Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
CAAPSAIS option C
INTRODUCTION
I. DIFFERENTS POINTS DE VUE SUR LE JEU
1/ APPROCHE PSYCHOLOGIQUE
2/ APPROCHE SOCIOLOGIQUE
3/ APPROCHE PEDAGOGIQUE
II. LES JEUX DE ROLE - APPROCHE GENERALE
1/ HISTORIQUE
2/ PRESENTATION
2.1. Le jeu de rôle sur table
2.2. Le jeu de rôle grandeur nature
2.3. Le jeu de rôle en vidéo
3/ JEUX DE ROLE ET CONTROVERSES
III. "HERO-QUEST" - UN EXEMPLE DE JEU DE ROLE
1/ LA PLACE D'HERO-QUEST PARMI LES AUTRES JEUX DE ROLE
2/ LES ORIGINES LITTERAIRES DU GENRE MEDIEVAL-FANTASTIQUE
3/ DESCRIPTION DU JEU
3.1. Présentation
3.2. Déroulement
3.3. Composition
Personnages et feuilles de marque
Figurines et accessoires
Le plateau de jeu
Le (Livre des Quêtes
Les cartes
Les dés
IV. COMMENT CONCEVOIR LE JEU DE ROLE EN MILIEU SCOLAIRE ?
1/ EN FONCTION DES TEXTES OFFICIELS
Projet de programme pour l'école primaire. B.O. n° 31 - Septembre 1994
Programmes de l'école primaire. 1995
2/ DU POINT DE VUE DU PEDAGOGUE
3/ DU POINT DE VUE DE L'INSTITUTEUR-EDUCATEUR
3.1. Cadre d'intervention et spécificités
3.2. Pour quelles actions
3.2.1. Pour des actions de socialisation /adaptation
3.2.2. Pour des actions d'éducation
3.2.3. Pour des actions de formation
3.2.4. Pour des actions de remédiation
3.2.5. Pour favoriser l'épanouissement
En se faisant plaisir
En compensant
4/ PRATIQUE DU JEU DE ROLE A L'E.R.E.A. DE BERCK-SUR-MER
5/ APPRENTISSAGES AUTOUR DU JEU DE ROLE
5.1. Dans le domaine des compétences disciplinaires
5.1.1. En français
Langue orale
Lecture
Expression écrite
5.1.2. En mathématiques
Calcul
Résolution de problème
Echelles
5.1.3. En arts plastiques
5.2. Dans le domaine des compétences transversales
6 ) JEUX DE ROLE ET HANDICAPS
Maladies neuromusculaires
Infirmité motrice cérébrale
Traumatismes crâniens
Spina-bifida
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
INTRODUCTION
Le choix du sujet de ce mémoire est motivé par une pratique personnelle sur
laquelle il me semblait intéressant de porter une réflexion plus approfondie.
Durant deux années non consécutives, en 1994 puis en 1996, exerçant la fonction
d'instituteur-éducateur dans un Etablissement Régional d'Enseignement Adapté
(E.R.E.A.) accueillant de jeunes handicapés moteurs, j'ai pratiqué avec ces derniers
un jeu de rôle, "Hero-Quest", que je décrirai plus précisément par la suite. Il ne
s'agissait pas alors d'une activité éducative proprement dite, mais plutôt d'une
animation proposée en veillée aux jeunes internes. Les objectifs poursuivis alors,
n'étaient donc pas très ambitieux. Pourtant, deux raisons m'ont amené à penser qu'il
existait dans ce jeu un réel potentiel, exploitable dans le cadre de ma fonction. La
première était l'enthousiasme soulevé chez les joueurs, créant une motivation dont
on connaît le rôle moteur dans les apprentissages. La seconde était la richesse qui
m'est apparue peu à peu, des possibilités offertes dans le cadre d'une exploitation
pédagogique.
Je m'attacherai donc dans ce mémoire à montrer comment la pratique d'un jeu de
rôle pourra aider l'instituteur-éducateur, qui est avant tout un enseignant spécialisé,
à atteindre ses objectifs éducatifs mais aussi pédagogiques, et ce dans un cadre bien
particulier, l'internat, qui doit déterminer sa façon de concevoir une activité
éducative.
Après une approche générale sur le jeu sous différents angles de vue, je
m'efforcerai de dresser un tableau de ce qu'est le jeu de rôle aujourd'hui d'après son
histoire, les différents aspects qu'il revêt, les controverses qu'il soulève. Je
présenterai ensuite en détail un jeu de rôle sur plateau : "Héro-Quest", afin
d'illustrer les applications réalisables avec ce type de jeu dans le cadre d'une
démarche pédagogique et éducative. De fait, la dernière partie sera centrée sur
l'exploitation pédagogique du sujet, ses spécificités attachées à l'enseignement
spécialisé et les intérêts particuliers quant à son utilisation en internat par un
instituteur-éducateur, avec de jeu-nes handicapés moteurs.
Il me semble à présent nécessaire de clairement définir le type de jeu dont il sera
question dans ce mémoire. Dans la langue française il n'existe qu'un seul mot pour
désigner deux formes de jeu. En anglais, on distingue le "play" et le "game".
Winnicott (1975) oppose les jeux réglés ("games") que l'on pratique en société et
qui sont organisés, explicites, connus de tous, rassurants, et le "jouer" lui-même (le
"play"), que l'on pratique seul, sans règles (avec ce qu'il a d'imprévisible et parfois
d'inquiétant). Ce mémoire concernera donc dans une pre-mière partie le jeu en
général ("play" et "game"), puis plus précisément les jeux de rôle sous forme de jeu
de plateau, ces derniers faisant partie des jeux réglés : du "game".
Notons qu'il existe certaines formes de jeux de rôle appelés psychodrames. Ceux-ci
sont utilisés en particulier par certains psychosociologues et divers spécialistes des
techniques de groupe ; ils permettent de reconstituer différentes situations passées
ou de se projeter dans des situations à venir. Il sont dus au sociologue et médecin
psychiatre J.L. Moréno. Précisons que cette facette du jeu de rôle ne pas fait l'objet
de ce mémoire.
1/ APPROCHE PSYCHOLOGIQUE.
« Grâce aux psychologues, dit Marie-Madeleine Maillard (1978), le jeu n'est plus
considéré comme temps perdu par l'enfant ».
Marie-Renée Aufauvre (1984), psychologue, estime que le jeu est un élément de
mo-tivation. Il a un rôle de médiation entre l'enfant et le monde des adultes, il
permet la simulation et développe l'imaginaire.
Selon Piaget (197"), l'enfant après avoir vécu un premier stade de "jeu fonctionnel"
dans sa petite enfance, arrive au deuxième stade qui est celui des "jeux de fiction"
ou "jeux symboliques", puis au troisième stade : les "jeux à règles". Ces jeux
symboliques et de règles permettent à l'enfant de construire et d'exercer la
conscience de soi et des autres, la représen-tation mentale. Piaget voit dans le jeu de
l'enfant un secteur d'activité indispensable à son équilibre affectif et intellectuel.
Winnicott (1975), pédiatre et psychanalyste, écrit : « L'expérience culturelle com-
mence avec un mode créatif qui se manifeste d'abord dans le jeu ».
Dans une perspective psychanalytique, Mélanie Klein (1974) pense que le jeu
permet l'accomplissement symbolique du désir, la destruction ou l'atténuation
provisoire de l'angoisse. L'une de ses principales fonctions est de fournir aux
fantasmes une voie de dé-charge. Le jeu aurait donc un rôle cathartique.
2/ APPROCHE SOCIOLOGIQUE.
Les mutations technologiques de plus en plus rapides, les changements d'emploi de
plus en plus fréquents, obligent l'homme à un constant effort d'adaptation.
Mauriras-Bousquet (1984) préconise l'utilisation du jeu de simulation pour
favoriser des aptitudes d'adaptation. Pour Mauriras-Bousquet, les jeux de rôle se
révèlent être des instruments pour favoriser la ré-flexion, les prises de décision,
l'éveil à la responsabilité et à l'initiative. Pour de nombreux so-ciologues, le jeu
exercerait une fonction d'adaptation au groupe, l'acceptation des conditions
sociales.
Roger Caillois (1958) s'est attaché à démontrer que la satisfaction des motivations
ou des énergies fait éprouver un certain plaisir. Ces motivations sont l'affrontement
social, la compétition d'un côté, le hasard et l'affrontement à la chance de l'autre.
Cet affrontement so-cial n'est pas vécu physiquement comme dans les jeux sportifs
mais grâce à la médiation de pions sur lesquels on projette symboliquement son
énergie. Ces jeux avec une part de hasard ont donc, d'après Roger Caillois, une
fonction compensatrice de la vie et « permettent de che-vaucher des rêves ».
L'intérêt pour de jeunes handicapés moteurs exclus de la majorité des jeux sportifs
semble ici évident.
3/ APPROCHE PEDAGOGIQUE.
Le jeu est une activité qui sollicite l'imaginaire et l'enfant évolue bien souvent dans
celui-ci. Il semblerait donc logique d'en faire l'instrument naturel de l'éducation or,
paradoxa-lement, l'école a traditionnellement condamné ou ignoré le jeu. C'est
autour de 1900 que cer-tains ont cherché à introduire systématiquement le jeu à
l'école : Dewey à New-York (1896), Decroly en Belgique (1901), Montessori en
Italie (1907), Piaget à Genève (1911).
A l'heure actuelle, les jeux éducatifs sont bien souvent encore controversés. Le jeu
est rarement considéré comme sérieux, seul le travail est sérieux. Pourtant, on peut
apprendre en jouant, et surtout on intègre mieux les connaissances. Britt-Mari Barth
(1987), écrit : « Le cer-veau fonctionne mieux quand il s'attend à une activité
complexe et agréable comme le jeu, il se met en éveil, prêt à enregistrer. La
monotonie l'endort, l'ennui l'empêche de rester actif. Le cerveau aime "jouer"».
En ce qui concerne la pratique de jeux à règles, Piaget (1972) pense qu'à chaque
étape du jeu, l'enfant est confronté à un conflit entre la règle du jeu et ce qu'il aurait
fait s'il pouvait agir spontanément. Le jeu de règles est un univers structuré où
l'activité du sujet se déroule selon des contraintes, s'ordonne autour de celles-ci.
Aussi l'enfant apprend à ordonner ses activités par rapport à une structure. Les
règles sont arbitraires et l'obligent à se conformer à un type de conduite, l'enfant est
alors soumis au processus "d'assimilation", car il ne peut participer au jeu que s'il
adopte les règles. Lorsque le sujet maîtrise, contrôle le jeu, en saisit le principe,
lorsqu'il est capable de conduire la partie en y apportant conformément aux règles,
sa marque personnelle, alors il y a "accomodation". Le processus d'équilibration,
moteur du dé-veloppement cognitif, se manifeste quand, dans le cadre de règles
arbitraires, le sujet développe des schèmes comportementaux propres qui rendent
ses actions pertinentes. C'est pourquoi on peut penser que l'utilisation d'un jeu avec
des règles peut constituer une voie de développe-ment cognitif. Le jeu de règles
comporte entre autres une dimension sociale qui oblige à pren-dre en compte l'avis
de l'autre. Il faut conjuguer ensemble, les opérations menées en vue d'un objectif
commun. Or, la coopération est présentée par Piaget comme un point d'appui des
structures cognitives. Cela renforce l'hypothèse que la pratique du jeu de règles
peut favoriser le développement cognitif donc l'acquisition de structures cognitives.
D'après Michelet (1988), psychopédagogue, l'activité ludique tient une place
prépon-dérante dans l'évolution de l'enfant , et ceux qui auraient davantage besoin
du jeu pour se dé-velopper au niveau intellectuel, affectif, social, culturel, parce
qu'ils portent dans la vie un han-dicap, une difficulté supplémentaire, ceux-là
justement, du fait même de leur handicap, vont souvent être privés de jeu. Il faut
avoir conscience que le jeu peut apporter joie et épanouisse-ment à ces enfants
frustrés de l'enfance. Le jeu représente un élément dynamique permettant à la
personnalité d'un enfant, surtout à celle d'un enfant handicapé, de se structurer. Le
jeu pré-pare, au même titre que d'autres formes d'éducation, à devenir réellement
adulte. Il semble donc important de faire une place au jeu auprès d'enfants
handicapés.
Pour Jean Vial (1981), professeur en sciences de l'éducation à l'université de Caen,
le temps réservé aux loisirs est celui où s'exprime le plus largement l'autonomie de
la personne. Or, l'éducation a pour objectif dominant d'émanciper chaque individu
pour en faire une per-sonne responsable, capable de choix délibéré. Insérer une
préparation aux loisirs dans l'ordre des finalités de l'école lui semble essentiel,
parce que c'est un moyen d'épanouir la personne et d'équilibrer l'existence.
1/ HISTORIQUE.
C'est en 1974 que Gary Gygax, né en 1938, cordonnier dans le Wisconsin (U.S.A.),
inventa le premier jeu de rôle en s'inspirant de l'univers médiéval et fantastique du
roman de John Ronald Reuel Tolkien (auteur britannique 1892-1973) : "Le
Seigneur des Anneaux" et le baptisa "Donjons et Dragons" qui fut bientôt suivi par
une pléiade d'autres jeux. Le thème des premiers jeux de rôle était le plus souvent
médiéval-fantastique, mais d'autres univers furent peu à peu abordés : la science-
fiction, les années 20, l'horreur gothique, le western, les pirates, l'espionnage, pour
n'en citer que quelques uns. De nos jours, on retrouve des jeux de rôle adaptés aux
nouvelles technologies (jeux vidéo).
"Donjons et Dragons" connut un succès international et reste un phénomène des an-
nées 1980.
2/ PRESENTATION.
2.1. Le jeu de rôle sur table.
Le jeu de rôle sur table est un jeu de société qui, contrairement aux jeux de rôle
gran-deur nature, se déroule autour d'une table et dans lequel les joueurs
interprètent des personnages imaginaires vivant une aventure sous forme d'une
quête à réaliser. Un autre joueur, ayant la fonction de meneur de jeu (ou M.D :
Maître du Donjon), se charge d'arbitrer et d'animer la partie basée sur un scénario
qu'il a précédemment inventé.
Le meneur de jeu n'est pas un adversaire. Il introduit progressivement les éléments
d'une intrigue dont il est seul à connaître le contenu. Les autres joueurs, à travers
leurs per-sonnages, réagissent aux situations proposées en posant des questions, en
se concertant, puis en décrivant les actions qu'ils décident d'entreprendre. Le
meneur de jeu indique alors les ré-percussions de ces actions. Il peut, par exemple,
leur décrire la situation suivante : « Vous vous engagez dans un couloir sombre
dont l'extrémité, située à une dizaine de mètres, est fermée par une grille. Devant
celle-ci sont postés deux gardes menaçants. Que faites vous ? ». Les joueurs vont
alors pouvoir poser des questions, telles : « La grille est-elle verrouillée ? », « Les
gardes sont-ils armés ? », ou encore : « Peut-on faire demi-tour ? ». Après avoir
obtenu des réponses, ils seront amenés à se concerter puis à prendre une décision,
collective ou à titre indi-viduel, qui sera communiquée au meneur de jeu. Cela
peut-être : « Nous attaquons les gar-des », « Nous nous avançons pour tenter de
négocier avec les gardes », ou : « Nous préférons nous enfuir ». Après quoi, le
meneur de jeu leur décrit la nouvelle situation dans laquelle ils se trouvent, et ainsi
de suite. Chaque joueur peut réagir différemment mais leur intérêt est bien souvent
d'adopter une ligne de conduite commune, appliquant ainsi le dicton :"l'union fait la
force".
Chaque personnage est doté de caractéristiques qui lui sont propres en termes de ré-
sistance, d'intelligence, de capacité de déplacement, d'attaque ou de défense, et d'un
certain nombre de "points de vie" (ou "points de corps") qu'il peut perdre ou
regagner sans toutefois jamais dépasser son capital de départ. Lorsqu'un personnage
a perdu tous ses points de vie, il est considéré comme mort.
L'aventure se construit donc peu à peu par l'échange d'idées et le dialogue mais en
restant dans les limites fixées par le scénario. Le jeu de rôle est un jeu où tout se
passe dans l'imaginaire des participants. Ceux-ci visualisent les scènes que leur
décrit le meneur de jeu et chaque joueur va faire agir son personnage selon la
situation bien sûr, mais aussi selon le tem-pérament qu'il lui a choisi et ses
capacités propres. Le jeu se situe dans les embûches, les énigmes, et les épreuves
que le meneur de jeu met sur leur chemin.
En théorie, un jeu de rôle peut donc se passer pratiquement de tout support
matériel, mais afin d'agrémenter le jeu et surtout pour permettre aux joueurs de
mieux visualiser certai-nes situations complexes, il est souvent fait appel à des
accessoires. Ainsi, les personnages sont représentés par des figurines que les
joueurs déplacent sur un plan horizontal : le plateau (on parle alors de "jeu de
plateau"). Ce plan peut être limité (l'intérieur d'un château, d'un villageà), ou
inventé par le meneur de jeu et découvert au fur et à mesure que progresse la quête.
Les règles interviennent dans la création des personnages et pour résoudre certaines
situations. L'intervention du hasard ou de la chance se manifeste par l'utilisation de
dés spé-ciaux comportant un nombre de faces variable et parfois des icônes
particulières, ménageant ainsi une certaine tension dramatique qui ajoute du piment
à l'aventure. Les jeux de rôle offrent l'opportunité de vivre toute sorte d'aventure
héroïque à travers les univers les plus divers. Les seules limites à l'évasion sont
celles de l'imagination.
Il n'y a ni vainqueur ni vaincu, seul compte le plaisir de jouer et de triompher des
obstacles. Il n'y a donc ni gagnant ni perdant, seulement la réussite ou l'échec dans
l'accomplis-sement de la quête, tout en gardant présent à l'esprit qu'il faut avant tout
sortir vivant de l'aventure. Le second souci du joueur sera de faire évoluer son
personnage aussi bien sur le plan des caractéristiques (force, expérience,
habileté...), que sur le plan matériel (équipement, argent...). Car en effet, ce joueur
pourra garder son personnage pour lui faire vivre d'autres aventures, et il aura donc
à c£ur de le faire progresser afin de lui permettre de se frotter à des scénarios plus
ardus.
Le jeu de rôle n'est pas un jeu individualiste. Pour réussir, il faut être solidaire, il
faut s'entraider, collaborer avec les autres joueurs car l'adversaire c'est le jeu lui
même. Il faut donc penser en terme de groupe et accepter de répartir les pouvoirs,
les gains, en fonction des be-soins de chacun.
Les jeux de rôle ont leurs sympathisants et leurs opposants. Une polémique est
enga-gée depuis plusieurs années, certains joueurs s'investiraient trop dans leur
personnage au point de s'y identifier complètement, ce qui occasionnerait de graves
troubles psychiques, entraînant des réactions violentes envers les autres et eux-
mêmes. Aux Etats-Unis, on cite souvent le cas d'un joueur qui s'est suicidé après la
mort de son personnage lors d'une partie. La France n'est pas exclue de ces
problèmes. Le jeune X s'est lui aussi suicidé. Ses parents ont été interviewés par
Didier Guiserix dans un article paru dans "Casus belli" (N° 84 de décembre 94/
janvier 95) dont voici un extrait. Le père de ce jeune dit : « Deux familles nous ont
contactés pour nous faire part d'un drame similaire au nôtre et, c'est un point
commun, les jeunes concernés avaient à peu près le même âge et étaient internes au
lycée, c'est à dire qu'ils pouvaient s'en-fermer dans leur jeu sans que personne ne
les tempère, ni quant au temps qu'ils y consa-craient, ni quant aux éventuelles
dérives morbides des scénarios joués. (à) Alors vous pouvez me dire qu'il y a des
centaines de milliers de joueurs, que ces cas sont rares, qu'il y a certai-nement
plusieurs facteurs qui ont joué dans ce drame. Je pense tout de même qu'il y a un
danger quelque part dans le jeu de rôle, et qu'il ne faut pas l'ignorer ». La mère
prend la pa-role pour poursuivre : « Les joueurs vont jouer dans l'imaginaire, mais à
la différence de la lecture, du cinéma, où l'on se projette passivement, ils vont eux-
mêmes faire agir le person-nage . (à) C'est vrai que le joueur clair dans sa tête va
toujours faire la distanciation (à) mais le problème c'est que dans le groupe une
forte personnalité peut entraîner les plus in-fluençables dans un style de jeu. Tous
les joueurs doivent être conscients qu'il peut arriver dans leur groupe quelqu'un qui
aurait besoin d'un divan, ou qui simplement projette ses pro-blèmes sur le jeu (à) ».
Il est vrai que pour certains joueurs le jeu devient un refuge. Durant d'interminables
heures, les joueurs s'engagent dans une partie ou dans la création d'un scéna-rio,
vivent leur histoire jour et nuit, n'en dorment plus.
Alors est-ce un moyen d'exorciser ses pulsions ? Est-ce une fuite devant le réel ?
Est-ce un goût pour les jeux sans fin ? Et surtout, est-ce vraiment dangereux ?
Un article de Pascal Paillardet dans "La vie" (N° "585 mars 95) propose quelques
ré-ponses : « Le jeu de rôle est pareil à une scie. On peut se blesserà mais on peut
aussi cons-truire, explique une animatrice socioculturelle, diplômée de psychologie.
S'il faut parler des jeunes mal dans leur peau qui auraient mieux fait de ne jamais
jouer, on oublie trop souvent de citer les avantages de ce jeu qui stimule
l'imagination et développe l'esprit de déduction. Le jeu de rôle peut aider les
adolescents fragiles à traverser une période difficile de leur vie ». Nombreux
joueurs et maisons de production de jeux s'accordent pour dire que le jeu de rôle
n'est jamais dangereuxà si l'on en respecte les règles.
Dans ce même article, Olivier Ginoux, pédopsychiatre, explique : « Le jeu de rôle
est à la fois une façon de structurer sa personnalité et de se fondre dans un collectif.
Dès l'enfance tout être humain en jouant avec son premier soldat de plomb ou sa
première poupée apprend à faire semblant, à faire "comme si", tout en sachant qu'il
n'est pas dans la réalité. Le jeu de rôle, comme support d'identification prolonge ce
mécanisme transitionnel. (à) La plupart des jeunes sont capables de maîtriser cet
instant de fuite. Pour la grande majorité des adolescents, les risques liés à la
pratique d'un jeu de rôle sont pratiquement inexistants ». Ce pédopsychiatre n'a
jamais rencontré de jeune rendu malade par ce loisir. Mais d'après lui, cette activité
peut servir de détonateur chez les sujets atteints de maladies schizophréniques. «
Chez les autres adolescents qui traversent une crise "normale", un usage excessif ou
inaproprié du jeu de rôle doit être considéré comme un symptôme de difficulté à
vivre plus générale. (à) La question est de savoir pourquoi le jeune ressent le besoin
de s'isoler. Si le jeu fonctionne comme un révélateur de fragilités latentes, ce n'est
pas lui qui crée la crise d'adolescence. Pour certains adolescents il permet même, en
agissant comme une sorte de thérapie, de les soigner. Grâce à lui, ils se sentent
acceptés au sein d'un groupe. Il faut toutefois préciser que les jeux de rôle
"grandeur nature" risquent davantage d'amplifier la mise en acte de l'agressivité. Je
crois donc qu'il ne faut pas s'inquiéter inutilement. Les dangers dont on accuse le
jeu de rôle ne lui sont pas spécifiques. Beaucoup se retrouvent dans d'autres
domaines notamment le sport ».
Comme le souligne O. Ginoux, les risques de dérives liés à la pratique de jeux de
rôle "grandeur nature" sont plus sensibles. Le jeu de rôle sur plateau répond quant à
lui à une dé-marche sécurisante car il est encadré, délimité dans l'espace et le
temps, donc plus facile à maîtriser pour le meneur de jeu. De plus, il utilise des
figurines qui permettent une prise de distance, une implication mesurée du joueur.
Il est donc moins dangereux sur le plan de l'identification car il n'y a pas de mise en
acte.
Parmi les reproches que certains pourraient adresser à un jeu de rôle comme "Hero-
Quest", on trouvera certainement le fait qu'il mette en scène des monstres et des
créatures peu recommandables. Pourtant, si les enfants comme les adolescents
peuvent montrer à l'égard des monstres répugnance ou peur, on peut penser que ces
personnages agissent sur leur imagina-tion comme un exorcisme d'autres peurs plus
profondes ou comme les contes traditionnels qu'ils veulent entendre répéter jusqu'à
ce qu'imprégnés de cet univers, ils aient dépassé leur peur.
Il est même sans doute possible d'aller plus loin en considérant que les monstres et
les créatures fantastiques ont un réel pouvoir de fascination.
III. "HERO-QUEST"
UN EXEMPLE DE JEU DE ROLE
1/ LA PLACE D'HERO-QUEST PARMI LES AUTRES JEUX DE ROLE.
"Hero-Ques" est le jeu de rôle que j'avais choisi d'utiliser pour mener mon activité
en 1994 et 1996. Créé en 1990 par des auteurs de jeux de rôle anglais, il s'agit d'un
jeu de pla-teau, autrement dit un jeu de rôle utilisant un plan cartonné comme
support. La raison du choix de ce jeu est qu'il permet une bonne initiation car il
reste assez proche des jeux de société classiques, et il est donc abordable par des
enfants et adolescents débutants. Ses règles sont simples et accessibles à tous, et il
permet d'accéder à des jeux de rôle "sur table" plus élaborés, plus complexes dans
leurs règles et qui ne font pas appel, en tout cas pas obligatoirement, à un support
de jeu et des figurines, tout se passant alors "dans la tête", ainsi que je l'ai évoqué
pré-cédemment. "Hero-Quest" au contraire permet, grâce à de nombreux supports
(plan de jeu, fi-gurines, mobilier...), de visualiser plus facilement les situations.
"Donjons et Dragons" qui est le véritable ancêtre des jeux de rôle, dans sa version
conçue pour l'initiation, pourrait être la suite logique dans l'escalade de la difficulté.
Après une bonne pratique de ces jeux, celui intitulé "Les Terres du Milieu",
directement inspiré de "Bilbo le Hobbit" et de la trilogie du "Seigneur des
Anneaux" de J.R.R. Tolkien, serait accessible. Pour des néophytes, il présente de
trop grandes difficultés.
Notons que "Hero-Quest", "Donjons et Dragons" ou "Les Terres du Milieu" s'inspi-
rent de la littérature médiévale-fantastique.
3/ DESCRIPTION DU JEU.
3.1. Présentation.
"Hero-Quest" est un jeu d'aventures qui se situe dans une contrée assiégée par "les
forces du Chaos". Mentor, le mystérieux sage doué de magie, a invité quatre
aventuriers cou-rageux à relever le défi de devenir des héros et de sauver le pays.
Un entraînement au jeu sous forme d'une première quête doit permettre aux partici-
pants débutants de jouer une partie sans avoir à assimiler la totalité des règles.
L'apprentissage de celles-ci sera complété avant de se lancer dans les quêtes
suivantes.
"Hero-Quest" propose un livret de scénarios : le "Livre des Quêtes", qui va
permettre à n'importe quel joueur même débutant, de tenir le rôle du meneur de jeu
sans avoir à créer son propre scénario. Car il faut bien entendu un minimum de
pratique avant de se sentir capable d'inventer une histoire et de la faire vivre à ses
amis joueurs.
"Hero-Quest" est un jeu pour deux à cinq joueurs dont l'un doit assumer le rôle de
Morcar le sorcier maléfique, et commander à son entourage de monstres. Ce joueur
est désigné comme étant le meneur de jeu (ou "joueur sorcier"). Les autres joueurs,
quant à eux, comman-dent chacun l'un des quatre héros en puissance, à savoir
l'Elfe, le Nain, l'Enchanteur et le Bar-bare (ce sont les "joueurs personnages").
Chaque quête propose un nouveau challenge aux joueurs personnages.
3.2. Déroulement.
Tout d'abord le meneur de jeu choisit un scénario dans le "Livre des Quêtes" et lit
aux joueurs le texte qui indique ce que doivent accomplir les personnages. Ensuite
il place sur le plateau de jeu tous les éléments de la première pièce (le plateau
représente des pièces et des couloirs) comme indiqué sur le plan joint au scénario.
Cette première pièce contient l'escalier à partir duquel tous les joueurs commencent
la partie. Les éléments des autres pièces et passages ne seront mis en place par le
meneur de jeu qu'au fur et à mesure des déplacements des joueurs.
Pendant son tour, un joueur personnage peut se déplacer et accomplir une des
quatre actions suivantes :
- attaquer un personnage ou un monstre,
- lancer un sortilège,
- chercher des portes secrètes ou des pièges,
- chercher des trésors.
Le joueur peut choisir de se déplacer avant ou après avoir accompli une des quatre
actions ci-dessus.
3.3. Composition.
· Personnages et feuilles de marque.
Les personnages sont les protagonistes de l'aventure. Ils peuvent être au nombre de
quatre : l'enchanteur, le barbare, le nain et l'elfe. Chacun a une fiche d'identité ou
"carte per-sonnage" (voir annexe 1), sur laquelle figurent une brève description de
sa personnalité et ses caractéristiques de départ (car celles-ci vont évoluer). Ainsi
on connaît sa puissance de dépla-cement, de défense et d'attaque (nombre de dés
qui peuvent être lancés), ainsi que la quantité de points dont il dispose en "esprit",
qui correspond à l'intelligence, et en "corps", ou "points de vie".
Chaque joueur dispose en plus d'une feuille de marque (voir annexe ") qui lui
permet de tenir compte de la progression de son personnage au cours de la partie. Il
y fera figurer le nom qu'il lui a donné, les caractéristiques évoquées ci-dessus telles
qu'elles évoluent, en se pro-curant une armure par exemple, il augmentera ses
capacités de défense mais diminuera ses ca-pacités de déplacement car il sera plus
lourd, et indiquera ce que trouve, achète, échange, ou gagne son personnage
(armes, pièces d'or, potions diverses...). Cette feuille de marque sera conservée si le
personnage survit à l'aventure et ce dernier pourra ainsi devenir de plus en plus fort
et résistant.
· Figurines et accessoires.
Les figurines représentent les personnages et indiquent où se trouvent ceux-ci sur le
plateau de jeu. Elles sont en plastique et il est possible de les peindre, de les
personnaliser, elles constituent ainsi de merveilleux supports à l'imagination. Il en
existe en plomb dans les maga-sins spécialisés et qui sont de véritables petites
£uvres d'art (voir annexe 3).
Parmi les figurines on distingue les principaux héros que sont l'enchanteur, le
barbare, l'elfe et le nain, et les ennemis dirigés par le meneur de jeu, à savoir les
divers types de mons-tres : orcs, lutins, gargouilles, momies...
On trouve parmi les accessoires des portes fermées et ouvertes, du mobilier pour
gar-nir les pièces (tables, chaises, bibliothèques, cheminée, râtelier d'armes, coffres
à trésor...), ainsi que des carrés de carton représentant des passages secrets, des
oubliettes, des pièges et des éboulis de pierres.
· Le plateau de jeu.
C'est le lieu où se déroule l'aventure. Il est constitué d'un plan cartonné représentant
des pièces et des couloirs et il est modulable à volonté pour s'adapter au scénario.
Le meneur de jeu peut en effet décider d'obstruer certains passages en figurant des
éboulements de roches, interdisant ainsi aux personnages l'accès à certaines parties
du plateau de jeu. Il peut aussi ad-joindre à celui-ci des extensions de sa
composition ou même créer un nouveau support.
· Les cartes.
On distingue:
- Les cartes "Monstre", utilisées par le meneur de jeu. Il en existe une par type de
monstre et définissent ses caractéristiques qui, contrairement à celles des
personnages, sont invariables.
- Les cartes de "trésors", utilisées quand un joueur recherche un trésor alors que le
meneur de jeu n'avait pas prévu d'en cacher un. Ces cartes permettent de trouver de
l'or, des potions magiques, des pierres précieuses, mais peuvent aussi indiquer la
rencontre avec un monstre errant ou la présence d'un piège.
- Les cartes de "sortilèges", qui permettent à l'enchanteur ou à l'elfe de lancer des
sorts dont l'effet est décrit avec précision.
- Les cartes "d'équipement", qui permettent aux personnages, à la fin de chaque
partie et en fonction des pièces d'or qu'ils possèdent, d'acheter des armes, des ou-
tils ou des protections diverses (bouclier, armure, casque...), équipement qui servi-
ra lors de prochaines aventures.
· Les dés.
Ceux-ci ont plusieurs fonctions :
- Déterminer les déplacements des personnages : ils avancent d'autant de cases que
de points indiqués sur les dés.
- Indiquer la réussite ou l'échec dans certaines épreuves en obtenant un nombre pair
ou impair.
- Déterminer l'issue des combats par jets de dés successifs, alternant coups d'attaque
et coups de défense.
Pour tenir compte des caractéristiques des personnages, plus ou moins forts en atta-
que, en défense, plus ou moins rapides dans leurs déplacements, plus ou moins
intelligents, le nombre de dés utilisés pourra varier modulant ainsi la part de hasard
intervenant dans le résul-tat.
· En se faisant plaisir.
Le jeu procure des plaisirs, des émotions, le plaisir de lancer un défi à soi-même, le
plaisir de la découverte dans l'inconnu, le goût du risque à affronter, de l'obstacle à
surmonter, le plaisir de l'action et de la difficulté. « Il faut mettre au premier rang le
goût du risque, le dé-sir d'éprouver et de s'éprouver », dit J.O. Grandjouan dans
"Les jeux de l'esprit" (1963).
Le plaisir se situe aussi dans la recherche intellectuelle, dans la réflexion pour
réussir les épreuves et braver les dangers. Jouer c'est se faire plaisir dans la peur,
dans le suspense dû au hasard des jets de dés. « Le plaisir du jeu est inséparable du
risque de perdre » (R. Caillois.1958).
Le plaisir du jeu est également dans la maîtrise qui couronne l'intention réalisée. «
Le ressort du jeu, c'est la recherche de la réussite » , a écrit J.Château dans :
"L'enfant et le jeu " (1954).
Eprouver du plaisir est important, plus encore pour les handicapés moteurs qui
vivent dans un monde dur, empli de contraintes et de privations. Or, pratiquer un
jeu de rôle c'est rompre avec les formes imposées et parfois pénibles du travail ,
c'est s'engager dans un dialo-gue vivant, vivifiant, c'est éprouver ses capacités dans
un contexte de convivialité, bref, c'est se faire plaisir, et par là même s'épanouir.
· En compensant.
Beaucoup de jeunes handicapés moteurs sont fatigables, or, leurs journées sont
géné-ralement bien chargées puisqu'au temps de classe vient souvent s'ajouter des
séances de soins ou de rééducation. Jouer pourra alors peut être les aider à oublier
la fatigue, voire la souffrance physique, et l'ennui que l'on peut éprouver en
internat, loin de sa famille. Pratiquer un jeu de rôle pourra aussi être l'occasion de
compenser les impossibilités motrices par le biais du rêve et de l'imaginaire. Le jeu
va permettre au jeune, dans une vision et une perception intérieures, de voyager, de
découvrir des espaces, de visiter des lieux, de courir, de se battre, d'escaladerà
Jean Château (1954) écrit : « Je suis dans le jeu, je ne suis plus dans le monde des
adultes. Je possède désormais mon monde à moi, monde dans lequel je puis exercer
ma sou-veraineté : Je puis être le père, le maître, le roi. Ce détachement dessine
ainsi ma personna-lité, la cerne d'un gros trait, et en même temps lui accorde des
puissances nouvelles. Par le jeu, je me grandis en m'échappant du domaine dans
lequel je n'étais qu'un sujet, qu'un petit. Je suis l'ogre. On comprend donc que le jeu
puisse par l'un de ses aspects être évasion et compensation (à). L'enfant qui se sait
petit tente de se réaliser dans son monde ludique ».
Dans un même esprit, à travers la pratique d'un jeu de rôle, l'instituteur-éducateur
aura un souci de valorisation. Il aura soin d'être porteur d'une image positive de
l'adolescent afin de lui permettre de se la réapproprier participant en cela à son
épanouissement.
Sans entrer dans les détails, il me semble intéressant d'évoquer quelques aspects
rela-tifs à mon expérience du jeu de rôle avec des élèves de l'E.R.E.A. pour
handicapés moteurs de Berck sur Mer où j'exerçais la fonction d'instituteur-
éducateur. Ainsi que je l'ai déjà évoqué, il s'agissait d'une animation de veillée.
Celle-ci se déroulait à l'internat une fois par semaine, de 19h30 à 21h30 environ,
tandis que les activités éducatives proprement dites avaient lieu géné-ralement de
17h00 à 19h00. Nous étions donc essentiellement dans un moment de détente qui,
par ailleurs, fut visiblement fort apprécié des jeunes concernés, et en tout cas riche
en échan-ges.
Durant deux années, une douzaine d'élèves âgés de 15 à 20 ans, handicapés
moteurs, ont participé de façon régulière à cette activité. Les motivations de départ
étaient multiples : certains connaissaient et appréciaient les jeux de rôle (mais un
seul avait une expérience d'Hero-Quest), d'autres ne connaissaient pas réellement
cette activité mais cherchaient à occu-per leurs soirées de façon agréable et
constructive, d'autres encore étaient poussés par la cu-riosité car ils avaient entendu
parler des jeux de rôle et voulaient en savoir plus, certains enfin, désiraient
simplement "être avec leurs copains". Quoiqu'il en soit, parmi ces jeunes qui ont
dé-cidé de participer à l'activité qui, je le rappelle, ne peut pas prendre un caractère
obligatoire, un seul a abandonné en cours d'année.
Mes exigences de départ envers ces jeunes, telles qu'elles leur étaient posées,
étaient les suivantes : participer régulièrement à l'activité et adopter une attitude
correcte (comportement et langage). Au delà de ces exigences de base, je les ai
incités à se montrer le plus actif possible dans le déroulement du jeu et, après une
certaine pratique, à tenir le rôle du meneur de jeu. Après quoi, je leur demandais
s'ils voulaient bien, avec mon aide, tenter d'écrire un scénario en leur précisant,
pour essayer de les mettre à l'aise, que la seule évalua-tion portée sur leur travail
serait la satisfaction plus ou moins grande qu'éprouveraient les membres du groupe
à "jouer" leur scénario. Quelques-uns ont refusé, par crainte de ne pas y parvenir ou
pour éviter une surcharge de travail, mais la plupart ont fait l'effort d'écrire un
scénario et certains en ont même rédigé plusieurs (un exemplaire figure en annexe
6). Leur ayant exposé les critères qui président à la rédaction d'un scénario de
qualité, tels son origina-lité, sa cohérence, le dosage de la difficulté, et ayant pu
eux-mêmes évaluer ces critères dans leur pratique, j'ai obtenu des productions
certes de qualité irrégulière, mais toutes utilisables en jeu dans le cadre de l'activité.
Après chaque séance, un petit bilan collectif permettait à chaque joueur d'exprimer
son avis sur le scénario joué et le degré d'intérêt qu'il lui avait porté, me fournissant
ainsi l'occasion de prodiguer quelques conseils pour les réalisations futures.
Pouvant difficilement, dans un tel contexte, préjuger des progrès réalisés par ces
jeu-nes dans une discipline comme le français, j'ai pu par contre observer une
évolution positive concernant les comportements ou les attitudes de certains d'entre
eux, en rapport avec les dif-ficultés induites par leur handicap. Il en sera question
dans la partie "jeu de rôle et handicaps".
· Lecture.
- Activités : En ce qui concerne les joueurs eux-mêmes, l'activité lecture va se
limiter à lire la fiche de leur personnage et éventuellement les règles du jeu en cas
de doute ou de litige. Par contre, pour le meneur de jeu, la lecture sera très
importante puis-qu'il devra lire son scénario comprenant : une description de la
situation de départ (lieux, épo-que, contexte) qui va donner tout son sens à
l'histoire, une explication de la mission à accom-plir, ses interventions orales à
certains moments bien précis de la quête, les éventuels dialogues entre les joueurs
et les personnages qu'il a créés, les règles particulières justifiées par son scé-nario.
De sa capacité à retransmettre de façon vivante, avec les intonations appropriées et
un certain sens de la mise en scène les différentes parties de son scénario, vont
dépendre grande-ment la crédibilité et l'intérêt que porteront les joueurs à son
histoire.
La pratique d'un jeu comme Hero-Quest sera en outre l'occasion de découvrir un
genre littéraire à part entière : le "fantastique" et plus précisément le "médiéval-
fantastique", le prétexte étant alors d'y puiser l'inspiration afin de créer de nouvelles
aventures, mieux com-prendre l'univers dans lequel se déroule le jeu et pouvoir
s'investir davantage dans les person-nages dont on connaîtra mieux les
caractéristiques et la psychologie. La lecture de "Bilbo le Hobbit" de J.R.R. Tolkien
parait alors assez appropriée, avec étude de texte et de la trame du conte.
Un autre type de lecture pourra être amené par le jeu de rôle puisqu'il s'en inspire,
c'est : "Le livre dont vous êtes le héros" (dans la collection Folio Junior). Il s'agit en
fait d'un "livre-jeu" qui associe le plaisir de lire au plaisir de jouer puisqu'il est
conçu comme une quête de jeu de rôle. La lecture devient ludique et active car le
lecteur est lui-même le protagoniste de l'histoire dans laquelle il progresse vers le
but fixé avec l'angoissante perspective d'y risquer la vie ! A chaque action
importante, un choix est proposé au lecteur. Par exemple : « Est-ce que tu te bats
contre le dragon ? Si oui passe au paragraphe 38 ; si tu préfères partir en courant
passe au paragraphe 44 ». Même si la qualité littéraire de ces ouvrages n'est pas
exception-nelle, ils peuvent peut être permettre de réconcilier avec la lecture des
jeunes qui s'en sont éloigné par manque d'intérêt pour les autres types d'écrits.
- Objectifs : Prendre goût à la lecture.
Connaître le genre littéraire "médiéval-fantastique".
Savoir jouer sur les intonations (lecture à voix haute).
Savoir faire une explication de texte.
Connaître la structure d'un conte.
Elargir son vocabulaire.
· Expression écrite.
- Activités : Pour pouvoir jouer il faut un scénario, lequel doit être imaginé, pensé
et écrit. De la qualité de celui-ci dépendront l'intérêt porté au jeu par les parti-
cipants ainsi que leur investissement. Pour l'écrire il faut s'inspirer de lectures, de
scénarios déjà créés, et ajouter une bonne dose d'imagination afin d'entretenir la
curiosité, le suspens, et donner l'envie aux joueurs d'aller jusqu'au bout de
l'aventure. Le secret d'un bon scénario ré-side dans son originalité et dans un
judicieux dosage entre les éléments le constituant. De fait, il n'est pas facile de
trouver la juste quantité de dangers, d'épreuves, de récompenses, de com-bats, de
magie pour rendre la partie passionnante. C'est là que réside la difficulté et en
même temps la motivation, le désir d'imaginer "l'inimaginable" pour surprendre les
joueurs. Pour créer une aventure, il faut tenter d'anticiper toutes les actions
possibles entreprises par les per-sonnages afin d'avoir une réponse adaptée à chaque
cas de figure qui peut se présenter et ne pas être pris au dépourvu. Il faut avoir une
bonne représentation mentale du parcours, des ac-tions à entreprendre, de
l'utilisation de la magie et de ses effets, et des répercussions de chaque événement.
Quand on débute il est préférable de pratiquer d'abord le jeu, puis de lire quelques
récits, d'en faire l'analyse, d'en extraire un schéma de construction qui servira de
guide pour créer une aventure, car il existe une structure particulière dans une
quête, par exemple : l'enjeu doit être connu dès le départ. La création d'un scénario
ne peut donc se faire sans préparation et sans avoir préalablement joué quelques
parties, par conséquent l'adulte sera le meneur de jeu des premières séances.
Les scénarios figurant dans le "Livre des Quêtes" du jeu "Hero-Quest" sont assez
suc-cincts et se résument à quelques lignes définissant essentiellement la quête à
poursuivre et les particularités de l'histoire induisant des règles particulières. A
l'opposé, dans une démarche de création de scénario, il est possible de réaliser un
travail beaucoup plus élaboré. Il serait alors judicieux de la part de l'instituteur-
éducateur de concevoir ce dernier dans le cadre d'un projet d'écriture associant le ou
les enseignants de français concernés.
A propos des formes de travail, il faut avoir à l'esprit la principale contrainte qui
pré-side à la création d'un scénario de jeu de rôle : seul le meneur de jeu doit en
connaître le con-tenu. Par conséquent, la rédaction sera soit individuelle pour faire
jouer les autres membres du groupe ou collective pour s'adresser à un autre groupe
de joueurs. Par exemple, si deux classes sont concernées, chacune peut écrire un
scénario de façon collective pour le faire jouer par l'autre.
- Objectifs : Connaître les différentes typologies textuelles présentes dans un
scénario : texte narratif (présentation de l'histoire, contexte).
texte descriptif (lieux, personnages).
texte informatif (règles particulières).
texte injonctif (consignes).
Savoir écrire des textes correspondant à ces typologies.
Etre capable de réécrire son propre texte en l'améliorant.
Savoir se décentrer (écrire en pensant aux joueurs).
Connaître l'orthographe.
Connaître la grammaire.
Connaître la conjugaison.
Savoir écrire de façon soignée et lisible.
Savoir utiliser les principaux signes de ponctuation à bon escient.
5.1.2. En mathématiques.
· Calcul.
- Activités : Un rapide calcul intervient à chaque lancement de dés afin de connaître
le nombre de points obtenus pour avancer. En cas de combat il faudra compa-rer les
résultats aux dés des deux protagonistes (addition des scores de chacun puis
soustrac-tion) afin de savoir qui est vaincu ou seulement blessé et avec combien de
points de vie perdus.
Le calcul intervient également dans la mise à jour des fiches de personnages :
modifi-cations en cours de jeu du total des points de vie (en fonction des blessures
reçues ou des po-tions de guérison absorbées), des caractéristiques de défense et
d'attaque (en fonction des équipements achetés, gagnés ou échangés), de la quantité
de pièces d'or possédée (selon les trésors trouvés et les transactions effectuées).
Les mouvements sur le plateau font eux aussi appel au calcul, non seulement pour
concrétiser le résultat du lancement de dés par un déplacement : une case équivaut à
une unité de déplacement (autrement dit : un pas), mais aussi pour évaluer les
déplacements des autres personnages et divers monstres (les caractéristiques de
déplacement de ces derniers sont pré-déterminées) et se placer en conséquence.
- Objectif : Etre plus efficient en calcul mental.
· Résolution de problème.
- Activités : Un problème est posé : délivrer une princesse, sortir d'un labyrinthe,
découvrir un trésorà A partir de là, il faut mettre en £uvre toutes les activités de
recherche nécessaires pour parvenir à le résoudre. Cela veut dire émettre des
hypothèses, les vérifier, envisager plusieurs solutions, raisonner, anticiper, afin de
déduire des actionsà Le joueur devra prendre en considération différents facteurs
tels : la force des personnages, leur nombre de points de vie, la possession ou non
d'équipements, de magie, les caractéristiques des forces adverses, déterminer le
degré de risque encouruà et ainsi envisager la démarche la plus adéquate, la plus
judicieuse, pour enfin agir.
- Objectifs : Etre capable d'abstraction.
Etre capable d'esprit logique.
Etre capable d'analyser une situation et de faire des déductions.
Etre capable de bâtir des hypothèses et adopter une attitude de
vérification.
Etre capable d'établir des stratégies.
· Echelles.
- Activités : L'apprentissage des échelles et la lecture d'un plan pourront se faire
lors de la création d'un nouveau support de jeu ou l'extension du plateau d'origine.
Le plan est également utilisé par le meneur de jeu afin de situer ses personnages et
ses monstres dans la situation de départ et pour définir l'emplacement des portes,
des pièges, des passages secrets, des trésors, et réaliser l'agencement des pièces
avec le mobilier dont il dis-pose.
- Objectifs : Savoir utiliser des échelles.
Maîtriser la notion de proportionnalité.
Savoir interpréter des représentations graphiques (lecture de plan).
Savoir reconnaître et utiliser des symboles.
· Maladies neuromusculaires.
Chez les enfants atteints d'une maladie évolutive, on observe généralement
l'adoption de l'une des deux stratégies opposées que sont la lutte et le repli, la
conciliation n'étant pas en-visageable. Dans le second cas de figure, pour l'enfant
myopathe ce retrait, ce silence, sont consécutifs à sa clairvoyance. En exprimant ses
peurs, l'enfant peut craindre de déstabiliser son entourage et, risque majeur, de le
faire faiblir ou fuir. Le rôle essentiel de l'enseignant est ici de donner confiance en
eux à ces enfants afin de les faire sortir de leur isolement. Le jeu de rôle, induisant
une communication riche et variée, sur des bases ludiques, pourrait être un moyen
d'y parvenir.
D'autre part, on constate chez ces enfants la mise en place d'un mode de pensée de
type opératoire. Ils s'attachent exclusivement à la réalité concrète et matérielle et
très peu ou pas à des productions de l'imaginaire ou à des expressions symboliques.
Autrement dit, la pré-pondérance des processus cognitifs rationnels, mode de
pensée impersonnel, marque la pri-mauté du factuel sur l'imaginaire, la primauté du
conformisme sur la fantaisie. L'enseignant devra alors l'aider à ce que des éléments
issus de l'imaginaire puissent prendre place sans que l'enfant n'éprouve trop
d'angoisse, tout en respectant son fonctionnement. Or, le jeu de rôle est
certainement le prototype même du jeu dont le fonctionnement repose sur
l'imaginaire. Ce sera donc, sous réserve de l'adhésion du jeune et avec beaucoup de
précautions, une façon de l'amener sur ce "terrain" qu'il redoute.
Enfin, dans le souci de sécuriser ces enfants, on soulignera l'importance de la cohé-
rence des différentes interventions les concernant, et pour obtenir cette cohérence la
meilleure solution est encore d'inclure la pratique de l'activité dans un projet
engageant l'ensemble des adultes qui les encadrent.
Trois jeunes myopathes ont participé à l'activité jeu de rôle que j'animais. Si deux
d'entre eux ne me semblent pas concernés par la description faite ci dessus, ce n'est
pas le cas du troisième. Ce dernier était en effet très renfermé et souvent taciturne.
Il manifestait toutefois un intérêt certain pour l'activité mais, quand une situation de
jeu ne tournait pas à son avan-tage, adoptait une attitude de détachement assez
marquée. Il ne s'agissait pas visiblement d'un manque de motivation mais plutôt
d'une façon de prendre du recul vis à vis d'une situation qui le mettait mal à l'aise.
Pourtant, peu à peu, il accepta de se confronter à des phases de jeu diffi-ciles tout
en gardant un certain enthousiasme. Ceci dit, il ne voulu pas franchir le pas
consistant à se lancer dans l'écriture d'un scénario.
· Traumatismes crâniens.
Parmi les difficultés que rencontrent les enfants traumatisés crâniens il en est
plusieurs pour lesquelles la pratique d'un jeu de rôle pourrait être bénéfique.
La première, que l'on rencontre très fréquemment chez ces jeunes, est la difficulté à
se concentrer, à être attentif. En les supposant fort motivés, comme c'est
généralement le cas chez les pratiquants de jeux de rôle, on pourrait donc espérer
les aider à développer ces capa-cités. Car pour parvenir au terme d'une quête il faut
être attentif à tous les détails, à tous les indices qui jalonnent le parcours des
personnages. Il faut être prêts à profiter des opportunités qu'offre le scénario mais
aussi être sur ses gardes pour ne pas tomber dans les pièges.
La seconde difficulté fréquemment rencontrée par ces enfants concerne le repérage
spatio-temporel. Là encore le jeu de rôle pourrait les aider puisqu'il s'agit de faire
évoluer un personnage dans un décor en trois dimensions. Il est important de savoir
où l'on est déjà passé autant que de savoir où l'on doit aller. De plus, si l'on doit
concevoir un scénario et donc pré-parer un plan et installer le décor, il faudra
envisager toutes les possibilités de déplacements des personnages : les passages
obligés, les passages secrets, les raccourcis éventuels, les endroits où il ne sera pas
possible de revenir sur ses pasà La structuration temporelle sera elle aussi sollicitée
puisque le déroulement de l'histoire suppose une chronologie : le meneur de jeu
évo-que les événements qui précèdent le début de l'aventure, puis on considère la
situation au mo-ment où le jeu commence et l'on se projette dans l'avenir en
déterminant le but à atteindre. Enfin, on essaye de repérer les moments clés de
l'histoire qui marquent la progression vers l'objectif final. Ce travail, bien entendu,
sera primordial pour le meneur de jeu qui va devoir écrire un scénario cohérent
dans son déroulement et jouable dans un temps raisonnable, déter-miné par la durée
de l'activité (deux heures sont une bonne moyenne). Les scénarios écrits pourront
même se succéder chronologiquement afin de constituer une histoire plus complexe
et plus riche.
Une troisième difficulté qui touche un certain nombre de jeunes traumatisés
crâniens est leur instabilité, voire une tendance à la violence. Or, à travers le jeu de
rôle ils vont être amenés à réguler leur comportement puisqu'il leur faudra se plier à
un règlement, accepter des conventions, respecter les autres afin d'obtenir leur
coopération, contrôler leurs émotions lors des succès ou des échecs, bref se
contrôler. Dans ce contexte, le jeu de rôle pourrait donc re-présenter une aide vers
une structuration cohérente et organisée des comportements.
Le seul jeune T.C. qui a désiré participer à l'activité a aussi été celui qui m'a posé le
plus de problèmes, notamment des difficultés relationnelles avec les autres
participants. Ceux-ci lui reprochaient sa distractibilité, il lui arrivait souvent en
effet de ne pas suivre le jeu, et son attitude provocatrice lorsqu'il ne parvenait pas à
ses fins ou au contraire réussissait une action d'éclat. Il avait d'autre part beaucoup
de difficultés à mémoriser certaines règles, ce qui ralen-tissait le déroulement du
jeu et finissait par agacer ses "camarades". Il me fallut donc réguliè-rement calmer
les esprits et user de diplomatie en leur rappelant qu'ils avaient un intérêt com-mun
à coopérer, quelque soit la personnalité de chacun, et que cela passait par un effort
de to-lérance. Peu à peu, les séances se déroulèrent dans un meilleur état d'esprit,
bien que les con-flits furent encore nombreux.
· Spina-bifida.
Les troubles sphinctériens que connaissent les enfants spina-bifida ont souvent pour
conséquence de leur faire ressentir une dévalorisation et un sentiment d'exclusion,
cette der-nière étant parfois réelle malheureusement. Par la pratique d'un jeu de
rôle, ils pourront avoir le sentiment d'appartenir non seulement à un groupe de
joueurs, mais aussi, à travers leur per-sonnage, à une véritable équipe unie pour se
donner toutes les chances de réussite. Et ceci, au delà des différences qui
caractérisent les personnages, chacun ayant des défauts, des faiblesses, mais aussi
fort heureusement des qualités et des points forts utiles à la communauté : le nain
est petit mais très habile, le barbare peu intelligent mais fort au combat, le magicien
faible phy-siquement mais rusé et expert en magie. Ils pourront donc se sentir
valorisés en contribuant à la réussite d'une mission ou en élaborant pour leurs
camarades un scénario qui leur fera passer un agréable moment.
Les remarques ci-dessus formulées concernent directement le jeune spina-bifida qui
s'était inscrit à l'activité. Il avait essentiellement des problèmes relationnels à
l'internat avec ses camarades de chambre, et vivait assez mal une situation de mise
à l'écart par ces derniers. Bien mieux accepté au sein du groupe d'activité, il se
montra alors particulièrement motivé et se proposa très vite pour tenir le rôle du
meneur de jeu. Après quoi il se lança dans l'écriture d'un scénario qui, ayant été fort
apprécié, fut suivi de plusieurs autres tout aussi réussis. Sans ré-soudre pour autant
ses problèmes relationnels avec certains de ses camarades, cette activité de jeu de
rôle lui avait visiblement été bénéfique en lui donnant l'occasion de se valoriser.
Face à la diversité des handicaps, il serait bien entendu illusoire de penser qu'une
acti-vité de jeu de rôle puisse résoudre toutes les difficultés qu'un enseignant
spécialisé est suscep-tible de rencontrer. C'est pourquoi, je me suis limité à évoquer
les handicaps auxquels j'ai été confronté dans ma pratique. En cela, je ne préjuge en
rien des bénéfices apportés par une telle activité dans la prise en charge d'enfants
concernés par d'autres handicaps, considérant d'autre part que chaque jeune a sa
propre histoire, son propre développement, et ne pourrait en aucun cas être "classé"
dans une catégorie déterminée par son handicap. Il me semble important de
considérer que chaque enfant est unique et d'éviter les a priori vis à vis de ceux-ci.
CONCLUSION
La rédaction de ce mémoire a été guidée par le désir de porter une réflexion sur une
pratique antérieure, en l'occurrence l'animation d'une activité jeu de rôle avec de
jeunes handi-capés moteurs et dans l'exercice de la fonction d'instituteur-éducateur
en E.R.E.A.
J'ai tenté à cette occasion de mettre en évidence les intérêts particuliers que cette
ac-tivité pouvait soulever eu égard aux impératifs que les spécificités d'une telle
fonction indui-sent. Parmi ces impératifs, il en est un essentiel qui me semble
pouvoir être pris en compte dans la pratique d'un jeu de rôle, il s'agit de concilier
une mission d'éducation, comportant entre autres une réelle dimension
pédagogique, avec un cadre de pratique, l'internat, qui induit chez certains jeunes
une conception du travail de l'instituteur-éducateur parfois proche de l'animateur de
loisirs. De fait, au delà de la dimension ludique que l'on peut attribuer à la pra-tique
d'un jeu de rôle, apparaît une assez large gamme de possibilités d'exploitation
pédagogi-que.
Il me paraissait d'autre part plus constructif et plus formateur pour moi-même de
me-ner cette réflexion sur une activité se déroulant en veillée, autrement dit dans un
cadre essen-tiellement de détente, plutôt que sur une véritable activité éducative
repérée comme telle par les jeunes. Ainsi, considérant que je suis appelé à
reprendre mes fonctions dans l'établissement où j'exerçais cette activité, la
rédaction de ce mémoire devrait m'aider à renouveler cette expé-rience de pratique
du jeu de rôle, cette fois dans le cadre d'une activité éducative proprement dite,
avec de véritables ambitions pédagogiques, et une prise en compte plus marquée
des as-pects spécifiques, notamment psychologiques, liés aux handicaps moteurs.
Cela pourrait d'autre part être l'occasion d'élaborer un projet, lui même s'articulant
avec les projets indivi-duels des élèves et associant les enseignants bien entendu,
mais aussi toutes les personnes pou-vant être concernées (rééducateurs,
psychologue, référents des jeunes, etc...).
Au delà de l'exploitation d'une activité de jeu de rôle avec de jeunes handicapés
mo-teurs, il me paraît important de souligner l'intérêt de cette pratique dans un
contexte élargi. En effet, il me semble réalisable, sous réserve de certaines
adaptations, de mettre en place une ac-tivité de jeu de rôle telle qu'elle est décrite
ici, dans des cadres différents : en internat, mais aussi en classe, dans d'autres types
d'établissements (IEM, IME, MECS, par exemple), donc pour des populations
d'élèves plus larges, et notamment les enfants en difficulté scolaire. C'est en effet
pour tous ceux-là qu'il convient de mettre en £uvre les stratégies éducatives
originales qui, associées à l'application d'une pédagogie différenciée, devraient
permettre à ces élèves d'exploiter au mieux leurs potentialités.
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
SOMMAIRE
Pages
"L'ange du Chaos"
Après vos innombrables aventures, vous vous retrouvez dans une petite clairière
afin de vous remémorer vos magnifiques exploits; soudain, un lutin s'approche de
vous, complètement affolé; il dit être un fidèle de la reine Magista qui désire
s'entretenir avec vous. Arrivés au royaume, la reine vous explique qu'elle seule peut
maintenir la paix dans son royaume grâce à la lentille éternelle qui la dote de la vie
éternelle et de nombreux autres pouvoirs. Cependant, cette fameuse lentille lui a été
subtilisée par l'Ange du Chaos, le sorcier Bugenhagen. Il vous faudra donc pénétrer
dans le sanctuaire du Chaos pour y trouver Bugenhagen et la lui reprendre de gré
ou de force. Le premier d'entre vous qui récupérera la lentille et qui sortira du
sanctuaire avec pour la remettre à la reine recevra une récompense de 500 pièces
d'or et une fiole de vie contenant 1 point de corps.
Particularités de la quête:
Monstre errant: un Fimir.
Action sur le pupitre du sorcier : ouvrir le livre pour obtenir une formule apportant
" points de corps, donnant une bourse de 200 pièces d'or, et ouvrant la trappe A.
Action particulière sur la bibliothèque: tirer le livre que vous indiquera le sorcier et
seulement quand il vous l'indiquera !
A. Entrée: (quand tous les personnages sont entrés) Le sorcier a senti votre
présence et lance derrière vous une énorme boule avançant de trois cases par tour
joué.
B. Vous venez de déranger le buffet des Orcs Chaotiques, les plus fidèles serviteurs
de Bugenhagen ! Ces derniers se lancent alors à votre poursuite.
C. Vous êtes arrivés dans la salle des sortilèges, étudiez attentivement le pupitre du
sorcier !
D. Vous êtes arrivés dans la salle des coffres, étudiez les attentivement.
Quand un personnage a ouvert le coffre au fond à droite: Vous êtes tous aspirés par
un tourbillon qui vous mène jusqu'à la chambre secrète de Bugenhagen; vous êtes
tous devant le sorcier et celui-ci ne veut évidemment pas vous donner la lentille.
L'Ange du Chaos possède 5 points de corps, attaque à 3, et défend à 3, mais il vous
faudra le blesser une seule fois pour qu'il perde la lentille.
Vous avez réussi à blesser le sorcier et à lui prendre la lentille; celui-ci entre alors
dans une colère (chaotique( et se métamorphose en Gargouille du Chaos. Cette
transformation ne lui redonne pas de points de vie supplémentaires mais lui permet
de se défendre et d'attaquer à 6. Elle peut vous atteindre n'importe où dans la salle
et vous informe qu'il vous faudra la tuer pour sortir vivant du sanctuaire.
Vous avez réussi à tuer le sorcier; celui-ci est bon perdant et vous désigne un livre
dans la bibliothèque. Vous tirez le livre en question permettant l'apparition d'un
escalier tournant menant à la sortie où la reine vous attend pour vous donner votre
récompense (à celui qui rendra la lentille).
Jean-François O. (16 ans).
N.B. Les lettres de A à D ont une fonction de repérage et étaient reportées sur un
plan de jeu qui ne figure pas ici. (voir exemple de plan en annexe 5).