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Les fonctions
exécutives
Tous le proclament très tôt : « Moi tout seul!»
Ôtez cette chaussure des mains d'un enfant de 2 ans qui s'efforce de la
mettre, et voici que soudain, alors qu'il souriait quelques secondes
auparavant, il se tend, se jette en arrière, se roule par terre. L'enfant,
outré par cette violence qui vient de lui être faite, hurle de rage. Un
puissant bras de fer s'engage et il n'est pas dit que nous en sortions
vainqueurs : nous n'entrons pas en conflit avec l'enfant mais avec ses
directives biologiques intérieures. Ses circuits exécutifs - qui sous-
tendent sa capacité à agir seul - traversent un déploiement
incandescent : ses fonctions exécutives sont en plein développements.
Bien que l'enfant soit encouragé à faire seul les gestes du quotidien, la
difficulté et la fréquence proposées sont très insuffisantes au regard des
expériences ambitieuses, fréquentes et prolongées qui lui sont
nécessaires pour épanouir ses compétences d'action. Si, en parallèle, il
subit en plus les effets toxiques des écrans qui excellent à le rendre
inactif et à détraquer son système attentionnel, les symptômes d'un
sous-développement exécutif apparaîtront inévitablement. Apprendre
relèvera d'un effort colossal, extrêmement laborieux.
Dès que l'enfant manifeste le besoin d'agir seul, par des gestes ou des
mots, nous devons lui permettre de le faire. Les enfants nous guident
toujours très clairement, avant même d'être capables de parler : ils
repoussent nos mains, nous tournent le dos pour poursuivre leur
exploration sans nos interventions dérangeantes. Ils peuvent même nous
lancer un « Non !» ou un «Moi!». Bientôt, ils trouveront enfin des mots
clairs, ni appris ni entendus, puisés dans leur plus profonde intériorité :
«Moi tout seul !»
2.Comment aider ?
Les environnements favorables au bon développement exécutif, à tout
âge, sont ceux dans lesquels l'adulte accompagne précocement et
progressivement l'enfant vers une autonomie de plus en plus maîtrisée.
Il ne s'agit pas de le laisser livré à lui-même. L'autonomie, c'est lorsque
l'on peut faire seul car la présence de l'autre, son étayage et sa
bienveillance ont été intériorisés.
B. Être chaleureux
Les neurosciences affectives nous envoient en effet un message très
fort : la présence à l'autre, l'amour, développe l'intelligence humaine au
maximum de ses possibilités. Les connexions cérébrales foisonnent
dans tout le cerveau - y compris dans le cortex préfrontal, qui abrite les
fonctions exécutives. Une analyse réalisée en 2015 par Rianne Kok, de
l'université de Leyde aux Pays-Bas, montre que lorsque les deux parents
offrent un étayage sensible et empathique dès la naissance, l'enfant
possède à 8 ans un volume de matière grise et un volume cérébral plus
importants que des enfants n'ayant pas bénéficié, plus jeunes, d'un tel
soutien chaleureux. L'impact puissamment bénéfique de la relation
positive touche tous les milieux socio-économiques. L'enfant est en
capacité de construire une intelligence épanouie, et un système exécutif
hautement fonctionnel. Les profonds bienfaits du lien humain chaleureux
ne se limitent pas à la relation adulte-enfant. Ils peuvent être
démultipliés lorsque les enfants ont des comportements et des
attentions empathiques entre eux, toute la journée. D'autant que la
relation positive génère des bienfaits moléculaires et structurels tant
dans le cerveau de celui qui manifeste l'intention chaleureuse que dans
le cerveau de celui qui la reçoit. Favoriser l'entraide, la générosité, la
compréhension, l'amitié entre les enfants est peut-être le levier le plus
accessible, le plus simple et le plus porteur qui soit pour le bon
développement de l'intelligence globale et de l'intelligence d'action en
particulier.
E. L’aider à patienter
Toutes les aides que nous apporterons à l'enfant pour lui permettre de
réguler ses impulsions auront un fort impact sur son développement
exécutif. L'aider à s'exprimer clairement sans précipitation en est une.
Lui donner des stratégies pour patienter lorsqu'il désire ardemment
quelque chose (mais ne peut pas y accéder dans l'immédiat) en est une
autre, essentielle. Les enfants nous sollicitent souvent vigoureusement
lorsque nous sommes déjà engagés dans une conversation ou dans une
tâche qui requiert toute notre attention. Ces situations sont idéales pour
leur faire exercer efficacement leurs capacités d'autorégulation. Au lieu
d'interrompre notre conversation, nous pouvons inviter l'enfant à poser
délicatement sa main sur notre épaule. Grâce à ce contact physique, il
n'a pas besoin de nous déranger ou de nous couper la parole : nous
savons qu'il a besoin de nous, et il sait que nous savons. Cela l'apaise et
l'aide à patienter. Dès que nous le pourrons, nous serons disponibles
pour l'écouter. Selon l'âge et les capacités de l'enfant, il nous revient de
le faire patienter plus ou moins longtemps : si nous lui imposons un
temps d'attente trop long pour ses capacités, ce dispositif ne
fonctionnera pas. Il finira par nous interrompre. Allongeons
progressivement le temps d'attente. De telles stratégies sont simples,
accessibles à tous et extrêmement efficaces pour aider l'enfant à
réguler ses impulsions. Nous sommes là pour lui, il est en sécurité, il sait
qu'il sera écouté pleinement ; il attend.
G. De la difficulté
Les activités dans lesquelles s'engage l'enfant doivent mettre son
intelligence au défi. Pour exercer ses fonctions exécutives, il doit y avoir
un effort cognitif soutenu de sa part. Comme le rappelle continuellement
Adèle Diamond, neuroscientifique spécialiste des fonctions exécutives :
« Les fonctions exécutives peuvent être développées, mais pour ce faire,
elles doivent être continuellement challengées, pas seulement utilisées,
mais challengées.»
H. Du sens
L'esprit humain recherche le sens. Une expérience montre que, après un
temps de sommeil, l'enfant retient une séquence motrice apprise sur un
piano seulement si l'adulte attire son attention sur la mélodie. Si l'adulte
ne concentre son attention que sur la suite de gestes à effectuer,
l'enfant ne la retient pas.
Veillons à proposer à l'enfant des activités qui l'élèvent et qui font sens.
L'enfant aura envie de s'y engager, de se perfectionner ; ses
compétences d'action seront efficacement exercées.
J. Accueillir l'erreur
Nous gérons parfois difficilement l'erreur. Or il faut qu'il y ait un
décalage entre nos projections et la réalité (une erreur donc) pour que le
cerveau soit surpris et réajuste ses circuits. L'erreur ne fait pas
seulement partie intégrante du processus d'apprentissage, elle en est la
condition : il faut se tromper pour apprendre. Nous voulons que nos
enfants apprennent, mais sans se tromper.
Ce jugement négatif de l'erreur a de graves conséquences sur le
développement exécutif des enfants tétanisés à l'idée de décevoir et
d'être jugés, ils n'osent plus s'engager dans des activités, prendre des
initiatives ; ils sont paralysés.
Au lieu de sanctionner l'erreur, accueillons-la comme l'alliée et la grande
enseignante qu'elle est : aidons l'enfant à travailler avec. Il sera alors
dans les meilleures conditions pour développer une excellente flexibilité
cognitive : il saura détecter et comprendre ses erreurs pour progresser.
K. Encourager l'effort
Avec les mots et les manières qui seront les nôtres, tentons de faire
comprendre à l'enfant qu'apprendre est un processus qui prend du temps
et qui demande des efforts importants. Il faut persévérer. Nous pouvons
l'aider à comprendre cela en valorisant ses efforts plutôt que leur
résultat : «Oh, tu as mis ton manteau tout seul ! La fermeture était
difficile à remonter, mais tu as persévéré !» S'il n'arrive pas à atteindre
ses objectifs du premier coup, l'enfant aura moins tendance à se
dévaloriser et à abandonner. Il saura que ne pas réussir du premier coup
est normal, qu'il faut persévérer, répéter, pour finalement apprendre et
maîtriser.
L. Moins diriger
Les activités très dirigées, où l'adulte fixe lui-même l'objectif, planifie
l'organisation des tâches, détecte les erreurs et donne à l'enfant les
stratégies à mettre en place, n'aident pas l'enfant à devenir autonome.
Assouplissons nos activités très structurées en permettant par exemple
aux enfants de se fixer eux-mêmes des objectifs, que nous les aiderons
ensuite à atteindre. Leurs compétences d'action sont ainsi davantage
mises à l'épreuve.
M. Individualiser
L'individualisation, en classe ou à la maison, permet d'identifier
rapidement les enfants qui rencontrent des difficultés à se contrôler, à
mémoriser ou à modifier leurs stratégies, et de leur apporter un étayage
approprié. Ils progresseront plus rapidement.