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Dossier : La crise des 2 ans

Il sait ce qu’il veut !

Vers 2 ans, votre enfant fait une découverte majeure : il est une personne à part entière. Il a ses idées et
ses préférences. Et il veut que ça se sache!

La crise des 2 ans frappe plus ou moins fort, selon les enfants. Olivier, papa de Mathilde, 4½ ans, et de Mérédith,
bientôt 3 ans, peut en témoigner. « Le comportement de Mathilde n’a pas beaucoup changé pendant cette
période. Mais avec sa jeune sœur, par contre, c’est autre chose. » Virginie, sa conjointe, confirme : « Entre 18
et 30 mois, Mérédith s’est opposée à presque toutes nos demandes. S’habiller, manger, se préparer pour le bain,
ranger ses jouets, dormir, tout était prétexte à contester. »

Pourquoi cette opposition? La neuropsychologue Miriam Beauchamp explique : « Entre 18 mois et 3 ans, votre
tout-petit réalise qu’il est une personne à part entière, différente des autres. Pour exprimer le fait qu’il est unique,
votre enfant a besoin de décider, de faire connaître ses préférences et de contrôler son environnement. » Bref, il
veut s’affirmer. Et cela passe par l’opposition. Quand votre tout-petit refuse de faire ce que vous lui
demandez, ce n’est pas pour vous mettre en colère. « C’est parce que votre demande l’empêche de faire ce
dont il a envie, lui », souligne France Capuano, professeure au Département d’éducation et de formation
spécialisées de l’UQAM.

Même s’il a un important besoin de décider, l’enfant de 2 ans a des capacités limitées. Il veut faire, mais il n’est
pas toujours capable de faire. Cela entraîne d’autres frustrations et donc d’autres crises. Cependant,
mieux vaut ne pas tout faire à sa place. Cela lui enlèverait justement le contrôle dont il a tant besoin. Il est
préférable de l’encourager à faire les choses tout en l’aidant, au besoin.

C’est ce que fait Karine avec Charles-Philippe, 2 ans. « Il veut mettre son manteau tout seul, mais il a du mal à
attacher la fermeture éclair. Je l’aide pour cette partie, mais c’est lui qui fait glisser la fermeture. »

En même temps que votre enfant réalise qu’il est une personne unique, il doit aussi apprendre à vivre avec les
autres. Attendre son tour, partager, écouter les autres, régler les conflits… Ces habiletés ne sont pas faciles à
développer pour un tout-petit en train de découvrir qu’il peut s’affirmer et exprimer ses besoins! Tout cela s’ajoute
aux frustrations et peut causer d’autres crises. Vous devrez donc être très patient pendant cette
période. Mais voyez le bon côté des choses : « Cette opposition signifie que votre enfant se développe bien. Il
réalise qu’il est unique. Et c’est formidable! », dit Miriam Beauchamp.

C’est la faute au cerveau !

Les dernières découvertes sur le développement du cerveau expliqueraient aussi le comportement des
enfants de 2 ans.

Le cerveau d’un enfant de 2 ans ne fonctionne pas comme le vôtre. Pourquoi? Tout simplement parce qu’il est
toujours en formation. D’abord, le cerveau du jeune enfant contient peu de matière blanche (myéline). « Cette
matière blanche facilite la transmission de l’information, explique la neuropsychologue Miriam Beauchamp,
directrice du Laboratoire de neuropsychologie développementale ABCs de l’Université de Montréal. Comme
l’enfant en a moins, les messages qu’il reçoit sont moins bien traités. »

De plus, l’enfant de 2 ans possède des milliards de neurones, mais ils ne sont pas encore tous connectés entre
eux. Autrement dit, il lui manque quelques branchements pour que les parties de son cerveau
communiquent bien entre elles! Ses lobes frontaux ne sont pas encore complètement développés non plus.
Ces parties du cerveau sont particulièrement importantes puisqu’elles sont responsables des fonctions comme
celles de raisonner, de planifier, de résoudre des problèmes, de comprendre des choses abstraites et de
contrôler des impulsions. Enfin, le système limbique qui assure le contrôle des émotions n’est pas encore au
point chez l’enfant de 2 ans.

Que des malentendus!


Ainsi, plusieurs comportements d’un tout-petit de 2 ans s’expliquent par le fait que son cerveau n’a pas encore
atteint son plein potentiel. Dans les endroits publics, par exemple, l’enfant reçoit beaucoup de
stimulations : objets, couleurs, sons, mouvements, etc. « C’est trop pour son cerveau en
développement, dit Isabelle Filliozat, psychologue et psychothérapeute française. Quand il ne peut pas jouer,
courir ou occuper son cerveau à quelque chose, l’enfant est plus à risque de faire une crise. On pense que c’est
une colère alors que c’est davantage une façon pour lui de libérer les tensions accumulées. »

La période des 2 ans n’est pas une crise pour l’enfant, c’est une étape normale de son développement.

Autre exemple : lorsque vous dites à un enfant de 2 ans qu’il est temps d’aller au service de garde, vous vous
attendez à ce qu’il s’arrête de jouer et qu’il s’habille. Sauf qu’à cet âge, l’enfant n’a pas encore la capacité de
faire le lien entre la fin du jeu et la préparation pour la garderie. La clé, c’est de lui donner des consignes
simples et concrètes. Dire, par exemple : « Range ton jeu et mets ton manteau. Nous partons pour la garderie. »

À 2 ans, l’enfant a aussi de la difficulté à se retenir. « Même s’il sait qu’il ne doit pas faire telle ou telle chose,
il n’y arrive pas toujours, explique France Capuano, professeure au Département d’éducation et de formation
spécialisées de l’Université du Québec à Montréal. Vous pensez alors que votre enfant vous provoque ou
teste vos limites alors que c’est sa capacité à résister à la tentation qui n’est pas encore au point. »

Bref, à 2 ans, votre enfant a encore du mal à contrôler ses gestes, ses émotions et ses pensées. Mais son
cerveau travaille très fort pour devenir plus efficace.

Langage limité, enfant frustré!


Le langage de l’enfant de 2 ans est encore en développement et il peut se fâcher quand il a de la difficulté à dire
quelque chose. Résultat? Il frappe, il pousse, il fait une crise de colère ou il lance des objets. Vous pouvez aider
votre enfant à mettre des mots sur ce qu’il vit. Dire, par exemple : « Tu es fâché parce que ta sœur a pris ton
jouet. Tu peux le dire. Dis : je suis fâché! » À mesure que son langage va s’améliorer, les pleurs, les crises et les
comportements agressifs devraient diminuer. Karine, maman d’un garçon de 2 ans, a pu le constater. « Depuis
que Charles-Philippe parle plus, il fait moins de crises. Par exemple, quand il a besoin d’aide, il dit : « Aider
maman ». Quand il veut de l’attention, il dit : « Viens-tu maman? » S’il veut continuer à jouer, il dit : « Jouer
encore ». C’est vraiment plus facile! »

Comment réagir ?

Protestations, crises, refus… le quotidien n’est pas de tout repos avec un enfant de 2 ans! Heureusement,
il y a moyen de prévenir ou de réduire les comportements difficiles.

Votre enfant s’affirme et c’est très bien. Mais vous devez l’encadrer et mettre des limites tout en lui donnant
du contrôle sur certains aspects. « Il faut choisir ses batailles avec les 2 ans, affirme France Capuano,
professeure au Département d’éducation et de formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal. Par
exemple, l’heure du dodo est non négociable. Mais est-ce bien grave si votre enfant préfère son pyjama
bleu plutôt que le rouge? »

Si votre tout-petit s’oppose, c’est qu’il cherche à décider par lui-même. Ainsi, si vous le laissez prendre de petites
décisions, il s’opposera moins. « Si vous lui dites de mettre ses souliers, il refuse. Mais si vous lui
demandez par quel pied il veut commencer, il devient tout content », donne en exemple Isabelle Filliozat,
psychologue et psychothérapeute.
Offrir des choix donne un peu de pouvoir à votre enfant, diminue son opposition et permet de ne pas être toujours
en confrontation avec lui.

Rien de bien compliqué, comme en témoigne Virginie, maman de Mérédith, presque 3 ans. « Au repas ou à la
collation, elle choisit le fruit qu’elle veut manger. Je la laisse aussi choisir ce qu’elle veut porter parmi quelques
vêtements. Quand elle peut décider, elle se sent grande. »

Par ailleurs, quand vous mettez des limites, il faut tenir compte des capacités de votre enfant. Par exemple, ne
pas toucher à certaines choses fragiles est une règle difficile à respecter à 2 ans, car plusieurs enfants
sont encore incapables de s’empêcher de faire ce qui est interdit. « Les plantes et les bibelots, c’est parfois
préférable de les enlever, dit France Capuano. Mieux vaut sécuriser l’environnement que d’avoir des exigences
trop élevées. »

Voici d’autres pistes pour intervenir devant certains comportements


des enfants de 2 ans.
Il fait souvent des crises
Pour prévenir les crises dans les endroits publics, Isabelle Filliozat conseille de donner une petite tâche à votre
enfant pour occuper son cerveau. Par exemple, à l’épicerie, lui demander de mettre des oranges dans un
sac ou de vous montrer des objets de telle ou telle couleur. Ce truc peut être utile même à la maison.
« Quand nous donnons aux jumeaux de petites tâches, comme mettre leurs vêtements dans le panier à linge
sale, ils s’opposent moins et font moins de crises », dit Annie, maman d’Emy et de Zac, 2 ans, et de Charlie,
4 ans. Toutefois, si votre enfant fait une crise, il est important de ne pas lui donner ce qu’il veut. Sinon, il
comprendra que piquer une colère est un bon moyen pour avoir ce qu’il désire. Vous pouvez essayer de le
calmer en lui parlant, mais il n’est probablement pas en état de vous écouter. Il est préférable de garder votre
calme, de rester près de lui pour ne pas qu’il se blesse et de le laisser crier. Quand la crise est finie, vous pouvez
lui donner de l’affection et l’aider à parler de ce qui s’est passé.

Il n’écoute pas quand vous l’appelez


Une bonne technique consiste à vous approcher de votre enfant pour faire un contact visuel. Mieux
encore, touchez son épaule ou posez votre main sur la sienne. « Quand plusieurs sens sont sollicités, le
cerveau décode mieux le message », indique Nicole Malenfant, professeure en éducation à l’enfance au Cégep
Édouard-Montpetit. Il n’écoute pas quand vous lui parlez? L’idéal est de fermer la télévision ou la musique, si
vous êtes à la maison. Dans un lieu public, vous pouvez l’emmener dans un coin tranquille et vous baisser pour
vous mettre à sa hauteur. Ensuite, demandez à votre enfant de vous regarder dans les yeux pendant que
vous lui parlez. Pour vérifier s’il a bien compris, vous pouvez le faire répéter ou lui poser des questions.

Il tape ou il mord
C’est fréquent avant 3 ans, car l’enfant manque de mots pour dire ce qu’il ressent. De plus, il a du mal à contrôler
ses émotions. L’idéal, c’est de lui montrer à exprimer ses besoins. Dire, par exemple : « Quand tu veux
quelque chose, dis-le. Dis : « Je veux jouer avec la poupée ». Il faut demander avec des mots. » Ou « Quand tu
te sens fâché, tu prends une grande respiration. Après, dis-le. Dis : « Je suis fâché. »
Il dit toujours non
C’est normal qu’il utilise ce petit mot : il l’entend tellement souvent! Pourquoi ne pas vous lancer le défi de le dire
moins? Plutôt que d’interdire, donnez une consigne. La différence : l’interdit dit de ne pas faire quelque chose
(ne cours pas) ; la consigne dit quoi faire (marche). « L’interdit dirige l’attention de l’enfant vers ce qu’il ne doit pas
faire, ce qui peut justement lui donner le goût de le faire, souligne Isabelle Filliozat. De plus, son cerveau
comprend encore mal la négation. Si on lui dit de ne pas toucher au four, il retient « touche four » et il peut
se dépêcher d’y toucher pour vérifier ce qu’on attend vraiment de lui. La consigne est plus efficace, car elle
décrit le comportement attendu. » Un autre truc : aider votre enfant à réfléchir. Dire, par exemple « Il pleut. Mets-
tu tes souliers ou tes bottes de pluie? » Il y a de bonnes chances que votre enfant vous donne la bonne réponse!

Il craint la nouveauté
Savoir ce qui s’en vient donne l’impression à votre enfant qu’il a un contrôle sur les événements. Pas étonnant
qu’il aime la routine! Mais vous pouvez l’aider à faire face aux changements et aux nouvelles situations en
le préparant. Décrire, par exemple, où vous allez, ce qui va se passer et qui sera présent. Il est préférable
d’amener les changements petit à petit. Un objet de réconfort (doudou, toutou) peut aussi aider votre enfant à
calmer son anxiété quand la routine change.

Il fait des bêtises


Bien sûr, il peut s’agir d’un accident. Si c’est le cas, vous pouvez lui montrer comment réparer sa bêtise, par
exemple en lui demandant de vous aider à nettoyer son dégât. Vous lui donnez alors l’occasion de bien se
comporter et de retrouver son estime de soi. Mais parfois, l’enfant fait des bêtises pour avoir de l’attention. « Si
vous êtes occupé, vous pouvez lui dire que vous ferez telle ou telle activité avec lui quand vous aurez terminé
votre tâche », dit Nicole Malenfant. Quand il sait qu’il a été entendu, l’enfant est capable d’attendre un peu.
Elle suggère aussi de lui donner régulièrement de l’attention positive en le félicitant quand il se comporte bien, en
jouant avec lui, en lui parlant, etc.

Il refuse de mettre fin à une activité amusante


Pour faciliter la situation, vous gagnerez à avertir votre tout-petit avec des indices qu’il comprend. Encore cinq
minutes et tu te couches, c’est trop flou pour lui. Dire plutôt : « On lit une autre histoire et après on ferme
la lumière pour le dodo » ou « Encore trois poussées dans la balançoire et après on rentre à la maison. »
Mieux, lui proposer un choix : « Tu veux encore une ou deux poussées de balançoire? » Vous pouvez aussi
reconnaître son désir. Dire : « Je sais que tu aimes jouer avec les blocs, mais maintenant c’est l’heure du bain.
Tu pourras jouer aux blocs demain. » Un enfant qui se sent compris, collabore mieux.

Y a-t-il une crise des 3 ans et des 4 ans?

À cet âge, l’enfant s’oppose un peu moins, mais il continue à vouloir s’affirmer. Il réclame de plus en plus
d’autonomie et il cherche à comprendre le pourquoi des choses.

Autour de 4 ans, certains enfants ont une sorte de « petite crise d’adolescence ». Cette phase de développement
n’est pas toujours expliquée dans les livres de psychologie, même si plusieurs parents en parlent. Ils notent, entre
autres, que leur enfant veut toujours négocier, dit des paroles blessantes et teste les limites.

Annie et Francis, parents de Charlie, 4 ans, le savent bien. « Notre fille nous tient tête, elle argumente, elle
repousse les limites. Et quand elle est fâchée, elle claque la porte de sa chambre, comme une ado! »
À 3 ans et 4 ans, votre enfant a toujours besoin de votre aide pour apprendre à s’affirmer, à suivre les
règles et à gérer ses émotions.

Voici des pistes pour vous aider dans votre rôle avec votre enfant de 3 ans ou
4 ans.

Il veut tout
Isabelle Filliozat, psychologue et psychothérapeute, explique que « je veux » ne signifie pas forcément que
l’enfant veut tout de suite l’objet en question. « L’enfant utilise le verbe vouloir pour toutes sortes d’autres verbes,
comme penser, voir, aimer. De plus, il ne se situe pas encore dans le temps. En disant “je veux des bonbons”,
il peut vouloir dire “je pense à des bonbons, j’aime les bonbons, j’en vois ou j’en ai mangé hier”. » Au lieu
de répondre qu’il n’aura pas de bonbons, vous pouvez essayer des phrases comme : « Oui, tu as mangé des
bonbons chez grand-maman hier », « Je sais que tu aimes les bonbons » ou « C’est vrai, il y a des bonbons près
de la caisse. »

Il veut tout faire tout seul


Même si c’est plus long, il est important de guider votre enfant plutôt que de faire les choses à sa place. Vous
pouvez lui poser des questions pour l’amener à réfléchir sur la façon de faire, partager la tâche avec lui,
encourager ses efforts et lui confier de petites responsabilités. Une bonne idée : prévoir 10 minutes de plus
pour la routine du matin et du soir.

Il ne suit pas les règles


Votre enfant a encore de la difficulté à résister à ses impulsions. Il a besoin de votre surveillance et de votre
aide pour respecter les règles. Vous gagnerez à être constant dans leur application. Votre tout-petit aura plus
tendance à désobéir si vous le laissez parfois faire.

Il négocie
Votre tout-petit agit ainsi pour obtenir ce qu’il veut, mais aussi pour mieux comprendre. « Sa logique est
grandissante et il est à même de noter les contradictions et les injustices, dit Nicole Malenfant, professeure
en éducation à l’enfance. Par exemple, il peut vous demander pourquoi il doit porter un chapeau au soleil alors
que vous n’en portez pas. » Dans ce cas, il est préférable d’être honnête dans votre réponse. Dire, par exemple :
« Ma peau est moins fragile que la tienne. Mais c’est vrai que je devrais mieux me protéger du soleil. » Par
contre, si votre enfant négocie pour retarder l’heure du dodo ou pour avoir un troisième biscuit, il vaut
mieux éviter de discuter avec lui. Vous pouvez reconnaître son désir. Dire : « Je sais que tu aimes les biscuits,
mais deux, c’est assez. » S’il continue à négocier, vous pouvez simplement lui dire : « La discussion est finie.
C’est moi le parent et là-dessus, c’est moi qui décide. »

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