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Dédicaces

Que cet ouvrage soit avant tout un témoignage de reconnaissance aux


personnes qui m’ont enseigné l’immunologie et aussi à celles grâce à qui
j’ai perfectionné mes connaissances, éprouvé mon « savoir » et révisé
souvent mes certitudes. Je ne pourrai pas les nommer toutes et que celles
que j’aurai oubliées me le pardonnent, mais j’aimerais faire une mention
particulière pour les professeurs Jean-François Bach, Charles Salmon,
Alain Bernard, Pierre Galanaud, Pierre-André Cazenave, Philippe
Lagrange, Gilles Marchal et les docteures Marie-Anne Bach et Geneviève
Milon. J’aimerais aussi remercier le docteur Thomas B. Nutman, mon
mentor postdoctoral. Pour la confrontation des idées et des expériences,
les professeurs Luiz Pereira da Silva, André Capron, Monique Capron,
Jean-Marc Cavaillon, Jean-Yves Müller, Pierre Tiberghien, les docteures
Odile Mercereau Puijalon, Hélène Juin, Mireille Hontebeyrie Joskowich
et Yolande Richard, les docteurs Jürg Gysin, Philippe Esterre, et Siddartha
Mahanty. Pour une complicité de longue date à la paillasse et aux séances
d’ordinateurs, le docteur Ronald Perraut. Pour leur guidance dans la
fonction hospitalo-universitaire, les professeurs Frédéric Lucht, Christian
Genin, Bruno Pozzetto, Christian Alexandre, Roger Trahn Man Sung,
Fabrice Zéni et Philippe Berthelot ainsi que le docteur Jean-Claude Le
Petit à Saint-Etienne, de même que les professeurs Christian Hervé et
Philippe de Micco à Besançon et Marseille.
Je les ai encadrés ou co-encadrés pour leurs travaux de recherche
doctoraux (merci pour leur confiance et leur travail) : Dominique
Blanchard, Fabrice Cognasse, Lydie Béniguel, Sandrine Peruchon, Tamsir
Ousmane Diallo, Gamal G Badr, Sandrine Lafarge, Julien Berthet, Pauline
Damien, Adrien Chabert, Kim Ahn Nguyen, Caroline Sut, Sofiane
Tariket, Chaker Aloui, Sophie Acquart, Antoine Haddad. Ils m’ont
accompagné comme chercheurs HDR ces dernières années : Fabrice
Cognasse, Hind Hamzeh Cognasse et Sandrine Laradi : merci à eux tous,
et à nos techniciens de recherche Charles-Antoine Arthaud, Marie-Ange
Eyraud, Jocelyne Fagan. Elle nous a quitté trop tôt, mais j’ai une pensée
pour Léna Absi, cheffe du service d’immunogénétique-HLA de
l’Établissement français du Sang Auvergne-Loire, laboratoire qui était
aussi mon affectation hospitalo-universitaire pendant de longues années.
Son amitié et les discussions scientifiques de tous bords m’ont été
précieux cette dernière dizaine d’années : le professeur Jean-Daniel
Tissot, doyen de la faculté de médecine et de biologie de Lausanne.
Que la Société française d’immunologie (SFI) – dont je suis un membre
historique depuis 37 ans (et membre du bureau pendant un mandat) – et
l’Association francophone des enseignants d’immunologie (ASSIM)
soient chaleureusement et sincèrement remerciées pour leur travail
d’accompagnement des enseignants et des chercheurs de la discipline ;
merci en particulier à mes co-auteurs de chapitres des ouvrages successifs
de l’ASSIM pour les échanges d’idées. Mes remerciements reconnaissants
vont aussi à la Conférence nationale des Universités, section 47 et plus
particulièrement la sous-section Immunologie (47.3) ; je ne pourrai tous
les citer mais je remercie particulièrement les professeur(e)s Jean-Louis
Preud’homme, Marie-Christine Béné, Jean-François Nicolas et François
Lemoine, qui me fait l’honneur de préfacer cet ouvrage.
Qu’il me soit aussi permis de remercier toutes les personnes qui à un
moment de ma carrière universitaire m’ont aidé sans que j’en sache rien,
probablement… Cela arrive bien souvent ; un nom me vient, François
Meuret, toujours la même personne à la gestion des carrières à la faculté
de médecine de Saint-Etienne, mais il y en a bien d’autres…
Je vais terminer cette très longue liste de remerciements (mais je ne sais
quand il me sera donné l’occasion de la renouveler) par une dédicace
toute particulière à Bénédicte et à nos trois enfants, Thomas, Anne-Claire
et Marion, qui m’ont beaucoup partagé avec la relecture de manuscrits…
Avec toute mon affection.
Préface par le professeur
François Lemoine

C’est avec plaisir que j’ai accepté de préfacer l’ouvrage d’Olivier Garraud
Le système immunitaire.
Il s’agit ici d’un ouvrage original, pragmatique et vivant qui,
contrairement aux nombreux ouvrages, plus classiques, consacrés à
l’immunologie, ne commence pas des descriptions parfois figées des
différentes composantes du système immunitaire, mais nous propose de
découvrir et comprendre l’immunité à travers un voyage où le système
immunitaire est un des composants de l’écosystème dans lequel l’être
humain évolue. Il s’agit donc de comprendre l’immunité avec une vision
dynamique et écologique.
Dans les six premiers chapitres, Olivier Garraud nous prépare à ce voyage
en replaçant l’immunité au sein de notre environnement intérieur et
extérieur. Sous forme d’interrogations, nous sommes amenés
progressivement à comprendre les enjeux et les objectifs de l’immunité, à
intégrer de quoi est fait le système immunitaire et de quels outils il
dispose pour nous aider à faire face aux différentes agressions liées
notamment aux pathogènes que nous rencontrons tout au long de la vie.
Une fois cette invitation au voyage accomplie, l’auteur, dans les
chapitres VII à XII, rentre dans le vif du sujet en nous présentant le système
immunitaire en action. C’est alors l’occasion de décrire plus en détail les
différentes composantes du système immunitaire au fur et à mesure que se
mettent en place les réponses immunes, du déclenchement de la réponse
innée et de l’inflammation à celle de la réponse adaptative, jusqu’à la
phase résolutive et réparatrice.
Dans la 3e partie de l’ouvrage, des chapitres XI à XIII, Olivier Garraud nous
explique comment analyser avec une certaine modestie les réponses
immunes avec toutes les limites de nos connaissances. Il nous ouvre
ensuite les portes qui font les succès et les failles du système immunitaire.
Il s’agit là d’une initiation physiopathologique qui invite à réfléchir à la
place majeure qu’occupe le système immunitaire et à l’étendue des
immunopathologies qu’un professionnel de santé peut être amenées à
rencontrer.
Comprendre la physiologie et la physiopathologie du système immunitaire
et de l’immunité sont des éléments essentiels pour s’acculturer aux grands
et rapides progrès biotechnologiques des dernières années. La médecine
« interventionnelle », notamment l’immunothérapie abordée dans l’avant-
dernier chapitre apporte des bénéfices thérapeutiques incontestables aux
patients atteints de pathologies aussi diverses que les maladies auto-
immunes et inflammatoires chroniques évolutives et invalidantes, les
allergies sévères, les cancers métastatiques et hémopathies malignes en
impasse thérapeutique.
L’ouvrage est de lecture aisée, presqu’un roman, accessible aux étudiants
comme aux professionnels désireux de mieux comprendre l’immunologie,
souvent jugée comme très compliquée… Les sujets sont traités avec
modestie et rigueur mais aussi quelques pointes d’humour.
Cette présentation plaisante et originale du système immunitaire, j’en suis
sûr, séduira le lecteur et l’incitera à approfondir ses connaissances, et peut
être aussi à se pencher (ou se repencher) sur les ouvrages littéraires,
philosophiques ou encore l’histoire de l’immunologie comme nous y
invitent les nombreuses et intéressantes notes de bas de pages. Le voyage
de la connaissance est loin d’être fini, n’oublions pas que le système
immunitaire est en perpétuel mouvement pour permettre à l’homme de se
développer, d’évoluer et de survivre dans son environnement.
Professeur François Lemoine
Sorbonne Université – AP-HP
Président de la section du Conseil national des universités
« Hématologie, Cancérologie, Immunologie et Génétique » (section CNU
47),
président de la sous-section Immunologie (sous-section CNU 47-03)
CHAPITRE 1

Préambule

La communauté des enseignants d’immunologie, francophone comme


internationale, est composée de personnes en général brillantes et
pédagogues. Et pourtant, pas deux individus n’abordent leur enseignement
de la même façon, avec le même prisme, à auditoire équivalent bien
entendu. Qu’est-ce à dire ? Chacun a un angle d’attaque avec lequel il se
sent plus à l’aide, plus percutant. Chacun est nourri de ses expériences,
cliniques au lit du patient ou de médecine de laboratoire selon les cas, de
la richesse de sa recherche et de la confrontation avec ses collaborateurs,
ses étudiants, etc. Au bout d’un ouvrage de deux mille pages, ou d’un
cours de deux cents heures, nous devrions tous nous être rejoints ; pas
forcément avec la même table des matières, mais sur le fond, ce devrait
être assez proche, mais c’est plus difficile avec des documents ou des
temps plus courts. J’ai moi-même, au fur et à mesure de mes longues
années d’enseignement, maintes fois changé mon cours, au gré des
réformes pédagogiques et des objectifs généraux qui m’étaient assignés,
mais aussi parce que ma compréhension de l’immunologie évoluait avec
ma recherche, mon expérience (principalement clinique et un peu de
médecine de laboratoire). Une anecdote pour éclairer mon propos :
assistant il y a un bon paquet d’années à un congrès international
d’immunologie – une de ces grand-messes réunissant des milliers de
chercheurs (surtout) – j’ai assisté à une conférence plénière, une de celles
que les organisateurs réservent en principe aux ténors, aux scientifiques
les plus en vue du moment, et dans notre discipline aux personnes ayant
publié les études les plus novatrices dans les plus grands journaux.
L’orateur avait en effet été – avec son laboratoire – à l’origine d’une de
ces découvertes qui changent les paradigmes de la connaissance
immunologique. Cette personne – répondant aux questions à l’issue de sa
très brillante présentation – nous a alors démontré que s’il avait
révolutionné le concept de l’immunité (en l’occurrence innée – vous
comprendrez dans les chapitres à venir, du moins est-ce mon vœu le plus
vif) n’avait rien compris du tout à ce qu’il nous avait démontré, étant
incapable d’avoir une vision synthétique et intégrative de sa recherche. Il
a accumulé les erreurs – dont certaines grossières – en répondant, assez
péremptoirement, à son auditoire. Il n’avait pas la modestie de ne pas
savoir. Et si son nom reste attaché à sa découverte, il n’a pas persisté dans
l’évolution permanente de la discipline.
L’immunologie, la science de l’immunité, est une matière complexe et
transdisciplinaire ; toutes les spécialités médicales ou presque pourraient
la revendiquer, jusqu’à la psychiatrie. De grands chirurgiens ont laissé
leur empreinte dans l’accumulation des découvertes les plus importantes,
et beaucoup de médecins de spécialités médicales. Médecins, nous ne
serions pas capables d’aller bien loin dans la description de cette
discipline si nous ne côtoyions pas des scientifiques « durs », qui nous
apportent rigueur et méthode et partagent avec nous l’imagination.
On a pu dire, en cette période Covid-19, que la France comptait
60 millions d’infectiologues, autant d’épidémiologistes, et presqu’autant
d’immunologistes. Chacun explique à chacun comment s’acquiert
l’immunité individuelle et de groupe, naturelle et post-vaccinale. Comme
ce collègue vedette du congrès un temps, voilà beaucoup de personnes qui
n’ont pas conscience de leurs lacunes et de leur approximation. Mais
voilà : peut-être est-ce notre faute, les immunologistes professionnels, car
nous ne sommes pas très versés dans l’explication « grand public » de
notions aussi complexes qu’elles nous demandent à nous aussi, soi-disant
spécialistes, de rester modestes.
Il y a des approximations, des raccourcis, des lacunes quant aux
connaissances les plus actuelles, probablement, dans cet ouvrage que j’ai
voulu cependant accessible. La vulgarisation fait le lit de l’erreur… J’en
suis conscient et j’espère avoir évité le plus possible les pièges de
l’exercice, mais je suis bien sûr que tel ou tel me fera remarquer que
page 53 ou 75, ou 87, il y a une petite erreur… J’en demande pardon par
avance.
J’ai donc fait un choix de déroulement du sujet, et donné de l’emphase à
telle ou telle partie au détriment de telle autre ; ce n’est pas un traité
académique d’immunologie (il y en a d’excellents auquel le lecteur
vraiment intéressé pourra avantageusement se référer). J’ai été guidé par
l’idée que je me faisais de ce que le lecteur grand-public mais néanmoins
averti pouvait avoir envie de savoir pour comprendre l’immunité, pour
confronter sa lecture aux informations véhiculées par les médias, dont
certains font un travail remarquable, mais pas aux heures des journaux
télévisés.
Il y a des redondances, pas seulement car les outils de l’immunité
naturelle brillent par cette capacité, justement, mais parce que le lecteur
n’aura peut-être pas l’envie de lire tout le long chapitre sur l’immunité
adaptative mais aura envie d’en savoir juste un peu plus sur
l’inflammation ou sur le système HLA, ou encore sur les vaccins. Pour
être lecteur moi-même, je sais aussi que j’oublie le sens de telle ou telle
abréviation, aussi suis-je revenu le plus souvent possible sur ces points
afin de ne perdre personne en route (si possible). J’ai aussi proposé de
nombreuses notes de bas de pages, pour à la fois alléger le texte principal,
mais encore donner quand même les explications nécessaires à qui en
aurait besoin. Ce choix est discutable du point de vue éditorial, il me faut
l’assumer. J’ai aussi tenté d’illustrer par des figures – évidemment
erronées car simplifiée à l’extrême et jamais à l’échelle – et des tableaux
des éléments un peu complexes.
Il me reste à souhaiter à mes lecteurs un agréable voyage dans ce monde
complexe de l’immunité. Cet ouvrage porte en lui sa propre péremption :
l’immunologie est une discipline terriblement exigeante pour ses
enseignants car elle se renouvelle à une allure qui n’a que très peu de
comparaisons en médecine et en biologie… Mais demain est un autre
jour !
CHAPITRE 2

Pour planter le décor…

Qui sommes-nous ?
Il y a de nombreuses façons d’aborder ce sujet, qui bien sûr convoquent
les sciences humaines et sociales (l’histoire, la sociologie,
l’anthropologie, l’économie), la philosophie et la spiritualité. Tout à côté
de ces questions essentielles – au sens littéral du terme – s’adosse notre
matérialité. Nous sommes « des êtres de chair et de sang », pour reprendre
une métaphore bien littéraire, avec un corps physique et un esprit qui
gouverne nos émotions et nos relations avec les autres personnes,
relations également sujettes aux événements naturels et aux interactions
avec les autres créatures vivantes qui nous entourent.
Nous le savons à présent, nous sommes des vertébrés mammifères, de la
famille des hominidés de l’espèce primate au sein de laquelle nous
sommes – depuis environ 300 000 ans – des Homo sapiens. Cette filiation
– du règne animal à l’espèce Homo sapiens en passant par les
embranchements, les classes, ordres, familles, tribus et genres – a laissé
des héritages anatomiques (comme la station debout, la bipédie, la taille
du cerveau, la préhension des objets, etc.) et physiologiques (la
respiration, la nutrition, la reproduction) ; parmi les héritages
physiologiques, citons ceux de nature biologique comme l’oxygénation du
sang au travers une molécule captatrice d’oxygène, l’hémoglobine, la
digestion, la défense immunitaire contre les agents infectieux, etc.
Nos ancêtres se sont adaptés à leur environnement climatique,
géographique, historique – avec les migrations et la sédentarisation –, ce
qui a formaté la prise alimentaire (de moins en moins carnée – chasse et
pêche –, de plus en plus végétale – cueillettes, cultures –, de moins en
moins crue et de plus en plus cuite ou fermentée). Ce type d’alimentation
a influé sur l’évolution du tube digestif et de la colonisation de ce dernier
par des microbes environnementaux afin que ceux-là aident à dégrader les
aliments et les transformer en nutriments pouvant être absorbés.
À côté de cela, nous avons tous en mémoire les grandes épidémies qui ont
traversé notre histoire ou plutôt celle de nos ancêtres, et qui ont précédé
celle – récente – liée au virus SARS-CoV-2 responsable de la maladie
Covid-19. Celles-là ont pu être décrites par de grands romanciers qui nous
les ont rendues accessibles1, et eux-mêmes se sont basés sur des
documents historiques pour les plus récentes, ou des données archéo-
anthropologiques pour les plus anciennes. Nos ancêtres ont traversé le
froid et le chaud extrêmes, la faim et la soif ; ils ont emprunté les grandes
routes pour leurs migrations afin de suivre les gibiers et les produits de la
terre ; ils ont expérimenté des maladies comme la variole, la peste, la
lèpre, le choléra, le paludisme et tant d’autres fléaux dont de grandes
épidémies virales, comme les grippes et les maladies sévères à
coronavirus. Les concentrations de personnes, bien entendu, aggravaient
le risque pour les individus d’être contaminés comme ce fut le cas pour la
grippe dite espagnole, de funeste mémoire, qui a tué plus encore de
personnes que la Grande Guerre (Première Guerre mondiale). D’une
façon simpliste, on peut dire que nous sommes aujourd’hui des
descendants des survivants de toutes ces conditions difficiles ; ces grandes
épidémies ont décimé des millions de personnes, et seules les plus
résistantes ont eu l’opportunité de se multiplier pour donner les
descendants que nous sommes. Chaque génération a traversé ses épreuves
(famines, guerres, épidémies) qui ont aussi sélectionné les individus les
plus résistants, même si cela ressemble à un langage politiquement
incorrect et de sinistre réputation ; en effet, des dictateurs ont cherché à se
substituer à la loterie de la nature et à décréter qui était fragile et qui était
fort et génétiquement intéressant. La loi naturelle est beaucoup plus
subtile car les personnes sensibles ou résistantes aux grandes vagues
d’infection microbienne n’étaient pas prévisibles sur l’apparence, sur le
« phénotype », mais bien sur l’intime, le « génotype ». En effet, au fil du
temps, des gènes de résistance aux agents infectieux ont été privilégiés par
la nature pour être transmis à la descendance, soit de façon directe en
éliminant des cellules humaines des portes d’entrée aux agents infectieux
les plus virulents, soit en faisant produire — par ces cellules humaines —
des plus outils efficaces contre ces agents infectieux pathogènes.
Ce qu’on nomme à présent les groupes tissulaires – au nombre desquels
on trouve les groupes sanguins et le groupe HLA2 – sont doublement
intéressants à ce titre : d’une part les gènes qui codent pour le HLA ont
été soumis à des pressions exercées par les agents infectieux pour
favoriser les personnes résistantes, et d’autre part les personnes les plus
outillées pour fabriquer des outils efficaces contre des agents infectieux et
surtout s’en souvenir sont dépendantes de ces groupes HLA. Plusieurs
décennies de recherches ont montré de façon convaincante que les locus3
HLA classiques portent la signature de l’évolution naturelle. En dépit de
cette conclusion, de nombreuses questions subsistent à propos des régimes
de sélection qui ont agi sur ces locus, du moment auquel ces événements
de sélection agissent, et des connections fonctionnelles entre la variabilité
génétique et la sélection naturelle.
L’immunité est souvent abordée sur le plan individuel mais elle est aussi
questionnée sur le plan collectif ; on a en effet beaucoup entendu parler
ces derniers temps de l’immunité de groupe (en anglais de troupeau, Herd
immunity) qui fait barrière aux agents infectieux en prémunissant une
large partie de la population ce qui suffit pour tenir à distance le danger et
protéger les personnes actuellement prémunies, mais aussi les autres (c’est
aussi – et j’y reviendrai vers la fin de cet ouvrage – un des objectifs de la
vaccination). C’est probablement cette immunité de groupe, associée aux
bons génotypes HLA sélectionnés par les générations, qui a produit son
effet pour faire reculer les grands tueurs qu’ont été la peste, le choléra, la
lèpre ; reculer, pas disparaître (seule la variole a disparu, grâce à la
vaccination), mais cantonner à des isolats, surveillés pour leur éventuelle
dissémination mais de façon plus souple quand on dispose, comme pour la
peste ou le choléra, d’antibiotiques efficaces (à la condition d’en avoir les
moyens financiers ; cela soulève un autre débat, qui est celui de la lutte
contre les grandes pandémies et les choix des états d’y contribuer, ou au
contraire de les abandonner aux philanthropes comme Bill et Melinda
Gates et quelques autres.
Dans quel environnement évoluons-nous ?
■ Nos environnements
Nous n’évoluons pas dans une bulle, dans un environnement protégé,
mais dans une atmosphère, qui détermine les événements radio-physiques
et chimiques auxquels nous sommes confrontés. En général, nous sommes
configurés à un type d’environnement géo climatique principal mais, de
plus en plus, nous alternons des phases d’exposition à des événements
différents, par exemple en ville (où nous sommes sujets à la pollution, au
bruit, à l’ozone, aux microparticules) ou à la campagne (où nous sommes
exposés à des pollens, des moisissures, des résidus végétaux et animaux
abondants, parfois à des produits phytosanitaires) ; ces alternances
peuvent être encore plus marquées si nous alternons des séjours de longue
durée entre zones de tempérées à froides, au-dessus du Tropique du
Cancer et en dessous du Tropique du Capricorne, avec des séjours en
zones chaudes entre tropiques et équateurs (et auquel cas, une différence
s’opère entre les zones sèches et les zones humides). Nous avons hérité de
moyens de la part de nos ancêtres, moyens qui sont en général adaptés à
l’environnement qui était le leur (peau claire ou foncée, cheveu plat ou
crépu, capacité enzymatique à digérer tel ou tel végétal ou chair animale,
à synthétiser telle ou telle vitamine ou sécréter tel ou tel niveau
d’hormone, etc.). Évoluer dans un environnement adapté expose à moins
de risques physico-chimiques ; un excellent exemple est l’ensoleillement
tropical, qui convient aux peaux noires mais cause de fréquents et
gravissimes mélanomes aux Australiens et aux Sud-Africains à peau
claire, immigrés de quelques générations non complètement adaptées.
Un organe qui s’adapte assez rapidement en revanche est le microbiote4,
ce second cerveau qui se niche à la surface de nos surfaces cutanées et
surtout muqueuses et qui nous caractérise aussi sûrement que nos
empreintes digitales ou notre ADN. En dépit de son caractère unique lié à
nos capacités à méthyler5 ou métaboliser les bactéries environnementales
en particulier, ce microbiote comprend pour une large part des germes
fréquents rencontrés dans l’environnement, et adaptés, apportés en
particulier par la nourriture et maintenus par l’hygiène alimentaire (pour
le tube digestif) ; pour les autres muqueuses, génitale en particulier, cette
flore doit être respectée par la toilette et l’hygiène.

■ Nos interactions
Quels sont ainsi les environnements et les interactions que peuvent subir
notre organisme ? Les interactions environnementales peuvent se faire à
deux niveaux, extérieur et intérieur.
• Le niveau extérieur
Le niveau extérieur est assez facile à appréhender, en tous cas pour ce qui
concerne la peau, qui représente environ 1,9 m2 pour un homme de 50 ans
mesurant 1,75 m et pesant 75 kg ; ce 1,9 m2 est autant de surface
d’interactions avec un grand nombre d’éléments : ensoleillement,
température extérieure, radiations cosmiques, vent, pollution,
cosmétiques, résidus de lessives sur les vêtements, contacts métalliques
(boutons, bijoux, montre), etc. Un arsenal de protection (constitution de la
peau, poils, sécrétions, flore microbienne cutanée) assure la défense de
première ligne de cette barrière fréquemment agressée par les éléments
extérieurs. Mais la peau n’est qu’une toute petite zone d’interaction avec
l’environnement externe comparée aux muqueuses, dont la surface est
estimée à plus de 300 m2, pour la plupart au niveau de l’intestin mais
abondante également au niveau des bronches, du reste de l’appareil
digestif, de l’appareil urinaire et de l’appareil génital. On comprend bien
qu’à ce niveau-là, les contacts externes sont différenciés en fonction de
leur localisation : 1) air, pollution, aérosols, pollens, etc. au niveau
respiratoire (et aussi avec des microbes dont les virus saisonniers ou
épidémiques) ; 2) aliments, médicaments, toxiques, allergènes
alimentaires et aussi microbes ingérés, au niveau de l’appareil digestif ; 3)
au niveau de la muqueuse génitale féminine, les principaux contacts
seront les cosmétiques nettoyants, le latex des préservatifs, et les microbes
importés de l’appareil digestif bas ou liés aux contacts sexuels. Pour
protéger les muqueuses, il existe des barrières tissulaires comprenant les
sécrétions (le mucus), barrières différenciées selon les types cellulaires, et
une couche de microbes, bactéries et virus, composant le microbiote déjà
évoqué mais qui sera détaillé au chapitre des outils du système
immunitaire.
L’ensemble des protections apportées par la structure de la peau et des
muqueuses et leurs colonisations naturelles de microbes « qui vivent
avec » (appelés « commensaux » d’après l’étymologie latine, ou encore
« saprophytes ») composent une partie de l’immunité de première ligne,
« l’immunité innée ou encore naturelle6 ».
• Le niveau intérieur
L’accès aux milieux intérieurs est plus compliqué ; il y a bien entendu des
niveaux de perméabilité qui font passer un produit de la peau et plus
facilement encore de la muqueuse dans le sang : c’est ainsi qu’on retrouve
dans le sang des médicaments – certes transformés – ingérés sous forme
de gélule ou de comprimé, ou des produits issus des cosmétiques, ou de
produits phytosanitaires passés directement ou avec les aliments. Et dans
l’ensemble, les barrières cutanées ou muqueuses peuvent être altérées de
diverses façons : excoriations cutanées (fréquentes au niveau des mains et
du pourtour des ongles), érosions muqueuses (buccales, nasales, anales,
vaginales), sans que cela ne soit vraiment anormal ou pathologique ; on
verra que certaines maladies causent d’importantes altérations muqueuses.
Une fois les barrières franchies, les agents d’agression peuvent aller
attaquer des cibles internes selon leur appétence pour elles : cellules
articulaires, rénales (néphrons), musculaires cardiaques, épithéliales du
revêtement pulmonaire, sanguines circulantes, endothéliales qui bordent
la surface interne des vaisseaux sanguins, etc. L’organisme ne se laisse
pas si facilement envahir s’il est robuste et sain, et qu’il ne présente pas de
déficit génétique bloquant les mécanismes de défense naturelle ; cet
organisme peut déployer une panoplie de moyens de prévention et de
défense, en cascade, souvent redondants, en général excessifs, pour être
bien certains d’être efficace. Là encore, la collection de tous ces moyens,
qui regroupe des outils extrêmement divers, constitue l’immunité
naturelle ou innée.
• Interactions avec les microbes
Un point particulièrement important en ce qui concerne notre relation aux
agents infectieux est notre action sur eux – particulièrement les bactéries –
par l’usage massif d’antibiotiques, ingérés occasionnellement à l’occasion
d’une infection bactérienne ou de la surinfection bactérienne d’une
infection virale comme la grippe, une bronchite, etc., mais plus encore de
façon indirecte par la nourriture en particulier les viandes ; les animaux
élevés en batterie sont en effet gavés d’antibiotiques afin de leur éviter des
infections communautaires, antibiotiques dont des traces se retrouvent
abondamment dans les produits carnés ou laitiers mais aussi dans d’autres
produits alimentaires si les eaux d’irrigation sont riches en résidus
d’antibiotiques. C’est un fléau écologique, qui affecte notre relation au
monde microbien et notre immunité. Des antibiotiques non appropriés
dans le cadre de maladies humaines – on le sait car le message de
l’Assurance Maladie « les antibiotiques, c’est pas automatique » –
génèrent des résistances, qui ne sont autres que des pressions génétiques,
lesquelles modifient les profils des agents microbiens et leur écologie,
avec – là encore – un impact sur nos systèmes de défense contre les agents
bactériens et l’immunité.

1. Citons (avec France Culture : https://www.franceculture.fr/litterature/lepidemie-en-litterature-a-


travers-6-grands-romans), La Peste d’Albert Camus, Gallimard, 1947 ; Le Hussard sur le toit, de
Jean Giono, Gallimard, 1951 ; Les Pestiférés, texte inachevé et inédit de Marcel Pagnol, de Fallois,
1977 ; La Quarantaine, de Jean-Marie Gustave le Clezio, Gallimard, 1995 ; En un monde parfait,
d’Anna Kasischke, Christian Bourgois, 2009 ; Nemesis, de Philip Roth, Houghton Mifflin
Harcourt, 2010 ; et bien d’autres encore…
2. HLA est l’acronyme de Human Lymphocyte Antigen. Il s’agit d’un groupe de molécules faisant
partie du Complexe Majeur d’Histocompatibilité ou CMH ou encore MHC (Major
Histocompatibiliy Complex), découvert dans les années 1960 par le médecin et scientifique
français Jean Dausset pour le HLA et les américains Baruj Benaceraf et Georges Snell pour le
CMH de façon plus large. Tous trois ont été lauréats du prix Nobel de Physiologie et Médecine en
1980. Un grand oublié de cette récompense a été le néerlandais Jon van Rood, contributeur
pourtant essentiel à la définition fonctionnelle du système HLA, qui a eu l’idée révolutionnaire à
l’époque d’emprunter aux banques les ordinateurs assez puissants pour effecteur les calculs
nécessaires ; la californienne Rose Payne a elle aussi été une contributrice remarquable de la
découverte du HLA et a également été une grande oubliée des récompenses.
3. Un locus est la localisation précise d’un gène sur un chromosome. Faut-il dire locus ou loci au
pluriel ? C’est un débat. Je garderai la forme invariable dans cet ouvrage.
4. On pourra se référer au site https://www.biocodexmicrobiotainstitute.com, qui présente des
explications et des animations pédagogiques et simplifiées intéressantes.
5. Méthyler : ajouter un groupement méthyle (CH3-) ; cette fonction agit sur les processus cellulaires
et gouverne en particulier l’expression des gènes et donc le programme fonctionnel de la cellule.
6. Les deux appellations sont utilisées indistinctement et ont la même valeur.
CHAPITRE 3

La réponse immunitaire
et ses composantes dans le
temps et l’espace

Un travail en continu
La défense contre les agents d’agression pour un maintien quotidien en
bonne santé est un exercice permanent, puisqu’à chaque instant, notre
organisme est soumis à des menaces externes physiques, chimiques,
environnementales et infectieuses, et des menaces internes. Malgré la
performance de produire en abondance (des milliards chaque jour) des
cellules conformes pour renouveler les tissus et les organes, de petits bugs
ne manquent cependant pas de se produire, ce qui peut occasionnellement
induire – dans un certain nombre de circonstances – des conséquences
dramatiques, ce qui est le cas quand un clone tumoral n’est pas repéré et
donc pas éliminé.
On imagine bien que les agressions quotidiennes sont ainsi non seulement
nombreuses mais aussi variées ; le nombre de bactéries potentiellement
agressives ou de virus pathogènes que chacun d’entre nous est amené à
rencontrer quotidiennement est immense. La production de cellules
tumorales est quotidienne ; tout aussi quotidienne est leur élimination par
les outils de la surveillance ou veille immunologique, sauf exception.
Notre système de défense travaille donc en continu pour faire face à ces
défis de chaque instant.
Dans ce contexte, la réponse immunitaire se déroule à la fois dans le
temps et dans l’espace pour chaque type de menace ; une défense s’établit
de façon globale indépendamment du type de l’agression, mais néanmoins
de façon ajustée à l’écologie de cette agression.

Un déroulement dans l’espace…


Dans l’espace, le réseau du système immunitaire, pour effectuer ce travail
continu, utilise les interfaces suivantes :

■ La peau
La peau – 1,9 m2 environ chez un adulte de 1 m 75 pesant 75 kg – offre
des lignes de défense au travers son épaisseur, ses sécrétions comme la
sueur et le film lipidique qui la recouvre, les poils, etc. et cela, pour
l’épiderme seulement ; dans les couches sous-jacentes, si d’aventure un
agent pathogène franchissait l’épiderme, des cellules efficaces veillent
d’une part, agissent d’autre part au travers leurs fonctions spécifiques (ces
cellules sont les kératinocytes, les mélanocytes, des cellules dendritiques1
dites de Langerhans, des macrophages2, etc.).

■ La muqueuse
La muqueuse – dont la surface est colossale (300 m2 pour le seul intestin
grêle chez un adulte), est recouverte de mucus qui lui aussi présente des
caractéristiques antibactériennes, virales, parasitaires et fongiques3 ; de
plus, il renferme, venues de la couche sous-muqueuse, de grandes
quantités d’immunoglobulines sécrétoires qui sont appelées des anticorps
polyréactifs, capables de lier et d’éliminer une grande variété d’agents
infectieux pathogènes. Cette structure – adaptée à la fonction (digestive,
respiratoire, reproductive, etc.) – comprend également des couches sous-
jacentes riches en cellules sécrétoires et en cellules de l’immunité tantôt
plus ou moins organisées en équivalents de ganglions lymphatiques, ou
tantôt encore diffuses. Tout cet arsenal permet en général une lutte
efficace contre les agents infectieux pathogènes arrivés par voie digestive,
respiratoire, sexuelle, etc. tout en respectant l’action essentielle des
microbes de cohabitation4, non pathogènes, qui participent à la
physiologie du tissu en question (dégradation des aliments pour être
absorbés sous forme de nutriments par la muqueuse digestive par
exemple).
■ Un réseau interne de cellules
Un réseau interne de cellules qui veille aux passages sanguins et aux
franchissements tissulaires de cellules cancérisées, transformées,
infectées ; des outils de ce réseau dédié détruisent de façon non discernée
des agents pathogènes internes, se basant sur des caractéristiques
d’anormalité ; ces actions globales sont complétées d’une part par le
repérage de spécificités particulières aux agresseurs, pour peu que ces
cellules de l’immunité adaptative aient été éduquées préalablement
(comme pourrait le faire un vaccin par exemple) et d’autre part leur
destruction ; à cela se surajoute – dans certaines circonstances – l’action
d’anticorps présents dans les secteurs vasculaires et lymphatiques mais
aussi dans ce qu’on appelle le secteur extravasculaire (liquides interstitiels
dans les organes, liquide céphalorachidien). (Ces anticorps là – à la
différence des anticorps dits polyréactifs de l’alinéa précédent – sont des
outils de l’immunité adaptative et sont rigoureusement spécifiques de
petites parties des agents pathogènes, appelées antigènes, déclencheurs de
ces réponses de l’immunité adaptative).

■ Un réseau de communication
Toujours en interne, un réseau de communication qui emprunte les voies
vasculaires et les voies lymphatiques, qui transportent les cellules de
l’immunité ayant capturé des agents pathogènes, des cellules de
l’immunité naturelle, et des cellules éduquées de l’immunité adaptative et
spécifique et en particulier des lymphocytes mémoire (pour les réponses
immunitaires dites de rappel) ; ce réseau transporte aussi des molécules
effectrices de l’immunité (qui seront détaillées ultérieurement) et des
molécules de communication et d’interactions cellulaires et tissulaires.
Une partie de ces molécules est destinée à faire du guidage des cellules de
l’immunité entre la périphérie et les lieux de capture des agents
pathogènes et les organes de l’immunité ; ce guidage s’opère un peu sur le
même modèle que les phéromones pour l’attraction sexuelle des animaux,
ou pour le butinage des abeilles.
• Un réseau d’organes et de tissus de l’immunité qui repose sur des
structures très précises comme les ganglions lymphatiques, disposés au
plus près des principaux sites d’agression externe (cervicaux pour la tête
et le cou ; axillaires pour les membres supérieurs ; inguinaux pour les
membres inférieurs) mais aussi internes pour les agressions internes et
muqueuses (médiastinaux, mésentériques), etc. La rate se comporte
comme un super-ganglion lymphatique, tout en ayant d’autres fonctions
en particulier pour épurer le sang de ses cellules vieillies. Ce réseau se
complète de structures lymphoïdes diffuses dans les muqueuses en
particulier.

…Et aussi dans le temps…


Dans le temps, le réseau agit de la façon suivante :
• une réponse est initiée à chaque rencontre événementielle d’une
agression et cette réponse utilise pour commencer « les moyens du
bord », tout en initiant le recrutement et la fabrication des autres moyens
cellulaires et moléculaires nécessaires ;
• elle se poursuit, selon la nature de l’agression, selon deux modalités : (1)
la réponse d’élimination est complète grâce à une phagocytose suivie
d’une digestion de l’agent pathogène et de l’élimination des déchets
digérés par exemple ; (2) la réponse de digestion est incomplète, ce qui
peut initier la poursuite du processus par une activation de l’immunité
adaptative ;
• dans les ganglions ou la rate, les agents pathogènes drainés, en partie
digérés par les cellules de l’immunité naturelle, vont rencontrer les
cellules initiatrices de l’immunité adaptative spécifique et les cellules de
cette immunité adaptative qui sont des lymphocytes bien caractérisés5 ;
cela initie la mise en route de micro-usines de production de l’immunité
adaptative (spécifique) dans de plus vastes complexes.
Il convient bien de noter que toute réponse de défense contre un agent
d’agression va débuter à un instant « t » mais devra s’interrompre à un
moment « m », dès lors que ces éléments ne sont plus nécessaires, en
particulier parce que le danger n’existe plus, ou qu’il a été éradiqué. S’il y
a eu des lésions créées soit par l’agression, soit par la défense, soit par la
combinaison des deux, une phase ultime de l’immunité se met en place ;
c’est la cicatrisation et la réparation tissulaire. C’est seulement après cette
phase de réparation qu’on va pouvoir considérer que la réponse de
défense est complète.

1. Il existe en effet différents types de cellules dendritiques dont les fonctions partagent des
communautés mais aussi présentent des différences fonctionnelles selon le travail à accomplir.
2. Il existe aussi plusieurs types fonctionnels de macrophages, également différenciées selon leur
tâche dans la défense immunitaire.
3. S’applique aux champignons.
4. Dits commensaux ou saprophytes.
5. L’immunité adaptative repose sur des lymphocytes dits conventionnels en ce sens qu’ils expriment
chacun un type de récepteur pour l’antigène ; il existe à leur côté des lymphocytes non
conventionnels n’exprimant pas ces récepteurs et fonctionnant – efficacement d’ailleurs – dans le
concert de l’immunité innée.
CHAPITRE 4

Quels sont les enjeux et les


objectifs de l’immunité ?

Quelques définitions
Tout individu immunocompétent va interagir avec son environnement et
réagir aux agressions auxquels il est soumis en permanence, pour y faire
face (y résister, les surmonter) et pour réparer d’éventuelles lésions
causées par des agents d’agression (internes et externes). Un individu
immunocompétent1 est une personne chez qui aucun déficit génétique
constitutionnel (c’est-à-dire survenu pendant sa conception) n’existe.
Ces tâches sont celles du système immunitaire d’un individu, celles donc
d’assurer l’immunité.
(On notera au passage que le mot « immunité » a différentes significations
dans un dictionnaire commun2 : 1) Droit de bénéficier à la loi commune
[privilège] ; 2) Ensemble des mécanismes de défense d’un organisme
contre les agents étrangers à l’organisme, en particulier les agents
infectieux [virus, bactéries, parasites] ; 3) Privilège concédé par le roi à
une personne sur les terres de laquelle ses agents n’avaient pas accès.
Nous sommes ici très explicitement dans le sens deuxième de
l’immunité.)
Je propose une définition de l’immunité, définition qui m’est propre (à des
fins pédagogiques) et qui précise que :
« L’immunité est la conséquence de l’activation et de la régulation du
système qui permet de faire face aux différents types d’agressions
auxquelles est confronté tout individu au décours de sa vie, soit en
éliminant les sources d’agression, soit en les contournant, soit en les
utilisant à bon escient, et ce en utilisant un arsenal d’outils communs à
plusieurs fonctions physiologiques et d’autres parfaitement dédiés à ces
tâches de défense. L’immunité étend sa mission à la réparation des
dommages causés par les agressions mais aussi ceux induits par les
moyens de défense (dommages collatéraux), ce qui correspond à la
cicatrisation. Cette immunité met enfin en place des outils de prévention
adaptés à certaines situations (en particulier infectieuses). »
Le système immunitaire est ainsi la collection des outils permettant
d’assurer l’immunité dès la naissance et son fonctionnement tout au long
de la vie. S’il s’agit d’un système au sens biologique, c’est que cette
collection d’outils fonctionne comme celle des autres grands systèmes
(cardio-circulatoire, respiratoire, nerveux, digestif, urinaire, etc.) à savoir
une organisation anatomique en tissus et organes, et une organisation
physiologique avec des connexions avec les autres systèmes et plusieurs
niveaux de régulations, centrales et périphériques. Le système permettant
l’établissement et le fonctionnement de l’immunité c’est-à-dire le
maintien d’un capital de bonne santé tout au long de la vie en dépit des
agressions multiples et permanentes subies, repose sur une anatomie
organisée en organes primaires (moelle osseuse et thymus), secondaire
(ganglions lymphatiques et vaisseaux lymphatiques, amygdales et
végétations adénoïdes, rate) et tertiaire (tissu lymphoïde disséminé – sans
connexions vasculaires – dans les tissus des organes des autres systèmes,
digestif et génito-urinaire en particulier). La figure 1 présente une vision
simplifiée de l’anatomie du système immunitaire.
Figure 1 : Anatomie simplifiée du système immunitaire
Que comprend ce système immunitaire ?
■ « De la poule qui fait l’œuf ou de l’œuf qui fait la poule » ?
Ce système immunitaire, collection d’outils, comprend des cellules
variées, dont la plupart a comme point commun d’être à l’origine des
globules blancs ou leucocytes (mais pas exclusivement), et des molécules
appartenant à de nombreuses familles fonctionnelles. Les cellules de
l’immunité sont pour leur plus grand nombre organisées en tissus au sein
des organes de l’immunité, ou elles circulent dans le sang ; elles peuvent
aussi coloniser, de façon permanente ou transitoire, d’autres tissus et
organes ; toutes ces cellules n’ont pas vocation à avoir le même profil
« voyageur » ou « sédentaire » ; certaines cellules sont, de plus, très
polyvalentes alors que d’autres sont sophistiquées et spécialisées à
l’extrême. Dichotomiser les organisations cellulaires et moléculaires a été
un principe de laboratoires des décennies passées, où – dans les grands
organismes de recherche – on trouvait à tel étage le laboratoire
d’immunologie cellulaire et à tel autre celui d’immunologie humorale, qui
s’occupait des anticorps et de la sérologie, mais on s’est ensuite rendu
compte que c’était une « histoire de la poule qui fait l’œuf ou d’œuf qui
fait la poule » : les cellules fabriquent, synthétisent, sécrètent, excrètent
des facteurs moléculaires, lesquels sont essentiels au fonctionnement des
cellules en étant libérés et capturés par des récepteurs disposés sur ou dans
les cellules pour en permettre le métabolisme et la physiologie (voire la
physiopathologie).

■ De quelles cellules parle-t-on ?


On peut les schématiser en trois grandes catégories :
1) les cellules dites de l’immunité elles-mêmes ;
2) celles qui participent fonctionnellement à l’immunité ;
et 3) celles qui y participent en produisant des facteurs intervenant dans
l’immunité. (Cela est synthétisé dans le tableau I, ci-dessous).
Tableau I : Les cellules intervenant dans les processus immunitaires
Principalement les leucocytes :
– soit par leurs fonctions effectrices dans la
Cellules de phagocytose, l’inflammation, et la présentation
l’immunité des antigènes (immunité naturelle ou innée) ;
proprement dites – soit par leurs fonctions d’effecteurs de
l’immunité adaptative (les lymphocytes), qui rend
aussi compte de la mémoire immunitaire.
Les plaquettes sanguines qui produisent de
grandes quantités de facteurs inflammatoires et
un peu de facteurs anti-inflammatoires, les
cellules épithéliales des muqueuses qui
Cellules
établissent des relations avec les microbiotes, les
participant
kératinocytes de la peau qui sécrètent des
fonctionnellement
facteurs de défense de première ligne contre les
à l’immunité
agents infectieux, les cellules endothéliales des
vaisseaux sanguins et lymphatiques qui guident
les cellules de l’immunité vers les sites
réactionnels, etc.
Cellules sécrétant Les hépatocytes (cellules mésenchymateuses du
des facteurs foie) qui sécrètent des facteurs impliqués dans
impliqués dans le l’hémostase3, les facteurs du complément4 et des
déroulement facteurs de l’inflammation, et les cellules
de l’immunité neuroendocriniennes qui sécrètent des facteurs
de guidage des cellules de l’immunité et des
précurseurs de facteurs inflammatoires, etc.

■ Comment fonctionnent les cellules et leurs produits pour être


fonctionnels ?
Les produits déclencheurs, effecteurs et intermédiaires qu’on pourrait
nommer par exemple 1, 2, 3, etc. ainsi que les cellules comme dans
l’exemple ci-dessous elles aussi nommées 1, 2, 3 sont tous des outils de
l’immunité, fabriqués et utilisés pour autant que de besoin, en général
produits en excès (cela est illustré dans la figure 2). Certains de ces outils
existent à l’état basal ; on dit qu’ils sont préformés ; ils peuvent ainsi être
mobilisés à distance, ou encore recrutés ; d’autres produits vont être
sécrétés de façon nouvelle pour le besoin de la situation, des messages de
stimulation à la production vont être adressés en fonction de tests de
niveaux existant tant de façon centrale (en général au niveau de la moelle
osseuse) que périphérique (avec des capteurs stratégiques disposés dans
les tissus et les organes). Ces éléments seront détaillés dans le chapitre
suivant.
Figure 2 : Cellules de l’immunité, produits sécrétés et récepteurs cellulaires
■ La politique qualité du système immunitaire
Ce système immunitaire, dans son ensemble, confère à l’organisme une
aide efficace pour lutter contre les agents d’agression banals comme
occasionnels ; en moyenne, il permet à un humain de survivre environ
85 ans, en dépit des inévitables accidents de parcours. Cette durée de vie
moyenne reste impressionnante compte tenu de la multiplicité et de la
sévérité des agressions dont est victime le sujet en question. Par exemple,
chaque jour un individu laisse échapper plusieurs cellules cancéreuses lors
du gigantesque travail de divisions cellulaires qui est fait pour le
renouvellement des tissus dans les organes, et la pérennisation
fonctionnelle et opérationnelle de ce tissu. Le système immunitaire s’est
doté d’un système très efficace de veille, de surveillance immunologique,
pour traquer ces cellules anormales et les éliminer avant qu’elles ne
fassent souche et ne se constituent en tumeurs bénignes ou malignes
(cancers). Qu’il y ait des « ratés » génétiques lors de la division cellulaire
n’a rien d’exorbitant compte tenu du nombre gigantesque de divisions
cellulaires qui se produit chaque jour : c’est beaucoup moins que les bugs
des meilleurs systèmes d’opération de nos ordinateurs. Il nous est
impossible d’avoir un regard froid et statistique sur cette moyenne de
85 ans, car bien entendu nous sommes chacun entourés de personnes
luttant contre un cancer clinique et nous connaissons tous des personnes
décédées bien plus jeunes que cela (pour être honnêtes, nous connaissons
aussi un nombre croissant de personnes quasi centenaires) ; une médiane
serait plus informative mais le message réside dans le fait que les
agressions sont permanentes et que la lutte contre ces agressions est aussi
permanente, parfois silencieuse, parfois plus bruyante. L’immunité ne se
cantonne pas à la veille et à la lutte contre les agents d’agression ; elle
couvre aussi le champ de l’élimination des sources de danger, qui elles
aussi peuvent être silencieuses mais aussi être occasionnellement être plus
bruyantes ; ces étapes d’élimination des sources de danger peuvent
occasionner des pertes tissulaires (s’il a fallu au système immunitaire
isoler un tissu malade pour le dégrader et l’éliminer, avec l’agent
d’agression) ; l’immunité ne sera complète alors que lorsque le système
immunitaire aura réparé les tissus et organes lésés par l’excès de défense :
c’est la cicatrisation. Certaines cellules peuvent participer à plusieurs de
ces étapes, de la surveillance au parage des tissus en danger et à la
cicatrisation, en se reprogrammant au fur et à mesure des besoins, grâce à
un programme génétique assez complet et très impressionnant. On
comprend bien que ces étapes se déroulent séquentiellement dans le temps
et dans l’espace, ce que tente de résumer la figure 3.
Figure 3 : Déroulement, dans le temps, d’une réponse

L’objectif de l’immunité au travers son bras armé, le système


immunitaire, c’est de maintenir un état de santé tout au long de
l’organisme tout en faisant face à de multiples attaques agressives que
déjoue, contrecarre ou répare ce système, en utilisant tous les moyens à sa
disposition. Ce dispositif se déploie tout au long d’une vie, avec ses étapes
d’enrichissement jusqu’à la vie adulte, et le début de la sénescence
(figure 4). La médecine peut mettre d’autres moyens à disposition pour
autant que de besoin si le système immunitaire est anatomiquement et
physiologiquement fonctionnel dès la naissance. La médecine peut aussi
suppléer certains déficits dans une certaine mesure si la personne est
immunodéficiente soit génétiquement, soit pour d’autres raisons
(acquises). L’immunité ne restaure pas nécessairement l’organisme « ad
integrum » (strictement comme il était avant l’agression), encore dit « en
l’état ante », mais il peut ajouter des expériences et créer des cicatrices à
cette situation globale d’immunité.
Figure 4 : Évolution de l’immunité avec l’âge
■ L’homéostasie immunitaire
Une des caractéristiques du système immunitaire est de tendre vers un
retour à l’équilibre des moyens déployés pour faire face à une agression.
C’est d’ailleurs une loi générale de la physiologie que de rechercher ce
qu’on appelle, depuis Claude Bernard5, « l’homéostasie » ou « l’équilibre
des milieux intérieurs ». Le système immunitaire va utiliser des moyens
reposant sur des cellules (de l’immunité ou participant à l’immunité) et
leurs produits de sécrétion ; les besoins en tel ou tel type cellulaire ou
produit fait par un type cellulaire peuvent être très importants à un instant
« t » et nécessiter soit un recrutement massif dans tout l’organisme, soit
une production accélérée, sur ordres centralisés (on va parler de « système
intégré » en physiologie) ; ces outils vont être utilisés pour autant que de
besoin dans la réaction de défense contre un agresseur dangereux ;
l’organisme va ensuite tester les niveaux de dangerosité résiduels et si les
conditions s’y prêtent, envoyer des signaux de fin de danger un peu
partout où nécessaire ; des ordres seront passés pour freiner la production
des outils de défense et engager si besoin la production d’outils de
cicatrisation là encore pour autant que de besoin, puis revenir à un état
basal qu’on appelle de « paix armée » (en l’occurrence l’homéostasie pour
ce système-là qui, lui, reste toujours en en alerte avec ses veilleurs et ses
sentinelles). Les figures 5 et 6 schématisent cette dynamique qui est si
importante pour bien comprendre le fonctionnement du système
immunitaire. Ce système immunitaire est en permanence en phase
d’ajustement de ses niveaux de production, consommation, régulation, de
produits et d’opérateurs, pour pouvoir à la fois rapidement et aussi de la
façon la plus judicieuse possible répondre aux besoins perçus à travers les
sentinelles et les capteurs prévus et disposés à cet effet dans le corps,
particulièrement abondants dans la peau et les muqueuses, premiers sites
de rencontre pour les signaux externes.
Figure 5 : Expansion et contraction du « pool » de cellules de l’immunité
pendant une phase de réponse à un événement

Figure 6 : Mode de production et d’utilisation des facteurs de l’immunité


1. La définition de L’internaute indique que l’immunocompétence « qualifie un organisme qui
possède un système immunitaire, un ensemble biologique permettant de détruire les virus, parasites
ou bactéries, qui fonctionne correctement ».
https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/immunocompetence/
2. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/immunité/41753.
3. Ou encore facteurs de la coagulation ; ces facteurs se déclenchent en cascade, s’activant l’un
l’autre, après qu’un signal ait été donné, en général la brèche ou la blessure du vaisseau, cela afin
de colmater la brèche et éviter la fuite du sang dans les tissus. Certains facteurs de cette cascade
participent à l’inflammation.
4. Le Complément est un complexe de molécules qui, comme celui de l’hémostase, fonctionne en
cascade ; un facteur active le suivant et libère deux facteurs, un qui poursuit la course et l’autre qui
participe à l’inflammation, intervient dans les phénomènes biologiques et cliniques de l’allergie, et
est constitutif de la construction des nœuds lymphatiques, les ganglions, petites usines de
l’immunité adaptative. Le complément est – comme son nom l’indique – un cofacteur très
important de l’immunité naturelle ou innée pour la destruction des agents infectieux soit
directement, soit indirectement en augmentant la phagocytose. Cela sera détaillé ultérieurement
dans cet ouvrage.
5. Claude Bernard, né le 12 juillet 1813 à Saint-Julien et mort le 10 février 1878 à Paris, est un
médecin et physiologiste français. Il est considéré comme le fondateur de la médecine
expérimentale.
CHAPITRE 5

Le système immunitaire :
une histoire d’articulation

Ce travail sans fin…


Dans le temps, les réponses immunitaires sont permanentes puisqu’en
permanence également nous sommes confrontés à des événements. Il
existe ainsi une dynamique, qui consiste à recruter ou commander,
réguler, produire et consommer des éléments, des « outils », de sorte à
tendre vers l’efficacité (et lorsque cette efficacité est atteinte, les
régulateurs freinent la production des outils jusqu’au retour à l’équilibre
de base, pour cet événement-là, alors que se déroule un autre événement
et que s’en initie encore un autre, etc. La figure 7 illustre cette boucle de
production et de régulation.
Figure 7 : Le système immunitaire obéit à une dynamique perpétuelle
entre la production et la consommation des outils et des régulateurs
Ce travail sans limites…
Dans l’espace, les sites immunitaires subissent les mêmes contraintes : en
réponse à un événement, la moelle peut s’activer et produire beaucoup de
cellules de l’immunité (jusqu’à rendre sensibles ou douloureux les os qui
travaillent intensément à cette production) ; un site ganglionnaire proche
par exemple d’un point d’infection peut gonfler et lui aussi devenir
douloureux et sensible (car il est richement innervé et distendu) ; la rate
peut devenir palpable sous le rebord des côtes (alors que normalement elle
ne l’est pas), ce qui signifie qu’elle a grossi pour être le siège d’une
intense activité de filtration et de drainage, et aussi de destruction des
cellules devant être détruites après utilisation pour détruire des microbes
pathogènes comme les globules blancs ayant mangé – on dit phagocyté –
des particules infectieuses). Et – après un laps de temps nécessaire et
suffisant à la réaction – ces paramètres reviennent à la normale.

Guerre et Paix
Le domaine infectieux offre de bons modèles de compréhension de ces
mécanismes, mais il ne faudrait pas en déduire que l’immunité ne
s’applique qu’aux infections ; l’immunité surveille aussi les éventuelles
émergences de cellules cancéreuses ou auto-immunes, et dans le cadre
d’interventions médicales, les prise de greffons (transfusions, greffes de
tissus et d’organes) et certains protocoles thérapeutiques médicamenteux.
Une très grande partie de la réponse immunitaire est articulée autour de
l’inflammation, bien connue en pathologie car des signes infectieux sont
le motif de consultation de près de la moitié des démarches vers un
médecin, généraliste ou spécialiste d’organe et d’un grand nombre de
prise en soins en médecine de réanimation. Cette inflammation est, selon
une image tirée de la littérature, à la fois Guerre et Paix1 ; guerre contre
des symptômes bruyants (douleur, fièvre, rougeur, enflure ou
tuméfaction), qui peuvent à eux seuls être létaux dans des circonstances
d’allergie ou de défaillance d’organes ; et paix – une notion beaucoup plus
complexe à intégrer – dans la mesure où cette inflammation, lorsqu’elle
est normale c’est-à-dire non médicale, non pathologique, permet par
exemple d’établir un équilibre au niveau des muqueuses entre les
microbes commensaux ou saprophytes (« Les Bons ») et les microbes
pathogènes (« Les Brutes et les Truands », pour prendre cette fois une
image cinématographique2). Cette inflammation s’étire en changeant de
profil et en se commutant en cicatrisation lorsque les cellules qui en sont
responsables reçoivent des signaux appropriés (de fin de danger par
exemple). Cela sera détaillé dans les chapitres ultérieurs.

Typologies d’immunités
Dans la réponse immunitaire, ce qui compte est avant tout la résultante
c’est-à-dire le fonctionnement comme attendu de l’immunité vis-à-vis
d’un événement. Cette immunité fait appel des séquences issues des deux
grands types d’immunité, qui fonctionnement de concert. En fait, il y a
trois composantes, mais l’immunité intrinsèque3 fait appel à des notions
trop complexes (et aussi assez mal comprises) pour être présentées ici
(figure 8).
Figure 8 : Les trois composantes classiques de l’immunité
Pour rendre compte de l’efficacité de l’immunité mais aussi de ses
imperfections, car elle « fait avec » les types d’agression qui lui sont
opposés4, étudions quelques exemples tirés de l’immunité anti-infectieuse
(tableau II).
Tableau II. L’immunité anti-infectieuse
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Naturelle L’exposition « dans la nature » à
des affections très contagieuses
de l’enfant aux virus responsables
des maladies éruptives infantiles
(rougeole, rubéole, roséole ou
exanthème subit), garantit une
immunité durable dans le temps,
mais pas forcément à vie, et ce à
partir du moment où l’enfant est
normalement équipé pour
l’immunité, c’est à dire qu’il n’y a
pas de dysimmunité congénitale
ou acquise). Il en est de même
Immunité chez la plupart des personnes vis-
protectrice à-vis de la varicelle.
complète Vaccinale Les infections listées ci-dessus
peuvent être prévenues par des
vaccins. Ceux-là confèrent une
excellente immunité mais moins
robuste cependant que le virus
naturel5. Il est impératif par
exemple de revacciner les
adolescents contre la rougeole.
(Certains nouveaux vaccins
pourraient apporter une immunité
au contraire très robuste et
pendant très longtemps ; la
vaccinologie n’a pas dit son
dernier mot !).
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Immunité Bactéries Les bactéries sont peu
protectrice et mycobactéries immunisantes ; il en est de même
partielle peu pour les mycobactéries et le
immunisantes vaccin BCG contre la tuberculose
ne fait pas l’unanimité en
particulier chez les Anglo-Saxons.
Labile dans Leurs toxines bactériennes – qui
le temps sont des protéines à la différence
des membranes bactériennes qui
sont des assemblages de sucres
et de lipides – peuvent être
immunisantes. Si la toxine
tétanique confère probablement
une immunité très durable, la
toxine coquelucheuse est moins
immunisante et il n’est pas rare de
rechuter à l’âge adulte d’une
coqueluche même après avoir
expérimenté la maladie naturelle
étant enfant (une vaccination
adulte est ainsi nécessaire surtout
pour les personnes fragiles).
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Semi-immunité Le paludisme est une infection
dépendante (parasitaire) qu’on peut contracter
des réactivations plusieurs fois dans une existence,
répétées, en fonction des expositions et des
régulières risques répétés. En revanche, des
populations exposées très
régulièrement à des parasites en
nombre suffisant peuvent acquérir
une immunité protectrice, non
stérile (du parasite peut être
présent, mais à faible
concentration dans le sang). Cette
immunité-là ne va pas perdurer si
le sujet rompt ce cycle
d’exposition : il perd alors cette
protection. Il est appelé « semi-
immun » pour cette raison.
Marqueurs On parle beaucoup de sérologie
sérologiques pour détecter si on a – ou pas –
été exposé à tel ou tel agent
infectieux. La réponse qu’un sujet
peut produire peut signifier un
Immunité contact avec l’agent infectieux
non protectrice mais pas forcément une
(cicatricielle) protection. De nombreux agents
infectieux élaborent une panoplie
d’éléments qui sont autant de
signatures spécifiques mais
néanmoins pas des outils de
protection.
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Des agents infectieux qui mutent fréquemment et
abondamment ne confèrent pas d’immunité de base
contre différents types de virus : c’est le cas bien
connu de la grippe saisonnière ; tous les ans, de
Absence
nouveaux variants peuvent déclencher une nouvelle
d’immunité
infection (et parfois même malgré une vaccination,
qui ne protège que partiellement, environ 70 à 80 %
d’une population, selon les souches virales
circulantes).
Il peut arriver qu’on contracte une maladie
infectieuse à plusieurs reprises mais que les ré-
occurrences donnent lieu à des symptômes
atténués ; ce pourrait être le cas par exemple pour la
Immunité anti- grippe malgré un vaccin. Dans ces conditions-là, on
maladie peut parler d’immunité anti-maladie (et c’est une
stratégie vaccinale pour certains agents infectieux,
parasitaires par exemple, comme le paludisme). Ce
pourrait être le cas aussi dans la Covid-19, ce qu’il
faudra confirmer.
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
À l’inverse, la dengue – une maladie virale due à un
virus transmis par des moustiques et dont il existe
quatre (séro)types viraux – est immunisante sur le
même type mais facilitante sur les trois autres ; on
est plus malade alors que si on n’avait jamais
rencontré un des trois autres types : il existe une
Contre-
immunité facilitante alors, qui est très dommageable.
immunité,
Il existe plusieurs vaccins dont l’un comprend des
facilitation
fractions des quatre types de virus mais cette
immunité naturelle compliquée est encore pour
partie reproduite au niveau de l’immunité post-
vaccinale, faisant que cette vaccination n’est
applicable que de façon discernée en fonction des
risques individuels.

Des trains qui arrivent à l’heure…


Si on peut se permettre l’analogie des trains qui arrivent à l’heure versus
ceux qui arrivent en retard, l’immunité ne fait parler d’elle que quand elle
dysfonctionne ; dans l’immense majorité des cas, elle fait (humblement)
son travail quotidien, scrutant consciencieusement les multiples agents
infectieux et autres agressions et stress environnementaux, éliminant
vigoureusement les cellules renouvelées mais déficientes ou erratiques. Et
dans quelques cas de figure, des agents infectieux extraordinaires (si on
est exposé au VIH, à une plasmodie du paludisme, à un méningocoque)
arrivent à flouer ce système et le mettre en échec d’élaborer une réponse
de première ligne puis d’élaborer une réponse concertée de seconde ligne,
spécifique et adaptée. Dans quelques cas aussi des cellules transformées,
anormales, vont flouer le système de veille mis en place et se constituer en
tumeur ou en maladie auto-immune clinique. Les échecs de l’immunité
sont davantage liés en effet soit à des agressions particulières, soit à des
baisses de régime mettant à mal les ressources de l’individu à installer les
bons outils et les bonnes stratégies… Mais les trains arrivent le plus
souvent bien à l’heure !

1. Guerre et Paix est le grand roman russe de Leon Tolstoï publié en 1865 et 1869, image reprise par
le Professeur Philippe Sansonetti de l’Institut Pasteur et du Collège de France pour décrire
l’immunité muqueuse intestinale en 2009.
2. Le Bon, la Brute et le Truand est un film à très grand succès de Sergio Leone sorti en 1968 sur les
écrans.
3. L’immunité intrinsèque est une immunité antivirale qui partage des mécanismes d’action avec
l’immunité innée ; elle restreint la réplication et l’assemblage de virus grâce à des produits sécrétés
par les cellules et qui agissent comme agents de restriction. Ces agents rendent les cellules
imperméables à l’entrée de certains types de virus. Les facteurs de restriction sont, pour un grand
nombre d’entre eux, préexistants (préformés) dans des cellules de l’immunité mais ils sont aussi
pour partie inductibles (surproduits) en présence de virus. Le fonctionnement de cette immunité
diffère de celui de l’immunité innée en ce sens qu’il n’y a pas de détection par des récepteurs
suivis de la production d’antiviraux, mais au contraire une action antivirale immédiate et directe.
4. Les agents d’agression vivants (virus, bactéries, parasites, etc.) ont aussi leur logique de survie et,
pour survivre, ils ne doivent pas être éradiqués définitivement par l’immunité mise en place de
façon générale par les êtres humains. Pour cela, ils ont développé des forces et des ruses qui
peuvent occasionnellement mettre à mal nos ressources : le VIH par exemple, arrive à déjouer
toutes les strates de défense que nous pouvons lui opposer et nous empêche de développer une
immunité de défense et a fortiori de protection. Il déjoue même les approches vaccinales à ce jour.
Et il survit. Il a fallu un siècle de vaccination antivariolique – avec bien sûr des formes différentes
de vaccin décennie après décennie – pour que l’OMS ait pu déclarer la planète indemne de virus
naturel circulant (il n’existe plus que conservés dans deux laboratoires au monde, aux USA et en
Russie, pour des raisons stratégiques).
5. Cette notion reste la loi commune mais l’exemple de la Covid-19 et du virus SARS-CoV-2 vient
nous démontrer que l’immunité post-vaccinale serait probablement plus robuste que l’immunité
« naturelle » induite par le seul virus. Cela reste à affiner car on manque encore de vision à long
terme pour faire un bilan de l’infection, d’une façon générale et pour l’immunité en particulier.
CHAPITRE 6

Quelle(s) boîte(s) à outils


pour le système immunitaire ?

Le positionnement du système immunitaire


Dans les chapitres précédents ont été abordés principalement les points
suivants :
• le système immunitaire est tout à la fois la boîte à outils et l’usine qui
permet à l’organisme de répondre à des agressions internes et externes
tout au long de la vie hors conditions extrêmes (situations dans lesquelles
le système immunitaire est débordé ou malade, ou déprimé) ;
• le système immunitaire a aussi vocation à réparer les dégâts effectués
tant par les agents d’agression, que ceux occasionnés en tant que
dommages collatéraux lors de la défense contre ces agressions.
Le système immunitaire a aussi pour vocation à établir un système de
mémoire, de rappel, d’un certain nombre d’événements (en général de
nature infectieuse) pour répondre plus vite, plus fort et plus durablement
aux agressions subséquentes des mêmes agressions ou parfois à des
agressions proches s’il s’est établi une réponse de protection dite croisée.
Avant de détailler le déroulement d’une réponse immunitaire, il reste à
positionner les protagonistes : 1) les agents d’agression ; 2) les outils
qu’utilise le système immunitaire pour répondre à ces agressions.

Quels sont les agresseurs de l’organisme vis-à-vis


desquels se positionne le système immunitaire ?
Le tableau III présente succinctement les différents types d’agresseurs.
Tableau III. Les différents types d’agresseurs d’un organisme, (plus ou
moins bien) pris en charge par le système immunitaire
Les types La nature et structure des
Exemples
d’agresseurs agresseurs
Agents Entiers (virus, bactéries, Agents infectieux arrivés
infectieux parasites, champignons dans l’organisme après
[fungi], levures, agents pénétration externe.
dits non conventionnels Agents infectieux ressurgis
comme les prions1). d’une cachette interne
(sanctuaire) après un
événement
d’immunodépression (les
virus de la famille des
Herpès, varicelle, zona) en
sont les chefs de file.
Agents infectieux
constitués localement par
des mécanismes encore
inconnus (c’est le cas des
prions en particulier mais
ce pourrait être le cas de
virus « recombinés » du
moins en théorie).
Les types La nature et structure des
Exemples
d’agresseurs agresseurs
Dégradés ; ce sont alors Les agents ne sont plus
des parties seulement réellement infectieux à ce
des virus, bactéries, stade mais le système
parasites, etc. qui immunitaire peut
constituent des dangers. néanmoins déclencher
une réponse de
reconnaissance et une
réponse effectrice contre
eux : c’est le principe des
vaccins à partir d’agents
infectieux tués ou inactivés
ou recombinants2.
Cellules Cellules transformées Cellules tumorales,
anormales sous l’influence de bénignes et malignes.
et leurs facteurs génétiques Cellules auto-agressives,
produits propres à l’individu, ou auto-immunes, auto-
de conditions inflammatoires.
favorables,
environnementales,
infectieuses,
médicamenteuses ou
toxiques.

Éléments dégradés des


cellules des cellules
Les types endommagées comme
La nature et structure des
ci-dessus : ce peuvent Exemples
d’agresseurs agresseurs
être des protéines de
défense sécrétées en
trop grande abondance
ou dans des zones
inappropriées de
l’organisme, participant
aux réactions hyper-
inflammatoires.
Cellules transfusées,
tissus greffés ou
Cellules
organes transplantés ;
normales mais
thérapies cellulaires
étrangères
(cellules modifiées à
(allogéniques3)
partir de cellules
autologues ).
4

Éléments Métaux, pollens, Qui peuvent créer des


inertes ou toxiques, médicaments réactions allergiques dont
étrangers et leurs métabolites5, certaines très sévères
ou composites venins. (anaphylactiques).
Par exemple, une allergie
peut résulter d’un pollen
arrivé par voie aérienne et
Agents apportée au niveau des
multifactoriels bronches, déclenchant
une réponse excessive de
médiateurs de
l’inflammation).

Quels sont les outils dont peut disposer le système


immunitaire ?
L’organisme agressé met en place des moyens de lutte et de défense
contre ces agressions internes et aussi des mécanismes de réparation des
dégâts qui auront pu être causés. Ces éléments participant à la défense
contre les agresseurs sont principalement de trois ordres, comme figurés
sur l’illustration (figure 6) :
Figure 6 : Mode de production et d’utilisation des facteurs de l’immunité

■ Des outils préexistants


Les outils préformés sont : 1) soit présents et utilisables directement, soit
2) mobilisables rapidement quitte à en amplifier la production rapidement
par des machines-outils – en l’occurrence des cellules programmées pour
cela – ne nécessitant pas une reprogrammation : (elles savent faire !).
Cette immunité est « l’immunité naturelle ou innée ».

■ Des outils totalement nouveaux


Les outils néoformés sont strictement adaptés à la nature de l’agression,
imposant la programmation spécifique des machines-outils – en
l’occurrence une composante bien à part de cellules dont c’est la fonction
principale, les lymphocytes (une catégorie à part des globules blancs ou
leucocytes). Ces lymphocytes programmés ne sont pas interchangeables,
chacun est spécialisé dans une production spécifique. Cette immunité est
pour cela appelée « l’immunité adaptative ».

■ Un nouvel ordre : des microbes eux-mêmes au travers le microbiote


Au niveau de la peau et des muqueuses, un microbiote est constitué d’un
nombre considérable de microorganismes dont la plupart sont
difficilement identifiables finement. Ils seraient plus de 1014 (cent mille
milliards). La plupart de ces agents microbiens n’est pas cultivable au
laboratoire, vivant pour la plupart en absence d’oxygène. On distingue les
microbes de la surface proprement dite (du biofilm), dont l’essentiel de la
fonction est d’entrer en compétition avec les agents infectieux pathogènes
de l’environnement, et les autres, en particulier ceux liés aux muqueuses
qui ont deux grands types de fonctions : 1) dégrader les aliments (pour ce
qui concerne la muqueuse digestive, la mieux connue), et 2) aider à
formater le système immunitaire, muqueux mais aussi général, comme
l’ont bien montré des expériences menées chez des souris nées et
maintenues dans des environnements complètement stériles. Dans les
muqueuses digestives en particulier, certaines bactéries ont la capacité à
favoriser l’émergence soit de clones de lymphocytes inflammatoires de
type Th17, soit aptes à favoriser celle de lymphocytes régulateurs Treg, ce
qui peut avoir des répercussions en pathologie (mais qui donne aussi des
indications thérapeutiques). Ce microbiote peut en effet être manipulé
voire greffé (à partie de dons homologues) en cas de dysbiose (le
déséquilibre de cette collection microbienne, qui peut donner des maladies
cryptogénétiques inflammatoires de l’intestin, mais aussi – pense-t-on –
des troubles neurocognitifs comme l’autisme et certaines maladies
neurodégénératives). La question de l’apport de lyophylisats de bactéries
sous formes de compléments alimentaires ou de médicaments ou encore
d’alicaments fait débat.

■ Des opérateurs
Tableau IV : Les principaux opérateurs cellulaires de l’immunité
Les Les cellules dites de Les leucocytes de
opérateurs l’immunité l’immunité naturelle ou innée
cellulaires et de l’inflammation.
Les lymphocytes de
l’immunité adaptative
(spécifique).
Les cellules participant Toutes les cellules
aux fonctions engageant des contacts
immunitaires avec les cellules de
l’immunité (ci-dessus) et
participant à l’inflammation
et à la cicatrisation.
Les molécules produites Les molécules sécrétées et
par les cellules de exportées dans les milieux
l’immunité ou participant extérieurs.
Les aux fonctions
opérateurs immunitaires, Les molécules sécrétées et
opérant exportées vers les
moléculaires pour l’immunité
membranes cellulaires, pour
servir de récepteurs à des
signaux.
Le système immunitaire fonctionne à l’aide d’outils qu’on appelle des
opérateurs ; ceux-là sont de deux natures : 1a) des cellules (rarement
isolées et le plus souvent dans le cadre de tissus ou d’organes) et 2a) des
molécules sécrétées. Ces molécules existent elles aussi sous deux formes
principales : 1b) des protéines et glycoprotéines (gp) solubles, sécrétées
par des cellules de l’immunité ou participant à l’immunité, et 2b) des
molécules exportées à la membrane des cellules de l’immunité et servant
de récepteurs à d’autres molécules, qui sont soit des molécules sécrétées
par des cellules de processus immunitaires, soit des molécules extérieures
à ces processus. Les tableaux IV, V et VI résument cette présentation.
Tableau V : Les cellules de l’immunité proprement dites
Les cellules Les cellules Les globules blancs (leucocytes)
de l’immunité de la phagocytose dits polymorphonucléés (ex
de première polynucléaires).
ligne, Les cellules de La plupart des globules blancs et
dite immunité l’inflammation principalement les
innée ou polymorphonucléés (granuleux ou
naturelle neutrophiles, basophiles et
éosinophiles) sanguins, les
mastocytes et les macrophages
tissulaires, les plaquettes
sanguines, certaines cellules
dendritiques, des cellules des
surfaces cutanées, muqueuses et
vasculaires, et certains
lymphocytes appelés non
conventionnels (sans récepteur
dédié à l’antigène).
Les cellules Les cellules tueuses naturelles
cytotoxiques (Natural Killer ou NK) mais aussi
des leucocytes
polymorphonucléés, des
macrophages et des
lymphocytes T non
conventionnels.
Les cellules de la Les fibroblastes, les plaquettes
réparation sanguines, les cellules
tissulaire endothéliales vasculaires, les
cellules épithéliales de la peau et
des muqueuses, certains
lymphocytes T non
conventionnels.
Les cellules Les cellules dendritiques et dans
instruc- certaines circonstances des
trices des macrophages et certains
lymphocytes T de lymphocytes B mémoires ; dans
l’immunité les centres germinatifs des
adaptative (ci- ganglions lymphatiques, des
dessous), cellules cellules folliculaires dendritiques.
professionnelles
présentant les
antigènes (CPA
ou Antigen
Presenting Cells,
APC)
Les cellules Les lymphocytes T et les lymphocytes B
de l’immunité conventionnels, dotés d’un récepteur spécifique pour
de seconde l’antigène unique.
ligne,
dite immunité
adaptative
(spécifique)

Tableau VI : Les principales molécules de l’immunité


Les molécules Par les La grande famille des Modificateurs du
sécrétées dans cellules de Comportement Biologique (BRM6)
les milieux l’immunité dont les interférons, les interleukines,
extérieurs les cytokines, les facteurs de
(environnement) croissance et de différenciation
cellulaires, les facteurs de nécrose,
etc.
Les récepteurs solubles pour les
précédents.
Les récepteurs cellulaires solubles
spécifiques pour l’antigène : les
anticorps (immunoglobulines à
fonction anticorps).
Par les Des Modificateurs du Comportement
cellules Biologique (BRM) comme ci-dessus.
participant Des facteurs hépatiques comme ceux
au de la famille du Complément, des
processus facteurs de la coagulation, de la phase
immunitaire aiguë de l’inflammation.
Des facteurs vasculaires et des
facteurs tissulaires sécrétés par les
endothéliums et les épithéliums.
Des facteurs de croissance et de
différenciation, de mort cellulaire
(apoptose, nécrose, etc.) actifs sur la
moelle osseuse ; des hormones
actives sur les tissus
hématopoïétiques et ganglionnaires.
Les récepteurs pour l’antigène de la surface des
lymphocytes T (RcT) et des lymphocytes B (RcB)
conventionnels (anticorps pour les lymphocytes B).
Des récepteurs aux molécules citées
précédemment (modificateurs du comportement
Les molécules biologique BRM, facteurs de croissance et de mort
exportées cellulaire, etc., pour les immunoglobulines, pour les
vers les fractions du complément, etc.
membranes Des détecteurs de signaux de danger externes ou
cellulaires internes (PRR ou Pathogen Recognition
Receptors).
Les molécules du complexe majeur
d’histocompatibilité (CMH) dont les molécules HLA
(Human Leukocyte Antigens) et celles du complexe
mineur d’histocompatibilité.
Les molécules extérieures évoquées au paragraphe précédent ne seront
pas, elles, des molécules opératrices de l’immunité mais des éléments
déclencheurs de signaux pour engager un processus de l’immunité ; ces
agents déclencheurs – ceux-là même qui ont été présentés dans le tableau
II – sont aussi de deux natures principales : 1) des molécules du non soi
biologique, issues de processus externes comme des agents infectieux ou
leurs débris, des venins, des allergènes, des toxiques, des médicaments ou
des dérivés de médicaments ; et 2) des molécules du soi-biologique mais
modifiées par rapport à leurs modèles physiologiques, comme des
molécules extraites de cellules tumorales, des anticorps pathologiques ou
toxiques, etc. (confère le tableau VII).
Tableau VII : Les déclencheurs des réponses immunitaires
Agents infectieux entiers ou leurs débris et
dégradations, ou des produits sécrétés par
Les déclencheurs eux.
externes, le non-soi
biologique Agents chimiques tels que des allergènes,
des venins, des toxiques, des médicaments,
des métaux, etc.
Des cellules cancéreuses ou tumorales en
général, de caractère anormal ou atypique.
Les déclencheurs
Des lymphocytes auto-réactifs et des
internes, le soi
anticorps toxiques.
biologique modifié ou
altéré Des éléments issus de tissus dégradés,
exposant des parties normalement non
perceptibles et cessant d’être protégées

Une immunité une et indivisible


On rappelle ici que si deux types d’éléments de défense ont été présentés,
ceux relevant de l’immunité naturelle ou innée, et ceux relevant de
l’immunité adaptative, l’organisme agressé est bien une seule et unique
entité ; cela signifie que la main gauche n’ignore pas ce que fait la main
droite. L’organisme met en place la défense aux agressions (internes,
externes) en utilisant les moyens les plus adaptés à l’agression, dans une
séquence logique dans le temps et l’espace, qui va toujours faire intervenir
l’immunité naturelle et aussi, si besoin pour compléter celle-là,
l’immunité adaptative qui va avoir besoin d’informations de la part de
l’immunité naturelle pour se déployer à bon escient. Tout cela va donc se
dérouler comme on l’a déjà évoqué dans le temps et dans l’espace, et de
façon non anarchique, c’est-à-dire qu’un contrôle va s’exercer pour éviter
de mettre à disposition une armée entière quand un bataillon peut suffire,
pour ne pas gaspiller l’énergie et ne pas créer trop de dégâts collatéraux.
Ces contrôles sont intégrés, c’est-à-dire qu’ils appartiennent eux-mêmes à
des systèmes organisés (endocriniens, neurologiques, etc.).

1. Les prions sont des agents transmissibles non conventionnels (ATNC), en fait des protéines
anormales forçant à de nouveaux modèles de plissements des protéines normales adjacentes,
formant des dépôts anormaux particulièrement pathogènes sur le tissu nerveux ; on connaît les
prions de la maladie de la vache folle, ceux de la maladie de Creutzfeld-Jacob, avec son variant
familial et son nouveau variant identique à la maladie de la Vache folle, mais il existe des dizaines
de variétés animales, dont certains transmissibles à l’homme et d’autres non.
2. Une protéine hétérologue ou recombinante est une protéine produite par une cellule dont le
matériel génétique a été modifié par recombinaison génétique. Un gène codant une protéine
d’intérêt est introduit dans le génome de l’espèce productrice (bactéries, cellules mammifères en
culture, animaux transgéniques, etc.). Les protéines recombinantes peuvent être purifiées et
utilisées à des fins thérapeutiques, industrielles ou bien encore pour les activités de recherche.
3. On parle aussi de cellules homologues ; il s’agit de cellules issues de dons dans la même espèce
(les expositions à des cellules hétérologues dans des espèces différentes ne se font plus mais se
sont faites durant des décennies).
4. Des cellules autologues sont des cellules prélevées chez une personne et qui lui sont réinjectées
soit après conservation au froid ou congélation (transfusion), soit après une modification dans un
laboratoire de thérapie cellulaire.
5. Un métabolite médicamenteux est le produit de la dégradation d’une molécule qui est une
prodrogue et qui – grâce à des activations dont les activations enzymatiques en particulier dans le
foie ou dans les mitochondries des cellules – se transforme en une ou plusieurs voire des dizaines
d’agents bioactifs, en général porteurs de l’effet thérapeutique.
6. D’après l’acronyme anglais Biological Response Modifiers. J’utilise souvent cette appellation
collective d’outils car elle permet de bien comprendre les enjeux en particulier cliniques de
l’immunité et de l’inflammation. Sur le plan chimique, cela correspond à des entités différentes
cependant.
CHAPITRE 7

L’immunité naturelle,
encore appelée innée

L’immunité du temps long


L’immunité naturelle ou innée (nous emploierons à partir de ce présent
chapitre le terme « inné(e) ») est la première à se mettre en place après un
événement, qu’il s’agisse d’agression (externe) ou de surveillance
(interne). C’est l’immunité innée qui va résoudre, estime-t-on, 99 % des
situations, en permanence, et qui déploie la phagocytose, la cytotoxicité,
et l’inflammation comme grands corps d’armée ; ces corps d’armée sont
composés de bataillons de cellules, chacune avec ses fonctions, bien que
plusieurs types cellulaires soient relativement polyvalents et multitâches.
C’est aussi le type d’immunité qui va reposer sur de nombreux facteurs
solubles, déjà présents dans l’organisme et à disposition, ou pouvant être
recrutés voire commandés et mis en production. De cette dernière
assertion on comprend que le temps de l’immunité innée va se dérouler de
l’instant « t » à quelques jours, s’il faut qu’une production de cellules et
de molécules soit opérationnelle ; ce temps de l’immunité innée va être en
fait encore plus long, car l’immunité innée va prendre en charge aussi le
nettoyage des tissus et des organes endommagés à la fois par l’agression
et par elle-même dans sa lutte contre l’agression, et le temps de la
cicatrisation. Ce temps de l’immunité innée va donc se poursuivre
pendant et après le temps de l’immunité adaptative qui est, elle, spécifique
et mise en route pour finir ce que l’immunité innée n’aurait pas pu
achever, et aussi pour mettre en place une mémoire et une action de rappel
que ne produit pas l’immunité innée, bien qu’elle l’assiste et la conforte,
grâce à l’indispensable effet adjuvant qu’elle met à disposition de
l’immunité adaptative (et que reproduit l’adjuvant dans un vaccin
manufacturé). La figure 9 rappelle le déroulement de l’immunité innée et
son articulation avec l’immunité adaptative.
Figure 9 : Le déroulement et l’articulation de la réponse immunitaire
et de l’immunité

Quels sont les objectifs de l’immunité innée ?


L’immunité innée a le rôle de veiller : 1) à ce que si des agresseurs de
l’organisme sont présents, ils soient maintenus sous contrôle ou éliminés,
et 2) à ce que si des lésions ont été créées pendant la phase d’élimination
des agresseurs et des agressions, des systèmes de réparation soient mis en
place. Cela suppose un prérequis, qui est que l’organisme en question soit
immunologiquement compétent, c’est-à-dire indemne de déficits
génétiques portant sur les outils de cette immunité innée.
Ces outils de l’immunité innée sont de deux ordres : 1) des cellules de
l’immunité et des cellules participant à l’immunité, avec leurs récepteurs
variés, et 2) des molécules sécrétées, solubles, aux multiples fonctions. Si
la plupart de ces outils sont universels et assez semblables, non seulement
au sein de l’espèce humaine et a fortiori aux individus, mais encore au
monde mammifère voire même au monde vivant animal et végétal, il
existe cependant une grande diversité inter-espèce et aussi au sein de
l’espèce humaine à déployer et utiliser ces outils, ce qui créée des
individus très compétents et d’autres un peu plus vulnérables ; et parmi les
personnes très compétentes, certaines peuvent subir les revers de la
médaille, celles chez qui les outils de l’immunité innée sont tellement
efficaces qu’ils créent des effets secondaires pathogènes et des maladies
liées à ces effecteurs trop efficaces (les syndromes inflammatoires
cliniques en sont des exemples). Il existe ainsi de grandes sensibilités
individuelles aux stress, et aux réponses aux stress et agressions ainsi que
– cela sera revu dans un chapitre ultérieur – aux réponses spécifiques de
l’immunité adaptative. Ces réponses individuelles aux agressions qui
caractérisent les réponses immunitaires, impactent aussi la mise en place
et le déroulement de l’immunité adaptative, puisqu’il existe un
continuum.
Les objectifs de l’immunité innée sont atteints dans l’immense majorité
des situations (estimés à 99 %) ; chaque jour en effet, des agressions
ciblent les portes d’entrée d’un individu (peau, muqueuses aériennes,
digestives, sexuelles) ; chaque jour l’alimentation apporte son lot de
bactéries manuportées1 par l’alimentation ou les boissons, à charge pour
les bactéries de la flore intestinale de les repousser et à l’immunité liée
aux cellules intestinales et aux produits de sécrétion (mucus) de les
évacuer ou les éliminer ; chaque jour des bugs de programmation se
produisent dans la multiplicité des divisions cellulaires permettant de
renouveler les tissus d’un organisme. Le pourcentage de ces bugs est
infime mais non nul et le système immunitaire inné veille à repérer ces
bugs et altérations et éviter l’installation d’un clone de cellules
cancéreuses.

Quelles sont les étapes primordiales du déroulement


de l’immunité innée ?
■ « Il y a entre nous et ce qui n’est pas nous une barrière
insurmontable2 »
En préalable à la détection des éléments d’agression dangereux,
l’organisme dispose d’outils de base comme l’épaisseur de la peau, sa
composition (couleur, répartition des mélanocytes), sa pilosité, son acidité
ainsi que celle du mucus qui recouvre les muqueuses, leur richesse en
agents antibactériens et antiviraux, antifungiques – au total, antiseptiques
– naturels, l’importance et la composition du microbiote, qui font barrière
à des agents d’agression physicochimique comme la luminosité
ultraviolette et infrarouge, la pollution, et un certain nombre de risques
infectieux tant que ces barrières naturelles sont solides c’est-à-dire en
l’absence de brèches (coupures, érosions et excoriations). Ces moyens
naturels sont bien entendu variables selon la carnation de la peau, selon le
régime alimentaire, selon l’environnement et l’occupation des individus.
Par exemple, la peau claire des populations d’origine européenne
installées depuis plusieurs générations dans les pays du Pacifique ou
d’Afrique du Sud ne protège pas les individus des méfaits du soleil
tropical et la survenue de mélanomes malins y est particulièrement
fréquente. Autre exemple, la fréquence des pollutions urbaines et aussi
d’un certain hygiénisme appliqué très systématiquement dès l’enfance
dans les pays favorisés sur le plan économique semblent rendre compte du
nombre galopant de situations d’allergies (le fait d’élever des enfants à la
campagne dans un environnement plus exposé aux contacts avec des
microbes environnementaux pourrait être relativement protecteur, sauf
prédisposition génétique à l’allergie par ailleurs3). Cela signifie que
l’organisme utilise autant que faire se peut les barrières naturelles de la
peau et des muqueuses pour se prémunir de rencontres pathogènes,
infectieuses et autres. Cela ne suffit pas toujours, cependant.

■ « Œil pour œil4… »


Le système immunitaire offre une défense redoutablement efficace,
souvent silencieuse, tantôt bruyante. Pour tenir ses objectifs de maintien
de l’intégrité d’un organisme agressé afin d’en maintenir la santé,
l’immunité va se servir d’outils puisés dans une boîte à outils, et un
système centralisé va coordonner les interventions des acteurs, à la fois
dans le temps et dans l’espace. Tout va commencer par l’identification
qu’il y a bien une agression en cours. Ensuite, l’organisme – via le
système immunitaire – va devoir décider si l’agression est hautement
dangereuse ou pas, et mettre en place une réponse ; si la réponse peut être
complète d’emblée, seule la ligne innée de l’immunité va être mobilisée ;
si cette réponse ne peut pas être complète, le système immunitaire va
mobiliser sa seconde ligne qui, elle, est adaptée à l’agresseur à la
différence de la première ligne, proportionnée à l’agression mais pas à
l’agresseur. Et dans tous les cas, des informations devront parvenir au
système immunitaire pour mesurer le besoin de poursuite voire
d’amplification de la réponse ou au contraire pour donner l’ordre de
cesser la défense, et si besoin de réparer ce qui a été endommagé par
l’agresseur ou la (ou les) ligne(s) de défense.

■ Était-ce une agression ?


Tout commence en effet par l’identification d’une agression. Toute
interaction entre un individu et le monde extérieur n’est pas de nature
agressive, l’air est nécessaire à l’apport d’oxygène pour la respiration, la
nourriture apporte les nutriments essentiels et l’énergie, et l’eau de
boisson est indispensable à notre métabolisme (nous sommes composés à
60 % d’eau !). Mais l’air apporte aussi des particules fines, des polluants,
des allergènes ; la nourriture et la boisson peuvent être souillés par des
microbes, de ceux dits « des mains sales » en particulier, et il y a
également des allergènes possibles dans les aliments, fruits à coque en
tête. Certaines personnes sont, de plus, intolérantes à des classes
d’aliments, comme le gluten ou le lait de vache ; lorsqu’elles sont réelles,
ces intolérances sont le fait de l’absence ou de la perte par vieillissement
de l’équipement chimique permettant leur dégradation. On sait par ailleurs
que de très nombreux aliments (et boissons) sont produits à partir de
fermentations microbiennes (pains, fromages, légumes fermentés comme
les kimchis, boissons fermentées alcoolisées – qui ne sont pas nécessaires
– mais aussi de bien-être comme les kéfirs, etc.) Dans ces conditions,
comment le tube digestif fait-il la part entre les fermentations bactériennes
bénéfiques et les contaminations bactériennes manuportées (c’est-à-dire
apportées par des mains sales) ?

■ « Le normal et le pathologique5 »
Faire la part des choses entre le normal et l’anormal (le pathologique) est
à la fois un des points les plus astucieux du fonctionnement du système
immunitaire et un des plus difficiles à appréhender ; d’ailleurs, cet état de
fait a longtemps été ignoré. Ignoré est le bon mot, puisque longtemps on a
pensé que le tube digestif par exemple, ignorait l’arrivée d’aliments en
tant qu’objets externes, les lisant comme des substances inertes justement
ignorées. Cette lecture ne pouvait pas rendre compte par exemple des
allergies. Elle ne pouvait pas rendre compte non plus de ce qui s’opérait
au niveau de la charge microbienne muqueuse, pour partie normale ou
commensale (celle qui dégrade les aliments et qui protège la lumière du
tube digestif) et pour partie anormale ou occasionnelle, occasionnée par
une manœuvre non hygiénique.

■ « Avoir une horloge dans le ventre »


On sait à présent qu’il se crée un réseau complexe de communication
entre tous les acteurs présents aux surfaces muqueuses, et en particulier
digestive, la plus et la mieux étudiée : entre le microbiote (bactéries, virus,
levures habituels, commensaux, encore dits saprophytes), les cellules
digestives proprement dites (celles qui absorbent les nutriments), les
cellules sécrétrices digestives (qui sécrètent le mucus), les cellules
neuroendocrines digestives (qui gouvernent les interfaces neurologiques
du tube digestif, notre second cerveau selon une expression récente6), et
les cellules de l’immunité digestives (qui vont communiquer avec les
équivalents des ganglions lymphatiques digestifs).
Au sein même du microbiote, les microbes échangent des informations
entre eux. Ce monde-là communique énormément, rien n’est vraiment
laissé ni au hasard, ni dans l’ombre. Une protéine étrangère arrivant au
niveau du tube digestif n’est pas ignorée, mais scrutée comme acceptable
ou non acceptable, et une information part dans le circuit de la
communication ; si ce circuit fonctionne harmonieusement, tout va bien ;
s’il ne fonctionne pas bien en cas de perturbation de l’un des acteurs, alors
l’ensemble de la chaîne peut être perturbé et une maladie clinique se
déclarer.

■ « Dites, vous croyez que c’est dangereux ? »


La détection des signaux du non-soi biologique et la théorie dite du
danger sont les premières étapes des lignes de défense de l’immunité.
Il a fallu imaginer un mécanisme rendant compte du fait qu’au regard
d’une agression externe comme interne à l’organisme puisse se
développer une réponse de défense, même si une telle réponse est logique
ou intuitive. Un très grand savant, un des tous premiers immunologistes et
parmi les tous premiers prix Nobel de physiologie et médecine, Elie
Metchnikoff7, à l’Institut Pasteur, avait conceptualisé avec une sorte de
génie ce type de mécanisme, mais c’est une autre personne extraordinaire,
l’américaine de culture très internationale de par son histoire (elle est
d’ailleurs née dans le sud de la France) Polly Matzinger, qui a démontré
expérimentalement cela, posant ensuite une théorie, dite du danger
biologique qui s’opposait de façon assez iconoclaste8 à l’idée que
l’immunité se déclenchait vis-à-vis du seul non-soi, ou du soi modifié ou
altéré.
Cette théorie, bien qu’elle soit, en s’en doute, complexe, postule de façon
assez simple que les agents d’agression biologique se signalent par des
signatures et que l’organisme est équipé de détecteurs ou de capteurs de
telles signatures, la lecture des différents signaux détectés permettant
d’identifier la nature et la dangerosité du danger perçu et d’indiquer le
niveau de réponse, local, régional ou général, adéquat.
Tout commence donc par la détection des signaux de danger biologiques.
Cette détection est dynamique et fait intervenir une cascade
d’intermédiaires avant celle des effecteurs finaux. Quelle est l’originalité
de ce système ? Notre peau est capable de percevoir un signal de brûlure,
associé à une douleur qui impose de se soustraire (si possible) à la source
dangereuse9. Dans la théorie du danger, le système immunitaire met en
place un système de défenses pouvant aboutir à l’éviction du dommage,
de la maladie causée par la source du danger (infectieux par exemple).

Quels sont les outils mis à disposition pour détecter les


signaux de danger biologique dans la réponse
immunitaire innée ?
■ Un bref retour sur la théorie du danger biologique
Cette séduisante théorie postule que tous les agents microbiens, toutes les
cellules étrangères à notre propre organisme (greffées, transfusées,
transplantées, accidentelles) émettent un signal biologique relatif à leur
présence, leur nature, leur complexité, et leurs armes comme la capacité à
sécréter des toxines pour les bactéries. Ces signaux sont multiples ; ainsi,
une bactérie de l’environnement qui arriverait chez une personne par
ingestion d’aliments souillés ou par effraction cutanée au travers une
blessure, va se signaler comme bactérie tout d’abord c’est-à-dire ni un
virus, ni un parasite, comme se colorant au Gram et définie comme Gram+
ou Gram-10, comme présentant un flagelle ou non, comme sécrétant une ou
des toxines, comme étant armée ou non de lipopolysaccharides (ou LPS) à
la surface de bactéries Gram –, lesquels pourront être plus ou moins
complexes (lisses, rugueux, etc.). La collection de ces informations
(tableau VIII) va donner une idée de la dangerosité de l’élément
étranger/agresseur d’une façon générale et de la dangerosité dans cette
localisation en particulier, qui sera ainsi pondérée car une bactérie peut ne
pas être de même agressivité quand elle arrive dans le sang par les
vaisseaux cutanés ou une effraction de la voie intestinale.
D’une façon comparable, une cellule qui se sera transformée en cellule
cancéreuse par exemple, va changer de signature biologique et émettre
des signaux d’alerte là où la cellule normale n’en émettait pas, comme par
exemple l’expression de médiateurs moléculaires dénommés Alarmines
ou d’autres motifs moléculaires associés aux dégâts cellulaires appelés
DAMP (Damage Associated Molecular Patterns)11, exprimés à la surface
de cette cellule transformée ou sécrétée ; les cellules mortes peuvent aussi
exprimer de tels signaux pour informer l’organisme de cette mort
cellulaire, qui peut être normale ou anormale. De l’ADN libre, ou encore
de l’ADN mitochondrial12, peuvent être perçus comme anormaux et
comme potentiellement dangereux, impliquant une réponse de défense car
ils sont « normalement » supposés être enfermés et non perceptibles par
les cellules de la veille immunitaire.
Tableau VIII : Expression différentielle des signatures perceptibles
comme dangereuses par les bactéries Gram+ et Gram-13
Ligand (type de TLR engagé) ; Bactéries Bactéries
Signature
TLR : Toll-like Receptor Gram+ Gram-
Lipopolyprotéine TLR214 + +
Acide TLR2 + -
Lipotéchoïque
ADN TLR9 + +
Lipopolysaccharide TLR4 - +
Peptidoglycane TLR2 + +
Flagelline TLR5 + +

■ Quels sont donc les signaux émis et perçus ?


Les bactéries, virus, parasites, levures et champignons sont recouverts de
motifs qui portent leur signature ; ces signatures sont génériques pour la
plupart, et non pas finement personnalisées pour cette étape-là de la
défense immunitaire de toute première ligne. On appelle ces signatures
des PAMP (Pathogen Associated Molecular Pattern). Les événements
internes pathogènes portent aussi des motifs-signatures, différentes des
précédentes, mais elle aussi génériques pour cette première ligne de
défense. Ces motifs-là sont appelés par analogie aux précédentes des
DAMP, au nombre desquels les Alarmines déjà mentionnées.
Le tableau IX rapporte les principales familles de PAMP microbiens et de
DAMP cellulaires15.
Tableau IX : Les principaux signaux de danger microbiens (PAMP)
et cellulaires du soi altéré (DAMP)
Les PAMP Lipopolysaccharides LPS De la membrane extérieure
microbiens des bactéries Gram-
Lipoprotéines et Bactériens
lipopeptides
Porines De la membrane extérieure
des bactéries Gram-
Peptidoglycanes De la membrane extérieure
des bactéries Gram+ et
dans une moindre mesure
Gram-
Acides lipotéichoïques De la membrane extérieure
des bactéries Gram+
Lipoarabidomannanes et Des mycobactéries
acides mycoliques
Glycanes riches en Nombreux types
mannose microbiens, rares chez
l’homme
Flagellines Des flagelles des bactéries
Acides nucléiques Au contraire des ADN de
microbiens présentant de mammifères richement
nombreuses séquences méthylés
CpG déméthylées
N-formylméthionine Un acide aminé très
présent dans les bactéries
ARN viral à double brin Particulier à des stades de
multiplication de nombreux
virus
ARN viral à simple brin Des virus dits à ARN
Acides lipotéchoique, Des parois de levures et
glycolipides et zymozan champignons
Phosphorylcholine et autres Communs des membranes
lipides microbiennes
Les Les protéines du choc thermique
DAMP Des phospholipides membranaires altérés
du soi-
altéré Des molécules strictement cantonnées dans les
phagosomes ou les lysosomes en position cytosolique
Des molécules strictement intracellulaires comme les
ATP, ARN, et ADN issus de la dégradation cellulaire
HMGB1 (High Mobility Group Box 1), des molécules qui
stabilisent les acides nucléiques
Etc.
Tout cela est complexe et des mécanismes d’équilibre ou de contrefeu
existent en particulier pour ce qui concerne les éléments pathogènes
internes signalés par des DAMP ou des Alarmines, et c’est là
qu’interviennent des SAMP (Self-Associated Molecular Patterns), dont
les SIglec (Sialic-acid-binding Immunoglobulin-like Lectins), des
lectines16 qui lient l’acide sialique17, destinées à favoriser les interactions
cellulaires et à en réguler les fonctions dans les systèmes innés et
adaptatifs grâce à leur capacité à détecter et lier des glycanes18. (On ne
reviendra pas sur ces aspects-là, qui – s’ils sont fondamentaux dans la
lutte contre les cancers ou pour rendre compte de l’échappement qui peut
se produire au lieu d’une vigoureuse réponse de défense – dépassent le
cadre des généralités à propos de l’immunité).

■ Émetteurs – messages – récepteurs


Toute communication repose sur trois piliers : un émetteur – un message –
un récepteur.
Si les agents agresseurs émettent des signaux, ceux-là sont à direction de
détecteurs. Les détecteurs vont être toute une panoplie de cellules
disposées aux lieux stratégiques des agressions : en premier lieu donc aux
surfaces (cutanées et muqueuses) ; en deuxième lieu dans le sang ; en
troisième lieu dans les tissus et organes, avec une particulière
concentration dans les organes de l’immunité. Toutes les cellules
réceptrices de tels signaux vont être ainsi qualifiées de cellules participant
à l’immunité et leur variété est très grande. Il y a cependant parmi ces
cellules participant à l’immunité des cellules directement de l’immunité
car c’est là leur job principal. Les cellules de l’immunité innée vont au
premier chef comprendre toutes les cellules nettoyeuses ou fossoyeuses,
les leucocytes (globules blancs) et parmi ceux-là plus particulièrement les
polynucléaires (mal nommés) et les monocytes/macrophages, qui vont
pouvoir manger directement les agresseurs microbiens ou cellulaires, par
phagocytose. Ce n’est pas là leur principale fonction mais celle-là déroule
directement du fait que ces cellules réceptrices (de message) ont capturé
un signal de danger émis. D’autres cellules leucocytaires peuvent
effectuer d’autres manœuvres de détection de signaux de danger, et mettre
en œuvre d’autres techniques de défense. Ces cellules sont présentées de
façon résumée sur le tableau X :
Tableau X : Les principales cellules impliquées dans l’immunité innée,
leurs fonctions principales et les principaux modes d’intervention
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Neutrophiles Phagocytose / Cytotoxicité
directe et indirecte /
Inflammation
Cellules Basophiles Cytotoxicité directe et
polymorphonucléées (sang) et indirecte / Inflammation /
(PMNC : mastocytes Allergie
Polymorphonuclear (tissus)
Cells) dites Éosinophiles Cytotoxicité directe et
polynucléaires (PN) indirecte / Inflammation /
Allergie / Lutte antiparasitaire
(en particulier contre les vers
ou helminthes)
Lymphocytes non Cellules tueuses Cytotoxicité directe et
conventionnels, T et naturelles indirecte / Inflammation
B, et non T ni B (Natural Killer :
NK)
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Lymphocyte – Présentation d’antigènes
NKT (Natural lipidiques et glycolipidiques.
Killer T) dont le – Régulation de la
variant iNKT physiologie immunitaire (leur
(invariant NKT) déficit conduit à des
progressions auto-immunes
ou allergiques).
– Sécrétion de grandes
quantités de modificateurs
du comportement biologique
de profils mixtes pro- et anti-
inflammatoires.
Lymphocytes T Les lymphocytes T γδ
γδ interviennent la réponse
immunitaire dans une grande
variété de tumeurs et dans
certains infections
chroniques. Contrairement
aux lymphocytes T
conventionnels αβ T, les γδ T
sont capables de sécréter
spontanément de l’IL-17A et
de l’IFN-γ sans subir
d’expansion clonale. Bien que
les lymphocytes T γδ ne
nécessitent pas restriction
HLA, ils peuvent distinguer
les cellules « étrangères » ou
transformées des cellules
saines en utilisant des
récepteurs tueurs activateurs
et inhibiteurs.
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
CD8aa/IEL Les lymphocytes T – qui
possèdent un récepteur T
conventionnel pour l’antigène
ab, étant CD4- mais
exprimant un CD8
doublement a et non b – sont
une catégorie à part de
cellules à rôle protecteur de
la barrière digestive, antivirale
en particulier.
B CD5 (B1a) Contrairement aux
lymphocytes de type B-2
conventionnels qui coopèrent
avec les cellules T dans le
centre germinal pour fournir
des réponses anticorps de
longue durée de haute
affinité, les cellules B-1
(CD5+) sécrètent
spontanément des anticorps
naturels principalement
contre des antigènes non
protéiques en l’absence
d’immunisation exogène.
Cette fonction permet aux
cellules B-1 de fournir une
défense immédiate
préexistante pour contrer les
infections microbiennes.
Étant donné que les cellules
B-1 sont parmi les premières
cellules B à se développer et
que les cellules B-1, en
particulier les cellules B-1
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
sécrétant des IgM, sont déjà
présentes avant la naissance,
les cellules B-1 peuvent être
considérées comme les
principales cellules B cellules
responsables de
l’établissement d’un
répertoire d’anticorps naturels
et d’une défense au début de
l’ontogénie. Les anticorps des
cellules B-1 semblent
influencer certaines maladies
chroniques, telles que
l’athérosclérose.
Cellules Les DC Ce sont toutes des CPA
dendritiques (DC conventionnelles professionnelles. Certaines
pour Dendritic (anciennement sont résidentes et localisées
Cells) appelées DC dans les organes lymphoïdes
myéloïdes primaires et secondaires
ou mDC) (rate, ganglions) et d’autres
sont migratoires (dont les
cellules de Langerhans de la
peau et des muqueuses) :
elles résident dans les tissus
périphériques comme la peau
ou les muqueuses où elles
ont un rôle de sentinelle.
Suite à la reconnaissance de
signaux de danger, elles
migrent alors vers les
organes lymphoïdes
secondaires.
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Les DC Elles constituent une
inflammatoires, catégorie de description
Mo-DC récente de DC d’origine
myéloïde qui fait l’objet de
débats. Cette catégorie
regroupe les populations de
DC n’apparaissant qu’en cas
d’infection ou d’inflammation
et qui sont donc absentes en
condition homéostatique. Ces
DC proviennent
majoritairement de la
différenciation de monocytes
circulants et sont aussi
appelées Mo-DC (Monocyte-
derived Dendritic Cells). Ces
DC néo-recrutées sur le site
d’une infection ont des
capacités d’induction de
réponses effectrices e
lymphocytes T CD4 +
ou
T CD8 très fortes ; elles
+

seraient davantage
immunostimulantes que les
DC résidentes dans les tissus
périphériques.
Les DC Elles représentent une
plasmacytoïdes, population plus homogène
pDC que les mDC. Ce sont de
petites cellules rondes de 8 à
10 µm de diamètre
présentant un cytoplasme
volumineux par hypertrophie
de leur réticulum
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
endoplasmique (RE) et de
leur appareil de Golgi. Elles
doivent leur nom à leur
ressemblance avec les
plasmocytes. À l’état
immature, ce sont des
cellules circulantes du sang
périphérique. Après
stimulation elles changent de
morphologie et ressemblent
alors à des DC matures
typiques (présence de
dendrites, expression du
CMH mais aussi de
molécules de co-stimulation
et sécrétion de cytokines).
Elles sont également
capables de migrer vers les
organes lymphoïdes
secondaires et vers les sites
d’infection. Au vu de leur
capacité de présentation
d’antigène et d’activation des
lymphocytes T naïfs, les pDC
appartiennent bien à la
famille des DC. Lors
d’infections (virales en
particulier), les pDC
présentent la propriété
originale de sécréter de
grandes quantités d’interféron
(IFN) alpha présentant des
propriétés effectrices
essentielles à la réponse
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
antivirale.
Monocytes Les monocytes ont deux
fonctions principales dans le
système immunitaire : (1)
reconstituer les macrophages
résidents dans les états
normaux et les cellules
dendritiques Mo-DC dans les
états d’infection, et (2) en
réponse aux signaux
Monocytes (sang) inflammatoires, se déplacer
et macrophages rapidement (environ 8-
(tissus) 12 heures) vers les sites
d’infection.
Macrophages – Phagocytose
– Cytotoxicité directe et
indirecte
– Inflammation
– Présentation de l’antigène
aux lymphocytes T dans le
contexte d’une restriction
CMH/HLA adaptée
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Cellules cutanées et Kératinocytes Les kératinocytes de la peau
muqueuses exercent une activité de
gardiens de l’immunité de la
peau, en étant fortement
réactives aux stress, en
particulier physicochimiques
(UVA, UVB) et en sécrétant
d’abondantes quantités d’IL-
1. Les kératinocytes sont très
réactifs çà la substance P, un
neuropeptide, qui induit leur
sécrétion de médiateurs de
l’inflammation et de type
allergique.
Cellules Elles ont au niveau de la
épithéliales muqueuse un rôle
muqueuses relativement similaire à celui
des cellules épithéliales de la
peau, jouent un rôle global de
protection et de réponse aux
stress.
Elles reçoivent, en
intercalation, des cellules du
système immunitaire
lymphoïde muqueux ou MALT
(Mucosae Associated
Lymphoïd Tissue) et des
cellules spécialisées (cf. ci-
après).
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Cellules Une cellule caliciforme ou
caliciformes cellule en gobelet, parfois
(en gobelet ; dénommée aussi cellule à
Goblet Cells) mucus, cellule muqueuse à
pôle apical ouvert ou cellule
mucipare est une cellule
spécialisée dans la synthèse
du mucus. Ces cellules
épithéliales glandulaires
sécrètent de la mucine
empaquetée dans les
granules de sécrétion stockés
au pôle apical, puis libérée
dans la lumière intestinale
pour former le gel de mucus.
Elles bordent les glandes
exocrines ou composant en
partie les épithéliums
absorbants, comme celui de
l’intestin et des voies
respiratoires supérieures sauf
la partie profonde du
poumon), certains tissus
d’organes reproductifs et
enfin dans la conjonctive de
la paupière supérieure.
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Cellules Ces cellules sont connues
épithéliales pour initier des réponses
et glandulaires d’immunité muqueuse sur la
des membrane apicale des
muqueuses : cellules M et permettre le
Cellules M transport de microbes et de
(Microfold) particules à travers la couche
de cellules épithéliales de la
lumière intestinale à la lamina
propria où des interactions
avec les cellules immunitaires
peuvent avoir lieu.
Contrairement à leurs
voisines, les cellules M ont la
capacité unique d’absorber
les pathogènes de la lumière
de l’intestin grêle via
l’endocytose, la phagocytose
ou la transcytose. Les
pathogènes sont délivrés aux
cellules présentatrices
d’antigène. Les cellules M se
différencient des autres
cellules épithéliales par
l’absence de microvillosités ;
elles ont des jonctions
cellulaires serrées, et en cela
contribuent à la ligne de
défense entre le contenu
intestinal et le système
immunitaire de l’hôte.
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Autres cellules Plaquettes – Capture d’agents
sanguines pathogènes par des ligands
de type PRR, des récepteurs
pour les fragments Fc des Ig
et pour des fractions du
complément
– Réponse pro-inflammatoire
dominante et
accessoirement anti-
inflammatoire
– Cicatrisation et rôle
trophique sur les
endothéliums et les
épithéliums
– Interaction avec les PMNC
dans la lutte contre les
bactéries
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Fibroblastes – Rôle protecteur contre la
constitution d’athéromes, via
la métabolisation du
cholestérol. Les fibroblastes
interviennent dans le
métabolisme des
lipoprotéines (LDL) et du
cholestérol et dans les
échanges dans les
interfaces cellulaires avec
les environnements.
– Renouvellement du
collagène et des protéines
des fibres grâce à leur
fabrication et aussi leur
destruction assurées par des
métalloprotéases
(collagénases et protéases).
Ce sont des cellules qui vont
sécréter la matrice
extracellulaire, c’est-à-dire
les protéines qui forment les
fibres du tissu conjonctif et
vont sécréter les
glycoprotéines de la
substance fondamentale.
– Défense anti-infectieuse et
antivirale par la sécrétion de
facteurs chimiotactiques
(MCP, MIP) et d’interféron β.
Etc.

■ Les « grands » détecteurs


Quels sont les principaux détecteurs des signaux de danger PAMP et
DAMP ?
À tout seigneur tout honneur : la famille la plus anciennement décrite et la
plus abondante est celle des Toll-like Receptors ou TLR19. Plusieurs autres
familles sont bien représentées, dont celle des NOD-like Receptors ou
NLR, celle des Rig-I-like Rceptors ou RLR, et celle des C-type Lectin
Receptors ou CLR. D’autres familles sont de description plus récente.
Collectivement, on appelle ces molécules des Pathogen Recognition
Receptors ou PRR. Le tableau XI rapporte (de façon non exhaustive) les
principaux membres de la grande famille des PRR20.
Tableau XI : Les principaux détecteurs de signaux de danger
ou Pathogen Recognition Receptors
Les Toll-like TLR1/TLR2 À la surface Lient des
Receptors sous formes de des cellules déterminants de la
(TLRs) dimères de détection surface des
TLR1/TLR6 bactéries
sous formes de
dimères
TLR4 Lient les
lipopolysaccharides
bactériens
TLR5 Lient les flagellines
bactériennes
TLR9 Lient les motifs
CpG de l’ADN
microbien
TLR10 Non connu
TLR3 Dans Lient les ARN
l’endosome (à doubles brins
l’intérieur du (viraux)
TLR7 cytosol Lient les ARN
cellulaire) simples brins
TLR8 (viraux)
TLR921 Lient les motifs
CpG de l’ADN
microbien
TLR13 Lient une partie
bien spécifique de
l’ARN microbien
NLRA Avec CIITA
transactivation
acidique
NLRB Avec des NAIP
séquences
répétées
d’inhibiteurs
Les NOD-like des
Receptors baculovirus
(NLRs) NLRC Avec des NOD1/NOD222,
séquences de NLRC3/4
recrutement
CARD
(Caspase
recruitment
domain)
NLRP Pyrine NLRP1, NRLP3
Les RIG-like RIG1, MDA-5 Lient l’AND double
receptors brin des virus
(RLRs) CDS cGAS, AIM2,
et les Cytosolic IFI126
DNA Sensors
(CDS)
Les C-type DC-SIGN23, Ces Lient des
Lectin Dectine-1, récepteurs mannoses à la
Receptors Dectine-2, sont plutôt surface des
(CLRs) Mincle dévolus à la microbes
Autres phagocytose
récepteurs
« éboueurs »
(Scavenger) :
CD36 et autres
Pour le
Mannose
binding Lectin
(MBL), la C-
Reactive
Les récepteurs
Protein (CRP24),
d’opsonines
les fractions du
complément25,
le surfactant26
pulmonaire
(SPA, SPB)
Les récepteurs
au N-Formyl
Méthionine
La connaissance fine de ces détecteurs, que la logique biologique va
dénommer des récepteurs, est affaire de spécialistes. En une première
approche globale et pour en appréhender le fonctionnement général, on
pourra cependant évoquer quelques propriétés essentielles :
• ces récepteurs sont très largement distribués dans le monde du vivant,
partagés par de nombreuses espèces animales et végétales ; ils ne sont
pas une exclusivité des mammifères et encore moins des êtres humains ;
• ces récepteurs sont extrêmement proches dans leur structure d’une
personne à l’autre, qu’elle ne caractérise pas ; s’il peut y avoir quelques
variations génétiques (démontrées en effet), celles-là sont mineures et
elles ne semblent pas affecter leurs fonctions ;
• ces récepteurs variés permettent de détecter dans leur ensemble une
panoplie d’éléments biologiques caractéristiques des virus, des bactéries,
des parasites, des levures et des champignons, mais aussi des cellules
transformées par la présence d’un microbe en elles, ou par une
cancérisation ; ils peuvent aussi détecter des lymphocytes (une variété de
globules blancs chargée d’établir l’immunité adaptative, très spécifique)
qui retournent leur action contre une partie du soi biologique et qui
deviennent auto-agresseurs (on parle alors de processus auto-immuns) ;
• plusieurs structures sont capables de lier des déterminants identiques ou
semblables, ajoutant à la robustesse du système immunitaire inné qui
repose largement sur des redondances pour pallier quelques déficits
(génétiques) portant sur des structures non essentielles.

■ « Hameçons et poissons »
D’une façon générale, les structures d’accroche sont donc des
« récepteurs » et les structures accrochées sont appelées des « ligands ».
La figure 10 illustre comment une bactérie est détectée par son LPS et
comment elle se lie à un phagocyte qui exprime plusieurs détecteurs de
LPS à sa surface (dont le TLR4) et aussi un détecteur pour la flagelline
des flagelles bactériennes (le TLR5).
Figure 10 : Capture d’une bactérie grâce à son attachement par des
détecteurs de signaux de danger et phagocytose
À côté de ces grandes familles de récepteurs de signaux de danger, on
peut ranger un arsenal d’autres récepteurs qui peuvent capturer des agents
infectieux ; ces récepteurs ne font pas partie du même registre en étant
beaucoup plus spécialisés et, de ce fait, restreints dans leurs activités et
fonctions, mais ce faisant ils participent cependant à la même lutte contre
des agresseurs exogènes, et ils déclenchent des mécanismes cellulaires
très proches de ceux déclenchés par les capteurs de signaux de danger
proprement dits. Ces récepteurs-là sont :
• les récepteurs pour les immunoglobulines (Ig) situés à la partie caudale
dite C-terminale des immunoglobulines, partie non spécifique
d’antigènes ; ces récepteurs sont appelés FcR pour récepteurs de la partie
Fc des immunoglobulines (figure 11). Ces récepteurs sont déployés à la
surface d’un très grand nombre de cellules de l’immunité ou participant à
l’immunité. En capturant une immunoglobuline dans leur
environnement, ces récepteurs FcR rapprochent de la cellule une bactérie
ou un virus immobilisé par les immunoglobulines de par leur fonction
anticorps (reconnaissance d’un antigène bactérien ou viral) ; la cellule
d’attachement peut alors entamer un processus d’élimination par
phagocytose ;
Figure 11 : Schématisation de la liaison entre une immunoglobuline
et un récepteur cellulaire

• des récepteurs pour des molécules issues de la cascade biologique du


système du complément ; ces petites molécules intermédiaires peuvent
aller se lier aux immunoglobulines présentées ci-dessus et former un
complexe dit complexe immun. Ces récepteurs, dits CR pour
Complement Receptors en anglais, sont aussi répartis sur de nombreuses
cellules de l’immunité ou participant à l’immunité ;
• si les cellules de l’immunité capturent à la fois une immunoglobuline et
une fraction du complément, donc un complexe immun, et si ce
complexe immun a lié un pathogène dans l’environnement, alors
l’épuration par la phagocytose de ce complexe par la cellule
d’attachement est beaucoup plus efficace (figure 12).
Figure 12 : Opsonisation d’une bactérie par des immunoglobulines
et du complément et facilitation de la phagocytose

On ne manquera pas d’observer la similitude des actions captées par les


figures 10 et 12 ; en effet, une bactérie peut être « perçue » par tout à la
fois ses signaux de danger PAMP comme le LPS et la flagelline, et être
opsonisée27 par un complexe immun composé d’une Ig à fonction
anticorps et du complément ; ce double contact favorise la capture et la
phagocytose. Ces mécanismes se complètent pour davantage d’efficacité.
De très nombreuses autres molécules disposées sur les cellules participant
à l’immunité peuvent lier et capturer ou immobiliser des agents
infectieux ; on dit que ces molécules servent de récepteurs privilégiés ou
accidentels, secondaires, à ces agents infectieux. Pourquoi secondaires ?
Par ce que si on prend l’exemple de la molécule CD4, celle-là a pour
fonction primaire de se lier à la molécule HLA de classe II dans la
synapse immunologique, le CD4 sur le lymphocyte T auxiliaire à qui est
présenté l’antigène par la cellule présentatrice professionnelle qui elle,
expose cet antigène dans la niche de la molécule HLA qu’elle présente ;
or, le VIH a pour principale porte d’entrée dans l’organisme cette
molécule CD4 (et d’autres aussi comme CXCR4, CCR5, DC-SIGN, etc. –
des récepteurs pour des chimiokines – qui servent de co-portes d’entrée).
CXCR4, CCR5, DC-SIGN ne sont pas non plus des récepteurs dédiés à
HIV (car on n’est pas supposé rencontrer ce virus dans sa vie sauf
accident) et ce sont des récepteurs très importants en immuno-physiologie
pour des agents de communications intercellulaires et tissulaires. De très
nombreux agents infectieux viraux, bactériens, parasitaires utilisent ainsi
ces portes d’entrée qui sont dévolues à une fonction bien précise dans
l’organisation de la physiologie28. C’est une arme à double tranchant : cela
peut favoriser la mise en place de stratégies d’élimination, mais cela peut
aussi permettre à des agents infectieux de pénétrer des cellules pour s’y
sanctuariser, compliquant singulièrement la tâche de l’immunité innée.

■ Disposition des alarmes


Que se passe-t-il au niveau des cellules détectrices une fois un signal de
danger détecté ?
Les récepteurs des signaux de danger sont disposés pour certains à
l’extérieur de la cellule détectrice, et pour d’autres à l’intérieur, offrant un
grand panel de détection des signaux de danger. Quelle que soit la
localisation cellulaire des détecteurs, ils fonctionnent sur un mode
comparable ; ils envoient un signal de détection à une cascade de
molécules en dessous d’eux, à l’intérieur de la cellule, en utilisant des
adaptateurs et des transformateurs ; on pourrait comparer le signal
transmis à un ballon de rugby, qui représente en l’occurrence un ion
Phosphore P ; le « jeu » consiste à se passer cette phosphorylation de
molécule en molécule jusqu’à marquer l’essai ; l’essai se marque en
phosphorylant l’ADN à un certain niveau d’un gène dans le noyau de la
cellule, pour provoquer la synthèse d’ARN qui pourra déboucher – après
les étapes cellulaires nécessaires – en une protéine qui pourra être
sécrétée. Il y a loin – en termes d’étapes intermédiaires – entre la
détection d’un signal de danger par une cellule détectrice, sentinelle,
veilleuse de ce type de danger possible, et la sécrétion d’une protéine par
cette même cellule, mais cette réponse de sécrétion est bien une
conséquence directe de la rencontre entre un signal de danger et le
récepteur qui l’a perçu (figure 13).
Figure 13 : Mécanisme commun de la signalisation cellulaire
et une de ses conséquences, la sécrétion de molécule effectrices

■ Les cellules détectrices


Les cellules détectrices de signaux de danger sont variées et nombreuses,
et chacune peut capter plusieurs types de signaux ; la conséquence d’une
« signalisation » après détection d’un danger biologique est que la réponse
en termes de protéines secrétée peut elle aussi être copieuse et variée ;
cette signalisation met en action un signalosome29. Dans cette abondance
et variété, cependant, la collection des protéines issues de la phase de
danger – qui va être évolutive dans le temps, de la phase aiguë à une
phase plus tardive – va constituer des types, qu’on va appeler « profils »
(en anglais « patterns ») ; ces profils de par leur quantité, qualité,
évolutivité, localisation dans les tissus ou leur diffusion par le sang, sont
évocateurs de la nature et de l’importance du danger, rendant ce système
de défense très efficace.
■ En résumé, le catalogue des récepteurs (tableau XI)
Tableau XII : les principaux récepteurs pour le positionnement
de l’immunité innée
Les Pathogen Recognition Toll-like Receptors (TLR) et autres,
Receptors (PRR), détecteurs voir tableau XI
de Pathogen Associated
Molecular Patterns (PAMP) et
de Damage Associated
Molecular Patterns (DAMP)
– Pour les IgG
• FcgRI/CD64
• FcgRIIA/CD32 ; FcgRIIB/CD32b ;
FcgRIIC (CD32c)
• FcgRIIIA (CD16a) ; FcgRIIIB
Les récepteurs pour le fragment (CD16b)
Fc des immunoglobulines, FcR – Pour les IgA
• FcaR (CD89) ; Fca/mR
– Pour les IgE
• FceRI, FceRII (CD23)
– Pour les Ig néonatales
• FcRn30
– CR1 (CD35)
– CR2 (CD21)
Les récepteurs
– CR3 (CD11b+CD18)
pour les fragments du système
– CR4 (CD11c+CD18)
du Complément, CR
– C3AR1
– C5AR1
CD4, CXCR4, CCR5, DC-SIGN
mais aussi HPA31, FY32, et de
Les ligands occasionnels nombreux autres ligands cellulaires,
pour les agents infectieux récepteurs de cytokines et
chimiokines, antigènes de groupes
sanguins et tissulaires…
1, 2, 3 : Un danger – deux intermédiaires – trois actions
possibles
On trouve ici trois actions, qui ne sont pas mutuellement exclusives c’est-
à-dire que parce que le système immunitaire inné est volontiers redondant,
une cellule peut activer deux ou les trois mécanismes possibles. La
figure 14 illustre cette trilogie.
Figure 14 : Les issues possibles après de la rencontre entre un agent
pathogène et une cellule de l’immunité innée

■ La phagocytose
La phagocytose est la capacité de certaines cellules d’ingérer des
particules solides inertes, infectieuses ou cellulaires d’une taille inférieure
à celle du phagocyte et en général supérieure à 0,5 µm ; cette fonction se
distingue de l’endocytose par le fait que la phagocytose est induite par un
contact avec cette particule solide, contact qui déclenche une perception,
un signal de la cellule phagocytaire, une incitation à phagocyter. Cette
fonction cellulaire essentielle a été décrite à la fin du XIXe siècle par Elie
Metchnikoff, déjà évoqué dans cet ouvrage, qui l’avait observée et décrite
dans un modèle de physiologie animale ; cela a été ensuite validé en
physiologie humaine. Chez les mammifères, la phagocytose est
essentiellement assurée par des leucocytes, au premier rang desquels les
cellules polymorphonucléées (polynucléaires) neutrophiles, les
macrophages et dans une certaine mesure par certaines cellules
dendritiques ; les neutrophiles et les macrophages sont en général
considérés comme des professionnels de la phagocytose. Cela étant,
d’autres types cellulaires peuvent se révéler des phagocytes occasionnels
comme certaines cellules épithéliales et endothéliales ou des fibroblastes.
La phagocytose classique est celle représentée dans les figures 10 et 12
(cf. supra), en calice ou en coupe, au cours de laquelle des accrochages
entre des pathogènes recouverts de complexes immuns sont
progressivement englobés par des bras émis pour ce faire ; des
mouvements de la membrane du phagocyte sous forme de rides (shuffles)
permettent de recouvrir la cible. Une alternative est la phagocytose sans
protrusions membranaires au cours de laquelle les pathogènes semblent se
couler dans le phagocyte, après des rapports de liaisons électrochimiques
simples. La durée du processus dépend du pathogène et de la présence de
facteurs d’appétence comme de complexes immuns en particulier, qui
opsonisent la cible.
Le déroulement de la phagocytose est découplé de la façon suivante : une
adhésion (du pathogène), l’ingestion, et la digestion. L’adhésion s’effectue
l’attraction entre les partenaires via des couples de reconnaissance, le
signal reconnu sur le pathogène et le détecteur de ce signal ; les récepteurs
qui détectent les cibles ont été largement répertoriés par ailleurs (on
rappelle qu’il s’agit de façon privilégiée des Pathogen Reconition
Receptors dont les TLR, les récepteurs pour le fragment Fc des
immunoglobulines à fonction d’anticorps ou FcR, et des récepteurs pour
des fragments du Complément ou CR). L’adhésion qui suit cette étape
« 0 » s’effectue via des tandems de lectines et de sucres, nombreux sur les
deux structures, qui font comme une espèce d’attache agrippante33 entre
les partenaires. Tout cela déclenche une mécanique interne à la cellule, qui
réorganise les structures de soutien de sa membrane et permet la création
d’une large vacuole autour de la particule absorbée, qui invagine alors de
la membrane à laquelle vient s’adjoindre – ou non selon le type de
phagocyte – la membrane de structures internes que sont les endosomes
(et du réticulum endoplasmique). Suit alors la phase de digestion, qui peut
être de trois types : le déversement de lysosomes par des canaux créés
pour l’occasion forme un phagolysosome propice à l’action d’enzymes de
dégradation (nombreuses en particulier dans les granules des
polynucléaires neutrophiles) ; ou encore l’agent – infectieux – ingéré
résiste à l’action de ses enzymes et persiste dans la cellules, qui peut
trouver d’autres mécanismes pour en limiter la pathogénicité (certains
agents inertes difficilement dégradables se trouvent aussi dans ce cas, le
pathogène ira ainsi s’accumuler dans l’organe « cimetière » de la cellule
phagocytaire (rate, poumons) ; ou encore l’agent ingéré – infectieux –
profite de ce milieu somme toute protégé pour s’adapter et se multiplier,
et – lorsqu’il aura fait éclater la cellule phagocytaire – disséminera son
potentiel infectieux. Quelques exemples illustratifs sont donnés sur le
tableau XIII.
Dans la plupart des cas, le phagocyte augmente considérablement sa
consommation en oxygène et génère des formes actives de l’oxygène,
toxiques (H2O2 ou eau oxygénée, radicaux OH•, 0-) ; ceux se dissocier de
l’azote pour produire des dérivés nitrés également toxiques (monoxyde de
carbone CO ou monoxyde d’azote NO en particulier).
Tableau XIII : Exemples d’échappement bactériens à une phagocytose
réussie
(permettant l’élimination de l’agent pathogène)
Listeria spp34., Legionella spp.,
Empêchent la fusion
Chlamydia spp., Mycobacterium
des lysosomes
tuberculosis, Toxoplasma spp
Survie dans le phagolysosome Salmonella spp.
Sortie du phagosome permettant Listeria spp., Shigella spp.
la survie et la multiplication
dans le milieu extérieur
La digestion – lorsqu’elle est produite – est ou bien complète, ou bien
incomplète ; les polynucléaires ou bien digèrent complètement ou bien
échouent, mais ne peuvent pas poursuivre leur aventure cellulaire ; ils
meurent après une phagocytose, et le plus souvent l’agent ingéré avec lui,
mais pas toujours s’il a pu persister dans le phagolysosome. Les
macrophages (tissulaires) et les cellules dendritiques peuvent quant à elles
favoriser les éliminations incomplètes, en dégradant les pathogènes en
petits peptides d’une dizaine à vingtaine d’acides aminés, destinés à se lier
à une molécule pré-HLA en situation intracellulaire pour être ensuite
exportés, ensemble avec la molécule HLA, à la surface du phagocyte qui
se transforme en cellule présentant (professionnellement) un antigène à un
lymphocyte T bien particulier (cela sera détaillé dans les chapitres IX et X
de cet ouvrage).

■ La cytotoxicité
Certaines cellules ont la capacité de tuer d’autres cellules pour défendre
l’organisme ; cela peut se faire dans les deux types d’immunité, innée et
adaptative. Dans les deux cas, les cellules responsables ont deux façons de
tuer, directement par contact mortel, et indirectement c’est-à-dire en
utilisant une arme, en l’occurrence un anticorps ; ces cellules ont aussi
deux modus operandi, l’induction soit d’une apoptose, soit d’une
nécrose35 (tableau XIV).
Tableau XIV : Les principales différences entre les mécanismes de mort
cellulaire par apoptose et par nécrose
Apoptose, mort cellulaire Nécrose, mort cellulaire
programmée provoquée, prématurée
Étrécissement du cytoplasme puis Œdamation du cytoplasme suivi
condensation du noyau de l’œdémation des
mitochondries puis lyse
cellulaire
Phénomène physiologique naturel Phénomène pathologique
déclenché par une cause
extérieure
Agrégation de la chromatine Pas de changement au niveau
de la chromatine
Apoptose, mort cellulaire Nécrose, mort cellulaire
programmée provoquée, prématurée
Fait intervenir le système des Les Caspases n’interviennent
Caspases pas
Phénomène localisé, cellule par Phénomène tendant à se
cellule généraliser de proche en
proche
Phagocytose par des phagocytes Phagocytose seulement par
professionnels et par des cellules des phagocytes professionnels
de l’environnement
En général bénéfique quoique Toujours pathologique
puisse participer de processus
pathologiques en certaines
circonstances
La fragmentation de l’ADN La fragmentation de l’ADN
précède la lyse cellulaire succède à la lyse cellulaire
Contribue à la régulation du Sollicite toujours l’intervention
nombre de cellules dans du système immunitaire et
l’organisme (homéostasie) inclus dans un processus de
défense
Un certain nombre de cellules de l’immunité innée sont équipées de
récepteurs pour le fragment Fc des immunoglobulines (FcR) et en
particulier IgG (FcgR) et IgE (FceR). Les cellules tueuses naturelles ou
Natural Killer (NK) expriment le récepteur le mieux configuré pour
utiliser leur FcgR et l’IgG qui s’y est liée pour aller se positionner – par
effet missile, guidé par la reconnaissance par l’Ig qui a une fonction
anticorps – sur la cible qui exprime l’antigène correspondant, tumoral ou
infectieux (intracellulaire). D’autres cellules que les NK peuvent aussi
exercer cette action commando, à savoir les polynucléaires neutrophiles
armés d’IgG, les basophiles armés d’IgE, les éosinophiles armés d’IgE,
les macrophages armés d’IgG) et même les plaquettes armées d’IgG et
d’IgE. Le pontage entre l’attaquant et la cible induit chez l’attaquant
l’activation d’un programme d’excrétion (par exocytose) de produits
lytiques dont les têtes de pont sont la perforine et la granzyme, induisant
la nécrose, mais aussi la stimulation de l’expression d’une molécule test
(Fas-Ligand) qui – en s’apposant à son contre-récepteur sur la cellule
cible (Fas), va induire l’apoptose de cette cellule. La perforine ressemble
au complexe C9 du complément et elle aide à « trouer » la cellule cible ;
la granzyme va pénétrer les canaux générés par l’action de la perforine et
va aller – par une voie dite des caspases, des enzymes bien particulières –,
fragmenter l’ADN nucléaire, activant le programme de mort de la cellule
c’est-à-dire l’apoptose. Le mécanisme de mort par nécrose va relarguer de
fortes quantités de matériel pro-inflammatoire et – s’il s’agit d’une cellule
infectée –, de fortes quantités aussi de matériel infectieux ; l’apoptose,
elle, ne s’associe à aucun effet pro-inflammatoire ni n’autorise d’émission
de particules infectieuses (figure 15). Cette action de cytotoxicité
indirecte, armée par un anticorps, s’appelle en anglais l’ADCC pour
Antibody Dependent Cell-mediated Cytotoxicity ou cytotoxicité à
médiation cellulaire dépendante des anticorps. Il s’agit d’un système
indépendant du système du complément ; le complément quant à lui peut
effectuer une lyse cellulaire sur une cellule sensibilisée par un anticorps,
ce qui double les chances d’être efficace.
Figure 15 : Exemples de mécanismes de cytotoxicité

Les cellules tueuses naturelles NK sont – comme on l’a vu – des


lymphocytes particuliers, pourvus de granules (contenant la granzyme et
la perforine et des cytokines pro-inflammatoires) et exprimant des
récepteurs pour le fragment Fc des IgG, du Fas-ligand pour détecter le Fas
des cellules cibles, ainsi que de nombreuses cellules de type
ligands/récepteurs permettant de réaliser des synapses cellulaires entre les
NK et les cellules testées ou les cellules cibles, et enfin des récepteurs très
particuliers détectant la présence ou l’absence sur les cellules cibles du
HLA de classe I. Ces récepteurs pour les molécules HLA sont de deux
sortes : 1) des récepteurs de la famille des lectines, représentés chez
l’homme par la famille principale NKG2 ou CD94, invariants, et 2) des
récepteurs dits KIR (Killer-cell Inhibition Receptors) et KAR (Killer-cell
Activation Receptors) ; l’identification d’une molécule HLA induit – via
les KIR – l’activation de la cellule NK alors que l’absence du HLA sur la
cellule cible active – via les KAR – la cellule NK (les cellules infectées
par un pathogène intracellulaire et les cellules tumorales perdent en effet
rapidement le caractère de leur normalité en perdant leur expression
cellulaire du HLA de classe I) (figure 16). Les récepteurs KIR et KAR
sont extrêmement polymorphes par ailleurs, c’est-à-dire qu’il en existe
des milliers de différents selon les individus, capables de détecter chacun
de nombreuses anomalies HLA. Les NK sont rapidement activables par
des cytokines inflammatoires sécrétées par les autres cellules de la
défense innée.
Figure 16 : Mécanisme d’induction de mort d’une cellule cible modifiée par
l’absence d’expression normale de molécules du CMH (HLA) et perçue
comme pathogène par la cellule tueuse naturelle Natural Killer NK
L’activation des cellules NK est rapide après une infection et peut-être
suivie en analyses médicales dans les primo-infections par le VIH par
exemple. L’activation des cellules NK est aussi une voie thérapeutique
tant dans les processus infectieux sévères (VIH) que tumoraux ; des
anticorps transformés au laboratoire peuvent être utilisés pour armer des
cellules NK et servir de missiles pour des tumeurs si on a pu très finement
identifier des antigènes tumoraux et générer des anticorps très spécifiques
et bioactifs pour cette mission. Pour être complet, les lyses opérées par les
cellules NK utilisent des voies plus diversifiées que la nécrose et
l’apoptose (comme la nécroptose, la pyroptose, l’autophagie36) selon les
situations critiques rencontrées. Les corps apoptotiques libérés par les
cellules cibles vont moduler la réponse immunitaire en retour37.

■ La production de modificateurs du comportement biologique


et de produits participant à l’inflammation et à la défense contre
les pathogènes
• La production de modificateurs du comportement biologique
La plupart des cellules nucléées et c’est le cas aussi pour les plaquettes
(bien que non nucléées) sécrètent une très large variété de produits
solubles, ou solubilisent une large partie des molécules exportées à leur
surface ou absorbées par – ou encore accrochées à – leurs membranes.
Cette variété peut se dénombrer en milliers de produits différents. La
plupart de ces molécules sécrétées ont une fonction biologique ; c’est la
raison pour laquelle on utilise souvent, pour les désigner collectivement,
le terme de modificateurs du comportement biologiques ou BRM
(Biological Response Modifiers). Ces modificateurs du comportement
biologique peuvent se répartir en plusieurs familles sur le plan de leur
structure et de leur biochimie, voire de leurs fonctions, mais ces
classifications – si elles peuvent avoir une certaine utilité – peuvent aussi
être une source de confusion car l’évolution des connaissances permet le
reclassement de certaines dans une autre catégorie, sans pour autant
modifier leur nom ; ainsi l’Interleukine-8 ou IL-8 a-t-elle gardé le nom
d’une catégorie de cytokines, les interleukines, tout en étant reclassée
comme une chimiokine (ou chémokine, on peut utiliser l’une ou l’autre
appellation). De plus, chaque catégorie biochimique et/ou fonctionnelle
est elle-même subdivisée en sous-catégories, rendant assez ardue
l’utilisation de ces compartimentations ; nous préférons pour l’objet de
l’étude de l’immunité nous cantonner au concept générique de BRM38.
Ces modificateurs du comportement biologique sont produits par de
nombreux types cellulaires, mais selon des programmes prédéfinis ;
cependant : 1a) toutes les cellules ne produisent pas tous les produits ni
tous les programmes ; 2a) un type cellulaire donné ne produit pas toute la
gamme à sa disposition en même temps, mais de façon échelonnée dans le
temps en fonction de son état de repos, d’activation, de différenciation, ou
d’inactivation (anergie en particulier), ou de lieu de la réaction dans
l’organisme (sang, tissus, muqueuses…) ; 3) un type cellulaire dans un
certain état, par exemple d’activation, produit un assemblement non
aléatoire de BRM, composant un profil ou un patron (en anglais pattern)
avec en général quelques produits tête de file ; par exemple des
lymphocytes T activés et différenciés vers la voire auxiliaire (helper) de
type 2 vont produire des quantités majoritaires d’interleukine-4 (IL-4),
d’IL-5 et d’IL-13, ceux de type Th17 produisent de grandes quantités
d’IL-17, etc. On peut ainsi différencier de nombreux types et sous-types
de lymphocytes T et quelques-uns de lymphocytes B, mais aussi de
macrophages, de cellules dendritiques, etc. dont les BRM produits sont
nécessaires et suffisants (en général) à la réalisation de la tâche assignée.
Cela se comprend bien pour les cellules nucléées, qui peuvent 1b)
réorganiser leur génome en fonction des messages reçus de l’extérieur
(nature du signal stimulant, lieu de la réaction, intensité de la réaction,
imprégnation des profils de BRM ambiants) et 2b) activer un ARN
messager pour les BRM en question, avec la production intracellulaire des
protéines correspondantes (glycosylées – c’est-à-dire sucrées – et
formatées en 3D avant leur sécrétion sous forme de glycoprotéines par un
passage dans l’appareil de Golgi). Cette opération de sécrétion par profil
se conçoit moins aisément pour les plaquettes sanguines, cellules qui bien
que dépourvues de noyau ont une activité sécrétoire intense, de plusieurs
centaines de glycoprotéines possibles sur un total de plus d’un millier de
protéines enfermées ou sur ce petit réceptacle ; et bien les plaquettes aussi
peuvent organiser leur programme de sécrétion en fonction du lieu où
elles circulent, des obstacles rencontrés, et des événements intercurrents
comme l’interaction avec un virus ou une bactérie39.
Les modificateurs du comportement biologique, quelle que soit leur
fonction fine (facteur de croissance, facteur de nécrose, facteur
d’activation, etc.) se glissent dans des supercatégories fonctionnelles qui
peuvent être pro- ou anti-inflammatoires, ou les deux selon la cellule cible
ou la quantité de produit engagé sur la cellule (l’IL-10 fait partie de cette
catégorie ambivalente).
Ces modificateurs du comportement biologique sont en général sécrétés
de façon séquentielle et subtile, mais il arrive qu’il y ait un orage
cytokinique encore appelé un orage inflammatoire, et cela a été souvent
décrit au cours des complications de la maladie Covid-19 ; de nombreuses
maladies infectieuses sévères s’accompagnent de cette complication
d’hyperactivation cellulaire aboutissant à ce type de sécrétion massive et
dérégulée, qui peut être gravissime et causer des insuffisances voire des
défaillances d’organes, possiblement mortelles. À côté des manifestations
générales, des orages locorégionaux s’observent et chacun en a fait
l’expérience avec la turista, cette maladie diarrhéique qui survient de
façon très embarrassante et pénible après quelques jours de voyages (en
particulier exotiques… mais pas que !) et qui est en fait une manifestation
de l’hyperactivation de la sécrétion par les cellules intestinales d’agents
modificateurs du comportement biologique, sécrétion stimulée par la
présence de bactéries et virus différents de son environnement habituel et
apportés par l’alimentation et les boissons locales. Les orages
cytokiniques se produisent aussi au cours de certaines maladies non
infectieuses comme les manifestations allergiques sévères
(anaphylactiques), elles aussi aboutissant parfois à des défaillances
cardiovasculaires potentiellement létales. L’accident ABO de la
transfusion sanguine, à présent rarissime, est lui aussi un orage
cytokinique déclenché par la libération massive dans la circulation
d’hémoglobine libre, un poison qui ouvre les canaux des autres cellules
sanguines et des cellules composant la lumière des vaisseaux sanguins.
Sur l’autre versant, certains profils jouent la carte de la pacification, soit
directement anti-inflammatoire, soit par effet régulateur (autrefois connus
sous le terme de suppresseur). Les maladies inflammatoires
cryptogénétiques de l’intestin (MICI) se caractérisent par une dysbiose
(déséquilibre de la flore intestinale) en lien avec une anomalie génétique
de signalisation par les Pathogen Recognition Receptors (en l’occurrence
intracellulaires, NOD) qui se traduit par un état hyperinflammatoire plus
ou moins permanent : un objectif thérapeutique est de restaurer une
capacité à induire des cellules immunorégulatrices ou régulatrices (de
profil Treg ou Breg pour les lymphocytes T et B, respectivement, sécrétrices
de plus d’IL-10 et de TGF-b, régulateurs).
Les modificateurs du comportement biologique font ainsi l’objet de très
nombreuses pistes thérapeutiques (biothérapies), actuellement largement
prescrites dans les maladies auto-immunes, auto-inflammatoires, par des
substances (anticorps monoclonaux ou protéines de fusion) anti-TNF-a, -
IL-6, -IL-1b ou anti-récepteurs solubles, etc. Néanmoins, sur le nombre
(plusieurs centaines de BRM identifiés dont plusieurs dizaines reconnus
comme chefs de file et directement responsables d’altérations tissulaires
et de maladies), bien peu existent sous forme de médicaments ; beaucoup
ont été récusés car la pléiotropie des BRM est telle qu’il est difficile de ne
cibler qu’une action pathogène sur un organe sans modifier des actions
parfois essentielles ailleurs, ou encore parce qu’on ne sait pas encore
détoxifier certaines molécules. Cet exemple met en exergue deux points
essentiels : 1c) les BRM sont redondants – a priori pour assurer une
protection en cas de défaillance – mais du coup le ciblage sélectif est
compromis ; 2c) les BRM agissent en réseau et il apparaît parfois
compliqué de cibler un événement sans modifier une cascade
d’événements en aval. Tout n’est peut-être pas perdu car il devient
possible de cibler des actions thérapeutiques au niveau cellulaire avec des
anticorps bispécifiques, contre un élément normal de la cellule (par
exemple un récepteur à un BRM) et un élément anormal (l’expression
d’une protéine virale ou tumorale), restreignant l’action du futur
biomédicament in situ ou là où il y a une dissémination (métastases par
exemple).
• La production d’autres substances naturelles
Il s’agit tout d’abord des produits de dégradation des pathogènes,
débarrassés du cytoplasme des polynucléaires neutrophiles et parfois des
macrophages et déversés dans le milieu extracellulaire ; ces matériaux
sont en général urticants et inflammatoires. Les dérivés oxygénés libres, le
monoxyde d’azote, les ions halogènes (Chlore, Potassium et Iode en
particulier, dont on connaît bien les propriétés antiseptiques : eau de Javel,
Dakin, teinture d’iode, alcool iodé, solutions d’iode comme la Bétadine®),
mais aussi des antiseptiques, antibactériens, antiviraux et antifungiques
naturels, partagés avec des plantes et retrouvés dans des huiles essentielles
par exemple). L’organisme sécrète aussi des anti-tumoraux, cytostatiques
naturels.
• Les produits de la réponse inflammatoire
Ces produits sont de diverses nature et ont pour la plupart déjà été
évoqués. Nous les remettons ici en situation. Ces protéines sont libérées
par les tissus agressés ou endommagés et par les différentes cellules
résidentes des sites inflammatoires (mastocytes, macrophages) ou elles
sont recrutées secondairement (les cellules polymorphonucléées en
particulier neutrophiles) ; ces produits sont listés de façon synthétique
dans le tableau XV :
Tableau XV : Synthèse des produits de la réponse inflammatoire
Familles Produits (exemples) Principales fonctions
Familles Produits (exemples) Principales fonctions
Amines Histamine, Favorisent l’afflux de cellules
vasoactives Sérotonine, Kinines sur le site inflammatoire ;
(plus particulièrement induisent une vasodilatation
la Bradykinin et une augmentation de la
perméabilité capillaire.
Protéines du Cf. § suivant
Complément
Médiateurs Phospholipase A2 Dégrade les phospholipides
lipidiques en acide arachidonique (la
cible des principaux
médicaments anti-
inflammatoires globaux ou
sélectifs, de l’aspirine aux
corticoïdes).
Cyclo-oxygénases Métabolisent l’acide
(Cox) arachidonique ; la Cox-1
induit la synthèse de
prostaglandines qui régulent
l’agrégation plaquettaire,
jouent sur la protection
muqueuse digestive et la
vascularisation rénale ; la
Cox-2 favorise la synthèse
de prostaglandines de
l’inflammation dans les sites
lésés.
Les anti-inflammatoires
électifs auront ainsi avantage
à sélectionner la Cox-2 et ne
pas altérer la Cox-1.
Lipooxygénase Produit des leucotriènes aux
actions anti-inflammatoires.
Familles Produits (exemples) Principales fonctions
Les protéines C Reactive Protein La CRP, initialement décrite
produites par ou CRP, le sérum dans la pneumonie à
le foie : ce amyloïde A, l’α1- pneumocoque, porte son
sont les antitrypsine, l’α1- nom car elle réagit avec le C-
protéines antichymotrypsine, polysaccharide de la paroi du
dites de la l’α2-microglobuline, pneumocoque. Elle
phase aiguë l’haptoglobine, le appartient à la famille des
(Acute Phase fibrinogène, la pentraxines qui ont des
Proteins) céruléoplasmine et interactions avec les
des protéines de la constituants nucléaires et se
coagulation lient aux cellules stressées
(fibrinogène, ou abîmées. Elles ont
prothrombine, facteur également un rôle
VIII, facteur de d’opsonine et activent le
WIllebrand, complément.
plasminogène)
Modificateurs Les cytokines pro-inflammatoires, déjà mentionnées
du Les chimiokines Il s’agit de protéines dont les
comportement récepteurs interagissent
biologique, avec des protéines G40, qui
BRM attirent sur le site
inflammatoire d’autres
cellules (par exemple, les
cellules endothéliales par la
production de Sélectine41 et
de molécules d’adhésion) et
régulent notamment
l’angiogénèse 42
et
l’hématopoïèse.
• Le système du complément
Ce système a été démontré au tout début du XXe siècle par Jules Bordet en
Belgique ; du sérum de souris frais pouvait conférer une protection à une
souris infectée par une bactérie s’il avait été prélevé chez une souris
guérie de cette infection (mais pas si la souris donneuse n’avait pas été
infectée préalablement) ; ce sérum chauffé à 56 °C perdait sa capacité à
protéger la souris infectée. Le médiateur de cette protection, thermolabile,
a été appelé Complément car il complémente en effet la protection dont il
a été montré à peu près à la même époque par Erlich en Allemagne qu’elle
était supportée par des anticorps43.
Ce système du complément est en fait une collection de molécules, une
trentaine, agissant en cascade et exerçant des fonctions d’enzyme c’est-à-
dire capables de couper (cliver) une molécule source en fragments plus
petits mais encore bioactifs mais différemment de leur source. Il existe
deux grandes voies d’activation du complément dont l’une, la voie
classique, met en œuvre deux variantes, la voie classique proprement dite,
déclenchée par le contact avec un complexe anticorps-antigène44, et la
voie dite des lectines qui se déclenche principalement au contact de sucres
microbiens (cette voie est celle du MBL pour Mannose-binding Lectin) ;
l’autre voie appelée voie alterne, est déclenchée par des surfaces
microbiennes. Ces deux voies se rejoignent – par des enzymes différents,
des cofacteurs différents, et des voies de régulation et d’inhibitions
différentes – en un facteur commun et central du rôle physiopathologique
du complément qui est C345. Cette voie C3 génère de fait le facteur
quantitativement le plus important de l’action du complément dans
l’organisme, mais C3 est moins spectaculaire que le produit final MAC
pour Membrane Attack Complex ou complexe membranaire d’attaque qui
troue une surface cellulaire ou microbienne en vue de faire pénétrer de
l’eau dans la cellule ou le microbe attaqué, qui éclate par hydrolyse. Cette
voie MAC ajoute à C3b des protéines C4b46, C2a, Bb, et C5b et une
séquence de protéines C6-7-8-9 ; ces protéines se positionnent en
couronne pour former le canal d’hydrolyse et creuser le « trou fatal ».
Pour donner un exemple de ce que fait le complément, nous allons nous
tourner vers la transfusion sanguine : lorsqu’il y a une incompatibilité de
groupe sanguin par exemple dans le système Rhésus, qu’une personne a
déjà été immunisée par exemple par des grossesses contre un Rhésus-D
qu’elle n’a pas (étant Rhésus négative donc sans D) et que cette personne
– qui se trouve à présent avoir généré des anticorps anti-Rhésus-D
présents dans son plasma47 – est transfusée, les anticorps anti-Rhésus-D,
en liant les antigènes Rhésus-D sur les globules rouges apportés par la
transfusion, activent le complément par la voie classique ; cette voie
active C3 mais comme les anticorps sont fixés sur des globules rouges et
que C3 est activé, une phagocytose immune est déclenchée et la
destruction des globules rouges ciblés par le complexe antigène-anticorps-
complément vont être transférés par les macrophages phagocytes dans la
rate pour leur destruction : l’hémolyse va être différée ; on en fera le
diagnostic clinique parce que la personne ne va pas bénéficier de la
transfusion voire va aggraver son anémie, et qu’on détectera un taux
anormal d’hémoglobine libre dans le plasma, puis d’haptoglobine, et le
diagnostic biologique car on pourra retrouver l’anticorps s’il n’est pas
totalement consommé dans la réaction, et le stigmate de l’activation par le
complément ; on pourra aussi récupérer des anticorps en les séparant des
globules rouges non détruits pour apporter la preuve de l’événement. À
l’inverse, une personne qui subirait une transfusion incompatible dans le
groupe ABO (personne par exemple O qui recevrait des globules rouges
A48), activerait la voie du complément de façon très intense par les
complexes antigènes-anticorps de classe IgM, qui lient très fortement le
complément et en grande quantité puisque ce sont des pentamères49 ; cette
activation va se poursuivre jusqu’à C9 et créer le complexe membranaire
d’attaque ; l’éclatement – par hydrolyse – des hématies recouvertes
d’anticorps et de complément (MAC) va libérer de fortes quantités
d’activateurs biologiques déclenchant une phase aiguë et la sécrétion par
les leucocytes sanguins, les plaquettes et les cellules vasculaires de
cytokines inflammatoires responsables du fameux orage cytokinique déjà
évoqué, lequel orage peut aboutir à une défaillance d’organe possiblement
mortelle. Un résumé de la cascade du complément est représenté en
figure 1750.
Figure 17 : Schématisation de la voie d’activation du Complément
Les activités biologiques du complément sont essentielles dans
l’immunité innée, mais aussi au déroulement opérationnel de l’immunité
adaptative car des fragments du complément sont indispensabkes à la
formation des follicules ganglionnaires lymphatiques entre autres. Ainsi :
• le récepteur au Complément dit CR1 (CD35) favorise la phagocytose et
l’épuration par les phagocytes des complexes immuns formés d’anticorps
et d’antigènes ;
• le CR2 (CD21) régule par boucle de rétrocontrôle (feed-back) la
production des anticorps par les lymphocytes B eux-mêmes (c’est de
plus le ligand du virus Epstein Barr ou EBV51) ;
• les CR3 (CD11b/CD18), CR4 (CD11c/CD18) et C1q sont pro-
phagocytaires ;
• les C3a, C5a et dans une moindre mesure C4a sont des anaphylatoxines
déclenchant la dégranulation des mastocytes tissulaires, augmentant la
perméabilité vasculaire et favorisant la contraction musculaire lisse ;
• le C3b se comporte comme une opsonine en rendant plus appétents –
pour les phagocytes – certains microorganismes ;
• le C3d accroît la production des anticorps par les lymphocytes B ;
• le C5a est un chémoattracteur des cellules polymorphonucléées et des
monocytes ; il favorise l’adhérence des cellules et la libération
d’enzymes intracellulaires et de métabolites toxiques (formes actives de
l’oxygène, etc.).
Les voies de régulation du complément sont tout aussi complexes que
celles des facteurs eux-mêmes et peuvent donner lieu à des pathologies en
cas de déficits (tableau XVII).
Tableau XVII : Principaux déficits en facteurs du complément ou
régulateurs et conséquences cliniques
Protéine(s) du
Nature de
complément Conséquence clinique
la pathologie
ou régulatrice(s)
C1, C2, C3, MBL, Déficits Plus grande sensibilité aux
MASP-2, facteur infections bactériennes récurrentes
H, facteur I, CR2
C5, C9, facteur B, Carences Plus grande sensibilité aux
facteur D, infections bactériennes comme par
properdine Neisseria spp.
C1, C4, C5 Défauts Sensibilité au « Lupus
Érythémateux Disséminé »
CR2 Défauts Compris dans une forme de déficit
immunitaire primitif appelée
« Déficit immunitaire commun à
expression variable »
CR3 Défauts Déficit d’adhésion des leucocytes
Facteurs B, H et Mutations Variantes atypiques du Syndrome
I, de CD46, de hémolytique et urémique (SHU)52
C3
C1-INH Déficit Angio-œdème héréditaire53
(inhibiteur de la
voie classique)
1. Se dit d’agents infectieux liés à des défauts d’hygiène, et en général véhiculés par les mains non
lavées ou désinfectées après avoir été souillées par des activités.
2. Benjamin Constant. Son Journal intime (1895).
3. Cet état sera appelé une « atopie ».
4. La Bible. Exode : 21 23-25.
5. Le Normal et le Pathologique est une œuvre du philosophe et médecin Georges Canguilhem. Elle
réunit l’essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique (thèse d’exercice
publiée initialement en 1943) et les « Nouvelles Réflexions concernant le normal et le
pathologique » (série de trois courts chapitres ajoutés en 1966). Il s’agit d’un ouvrage
d’épistémologie médicale souvent cité pour les éclaircissements qu’il apporte au concept
philosophique de la « norme ».
6. Ce sujet est très bien détaillé dans l’ouvrage de Giulia Enders, Le charme discret de l’intestin, paru
en France en 2017.
7. http://www.amisdepasteur.fr/fileadmin/user_upload/Pasteuriens/PDF/METCHNIKOFF_texte.pdf.
8. Il faut absolument lire la vie romanesque de Polly Matzinger ; on peut se référer par exemple au
court article : https://rhumatos.fr/wp-content/uploads/2012/11/RH82_P399A400.pdf).
9. Si on prend l’exemple de l’exposition au soleil, la gêne (perception du danger) est trop tardive et la
réponse (s’éloigner du soleil par exemple) mais le mal ; le système immunitaire saute alors l’étape
de la défense, passant à l’étape de la réparation (cicatrisation).
10. Cette qualification de Gram+ et Gram- fait référence à une technique de coloration (dite de Gram)
des bactéries qui se différencient en deux groupes selon leur richesse en peptidoglycane, leur
conférant des couleurs différentes au microscope ; cela correspond à des structures membranaires
très différentes, et confère des propriétés également différentes, de même que des antigénicités
distinctes.
11. Cf. un peu plus loin dans l’ouvrage.
12. Les mitochondries sont ces petits sacs intracellulaires permettant la respiration de la cellule en
particulier et qui renferme un ADN particulier qui diffère de l’ADN du noyau cellulaire.
13. D’après la référence suivante : https://www.researchgate.net/figure/Les-PAMP-PAMPs-
Collection-Courtesy-of-InVivoGen_fig1_292806074/download.
14. On remarque que par exemple TLR2 peut se lier à différentes molécules signatures de
dangerosité ; cela ne signifie pas que l’activation cellulaire en cascade subséquente ne marquera
pas, elle, des différences ; la nature est d’une exquise subtilité !
15. D’après la référence suivante :
https://batch.libretexts.org/print/url=https://bio.libretexts.org/Bookshelves/Microbiology/Book%3
A_Microbiology_(Kaiser)/Unit_5%3A_Innate_Immunity/11.4%3A_Early_Induced_Innate_Immu
nity/11.3A%3A_Pathogen-Associated_Molecular_Patterns_(PAMPs)_and_Danger-
Associated_Molecular_Patterns_(DAMPs).pdf.
16. Les lectines sont des protéines qui se lient électivement et de façon réversible à certains glucides.
Elles interviennent dans divers processus biologiques, au niveau de la reconnaissance entre les
cellules.
17. Acide sialique est un terme qui regroupe une grande variété de sucres acides (oses) présents à la
surface de nombreux microbes bactéries, parasites, champignons et levures, et de quelques
végétaux.
18. Les glycanes sont des sucres plus ou moins polymérisés, pourvoyeurs d’énergie pour les cellules
mais aussi reconnus depuis peu comme étant essentiels à la communication intercellulaire
notamment lorsqu’ils se combinent à des lipides.
19. Ces molécules qui avaient été co-découvertes par Akira ont été reconnues par l’équipe de Jules
Hoffman à Strasbourg comme importantes dans l’embryogénèse et la structuration du système
immunitaire des mouches drosophiles (1996). Cela a valu à Jules Hoffman le prix Nobel de
physiologie et médecine en 2011.
20. D’après les références suivantes :
https://batch.libretexts.org/print/url=https://bio.libretexts.org/Bookshelves/Microbiology/Book%3
A_Microbiology_(Kaiser)/Unit_5%3A_Innate_Immunity/11.4%3A_Early_Induced_Innate_Immu
nity/11.3B%3A_Pattern-Recognition_Receptors_(PRRs).pdf ;
https://www.invivogen.com/sites/default/files/invivogen/resources/documents/reviews/review-
innate-immunity-invivogen.pdf.
21. Le TLR9 existe, selon les cellules détectrices, soit à la surface soit en situation intracellulaire.
22. NOD1/NOD2 sont déficitaires chez une large partie des personnes malades de syndromes
cryptogénétiques inflammatoires de l’intestin (MICI), maladie de Crohn et rectocolites
hémorragiques.
23. DC-SIGN: Dendritic cell-specific ICAM-3-grabbing nonintegrin. DC-SIGN est un récepteur de
lectine de type C qui reconnaît des oligosaccharides à haute teneur en mannose et les structures
fucosylées ramifiées. Le rôle biologique de DC-SIGN est double. Il est principalement exprimé par
les cellules dendritiques et intervient dans l’induction de réponses immunitaires essentielles pour
l’élimination des infections microbiennes, telles que la capture, la destruction et la présentation
d’agents pathogènes microbiens pour induire des réponses immunitaires. En contrepartie, les
agents pathogènes peuvent également exploiter DC-SIGN pour moduler le fonctionnement des
DC, faussant ainsi la réponse immunitaire et favorisant leur propre survie. DC-SIGN peut servir
d’ancrage à plusieurs agents pathogènes, dont le VIH.
24. CRP : C-Reactive Protein. La protéine C réactive est une protéine de phase aiguë synthétisée
principalement par le foie et par le tissu adipeux. Elle joue un rôle important dans les réactions
inflammatoires, et sert de marqueur biologique à celles-là.
25. (Système du) Complément : voir plus loin dans ce chapitre.
26. Le surfactant pulmonaire est un matériau complexe tensioactif sécrété continuellement dans la
lumière alvéolaire par les pneumocytes de type 2. Il est constitué d’un grand nombre de molécules
différentes : lipides, phospholipides et protéines, dont quatre protéines caractéristiques désignées
A, B, C et D, (en abrégé, SP-A, -B, -C et -D, acronyme anglais de surfactant proteins), présentes
en faible quantité, mais jouent des rôles essentiels. Les SPA et SPD jouent un rôle dans
l’opsonisation et la phagocytose. Le surfactant pulmonaire est indispensable à une fonction
respiratoire normale. Le déficit en surfactant est la cause de la maladie des membranes hyalines du
nouveau-né prématuré, et participe aussi au syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte.
27. L’opsonisation est un processus biochimique par lequel une molécule recouvre la membrane
d’une cellule cible pour favoriser sa phagocytose par une cellule dotée de récepteurs pour les
opsonines. On distingue deux types d’opsonines qui agissent de façon synergique, comme les Ig à
fonction anticorps et certaines fractions dévolues du système du complément.
28. Ainsi, les SARS-CoV (1 et 2) utilisent-ils comme porte d’entrée ACE2, l’enzyme de conversion
de l’angiotensine 2, une enzyme liée à la face externe des membranes plasmiques de cellules du
poumon, des artères, du cœur, du rein et de l’appareil digestif, indispensable au fonctionnement
des cellules de ces organes.
29. Les signalosomes sont de grands complexes protéiques supramoléculaires qui subissent un
regroupement (oligomérisation ou polymérisation) et/ou une séparation de phase colloïdale pour
former des condensats biomoléculaires qui augmentent la concentration locale et l’activité de
signalisation des composants individuels. Ils sont un exemple d’auto-assemblage moléculaire et
d’auto-organisation en biologie cellulaire.
30. Le récepteur Fc néonatal (FcRn) est une protéine dont la structure est similaire à celle de la
molécule du CMH (HLA) de classe I et qui s’associe également à la bêta-2-microglobuline. On le
trouve dans le placenta où il facilite le transport des IgG de la mère vers le fœtus. Il joue un rôle
dans l’équilibre homéostatique des IgG et de l’albumine sérique. Il permet de recycler ces deux
protéines essentielles en augmentant leur demi-vie et en diminuant leur dégradation dans les
lysosomes des endothéliums digestifs et des cellules hématopoïétiques de la moelle. Il facilite la
transcytose* des anticorps au niveau des muqueuses. L’expression du récepteur Fc néonatal est
régulée à la hausse par la cytokine pro-inflammatoire TNF-α, et à la baisse par l’IFN-γ. (*La
transcytose correspond à un passage à travers une cellule, le plus souvent muqueuse ou
endothéliale. Il peut s’agir de transport transcellulaire de matériaux inclus dans des vésicules qui
ne sont pas interceptées par les lysosomes et qui traversent la cellule d’un côté à l’autre sans être
modifiées).
31. HPA est le système particulier des antigènes plaquettaires humains, variants fonctionnels de
molécules d’adhésion et d’agrégation plaquettaire, servant occasionnellement de site de liaison à
des agents infectieux.
32. L’antigène Duffy ou Fy ou encore FY est une collection de variants moléculaires dont certains
servent de ligand à la chimiokine IL-8 et aussi au parasite Plasmodium vivax, un des agents du
paludisme humain.
33. De type Velcro® par exemple, pour prendre une marque connue.
34. Du latin species plurimae, généralement abrégé en « spp. » (écrit en caractères romains), est
utilisé pour désigner plusieurs espèces non identifiées ou non encore décrites au sein d’un genre,
ou considérées collectivement, ce qui est le cas ici.
35. La mort cellulaire désigne le processus au cours duquel une cellule meurt et est détruite. On parle
de mort cellulaire à partir du moment où les fonctions vitales et les réactions chimiques de son
métabolisme ont cessé. Il existe différents types des morts cellulaires : la nécrose cellulaire,
l’apoptose ou l’autophagie. L’apoptose est la mort cellulaire programmée. C’est le processus par
lequel des cellules déclenchent leur autodestruction en réponse à un signal. C’est une voie
physiologique, génétiquement programmée, nécessaire à la survie des organismes multicellulaires,
en équilibre constant avec la prolifération cellulaire. La nécrose cellulaire désigne une mort
occasionnée par des altérations chimiques ou physiques, souvent venant de l’extérieur comme un
accident. Il s’agit d’une forme de dégât cellulaire qui est toujours irréversible. (L’autophagie est
une dégradation d’une partie du cytoplasme de la cellule).
36. La nécrose programmée (ou nécroptose) est un processus biologique découvert récemment et qui
se caractérise par une mort cellulaire par nécrose grâce à des facteurs liés à l’apoptose. La
pyroptose est une forme de mort cellulaire programmée affectant les macrophages infectés par
certains microorganismes pathogènes tels que Salmonella typhimurium ou Pseudomonas
aeruginosa. L’autophagie, autolyse ou autophagocytose, est un mécanisme physiologique,
intracellulaire, de protection et de recyclage d’éléments cellulaires : les organites indésirables ou
endommagés, un pathogène introduit dans la cellule, des protéines mal repliées… sont ainsi
collectés et transportés vers les lysosomes pour être dégradés. Une partie du cytoplasme est ainsi
recyclé par ses propres lysosomes.
37. Nous voyons une fois encore que l’organisation du système immunitaire est ainsi faite que des
freins sont possibles dès lors que des accélérateurs peuvent être enclenchés ; cette cytotoxicité
créée une ambiance inflammatoire importante, que peut tempérer la phagocytose de corps
apoptotique, plutôt anti-inflammatoire.
38. Tantôt appelés et c’est ma préférence Modificateurs du comportement biologique, tantôt
simplement « cytokines » au sens le plus générique. Ce terme « cytokine » s’applique à un large
éventail de protéines moléculaires de petit poids moléculaire qui jouent différents rôles en régulant
différents aspects de la réaction immunitaire tels que sa durée et intensité. Les cytokines
comprennent les interleukines, les interférons, les facteurs de croissance mésenchymateux, la
famille de chémokines, la famille des facteur de nécrose tumorale et les adipokines, les
lymphotoxines, et bien d’autres encore. Cependant, il n’y a aucun système de catégorie unifié de
cytokine et des cytokines. On peut les considérer aussi selon leur activité fonctionnelle, selon leur
cinétique, selon leur rôle pro- ou anti-inflammatoire, et selon le type de cellule qui l’a produites.
La cytokine peut être décrite comme monokine si la cellule primaire d’origine est un monocyte par
exemple, ou lymphokine si c’est un lymphocyte. Plus récemment, une catégorisation a été basée
sur des homologies de structure observées entre les cytokines relatives. Les chémokines peuvent
être divisées en superfamilles qui partagent les séquences assimilées et ont des homologies de
récepteurs, bien qu’elles ne partagent pas de fonctions similaires. Des récepteurs solubles pour ces
produits peuvent aussi s’assimiler à des modificateurs du comportement biologique. La
superfamille du récepteur de TNF comprend des cytokines telles que les lymphotoxines LT, le
TNF-α et les ligands cellulaires tels que FasL (CD95) et le CD40L. le ligand soluble de CD40
comme celui de CD40L sont également des membres de ces superfamilles.
39. Cela a fait l’objet d’une large partie de mes projets de recherches avec mes collègues chercheurs
et étudiants, durant les deux dernières décennies, à l’université de Saint-Etienne (à présent à
l’INSERM_U1059).
40. À la suite d’une activation d’un récepteur situé sur la surface de la cellule, la protéine G qui est
liée à ce récepteur va pouvoir avoir un effet inhibiteur ou excitateur à l’intérieur de la cellule via
une cascade de signalisation.
41. Les Sélectines sont des glycoprotéines à un seul domaine transmembranaire appartenant à la
famille des lectines qui sont des protéines qui lient les résidus glucidiques et oligosaccharidiques
des glycoprotéines et des glycolipides.
42. La genèse des vaisseaux.
43. Pasteur et les pasteuriens de la première heure privilégiaient une immunité à médiation cellulaire
alors que les allemands privilégiaient une immunité à médiation humorale par les anticorps ; les
querelles franco-allemandes suite à la guerre de 1870 ont retardé la mise en évidence de la
coopération cellulaire et humorale dans l’établissement d’une immunité robuste… Nul n’est
parfait !
44. Une activation indépendante des anticorps est possible, qui active C1, par exemple sur l’héparine,
la protamine, l’ADN ou l’ARN des cellules endommagées, la CRP, etc.
45. La numérotation des facteurs du complément est peu conviviale et très liée à l’histoire des
découvertes. En général, les numéros suivant C sont plutôt de la voie classique tandis que les
lettres capitales sont plutôt de la voie alterne.
46. La scission enzymatique d’une protéine donne pour certains facteurs deux fragments, a et b,
possédant des propriétés distinctes, soit cofacteurs de la poursuite de l’activation du complément
comme C4b et C5b, soit bioactifs dans d’autres systèmes comme l’inflammation, C4a, C5a.
47. Cela se produit dans environ 50 % des cas, et la réponse ou la non-réponse est gouvernée par le
groupe HLA des personnes, bons présentateurs ou moins bons présentateurs de l’antigène RhD.
48. Cette personne a des anticorps dits naturels, apparus après la naissance et croisant avec les
bactéries de l’environnement, anti-A et anti-B, étant de groupe O (ses globules rouges n’expriment
ni l’antigène A, ni l’antigène B) ; voir Garraud O. et Tissot J.D., Le sang et la transfusion sanguine
en 100 Questions Réponses, Ellipses, 2018.
49. Structure à cinq unités de base.
50. D’après : https://www.msdmanuals.com/fr/professional/immunologie-troubles-
allergiques/biologie-du-système-immunitaire/système-du-complément.
51. Ce virus EBV, un virus de la grande famille des Herpes virus, est lui-même un stimulateur
polyclonal des lymphocytes B ; il est responsable de la mononucléose infectieuse mais aussi, plus
rarement, de formes rares de lymphomes (dont le lymphome de Burkitt) et de cancers du
nasopharynx.
52. Le syndrome hémolytique et urémique (SHU) est un choc toxique (parfois surnommé maladie du
hamburger car les bactéries généralement en cause se développent mieux sur les viandes saignantes
hachées, faisant du hamburger un plat à risque pour cette bactérie induit par des toxines produites
par certaines souches de bactéries (shigatoxines en général). C’est une affection grave affectant
principalement les enfants de bas âge (moins de trois ans). Le diagnostic repose sur
l’identification : 1) d’une l’anémie de type hémolytique, mécanique et acquise, avec présence de
schizocytes (supérieure à 2 %), liée à une destruction de globules rouges (hématies) ; 2) une
atteinte de la fonction rénale caractérisée par une élévation anormale du taux de créatinine
sanguine et/ou par une protéinurie et/ou une hématurie ; et 3) une thrombopénie de consommation
qui est une diminution du taux sanguin de plaquettes. 90 % des formes sont typiques, et 10 % des
formes sont atypiques, d’autres causes ou avec d’autres microbes que les Shigelles ; des formes
héréditaires, impliquant un trouble de la voie alterne du complément, un déficit en facteur H, en
facteur I et en facteur MCP du système du complément, ont été décrites et concernent près de 50 %
des syndromes atypiques.Le traitement repose sur la dialyse rénale, la réanimation, des échanges
plasmatiques et dans certains cas l’utilisation d’un anticorps monoclonal anti-C5 (du complément).
53. Du C1 inhibiteur purifié à partir de dons de plasma, un médicament dérivé du sang, est
disponible.
CHAPITRE 8

L’inflammation

D’après Hippocrate…
L’inflammation n’est pas qu’un symptôme clinique. Une très grande
proportion de consultations médicales a une manifestation inflammatoire
comme motif principal, tant chez le spécialiste de médecine générale (ou
de médecine interne) que chez le spécialiste d’organes ; les symptômes de
l’inflammation sont connus depuis les temps antiques ; la médecine
hippocratique les a systématisés dans la fameuse formule : Dolor – Tumor
– Rubor – Calor (douleur, tuméfaction [tumeur], rougeur et chaleur
[fièvre]). Qui a déjà eu un panaris, une crise de goutte, une angine, etc.
comprend bien de quoi il s’agit.

La partie émergée de l’iceberg !


Ces symptômes sont en quelque sorte la partie émergée de l’iceberg.
L’inflammation recouvre un champ beaucoup plus vaste mais aussi
beaucoup plus complexe, car la réduire à son excès pathologique serait
tout à fait inexact sur le plan scientifique. L’inflammation est avant tout
une boîte à outils de l’immunité innée. Elle fait de plus le lien entre la
réaction de défense – qui a des effets souvent disproportionnés et pénibles
sur le plan clinique, avec des destructions tissulaires a priori destinés à
enrayer la menace (infectieuse en particulier) – et la réparation, la
cicatrisation ; elle fait aussi le lien entre la partie générale de l’immunité,
l’immunité innée, et sa partie spécifique, l’immunité adaptative. En effet,
sans une immunité innée et certains outils de l’inflammation l’organisme
ne pourrait pas mettre en place d’immunité adaptée au pathogène et on
prendra ici l’exemple des vaccins prophylactiques antiinfectieux pour
lesquels la présence d’un adjuvant est nécessaire à leur efficacité1 ; cet
adjuvant est bien cette partie de la vaccination qui cause ces effets
désagréables qui valent aux vaccins une partie de leur mauvaise réputation
(une douleur au point d’injection, parfois une induration persistant
quelques jours, ou une fébricule2 occasionnellement). Les principaux
adjuvants vaccinaux sont 1) les alumines (hydroxyde d’aluminium ou plus
rarement l’hydroxyphosphate d’aluminium, 2) Le phosphate de calcium,
3) les liposomes et virosomes, 4) des émulsions huile dans l’eau avec des
dérivés organiques comme le squalène ou un autre adjuvant industriel de
plus en plus utilisé l’AS303®, ou des dérivés minéraux comme le
Montamide ISA51®, 5) des molécules immunostimulantes dérivées des
systèmes de danger biologique PAMP (voir le chapitre précédent) dont le
chef de file est le MPL (monophoshoryl Lipide A) et le Quil A dérivé de
la saponine, ou encore des oligodéoxynucléotides comme les séquences
CpG (cytosine phosphorothioate guanine) ou encore la flagelline ; 6)
différents polymères synthétiques. L’adjuvant sert à créer la réponse de
préparation à l’immunité innée, en recrutant des cellules professionnelles
de la présentation de l’antigène (en l’occurrence vaccinal) aux
lymphocytes T et B qui vont se charger de cette réponse adaptative à
l’antigène et à l’installation d’une mémoire pour cet antigène, qu’il soit
représenté de façon naturelle ou de façon vaccinale à l’occasion d’un
rappel ; cette réponse innée post-adjuvant comprend une large part
d’inflammation. L’inflammation est aussi strictement nécessaire à
l’équilibre du microbiote cutané mais surtout muqueux ; l’intestin en
particulier est physiologiquement maintenu dans un état de sub-
inflammation encore appelé inflammation physiologique, qui permet aux
microbes commensaux ou saprophytes de dialoguer avec les cellules
muqueuses et de contribuer à empêcher la pénétration d’une muqueuse
saine par des microbes pathogènes dangereux et indésirables.

Les maladies inflammatoires gagnent du terrain


Si donc la plupart des consultations médicales ont comme motif annoncé
un des symptômes cliniques bruyants de l’inflammation, fièvre, œdème
douloureux et chaud, ou rougeur anormale, bien plus encore le sont-elles
pour une cause qui n’est pas reconnue comme inflammatoire de façon
évidente, du moins traditionnellement, mais qui – on le sait avec
l’accumulation des connaissances – relève d’un processus inflammatoire
pathologique, citons – en vrac – l’athéromatose vasculaire,
l’hypercholestérolémie, le diabète, la dépression nerveuse, de nombreuses
maladies neurologiques dont la maladie d’Alzheimer, les cancers, des
insuffisances d’organes comme le rein, le foie, l’intestin, le cœur, les
poumons, le pancréas, etc. Bien peu – s’il en reste – de disciplines
échappent à la pathologie inflammatoire.
Si l’inflammation est un symptôme d’appel, une signature qu’une maladie
se développe, une nouvelle classe de syndromes inflammatoires voit le
jour dans la médecine moderne, qui est liée aux traitements et en
particulier aux thérapies tissulaires (greffes, transplantations) et cellulaires
(transfusions, thérapies cellulaires), qui nécessitent de nouvelles
approches. Ces manifestations font sens quand on reboucle la boucle :
l’inflammation accompagne rapidement (minutes, heures, premiers jours)
la réponse aux agressions biologiques que subit un organisme et l’arrivée
de cellules étrangères portant un grand nombre de signaux de différences
biologiques d’avec le receveur/bénéficiaire est en soi un immense stress
qui déclenche une réponse inflammatoire intense.

Inflammation « Yin and Yang »


L’inflammation s’inscrit dans un cycle de type « Yin et Yang » (de la
médecine chinoise), ou comme un équilibre de la médecine indienne
ayurvédique, est très axée sur la balance des éléments pro- et anti-, dont
les phénomènes inflammatoires. L’inflammation est en effet la résultante
d’événements mis en jeu par des cellules multiples, à divers stades de leur
programmes fonctionnels ; ensemble, les événements qui gouvernent le
bon fonctionnement d’un organisme planifient une organisation qui est au
total bénéfique à cet organisme, en éliminant un agent infectieux
dangereux, en surveillant et éliminant un clone de cellules à potentiel
cancéreux, etc. Mais ce faisant, ces étapes de défense empruntent des
voies difficiles sans être pour autant chaotiques ; ces voies difficiles sont
elles-mêmes perçues comme néfastes (d’où la tentation de faire tomber la
fièvre3, de réduire le seuil de la douleur4, etc.), voies qui caractérisent bien
souvent l’inflammation qu’on appelle physiopathologique à différence de
l’inflammation dite physiologique inapparente en particulier dans le
dialogue de notre intestin et de sa collection de « bons » microbes. Sans
oublier l’inflammation de dernière ligne, elle aussi physiologique. On
l’aura donc entendu, l’inflammation immunologique comprend
l’inflammation, son contraire, l’anti-inflammation et la cicatrisation ; la
clinique, elle, ne connaît que l’hyper-inflammation. Les états d’hyper-
inflammation, souvent assimilés aux orages cytokiniques, peuvent être
très dangereux voire mortels et on en connait des exemples comme les
anaphylaxies et les asthmes sévères, les syndromes de défaillance
d’organe, certaines détresses respiratoires aiguës infectieuses (SDRA,
ARDS en anglais), etc. Entre les deux il y a les poussées inflammatoires
sur un fond de chronicité, comme dans certains rhumatismes, des
maladies digestives (MICI), des maladies internes pluri-organes comme le
lupus érythémateux disséminé, des maladies neurologiques comme la
sclérose en plaque, etc. Ces maladies étaient relativement désespérantes
jusqu’à l’arrivée des nouveaux anti-inflammatoires et des biothérapies qui
en ont souvent changé le pronostic.

Une certaine inégalité des chances


L’inflammation est un continuum qui a sa place dans la coordination des
réponses immunitaires ; dans la plupart des cas, cela se passe bien et
l’inflammation se déroule à bas bruit, faisant son job quotidien ; et dans
quelques cas, l’excès domine et l’inflammation devient clinique, et
contreproductive puisqu’elle-même destructrice alors qu’elle a été initiée
pour être à la fois curative des sources de danger, et réparatrice. Quels
sont donc les éléments qui font que l’inflammation reste dans le rang ou
en sort ?
• Le sexe est un élément, les femmes ont en général plus de signes d’hype
r-inflammation que les hommes. Ce point qui était assez unanime
jusqu’il y a peu est en passe d’être balancé, car si les femmes ont
davantage de manifestations d’auto-inflammation et de maladies auto-
immunes, elles s’immunisent davantage contre des cellules transfusées ;
les hommes en revanche produisent davantage de cytokines pro-
inflammatoires en réponse à des stimuli infectieux, et la Covid-19 est
venue en apporter une autre démonstration. On avance plusieurs
hypothèses, dont le fait que les femmes ont deux chromosomes X, ce qui
leur permet de moduler certaines réponses liées à l’X (en inactivant
certains segments, que ne peuvent pas faire les hommes chez qui ces
réponses s’expriment à plein régime). Une autre hypothèse trouverait son
origine dans la capacité à générer des interférons, très antiviraux (pour
ceux de type I) et de ce fait anti-inflammatoires par conséquence puisque
la réponse infectieuse est réglée plus rapidement. On n’exclue pas un
rôle pour les hormones sexuées, une piste de travail pour rendre compte
aussi de la plus forte fréquence des dépressions féminines, la dépression
étant actuellement associée (ou s’associant5) à une certaine forme
d’inflammation. Tout cela reste encore bien débattu et reste à éprouver
par l’évidence scientifique.
• Le système central de contrôle des réponses immunitaires, ce fameux
système complexe majeur d’histocompatibilité ou HLA : certains
génotypes semblent favoriser plus de réponses inflammatoires chez les
uns que chez les autres ; un exemple assez parlant dans la population est
la réponse à la vaccination BCG et les cuti-réactions (des injections de
rappel du vaccin qui avaient pour but de vérifier le statut de la
vaccination par ce cocktail de mycobactéries tuées). Typiquement, le
BCG induit une réponse inflammatoire avec tous les composants de la
membrane mycobactérienne6 ; les réponses au BCG suivent en fait une
courbe en cloche dite courbe de Gauss, un petit pourcentage de
personnes vaccinées – souvent à plusieurs reprises (au-delà de trois, on
n’insistait plus) – ne répondait pas à la cuti-réaction ; et un petit nombre
de personnes y répondent de façon disproportionnée, avec un placard
rouge, chaud, très étendu, nécessitant un traitement local et aussi général
par antipyrétiques et anti-inflammatoires ; et entre les deux, les
personnes ayant une réponse positive mais proportionnée. Des
investigations chez la souris avaient montré des contrôles de réponses de
ce type, encodés par des gènes MLR/lpr. La vaccination BCG n’est pas
considérée comme assez efficace pour sa généralisation, en tous cas pour
les nord-américains des USA, bien que le vaccin ait néanmoins permis –
tout imparfait et générateur d’effets indésirables indéniables et assez
fréquents qu’il ait été – d’avoir contribué au contrôle, en Europe, des
ravages de la tuberculose ; cela étant, depuis plus de trente ans, la
vaccination BCG continue à être utilisée comme adjuvant de l’immunité
pour aider à lutter contre des cancers (par instillation locale comme cela
fut longtemps fait dans les cancers de la vessie) ou par scarification
cutanée comme appliqué dans certains types de lymphomes7) et des
protocoles incluant le BCG sont encore promus pour « booster » le
système immunitaire en complément d’autres stratégies vaccinales (c’est
une piste explorée dans le vaccin anti-SARS-CoV-2 de la Covid-19).
Dans ces cas-là, c’est l’effet protecteur inflammatoire qui a été
recherché.

L’inflammation, une fée bonne et méchante


■ Comme la langue d’Ésope
On avait dit cela de la langue, « la meilleure et la pire des choses »
d’après Ésope. Il en serait donc de même pour l’inflammation. Les
lecteurs intéressés pourront se référer avec avantage à un livre
spécialement dédié au sujet, qu’a écrit mon ami et collègue pasteurien
Jean-Marc Cavaillon, et qui a pour titre évocateur « La flamme
salvatrice8 ».
Après l’exemple du BCG déjà donné9, des applications cliniques
provoquant des inflammations ont été appliquées tout au long du
XXe siècle, ayant même valu un prix Nobel en 1927 à son concepteur le
professeur Julius Wagner-Jauregg (1857-1940) ; il s’agit de la malaria
thérapie, thérapie destinée à créer un choc thermique chez des patients
victimes de neuro-syphilis et de désordres psychiatriques, mise au point
après plusieurs tentatives avec des infections comme l’érysipèle et autres.
Un juré du Nobel démissionna en arguant l’aspect choquant de cette
pratique barbare et non éthique ; l’éthicité de Wagner-Jauregg est à
présent discutée mais il a fallu bien des décennies avant que d’y réfléchir
(Wagner-Jauregg a ensuite manifesté une sympathie ouverte aux théories
nazies de la solution finale). Les pays de l’ancien bloc de l’Est ont ensuite
utilisé de nombreuses variantes de ces chocs, avatars des abcès de fixation
en vogue au début du XXe siècle (se souvient-on du Butler « Thomas
Barrow », dans la série télévisée Downtown Abbey, qui s’injecte de la
térébenthine dans le muscle fessier pour tenter de guérir son
homosexualité ?). Et tout cela n’est-il pas l’avatar des ventouses, succions
pour faire sortir le mal en créant des manifestations inflammatoires (à la
chaleur) ? Nous avons nous-mêmes avec mon ami et comparse Jean-
Daniel Tissot plus longuement discuté de ces aspects dans notre ouvrage
dans la collection Dites 3310 : « It était une fois le sang : il révèle notre
santé et notre hérédité11 ».

■ Déroulement
On l’a vu, une des caractéristiques cliniques de l’inflammation est de
générer entre autres une rougeur et un gonflement (œdème) ; ces deux
symptômes attestent qu’il s’est passé quelque chose qui relève de la
circulation. Dans le chapitre précédent, on a longuement évoqué des
passages de cellules et de leurs produits de sécrétion d’un compartiment à
l’autre de l’organisme, selon des gradients d’attraction ; cela atteste aussi
de l’importance des canaux (vasculaires et lymphatiques) dans ces
réponses de défense immunitaire. L’inflammation est un moment
pédagogique pour aborder à présent ces aspects vasculaires.
• Les aspects vasculaires de l’inflammation
Les trois temps de la coagulation et l’inflammation
La phase vasculaire ou vasculo-exsudative est la réponse immédiate de
l’organisme lésé en particulier au niveau de la peau, mécanisme de
défense destiné à contenir le dommage et à empêcher la fuite excessive de
fluides internes dont le sang et la lymphe. Pour cela, l’organisme met en
place une coagulation, appelée hémostase. La blessure cutanée et
vasculaire (ce peuvent être seulement des vaisseaux capillaires qui sont
blessés) ; cette hémostase aboutit à la formation d’un clou ou d’une croûte
qui va isoler le tissu lésé du reste de l’environnement. Ce qui est vrai pour
les tissus externes est aussi vrai pour les tissus internes et les plus gros
vaisseaux, qui s’usent avec la circulation sous pression sanguine et
nécessitent des réparations permanentes par la coagulation ou hémostase.
L’hémostase comprend trois étapes principales : 1) l’hémostase primaire
qui comprend le spasme vasculaire (la contraction des vaisseaux pour
limiter les fuites), le recrutement et l’adhésion des plaquettes sur les
parois du vaisseau, et l’agrégation des plaquettes entre elles pour former
le clou plaquettaire lequel bouche la brèche puis la comble et la répare ;
2) la coagulation proprement dite ou hémostase secondaire, qui renforce
le clou plaquettaire et emprisonne dans un réseau de fibrine les plaquettes,
des globules rouges et des globules blancs ; 3) la fibrinolyse qui limite
l’extension du caillot (comme on peut le voir dans certaines maladies qui
aboutissent à la formation de très longs caillots qui se détachent et vont
boucher une artère coronaire ou cérébrale) en dissolvant le réseau de
fibrine.
La phase vasculaire
Cette phase vasculaire est déclenchée par l’action de médiateurs
chimiques, avec : 1) la libération d’amines vaso-actives préformées par
les mastocytes (histamine et sérotonine) ; 2) l’activation de protéines
plasmatiques inactives (facteur XII ou facteur Hageman, bradykinine,
kallikréine, complément) ; et 3) la sécrétion de médiateurs lipidiques
(prostaglandines dont prostacycline, leucotriènes, facteur d’activation
plaquettaire [PAF]).
Cette première phase vasculaire comporte elle-même deux principaux
phénomènes :
• une congestion active : sous l’influence de médiateurs chimiques, les
cellules endothéliales (formant la paroi interne des vaisseaux sanguins)
s’activent. Cela entraîne une vasodilatation locale artériolaire puis
capillaire qui provoque une augmentation de l’apport sanguin et une
diminution de la vitesse du flux sanguin. Ce gonflement local des
vaisseaux sanguins est responsable de la rougeur et de la sensation de
chaleur. Il a pour but d’augmenter la circulation du sang afin d’évacuer
les cellules mortes et les toxines (détersion), et d’apporter les éléments
nécessaires à la guérison, notamment des globules blancs pour lutter
contre les éléments agresseurs étrangers ;
• l’afflux de cellules inflammatoires dont les leucocytes qui se dirigent de
façon unidirectionnelle vers le lieu de l’inflammation, c’est le
chimiotactisme. Ces leucocytes qui ont tendance à quitter le milieu du
courant dans la région inflammatoire pour s’accoler à la paroi de
l’endothélium du vaisseau : c’est ce qu’on appelle la margination. Cette
margination est le fait des molécules d’adhésion (comprenant
principalement les molécules portant le suffixe de -CAM, les intégrines
et les sélectines). Parallèlement à la congestion active, les cellules
endothéliales, activées, expriment des molécules d’adhésion (nécessaires
à la diapédèse12) tandis que le vaisseau devient plus perméable
permettant l’exsudation par osmose de l’eau vasculaire, plasmatique,
vers les tissus, ce qui provoque l’œdème.
L’œdème inflammatoire
L’œdème inflammatoire est la conséquence du passage du plasma (plus
précisément d’un exsudat) dans la zone lésée. Il se traduit par un
gonflement du tissu touché et comprime les nerfs alentour provoquant la
sensation douloureuse et les démangeaisons.
Cet œdème a plusieurs rôles : il permet l’apport jusqu’à la lésion de
moyens de défense (immunoglobulines, molécules anti-infectieuse
naturelles, protéines du complément, etc.), la dilution de l’agent
pathogène et la limitation du foyer inflammatoire.
La phase vasculaire
La diapédèse leucocytaire est, on le rappelle, le phénomène permettant le
passage des leucocytes de la circulation capillaire jusqu’au foyer de
l’inflammation. On peut distinguer trois étapes différentes :
1. La margination des leucocytes sur la paroi vasculaire, c’est-à-dire leur
attachement grâce aux « velcros » moléculaires entre les molécules
d’adhésion surexprimées par les leucocytes activés, et surexprimées
également par les endothéliocytes ;
2. Le roulement (Rolling) des leucocytes sur les cellules endothéliales
vasculaires ; libérant leurs tandems d’attachement, les leucocytes se
précipitent sur les molécules libérées de proche en proche, comme on
grimpe une paroi…
3. La diapédèse elle-même, dirigée par des signaux de perte de roulement
et d’induction de franchissement de la paroi13.
• La phase cellulaire proprement dite
La phase cellulaire fait suite à la diapédèse, lorsque les leucocytes sont
amassés dans le tissu interstitiel. Elle correspond à la formation du
granulome inflammatoire. Ce granulome participe à la détersion par les
cellules phagocytaires (granulocytes et macrophages) des éléments de la
réponse inflammatoire, jusqu’à complet nettoyage, avec cependant la
possibilité qu’une partie des débris générés ne soient pas éliminés comme
déchets à l’extérieur des cellules phagocytaires mais conservés sous forme
de polypeptides pour instruire l’immunité adaptative au travers de la
présentation des antigènes.
• La résolution de l’inflammation
L’inflammation bien contrôlée est une réponse normale de l’organisme
qui naît, s’amplifie et s’éteint. Elle est consécutive à une agression interne
(comme un cancer) ou externe (comme une infection). Lorsque le corps
n’arrive plus à maîtriser l’inflammation, celle-là peut déclancher des
maladies diverses aussi diverses que le diabète, les maladies vasculaires
par dépôts de plaques d’athérome, le cancer, etc.
Des efforts importants ont été déployés pour comprendre les mécanismes
moléculaires inflammatoires afin d’en limiter les effets délétères au long
terme, étant entendu que l’inflammation n’est pas que délétère, elle a
également ses effets bénéfiques dans la lutte contre les agressions (« le
Yin et le Yang »).
En effet, c’est une inflammation de trop longue durée ou trop intense qui
expose l’organisme aux effets délétères sur l’organe où elle siège et
potentiellement entrave sa fonction. Les mécanismes de la phase
d’initiation de l’inflammation sont maintenant bien compris. En revanche,
les mécanismes de la phase d’arrêt de l’inflammation n’étaient jusque
récemment pas très bien connus. Des travaux assez récents, ont permis de
comprendre cette phase appelée résolution. De façon tout à fait étonnante,
se mettent en place des molécules collectivement dénommées SPM
(Specialized Pro-resolving Mediators) dont l’objet est de résoudre la
phase aiguë. Ces SPM sont – comme les médiateurs de l’inflammation –
issus des lipides ; en l’occurrence, ils sont issus des acides gras
polyinsaturés, comme les Omega-3, ce que la nutrition avait
préalablement anticipé (!).
Ces acides gras qui donnent naissance aux SPM sont l’acide
arachidonique (AA), l’acide docosahexahenoique (DHA), l’acide
eicosapentaénoique (EPA) et l’acide docosapentaénoique (DPA). Ainsi
l’AA va donner naissance aux lipoxines, l’EPA au résolvines de type E, le
DHA aux résolvines de type D, aux marésines, aux protectines et le DPA
aux résolvines de la famille n-3.
Dans certains cas, le corps ne produit pas ces molécules en quantité
suffisante ou au bon moment. L’arrêt de l’inflammation est alors altéré et
peut s’accompagner de complications telles que la fibrose ou des
cicatrices anormales, ou perdurer de façon chronique sous forme de
granulomes persistants ou de kystes.
De nombreux travaux ont ainsi permis de mieux comprendre la finesse
des mécanismes mis en place naturellement par notre organisme et de
démontrer que les réponses inflammatoires chroniques semblent être dues
à un défaut de résolution. Cela constitue un changement de paradigme
dans la façon dont on appréhende l’inflammation clinique.
À la faveur de ces découvertes, l’enjeu pour arrêter l’inflammation n’est
donc plus de la bloquer, mais de la réguler en favorisant sa phase de
résolution. Ce nouveau champ de recherches porte le nom de
pharmacologie de la résolution. Les SPM agissent de façon différente des
anti-inflammatoires classiques et représentent donc une alternative
thérapeutique très prometteuse pour arrêter de façon programmée
l’inflammation sans la bloquer, en contrebalançant l’effet des médiateurs
pro-inflammatoires, en diminuant la pénétration des cellules
polymorphonucléées dans les tissus inflammés, en stimulant la
phagocytose, en atténuant la douleur et en favorisant la régénération des
tissus. Les SPM sont synthétisés au niveau du site inflammatoire et
passent dans la circulation sanguine pour exercer leur activité à distance.
En permettant un arrêt programmé de l’inflammation, ils évitent l’excès
de fibrose d’une mauvaise cicatrisation et favorisent les capacités de
défense de l’organisme. De façon intéressante, ces agents sont non-
immunosuppresseurs.

■ Quelques compléments sur l’inflammation


• Cellules et inflammation
Les différentes cellules qui participent à l’immunité innée exercent une
action sur l’inflammation, de façon graduée et variable selon la nature de
ces cellules.
Ainsi, l’ensemble des cellules polymorphonucléees est très pro-
inflammatoire, qu’il s’agisse des leucocytes granuleux comme des
éosinophiles et des basophiles, les réponses inflammatoires caractérisant
les deux derniers, ainsi que la version tissulaire des basophiles, les
mastocytes.
La situation est plus complexe pour les monocytes sanguins et les
macrophages tissulaires : la plupart des sous-populations qui les
composent sont pro-inflammatoires, mais une partie – en particulier par le
biais de sécrétions qui sont, comme l’interleukine-10 – mixte, sont aussi
occasionnellement anti-inflammatoires. À l’heure actuelle, trois sous-
populations sont décrites chez l’homme : les monocytes classiques CD14+
CD16neg, les monocytes non-classiques CD14dim CD16+ (dim signifiant
intermédiaire en quantification cytométrique) et les monocytes
intermédiaires CD14+ CD16+. Fonctionnellement, ces sous-populations
sont diverses et hétérogènes et dotées de propriétés pro- et anti-
inflammatoires apparemment redondantes. En pathologie, une
augmentation du ratio entre les monocytes CD16+ et les monocytes
CD16neg a été décrite en situation inflammatoire, suggérant un rôle des
monocytes CD16+ dans le développement et/ou l’amplification de
l’inflammation. Parmi les monocytes non-classiques, certains sont
capables de détecter des altérations de l’endothélium en ayant donc des
propriétés spécifiques de surveillance du lit vasculaire. En poursuivant la
caractérisation de monocytes sanguins par différents marqueurs et en les
induisant à sécréter des produits en cocultures, des auteurs ont observé la
propension d’une fraction de ces monocytes à induire la polarisation de
lymphocytes vers le profil Th2, considéré comme anti-inflammatoire, et
caractérisé par sa forte capacité à produire de l’IL-4, la cytokine
antagoniste typique de la cytokine pro-inflammatoire type, l’IL-12. D’un
autre côté, certains profils de cellules dendritiques ont été décrits
uniquement en situation d’inflammation ; il a été démontré que ces
profils-là dérivaient de précurseurs monocytaires.
Les lymphocytes sont aussi dichotomisés en pro- et anti-inflammatoires,
selon le profil de sécrétion qu’ils opèrent : davantage d’IFN-g, d’IL-1 et
d’IL-12
– pro-inflammatoires, d’IL-17 ou de RANKL – totalement
inflammatoires, mais on les trouve principalement dans les états
pathologiques constitués, ou davantage d’IL-4 – anti-inflammatoire. En
général, sont plutôt pro-inflammatoires les lymphocytes non-
conventionnels, gd, et les lymphocytes conventionnels de l’immunité
adaptative de type Th1, cytotoxiques, tandis que les lymphocytes
concentionnels de type auxiliaire sont plutôt anti-inflammatoires.
Une catégorie de cellules en général très pro-inflammatoire est la
plaquette sanguine ; la plaquette sanguine est capable de s’activer au
contact de nombreux types de déclencheurs, a fortiori les altérations de
l’endothélium vasculaire (les molécules exposées alors qu’elles devraient
être protégées du sous-endothélium), ainsi que par des facteurs de la
coagulation ; de multiples agents infectieux et un grand nombre de leurs
produits activent aussi les plaquettes, de même que les cellules
polymorphonucléées granulocytaires, en particulier lorsqu’elles sont
stimulées par des agents infectieux ou des cellules tumorales ; ces
leucocytes émettent de façon assez caractéristique des évaginations,
appelées NETs (Neutrophil Extracellular Traps), qui engagent avec les
plaquettes sanguines une interaction bilatérale dans les processus
pathologiques ; ces émissions cellulaires sont très inflammatoires. Les
plaquettes ont un très grand potentiel sécrétoire et la plupart de leurs
produits sont plutôt pro-inflammatoires ; les plaquettes s’avèrent capables
de sécréter également des produits anti-inflammatoires, mais ceux-là,
comme le TGF-b, sont plutôt instables et rapidement dégradés, laissant la
plaquette opérer principalement son action pro-inflammatoire. Mais la
plaquette est ambivalente, car elle a également un rôle essentiel qui fait
partie de sa mission primordiale, réparer l’endothélium vasculaire érodé,
ou altéré ; elle participe ainsi à la cicatrisation, bouclant la boucle du
processus complet de l’inflammation, de la physiologie à la
physiopathologie.
• Molécules solubles de l’immunité et inflammation
L’ensemble des produits issus de la phagocytose ou nécessaires à la
phagocytose est pro-inflammatoire, et il en est de même pour les
cytokines et chimiokines de l’immunité innée, de la détection de l’intrus à
la résolution du problème. Parmi les produits de dégradation libérés et très
inflammatoires, on trouve l’ADN mitochondrial. Ce n’est qu’avec la
résolution de l’inflammation que se rencontre principalement les
processus non ou anti-inflammatoires comme déjà vu plus haut. On a
aussi vu que des molécules comme les fractions du complément
participent aussi du processus inflammatoire, et de même les molécules de
la cascade inflammatoire, etc.
• Alimentation et inflammation
Nos anciens avaient eu l’intuition d’aliments pro-inflammatoires et anti-
inflammatoires, en particulier au travers d’extraits de plantes aromatiques,
ce que reproduit l’aromathérapie, copie occidentale de la médecine
orientale.

1. Voir la communication à l’Académie des Sciences de MM. les Pr P. Bégué, M. Girard, H. Bazin et
J.F. Bach : http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2013/10/adjuvants-vaccinaux-
rapport-ANM1.pdf.
2. Une fébricule est une augmentation modeste de la température corporelle (par exemple un 37°8 à
38°C persistant quelques jours ou plus).
3. La fièvre en elle-même est un mécanisme de défense de notre organisme pour lutter contre le
développement des principaux agents infectieux viraux et bactériens, et contrôler cette température
– si elle n’est pas dans la zone dangereuse pour le tissu cérébral en particulier – n’a donc pas que
des intérêts.
4. La douleur est aussi un mécanisme de défense qui alerte l’individu sur les risques en train de
subvenir ; les personnes insensibles à la douleur présentent en général de graves destructions
tissulaires car elles n’ont pas été alertées des dangers encourus ; mais ici, en l’occurrence, l’intérêt
de conserver un seuil douloureux n’a plus d’intérêt en médecine et on n’accepte plus la douleur
comme étant ni nécessaire, ni inéluctable.
5. Il convient d’être prudent.
6. Le BCG pour Bacille (bilié) de Calmette et Guérin est le vaccin ancien contre la tuberculose
humaine, une maladie infectieuse transmissible, grave, causée par une mycobactérie. Les
mycobactéries sont des bactéries d’un type particulier, se présentant comme des bacilles fins plus
ou moins recourbés, ne se colorant ni à l’acide ni à l’alcool d’où leur ancienne qualification
d’acido-alcoolo résistants ou BAAR négatifs, et qui ont comme caractéristiques d’être enveloppées
par une couche cireuse protectrice qui leur confère des propriétés particulières. Les mycobactéries
sont des hôtes des cellules (intracellulaires) la plupart du temps mais de façon non obligatoire.
7. L’auteur a lui-même contribué à un essai clinique de ce type dans les années 1980.
8. Aux éditions Docis, Paris (2017).
9. On aurait pu ajouter aussi l’application du BCG à la fois pour traiter et prévenir la lèpre (causée
par un bacille assez proche de celui de la lèpre dans sa constitution), puisque cela fut tenté un
temps également.
10. Dr Philippe Charlier, éditeur.
11. Aux éditions Humensis, Paris (2021).
12. La diapédèse est la migration des leucocytes à travers la paroi des capillaires, lors d’un processus
inflammatoire.
13. D’intéressantes vidéos peuvent être consultées sur le site : https://www.news-medical.net/life-
sciences/Acute-Inflammation-and-the-Leukocyte-Adhesion-Cascade-(French).aspx.
CHAPITRE 9

L’immunité de transition, de
la phase innée à la phase
adaptative : le système HLA

Une course de relais


Grâce à ses nombreux outils tant cellulaires que moléculaires, l’immunité
innée a le plus souvent raison des agresseurs. Néanmoins, certains
agresseurs ont un génie propre à résister aux moyens de l’immunité innée,
et c’est alors qu’intervient l’immunité adaptative. Celle-là, d’installation
plus longue (il lui faut entre une et deux semaines pour s’établir) est aussi
de durée plus longue dans le temps, allant de plusieurs semaines à
plusieurs dizaines d’années. Une immunité adaptative se met aussi en
place y compris quand l’immunité innée n’a pas résolu le problème
(risque infectieux en particulier) par les seules cellules
polymorphonucléées (polynucléaires) et les macrophages. Les principaux
outils visibles de cette immunité adaptative sont les anticorps, facilement
détectables par la sérologie ; cependant, d’autres outils sont essentiels à
l’immunité adaptative, comme les réponses spécifiques des lymphocytes
T.
Afin qu’il y ait le passage de l’une à l’autre immunité, le système
immunitaire a imaginé un pont qui permet à certaines cellules du système
immunitaire inné (en particulier les cellules dendritiques, les macrophages
et des lymphocytes B effecteurs mémoires) d’instruire et de sensibiliser
des lymphocytes T en leur présentant un antigène que seuls ils sont
capables (ces lymphocytes T) de reconnaître spécifiquement, car ils sont
configurés génétiquement pour cela. Il y a des milliers de milliards1 de
possibilités de reconnaître une dizaine de structures alignées comprenant
une à deux dizaines d’acides aminés : c’est ce qu’on appelle le répertoire
de reconnaissance des lymphocytes T. Cette présentation de peptides
antigéniques fait appel à un support, un présentoir, une niche à peptide,
qui est le complexe majeur d’histocompatibilité, dont l’essentiel est
résumé, chez l’homme, par le système HLA, HLA voulant dire Human
Leukocyte Antigen (Antigène leucocytaire humain).

« Garçon, le menu s’il vous plaît ! »


La présentation d’antigènes est l’articulation de l’immunité, et pour bien
comprendre cette immunité, il faut élucider un certain nombre d’étapes
dans la chaîne de réaction :
• Quels sont les pathogènes susceptibles de donner des antigènes ?
• Comment une phagocytose cellulaire incomplète permet-elle de séparer
des peptides, prêts à être insérés dans une niche HLA ?
• Comment s’apparient ces polypeptides dans les molécules HLA ?
• Comment sont-ils ensuite exportés à partir des assemblages cellulaires
depuis le cytoplasme des cellules présentatrices d’antigènes à leur
surface membranaire ?
• Comment s’opère la présentation des peptides aux lymphocytes T par
les cellules présentatrices professionnelles ?
• Comment ces peptides présentés aux lymphocytes T sont-ils
sélectionnés dans le répertoire ?
• Comment se font les étapes de cohésion cellulaire autour de la synapse
immunologique ?
• Quels signaux cellulaires et moléculaires activent les lymphocytes T et
co-activent les cellules présentatrices ?
• Quelles sont les conséquences de l’activation lymphocytaire T et de leur
différenciation en cellules effectrices puis en cellules mémoires ?
• Quelle est la géographie anatomique et micro-anatomique de ces
différentes étapes ?

« À bon répondeur, salut ! »


Le système du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH), le système
HLA chez l’homme, a une fonction essentielle et centrale dans l’immunité
car il gouverne les niveaux de réponse innée et contrôle les réponses
adaptatives, définissant ce qu’on appelle des sujets répondeurs et des
sujets non répondeurs à telle ou telle stimulation antigénique ; en fait, ce
qu’on a longtemps cru être une histoire de réponse est à présent bien
identifié comme une histoire de présentation : certains individus
s’immunisent mieux que d’autres, naturellement ou par la vaccination,
parce que leur système HLA est capable de présenter efficacement (ou au
contraire ne pas présenter correctement) des peptides aux lymphocytes T
réactifs. Cela a deux niveaux de conséquence : le premier est un
« avantage » qui permet aux individus porteurs du « bon » type HLA de
fabriquer une réponse immunitaire protectrice contre un agent pathogène,
un agent infectieux par exemple ; et le second niveau est à l’inverse un
« désavantage » quand le système HLA de certains individus présente trop
fortement des peptides du soi biologique, favorisant l’auto-immunité, ou
quand il présente trop facilement des peptides d’antigènes étrangers,
provenant par exemple de globules rouges ou de plaquettes transfusées,
ou d’organes transplantés, favorisant leur élimination ou leur rejet, alors
qu’il aurait fallu les protéger. C’est pour cela que le système HLA est
assimilé par le grand public au contrôle de la prise ou du rejet des greffes
ou à la compatibilité des greffons, mais cela n’est qu’une conséquence de
leur rôle ; en effet, d’être greffé n’est ni fréquent, ni surtout naturel (la
nature n’a pas prévu qu’on puisse échanger nos tissus entre humains et
encore moins entre humains et animaux2 ; au contraire, elle nous a dotés
de systèmes qui nous protègent des intrus et des intrusions du non soi
biologique) ; rejeter un greffon est une réponse immunologique de base
attendue, car l’organisme ne sait pas qu’il s’agit d’un traitement : il le
perçoit comme une agression biologique.

Une histoire de professionnelles… mais aussi de


vocation
Toutes les cellules de l’immunité innée, et au sein de celles-là, toutes les
cellules phagocytaires, n’ont pas vocation à présenter professionnellement
les antigènes.
■ Au commencement, survient un pathogène…
Le lecteur est à présent familier avec cette notion de pathogènes, appelés
en général agents pathogènes lorsqu’il s’agit d’éléments microbiens
infectieux, et par leur nom lorsqu’ils sont d’autre nature (cellule tumorale,
clone auto-immun).
Tous les pathogènes ne sont pas immunogènes c’est-à-dire donnant lieu à
une réaction immunologique de l’immunité adaptative détectable
spécifiquement ; certains le sont davantage que d’autres en fonction de
leur nature et de leur composition chimique et de leur revêtement propre3.
Les pathogènes composés principalement de protéines ou de
glycoprotéines sont les plus à même d’induire une réponse
immunologique complète, stimulant les lymphocytes T, déclenchant une
production d’anticorps par des lymphocytes B spécifiques et activés ; ces
anticorps sont les cibles les plus faciles à détecter au laboratoire4. Quand
les pathogènes sont riches en lipides, la réponse immunitaire, au lieu
d’être classique, va adopter des chemins de traverse, faisant appel à des
« plans B » que la nature, dans sa sagesse et son évolution a installés.
Le type de description mis en place aux chapitres précédents a fait une
large part à la phagocytose, qui est un outil puissant de la lutte de
première ligne et innée contre les agents pathogènes infectieux. Certaines
bactéries et mycobactéries et certains parasites et champignons, de même
que les agents infectieux non conventionnels comme les prions, sont mal
phagocytés ; certains y échappent complètement, et d’autres fond leur nid
dans la cellule phagocytaire, allant jusqu’à l’inactiver ou la détruire. Il est
évident que ces agents-là ne sont pas de bons candidats à la mise en place
d’une immunité de seconde ligne, adaptative, robuste. Par exemple, on
aura du mal à identifier des réponses anticorps contre des constituant de
ces agents-là. Les cellules tumorales et les clones auto-immuns vont être
davantage ciblés par les réponses cytolytiques directes et indirectes, par
les cellules Natural Killer en particulier. Lorsqu’ils auront été détruits,
leurs résidus ne seront pas tous nécessairement évacués, et une partie
pourra être récupérée par des cellules phagocytaires, soit pour être
évacuée ailleurs (dans le foie, la rate, ou encore les poumons, en
particulier) soit pour être amenés vers le système immunitaire adaptatif.
■ Puis vinrent les cellules phagocytaires professionnelles
de la présentation…
Certaines cellules phagocytaires sont pas capables de ne pas s’arrêter à la
dégradation des pathogènes en débris, mais elles conservent, après les
avoir découpés en segments alignés d’une dizaine d’acides aminés, des
polypeptides. Les cellules dendritiques sont les championnes de cet
exercice, réalisé aussi par les macrophages. Les lymphocytes B mémoires,
capables de présenter l’antigène, ne phagocytent pas mais absorbent des
fragments pathogènes d’une autre façon, par pinocytose en particulier, ou
en ayant internalisé et digéré un complexe immun composé d’une
immunoglobuline ayant capturé un fragment de pathogène dans
l’environnement. Les cellules dendritiques peuvent aussi fonctionner par
pinocytose pour capturer les pathogènes ou leurs fragments (infectieux ou
cellulaires). Ces trois types cellulaires peuvent être reconnus comme
professionnels de la présentation de l’antigène au lymphocytes T. Cela
n’exclue pas que quelques autres types cellulaires ont pu être décrits
comme pouvant – dans des modèles expérimentaux « forcés » – réaliser
une présentation d’antigène, mais cela reste exceptionnel. Quelques
cellules très particulières, cantonnées à des tissus bien définis comme la
moelle osseuse hématogène, le thymus ou les ganglions lymphatiques
hébergent, dans des zones très précises, certaines cellules exclusives
capables de présenter des antigènes du soi aux nouveaux lymphocytes
pour tester leur réactivité, et ces présentations sont elles aussi réalisées
dans un contexte HLA.

■ Ce n’est pas le tout de bien cuisiner, il faut soigner le dressage


et la présentation !
Pratiquement toutes les cellules nucléées de l’organisme possèdent et
expriment des molécules HLA, une composante essentielle – chez
l’homme – du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), qui
comprend aussi une composante dite mineure. Ce CMH est un système
complexe, ubiquitaire5, proche des antigènes qui définissent les groupes
sanguins ABO en particulier ; les molécules du CMH/HLA, comme les
antigènes A et B du groupe ABO, forment ainsi des antigènes de groupes
tissulaires ; pour ce qui concerne les molécules du CMH – qui comprend
plusieurs composantes –, deux retiennent plus particulièrement notre
attention, les molécules dites de classe I et celles de classe II (les
molécules de classe III ne nous retiendront pas dans cette présentation).
Ce système du CMH/HLA est le centre de contrôle des réponses
immunitaires adaptatives : « Répond ? Répond pas ? Et si répond, à
quelle intensité ? » ; le CMH gouverne aussi d’autres niveaux comme des
éléments de la réponse innée et de l’inflammation, mais ce n’est pas sans
lien puisqu’il faut une réponse innée mesurée et un certain niveau
d’inflammation pour activer la présentation d’antigène…
Ces molécules HLA de classe I et de classe II sont en situation
intracellulaire et aussi exposées à la membrane des cellules, dont elles
sont le cas échéant détachables ce qui fait qu’il existe des molécules HLA
solubles dans les fluides biologiques (de faible niveau en général).
Les protéines endogènes6 vont être dégradées dans le protéosome7 de la
cellule ; les peptides dégradés vont être transportés par un système appelé
TAP (Transporter Associated with Antigen Processing) vers le réticulum
endoplasmique8 où ils se lient avec une molécule HLA de classe I. Ce
complexe « HLA de classe I & peptide » est rapidement exporté à la
membrane de la cellule présentatrice (figure 18, partie haute).
Les protéines exogènes9 sont, elles, présentées de préférence par des
molécules HLA de classe II, qui se trouve dans le réticulum
endoplasmique cellulaire et dont le sillon de liaison est protégé par une
molécule synthétisée localement et appelée chaîne invariante (Ii). Les
protéines exogènes sont dégradées dans l’endosome10 de la cellule vers
lequel est exporté le complexe HLA II/Ii. La fusion de l’endosome avec
les lysosomes11 cellulaires dégradent le polypeptide antigénique et la
chaîne Ii, ce qui permet à un petit peptide clivé de se glisser dans le sillon
de présentation du HLA II ; le complexe « HLA de classe II & peptide »
est alors rapidement exporté à la membrane cellulaire. Les molécules
HLA II de type DM et DO12 trouvent ici leur fonction en aidant au
chargement des peptides dans les molécules sœurs HLA DR, DP et DQ13
(figure 18, partie basse).
Si les préférences du système HLA de classe I pour les peptides
endogènes, et de classe II pour les peptides exogènes sont largement
majoritaires, il existe des présentations dites croisées dans lesquelles le
HLA présente l’autre type de peptide.
Les CPA – cellules présentant l’antigène – présentant des complexes
« HLA de classe I & peptides » ciblent préférentiellement des
lymphocytes T portant la marque CD814 (une molécule cohésive avec le
HLA de classe I de la CPA), lymphocytes dont la fonction sera d’être des
effecteurs cytotoxiques. Les CPA présentant des complexes « HLA de
classe II & peptides » ciblent préférentiellement des lymphocytes T
portant la marque CD4 (une molécule cohésive avec le HLA de classe II
de la CPA), lymphocytes dont la fonction sera d’être auxiliaire pour
d’autres types cellulaires (lymphocytes B et lymphocytes T CD8+
principalement).
La taille des peptides présentés par les molécules HLA est autour d’une
dizaine d’acides aminés, avec des exceptions sur des peptides plus petits
ou plus longs.
Figure 18 : Internalisation et apprêtement des peptides antigéniques
dans les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (HLA) de
classe I et de classe II

■ Et que vogue la galère !


Ces cellules, présentatrices et lymphocytes T, continuent leur vie de
cellule, émettant des signaux et produisant des ressources biologiques.
La phagocytose, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, met en jeu
un signalosome15 qui est une cascade d’événements amenant des
activations de segments de gènes, messages traduits en protéines destinées
à faire fonctionner la cellule, la rendre opérationnelle dans la voie de la
phagocytose, dans la présentation d’antigène, et dans l’activation des
autres cellules de l’environnement. Au chapitre de l’activation, le
principal événement est la co-activation des lymphocytes T au contact de
la cellule présentatrice autour de la rencontre avec le peptide antigénique.
Une partie importante de cette activation engage le signalosome des
cellules répondantes, qui a aussi vocation – pour ce qui concerne la CPA –
à faire produire les quantités de molécules HLA nécessaires. La co-
activation des lymphocytes T va nécessiter la présence de nombreuses
molécules adhésives (qu’on appelle des adhésines – dont les molécules
HLA dont c’est aussi une des multiples fonctions !) – et aussi de
molécules sécrétées qui vont avoir des rôles bien assignés et séquentiels
(comme les adhésines) sur les lymphocytes T rencontrés, et sur les autres
cellules de l’environnement, comme les lymphocytes B dans les ganglions
lymphatiques.

■ Au total, si les autres acteurs sont présents en levée de rideau, il manque


néanmoins le 1er rôle !
Prendre des métaphores est une licence vulgarisatrice mais c’est prendre
un vrai risque scientifique. Pourrait-on dire que la préparation du
spectacle se fait avec les acteurs de l’immunité innée ?
Sont présentes les cellules phagocytaires et inflammatoires nécessaires et
suffisantes, qui ont mis en place le bon nombre d’acteurs moléculaires
fixés sur les cellules elles-mêmes (dont les adhésines) et sécrétoires
solubles (dont les cytokines et les chimiokines et d’autres molécules
apparentées que nous avons nommées modificateurs du comportement
biologique ou BRM). Sont aussi produites les molécules HLA des classes
I et II. Tout cela se fait dans des environnements précis et pas du tout au
hasard (environnements qui seront bien vite détaillés), lesquels vont
favoriser l’afflux des lymphocytes T avides de rencontrer leur partenaire
(un chacun – que la morale soit sauve !).
Les lymphocytes T sont donc – dans le jeu de l’initiation des réponses
immunitaires adaptatives – les premiers rôles, ou les rôles titres.

Le bal de la présentation de l’antigène et la parade


nuptiale des lymphocytes réactifs
■ Mais comment font-ils ?
Comment un peptide antigénique exposé peut-il bien être reconnu par un
type bien précis de lymphocyte T ?
Exposé dans le cadre d’une molécule HLA configurée pour lier ce peptide
là (il existe de très nombreux variants de ces molécules et tous les variants
ne sont pas capables de lier tous les peptides antigéniques
indifféremment), le peptide est positionné pour être reconnu par un
lymphocyte T qui a la disposition complémentaire pour le lier et s’activer
du fait de cette reconnaissance très fine, très intime, peptide à peptide.
Seul un lymphocyte ou un clone de lymphocytes T parmi des milliers de
milliards de combinaisons possibles possède le récepteur adapté à ce
polypeptide, ce qui supposerait un facteur chance considérable pour que la
rencontre se produise. En fait, le système immunitaire réduit cet aléa en
favorisant la rencontre dans un lieu privilégié qui est le ganglion
lymphatique, lieu de résidence privilégié de ces lymphocytes T. Pour voir
un tableau de maître, on va au musée ; chacun a fait l’expérience de ces
grandes expositions absolument bondées : on ne va pas au musée visiter
cette exposition-là sans démarche volontaire en effet. On a aussi tous fait
l’expérience de tomber en arrêt devant tel ou tel tableau, qu’on aimerait
voler tant il semble fait pour soi et pas pour quelqu’un d’autre, et parfois
c’est sur détail bien particulier qu’on accroche, un détail s’il s’agit d’une
œuvre figurative ou d’une couleur ou d’une matière s’il s’agit d’une
œuvre abstraite. Ce tableau aura été vu des millions de fois, depuis sa
première exposition, mais on peut avoir l’impression qu’il est vraiment vu
pour la première fois (par soi). C’est ainsi que se produit la rencontre
entre un détail du tableau (présenté dans un cadre – la molécule HLA) et
le récepteur pour l’antigène du lymphocyte T réactif pour le polypeptide
en question. Comment rester en contemplation devant ce tableau alors que
la foule nous entraîne vers le suivant, parfois dans une bousculade contre
laquelle on ne peut pas grand-chose… ? Sauf à trouver un moyen
d’accroche particulier pour demeurer. Et c’est ce qui se passe dans la
synapse qui se créée entre la cellule présentant l’antigène et le lymphocyte
T : ces deux types cellulaires s’accrochent l’une à l’autre pour consacrer
la rencontre entre le peptide exposé sur l’une (la CPA) et le récepteur
spécifique de l’autre (le Lymphocyte T). Cette synapse16 dite
immunologique est très particulière car elle met en jeu un processus
dynamique de type Rubikub®17 d’attachement et de détachement
(figure 19). Ces différents points vont être détaillés à présent.
Figure 19 : La synapse immunologique

■ « Entrez dans la danse, voyez comme on danse18… »


• La préparation au bal et en route vers le palais du ganglion lymphatique
Une nouvelle fois, l’immunité innée aura abouti à la capture d’un
pathogène par l’un des moyens qui ont été présentés dans les chapitres
précédents. Cette capture s’associe à une activation de la cellule, future
cellule présentatrice d’antigène, et à sa migration vers le ganglion drainant
au plus proche du site de la capture. Pourquoi cela ? Pour pouvoir
présenter l’antigène issu du pathogène capturé aux innombrables
lymphocytes ganglionnaires, en attente de leur partenaire de bal. La
rencontre a alors des chances de se produire, si l’individu est
génétiquement un bon présentateur de cet antigène, c’est-à-dire si sa
génétique favorise la réponse immunitaire adaptative pour différents
antigènes issus du pathogène, idéalement en vue d’établir une réponse
adaptée de protection robuste (et cela dépend bien sûr du pathogène, et
aussi du CMH de l’individu au travers sa collection de molécules HLA19).
• La parade nuptiale, le déploiement des atours
Un peptide antigénique est exposé dans la boucle de présentation que
forme la partie la plus extérieure de la molécule HLA, prêt à être détecté
et prêt à reconnu par un lymphocyte T via ses antennes que sont ses
récepteurs lymphocytaires pour l’antigène. Un lymphocyte T possède de
très nombreuses copies du même modèle de récepteur, dupliqué pour
multiplier les chances d’accrocher le peptide antigénique, mais
« exclusif », d’un seul type par lymphocyte. Le lymphocyte sort aussi
d’autres antennes moléculaires à sa surface, après avoir mobilisé son
propre signalosome, afin de pouvoir « scotcher » des molécules
complémentaires sur la cellule présentant l’antigène. Ce sont tout d’abord
des molécules soit CD4 soit CD8, rarement les deux en même temps
puisqu’il s’agit d’un lymphocyte mature et non plus d’une cellule
immature20. La molécule CD4 des lymphocytes sert à entrer en relation
avec la molécule HLA de classe II du partenaire HLA de la CPA, et la
molécule CD8 avec la molécule HLA de classe I. Et de nombreux autres
couples se forment, certains partenaires étant plus caractéristiques de la
CPA et d’autres plus du lymphocyte T, ou pas… (figure 19). Ces
appariements se font en dansant, en ronde, de façon à emprisonner le
couple HLA/peptide d’une part, le récepteur lymphocyte T spécifique
d’autre part, au centre de la piste, et de donner le temps au peptide
d’activer le récepteur du lymphocyte T, et à la CPA de co-activer le
lymphocyte entier.
• Le baiser cellulaire
Cette parade nuptiale cellulaire de la synapse immunologique a été
appelée le baiser cellulaire et il existe sur certains sites internet des micro
vidéos accélérées montrant parfaitement l’attachement, l’enroulement des
deux partenaires l’un à l’autre, de façon à maximiser les échanges
cellulaires et moléculaires, et le détachement des deux cellules21.
• La séparation : chacun pour soi…
Même dans les meilleurs films hollywoodiens le baiser des acteurs
principaux ne dure pas plus d’un certain temps, quand bien même serait-il
très long22. Les protagonistes se détachent. Revenons à l’image du
Rubikub® introduite précédemment. Un cube composé de 9 cubes qui
pivotent sur les 6 faces d’un dé ; du désordre des couleurs initiales, par
mouvements successifs, le joueur fait pivoter les 56 cubes individuels
jusqu’à ce que chacune des 6 faces du grand cube soit de la même
couleur. Dans la synapse immunologique, la phase du baiser cellulaire
serait celle du jeu, et le détachement serait l’arrivée à l’uniformité de
chaque face. Cela se produit en effet : les mouvements successifs des
adhésines font perdre la cohésion de la différence pour le relâchement de
l’uniformité, permettant aux deux partenaires de repartir achever leur
mission chacun de leur côté.

■ Et après ?
La délivrance du signal antigénique au lymphocyte T est une lance à
double face : 1) sans co-activation, elle entraîne une anergie – une
paralysie – du lymphocyte pour cet antigène ; 2) mais avec des co-signaux
délivrés par la CPA et l’environnement dans lequel s’est déroulée la
rencontre (le bal), le lymphocyte sensibilisé peut progresser et devenir un
effecteur (ce qui sera détaillé au chapitre suivant). La CPA ne va pas
repartir comme elle est venue car elle a vécu une expérience qui a modifié
en elle le programme de sécrétion de molécules, de l’expression de ces
molécules à la membrane de la cellule activée, ou leur excrétion dans
l’environnement ; la cellule va tout d’abord ré-internaliser les molécules
qui ne sont plus nécessaires à l’instant, dont les molécules HLA chargées
de peptides antigéniques non utilisées, afin de les recycler en vue d’un
nouveau bal.
HLA : système, molécules, antigènes… il faudrait
savoir !
■ Le HLA, Quèsaco23 ?
L’acronyme HLA vient de Human Leukocyte Antigen, c’est-à-dire
Antigène Leucocytaire Humain. C’est ainsi sous cette forme que le
système qui porte ce nom a été identifié pour la première fois, mais ce
système s’est vite diversifié, à l’instar de ce qu’on avait découvert chez
les souris et de ce qui contrôlait le rejet de tumeurs greffées puis de tissus
sains. Chez la souris, c’est assez tôt au XXe siècle que des chercheurs de
renom ont identifié, chez des races de souris très homogènes, des
gouvernances génétiques du rejet des tissus et des immunisations,
permettant de définir le complexe majeur d’histocompatibilité CMH ; ce
système polygénique est gouverné par le système H2 chez la souris et
comprend plusieurs types. Chez l’homme, ce système – appelé HLA –
permet lui aussi le contrôle des greffes, mais plus largement également le
contrôle des réponses immunitaires. Il s’agit d’un système polygénique
mais dont les gènes sont proches les uns des autres et regroupés sur le bras
court du chromosome 6.
On parle souvent d’antigène HLA ; or, un antigène – on l’aura compris
des chapitres précédents et cela sera mieux explicité dans le chapitre
suivant – c’est ce qui déclenche une réponse immunitaire adaptative ; de
plus, on a également vu précédemment que le HLA c’était ce qui
présentait l’antigène aux lymphocytes T, pas l’antigène lui-même ! Il y a
là une certaine ambiguïté qui va vite être levée. Pour cela, il faut revenir à
l’histoire du HLA. Le professeur Jean Dausset était un clinicien à l’hôpital
Saint-Louis et un chercheur au centre national de transfusion sanguine à
Paris ; il avait remarqué que des sérums de sujets pauvres en leucocytes
agglutinaient les leucocytes d’autres personnes, identifiant par là un
groupe sanguin leucocytaire défini par des molécules immunisantes ; en
effet, les personnes porteuses du pouvoir agglutinant étaient des personnes
multi-transfusées, immunisées contre les leucocytes des différents
donneurs de sang. C’étaient bien en l’occurrence des antigènes, d’abord
nommés MAC, car le professeur Dausset avait constitué des panels de
donneurs et M-A-C étaient les initiales des premiers de la liste. Très vite,
le professeur Dausset a compris que ce système était bien plus complexe
qu’il n’y paraissait et qu’il gouvernait quelque chose du même ordre que
le système H2 de la souris. Il a été rejoint, dans une compétition qui a eu
ses bons et ses moins bons moments, par deux autres génies de la
médecine et de la science, que furent Jon van Rood des Pays-Bas et Rose
Payne des USA. Des trois, seul Jean Dausset a été lauréat du prix Nobel
de physiologie et médecine en compagnie des découvreurs du rôle du H2
chez la souris, George D Snell et Baruj Benaceraff (USA), en 1980. La
mention du prix au professeur Dausset pour sa récompense du prix Nobel
était « pour la découverte sur les structures génétiquement déterminées sur
la surface d’une cellule et régulatrices des réactions immunologiques ».

■ Le système HLA moléculaire et cellulaire


• L’organisation du système HLA
Les produits des gènes
Le système HLA est codé par une série de gènes proches les uns des
autres sur le bras court du chromosome 6. Ces gènes codent pour des
protéines de trois classes nommées I, II et III, en fait positionnés en I, III
et II sur le chromosome (figure 20).
• Les produits de classe I sont nommés avec une grande lettre ; on en
reconnaît trois principaux, A, B, et C, et plusieurs autres comme E, F et
G, qui ont des rôles moins universels mais centraux (HLA G participe à
la tolérance des embryons pendant la grossesse par exemple).
• Les produits de classe II sont nommés avec deux grandes lettres ; on en
reconnaît également trois principalement DR, DQ, DP, mais au moins
deux autres sont d’intérêt médical, DM et DO ; les gènes codant pour la
classe II codent aussi pour des protéines du protéasome, TAP1 et TAP2.
• Les produits de classe III codent pour des protéines du complément et
aussi des cytokines comme les lymphotoxines LT et le TNF-a.
Il y a donc 3 gènes majeurs pour le HLA de classe I, A, B, C et trois gènes
mineurs, E, F, G.
Il y a 3 gènes majeurs pour la classe II, DP, DQ, DR et deux gènes
mineurs, DM et DO. Pour le HLA DP, la chaîne a est codée par le locus
HLA-DPA1 et la chaîne b par le locus HLA-DPB1 ; pour le HLA DQ, la
chaîne a est codée par le locus HLA-DQA1 et la chaîne b par le locus
HLA-QQB1 ; pour le HLA DR, la chaîne a est codée par le HLA-DRA1
et la chaîne b par un des quatre locus, trois possibles chez une même
personne, DRB1, DRB3, DRB4 et DRB5 (figure 20).
Figure 20 : Les gènes codant pour les différents allèles des molécules du
CMH (classe I et II ; classe III non représentée)

La structure des molécules


• Les molécules de classe I comprennent une chaîne a et sont stabilisés
par une chaîne de b2-microglubuline qui est codée par un gène situé sur
un autre chromosome et qui sert de protéine de structure. En
conséquence, le peptide antigénique va s’insérer entre les deux derniers
domaines (repliés) des trois que comprend cette chaîne unique a. La
chaîne unique a est soumise à un polymorphisme important. Le sillon
d’insertion du peptide antigénique est alors plutôt allongé.
• Les molécules de classe II comprennent deux chaînes a et b, soumise à
des polymorphismes distincts. En conséquence de quoi, le peptide
antigénique va s’insérer entre les deux derniers domaines (repliés) des
deux chaînes a et b. Le sillon d’insertion du peptide antigénique est alors
plutôt creusé, plus vertical que pour la classe I (figure 21).
Figure 21 : Structure schématisée des molécules du CMH (HLA)
de classe I et de classe II
La nomenclature du système HLA
Il y a eu beaucoup d’étapes successives pour nommer les molécules HLA
en vue de pouvoir caractériser au mieux la génétique des individus et
aussi de permettre les appariements les plus à même de présider au succès
d’un greffon ou plutôt de minimiser les possibilités du rejet. La sérologie,
la cytotoxicité utilisée dans des réponses de cultures mixtes
lymphocytaires ont été essentielles pendant longtemps, avant que la
biologie moléculaire permette d’affiner toujours davantage avec l’avancée
des techniques. Des workshops bisannuels permettent de définir de
nouveaux allèles régulièrement.
Actuellement, un produit HLA se lit ainsi, par exemple :
HLA-A*02:101:01:02N
A représente le gène, l’étoile le séparateur, le premier 02 représente le
groupe d’allèles par homologies (qui pouvait correspondre à des typages
uniques en sérologie). Puis 101 représente la protéine spécifique de ce
produit, suivi ici de 01 qui indique la possibilité de substitution d’un
nucléotide24 dans la région codante de l’ADN25, suivi ici de 02 qui indique
une différence dans une région non codante de l’ADN, suivi d’une lettre :
L, S, C, A ou Q pour les allèles exprimés et N (Null) pour les allèles non
exprimés (S pour Soluble, L pour Low/faible, C pour Cytoplasm.e, A pour
Aberra(e)nt, et Q pour Questionnable).
La répartition cellulaire des molécules HLA
• Les protéines HLA de classe I sont ubiquitaires, très largement
exprimées par les cellules de l’organisme, à l’exception des globules
rouges. Elles sont aussi exprimées par les plaquettes sanguines, sans
doute par héritage lors de la fragmentation du mégacaryocyte. Leur
densité d’expression varie en fonction des types cellulaires, environ cent
fois plus sur un polynucléaire neutrophile que sur une plaquette, avec
d’importantes variations individuelles. Les molécules HLA sont
principalement liées aux membranes des cellules ou en situation
intracellulaire, ces molécules HLA I peuvent se détacher de la surface et
se retrouver en situation extracellulaire (par exemple solubilisée dans le
plasma), et ainsi avoir un rôle en physiopathologie.
• Les molécules de classe II sont d’expression beaucoup plus restreinte, et
l’apanage des cellules présentant les antigènes (cellules dendritiques,
macrophages, lymphocytes B) et de sous-populations de cellules
endothéliales (digestives) et de cellules épithéliales (thymiques et
médullaires en particulier). L’expression des molécules de la classe II est
inductible par des modificateurs du comportement biologique comme
l’interféron-g. Les lymphocytes T activés expriment également et
transitoirement les molécules du CMH de classe II.
La transmission des gènes HLA
Les gènes se transmettent de parents à enfants lors de la méiose. Les
gènes HLA présentent une caractéristique intéressante qui est de se
transmettre en bloc, et non pas chacun pour soi comme se transmettent les
antigènes des groupes sanguins par exemple. Cela fait qu’il y a une
chance sur quatre en théorie de recevoir le même patrimoine HLA que son
frère ou sa sœur, et cela a autorisé les greffes de moelle intrafamiliales en
particulier, pour lesquelles les appariements HLA sont déterminants du
succès comme de l’échec (figure 22).
Les molécules apparentées au système HLA
Comme c’est fréquent en physiologie mammifère et donc humaine, il
existe des redondances et des similitudes biologiques des opérateurs ;
ainsi, des molécules sont très proches structurellement des chaînes A des
HLA de classe I mais sans la b2-microglobuline, et sont polymorphes : ce
sont les MICA et les MICB (Major Histocompatibility Complex Class I
Chain-Related A et B). Ces molécules ne sont pas associées à la
présentation d’antigène. Présentes dans les cellules épithéliales digestives
et thymiques, elles joueraient comme présentatrices de molécules de
stress. D’autres molécules proches sont aussi des ULBP (UL16-Binding
proteins), de même distribution, qui sont liées par des ligands des cellules
Natural Killer et d’autres lymphocytes T non conventionnels de
l’immunité innée. Enfin des molécules CD1 (CD1a à e), de structure très
proche des molécules HLA de classe I mais non polymorphes, présentent
des lipides et des glycolipides à certains lymphocytes T ; les gros lipides
infectieux comme ceux issus des membranes des mycobactéries dont c’est
une des caractéristiques sont apprêtés dans l’endosome des cellules
présentatrices exprimant le marqueur CD1, comme les cellules
dendritiques.
• La variabilité du système HLA et les greffes
Variabilité
Le système HLA se caractérise par une extrême variabilité, qui un
processus issu de l’évolution de l’espèce humaine afin de s’assurer que
toute une population ne soit pas décimée par un danger, infectieux par
exemple, et qu’il y ait en permanence des sujets plus résistants si certains
sont plus vulnérables. Comme il n’était pas prévu qu’une personne puisse
héberger le cœur, les reins, la moelle osseuse d’une autre personne, ce
système hypervariable était très protecteur. Mais la médecine a fait des
progrès considérables et il est à présent possible d’être greffé à partir
d’organes prélevés chez une personne en mort cérébrale, à cœur battant
(pour une meilleure irrigation sanguine et donc trophique de l’organe
prélevé) ou d’une personne décédée à cœur arrêté, ou encore de donneur
vivant pour le rein, un lobe de foie, ou la moelle. Pour la moelle en
particulier, l’idée est venue dans les années 1960 de pouvoir la prélever
chez un frère ou une sœur dits germains c’est-à-dire des mêmes parents,
avec une chance sur quatre d’identité pour le système HLA, transmis en
bloc lors de la méiose. Pour les situations non apparentées, il faut dès lors
s’assurer de la compatibilité du système de contrôle des réponses
immunitaires et donc des rejets des « matières » étrangères. Et on s’est
heurté là à l’écueil de l’immense variabilité de ce système : deux cents
gènes (quarante codant pour les seules molécules HLA), et pas loin de
15 000 allèles différents pour les gènes codant pour les classes I et II, et ce
uniquement concernant les principaux marqueurs A, B, C (classe I) et DR,
DP, QD (classe II). Approximativement les deux-tiers de cette variabilité
est le fait de la classe I. De ces presque 15 000 allèles, environ 80 %
donnent lieu à des protéines distinctes : un tiers est redondant et 5 %
environ donnent des gènes dits nuls.
La plus forte variabilité est portée sur la chaîne unique a du produit HLA
B de la classe I (4 100 allèles) puis sur le produit A (3 300 allèles), puis
sur le produit C (2 800 allèles) ; les produits E, F, G ne comprennent
« que » 20 à 50 allèles différents et très peu de protéines variantes, une
vingtaine pour les trois produits. La variabilité des produits HLA classe II
est portée principalement par la chaîne b des molécules DR, avec pas loin
de 2 000 allèles, dont la plupart (90 %) sur le type DRB1, le plus
communément exprimé (les autres étant DRB3, 4, et 5). La chaîne a du
DR est, elle, très peu variable. Pour le produit DQ, c’est là encore sur la
chaîne b qu’il y a le plus de polymorphisme (près de 900, pour une
cinquantaine sur la chaîne a). Et aussi pour le produit DP (600 variants
pour la chaîne b et une quarantaine pour la chaîne a). Les produits DMA
et DMB, DOA et DOB sont, eux, très peu variables.
Il en ressort que pour tester la compatibilité HLA entre deux individus, il
faut tester prioritairement les cinq produits HLA A, B, C, DRB et DQB,
ce qui fait 10 appariements possibles puisque chacun nous a deux
molécules de chaque type, l’un d’origine maternelle et l’autre d’origine
paternelle. L’identité des dix produits va définir une compatibilité 10/10
qui a longtemps été la règle pour les greffes de moelle osseuse ; d’autres
protocoles moins stricts ont été établis depuis quelques années. On pousse
actuellement la compatibilité à un degré de résolution dit moléculaire car
testé directement sur les gènes.
Diversité
Pour les mêmes raisons d’évolution de l’espèce humaine, le système
hautement variable HLA est aussi très diversifié selon les populations,
ethnies et origines, en fonction des pressions de sélection qu’ont exercé
les circulations infectieuses, l’alimentation, l’occupation, etc. Certains
allèles sont ainsi plus fréquents dans telle partie du globe et – par exemple
aux USA – selon les populations d’origine européenne, africaine,
asiatique, sud-américaine hispanique, indienne d’origine (Native
American), etc. Cela a des impacts sur les maladies et leurs contrôles.
Ainsi peut-on observer de véritables « épidémies » de diabète par exemple
en Micronésie océanienne, en lien avec les gènes HLA26.
Cela étant, certains allèles sont relativement fréquents au sein d’une
population homogène (insulaire) par exemple, d’autres signent des
héritages ancestraux préhistoriques. Et à l’inverse, certains allèles sont
exceptionnels, trouvés dans une ou quelques familles. Il y a là bien
évidemment une loterie dont les conséquences peuvent être lourdes s’il
fallait par exemple partir à la chasse d’un greffon…
Des organisations internationales gèrent des banques de données pour la
génétique du système HLA et d’autres organisent les registres de
candidats aux greffes et des greffons disponibles, aux niveaux nationaux,
européens et internationaux, dans un immense élan de générosité
planétaire. Ces réseaux ont été mis en place très précocement après la
découverte des groupes HLA, grâce à l’expérience de la transfusion
sanguine, discipline d’où étaient issue la plupart des pionniers du HLA,
Jean Dausset et Jon van Rood27 en tête.
Une autre caractéristique de la génétique du système HLA est le
déséquilibre de liaison. Celui-là fait que certains allèles ont tendance à se
regrouper et d’autres se repousser. Ainsi, certains allèles sont quasiment
toujours retrouvés ensemble, comme voyageant sur le même bloc, ce qui
représente un avantage pour les appariements en cas de greffe, mais ce qui
a pour inconvénient d’avoir favorisé des sensibilités28 particulières à des
agents infectieux.
Applicabilité
Toutes les greffes ne vont pas exiger – pour leur succès – les mêmes
protocoles de compatibilité, qui se font principalement sur deux
systèmes : le groupe sanguin (en fait tissulaire) ABO et le groupe
tissulaire (qui est aussi sanguin) HLA. Ainsi les greffes de moelle peuvent
fonctionner en situation ABO incompatible (c’est moins bien mais reste
possible car on a des protocoles cliniques de contournement) alors que la
compatibilité ABO est incontournable pour les greffes d’organes29. Pour
les greffes de rein, pour faire face au besoin et devant la pénurie des
greffons disponibles, on peut – à la condition de respecter le groupe ABO
– greffer un rein non pas compatible mais seulement autorisé, c’est-à-dire
« non interdit ». L’interdiction est gouvernée par la présence d’anticorps
anti-HLA chez le candidat à la greffe, appelés DSA (Donor Specific
Antibody), d’abord testés sur un panel appelé PRA (Panel Reactive
Antibodies).

■ Pourquoi des antigènes HLA et des anticorps anti-HLA ?


Rappelons-le, ce système HLA a été d’abord identifié chez des receveurs
de transfusions immunisés. On sait à présent que les principales sources
d’immunisations étaient les globules blancs jusqu’à ce qu’ils soient très
largement éliminés dans les premières heures après la collecte du sang,
par filtration, et ce dans la plupart des pays dont le modèle économique le
permet, ce qui n’est pas encore absolument universel. Ces molécules HLA
étant exprimées de façon très abondante à la surface des leucocytes,
l’exposition d’un tel nombre de molécules variables (des millions de
différences) sont perçues par le système immunitaire inné comme
pathogène et dangereux, contribuant à la réponse inflammatoire bien
connue des médecins un peu anciens dont les patients transfusés (recevant
des globules blancs indésirables mais présents dans les composés
sanguins) frissonnaient, avaient une fébricule, étaient inconfortables… La
réponse immunitaire adaptative produisait des anticorps anti-HLA, contre
les spécificités HLA du ou des donneurs de sang. Un receveur de produits
sanguins pouvait être multi-immunisé, et ce fut même une technique pour
désensibiliser les candidats aux greffons rénaux à une époque. À présent,
les greffes de rein tiennent compte au contraire des immunisations, et les
greffeurs évitent la transplantation d’un greffon vis-à-vis duquel le sujet
insuffisant rénal a développé des anticorps. Le paradoxe (relatif) dans tout
cela est que l’immunisation dans le système HLA dépend aussi du
génotype HLA du receveur : certains sujets présentent très bien les
peptides issus des HLA étrangers et d’autres moins : les premiers vont très
vite et puissamment s’immuniser et les autres moins, avec plus de chance
de bénéficier des transfusions et des greffes et transplantations. C’est
parce que les molécules HLA étrangères induisent des réponses
adaptatives chez les sujets y étant exposés que ces molécules sont de fait
des antigènes. On a ainsi eu vite fait d’employer le terme d’antigène HLA
pour les molécules HLA, à tort car le terme de molécule indique bien le
rôle physiologique (permanent) alors que celui d’antigène renvoie
immédiatement à la pathologie (exceptionnelle).

■ HLA et maladies
• Défaut d’expression des molécules HLA
Le défaut d’expression des molécules HLA de classe I, de l’ordre de 90 %
voire davantage, est rare ; c’est le syndrome du lymphocyte nu de type I
(Type I Bare Lymphocyte Syndrom, BLS) ; il est moins grave que le type II
pour la classe II et le type combiné I et II. Il résulte souvent d’un défaut
de transport lié aux molécules TAP.
• Anomalies liées aux gènes
Deux anomalies géniques au moins donnent lieu à des maladies
clairement associés aux gènes HLA, ce sont la narcolepsie et
l’hémochromatose héréditaire. Cette dernière résulte de mutations de
gènes HFE associés aux locus A de la classe I.
• Sensibilités aux infections
Le portage de certains allèles HLA a été clairement montré comme étant
un facteur de prédisposition à des maladies infectieuses comme le
paludisme (pas simplement l’aptitude à s’infecter mais davantage celle à
développer des formes sévères), le SIDA, l’hépatite C, et l’avenir proche
nous révélera sans doute bien des informations sur le spectre de
manifestations cliniques dans la Covid-19. La réponse à certains
traitements (médicaments) – cela a été montré pour l’infection par le VIH
– est aussi sous contrôle HLA.
• Sensibilité aux cancers
De la même façon, le portage de certains allèles HLA conditionne la
sévérité de certaines formes de cancers, et probablement aussi le passage
de formes inflammatoires chroniques et dysplasiques aux formes
cancéreuses de lésions. Comme pour certains antiviraux, le génotype
HLA pourrait conditionner des réponses à des antimitotiques.
• Sensibilisation aux complications transfusionnelles et de greffes
L’allo-immunisation, on l’a vu, est sous contrôle de génotypes HLA.
Avoir un phénotype (génotype) répondeur est un désavantage sélectif pour
les personnes exposées à des épisodes répétés de produits sanguins,
cellulaires et tissulaires d’origine humaine.
Dans le même ordre d’événement, la grossesse comprend plusieurs
moments critiques au cours desquels il peut y avoir de micro-injections de
cellules sanguines du fœtus vers la maman, avec le risque de l’immuniser.
Les immunisations dans les systèmes majeurs des antigènes des globules
rouges donnent lieu à des avortements spontanés avant les immunisations.
Depuis les politiques systématiques de prévention de l’immunisation
Rhésus, on rencontre moins de risques fœtaux pour ce groupe-là. En
revanche, l’immunisation contre des antigènes des plaquettes sanguines
du nouveau-né, hérités du père, sont fréquentes, difficiles à anticiper sur
les premières grossesses, et de modérées à graves voire très graves pour le
bébé à la naissance. Certains génotypes maternels HLA prédisposent très
significativement à faire des réponses adaptatives importantes avec des
anticorps toxiques pour les plaquettes des bébés30.
• Contrôle et pathologies des grossesses
La grossesse est elle aussi gouvernée sous plusieurs aspects par le
génotype HLA, pour provoquer une anergie relative des cellules
cytotoxiques désirant « faire leur job » c’est-à-dire éliminer les cellules
étrangères ou semi-étrangères comme celles du fœtus (au travers des
cellules Natural Killer). Le HLA G agirait comme un protecteur dans
cette situation physiologique de la grossesse.
• Sensibilité aux maladies auto-immunes
Très différente quoique souvent confondues avec l’association de gènes
(narcolepsie, hémochromatose héréditaire) la pathologie auto-immune est
souvent rencontrée chez des personnes ayant des allèles particuliers. Le
fait de posséder tel ou tel allèle est rencontré plus fréquemment dans le
groupe des personnes malades que le fait de ne pas l’avoir, jusqu’à 70 %
en plus. Cela ne signifie pas – contrairement à une idée répandue – que le
fait de posséder par exemple le l’allèle HLAB27 fait de la personne un
malade en puissance. Il s’agit d’un allèle parmi les plus répandus, et si
70 % des sujets masculins jeunes manifestant une spondylarthrite
ankylosante possèdent ce marqueur, la majorité des personnes HLAB27+
ne font pas de spondylarthrite ankylosante. Des sensibilités particulières
en association avec des génotypes HLA se rencontrent dans une grande
variété de maladies auto-immunes d’expression rhumatismale, digestive,
endocrine (diabète de type I), etc.
• Longévité et relations sociales
Des allèles candidats au contrôle de la longévité ont aussi été mis en
évidence. Le système HLA est un véritable gouvernail de la santé et de la
maladie, ce qui fait sens puisqu’il gouverne en grande partie le niveau des
réponses immunitaires.
Le système HLA contrôle aussi nos relations les uns avec les autres, et
probablement aussi notre désir d’accouplement en vue de la reproduction.
Là encore, dans une analyse purement mécanistique, cela fait sens car ce
système aide à discriminer le niveau de dangerosité et de réponses à
proposer pour évoluer. Il participe de la survie de l’espèce. Si on a vu
qu’il y avait des allèles se sensibilité aux infections et aux maladies, il
convient aussi d’indiquer que le génome HLA a évolué au cours des
millénaires pour permettre la survie de groupes à des épidémies
meurtrières comme l’ont été la peste, le choléra, la lèpre…

Après le bal, rappelons à présent des musiciens !


Le HLA est un système :
• polygénique ;
• polymorphique ;
• qui se transmet par bloc ou par haplotype à la descendance ;
• de façon mendélienne, codominante, les allèles hérités de chacun des
parents ont la même force et sont co-exprimés ;
• mais qui présente des déséquilibres de liaison favorisant des
associations ;
• et enfin qui permet des associations avec des maladies ou des résistances
aux maladies ou aux infections.
Les fonctions essentielles du HLA sont :
• le contrôle des réponses immunitaires adaptatives ;
• la présentation des antigènes aux lymphocytes T réactifs ;
• la participation à différentes étapes de la réponse immunitaire innée dont
la surveillance des infections et des cancérisations par les cellules
Natural Killer ;
• la préservation de l’espèce.

1. Entre 1012 et 1016 possibilités.


2. Bien que de nombreuses tentatives aient été faites, dont des cœurs qui ont été tolérés quelques
mois, en Afrique du Sud avec le professeur Christian Barnard, grande vedette médicale des années
1970, et plus prosaïquement avec des greffons plus inertes comme des vaisseaux.
3. Certains agents infectieux, parasites en particulier, empruntent à l’hôte de ses protéines propres –
comme des antigènes de groupes sanguins ou tissulaires – qu’il revêt pour se protéger des réponses
immunitaires de cet hôte, ainsi floué.
4. C’est ce qu’on recherche dans un test de sérologie, par exemple anti-infectieuse.
5. Le terme d’ubiquitaire qualifie une molécule pouvant se trouver dans différents types de cellules
d’un être vivant.
6. Sont dites endogènes les protéines issues de la dégradation de cellules de l’hôte ; ces protéines
peuvent provenir d’un virus qui a déjà colonisé et détruit des cellules de l’hôte.
7. Les protéasomes sont des complexes enzymatiques multiprotéiques que l’on retrouve entre autres
chez les eucaryotes – dont les humains –, où ils se trouvent dans le cytosol et sont associés au
réticulum endoplasmique ainsi qu’au noyau.
8. En biologie cellulaire, le réticulum endoplasmique est un organite présent dans les cellules
eucaryotes et lié à la membrane nucléaire. Le réticulum endoplasmique synthétise les protéines,
produit des macromolécules et transfère des substances vers l’appareil de Golgi via des vésicules.
9. Sont dites exogènes des protéines issues de la dégradation de fragments directement issus de
l’environnement extérieur.
10. Les endosomes sont des compartiments membranaires que l’on retrouve à l’intérieur des cellules
eucaryotes. C’est un organite de la voie de transport membranaire endocytaire provenant du réseau
trans-Golgi : les vésicules d’endocytose s’y accrochent et fusionnent pour relarguer leur contenu.
11. Ce sont des organites intra cytoplasmiques appartenant au système endomembranaire contenant
des enzymes (des hydrolases acides) qui dégradent de nombreuses molécules biologiques. Ils se
trouvent dans toutes les cellules mais sont plus abondantes dans les cellules responsables de la
défense de l’organisme (macrophages, polynucléaires neutrophiles) ou des cellules très spécialisées
comme les ostéoclastes.
12. Voir un peu plus loin.
13. Voir également un peu plus loin.
14. CD renvoie à « Cluster of Differentiation », un regroupement de molécules identiques appelées
consécutivement lors de « Workshops » dont le premier de 1984, a été organisé à Paris par le
professeur Alain Bernard et le docteur Laurence Boumsell en 1981. Les numéros des CD ont été
implémentés au fur et à mesure de leur description, et la numérotation ne rend pas compte d’une
logique de fonctions, ce qui peut être relativement perturbant.
15. Le signalosome est un groupe de protéines impliquées dans la dégradation d’autres protéines en
vue d’effectuer un transfert de messages, de proche en proche, par le biais de phosphorylations,
jusqu’au noyau de la cellule.
16. Classiquement, la synapse est le point de contact entre deux cellules neurologiques ou entre une
cellule neurologique et une autre cellule, permettant le passage d’une information électrique,
hormonale, etc. La synapse immunologique est le point de contact – multimoléculaire – entre deux
cellules immunologiques, permettant l’échange d’informations essentielles autour de l’antigène
présenté.
17. Le Rubik’s Cube, en français (sauf Canada) Rubikub, est un casse-tête inventé par Ernő Rubik en
1974, et qui s’est rapidement répandu sur toute la planète au cours des années 1980.
18. Nous n’irons plus au bois, comptine enfantine.
19. Cet aspect sera détaillé un peu plus loin dans un paragraphe dédié à la description du système
HLA.
20. Les lymphocytes T matures conventionnels expriment en effet soit un marqueur CD4 soit un
marqueur CD8, en plus de la très grande variété des autres marqueurs de type et de fonction qu’ils
expriment ; les lymphocytes T immatures, dans le thymus, co-expriment CD4 et CD8 ; l’éducation
des thymocytes leur fait perdre un des deux marqueurs en acquérant la fonction associée au
marqueur conservé, auxiliaire (CD4) ou cytotoxique (CD8). Pour des raisons historiques, les
marqueurs CD4 ont longtemps été appelés T4 et les CD8, T8.
21. Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=dBRY_yoqNFc.
22. L’Affaire Thomas Crown, un film Norman Jewison (1968) passe pour détenir le record du baiser
le plus long de l’histoire du cinéma entre Steve McQueen et Faye Dunaway avec une durée de
55 secondes.
23. De la locution en langues d’Oc (occitan, gascon) : Qu’es aquò ?, « Qu’est-ce que c’est ? ».
Attesté dès 1730 par les linguistes et utilisé par exemple par Alexandre Dumas.
24. Nucléotides : constituants élémentaires des acides nucléiques, ADN et ARN, composés d’un
sucre, d’un ion phosphate, et d’une des 4 bases azotées possibles : Adénine A, Thymine T (ADN)
ou Uracile U (ARN), Guanine G, Cytosine C.
25. Les régions codantes de l’ARN vont pour la plupart être traduites (en ARN) en fonction de codes
bien précis ; les régions non codantes ou satellites exercent, elles, des rôles de stabilisation et de
protection de l’ADN.
26. La professeure Susan (Sue) Serjeantson, de l’université nationale australienne, avait été une
pionnière de ces angles de recherche au début des années 1980.
27. Jon van Rood avait eu l’idée géniale d’emprunter les ordinateurs les plus puissants de l’époque,
ceux des banques, pour faire tourner ses programmes d’appariement…
28. On rappelle que si les Anglo-Saxons sont « susceptible [adjectif invariable]) à des infections, en
France nous y sommes seulement « sensibles » !
29. Devant la pénurie des greffons ou pour privilégier les dons entre vivants, des greffons ABO
incompatibles sont transplantés mais en suivant des protocoles dits de désensibilisation et
d’épuration des anticorps naturels plasmatiques anti-A ou B chez le receveur.
30. Dès que c’est identifié, on peut à présent proposer aux mamans de recevoir des
immunoglobulines polyvalentes injectables dès le second trimestre de la grossesse pour neutraliser
ces anticorps toxiques pour le bébé avec succès. Cette application est même devenue prioritaire
dans la nouvelle règle d’attribution des immunoglobulines, produits dérivés du plasma en risque de
tension pour son approvisionnement.
CHAPITRE 10

L’immunité adaptative

Introduction : immunité adaptative ou spécifique ?


De quoi s’agit-il à présent ? Du cœur du sujet, tout simplement. Quand on parle en général
d’immunité, on s’attend à une réfraction, c’est-à-dire que le problème posé soit affranchi, qu’on
n’en parle plus. On a en tête 1) l’immunité de protection, naturelle après un certain nombre de
maladies (infectieuses) dont les principales maladies infantiles, rougeole, oreillons, varicelle,
rubéole, coqueluche, roséole (la cinquième maladie éruptive de l’enfant)… ; et 2) l’immunité de
protection post-vaccinale, quel que soit le vaccin. Depuis le début de cet ouvrage, on parle
pourtant d’immunité, mais pas forcément de résolution de l’infection en cours (et d’ailleurs, les
pathogènes ne sont pas tous infectieux), et pas non plus de spécificité. Au contraire, toutes les
informations qu’on a reçues depuis le début de ce voyage au cœur de la réponse immunitaire
tendent à montrer que la réponse immunitaire fonctionne copieusement par redondances et par
mise en place de moyens génériques, boîtes à outils multifonctions, couteaux-suisse de la
défense contre les agressions, McGyver de la lutte antistress… On entend bien aussi les
messages abondants reçus à la radio, à la télévision, dans la grande presse sur l’importance
capitale d’induire une immunité post-vaccinale contre le SARS-CoV-2, mais on ne sait pas bien
encore quel est le vrai pouvoir immunisant du virus et moins encore de chacun de ses variants1,
et on entend aussi que cette immunité qui a occupé les chapitres précédents était plutôt reprise
par ces mêmes médias au registre de ce qui était néfaste, responsable de la maladie Covid-19 et
le risque de ce fameux orage de cytokines.
En fait, tout est lié. Sans cette immunité générique – l’immunité innée – largement présentée, au
sein de laquelle les réponses inflammatoires, l’immunité adaptative ne pourrait pas se mettre en
place ; il est impératif en effet que des antigènes soient extraits des pathogènes pour être
présentés aux lymphocytes T par des molécules HLA, dans le contexte d’une réponse
inflammatoire discrète mais présente, permettant le dialogue entre la cellule présentatrice
d’antigène et les cellules effectrices lymphocytaires T.
Les lymphocytes T sont dont à présent l’objet de notre attention ; et aussi les lymphocytes B.
Tous les lymphocytes ? Certes non ; nous avons vu précédemment que quelques représentants
de ces familles étaient appelés « non conventionnels » et avaient des rôles importants dans la
défense immunitaire innée. Ce sont des lymphocytes T et B conventionnels dont nous allons
parler dans ce chapitre. L’immunité adaptative est en effet centrée sur les récepteurs
lymphocytaires T et B réactifs à l’épitope antigénique déclenchant les réponses adaptatives,
selon des schémas codifiés et prenant un certain temps à se mettre en place. Le professeur Alain
Bernard, un de mes premier mentors en immunologie, avait cette phrase : « le drame de
l’immunité adaptative est la longueur de temps avec laquelle elle se met en place ». Et c’est bien
pour ça que l’immunité innée qui la précède « fait le job », pour l’essentiel. Mais à un certain
point, ce travail bute sur la nécessité d’aller plus loin, quand il faut par exemple mettre en place
une réponse adaptée, spécifique, robuste et mémorielle.
La mémoire est avec la spécificité la grande caractéristique de l’immunité adaptative. Pendant
des décennies on a catégorisé l’immunité en non spécifique et en spécifique, avant que de mieux
cerner les subtilités des récepteurs, ceux de l’immunité innée tout d’abord, car il y a de la
spécificité dans l’attaque des cellules tueuses naturelles ou Natural Killer vis-à-vis d’une cible,
ou d’une cellule tueuse armée par un anticorps dans une réponse de cytotoxicité dépendante
d’anticorps ou ADCC. De la spécificité, mais pas d’adaptation, et pas de mémoire non plus.
L’immunité adaptative est donc articulée autour de la capacité des récepteurs dédiés à la
reconnaissance extrêmement fine des récepteurs lymphocytaires, utilisant un répertoire de
reconnaissance de l’ordre de plus de 1012 possibilités théoriques2 (revues à 108 – soit cent
millions – environ en pratique) d’attacher de manière électrochimique un décapeptide avec une
grande force (avidité). Elle est aussi articulée autour de la capacité de ces récepteurs à muter
subtilement pour accroître cette avidité dans une réponse mémorielle, de sorte que chaque
rencontre soit à la fois plus forte et plus cohésive.
L’immunité adaptative est l’achèvement de l’immunité de défense, et l’outil de la prévention, de
la prophylaxie vis-à-vis de réinfections, ou – après un vaccin préventif – de l’infection, par un
pathogène indésirable.
Que tout cela concoure à la mise en place d’une protection de l’organisme par l’immunité
(l’appareil qui a la charge de protéger cet organisme contre les agressions et les stress), tombe
sous le sens. Mais toute médaille a son revers. En l’occurrence, il y a trois personnages sombres
opposés à celui de la lumière (de la protection pérenne contre un agent pathogène menaçant) : 1)
un défaut de production cette immunité, en général lié aux producteurs, les lymphocytes ; 2) un
excès de réponses qui se manifeste par des pathologies diverses ; et 3) des réponses
inappropriées, dont celles dirigées contre des constituants du soi biologique. Toute intervention
visant à stimuler les réponses immunitaires adaptatives comme la vaccination devra auparavant
s’assurer que le candidat vaccin engage bien une réponse appropriée et est empêché d’induire
des réponses exubérantes et inappropriées.

Le théâtre du déroulement de la réponse adaptative ?


■ Le lieu
Le lieu de prédilection du déroulement de la réponse immunitaire adaptative est le ganglion
lymphatique, la rate ou les sites lymphoïdes disséminés dans les muqueuses qui sont des
équivalents de ganglions. Les anglo-saxons utilisent le terme de nœud lymphatique (Lymph
Node) qui donne le ton quant à leur rôle central dans ces étapes de l’immunité.
Les pathogènes sont capturés, on l’a vu, en périphérie. Les cellules de la première barrière sont
au plus près des principaux points d’arrivée des pathogènes exogènes. Les cellules
présentatrices d’antigènes, quand elles ont capturé un pathogène entier ou dégradé, vont migrer
vers les sites ganglionnaires drainants, riches en lymphocytes à qui présenter les antigènes, à
présent réduits en peptides alignés et insérés dans les présentoirs ou niches HLA. Le ganglion
est constitué de zones, et la zone médullaire (medulla) abrite la zone dite T ganglionnaire, là où
s’effectue la présentation des peptides (les épitopes antigéniques) aux lymphocytes T, au plus
près des arrivées des vaisseaux charriant les cellules recirculantes au moyen des vaisseaux
sanguins et lymphatiques, et – parmi ces cellules – les présentatrices d’antigènes. Les
lymphocytes B sont eux aussi localisés dans des zones compartimentées, dites zones B, où ils
rencontreront les effecteurs lymphocytaires T ayant fait l’expérience de leur antigène et allant
s’activer avec les lymphocytes B réactifs vis-à-vis du même peptide, les aidant à se différencier
à leur tour en effecteurs (figure 23).
Figure 23 : Le ganglion lymphatique et les zones B et T folliculaires

Les lymphocytes conventionnels transformés en effecteurs T et B, et en cellules T et B


mémoires, iront ensuite s’accumuler dans une autre zone, plus périphérique, du ganglion,
également à proximité des vaisseaux sanguins et lymphatiques efférents, prêts au voyage, à la
recirculation entre sang et ganglions, en veille de leur antigène connexe3. Et les lymphocytes B
différenciés en pré-plasmocytes pourront aller trouver leur chemin, grâce à un guidage
moléculaire (la domiciliation ou homing) vers la moelle où ils pourront, transformés en
plasmocytes, sécréter d’autres outils de l’immunité adaptative : les anticorps.

■ Le temps
Le temps de la mise en place de cette immunité est long. Un minimum de cinq jours est
nécessaire mais il faut plus souvent de sept à dix jours pour l’installer en moyenne4. En
revanche, sa durée peut être très longue, quoique variant considérablement en fonction de la
cible. On fait encore des hypothèses sur la durée de l’immunité (spécifique) anti-SARS-CoV-2,
en mois (?), alors que d’autres virus pourraient être immunisants à vie, comme au travers de la
vaccination contre la variole, et certaines protéines (toxines tétanique) immunisent sur des
dizaines d’années au moins. Les bactéries sont en général peu et mal immunisantes en revanche.
En résumé, cependant, l’immunité adaptative se joue sur le temps long, tant pour la protection
contre les agents infectieux que dans ses complications (autoanticorps, anticorps contre des
antigènes de groupes sanguins étrangers après transfusion ou grossesse, ou contre des antigènes
tissulaires après transplantation). Une transplantation d’organe impose dans la plupart des cas un
traitement immunosuppresseur à vie pour annihiler les réponses spécifiques antirejet.

■ L’action
L’action de l’immunité adaptative est – comme toujours en immunologie – coordonnée entre ses
différents effecteurs. Dans la pratique, on s’intéresse prioritairement à un versant qui est celui
des réponses en anticorps (la sérologie) car elle est facile à mesurer et piloter (monitorer) et on
en vient souvent à ignorer les étapes plus spécifiquement lymphocytaires T, en particulier dans
le domaine de l’infectiologie, de l’auto-immunité, de l’allergie et des complications de la
transfusion et des greffes et transplantations. En revanche, comme les réponses en anticorps sont
peu opérationnelles dans le rejet des tumeurs et le contrôle des cancers, c’est dans ce domaine
qu’on pense davantage aux opérateurs lymphocytaires T cytotoxiques ; récemment a été mise au
point une technique très prometteuse bien que sophistiquée et encore « inabordable » sur le plan
pécuniaire, la thérapie par CAR-T-Cells.
Les actions sont de trois ordres principaux : 1) l’activation des lymphocytes réactifs T et B avec
deux options, leur progression vers la différenciation dans la voie des effecteurs ou leur gel en
l’état, qui est aussi une réponse spécifique à l’antigène, et qu’on appelle l’anergie ; 2) la
production des outils cellulaires opérateurs, producteurs d’outils moléculaires le cas échéant ; 3)
l’orientation d’une partie de ces opérateurs vers la voie de la mémoire. Et ce, bien entendu, dans
le respect de leurs zones géographiques d’opérations.

Les acteurs
■ Les lymphocytes, des leucocytes à part
Les lymphocytes sont des cellules tout à fait extraordinaires. On dit qu’un grand patron parisien
– un de ces mandarins des années soixante – méprisait ses externes et internes peu motivés en
les traitant de « paresseux comme des lymphocytes ». Quel manque de clairvoyance ! Mais il
faut dire qu’à cette époque on ne voyait pas bien à quoi pouvaient servir ces cellules presque
sans cytoplasme et sans granulations, avec un gros noyau occupant tout l’espace. Il fallait
attendre les années soixante – soixante-dix pour que s’affine la théorie des récepteurs uniques et
du répertoire et celle de la clonalité pour que les diverses théories des réseaux (les humoralistes)
et celles des cellularistes se réconcilient. Les lymphocytes sont un exemple exceptionnel de
cellules qui rajeunissent et vieillissent plusieurs fois dans leur vie, se différencient et se
dédifférencient ; seul le plasmocyte – issue d’une des voies de la différenciation terminale des
lymphocytes B, producteurs des immunoglobulines à fonctions anticorps – sont à voie unique,
sans retour en arrière.
Pour compliquer ce qui n’était déjà pas simple, les lymphocytes ne sont pas tous T ou B, il en
existe qui sont à part, comme les cellules tueuses naturelles ou Natural Killer qui ont clairement
une filiation lymphocytaire mais possèdent des caractéristiques communes aux macrophages
sans être pour autant douées de macrophagie, et qui – en contrepartie – ne s’adaptent pas à
l’événement. D’autres lymphocytes dits non conventionnels ne possèdent pas de récepteur
canonique5 à l’antigène, le récepteur ab, mais des récepteurs d’autres types qui peuvent lier non
pas des peptides mais des lipides (en revanche, sans adaptation ni mémoire) ; d’autres
lymphocytes non conventionnels possèdent des « bizarreries » dans l’expression des molécules
CD4 ou CD8, leur conférant une activité intéressante dans l’immunité innée des muqueuses
mais pas celle des lymphocytes adaptatifs et spécifiques.

■ Les lymphocytes T
• T comme « Thymiques »
C’est à l’intérieur du thymus que les précurseurs lymphoïdes provenant de la moelle osseuse
terminent leur maturation pour aboutir à la formation de lymphocytes T matures et naïfs : le
terme de mature signifie que la cellule est équipée de tout ce qui lui est nécessaire pour être
engagée dans sa fonction (qui est de reconnaître un antigène et de répondre à cet événement) et
le terme de « naïf » signifie que la cellule n’a, en l’occurrence, pas encore rencontré « son »
antigène connexe. La plus grande part de l’activité du thymus a lieu in utero. Le thymus est
totalement mature à la naissance et a déjà produit un grand nombre de lymphocytes T naïfs. Le
thymus reste actif après la naissance et l’activité thymique diminue ensuite progressivement au
cours de la vie en particulier adulte, le tissu thymique étant progressivement remplacé par du
tissu adipeux, à un rythme très individuel qui pourrait être en lien avec la longévité de
l’individu.
• Les thymocytes
La production journalière de lymphocytes thymiques matures naïfs dits thymocytes est estimée
à environ 108 lymphocytes par jour. Dans le thymus, les thymocytes subissent un certain nombre
de modifications phénotypiques. À l’instar de ce qui se passe dans la moelle osseuse pour les
lymphocytes B, les gènes codant pour les chaînes du récepteur lymphocytaire T pour l’antigène
appelé RcT ou TcR en anglais, se réarrangent, aboutissant à la formation d’un pré-RcT puis d’un
RcT mature permettant aux thymocytes d’interagir avec les autres cellules du thymus (cellules
épithéliales et cellules dendritiques). L’objectif de cette éducation thymique – une sorte
d’université pour les thymocytes – est de produire des lymphocytes T capables de reconnaître
des antigènes de l’extérieur et de ne pas réagir avec des antigènes du soi.
La maturation des thymocytes est caractérisée par une intense prolifération en réponse
notamment à la synthèse intrathymique de certaines cytokines. En fonction du degré de
maturation on distingue plusieurs stades de maturation thymocytaire (figure 24) :
• des thymocytes multipotents ou DN1 (double négatif pour CD4 et CD8) : ces cellules peuvent
donner naissance à des lymphocytes T, des lymphocytes NK et certains types de cellules
dendritiques dites lymphoïdes ;
• des thymocytes pro-T ou DN2 (double négatif pour CD4 et CD8) pouvant donner naissance à
des lymphocytes T et des lymphocytes NK mais pas en cellules dendritiques lymphoïdes ;
• des thymocytes DP (double positifs pour CD4 et CD8) : il s’agit du premier stade exprimant le
complexe RcT/CD36 ;
• des thymocytes SP (simples positifs, soit CD4+CD8- soit CD4-/CD8+), rescapés de la
sélection négative intrathymique.
Figure 24 : Développement des lymphocytes T thymiques
• Le récepteur T pour l’antigène (RcT ou T-cell receptor TcR)
Via son RcT, le lymphocyte T reconnaît des peptides antigéniques présentés par le complexe
majeur d’histocompatibilité (CMH/HLA). Le RcT des lymphocytes T CD4 reconnaît des
peptides d’une dizaine à une vingtaine d’acides aminés présentés par les CMH de classe II des
cellules présentatrices d’antigène (CPA). Ces peptides proviennent de la dégradation
intracellulaire de protéines extracellulaires. Le TcR des lymphocytes T CD8 reconnaît des
peptides d’une dizaine d’acides aminés présentés par les CMH de classe I, présents sur toutes
les cellules de l’organisme. Ces peptides sont d’origine intracellulaire.
On distingue le RcT proprement dit, permettant la reconnaissance de l’antigène, du complexe
RcT-CD3 qui assure la transduction d’un signal d’activation dans le lymphocyte T suite à cette
reconnaissance (figure 25).
Figure 25 : le récepteur T pour l’antigène (RcT) et le complexe adaptateur CD3
pour la cosignalisation ainsi que les autres molécules adaptatrices CD4/CD8 et CD45, parties
intégrales du complexe RcT
On distingue deux types de RcT en fonction des chaînes qui le constituent : RcT ab et RcT gd.
Ces derniers représentent un type de lymphocytes T particuliers minoritaires dans le sang
circulant (< 10 % des lymphocytes T) qui fonctionne principalement avec des antigènes non
peptidiques ou dans l’immunité innée. Les RcT conventionnels ab sont composés d’une chaîne
a et d’une chaîne b comportant chacune un domaine variable et un domaine constant. Chaque
RcT est différent d’un lymphocyte T à l’autre grâce à ces régions variables qui comportent une
extrémité hypervariable dénommée CDR (Complementary Determining Region). La partie
intracytoplasmique du RcT est courte, et elle a besoin d’être aidée pour transmettre les messages
reçus d’une aide à la signalisation prodiguée par complexe CD3. Contrairement au RcT, le
complexe CD3 est formé de cinq chaînes invariantes dont certaines possèdent des motifs
d’activation7 à l’origine de la transduction d’un signal.
Ce qui s’observe au niveau de l’expression des marqueurs à la surface des thymocytes (le
phénotype), reflète ce qui se passe au niveau du génome des cellules (le génotype) : Le RcT se
réarrage et deux séries de gènes l’encodent, situés sur deux chromosomes distincts pour les a ou
d, d’une part, et b ou g d’autre part. L’organisation des loci génétiques concernés fait intervenir
des segments de type V (Variable), D (Diversité) et J (Jonction). Se produisent des
réarrangements de type VJ, DJ ou VDJ bien ordonnancés au cours de la différenciation des
thymocytes, déclenchés par des événements moléculaires faisant intervenir des enzymes8. Les
réarrangements ont lieu dans un ordre chronologique précis, la production d’une chaîne
conventionnelle ab est acquise s’il y a pu avoir élimination des segments g et d (figure 26).
Figure 26 : Du gène au récepteur lymphocytaire T pour l’antigène
• Le répertoire de reconnaissance des RcT ab
La taille théorique du répertoire des lymphocytes T ab est immense. Lorsque l’on tient compte
des possibilités de réarrangement VDJ/VJ pour les deux chaînes produites on obtient un aléa de
l’ordre de 1015 RcT possibles ; le nombre de lymphocytes T est cependant estimé à 1012 dans
tout l’organisme et la modélisation donne environ 108 RcT générés (cent millions tout de
même !). L’essentiel de la diversité qu’on appelle idiotypique des RcT repose sur les boucles
hypervariables des chaînes a et b, régions qui interagissent avec les peptides antigéniques.
• Les molécules CD4 et CD8
Les molécules CD4 et CD8 sont des déterminants majeurs des lymphocytes T et permettent de
distinguer en périphérie des lymphocytes auxiliaires exprimant la molécule CD4 et des
lymphocytes cytotoxiques exprimant la molécule CD8. Les molécules CD4 et CD8 stabilisent
l’interaction CMH/RcT en interagissant avec une partie faiblement polymorphe du CMH et
participent à la signalisation intracellulaire.
• Sélections thymique et expression du RcT ab
Les réarrangements des gènes
Les réarrangements des chaînes du RcT conduisent à l’expression d’un récepteur pour
l’antigène plus ou moins complet à la surface des thymocytes, pour la reconnaissance de
peptides antigéniques présentés par les cellules épithéliales et dendritiques indispensables à la
délivrance de signaux de survie ou de mort cellulaires. Les thymocytes passent par plusieurs
étapes durant lesquelles ils reçoivent ce type de signaux : ce sont les étapes de sélection,
destinées à sélectionner des thymocytes ayant un RcT fonctionnel mais pas hyperréactif qui
pourrait donner lieu à des reconaissances aberrantes du soi et induire des phénomènes d’auto-
immunité en périphérie. Ce système est très coûteux en énergie car les cellules sont
sélectionnées a posteriori, c’est-à-dire une fois produites et il faudra éliminer toutes celles qui
n’auront pas été sélectionnées, c’est-à-dire l’immense majorité car le processus est hyper
sélectif. Seuls les antigènes du soi sont exprimés et présentés par les cellules épithéliales
corticales et les cellules dendritiques médullaires du thymus. L’avidité du RcT pour le complexe
CMH-antigène du soi détermine le type de signal que reçoit le thymocyte et cela sélectionne les
chaînes b puis a dans des séquences précises pour arriver à un RcT mature et de bonne qualité.
Ces étapes induisent des signaux de mort ou de survie (progression dans le cycle de sélection) :
90 % des cellules qui arrivent à ce stade meurent du fait de l’absence d’expression de pré-RcT
correctement édité à leur surface.
La sélection positive
La sélection positive a lieu au stade de co-expression CD4/CD8 lorsque les thymocytes double-
positifs expriment un RcT ab potentiellement fonctionnel. Des antigènes du soi leur sont
présentés par les cellules épithéliales corticales. Les thymocytes dont le RcT ne reconnaît pas le
complexe CMH-peptide du soi ne reçoivent pas de signal de survie et meurent. L’avidité du RcT
pour le complexe CMH-peptide du soi est ici intermédiaire. Cette étape permet l’élimination des
lymphocytes T impropres à collaborer avec les molécules CMH/HLA de l’hôte. La
reconnaissance de l’antigène par les lymphocytes T a toujours lieu dans le contexte du CMH.
On parle de restriction de la reconnaissance de l’antigène par le CMH.
La sélection négative
La sélection négative s’accompagne d’une mort des cellules recevant un signal trop intense via
le RcT. Elle entraîne ainsi l’élimination des thymocytes exprimant un RcT trop avide pour les
antigènes du soi. Les cellules présentant ces antigènes sont ici les cellules dendritiques
thymiques. Ces cellules captent les antigènes exprimés par les cellules épithéliales médullaires
et les présentent via leur CMH aux thymocytes double-positifs.
Les thymocytes simples positifs
Suite à ces différentes étapes, les thymocytes donnent naissance à des lymphocytes T naïfs
simple-positifs CD4+ ou CD8+ qui quittent le thymus par les vaisseaux de la jonction cortico-
médullaire. Au cours des rencontres ultérieures avec l’antigène, il ne surviendra ni mutation
somatique, ni commutation de classe au niveau des locus des RcT, une différence majeure avec
ce qui sera vu pour les récepteurs lymphocytaires B.
• Le récepteur T des lympocytes NKT9
Le RcT des lymphocytes NKT est quasi invariant. La chaîne a est toujours formée à partir de la
même association, de segments génétiques bien précis (on dit fixés). Il existe une petite diversité
des chaînes b exprimées par ces cellules, mais très restreinte comparée aux lymphocytes ab
classiques. Le RcT ainsi formé reconnaît non pas des peptides présentés par le CMH mais des
lipides et des glycolipides présentés par la molécule CD1d10.
• L’activation des lymphocytes T via leur RcT pour l’antigène
Après avoir été soumis aux sélections positive et négative dans le thymus, les lymphocytes T
entrent dans la circulation ; ils sont appelés naïfs car ils n’ont pas encore rencontré l’antigène
reconnu par leur RcT (on appelle cet antigène théorique l’antigène connexe). La fréquence d’un
lymphocyte T naïf vis-à-vis d’un antigène donné est de l’ordre de 1 pour 100 000. Afin d’être
activés et d’augmenter leur nombre par prolifération clonale, ces lymphocytes T naïfs doivent
rencontrer des cellules présentatrices d’antigènes (CPA) professionnelles, les cellules
dendritiques.
L’interaction entre les lymphocytes T naïfs et les CPA a lieu dans les organes lymphoïdes
secondaires. Les lymphocytes T naïfs circulent continuellement vers ces organes lymphoïdes
secondaires où ils arrivent par la circulation sanguine. Ils y pénètrent à travers des cellules
endothéliales spécialisées, guidés et attirés par une attraction moléculaire faisant intervenir des
molécules de surface et des molécules sécrétées (c’est la domiciliation ou homing). Les
lymphocytes T vont ainsi à la rencontre des CPA chargées de peptides antigéniques capturés
dans les tissus périphériques de la zone anatomique drainée par l’organe lymphoïde. Ces
peptides ont été apprêtés et sont présentés aux cellules T dans la niche antigénique du
CMH/HLA. Les lymphocytes T naïfs balayent alors la surface des cellules dendritiques
présentes, établissant des tentatives de liaison moléculaire. Si aucune liaison de haute affinité
n’est établie entre le RcT et le complexe peptide-CMH/HLA, le lymphocyte T naïf quitte le
ganglion par le vaisseau lymphatique efférent. Ce processus dure de 12 à 18 heures. Si le RcT
reconnaît spécifiquement le complexe peptide-CMH/HLA, une forte liaison est établie et le
processus de sélection clonale (ou expansion clonale) peut débuter. Cette interaction entre le
RcT et le complexe peptide-CMH/HLA est le premier signal de l’activation du lymphocyte T ; il
est spécifique de RcT et d’antigène. Un premier contrôle physiologique d’une prolifération
incontrôlée des lymphocytes est ainsi établi. Cela va déclencher une série de contrôles d’affinité
pour éviter les situations anormales et engager les étapes suivantes. Ces étapes vont aboutir à la
stabilisation du tandem que forment le lymphocyte T et la CPA autour du peptide antigénique,
faisant intervenir plusieurs couples moléculaires dont les molécules HLA de classe II avec les
molécules CD4 ou les molécules HLA de classe I avec les molécules CD8, et de nombreux
autres tandems ; c’est ce qu’on nomme la synapse immunologique, une structure dynamique qui
permet d’optimiser la signalisation initiale ainsi que l’inactivation tardive des complexes RcT-
CMH (cf. la figure 19). Le RcT étant activé par l’antigène dans ce contexte, il va transférer ce
signal au complexe compagnon CD3 pour activer la cascade de signalisation du lymphocyte et
transduire le signal au noyau (ADN) (cf. la figure 25).
Un deuxième signal est nécessaire pour poursuivre cette activation spécifique de l’antigène. Ce
signal de costimulation est indispensable pour protéger les cellules T d’une anergie ou d’une
apoptose précoce qui interviennent en son absence. Des cellules dendritiques du ganglion
exprimant certaines molécules de costimulation pour une molécule lymphocytaire T (CD28)
agissent en une boucle de régulation qui déclenche une forte prolifération des lymphocytes T
réactifs à l’antigène reconnu. Là encore, un rétrocontrôle est nécessaire afin d’empêcher une
prolifération aberrante.
Plusieurs autres molécules interviennent après cette première vague de costimulation et jouent
un rôle dans la différentiation fonctionnelle des lymphocytes T. Ces molécules vont être
importantes en particulier pour l’aide (« help ») que les lymphocytes T CD4+ vont apporter aux
lymphocytes B qui expriment également ces ligands et pour la survie des lymphocytes T CD4+
mémoire.
Une molécule inhibitrice intervient plus tardivement dans cette interaction entre le lymphocyte
T activé et la cellule dendritique. La molécule PD1 (« Programmed Cell Death-1 ») est
exprimée après cette molécule de rétrocontrôle ; elle est reconnue par deux ligands (PDL-1 et
PDL-2)11.
IL serait fastidieux de détailler toutes ces molécules mais elles sont pourtant fondamentales et la
plupart, actuellement, sont la cible de biomédicaments qui peuvent soit les booster, soit les
bloquer en fonction de l’effet désiré, dans le traitement de diverses pathologies en particulier
auto-immunes ou cancéreuses, et parfois infectieuses.
• La différenciation en effecteurs des lymphocytes T activés par l’antigène
Après la reconnaissance de l’antigène et l’activation, les lymphocytes T CD4+ prolifèrent et une
partie du clone devient des lymphocytes effecteurs auxiliaires. Ils recrutent et activent des
cellules de l’immunité innée, et favorisent l’activation des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques et
des lymphocytes B spécifiques du même antigène (figure 27). Des signaux délivrés par
l’environnement permettent aux lymphocytes en expansion clonale de résister à l’apoptose et
d’être maintenus en vie, pour une fonction (figure 28).
Les lymphocytes T CD4+ sont de plusieurs types, chacun avec ses caractéristiques
fonctionnelles et sécrétoires (en cytokines ou plus largement en produits modificateurs du
comportement biologique ou BRM).
Figure 27 : Activation, expansion clonale, différenciation et fonctionnalités des lymphocytes T
activés par l’antigène (ici un lymphocyte T CD4+ auxiliaire du helper)

Figure 28 : Expansion clonale des lymphocytes T activés et résistance à l’apoptose


Les lymphocytes Th1
Les lymphocytes T CD4+ sécrétant majoritairement de l’Interféron-gamma (IFN-γ),
du Tumour Necrosis Factor-alpha (TNF-α) et de l’Interleukine 2 (IL-2) ont été appelés Th1. Ces
lymphocytes induisent les réponses immunes cellulaires les plus efficaces contre les virus et
bactéries, mycobactéries et parasites intracellulaires. Cependant, cette réponse anti-infectieuse
Th1 peut aussi être à l’origine de lésions immunopathologiques tissulaires, notamment en
présence d’une infection chronique, ou de fibrose autour d’une infection non contrôlée. Ces
cellules sont fortement impliquées dans les maladies auto-immunes. D’autres cytokines sont
aussi fortement impliquées comme l’IL-12 et des autres membres de sa superfamille.
Les lymphocytes Th2
Les lymphocytes T sécrétant majoritairement de l’IL-4, IL-5 et IL-13, sont nommés Th2. Les
lymphocytes Th2 soutiennent la différentiation des lymphocytes B pour la production
d’anticorps. Ces réponses sont aussi majoritaires dans l’élimination des parasites extracellulaires
comme les helminthes, et dans l’allergie.
Th1 et Th2 : des fonctions mutuellement antagonistes
Il a été démontré que le développement de ces sous-populations était mutuellement antagoniste :
l’IFN-g et l’IL-12 (la signature des lymphocytes Th1) bloquent le développement des
lymphocytes Th2 via l’inhibition de la production d’IL-4 (elle-même signature des lymphocytes
Th2) et réciproquement. Certaines situations cliniques cependant polarisent clairement les
profils tantôt vers le type Th1, tantôt vers le type Th2.
Les lymphocytes Th17
D’autres profils de sécrétion des lymphocytes T CD4 effecteurs ont été décrits. Les
cellules Th17 produisent de l’IL-17, de l’IL-21 et de l’IL-22 (signatures des Th17). Ces cellules
sont importantes pour le contrôle des infections bactériennes extracellulaires et fongiques et
jouent un rôle dans le recrutement et l’activation des cellules de l’immunité innée comme les
polynucléaires neutrophiles. Les lymphocytes Th17 sont aussi être fortement impliqués dans des
maladies auto-immunes et inflammatoires.
Les profils Th moins typiques
D’autres profils de lymphocytes T CD4+ ont une activité auxiliaire, mais moins typique que les
lymphocytes Th1/Th2.
• Les lymphocytes T CD4+ folliculaires (TFH) contribuent à la formation des centres germinatifs
et à la production d’anticorps de haute affinité. Il n’est pas encore établi si ces cellules sont un
sous-type cellulaire à part entière ou le produit d’une différentiation phénotypique de
cellules Th1, Th2 ou Th17. Cette ambivalence est due à l’absence d’une signature cytokinique
spécifique, puisque ces cellules peuvent produire de l’IL-4 ou de l’IFN-g en fonction des
micro-environnements présents pendant leur génération.
• Les lymphocytes Th9 produisent de l’IL-9 et peuvent être induits à partir de cellules Th2 sous
l’influence de TGF-β.
Les lymphocytes T régulateurs
On distingue les lymphocytes T régulateurs naturels (nTreg) produits par le thymus, et les
lymphocytes T régulateurs induits (iTreg) produits en périphérie.
* Les lymphocytes T régulateurs naturels expriment la molécule CD4 et se caractérisent aussi
d’une part par une forte expression de la chaîne a du récepteur à l’interleukine 2, d’autre part
par le facteur de transcription FoxP3 ; ils sont peu sensibles à l’interleukine-7. Les T régulateurs
naturels se développent dans le thymus mais les étapes précises de leur développement sont mal
connues chez l’homme. Le développement thymique des T régulateurs naturels pourrait reposer
sur la sélection de lymphocytes T dont le RcT a une forte affinité d’interaction avec des
complexes CMH/peptides du soi présentés par les cellules thymiques stromales. Les fonctions
des T régulateurs naturels sont d’inhiber la prolifération de lymphocytes T effecteurs
conventionnels, par contact cellulaire direct. Ces fonctions sont importantes pour le maintien de
la tolérance fœtale et l’établissement de la tolérance fœto-maternelle mais aussi dans le contrôle
de l’auto-immunité. Ces cellules sont sensibles aux environnements et aux co-signaux
cytokiniques : les T régulateurs naturels ne peuvent pas supprimer une prolifération de
lymphocytes T effecteurs fortement activés ni la production de cytokines pro-inflammatoires.
* Les lymphocytes T régulateurs induits se développent dans la périphérie à partir notamment
de lymphocytes T CD4+ naïfs. Ils ont pour rôle de contrôler les lymphocytes T naïfs auto-
réactifs ayant échappé à la sélection thymique. Plusieurs types régulateurs induits ont été
decrits :
• les lymphocytes Th3, qui produisent du TGFb, sont capables de supprimer ou de contrôler les
réponses immunitaires qui pourraient se déclencher au niveau de la barrière muqueuse au
contact de la flore microbienne ;
• les lymphocytes TR1 sont produits en présence d’une forte concentration d’IL-10. Leur
développement semble également favorisé par l’IFN-a ; ils sécrètent des cytokines inhibitrices
telles que l’IL-10 mais pas de l’IL-4, ce qui les distingue des Th2. L’origine naturelle des
cellules TR1 n’est pas clairement établie, mais il semble que la présentation d’antigènes par des
cellules dendritiques immatures pourrait favoriser leur développement.
(La fonction suppressive des lymphocytes régulateurs induits Th3 et TR1 semble passer par
l’IL-10 au détriment de l’IL-2. Ils pourraient diminuer l’expression des molécules du CMH et
des molécules costimulatrices par les cellules présentatrices d’antigènes) ;
• d’autres populations lymphocytaires telles que les cellules T CD4-/CD8- double négatives, une
sous-population de lymphocytes T CD8+, les cellules T gδ, les cellules NKT et enfin
récemment certains lymphocytes B semblent avoir dans certaines circonstances un potentiel
régulateur. Ces différents types cellulaires pourraient donc aussi jouer un rôle dans le maintien
de la tolérance périphérique.
• Les facteurs impliqués dans la différentiation des profils de lymphocytes T CD4+
Les mécanismes impliqués dans la génération des différents profils de lymphocytes T CD4+ ne
sont pas encore complètement élucidés. De façon générale, il faut un troisième signal de
différentiation reçu par des lymphocytes T CD4 naïfs pendant leur activation. Ce signal dépend
de la nature et de la quantité d’antigène reconnu par les cellules présentatrices d’antigène, et du
lieu où se produit la rencontre, le type de cellules présentant l’antigène (CPA) impliqué, etc. Par
exemple, l’interaction entre des Pathogen-Associated Molecular Patterns (PAMP) et des
Pattern Recognition Receptors (PRR) de l’immunité innée induit l’activation des CPA et la
sécrétion de cytokines inductrices d’une réponse Th1 (IL-12, IFN-g).
Le troisième signal est majoritairement délivré par les cytokines présentes dans le micro-
environnement où a lieu l’interaction physique entre les CPA et les lymphocytes T. Une
combinaison de cytokines est nécessaire pour la différentiation de chaque type de lymphocytes
T, notamment IL-12 et IFN-g pour les Th1, IL-4 et TLSP12 pour les Th2, TGF-β et IL-6/IL-
21/IL-23 pour les Th17 et TGF-β et IL-2 pour les iTreg.
La liaison des cytokines à leurs récepteurs induit l’activation des protéines de la famille STAT13.
Ces protéines induisent une augmentation de l’expression des facteurs de transcription de
différents gènes, y compris ceux des cytokines elles-mêmes, générant les signatures
cytokiniques. Chaque type de lymphocyte T possède ainsi un facteur de transcription majeur
caractéristique qui, lui aussi est capable de contre réguler le développement des autres profils et
de polariser la cellule.
Il existe cependant une plasticité entre les différents profils de lymphocytes T CD4+, sous le
contrôle de modifications épigénétiques des gènes cibles de facteurs de transcription, adaptant
les cellules T effectrices au contexte immunologique dans lequel elles se trouvent. Par exemple,
des cellules Th17 peuvent, sous l’effet de l’IL-12, produire de l’IFN-g plus caractéristique d’un
profil Th1.
• La Tolérance et lymphocytes T
Qu’est-ce que la tolérance ?
La tolérance immunitaire est la capacité du système immunitaire à ne pas déclencher de réaction
agressive vis-à-vis de cellules porteuses de certains antigènes avec lesquels le lymphocyte a été
en contact. Une tolérance immunitaire est toujours spécifique ; elle s’exerce avant tout vis-à-vis
des constituants du soi. Les mécanismes de tolérance s’acquièrent au cours du développement.
Les mécanismes de tolérance immunitaire ont pour objectif de prévenir les réactions auto-
immunes.
Quels sont les mécanismes généraux de la tolérance ?
• La tolérance centrale aboutit à la délétion clonale de lymphocytes réactifs vis-à-vis d’antigènes
du soi, au niveau du thymus pour les lymphocytes T, ou au niveau de la moelle osseuse pour
les lymphocytes B. L’acquisition de la tolérance centrale se déroule lors des processus de
différenciation des lymphocytes T et B.
• La tolérance périphérique repose sur plusieurs mécanismes dont la suppression de la réponse
immune par les lymphocytes T régulateurs.
La tolérance au niveau du thymus
Lors de la différenciation thymique, les lymphocytes T subissent deux étapes de sélection au
cours desquelles plus de 99 % des thymocytes sont éliminés.
La première étape est la sélection dite positive ; elle concerne les thymocytes double positifs,
CD4+/CD8+. Elle agit sur un répertoire de récepteurs lymphocytaires T pour l’antigène (RcT)
capables de lier de façon élective les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH). Les thymocytes dont le RcT ne reconnaît pas le complexe CMH présentant un peptide
du soi ne reçoivent pas de signal de survie et meurent, sélectionant ainsi des thymocytes à
capacité de reconnaître un peptide.
La seconde étape, de sélection dite négative, est celle où les lymphocytes T dont le RcT réagit
fortement vis-à-vis d’antigènes du soi sont éliminés. La sélection négative se réalise dans la
zone médullaire thymique et donne naissance à des lymphocytes naïfs simple-positifs CD4+ ou
CD8+. Ainsi la majorité des lymphocytes T réagissant vis-à-vis de ces auto-antigènes est
éliminée, permettant d’éviter des réponses auto-immunes en périphérie.
La tolérance périphérique
La tolérance périphérique aux auto-antigènes repose sur plusieurs mécanismes. Si les
lymphocytes T reconnaissent le complexe CMH/peptides du soi en l’absence de signaux de
costimulation sur la cellule présentatrice d’antigène (CPA), ils ne peuvent pas développer de
réponse immune, même s’ils sont restimulés ultérieurement avec des signaux de costimulation.
Ces lymphocytes sont dits anergiques. La réponse est bien spécifique d’antigène mais non
productive.
Certains antigènes du soi n’ont pas de raison d’être visibles des lymphocytes T car il n’y a pas
ou peu de migration cellulaire dans des sites privilégiés tels que le cerveau, la chambre
antérieure de l’œil, la thyroïde, le pancréas ou le testicule. Le système immunitire va ainsi
ignorer, sauf en pathologie, les auto-antigènes de ces organes : on parle d’ignorance ou de
ségrégation antigénique.
La déviation cytokinique est un troisième mécanisme inducteur d’une tolérance périphérique.
Certaines cellules lymphocytaires auto-réactives peuvent produire des cytokines de type Th2 qui
limitent l’inflammation et entraînent une immunodéviation évitant ou supprimant la réponse de
lymphocytes pathogènes auto-réactifs.
Enfin, les lymphocytes T régulateurs, contribuent fortement à la tolérance périphérique aux
antigènes du soi.
La rupture de tolérance
La distinction entre le soi et le non soi n’est pas toujours parfaite. La tolérance immunitaire peut
être rompue, laissant s’activer des lymphocytes auto-réactifs favorisant l’auto-immunité. L’auto-
immunité traduit donc une absence de rétrocontrôle.
La rupture de tolérance peut être favorisée par un contexte infectieux ou inflammatoire. Ainsi,
des lymphocytes présentant une faible affinité pour un auto-antigène peuvent s’activer s’ils
rencontrent des cellules dendritiques présentant cet antigène et de forts signaux de costimulation
ou encore si ces auto-antigènes sont également des ligands pour les Pathogen Recognition
Receptors (PRR) de l’immunité innée.
La rupture de tolérance peut être favorisée par la présence anormale et/ou en quantité importante
d’un auto-antigène libéré par traumatisme d’un site habituellement protégé (œil, cerveau). Cette
situation peut être observée suite à un traumatisme ou une infection.
La rupture de tolérance peut être également être induite par un dysfonctionnement des cellules T
régulatrices.

■ Les lymphocytes B
• Les grandes lignes
Les lymphocytes B comptent pour 5 à 15 % des lymphocytes circulants ; ils se caractérisent par
une immunoglobuline (Ig) exprimée à leur surface. Cette Ig est produite par le lymphocyte B
lui-même et c’est le récepteur spécifique pour l’antigène ou RcB. Chaque immunoglobuline est
un hétérodimère protéique composé de deux chaînes lourdes H (pour Heavy) identiques et deux
chaînes légères L (pour Light) identiques. Chaque chaîne est composée d’une région constante
C et d’une région variable V. L’association des domaines variables des chaînes lourdes et légères
définit le site hypervariable (HV) de fixation à l’antigène. Le RcB, comme le RcT des
lymphocytes T, a une partie intracellulaire très courte le rendant impropre à bien « signaler » le
message d’activation reçu (le plus souvent l’antigène), mais il est associé à des molécules
responsables de la transduction du signal après contact avec l’antigène : les chaînes Igα ou
CD79a et Igβ ou CD79b. D’autres molécules sont présentes de façon différencielle à la surface
du lymphocyte B selon son état d’activation et différenciation (figure 29).
Figure 29 : Le récepteur pour l’antigène des Lymphocytes B et les corécepteurs

Les lymphocytes B, après activation, se transforment en plasmocytes qui sécrètent des anticorps
(Ac) qui sont des immunoglobulines (Ig) de la même spécificité que le RcB des lymphocytes
qui en sont à l’origine. Différentes chaînes lourdes déterminent des classes d’immunoglobulines
ou isotypes. Il existe également des sous-classes. On décrit ainsi cinq types de chaînes lourdes :
gamma (g), alpha (a), mu (m), delta (d) et epsilon (e) subdivisées en neuf sous-classes IgG1,
IgG2, IgG3, IgG4, IgA1, IgA2, IgM, IgD et IgE. Les chaînes légères sont soit kappa (k) soit
lambda (l), pour chaque sous-classe déterminée par la chaîne lourde (figure 30).
Figure 30 : Les différentes présentations des immunoglobulines chez l’homme

• Le récepteur B pour l’antigène (RcB)


Le RcB est caractérisé par sa diversité, qui résulte de recombinaisons des segments de gènes
codant les chaînes lourdes (H) et légères (L) qui le constituent. Le nombre élevé d’antigènes
susceptibles d’être rencontrés par l’organisme implique que le génome permette la synthèse
d’au moins plusieurs millions de molécules différentes. Les régions constantes (C) des
différentes chaînes lourdes et légères sont invariables alors que les régions variables (V) sont
différentes d’une molécule d’Ig à l’autre et spécifiques chacune d’un épitope antigénique.
Plusieurs segments de gènes participent à la constitution des régions variables et hypervariables,
comme pour le RcT.
• L’organisation des gènes des immunoglobulines (RcB) et l’origine de la diversité des RcB
La formation des chaînes lourdes et des chaînes légères des Ig résulte de l’association de
plusieurs segments de gènes qui sont organisés en loci sur des chromosomes différents.
Le locus des gènes des chaînes lourdes comprend environ 70 segments regroupés en trois
familles de gènes dits de variabilité (V), de diversité (D) et de jonction (J). Neuf gènes codent
les régions constantes (C) des 9 classes et sous-classes d’immunoglobulines. Dans l’ordre, sur le
chromosome 14, on trouve les gènes des divers domaines constants des régions Cμ, Cδ, Cγ3,
Cγ1, Cε2, Cα1, Cγ2, Cγ4, Cε1, Cα2. Le gène Cε2 est un pseudogène. Il y a aussi deux locus
pour les gènes des chaînes légères. Les gènes des chaînes légères κ et λ sont situés sur deux
autres chromosomes et ils comportent une trentaine chacun de segments V et J, et un segment C.
Deux mécanismes différents assurent la diversité du RcB, respectivement la diversité
combinatoire et la diversité jonctionnelle.
La diversité combinatoire est gouvernée par le hasard du choix des segments constituant les
régions variables. Cette combinatoire est complexe et implique des recombinaisons des
segments VDJ des chaînes H et VJ des chaînes L. Après épissage14, les ARN messagers matures
sont prêts à être traduits en protéines. Le passage de la forme membranaire à la forme sécrétée
des immunoglobulines s’effectue par épissage alternatif15 d’un même transcrit primaire de
chaîne lourde. Le grand nombre de segments V, D et J disponibles et les multiples combinaisons
possibles entre ces éléments constituent la base de la diversité combinatoire. Des enzymes
essentielles sont nécessaires à ces étapes.
La diversité jonctionnelle permet d’augmenter encore la diversité créée par les mécanismes de
recombinaison. Lors des processus de recombinaison VDJ ou VJ, les mécanismes de réparation
de l’ADN créent d’autres variabilités par des délétion ou des insertion de nucléotides dans les
régions variables et hypervariables codant pour les immunoglobulines (figure 31).
Ces recombinaisons permettent de générer un vaste répertoire d’immunoglobulines à partir d’un
nombre restreint de gènes, théoriquement jusqu’à 109 produits d’immunoglobulines différents,
donc des RcB distincts pour des antigènes innombrables.
Cependant, il existe un prix à cette variabilité particulièrement importante : seule une séquence
recombinée sur trois peut coder une protéine fonctionnelle.
Figure 31 : Du gène au récepteur lymphocytaire B pour l’antigène

• L’exclusion allélique et l’exclusion isotypique


Chaque lymphocyte synthétise des anticorps d’une seule spécificité, correspondant aux
réarrangements des régions variables. Ainsi, ces immunoglobulines sont produites à partir d’un
seul chromosome 14 (chaîne lourde H) et de l’un des deux chromosomes 2 (chaîne légère k) ou
22 (chaîne légère l). Ce phénomène est appelé exclusion allélique. Au cours de la différenciation
du lymphocyte, une première recombinaison est tentée sur l’un des deux chromosomes 14 pris
au hasard. Si la recombinaison est réussie, c’est-à-dire si une chaîne lourde fonctionnelle peut
être synthétisée, le réarrangement est dit productif. Le second chromosome n’est alors pas
recombiné et ne sera pas exprimé. Si au contraire, la tentative échoue, ne conduisant pas à une
synthèse fonctionnelle, une nouvelle recombinaison est tentée sur l’autre chromosome. Lorsque
le réarrangement productif d’une chaîne lourde est effectif, le même scénario se reproduit avec
les chromosomes sur lesquels sont situés les gènes codant pour les chaînes légères. Si les échecs
se répètent pour tous les gènes possibles, le lymphocyte ne produira jamais d’immunoglobuline.
L’ADN de la chaîne lourde sélectionnée est isolé par épissage alternatif ; la sélection quant à
elle est la résultante d’influences encore incomplètement comprises de façon exhaustive mais
qui comprennent des facteurs cellulaires de contacts avec des lymphocytes T auxiliaires, des
cellules dendritiques, etc., et des facteurs moléculaires solubles, enzymes, cytokines, etc.
(figure 32).
De plus, une même cellule n’exprime jamais à la fois une chaîne κ et une chaîne λ, c’est
l’exclusion isotypique. La toute première tentative de recombinaison pour les chaînes légères
s’effectue au niveau de l’un des deux gènes κ. En cas d’échec il est fait appel au gène κ de
l’autre chromosome 2 puis aux gènes λ.
Figure 32 : Choix de la chaîne lourde d’une immunoglobuline

• L’histoire naturelle des lymphocytes B


Les deux phases principales
On peut séparer l’ontogenèse des lymphocytes B en deux phases principales, respectivement
dépendante et indépendante de la présence d’antigène.
La phase initiale de différenciation et de maturation des lymphocytes B se déroule dans la
moelle osseuse et elle est indépendante de l’antigène. Elle génère des lymphocytes B immatures
mais exprimant déjà une immunoglobuline de surface capable de reconnaître un antigène.
La seconde phase d’activation et de différentiation est, elle, dépendante des antigènes du soi
dans la moelle puis du non-soi dans les organes lymphoïdes secondaires. Elle aboutit à la
formation de plasmocytes et de cellules B mémoires spécifiques d’un antigène et un seul.
Les cinq stades du développement (figure 33) :
Figure 33 : Développement (ontogénèse) des lymphocytes B

• Les progéniteurs lymphoïdes communs (CLP) : les cellules souches hématopoïétiques sont à
l’origine de toutes les cellules sanguines et donc des lymphocytes. Des précurseurs lymphoïdes
communs sont issus de ces cellules souches de façon restreinte pour la lignée lymphoïde
(cellules T, B et NK).
• Le stade pré-pro B : dans la moelle osseuse, les précurseurs B les plus immatures constituent
cette sous- population de cellules pré-pro-B qui n’ont pas encore réarrangé les gènes des
immunoglobulines. Ces cellules commencent à exprimer les molécules CD79 qui seront
nécessaires à la transduction des signaux d’activation via le RcB une fois que l’antigène l’aura
stimulé.
• Le stade pro-B : à ce stade commencent à s’opérer les réarrangements des gènes des
immunoglobulines selon une cinétique contrôlée. Les premiers réarrangements caractérisent le
stade pro-B précoce, auquel apparaît le marqueur CD19. Au stade pro-B tardif, les
réarrangements fonctionnels qualitatifs (en variabilité, diversité et jonction) permettent la
synthèse d’une chaîne lourde μ intracytoplasmique.
• Le stade pré-B : une chaîne lourde µ est alors exprimée (mais faiblement) à la surface des
cellules pré-B, en association avec une pseudo chaîne légère (chaîne incomplète et immature).
Ce complexe forme le pré-BCR qui permet à la cellule de passer au stade de la différenciation
et d’entrer dans une phase d’expansion clonale. Des gènes essentiels permettent de maturer
l’expression des gènes des chaînes légères, d’abord κ puis λ si nécessaire.
• Le stade B immature est caractérisé par la production d’une chaîne légère fonctionnelle ; le
RcB est à présent produit ; il s’agit à ce stade d’une IgM de surface mais bien différenciée du
point de vue de la spécificité de reconnaissance de l’antigène. Un épissage d’ARN à ce stade
permet aux lymphocytes B immatures de co-exprimer deux types d’immunoglobulines μ et δ
avec la même spécificité. Les lymphocytes B immatures subissent alors un processus de
sélection négative éliminant les lymphocytes B dont les RcB sont encore spécifiques pour les
antigènes du soi. Les cellules qui survivent quittent alors la moelle osseuse pour se rendre dans
les organes lymphoïdes secondaires où elles pourront subir les dernières étapes de maturation.
• Régulation de la différenciation lymphocytaire B
Le rôle des facteurs de croissance, des cytokines et des facteurs de transcription dans la phase de
développement des lymphocytes B indépendante des antigènes
Les premières étapes du développement des lymphocytes B sont strictement dépendantes du
micro-environnement cellulaire (de contact à contact) et sécrétoire (facteurs de croissance et
cytokines) apporté par les cellules stromales de la moelle osseuse. Différents facteurs de
transcription, en se fixant sur différents promoteurs et activateurs, sont impliqués dans la
quiescence, la survie et la mort des progéniteurs B.
La différenciation des lymphocytes B dépendante de l’antigène
• Les cellules B immatures qui ont quitté la moelle osseuse passent par un stade intermédiaire,
qui est le stade B transitionnel, auquel a lieu la sélection périphérique. Les lymphocytes B
survivants expriment une IgM et une IgD de surface – ils sont dits naïfs – et ils ont deux voies
possibilités de différenciation : 1) soit en lymphocytes B folliculaires conventionnels impliqués
dans les réponses humorales dépendantes des lymphocytes T qui aboutira à leur transformation
en lymphocytes dont le RcB est une IgG, une IgA, éventuellement une IgE ; 2) soit en
lymphocytes B de la zone marginale qui sont impliqués dans les réponses humorales thymo-
indépendantes, qui aboutira à leur maintien dans la voie des récepteurs à IgM mais en perdant
l’IgD16.
• Les lymphocytes B folliculaires représentent 80 % des cellules dans les structures lymphoïdes
lymphatiques. Après activation par leur rencontre avec l’antigène, les lymphocytes B peuvent
soit se différencier rapidement en plasmocytes à IgM à courte durée de vie, soit former des
centres germinatifs où ils subissent les processus d’hypermutation somatique et de
commutation isotypique vers les IgG, les IgA, les IgE, avant de se différencier en cellules B
mémoires ou en plasmocytes à longue durée de vie.
• Les lymphocytes B mémoires constituent un groupe minoritaire de cellules à longue durée de
vie, capables de persister à l’état quiescent sans proliférer (de plusieurs mois à plusieurs
dizaines d’années chez l’homme). Ces lymphocytes expriment en général un récepteur muté
vers la voie des IgG, IgA, IgE ou, s’ils expriment encore une IgM, c’est sans l’IgD. Ces
lymphocytes peuvent se localiser dans les structures lymphoïdes des muqueuses ou
périphériques. Les cellules mémoires ont la faculté de répondre très rapidement et fortement
aux antigènes dont le RcB est spécifique. Ils peuvent présenter rapidement et efficacement
l’antigène aux lymphocytes T lors d’une réponse secondaire et eux-mêmes, coactivés par ces
lymphocytes T, peuvent se différencier en plasmocytes, ou retrouver un état de mémoire, etc.
• Les plasmocytes changent de profil d’expression : ils perdent l’expression de CD19 et CD20
et surtout de leur Ig de membrane (RcB) et se mettent à exprimer en surface des marqueurs
sinon exclusifs du moins assez caractéristiques comme les enzymes CD3817 et CD138. Les
plasmocytes sont les effecteurs ultimes de la réponse immunitaire humorale (il n’y plus de
plasticité immunologique ni de retour en arrière à un stade plus jeune pour cette cellule très à
part). Le plasmocyte est une usine de production d’anticorps à destination de l’ensemble de
l’organisme et il en sécrète des quantités phénoménales pour une seule cellule. Leur durée de
vie est plus ou moins longue selon le type de signaux reçu lors de la stimulation antigénique.
• Les lymphocytes de la zone marginale (MZ) interviennent quant à eux dans les réponses
indépendantes des lymphocytes T et souvent en relation avec des antigènes non peptidiques
(glucidiques, lipidiques). Leur action est essentielle puisque ce sont ces cellules qui vont
constituer la première ligne de défense contre certains micro-organismes comme les bactéries
encapsulées18. Ces lymphocytes B périphériques sont à l’origine d’autoanticorps dits
« naturels », polyréactifs, de faible affinité dont les fonctions périphériques sont multiples :
élimination des débris cellulaires, transport de cytokines ; ces Ig polyréactives ont aussi des
fonctions centrales en formant des complexes antigènes/anticorps qui seront capturés et
présentés aux cellules B folliculaires par les cellules dendritiques folliculaires dans les centres
germinatifs des ganglions.
• Des lymphocytes B régulateurs assurent vraisemblablement l’homéostasie B dans le maintien
de l’équilibre du système immunitaire. Ces lymphocytes B producteurs d’IL-10 exercent ainsi
d’importantes fonctions de régulation de la réponse immune et participent au rétrocontrôle de
l’activation lymphocytaire B.
L’activation des lymphocytes B dépendante de l’engagement du RcB pour l’antigène et
l’activation non directement dépendante de l’antigène
• Activation du lymphocyte B après stimulation du RcB pour l’antigène : à la suite du pontage
d’au moins deux RcB (ce qui se fait en présence d’épitopes répétés sur l’antigène)19, les
molécules de signalisation CD79a et CD79b sont activées selon le schéma classique de la
signalisation intracellulaire. Cette signalisation aboutit à la production de facteurs de
transcription qui traversent la membrane nucléaire (translocation), et activent les gènes
contrôlant le programme fonctionnel des lymphocytes B. Cette activation dépendante du RcB
est cependant modulée par des signaux indépendants du RcB qui permettent, en fonction du
stade de développement du lymphocyte B, de l’orienter soit vers une mort programmée ou
apoptose, soit vers la prolifération. L’apoptose concerne la sélection négative au cours de
l’ontogénie B ou diminution de la taille du clone (contraction clonale) après activation. La
prolifération concerne la sélection positive au cours de l’ontogénie B ou l’expansion clonale
après activation B. Ces signaux gouvernent aussi la différenciation et la maturation qui font
évoluer les cellules du lymphocyte B naïf au lymphocyte B mature, puis au lymphocyte B
mémoire ou au plasmocyte. D’autres signaux membranaires en relation avec l’environnement
cellulaire du lymphocyte B (adhésines) et sécrétoires (cytokines, chimiokines, facteurs du
complément), etc. permettent de contrôler la signalisation du RcB. vers l’un des états du
lymphocyte B (survie, l’apoptose, activation, prolifération, différenciation). Ainsi, au cours
d’une infection, le fragment C3d produit par l’activation du complément et son clivage, enrobe
le micro-organisme. La molécule CD21 qui est le récepteur du complément de type II,
fortement présente à la surface du lymphocyte B, est capable de lier le C3d produit, quelle que
soit la structure qui le porte. CD21 vient donc compléter la détection du pathogène et sa
reconnaissance par le RcB. Cette double liaison déclenche : 1) l’activation du complexe
membranaire lymphocytaire B qui comprend plusieurs molécules essentielles dont CD21,
CD19, etc20. ; 2) l’activation du RcB par ses molécules CD79. Si la coopération est positive,
cela aboutit à l’activation et à la prolifération du lymphocyte B. Des contre-régulations sont
prévues avec un contrôle négatif sur l’activation du lymphocyte B par exemple lorsqu’une
immunoglobuline, par l’intermédiaire de sa partie constante Fc, lie le FcγR-IIB (CD32B)
présent sur les lymphocytes B et délivre alors un signal de frein qui permet un certain contrôle
du niveau de réponses lorsque par exemple suffisamment d’effecteurs a été produit pour
contrôler la réponse immune et l’ajuster au besoin (figure 34).
Figure 34 : Mécanismes de régulation de l’effet cellulaire des anticorps
• Les réponses lymphocytaires B dépendantes de l’aide des lymphocytes T activés par l’antigène
(réponses dites thymo- [ou T)] dépendantes) : à l’interface des zones corticales et
paracorticales ganglionnaires, les lymphocytes B rencontrent des lymphocytes T spécifiques, et
leurs présentent l’antigène. Le lymphocyte T réactif a été préalablement activé par une cellule
dendritique au sein de la zone T. C’est le cas pour les antigènes polypeptidiques qui sont captés
par le RcB puis internalisés dans le lymphocyte B puis apprêtés dans une molécule HLA de
classe II pour permettre l’exposition membranaire des peptides sélectionnés. Cette interaction
est complétée par l’expression de molécules de costimulation, tant sur les lymphocytes T que
B, permettant les seconds signaux d’activation lymphocytaires T. Le complexe moléculaire
CD40L (T) et CD40 (B) est particulièrement actif et notable mais il n’est pas le seul. Au cours
de cette étroite interaction, le lymphocyte B reçoit de la part du lymphocyte T des signaux
nécessaires à sa prolifération et sa maturation, comme de l’IL-2 et de l’IL-4 en particulier.
• Les modifications de structure du RcB après contact antigénique : 1) l’hypermutation
somatique et 2) la commutation de classe. Les immuno-
globulines de membrane subissent des modifications dans les organes lymphoïdes secondaires ;
cela entraîne une modification de la maturation des ARN messagers des chaînes lourdes, qui se
traduit par la disparition des immunoglobulines membranaires et la sécrétion d’IgM (sans IgD)
dans le cas d’une différenciation en plasmocytes à IgM à courte durée de vie qui caractérise les
lymphocytes B de la zone marginale MZ. Lorsque le lymphocyte B migre dans centre
germinatif des organes lymphoïdes secondaires, il est d’abord centroblaste dans la zone sombre
de ce follicule secondaire, lieu privilégié d’un phénomène essentiel qui est l’hypermutation
somatique des gènes codant les régions variables et hypervariables des immunoglobulines.
Cette opération permet au RcB de devenir plus adapté à l’antigène et plus affin, d’avoir une
liaison plus forte avec lui. Une enzyme appelée AID est essentielle à ce processus. Après
sélection positive des lymphocytes B portant une immunoglobuline de forte affinité pour
l’antigène, la cellule devient un centrocyte qui a migré dans la zone claire du follicule
secondaire, lieu privilégié de la commutation de classe ou commutation isotypique (class
switching). Les lymphocytes B ainsi différenciés portent un RcB de la nouvelle classe (IgG,
IgA, IgE) mais toujours réactif et spécifique du même antigène. Il en sera de même pour les
lymphocytes B mémoires qui pourront en être issus, et les plasmocytes sécrèteront ces
anticorps, lesquels alimenteront la mémoire sérologique (figure 35).
Figure 35 : Le follicule ganglionnaire secondaire

• Immunoglobulines membranaires (RcB) ou sécrétée (anticorps ou Ac) : l’immunoglobuline de


membrane (RcB) est identique à l’immunoglobuline sécrétée (anticorps), à l’exception d’une
séquence d’acides aminés située dans la partie caudale des chaînes lourdes H. Les
immunoglobulines de membrane sont un peu plus longues que leurs homologues pour traverser
la membrane cellulaire et y ancrer la molécule.
• La sélection des lymphocytes B et leur répertoire de reconnaissance d’antigènes
Le système immunitaire est soumis à deux impératifs sélectifs opposés : 1) produire des
lymphocytes ayant des récepteurs membranaires susceptibles de reconnaître une immense
variété d’antigènes différents ; et 2) contrôler les lymphocytes susceptibles de réagir avec le soi.
La tolérance au soi du système immunitaire est donc un état physiologique nécessaire. Avant
leur migration vers la périphérie, les cellules B immatures subissent un processus sélectif qui
diminue fortement le nombre de clones B auto-réactifs : c’est la tolérance centrale. Cependant,
malgré l’efficacité de ce processus, certains clones auto-réactifs gagnent la périphérie justifiant
la mise en place d’un mécanisme additionnel de tolérance périphérique.
• Tolérance et lymphocytes B
Tolérance centrale et lymphocytes B
En cas d’affinité trop forte ou pour les antigènes induisant une agrégation importante des
récepteurs membranaires, les signaux intracellulaires induits favorisent les mécanismes de
réédition des récepteurs de l’antigène et de délétion clonale ; le premier est de loin le plus utilisé
par le système. En dessous d’un certain seuil, les clones B auto-réactifs seront tolérisés par
induction d’une anergie, qui les rend incapables de poursuivre leur route (par exemple en
recevant des signaux de progression). Enfin, si l’antigène n’est pas ou peu présent dans la
moelle osseuse, les clones auto-réactifs quittent celle-là sans subir de tolérisation active mais en
étant ignorés (processus d’ignorance clonale).
Tolérance périphérique et lymphocytes B
La tolérance périphérique touche tant les lymphocytes B transitionnels que les lymphocytes B
folliculaires.
Les lymphocytes B transitionnels migrent de la moelle osseuse vers la rate où l’affinité/avidité
de leur RcB est testée vis-à-vis des antigènes du soi. Les lymphocytes B ayant un RcB d’affinité
faible pour le soi migrent dans un follicule primaire. Ils constituent le vivier des lymphocytes
folliculaires et ils recirculent entre les organes lymphoïdes secondaires et le sang. Les cellules B
ayant un RcB d’affinité forte pour le soi en périphérie sont éliminées. La première phase de
cette sélection consiste en l’exclusion folliculaire des lymphocytes B. Dans les zones extra-
folliculaires, les lymphocytes B auto-réactifs subissent alors soit une paralysie fonctionnelle par
anergie soit une élimination par délétion clonale. Les cellules B anergiques exclues des
follicules meurent en quelques jours par apoptose.

Les immunoglobulines et les anticorps


■ « Je confonds toujours les deux ! »
Il y une confusion commune entre les termes d’immunoglobulines et d’anticorps. Pour
simplifier pourrait-on dire que le terme « immunoglobulines » renvoie à une structure, une
composition chimique, et le terme « anticorps » renvoie à une fonction associée à une spécificité
d’antigène. D’une façon générale, les immunoglobulines – en abrégé Ig – supportent une
fonction d’anticorps (Ac) ; et à l’inverse, tous les anticorps sont supportés par une structure
d’immunoglobuline. Ces structures existent sous trois présentations : ancrées dans la membrane
des lymphocytes B dont elles forment le récepteur pour l’antigène ; solubles dans les fluides
biologiques, plasma, sécrétions muqueuses, colostrum et lait maternel ; accrochées à des
récepteurs membranaires exposés à la surface d’une variété de cellules de l’immunité ou
participant à l’immunité (sans faire partie de la surface membranaire de ces cellules, et sans être
elles-mêmes des récepteurs de ces cellules).
Les immunoglobulines/anticorps sont ainsi les effecteurs solubles de l’immunité humorale
spécifique d’antigène. Elles comportent deux parties fonctionnnellement distinctes : une partie
variable (terminée par une partie hypervariable), différente pour chaque anticorps, capable de
reconnaître l’épitope d’un antigène ; et une partie effectrice permettant que cette reconnaissance
soit suivie d’effets dans le système immunitaire (figure 36).
Figure 36 : Anatomie d’un monomère d’immunoglobuline (fonction anticorps)
À la première partie, variable, est assignée la fonction spécifique de reconnaissance de
l’antigène, et à la seconde partie, constante, est assignée la fonction de médiateur de l’immunité
à la fois adaptative (fonctions effectrices de l’anticorps comme la neutralisation, la lyse, etc.) et
de l’immunité innée (phagocytose). Les anticorps pontent en effet fréquemment des deux
principaux types d’immunité, en rapprochant une cellule phagocytaire de leur cible ou en
armant une cellule Natural Killer pour une action d’ADCC (Antibody Dependant Cellular
Cytotoxicity), etc. (figure 12).

■ Structure générale d’une molécule d’immunoglobuline


• Structure générale des molécules d’immunoglobulines
Structure de base d’une immunoglobuline
Les immunoglobulines sont des molécules symétriques formées de quatre chaînes
polypeptidiques homologues 2 à 2 et reliées par des ponts disulfures : deux chaînes lourdes (H
pour heavy) et deux chaînes légères (L pour light).
Il existe cinq types de chaînes lourdes, désignées par les lettres grecques g (gamma), a (alpha),
m (mu), d (delta), e (epsilon) qui définissent les cinq « classes » d’immunoglobulines,
respectivement IgG, IgA, IgM, IgD, et IgE. Certaines classes sont divisées en sous-classes
comme pour les IgG (IgG1 à IgG4) et les IgA (IgA1 et IgA2) (cf. figure 30).
Il existe deux types de chaînes légères, appelées k (kappa) et l (lambda) qui peuvent se combiner
avec n’importe quel type de chaîne lourde. Pour une immunoglobuline donnée, les deux chaînes
légères sont toujours identiques. Le rapport entre les anticorps porteurs de chaînes légères k et l
varie d’une espèce à l’autre ; il est de 2/1 chez l’homme.
Une organisation structurelle en « domaines »
Les chaînes lourdes et légères de la molécule d’immunoglobuline sont constituées de domaines
globulaires21 d’environ 110 acides aminés stabilisés par des ponts disulfures (S-S)
intracaténaires22. Les chaînes légères comportent deux domaines alors que les chaînes lourdes en
possèdent quatre (IgD, IgG, IgA) ou cinq (IgM et IgE).
Les domaines les plus distantes des chaînes lourdes et légères varient considérablement d’un
anticorps à l’autre. Ils sont notés respectivement VH (variable heavy) et VL (variable light). Les
autres domaines des chaînes légères et lourdes sont constants et notés CL (constant light), ou
CH1, CH2, CH3 et le cas échéant CH4 (Constant Heavy 1, 2, 3 et 4).
Une organisation fonctionnelle en « régions »
La molécule d’immunoglobuline comporte deux régions distinctes. L’association VH-VL
constitue le site de fixation de l’anticorps pour l’antigène. On appelle Fab (Fragment antibody
binding) l’association entre les domaines H et L terminaux. Chaque monomère
d’immunoglobuline comporte donc deux Fab. La partie constante des chaînes lourdes distales
constitue le Fc (Fragment cristallisable). Cet acronyme désigne historiquement la capacité de
cette structure à cristalliser lorsque des immunoglobulines sont digérées par une enzyme qui est
la papaïne.
Les anticorps se caractérisent par leur variabilité
Il y a trois principaux types de variations des anticorps. Entre espèces, les structures différentes
définissent les « l’isotypie ». Au sein de l’espèce, de petites variations chimiques forment la
signature d’un individu ou d’une famille d’individus, transmissible génétiquement (sans que
cela n’affecte la fonction ni immunologique de spécificité ni biologique) de l’anticorps : il s’agit
de « l’allotypie ». Les régions hypervariables déterminent des variations qui comptent pour la
reconnaissance de l’antigène – au sein d’une même individu donc – et qui définissent
« l’idiotypie ».
• La structure des différentes classes et sous-classes d’immunoglobulines
On distingue chez la plupart des mammifères cinq classes d’immunoglobulines : IgG, IgA, IgM,
IgD, et IgE, ainsi que quatre sous-classes pour les IgG et deux pour les IgA (chez l’homme ;
l’organisation est par exemple différente chez la souris et il en est de même chez les autres
mammifères). Elles diffèrent par leur composition en acides aminés et en sucres et par
conséquent par leur masse moléculaire et leur charge électrique. Les IgG sont des monomères
réparties uniformément dans les compartiments intra- et extravasculaires, prédominantes dans le
plasma. Elles constituent la classe majoritaire lors de la réponse immunitaire adaptative
secondaire. Les IgA sont majoritaires dans les sécrétions muqueuses (salive, colostrum, lait,
sécrétions bronchiques et uro-génitales) ; elles sont à plus de 80 % sous forme dimérique dans
les fluides biologiques (et c’est principalement dans le plasma qu’on trouve les monomères) ;
lorsqu’elles sont dimériques, deux unités sont maintenues par une pièce de jonction appelée
pièce J. Les IgA sécrétoires s’associent en outre à une pièce sécrétoire S ou ou poly Ig-Receptor.
Dans les muqueuses, les dimères d’IgA sont sécrétés par les plasmocytes sous-épithéliaux et
s’associent avec la pièce sécrétoire, synthétisée par les cellules épithéliales, au cours de la
traversée de la barrière épithéliale. La pièce sécrétoire facilite le transport et protège les IgA de
la protéolyse. La sous-classe IgA1 est majoritaire dans le sérum, la sous-classe IgA2 est surtout
présente dans les sécrétions. Les IgM présentent une structure pentamérique (parfois
hexamériques) et sont essentiellement confinées dans le compartiment intravasculaire. Les IgM
constituent la plupart des anticorps dits « naturels » comme les anti-A et B du groupe ABO, et
sont majoritaires lors de la réponse immunitaire primaire. Les IgM sont aussi associées entre
elles par la pièce J, et par une pièce S lorsqu’elles sont sécrétoires. Les IgD sont des monomères
exceptionnellement trouvées sous forme soluble ; elles constituent le récepteur pour l’antigène
des lymphocytes B naïfs en conjonction avec un monomère d’IgM. Leur fonction biologique est
imprécise. Les IgE sont toujours des monomères. Elles sont présentes soit sous forme de traces
dans le sérum. Les IgE jouent un rôle dans l’immunité anti-parasitaire contre les helminthes, et
dans les réactions d’hypersensibilité immédiate comme dans les allergies (figures 30, 37 et 38).
Figure 37 : Exemple d’immunoglobuline sécrétoire, l’IgA1 dimérique

Figure 38 : Représentation d’un pentamère d’IgM

■ Les interactions antigène-anticorps


Les régions hypervariables des parties distales, variables, des anticorps ont une très grande
variabilité d’une immunoglobuline à l’autre. Elles contiennent des régions déterminant la
complémentarité ou CDR pour Complementary Determining Region et des régions charpentes
(FR pour Framework Regions). Le repliement des chaînes peptidiques des régions variables des
deux chaînes H et L permet de rapprocher dans l’espace les six CDR qui forment chacun une
boucle, l’ensemble constituant le site de liaison de l’antigène.
Bien que ces forces attractives (liaisons hydrogène, hydrophobes, forces de Van der Waals et
électrostatiques) soient faibles, leur grand nombre permet une énergie de liaison élevée entre le
déterminant antigénique (épitope) et le site anticorps (paratope).

■ Les principales fonctions des anticorps


Qu’ils soient plasmatiques, dans les secteurs extravasculaires ou sécrétés dans les muqueuses,
les anticorps exercent une panoplie de fonctions qui relèvent directement de leur spécificité
adaptée à l’antigène, et/ou d’un complément des fonctions immunes innées.
• Réponses primaires et secondaires aux stimulations antigéniques
On a vu que les premières Ig à apparaître à la surface des lymphocytes B matures mais encore
naïfs c’est-à-dire qui n’a pas encore rencontré son antigène connexe sont les IgM et les IgD. On
a aussi vu que lors de la sélection par l’antigène des lymphocytes B dont leur récepteur (IgM +
IgD) leur était spécifique induisait un épissage alternatif pour constituer le récepteur final, de
spécificité inchangée mais de classe différente, souvent IgG ou IgA. La bloucle codant pour
l’IgD est épissée, de même que toutes les boucles précédent la classe choisie en fonction des
critères cellulaires et moléculaires passés en revue si la réponse de stimulation est dépendante
des lymphocytes T ; cette opération aboutit par exemple au choix – dans le follicule secondaire
– d’une IgG1, qui va apparaître à la surface du lymphocyte B mature, commuté, qu’il soit à
vocation effectrice ou mémoire, et que le plasmocyte qui pourra en résulter sécrétera
abondamment.
Cela explique pourquoi les réponses immunitaires primaires sont principalement à IgM c’est-à-
dire avant le travail de changement de chaîne et d’hypermutation somatique d’affinité pour
l’antigène, réponse IgM primaire, d’affinité en général faible, mais rapide, qui pourra être suivie
d’une réponse IgG (IgA, IgE) plus soutenue, plus affine pour l’antigène, plus durable, et chaque
nouvelle stimulation avec l’antigène – ou une stimulation antigénique pérenne – déclenchera des
réponses qui seront dites secondaires, où prédomineront les IgG (IgA, IgE – selon l’antigène et
l’environnement) (figure 39).
Figure 39 : Réponses lymphocytaires B clonales primaires et secondaires et production d’IgM
puis d’IgG plus rapides, plus intenses, plus durables et plus affines
• Le transport des anticorps dans les fluides et les sécrétions muqueuses
Les IgG maternelles peuvent traverser le placenta et être déversées dans la circulation sanguine
du foetus. Ainsi, à la naissance, les nouveau-nés ont un taux et un répertoire d’IgG plasmatiques
équivalent à celui de leur mère. Le transport sélectif des IgG de la mère au foetus est assuré par
les récepteurs néonataux au fragment Fc (FcRn) présents au niveau du placenta. Ce récepteur
atypique capte particulièrement les IgG afin de les recycler et maintenir un équilibre qu’on
appelle homéostasie, jaugé par rapport à l’albumine sérique ; il contribue aussi au passage des Ig
sécrétoires muqueuses. Au niveau de la lamina propria des muqueuses, les IgA dimériques sont
internalisées par la cellule épithéliale, ce processus est appelé transcytose. Le dimère d’IgA
s’associe avec la pièce sécrétoire, et le complexe est libéré à la surface des muqueuses et dans
les sécrétions.
Une des conséquences de ces transports est le passage au travers de la muqueuse placentaire ;
seuls les Ig – essentiellement les IgG – traversent cette barrière et alimentent le stock d’IgG du
fœtus avant que – nouveau-né – il prenne le relais tandis que les IgG maternelles s’épuisent par
catabolisme, leur demi-vie étant d’environ trois semaines. En revanche, les IgM et les IgA du
fœtus, qui commencent à être sécrétés vers la 24° semaine d’aménorrhée, sont donc les siennes
propres (figure 40).
Figure 40 : Passage des IgG maternelles dans la circulation foetale par le placenta et sécrétion des
Imunoglobulines en propre du nouveau-né
• Les principales fonctions de spécficicité portées par les parties distales, Fab et plus
particulièrement les parties hypervariables
Neutralisation des toxines bactériennes
De nombreuses bactéries sécrétènt des protéines appelées toxines. Pour exercer leu pouvoir
pathogène, les toxines doivent interagir avec des récepteur dédiés à la surface de la cellule cible
(comme par exemple des Toll-Like Receptors ou TLR). Les anticorps adaptés (spécifiques)
reconnaissent la toxine et bloquent son interaction avec la cellule ; ils sont appelés anticorps
neutralisants (antitoxines). Dans le compartiment extracellulaire ce sont surtout des IgG alors
qu’il s’agit d’IgA au niveau des surfaces muqueuses de l’organisme.
Inhibition de l’adhésion bactérienne aux surfaces cellulaires
De nombreuses bactéries possèdent des protéines d’adhésion appelées « adhésines ». Des
anticorps dirigés contre ces protéines inhibent l’adhésion et préviennent l’infection.
Blocage de l’infectiosité des virus
Lorsqu’un virus infecte une cellule, il doit d’abord se fixer sur un récepteur membranaire dédié
ou partagé. Les anticorps spécifiques de virus peuvent prévenir l’attachement ou la pénétration
virale en bloquant la fixation du virus sur son récepteur, ou en désorganisant la structure de la
particule virale.
Autres fonctions
Quelques anticorps se révèlent directement lytiques et se comportent comme des enzymes (on
parle d’Abzymes).
• Les principales fonctions de spécficicité portées par les parties proximales, Fc, des anticorps :
les effects biologiques
Afin d’éliminer physiquement les pathogènes, les anticorps peuvent activer le système du
complément. Ils peuvent également se lier à une grande variété de cellules effectrices en
interagissant avec les récepteurs au fragment Fc des immunoglobulines (FcR) qu’elles
expriment à leur surface, FcaR, FcgR, FceR et FcmR, dont certains existent sous différents
formats déterminant leur affinité (faible, moyenne ou forte).
De nombreuses bactéries sont reconnues, ingérées et détruites par les cellules phagocytaires
(macrophages et polynucléaires). Cependant, certaines bactéries pathogènes ont des capsules
polysaccharidiques qui empêchent leur phagocytose directe. Ces bactéries deviennent sensibles
à la phagocytose lorsqu’elles sont recouvertes d’anticorps spécifiques. Le recouvrement par des
anticorps d’un microorganisme pour permettre sa phagocytose est appelé opsonisation. S’il
s’agit d’antigènes solubles, leur interaction avec des anticorps et le système du complément
formera des complexes immuns dont la phagocytose sera favorisée par le même mécanisme.
Les anticorps fixés sur leur antigène peuvent activer la voie classique du complément. Si
l’activation de ce système va à son terme, la formation du complexe d’attaque membranaire
conduit à la lyse de la cellule sur laquelle se sont initialement fixés les anticorps.
Une cellule infectée par un virus peut exprimer des protéines virales à sa surface et être
reconnue par des anticorps spécifiques. Le fragment Fc de ces anticorps peut alors interagir avec
les FcR présents sur les cellules NK, les monocytes/macrophages ou les polynucléaires et
activer ces dernières pour détruire la cellule cible. Ainsi, les cellules NK expriment le récepteur
FcgRIII (CD16), récepteur de faible affinnité pour les IgG qui se lie principalement avec les
anticprs de type IgG1 et les IgG3. Ce processus est appelé ADCC (Antibody Dependent Cell-
mediated Cytotoxicity).
À l’inverse, quelques antiorps peuvent être facilitants, dans un mécanisme appelé ADE,
Antibody Dependent Enhancement, et ils subvertissent leur rôle de blocage de l’enntrée d’un
virus sur un récepteur cible à la surface d’une cellule, facilitant leur pénétration ; ce phénomène
a été observé dans certaines maladies virales comme la Dengue23, et il est suspecté dans d’autres
viroses et parasitoses. Les tableaux XVIII et XIX synthétisent les données relatives aux
immunoglobulines/anticorps.
Tableau XVIII : Principales caractéristiques des cinq classes d’immunoglobulines chez l’homme
IgG IgA IgM IgE IgD
Localisation Oui Oui Oui Oui Oui
membranaire
Oui Oui Oui Oui Non
Toujours Monomères Pentamères Toujours
Sécrétion
monomériques ou dimères (quelques monomériques
hexamères)
Valence (sites 2 2 ou 4 2 à 10 2 2 en théorie
de liaisons (parfois 12
pour les
antigènes)
Plasma Plasma Surface des Traces dans le Surface des
sanguin sanguin et lymphocytes plasma lymphocytes
sécrétions B matures B matures
Localisation
muqueuses naïfs, plasma naïfs
et
muqueuses
IgG IgA IgM IgE IgD
Proportion 70-75 % 15-20 % 10 % <1% Absent
dans le
plasma
Neutralisation Agglutination, Activation du Allergies Activation
des toxines, neu lymphocyte B Neutralisation du
des bactéries tralisation naïf, des parasites lymphocyte
et des virus des toxines, Agglutination, helminthes B naïf
Principaux Réponses des bactéries Activation de
rôles secondaires et des virus la voie
Réponses classique du
secondaires complément,
Réponses
primaires
Passage Oui Oui, Non – –
de la barrière monomère
placentaire Non, dimère
Aux FcgR Aux FcaR : Aux FcyR Aux FceR –
(RI : CD64, CD89 et (RI, RII :
RII : CD32, peut-être CD23)
Liaison
RIII : CD16) d’autres
aux récepteurs
selon l’affinité, récepteurs
Fc
faible,
moyenne
ou forte
Capacité Selon la sous- Non Très Non Non
de liaison classe fortement
aux fractions
du
complément
Selon la sous- De 5 à 7 Courte, Très courte, –
Demi-vie classe jours environ 5 environ 3 jours
jours

Tableau XIX : Principales caractéristiques


des quatre sous-classes d’IgG chez l’homme
IgG1 IgG2 IgG3 IgG4
Concentration 9 g/L 3 g/L 1 g/L 0,5 g/L
Demi-vie 21 jours 21 jours 7 jours 21 jours
Fixation du complément ++ ± selon l’origine ethnique +++ Non
1. La littérature rapporte des cas de super-répondeurs en anticorps : ce sont probablement de très bons présentateurs HLA. Cela
étant, la Covid semble être une des situations où les vaccins font mieux que le virus naturel, sous réserve d’un peu plus de temps
d’observation.
2. Ce qui équivaut à mille milliards !
3. On parle d’antigène ou d’épitope connexe pour indiquer qu’il s’agit de la structure strictement configurée à la partie recevant cet
épitope sur le récepteur pour l’antigène des lymphocytes, appelée paratope et localisée aux parties hypervariables des chaînes
formant le récepteur, dans cette région composant le CDR (Complementary Determining Region).
4. Certains antigènes – et ce pourrait être le cas de ceux extraits du SARS-CoV-2 – demanderaient deux semaines…
5. On emploie le terme de récepteur canonique pour les récepteurs conventionnels de type ab pour les lymphocytes T.
6. CD3 est l’une des molécules signatures des lymphocytes T pré-matures à matures, qui accompagne le RcT ; cette molécule CD3
est en fait un complexe moléculaire de 3 chaînes distinctes ont une en double, qui s’associent encore avec un doublon d’une
chaîne Zeta quasiment exclusivement transmembranaire et intracellulaire : ce dispositif permet le transfert des signaux
d’activation au noyau que le RcT ne peut pas transduire compte tenu de sa trop courte partie intracellulaire.
7. Ces motifs sont des ITAM (Immunoreceptor Tyrosine Activating Motif) qui sont contrebalancés par des ITIM (Immunoreceptor
Tyrosine Inhibiting Motif) ; les récepteurs possédant un nombre d’ITAM et d’ITIM prédéterminés, prêts à entrer en action en
fonction des signaux reçus.
8. RAG, Recombinant Activating Gene, capables de cliver puis de réparer l’ADN.
9. À ne pas confondre avec les cellules NK.
10. CD1 est un complexe de molécules de nommés de « a » à « e », de structure proche des molécules HLA de classe I, répartis en
deux groupes fonctionnels, CD1d étant unique dans son groupe.
11. J’ai pris le parti de laisser cette précision car les molécules PD1 et PDL-1 et 2 sont des cibles à présent essentielles de
l’immunothérapie anti-cancéreuse et anti-métastatique, des anticorps spécifiques pouvant lier ces molécules et interagir dans ces
voies d’activation/mort cellulaire.
12. Thymic Stromal LymphoPoietin.
13. Signaling Transducer and Activator of Transcription.
14. L’épissage (en anglais splicing) est un mécanisme de maturation de l’ARN qui permet à un ARN transcrit à partir d’un gène
(ARN pré-messager), de se débarrasser de séquences non-codantes (les introns), pour donner un ARN messager, ou ARNm, qui
sera ensuite traduit en protéine dans le cytoplasme de la cellule. L’épissage des ARN a lieu dans le noyau des cellules
eucaryotes. Les séquences codantes qui se retrouvent dans l’ARNm final sont les exons. Comme les gènes sont composés
d’introns et d’exons, on dit qu’ils sont morcelés. Les exons sont généralement de courtes séquences, tandis que les introns sont
plus longs. Les ARNt (ARN de transfert) et ARNr (ARN ribosomique) subissent aussi un épissage. Des enzymes interviennent
sur l’ARN pré-messager qui est la copie de l’ADN du gène ; par exemple, les ribozymes catalysent des réactions de l’épissage.
Des séquences présentes sur l’ARN pré-messager servent de signaux d’épissage, de part et d’autre des introns. Des
ribonucléoprotéines nucléaires (snRNP) interviennent dans l’épissage : ces molécules sont formées de protéines et de molécules
d’ARN. Ces molécules travaillent au sein du complexe d’épissage ou splicéosome, un ensemble plus vaste de molécules d’ARN
et de protéines, qui coupe et recolle l’ARN.
15. L’épissage alternatif est un processus qui permet, à partir d’une séquence génomique unique, de produire plusieurs ARN
messagers correspondant à des protéines distinctes. Autrefois considéré comme exceptionnel, l’épissage alternatif est maintenant
admis comme étant la règle chez les organismes supérieurs et notamment l’homme où il constitue la base moléculaire de
nombreuses pathologies. Il s’appuie sur un mécanisme très flexible de sélection des sites d’épissage qui implique la
reconnaissance de séquences régulatrices sur l’ARN pré- messager par des protéines stimulatrices spécifiques ou au contraire
par des répresseurs.
16. Les réponses immunitaires B indépendantes des lymphocytes T sont dites thymo-indépendantes ou TI ; elles sont de deux
types, TI-1 et TI-2, en réponse à des antigènes, respectivement, de type lipolysaccharidien (co-engageant le RcB des
lymphocytes de la zone marginale et leurs Pathogen Recognition Receptors (PRR) dont des Toll-like Receptors (TLR) percevant
également mais non spécifiquement le LPS, et de type polysaccharidien, exposant des motifs répétés de sucres bactériens ou
viraux. Ces lymphocytes expriment plus fortement l’IgM de surface, moins fortement l’IgD et très fortement une molécule qui
les guide dans ce cheminement marginal qui est CD27 (cela comparé aux lymphocytes B folliculaires).
17. CD38 est la cible d’une famille d’anticorps monoclonaux importants qui ont révolutionné le traitement du myélome multiple,
un cancer hématologique à retentissement osseux en particulier, développé aux dépens des plasmocytes (CD38+).
18. Cela constitue un point de vigilance particulier chez les personnes splénectomisées (chez qui on a enlevé la rate), justiciables
de vaccinations existantes contre ces bactéries et de prophylaxie large par antibiotiques.
19. À la grande différence des RcT des lymphocytes T, les RcB des lymphocytes B reconnaissent des épitopes conformationnels,
en bobine et non pas alignés ; les acides aminés composant l’épitope antigénique, complémentaires de ceux du paratope du RcB,
sont non pas contigus mais disjoints, rapprochés par le repliement de la bobine protéique comprenant l’antigène.
20. Une autre molécule signature des lymphocytes B, dont le rôle dans la genèse de l’immunité est mal connu, est pourtant une
cible thérapeutique essentielle de maladies dans lesquels les lymphocytes B sont trop nombreux mais bien différenciés comme
dans les leucémies lymphoïdes chroniques, et dans les maladies auto-immunes pour freiner la production des anticorps
toxiques ; l’anticorps monoclonal dirigé contre cette molécule CD20 est le Rituximab.
21. En pelote.
22. Entre deux chaînes H et L ou entre les deux chaînes H de l’Ig complète.
23. Maladie virale tropicale et émergente, qui se caractérise par un important syndrome de type grippal et une destruction des
plaquettes sanguines. Son nom vient de l’espagnol Dengue, signifiant raide.
CHAPITRE 11

Immunité des muqueuses 1

Préambule
Ce chapitre dédié à l’immunité innée est destiné à apporter des éléments
spécifiques aux tissus muqueux. Cependant, bien des éléments qui vont
être discutés ont déjà été présentés, aux chapitres sur l’immunité innée,
l’inflammation, l’immunité adaptative, alors que d’autres seront repris et
détaillés au chapitre à suivre des immuno-interventions dont les vaccins.
Ce chapitre vise à mettre tout ensemble des éléments jusque-là envisagés
différemment, dans d’autres contextes et en particulier de façon
systémique.
D’une façon générale, la tendance est à privilégier ce qui se passe à cet
étage systémique, et à prendre les éléments du plasma comme les étalons
de mesure de ce qui se passe au niveau du corps entier. Nous allons voir à
présent que le système immunitaire muqueux est le plus volumineux de
tous les éléments de l’immunité, qu’il influe sur la réponse immunitaire
systémique et réciproquement, de des éléments systémiques vont aller
fonder l’immunité muqueuse et l’influencer. Un exemple : à la question
posée « quel est le type d’immunoglobulines le plus abondant dans
l’organisme ? », bien rare est la réponse : « les IgA, bien sûr », car en plus
de leur contribution non-négligeable au niveau plasmatique derrière les
IgG, ce sont elles qui abondent dans les sécrétions muqueuses, à la surface
des centaines de m2 que celles-là exposent.
Parce qu’il est le plus complexifié, le type de description du système
immunitaire muqueux est celui de l’intestin. Quelques différences d’avec
les tissus d’autres localisations le distinguent (Tableau XX).
Tableau XX : Les deux types de tissu mucosal et leurs particularités
Muqueuse de type
Type de tissu Muqueuse de type I
II
Exemple de tissus Intestin, bronches ; Canal et exocol
Utérus, endocol vaginal, vaginaux,
partie distale du canal anal prépuce, partie
basse du canal
anal
Épithélium Stratifié simple Stratifié
squameux, non
kératinisé
Présence du Oui Non
récepteur
polymérique pour le
fragment Fc des
immunoglobulines
Principal type IgA sécrétoire IgG
d’immunoglobuline
présent
Présence de tissu Oui Non
lymphoïde associé
aux muqueuses
Présence de cellules Oui Non
M (Microfold)
Présence de cellules Non Oui
de Langerhans
(cellules
dendritiques
immatures)
Muqueuse de type
Type de tissu Muqueuse de type I
II
Source du mucus Cellules caliciformes sauf Cellules
dans le cervix où ce sont épithéliales
les cellules glandulaires
cryptiques qui le produisent

Qui y a-t-il de particulier aux muqueuses, du point de


vue de l’immunité ?
Le système immunitaire est un système complexe et diversifié conçu pour
protéger l’organisme contre les agents pathogènes dangereux. Les
surfaces muqueuses, qui couvrent plus de 300 m2 chez l’homme, sont
particulièrement vulnérables aux infections. Les mammifères supérieurs
ont développé un système immunitaire muqueux distinct (Mucosal
Immune System ou MIS) pour se protéger contre les éléments toxiques qui
pénètrent dans le corps par les muqueuses. Le MIS est en fait le plus
volumineux organe immunitaire du corps humain. Ce MIS est constitué
d’un épithélium recouvert de mucus et de protéines antimicrobiennes ; il
comprend des éléments tantôt organisés (de et pour l’immunité
adaptative), tantôt épars (de et pour à la fois l’immunité innée et
l’immunité adaptative). Au sein du MIS, il existe une communauté de
micro-organismes commensaux, symbiotiques et pathogènes, appelés « le
microbiote », qui partage l’espace avec l’hôte dans des zones telles que
l’intestin, la peau, les cavités nasales et buccales ainsi que l’appareil
reproducteur féminin. Le côlon humain contient la plus grande quantité de
microbes, environ 1012 bactéries/cm3. Ce microbiote intestinal varie d’un
individu à l’autre et joue un rôle clé dans la défense contre les agents
pathogènes ainsi que dans la digestion et la nutrition des aliments. Il
diffère aussi d’un site à l’autre chez le même individu, mais chaque site
reste relativement stable au long de la vie, sauf en cas de migration ou de
changement de style de vie très notable et en particulier d’habitudes
alimentaires. La composition du microbiote se stabilise à la fin de
l’enfance.
Dans sa forme la plus simple, le MIS peut être divisé en sites inducteurs et
en sites effecteurs en fonction de leurs propriétés anatomiques et
fonctionnelles (figure 41). Les sites inducteurs muqueux sont
collectivement appelés « tissu lymphoïde associé à la muqueuse »
(Mucosal Associated Lymphoid Tissue ou MALT) ; ils comprennent les
tissus lymphoïdes associés à l’intestin (Gut Associated Lymphoid Tissue
ou GALT), le tissu lymphoïde associé au nasopharynx (Nasosopharyngeal
Associated Lymphoid Tissue ou NALT), celui associé au tissu bronchique
et à l’arbre respiratoire ou BALT (Bronchial Associated Lymphoid Tissue),
etc., et des sites lymphoïdes diffus. Le MALT fournit une source continue
de lymphocytes mémoires B et T qui migrent vers des sites effecteurs. Les
sites effecteurs muqueux comprennent les régions de la lamina propia des
voies gastro-intestinales, respiratoires supérieures et génitales ainsi que
les tissus glandulaires sécréteurs. Ces sites contiennent des lymphocytes
effecteurs muqueux spécifiques de collections d’antigènes, dont les
précurseurs des plasmocytes producteurs d’IgA et les cellules mémoire B
et T.
Figure 41 : Représentation schématique du Système Immunitaire Associé
aux Muqueuses

C’est grâce à la génération d’animaux de laboratoire élevés en ambiance


germ-free (sans microbe) qu’a pu évoluer notre compréhension du MIS.
Des outils génomiques, transcriptomiques et métabolomiques à haut débit
ont également élargi nos connaissances sur la complexité du microbiote et
son impact sur l’immunité systémique et muqueuse. Ces méthodes ont
fourni un aperçu significatif de la façon dont le système immunitaire
muqueux est régulé ; ils ont été également très importants pour les
approches thérapeutiques ciblant les muqueuses ou ciblant l’immunité
systémique en se servant des muqueuses (programmes de vaccination en
particulier).

L’immunité des muqueuses digestives


■ La nature microbienne du corps humain
Le fait que des microbes soient enfermés dans le corps ou l’enveloppent
est connu depuis l’ère pasteurienne ; la tentation a été à cette époque de
considérer les deux entités comme séparées, d’une part le corps, d’autre
part la collection des microbes. Le dernier demi-siècle a fait un travail
important de définition de la commensalité, l’étude des microbes
bénéfiques à la bonne santé, par leur capacité à la fois protectrice et
opérationnelle de la digestion des nutriments (essentiel en particulier à
l’absorption de vitamines, ces éléments qui nous sont indispensables et
que nous devons importer). Le dernier quart de siècle en particulier a
prolongé cet apport de connaissance en repositionnant les microbes du
corps humain en organe, le microbiote, et plus encore en organe de
l’immunité. Ces microbes cependant peuvent également nuire à l’hôte
dans certaines circonstances. Comme on l’a déjà indiqué, on estime que
1014 microbes vivent dans l’intestin grêle humain. Le MIS s’est organisé,
pour détecter et détruire les organismes microbiens pathogènes qui
pénètrent dans le corps par l’intestin, qu’il doit distinguer des éléments
bénéfiques pour l’alimentation et la protection, pour éviter les réponses
délétères des antigènes alimentaires et en particulier des allergènes, et
aussi pour exploiter les effets bénéfiques des microbes commensaux.
En raison de ces diverses fonctions, la muqueuse intestinale est reconnue
comme le plus grand environnement immunologique du corps entier. Le
MIS utilise un certain nombre de cellules et de molécules immunitaires
clés pour maintenir l’homéostasie immunitaire et se protéger contre une
inflammation prolongée, qui peut entraîner des maladies inflammatoires
chroniques (cryptogénétiques) de l’intestin (MICI), caractérisées par des
dysbioses, et d’autres maladies intestinales responsables d’inflammation
prolongée, inappropriée, dont on sait à présent qu’elles « font le lit des
cancers ».

■ Organisation du système immunitaire muqueux intestinal


La surface intestinale de l’intestin est recouverte de villosités, des
excroissances en formes de doigts, qui jouent un rôle prédominant dans
l’absorption des nutriments. Comme les fractals en mathématiques,
comme les côtes maritimes en géographie, ces villosités multiplient
considérablement la surface « utile » de la surface intestinale. On a
longtemps pensé que ette surface – si elle était étalée – recouvrirait un à
deux terrains de tennis (plus de 300 m2) ; plus récemment cette surface
fonctionnelle a-t-elle été revue à la baisse car la plupart correspondait à du
tissu non-utile, et on l’estime à présent à 32 m2, la surface d’un
appartement T1 nouvelle norme, ce qui est déjà tout à fait remarquable.
Ces villosités et le tissu sous-jacent hébergent également la population la
plus abondante quantitativement de cellules immunitaires du corps. Le
long de la muqueuse intestinale se trouvent également des structures en
forme de dôme appelées plaques de Peyer. Ceux-là sont essentiellement
constitués de tissu lymphoïde et sont donc les sites clés pour coordonner
les réponses immunitaires aux agents pathogènes dans l’intestin, ainsi que
pour maintenir la tolérance aux aliments et aux bactéries commensales.
Ces cellules immunitaires comprennent principalement des cellules T et
B, des macrophages et des cellules dendritiques). Les plaques de Peyer
contiennent également des cellules phagocytaires spécialisées appelées
cellules M (Microfold), qui transportent les macromolécules à travers la
barrière épithéliale, à travers un processus appelé transcytose2, et les
délivrent aux cellules dendritiques sous-jacentes. Les villosités
intestinales, elles, supportent un réseau de vaisseaux sanguins qui
transportent les nutriments des aliments vers le reste du corps. Les
lymphatiques des villosités et des plaques de Peyer sont drainés vers les
ganglions lymphatiques mésentériques. Les villosités sont constituées de
tissu conjonctif lâche appelé lamina propia ; à leur base, on trouve des
cryptes qui renferment des cellules souches destinées à reconstituer
l’épithélium après que celui-là ait desquamé (le renouvellement complet
des cellules intestinales est d’environ une semaine). L’épithélium et son
épais mucus recouvrant forment une couche protectrice contre l’invasion
microbienne environnementale pathogène. La structure du MIS intestinal
est illustrée sur la figure 42.
Figure 42 : Représentation schématique du tissu lymphoïde muqueux
et d’une plaque de Peyer

■ Régulation, homéostasie et tolérance


Les cellules dendritiques intestinales sont essentielles à l’homéostasie
immunitaire de l’organe. Elles échantillonnent les protéines – dont celles à
vocation d’être des antigènes – qui filtrent entre les cellules épithéliales ;
elles apprêtent les peptides antigéniques et les présentent aux
lymphocytes T connexes. Les cellules dendritiques exercent ici soit une
action anti-inflammatoire, soit une activation tolérogène, qui aide au
maintien de l’homéostasie immunitaire. Les cellules dendritiques se
déplacent ensuite vers les zones de cellules T des plaques de Peyer (foyers
lymphoïdes organisés en partie comme des follicules lymphoïdes
ganglionnaires) où elles présentent l’antigène aux lymphocytes T et les
orientent vers leur différenciation en cellules T régulatrices (Treg). Cette
fonction Treg est profondément altérée dans les maladies inflammatoires de
l’intestin et donc aussi la tolérance immunitaire aux pathogènes et aux
antigènes de l’environnement. Les cellules T migrent ensuite vers la
lamina propia des villosités à travers le système lymphatique, où elles
sécrètent abondamment une cytokine particulière, l’interleukine (IL)-10.
L’IL-10 est connue pour être ambivalente, mais dans ce contexte précis,
elle est immunosuppressive. L’IL-10 réprime ainsi les fonctions des
cellules immunitaires dans la lamina propia et l’épithélium muqueux.
L’IL-10 est nécessaire au maintien de la quiescence immunitaire et la
prévention d’une inflammation inutile.
On a souvent vu que le système immunitaire utilisait des voies de
redondances ; la voie Wnt-β-caténine – utile dans la signalisation des
cellules dendritiques intestinales – joue également un rôle dans le
maintien de la tolérance immunitaire dans l’intestin. L’expression de la β-
caténine dans ces cellules dendritiques intestinales induit l’expression de
médiateurs anti-inflammatoires, outre l’IL-10, comme l’acide rétinoïque
et le TGF-β. L’activation de la β-caténine dans cellules dendritiques
intestinales induit la fonction Treg et supprime la fonction des
lymphocytes T effecteurs inflammatoires.
Le tableau XXI synthétise les différentes structures et cellules rencontrées
dans l’immunité innée (intestinale).
Tableau XXI : Structures et fonctions des acteurs de l’immunité muqueuse
Les structures
et les Fonctions Localisations
éléments
Accueillent les cellules épithéliales De la paroi
Villosités auto-renouvelables. intestinale vers
la lumière.
Les structures
et les Fonctions Localisations
éléments
Coordination des réponses Tout au long du
immunitaires. tissu en
Plaques particulier le
de Peyer GALT, et plus
spécifiquement
l’intestin grêle.
Comprend le réseau lymphatique qui Sous
Lamina absorbe les produits ingérés, mais l’épithélium.
propria aussi des cellules immunitaires ; lieu
de réponses immunitaires isolées.
Hébergent les cellules souches, les Sous la forme
cellules de Paneth et les cellules d’invagination
caliciformes. de l’épithélium
au niveau des
Cryptes
villosités ; avec
la lamina
propria dans
l’intestin grêle.
Lieux d’initiation des réponses Entre les anses
Ganglions immunitaires aux agents intestinales.
lymphatiques pathogènes, et plus spécifiquement
mésentériques de la composante adaptative de
l’immunité.
En divisions permanentes pour Au fond des
Cellules abonder les cellules épithéliales des cryptes,
souches cryptes et des villosités. Induisent le jouxtant les
des cryptes renouvellement de l’épithélium cellules de
intestinal. Paneth.
Cellules Sécrètent les anti-microbiens naturel Dans les
de Paneth et les défensines-b. cryptes.
Les structures
et les Fonctions Localisations
éléments
Cellules Sécrètent le mucus. Dans les
caliciformes cryptes.
ou en gobelet
Effecteurs de l’immunité adaptative Dans la lamina
et contributifs de l’homéostasie propria, les
Lymphocytes immunitaire. ganglions
T effecteurs mésentériques
et les plaques
de Peyer.
Répriment les réponses inadaptées Dans la lamina
aux microbes commensaux. propria, les
Lymphocytes Maintiennent l’homéostasie ganglions
T régulateurs immunitaire. mésentériques
et les plaques
de Peyer.
Principale source d’IgA sécrétoire Dans la lamina
dans la lamina propria et le mucus. propria, les
Lymphocytes ganglions
B mésentériques
et les plaques
de Peyer.
Régulent la domiciliation (homing) Dans la lamina
des lymphocytes T. Présentent les propria, les
Cellules antigènes aux lymphocytes T et ganglions
dendritiques initient les réponses adaptatives. mésentériques
et les plaques
de Peyer.
Les structures
et les Fonctions Localisations
éléments
Régulent les populations présentes, Dans la lamina
contribuent à éliminer les microbes propria et le
Macrophages
pathogènes, débarrassent les tissus sous-
des débris et des cellules mortes. endothélium.
Sécrètent des peptides Tout au long de
antimicrobiens, des cytokines ; l’intestin grêle.
Cellules recrutent les cellules dendritiques.
épithéliales Fonctions de barrières et de
intestinales maintien de l’intégrité de l’épithélium.
(IECs) Il a été suggéré que certaines de ces
cellules pourraient présenter les
antigènes aux lymphocytes T.
Cellules épithéliales spécialisées Au pôle apical
dans la capture des éléments dans des plaques de
Cellules M
la lumière intestinale et leur transport Peyer.
(Microfold)
vers le système immunitaire
muqueux.
Cellules Stimulent les cellules caliciformes à Lamina propria.
lymphoïdes sécréter du mucus, et contribuent à
innées l’expulsion des parasites intestinaux.
de type 2
(ILC2)
Cellules Contribuent au développement des Lamina propria.
lymphoïdes organes lymphoïdes intestinaux et
innées au maintien de l’homéostasie.
de type 3
(ILC3)

Les réponses aux infections pathogènes dans l’intestin


Une dérégulation ou une rupture de l’homéostasie dans l’intestin peut
entraîner une inflammation intestinale si la perturbation est prolongée et
incontrôlée. La perturbation de la barrière épithéliale par des facteurs
mécaniques, chimiques ou pathogènes peut induire une inflammation. Des
sensibilités génétiques particulières peuvent également jouer un rôle dans
l’induction de l’inflammation au niveau intestinal. Lors de la rencontre
avec des bactéries, l’épithélium s’active ; il sécrète des produits comme
des alarmines telles que des défensines, des cathélicidines, des
granulolysines, mais aussi de l’IL-1a, de l’IL-33, etc. qui ont des activités
anti-infectieuse et aussi des activités de stimulation des cellules
immunitaires ; elles sécrètent aussi de l’IL-25 (IL-17E), une cytokine qui
a un rôle trophique vis-à-vis des granulocytes, les amenant à sécréter de
l’IL-8 (pro-inflammatoire mais anti-infectieux) et un rôle stimulant sur les
lymphocytes conventionnels, les orientant vers la voie de différenciation
Th9, anti-inflammatoire, et sur les lymphocytes non conventionnels, les
recrutant vers les muqueuses ; l’IL-25 aide aussi à réprimer la production
d’IFN-g, pro-inflammatoire.
Les lymphocytes Treg environnants freinent leur sécrétion d’IL-10,
permettant ainsi une réponse immunitaire de se déployer, permettant
l’activation des cellules dendritiques et leur production notable d’IL-6, IL-
12 et IL-23, les deux dernières étant prototypiques des médiateurs
inflammatoires. Les cellules T intensifient encore la réponse immunitaire
aux bactéries en sécrétant d’autres cytokines inflammatoires, à savoir le
TNF-α, IFN-γ et l’IL-17. Les neutrophiles sont ensuite recrutés par les
chimiokines IL-8, IL-17, IL-25, car ils sont critiques pour l’élimination
des bactéries. Ils subissent une forme unique de mort cellulaire induite par
un agent pathogène connue sous le nom de NETose. Ce mécanisme de
mort cellulaire fait référence à la capacité des neutrophiles à produire des
pièges extracellulaires neutrophiles ou NETs (Neutrophil Extracellular
Traps), qui sont des évaginations emplies de chromatine et de molécules
antimicrobiennes. Les NETs tuent les bactéries, mais provoquent
également des dommages collatéraux aux tissus au cours du processus, et
en particulier la destruction massive de plaquettes sanguines qui ont été
recrutées, collées à la surface des neutrophiles sanguins (en anglais on
utilise le terme de « cargoed ») ; ces plaquettes amenées à la nécrose ou à
l’apoptose, selon les cas, libèrent d’abondantes quantités de cytokines et
chimiokines pro-inflammatoires, amplifiant la boucle. Les neutrophiles
restants meurent par apoptose – déclenchée de proche en proche – une
fois que la majorité des bactéries sont éliminées, et ils sont éliminés
(épurés) par les macrophages. L’intégrité épithéliale est ensuite restaurée
par le remplacement des cellules endommagées par de nouvelles cellules
issues des cellules souches des cryptes intestinales. Des lymphocytes Treg
sont ensuite recrutés pour pacifier la réponse immunitaire.
Il ressort de ces séquences que l’invasion de bactéries pathogènes
déclenchent une abondante réponse inflammatoire, balancée par la
capacité de lymphocytes T à contrôler le retour à la normale, et à se faire
aider par les cellules dendritiques pour autant que de besoin.

Rôle des cellules lymphoïdes innées dans la défense


contre les agents pathogènes intestinaux et dans
l’homéostasie
Des cellules lymphoïdes immunitaires innées (Innate Immune Lymphoid
Cells ou ILC) ont découvertes récemment ; ces ILC sont essentielles pour
orchestrer les réponses immunitaires et maintenir l’homéostasie. Ils sont
divisés en trois sous-ensembles appelés ILC1, ILC2 et ILC3, avec des
rôles prépondérants pour ILC2 et ILC3 dans le maintien de l’homéostasie
immunitaire intestinale.
Dans le système immunitaire muqueux, les ILC3 interagissent avec les
cellules dendritiques pour maintenir l’intégrité de la barrière épithéliale
intestinale. Lors de la capture des pathogènes microbiens dans l’intestin,
les cellules dendritiques sécrètent une cytokine particulière, l’IL-23, qui
stimule les ILC3 à produire de l’IL-22, qui elle-même active les cellules
endothéliales à sécréter des peptides naturels antimicrobiens. Par un effet
de boucle, l’IL-22 améliore également la production d’IL-23 par les
cellules dendritiques, et c’est cette interaction médiée par les cytokines
entre les ILC3 et les cellules dendritiques qui protège la barrière
épithéliale intestinale des bactéries pathogènes. Les ILC3 interagissent
également avec les macrophages pour induire une homéostasie
immunitaire intestinale. Les microbes pathogènes intestinaux induisent la
sécrétion d’IL1-b par les macrophages, ce qui déclenche la sécrétion du
facteur de stimulation des colonies de granulocytes et macrophages (GM-
CSF, Granulocyte and Macrohage Colony Stimulating Factor) par les
ILC3. Dans une boucle de rétroaction, le GM-CSF induit les macrophages
à sécréter de l’acide rétinoïque, ce qui aide à la différenciation des
lymphocytes intestinaux en Treg.
Les ILC2 contribuent à la réponse aux helminthes (vers parasites tels que
les nématodes, oxyures et ankylostomes, auxquels la moitié pauvre de
l’humanité est abondamment exposée et qui contribue à la malnutrition et
à des phénomènes de dysimmunité). En réponse à l’alarmine IL-25, les
ILC2 produisent des protéines qui induisent la production de mucus à
partir de cellules caliciformes (Goblet cells). Cela initie également
l’activation des cellules dendritiques qui instruisent les cellules T
effectrices et recrutent les mastocytes et les éosinophiles, lesquels – grâce
à leur panoplie de médiateurs actifs sur la construction motrice et
vasculaire, les mêmes qu’on retrouve dans les phénomènes allergiques –
induisent la contraction musculaire et l’expulsion des helminthes. Les
ILC2 sont également impliqués dans la réparation des tissus après
l’élimination des helminthes. En réponse à l’IL-33, ils sécrètent de
l’amphiréguline qui participe à la restauration des tissus endommagés.

Utilisation de l’immunité muqueuse dans des approches


thérapeutiques
■ L’importance de l’immunité muqueuse
Parce que le MIS est essentiel dans l’immunité innée en particulier,
dirigée contre les pathogènes exogènes, il est aussi essentiel de maintenir
l’homéostasie aux surfaces muqueuses ; faute de quoi, les dérégulations
des composants clés du MIS se manifestent sous la forme de maladies,
non seulement de la sphère muqueuse, mais aussi générales. Certaines
conditions liées au dysfonctionnement du MIS comprennent les maladies
auto-immunes, les maladies inflammatoires de l’intestin et les allergies
ainsi qu’un grand nombre de maladies infectieuses. A contrario, les
connaissances actuelles sur la fonction du MIS peuvent être exploitées
pour développer de nouvelles thérapies.
■ Dans les projets vaccinaux
Les vaccins jouent actuellement un rôle important dans le contrôle de
diverses maladies infectieuses (cela sera détaillé dans un chapitre ultérieur
de cet ouvrage). Un grand nombre d’agents pathogènes pénètrent dans
l’organisme par les voies aérodigestives et génitales, qui ont des
conséquences systémiques en sus des conséquences locorégionales ; en
effet, grâce à son fonctionnement par sites inducteurs et sites effecteurs, le
MIS permet à des vaccins administrés par voie muqueuse d’induire des
effets protecteurs à distance. Les vaccins muqueux actuellement
homologués pour l’usage humain comprennent les vaccins oraux contre
Vibrio cholerae, Salmonella typhi, le poliovirus et divers rotavirus, ainsi
que des vaccins par voie per-nasale pour le traitement de la grippe,
d’autres vaccins étant en développement.
Ces vaccins fonctionnent en interagissant directement avec le MIS. Les
cellules M de l’épithélium associé aux follicules absorbent généralement
les antigènes délivrés par les vaccins muqueux à partir de la lumière des
voies digestives ou respiratoires. Ces antigènes vaccinaux sont ensuite
transférés vers des cellules présentatrices d’antigène qui résident sous
l’épithélium associé aux follicules, telles que les cellules dendritiques. Les
antigènes sont ensuite apprêtés et présentés aux lymphocytes T CD4 et
CD8 des sites inducteurs. Dans le tissu immunitaire associé à l’intestin,
les antigènes administrés par voie orale induisent des cellules effectrices
ou mémoires qui expriment l’intégrine α4β7. Ces lymphocytes activés
sont des spécificités de liaisons pour des chimiokines. Par exemple, le
ligand CCL25 est très électif de l’intestin grêle, où il est impliqué dans la
domiciliation des lymphocytes B allant se différencier en plasmocytes à
IgA. Lorsque les antigènes du vaccin sont administrés par voie
intranasale, les lymphocytes sensibilisés à l’antigène dans le tissu
muqueux lié au nasopharynx expriment une autre intégrine, α4β1, un
récepteur de la molécule d’adhésion VCAM-1. Les vaccins muqueux
induisent des réponses immunitaires rapides, généralement entre 48 et
72 heures après l’inoculation, ce qui suggère qu’ils seraient bénéfiques
pour prévenir la propagation d’infections. Cependant, à l’heure actuelle,
ces vaccins se cantonnent à la présence de micro-organismes tués ou
atténués qui possèdent des molécules de type toxine, ce qui peut
s’associer à des événements indésirables post-vaccinaux, demandant des
ajustements pour être davantage utilisés en routine.

■ Cibler – pour traiter – les principales cellules immunitaires et protéines


Les principales maladies dans lesquelles existe une dérégulation du MIS
comprennent les maladies inflammatoires cryptogénétiques de l’intestin
ou MICI, maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, des maladies
chroniques qui entraînent des dommages structurels avec destruction de la
paroi intestinale. Les voies de signalisation qui contrôlent la cicatrisation
des lésions, l’inflammation intestinale et la fonction de barrière dans les
MICI impliquent les cellules épithéliales intestinales, les cellules
caliciformes et les cellules de Paneth qui reçoivent des signaux du micro-
environnement local de l’intestin. Ces signaux sont médiés par des
cytokines, des ligands de récepteurs de type TLR et des facteurs de
croissance qui induisent respectivement l’apoptose, la prolifération ou
l’expansion cellulaire. Les défauts dans les cellules caliciformes
entraînent une altération de la production de mucine et ceux dans les
cellules de Paneth réduisent la production de peptides antimicrobiens tels
que les défensines. La principale conséquence est l’inflammation sévère
de la muqueuse, sans signal d’arrêt.
La guérison de la muqueuse inflammatoire et la restauration des fonctions
de barrière sont donc les principaux des objectifs des traitements des
MICI. Dans les MICI, les changements structurels des cellules épithéliales
intestinales sont induits par des cytokines pro-inflammatoires telles que le
TNF-a, l’IFN-γ et l’IL-13, qui sont amplifiées en boucle par
l’inflammation. Des anticorps anti-TNF-a ont été proposés dans le
traitement des MICI et il a été démontré qu’ils amélioraient la fonction de
barrière médiée par les cellules épithéliales intestinales chez les patients
atteints de MICI. Cependant, de nombreux patients ne répondent pas au
traitement anti-TNF, ce qui incite à l’exploration de nouvelles cibles pour
traiter les MICI. Les stratégies actuellement étudiées ciblent des anti-
cytokines comme des anticorps dirigés contre l’IL-13, l’IL-6R, l’IL-21 et
l’IL-12/IL23, qui, tous, contribuent à l’inflammation chronique observée
dans les MICI. D’autres méthodes visent à amplifier les Treg et leur
production de cytokines anti-inflammatoires, l’inhibition de la voie des
JAK3 et la stimulation du TLR 9 intracellulaire, ou encore l’inhibition du
repérage des lymphocytes T via les intégrines α4β7 et une molécule
d’adhésion cellulaire d’adressage vasculaire muqueuse (MAdCAM-1).
Mais la situation est parfois encore plus complexe car – cause ou
conséquence – l’inflammation chronique de la maladie de Crohn (et de la
rectocolite hémorragique) s’associe à une production élevée de
Cytomégalovirus au niveau intestinal, qu’il faut aussi éliminer pour
contraindre l’installation d’une boucle de pacification locorégionale et
systémique.
Parce qu’ils jouent des rôles protecteurs dans le MIS, la fonction
dérégulée des cellules épithéliales intestinales ou des altérations de la
composition des populations d’ILC intestinales peuvent également induire
une MICI – en produisant de façon erratique des cytokines inflammatoires
– et une cancérisation du tissu intestinal. Les ILC – qui sont impliquées
dans la cancérisation – semblent de nouvelles pistes thérapeutiques anti-
tumorales.

1. Ce chapitre a été assez largement inspiré du document suivant, en particulier pour son plan et aussi
dans l’actualisation des données ; ce document est – c’est rarissime – anonyme, produit par une
société pharmaceutique de réactifs de laboratoires entre autres (Bio-Rad ; Hercules, CA, USA) ;
merci cependant aux auteurs : https://www.bio-rad-antibodies.com/mucosal-immunology-
minireview.html?
JSESSIONID_STERLING=172E9692BD71DE5F0227F32F8AFB5572.ecommerce2&evCntryLan
g=FR-fr&cntry=FR&thirdPartyCookieEnabled=true.
2. La transcytose correspond à un passage (entrée et sortie) à travers une cellule, le plus souvent
muqueuse ou endothéliale. Il peut s’agir de transport transcellulaire de matériaux inclus dans des
vésicules qui ne sont pas interceptées par les lysosomes et qui traversent la cellule d’un côté à
l’autre sans être modifiées (par exemple : passage d’un complexe immun à travers la barrière
intestinale). Le transport s’opère soit par grâce à des vésicules indépendantes qui se déplacent à
travers la cellule endothéliale en venant de la face luminale (exposée à l’intérieur du vaisseau) vers
la face interstitielle (exposé au liquide interstitiel), soit – plus rarement – car les vésicules
fusionnent en formant un canal qui traverse la cellule. Un processus important dû à la transcytose
est le passage des anticorps du lait maternel dans les cellules du nourrisson, et d’une façon
générale des anticorps sécrétoires (IgA et IgM) de la muqueuse vers l’extérieur, en remontant de
façon inverse la cellule endothéliale de l’endothélium à jonctions serrées, imperméables, grâce à
un mécanisme intracellulaire dédié ; plus rarement, pour les endothéliums à jonctions lâches, les
produits peuvent s’exfiltrer vers l’extérieur, et abonder le mucus. Inversement, des bactéries
peuvent être capables d’utiliser la transcytose pour déjouer la phagocytose ou les barrières
anatomiques et se disséminer dans l’organisme.
3. La voie de signalisation JAK-STAT est une chaîne d’interactions entre les protéines d’une cellule ;
elle est impliquée dans l’immunité, la division cellulaire, la mort cellulaire et la formation de
tumeurs. La voie communique des informations provenant de signaux chimiques à l’extérieur
d’une cellule au noyau de la cellule, ce qui entraîne l’activation de gènes via le processus de
transcription. Il existe trois éléments clés de la signalisation JAK-STAT : les Janus kinases (JAK),
les transducteurs de signaux et les activateurs des protéines de transcription (STAT), et enfin les
récepteurs qui lient les signaux.
CHAPITRE 12

Comment suivre l’évolution


de l’immunité chez une personne
malade ?

La prise de sang : un incontournable ?


Profond mystère et source d’angoisse pour les patients, qui lisent bien que
leurs paramètres sanguins ne sont pas dans la normale – draconienne – du
laboratoire, et excès de confort pour les prescripteurs : le résultat de la
prise de sang ; l’anormalité n’est en général pas si anormale que ça, après
tout, il faut bien interpréter ! Mais quoi interpréter ? Pour cela encore faut-
il savoir ce qu’on cherche, poser une hypothèse, et l’étayer avec le résultat
de ce qu’on cherche, accordé à la limite technique du laboratoire, c’est-à-
dire des conditions de prélèvement, des conditions de réalisation du test,
de celles de sa validation et du rendu de résultat. Et en immunologie
moins qu’ailleurs peut-on « valablement » se fier à des tests de laboratoire
sans une solide idée derrière la tête. L’analyse génétique qui est (qui
semble) de l’ordre du tout ou rien, du oui ou du non, est probablement
parmi les tests les plus instructifs ; sauf qu’il y a les variants dont on ne
sait pas s’ils jouent le même rôle que le gène « tête de file »… Il y a les
mesures d’expression quantitatives de protéines à la surface des cellules et
dans les fluides biologiques accessibles ; mais celles-là dépendent de
tellement de paramètres parfois rapidement évolutifs. Il y a tant
d’interactions avec les autres systèmes, endocriniens, neurologiques,
nutritionnels, et autres, qu’il faut tout interpréter de façon relative. Il y a
toutes les « omiques1 » mais elles nécessitent des batteries d’ordinateurs –
et de scientifiques spécialement formés à la bioinformatique – qu’on est
littéralement noyé de résultats, lesquels bougent du tout au tout selon les
filtres qu’on choisit d’appliquer. Bon, pourrait-on au moins considérer que
la sérologie vis-à-vis d’un agent infectieux est fiable ? On l’a rencontré ce
virus, ou pas ? On a presque un peu honte, on baisse les yeux : « Eh bien,
voyez-vous, ce n’est pas si simple. Vous l’avez peut-être eu, mais on n’est
pas sûr et il faudrait retester d’ici quelques semaines… » La Covid-19
nous a un peu aidés sur le coup, puisqu’il est apparu clairement que rien
n’était clair sur le sujet. Et les personnes qui se passionnent pour la
maladie de Lyme, celles qui pensent que tout diagnostic mal posé est en
fait une maladie de Lyme, et qu’il suffit d’aller en Allemagne pour être
diagnostiqué… (Eh oui, les conditions d’analyse, de réalisation,
d’interprétation des tests…).
Et il y a la clinique. Une clinique difficile qui fait appel aux cerveaux les
mieux remplis de connaissance, aux Doctor House de la médecine interne.
Ne parlons pas des tests allergéniques : je connais une personne qui se
savait allergique aux pollens printaniers et à des cosmétiques bien
identifiés, chez qui on n’a rien trouvé de tel par les prick-tests, mais une
allergie au soja (ce qui amuse encore cette personne, d’origine asiatique,
qui absorbe du soja matin, midi et soir depuis sa naissance sans le
moindre inconvénient).
Dans un ouvrage récent sur le sang que nous avons co-écrit avec Jean-
Daniel Tissot2, nous évoquons les mystères de la prise de sang, et aussi le
symbole que même le nom suggère (« prise »… de quoi, à qui, et au
bénéfice de qui ?)

L’histoire de l’œuf qui fait la poule ou de la poule qui fait


l’œuf
L’immunologie : cette histoire dans laquelle des anticorps rencontrent des
antigènes (« Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, etc. »).
Là, pour le coup, c’est vrai. L’immunologie ne se résume pas aux
anticorps loin s’en faut mais au moins les anticorps sont-ils bien des outils
de l’immunologie, ou plus exactement du système immunitaire. Et la
réaction anticorps-antigènes peut être facile à repérer, amplifier,
visualiser, jusque par une future maman dans le secret des toilettes du
bureau grâce à un test de grossesse. Ces réactions sont tellement utiles
qu’elles ont été plébiscitées par toutes les disciplines médicales pour
détecter la présence d’une substance dans l’organisme et en titrer la
concentration : il suffit de créer l’antigène qui va bien, et aussi l’anticorps
qui va être l’outil du test. L’antigène, ça va être la substance qu’on
cherche à mesurer dans le plasma d’une personne, une hormone, un
transporteur, une enzyme, une molécule fonctionnelle donnée…
L’anticorps, il suffit de le créer dans une espèce animale qui va
« répondre » à l’introduction d’une molécule qu’elle ne connaît pas, qui
est suffisamment différente de l’équivalent de son espèce quand elle a la
même fonction. Ânes, chevaux, chèvres, cobayes, lamas, lapins, rats et
souris – non par ordre d’entrée en scène mais pas ordre alphabétique – ont
bien donné à la médecine. Depuis la découverte géniale de messieurs
Georges Kohler et Cesar Milstein en 1975, qu’on pouvait fusionner un
lymphocyte de souris immunisée contre un antigène – en l’occurrence de
globules rouges de mouton – avec un autre type de lymphocyte mais cette
fois de type plasmocytaire cancéreux (myélomateux3) sécréteur
pathologique de grandes quantités d’anticorps toujours de même classe et
nature, anticorps monoclonaux, on a pu bâtir une bibliothèque immense et
virtuellement infinie de réactions antigènes-anticorps ; on peut aussi à
présent humaniser ces anticorps monoclonaux chez qui on ne laisse de la
souris que la partie qui colle à l’épitope, le paratope via le CDR
(Complementary Determining Region)4. Ces anticorps se rangent parmi
les plus fréquents des réactifs dans les laboratoires d’analyse médicale de
la biochimie, de la microbiologie, de l’hématologie, de la cancérologie et
de l’anatomopathologie.
Les anticorps monoclonaux ont permis, en immunologie, de caractériser
et phénotyper quantité de cellules de l’immunité, de façon ultrafine et
d’aller au plus près pour établir des relations entre « l’habit et le moine »
(le phénotype et la fonction). Ils ont permis de caractériser des milliers de
molécules exerçant des fonctions pour partie redondantes et pour partie
exclusives. Cela étant, leur usage pour établir un profil de patient
souffrant d’une pathologie de l’immunité s’est révélé limité ; leur heure de
gloire, c’est essentiellement le domaine fondamental et la recherche. En
immunologie clinique on aurait eu besoin d’outils qui criblent les milliers
de possibilités de rencontrer des autoanticorps et savoir contre quoi ils
sont, hélas, dirigés. Bref, on aimerait aller à la pèche comme le font les
virologues à la recherche de virus inconnus. Mais la limite de l’exercice
est que chaque individu formate son autoanticorps, dont la majorité n’est
pas reconnue faute d’outils. Au mieux soupçonne-t-on leur présence, et
peut-on les freiner par des outils thérapeutiques prouvant bien que
l’hypothèse était la bonne. Il faut être juste, une bonne centaine d’entre
eux (les autoanticorps) sont identifiables car ils se laissent trouver, étant
assez communs pour se faire attraper par un anticorps anti-anticorps5.

Du lit du malade au laboratoire, ou du laboratoire au lit


du malade ?
En anglais ça sonne mieux et ça fait le titre de nombreux commentaires ou
revues : « From bedside to benchside or vice versa? »
Grande est la tentation de prescrire une batterie de tests et de voir ce qui
va en sortir. Mais comme le disent encore les anglosaxons : « Garbage in,
garbage out6 ». Rien de fiable ne sortira quand on n’a pas une solide
hypothèse.
C’est bien toujours la clinique qui doit guider le chemin diagnostic. Les
examens biologiques vont permettre une démarche de pas à pas afin
d’écarter des hypothèses et d’aller plus loin dans la solution du problème ;
et cela d’autant plus que les maladies de l’immunité sont fréquemment
sévères, durables, destructrices et que les traitements reposeront sur de
difficiles analyses des risques et des bénéfices, car ils ne sont la plupart du
temps pas anodins.
L’immunologie permet ce va et vient du lit du patient vers le laboratoire et
du laboratoire vers le lit du malade (pour lui faire bénéficier des nouvelles
immunothérapies, anticorps monoclonaux thérapeutiques, cytokines
recombinantes, nouveaux immunomodulateurs, inhibiteurs d’enzymes et
petites protéines intercalantes, ARN thérapeutiques, sans parler des
vaccins, les plus anciens succès de l’immunologie depuis plus de 130 ans,
grâce à Louis Pasteur, le premier d’une longue série de concepteurs, bien
loin d’être éteinte quand on considère la prouesse des nombreux
scientifiques ayant conçu des vaccins – y compris de concepts nouveaux –
en moins d’un an contre le SARS-Cov-2)7.

Ces constantes qui sont si variables !


S’il est bien une expression que je n’aurai jamais comprise dans le jargon
médical, c’est bien celle de « constantes ». Ce terme est devenu familier
car popularisé par les séries TV médicales : « Prenez ses constantes »,
jappe le médecin surbooké dès qu’une nouvelle personne arrive dans sa
salle, et l’infirmier de s’exécuter et d’aboyer à son tour des chiffres
séparés de symboles qui ressemblent à des coordonnées GPS. Constantes
qui bien entendu sont variables et en l’occurrence effondrées sinon il n’y
aurait pas de scénario.
Il en est de même en biologie médicale et on s’attache à suivre des
variables qu’on voudrait beaucoup moins variables jusqu’à rester
constantes, une natrémie à 138 mmol/L par exemple, qui ne bougerait que
de l’épaisseur du trait, soit moins de 3 mmol/L en plus ou en moins.
En immunologie, les valeurs refuges sont toutes dépendantes les unes des
autres et les curseurs éminemment mobiles : des marqueurs de
l’inflammation comme la C-Reactive Protein (CRP) (et d’autres
protéines) doivent être interprétées avec celles des protéines plasmatiques
dont l’albuminémie, et de même pour la répartition des classes de
protéines dont les gammaglobulines qui comprennent la masse des
anticorps, toutes spécificités confondues (dans le plasma, ce qui ne
préjuge pas de leur répartition dans le secteur extravasculaire).

« Quand on passe les bornes, il n’y a plus de limites8… »


On peut considérer plusieurs niveaux dans l’analyse biomédicale du
niveau d’immunité d’une personne :
• le premier niveau est le monitorage d’un événement comme un
phénomène inflammatoire, une maladie auto-immune, ou la pose d’un
diagnostic d’allergie par exemple ;
• le second niveau est l’établissement d’une cartographie comme la
caractérisation d’un génotype HLA ou d’autres marqueurs du type
présence, absence, présence d’un variant non fonctionnel ou
dysfonctionnel ; cette approche moléculaire peut être complétée ou
parfois remplacée par la mesure du produit du gène ;
• le troisième niveau est l’investigation des déficits immunitaires, dans
laquelle vont se combiner des méthodes anciennes et pour certaines
imparfaites, faute de mieux, et des méthodes les plus récentes de la
biologie, frontières avec la recherche ; cela rend réellement compte du
fait de l’absence de limites posées par exemple par une liste d’examens
accrédités, habilités par l’assurance maladie et justifiables de
remboursement par la sécurité sociale (d’où le titre de ce chapitre).
Les progrès méthodologiques d’immuno-analyse communs avec les autres
disciplines biologiques offrent au premier groupe une nouvelle finesse
dans la mesure de facteurs, grâce en particulier aux techniques Luminex,
qui permettent le dosage de microquantités de cytokines et de n’importe
quel autre biomarqueur à la condition qu’un réactif commercial soit
disponible (la liste ne cesse de s’allonger), et aussi la détection et le
dosage d’anticorps toxiques ou pathologiques anti-HLA résultant
d’immunisations de grossesse, de greffe ou de transfusion, ou anti-auto-
antigène (là encore, la liste s’allonge). Des techniques dites maison (in
house) qui n’utilisent pas de réactifs validés par des accréditations
(marquages CE en particulier, autorisations d’utilisation, un peu comme
les AMM des médicaments) restent possibles mais plus difficiles à
justifier quant à leur valeur réelle et bien sûr impossible à comparer avec
des standards ou en tests inter-laboratoires.
Nous ne reviendrons pas sur les méthodes de biologie moléculaire qui
elles aussi progressent pour caractériser des gènes d’intérêt comme ceux
du HLA, et dans ce domaine les progrès semblent sans limite puisqu’on
peut à présent identifier les sites de liaison des épitopes également
d’intérêt présentés par les niches fonctionnelles de ces molécules du
complexe majeur d’histocompatibilité. Dans certains programmes de
greffes, il est en effet intéressant de contribuer à ce qu’on appelle
l’epitope matching (compatibilités permises), qui diffère de l’eplet (autre
nom pour épitope en jargon HLA) risk stratification ou encore upload
mismatch (incompatibilités interdites). Tout cela est bien entendu affaire
de spécialistes biologistes guidant au mieux les cliniciens dans la
recherche des greffons et des conditionnements à programmer pour les
futurs receveurs. Ces tests de dernière génération ont remplacé les tests
anciens de dilution limite, de réaction mixte lymphocytaire et de
cytotoxicité dirigée, définissant des sérotypes ; la médecine de greffe
actuelle exige le plus souvent9 des génotypies, poussées à la compatibilité
des épitopes ou eplets.
Nous allons en revanche passer un peu plus de temps sur l’investigation
des déficits immunitaires. Celle-là résume plus ou moins toute l’histoire
de l’immunologie, depuis les tests les plus anciens explorant la
phagocytose qui ont bien peu évolué en cent ans ou plus, jusqu’aux
techniques de microarray qui cartographient les gènes actifs versus
inactifs dans telle ou telle condition.
L’exploration de l’immunité recoure à des tests globaux, comme la
numération formule sanguine et l’analyse de la répartition des types et
sous-types leucocytaires. Les granulocytes sont mal évaluables de façon
moderne et ce sont encore des tests colorimétriques qui explorent leur
respiration oxydative (burst) et leur contenu en enzymes ; des tests de
chimiotactisme sont aussi proposés, ainsi que des tests d’inhibition. Cela
reste assez « global ».
Les lymphocytes sont particulièrement investigués, et pour ce faire utilise-
t-on des marquages de phénotypes, dont les techniques ont aussi beaucoup
évolué depuis ces quarante dernières années mais qui peuvent aujourd’hui
analyser des paramètres comme la répartition des marqueurs définissant
des fonctions, leur densité, leur répartition sur et dans la cellule, leur
regroupement à un pôle de la cellule, etc. La fonctionnalité de certains
types cellulaires comme la cytotoxicité des cellules NK et des
lymphocytes T CD8+ peut être testée de façon globale mais aussi de façon
très spécifique à présent grâce aux techniques de tétramères qui utilisent
des parties de molécules HLA (à la condition qu’elles existent sous la
forme de réactifs de laboratoires validés) pour rechercher une action
(toxicité, sécrétion…) ; cela est particulièrement intéressant pour évaluer
une activité antivirale en cas d’infection. Ces tests ont remplacé des tests
anciens de dilutions limites d’activité qui consommaient un temps
d’investigateur considérable pour un rendu de résultat aléatoire et souvent
décevant. Il est possible aussi d’estimer la sécrétion de produits
modificateurs du comportement biologique grâce à des tests fonctionnels,
en présence d’antigènes d’origine infectieuse par exemple, dont l’objectif
est de mesurer la capacité de lymphocytes T à répondre à une stimulation
infectieuse et donc de défendre l’organisme comme attendu. Ces tests ont
remplacé les tests cliniques auxquels on a pu recourir comme des
intradermoréactions (comme avec la tuberculine, mais pas que…), qui
n’étaient pas sans danger mais qui ont donné en leur temps des
informations utiles. Toutes les cellules de l’immunité peuvent être à
présent testées grâce à des tests validés ou des tests maison ;
l’interprétation n’est, de toutes les façons, valable qu’en fonction d’une
solide hypothèse clinique.

Les sérologies, des valeurs refuges ?


Il y a beaucoup à dire sur la sérologie, les sérologies pour être plus exact.
Il y a avant tout un fantasme de l’exactitude. C’est mal comprendre la
dynamique du système immunitaire et de ses réponses. On est bien loin
d’une réponse de type « tout ou rien » et on va tenter d’expliquer
pourquoi. Mais avant cela, quels sont les domaines dans lesquels la
recherche d’anticorps est pertinente ?
• le suivi d’une exposition à un agent infectieux, exposition récente ou
ancienne voire à une exposition vaccinale ;
• le suivi d’une immunisation par des antigènes portés par des cellules
étrangères non infectieuses, cellules sanguines (transfusion, grossesse),
greffes et transplantations ; il peut s’agir d’antigènes de groupes sanguins
des trois principaux types cellulaires, globules rouges, globules blancs,
plaquettes, et d’antigènes HLA principalement ;
• le diagnostic d’une maladie auto-immune dans laquelle l’organisme
produit des lymphocytes auto-réactifs : lymphocytes T, difficiles à mettre
en évidence, et lymphocytes B, révélés par leurs produits, les anticorps.
Ces anticorps peuvent être libres dans le plasma ou déposés sur ces
cellules et tissus et pas forcément accessibles au simple dépistage par
prise de sang : on commence à appréhender les difficultés.
Comme cela a été évoqué un peu plus haut, la cible de la requête étant un
anticorps, la manœuvre consiste à attraper cet anticorps et le fixer sur un
piège pour le visualiser ; ce piège peut être un support inerte, une cellule,
une coupe de tissu, un réseau d’anticorps, l’imagination des biologistes est
sans limite. Il n’est en général pas très difficile de piéger les anticorps
anti-antigènes infectieux et les anticorps anti-antigènes de cellules
étrangères (groupes sanguins et tissulaires), mais avec des limites qui sont
liées à chacun des deux partenaires : il faut que l’antigène soit assez
immunogène pour solliciter une réponse de type anticorps détectable au
moins dans les seuils bas de la technique la plus précise, et pour
l’anticorps, il faut qu’il soit répertorié dans une base de données c’est-à-
dire qu’on doit connaître l’antigène vis-à-vis duquel il réagit ; ce n’est pas
toujours évident dans le cas d’immunisations post-transfusionnelles en
particulier s’il s’agit d’antigènes très rares voire d’antigènes privés.
Mais quelle que soit la quête de la cible, il faut absolument garder à
l’esprit que la production d’anticorps est un phénomène dynamique, labile
dans le temps : la sérologie est toujours une photographie à un instant
« t ». Les anticorps sont des protéines glycosylées (sucrées) dont la demi-
vie dépend de leur nature biochimique ; les IgE (anti-allergènes par
exemple) ont une demi-vie de trois jours et peuvent être très rapidement
catabolisées : une sérologie tardive après l’événement pourra avoir du mal
à mettre en évidence des anticorps anti-allergènes si aucune restimulation
n’est survenue pour relancer la machine (en l’occurrence la production de
nouveaux anticorps IgE). La labilité peut être accélérée si la quantité
d’anticorps produite est faible et la cible cellulaire de l’anticorps
abondante ; ainsi des anticorps IgE anti-allergènes peuvent très vite aller
se fixer sur de nombreux sites disponibles pour les IgE exprimées à la
surface de mastocytes, éosinophiles et plaquettes sanguines, et
surexprimées dans certaines situations inflammatoires. L’anticorps est
bien présent mais pas disponible pour la détection sous forme de protéine
libre dans le plasma. De telles circonstances ne sont pas exceptionnelles
en routine transfusionnelle et c’est la raison pour laquelle la validité d’un
test de recherche d’agglutinines irrégulières ou RAI n’est que de
72 heures ; un anticorps n’est pas absent par ce qu’on ne le capture pas à
un instant « t » : il peut être lié à une surface cellulaire où on ne va pas le
chercher sauf par un test ad hoc (en l’occurrence dans l’exemple
transfusionnel dans un test de Coombs direct, suivi le cas échéant d’une
élution de l’anticorps c’est-à-dire son découplage de la cible par l’action
d’un agent chimique). La sérologie virale est en général productive
(certains antigènes sont produits en excès : le virus de l’hépatite B produit
beaucoup plus d’enveloppe qu’il ne forme de virion complet, enveloppe
possédant des structures très immunogènes (antigènes HBs), rendant la
détection du virus très aisée en général pour cette phase précoce de
l’infection. En revanche, les antigènes bactériens et parasitaires sont
souvent de piètres immunogènes ; les structures riches en lipides et en
sucres des membranes bactériennes déclenchent des réponses
lymphocytaires B indépendantes des lymphocytes T, ne maturant pas dans
le centre germinatif des follicules secondaires mais dans les zones
marginales, ne commutant pas leur chaîne lourde (restant des IgM) et
n’affinant pas leur récepteur c’est-à-dire que l’attachement entre l’épitope
et le paratope reste lâche et est facilement détruit. La sérologie
bactérienne reste fiable si l’antigène est une protéine (toxine par exemple)
mais douteuse pour les autres structures… d’où la difficulté de la
sérologie de la maladie de Lyme, due à un membre du groupe des
spirochètes dont fait partie la bactérie du genre Borrelia. Une anecdote
pour conclure ce chapitre à propos d’antigènes parasitaires ; j’ai
longtemps travaillé au sein de l’Institut Pasteur sur la recherche de
candidats vaccins contre le paludisme. Il avait été observé – au sein de
populations cibles situées dans deux villages de la région du Sine-Saloum
au sud du Sénégal mais présentant des conditions épidémiologiques très
différentes pour la transmission du parasite aux habitants. Dans le village
dans lequel la transmission palustre était active toute l’année, les enfants
acquéraient ce qu’on appelle une prémunité ou une semi-immunité, c’est-
à-dire qu’ils étaient infectés mais pas ou peu malades ; ils présentaient des
taux élevés d’anticorps de nature IgG1 dirigés contre un des antigènes
tests utilisés. Dans le village où la transmission était saisonnière, les taux
d’anticorps plus ou moins permanents étaient partagés entre les IgG1 et
les IgG3, avec une augmentation progressive des IgG1 et une disparition
des IgG3 accompagnant la transmission la plus active. Il était conclu que
les anticorps protecteurs étaient de nature IgG1, et les anticorps non
protecteurs étaient de nature IgG3. Nous avons pu faire une modélisation
démontrant juste l’inverse, à savoir que les anticorps protecteurs – de
nature IgG3, produits de façon sub-optimale sur le plan de la quantité –
étaient consommés par les parasites (afin de maintenir au plus bas la
parasitémie) et que les anticorps IgG1 étaient en quelque sorte laissés
pour compte. Cela signifiait, pour nous, que les anticorps intéressants sont
consommés dans la réponse immunitaire, et donc non accessibles aux
tests sérologiques. Ce rapport n’a de valeur que pour cette situation-là, cet
antigène-là, mais il permet d’illustrer que dans la sérologie, deux points
sont intéressants, ce qui est détecté, et ce qui ne l’est pas, et ce second
point est trop largement négligé.
Il faut avoir compris cette subtilité de balance entre production et
consommation des protéines de réponse immune pour aussi aborder la
pathologie tissulaire de dépôts d’anticorps, mais aussi d’antigènes et
fréquemment de fractions du complément10, pour ne pas négliger le fait
que des anticorps anti-tissus peuvent ne pas voyager en liberté dans le
plasma, prêts à être visualisés dans un test standardisé, mais consommé
sur place, accessible aux biopsies et aux examens immuno-
histochimiques, quelle que soit la méthode de détection.
La sérologie, valeur refuge de l’évaluation du système immunitaire : pas
tant que cela !

En immunologie, aussi on peut provoquer !


Provoquer des cellules à lancer leurs missiles sur des cibles désignées,
voici bien un motto des immuno-interventions (et il y sera revenu dans le
chapitre suivant), mais cela peut aussi se faire in vitro pour le diagnostic ;
on a d’ailleurs déjà évoqué cette possibilité de tester des cellules Natural
Killer (NK) ou de lymphocytes T CD8+ pour leur capacité cytotoxique,
éprouver la capacité phagocytaire de neutrophiles, de dégranulation de
mastocytes en présence d’antigènes et d’IgE, et d’autres tests encore
visant à faire sécréter des agents immunomodulateurs par différentes
catégories de cellules immunitaires ou participant à l’immunité.
Provoquer des réponses in vivo est une autre paire de manche. On l’a
longtemps fait – et le fait encore avec des tests à la tuberculine – et des
intradermoréactions vis-à-vis d’autres substances peuvent être réalisées,
avec prudence. On a vu également que les allergologues autorisés peuvent
réaliser des prick-tests cutanés sous certaines conditions de sécurité.
Comme dans bien d’autres domaines, quand il faut provoquer, on
provoque, mais la plupart du temps, on y va doucement et le travail
d’exploration des immunologistes cliniciens, aidés des
immunopathologistes de laboratoire, est patient, économe des prises de
sang intempestives (on aurait vite fait de saigner une personne en
condition inflammatoire, déjà candidate de par cette inflammation à une
anémie – c’est ce qu’on appelle le vampirisme médical), sans doute un
peu lent car on est souvent adepte du pas à pas : c’est une véritable
enquête policière.

1. Protéomique, génomique, transcriptomique et autres encore… (et depuis peu,


l’immunopeptidomique !).
2. Garraud O., Tissot J.D., Il était une fois le sang. Il révèle notre santé et notre hérédité, collection
« Dites 33 » (Philipe Charlier), Humensis, Paris, avril 2021.
3. Issues d’une tumeur appelée myélome qui sécrète des immunoglobulines monoclonales, crée des
trous dans les os, infiltre la moelle et freine l’hématopoïèse générant une anémie, etc.
4. On peut se rapporter à la très intéressante revue : Diallo B.K., Riffard C., Le Gouge K., Teillaud J.-
L., « Les anticorps monoclonaux — L’histoire d’une recherche fondamentale ou la curiosité
comme source de richesse», Med Sci (Paris) 2019 ; 35 : 926-936.
5. L’immunologiste, prix Nobel, Niels Jerne a démontré l’existence de réseaux au sein de l’immunité
liée aux anticorps.
6. Qu’on pourrait traduire par « détritus en entrée, détritus en sortie ».
7. Canouï E., Launay O., « Histoire et principes de la vaccination », Revue des Maladies respiratoires
(Paris), 2019 ; 36 : 74-81.
8. Formule attribuée à Alfred Jarry, l’auteur (entre autres) d’Ubu Roi (1896).
9. Ce n’est en effet pas le cas pour les greffes de reins, les plus fréquentes des transplantations, pour
lesquelles on va définir dans un premier temps des interdits, c’est-à-dire des greffons ne présentant
pas d’antigènes (HLA) vis-à-vis desquels le candidat à la greffe avait développé des anticorps. Des
échelles de compatibilité sont ainsi produites, qui sont fiables grâce aux techniques modernes de
recherche d’anticorps anti-HLA par Luminex.
10. Dans certains types d’hémolyse de globules rouges (post-tranfusionnelle, auto-immune, toxique,
immuno-allergique (etc.), on peut retrouver la trace d’une action de fractions activées du
complément grâce à des anticoprs anti-complément alors que la trace de l’anticorps a elle, disparu).
CHAPITRE 13

Les succès d’une part,


et d’autre part les failles
et les déficits de l’immunité

L’immunité, une « Success story »


L’immunité est dans une très large mesure couronnée de succès eu égard
au nombre immense de défis auxquels elle fait quotidiennement face, que
les dangers qui la menacent soient externes comme des infections ou
internes comme le contrôle patient de la conformité des divisions
cellulaires, tous tissus confondus. Ce succès est durable dans le temps.
L’immunité n’est pas « un long fleuve tranquille » pour autant puisque
nous savons bien qu’il y a périodiquement des infections menaçantes et
que le recours aux antibiotiques, antiparasitaires et depuis peu antiviraux
permet de passer des caps qui auraient pu être difficiles à passer sans eux ;
qu’il peut y avoir – chez une personne jeune – une occurrence cancéreuse
et que le recours aux thérapies adaptées permet des chances raisonnables
de passer, là encore, le cap. Un homme sur trois et une femme sur quatre –
d’âge médian 68 et 67 ans, respectivement (les données sont celles de
2019) – développera un cancer au cours de sa vie mais parfois très
tardivement puisqu’on attribue ce « score » à la longévité ; la moitié de
ces cancers est à haut risque vital, ce qui veut aussi dire que l’autre moitié
ne l’est donc pas. Près de 400 000 nouveaux cancers détectés par an en
France et 150 000 décès1 par cancer sont enregistrés. Ces chiffres sont
effrayants mais à repositionner par rapport au fait que nous sommes un
peu plus de 67 millions de personnes dans notre pays, et nombre de ces
personnes sont âgées : la médiane2 de vie est en effet de près de 86 ans
chez les femmes et 80 ans chez les hommes. Se produisent aussi des
accidents de parcours de l’auto-immunité/auto-inflammation, des
allergies, etc. mais là encore, une médiane de survie plutôt élevée donc
une bonne résistance générale au stress. L’adage dit qu’on ne s’occupe pas
« des trains qui arrivent à l’heure » et la médecine s’occupe assez peu des
personnes en bonne santé3, et je serais tenté d’avoir une lecture optimiste
de la robustesse « médiane » du système immunitaire dans les populations
des pays à fort revenu et dotés d’un système d’hygiène collective et de
santé performant. L’immunité peut être remarquable : on rencontre, par
exemple en Afrique intertropicale, de grands anciens qui ont très bien
vieilli, en dépit des épreuves et défis (infectieux entre autres), preuve du
fonctionnement harmonieux du système immunitaire, dans un registre qui
met l’accent sur les avantages génétiques.

« Jusque-là, tout va bien… »


D’une façon générale, on pense bien peu aux multiples réactions
immunitaires qui se déroulent à un instant « t » chez un individu bien
portant ; être bien portant suffit. Le bien-être ou la bien portance est
cependant une résultante. Le résultat de deux conjonctions principales :
1. être normalement doté des équipements pour le fonctionnement du
système immunitaire et des modes d’emploi, et
2. ne pas être soumis à des pressions ou situations exceptionnelles,
comme l’arrivée d’un virus inconnu et agressif vis-à-vis duquel on n’a
pas développé d’immunité individuelle mais aussi d’immunité
collective, protégeant le groupe. On sait qu’en période hivernale on peut
attraper un rhume (« on peut y être sujet »), qu’en septembre et en
janvier – hormis quand les gestes barrières de lavages de mains répétés
et intensifs les préviennent grandement – on est soumis à un risque de
« gastro » (gastroentérite virale le plus souvent) et on sait aussi qu’on
n’est pas immunisé contre ça, mais ce n’est pas bien grave sauf…
Sauf si on est fragilisé par une maladie affaiblissante comme un cancer,
une maladie auto-immune ou inflammatoire, qu’on est transplanté, qu’on
prend un traitement immunosuppresseur ou qu’on n’a plus de rate.
On peut aussi être sujet aux crises allergiques avec les premiers pollens
dès la fonte des neiges ; certains sujets peuvent prédire la floraison avant
tout le monde en se basant sur leurs éternuements répétés. « On fait avec »
(en prenant des antihistaminiques ou en se faisant désensibiliser si tant est
que la cause soit restreinte et bien identifiée). La plupart du temps, « on
fait [juste] avec »…
Il y a pourtant des circonstances dans lesquelles le système immunitaire
n’a pas fonctionné correctement, puisque non seulement il a laissé
émerger un clone de cellules tumorales cancéreuses, et qu’en plus il rend
plus sensible aux infections potentiellement graves à cause de la maladie
et de l’immunodéficience qu’elle a induite, et aussi à cause du traitement
et de ses effets indésirables : c’est la double peine. Chacun connaît plus
d’une personne victime de cancer et nulle famille n’est épargnée hélas,
mais il ne faudrait pas pour autant oublier qu’en 2021, l’espérance de vie
des français avoisine les 85 ans (les chiffres peuvent varier selon les
paramètres étudiés) ; cela signifie qu’avec des traitements appropriés, une
certaine longévité rend la vie possible jusqu’à un bel âge en dépit des
attaques répétées des rhumes, des gastros, des allergies, et même de
maladies graves. Le système immunitaire seul ne résume pas tout, puisque
la longévité des populations semble rendre compte de leur capacité à faire
face à ces agressions multiples (qu’il faudrait cependant mitiger par la
mortalité en couche, les accidents, un travail harassant et épuisant –
comme les ont connues des générations précédentes) ; l’hygiène, les soins,
la prévention ont ajouté des années voire des décennies aux populations. Il
ne faudra pas oublier dans l’équation cependant que toute la population
mondiale n’a pas accès à ces progrès, à une nourriture adéquate, à une
hygiène (il n’y a pas en français de traduction précise pour le concept de
« sanitatization », qui prend en compte l’accès à l’eau potable des
populations et un plan d’hygiène intégré, des toilettes et des égouts isolées
des accès en eau potable, etc.).
Enfin, mais c’est bien plus rare que les cancers qui sont une plaie de notre
civilisation et pour une grande partie une conséquence de nos mauvaises
habitudes (tabac, alcool, graisses insaturées) et de celles de nos sociétés
(particules fines, pesticides, conservateurs alimentaires, etc.), des déficits
de l’immunité peuvent affecter des enfants dès leur plus jeune âge.
Quelques déficits de certains outils de l’immunité peuvent être sans
conséquence voire ignorés, car le système immunitaire a développé au fil
des millénaires des outils redondants pouvant se substituer les uns aux
autres, mais pas tout le temps. Plus l’outil est à la base de la pyramide,
plus un déficit va affecter toute la cascade qui en découle, y compris les
redondances.
Nous allons survoler les principales causes et conséquences de ces déficits
de l’immunité, qu’on va décrire comme primitifs s’ils sont
constitutionnels et génétiques, et secondaires s’ils sont apparus
ultérieurement sur un organisme qui était préalablement compétent.

Le système immunitaire : l’anti-menace !


Quelles sont les menaces sur le système de défense d’une personne ? Le
premier risque qu’encourt un être humain en devenir est celui de ne pas
disposer (ou de ne pas hériter) d’un capital génétique lui permettant, d’une
part, de naître et, si la grossesse va à son terme et que l’enfant naisse, de
survivre aux agressions environnementales. Ces déficits sont dits primitifs
et la plupart sont très sévères.
Au cours de vie peuvent apparaître des situations qui affaiblissent,
inactivent, abolissent de façon temporaire et réversible ou de façon
définitive le système immunitaire et donc les défenses contre les
agresseurs internes et externes. Certaines de ces circonstances sont
« mécaniques » ; l’absence d’apports de protéines et d’autres nutriments
essentiels s’associent bien évidemment à une insuffisance de production
d’outils de l’immunité, très consommateurs de ressources biologiques ;
d’autres déficits sont plus circonstanciels, consécutifs à des événements
infectieux, métaboliques ou hormonaux. Parfois encore, ce sont les
traitements contre un certain nombre de maladies – en général graves –
qui ont comme conséquence une baisse de l’immunité.
Dans tous les cas de figure, et sans en avoir l’exclusivité, les
affaiblissements ou pertes d’immunité se manifestent par des infections.
Infections par des germes courants, mais aussi – et c’est davantage
caractéristique – par des germes dits opportunistes, qu’on ne rencontre
que rarement dans des organismes compétents sur le plan
immunologique ; parasites intracellulaires, champignons et levures,
mycobactéries, bactéries intracellulaires strictes, certains virus aussi, sont
autant de signatures infectieuses des déficits immunitaires.
Les progrès ont été immenses en matière de traitement des infections par
le virus de l’immunodéficience acquise, mais au début de l’épidémie, les
personnes malades manifestaient des diarrhées infectieuses et parasitaires
(et fungiques), des pneumocystoses pulmonaires, avaient des aphtes
buccaux et génitaux, des lésions de zona généralisées, une tuberculose.
Jeune médecin, j’ai été témoin de ces marasmes épouvantables pour les
personnes, leur entourage, et aussi pour les soignants (on se souvient du
film Philadelphia4 en particulier, et j’ai rencontré des situations
véritablement cauchemardesques à l’occasion d’une mission en Centre-
Afrique, il y a une vingtaine d’années, alors que l’occident offrait déjà des
bi et des trithérapies).
Une autre caractéristique – à plus long terme – des baisses de l’immunité
est l’apparition de cancers primitifs et aussi de « seconds » cancers,
secondaires à une première localisation et aux traitements ; on y est
particulièrement vigilant afin de prévenir cette double peine.

Déficits et déficiences
■ Les tableaux
Les déficits génétiques portant sur les systèmes les plus en amont de la
réponse immunitaire naturelle ou innée sont particulièrement sévères :
l’incapacité à effectuer une phagocytose, une lyse intracellulaire des
agents infectieux ingérés, une coopération intercellulaire, peuvent être
rapidement létale et les enfants qui souffrent de tels déficits atteignent
difficilement l’âge adulte, ou au prix de multiples hospitalisations et
d’incessants soins lourds et pénibles. Certains enfants incapables
d’exprimer correctement à la surface de leurs cellules de défense des
récepteurs pour les outils de communication intercellulaires (les
cytokines) peuvent à présent bénéficier de corrections génétiques et d’une
réimplantation de leur moelle corrigée pour le déficit en question (grâce à
la thérapie génique) mais là encore, au prix de multiples complications
précoces et plus tardives5. Cette catégorie de maladies est regroupée sous
l’appellation des déficits immunitaires primitifs ou DIP (une autre partie –
moins importante – concerne les anomalies anatomiques, comme une
absence de thymus en particulier ou son développement incomplet
(syndromes de Di George et syndrome de Nézelof), gravissimes, ou –
toujours par exemple – une asplénie congénitale c’est-à-dire l’absence de
rate, également très sévère.

■ Les déficits primitifs


Toutes les menaces plus spécifiques envisagées ci-après ont pour tout ou
partie une cause génétique. Cette cause génétique peut être : 1)
héréditaire, et en particulier lorsque deux caractères récessifs se
rencontrent, en dépit des lois de fréquence statistique et occasionnent un
déficit profond (beaucoup plus fréquemment, en effet, un caractère
génétique complet [dominant] compense un caractère récessif). La cause
génétique peut aussi être 2) accidentelle, en lien avec une mutation sur un
gène codant pour une protéine essentielle au processus immunitaire ; dans
certains cas, des mécanismes de compensation existent car le système
immunitaire, en particulier pour l’immunité innée ou naturelle, met en
place de nombreux mécanismes de redondance pour pallier ces situations,
mais dans d’autres cas il n’y a pas de compensation et le déficit s’expose
avec toutes ses conséquences, par ailleurs très variables allant du
symptôme minime voire inapparent6 au déficit très sévère. Ces causes
génétiques influencent beaucoup d’autres facteurs en amont, rendant
compte de nombreux déficits immunitaires secondaires ou DIS ; certains
DIS semblent être sous l’influence principale d’événements intercurrents
mais, comme cela a été présenté précédemment, la génétique influence
pour une très large part les sensibilités individuelles aux infections, à
l’allergie, le vieillissement (immunosénescence), la survenue de cancers,
d’auto-immunité (qui a souvent un déclencheur – appelé trigger7 –
infectieux, parfois occulte), etc. La propension à développer un état
inflammatoire pathologique (rendant compte de syndromes d’hyper-
activation cellulaire et de pathologie voire de défaillance d’organes)
affecte profondément les réponses immunitaires puisque celles-là se
déroulent dans un contexte d’emballement, incapable d’envoyer ou de
recevoir les signaux de fin de réponses et de retour à l’équilibre ou vers la
cicatrisation et la réparation ; une sensibilité8 génétique n’est pas exclue à
ce niveau également, comme cela a pu être suspecté lors des formes
graves de Covid-19 par exemple.
Le tableau XXI illustre les principaux déficits immunitaires primitifs et
leurs répartitions en Europe (qui peut varier de façon importante selon les
régions du monde) ; et le tableau XXII rappelle les principales causes de
déficits immunitaires primitifs.
Tableau XXI : Distribution des différents types de déficits immunitaires
primitifs d’après le registre européen (de 2014)
Déficits de régulation et syndromes auto-immuns 2%
Syndromes auto-inflammatoires 4%
Déficits en fractions du complément 5%
Déficits de l’immunité innée 2%
Autres syndromes définis 8%
Déficits de la phagocytose 9%
Syndromes déficitaires affectant principalement les anticorps 62 %
Syndromes déficitaires affectant principalement les 7 %
lymphocytes T
Déficits non classés 1%

Tableau XXII : Les principales présentations cliniques des syndromes


immunitaires primitifs (DIP) et des exemples
Déficit
Présentation Exemples
principal
Déficits portant Infections sévères ou de Déficit immunitaire
sur caractère inhabituel par des combiné sévère
les lymphocytes virus et des champignons (SCID) affectant
T (dont des pneumocystoses), aussi la production
pulmonaires et ORL, des anticorps.
survenant très tôt dans la vie
et compromettant
Déficit rapidement le pronostic vital.
Présentation Exemples
principal
Syndrome de
Wiskott-Aldrich, avec
une thrombopénie et
une eczéma.
Syndrome de Di
George, avec des
déficits d’organes et
des manifestations
ORL, une absence
de thymus et une
hypocalcémie.
Syndrome de
Duncan, caractérisé
par une incapacité à
répondre à une
infection par le virus
d’Epstein-Barr.
Syndrome « Ataxie-
Télangiectasie »,
manifesté par des
troubles
neurologiques très
sévères et un retard
mental.
Déficits portant Apparaissent dans les Agammaglobulinémie
sur deux ans après la naissance liée à l’X (maladie de
les lymphocytes après une phase de Bruton).
B et les protection par les anticorps
anticorps maternels ; ils se manifestent
par des infections parfois
sévères bronchiques et ORL
Déficit et aussi des diarrhées,
Présentation
principalement dues à des Exemples
principal
bactéries.
Immunodéficience
variable commune
(CVID) conduisant à
un risque élevé de
maladies auto-
immunes et de
cancers.
Syndrome d’hyper-
IgM (et de déficit en
IgG et en IgA).
Déficit sélectif en IgA,
souvent inapparent
ou pauci-
symptomatique ;
parfois avec des
infections ORL ou
bronchiques.
Donnent lieu à des infections Maladie
bactériennes récurrentes et granulomateuse
des abcès en particulier des chronique, avec un
territoires lymphoïdes, à des déficit de production
granulomes (dont de superoxide après
Déficits portant
septiques), à des lésions l’ingestion de
sur
péri-anales, à des retards à bactéries par des
les neutrophiles
la cicatrisation, et à des neutrophiles.
infections invasives comme
des aspergilloses. On
retrouve aussi des diarrhées
chroniques.
Déficit
Présentation Exemples
principal
Retard à la chute de cordon, Syndrome de déficit
retard à la cicatrisation, d’adhésion
Déficits portant ulcérations cutanées leucocytaire ou LAD
sur des chroniques, infections des empêchant les
fonctions organes profonds. neutrophiles de
leucocytaires migrer vers les sites
d’infection et
d’inflammation.
Infections bactériennes Déficit en MBL
récurrentes dont à (Mannose binding
Déficits portant méningocoques. lectin).
sur des
Déficit proximal en
fractions du
complément.
complément
Déficit terminal en
complément.
Au total, un certain nombre de circonstances, soit constitutionnelles
(inhérentes à l’individu), soit environnementales, soit circonstancielles,
peuvent ou vont affecter le développement harmonieux des réponses
immunitaires tout au long de la vie, une fois acquise la maturité du
système immunitaire chez l’enfant, et ce jusqu’au moment où une
accumulation de déficits immunitaires secondaires et l’involution des
organes de l’immunité génèrent cette immuno-sénescence qui voit aussi
s’accumuler le risque cancéreux comme une de ses nombreuses
conséquences.

■ Les déficits secondaires


On n’y pense pas suffisamment, mais pour fabriquer des outils… il faut
des matériaux et les déficits en protéines et en minéraux sont des causes
de déficit immunitaire fréquents lorsqu’il y a une dénutrition, par la
pauvreté, par la maladie (maladies neurodégénératives, cancers), par une
hygiène insuffisante, ou encore parce que la personne souffre de maladies
du système digestif empêchant l’absorption des aliments. Des maladies
hépatiques, rénales, surrénaliennes affectant des organes contribuant à
mettre des ressources biologiques à la disposition du système immunitaire
peuvent aussi être en cause. Un déficit de la moelle osseuse hématogène
est bien entendu fréquemment associé à une immunodépression primitive
ou secondaire à une fibrose, une infection, un appauvrissement par
carence, etc.
Une autre grande cause est l’infection. L’infection peut affecter
directement des cellules de l’immunité, en inactivant les cellules destinées
à lutter contre elles, en altérant tantôt la fonction de la cellule ou en
l’inactivant, en s’en servant comme cheval de Troie pour aller infecter
d’autres cellules, en l’utilisant comme couveuse, ou en désorganisant les
relations intercellulaires. Un très grand nombre d’agents infectieux
déclenchent des immunosuppressions secondaires, soit de façon pérenne
comme le VIH (du moins tant qu’il n’est pas contrôlé par la bi- ou
trithérapie) ou de façon transitoire comme la grippe ou la rougeole, etc.
Les infections peuvent retentir sur presque toutes les cellules de
l’immunité, et les inactiver en cascades, les neutrophiles activent les
plaquettes et les deux types cellulaires se font réciproquement du mal, etc.
Les cancers sont une troisième grande cause d’immunodépression, de
cause multifactorielle, selon leur localisation primaire, les envahissements
qu’ils génèrent (la moelle, les organes lymphoïdes). Le traitement des
cancers lui-même occasionne des dégâts collatéraux sur les cellules non
cancéreuses mais à développement ou renouvellement rapide dans
l’organisme comme la moelle, le tissu digestif (les gamètes aussi) ;
certaines immunothérapies à visée anticancéreuse comme des anticorps
anti-Check Point ou anti-attachement, anti-facteurs d’activation,
impactent les cellules normales qui recourent à ces voies-là aussi. Le
retentissement digestif des cancers traités par radio-chimiothérapie
s’observe aussi sur l’absorption des aliments et des oligoéléments,
creusant le déficit, etc.
De nombreuses maladies auto-immunes ou auto-inflammatoires imposent
le recours à des médicaments immunosuppresseurs pour diminuer les
symptômes ; on n’a pas encore d’outils qui soient assez précis sur une
voie déréglée sans qu’ils ne perturbent les autres voies (du fait de la
grande redondance des voies de régulation dans l’immunité), ce qui
occasionne une fréquente immunodépression, et impose une vigilance vis-
à-vis des infections, le recours aux vaccinations dès que possible et
l’usage fréquent des antibiotiques voire des antiviraux en cas de nécessité.
Quelques médicaments, pourtant bien utiles à des maladies – on cite en
premier lieu des antiépileptiques – causent facilement des dépressions
immunitaires et une vigilance particulière s’impose dans leur usage (dans
une analyse bénéfice risque favorable).
Des insuffisances d’organe, pour des raisons déjà citées quand une cause
autoimmune est suspectée comme dans le diabète ou certaines maladies
hépatiques) mais aussi toutes les maladies qui causent des fuites
importantes de liquides, soit dans le secteur interstitiel soit extériorisées
(urines – syndromes néphrotiques ; selles – diarrhées profuses) exposent à
une immunodépression qui peut être importante. Les transplantations
justifient la prise de traitement immunosuppresseur (en général à vie) par
ailleurs comme vu précédemment.
Et enfin, les âges extrêmes de la vie s’accompagnent
d’immunodépression. Il est difficile d’affirmer que l’immaturité
immunologique du nourrisson est une cause secondaire ; elle n’est pas
non plus primaire puisque les outils sont-là mais par encore complètement
déployés. En revanche, l’immunosénescence est bien secondaire et aussi
très multifactorielle.

■ Le vieillissement immunitaire encore appelé l’immunosénescence


Un vieillissement du système immunitaire se produit inéluctablement
quoique de façon très individuelle. On a longtemps pensé que cette perte
affectait exclusivement l’immunité adaptative mais on a à présent de bons
arguments en faveur de ce que l’immunité innée est aussi affectée.
En ce qui concerne l’immunité innée, trois phénomènes s’affectent
mutuellement : 1) une moindre sensibilité à détecter les signaux de
danger) ; 2) une moindre propension à effectuer les fonctions cellulaires
(phagocytose, cytotoxicité, sécrétion de facteurs antiseptiques, à migrer
vers les sites réactionnels) ; 3) une reprogrammation de la production des
cytokines vers un profil pro-inflammatoire.
Pour ce qui concerne l’immunité adaptative, on note une diminution de la
production de lymphocytes T et B naïfs et en parallèle un accroissement
des lymphocytes mémoires, mais ceux-là accumulent les déficits (perte de
sensibilité, résistance à l’apoptose – qui du coup ne corrige pas le risque
de laisser émerger des clones aberrants, perte de sensibilité à la
prolifération clonale, etc.). La présentation de l’antigène est moins
opérationnelle. Le répertoire de reconnaissance des lymphocytes décroît
et beaucoup d’antigènes ne peuvent plus être reconnus avec pour
conséquence des échappements de l’immunité de protection. Les synapses
immunologiques sont moins performantes. On observe de plus une
diminution du pool des lymphocytes T CD4+ au profit des lymphocytes T
CD8+, dont le profil est plutôt également pro-inflammatoire. Ces
lymphocytes T CD8+ ont de plus un profil différent de leurs contreparties
jeunes.
Les principales conséquences sont ainsi l’accumulation des réponses
anormales, avec des autoanticorps de nature IgG (et moins de nature
IgM). Et aussi un phénomène appelé « inflammaging », rendant compte
du profil pro-inflammatoire des personnes vieillissantes ; cette
inflammation particulière pourrait rendre compte d’un certain nombre de
dysfonctionnements endocriniens et neuroendocriniens et peut-être de
maladies neurodégénératives, ou du moins y contribuer.
Causes ou conséquences, ces modifications immunologiques de la
sénescence du tissu immunitaire s’associent avec une forte propension
aux infections par les virus de la grande famille Herpes. L’hypothèse la
plus probable est une baisse également de l’immunité intrinsèque qui
contrôle en grande partie les infections herpétiques, ce qui laisse les
infections affecter le pool9 des lymphocytes qui eux-mêmes, par les
cytokines produites, favorisent les infections, etc. Beaucoup d’inconnues
donc sur l’immunosénescence mais il existe un faisceau convergent
d’arguments en faveur d’une baisse notable de l’immunité, ses outils et
ses fonctions, rendant compte des pathologies qui en résultent : baisse de
la surveillance des émergences cancéreuses et auto-immunes, et
progression des syndromes auto-inflammatoires.

Failles et fractures
■ Les défauts de vigilance et de surveillance, auto-immunité et cancers
Une des fonctions du système immunitaire est d’effectuer une surveillance
des événements indésirables internes et de repérer des cellules qui
exprimeraient des signaux de danger perceptibles (DAMP10, Alarmines).
Les DAMP varient considérablement en fonction du type de cellule
(épithéliale ou mésenchymateuse) et du tissu lésé. Les protéines
DAMP/Alarmines comprennent les protéines intracellulaires, telles que
les protéines de choc thermique (ou Heat Shock Proteins, HSP), le
HMGB1 (High Mobility Group Box 1), les protéines S100, l’acide urique,
l’acide hyaluronique, des dérivés de la matrice extracellulaire (MMP), le
sulfate d’héparine mais aussi l’ARN et l’ADN mitochondrial.
Récemment, l’interleukine (IL)-33 a rejoint ce groupe. Lorsque des
signaux sont masqués, la vigilance des cellules de patrouille et de
surveillance est endormie et des dégâts peuvent se produire occasionnant
des dépôts de matériau indésirable dans les tissus dont les articulations, et
aussi dans les tissus vitaux comme le cœur, le foie, le rein ou le cerveau.
Les cellules infectées et les cellules cancérisées cessent d’exprimer
« normalement » leurs marqueurs HLA de classe I. De ce fait, les cellules
tueuses naturelle ou Natural Killer (NK) peuvent percevoir ce manque et
activer leurs fonctions d’induction d’apoptose ou de nécrose, selon les
circonstances. Dans certains cas, les cellules tumorales modifient leur
profil, en diminuant certes leur expression de HLA mais aussi en
diminuant les antigènes tumoraux pour échapper aux radars, en sécrétant
des molécules suppressives des fonctions immunitaires, en accroissant
leur résistance à l’apoptose, en recrutant des cellules suppressives comme
des lymphocytes T régulateurs et certaines cellules dendritiques d’origine
myéloïde, en diminuant la capacité cytotoxique des lymphocytes T CD8+
(et leur capacité proliférative et clonale), en diminuant aussi les fonctions
Th1 des lymphocytes T CD4+ (qui aident les lymphocytes CD8+ à être
davantage cytotoxiques). Les cellules dendritiques sont inhibées quant à
leur fonction de co-stimulation et d’induction à la prolifération. La
surveillance s’amenuise, l’échappement se produit. L’immunosénescence
est un facteur de risque supplémentaire de baisse de vigilance
immunitaire.
À l’inverse, des stratégies thérapeutiques se développent pour activer les
cellules NK, les lymphocytes cytotoxiques et les cellules dendritiques pro-
défense par des moyens ex vivo (en prélevant des cellules autologues, en
les activant par des antigènes extraits de la tumeur et en les stimulant avec
ses facteurs de croissance qui restaurent leurs fonctionnalités). Ces
protocoles ont été d’efficacité variable durant ces deux dernières
décennies (quand bien même les toutes premières tentatives remontent
aux années 1980). Certains cancers sont actuellement éligibles aux CAR-
T-cell therapies qui utilisent des lymphocytes T autologues, greffés de
gènes qui modifient considérablement leur récepteur et adresse ceux-là
sur des antigènes cibles ; les principaux succès enregistrés le sont à ce
jour vis-à-vis des leucémies et lymphomes développés au détriment des
lymphocytes B, mais des progrès se profilent pour traiter des tumeurs
solides non hématopoïétiques.

■ Les syndromes hyper-réactionnels, réactions hyper-inflammatoires


et allergies
Un certain nombre de situations cliniques se présentent sous forme de
syndromes inflammatoires aigus, dont certains entrainent des défaillances
d’organe, des détresses respiratoires et une mortalité élevée. Les
définitions et les consensus internationaux changent mais ces syndromes
regroupent fréquemment des entités distinctes :
• des désordres génétiques affectant la physiologie des cellules
cytotoxiques et occasionnant des inondations de cytokines pro-
inflammatoires, comme dans les syndromes d’activation macrophagique
(SAM) ou lympho-histiocytose hémophagocytaire (LHH), extrêmement
rares ;
• des syndromes d’activation des cellules de l’immunité innée cherchant à
lutter contre un envahissement infectieux et déclenchant ce qu’on appelle
un orage cytokinique (rencontré dans les formes graves de la Covid-19) ;
ces syndromes activent aussi la cascade des facteurs du complément et
ceux de la coagulation, générant des manifestations thromboemboliques,
aggravées par un emballement mutuel des polynucléaires neutrophiles et
des plaquettes sanguines ;
• des infections sévères appelées Sepsis, dont la définition a été revue
récemment (exit les syndromes de réponse inflammatoire systémique ou
SRIS, SIRS en anglais), qui eux aussi génèrent des défaillances d’organes
et des désordres thromboemboliques.
Sans qu’on ait pu parfaitement en isoler les causes précises, on identifie
des groupes de personnes qui présentent régulièrement des symptômes
bruyants à la moindre infection virale ou bactérienne tandis que d’autres
sont beaucoup plus tolérants : groupes de forts répondeurs HLA,
polymorphismes aux récepteurs pour les signaux de danger,
polymorphismes pour les réponses en agents modificateurs du
comportement biologique et leurs récepteurs cellulaires ?
On commence à bien identifier en revanche les causalités de
manifestations hyper-inflammatoires d’organes dans des maladies
précises, comme la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite
ankylosante, la sclérodermie, etc. C’est aussi le cas dans des maladies
cryptogénétiques inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn
et la rectocolite hémorragique, caractérisées par des dysbioses (des
déséquilibres profonds de la population des muqueuses digestives par le
microbiote ; chez les personnes atteintes, il n’est pas rare d’identifier des
anomalies génétiques affectant les détecteurs de danger infectieux
intracellulaire permettant de distinguer les agents microbiens pacifiques et
bienfaisants du microbiote commensal, des pathogènes infectieux).
L’interface qui permet cela est reconnue depuis quelques années comme
l’inflammation physiologique, qui établit une paix armée au niveau des
muqueuses ; chez les personnes atteintes de MICI, incapables de discerner
les éléments dangereux de ceux qui le sont moins, le niveau de défense est
relevé à un niveau « rouge » ou « écarlate » et l’inflammation cesse d’être
physiologique pour devenir franchement pathologique, le plus souvent par
poussées et non en permanence.
Une autre catégorie de réponse hyper-inflammatoire, distincte des
précédentes, est représentée par les manifestations allergiques aiguës dont
certaines peuvent être létales. Certains états atopiques11, qu’on pense être
gouvernés par des mutation génétiques, aboutissent à la production, par un
organisme sensibilisé par certains antigènes, d’anticorps de certaines
classes comme les IgE (encore appelées de leur ancien nom bien
évocateur de réagines). Les antigènes qui en sont responsables sont des
allergènes (qui seront décrits dans un des paragraphes suivants). Les
anticorps IgE produits peuvent se fixer sur des récepteurs ad hoc qui
abondent sur des cellules comme les basophiles et les mastocytes, les
éosinophiles et les plaquettes sanguines, forçant la cellule réceptrice
activée à libérer la grande quantité de matériau inflammatoire qu’elles
sécrètent et stockent, dont des médiateurs très actifs sur les fibres
musculaires lisses (histamine, sérotonine, etc.) ; ces fibres musculaires
lisses activées peuvent se contracter avec les conséquences qu’on connaît,
bronchospasme, bradycardie, etc. Toute manifestation allergique locale est
inflammatoire ; la réaction allergique localisée à la face et la sphère ORL
(œdème de Quincke) ou généralisée peut revêtir un caractère de
particulière gravité cardiorespiratoire d’une part, et de défaillance
d’organes par l’explosion inflammatoire de médiateurs libérés et de
l’orage cytokinique d’autre part.
D’autres occurrences d’orages cytokiniques – ces sécrétions incontrôlées
de médiateurs de l’immunité qui activent les cellules de l’immunité mais
aussi toutes les cellules participant à l’immunité qui expriment des
récepteurs pour elles – se rencontrent dans quelques situations
particulières d’immuno-interventions comme les transfusions sanguines
incompatibles dans le système ABO, les greffes de cellules souches
hématopoïétiques, les transplantations d’organes, etc. Dans la transfusion
incompatible ABO, des sujets O (qui n’expriment aucun antigène A ou B
à la surface de leurs globules rouges et des autres cellules de leur
organisme mais qui fabriquent en continu des anticorps naturels anti-A et
anti-B) qui seraient accidentellement transfusés avec du sang A,
lanceraient leurs anticorps naturels anti-A à l’attaque des globules
rouges A portant cet antigène A ; ces anticorps dont la plupart sont de
nature IgM activent fortement le complément et ce de façon complète
jusqu’au complexe membranaire d’attaque, ce qui creuse un trou dans la
cellule et permet à de l’eau extracellulaire de pénétrer la cellule et de la
faire exploser par choc hypotonique ; cette explosion libère des
médiateurs de l’inflammation qui activent les autres cellules sanguines et
les cellules endothéliales vasculaires activant l’orage cytokinique. Dans
ces conditions, la défaillance d’organe est davantage liée à l’état hyper-
inflammatoire qu’à la lyse globulaire et à la déglobulisation (mais celle-là
créée des dépôts que le rein va devoir filtrer avec difficulté, et le
colmatage des cellules rénales crée aussi une insuffisance rénale). Cet
exemple illustre la complexité des pathologies inflammatoires
paroxystiques.
Dernier exemple de réactions inflammatoires aiguës pouvant avoir des
conséquences dramatiques, les diarrhées profuses (encore appelées
« sprues ») infectieuses, dont la version a minima bien que très
handicapante est la diarrhée des voyageurs et la version maxima est le
syndrome dysentérique. Les colonisations bactériennes intestinales à
microbes hautement pathogènes exposent les cellules sensibles de la
muqueuse intestinale à des toxines sécrétées, des composants de flagelles
et de parois qui déclenchent des réponses de détection de signaux de haut
danger ; la réponse mise en place est une réponse inflammatoire
exacerbée qui entraîne la desquamation de l’intestin, sa déshydratation
avec cette évacuation d’eau profuse, laquelle peut aller jusqu’à
désamorcer la pompe cardiaque par hypovolémie et déclencher un choc
avec une hypotension artérielle et pouvant aller jusqu’à la défaillance
d’organe.
Les exemples précédents ne résument pas et de loin toute la pathologie
inflammatoire aiguë mais ils illustrent la panoplie de causes et de
conséquences des réponses incontrôlées de l’organisme face à un
pathogène exceptionnel.

■ Les allergies : le mal du siècle »12,13


Les allergies peuvent se manifester au niveau cutané (urticaire, dermatite),
respiratoire (rhinite, asthme), digestif (diarrhées) ou être généralisées dans
l’anaphylaxie. La fréquence (prévalence) des allergies a plus que doublé
au cours des dernières décennies dans les pays industrialisés : on estime
que 25 à 30 % de la population est à présent concernée par une
symptomatologie allergique, le plus souvent occasionnelle ou saisonnière
mais ô combien perturbante et parfois angoissante. Les allergies sont
particulièrement fréquentes chez les enfants et les adolescents, et un
phénomène assez particulier se produit avec des jeunes dont les signes
s’estompent à l’âge adulte et des personnes adultes dont les signes
s’accroissent avec l’âge alors qu’elles étaient assez protégées plus jeunes ;
Il n’y a pas de groupe populationnel épargné par l’allergie, on peut en
souffrir à tout âge, homme et femme, quelle que soit son origine
géographique. La prévalence de la dermatite atopique est évaluée à 15-
20 %, celle de l’asthme à 7-10 %, et celle de la rhinite et de la
conjonctivite saisonnière (pollinique au printemps et par des résidus de
végétaux à l’automne) se situe autour de 15-20 %. La prévalence des
allergies alimentaires oscillerait entre 2 % chez l’adulte et 5 % chez les
enfants, bien qu’il faille bien la différencier des intolérances alimentaires
comme c’est souvent le cas pour les intolérances vraies au gluten par
défaut d’enzyme de dégradation de la gliadine, exposant les entérocytes à
ce produit perçu comme toxique sous sa forme non dégradée14 ; cette
intolérance est bien immunologique, gouvernée par une sensibilité HLA
particulière, mais ne fait pas intervenir d’allergène ni d’anticorps de
nature IgE ; cette intolérance est aussi à distinguer de l’intolérance
métabolique au lactose et au fructose, également dues à des pertes de
capacités enzymatiques mais ne mettant pas en œuvre de phénomène
immunologique.
Quels seraient alors les mécanismes de l’allergie ? L’allergie est un
dérèglement du système immunitaire qui correspond à une perte de la
tolérance vis-à-vis de de substances a priori inoffensives : les allergènes.
Les allergènes se comportent comme des antigènes ; ceux qui sont
impliqués peuvent cependant être différents des séquences
polypeptidiques classiques, il peut s’agir d’antigènes incomplets,
complétés par des peptides ; ces antigènes incomplets peuvent être par
exemple des métaux (nickel, iode, en particulier) ; mais il peut s’agir de
structures comme les pollens, des squames, des dérivés d’acariens, de
chitines de carapaces de crustacés, des toxines (comme la ricine), des
toxiques et des médicaments, etc. Citons encore les venins
(d’hyménoptères comme les guêpes, abeilles, frelons, etc.), la salive et ou
les déjections de moustiques, mouches et autres types d’insectes. Pour
certains spécialistes comme le professeur Bernard David de l’Institut
Pasteur, le concept d’allergène naturel (universel) n’existerait pas mais ce
serait bien l’individu qui transformerait une protéine entière ou porteuse
d’un épitope incomplet comme un métal en allergène inducteur
d’anticorps de classe IgE, en vertu d’une part de sa génétique propre et
d’autre part de son environnement15. Pour que l’allergie se déclenche,
deux conditions sont nécessaires : 1) une prédisposition génétique et 2)
une exposition à la substance allergène. Les maladies allergiques peuvent
être dues aux anticorps et/ou aux lymphocytes T réactifs vis-à-vis
d’antigènes apportés par voie topique comme c’est le cas pour les
allergies cutanées aux métaux ou aux produits cosmétiques ou de ménage
ou encore occupationnels, etc., ou digestive (allergènes alimentaires).
Ainsi, l’eczéma et l’asthme chronique sont causés par des lymphocytes T
sensibles à des allergènes. Ces cellules infiltrent la peau et les bronches où
elles sont activées par des allergènes eux-mêmes capables d’y pénétrer.
Toutefois, la majorité des allergies est causée par des anticorps, les
immunoglobulines de type IgE spécifiques d’allergènes. Une des
caractéristiques du couplage récepteur lymphocytaire T ou B (anticorps
IgE) /allergène est la possibilité non négligeable de réactions croisées ; un
récepteur pour un épitope mais trouvé sur plusieurs sources d’antigènes
(latex, fruits à coque, autres fruits, etc.) Chez les non allergiques, la
fonction normale des IgE est de lutter contre certains parasites. Ces
anticorps sont fabriqués pour autant que de besoin, en général en faible
quantité, par le système immunitaire. Ils circulent à l’état libre dans le
plasma sanguin et sont aussi retrouvés associés à des cellules du système
immunitaire particulièrement nombreuses dans la peau, les poumons et le
tube digestif : les polynucléaires basophiles et les mastocytes tissulaires.
Cela explique la localisation des symptômes allergiques. Lorsqu’un
allergène se lie à des IgE associées à une de ces cellules, cette dernière est
« activée ». Elle va alors relarguer des médiateurs chimiques : histamine,
tryptase, leucotriènes, prostaglandines… Ces molécules sont responsables
des rougeurs, sécrétions et œdèmes observés lors de la réaction allergique.
Un excès d’hygiène ? Les progrès de l’hygiène depuis un siècle ont
apporté beaucoup de bénéfices à la santé mais sont associés à
l’augmentation de l’espérance de vie. Cependant, plusieurs études
suggèrent une moindre fréquence des maladies allergiques chez les sujets
qui ont présenté des infections respiratoires répétées au cours de leurs
premières années de la vie et/ou au fait d’avoir été confronté – jeune – à
une variété d’agents infectieux, et/ou encore d’avoir vécu en zone rurale.
Ainsi, l’amélioration régulière des conditions d’hygiène pourrait
contribuer à l’augmentation de fréquence des maladies allergiques. Il
s’agit bien entendu de tendances statistiques puisque, encore une fois, la
composante génétique de l’allergie semble fondamentale.
On distingue plusieurs principales catégories d’allergènes :
• les pneumallergènes ou aéro-allergènes qui pénètrent l’organisme par
voie aérienne et respiratoire. Les plus fréquents sont les acariens, les
poils d’animaux, les pollens, les moisissures, et les revêtements duveteux
des végétaux. Il existe ainsi des pneumallergènes d’intérieur comme les
acariens et d’extérieur comme les pollens ;
• les trophallergènes qui pénètrent le corps par ingestion alimentaire. Tous
les aliments sont capables de déclencher une allergie, mais les principaux
sont le lait de vache, les œufs de poule et l’arachide, mais encore les
poissons et fruits de mer, le sésame, les fruits à coque, des fruits et
légumes comme la pomme, le céleri, le kiwi et bien d’autres. Il existe
diverses allergies croisées entre pollens et aliments : par exemple, les
personnes sensibles au bouleau sont par exemple souvent atteintes par
des allergies aux rosacées (pommes, pêches, cerises, abricots) ;
• les allergènes de contact des boucles et boutons de jeans, des fermetures
à glissière, des montures de lunettes, des bijoux de fantaisie et de
nombreux accessoires contenant du nickel ou du chrome. Placés en
contact direct avec la peau, ils sont à l’origine d’allergies. Les allergies
aux produits cosmétiques et aux parfums, et au henné, entrent dans cette
typologie ;
• les venins d’hyménoptères et autres substances venimeuses ou urticantes
(coquillages, corail, poissons de roche) peuvent être particulièrement
redoutables ;
• parmi les nombreux médicaments associés aux allergies, on cite certains
antibiotiques, et en particulier les béta-lactamines (pénicillines).
Viennent ensuite les anti-inflammatoires non stéroïdiens (dont l’aspirine,
de moins en moins utilisée d’ailleurs en partie pour ce motif) et les
curares et d’autres agents intervenant sur la tonicité musculaire utilisés
en anesthésie générale. Tous les médicaments peuvent être
potentiellement responsables de réactions allergiques dues aux IgE ou
aux lymphocytes T et – particulièrement pour le cas des médicaments –
on peut rencontrer des toxicités dermiques parfois impressionnantes
connues sous le nom de toxidermies ou de syndromes de Steven-Johnson
et de Lyell.
Une allergie est avant tout diagnostiquée cliniquement, et fera l’objet
d’une enquête souvent minutieuse et complexe. Un interrogatoire poussé
visera à détailler les symptômes, les circonstances déclenchantes, les
antécédents du patient et de sa famille, son environnement (conditions de
vie habituelles et occasionnelles, occupationnelles, exposition aux
animaux domestiques, tabagisme passif…) et ses habitudes de vie.
Lorsque la suspicion d’allergie est confirmée par l’interrogatoire et
l’examen clinique, le médecin allergologue procédera à des tests cutanés
(prick-tests). Le prick-test consiste à piquer l’épiderme, à l’aide
d’aiguilles spéciales, au travers d’une goutte d’un extrait allergénique
préalablement déposée sur la peau. Aucune réaction ne doit se produire au
niveau d’un témoin négatif déposé dans le même temps opératoire : il
permet d’écarter une allergie de frottement (dermographisme). Une
réaction locale doit s’observer au niveau d’un témoin positif (histamine en
général) permettant de s’assurer que le patient n’est pas/plus sous l’effet
des médications antiallergiques, antihistaminiques. La dernière étape du
diagnostic d’une allergie passe par des tests de provocation : ils apportent
la preuve d’un lien direct entre une sensibilisation et la pathologie
observée, réalisés en milieu hospitalier et très encadrés du fait de la
possible dangerosité du déclenchement d’une allergie grave.
La prise en charge des maladies allergiques est globale. Elle débute par
l’éviction des allergènes mis en évidence par les tests d’allergie, lorsque
cela est possible, mais gare aux allergènes cachés ou aux allergies
croisées. Des traitements médicamenteux (principalement
antihistaminiques) sont proposés en général, soit en période d’exposition,
soit pendant un temps plus long. La désensibilisation a pour but de rendre
le patient tolérant vis-à-vis de l’allergène responsable. Elle consiste en
l’administration d’extraits allergéniques (à présent plus souvent
sublinguale, ou sous forme de comprimés à avaler, que par injection sous-
cutanée) régulière sur parfois plusieurs années. Les bénéfices sont
attendus en quelques mois. L’immunothérapie allergénique s’applique
préférentiellement aux patients souffrant d’allergies aux antigènes bien
identifiés comme les acariens, certains pollens, ou au venin
d’hyménoptères. L’effet protecteur de la désensibilisation se prolonge
habituellement plusieurs années après l’arrêt de celle-là. De façon tout à
fait intéressante, la désensibilisation à un allergène semble assez efficace
aussi sur la maladie atopique en général, avec une diminution des
réactions à d’autres allergènes. À l’inverse, un effet redouté des personnes
allergiques est l’emballement et la superposition croissante dans le temps
(après l’adolescence) des sensibilisations à de nouveaux allergènes,
pouvant véritablement handicaper certaines personnes.

■ « Pour vivre heureux, vivons caché » : les défauts de la réparation


tissulaire (fibroses, kystes)
Certains agents infectieux comme des parasites et des mycobactéries
intracellulaires ont développé des stratégies de survie et d’échappement
au système immunitaire ; cela peut aller jusqu’à la protection d’un tissu
infecté par un enveloppement formant alors un kyste (parasites) ou un
fibrome (tuberculose), et ce au détriment de l’organe atteint (foie,
poumons, cerveau, appareil digestif, urinaire ou rénal, moelle osseuse).
Les conséquences fonctionnelles se superposent alors aux conséquences
infectieuses et peuvent être très sévères.

■ « Défauts de cuirasse », problèmes de cicatrisation


Comme on l’a évoqué à plusieurs occasions, la réparation tissulaire (la
cicatrisation) fait partie de la réponse immunitaire. Pour que le processus
cicatriciel se déclenche, il faut qu’il y ait une repolarisation du système
immunitaire innée, que des signaux soient reçus indiquant que la phase
inflammatoire aiguë n’est plus nécessaire – auquel cas se créeraient des
lésions tissulaires inefficaces sur le processus infectieux ou tumoral résolu
– et que des cytokines anti-inflammatoires et pro-reconstructives soient
produites, comme le TGF-b et de nombreuses autres. Nous ne sommes
pas égaux non plus pour ce processus-là : certains opèrent très bien cette
inversion et cicatrisent vite et bien, alors que d’autres cicatrisent mal. Les
défauts de cicatrice sont en général dus à des interventions inopportunes
(grattage en particulier pour les territoires cutanés). Comme tout
processus de l’immunité, la cicatrisation doit aussi s’arrêter et des signaux
d’arrêt doivent être perçus. Les excès de cicatrices sont néanmoins
rencontrés, de trois types : fibrose sur des lésions internes (qu’on appelle
parfois brides, post-chirurgicales en particulier) ; cicatrices
hypertrophiques, boursouflées mais cantonnées au territoire lésé ; et
chéloïdes qui sont en fait des tumeurs bénignes au détriment des
fibroblastes qui accumulent la sécrétion de collagène (les peaux noires y
sont davantage sujettes, et ce sont le visage et la partie supérieure du corps
qui en sont la cible). Des rites tribaux en particulier « jouent » sur ce
registre pour créer des cicatrices hypertrophiques en insérant des
particules inertes sous la peau ou en créant des lésions d’inflammation
pour stimuler la cicatrisation anormale.

Conclusions ?
La réponse immunitaire aux agressions est globalement au large bénéfice
de la personne et aussi du groupe si on considère une immunité collective
(herd immunity). Cela, bien évidemment, dans le cas de la compétence
immune dès la naissance, et à l’exclusion des situations de déficit
immunitaire primitif, qui est un véritable handicap, bien souvent sévère ou
très sévère. Les failles de l’immunité sont fréquemment dues à des défauts
dans la cuirasse, en lien bien souvent avec le génie propre d’agents
extérieurs comme des pathogènes infectieux qui – dans leur propre
logique de survie – développent des stratégies d’agression s’apparentant
tantôt à des blitzkreigs tantôt à des guérillas. Et tantôt, des stratégies de
défense de l’organisme se retrouvent être des contrattaques, sources de
pathologies (hyper)inflammatoires, d’élimination des pathogènes qui
peuvent se trouver prisonniers de fortins protégés, de cicatrisation. Des
outils de l’immunité déformés marquent des buts contre leurs camps, ne
se reconnaissant pas dans un miroir ils se voient différents et ennemis
déclenchant de l’auto-immunité et de l’autoinflammation, ou transforment
des protéines innocentes en agresseurs allergènes. L’immunité peut pécher
par son souci d’efficacité et un occasionnel manque de discernement :
Bonaparte a lui aussi connu des Montebello, des Marengo, des Solferino,
des Wagram et des Austerlitz (etc.) mais aussi des Waterloo et des
Trafalgar.
1. Fondation pour la Recherche Médicale. https://www.frm.org/recherches-cancers/cancers-en-
chiffres?gclid=Cj0KCQiAmL-
ABhDFARIsAKywVacARqUcs5y7xyHQJsNvlZjILeL9zirybUzewgdF0BZAQl24IvCLcSoaAhgU
EALw_wcB.
2. Si la moyenne est la moyenne arithmétique d’une série de chiffres, la médiane est une valeur
numérique qui sépare la moitié supérieure de la moitié inférieure d’un ensemble.
3. C’est de moins en moins vrai avec la médecine occupationnelle et du travail, la médecine du sport,
la médecine de prévention, la médecine du don (sang, organes, gamètes) ; néanmoins, la médecine
s’occupe davantage des personnes malades ou handicapées et c’est en cela qu’elle met en exergue
les « loupés » du système immunitaire.
4. De Jonathan Demme, 1993, avec en vedettes Tom Hanks, Denzel Washington et Antonio
Banderas.
5. Le public connaît ce progrès sous le nom de « bébés bulles » ; nom tout autant étrange que
déplacé, puisque que ces enfants sont de jeunes malades et pas des abstractions (le terme de bulle
renvoie à l’environnement stérile auquel l’enfant est soumis avant et pendant son traitement,
traitement encore compassionnel et expérimental et pas commun et non dénué de risques
secondaires (iatrogènes).
6. Certaines personnes présentent un déficit d’une classe d’immunoglobulines parmi celles
composant les anticorps plasmatiques, les IgA. Ce déficit est le plus fréquent de tous les déficits
immunitaires et la plupart des personnes qui le portent en sont totalement ignorants ; quelques
autres manifestent des propensions aux infections en particulier ORL et des maladies auto-
immunes ; les personnes déficitaires peuvent manifester des signes d’allergie (éventuellement
sévères) s’ils reçoivent des transfusions riches en plasma et en IgA, bien que la physiopathologie
de cet effet indésirable transfusionnel soit remise en question par certains ; quoiqu’il en soit, les
médicaments préparés à partir du plasma subissent une déplétion en IgA par sécurité.
7. Signifiant « gâchette » en anglais.
8. On lit hélas trop souvent « susceptibilité » un anglicisme (susceptibility) mais c’est bien sensibilité
en français.
9. On parle de pool pour désigner une population cellulaire, qui peut être homogène ou non
d’ailleurs.
10. On rappelle l’acronyme : Danger Associated Molecular Pattern(s).
11. L’atopie est la prédisposition héréditaire à développer des manifestations d’hypersensibilité
immédiate telles que l’asthme, le rhume des foins, l’urticaire, une certaine forme d’eczéma, une
sensibilité aux grains de pollen, certaines rhinites et conjonctivites ainsi que diverses
manifestations allergiques digestives. L’atopie est un état qui définit la capacité ou l’aptitude à être
cliniquement allergique.
12. https://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/03/21/22131-allergies-mal-siecle ;
https://www.lavie.fr/papier/2015/3629/les-allergies-le-mal-du-siegravecle-17100.php.
13. Ce paragraphe s’est largement inspiré de l’article de l’INSERM suivant (2015) :
https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/allergies ; pour davantage
d’informations, un ouvrage paru chez le même éditeur que cet ouvrage dans la collection 100
questions-réponses peut être consulté (Denis Charpin, 2016).
14. https://www.fmcgastro.org/postu-main/postu-2013-paris/textes-postu-2013-paris/maladie-
coeliaque-de-lenfance-a-lage-adulte/.
Pour une meilleure compréhension, on pourra consulter l’article suivant de S Maître et
collaborateurs, paru dans la Revue Médicale Suisse en 2014 :
https://www.revmed.ch/RMS/2014/RMS-N-426/Allergie-ou-intolerance-alimentaire.
15. Bernard David. Les allergènes : mythe ou réalité. XLe journée du GAICRM-Groupement
d’allergologie et d’immunologie clinique du Rhône Moyen, Apr 2017, Rochegude, France.
pasteur-01556765. https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-01556765.
CHAPITRE 14

Les interventions intentionnelles,


médicales, sur le système
immunitaire

Un peu plus d’un siècle d’histoire de la médecine


On l’aura compris, il y a dans l’immunité à la fois du yin et du yang, et les
différentes approches de la santé c’est-à-dire du bien-être ont en quelque
sorte eu l’intuition de cette balance du plus et du moins. La médecine
hippocratique qui a laissé la place voici un siècle et demi à une médecine
plus scientifique, basée sur des observations et des expériences, savait
qu’il fallait tirer du sang selon la formule de Saint Bernard, car soit il y
avait trop, soit il était mauvais ; c’était le grand principe de la saignée, qui
visait à rétablir des équilibres mais qui entendait soigner à peu près tout et
son contraire par la même méthode. Intervenir sur le système immunitaire
a ainsi eu deux objectifs contradictoires : 1) le booster afin de lutter plus
efficacement contre une agression sévère, infection ou cancer ; 2) le
freiner afin de bloquer des phases de production quantitativement
erratiques d’anticorps toxiques et en particulier d’auto-anticorps.
Différentes méthodes ont et sont toujours appliquées, des plus
traditionnelles dans la suite des vaccinations et des sérothérapies qui sont
plus que centenaires avec leurs variations modernes qui sont l’utilisation
d’anticorps monoclonaux thérapeutiques, jusqu’à la modification des
programmes génétiques par la thérapie génique, en passant par les
modifications appliquées à des cellules récupérées du sang puis
réinjectées après modifications ex vivo.
Stimuler l’immunité
■ Les anciennes méthodes, barbares
On a déjà cité dans un chapitre précédent les travaux du professeur Julius
Wagner-Jauregg sur la malaria-thérapie pour traiter la syphilis. L’idée était
de créer un choc thermique et inflammatoire pour déclencher la phase
d’attaque du système immunitaire afin qu’il élimine la bactérie. Ses
travaux se sont diversifiés sur d’autres types de chocs et d’autres
maladies. On a aussi rappelé qu’à une époque on créait des « abcès de
fixation », après injection de thérébenthine ou autre produit pour créer un
choc afin de dévier la maladie grave qu’on voulait traiter vers
l’inflammation qu’on pouvait retirer de la peau… D’une certaine façon, le
traitement par ventouses ou vésicatoires consistait aussi à dévier une
infection (pulmonaire par exemple) en attirant les éléments toxiques vers
la peau d’où on pouvait les extirper par la chaleur.

■ Les principes « bio » et la médecine douce


Qui n’a pas vu au comptoir de sa pharmacie de quartier des boîtes de
comprimés, gélules ou lyophilisats destinés à renforcer l’immunité en
particulier à l’approche de l’hiver : extraits de plantes (échinacées et
ginseng en général), oligoéléments au sein desquels dominent le zinc, cela
peut aussi comprendre des probiotiques, extraits lyophilisés de bactéries
ou de levures. Il y a quelques années on trouvait des « vaccins »
antistreptococciques sous la forme de lyophilisats de plusieurs souches ou
d’extraits d’ARN, plus ou moins spécifiques des infections des voies
aériennes supérieures de l’enfant. Le miel, la propolis, la gelée royale sont
aussi des instruments de renforcement des défenses immunes. Et bien sûr
les cocktails de vitamines, dominés par la vitamine C. C’est comme
l’homéopathie, on y croit ou pas (comme on n’a pas de preuve
scientifique d’efficacité, cela relève de la foi, mais la foi peut accomplir
des miracles on le sait bien, surtout si une bonne hygiène de vie
accompagne la prise de ces préparations, ce qui est souvent le cas). Dans
le même ordre d’idée, on trouve les alicaments, ces aliments bienfaiteurs
de la santé, comme les fermentations de type kimchi, et les boissons
fermentées de type kéfir.
À leur différence, d’autres alicaments, des probiotiques ont été testés dans
des essais cliniques randomisés dans des pathologies auto-inflammatoires
de l’intestin comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique,
avec des conclusions mitigées mais tendant vers leur intérêt.
Des catégories anciennes comme les prébiotiques (glucanes and fructanes,
oligomères de mannose, glucose, xylose, pectine, amidon, de lait humain
ou de lait de chamelle – contenant la fameuse Whey protéine cicatrisante,
les polyphénols, etc.) reviennent sur le devant de la scène, après avoir été
longtemps cantonnés dans leur potentiel intérêt de stimuler une
phagocytose.

■ Déjà vieux mais toujours si moderne, l’interféron


Quelques molécules de la famille des modificateurs du comportement
biologique forment une catégorie à part, les interférons. Il existe plusieurs
types d’interférons, a (1 et 2), b (1 et 2) et g. Ces agents, découverts dès
les années 1970, sont produits par différents types cellulaires de
l’immunité innée et par les lymphocytes T principalement CD8+ ; ils
exercent des actions différentes et sont indiqués de façon différentielle
comme agents thérapeutiques ; leur durée de vie et d’action peut être
accrue par une modification biochimique, la pégylation1.
La plupart des cellules de l’organisme, lorsqu’elles sont envahies par des
virus, notamment les virus à ARN, libèrent – en présence de facteurs de
croissance –, des interférons α et b qui sont des polypeptides d’environ
160 acides aminés.
On distingue deux types d’interférons ou IFN :
• de type I : IFN-a et IFN-b sécrétés par diverses cellules de l’organisme,
notamment par les macrophages pour l’interféron α, et les fibroblastes
pour l’interféron b ;
• de type II ou Interféron g, sécrété par les cellules T activées et les
cellules NK.
Les interférons de type I, α et b, ont une forte activité antivirale, c’est
d’ailleurs comme cela qu’ils ont été découverts avant d’être reconnus
comme des presque-cytokines. Ils protègent les cellules contre les
infections virales en induisant la synthèse de diverses protéines,
notamment des enzymes qui inhibent la réplication virale. Ils inhibent la
prolifération cellulaire normale et tumorale en inhibant la réplication de
l’ADN. Ils stimulent l’activité des macrophages et des cellules Natural
Killer (NK) et augmentent l’expression des molécules du CMH (HLA) de
classe I.
L’interféron α, obtenu par génie génétique, est utilisé comme
antinéoplasique et comme antiviral :
• antinéoplasique, dans le traitement de la leucémie à tricholeucocytes2 de
la leucémie myéloïde chronique, du mélanome malin disséminé, du
sarcome de Kaposi3, du cancer du rein métastatique ;
• antiviral, dans le traitement de l’hépatite B chronique active de l’adulte
et de l’hépatite C chronique active.
L’interféron bêta-1b est un analogue de l’interféron b humain qui a donné
des résultats intéressants dans le traitement de la sclérose en plaques où il
réduit la fréquence des crises mais sans modifier, semble-t-il, l’évolution
de la maladie à long terme. L’interféron b pourrait bloquer la synthèse
d’interféron g qui participe au déclenchement des poussées de sclérose en
plaques.
L’interféron g ou de type II est aussi appelé interféron immunitaire car il
est sécrété par les lymphocytes T de type CD4+, par les lymphocytes T de
type CD8+ et les cellules NK. Sa sécrétion est stimulée par l’interleukine
18 aussi appelée IGIF (Interferon-Gamma Inducing Factor).
L’interféron g agit en se fixant sur des récepteurs spécifiques
membranaires qui activent la synthèse de diverses protéines responsables
de ses effets. Il protège les cellules contre les infections virales ; il stimule
l’activité phagocytaire des macrophages, leur permettant de tuer les
cellules tumorales ; il agit en co-action avec d’autres cytokines, sur les
gènes codant pour les chaînes lourdes des immunoglobulines, orientant la
commutation isotypique ; il stimule la maturation des lymphocytes T et B
et augmente la production d’anticorps ; il augmente l’expression des
molécules HLA de classe I et II par les macrophages ; il active les
neutrophiles et les cellules NK ; et il active les cellules endothéliales et
augmente leur capacité de fixation des lymphocytes.
L’interféron g est prescrit pour réduire la fréquence et la gravité des
infections chez les patients ayant une granulomatose septique chronique.
Associé à une faible dose de corticoïdes (de type prednisolone),
l’interféron g -1 b a amélioré l’état de malades atteints de fibrose
pulmonaire idiopathique.
Les interférons doivent être prescrits à bon escient car ils génèrent des
effets secondaires notables, de type pseudo-grippal mais aussi
fréquemment de type psychiatrique.

■ Se servir des cytokines et des facteurs de croissance


• Le concept
Les éléments de communication entre les cellules, liés à l’activation des
cellules de l’immunité et en premier lieu leur croissance, et les éléments
de l’adressage des cellules dans les tissus (domiciliation ou homing) ont
bien évidemment été identifiés comme des cibles d’intérêt pour des
traitements soit de blocage ou de freination, ou d’amplification si les
cellules cibles sont inhibitrices ; il s’agit donc de freiner les cellules
amplificatrices et d’amplifier les cellules inhibitrices. Une fois ces
approches validées sur le plan conceptuel, il a fallu designer les
médicaments aptes à les porter : ceux-là peuvent être des facteurs de
croissance ou de différenciation (ou les cykokines, chimiokines et autres
facteurs modificateurs du comportement biologique), leurs récepteurs à la
surface des cellules ciblées, ou des récepteurs mimétiques occupant les
sites ad hoc sur les cellules et bloquant de ce fait l’occupation par les
facteurs naturels, ou des peptides mimétiques d’autres fonctions
cellulaires amplifiant ou inhibant des fonctions (comme l’activation ou le
blocage des transcriptions des signaux après la signalisation de la cellule
par la « drogue » souhaitée). Il a ensuite fallu valider les étapes
pharmacologiques de sécurité, d’innocuité et d’efficacité et parfois
modifier les molécules soit pour les détoxifier soit pour les prolonger dans
leurs effets biologiques (empêcher une dégradation trop rapide).
• Les modificateurs du comportement biologiques eux-mêmes,
médicaments recombinants issus de l’ingénierie biologique
Outre les interférons de type I et II envisagés au paragraphe précédent,
sont couramment utilisés en médecine hématologique ou infectieuse les
facteurs de croissance hématologique comme le G-CSF (Granulocyte-
Colony Stimulating Factor), le GM-CSF (Granulocyte Macrohage-
Colony Stimulating Factor) et l’érythropoïétine (EPO), dont il existe deux
versions cliniques, alpha et beta. Un analogue synthétique de
l’érythropoïétine est aussi utilisé en clinique, la darbopoïétine. (Notons
que la thrombopoïétine (TPO) est trop toxique pour être utilisée en
clinique mais que des analogues ont été produits, le romiplastim et
l’elthrombopag, et que l’EPO a un certain effet sur la thrombopoïèse).
Pour ce qui concerne l’immunité, sujet de ce document, les stimulateurs
des leucocytes sont très intéressants dans leurs applications anti-
infectieuse, tant chez l’enfant que chez l’adulte ; chez l’enfant,
l’alternative est la transfusion de granulocytes (voir plus loin).
Deux autres cytokines de grade clinique existent, l’interleukine-2, pour
stimuler des cellules NK et des cellules dendritiques entre autres (il existe
une protéine de fusion analogue, portée par la toxine diphtérique), et
l’interleukine-12 (pour ses propriétés anti-tumorales et inductrices de
produits de type Th1).
• Les médicaments freinateurs
On ne saurait ne pas commencer par les corticoïdes qui existent sous
différentes formulations dont les indications sont bien réglementées.
Viennent ensuite les biothérapies anti-inflammatoires, qui ont fait la
preuve de leur très grande efficacité depuis deux décennies, et aussi de
leur maniabilité, ce qui ouvre leur prescription de façon un peu plus large
à présent en dehors du strict milieu hospitalier dans quelques spécialités
exclusives : figurent ici les anti-TNF-a, les récepteurs solubles au TNF-a
(couplés à une molécule d’IgG1). Une molécule de triste réputation mais
très efficace dans la l’inhibition sélective du TNF-a est la forme l
(lévogyre) de la thalidomide. Au côté des anti-TNF on trouve les anti-
interlerkine-1 principalement sous la forme de récepteurs bloquants (IL-1-
ra).
Des drogues anti-cytokines pro-inflammatoires ciblent des voies de la
cascade et ce sont les inhibiteurs de la phosphodiestérase-4 dont il existe
plusieurs représentants pharmacologiques.
Des médicaments spécifiques de l’activation via l’IL-2 sont centraux dans
la prévention des rejets de greffe et ce sont les anti-IL-2/anticalcineurines
comme le tacrolimus et la ciclosporine, et les anticorps anti-récepteurs IL-
2 (CD25) humanisés dont il existe plusieurs formules.
Citons enfin des récepteurs anti-récepteurs à l’Epidermal Growth Factor
(EGF) qui exercent une action contre la croissance tumorale.

■ Les méthodes du futur


Lorsqu’un déficit est avéré, quoi de plus élégant que de le restaurer ?
C’est ce qu’on fait avec les disques durs de nos ordinateurs. En biologie
humaine, des virus inactivés ou incapables d’infecter l’homme peuvent
être utilisés comme chevaux de Troie pour apporter le fragment de gène
désiré à insérer dans un endroit précis pour devenir fonctionnel et
restaurer une fonction. Des ciseaux biologiques précis peuvent ou bien
apporter le segment de gène manquant ou enlever un gène dysfonctionnel,
selon le besoin (de nouveaux ciseaux ont été mis au point récemment
comme la technique CRISPR-Cas9, qui a valu le récent prix Nobel
d’Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna (2020) ; d’autres
techniques, citons celle des TALENs et celle de la Zinc Finger Nuclease,
existent. Ces principes permettent une médecine de réparation du génome,
qui peut être personnalisée : c’est la thérapie génique, dont on ne sait pas
encore très bien quel sera son avenir à plus grande échelle que les essais
encore compassionnels auxquels ils sont voués à ce jour (on n’a pas
encore finalisé l’analyse du risque et du bénéfice de la méthode chez
l’humain).

Rediriger l’immunité
Dès les années 1970, il a été imaginé qu’il pourrait être à la fois efficace
et élégant à la fois de booster l’immunité et de cibler cette action pour
accroître en particulier la défense anti-tumorale. Différents programmes
ont consisté à extraire soit des cellules du sang, soit des lymphocytes ou
des macrophages extraits de tumeurs, afin de les stimuler ex vivo au
laboratoire par des facteurs de croissance et des modificateurs du
comportement biologique, et de les réinjecter soit dans le sang, soit dans
le tissu malade. Des programmes de type prime-boost4 consistant à
éduquer les cellules et les amplifier sont en effet une manière d’adresser la
question, mais ces projets ont rarement été très spectaculaires, qu’ils
soient appliqués aux cancers ou aux infections graves comme par le VIH ;
cela a pu un temps être la dernière option possible compassionnelle, pour
des cancers à terrible pronostic comme des tumeurs de vessie, des
mélanomes malins, ou des cancers du pancréas. Ce n’est que récemment
que la situation a rebondi avec l’arrivée des CAR-T-Cells qui
révolutionnent l’approche anti-tumorale par des cellules modifiées – en
l’occurrence des chimères T-B à récepteurs pour l’antigène éduqués et
modifiés ex vivo – tout d’abord pour les leucémies et lymphomes
(tumeurs malignes hématologiques) et plus récemment encore pour des
tumeurs solides non hématologiques.

Et pourquoi pas tout à la fois booster et rediriger


l’immunité ? (les vaccins)5
■ « Plus ça change et plus c’est la même chose6 » versus « Cent ans
de solitude7 »
L’heure de gloire du vaccin, c’est la lutte contre l’infection. Des
expériences historiques rapportent des approches vaccinales ici et là dans
le monde d’avant Sir E. Jenner, inspiré par Lady Montagu dans le
développement de son vaccin vivant atténué contre la variole à partir de
vaccine bovine (on a compris que le mot vaccin avait trouvé là son
origine, vacca étant la vache en latin). Lady Wortley-Montagu était une
fine observatrice puisqu’elle avait repéré des pratiques vaccinales en
Turquie. Mais on rapporte de telles initiatives en Inde, en Chine, en
Égypte, etc. Louis Pasteur à Paris a une approche complémentaire car il
travaille sur la contagion, sur la prévention des maladies du bétail (choléra
des poules, charbon des moutons, rouget des porcs) qui appauvrissent les
populations et compromettent une alimentation adaptée. S’attaquant au
virus de la rage, il est le concepteur de la fabrication et du développement
d’un vaccin standardisé, préparé au laboratoire, cultivé sur un substrat
vivant et atténué par des passages8 successifs de préparation en
préparation : première approche moderne. Depuis lors une centaine de
vaccins sont devenus disponibles, certains disponibles au travers de
l’industrie9 et d’autres réservés à certaines populations à risque (fièvre de
la vallée du Rift par exemple, disponible à l’Institut Pasteur). Ce qu’il est
important de souligner, c’est que dès l’initiation du concept vaccinal
moderne, cette approche a toujours combiné le double abord : protection
de la personne elle-même et effet barrière sur l’environnement, c’est-à-
dire la protection du groupe. On le sait, plus un groupe est protégé c’est-à-
dire quand un pourcentage majoritaire de la population est protégé
naturellement ou par voie vaccinale, alors le groupe est protégé, c’est ce
qu’on appelle l’immunité collective ; le pourcentage à atteindre varie en
revanche selon l’agent infectieux et c’est ce qu’on n’a pas encore
déterminé pour la Covid-19. Les détracteurs des vaccins – qui ont toujours
existé et persistent pour des raisons parfois mystérieuses et ésotériques –
veulent ignorer cet aspect des choses, refusant de participer à
l’établissement de l’immunité collective tout en en bénéficiant de fait ; ils
assument le risque que prennent les autres, afin de ne pas le prendre eux-
mêmes. La variole a pu être déclarée éradiquée par l’OMS en 1980 grâce
au déploiement d’une politique vaccinale patiente déployée sur des
décennies… mais pas seulement : le vaccin – bien qu’associé à de
nombreux effets indésirables dont certains graves – était d’un type qu’on
aurait du mal à faire accepter aujourd’hui compte tenu de ces risques, et le
virus s’est montré particulièrement accessible à la stratégie et aux outils.
La vaccination anti-infectieuse est une somme de francs succès, de succès
mitigés, de semi-échecs et d’échecs complets. De très nombreuses
maladies en particulier infantiles sont contrôlées par les programmes de
vaccination et on voit bien que dès lors qu’un relâchement se produit, on
redécouvre à quel point peut être grave une rougeole ou une coqueluche.
Le vaccin contre la rage est un exemple à part, car c’est tout ensemble un
vaccin thérapeutique et prophylactique, car il fait suite à une exposition, et
ne s’adresse pas à une population non exposée en prophylaxie simple
(seules les personnes mordues par un canidé, une chauve-souris, etc. vont
être éligibles à cette vaccination « difficile »). La plupart des autres
vaccins sont appliqués à titre prophylactique simple : éviter de développer
l’infection lorsqu’on rencontrera l’agent infectieux par contact. Un certain
nombre de vaccins ont été développés avec l’objectif d’éviter de
développer les formes graves de la maladie, avec le succès qu’on
commence à connaître avec la Covid-19, et les échecs dont on parle moins
comme pour le paludisme. En effet, devant la difficulté de développer des
vaccins anti-infection dans les maladies parasitaires, on a tenté de
développer des approches anti-sévérité mais là encore, sans franc succès à
ce jour. Le paludisme est le parangon de l’échec vaccinal, plus de
cinquante ans après avoir fait la couverture de la prestigieuse revue
scientifique Nature (1967) annonçant un succès, on en est pratiquement
toujours au même point (mort). Les parasites (vecteurs du paludisme, de
la maladie du sommeil, de la maladie de Chagas, de la schistosomiase
encore appelée bilharziose, des filarioses dont la cécité des rivières, des
leishmanioses dont le Kala-Azar, et encore de l’amibiase) ne se laissent
pas « avoir » par les tentatives vaccinales, étant très doués pour flouter les
antigénicités et bloquer les réponses immunitaires appropriées. Il en est de
même pour de nombreuses bactéries, soit gravissimes comme les
méningocoques et d’autres, ou plus communes mais grevant lourdement
la santé publique de par la fréquence et les soins qui leur sont associés
(pneumonies, infections urinaires, diarrhées infectieuses)10. Et il en est de
même aussi pour le terrible VIH malgré là aussi plus de trente ans
d’essais. Certains vaccins sont notoirement insuffisants, comme c’est le
cas pour la grippe, du fait des incessantes mutations des souches
circulantes, mais en termes de santé publique ils apportent néanmoins un
bénéfice en réduisant les transmissions et la pathogénicité des personnes,
même si elles sont infectées et malades.
Ces vaccins anti-infectieux déclinent aussi un aspect par trop négligé en
termes de santé publique, à savoir la prévention de certains cancers
comme ceux du col de l’utérus (papillomavirus) et du foie (hépatite B) et
ce point-là est aussi extrêmement important à considérer.
Les vaccins prophylactiques, quelle que soit leur cible dans le
déroulement de l’infection et/ou de la maladie, ont pour vocation à laisser
l’organisme vacciné faire le travail : ils apportent un leurre vaccinal, 1) en
mimant l’agent infectieux par une ou plusieurs de ses parties, les plus
importantes qualitativement et pas forcément quantitativement et là réside
toute la difficulté de leur mise au point, et 2) en forçant le système
immunitaire à fabriquer une réponse immunitaire protectrice, par la
production de lymphocytes T cytotoxiques et d’anticorps au travers
l’activation et la différenciation spécifique des lymphocytes B. L’art du
vaccin est de sélectionner les épitopes majeurs des antigènes, ceux qui
vont induire les meilleures protections en particulier dans la durée. C’est
la raison pour laquelle plusieurs injections sont parfois nécessaires pour
orienter les climats immunologiques inducteurs des réponses B
productrices d’anticorps correctement mutés avec les bons
Complementary Determining Regions ou CDR, et les bons isotypes (les
classes d’anticorps), et que des rappels sont aussi nécessaires pour
entretenir l’effet mémoire. Rares sont les vaccins « one shot » en effet,
d’emblée protecteurs à vie, même si certains vaccins semblent induire très
vite une réponse a minima, assez protectrice sur le long terme (fièvre
jaune, tétanos). Il faut aussi souvent un adjuvant pour booster la
présentation de l’antigène et l’inflammation physiologique indispensable,
lequel adjuvant cristallise l’ire des anti-vaccins (ce n’est pas le choix des
concepteurs de vaccins, mais le besoin du système immunitaire qui guide
ces stratégies).

■ …« Le sublime de l’art, c’est l’avant-garde11. »


Stimuler le système immunitaire pour qu’il adapte une réponse spécifique
à un événement qui l’agresse est une piste avant-gardiste : demander au
système immunitaire d’une personne affectée par un cancer de lutter de
lui-même – mais aidé par une immuno-intervention – contre ce cancer est
très astucieux, et tout à fait ciblé, personnalisé. Pour cela il y a plusieurs
approches : apporter comme source d’antigène vaccinal les cellules
tumorales elles-mêmes, ou des protéines de la tumeur elle-même ; ou
encore avoir une voie indirecte, c’est-à-dire charger des peptides
tumoraux dans des cellules dendritiques devant présenter ces antigènes au
système immunitaire. Ces pistes, et d’autres encore, ont été testées, sans
très grand succès encore mais peut-être faut-il encore un peu de temps ou
faut-il identifier le chaînon manquant dans cette approche vaccinale
anticancéreuse, en particulier par la voie des anti-idiotypes12. D’autant
qu’on pourrait profiter de l’approche anti-idiotype pour cibler aussi les
réponses auto-immunes et faire des vaccins anti-idiotypes auto-immuns :
un vaccin contre le diabète de type I ou contre la polyarthrite rhumatoïde,
ou la sclérose en plaque, voilà qui permettrait d’aller plus loin dans la
médecine personnalisée…

■ Le BCG ancien et la perspective nouvelle


S’il est vaccin qui n’est plus moderne, qui n’a jamais été révolutionnaire
ni 100 % efficace, qui ne faisait pas l’unanimité des services de santé des
états (il avait été abandonné depuis des décennies aux USA) et qui
d’ailleurs n’est plus obligatoire pour les enfants en France depuis 2007
(sauf exceptions territoriales ou familiales) ni pour les personnels de santé
depuis 2019, c’est bien le vaccin bilié de Calmette et Guérin appelé BCG.
Et pourtant, on ne peut pas non plus prétendre qu’il n’a pas contribué au
recul de la tuberculose ; il a été utilisé comme adjuvant de l’immunité
pour combattre des cancers et en particulier des lymphomes, pour
contrecarrer le développement de la lèpre ou de la leishmaniose, et dans
des protocoles d’adjuvantation de l’immunité dans des lymphomes
malins ; bref, on l’a décrié tout autant qu’on s’en est servi comme une
certaine panacée tout en connaissant ses limites et sa faible spécificité. Et
ce pourrait être lui encore qui rendrait compte de formes plus ou moins
résistantes à la Covid-19, une des explications à la spécificité africaine de
réponse à l’infection par le SARS-Cov-2. On commence par ailleurs à
regarder l’effet protecteur du BCG13 sur la maladie dans les formes graves
de la Covid.
Il y a-t-il encore une place pour le BCG ? Bien savant qui pourra
l’affirmer, mais ces derniers mois de tergiversations scientifiques et
d’effets de manche des grands scientifiques permet de douter du fait d’être
savant : rarement dans l’histoire a-t-on vu autant de sachants se tromper
allègrement, comme si les leçons apprises aux dépens des économistes
(qui depuis des décennies eux aussi y vont pour beaucoup d’hypothèses
farfelues rarement démontrées par les événements) n’avaient pas porté
leur fruit.

■ « Un amour, une carrière, une révolution : autant d’entreprises


que l’on commence en ignorant leur issue14 »
Ils se sont retroussé les manches. Et en moins d’un an, des scientifiques
de divers pays, groupes, industries, ont produit plusieurs types de vaccins
efficaces contre la Covid-19 ou le SARS-Cov-2, on ne sait pas encore très
bien au moment où ces lignes sont écrites.
En particulier, des vaccins inédits, jamais encore produits pour l’échelle
humaine, ont été produits qui utilisent une technologie à base d’ARN. Et
ça marche très bien !
Cela laisse augurer de nouvelles pistes pour les vaccins de demain, pour
de nouveaux pathogènes ou pour des pathogènes anciens, mais mal ciblés
par les efforts actuels.
Et si cette crise sanitaire allait nous offrir, en compensation des pertes de
liberté qu’elle a imposé partout dans le monde, des pertes en vies
humaines et en journées de travail, de productivité, et des faillites, un
lendemain différent et prometteur en termes de santé publique !
D’autres vaccins se construisent et leur technologie utilise soit des agents
infectieux mais qui ne le sont pas pour l’homme, ou des agents inactivés
pour leur pathogénicité humaine comme des lentivirus (dont font partie
les virus HIV par exemple) car on leur a retiré par des ciseaux biologiques
des gènes « malins », soit encore des cargos qui sont des vaccins
traditionnels comme celui de la rougeole. Ces approches vaccinales sont
tout aussi prometteuses et elles pourraient laisser envisager des
programmes vaccinaux combinés, très intéressants sur le plan de la santé
publique, et pourraient aussi représenter des approches abordables pour
les pays les moins favorisés économiquement.

■ La question toujours centrale : quelle durée pour cette immunité induite ?


• Une inégalité de plus hommes-femmes…
C’est grâce à un exemple que cette notion sera la mieux explicitée.
Lorsqu’une personne d’un certain âge se blesse en faisant son jardin, et
qu’elle arrive aux urgences de l’hôpital ou de la clinique, et si elle n’est
pas en mesure de dire quel est son statut vis-à-vis du risque tétanique, elle
va subir deux intervention : 1) l’administration d’anticorps antitétaniques,
une suspension d’immunoglobulines humaines purifiées à partir de dons
de personnes hyperimmunisées contre le tétanos par des réinjections
vaccinales ; 2) l’initiation d’une vaccination antitétanique. La première
action vise à apporter une immunisation passive, destinée à neutraliser le
bacille tétanique et ses produits dans le cas où la blessure en aurait
apporté dans la plaie ; et la seconde à déclencher une immunisation active
c’est-à-dire à faire produire par la personne, recevant le bon protocole
vaccinal y compris les rappels à venir, des anticorps protecteurs sur la
durée. La sérothérapie antitétanique n’aura d’effet que le temps du
catabolisme (la destruction) des immunoglobulines injectées, en grande
partie des IgG1 dont la demi-vie est d’environ trois semaines, ce qui
signifie qu’au bout de 2 ou 3 mois, tous les anticorps injectés auront été
détruits15. Le vaccin antitétanique est un vaccin robuste, c’est-à-dire qu’il
sollicite des anticorps à un titre nécessaire et suffisant à garantir une
protection efficace sur le long terme ; s’il faut un rappel tous les dix ans,
on sait que le titre d’anticorps persiste bien au-delà car les hommes (âgés
à présent) qui ont été vaccinés lors de leur service militaire sont mieux
protégés que les femmes qui n’ont pas été vaccinées de façon obligatoire.
• Qu’en est-il de l’immunisation « naturelle » ?
On a longtemps considéré que les maladies infantiles immunisaient
fortement les personnes. On sait à présent que cette protection est moins
persistante que prévu, du moins vis-à-vis de certaines infections comme la
coqueluche. Il est possible de se réinfecter, adulte, par la bactérie
coquelucheuse et d’avoir des signes cliniques – modifiés cependant –
déclenchés principalement par la toxine. On conseille ainsi une
revaccination à l’âge adulte.
Il n’était pas rare autrefois d’exposer volontairement une fratrie au risque
de contracter une varicelle par exemple, dont on savait que l’infection
était aussi contagieuse que bénigne, et qu’ensuite on en serait bien
débarrassé… Bénigne certes, mais pas toujours car il existe des formes
neurologiques chez les très jeunes enfants et quelques autres personnes à
risque. On savait que cette immunité était très persistante, toute la vie en
général, sauf sous cette forme de zona dont ne savait pas très bien (ne sait
toujours pas très bien d’ailleurs) quand, comment et pourquoi le virus
resurgit de sa cachette neurologique.
Certaines infections induisent des immunités de longue durée, et d’autres
des immunités très courtes, voire pas d’immunité au-delà de la résolution
du symptôme comme c’est le cas pour les rhumes dus à une variété très
grande de virus (dont de nombreux coronavirus) n’induisant pas
d’immunité croisée. Les souches de grippe différentes n’induisent pas non
plus d’immunité croisée d’où la nécessité de se faire vacciner chaque
année.
Pour acquérir une immunité contre le paludisme dû à Plasmodium
falciparum, il faut être exposé de façon semi-permanente sur plusieurs
années et encore cette immunité n’est-elle que partielle, anti-maladie et
pas antiparasite, et se perd-elle en quelques années s’il y a rupture
d’exposition (c’est la semi-immunité ou prémunition dont il a déjà été fait
mention).
De fait, il n’y a pas de règle et chaque agent infectieux, de par la diversité
des antigènes qu’il apporte, déclenche ou pas une immunité, et si
immunité il y a, celle-là est durable ou labile, en fonction de la capacité à
maintenir une mémoire sérologique durable.
La question de la durabilité de l’immunité naturelle contre soit le SARS-
Cov-2 soit la maladie Covid-19 est au cœur du débat de santé publique au
moment où sont écrites ces lignes : quelques mois, davantage ? Faut-il
vacciner les personnes ayant été malades ? (On sait à présent que oui : une
seule injection, plusieurs ? On a tranché en faveur d’une seule chez les
personnes jeunes et plusieurs chez les personnes immunodéprimées ou
immunosénescentes… en attendant qu’on modifie les protocoles). Cette
immunité post-vaccinale celle protectrice vis-à-vis de tous les variants, de
certains seulement, ou seulement vis-à-vis du génotype viral ayant
infecté ? On l’a vu également, au début de la maladie, certains
scientifiques ont proposé de laisser s’établir une immunité naturelle de
groupe (herd immunity) qui devait à un certain point entre 50 et 75 % de
la population infectée, faire barrage ; c’est le scénario qu’a retenu – seule
contre tous – la Suède ; à tort, mais ça on l’a su plus tard. L’idée était
immunologiquement séduisante et pas inintelligente, car la maladie
n’apparaissait pas trop grave. L’évaluation différentielle de la gravité de la
maladie, influencée par les infectiologues et surtout les réanimateurs, a
profondément modifié la prise en charge des personnes infectées, et les
mesures sociétales de prévention.
Laisser faire la nature est aussi un motto des anti-vaccins, individus et
lobbies, dont certains pensent qu’il n’est pas naturel d’injecter onze
valences chez un nouveau-né et c’est surcharger son système immunitaire.
De fait, un nouveau-né bâtit son immunité comme un oiseau fait son nid,
avec toutes sortes de branchages assemblées et de telle sorte qu’il soit à la
fois robuste et adapté aux circonstances.
• Qu’en est-il de l’immunisation vaccinale ?
Les recommandations vaccinales actuelles sont régulièrement mises à jour
et sont de fait assez complexes, tantôt obligatoires pour un certain nombre
de valences, tantôt optionnelles en fonction des comorbidités ou des
risques encourus par un individu dans son occupation (profession, mode
de vie, etc.)16.
L’idée, c’est de faire aussi bien que la nature et de proposer comme
candidats vaccins des épitopes majeurs capables de solliciter une mémoire
robuste sur le long terme. Certains vaccins y arrivent très bien, comme
ceux contre la fièvre jaune, le tétanos, et d’autres moins bien.
L’immunisation contre les virus de la rougeole et de la rubéole semblent
moins performantes par voie vaccinale que par voie naturelle, imposant
des revaccinations à l’adolescence et chez le jeune adulte, mais le vaccin
– quoique non totalement dénué de complications – est beaucoup moins
dangereux que la maladie naturelle ; on oublie trop souvent que la
rougeole peut tuer.
Certains vaccins sont peu performants, mais les infections naturelles sont
peu ou ne sont pas immunisantes non plus, c’est le cas des vaccins
bactériens nécessaires à la prophylaxie des infections ORL et bronchiques
des personnes fragiles.
Et pourquoi pas faire mieux que la nature ? C’est l’idée des vaccins
modernes dont les vaccins anti-Covid, pour lesquels on espère une
certaine durabilité ; cela étant, comme on ignore la durée de l’immunité
naturelle – qui dépend peut-être des individus – on a du mal à
conceptualiser un vaccin protecteur sur le long terme, anti-infection (y
compris les variants), et anti-maladie.
C’est le moment de rappeler le dogme de l’immunité adaptative : les
épitopes majeurs (et protecteurs) sont présentés par des cellules
professionnelles présentant les antigènes (CPA) aux lymphocytes T
réactifs via leur récepteur T à ces épitopes, en vue d’une aide pour les
lymphocytes B eux aussi spécifiques de ces épitopes à sécréter des
anticorps (une fois transformés en plasmocytes). Cette présentation de
l’épitope est restreinte par le système HLA, qui sert de présentoir à
épitope. L’optimum vaccinal est de contourner cette restriction HLA de
sorte à ce que de nombreuses molécules HLA puissent être présentatrices.
Cependant, il existe fréquemment des super-présentateurs qui possèdent
des spécificités HLA particulièrement efficaces, et des moins bons
présentateurs, définissant ainsi possiblement des meilleurs et moins bons
répondeurs aux vaccins. C’est aussi le cas pour la vaccination par le
BCG : un cinquième environ de la population européenne reste anergique,
insensible au vaccin, montrant des intradermoréactions constamment
négatives (la fameuse cutiréaction), tandis qu’un autre cinquième est, elle,
hyper réactive et on des cutiréactions inflammatoires exacerbées, les trois
cinquièmes restants composant la moyenne des réponses ajustées…

Freiner l’immunité17
■ Dans quelles circonstances souhaite-t-on freiner l’immunité ?
Dans plusieurs circonstances : 1) la plus fréquente, pour réduire des signes
inflammatoires, un des principaux motifs de consultation, tous praticiens
confondus ; 2) la plus complexe, pour réduire et si possible annihiler la
production des outils auto-agressifs comme les clones de lymphocytes T
auto-immuns et les auto-anticorps, qui sont souvent aussi auto-
inflammatoires, une cause de consultation de spécialiste d’organe ou de
médecine interne complexe ; 3) la plus spectaculaire, l’éviction du rejet de
greffes et transplantations, par des médicaments anti-rejets, dont il existe
plusieurs types, efficaces mais loin d’être exempts de nombreux effets
secondaires.

■ Les anti-inflammatoires
D’une façon générale tous ces agents qui ciblent l’intensité des réponses
immunitaires, agissant de façon non spécifique (nous verrons un peu plus
loin les actions spécifiques), sont de gros pourvoyeurs d’effets
indésirables, gérables – à moins de souffrir d’insuffisance hépatique –
pour le presque banal paracétamol ou les AINS (anti-inflammatoires non
stéroïdiens, de type ibuprofène et consorts) – mais bien vite plus
complexes dès lors qu’on manipule les anti-inflammatoires stéroïdiens,
c’est-à-dire les corticoïdes.

■ Les antiallergiques
Un peu à part de cette catégorie les antiallergiques qui ciblent des
récepteurs différents des précédents, même si les AINS et les corticoïdes
peuvent faire partie de l’ordonnance en cas de crise aiguë. L’ordonnance
pourra être complétée, comme pour freiner les auto-anticorps, par des
biothérapies, anti-IgE en particulier ; des thérapies spécifiques peuvent
aussi être mises en œuvre par les spécialistes de l’allergie.

■ Les nouvelles biothérapies, anticorps monoclonaux et consorts


• Les anticorps monoclonaux
Au milieu des années 1970 ont été génialement conçus les anticorps
monoclonaux (ACM) – issus de la fusion entre : 1) un lymphocyte B
porteur d’une spécificité d’antigène et donc « anti » cet antigène de par
l’anticorps appelé à être secrété après différenciation, et 2) à un
plasmocyte malin qui apporte l’immortalité à la fusion et donc à la
sécrétion de l’anticorps « anti- » ; ces ACM sont passés du statut d’outils
biologiques à celui de médicaments ; le myélome était issu de souris et la
partie souris de l’anticorps était immunisante chez l’homme, aussi les
générations de molécules se sont succédées pour remplacer toujours
davantage de spécificités humaines dans le produit fini, ne laissant de
« souris » que le CDR de l’anticorps, tout le reste étant humanisé ; à
présent, l’humanisation est totale. On peut connaître le degré de mixité
homme souris par le nom des anticorps, de momab (100 % souris) à umab
(0 % souris) en passant par ximab (33 % souris) et zumab (10 % souris).
De nombreuses cibles ont été identifiées en oncohématologie et
oncologie, contre – par exemple et ce n’est pas exhaustif – des récepteurs
hormonaux HER2 ou de croissance EGFR, ou VEGFR2, des points de
jonction et de coactivation (CTLA4) ou des check points (PD1 et PDL1 –
clé et serrure de l’activation des lymphocytes T vis-à-vis d’une cellule
tumorale), des lymphocytes B non différenciés (CD20) ou plasmocytes
(CD38), des récepteurs de cellules T (CD30), des récepteurs de cytokines
RANK-L ; etc.
Des applications en dehors du cancer existent pour des molécules
participant à l’immunité comme les anti-VEGF dans le traitement d’une
des formes de la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou DMLA, et dans
des manifestations auto-immunes ou encore d’immunisation (contre la
différenciation de lymphocytes B sources d’anticorps) avec l’usage d’anti-
CD20 contre la production aberrante d’auto-anticorps ou dans certaines
formes réfractaires de drépanocytose avec immunisation anti-globules
rouges transfusés. Des anticorps anti-complément (C5) sont aussi prescrits
en médecine interne, néphrologie (syndromes hémolytiques et urémiques
ou SHU) ou hématologie (drépanocytoses avec anticorps hémolytiques
fixant le complément).
Ces applications d’anticorps monoclonaux ne cessent de s’amplifier, un
grand nombre sont disponibles avec des autorisations d’utilisation et des
analyses d’efficacité favorables et dix fois plus sont en cours de
développement près de l’industrie ou dans les laboratoires académiques.
• Des médicaments Janus
Comme il s’agit de biomédicaments, exerçant ou mimant une action
biologique précise sur un type cellulaire particulier, ces agents sont très
puissants ; en vertu des redondances, leurs sites d’action ne sont
quasiment jamais exclusifs mais partagés par d’autres types cellulaires,
même si c’est en moindre quantité ; cela implique que leur utilisation
entraîne des effets à côté (side effects) dont des effets indésirables, parfois
notables voire sévères. Le risque le plus important avec les
immunosuppresseurs est de voir se développer une infection ; des
précautions doivent être prises quant à leur prévention par les vaccins (à
l’exception des vaccins vivants) la prophylaxie (parfois au travers de
cures d’antibiotiques) et l’hygiène.

« In blood we trust »18


■ Une histoire de famille
C’est un vieux débat, mais l’immunologie doit beaucoup à la transfusion,
fille aînée (ou puînée ?) de l’hématologie. Les anticorps naturels
découverts par Karl Landsteiner en Autriche en 1900-1901 servent encore
de base à la transfusion sanguine ABO compatible et à la plupart des
greffes et transplantations qui doivent être pour autant que possible ABO
compatibles elles aussi (si on excepte les cornées). Les agglutinations de
leucocytes chez des mamans hyperimmunisées par des grossesses ont
servi de support à la découverte des antigènes HLA par Jean Dausset à
Paris en 1958. Que serait l’immunologie sans ces substrats moléculaires
gouvernant les réponses immunitaires en quantité et en qualité, supports
du complexe majeur d’histocompatibilité ?

■ L’immuno-modulation post-transfusionnelle
• « Tu veux ou tu veux pas19 ? » : Tu ne veux pas…
Le transfuseur que j’ai été près de la moitié de ma vie professionnelle ne
peut pas passer sous silence – et dans ce très court chapitre seulement – le
rôle de la transfusion dans la déviation des réponses immunitaires. Sans
qu’on l’ait formellement démontré, on a de bons arguments pour penser
que les transfusions modulent les réponses immunitaires. Le sang étranger
en effet est perçu comme une agression par l’organisme transfusé, quand
bien même ce dernier bénéficie de l’apport d’hémoglobine et de fer, de
facteurs de coagulation, de plaquettes hémostatiques. Cette perception
d’ipséité (cette différence au sens de l’autre) se manifeste de deux façons :
l’une bien connue, prévenue pour autant que possible par l’appariement
des phénotypes, est l’allo-immunisation c’est-à-dire l’émergence de
clones de lymphocytes T cytotoxiques et auxiliaires et de lymphocytes B
devenant des plasmocytes sécréteurs d’allo-anticorps « toxiques »,
compliquant considérablement les transfusions subséquentes mais aussi
bien souvent les grossesses en cours et à venir : l’autre fait probablement
intervenir l’émergence de lymphocytes T régulateurs-suppresseurs, qui
amenuiseraient l’efficacité de la surveillance immune contre les cancers
en particulier. (Qu’on soit clair, cependant : la transfusion sanguine sauve
cependant infiniment plus qu’elle n’agresse).
• « Tu veux ou tu veux pas ? » : Tu veux…
Voici tout juste un peu plus de deux décennies qu’on a arrêté d’immuniser
volontairement des candidats aux greffes d’organes (de reins) avec du
sang transfusé présentant des disparités immunologiques pour stimuler
une réponse de déviation immunitaire. Cela avait l’immense inconvénient
de créer des situations d’immunisations dans le système HLA, or dans la
greffe de rein on se base d’abord sur les antigènes interdits par la présence
d’anticorps : c’était une perte de chance du point de vue du greffon.

■ Le plasma et les anticorps plasmatiques


• Les échanges plasmatiques20
La transfusion ne se résume pas à apporter des concentrés de globules
rouges ou de plaquettes à une personne anémiée ou à risque
hémorragique. Elle peut apporter du plasma, qui véhicule des facteurs de
la coagulation, raison pour laquelle il est majoritairement prescrit, mais
qui apporte aussi un assortiment d’immunoglobulines composée de
myriades d’anticorps dont beaucoup d’anticorps anti-idiotypes pouvant
contrecarrer l’action d’anticorps (autoanticorps) toxiques en les déplaçant,
d’anticorps inducteurs d’apoptose de cellules pathologiques, et de facteurs
de survie comme des cytokines. On peut ainsi échanger du plasma chargé
en anticorps toxiques par du plasma frais riche en facteur rendu déficitaire
par ces anticorps toxiques et chargé en anticorps anti-anticorps. Par
exemple, une maladie de très grande sévérité induit à la fois une
thrombopénie et des micro-thromboses, une anémie sévère, et des
pathologies d’organes (cœur, cerveau, reins) : cette maladie, le purpura
thrombotique thrombocytopénique ou PTT, est le plus souvent dû à
l’acquisition d’anticorps contre une enzyme qui clive des multimères de
facteurs de la coagulation, le facteur von Willebrand. En son absence –
faute de cette enzyme nommée ADAMTS13 – des facteurs géants von
Willebrand s’accumulent et deviennent potentiellement létaux. Jusqu’à
très récemment le traitement comprenait impérativement et en urgence
une série d’échanges plasmatiques avec du plasma frais, ôtant les
anticorps anti-ADAMTS13 et apportant de l’ADAMTS13 de bonne
qualité. Plus récemment, l’apport de corticoïdes – des agents immuno-
modulateurs –, puis d’anticorps monoclonaux anti-lymphocytes B, puis
enfin d’anticorps monoclonaux de type nanobody permettant d’inhiber la
liaison du facteur von Willebrand avec les plaquettes, ont
considérablement modifié les protocoles d’échanges plasmatiques en
diminuant leur fréquence (il fallait parfois des centaines de litres de
plasma pour venir à bout d’une crise pathologique et rarement moins
d’une vingtaine).
Les échanges plasmatiques sont toujours indiqués dans un certain nombre
de pathologies, mais celles-là restent dominées par les microangiopathies
thrombotiques ou MAT, quelle qu’en soit l’origine, maladies à
autoanticorps, à trigger infectieux, ou post-transplantation.
• La plasma thérapie à partir de plasma dit convalescent
Dès les débuts de la transfusion voici un siècle, au moment de la grippe
espagnole, on avait compris que les personnes guéries pouvaient avoir
dans leur plasma des éléments protecteurs transférables à des personnes
en danger infectieux. On n’était pas très loin des grandes expériences
humoralistes en particulier allemandes21, et le transfert passif d’immunité
par ce qu’on sait à présent être les anticorps, en présence ou pas de
complément comme l’a montré aussi un peu avant cette époque le belge
Jules Bordet. Depuis lors, à chaque grande épidémie compliquée, on se
pose la question de soutirer du plasma de donneurs ayant récupéré de
l’infection pour le transfuser à des receveurs en cours de développement
de la maladie22. Les questions ont été et restent nombreuses : d’abord
s’assurer que des anticorps sont bien formés et en quantité et qualité
suffisante et avoir une idée de leur cinétique, rémanence (durabilité),
ensuite s’assurer que ces anticorps sont bien protecteurs passivement et
surtout pas facilitateurs, ensuite déterminer le stade de la maladie où cette
thérapie est la plus profitable, et ensuite évaluer cette thérapie par rapport
aux alternatives en tenant compte des risques (transfusionnels) et des
bénéfices23. Enfin, il faut s’assurer que cette procédure reste bien dans le
domaine de la bienfaisance et du respect de l’éthique. Une quinzaine
d’épidémies dont plusieurs récentes, déjà des coronavirus (responsables
des épidémies de SRAS – Syndrome respiratoire aigu sévère à SARS-
CoV(1) – et de MERS – Middle East Respiratory Syndrome – de la
décennie précédente) ont montré des effets bénéfiques du plasma dit
convalescent. Une mobilisation sans précédent avait été menée à
l’occasion de l’épidémie Ebola, également de la décennie précédente ; le
plasma s’est avéré intéressant mais davantage par ses propriétés anti-
inflammatoires et cicatrisantes de l’endothélium vasculaire très
endommagé qui caractérise cette terrible maladie, bien plus que par les
anticorps qui semblent arriver tard dans la guérison et à des bas niveaux.
Le fait que la plasma thérapie ait été couronnée de succès dans les
maladies à coronavirus – mais elles étaient de sévérité bien supérieure à
celle à SARS-CoV-2 du moins pour la majorité des personnes atteintes,
collectivement – a encouragé la communauté médicale à se lancer à
grande échelle dans ce programme de collection de plasma ; des dizaines
d’essais cliniques ont été menés, avec des succès très mitigés au jour où
sont rédigées ces lignes. Un essai argentin, différent des autres, a focalisé
sur les formes précoces, qui serait peut-être une cible plus intéressante que
les cibles tardives de la maladie. En six mois, plusieurs centaines
d’articles ont été produits sur le sujet, traitant à peu près tous les aspects
relatifs à la plasma thérapie, dans les journaux les plus modestes comme
les plus prestigieux, un phénomène sans précédent. Et comme on l’avait
craint, l’éthique a été mise à mal : des sociétés privées ont capitalisé sur le
fait de collecter ce plasma convalescent et de la payer plus cher aux
« donneurs », en fait des vendeurs en situation de vulnérabilité et certains
sont allés jusqu’à contracter délibérément l’infection pour gagner cette
apparente manne financière, sous incitation24…
• Les anticorps polyclonaux et la sérothérapie
La sérothérapie dérive d’observations de la fin du XIXe siècle et a eu son
heure de gloire tout au long du XXe siècle, se révélant remarquablement
efficace dans de nombreuses situations de détresse comme la diphtérie, la
coqueluche, et bien d’autres maladies infectieuses. Elle apportait des
anticorps allant neutraliser les agents infectieux et le cas échéant leurs
toxines ; mais comme ces anticorps étaient produits – à grande échelle –
chez des animaux dont les chevaux de Garches (Institut Pasteur) en
France, elles pouvaient s’associer à des immuno-pathologies liées à la
partie cheval (et autres animaux) de la thérapie et donner lieu à de graves
complications, initialement appelées maladies sériques.
Dès lors qu’il a été possible de fractionner les immunoglobulines
humaines (grâce aux travaux pionniers d’Edwin Cohn aux USA dans les
années 1940), ce qui fut fait dans les années 1960, il a été possible de
purifier des fractions d’anticorps enrichies en spécificités désirées, anti-
tétaniques, coquelucheuses, diphtériques, hépatites, etc. et de les injecter
aux personnes le nécessitant ; là encore, non sans risque de complications,
à type de choc ou de type allergique, mais des aménagements techniques
comme la purification des IgG et le retrait des IgM et des IgA a permis de
limiter considérablement les risques.
• Les anticorps purifiés, les anticorps monoclonaux anti-infectieux
et la sérothérapie
La disponibilité les anticorps monoclonaux contre le cancer a permis
d’imaginer de fabriquer aussi des anticorps monoclonaux ou des fractions
thérapeutiques à partir d’anticorps contre des agents infectieux, avec des
succès mitigés jusqu’alors.
Le développement des anticorps thérapeutiques en infectiologie est ainsi
beaucoup plus récent qu’en cancérologie, à l’exception d’un anticorps
anti-virus respiratoire syncytial (VRS), mais c’est désormais un domaine
en pleine expansion. À l’échelle mondiale, sept de ces anticorps ont déjà
été approuvés par des autorités de santé, mais seulement cinq en France
(2019). Les indications sont restreintes à la prévention de la bronchiolite
liée au VRS, au traitement de la maladie VIH/Sida en échec
thérapeutique, à l’exposition au virus de la rage et à la maladie du
charbon, à la colite post-antibiotique à Clostridium difficile, et au
syndrome hémolytique et urémique atypique à Escherichia coli entéro-
hémorragique. D’autres anticorps devraient rejoindre cette courte liste en
complément des molécules anti-infectieuses et pour en complémenter
l’effet.
Des anticorps expérimentaux ont été proposés (dans l’infection contre
Ebola par exemple) mais n’ont pas – techniquement parlant – vu le jour.
Des anticorps monoclonaux anti-Covid sont aussi apparus récemment ; ils
ont fait le buzz puisque le président Trump en a reçu « en avant-
première » lors de son infection à l’automne 2020 et plusieurs de ces
anticorps devraient être rapidement disponibles.
• Les immunoglobulines polyvalentes, purifiées, injectables
Elles tirent le marché du plasma sanguin par le haut : les
immunoglobulines injectables (dominées par les formes intraveineuses ou
IVIG) ont, elles aussi longtemps été des panacées dans les maladies
complexes et/ou rares de la médecine interne. Leur usage intensif, promu
par des indications scientifiquement douteuses aux côté des indications
indispensables, vitales (dans les déficits immunitaires, touchant les
lymphocytes B mais pas que… car elles ont un pouvoir anti-infectieux
remarquable dans ces déficits qui se manifestent par des infections
gravissimes), met à mal l’éthicité du don du sang bénévole, altruiste, et
sans profit. Pour les produire, elles qui génèrent un bénéfice à deux
chiffres année après année, depuis près de deux décennies, quasiment sans
comparaison économique sauf peut-être la cosmétique de luxe et les
métaux rares pour l’informatique, les modèles calqués sur la production
des produits sanguins cellulaires ont été mis en faillite et une course s’est
opérée entre quelques majors, une poignée, qui se partagent quasiment le
marché mondial en opérant presque exclusivement grâce au plasma de
personnes vulnérables et exploitables aux USA. Un scandale sanitaire qui
ne veut pas être suffisamment dénoncé.
Ces IVIG sont indubitablement des ressources précieuses pour les
personnes déficitaires immunitaires et pour tout une panoplie de
personnes victimes de maladies graves et invalidantes et surtout rares. Un
groupe de médecins et chercheurs européens que j’ai l’immense honneur
d’animer vient de produire un compendium des utilisations validées par
les essais cliniques de l’utilisation des IVIG chez l’homme25. Ralentir les
maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer a été
l’argument de choc de groupes industriels pour promouvoir encore
davantage leur modèle, que ne peut pas suivre le système des services du
sang nationaux ou non gouvernementaux comme la Croix-Rouge
(Croissant-Rouge), mais on est loin de l’évidence scientifique basée sur
des méthodes irréprochables ; en effet, la puissance de ces groupes permet
d’aligner des financements de projets de recherche juteux et des tentations
de mauvaise conduite scientifique… « Quand la borne est franchie, il
n’est plus de limite », nous livre Christophe dans l’inénarrable La Famille
Fenouillard (1893).

1. La pégylation permet d’augmenter la demi-vie de présence active d’une molécule thérapeutique en


la liant au polyéthylène glycol (PEG), soluble dans l’eau, rapidement éliminé de l’organisme et
non toxique.
2. Lymphocytes malins (cancérisés) apparaissant comme chevelus au microscope.
3. Le sarcome de Kaposi est un type de cancer est lié à l’infection par l’herpèsvirus humain 8 (HHV-
8). S’il existe sous des formes indépendantes du virus du SIDA, il se développe particulièrement
chez les individus co-infectés par le VIH et l’HHV-8 et a été longtemps une des complications
majeures du SIDA.
4. Une stratégie d’immunisation prime-boost peut être définie comme un régime d’immunisation
avec le même immunogène pendant les doses d’amorçage et de rappel ou un régime d’amorçage
du système immunitaire avec un immunogène puis de rappel avec un immunogène différent.
5. Il existe quantité d’excellents ouvrages sur les vaccins pour les personnes qui souhaitent en savoir
davantage. Ce chapitre que j’ai voulu court dans le cadre de l’approche de cet ouvrage sur
« comprendre l’immunité » ne peut pas s’y attarder ; il a pour principale ambition de situer la
vaccination ou plutôt les vaccinations parmi les autres stratégies d’immuno-interventions.
6. Formule attribuée au journaliste et écrivain Alphonse Karr, retrouvée dans Les Guêpes, recueil de
nouvelles publié en 1949.
7. D’après le merveilleux roman éponyme de Gabriel Garcia Marquez (1965-1967).
8. On appelle passage le transfert d’un milieu de culture à l’autre, le nombre de fois nécessaire à
observer l’effet attendu, en l’occurrence ici le maintien du pouvoir immunisant mais
l’affaiblissement de la pathogénicité.
9. Environ 75 vaccins anti-infectieux étaient disponibles en France en 2018 : https://vaccination-info-
service.fr/Les-vaccins-existants-en-France/Tableau-des-vaccins-existants-en-France.
10. On rappelle que les surfaces bactériennes sont plutôt recouvertes d’antigènes qui ne sollicitent
pas les lymphocytes T mais directement des réponses lymphocytaires B extra-germinatives, non
mutées vers les IgG ; ces antigènes sont dits thymo-indépendants.
11. « L’humanité a besoin de sublime. Le sublime du sublime, c’est l’art. Le sublime de l’art, c’est
l’avant-garde ». Formule attribuée à Roland Topor, artiste aux multiples talents (1938-1997).
12. Un idiotype est une conformation caractéristique de la partie variable de l’immunoglobuline,
partie variable dite Fab (fragment antigen binding) permettant la reconnaissance spécifique d’un
antigène.
13. De nouvelles formulations de ce vaccin – toujours vivant atténué – ont été produites depuis sa
conception initiale. Des toutes nouvelles formes sont attendues (à suivre).
14. Locution attribuée à Jean-Paul Sartre, philosophe (1915-1980).
15. Une demi-vie de trois semaines signifie qu’au bout de ces trois semaines la moitié des Ig sont
détruites, que la moitié de cette moitié est aussi détruite au bout de trois de trois semaines, etc.
16. On peut consulter par exemple le site : https:www/mesvaccins.net/
17. Ce paragraphe est bien relatif aux intentions thérapeutiques de diminuer l’immunité, et il ne
prend pas en considération les effets immunodépresseurs non intentionnels liés à l’usage de
certains médicaments comme les antiépileptiques en particulier.
18. « Dans le sang j’ai mis ma confiance ». Paraphrase de la devise nationale américaine, « In God
we trust » : En Dieu nous avons mis notre confiance.
19. Il faut avoir un peu de bouteille pour se souvenir de ce titre de chanson aux multiples reprises
(dont récentes) mais dont la première version fut donnée par Brigitte Bardot en 1963 !
20. Garraud O., « Therapeutic plasma exchange, 2019 and beyond », Transfus Apher Sci. 2019 Jun ;
58(3):226-227.
21. Paul Ehrlich et Emil von Behring, les grands opposants de Louis Pasteur et vice-versa, une
controverse sur fond de conflits franco-allemands qui a retardé de plusieurs années une meilleure
compréhension de l’immunité, chaque camp ayant compris un des essentiels et refusait de voir cet
essentiel dans le camp de l’autre…
22. Garraud O., Heshmati F., Pozzetto B., Lefrere F., Girot R., Saillol A., Laperche S., « Plasma
therapy against infectious pathogens, as of yesterday, today and tomorrow », Transfus Clin Biol,
2016 Feb ; 23(1):39-44.
23. Garraud O., « Passive immunotherapy with convalescent plasma against COVID-19? What about
the evidence base and clinical trials? », Transfus Apher Sci. 2020 Aug ; 59(4):102858.
24. Garraud O., Farrugia A., Tissot J.D., « Is plasma donation ethics abused? », Transfus Clin Biol.
2021 Feb ; 28(1):1-2.
25. Brand A., De Angelis V., Vuk T., Garraud O., Lozano M., Politis D., « European Mediterranean
Initiative for Transfusion Medicine », Review of indications for immunoglobulin (IG) use:
Narrowing the gap between supply and demand. Transfus Clin Biol. 2021 Feb ; 28(1):96-122.
CHAPITRE 15

Conclusions

Nous voici arrivés au terme d’un long voyage dans le dédale de


l’immunité. On aura compris toute la complexité de l’affaire et la retenue
qu’il faut avant d’être affirmatif, quand bien même on nous y pousserait.
Il y a peu d’immunologistes sur les plateaux des médias car ils tiendraient
des discours peu « vendeurs » : « On peut penser que mais en tenant
compte de ça, on pourrait postuler que peut-être, etc. ». J’ai tenté
d’expliquer pourquoi même des tests aussi simples – en apparence – que
la sérologie anti-infectieuse pouvait être compliqués, voire révéler
l’inverse de ce qu’ils disent en première lecture, « que si on ne trouve pas
l’anticorps ce n’est pas qu’il n’est pas là mais parce qu’il n’est plus là où
on l’a cherché… ». L’immunologie, discipline compliquée mais ô
combien passionnante, ouverte par les pionniers de la fin du XIXe siècle
dont on reste confondu devant tant d’intelligence avec si peu de moyens
pour étayer des théories et révéler les intuitions ; Elie Metchnikoff est
pour moi une des personnes que j’admire le plus dans le domaine de la
science. Mais « en immunologie » on n’est pas passéiste. Il y a tant à
découvrir encore ; on aura perçu au fil de ces pages qu’il y a des mystères
à percer, ne serait-ce que de savoir quels signaux gouvernent précisément
le changement de classe des anticorps. J’ai travaillé sur ce sujet dans les
années 1990 et je pensais que les quelques années suivantes apporteraient
la solution sur laquelle j’avais buté, bien qu’ayant apporté, quand même,
quelques pierres à l’édifice (je l’espère !) : trente ans ont passé et mes
successeurs sur le sujet n’ont rien conclu de définitif. Un champ immense
à labourer est devant la jeune génération ; pas seulement pour faire de la
science pour la science mais pour aider à bâtir les traitements de demain.
Pas encore de vaccin contre le VIH, les parasites dont ceux du paludisme,
les cancers, les maladies auto-immunes et autoinflammatoires ; en voilà
des friches propres à enflammer l’enthousiasme de la génération
montante… et à rassurer la génération vieillissante ! Demain sera à même
de mieux nous prendre en soin, grâce à l’immunologie mise au service de
chaque discipline médicale. « I had a dream1… ».

1. Pour paraphraser Martin Luther King Jr (le 28 août 1963).


Principales abréviations
utilisées dans cet ouvrage
(et/ou dans d’autres ouvrages auxquels le lecteur aimerait avoir accès)

Ab Antibody (anticorps)
Ac Anticorps
ADCC Antibody Dependent Cell-mediated Cytotoxicity
(Cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps)
Ag Antigène (antigen)
AICD Activation Induced Cell Death
AID Activation Induced cytidine Deaminase
AIRE AutoImmune REgulator
ALK Anaplastic Lymphoma Kinase
APC Antigen Presenting Cell (Cellule présentant les antigènes)
APRIL A PRoliferation-Inducing Ligand
BAFF B-cell Activating Factor belonging to the TNF Family
BALT Bronchus Associated Lymphoid Tissue
BCR, B-Cell Receptor
BcR
BTK Bruton Tyrosine Kinase
CAR Chimeric Antigen Receptor
CD (1) rarement utilisé pour éviter la confusion avec :
(2) Cluster of Differentiation
CDR Complementary Determining Region
CLR C-type Lectin Receptor
CMH Complexe majeur d’histocompatibilité
CMIS Common Mucosal Immune System
CMV Cytomégalovirus
CPA Cellule présentatrice d’antigène
CR Complement Receptor
CRF Corticotropin-Releasing Factor
CSH Cellule souche hématopoïétique
CSL Cellule souche lymphoïde
CSM Cellule souche myéloïde
CSP Cellule souche périphérique
CTL Cytotoxic T Lymphocytes
CTLA Cytotoxic T Lymphocyte Antigen
DAF Decay Accelerating Factor
DAG DiAcylGlycerol
DAMP Danger-Associated Molecular Pattern
DC Cellule dendritique
DC- Dendritic Cell-Specific Intercellular Adhesion Molecule-3-
SIGN Grabbing Non-Integrin
DHFR DiHydroFolate Reductase
DICS Déficit immunitaire combiné sévère
DICV Déficit immunitaire commun variable
DLI Donor Lymphocyte Infusion
EBV Epstein-Barr Virus
ECP Eosinophil Cationic Protein
EGF Epidermal Growth Factor
EPO (1) Erythropoietin/Érythropoiétine ; (2) Eosinophil
PerOxidase
Fab Fragment antibody
Fc Fragment cristallisable
FGF Fibroblast Growth Factor
FR Framework Region
GAD Glutamic Acid Decarboxylase
GALT Gut Associated Lymphoid Tissue
G-CSF Granulocyte-Colony Stimulating Factor
GM- Granulocyte Monocyte-Colony Stimulating Factor
CSF
GPI Glycosylphosphatidylinositol
HEV High Endothelial Venule
HIgM Syndrome d’Hyper-IgM
HLA Human Leukocyte Antigen
HMGB1 High-Mobility Group Box 1 protein
HSC Hematopoietic Stem Cell
HSI Hypersensibilité immédiate
HSP Heat Shock Protein
HSR Hypersensibilité retardée
ICAM InterCellular Adhesion Molecules
ICOS Inducible T-cell COStimulator
IEL Intra-Epithelial Lymphocytes
IFN Interféron
Ig Immunoglobuline/Immunoglobulin
ILT Immunoglobulin-Like Transcript
iNKT Invariant Natural Killer T cell
ITAM Immunoreceptor Tyrosine Activating Motif
ITIM Immunoreceptor Tyrosine Inhibitory Motif
IVIG IntraVenous Immunoglobulins
(Immunoglobulines intraveineuses = injectables)
KAR Killer Activation Receptor
KIR Killer Immunoglobulin-like Receptor
LAT Linker for Activation of T-cells
LPS LipoPolySaccharide
MAG Myelin Associated Glycoprotein
MALT Mucosae Associated Lymphoid Tissue
MASP Mannan-Associated Serine Protease
MAT Microangiopathie thrombotique
MBL Mannan Binding Lectin
MBP Major Basic Protein/Protéine basique majeure
MCP Membrane Cofactor Protein
M-CSF Monocyte-Colony Stimulating Factor
mDC myeloid Dendritic Cells
MGG May-Grünwald Giemsa
MIP-3α Macrophage Inflammatory Protein-3α
MMF Mycophénolate mofétyl
MPO Myéloperoxydase
mTOR mammalian Target of Rapamycin
NET Neutrophil Extracellular Traps
NFAT Nuclear Factor of Activated T Cells
NGF Nerve Growth Factor
NK Natural Killer
NKT Natural Killer T cell
NLRs NOD-Like Receptors
PAF Platelet Activating Factor
PALS Periarterial Lymphoid Sheath
PAMPs Pathogen Associated Molecular Patterns
PD Programmed Cell Death
pDC plasmacytoid Dendritic Cells
PECAM Platelet-Endothelial Cell Adhesion Molecule
PKR Protéine Kinase R
PLGF PLacental Growth Factor
PRR Pathogen Recognition Receptor
PTT Purpura thrombotique thrombocytopénique
RAG Recombination Activating Gene
RcB Récepteur (lymphocytaire) B
RcT Récepteur (lymphocytaire) T
RE Réticulum endoplasmique
RLR RIG-Like Receptor
RSS Recombination Signal Sequence (Séquence signal de
recombinaison)
SAM Syndrome d’activation macrophagique
SAMP Self-associated molecular pattern
SHU Syndrome hémolytique et urémique
Siglec Sialic acid-binding immunoglobulin-type lectins
SR Scavenger Receptors
STAT Signal Transducer and Activator of Transcription
TACI Transmembrane Activator and CAML Interactor
TAP Transporter associated with Antigen Processing
TCR, T-Cell Receptor
TcR
TdT Terminal Deoxynucleotidyl Transferase
TGF Tumor Growth Factor
TIL Tumor Infiltrating Lymphocytes
TLR Toll-Like Receptor
TNFα Tumor Necrosis Factorα
TRAIL TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand
TREC T-cell Receptor Excision Circle
Treg Lymphocytes T régulateurs
TSH Thyroid Stimulating Hormone
TSLP Thymic Stromal LymphoPoietin
UNG Uracyl DNA Glycosylase
VEGF Vascular Endothelial Growth Factor
WASP Wiskott-Aldrich Syndrome Protein
XIAP X-Linked Inhibitor of Apoptosis Protein
Table des matières

DÉDICACES

PRÉFACE PAR LE PROFESSEUR FRANÇOIS LEMOINE


CHAPITRE 1 Préambule
CHAPITRE 2 Pour planter le décor…
Qui sommes-nous ?
Dans quel environnement évoluons-nous ?
CHAPITRE 3 La réponse immunitaire et ses composantes dans
le temps et l’espace
Un travail en continu
Un déroulement dans l’espace…
…Et aussi dans le temps…
CHAPITRE 4 Quels sont les enjeux et les objectifs
de l’immunité ?
Quelques définitions
Que comprend ce système immunitaire ?
CHAPITRE 5 Le système immunitaire :
une histoire d’articulation
Ce travail sans fin…
Ce travail sans limites…
Guerre et Paix
Typologies d’immunités
Des trains qui arrivent à l’heure…
CHAPITRE 6Quelle(s) boîte(s) à outils
pour le système immunitaire ?
Le positionnement du système immunitaire
Quels sont les agresseurs de l’organisme vis-à-vis
desquels se positionne le système immunitaire ?
Quels sont les outils dont peut disposer le système
immunitaire ?
Une immunité une et indivisible
CHAPITRE 7 L’immunité naturelle, encore appelée innée
L’immunité du temps long
Quels sont les objectifs de l’immunité innée ?
Quelles sont les étapes primordiales du déroulement
de l’immunité innée ?
Quels sont les outils mis à disposition pour détecter les
signaux de danger biologique dans la réponse immunitaire
innée ?
1, 2, 3 : Un danger – deux intermédiaires – trois actions
possibles
CHAPITRE 8 L’inflammation
D’après Hippocrate…
La partie émergée de l’iceberg !
Les maladies inflammatoires gagnent du terrain
Inflammation « Yin and Yang »
Une certaine inégalité des chances
L’inflammation, une fée bonne et méchante
CHAPITRE 9 L’immunité de transition, de la phase innée à la
phase adaptative : le système HLA
Une course de relais
« Garçon, le menu s’il vous plaît ! »
« À bon répondeur, salut ! »
Une histoire de professionnelles… mais aussi de vocation
Le bal de la présentation de l’antigène et la parade nuptiale
des lymphocytes réactifs
HLA : système, molécules, antigènes… il faudrait savoir !
Après le bal, rappelons à présent des musiciens !
CHAPITRE 10 L’immunité adaptative
Introduction : immunité adaptative ou spécifique ?
Le théâtre du déroulement de la réponse adaptative ?
Les acteurs
Les immunoglobulines et les anticorps
CHAPITRE 11 Immunité des muqueuses
Préambule
Qui y a-t-il de particulier aux muqueuses, du point de vue
de l’immunité ?
L’immunité des muqueuses digestives
Les réponses aux infections pathogènes dans l’intestin
Rôle des cellules lymphoïdes innées dans la défense
contre les agents pathogènes intestinaux et dans
l’homéostasie
Utilisation de l’immunité muqueuse dans des approches
thérapeutiques
CHAPITRE 12 Comment suivre l’évolution de l’immunité
chez une personne malade ?
La prise de sang : un incontournable ?
L’histoire de l’œuf qui fait la poule ou de la poule qui fait
l’œuf
Du lit du malade au laboratoire, ou du laboratoire au lit
du malade ?
Ces constantes qui sont si variables !
« Quand on passe les bornes, il n’y a plus de limites… »
Les sérologies, des valeurs refuges ?
En immunologie, aussi on peut provoquer !
CHAPITRE 13 Les succès d’une part, et d’autre part les failles et
les déficits de l’immunité
L’immunité, une « Success story »
« Jusque-là, tout va bien… »
Le système immunitaire : l’anti-menace !
Déficits et déficiences
Failles et fractures
Conclusions ?
CHAPITRE 14 Les interventions intentionnelles, médicales,
sur le système immunitaire
Un peu plus d’un siècle d’histoire de la médecine
Stimuler l’immunité
Rediriger l’immunité
Et pourquoi pas tout à la fois booster et rediriger
l’immunité ? (les vaccins)
Freiner l’immunité
« In blood we trust »
CHAPITRE 15 Conclusions
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS CET OUVRAGE

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