par la
Dès le début de son essai, Sartre évoque l’enfant Genet livré au système
dans son être, sans identité, projeté dans un milieu où l’être se définit par
monde, mais pour se donner par le moyen de cet objet l’être dont on l’a
une aliénation spécifique dont les traces peuvent être retrouvées, nommées
informante. Sartre lui-même reconnaîtra plus tard les limites de son étude
115
critique , l’estimant encore trop théorique, trop éloignée de ce que devrait
I. FLAUBERT ET SARTRE
L’intérêt de Sartre pour Flaubert s’est éveillé très tôt. On en trouve une
trace sensible dès l’Etre et le Néant, dans un texte que l’on a cité. On sait
aussi par Les mots que Sartre enfant fut un lecteur attentif de Madame
Bovary dont il savait par cœur des paragraphes entiers. On trouve encore des
de temps de quinze ans s’écoule avant que Sartre ne rende public le résultat
de ses recherches, quinze ans au cours desquels Sartre n’a cessé de réévaluer
début envers cet écrivain bourgeois, réactionnaire et étriqué, finit par laisser
empathie.
dans les limites de notre présentation, d’une telle somme d’années de travail
l’interprétation sartrienne.
116
pose des questions à la vie ». Comprenons bien que l’œuvre, en tant
qu’elle est une objectivation de la personne, est plus totale, plus complète
que la vie. Toutefois, son sens demeure opaque et ne peut s’offrir au lecteur
116
de « faits ramassés par les contemporains et vérifiés par les historiens ».
aux autres par le fait qu’elles se manifestent à des niveaux de sens différents.
Somme toute, elles ne sont que les traces figées d’un mouvement
l’ultime objectivation.
Bien que Sartre respecte, dans l’Idiot de la famille, les grandes lignes de
Situations IX (p. 11) qu’il lui avait été nécessaire d’écrire sur la dialectique
retient néanmoins ce fait du mauvais rapport aux mots, d’une part parce
d’autre part parce qu’il se trouve exprimé dans un discours lacunaire qui
naïveté très accusée. Sartre en conclut que cette mauvaise insertion dans
d’un révélateur. A partir de là, Sartre interroge Flaubert lui-même dans une
c’est en effet son mutisme, son inertie et surtout sa sensibilité exacerbée qui
p. 35). Ce que Sartre veut indiquer c’est que Gustave, en traçant le portrait
de Djalioh, n’a jamais cessé de valoriser l’animal, qui ne parle pas, car ce
passivité qu’il faut rendre compte et pour ce faire, Sartre fait suivre cette
première analyse régressive d’une synthèse progessive. Il s’agira de passer
mère, dont l’être même s’exprime tout entier au travers des premiers soins
intériorise, dans les deux premières années de sa vie, c’est Génitrix tout
entière ; cela ne veut pas dire qu’il lui ressemblera mais qu’il sera fait, dans
sa singularité irréductible par ce qu’elle est » (1, p. 61). Afin de rendre
Gustave va voir le jour et c’est l’être même de cette cellule sociale qu’il
intériorisera au travers de la mère. Cette cellule sociale est telle que l’éveil
sorti de l’enfance.
paysans de l’Ancien Régime, tout en ayant, par ses études, pris une certaine
Sartre le montre bien, cohabitent en lui deux univers. S’il conserve certains
société féodale (le droit d’aînesse était pour lui une indiscutable évidence) et
dominante est celle d’un pater familias dans l’acceptation la plus rigide du
mot.
A côté de lui, son épouse Caroline joue le rôle d’une femme relative.
son mari, plus âgé qu’elle, un père ressuscité. Il devient le centre et le sens
importun qui vient prendre la place de la fille désirée. Sartre en conclut que
Achille retient de son père non seulement le prénom, mais l’être même,
ou plutôt est conditionné pour le retenir. Elève brillant, ayant appris à lire
très tôt, sa carrière est tracée d’avance : il suivra les traces de son père. En
n’a pu donner que les grandes lignes, la découvre dans un double refus :
l’Amour s’est dérobé et cette carence est intériorisée par l’enfant comme sa
Ces premiers résultats sont pourtant insuffisants. Ils rendent bien compte du
Pour le montrer, Sartre procède à une analyse très fine des œuvres de
mourir » (I, p. 196). Au plan objectif, il signifie la présence d’un Destin ou
source d’amour.
voie de totalisation en recomposant au jour le jour cette vie telle qu’on l’a
sartrienne au-delà de ces derniers résultats. Cela n’est pas essentiel à notre
Très vite, Gustave oppose un contre-diagnostic à celui avancé par son père
maladie des nerfs. Il va même jusqu’à pressentir que sa maladie nerveuse est
importe que Flaubert soit ou non guéri ; ce qui mérite d’être remarqué, c’est
bref comme une liquidation, par le biais d’un désordre physique, d’une
guérit de sa fièvre et de son amour tout à la fois. Sartre admet cependant que
d’intention, ces niveaux étant liés entre eux par un rapport dialectique.
contradiction indépassable. Gustave est alors étudiant en droit et cet état lui
bien qu’il lui soit en même temps impossible d’obéir. En termes sartriens, il
Rouen est comme un retour au bagne parisien. Revenir à Rouen, cela veut
mer sentie comme un au-delà potentiel, pour retrouver dans quelques jours
de cette présence est double. D’une part, ce dernier incarne la figure du père
paroxystique.
3. LE STIMULUS
l’intention névrotique. Or, ce Fiat est impossible puisque les agents passifs
l’anéantissement de l’agressé.
la réalité présente : cela veut dire qu’il devient tout à fait imaginaire »
(p. 1386).
4. NEVROSE ET NECROSE
5. L’ENGAGEMENT HYSTERIQUE
La chute n’est pas paralysie, néanmoins elle inaugure une série de chutes
janvier 1844, Flaubert sait qu’il n’est pas fou bien qu’il se rende compte que
quelque chose est mort en lui. Ce qui est mort, « c’est un jeune homme
[...] c’est un jeune malade des nerfs [...] qui doit pour toujours renoncer à la
mêmes puisque maintenant le père est seul à pouvoir les lui donner.
l’irruption de l’Eternité dans le temps ; être cela et n’être que cela pour
toujours. L’inertie est le point de vue de la mort sur la vie, mais elle présente
par des tâches qui leur sont propres, à reconstituer autour du malade la
son temps à Gustave. Ainsi fait encore le frère aîné qui a quitté la famille
dont il est issu pour fonder la sienne. L’intention névrotique manifeste bien
seigneur d’un espace qui ne saurait être neutre, qui est un espace de classe.
Il en prend possession non pas par le bénéfice de son travail, mais par
familias. Sous son jour le plus aigu, la crise se laisse interpréter comme le
du discours : la crise dit quelque chose au géniteur, quelque chose que celui-
ci ne comprendra sans doute pas et dont il n’aura même pas l’idée, mais il
suffit que Flaubert ait le sentiment d’avoir objectivé son ressentiment pour
que celui-ci soit investi de quelque efficience. Ce qui est d’abord dénoncé et
médicale du père (Gustave met en doute son diagnostic), sera accentué par
paternelle, mais son silence ou plutôt son intention de se taire n’en est pas
cicatrice :
pas, ni toi ni les autres, parce que c’est indisable. La main que j’ai
brûlée, et dont la peau est plissée comme celle d’une momie, est plus
Gustave en veut. C’est de celui-ci qu’il lui faudrait se débarrasser coûte que
coûte. C’est dans cette perspective que l’on peut expliquer les conduites
effet auprès de personnalités officielles pour que le frère aîné Achille puisse
son père. Il agit comme Achille-Cléophas aurait agi. Par cette substitution, il
parricide.
suivre dans cette nouvelle investigation. Il est suffisant d’avoir montré sur un
sartrienne.
déplacement que subit la psychanalyse freudienne quand elle est éclairée par
l’homme. Que peut-on savoir d’un homme ? telle était la question que Sartre
que tout autre problème ne peut être conçu que par rapport à l’homme.
aucun cas être posé de question que par rapport à l’homme dans le
lequel est l’homme par rapport à l’homme qui est dans le monde »
posé. « Que peut-on savoir d’un homme ? » cela signifie avant tout :
PARTIE
interprétation de l’œuvre.
I. LA PSYCHANALYSE DE L’AUTEUR
118
psychanalyse à la littérature, mais elle conserve des adeptes . Comme le
d’élucider certains symboles et détablir avant tout une relation entre les
119
de l’œuvre , »
qu’elle s’appuie :
une analyse ;
parfaitement ces trois aspects. On peut lire en effet dans les préliminaires :
d’abord parler de lui avant de nous adresser aux autres, c’est que, grâce à
renouvelée d’un thème dans une œuvre peut parfois être clairement reliée à
telle entreprise, et il n’est pas certain que l’on ait toujours eu raison. J.
est le garant de toute démarche scientifique cohérente, et elle s’y tient. Ces
sexuelle, etc. Que la singularité des Fleurs du Mal comme mode unique de
but de l’analyste ne se situait pas là. Le texte des Fleurs du Mal n’est qu’un
l’œuvre littéraire est une structure langagière achevée que son auteur a
abandonnée après l’avoir produite et qui, pour cette double raison, renvoie
significations ! On conçoit que cette opération n’aille pas sans soulever des
définit comme une configuration d’éléments réglés par les lois d’un
système. Elle ignore ou feint d’ignorer que chaque œuvre est une
ses lois internes. Elle agit sans le dire comme si toutes les formations
120
détermine le message ». Dans le présent ouvrage, presque toutes les
déficit que celui qui caractérise la critique formaliste quand elle met à
p. 90), on apprend tout sur le mythe de l’androgynie, mais que sait-on
sur le texte de Jean Bany en tant qu’il est un ensemble de conflits entre
Même reproche en ce qui concerne, par exemple, l’analyse par Jean Borie
121
de l’œuvre romanesque d’Emile Zola : Zola et les mythes . Rendant
compte de cet essai, Henri Mitterand pose pour finir une série de questions
122
temps quelque chose d’autre ».
important et plus complexe qui se déploie selon deux axes principaux : les
littéraire est adéquate ou non. Tous les essais que l’on a pu lire dans le
présent ouvrage postulent que cette transposition est légitime, et ils traitent
n’est pas certain que cette légitimité soit acquise. Dans son analyse des
dans la mesure où les objets à atteindre (les œuvres), n’ont pas été
cette occasion si cette double carence n’est pas liée à un problème plus
fondamental qui intéresse le statut de la psychanalyse en tant que science et
question risque d’entraîner avec elle des remises en cause bien autrement
littéraire.
qui, à son insu, lui imposent une certaine vision de la littérature, celle qui
est à l’œuvre depuis trois siècles dans les sociétés bourgeoises d’Occident.
théoriser sa pratique ;
substrat idéologique ;
3. qui remplisse une fonction délibérément subversive, non seulement par
connaissances nouvelles.
suivante...
TROISIÈME PARTIE
LE TEXTE A LA LETTRE
SECTION 1
LA PROBLÉMATIQUE LACANIENNE
démarche qui « fait répondre le texte aux questions qu’il nous pose à nous »,
qui le traite « comme une parole véritable, nous devrions dire, si nous
comme faisant apparaître, comme actualisant pour le sujet (de la lecture) ses
celle qui tient le texte, non pour le discours (d’un auteur) sur l’inconscient,
textualité.
suggestives mais toujours sans fond — aux détours des essais critiques
monde ?, etc. (Car c’est bien une conception duelle qui gouverne la relation
chacun s’accorde.)
question qui fait leur fond commun et les subsume toutes, qu’est-ce que le
nouvelle. Et c’est sans doute dans le sens où elle met le texte « en abyme »
126
vrai sur le travail du texte (littéraire) .
De cette problématique nouvelle, les questions qui sont posées à la
d’appréhension scientifique.
(Ecrits, p. 494), J. Lacan souligne que l’Université des Lettres, marquée
véritable identité.
1.
De la lettre au sujet
I. LE SENS DE LA LETTRE
et « de les composer selon les lois d’un ordre fermé » (la chaîne signifiante).
retiendra que cet ordre qui seul en fonde la structure : l’ordre du signifiant.
la signification » (Ecrits, p. 497), est aussi une mise en rapport : ce qui
importe à Saussure est la constitution du signe comme unité de la
signifié (un concept), et que le signe ainsi constitué fait sens en ce qu’il
prémisses.
langue, doit être pensée comme moment, coup d’arrêt dans le flux de
« passer à l’étage du signifié » (Ecrits, p. 503). C’est cette opération qui,
Faisons halte un instant sur les chemins de la lettre pour noter ce que la
« tout autre chose que ce qu’elle dit », et de faire entendre cet « autre
chose » « entre les lignes », par le seul jeu du signifiant. C’est dans cette
seul jeu qui rapporte signifiant à signifiant : elle résulte de deux effets
travaille en effet à produire des « effets » qui lui sont propres selon deux
modalités :
l’algorithme n’est pas franchie, la lettre n’a ici pour fonction que de
128
« La neige tombe à longs traits de charpie » filaments blancs
p. 506). (L’erreur doctrinale porte ici, bien entendu, sur la partie de la
de l’esprit qui est pure « dérision » du signifiant, jeu dans le signifiant qui
n’a visée que de lui-même, littéralité pure, « jeu de mots », ou, comme
V. LE TEXTE A LA LETTRE
pouvant viser que des formes imaginaires, ombres et reflets qui sont en
réserve du texte : Condamnation sans appel de toute pratique critique
idéologie.
130
Recherches pour une sémanalyse : « La littérature » nous paraît
2) Si le travail du texte suit les lois du signifiant, le texte est, quant à lui,
pour littéraire, ne saurait porter, je m’y essaie, que sur ce que Poe fait
131
qui ouvre les Ecrits, « le séminaire sur la lettre volée ». Ce que fait
132
Poe dans La lettre volée , c’est de former un message sur la lettre :
Le texte n’est donc pas simple jeu réglé des signifiants, ce qui ferait de lui
« habite » le langage.
pouvoir signifiant de la lettre, et que c’est « à être présent dans le sujet » que
structure. Relisant Freud au plus près (le « retour à Freud »), J. Lacan y
pointe cette structure analysée à travers ses effets les plus empiriquement
linéaire en discours.
l’inconscient.
texte.
2. LA THEORIE DU SUJET
« La structure du langage une fois reconnue dans l’inconscient, quelle sorte
philosophique : parle celui qui pense et qui donc est le sujet. Mais ce sujet
je ne pense pas » (= où je ne pense pas penser) [id., p. 517]. Où ? Dans
n’est pas là : trace inscrite d’un sujet égaré, il est le tenant-lieu de
Dès lors, « Lacan autorise une démarche nouvelle, qui cherchera moins à
que mimer sa production. Opération qui « ne prouve rien que la cassure, que
p. 8). L’écriture, si elle peut re-présenter cette coupure qu’est l’inscription
encore, cet « échec obligé ». (« Le réel dans le texte », Littérature n° 3,
p. 32) : « La lettre écrite sur le papier, du fait même qu’elle tente
mettre en jeu ce que sa texture même est faite pour colmater ; aucun artifice
Tentative qui fait du texte moins une « mimesis » qu’une mise en scène,
136
explorant l’aventure du langage , mais explorant aussi dans le langage
l’aventure du sujet.
imaginaire, engage le sujet dans une relation narcissique. D’où les préfaces
d’autant que la lettre une fois produite, son pouvoir s’est déjà dissipé.
2.
Le désir à la lettre
I. VERITE ET SAVOIR
Que l’autre bord du savoir puisse dans un premier temps être appelé
propre : ce qui importe au savant, c’est que le phénomène dont il fait son
valeur », mais discours sur la vérité, elle ne sera en aucun cas discours de la
vérité : « nul langage » en effet, « ne saurait dire le vrai sur le vrai, puisque
la vérité se fonde de ce qu’elle parle, et qu’elle n’a pas d’autre moyen pour
conçoit du savoir » (Ecrits : « D’un syllabaire après coup » p. 724), cet autre
bord dont le discours doit être reconnu. C’est la vérité, ou du moins ses
Mais vérité qui se dérobe, d’être prise dans le jeu du signifiant. C’est
pourtant bien Elle que le sujet articule à sa place, c’est Elle qui le parle.
faire passer pas les défilés du signifiant la satisfaction de tout besoin, son
avec lui. Mais inscrit dans la chaîne signifiante, le désir ne se saisit que dans
139
subit « de n’être sujet qu’en tant qu’il parle » (Ecrits : « La direction de
la cure », p. 634).
141
jour dans l’articulation de la chaîne signifiante .
Quand le sujet accède au sens de son désir, c’est que l’autre « effet » du
métaphore, que l’on veuille ou non se le dire, comme le désir est une
p. 528). Ces deux effets signifiants donnent son champ à la vérité ; toute
parole vraie est d’abord vérité du désir. Vérité qui ne saurait être dite ; parce
qu’elle se dit elle-même de ce qu’elle parle, elle n’entre pas dans le champ
du savoir.
dans son rapport inaugural au signifiant ; présent en tous les points du texte,
143
et désir multiple, selon que le texte est écriture ou lecture .
Ce désir, quel est-il ? D’abord celui qui s’articule de l’un à l’autre sujet
dans le texte, entre tous les sujets dans le texte, en tant que sujets désirants ;
Ceci est vrai puisque aussi bien le désir du « Lecteur » comme celui de
texte. « La lecture, écrit M. Pierssens (art. cité, p. 28), est une fonction du
satisfaire un (autre) désir, et qui « ce faisant devient écriture, où plus rien ne
devient le lieu.
dans le texte, l’objet est illusoire, toujours déjà perdu, en ce qu’on ne marque
peut se faire jour dans la relation intersubjective qui noue, par le jeu du
de la critique littéraire n’est que l’un des moyens de nier le désir tout en
de l’analyste par le texte qu’il se donne pour objet. L’« auteur » qu’il veut
percer à jour, n’est autre que l’objet perdu de son désir, et le texte un
critique analytique en tant que savoir sur le texte (en tant que « science »
autre texte, en réponse à son appel, « auquel chacun est libre de répondre ».
ÉCRITURE ET TEXTUALITÉ
1.
La logique du texte
décisives les travaux du groupe « Tel quel », les noms de Roland Barthes, de
C’est à cette dernière que l’on doit la première (et la seule) tentative pour
élaborer une « théorie » du texte. Théorie homogène bien qu’édifiée sur les
divers, savoirs dont elle tente l’amalgame au sein d’une théorie homogène.
Les ouvrages de référence en sont Semeiotike, déjà cité p. 201, Le texte
145
du roman, et La révolution du langage poétique , ouvrage dans lequel la
commune aux théoriciens du texte est redevable pour l’essentiel aux thèses
146
marxistes de travail et de production . Il serait toutefois erroné de ne lui
même si le concept de « texte » n’est jamais encore apparu dans tel ou tel
compte :
particulièrement poétique.
processus de l’histoire.
son engendrement.
pouvoir génératif : le texte n’est autre qu’« une fonction dont dispose
147
l’écriture » .
Travail qui s’opère dans l’écriture, il se définit comme une productivité qui
L’écriture est le lieu d’une pratique dans la lettre, dont elle explore les
jouissance.
écarts et de ses effets, le texte ne peut être qu’un acte signifiant spécifique se
151
jouant à travers la langue , une pratique qui, bien que se produisant dans
n’est pas la littérature (le texte) », de même que l’écriture n’est pas la
152
littérature . Elle est ce qui précède et dépasse le sens, et ce qui laisse à
jour des significations multiples, c’est le modèle qui pour « faire » le sens
non des pouvoirs de la lettre (au sens analytique), mais des déterminations
langue :
fonction sociale).
autonomie :
153
produit d’abord, hors structure, une infinité de dérivations possibles,
Dans une écriture qui se représente, dans un texte qui écrit sa production
154
« irréductible à la représentation » , les particularités du travail dans (et à
signifiance. Le concept lacanien (cf. p. 198) est ici judicieusement utilisé,
mais dans une vision élargie où il devra montrer son aptitude à rendre
d’un travail qui opère sur les traces de l’inconscient, excavation creusée
156
pour la jouissance et brèche ouverte sur le retour du refoulé . Il semble
3
structurée selon les règles d’un code de communication . Cette effraction du
signifiant).
La signifiance et sa « science »
I. LA SEMANALYSE, « SCIENCE » DE LA
SIGNIFIANCE
synthétique et plus claire que celle qu’en donne J. Kristéva dans Semeiotike
grammaticalement structurée. »
158
production des pensées du rêve ».
signifiance, la démarche est aussi complexe que l’objectif. S’il lui faut saisir,
159
langue ». Il lui faudra ensuite
corollairement,
160
social . » C’est donc de l’engendrement de la signifiance que le texte
161
psychanalyse .
dans le langage.
162
préalable et extérieur au sujet , où fonctionnent les pulsions : lieu décrit
par Freud et Mélanie Klein comme celui de charges énergétiques qui ont
pour cause un état de tension (dans une excitation corporelle), et pour but la
163
frayages et des stases pulsionnels , mais, fondamentalement, des
164
condensation . Selon ce modèle, J. Kristéva définit dans un premier temps
165
rythmique, « musical », qui sans cesse se fait et se défait .
signifie l’objet pour l’ego. De la béance qui s’est ouverte entre signifiant et
constituer comme unité est immédiatement détruite par le jeu des charges et
dénombrement. Puis dans cette histoire se produit (en deux temps, stade du
est pris dans la « coupure » qui marque la séparation entre l’ego imagé et la
motilité pulsionnelle ; il est ce qui soutient l’ordre du signifiant, cependant
Il est vrai que la théorie des pulsions est impliquée dans le système
171
rapport à la mère » — cependant, le rêve, le fantasme témoignent de la
Mais le sémiotique n’en reste pas moins présent, quoique retenu dans les
sujet.
Pour J. Kristéva, c’est la dialectique des deux modalités qui rendra compte
de l’ordre signifiant.
TRAVAIL DU POETIQUE
172
vers le corps auto-érotique ... ».
sémiotique.
174
suffisamment fort pour que la « mise en procès » du sujet ne désagrège
signification maintenue.
Les conséquences pour le texte d’un « retour second » de la fonctionnalité
place d’un dispositif nouveau qui, tout en retenant les éléments positionnels
Le trajet effectué par le texte sera marqué dès lors par les opérations qui
cette germination infinie, qui dans le réel ne présente jamais qu’une image :
177
matérielle,..., et la pulvérisation langagière ».
L’expérience poétique
I. LA LOGIQUE DU TEXTE
179
transgression ». Dans le texte, (manifesté au plan du géno-texte), ce
résultat apparaît dans les dérèglements du « dispositif » textuel que l’on peut
organisation.
180
ces stases pulsionnelles sémiotiques dans la position de signifiants »,
« feuilletage » signifiant/signifié/référent ?
181
« dans sa littéralité et son espace », comme la façon dont elle « dispose »
signifiant.
Ecartant le signe comme unité textuelle, on posera dans le texte une autre
182
« l’ensemble signifiant minimal », unité graphique ou phonique qui est
183
glissement de tout l’ensemble différentiel dans l’espace de sa clôture .
184
« différentielle signifiante ». La différentielle est donc ce « nombre-
185
élément graphique et phonique du texte infini » qui ponctue tout le
186
dispose dans le texte, « réseau tabulaire de correspondances phoniques ».
offre. Mais si elle « utilise » le code, elle ne s’y « soumet » pas. Constituée
187
langue, elle est cependant plus que le phonème .
188
même (dans la chaîne signifiante) .
Ce sont les processus décrits par Freud dans le travail du rêve qui
construisent un sens.
appui sur les phonèmes (sur leurs traits distinctifs) pour constituer en eux
la langue, mais aussi contre lui, ne tenant aucun compte des « frontières
190
parallélisme) .
193
pulsionnel, qui tout en la maintenant en son principe , perturbe ses
étrangères à ces pertes d’identité (du mot, du sens) et à ces défaillances (de
la syntaxe).
langue cet autre dispositif qui lui restituera « une de ses capacités virtuelles
194
mais refoulées : celle de faire passer les « passions » dans le sens ».
197
de la castration . il engendre une perversion qui relève analytiquement
198
dans le lieu d’un objet, ou d’un partenaire », cet investissement
érotique. Rien n’empêche de voir dans le livre, ou dans l’œuvre en tant que
texte clos, cet objet érotisé qui prend la place de la symbolicité thétique. J.
où le signe est maintenu, même si, au sein de cet espace, elle relève le
Rappelant « ces restes des premières symbolisations » (Lacan) que sont les
C’est en ce sens que l’on peut parler pour l’artiste (pour le poète,
et en fait un signifiant.
4.
Lire le texte
I. L’AUTRE SCENE
présentation.
202
discours communicatif ». Positivement, c’est donc en quête de ce
« surplus » qui précède et excède dans la langue son propre système que
203
démêler les entrelacs de la parole et de l’écriture, de la loi et du hasard ?
« remonter » la signifiance.
II. LA TRANSPOSITION
Des analyses qui ont été conduites jusqu’ici, il résulte que la pluralisation
du sens dans le texte n’est pas seulement l’effet des opérations (des
Elle est aussi, et même avant tout, l’effet du passage du sémiotique dans le
« thèse » sujet/objet.
206
de signes (scène carnavalesque, poésie courtoise, discours scolastique ).
208
saisir dans la connotation, la polysémie, la « polyphonie » . Pratiquement,
le fait que le texte soit une transposition oblige à considérer l’unité (le mot)
— Que l’on cerne pour les briser (les analyser) les associations
211
commandées par la transposition (et le déplacement ), qui forgent
« l’unité ».
texte poétique.
III. LA NEGATIVITE
214
intellectuellement cependant que persiste l’essentiel du refoulement . « Il
est clair que pour Freud, préoccupé par la problématique du sujet rationnel,
C’est le néant, le vide, le zéro logique, qui cependant ne peut être pensé que
218
rapport dans le devenir logique ».
des signifiants s’annulant l’un l’autre, mais inscrivant ainsi l’infinité du sens
qui est « cette contestation écrite du code, de la loi et de soi-même, une voie
poésie védique remarque que l’on retrouve, disséminées dans chaque vers,
les lettres (les sons) qui composent le nom d’une divinité ou d’un chef de
propres ne tient aucun compte de l’ordre linéaire de l’énoncé, des ses unités-
signifiant.
l’œil fixe, des regards fauves sur les membranes vertes de l’espace ; car, il
lui semble entendre devant lui, les ironiques huées d’un fantôme. Il
de la fonction paragrammatique.
On sait aussi que le jeu du texte poétique comme écriture/lecture, définit
parle point. »
223
l’univers et sa place en lui ». C’est que le paragrammatisme est, ne peut
pour nous... un concept formé sur la voie de ce qui opère pour lier la
225
l’écriture . »
signifiance.
L’expérience poétique, quand elle se fait radicale, n’est ni folie (« fuite
folle »), ni fétichisme (réthorique, pur jeu de langage), mais elle introduit
Annexes
ANNEXE I :
Dans le vers de Hugo, il est manifeste qu’il ne jaillit pas la moindre lumière
qu’il n’est pas question qu’elle ait le mérite plus que le démérite de ces
attributs, l’un et l’autre étant avec elle propriétés de Booz qui les exerce à
Mais dès lors c’est de Booz que la gerbe a fait cette place nette, rejeté qu’il
Mais une fois que sa gerbe a ainsi usurpé sa place, Booz ne saurait y revenir,
réserve et nos rejets, et même dans son accumulation reste prodigue pour
notre aune.
Mais si dans cette profusion le donateur a disparu avec le don, c’est pour
ANNEXE II
L’éclat du signe :
signes la page encore vierge. Cet épithète sera donc le premier à consigner
(du glacier), l’hiver qu’on retrouve anagrammatisé dans ivre et givre et qui
pas de délivrance.
Il n’est donc pas exagéré de voir dans ce mot initial un très puissant
pas moins de huit fois dans le premier quatrain, sans compter celle que
(cf. Sur les bois oubliés quand passe l’hiver sombre...) : on sait que la forme
laquelle nous reviendrons), et tout le premier vers semble comme trois fois
[...] mais, sur l’heure, tourné à de l’esthétique, mon sens regrette que le
clair.
verbe suggestif et bien freudien (le sens manifeste ne contient-il pas par une
comme « lac » d’un vers sur l’autre condense et fait miroiter « glacier ». Ici
deux dimensions :
Notons entre lac et glacier un complexe rapport de paronomase : « lac » est
la glace contenue dans le lac. Les cygnes ne fréquentant guère les lacs de
abstraite). Si nous développons ces « vols qui n’ont pas fui » dans la
sans mal les sens qui n’ont pu prendre leur essor et qui demeurent virtuels,
soupçon...
Tout le travail du poète n’est-il pas de rendre à leur(s) virtualité(s) les mots
et notre plaisir de lecteur en retour de porter le soupçon sur ceux qu’il nous
a avarement concédés ?
ANNEXE III
Un exemple d’analyse
texte, p. 240-246.)
Hyperbole de ma mémoire
Triomphalement ne sais-tu
Transcription semi-phonologique
‘ipεRbɔl(ə)/də ma memwaR
nə sε ty
tələve/oӠuRdųi gRimwaR
dd zœ livR(ə)/dəfεR vεty/
Strophe
sourdes, groupées avec la liquide/R/ : /pR/, /Rb/, /tR/, /Rd/, /vR/, /f’R/ ;
dont il s’agit de façon assez proche de leur base pulsionnelle : Ainsi, p : « ...
pour exprimer tel acte ou tel objet vif et net), on ne saurait y voir que
75
rarement la contrepartie, parmi les dentales, de la labiale b » ; b : « ...
s’appuie, au commencement de chacun des mots, sur toutes les voyelles, peu
d’entre les diphtongues et les seules consonnes/et r : cela pour causer les
78
radical » ; / : « ... appétition point suivie de résultat, la lenteur, la
stagnation de ce qui traîne, ou gît ou même dure ;... sauter (...) pouvoir
79
d’aspiration (...) d’écouter et d’aimer (...) . « La constrictive labio-dentale
étreinte forte et fixe (...) : unie aux liquides ordinaires b et r, elle forme
ainsi que l’acte de couler, comme dans les langues classiques ; avec r, c’est
81
eux . » Enfin, m porte le désir de fusion avec la mère que Jakobson a déjà
82
signalé ; Mallarmé écrit : m « traduit le pouvoir de faire, donc la joie,
mâle et maternelle ; puis, selon une signification venue de très loin dans le
83
l’infériorité, la faiblesse ou la colère . »
84
démontrent les occurences suivantes : « Aboli bibelot d’inanité sonore » ;
85 86
« bassin, aboli » ; « Abolit le mât dévêtu » ; « Le néant à cet Homme
aboli de jadis
87
» ; mais aussi/b ɔl/, /blɔk/ : « Calme bloc ici-bas chu88 », de
même que les nombreux « symbole », « parabole ». La
introduit dans la deuxième version seulement, s’y justifie d’abord par ses
rejoignant ainsi le registre en/ ɔR/, /tR/et/t/, /d/, de même que la signification
de la strophe indiquant la division (« midi ») de la loi (« autorité »)
rendre/Devenait son unique soin », change en « /Ne porta son regard plus
dans le/pR/du titre, la dentale de/tR/étant plus appuyée et plus tendue que la
« hyperbole »-« triomphalement ».
ANNEXE IV
ou le rapport timbre/pulsion
du texte », p. 225.)
destructrice. On retiendra la pulsion orale des liquides (l’), (r’), (m) et des
ouvertes ; la pulsion urétrale des constructives non voisées (f), (s), (∫) et
constrictives voisées (v), (z), ( Ӡ) ; la pulsion agressive, de rejet, dans les
explosives sourdes (p), (t), (k) ou voisées (b), (d), (g) ; la pulsion érectile-
BIBLIOGRAPHIE CONCERNANT
LA TROISIEME PARTIE
Jacques Lacan :
psychanalytique »,
Le Seuil, 1967.
n° 286, 1971.
Miller J.A. « La suture. Eléments pour une logique du signifiant », Cahiers
os
pour l’analyse, n 1-2, 1966.
n° 2, 1970.
n° 5, 1967.
e
Thèse de 3 cycle, Paris-Sorbonne, 1970.
du texte :
VIII-3, 1968.
1971.
e
XIX siècle : Lautréamont et Mallarmé, Le Seuil, 1974.
Seuil, 1975.
Conclusion générale
livrer quelques réflexions qui pourront prendre parfois une allure de mise en
garde.
228
intellectuels communistes , réduite aimablement à une obsession
229
années soixante , la psychanalyse semble-t-il, a cessé d’apporter la
230
peste . Les esprits ont fait leur chemin, et il n’est plus question
d’anathèmes moralisateurs. C’est très bien ainsi, mais cela ne va pas sans
effet est devenue l’objet d’un consensus quasi général, ne serait-ce pas, pour
reprendre l’expression de Robert Castel, parce qu’« elle en est venue, par
231
aux normes dominantes ? » Dès lors, toute discussion apparemment
232
sociopolitique ? Nous n’avons pas voulu esquiver cette question, mais il
va de soi que ce n’est pas à nous d’y répondre, du moins pas en ce lieu. Une
233
Chasseguet-Smirgel en exorde aux études sur la Sexualité féminine , la
bien soit se trouver récupérée par une idéologie conservatrice, soit servir de
234
caution à un mouvement contestataire . Cette ambivalence, qui n’est
paradoxale qu’en apparence, explique que l’on n’ait pas pris parti dans ce
idéologiquement neutre !
problème qui fait l’objet hic et nunc d’un large débat dans les sciences
l’« initiation pédagogique » était à ce prix. Mais cette nécessité ne doit pas
« s’aveugle et aveugle sur les raisons réelles pour lesquelles il est accepté ou
235
« réinterprété » dans le cadre de l’idéologie dominante ». C’est ce qui
tout état de cause, soit comme objet, soit comme agent, se trouve
marxisme aménage les voies. Mais comme cette double libération n’est
236
historique. S’interrogeant sur cette occultation, G. Delfau et A. Roche se
construction de son historicité. Ils ont beau jeu de montrer en effet que la
majorité des analystes, après Freud lui-même, ont tendance à voir dans le
texte comme inscrit dans une histoire ». Lorsque Freud, par exemple,
237
aux temps modernes », il écarte « nécessairement » l’histoire « en
238
Roman des origines et origines du roman , G. Delfau et A. Roche (p. 249-
voient son apparition », mais que « cette affirmation de principe n’est pas
239
l’historique roman bourgeois ». Cette critique est valable pour la quasi-
des individus dans une formation sociale » et d’autre part « une théorie de
dans une œuvre littéraire, les retombées plusieurs fois décalées de la scène
évidemment pas qu’il n’existe pas une extériorité à la langue (au texte),
mais que cette extériorité ne peut avoir d’effet sur la langue (sur le
241
On voit que l’approche formaliste ne prend volontairement en compte
littérature. Cela ne va pas de soi, on s’en doute. Il est déjà loin d’être évident
stricto sensu. On ne répétera jamais assez que la psychanalyse n’est pas une
réclamant pour leur discipline une spécificité inaliénable, les analystes ont
est le rapport entre un sujet et un objet, tel que le sujet soit le fondement de
242
l’opération véridique » , Or, s’il existe bien, dans la « vérité »
l’inconscient. C’est dire que cette « vérité », si elle existe, est parfaitement
l’écrivait Roland Barthes, le critique « est celui qui ne sait à quoi s’en tenir
243
sur la science de la littérature », il en sait encore moins sur cette
comprendra dès lors que tout discours analytique sur la littérature soit
produire qu’un rapport tout à fait indirect et décalé avec l’objet qu’il prétend
saisir. Soutenir cette proposition, ce n’est nullement déprécier après coup les
ses lecteurs en garde contre les risques majeurs de tout savoir constitué et de
univoque, c’est qu’il s’agit encore d’une ruse dont l’interprétation doit
sa lettre et d’en libérer la lecture. Mais il serait paradoxal que, pour prix de
Compléments bibliographiques
On trouvera ci-après quelques titres qui n’ont pas été cités dans le corps de
p. 447-469.
Winthrop, 1970.
Grasset, 1972.
Gonthier, 1971.
Press, 1968.
10/18, 1976.
Lesser Simon O., Fiction and the Unconscious, Boston, Beacon Press, 1957.
janvier 1970.
1970.
Soriano Marc, Les contes de Perrault, culture savante et tradition populaire,
JEAN LE GALLIOT
Littérature.
Notes
9
e
D’où l’intérêt du concept de productivité opposé à celui de produit. (Cf. III
10
11
12
L’Air et les Songes, Paris, José Corti, 1943, La poétique de l’espace, P.U.F.,
1957.
13
14
1970, p. 112.
15
16
17
18
Gallimard, p. 181-182.
19
20
21
de l’Hexagone, 1971.
22
23
24
25
26
p. 214-221.
27
28
29
31
32
l’Université de Toronto.
33
p. 229-256.
34
35
36
37
39
40
p. 164-215. — « The Myth of the Birth of the Hero », par O. Rank, in
41
picaro, l’artiste maudit, tous les papes des fous — comme des dieux
épopées dignes de ce nom doivent effectuer leur voyage aux enfers ou, en
42
43
Toronto.
44
Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, 1923, rééd.
1962 et 1968.
45
46
47
48
49
50
Gallimard, 1948.
51
52
Seuil. 1971.
53
1966, ch. XVIII, « Structure des relations de personne dans le verbe » et ch.
XIX, « Les relations de temps dans le verbe français », p. 225-250.
54
55
1971, p. 339-364.
56
1968.
57
Rank, Der Mythus des Geburt des Helden (Le Mythe de la naissance du
héros).
58
1972.
59
60
61
63
64
65
66
67
68
1968, p. 247-257.
69
de la logique).
70
Reproche que les marxistes n’ont pas manqué de faire à Freud, non sans
légitimité parfois.
71
72
73
74
75
76
77
78
80
1971.
81
82
Pour les transformations des rapports entre les deux principes, cf. H.
83
84
que l’important commence, l’important dont Freud nous dit qu’il est donné
85
86
Pour la culture comme refoulement et sublimation, cf. Norman O. Brown,
87
88
89
Pauvert, 1966.
90
91
92
93
1972, p. 6-39) et l’analyse par Albert Chesneau des mythes personnels de
95
96
97
98
383.
99
100
101
102
103
Le Mur, p. 182.
104
105
106
Ibid., p. 154-155.
107
108
Ibid., p. 154-155.
109
110
111
112
113
édition.
114
115
116
Critique de la raison dialectique. p. 90.
117
118
notamment :
1964.
119
120
121
122
« L’œuvre et l’analyste », Les temps modernes, n° 233, oct. 1965, p. 644-
645.
123
« Le discours de l’obsessionnel dans les romans de Robbe-Grillet », Les
124
façon, est premier, à quoi sert-il d’édifier une société sans classes ? Question
125
Parfois depuis près de dix ans, si l’on se réfère aux premiers travaux du
p. 211).
126
garde, l’amenant :
textuelle ».
127
128
Un exemple simpliste est ici substitué (à la lettre !) à celui que propose J.
Lacan, dont l’intérêt psychanalytique et littéraire est tel qu’on l’a reproduit
129
La critique littéraire a en effet beaucoup écrit ces dernières années sur les
130
131
132
133
134
135
136
n’est pas celle d’une vision... c’est le langage tout seul, l’aventure du
l’objet du désir).
138
139
désir.
Cet objet n’est nullement objet concret ; c’est le point insaisissable que
140
langage », p. 319).
141
castration.
142
p. 621).
143
publiée).
144
encore en suspens...
145
146
textuelle.
147
148
n° 16.
149
150
151
152
153
Dérivations, et non déviations : Cf. « Pour une sémiologie des
pas un « écart » par rapport à une « norme » qui serait déterminée par le
code linguistique. Elle n’est pas non plus un sous-code particulier. C’est la
154
idéal sera le texte qui joint « une pratique scripturale tournée vers sa
155
156
157
158
159
160
162
163
164
ce mot.
165
166
dire l’acte même par lequel il se constitue comme sujet. Pour une
systématisation de ce concept, voir Lacan plutôt que Freud. Cf. note p. 204.
167
168
Sur le concept de négativité, son sens et son importance dans la théorie de la
169
« Le sujet, c’est ce que le signifiant représente... pour un autre signifiant, cf.
J. Lacan, section II, p. 204. Rappelons que la théorie analytique sur laquelle
s’appuie La révolution du langage poétique ne peut être bien reçue sans une
170
171
172
173
174
175
176
177
logique) : elle est en effet ce geste qui nie les contraires dans un système
179
180
ID., p. 68.
181
182
183
texte », p. 209-263.
185
186
187
188
annexe à ce chapitre.
189
Cf. Freud, L’interprétation des rêves : « Une seule des relations logiques est
poétique, p. 234.
190
192
193
Cf. Mallarmé, « Il faut une garantie — la syntaxe » (Le mystère dans les
194
195
les effets de signifié, en tant que le signifiant les conditionne par sa présence
p. 685), ouvrant dans le lieu symbolique, signifiant, les voies du désir
196
dont Freud affecte tout corps vivant, cette marge au-delà de la vie que le
langage poétique.
197
198
199
langage (le signifiant lié au corps) et plus encore l’objet de « création » (le
200
citations.
201
Le procès de « rejet » qui anime les pulsions se définit par la négativité (cf.
note 2, p. 222), qui agit le lieu sémiotique. La motilité des charges
la pulsion s’accomplira.
Cette citation demande à être expliquée : le mouvement du rejet est une pure
202
203
204
205
langage poétique.
206
transpose le texte : tout texte recoupe l’ensemble des textes (des systèmes
207
l’écriture, loin d’être « accommodation des restes », est création pure, les
signifiant.
208
210
211
212
213
214
215
216
217
218
219
La révolution du langage poétique, « Le dispositif sémiotique du texte »,
p. 239.
220
221
222
223
224
procès de la signifiance :
sujet
conscient
jugement
opérations
paragrammatisme
poétiques
sujet zérologique
225
226
Cette conclusion fait référence à La révolution du langage poétique,
227
228
229
autres, en 1964-1966.
230
peste ! »
231
232
cette idéologie !
233
234
Tel le défunt F.H.A.R., par exemple (Front homosexuel d’action
235
236
237
Cf., supra, p. 40, notre commentaire sur le « Thème des trois coffrets ».
238
239
pressenti combien le genre romanesque est lié par essence aux idéologies de
la libre entreprise et plus encore de l’avoir dit dans une fable subversive où,
buts en parfait accord avec les plans de l’éternel roman enfantin » (p. 143).
240
Cela ne signifie évidemment pas que l’on ne puisse pas continuer à pratiquer
Lacan.
241
242
243
Critique et vérité, Paris, Le Seuil, 1966, p. 74.
© Éditions Fernand Nathan 1977.
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie
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er
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