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Les théories des jeux vidéo

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Yann Leroux

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Les THÉORIES des JEUX VIDÉOS

RÉSUMÉ

Les théories psychologiques sont des récits produits par des psychologues pour expliquer
des relations entre des faits établis. Les théories psychologiques utilisées pour comprendre
les jeux vidéo sont classé dans cinq grands domaines. la philosophie, la psychanalyse, la
psychologie, la narratologie et là l'idéologie ont toutes contribué au développement de
connaissances sur les jeux vidéo. Les principales théories utilisées dans chacun de ces
domaines sont présentées. Le lecteur a ainsi une vision assez complète du paysage
théorique utilisé pour comprendre les jeux vidéo. Le texte souligne les avantages des
théories présentées et leurs limitations. Il apporte une vision synthétique à un domaine
foisonnant Ce faisant, il apporte des éléments critiques à la discussion sur les effets des
jeux vidéo

MOTS CLÉS
jeux vidéo, théorie, philosophie, psychanalyse, psychologie, narratologie, ludologie

1) INTRODUCTION

Les théories psychologiques sont des récits produits par des psychologues pour expliquer
des relations entre les faits qu’ils ont pu observer et faire des prédictions sur les
comportements futurs des personnes. Elles sont importantes parce qu’elles permettent de
comprendre les comportements, d’établir des hypothèses et de produire des recherches
pour tester ces hypothèses. Elles sont également un guide pour la pratique clinique, car
elles aident les professionnels de santé à comprendre et traiter les troubles mentaux.

Les personnes qui étudient les jeux vidéo ont besoin de théories psychologiques pour
comprendre les expériences et les comportements des joueurs. Ces théories sont utiles
pour expliquer les motivations des joueurs, les facteurs qui influent sur leurs expériences de
jeu ou encore la manière dont les jeux vidéo peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur
leurs vies. En utilisant une théorie de la motivation, les chercheurs peuvent par exemple
expliquer l’engagement des joueurs dans les jeux vidéo. Il devient aussi possible de
différencier un engagement passionnel d’un engagement problématique

Les théories des jeux vidéo peuvent être regroupées dans quatre les quatre grands
domaines suivants : la philosophie, la psychanalyse, la narratologie, la ludologie et la
psychologie. Les théories philosophiques permettent de définir le jeu vidéo en le comparant
à d’autres formes de jeu. la psychanalyse a été utilisée pour explorer la relation entre le
joueur et le personnage joué/ La narratologie rapproche les histoires des jeux vidéo des
récits traditionnels que sont les contes et les mythes. La ludologie insiste sur le fait que les
jeux vidéo ont des mécaniques qui en font des média très différents de tout ce qui a pu
exister auparavant. La psychologie a construit des modèles pour expliquer l’engagement
des joueurs et l’influence des jeux vidéo sur le comportement des joueurs

PHILOSOPHIE PSYCHANALYSE PSYCHOLOGIE NARRATOLOGIE LUDOLOGIE


L'inquiétante
Caillois étrangeté Autodétermination Le voyage du héro Lars Konsack
Huizinga La catharsis Mindset Le conte Alvarez
Rhétorique
Baudrillard Flow procédurale
La disposition
affective
La catharsis
La cultivation
L'excitation
générale
L'amorçage
le super pair
La théorie de
l’apprentissage
social
La théorie des
scripts
La théorie du jeu
significatif
Le jeu
L'apprentissage
social

2) Les THEORIES
a) La philosophie

La philosophie a été principalement utilisée pour situer les jeux vidéo dans les expériences
ludiques. Les travaux de Roger Caillois et Johan Huizinga ont été largement utilisités pour
définir les jeux vidéos. Roger Caillois est un auteur français qui a écrit sur les différents
types de jeux et les implications socio-culturelles du jeu. Johan Huizinga est un auteur
hollandais qui défini le jeu comme une activité séparée de la vie quotidienne. Ces deux
auteurs sont important dans le champ des études vidéoludiques parce qu’ils ont permis de
comprendre les jeux vidéo en les rapprochant des expériences de jeu

i) Roger Caillois
Roger Caillois définit le jeu comme une activité libre, créatrice, séparée de la vie quotidienne
par des règles et des espaces particuliers Roger Caillois a distingué quatre types de jeux en
fonction de l’attitude des joueurs : la compétition, la chance, la simulation et le vertige. Agôn
correspond aux jeux de compétition dans lesquels les joueurs s’opposent les uns aux autres
et tentent de vaincre leur adversaire en faisant preuve d’une plus grande agilité, ruse, force.
Aléa est une catégorie de jeu qui implique un élément de chance et qui de ce fait s’oppose
ou nie la compétence et la pratique de l’agôn. Mimicry représente les jeux de simulation. Le
joueur prend un rôle typique, porte un déguisement, ou s’identifie à une autre personne Ilinx
comprend les jeux qui impliquent le désir d’être saisi par le désordre, et une perte partielle
du contrôle de soi, une altération de la perception

Chaque catégorie implique un continuum entre paidia et ludus. La paida correspond à tout
ce qui est anarchique et non structuré. Ludus correspond aux activités structurées et
institutionnalisées. Ce sont différentes façons de jouer en fonction de la liberté, des
contraintes et des règles données aux joueurs. Certaines formes d’agon se rapprochent
d’activités non structurées comme lorsque des enfants jouent au football avec des règles
spécifiques

La théorie de Roger Caillois a été utilisée dans les premières approches académiques du
jeu vidéo. Il s’agissait alors principalement de montrer en quoi les jeux vidéo étaient
similaires aux jeux qui les avaient précédés. Par exemple, Sebastien Genvo s’appuie sur
Rorger Caillois pour comprendre l’expérience du jeu des joueurs de jeu vidéo. En utilisant le
cadre conceptuel de Roger Caillois, il devient plus facile de comprendre le jeu vidéo dans
ses différentes composantes (Genvo, 2011). De son côté, Nicolas Esposito considère que la
définition de Roger Caillois correspond partiellement aux jeux vidéo. Ceux-ci sont
spécifiques parce qu’ils nécessitent un ordinateur qui apporte complexité, automatisation et
interactivité (Esposito, 2005)

Cependant, dans le domaine du jeu, il existe d’autres théories qui pourraient être
intéressantes pour comprendre les jeux vidéo. Brian Sutton-Smith est par exemple un auteur
majeur dans ce domaine. Il affirme que le jeu est pris dans différentes rhétoriques - le jeu
comme progrès, comme exercice, comme destin, comme identité, comme frivolité, comme
produit de l’imaginaire ou comme expérience personnel - qui pourraient être utilisées pour
comprendre davantage l’expérience que les joueurs ont avec les jeux vidéo

ii) Johan Huizinga

Johan Huizinga est un linguiste hollandais qui a laissé une importante théorie sur le jeu. Sa
thèse est que le jeu est intimement lié à la culture d’une société et qu’il est même à l’origine
de la culture. Il est défini le jeu comme une activité volontaire, plaisante, non imposée par
une nécessité physique ou un devoir moral, désintéressée, motivé intrinsèquement et en
dehors de la vie ordinaire. Il est dans un “cercle magique” qui le départage des activités du
quotidien

Ce cadre conceptuel a été appliqué aux jeux vidéo pour les décrire et les comprendre. Les
joueurs qui construisent des civilisations dans Civilization VI ou commentent des crimes
dans GTA le font volontairement parce qu’ils trouvent ces jeux suffisamment engageants.
Par ailleurs, les événements qui se déroulent dans ces jeux sont très différents de ceux de
la vie ordinaire des joueurs. Cependant, la liberté du joueur n’est pas totale. Elle est
encadrée par des actions que le joueur doit obligatoirement faire pour progresser dans le
jeu. Dans certains jeux comme les MMORPG , une partie du jeu n’est pas ludique, mais est
vécue par les joueurs comme contraignante. Il y a dans les jeux vidéo une part de travail
invisible (Dubbell, 2015) qui n’est pas prise en compte dans la définition du jeu de Johan
Huizinga.

iii) Jean Baudrillard

Jean Baudrillard est un sociologue français connu pour sa thèse provocatrice selon laquelle
la réalité a été remplacée par la simulation. Influencé au départ par le marxisme, Foucault,
Bataille, et McLuhan, Jean Baudrillard en est venu à développer dans son livre Simulations
(1982) un scepticisme radical de la réalité.

L’apport spécifique de Baudrillard consiste dans le fait qu’il considère qu’il n’y a pas de
différence entre la copie et l’original, entre le modèle mathématique et la réalité. Il va même
un peu plus loin en faisant du simulacre le type de représentation qui est produit par la
simulation. C’est une copie sans original. Dans une culture qui fait une part de plus en plus
importante à la simulation, le monde lui-même devient une copie. De ce fait, les notions
d’authenticité et de vérité perdent leur point de référence.

La théorie de Jean Baudrillard traite des objets qui intéressent aussi la recherche sur les
jeux vidéo. Jean Baudrillard s’est intéressé à la manière dont la consommation de masse
structure les identités et les relations sociales. Il affirme que la réalité et le monde réel sont
des constructions sociales liées au développement des sciences et de la technologie. Il
décrit des objets particuliers qu’il appelle des simulacres qui sont des choses qui n’ont que
l’apparence de ce qu’ils présentent être, comme le parc d’attraction Disney qui n’existe que
pour cacher le fait que la vraie Amérique est Disneyland. Enfin, avec la notion de simulation,
il soutient que les médias et les technologies de l’information nous offrent une image
déformée et manipulée du monde dans laquelle les personnes se perdent et se
déconnectent de la réalité

Tous ces éléments sont présents avec les jeux vidéo. Comme média de masse, les jeux
vidéo brassent les identités collectives et individuelles. Par exemple, les jeux vidéo
permettent de jouer différents rôles et identités. En cela, ils permettent aux joueurs
d’exprimer leur identité personnelle par leur choix de personnage, leurs comportements et
leurs interactions avec d’autres joueurs En ce sens, ils offrent de nouvelles opportunités d
d’exprimer et de façonner son identité (Filiciak, 2003). Les jeux vidéo peuvent être associés
à des simulacres puisqu’ils proposent des expériences dans lesquels la simulation est
présentée comme la réalité.

b) La narratologie
La narratologie est la discipline qui étudie les structures du récit. L’idée générale est de
trouver derrière la diversité des récits les structures communes qui les organisent et leur
donnent sens. Cette approche a été utilisée pour montrer que les jeux vidéo étaient des
textes comme les autres. Janet Murray a ainsi insisté sur le fait que les jeux vidéo sont un
média de choix pour raconter des histoires. Le premier jeu vidéo, Spacewar! a comme
arrière-plan narratif les space opera. Plus près de nous, les aventure de Mario sont celle
d’un héros classique qui brave tous les dangers pour sauver la princesse.

Le développement des jeux vidéo va dans le sens des narratologistes. Si les histoires des
premiers jeux vidéos étaient suggérées ou très simples dans leur construction, elles sont
devenues plus complexes avec le temps. En quelques décennies, l’histoire des
personnages des jeux vidéo a été développé au fil des différents titres. Peach qui était au
départ cantonné dans le rôle de la Princesse à secourir, est devenue une jeune puissante,
sûre d’elle-même, reine et défenseuse du Royaume des champignons

L’approche narratologiste s’est principalement appuyée sur les travaux de Joseph Campbell
et de Vladimir Propp. L’utilisation de ces théories dans les game studies est détaillée dans
les paragraphes suivants

c) l e conte

En partant de l’analyse des contes populaires russes, Vladimir a développé une théorie
structurale. Selon Propp, tous les contes populaires partagent une même structure narrative
qui consiste en une série d’actions réalisées par des personnages qui ont des fonctions
spécifiques. L’interdiction, la transgression, la poursuite, le mariage ou la récompense sont
quelques-unes des 31 fonctions qu’il a identité. Il note également que les personnages
jouent des rôles spécifiques comme le héros, le donateur ou le héraut.

Après avoir été utilisée pour analyser les contes populaires, les mythes, les films ou les
romans, la théorie de Vladimir Propp a été appliquée aux jeux vidéo. Marina Gabelica
affirme que les jeux vidéo et les contes ont une structure narrative et des archétypes en
commun ce qui permet l’exploration de conflits symboliques. Ils sont aussi particulièrement
aptes à créer l’émerveillement en immergeant la personne dans une narration, en
présentant des personnages sympathiques et en permettant la comparaison entre des
situations métaphoriques et la réalité. Les deux médias sont aussi différents parce que ce
que certains jeux vidéo ne s’appuient pas nécessairement sur les contes de fées (Gabelica,
2017)

Cependant, même lorsque les jeux vidéo ne font pas références au merveilleux des contes
de fées, ils sont suffisamment proches pour que le modèle structural puisse leur être
appliqué. Par exemple, (Brusentsev et al., 2012) ont montré que les univers de jeux vidéo
aussi différents que Call of Duty 4 : Modern Warfare, Red Dead Redemption et Dragon Age :
Orign utilisent la trame narrative du conte décrite par Propp. Leur conclusion est basée sur
l’analyse de l’histoire de chaque jeu vidéo, des niveaux de jeux et des dialogues entre le
joueur et les personnages. Pour chacun de ces jeux vidéo, les chercheurs ont pu identifier
les archétypes donnés par Propp. À côté du Héros, les personnages incarnent le Donneur,
le Villain ou la Princesse. la grille de Propp est aussi adaptée au niveau de l’histoire, mais
elle fonctionne moins au niveau des quêtes. Dans les trois jeux testés, les décisions du
joueur affectent peu l’histoire. pour les auteurs, c’est la principale limite du modèle de Propp.
Leur conclusion est que le modèle de Propp est utile pour construire des histoires
intéressantes à jouer

i) le voyage du héros

Joseph Campbell a montré que les histoires s’organisent autour de structures fixes qu’il a
appelés le monomythe. ll s’agit d’un récit général dont tous les autres récits sont des
variations. Le monomythe est un ensemble de règles qui organisent les histoires. Elles ont
été dégagées par Campbell a partir de l'analyse de mythes et de contes du monde entier. Il
les a résumés de la manière suivante : un héros s’aventure en dehors du monde connu
dans une zone de pouvoirs surnaturels. Des forces fabuleuses sont rencontrées et une
victoire décisive est remportée. Le héros retourne de son aventure mystérieuse avec de
nouveaux pouvoirs auprès a ses compatriotes”

En s’appuyant sur l’analyse de Beyond Two Soul et The Last of Us, (Plyler, 2014) montre
que les jeux vidéo sont en lien avec la structure du monomythe. Ils permettent une relation
plus intime avec le voyage du héros telle que la définit Campbell que le cinéma ou le livre.
Cette relation est plus intime du fait de l’interactivité : le joueur grandit en même temps que
le héros qu’il manipule

ii) le monomythe amércain

Jewett et Shelton ont décrit un momnomythe américain de la manière suivante : “Une


communauté vivant dans un état d’harmonie paradisiaque est menacée par le mal.; les
institutions normales n’arrivent pas éradiquer la menace. Un héros désintéressé arrive. Il
renonce à toutes les tentations et prend en charge l’action rédemptrice ; aidé par le destin,
sa victoire décisive restaure la communauté à son état paradisiaque initial. Le super héros
disparaît alors dans l’obscurité”. Ce monomythe américain apparait dans l'espace
romanesque à la fin du 19e siècle, est adapté au cinéma puis les jeux vidéo. Avec Space
Invader, le joueur combat une menace extra-terrestre

d) La ludologie

La ludologie décrit une approche des jeux vidéo qui se focalise sur les mécanismes du jeu.
Ce courant théorique a été développé dans les années 2000 principalement en opposition à
l’approche narratologie qui étudiait les jeux vidéo en utilisant les outils d’analyse des récits
populaire. Le terme “ludologie” a été invétéré par Gonzalo Frasca pour qualifier le champ de
recherche qui étudie les jeux vidéo comme un système de règles et non comme un
ensemble d’histoires. Pour comprendre les jeux vidéo, il est donc utile d’étudier quelles sont
les règles qui permettent de jouer et celle qui indique comment on gagne. Par exemple, aux
échecs, il existe des règles de déplacement et de prise des pièces, une règle qui donne les
conditions de la victoire. De la même façon, dans le jeu Tetris, si les blocs remplissent une
rangée, ils sont effacées. Le joueur obtient des points lorsqu’il maintient le nombre de
rangées le plus bas possible

Parmi les auteurs de l’approche ludologique, Espen Aarseth insiste sur le fait que les jeux
vidéo sont d’abord des expériences esthétiques et sociales qui ne peuvent pas être lus
comme les autres médias. Ce qui se passe dans un jeu dépend de la chance, mais aussi de
la compétence du joueur et de sa créativité. Ce sont ces aspects délaissés par la
narratologie que l’approche ludologique doit prendre en compte

Si pour ludologues , les jeux vidéo sont composés de règles, de buts, de résultats. cela ne
signifie pas pour autant que l’approche narratologique doive être abandonnée. Gonzalo
Frasca a rapproché les deux points de vue en montant que les mécaniques de jeu peuvent
être une manière de raconter une histoire (Frasca, 2003). L’imbrication des règles et de la
narration est bien illustré dans le concept de rhétorique procédurale développé par le game
designer Ian Bogost. La rhétorique procédurale traduit le fait qu’il est possible d’exprimer
des idées par des procédures. Par exemple, Ian Bogost montre que le système d'honneur
utilise dans le jeu America's Army le jeu traduit une idéologie. Les points d'honneur sont en
effet gagnés lorsqu'un ordre est suivi et perdu lorsque le joueur n'a pas un comportement
approprié. Plus le joueur gagne des points d'honneur, moins il est motivé à avoir un
comportement qui serait sanctionné. Le jeu récompense l'obéissance sans tenir compte du
contexte tout comme les missions de l'armée américaine sont décontextualisées de la
géopolitique. Pour Bogost, le gamer apprend ainsi que le soldat américain est apolitique

e) la psychologie

La psychologie est l’étude scientifique des comportements et des processus psychologiques


des personnes et des groupes. Son but est de décrire les comportements, les expliquer, les
prévoir et de donner aux personnes des moyens de les modifier. Elle a contribué à la
compréhension des jeux vidéo et des joueurs des jeux vidéo avec différentes théories qui
sont développées dans les paragraphes suivants

i) La théorie des traits de personnalité

Les théories de trait de personnalité déclarent que la personnalité peut être résumée en un
certain nombre de traits de personnalité qui varient en force. Un trait de personnalité est une
caractéristique stable d’une personne qui détermine son comportement et ses pensées dans
différentes situations. Les traits de personnalité sont généralement utilisés pour comprendre
les différentes individuelles de la personnalité.

Dans le cadre de la recherche sur les jeux vidéo, les traits de personnalité ont été utilisés
pour comprendre les préférences et les comportements des joueurs. Dans ce domaine, la
recherche est extrêmement foisonnante, mais il est possible de la résumer de la manière
suivante. Une partie de la recherche s’intéresse aux relations entre le personnage joué et le
joueur. Nick Yee et ses collègues ont par exemple montré qu’il existe une relation entre les
traits de personnalité des joueurs et leurs comportements dans le jeu World of Warcraft.
Autrement dit, la personnalité des joueurs s’exprime dans des comportements spécifiques
dans le jeu vidéo. Par exemple, les joueurs qui ont un score important sur Extraversion
préfèrent les activités sociales. (Yee et al., 2011) D’autres études ont montré une relation
entre les traits de personnalité du joueur et les comportements dans le jeu.

La relation entre les traits de personnalité est si étroite qu’il est possible de prévoir la
personnalité des joueurs à partir de leur comportement dans le jeu. En s’appuyant sur des
indices comme les voyages, les hauts faits, l’équipement, les noms des personnages, les
réseaux sociaux, des chercheurs ont montré qu’il est possible de faire des inférences
correctes sur la personnalité des joueurs (Shen et al., 2012). Cependant, cette relation n’est
pas systématique. En effet, certaines recherches ne trouent pas de relation entre les actions
entreprises dans les jeux vidéo et les traits de personnalité des joueurs.

D’une manière générale, les joueurs ont en ligne des comportements qui correspondent à
leurs traits de personnalité (Ducheneaut & Yee, 2012) et font des choix qui correspondent à
leurs valeurs morales (Ewell et al., 2016). Néanmoins, d’autres recherches montrent que les
joueurs peuvent choisir de jouer avec un personnage très différent de leur personnalité
(Mancini & Sibilla, 2017). Même si certains psychologues ont pu avancer que les
comportements des joueurs dans les jeux vidéo peuvent permettre d’évaluer efficacement
leur personnalité, il faut aussi prendre en compte que les jeux vidéo peuvent être investis
parce qu’ils permettent aux joueurs de sortir de leurs modèles habituels modèles de
comportements

D’autres recherches ont exploré la relation entre les traits de personnalité et la préférence
pour certains types de jeu. Ainsi, Bean et Groth-Marnat ont exploré la relation entre le style
de jeu et les traits de personnalité Plus spécifiquement, la préférence pour le JcJ, le JcE ou
le jeu de rôle est associé à des profils de personnalité statistiquement différemment. Pour
les auteurs, cela suggère que différentes personnalités aient des préférences pour différents
styles de jeu styles de jeu (Bean & Groth-Marnat, 2016). Une étude menée par Anthony
Bean va dans le même sens puisqu’elle montre que les joueurs choisissent des rôles qui
sont en accord avec leur personnalité et que ces rôles les nourrissent en retour.

Certaines recherches suggèrent que les joueurs problématiques pourraient avoir des traits
de personnalité particuliers. Les résultats obtenus peuvent être non-intuitifs. Par exemple,
Bram et ses collègues ont mené une étude pour explorer la relation entre l’addiction aux
jeux vidéo et les traits de personnalité. Les chercheurs trouvent que les joueurs dépendants
et les non-joueurs sont ceux qui ont les scores de nervosisme les plus importants. De son
côté, Tobias Greitemey a montré que les joueurs qui affectionnent les jeux vidéo violents
sont aussi ceux qui ont des scores importants sur le trait de personnalité Sadisme
(Greitemeyer, 2015)

La théorie de la personnalité est un domaine foisonnant de la recherche sur les jeux vidéo.
Elle permet de mieux comprendre qui joue aux jeux vidéo, mais son application reste limitée
parce qu’il est difficile de faire une synthèse des résultats qui ont été obtenus dans ce
domaine.

ii) La théorie de la catharsis


La théorie de la catharsis remonte à l’antiquité lorsque Aristote suggère que théâtre puisse
avoir un effet cathartique en permettant aux spectateurs d’éprouver des émotions comme la
pitié et la terreur. Appliquée aux jeux vidéo, la théorie de la catharsis suggère que les
joueurs peuvent utiliser les jeux vidéo pour se purger de leurs émotions dans un contexte
socialement acceptable. Selon cette idée, une personne qui met en jeu avec un média un
comportement agressif n’a plus besoin de l’exprimer dans la réalité. Cependant, il y a peu de
preuves empiriques de ce mécanisme, ce qui fait que la théorie de la catharsis reste
contestée.

Les études sur la catharsis donne en effet des résultats contrastés. Les études en
laboratoire montrent que les pensées, les émotions et les comportements d’une personne
sont plus violents ou agressifs après qu’elle ait joué à un jeu vidéo violent que si elle a joué
à un jeu vidéo non violent. D’un autre côté, les études longitudinales ne trouvent pas de lien
entre jouer à des jeux vidéo violents et des comportements violents, agressifs, délictuels ou
criminel. Il est donc possible d’affirmer qu'à court terme, que les effets des jeux vidéo
violents sur les personnes vont dans le sens inverse de ce que la théorie de la catharsis
prévoit.

iii) La théorie de la cultivation

La théorie de la cultivation s’intéresse à l’accumulation de certain schéma dans les médias


pendant une longue période de temps. Créé par George Gerbner pour expliquer les effets
de la télévision dans les années 1970, elle assure que les spectateurs ont tendance à avoir
des croyances et des conceptions du monde qui correspondent à ce qu’ils voient à la
télévision. La télévision ayant tendance à décrire un monde violent, les téléspectateurs
auront donc tendance à penser le monde comme plus violent qu’il ne l’est en réalité, pour
être en cohérence avec les valeurs véhiculées par leur média de prédilection.

Conçue initialement pour expliquer les effets de la télévision, la théorie de la cultivation a été
utilisée avec les jeux vidéo. Selon cette théorie, les jeux vidéo ont pour principal effet
produire le syndrome du grand méchant monde. Du fait de la violence des jeux vidéo, les
joueurs cultivent l’idée qu’ils vivent dans un monde dangereux, violent ou l’agressivité est un
comportement normal. Ce point de vue est illustré par Anderson et ses collègues qui
affirment qu’il existe un lien entre jouer à des jeux vidéo violents et les comportements
agressifs sur la base d’une méta-analyse qui rassemble 130 000 participants. De son côté,
Dimitri Williams a par exemple examiné l’impact des jeux vidéo en ligne sur la violence
perçue en dehors des jeux vidéo. Son étude longitudinale montre qu’en un mois, les
participants ont modifié leur perception du monde réel. Dimitri Williams conclut donc que les
jeux vidéo ont un effet sur les représentations que les joueurs ont de la violence dans le
monde réel. Mais ses résultats l’amène aussi à préciser que le changement de perception
ne se retrouve pas chez les joueuses et qu’ils correspondent à des situations qui n’existent
que dans le jeu vidéo (Williams, 2006) Finalement, rien ne prouve que jouer à des jeux vidéo
affecte la manière dont les personnes perçoivent la vie réelle

La théorie de la cultivation a aussi été utilisée pour explorer les effets des contenus sexistes
des jeux vidéo sur les joueurs. Selon cette théorie, l’exposition à long terme à ces contenus
doit conduire à des changements des représentations des joueurs et des joueurs.
Concrètement, cela signifie que les joueurs et les joueuses qui jouent beaucoup aux jeux
vidéo auront des positions plus sexistes que ceux qui jouent peu aux jeux vidéo. Cette
hypothèse a été testée dans une étude longitudinale de trois ans année auprès
d’adolescents allemands de 14 ans. Mais là encore, l’hypothèse issue de la théorie de la
cultivation n’a pas été validée. Il a été constaté que les attitudes sexistes mesurées à l’aide
à l’aide d’une échelle évaluant les croyances sur les rôles des hommes et des femmes dans
la société n’étaient pas liées à l’utilisation régulière des jeux vidéo ou à la préférence d’un
genre de jeu vidéo spécifique chez les joueurs et les joueuses

La théorie a été critiquée pour son point de vue trop étroit, sa généralisation abusive et la
difficulté à l’évaluer, car les effets qu’elle prévoit sont des effets à long terme. Plus
spécifiquement, la théorie de la cultivation est non falsifiable, imprécise dans les éléments à
mesurer (Williams, 2006) qu’il s’agisse des contenus ou de l’exposition, et ignore les
variations entre les individus

iv) la théorie de l’excitation générale

La théorie de l’excitation a été développée par Tannenbaum et Zillman (1975). Elle affirme
que l’excitation est un état pulsionnel non spécifique. L’excitation apportée par un média
renforce un comportement présent dans un individu. Cette théorie ne prévoit pas que les
médias créent des comportements, mais qu’ils renforcent les comportements que la
personne exprimerait de toute façon. En ce sens, la personne agit comme elle le ferait
habituellement, mais avec une intensité accrue du fait de l’apport de l’excitation apportée par
le média.

La théorie de l’éducation générale a été utilisée pour comprendre les effets des jeux vidéo
violents sur les comportements. Elle prédit que les jeux vidéo violents apportent l’excitation
nécessaire à la facilitation des comportements agressifs. De ce point de vue, les jeux vidéo
ne créent pas des comportements agressifs en soi, mais peuvent être des accélérateurs de
l’agressivité

v) la théorie de l’amorçage

La théorie de l’amorçage soutient que les médias violents conduisent à l'hostilité et à


l’agressivité par des renforcements des associations faites par le cerveau. Des réseaux
neuronaux peuvent être créés et renforcés par les jeux vidéo ; aux travers de ces
associations, des pensées agressives pourront être transformées en actions. Dans le cas
des jeux vidéo, la théorie de l’amorçage suggère que l’exposition à des jeux vidéo amorce
des réseaux associés à la violence et à l’agression. L’amorçage des réseaux peut permettre
de traduire les pensées agressives en actions

La théorie de l’amorçage a été principalement utilisée pour expliquer l’influence des jeux
vidéo violents sur les comportements violents. Par exemple, les personnes qui ont joué à un
jeu vidéo violent ont tendance à avoir plus de pensées agressives que celles qui n’ont pas
joué à un jeu vidéo violent ou qui ont joué à un jeu vidéo violent. Cette augmentation est
mesurée par le fait qu’elles ont tendance à compléter des mots d’une manière plus violente
(explo/d/e plutôt que explo/r/e. Après avoir joué à un jeu vidéo consistant à tuer des ennemis
en uniforme, les personnes ont aussi davantage tendance à associer des mots agressifs
avec leur personne que celles qui ont joué à arroser des fleurs (Blueke et. al, 2010).
D’autres études ont montré que les jeux vidéo violents sont associés a une augmentation de
la violence présente dans des histoires écrites, une plus grande rapidité dans la lecture de
mots agressifs, une plus grande hostilité envers les Arabes ou les musulmans. (Anderson et
al., 2003; Bösche, 2010; Bushman and Anderson, 2002; Saleem and Anderson, 2013).. A
l’opposé, les jeux prosociaux réduisent l’accès aux pensées agressives (Greitemeyer and
Osswald, 2009). L’ensemble de ces études suggère que les jeux vidéo ont tendance à
amorcer les pensées violentes, ce qui, à terme, peut mener la personne à exprimer plus
facilement des comportements violents.

vi) La théorie des scripts

La théorie des scripts fait l’hypothèse que les expériences quotidiennes se traduisent par
l'intériorisation de structures de connaissance qui décrivent le déroulement des événements
à vernir . Développée initialement par Roger Shank et Robert Abelsson, cette théorie
explore la manière dont ces structures mentales organisent la perception et la
compréhension du monde

Les scripts cognitifs sont des séquences d’action qui caractérisent une situation. Ces scripts
permettent aux personnes d’organiser leurs comportements dans chaque situation donnée
et tout en modelant leurs attentes. Par exemple, le script “Restaurant” indique les
comportements attendus des clients et du serveur dans un restaurant. L’acquisition de ces
scripts peut nécessiter un effort conscience, mais une fois intériorisés, ils sont stockés dans
la mémoire à long terme et appliqués à la situation du quotidien. Une fois qu’un script a été
intériorisé, son activation et son application se produisent sans effort

La théorie des scripts a été appliqué aux médias en général et aux jeux vidéos. L’idée est
que les médias sont des enseignants efficaces en ce qui concerne l’apprentissage de script.
Pour intérioriser un nouveau script, l’enfant doit être attentif à la séquence d’action. Il est
aussi nécessaire que le même script soit présenté de nombreuses fois. Enfin, le script est
ruminé ou joué pour être stocké dans la mémoire à long terme. Plus l’enfant répète un script,
mieux il est intériorisé et plus il est susceptible de l’appliquer à des situations futures

La théorie des scripts est un des composants du modèle général de l’agression (Buckley &
Anderson, 2012) et au modèle général de l’apprentissage (Gentile et al., 2014). Dans ces
deux modèles, les scripts font partie des variables personnelles qui informent les
comportements. Ces scripts sont activés par les jeux vidéo violents, ce qui peut biaiser
l'interprétation que fait la personne d’une situation, et donc, en conséquence , affecter les
comportements qui découlent de cette interprétation

vii) la théorie de l’apprentissage social

Pour la théorie de l’apprentissage social, le comportement est appris par imitation de


modèles attractifs (Bandura, 1994). Les comportements observés deviennent ainsi des
éléments du répertoire comportemental de la personne. Après avoir été utilisée pour
explorer les liens entre les programmes de télévision et la violence, la théorie de
l’apprentissage social a été utilisée pour expliquer les effets des jeux vidéo violents. Les jeux
vidéo violents sont particulièrement aptes à enseigner des comportements violents par leurs
caractéristiques. En effet, ils requièrent une attention importante et une identification du
joueur avec les personnages. De plus, des récompenses sont attachées à la violence
symbolique (plus de points pour tuer des opposants par exemple). De ce fait, les actions
agressives sont plus facilement intériorisées puis transférables dans le monde extérieur.

L’étude de Schutte et ses collègues est un bon exemple d’utilisation de la théorie de


l’apprentissage appliquée aux jeux vidéo (Schutte et al., 1988). Les auteurs ont observé le
jeu libre de deux groupes d’enfants après qu’ils ont été affectés à la condition expérimentale
“jeu vidéo violent” et “jeux vidéo non violent”. Le jeu violent était un jeu de karaté ans lequel
le protagoniste doit vaincre des adversaires pour sauver la princesse Mariko. Le jeu vidéo
non violent était Jungle Hunt dans lequel le joueur doit échapper à différents dangers en
nageant, courant ou en sautant de liane en liane. Après avoir joué au jeu vidéo pendant 5
minutes où regarder un camarade jouer, les enfants étaient conduit dans une salle
contenant une poupée Bobo couverte d’un kimono et d’un petit personnage accroché à une
liane et de livres pour enfants posés sur un bureau. Le comportement des enfants était
évalué par deux observateurs qui notaient les comportements agressifs comme pousser,
donner un coup de pied, simuler un coup. L’analyse des résultats montre que les enfants qui
ont joué au jeu vidéo violent ont significativement plus de comportements violents que ceux
qui ont joué au jeu vidéo non violent. Elle montre également que les enfants ont tendance à
imiter les comportements observés dans le jeu puisque ceux qui ont joué à Jungle Hunt ont
tendance à jouer avec le personnage plutôt qu’avec la poupée Bobo

La théorie de l’apprentissage social de Bandura a été très importante, car elle prend en
compte le contexte social des apprentissages. Mais elle a aussi comme limitations, surtout
lorsqu’elle est utilisée pour expliquer l’influence du média sur les comportements, de ne pas
prendre en compte les caractéristiques de la personne, des différences individuelles dans la
façon dont les personnes interprétèrent et réagissent au comportement observé et surtout
de l’absence de preuves empiriques solides.

viii) Le GAM (General Agression Model - Modèle Général d’Agression)

Le modèle d'agressivité générale a été développé par (Anderson & Bushman, 2002)
pour expliquer les effets des jeux vidéo violents sur les comportements (GAM ; Anderson &
Bushman, 2002). Le GAM s'appuie sur les hypothèses de l'apprentissage social (Bandura,
1977), du transfert d'excitation (Zillmann, 1983) et de la théorie cognitive
néo-associassioniste (Berkowitz, 1990).

Les hypothèses en faveur du GAM ont été testées dans de nombreuses études qui ont
montré qu’une exposition, même brève, à la violence médiatique, modifie l’état interne de la
personne. Par exemple, après avoir joué à un jeu vidéo violent, les pensées agressives sont
plus facilement accessibles qu’après avoir joué à un jeu vidéo non-violent. Dans cette étude,
les chercheurs ont affecté aléatoirement les participantes de leur étude à la situation “jouer à
un jeu vidéo violent” et “jouer à un jeu vidéo non-violent”. Après la situation de jeu, les
participants devaient lire une liste de mots. Ceux qui avaient joué a un jeu vidéo violent
lisaient plus rapidement les mots violents que ceux qui avaient joué à un jeu vidéo
non-violent. Des résultats identiques sont trouvés pour les émotions et les comportements
(Anderson et Dill, 2000). Dans une autre étude, des enfants été répartis dans deux groupes
(jeu vidéo et jeu non-violent). Les expérimentateurs ont ensuite demandé aux enfants de
compléter de courtes histoires dans lesquelles le protagoniste se trouve dans une situation
difficile. Les enfants qui avaient joué à des jeux violents avaient tendance à imaginer des
histoires plus agressives que ceux qui avaient joué à des jeux non-violents. La même
expérience faite avec des adultes donne des résultats similaires. Les adultes qui ont joué a
un jeu vidéo violent ont tendance à penser que le protagoniste de l’histoire a tendance à
avoir davantage de pensées, d’émotions et de comportements violents que ceux qui ont
joué au jeu vidéo non-violent. (Kirsh, 1998)

Le modèle général de l’agression donne un cadre conceptuel pour comprendre l’influence


du média violents sur les comportements. Il a été utilisé par de nombreuses études pour
explorer les effets du média violent comme la télévision ou les jeux vidéo.
Sa force est de prendre en compte un grand nombre de facteurs, mais les variables
considérées sont si complexes qu’il est difficile de tirer des conclusions sur sa validité. Il
reste par exemple à comprendre comment les différents types de comportements agressifs
rendent les personnes plus sensibles aux effets des médias violents. Par exemple, les
agresseurs proactifs voient l’agression comme quelque chose de positif tandis que les
agresseurs réactifs utilisent l’agression en dernier recours. Les premiers sont caractérisés
par une faible empathie et sont sans émotions lorsqu’ils agissent agressivement. Les
seconds sont pris de remords après des actes agressifs ; il est possible que les agresseurs
proactifs apprécient davantage la violence médiatique pour l’identification a l’agresseur
qu’elle rend possible tandis que les agresseurs réactifs ont tendance à s’identifier à la
victime et à peu apprécier la violence médiatique.

Le GAM affirme que les jeux vidéo violents sont des occasions d’apprentissages de
comportements violents, d’attitudes violentes et de schémas cognitifs violents. Le joueur est
aussi peu à peu désensibilisé à la violence. La combinaison de ces éléments peut conduire
à une augmentation des comportements violents chez une personne agressive. Le GAM a
été critiqué parce qu’il repose sur l’apprentissage social, qu’il néglige les influences
biologiques, et qu’il ne prend pas en compte la part active des utilisateurs du média
(Ferguson & Dyck, 2012))

ix) La théorie de l’autodétermination

La théorie de l’auto-détermination a été développée par Deci et Ryan ((SDT; Deci & Ryan,
1985) et a été appliquée aux médias (Ryan, Rigby, & Przybylski, 2006) pour expliquer les
motivations sous-jacentes à leur utilisation. Cette théorie affirme que trois besoins
psychologiques de base expliquent l’attrait des médias pour les personnes. En satisfaisant
ces besoins psychologiques, les médias augmentent des sentiments comme l'estime de soi,
la vitalité qui sont liés au bien-être. Les trois besoins psychologiques satisfaits par les
médias sont l’autonomie, la compétence et les relations sociale.

La théorie de l’auto-détermination affirme que la motivation intrinsèque est la principale


raison qui pousse les personnes à jouer aux jeux vidéo. Plus spécifiquement, les joueurs
sont motivés par l’autonomie, la compétence et les liens apportés par les jeux vidéo (Ryan
et al. 2006; Przybylski et al. 2010; Deterding et al. 2011).

La satisfaction de ces besoins sont de puissants motivateurs qui expliquent l’attraits de


certaines personnes pour les jeux vidéo. Le sentiment d’autonomie est nourrit par le fait que
le joueur a l’impression que ses choix dans le jeu sont libres et que certains d’entre eux ont
des conséquences importantes sur la partie. Le joueur est libre d’aller et venir,
d’expérimenter des stratégies, de rejouer ce qui a été échoué. Il n’a pas le sentiment d’être
guidé par un rail invisible qui le conduit vers la fin de la partie.Le sentiment de compétence
est créé lorsque le joueur a le sentiment que les défis proposés par le jeu demandent qu’il
donne le meilleur de lui-même ou parce qu’il fait dans le jeu des apprentissages qui lui sont
immédiatement utiles. Enfin, les jeux vidéo donnent des occasions de créer des liens avec
d’autres joueurs. Ce sentiment est créé par des parties partagées avec d’autres joueurs ou
par le simple fait de faire partie d’une communauté qui a sa propre culture

x) la théorie du flow

Le flow est défini par Mihaly Csíkszentmihályi comme l'état psychologique dans lequel une
personne se trouve lorsqu’il y a une correspondance entre ses compétences et la difficulté
de la tâche. Il s’agit d’un état psychologique dans lequel la personne contrôle parfaitement
ses actions, perd le sens de la limite entre sa personne et son environnement, et la
distinction entre les stimulations externes et ses réponses. Lorsqu’une personne est ‘dans la
zone”, elle perd le sens du temps et de la durée. L’état de flow est généralement associé à
des expériences plaisantes dans laquelle la personne est pleinement investie

La théorie du flow a été utilisée pour expliquer l’attrait que les jeux vidéo peuvent avoir sur
les joueurs (Sweetser and Wyeth 2005; Chen 2007; Cowley et al. 2008). Les jeux vidéo sont
des outils parfaits pour l’exprience du flow. En effet, ils donnent des buts clairs, apportent
des feedbacks immédiats et proposent des challenges dont la difficulté correspond aux
compétences du joueur. Pendant les parties, le joueur garde un contrôle sur l’ensemble de
l’expérience. Tous ces éléments sont très favorables pour créer l’expérience du flow qui est
en soi extrêmement motivante.

La force de l’engagement dans cette expérience peut conduire à des investissements


passionnels problématiques. plusieurs recherches ont exploré la relation entre le flow et jeu
vidéo pathologique tel qu’il est défini dans le gaming disorder ou l’internet game disorder.
L’étude statistique menée par Li et ses collègues montre ainsi que le flow fait partie, avec
des éléments comme la recherche de compensation, le temps de jeu, la peur de manquer
quelque chose, des facteurs associés au gaming disorder (Li et al., 2021). La théorie du flow
a aussi été utilisée pour expliquer la relation entre les jeux vidéo et le sommeil. Dans une
étude corrélationnelle, des chercheurs ont trouvé que le trait de personnalité flow est
associé à des sessions de jeu vidéo plus longues et un coucher plus tardif (Smith, Gradisar,
et al., 2017). Une étude expérimentale précise cette relation en montrant que les personnes
qui ont un trait flow jouent se couchent plus tard que ceux qui ont un trait flow faible
lorsqu’elles ont joué à un jeu difficile. Cela suggère que l’intersection entre des
caractéristiques individuelles et vidéoludiques peut expliquer le coucher plus tardif des
joueurs (Smith, King, et al., 2017)
xi) La théorie des usages et des gratifications

La théorie des usages et des gratifications a été développé dans les années 1940 et 1950
pour comprendre les effets de la télévision, de la radio et de la presse. Elle a ensuite été
utilisée pour comprendre les effets des jeux vidéo. Elle affirme que les personnes utilisent
les média pour satisfaire des besoins individuels spécifiques. L’utilisation d’un média dépend
des gratifications que le média apporte à la personne. Dans cette perspective, la personne
cherche activement les médias qui satisfont ses besoins psychologiques. La théorie des
usages et des gratificationspostule que les personnes utilisent les média pour satisfaire des
besoins comme l’obtention d’information, la distraction ou l’évitement de la solitude.

Appliquée aux jeux vidéo, la théorie des usages et des gratifications a permis d’identifier
plusieurs motivations parmi lesquelles on peut trouver : passer du temps, se détendre,
réduire le stress, être le meilleur du jeu, relever des challenges, tromper l’ennui, faire des
choses que l’on ne peut pas faire habituellement, faire des choses excitantes. Kristen Luca
et John Sherry enrichissent ce schéma une décomposant le tableau des usages et des
gratifications. Ceux-ci dépendent des besoins basiques des personnes, des différences
individuelles et des influences sociales (normes genrées). L’ensemble de ces facteurs se
combinent pour déterminer le temps de jeu vidéo et les jeux vidéo joués (Lucas & Sherry,
2004).

La théorie des usages et de la gratification a été utilisée dans une perspective


développementale. Elle permet d’expliquer comment les changements liés au
développement affectent les pratiques vidéo ludiques des enfants (Sherry et al., 2006) . Au
cours de son développement, l’enfant n’est plus soumis uniquement aux influences dès sa
famille, mais aussi à celle de son groupe de pair. Ces changements peuvent le conduire à
apprécier davantage les jeux vidéo puisque c’est un moyen commode d’être en lien avec
des personnes de son âge. Plus l’influence des pairs augmente, plus les motivations de
jouer avec les autres aux jeux vidéo devient important.

Sur le plan émotionnel, les changements d’humeur de la pré-puberté peuvent conduire les
enfants à utiliser les jeux vidéo comme un régulateur ou comme un moyen de s’évader des
contraintes de la vie quotidienne.

Les nouvelles compétences cognitives et les changements affectifs conduisent les joueurs
vers différents contenus. Certains apprécient des challenges cognitifs plus importants.
D’autres vont vers les jeux qui vont leur apporter des stimulations émotionnelles fortes

xii) la théorie de la disposition affective

La théorie de la disposition affective a pour ambition d’expliquer pourquoi, comment le public


apprécient un spectacle filmé. Elle prédit que le plaisir du spectateur augmente lorsque les
personnages aimés connaissent des expériences positives et que les personnages détestés
connaissent des expériences négatives. Le plaisir diminue lorsque des personnages aimés
connaissent des expériences négatives ou des personnages détestés connaissent des
expériences positives. La théorie est organisée autour des dispositions du spectateur
vis-à-vis des personnages, la réactivité émotionnelles aux souffrances de ces personnages
et la réponse émotionnelle du spectateur. L’empathie et la moralité jouent un rôle dans le
processus

3) SYNTHÈSE

Les différentes théories des jeux vidéo peuvent être classées en différents groupes. Le
premier groupe de théories affirme que les jeux vidéo transmettent des messages qui sont
directement intégrés par les joueurs. Le GAM et les mini-théories qui le composent
appartiennent à ce premier groupe de théorie. Le modèle sous-jacent est celui de la
seringue hypodermique. De la même manière que qu’une seringue injecte un produit, les
jeux vidéo injectent dans le corps social des modèles de comportement et des idéologies qui
modifient la perception des joueurs et leurs comportements. Dans cette perspective, les jeux
vidéo ont des caractéristiques qui ont des effets immédiats, directs et mesurables sur les
comportements. Les joueurs n’ont pas la possibilité de s’opposer à ces effets. Ce sont des
récepteurs passifs qui n’ont pas accès à d’autres sources d’influence qui pourraient mitiger
les effets des jeux vidéo. Ce modèle est très présent dans les théories qui expliquent les
effets négatifs des jeux vidéo comme les comportements violents ou l’addiction aux jeux
vidéo.

La perspective centée sur les joueurs a été critiquée parce qu’elle est souvent soutenue par
des études dont la rigueur méthodologique est contestable et parce qu’elle sous estime la
capacité des joueurs à critiquer et interpréter les messages qu’ils reçoivent. Elle donne aussi
trop d’importance sur l’influence des médias sur les comportements et les altitudes. En
réaction aux limites de cette perspective, des chercheurs ont adopté une perspective
davantage centrée sur les joueurs. Cette perspective prend en compte les qualités
individuelles ainsi que les situations dans lesquels ils se trouvent des joueurs dans les effets
que les jeux vidéo peuvent avoir sur leurs comportements. Le joueur est considéré comme
compétent, faisant des choix en fonction de ses besoins du moment. La théorie du flow,
ainsi la théorie des usages et des gratifications font partie de cette perspective

Enfin, il existe un troisième groupe de théories qui ont une perspective différente des
théories précédentes. Elles donnent un cadre pour penser les jeux vidéo, ce qui m’amène à
les classer dans le groupe des “méta-théories”. Ces théories ne se soucient pas des effets
des jeux vidéo. Elles donnent plutôt un cadre pour penser les jeux vidéo en les situant dans
la culture. Les théories du jeu de Caillois et de Huizinga font partie de cette perspective. De
la même manière, les travaux des ludologistes et des narratologistes décrivent les jeux
vidéo comme un système de règles ou d’histoires, sans préjuger des effets des jeux vidéo
sur les joueurs.
4) CONCLUSION

Les théories psychologiques expliquent la relation entre des faits observés par les
psychologues. De nombreuses théories psychologiques ont été utilisées pour comprendre la
relation qui existe entre les jeux vidéo et les joueurs. Ces théories peuvent être rangées
dans différentes catégories. Dans cet essai,

Certaines théories ont une fonction encadrante. Elles donnent forme et sens aux jeux vidéo.
Ainsi, les théories générales du jeu de Roger Caillois ou de Johan Huizinga ont permis une
première approche du jeu vidéo. En rapprochant le jeu vidéo de quelque chose qui était
connu, les chercheurs ont créé un champ d’étude légitime dans

D’autres théories ont pour ambition d’expliquer l’effet des jeux vidéo sur les comportements
et les attitudes des joueurs. Elles ont largement utilisé pour étudier les effets des jeux vido
sur les comportements violents, les attitudes sexistes ou racistes. Ces théories sont des
héritières des théories utilisées pour expliquer les effets des média de masse comme la
télévision, la radio ou la presse sur le public. Elles reposent toutes sur le paradigme de la
seringue qui affirme qu’un média a un effet prévisible et uniforme sur les personnes qui
l’utilisent. Selon cette logique, un jeu vidéo favorisera les comportements et attitudes
violents, un jeu vidéo sexiste augmentera les comportements et attitudes sexistes et un jeu
vidéo raciste favorisera les comportements et attitudes racistes. Malgré la très grande
quantité de recherche faite dans ce paradigme, sa validité reste contestée. En effet, la très
grande majorité des jeux vidéo comportent des éléments violents, sexistes et racistes. Les
jeux vidéo présentent au joueur des conflits qui sont résolus le plus souvent par la violence.
Celle-ci peut être modérée comme dans la série Mario ou le personnage saute sur des
tortues. Elle peut être plus explicite comme dans la série Call of Duty ou le personnage
utilisé des armes à feu. Mais qu’elle soit modérée ou qu’elle se présente comme réaliste, la
violence est très souvent le moyen de plus efficace pour résoudre le problème auquel le
joueur est confronté. En ce qui concerne le sexisme, même si on note une évolution récente,
les personnages féminins sont le plus souvent cantonnés au rôle d’objet sexuel. Enfin, les
minorités sont fréquemment décrites sous un angle péjoratif. Les Arabes et leur culture sont,
par exemple, systématiquement mal représentés dans les jeux vidéo(Šisler, 2008).

Du fait de la fréquence et de l'intensité avec laquelle les personnes s’engagent dans les jeux
vidéo, ces biais devraient avoir des conséquences observables dans la réalité. Pourtant, il
n’en est rien. Le développement des grandes licences guerrières comme Call of Duty ou
Medal of Honor n’ont pas eu comme conclusion une augmentation de la criminalité (Markey
& Ferguson, 2017). Il est aussi peu probable que les stéréotypes sexistes et racistes des
jeux vidéo aient pour conclusion d’augmenter les attitudes et comportements sexistes et
racistes des joueurs et des joueuses

Ce résultat était prévisible. Les limitations du paradigme de la seringue a conduit à son


abandon dans l’étude des médias classiques. Les chercheurs lui ont préféré préfèrent un
paradigme davantage centré sur la personne. Ce même mouvement est noté dans les
études sur les jeux vidéo. Les chercheurs utilisent maintenant un paradigme plus centré sur
la personne avec la des théories comme la théorie de l’auto-détermination qui postule que le
joueur cherche à satisfaire des besoins psychologues fondamentaux que sont le besoin
d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin de relations sociales. Cela nécessite un
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changement de méthodologie. En effet, les études centrées sur les médias privilégient les
études de laboratoire et les études corrélationnelles tandis que les études centrées sur la
personne font appel à des méthodologies plus qualificatives. Elles sont plus longues à
mettre en place, plus onéreuses qui font qu’elles sont moins représentées dans la
recherche. mais elles apportent aussi des résultats plus nuancés et plus complexes qui
donnent finalement une meilleure compréhension de l’expérience des joueurs de jeu vidéo.

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