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Enfant étiqueté, enfant rejeté

01/09/2007 - Lu 4875 fois

Savez-vous que votre opinion, vos gestes, vos attentes, votre regard et vos paroles
influencent les rapports de l'enfant au sein du groupe? Le groupe reconnaît alors que cet
enfant est différent dans ses comportements et dérange l'adulte dans sa façon d’être...

Julien est un enfant de 3 ans dans le groupe des lutins coquins. Julien se montre relationnel
avec ses amis et l’éducatrice. Il s’approche de l’adulte, fait des demandes, cherche les contacts
physiques en s’assoyant sur l’éducatrice, regarde les enfants du groupe et imite leurs jeux. Il
aime aussi créer des liens avec de nouvelles personnes du CPE en demandant leurs noms, en
faisant des échanges de sourires. Par contre, il démontre une certaine maladresse lorsqu’il
prend contact avec de nouvelles personnes. Il parle vite, il court dans le local, lance parfois
des jouets. Le plaisir qu’il éprouve à rencontrer des gens s’exprime par de l’agitation, de
l’excitation. Il en oublie la consigne du rangement et va même jusqu’à déplacer les chaises et
générer du désordre dans le local. Élyse, son éducatrice, trouve que les comportements de
Julien dérangent beaucoup le fonctionnement du groupe et se questionne sur ses propres
attitudes face à l’enfant.

 Est-ce que les enfants blâment Julien d’un bris de jouets ou d’une ? alors qu’il est
absent lors de l’incident ?
 Est-ce que j’accorde de l’attention au porte-panier qui rapporte les faits et gestes de
Julien ?
 Est-ce-que je dis à Julien que c’est ENCORE lui qui dérange ?
 Est-ce que j’interviens souvent à distance ?
 Est-ce que je trouve que la journée se passe mieux lorsqu’il Julien est absent ?
 Est-il difficile pour moi de voir les forces de Julien ?
 Est-ce que je lui porte la même attention qu’aux autres enfants du groupe ?
 Est-ce que je lui porte attention seulement lorsqu’il dérange ?
 Mon expression non-verbale est-elle différente avec Julien ?
 Est-ce que je parle de Julien aux autres éducatrices en présence de Julien ou des autres
enfants ?
 Est-ce que l’information que j’ai eue de Julien avant qu’il soit dans mon groupe aurait
pu nuire à son intégration ?
 Est-ce que je lui accorde suffisamment de temps ?

Savez-vous que votre opinion, vos gestes, vos attentes, votre regard et vos paroles influencent
les rapports de l’enfant au sein du groupe. Certaines attitudes éducatives peuvent être
rejetantes et nuire à l’acceptation de l’enfant différent au sein du groupe. Le simple fait
de nommer un enfant par son prénom plusieurs fois par jour dans le groupe attire l’attention
des autres. Le groupe reconnait alors que cet enfant est différent dans ses comportements et
dérange l’adulte dans sa façon d’être. Le désir des enfants est de plaire à l’adulte et ce sans
être conscient de l’impact de leurs paroles sur l’enfant ciblé. L’éducatrice doit réagir avant de
développer de l’antipathie. Il faut donc faire des efforts pour identifier ses forces en les
nommant devant les autres, mettre l’enfant dans un contexte de réussite, valoriser l’enfant
pour ses bonnes idées, intervenir davantage à proximité pour le protéger des regards des
autres et ainsi préserver son image. Accordez moins d’importance aux situations qui vous sont
rapportées. Démontrez le plaisir que vous avez à jouer avec lui. Parlez de l’enfant aux autres
éducatrices de façon positive. Ces actions vous permettront de voir Julien différemment et
surtout de protéger une image positive de cet enfant aux yeux de ses pairs.

Élyse reconnaît qu’elle doit faire du travail sur elle pour changer certaines de ses attitudes qui
nuisent à l’intégration de Julien dans le groupe.

Il est normal de rencontrer dans votre pratique un enfant qui vous dérange plus que les autres.
Votre rôle est de vous dépasser en posant des gestes significatifs pour le découvrir. Être
professionnelle ce n’est pas de les aimer tous mais bien de les estimer tout en répondant
à leurs besoins spécifiques.

Élyse sait maintenant que Julien lui a permis d’avancer, elle s’en souviendra longtemps ….

Sachez respecter l’éthique professionnelle en éducation en donnant une chance égale à chacun
des enfants de se faire découvrir.

Un enfant qui grandit, une éducatrice qui s’accomplit !!!

Enfant étiqueté, enfant rejeté - Partie 2


01/09/2007 - Lu 1913 fois

L'enfant étiqueté est avant tout un enfant à défi particulier qui exprime un besoin. Ce
décodage requiert de l'observation, de la sensibilité et surtout de l'empathie pour enraciner
l'attachement essentiel à la relation éducative.

Il y a de ces mots qui me gèlent lorsque je les entends. De ces mots qui cristallisent une réalité
en la figeant immuablement. Ils tombent comme le couperet d’une guillotine sur le cou du
condamné.

« Ah! il ne changera jamais celui-là. Il mordait chez les trottineurs. Maintenant, il frappe.
C’est un agressif. » « Ça doit être Jonathan encore. »

Cet étiquetage avance à contre-courant du mouvement progressif de l’enfant qui par définition
est un être en développement.

Cet étiquetage laisse des cicatrices ouvertes puisqu’il nuit à l’estime de soi de l’enfant.
Non seulement les mots répétés parfois tout bonnement portent atteinte à la dignité de l’enfant
mais ils s’inscrivent peu à peu dans ce qu’il fait partie de lui. Il s’identifiera progressivement à
ce Jonathan le tannant, et se forgera une identité négative.

L’enfant étiqueté est avant tout un enfant à défi particulier qui exprime un besoin. Ce
décodage requiert de l’observation, de la sensibilité et surtout de l’empathie.
Esther a observé la difficulté que Jonathan éprouve à exprimer son mécontentement. Il utilise
les cris, les poussées pour exprimer une frustration. Il a besoin d’apprendre à reconnaître sa
colère et à trouver les mots pour l’exprimer. Esther souhaite soutenir Jonathan dans cet
apprentissage. Cette démarche requiert du temps, de la patience, du suivi et peut-être du
soutien de la part de son équipe de travail. Ce travail de soutien au développement repose sur
la conviction profonde qu’être éducatrice c’est assumer un rôle de guide auprès de
l’enfant. John Bradshaw1 parle « des maîtres pleins d’âme qui intuitivement amènent l’enfant
vers un monde de connaissance élargi ».

Lorsqu’une éducatrice dit à un enfant : « Il ne change pas celui-là, c’est un agressif » c’est de
son impuissance qu’elle parle.

Voici quelques stratégies pour sortir du cercle pernicieux de l’étiquetage :

 1. Soyez honnête avec vous-même et reconnaissez que tel enfant vous irrite. L’enfant a un
tempérament bien à lui au même titre que l’éducatrice. L’adaptation au tempérament de
l’autre représente tout un défi. Un enfant ayant des besoins très différents de l’éducatrice
peut générer chez celle-ci un sentiment d’impuissance. Il lui est en effet difficile de décoder,
de comprendre l’enfant qui fonctionne sur un mode opposé au sien. Il est aussi possible de
vivre certains heurts relationnels lorsque l’enfant devant nous possède une caractéristique
spécifique qui s’apparente à l’une des nôtres que l’on n’apprécie guère. L’impatience de l’un
se bute à l’impatience de l’autre ou la lenteur d’exécution de l’enfant ralentit davantage
l’éducatrice qui fonctionne mieux elle-même lorsqu’elle n’est pas bousculée. L’enfant n’a pas
développé à son jeune âge des capacités adaptatives et une empathie pouvant l’aider à faire
face au tempérament particulier de l’adulte, il est donc de la responsabilité de l’adulte de
s’ajuster avec sensibilité aux différences individuelles des enfants.
 2. Identifiez clairement ce qui vous impatiente en terme de comportements observables
(fréquence, déclencheur, durée, intensité).
 3. Cherchez à décoder le besoin de l’enfant. Que cherche-t-il à exprimer? Besoin de sécurité,
d’attention, d’apprendre une façon prosociale d’agir, etc.
 4. Identifiez les forces de l’enfant.
 5. Si ces deux dernières étapes vous semblent irréalisables, demandez de l’aide. Vous avez
besoin d’un regard objectif pour vous mettre sous le mode « empathie ».
 6. Mettez en place un plan de soutien au développement et persistez. Il faut 4 à 6 semaines
pour évaluer les impacts d’un plan de soutien au développement.

Au quotidien

 Évitez d’intervenir à distance. Les « Jonathan » criés à haute voix et à répétitions invitent les
autres enfants à le cibler comme le « coupable » de tout acte répréhensible survenu dans le
groupe.
 Échangez avec les parents afin de mieux comprendre l’enfant.
 Remarquez ses tentatives d’entrer en lien avec vous, ses bons coups.
 Cherchez à modifier la perception des enfants du groupe à son égard en le valorisant à voix
haute.
 Soulignez le plaisir que vous éprouvez ou qu’un copain a éprouvé à jouer avec lui.
 Évitez de statuer sur l’avenir de l’enfant. Nul ne peut prédire la trajectoire qu’il prendra à
l’école ou à l’adolescence. Il existe certes des comportements qui placent l’enfant dans des
trajectoires à risque. Mais n’oubliez pas que l’intervention précoce est un antidote puissant.
Laissez les prédictions aux horoscopes.
Honorez le principe même de vie celui de l’élan naturel et progressif de l’enfant. Croire au
potentiel de croissance de l’enfant c’est lui insuffler la confiance en soi et surtout enraciner
l’attachement essentiel à la relation éducative.

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