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C’est avec plaisir que j’ai accepté de préfacer l’ouvrage d’Olivier Garraud
Le système immunitaire.
Il s’agit ici d’un ouvrage original, pragmatique et vivant qui,
contrairement aux nombreux ouvrages, plus classiques, consacrés à
l’immunologie, ne commence pas des descriptions parfois figées des
différentes composantes du système immunitaire, mais nous propose de
découvrir et comprendre l’immunité à travers un voyage où le système
immunitaire est un des composants de l’écosystème dans lequel l’être
humain évolue. Il s’agit donc de comprendre l’immunité avec une vision
dynamique et écologique.
Dans les six premiers chapitres, Olivier Garraud nous prépare à ce voyage
en replaçant l’immunité au sein de notre environnement intérieur et
extérieur. Sous forme d’interrogations, nous sommes amenés
progressivement à comprendre les enjeux et les objectifs de l’immunité, à
intégrer de quoi est fait le système immunitaire et de quels outils il
dispose pour nous aider à faire face aux différentes agressions liées
notamment aux pathogènes que nous rencontrons tout au long de la vie.
Une fois cette invitation au voyage accomplie, l’auteur, dans les
chapitres VII à XII, rentre dans le vif du sujet en nous présentant le système
immunitaire en action. C’est alors l’occasion de décrire plus en détail les
différentes composantes du système immunitaire au fur et à mesure que se
mettent en place les réponses immunes, du déclenchement de la réponse
innée et de l’inflammation à celle de la réponse adaptative, jusqu’à la
phase résolutive et réparatrice.
Dans la 3e partie de l’ouvrage, des chapitres XI à XIII, Olivier Garraud nous
explique comment analyser avec une certaine modestie les réponses
immunes avec toutes les limites de nos connaissances. Il nous ouvre
ensuite les portes qui font les succès et les failles du système immunitaire.
Il s’agit là d’une initiation physiopathologique qui invite à réfléchir à la
place majeure qu’occupe le système immunitaire et à l’étendue des
immunopathologies qu’un professionnel de santé peut être amenées à
rencontrer.
Comprendre la physiologie et la physiopathologie du système immunitaire
et de l’immunité sont des éléments essentiels pour s’acculturer aux grands
et rapides progrès biotechnologiques des dernières années. La médecine
« interventionnelle », notamment l’immunothérapie abordée dans l’avant-
dernier chapitre apporte des bénéfices thérapeutiques incontestables aux
patients atteints de pathologies aussi diverses que les maladies auto-
immunes et inflammatoires chroniques évolutives et invalidantes, les
allergies sévères, les cancers métastatiques et hémopathies malignes en
impasse thérapeutique.
L’ouvrage est de lecture aisée, presqu’un roman, accessible aux étudiants
comme aux professionnels désireux de mieux comprendre l’immunologie,
souvent jugée comme très compliquée… Les sujets sont traités avec
modestie et rigueur mais aussi quelques pointes d’humour.
Cette présentation plaisante et originale du système immunitaire, j’en suis
sûr, séduira le lecteur et l’incitera à approfondir ses connaissances, et peut
être aussi à se pencher (ou se repencher) sur les ouvrages littéraires,
philosophiques ou encore l’histoire de l’immunologie comme nous y
invitent les nombreuses et intéressantes notes de bas de pages. Le voyage
de la connaissance est loin d’être fini, n’oublions pas que le système
immunitaire est en perpétuel mouvement pour permettre à l’homme de se
développer, d’évoluer et de survivre dans son environnement.
Professeur François Lemoine
Sorbonne Université – AP-HP
Président de la section du Conseil national des universités
« Hématologie, Cancérologie, Immunologie et Génétique » (section CNU
47),
président de la sous-section Immunologie (sous-section CNU 47-03)
CHAPITRE 1
Préambule
Qui sommes-nous ?
Il y a de nombreuses façons d’aborder ce sujet, qui bien sûr convoquent
les sciences humaines et sociales (l’histoire, la sociologie,
l’anthropologie, l’économie), la philosophie et la spiritualité. Tout à côté
de ces questions essentielles – au sens littéral du terme – s’adosse notre
matérialité. Nous sommes « des êtres de chair et de sang », pour reprendre
une métaphore bien littéraire, avec un corps physique et un esprit qui
gouverne nos émotions et nos relations avec les autres personnes,
relations également sujettes aux événements naturels et aux interactions
avec les autres créatures vivantes qui nous entourent.
Nous le savons à présent, nous sommes des vertébrés mammifères, de la
famille des hominidés de l’espèce primate au sein de laquelle nous
sommes – depuis environ 300 000 ans – des Homo sapiens. Cette filiation
– du règne animal à l’espèce Homo sapiens en passant par les
embranchements, les classes, ordres, familles, tribus et genres – a laissé
des héritages anatomiques (comme la station debout, la bipédie, la taille
du cerveau, la préhension des objets, etc.) et physiologiques (la
respiration, la nutrition, la reproduction) ; parmi les héritages
physiologiques, citons ceux de nature biologique comme l’oxygénation du
sang au travers une molécule captatrice d’oxygène, l’hémoglobine, la
digestion, la défense immunitaire contre les agents infectieux, etc.
Nos ancêtres se sont adaptés à leur environnement climatique,
géographique, historique – avec les migrations et la sédentarisation –, ce
qui a formaté la prise alimentaire (de moins en moins carnée – chasse et
pêche –, de plus en plus végétale – cueillettes, cultures –, de moins en
moins crue et de plus en plus cuite ou fermentée). Ce type d’alimentation
a influé sur l’évolution du tube digestif et de la colonisation de ce dernier
par des microbes environnementaux afin que ceux-là aident à dégrader les
aliments et les transformer en nutriments pouvant être absorbés.
À côté de cela, nous avons tous en mémoire les grandes épidémies qui ont
traversé notre histoire ou plutôt celle de nos ancêtres, et qui ont précédé
celle – récente – liée au virus SARS-CoV-2 responsable de la maladie
Covid-19. Celles-là ont pu être décrites par de grands romanciers qui nous
les ont rendues accessibles1, et eux-mêmes se sont basés sur des
documents historiques pour les plus récentes, ou des données archéo-
anthropologiques pour les plus anciennes. Nos ancêtres ont traversé le
froid et le chaud extrêmes, la faim et la soif ; ils ont emprunté les grandes
routes pour leurs migrations afin de suivre les gibiers et les produits de la
terre ; ils ont expérimenté des maladies comme la variole, la peste, la
lèpre, le choléra, le paludisme et tant d’autres fléaux dont de grandes
épidémies virales, comme les grippes et les maladies sévères à
coronavirus. Les concentrations de personnes, bien entendu, aggravaient
le risque pour les individus d’être contaminés comme ce fut le cas pour la
grippe dite espagnole, de funeste mémoire, qui a tué plus encore de
personnes que la Grande Guerre (Première Guerre mondiale). D’une
façon simpliste, on peut dire que nous sommes aujourd’hui des
descendants des survivants de toutes ces conditions difficiles ; ces grandes
épidémies ont décimé des millions de personnes, et seules les plus
résistantes ont eu l’opportunité de se multiplier pour donner les
descendants que nous sommes. Chaque génération a traversé ses épreuves
(famines, guerres, épidémies) qui ont aussi sélectionné les individus les
plus résistants, même si cela ressemble à un langage politiquement
incorrect et de sinistre réputation ; en effet, des dictateurs ont cherché à se
substituer à la loterie de la nature et à décréter qui était fragile et qui était
fort et génétiquement intéressant. La loi naturelle est beaucoup plus
subtile car les personnes sensibles ou résistantes aux grandes vagues
d’infection microbienne n’étaient pas prévisibles sur l’apparence, sur le
« phénotype », mais bien sur l’intime, le « génotype ». En effet, au fil du
temps, des gènes de résistance aux agents infectieux ont été privilégiés par
la nature pour être transmis à la descendance, soit de façon directe en
éliminant des cellules humaines des portes d’entrée aux agents infectieux
les plus virulents, soit en faisant produire — par ces cellules humaines —
des plus outils efficaces contre ces agents infectieux pathogènes.
Ce qu’on nomme à présent les groupes tissulaires – au nombre desquels
on trouve les groupes sanguins et le groupe HLA2 – sont doublement
intéressants à ce titre : d’une part les gènes qui codent pour le HLA ont
été soumis à des pressions exercées par les agents infectieux pour
favoriser les personnes résistantes, et d’autre part les personnes les plus
outillées pour fabriquer des outils efficaces contre des agents infectieux et
surtout s’en souvenir sont dépendantes de ces groupes HLA. Plusieurs
décennies de recherches ont montré de façon convaincante que les locus3
HLA classiques portent la signature de l’évolution naturelle. En dépit de
cette conclusion, de nombreuses questions subsistent à propos des régimes
de sélection qui ont agi sur ces locus, du moment auquel ces événements
de sélection agissent, et des connections fonctionnelles entre la variabilité
génétique et la sélection naturelle.
L’immunité est souvent abordée sur le plan individuel mais elle est aussi
questionnée sur le plan collectif ; on a en effet beaucoup entendu parler
ces derniers temps de l’immunité de groupe (en anglais de troupeau, Herd
immunity) qui fait barrière aux agents infectieux en prémunissant une
large partie de la population ce qui suffit pour tenir à distance le danger et
protéger les personnes actuellement prémunies, mais aussi les autres (c’est
aussi – et j’y reviendrai vers la fin de cet ouvrage – un des objectifs de la
vaccination). C’est probablement cette immunité de groupe, associée aux
bons génotypes HLA sélectionnés par les générations, qui a produit son
effet pour faire reculer les grands tueurs qu’ont été la peste, le choléra, la
lèpre ; reculer, pas disparaître (seule la variole a disparu, grâce à la
vaccination), mais cantonner à des isolats, surveillés pour leur éventuelle
dissémination mais de façon plus souple quand on dispose, comme pour la
peste ou le choléra, d’antibiotiques efficaces (à la condition d’en avoir les
moyens financiers ; cela soulève un autre débat, qui est celui de la lutte
contre les grandes pandémies et les choix des états d’y contribuer, ou au
contraire de les abandonner aux philanthropes comme Bill et Melinda
Gates et quelques autres.
Dans quel environnement évoluons-nous ?
■ Nos environnements
Nous n’évoluons pas dans une bulle, dans un environnement protégé,
mais dans une atmosphère, qui détermine les événements radio-physiques
et chimiques auxquels nous sommes confrontés. En général, nous sommes
configurés à un type d’environnement géo climatique principal mais, de
plus en plus, nous alternons des phases d’exposition à des événements
différents, par exemple en ville (où nous sommes sujets à la pollution, au
bruit, à l’ozone, aux microparticules) ou à la campagne (où nous sommes
exposés à des pollens, des moisissures, des résidus végétaux et animaux
abondants, parfois à des produits phytosanitaires) ; ces alternances
peuvent être encore plus marquées si nous alternons des séjours de longue
durée entre zones de tempérées à froides, au-dessus du Tropique du
Cancer et en dessous du Tropique du Capricorne, avec des séjours en
zones chaudes entre tropiques et équateurs (et auquel cas, une différence
s’opère entre les zones sèches et les zones humides). Nous avons hérité de
moyens de la part de nos ancêtres, moyens qui sont en général adaptés à
l’environnement qui était le leur (peau claire ou foncée, cheveu plat ou
crépu, capacité enzymatique à digérer tel ou tel végétal ou chair animale,
à synthétiser telle ou telle vitamine ou sécréter tel ou tel niveau
d’hormone, etc.). Évoluer dans un environnement adapté expose à moins
de risques physico-chimiques ; un excellent exemple est l’ensoleillement
tropical, qui convient aux peaux noires mais cause de fréquents et
gravissimes mélanomes aux Australiens et aux Sud-Africains à peau
claire, immigrés de quelques générations non complètement adaptées.
Un organe qui s’adapte assez rapidement en revanche est le microbiote4,
ce second cerveau qui se niche à la surface de nos surfaces cutanées et
surtout muqueuses et qui nous caractérise aussi sûrement que nos
empreintes digitales ou notre ADN. En dépit de son caractère unique lié à
nos capacités à méthyler5 ou métaboliser les bactéries environnementales
en particulier, ce microbiote comprend pour une large part des germes
fréquents rencontrés dans l’environnement, et adaptés, apportés en
particulier par la nourriture et maintenus par l’hygiène alimentaire (pour
le tube digestif) ; pour les autres muqueuses, génitale en particulier, cette
flore doit être respectée par la toilette et l’hygiène.
■ Nos interactions
Quels sont ainsi les environnements et les interactions que peuvent subir
notre organisme ? Les interactions environnementales peuvent se faire à
deux niveaux, extérieur et intérieur.
• Le niveau extérieur
Le niveau extérieur est assez facile à appréhender, en tous cas pour ce qui
concerne la peau, qui représente environ 1,9 m2 pour un homme de 50 ans
mesurant 1,75 m et pesant 75 kg ; ce 1,9 m2 est autant de surface
d’interactions avec un grand nombre d’éléments : ensoleillement,
température extérieure, radiations cosmiques, vent, pollution,
cosmétiques, résidus de lessives sur les vêtements, contacts métalliques
(boutons, bijoux, montre), etc. Un arsenal de protection (constitution de la
peau, poils, sécrétions, flore microbienne cutanée) assure la défense de
première ligne de cette barrière fréquemment agressée par les éléments
extérieurs. Mais la peau n’est qu’une toute petite zone d’interaction avec
l’environnement externe comparée aux muqueuses, dont la surface est
estimée à plus de 300 m2, pour la plupart au niveau de l’intestin mais
abondante également au niveau des bronches, du reste de l’appareil
digestif, de l’appareil urinaire et de l’appareil génital. On comprend bien
qu’à ce niveau-là, les contacts externes sont différenciés en fonction de
leur localisation : 1) air, pollution, aérosols, pollens, etc. au niveau
respiratoire (et aussi avec des microbes dont les virus saisonniers ou
épidémiques) ; 2) aliments, médicaments, toxiques, allergènes
alimentaires et aussi microbes ingérés, au niveau de l’appareil digestif ; 3)
au niveau de la muqueuse génitale féminine, les principaux contacts
seront les cosmétiques nettoyants, le latex des préservatifs, et les microbes
importés de l’appareil digestif bas ou liés aux contacts sexuels. Pour
protéger les muqueuses, il existe des barrières tissulaires comprenant les
sécrétions (le mucus), barrières différenciées selon les types cellulaires, et
une couche de microbes, bactéries et virus, composant le microbiote déjà
évoqué mais qui sera détaillé au chapitre des outils du système
immunitaire.
L’ensemble des protections apportées par la structure de la peau et des
muqueuses et leurs colonisations naturelles de microbes « qui vivent
avec » (appelés « commensaux » d’après l’étymologie latine, ou encore
« saprophytes ») composent une partie de l’immunité de première ligne,
« l’immunité innée ou encore naturelle6 ».
• Le niveau intérieur
L’accès aux milieux intérieurs est plus compliqué ; il y a bien entendu des
niveaux de perméabilité qui font passer un produit de la peau et plus
facilement encore de la muqueuse dans le sang : c’est ainsi qu’on retrouve
dans le sang des médicaments – certes transformés – ingérés sous forme
de gélule ou de comprimé, ou des produits issus des cosmétiques, ou de
produits phytosanitaires passés directement ou avec les aliments. Et dans
l’ensemble, les barrières cutanées ou muqueuses peuvent être altérées de
diverses façons : excoriations cutanées (fréquentes au niveau des mains et
du pourtour des ongles), érosions muqueuses (buccales, nasales, anales,
vaginales), sans que cela ne soit vraiment anormal ou pathologique ; on
verra que certaines maladies causent d’importantes altérations muqueuses.
Une fois les barrières franchies, les agents d’agression peuvent aller
attaquer des cibles internes selon leur appétence pour elles : cellules
articulaires, rénales (néphrons), musculaires cardiaques, épithéliales du
revêtement pulmonaire, sanguines circulantes, endothéliales qui bordent
la surface interne des vaisseaux sanguins, etc. L’organisme ne se laisse
pas si facilement envahir s’il est robuste et sain, et qu’il ne présente pas de
déficit génétique bloquant les mécanismes de défense naturelle ; cet
organisme peut déployer une panoplie de moyens de prévention et de
défense, en cascade, souvent redondants, en général excessifs, pour être
bien certains d’être efficace. Là encore, la collection de tous ces moyens,
qui regroupe des outils extrêmement divers, constitue l’immunité
naturelle ou innée.
• Interactions avec les microbes
Un point particulièrement important en ce qui concerne notre relation aux
agents infectieux est notre action sur eux – particulièrement les bactéries –
par l’usage massif d’antibiotiques, ingérés occasionnellement à l’occasion
d’une infection bactérienne ou de la surinfection bactérienne d’une
infection virale comme la grippe, une bronchite, etc., mais plus encore de
façon indirecte par la nourriture en particulier les viandes ; les animaux
élevés en batterie sont en effet gavés d’antibiotiques afin de leur éviter des
infections communautaires, antibiotiques dont des traces se retrouvent
abondamment dans les produits carnés ou laitiers mais aussi dans d’autres
produits alimentaires si les eaux d’irrigation sont riches en résidus
d’antibiotiques. C’est un fléau écologique, qui affecte notre relation au
monde microbien et notre immunité. Des antibiotiques non appropriés
dans le cadre de maladies humaines – on le sait car le message de
l’Assurance Maladie « les antibiotiques, c’est pas automatique » –
génèrent des résistances, qui ne sont autres que des pressions génétiques,
lesquelles modifient les profils des agents microbiens et leur écologie,
avec – là encore – un impact sur nos systèmes de défense contre les agents
bactériens et l’immunité.
La réponse immunitaire
et ses composantes dans le
temps et l’espace
Un travail en continu
La défense contre les agents d’agression pour un maintien quotidien en
bonne santé est un exercice permanent, puisqu’à chaque instant, notre
organisme est soumis à des menaces externes physiques, chimiques,
environnementales et infectieuses, et des menaces internes. Malgré la
performance de produire en abondance (des milliards chaque jour) des
cellules conformes pour renouveler les tissus et les organes, de petits bugs
ne manquent cependant pas de se produire, ce qui peut occasionnellement
induire – dans un certain nombre de circonstances – des conséquences
dramatiques, ce qui est le cas quand un clone tumoral n’est pas repéré et
donc pas éliminé.
On imagine bien que les agressions quotidiennes sont ainsi non seulement
nombreuses mais aussi variées ; le nombre de bactéries potentiellement
agressives ou de virus pathogènes que chacun d’entre nous est amené à
rencontrer quotidiennement est immense. La production de cellules
tumorales est quotidienne ; tout aussi quotidienne est leur élimination par
les outils de la surveillance ou veille immunologique, sauf exception.
Notre système de défense travaille donc en continu pour faire face à ces
défis de chaque instant.
Dans ce contexte, la réponse immunitaire se déroule à la fois dans le
temps et dans l’espace pour chaque type de menace ; une défense s’établit
de façon globale indépendamment du type de l’agression, mais néanmoins
de façon ajustée à l’écologie de cette agression.
■ La peau
La peau – 1,9 m2 environ chez un adulte de 1 m 75 pesant 75 kg – offre
des lignes de défense au travers son épaisseur, ses sécrétions comme la
sueur et le film lipidique qui la recouvre, les poils, etc. et cela, pour
l’épiderme seulement ; dans les couches sous-jacentes, si d’aventure un
agent pathogène franchissait l’épiderme, des cellules efficaces veillent
d’une part, agissent d’autre part au travers leurs fonctions spécifiques (ces
cellules sont les kératinocytes, les mélanocytes, des cellules dendritiques1
dites de Langerhans, des macrophages2, etc.).
■ La muqueuse
La muqueuse – dont la surface est colossale (300 m2 pour le seul intestin
grêle chez un adulte), est recouverte de mucus qui lui aussi présente des
caractéristiques antibactériennes, virales, parasitaires et fongiques3 ; de
plus, il renferme, venues de la couche sous-muqueuse, de grandes
quantités d’immunoglobulines sécrétoires qui sont appelées des anticorps
polyréactifs, capables de lier et d’éliminer une grande variété d’agents
infectieux pathogènes. Cette structure – adaptée à la fonction (digestive,
respiratoire, reproductive, etc.) – comprend également des couches sous-
jacentes riches en cellules sécrétoires et en cellules de l’immunité tantôt
plus ou moins organisées en équivalents de ganglions lymphatiques, ou
tantôt encore diffuses. Tout cet arsenal permet en général une lutte
efficace contre les agents infectieux pathogènes arrivés par voie digestive,
respiratoire, sexuelle, etc. tout en respectant l’action essentielle des
microbes de cohabitation4, non pathogènes, qui participent à la
physiologie du tissu en question (dégradation des aliments pour être
absorbés sous forme de nutriments par la muqueuse digestive par
exemple).
■ Un réseau interne de cellules
Un réseau interne de cellules qui veille aux passages sanguins et aux
franchissements tissulaires de cellules cancérisées, transformées,
infectées ; des outils de ce réseau dédié détruisent de façon non discernée
des agents pathogènes internes, se basant sur des caractéristiques
d’anormalité ; ces actions globales sont complétées d’une part par le
repérage de spécificités particulières aux agresseurs, pour peu que ces
cellules de l’immunité adaptative aient été éduquées préalablement
(comme pourrait le faire un vaccin par exemple) et d’autre part leur
destruction ; à cela se surajoute – dans certaines circonstances – l’action
d’anticorps présents dans les secteurs vasculaires et lymphatiques mais
aussi dans ce qu’on appelle le secteur extravasculaire (liquides interstitiels
dans les organes, liquide céphalorachidien). (Ces anticorps là – à la
différence des anticorps dits polyréactifs de l’alinéa précédent – sont des
outils de l’immunité adaptative et sont rigoureusement spécifiques de
petites parties des agents pathogènes, appelées antigènes, déclencheurs de
ces réponses de l’immunité adaptative).
■ Un réseau de communication
Toujours en interne, un réseau de communication qui emprunte les voies
vasculaires et les voies lymphatiques, qui transportent les cellules de
l’immunité ayant capturé des agents pathogènes, des cellules de
l’immunité naturelle, et des cellules éduquées de l’immunité adaptative et
spécifique et en particulier des lymphocytes mémoire (pour les réponses
immunitaires dites de rappel) ; ce réseau transporte aussi des molécules
effectrices de l’immunité (qui seront détaillées ultérieurement) et des
molécules de communication et d’interactions cellulaires et tissulaires.
Une partie de ces molécules est destinée à faire du guidage des cellules de
l’immunité entre la périphérie et les lieux de capture des agents
pathogènes et les organes de l’immunité ; ce guidage s’opère un peu sur le
même modèle que les phéromones pour l’attraction sexuelle des animaux,
ou pour le butinage des abeilles.
• Un réseau d’organes et de tissus de l’immunité qui repose sur des
structures très précises comme les ganglions lymphatiques, disposés au
plus près des principaux sites d’agression externe (cervicaux pour la tête
et le cou ; axillaires pour les membres supérieurs ; inguinaux pour les
membres inférieurs) mais aussi internes pour les agressions internes et
muqueuses (médiastinaux, mésentériques), etc. La rate se comporte
comme un super-ganglion lymphatique, tout en ayant d’autres fonctions
en particulier pour épurer le sang de ses cellules vieillies. Ce réseau se
complète de structures lymphoïdes diffuses dans les muqueuses en
particulier.
1. Il existe en effet différents types de cellules dendritiques dont les fonctions partagent des
communautés mais aussi présentent des différences fonctionnelles selon le travail à accomplir.
2. Il existe aussi plusieurs types fonctionnels de macrophages, également différenciées selon leur
tâche dans la défense immunitaire.
3. S’applique aux champignons.
4. Dits commensaux ou saprophytes.
5. L’immunité adaptative repose sur des lymphocytes dits conventionnels en ce sens qu’ils expriment
chacun un type de récepteur pour l’antigène ; il existe à leur côté des lymphocytes non
conventionnels n’exprimant pas ces récepteurs et fonctionnant – efficacement d’ailleurs – dans le
concert de l’immunité innée.
CHAPITRE 4
Quelques définitions
Tout individu immunocompétent va interagir avec son environnement et
réagir aux agressions auxquels il est soumis en permanence, pour y faire
face (y résister, les surmonter) et pour réparer d’éventuelles lésions
causées par des agents d’agression (internes et externes). Un individu
immunocompétent1 est une personne chez qui aucun déficit génétique
constitutionnel (c’est-à-dire survenu pendant sa conception) n’existe.
Ces tâches sont celles du système immunitaire d’un individu, celles donc
d’assurer l’immunité.
(On notera au passage que le mot « immunité » a différentes significations
dans un dictionnaire commun2 : 1) Droit de bénéficier à la loi commune
[privilège] ; 2) Ensemble des mécanismes de défense d’un organisme
contre les agents étrangers à l’organisme, en particulier les agents
infectieux [virus, bactéries, parasites] ; 3) Privilège concédé par le roi à
une personne sur les terres de laquelle ses agents n’avaient pas accès.
Nous sommes ici très explicitement dans le sens deuxième de
l’immunité.)
Je propose une définition de l’immunité, définition qui m’est propre (à des
fins pédagogiques) et qui précise que :
« L’immunité est la conséquence de l’activation et de la régulation du
système qui permet de faire face aux différents types d’agressions
auxquelles est confronté tout individu au décours de sa vie, soit en
éliminant les sources d’agression, soit en les contournant, soit en les
utilisant à bon escient, et ce en utilisant un arsenal d’outils communs à
plusieurs fonctions physiologiques et d’autres parfaitement dédiés à ces
tâches de défense. L’immunité étend sa mission à la réparation des
dommages causés par les agressions mais aussi ceux induits par les
moyens de défense (dommages collatéraux), ce qui correspond à la
cicatrisation. Cette immunité met enfin en place des outils de prévention
adaptés à certaines situations (en particulier infectieuses). »
Le système immunitaire est ainsi la collection des outils permettant
d’assurer l’immunité dès la naissance et son fonctionnement tout au long
de la vie. S’il s’agit d’un système au sens biologique, c’est que cette
collection d’outils fonctionne comme celle des autres grands systèmes
(cardio-circulatoire, respiratoire, nerveux, digestif, urinaire, etc.) à savoir
une organisation anatomique en tissus et organes, et une organisation
physiologique avec des connexions avec les autres systèmes et plusieurs
niveaux de régulations, centrales et périphériques. Le système permettant
l’établissement et le fonctionnement de l’immunité c’est-à-dire le
maintien d’un capital de bonne santé tout au long de la vie en dépit des
agressions multiples et permanentes subies, repose sur une anatomie
organisée en organes primaires (moelle osseuse et thymus), secondaire
(ganglions lymphatiques et vaisseaux lymphatiques, amygdales et
végétations adénoïdes, rate) et tertiaire (tissu lymphoïde disséminé – sans
connexions vasculaires – dans les tissus des organes des autres systèmes,
digestif et génito-urinaire en particulier). La figure 1 présente une vision
simplifiée de l’anatomie du système immunitaire.
Figure 1 : Anatomie simplifiée du système immunitaire
Que comprend ce système immunitaire ?
■ « De la poule qui fait l’œuf ou de l’œuf qui fait la poule » ?
Ce système immunitaire, collection d’outils, comprend des cellules
variées, dont la plupart a comme point commun d’être à l’origine des
globules blancs ou leucocytes (mais pas exclusivement), et des molécules
appartenant à de nombreuses familles fonctionnelles. Les cellules de
l’immunité sont pour leur plus grand nombre organisées en tissus au sein
des organes de l’immunité, ou elles circulent dans le sang ; elles peuvent
aussi coloniser, de façon permanente ou transitoire, d’autres tissus et
organes ; toutes ces cellules n’ont pas vocation à avoir le même profil
« voyageur » ou « sédentaire » ; certaines cellules sont, de plus, très
polyvalentes alors que d’autres sont sophistiquées et spécialisées à
l’extrême. Dichotomiser les organisations cellulaires et moléculaires a été
un principe de laboratoires des décennies passées, où – dans les grands
organismes de recherche – on trouvait à tel étage le laboratoire
d’immunologie cellulaire et à tel autre celui d’immunologie humorale, qui
s’occupait des anticorps et de la sérologie, mais on s’est ensuite rendu
compte que c’était une « histoire de la poule qui fait l’œuf ou d’œuf qui
fait la poule » : les cellules fabriquent, synthétisent, sécrètent, excrètent
des facteurs moléculaires, lesquels sont essentiels au fonctionnement des
cellules en étant libérés et capturés par des récepteurs disposés sur ou dans
les cellules pour en permettre le métabolisme et la physiologie (voire la
physiopathologie).
Le système immunitaire :
une histoire d’articulation
Guerre et Paix
Le domaine infectieux offre de bons modèles de compréhension de ces
mécanismes, mais il ne faudrait pas en déduire que l’immunité ne
s’applique qu’aux infections ; l’immunité surveille aussi les éventuelles
émergences de cellules cancéreuses ou auto-immunes, et dans le cadre
d’interventions médicales, les prise de greffons (transfusions, greffes de
tissus et d’organes) et certains protocoles thérapeutiques médicamenteux.
Une très grande partie de la réponse immunitaire est articulée autour de
l’inflammation, bien connue en pathologie car des signes infectieux sont
le motif de consultation de près de la moitié des démarches vers un
médecin, généraliste ou spécialiste d’organe et d’un grand nombre de
prise en soins en médecine de réanimation. Cette inflammation est, selon
une image tirée de la littérature, à la fois Guerre et Paix1 ; guerre contre
des symptômes bruyants (douleur, fièvre, rougeur, enflure ou
tuméfaction), qui peuvent à eux seuls être létaux dans des circonstances
d’allergie ou de défaillance d’organes ; et paix – une notion beaucoup plus
complexe à intégrer – dans la mesure où cette inflammation, lorsqu’elle
est normale c’est-à-dire non médicale, non pathologique, permet par
exemple d’établir un équilibre au niveau des muqueuses entre les
microbes commensaux ou saprophytes (« Les Bons ») et les microbes
pathogènes (« Les Brutes et les Truands », pour prendre cette fois une
image cinématographique2). Cette inflammation s’étire en changeant de
profil et en se commutant en cicatrisation lorsque les cellules qui en sont
responsables reçoivent des signaux appropriés (de fin de danger par
exemple). Cela sera détaillé dans les chapitres ultérieurs.
Typologies d’immunités
Dans la réponse immunitaire, ce qui compte est avant tout la résultante
c’est-à-dire le fonctionnement comme attendu de l’immunité vis-à-vis
d’un événement. Cette immunité fait appel des séquences issues des deux
grands types d’immunité, qui fonctionnement de concert. En fait, il y a
trois composantes, mais l’immunité intrinsèque3 fait appel à des notions
trop complexes (et aussi assez mal comprises) pour être présentées ici
(figure 8).
Figure 8 : Les trois composantes classiques de l’immunité
Pour rendre compte de l’efficacité de l’immunité mais aussi de ses
imperfections, car elle « fait avec » les types d’agression qui lui sont
opposés4, étudions quelques exemples tirés de l’immunité anti-infectieuse
(tableau II).
Tableau II. L’immunité anti-infectieuse
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Naturelle L’exposition « dans la nature » à
des affections très contagieuses
de l’enfant aux virus responsables
des maladies éruptives infantiles
(rougeole, rubéole, roséole ou
exanthème subit), garantit une
immunité durable dans le temps,
mais pas forcément à vie, et ce à
partir du moment où l’enfant est
normalement équipé pour
l’immunité, c’est à dire qu’il n’y a
pas de dysimmunité congénitale
ou acquise). Il en est de même
Immunité chez la plupart des personnes vis-
protectrice à-vis de la varicelle.
complète Vaccinale Les infections listées ci-dessus
peuvent être prévenues par des
vaccins. Ceux-là confèrent une
excellente immunité mais moins
robuste cependant que le virus
naturel5. Il est impératif par
exemple de revacciner les
adolescents contre la rougeole.
(Certains nouveaux vaccins
pourraient apporter une immunité
au contraire très robuste et
pendant très longtemps ; la
vaccinologie n’a pas dit son
dernier mot !).
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Immunité Bactéries Les bactéries sont peu
protectrice et mycobactéries immunisantes ; il en est de même
partielle peu pour les mycobactéries et le
immunisantes vaccin BCG contre la tuberculose
ne fait pas l’unanimité en
particulier chez les Anglo-Saxons.
Labile dans Leurs toxines bactériennes – qui
le temps sont des protéines à la différence
des membranes bactériennes qui
sont des assemblages de sucres
et de lipides – peuvent être
immunisantes. Si la toxine
tétanique confère probablement
une immunité très durable, la
toxine coquelucheuse est moins
immunisante et il n’est pas rare de
rechuter à l’âge adulte d’une
coqueluche même après avoir
expérimenté la maladie naturelle
étant enfant (une vaccination
adulte est ainsi nécessaire surtout
pour les personnes fragiles).
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Semi-immunité Le paludisme est une infection
dépendante (parasitaire) qu’on peut contracter
des réactivations plusieurs fois dans une existence,
répétées, en fonction des expositions et des
régulières risques répétés. En revanche, des
populations exposées très
régulièrement à des parasites en
nombre suffisant peuvent acquérir
une immunité protectrice, non
stérile (du parasite peut être
présent, mais à faible
concentration dans le sang). Cette
immunité-là ne va pas perdurer si
le sujet rompt ce cycle
d’exposition : il perd alors cette
protection. Il est appelé « semi-
immun » pour cette raison.
Marqueurs On parle beaucoup de sérologie
sérologiques pour détecter si on a – ou pas –
été exposé à tel ou tel agent
infectieux. La réponse qu’un sujet
peut produire peut signifier un
Immunité contact avec l’agent infectieux
non protectrice mais pas forcément une
(cicatricielle) protection. De nombreux agents
infectieux élaborent une panoplie
d’éléments qui sont autant de
signatures spécifiques mais
néanmoins pas des outils de
protection.
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
Des agents infectieux qui mutent fréquemment et
abondamment ne confèrent pas d’immunité de base
contre différents types de virus : c’est le cas bien
connu de la grippe saisonnière ; tous les ans, de
Absence
nouveaux variants peuvent déclencher une nouvelle
d’immunité
infection (et parfois même malgré une vaccination,
qui ne protège que partiellement, environ 70 à 80 %
d’une population, selon les souches virales
circulantes).
Il peut arriver qu’on contracte une maladie
infectieuse à plusieurs reprises mais que les ré-
occurrences donnent lieu à des symptômes
atténués ; ce pourrait être le cas par exemple pour la
Immunité anti- grippe malgré un vaccin. Dans ces conditions-là, on
maladie peut parler d’immunité anti-maladie (et c’est une
stratégie vaccinale pour certains agents infectieux,
parasitaires par exemple, comme le paludisme). Ce
pourrait être le cas aussi dans la Covid-19, ce qu’il
faudra confirmer.
Type Niveau
Exemples
d’immunité de l’immunité
À l’inverse, la dengue – une maladie virale due à un
virus transmis par des moustiques et dont il existe
quatre (séro)types viraux – est immunisante sur le
même type mais facilitante sur les trois autres ; on
est plus malade alors que si on n’avait jamais
rencontré un des trois autres types : il existe une
Contre-
immunité facilitante alors, qui est très dommageable.
immunité,
Il existe plusieurs vaccins dont l’un comprend des
facilitation
fractions des quatre types de virus mais cette
immunité naturelle compliquée est encore pour
partie reproduite au niveau de l’immunité post-
vaccinale, faisant que cette vaccination n’est
applicable que de façon discernée en fonction des
risques individuels.
1. Guerre et Paix est le grand roman russe de Leon Tolstoï publié en 1865 et 1869, image reprise par
le Professeur Philippe Sansonetti de l’Institut Pasteur et du Collège de France pour décrire
l’immunité muqueuse intestinale en 2009.
2. Le Bon, la Brute et le Truand est un film à très grand succès de Sergio Leone sorti en 1968 sur les
écrans.
3. L’immunité intrinsèque est une immunité antivirale qui partage des mécanismes d’action avec
l’immunité innée ; elle restreint la réplication et l’assemblage de virus grâce à des produits sécrétés
par les cellules et qui agissent comme agents de restriction. Ces agents rendent les cellules
imperméables à l’entrée de certains types de virus. Les facteurs de restriction sont, pour un grand
nombre d’entre eux, préexistants (préformés) dans des cellules de l’immunité mais ils sont aussi
pour partie inductibles (surproduits) en présence de virus. Le fonctionnement de cette immunité
diffère de celui de l’immunité innée en ce sens qu’il n’y a pas de détection par des récepteurs
suivis de la production d’antiviraux, mais au contraire une action antivirale immédiate et directe.
4. Les agents d’agression vivants (virus, bactéries, parasites, etc.) ont aussi leur logique de survie et,
pour survivre, ils ne doivent pas être éradiqués définitivement par l’immunité mise en place de
façon générale par les êtres humains. Pour cela, ils ont développé des forces et des ruses qui
peuvent occasionnellement mettre à mal nos ressources : le VIH par exemple, arrive à déjouer
toutes les strates de défense que nous pouvons lui opposer et nous empêche de développer une
immunité de défense et a fortiori de protection. Il déjoue même les approches vaccinales à ce jour.
Et il survit. Il a fallu un siècle de vaccination antivariolique – avec bien sûr des formes différentes
de vaccin décennie après décennie – pour que l’OMS ait pu déclarer la planète indemne de virus
naturel circulant (il n’existe plus que conservés dans deux laboratoires au monde, aux USA et en
Russie, pour des raisons stratégiques).
5. Cette notion reste la loi commune mais l’exemple de la Covid-19 et du virus SARS-CoV-2 vient
nous démontrer que l’immunité post-vaccinale serait probablement plus robuste que l’immunité
« naturelle » induite par le seul virus. Cela reste à affiner car on manque encore de vision à long
terme pour faire un bilan de l’infection, d’une façon générale et pour l’immunité en particulier.
CHAPITRE 6
■ Des opérateurs
Tableau IV : Les principaux opérateurs cellulaires de l’immunité
Les Les cellules dites de Les leucocytes de
opérateurs l’immunité l’immunité naturelle ou innée
cellulaires et de l’inflammation.
Les lymphocytes de
l’immunité adaptative
(spécifique).
Les cellules participant Toutes les cellules
aux fonctions engageant des contacts
immunitaires avec les cellules de
l’immunité (ci-dessus) et
participant à l’inflammation
et à la cicatrisation.
Les molécules produites Les molécules sécrétées et
par les cellules de exportées dans les milieux
l’immunité ou participant extérieurs.
Les aux fonctions
opérateurs immunitaires, Les molécules sécrétées et
opérant exportées vers les
moléculaires pour l’immunité
membranes cellulaires, pour
servir de récepteurs à des
signaux.
Le système immunitaire fonctionne à l’aide d’outils qu’on appelle des
opérateurs ; ceux-là sont de deux natures : 1a) des cellules (rarement
isolées et le plus souvent dans le cadre de tissus ou d’organes) et 2a) des
molécules sécrétées. Ces molécules existent elles aussi sous deux formes
principales : 1b) des protéines et glycoprotéines (gp) solubles, sécrétées
par des cellules de l’immunité ou participant à l’immunité, et 2b) des
molécules exportées à la membrane des cellules de l’immunité et servant
de récepteurs à d’autres molécules, qui sont soit des molécules sécrétées
par des cellules de processus immunitaires, soit des molécules extérieures
à ces processus. Les tableaux IV, V et VI résument cette présentation.
Tableau V : Les cellules de l’immunité proprement dites
Les cellules Les cellules Les globules blancs (leucocytes)
de l’immunité de la phagocytose dits polymorphonucléés (ex
de première polynucléaires).
ligne, Les cellules de La plupart des globules blancs et
dite immunité l’inflammation principalement les
innée ou polymorphonucléés (granuleux ou
naturelle neutrophiles, basophiles et
éosinophiles) sanguins, les
mastocytes et les macrophages
tissulaires, les plaquettes
sanguines, certaines cellules
dendritiques, des cellules des
surfaces cutanées, muqueuses et
vasculaires, et certains
lymphocytes appelés non
conventionnels (sans récepteur
dédié à l’antigène).
Les cellules Les cellules tueuses naturelles
cytotoxiques (Natural Killer ou NK) mais aussi
des leucocytes
polymorphonucléés, des
macrophages et des
lymphocytes T non
conventionnels.
Les cellules de la Les fibroblastes, les plaquettes
réparation sanguines, les cellules
tissulaire endothéliales vasculaires, les
cellules épithéliales de la peau et
des muqueuses, certains
lymphocytes T non
conventionnels.
Les cellules Les cellules dendritiques et dans
instruc- certaines circonstances des
trices des macrophages et certains
lymphocytes T de lymphocytes B mémoires ; dans
l’immunité les centres germinatifs des
adaptative (ci- ganglions lymphatiques, des
dessous), cellules cellules folliculaires dendritiques.
professionnelles
présentant les
antigènes (CPA
ou Antigen
Presenting Cells,
APC)
Les cellules Les lymphocytes T et les lymphocytes B
de l’immunité conventionnels, dotés d’un récepteur spécifique pour
de seconde l’antigène unique.
ligne,
dite immunité
adaptative
(spécifique)
1. Les prions sont des agents transmissibles non conventionnels (ATNC), en fait des protéines
anormales forçant à de nouveaux modèles de plissements des protéines normales adjacentes,
formant des dépôts anormaux particulièrement pathogènes sur le tissu nerveux ; on connaît les
prions de la maladie de la vache folle, ceux de la maladie de Creutzfeld-Jacob, avec son variant
familial et son nouveau variant identique à la maladie de la Vache folle, mais il existe des dizaines
de variétés animales, dont certains transmissibles à l’homme et d’autres non.
2. Une protéine hétérologue ou recombinante est une protéine produite par une cellule dont le
matériel génétique a été modifié par recombinaison génétique. Un gène codant une protéine
d’intérêt est introduit dans le génome de l’espèce productrice (bactéries, cellules mammifères en
culture, animaux transgéniques, etc.). Les protéines recombinantes peuvent être purifiées et
utilisées à des fins thérapeutiques, industrielles ou bien encore pour les activités de recherche.
3. On parle aussi de cellules homologues ; il s’agit de cellules issues de dons dans la même espèce
(les expositions à des cellules hétérologues dans des espèces différentes ne se font plus mais se
sont faites durant des décennies).
4. Des cellules autologues sont des cellules prélevées chez une personne et qui lui sont réinjectées
soit après conservation au froid ou congélation (transfusion), soit après une modification dans un
laboratoire de thérapie cellulaire.
5. Un métabolite médicamenteux est le produit de la dégradation d’une molécule qui est une
prodrogue et qui – grâce à des activations dont les activations enzymatiques en particulier dans le
foie ou dans les mitochondries des cellules – se transforme en une ou plusieurs voire des dizaines
d’agents bioactifs, en général porteurs de l’effet thérapeutique.
6. D’après l’acronyme anglais Biological Response Modifiers. J’utilise souvent cette appellation
collective d’outils car elle permet de bien comprendre les enjeux en particulier cliniques de
l’immunité et de l’inflammation. Sur le plan chimique, cela correspond à des entités différentes
cependant.
CHAPITRE 7
L’immunité naturelle,
encore appelée innée
■ « Le normal et le pathologique5 »
Faire la part des choses entre le normal et l’anormal (le pathologique) est
à la fois un des points les plus astucieux du fonctionnement du système
immunitaire et un des plus difficiles à appréhender ; d’ailleurs, cet état de
fait a longtemps été ignoré. Ignoré est le bon mot, puisque longtemps on a
pensé que le tube digestif par exemple, ignorait l’arrivée d’aliments en
tant qu’objets externes, les lisant comme des substances inertes justement
ignorées. Cette lecture ne pouvait pas rendre compte par exemple des
allergies. Elle ne pouvait pas rendre compte non plus de ce qui s’opérait
au niveau de la charge microbienne muqueuse, pour partie normale ou
commensale (celle qui dégrade les aliments et qui protège la lumière du
tube digestif) et pour partie anormale ou occasionnelle, occasionnée par
une manœuvre non hygiénique.
seraient davantage
immunostimulantes que les
DC résidentes dans les tissus
périphériques.
Les DC Elles représentent une
plasmacytoïdes, population plus homogène
pDC que les mDC. Ce sont de
petites cellules rondes de 8 à
10 µm de diamètre
présentant un cytoplasme
volumineux par hypertrophie
de leur réticulum
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
endoplasmique (RE) et de
leur appareil de Golgi. Elles
doivent leur nom à leur
ressemblance avec les
plasmocytes. À l’état
immature, ce sont des
cellules circulantes du sang
périphérique. Après
stimulation elles changent de
morphologie et ressemblent
alors à des DC matures
typiques (présence de
dendrites, expression du
CMH mais aussi de
molécules de co-stimulation
et sécrétion de cytokines).
Elles sont également
capables de migrer vers les
organes lymphoïdes
secondaires et vers les sites
d’infection. Au vu de leur
capacité de présentation
d’antigène et d’activation des
lymphocytes T naïfs, les pDC
appartiennent bien à la
famille des DC. Lors
d’infections (virales en
particulier), les pDC
présentent la propriété
originale de sécréter de
grandes quantités d’interféron
(IFN) alpha présentant des
propriétés effectrices
essentielles à la réponse
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
antivirale.
Monocytes Les monocytes ont deux
fonctions principales dans le
système immunitaire : (1)
reconstituer les macrophages
résidents dans les états
normaux et les cellules
dendritiques Mo-DC dans les
états d’infection, et (2) en
réponse aux signaux
Monocytes (sang) inflammatoires, se déplacer
et macrophages rapidement (environ 8-
(tissus) 12 heures) vers les sites
d’infection.
Macrophages – Phagocytose
– Cytotoxicité directe et
indirecte
– Inflammation
– Présentation de l’antigène
aux lymphocytes T dans le
contexte d’une restriction
CMH/HLA adaptée
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Cellules cutanées et Kératinocytes Les kératinocytes de la peau
muqueuses exercent une activité de
gardiens de l’immunité de la
peau, en étant fortement
réactives aux stress, en
particulier physicochimiques
(UVA, UVB) et en sécrétant
d’abondantes quantités d’IL-
1. Les kératinocytes sont très
réactifs çà la substance P, un
neuropeptide, qui induit leur
sécrétion de médiateurs de
l’inflammation et de type
allergique.
Cellules Elles ont au niveau de la
épithéliales muqueuse un rôle
muqueuses relativement similaire à celui
des cellules épithéliales de la
peau, jouent un rôle global de
protection et de réponse aux
stress.
Elles reçoivent, en
intercalation, des cellules du
système immunitaire
lymphoïde muqueux ou MALT
(Mucosae Associated
Lymphoïd Tissue) et des
cellules spécialisées (cf. ci-
après).
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Cellules Une cellule caliciforme ou
caliciformes cellule en gobelet, parfois
(en gobelet ; dénommée aussi cellule à
Goblet Cells) mucus, cellule muqueuse à
pôle apical ouvert ou cellule
mucipare est une cellule
spécialisée dans la synthèse
du mucus. Ces cellules
épithéliales glandulaires
sécrètent de la mucine
empaquetée dans les
granules de sécrétion stockés
au pôle apical, puis libérée
dans la lumière intestinale
pour former le gel de mucus.
Elles bordent les glandes
exocrines ou composant en
partie les épithéliums
absorbants, comme celui de
l’intestin et des voies
respiratoires supérieures sauf
la partie profonde du
poumon), certains tissus
d’organes reproductifs et
enfin dans la conjonctive de
la paupière supérieure.
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Cellules Ces cellules sont connues
épithéliales pour initier des réponses
et glandulaires d’immunité muqueuse sur la
des membrane apicale des
muqueuses : cellules M et permettre le
Cellules M transport de microbes et de
(Microfold) particules à travers la couche
de cellules épithéliales de la
lumière intestinale à la lamina
propria où des interactions
avec les cellules immunitaires
peuvent avoir lieu.
Contrairement à leurs
voisines, les cellules M ont la
capacité unique d’absorber
les pathogènes de la lumière
de l’intestin grêle via
l’endocytose, la phagocytose
ou la transcytose. Les
pathogènes sont délivrés aux
cellules présentatrices
d’antigène. Les cellules M se
différencient des autres
cellules épithéliales par
l’absence de microvillosités ;
elles ont des jonctions
cellulaires serrées, et en cela
contribuent à la ligne de
défense entre le contenu
intestinal et le système
immunitaire de l’hôte.
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Autres cellules Plaquettes – Capture d’agents
sanguines pathogènes par des ligands
de type PRR, des récepteurs
pour les fragments Fc des Ig
et pour des fractions du
complément
– Réponse pro-inflammatoire
dominante et
accessoirement anti-
inflammatoire
– Cicatrisation et rôle
trophique sur les
endothéliums et les
épithéliums
– Interaction avec les PMNC
dans la lutte contre les
bactéries
Types cellulaires Cellules Fonctions principales
Fibroblastes – Rôle protecteur contre la
constitution d’athéromes, via
la métabolisation du
cholestérol. Les fibroblastes
interviennent dans le
métabolisme des
lipoprotéines (LDL) et du
cholestérol et dans les
échanges dans les
interfaces cellulaires avec
les environnements.
– Renouvellement du
collagène et des protéines
des fibres grâce à leur
fabrication et aussi leur
destruction assurées par des
métalloprotéases
(collagénases et protéases).
Ce sont des cellules qui vont
sécréter la matrice
extracellulaire, c’est-à-dire
les protéines qui forment les
fibres du tissu conjonctif et
vont sécréter les
glycoprotéines de la
substance fondamentale.
– Défense anti-infectieuse et
antivirale par la sécrétion de
facteurs chimiotactiques
(MCP, MIP) et d’interféron β.
Etc.
■ « Hameçons et poissons »
D’une façon générale, les structures d’accroche sont donc des
« récepteurs » et les structures accrochées sont appelées des « ligands ».
La figure 10 illustre comment une bactérie est détectée par son LPS et
comment elle se lie à un phagocyte qui exprime plusieurs détecteurs de
LPS à sa surface (dont le TLR4) et aussi un détecteur pour la flagelline
des flagelles bactériennes (le TLR5).
Figure 10 : Capture d’une bactérie grâce à son attachement par des
détecteurs de signaux de danger et phagocytose
À côté de ces grandes familles de récepteurs de signaux de danger, on
peut ranger un arsenal d’autres récepteurs qui peuvent capturer des agents
infectieux ; ces récepteurs ne font pas partie du même registre en étant
beaucoup plus spécialisés et, de ce fait, restreints dans leurs activités et
fonctions, mais ce faisant ils participent cependant à la même lutte contre
des agresseurs exogènes, et ils déclenchent des mécanismes cellulaires
très proches de ceux déclenchés par les capteurs de signaux de danger
proprement dits. Ces récepteurs-là sont :
• les récepteurs pour les immunoglobulines (Ig) situés à la partie caudale
dite C-terminale des immunoglobulines, partie non spécifique
d’antigènes ; ces récepteurs sont appelés FcR pour récepteurs de la partie
Fc des immunoglobulines (figure 11). Ces récepteurs sont déployés à la
surface d’un très grand nombre de cellules de l’immunité ou participant à
l’immunité. En capturant une immunoglobuline dans leur
environnement, ces récepteurs FcR rapprochent de la cellule une bactérie
ou un virus immobilisé par les immunoglobulines de par leur fonction
anticorps (reconnaissance d’un antigène bactérien ou viral) ; la cellule
d’attachement peut alors entamer un processus d’élimination par
phagocytose ;
Figure 11 : Schématisation de la liaison entre une immunoglobuline
et un récepteur cellulaire
■ La phagocytose
La phagocytose est la capacité de certaines cellules d’ingérer des
particules solides inertes, infectieuses ou cellulaires d’une taille inférieure
à celle du phagocyte et en général supérieure à 0,5 µm ; cette fonction se
distingue de l’endocytose par le fait que la phagocytose est induite par un
contact avec cette particule solide, contact qui déclenche une perception,
un signal de la cellule phagocytaire, une incitation à phagocyter. Cette
fonction cellulaire essentielle a été décrite à la fin du XIXe siècle par Elie
Metchnikoff, déjà évoqué dans cet ouvrage, qui l’avait observée et décrite
dans un modèle de physiologie animale ; cela a été ensuite validé en
physiologie humaine. Chez les mammifères, la phagocytose est
essentiellement assurée par des leucocytes, au premier rang desquels les
cellules polymorphonucléées (polynucléaires) neutrophiles, les
macrophages et dans une certaine mesure par certaines cellules
dendritiques ; les neutrophiles et les macrophages sont en général
considérés comme des professionnels de la phagocytose. Cela étant,
d’autres types cellulaires peuvent se révéler des phagocytes occasionnels
comme certaines cellules épithéliales et endothéliales ou des fibroblastes.
La phagocytose classique est celle représentée dans les figures 10 et 12
(cf. supra), en calice ou en coupe, au cours de laquelle des accrochages
entre des pathogènes recouverts de complexes immuns sont
progressivement englobés par des bras émis pour ce faire ; des
mouvements de la membrane du phagocyte sous forme de rides (shuffles)
permettent de recouvrir la cible. Une alternative est la phagocytose sans
protrusions membranaires au cours de laquelle les pathogènes semblent se
couler dans le phagocyte, après des rapports de liaisons électrochimiques
simples. La durée du processus dépend du pathogène et de la présence de
facteurs d’appétence comme de complexes immuns en particulier, qui
opsonisent la cible.
Le déroulement de la phagocytose est découplé de la façon suivante : une
adhésion (du pathogène), l’ingestion, et la digestion. L’adhésion s’effectue
l’attraction entre les partenaires via des couples de reconnaissance, le
signal reconnu sur le pathogène et le détecteur de ce signal ; les récepteurs
qui détectent les cibles ont été largement répertoriés par ailleurs (on
rappelle qu’il s’agit de façon privilégiée des Pathogen Reconition
Receptors dont les TLR, les récepteurs pour le fragment Fc des
immunoglobulines à fonction d’anticorps ou FcR, et des récepteurs pour
des fragments du Complément ou CR). L’adhésion qui suit cette étape
« 0 » s’effectue via des tandems de lectines et de sucres, nombreux sur les
deux structures, qui font comme une espèce d’attache agrippante33 entre
les partenaires. Tout cela déclenche une mécanique interne à la cellule, qui
réorganise les structures de soutien de sa membrane et permet la création
d’une large vacuole autour de la particule absorbée, qui invagine alors de
la membrane à laquelle vient s’adjoindre – ou non selon le type de
phagocyte – la membrane de structures internes que sont les endosomes
(et du réticulum endoplasmique). Suit alors la phase de digestion, qui peut
être de trois types : le déversement de lysosomes par des canaux créés
pour l’occasion forme un phagolysosome propice à l’action d’enzymes de
dégradation (nombreuses en particulier dans les granules des
polynucléaires neutrophiles) ; ou encore l’agent – infectieux – ingéré
résiste à l’action de ses enzymes et persiste dans la cellules, qui peut
trouver d’autres mécanismes pour en limiter la pathogénicité (certains
agents inertes difficilement dégradables se trouvent aussi dans ce cas, le
pathogène ira ainsi s’accumuler dans l’organe « cimetière » de la cellule
phagocytaire (rate, poumons) ; ou encore l’agent ingéré – infectieux –
profite de ce milieu somme toute protégé pour s’adapter et se multiplier,
et – lorsqu’il aura fait éclater la cellule phagocytaire – disséminera son
potentiel infectieux. Quelques exemples illustratifs sont donnés sur le
tableau XIII.
Dans la plupart des cas, le phagocyte augmente considérablement sa
consommation en oxygène et génère des formes actives de l’oxygène,
toxiques (H2O2 ou eau oxygénée, radicaux OH•, 0-) ; ceux se dissocier de
l’azote pour produire des dérivés nitrés également toxiques (monoxyde de
carbone CO ou monoxyde d’azote NO en particulier).
Tableau XIII : Exemples d’échappement bactériens à une phagocytose
réussie
(permettant l’élimination de l’agent pathogène)
Listeria spp34., Legionella spp.,
Empêchent la fusion
Chlamydia spp., Mycobacterium
des lysosomes
tuberculosis, Toxoplasma spp
Survie dans le phagolysosome Salmonella spp.
Sortie du phagosome permettant Listeria spp., Shigella spp.
la survie et la multiplication
dans le milieu extérieur
La digestion – lorsqu’elle est produite – est ou bien complète, ou bien
incomplète ; les polynucléaires ou bien digèrent complètement ou bien
échouent, mais ne peuvent pas poursuivre leur aventure cellulaire ; ils
meurent après une phagocytose, et le plus souvent l’agent ingéré avec lui,
mais pas toujours s’il a pu persister dans le phagolysosome. Les
macrophages (tissulaires) et les cellules dendritiques peuvent quant à elles
favoriser les éliminations incomplètes, en dégradant les pathogènes en
petits peptides d’une dizaine à vingtaine d’acides aminés, destinés à se lier
à une molécule pré-HLA en situation intracellulaire pour être ensuite
exportés, ensemble avec la molécule HLA, à la surface du phagocyte qui
se transforme en cellule présentant (professionnellement) un antigène à un
lymphocyte T bien particulier (cela sera détaillé dans les chapitres IX et X
de cet ouvrage).
■ La cytotoxicité
Certaines cellules ont la capacité de tuer d’autres cellules pour défendre
l’organisme ; cela peut se faire dans les deux types d’immunité, innée et
adaptative. Dans les deux cas, les cellules responsables ont deux façons de
tuer, directement par contact mortel, et indirectement c’est-à-dire en
utilisant une arme, en l’occurrence un anticorps ; ces cellules ont aussi
deux modus operandi, l’induction soit d’une apoptose, soit d’une
nécrose35 (tableau XIV).
Tableau XIV : Les principales différences entre les mécanismes de mort
cellulaire par apoptose et par nécrose
Apoptose, mort cellulaire Nécrose, mort cellulaire
programmée provoquée, prématurée
Étrécissement du cytoplasme puis Œdamation du cytoplasme suivi
condensation du noyau de l’œdémation des
mitochondries puis lyse
cellulaire
Phénomène physiologique naturel Phénomène pathologique
déclenché par une cause
extérieure
Agrégation de la chromatine Pas de changement au niveau
de la chromatine
Apoptose, mort cellulaire Nécrose, mort cellulaire
programmée provoquée, prématurée
Fait intervenir le système des Les Caspases n’interviennent
Caspases pas
Phénomène localisé, cellule par Phénomène tendant à se
cellule généraliser de proche en
proche
Phagocytose par des phagocytes Phagocytose seulement par
professionnels et par des cellules des phagocytes professionnels
de l’environnement
En général bénéfique quoique Toujours pathologique
puisse participer de processus
pathologiques en certaines
circonstances
La fragmentation de l’ADN La fragmentation de l’ADN
précède la lyse cellulaire succède à la lyse cellulaire
Contribue à la régulation du Sollicite toujours l’intervention
nombre de cellules dans du système immunitaire et
l’organisme (homéostasie) inclus dans un processus de
défense
Un certain nombre de cellules de l’immunité innée sont équipées de
récepteurs pour le fragment Fc des immunoglobulines (FcR) et en
particulier IgG (FcgR) et IgE (FceR). Les cellules tueuses naturelles ou
Natural Killer (NK) expriment le récepteur le mieux configuré pour
utiliser leur FcgR et l’IgG qui s’y est liée pour aller se positionner – par
effet missile, guidé par la reconnaissance par l’Ig qui a une fonction
anticorps – sur la cible qui exprime l’antigène correspondant, tumoral ou
infectieux (intracellulaire). D’autres cellules que les NK peuvent aussi
exercer cette action commando, à savoir les polynucléaires neutrophiles
armés d’IgG, les basophiles armés d’IgE, les éosinophiles armés d’IgE,
les macrophages armés d’IgG) et même les plaquettes armées d’IgG et
d’IgE. Le pontage entre l’attaquant et la cible induit chez l’attaquant
l’activation d’un programme d’excrétion (par exocytose) de produits
lytiques dont les têtes de pont sont la perforine et la granzyme, induisant
la nécrose, mais aussi la stimulation de l’expression d’une molécule test
(Fas-Ligand) qui – en s’apposant à son contre-récepteur sur la cellule
cible (Fas), va induire l’apoptose de cette cellule. La perforine ressemble
au complexe C9 du complément et elle aide à « trouer » la cellule cible ;
la granzyme va pénétrer les canaux générés par l’action de la perforine et
va aller – par une voie dite des caspases, des enzymes bien particulières –,
fragmenter l’ADN nucléaire, activant le programme de mort de la cellule
c’est-à-dire l’apoptose. Le mécanisme de mort par nécrose va relarguer de
fortes quantités de matériel pro-inflammatoire et – s’il s’agit d’une cellule
infectée –, de fortes quantités aussi de matériel infectieux ; l’apoptose,
elle, ne s’associe à aucun effet pro-inflammatoire ni n’autorise d’émission
de particules infectieuses (figure 15). Cette action de cytotoxicité
indirecte, armée par un anticorps, s’appelle en anglais l’ADCC pour
Antibody Dependent Cell-mediated Cytotoxicity ou cytotoxicité à
médiation cellulaire dépendante des anticorps. Il s’agit d’un système
indépendant du système du complément ; le complément quant à lui peut
effectuer une lyse cellulaire sur une cellule sensibilisée par un anticorps,
ce qui double les chances d’être efficace.
Figure 15 : Exemples de mécanismes de cytotoxicité
L’inflammation
D’après Hippocrate…
L’inflammation n’est pas qu’un symptôme clinique. Une très grande
proportion de consultations médicales a une manifestation inflammatoire
comme motif principal, tant chez le spécialiste de médecine générale (ou
de médecine interne) que chez le spécialiste d’organes ; les symptômes de
l’inflammation sont connus depuis les temps antiques ; la médecine
hippocratique les a systématisés dans la fameuse formule : Dolor – Tumor
– Rubor – Calor (douleur, tuméfaction [tumeur], rougeur et chaleur
[fièvre]). Qui a déjà eu un panaris, une crise de goutte, une angine, etc.
comprend bien de quoi il s’agit.
■ Déroulement
On l’a vu, une des caractéristiques cliniques de l’inflammation est de
générer entre autres une rougeur et un gonflement (œdème) ; ces deux
symptômes attestent qu’il s’est passé quelque chose qui relève de la
circulation. Dans le chapitre précédent, on a longuement évoqué des
passages de cellules et de leurs produits de sécrétion d’un compartiment à
l’autre de l’organisme, selon des gradients d’attraction ; cela atteste aussi
de l’importance des canaux (vasculaires et lymphatiques) dans ces
réponses de défense immunitaire. L’inflammation est un moment
pédagogique pour aborder à présent ces aspects vasculaires.
• Les aspects vasculaires de l’inflammation
Les trois temps de la coagulation et l’inflammation
La phase vasculaire ou vasculo-exsudative est la réponse immédiate de
l’organisme lésé en particulier au niveau de la peau, mécanisme de
défense destiné à contenir le dommage et à empêcher la fuite excessive de
fluides internes dont le sang et la lymphe. Pour cela, l’organisme met en
place une coagulation, appelée hémostase. La blessure cutanée et
vasculaire (ce peuvent être seulement des vaisseaux capillaires qui sont
blessés) ; cette hémostase aboutit à la formation d’un clou ou d’une croûte
qui va isoler le tissu lésé du reste de l’environnement. Ce qui est vrai pour
les tissus externes est aussi vrai pour les tissus internes et les plus gros
vaisseaux, qui s’usent avec la circulation sous pression sanguine et
nécessitent des réparations permanentes par la coagulation ou hémostase.
L’hémostase comprend trois étapes principales : 1) l’hémostase primaire
qui comprend le spasme vasculaire (la contraction des vaisseaux pour
limiter les fuites), le recrutement et l’adhésion des plaquettes sur les
parois du vaisseau, et l’agrégation des plaquettes entre elles pour former
le clou plaquettaire lequel bouche la brèche puis la comble et la répare ;
2) la coagulation proprement dite ou hémostase secondaire, qui renforce
le clou plaquettaire et emprisonne dans un réseau de fibrine les plaquettes,
des globules rouges et des globules blancs ; 3) la fibrinolyse qui limite
l’extension du caillot (comme on peut le voir dans certaines maladies qui
aboutissent à la formation de très longs caillots qui se détachent et vont
boucher une artère coronaire ou cérébrale) en dissolvant le réseau de
fibrine.
La phase vasculaire
Cette phase vasculaire est déclenchée par l’action de médiateurs
chimiques, avec : 1) la libération d’amines vaso-actives préformées par
les mastocytes (histamine et sérotonine) ; 2) l’activation de protéines
plasmatiques inactives (facteur XII ou facteur Hageman, bradykinine,
kallikréine, complément) ; et 3) la sécrétion de médiateurs lipidiques
(prostaglandines dont prostacycline, leucotriènes, facteur d’activation
plaquettaire [PAF]).
Cette première phase vasculaire comporte elle-même deux principaux
phénomènes :
• une congestion active : sous l’influence de médiateurs chimiques, les
cellules endothéliales (formant la paroi interne des vaisseaux sanguins)
s’activent. Cela entraîne une vasodilatation locale artériolaire puis
capillaire qui provoque une augmentation de l’apport sanguin et une
diminution de la vitesse du flux sanguin. Ce gonflement local des
vaisseaux sanguins est responsable de la rougeur et de la sensation de
chaleur. Il a pour but d’augmenter la circulation du sang afin d’évacuer
les cellules mortes et les toxines (détersion), et d’apporter les éléments
nécessaires à la guérison, notamment des globules blancs pour lutter
contre les éléments agresseurs étrangers ;
• l’afflux de cellules inflammatoires dont les leucocytes qui se dirigent de
façon unidirectionnelle vers le lieu de l’inflammation, c’est le
chimiotactisme. Ces leucocytes qui ont tendance à quitter le milieu du
courant dans la région inflammatoire pour s’accoler à la paroi de
l’endothélium du vaisseau : c’est ce qu’on appelle la margination. Cette
margination est le fait des molécules d’adhésion (comprenant
principalement les molécules portant le suffixe de -CAM, les intégrines
et les sélectines). Parallèlement à la congestion active, les cellules
endothéliales, activées, expriment des molécules d’adhésion (nécessaires
à la diapédèse12) tandis que le vaisseau devient plus perméable
permettant l’exsudation par osmose de l’eau vasculaire, plasmatique,
vers les tissus, ce qui provoque l’œdème.
L’œdème inflammatoire
L’œdème inflammatoire est la conséquence du passage du plasma (plus
précisément d’un exsudat) dans la zone lésée. Il se traduit par un
gonflement du tissu touché et comprime les nerfs alentour provoquant la
sensation douloureuse et les démangeaisons.
Cet œdème a plusieurs rôles : il permet l’apport jusqu’à la lésion de
moyens de défense (immunoglobulines, molécules anti-infectieuse
naturelles, protéines du complément, etc.), la dilution de l’agent
pathogène et la limitation du foyer inflammatoire.
La phase vasculaire
La diapédèse leucocytaire est, on le rappelle, le phénomène permettant le
passage des leucocytes de la circulation capillaire jusqu’au foyer de
l’inflammation. On peut distinguer trois étapes différentes :
1. La margination des leucocytes sur la paroi vasculaire, c’est-à-dire leur
attachement grâce aux « velcros » moléculaires entre les molécules
d’adhésion surexprimées par les leucocytes activés, et surexprimées
également par les endothéliocytes ;
2. Le roulement (Rolling) des leucocytes sur les cellules endothéliales
vasculaires ; libérant leurs tandems d’attachement, les leucocytes se
précipitent sur les molécules libérées de proche en proche, comme on
grimpe une paroi…
3. La diapédèse elle-même, dirigée par des signaux de perte de roulement
et d’induction de franchissement de la paroi13.
• La phase cellulaire proprement dite
La phase cellulaire fait suite à la diapédèse, lorsque les leucocytes sont
amassés dans le tissu interstitiel. Elle correspond à la formation du
granulome inflammatoire. Ce granulome participe à la détersion par les
cellules phagocytaires (granulocytes et macrophages) des éléments de la
réponse inflammatoire, jusqu’à complet nettoyage, avec cependant la
possibilité qu’une partie des débris générés ne soient pas éliminés comme
déchets à l’extérieur des cellules phagocytaires mais conservés sous forme
de polypeptides pour instruire l’immunité adaptative au travers de la
présentation des antigènes.
• La résolution de l’inflammation
L’inflammation bien contrôlée est une réponse normale de l’organisme
qui naît, s’amplifie et s’éteint. Elle est consécutive à une agression interne
(comme un cancer) ou externe (comme une infection). Lorsque le corps
n’arrive plus à maîtriser l’inflammation, celle-là peut déclancher des
maladies diverses aussi diverses que le diabète, les maladies vasculaires
par dépôts de plaques d’athérome, le cancer, etc.
Des efforts importants ont été déployés pour comprendre les mécanismes
moléculaires inflammatoires afin d’en limiter les effets délétères au long
terme, étant entendu que l’inflammation n’est pas que délétère, elle a
également ses effets bénéfiques dans la lutte contre les agressions (« le
Yin et le Yang »).
En effet, c’est une inflammation de trop longue durée ou trop intense qui
expose l’organisme aux effets délétères sur l’organe où elle siège et
potentiellement entrave sa fonction. Les mécanismes de la phase
d’initiation de l’inflammation sont maintenant bien compris. En revanche,
les mécanismes de la phase d’arrêt de l’inflammation n’étaient jusque
récemment pas très bien connus. Des travaux assez récents, ont permis de
comprendre cette phase appelée résolution. De façon tout à fait étonnante,
se mettent en place des molécules collectivement dénommées SPM
(Specialized Pro-resolving Mediators) dont l’objet est de résoudre la
phase aiguë. Ces SPM sont – comme les médiateurs de l’inflammation –
issus des lipides ; en l’occurrence, ils sont issus des acides gras
polyinsaturés, comme les Omega-3, ce que la nutrition avait
préalablement anticipé (!).
Ces acides gras qui donnent naissance aux SPM sont l’acide
arachidonique (AA), l’acide docosahexahenoique (DHA), l’acide
eicosapentaénoique (EPA) et l’acide docosapentaénoique (DPA). Ainsi
l’AA va donner naissance aux lipoxines, l’EPA au résolvines de type E, le
DHA aux résolvines de type D, aux marésines, aux protectines et le DPA
aux résolvines de la famille n-3.
Dans certains cas, le corps ne produit pas ces molécules en quantité
suffisante ou au bon moment. L’arrêt de l’inflammation est alors altéré et
peut s’accompagner de complications telles que la fibrose ou des
cicatrices anormales, ou perdurer de façon chronique sous forme de
granulomes persistants ou de kystes.
De nombreux travaux ont ainsi permis de mieux comprendre la finesse
des mécanismes mis en place naturellement par notre organisme et de
démontrer que les réponses inflammatoires chroniques semblent être dues
à un défaut de résolution. Cela constitue un changement de paradigme
dans la façon dont on appréhende l’inflammation clinique.
À la faveur de ces découvertes, l’enjeu pour arrêter l’inflammation n’est
donc plus de la bloquer, mais de la réguler en favorisant sa phase de
résolution. Ce nouveau champ de recherches porte le nom de
pharmacologie de la résolution. Les SPM agissent de façon différente des
anti-inflammatoires classiques et représentent donc une alternative
thérapeutique très prometteuse pour arrêter de façon programmée
l’inflammation sans la bloquer, en contrebalançant l’effet des médiateurs
pro-inflammatoires, en diminuant la pénétration des cellules
polymorphonucléées dans les tissus inflammés, en stimulant la
phagocytose, en atténuant la douleur et en favorisant la régénération des
tissus. Les SPM sont synthétisés au niveau du site inflammatoire et
passent dans la circulation sanguine pour exercer leur activité à distance.
En permettant un arrêt programmé de l’inflammation, ils évitent l’excès
de fibrose d’une mauvaise cicatrisation et favorisent les capacités de
défense de l’organisme. De façon intéressante, ces agents sont non-
immunosuppresseurs.
1. Voir la communication à l’Académie des Sciences de MM. les Pr P. Bégué, M. Girard, H. Bazin et
J.F. Bach : http://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2013/10/adjuvants-vaccinaux-
rapport-ANM1.pdf.
2. Une fébricule est une augmentation modeste de la température corporelle (par exemple un 37°8 à
38°C persistant quelques jours ou plus).
3. La fièvre en elle-même est un mécanisme de défense de notre organisme pour lutter contre le
développement des principaux agents infectieux viraux et bactériens, et contrôler cette température
– si elle n’est pas dans la zone dangereuse pour le tissu cérébral en particulier – n’a donc pas que
des intérêts.
4. La douleur est aussi un mécanisme de défense qui alerte l’individu sur les risques en train de
subvenir ; les personnes insensibles à la douleur présentent en général de graves destructions
tissulaires car elles n’ont pas été alertées des dangers encourus ; mais ici, en l’occurrence, l’intérêt
de conserver un seuil douloureux n’a plus d’intérêt en médecine et on n’accepte plus la douleur
comme étant ni nécessaire, ni inéluctable.
5. Il convient d’être prudent.
6. Le BCG pour Bacille (bilié) de Calmette et Guérin est le vaccin ancien contre la tuberculose
humaine, une maladie infectieuse transmissible, grave, causée par une mycobactérie. Les
mycobactéries sont des bactéries d’un type particulier, se présentant comme des bacilles fins plus
ou moins recourbés, ne se colorant ni à l’acide ni à l’alcool d’où leur ancienne qualification
d’acido-alcoolo résistants ou BAAR négatifs, et qui ont comme caractéristiques d’être enveloppées
par une couche cireuse protectrice qui leur confère des propriétés particulières. Les mycobactéries
sont des hôtes des cellules (intracellulaires) la plupart du temps mais de façon non obligatoire.
7. L’auteur a lui-même contribué à un essai clinique de ce type dans les années 1980.
8. Aux éditions Docis, Paris (2017).
9. On aurait pu ajouter aussi l’application du BCG à la fois pour traiter et prévenir la lèpre (causée
par un bacille assez proche de celui de la lèpre dans sa constitution), puisque cela fut tenté un
temps également.
10. Dr Philippe Charlier, éditeur.
11. Aux éditions Humensis, Paris (2021).
12. La diapédèse est la migration des leucocytes à travers la paroi des capillaires, lors d’un processus
inflammatoire.
13. D’intéressantes vidéos peuvent être consultées sur le site : https://www.news-medical.net/life-
sciences/Acute-Inflammation-and-the-Leukocyte-Adhesion-Cascade-(French).aspx.
CHAPITRE 9
L’immunité de transition, de
la phase innée à la phase
adaptative : le système HLA
■ Et après ?
La délivrance du signal antigénique au lymphocyte T est une lance à
double face : 1) sans co-activation, elle entraîne une anergie – une
paralysie – du lymphocyte pour cet antigène ; 2) mais avec des co-signaux
délivrés par la CPA et l’environnement dans lequel s’est déroulée la
rencontre (le bal), le lymphocyte sensibilisé peut progresser et devenir un
effecteur (ce qui sera détaillé au chapitre suivant). La CPA ne va pas
repartir comme elle est venue car elle a vécu une expérience qui a modifié
en elle le programme de sécrétion de molécules, de l’expression de ces
molécules à la membrane de la cellule activée, ou leur excrétion dans
l’environnement ; la cellule va tout d’abord ré-internaliser les molécules
qui ne sont plus nécessaires à l’instant, dont les molécules HLA chargées
de peptides antigéniques non utilisées, afin de les recycler en vue d’un
nouveau bal.
HLA : système, molécules, antigènes… il faudrait
savoir !
■ Le HLA, Quèsaco23 ?
L’acronyme HLA vient de Human Leukocyte Antigen, c’est-à-dire
Antigène Leucocytaire Humain. C’est ainsi sous cette forme que le
système qui porte ce nom a été identifié pour la première fois, mais ce
système s’est vite diversifié, à l’instar de ce qu’on avait découvert chez
les souris et de ce qui contrôlait le rejet de tumeurs greffées puis de tissus
sains. Chez la souris, c’est assez tôt au XXe siècle que des chercheurs de
renom ont identifié, chez des races de souris très homogènes, des
gouvernances génétiques du rejet des tissus et des immunisations,
permettant de définir le complexe majeur d’histocompatibilité CMH ; ce
système polygénique est gouverné par le système H2 chez la souris et
comprend plusieurs types. Chez l’homme, ce système – appelé HLA –
permet lui aussi le contrôle des greffes, mais plus largement également le
contrôle des réponses immunitaires. Il s’agit d’un système polygénique
mais dont les gènes sont proches les uns des autres et regroupés sur le bras
court du chromosome 6.
On parle souvent d’antigène HLA ; or, un antigène – on l’aura compris
des chapitres précédents et cela sera mieux explicité dans le chapitre
suivant – c’est ce qui déclenche une réponse immunitaire adaptative ; de
plus, on a également vu précédemment que le HLA c’était ce qui
présentait l’antigène aux lymphocytes T, pas l’antigène lui-même ! Il y a
là une certaine ambiguïté qui va vite être levée. Pour cela, il faut revenir à
l’histoire du HLA. Le professeur Jean Dausset était un clinicien à l’hôpital
Saint-Louis et un chercheur au centre national de transfusion sanguine à
Paris ; il avait remarqué que des sérums de sujets pauvres en leucocytes
agglutinaient les leucocytes d’autres personnes, identifiant par là un
groupe sanguin leucocytaire défini par des molécules immunisantes ; en
effet, les personnes porteuses du pouvoir agglutinant étaient des personnes
multi-transfusées, immunisées contre les leucocytes des différents
donneurs de sang. C’étaient bien en l’occurrence des antigènes, d’abord
nommés MAC, car le professeur Dausset avait constitué des panels de
donneurs et M-A-C étaient les initiales des premiers de la liste. Très vite,
le professeur Dausset a compris que ce système était bien plus complexe
qu’il n’y paraissait et qu’il gouvernait quelque chose du même ordre que
le système H2 de la souris. Il a été rejoint, dans une compétition qui a eu
ses bons et ses moins bons moments, par deux autres génies de la
médecine et de la science, que furent Jon van Rood des Pays-Bas et Rose
Payne des USA. Des trois, seul Jean Dausset a été lauréat du prix Nobel
de physiologie et médecine en compagnie des découvreurs du rôle du H2
chez la souris, George D Snell et Baruj Benaceraff (USA), en 1980. La
mention du prix au professeur Dausset pour sa récompense du prix Nobel
était « pour la découverte sur les structures génétiquement déterminées sur
la surface d’une cellule et régulatrices des réactions immunologiques ».
■ HLA et maladies
• Défaut d’expression des molécules HLA
Le défaut d’expression des molécules HLA de classe I, de l’ordre de 90 %
voire davantage, est rare ; c’est le syndrome du lymphocyte nu de type I
(Type I Bare Lymphocyte Syndrom, BLS) ; il est moins grave que le type II
pour la classe II et le type combiné I et II. Il résulte souvent d’un défaut
de transport lié aux molécules TAP.
• Anomalies liées aux gènes
Deux anomalies géniques au moins donnent lieu à des maladies
clairement associés aux gènes HLA, ce sont la narcolepsie et
l’hémochromatose héréditaire. Cette dernière résulte de mutations de
gènes HFE associés aux locus A de la classe I.
• Sensibilités aux infections
Le portage de certains allèles HLA a été clairement montré comme étant
un facteur de prédisposition à des maladies infectieuses comme le
paludisme (pas simplement l’aptitude à s’infecter mais davantage celle à
développer des formes sévères), le SIDA, l’hépatite C, et l’avenir proche
nous révélera sans doute bien des informations sur le spectre de
manifestations cliniques dans la Covid-19. La réponse à certains
traitements (médicaments) – cela a été montré pour l’infection par le VIH
– est aussi sous contrôle HLA.
• Sensibilité aux cancers
De la même façon, le portage de certains allèles HLA conditionne la
sévérité de certaines formes de cancers, et probablement aussi le passage
de formes inflammatoires chroniques et dysplasiques aux formes
cancéreuses de lésions. Comme pour certains antiviraux, le génotype
HLA pourrait conditionner des réponses à des antimitotiques.
• Sensibilisation aux complications transfusionnelles et de greffes
L’allo-immunisation, on l’a vu, est sous contrôle de génotypes HLA.
Avoir un phénotype (génotype) répondeur est un désavantage sélectif pour
les personnes exposées à des épisodes répétés de produits sanguins,
cellulaires et tissulaires d’origine humaine.
Dans le même ordre d’événement, la grossesse comprend plusieurs
moments critiques au cours desquels il peut y avoir de micro-injections de
cellules sanguines du fœtus vers la maman, avec le risque de l’immuniser.
Les immunisations dans les systèmes majeurs des antigènes des globules
rouges donnent lieu à des avortements spontanés avant les immunisations.
Depuis les politiques systématiques de prévention de l’immunisation
Rhésus, on rencontre moins de risques fœtaux pour ce groupe-là. En
revanche, l’immunisation contre des antigènes des plaquettes sanguines
du nouveau-né, hérités du père, sont fréquentes, difficiles à anticiper sur
les premières grossesses, et de modérées à graves voire très graves pour le
bébé à la naissance. Certains génotypes maternels HLA prédisposent très
significativement à faire des réponses adaptatives importantes avec des
anticorps toxiques pour les plaquettes des bébés30.
• Contrôle et pathologies des grossesses
La grossesse est elle aussi gouvernée sous plusieurs aspects par le
génotype HLA, pour provoquer une anergie relative des cellules
cytotoxiques désirant « faire leur job » c’est-à-dire éliminer les cellules
étrangères ou semi-étrangères comme celles du fœtus (au travers des
cellules Natural Killer). Le HLA G agirait comme un protecteur dans
cette situation physiologique de la grossesse.
• Sensibilité aux maladies auto-immunes
Très différente quoique souvent confondues avec l’association de gènes
(narcolepsie, hémochromatose héréditaire) la pathologie auto-immune est
souvent rencontrée chez des personnes ayant des allèles particuliers. Le
fait de posséder tel ou tel allèle est rencontré plus fréquemment dans le
groupe des personnes malades que le fait de ne pas l’avoir, jusqu’à 70 %
en plus. Cela ne signifie pas – contrairement à une idée répandue – que le
fait de posséder par exemple le l’allèle HLAB27 fait de la personne un
malade en puissance. Il s’agit d’un allèle parmi les plus répandus, et si
70 % des sujets masculins jeunes manifestant une spondylarthrite
ankylosante possèdent ce marqueur, la majorité des personnes HLAB27+
ne font pas de spondylarthrite ankylosante. Des sensibilités particulières
en association avec des génotypes HLA se rencontrent dans une grande
variété de maladies auto-immunes d’expression rhumatismale, digestive,
endocrine (diabète de type I), etc.
• Longévité et relations sociales
Des allèles candidats au contrôle de la longévité ont aussi été mis en
évidence. Le système HLA est un véritable gouvernail de la santé et de la
maladie, ce qui fait sens puisqu’il gouverne en grande partie le niveau des
réponses immunitaires.
Le système HLA contrôle aussi nos relations les uns avec les autres, et
probablement aussi notre désir d’accouplement en vue de la reproduction.
Là encore, dans une analyse purement mécanistique, cela fait sens car ce
système aide à discriminer le niveau de dangerosité et de réponses à
proposer pour évoluer. Il participe de la survie de l’espèce. Si on a vu
qu’il y avait des allèles se sensibilité aux infections et aux maladies, il
convient aussi d’indiquer que le génome HLA a évolué au cours des
millénaires pour permettre la survie de groupes à des épidémies
meurtrières comme l’ont été la peste, le choléra, la lèpre…
L’immunité adaptative
■ Le temps
Le temps de la mise en place de cette immunité est long. Un minimum de cinq jours est
nécessaire mais il faut plus souvent de sept à dix jours pour l’installer en moyenne4. En
revanche, sa durée peut être très longue, quoique variant considérablement en fonction de la
cible. On fait encore des hypothèses sur la durée de l’immunité (spécifique) anti-SARS-CoV-2,
en mois (?), alors que d’autres virus pourraient être immunisants à vie, comme au travers de la
vaccination contre la variole, et certaines protéines (toxines tétanique) immunisent sur des
dizaines d’années au moins. Les bactéries sont en général peu et mal immunisantes en revanche.
En résumé, cependant, l’immunité adaptative se joue sur le temps long, tant pour la protection
contre les agents infectieux que dans ses complications (autoanticorps, anticorps contre des
antigènes de groupes sanguins étrangers après transfusion ou grossesse, ou contre des antigènes
tissulaires après transplantation). Une transplantation d’organe impose dans la plupart des cas un
traitement immunosuppresseur à vie pour annihiler les réponses spécifiques antirejet.
■ L’action
L’action de l’immunité adaptative est – comme toujours en immunologie – coordonnée entre ses
différents effecteurs. Dans la pratique, on s’intéresse prioritairement à un versant qui est celui
des réponses en anticorps (la sérologie) car elle est facile à mesurer et piloter (monitorer) et on
en vient souvent à ignorer les étapes plus spécifiquement lymphocytaires T, en particulier dans
le domaine de l’infectiologie, de l’auto-immunité, de l’allergie et des complications de la
transfusion et des greffes et transplantations. En revanche, comme les réponses en anticorps sont
peu opérationnelles dans le rejet des tumeurs et le contrôle des cancers, c’est dans ce domaine
qu’on pense davantage aux opérateurs lymphocytaires T cytotoxiques ; récemment a été mise au
point une technique très prometteuse bien que sophistiquée et encore « inabordable » sur le plan
pécuniaire, la thérapie par CAR-T-Cells.
Les actions sont de trois ordres principaux : 1) l’activation des lymphocytes réactifs T et B avec
deux options, leur progression vers la différenciation dans la voie des effecteurs ou leur gel en
l’état, qui est aussi une réponse spécifique à l’antigène, et qu’on appelle l’anergie ; 2) la
production des outils cellulaires opérateurs, producteurs d’outils moléculaires le cas échéant ; 3)
l’orientation d’une partie de ces opérateurs vers la voie de la mémoire. Et ce, bien entendu, dans
le respect de leurs zones géographiques d’opérations.
Les acteurs
■ Les lymphocytes, des leucocytes à part
Les lymphocytes sont des cellules tout à fait extraordinaires. On dit qu’un grand patron parisien
– un de ces mandarins des années soixante – méprisait ses externes et internes peu motivés en
les traitant de « paresseux comme des lymphocytes ». Quel manque de clairvoyance ! Mais il
faut dire qu’à cette époque on ne voyait pas bien à quoi pouvaient servir ces cellules presque
sans cytoplasme et sans granulations, avec un gros noyau occupant tout l’espace. Il fallait
attendre les années soixante – soixante-dix pour que s’affine la théorie des récepteurs uniques et
du répertoire et celle de la clonalité pour que les diverses théories des réseaux (les humoralistes)
et celles des cellularistes se réconcilient. Les lymphocytes sont un exemple exceptionnel de
cellules qui rajeunissent et vieillissent plusieurs fois dans leur vie, se différencient et se
dédifférencient ; seul le plasmocyte – issue d’une des voies de la différenciation terminale des
lymphocytes B, producteurs des immunoglobulines à fonctions anticorps – sont à voie unique,
sans retour en arrière.
Pour compliquer ce qui n’était déjà pas simple, les lymphocytes ne sont pas tous T ou B, il en
existe qui sont à part, comme les cellules tueuses naturelles ou Natural Killer qui ont clairement
une filiation lymphocytaire mais possèdent des caractéristiques communes aux macrophages
sans être pour autant douées de macrophagie, et qui – en contrepartie – ne s’adaptent pas à
l’événement. D’autres lymphocytes dits non conventionnels ne possèdent pas de récepteur
canonique5 à l’antigène, le récepteur ab, mais des récepteurs d’autres types qui peuvent lier non
pas des peptides mais des lipides (en revanche, sans adaptation ni mémoire) ; d’autres
lymphocytes non conventionnels possèdent des « bizarreries » dans l’expression des molécules
CD4 ou CD8, leur conférant une activité intéressante dans l’immunité innée des muqueuses
mais pas celle des lymphocytes adaptatifs et spécifiques.
■ Les lymphocytes T
• T comme « Thymiques »
C’est à l’intérieur du thymus que les précurseurs lymphoïdes provenant de la moelle osseuse
terminent leur maturation pour aboutir à la formation de lymphocytes T matures et naïfs : le
terme de mature signifie que la cellule est équipée de tout ce qui lui est nécessaire pour être
engagée dans sa fonction (qui est de reconnaître un antigène et de répondre à cet événement) et
le terme de « naïf » signifie que la cellule n’a, en l’occurrence, pas encore rencontré « son »
antigène connexe. La plus grande part de l’activité du thymus a lieu in utero. Le thymus est
totalement mature à la naissance et a déjà produit un grand nombre de lymphocytes T naïfs. Le
thymus reste actif après la naissance et l’activité thymique diminue ensuite progressivement au
cours de la vie en particulier adulte, le tissu thymique étant progressivement remplacé par du
tissu adipeux, à un rythme très individuel qui pourrait être en lien avec la longévité de
l’individu.
• Les thymocytes
La production journalière de lymphocytes thymiques matures naïfs dits thymocytes est estimée
à environ 108 lymphocytes par jour. Dans le thymus, les thymocytes subissent un certain nombre
de modifications phénotypiques. À l’instar de ce qui se passe dans la moelle osseuse pour les
lymphocytes B, les gènes codant pour les chaînes du récepteur lymphocytaire T pour l’antigène
appelé RcT ou TcR en anglais, se réarrangent, aboutissant à la formation d’un pré-RcT puis d’un
RcT mature permettant aux thymocytes d’interagir avec les autres cellules du thymus (cellules
épithéliales et cellules dendritiques). L’objectif de cette éducation thymique – une sorte
d’université pour les thymocytes – est de produire des lymphocytes T capables de reconnaître
des antigènes de l’extérieur et de ne pas réagir avec des antigènes du soi.
La maturation des thymocytes est caractérisée par une intense prolifération en réponse
notamment à la synthèse intrathymique de certaines cytokines. En fonction du degré de
maturation on distingue plusieurs stades de maturation thymocytaire (figure 24) :
• des thymocytes multipotents ou DN1 (double négatif pour CD4 et CD8) : ces cellules peuvent
donner naissance à des lymphocytes T, des lymphocytes NK et certains types de cellules
dendritiques dites lymphoïdes ;
• des thymocytes pro-T ou DN2 (double négatif pour CD4 et CD8) pouvant donner naissance à
des lymphocytes T et des lymphocytes NK mais pas en cellules dendritiques lymphoïdes ;
• des thymocytes DP (double positifs pour CD4 et CD8) : il s’agit du premier stade exprimant le
complexe RcT/CD36 ;
• des thymocytes SP (simples positifs, soit CD4+CD8- soit CD4-/CD8+), rescapés de la
sélection négative intrathymique.
Figure 24 : Développement des lymphocytes T thymiques
• Le récepteur T pour l’antigène (RcT ou T-cell receptor TcR)
Via son RcT, le lymphocyte T reconnaît des peptides antigéniques présentés par le complexe
majeur d’histocompatibilité (CMH/HLA). Le RcT des lymphocytes T CD4 reconnaît des
peptides d’une dizaine à une vingtaine d’acides aminés présentés par les CMH de classe II des
cellules présentatrices d’antigène (CPA). Ces peptides proviennent de la dégradation
intracellulaire de protéines extracellulaires. Le TcR des lymphocytes T CD8 reconnaît des
peptides d’une dizaine d’acides aminés présentés par les CMH de classe I, présents sur toutes
les cellules de l’organisme. Ces peptides sont d’origine intracellulaire.
On distingue le RcT proprement dit, permettant la reconnaissance de l’antigène, du complexe
RcT-CD3 qui assure la transduction d’un signal d’activation dans le lymphocyte T suite à cette
reconnaissance (figure 25).
Figure 25 : le récepteur T pour l’antigène (RcT) et le complexe adaptateur CD3
pour la cosignalisation ainsi que les autres molécules adaptatrices CD4/CD8 et CD45, parties
intégrales du complexe RcT
On distingue deux types de RcT en fonction des chaînes qui le constituent : RcT ab et RcT gd.
Ces derniers représentent un type de lymphocytes T particuliers minoritaires dans le sang
circulant (< 10 % des lymphocytes T) qui fonctionne principalement avec des antigènes non
peptidiques ou dans l’immunité innée. Les RcT conventionnels ab sont composés d’une chaîne
a et d’une chaîne b comportant chacune un domaine variable et un domaine constant. Chaque
RcT est différent d’un lymphocyte T à l’autre grâce à ces régions variables qui comportent une
extrémité hypervariable dénommée CDR (Complementary Determining Region). La partie
intracytoplasmique du RcT est courte, et elle a besoin d’être aidée pour transmettre les messages
reçus d’une aide à la signalisation prodiguée par complexe CD3. Contrairement au RcT, le
complexe CD3 est formé de cinq chaînes invariantes dont certaines possèdent des motifs
d’activation7 à l’origine de la transduction d’un signal.
Ce qui s’observe au niveau de l’expression des marqueurs à la surface des thymocytes (le
phénotype), reflète ce qui se passe au niveau du génome des cellules (le génotype) : Le RcT se
réarrage et deux séries de gènes l’encodent, situés sur deux chromosomes distincts pour les a ou
d, d’une part, et b ou g d’autre part. L’organisation des loci génétiques concernés fait intervenir
des segments de type V (Variable), D (Diversité) et J (Jonction). Se produisent des
réarrangements de type VJ, DJ ou VDJ bien ordonnancés au cours de la différenciation des
thymocytes, déclenchés par des événements moléculaires faisant intervenir des enzymes8. Les
réarrangements ont lieu dans un ordre chronologique précis, la production d’une chaîne
conventionnelle ab est acquise s’il y a pu avoir élimination des segments g et d (figure 26).
Figure 26 : Du gène au récepteur lymphocytaire T pour l’antigène
• Le répertoire de reconnaissance des RcT ab
La taille théorique du répertoire des lymphocytes T ab est immense. Lorsque l’on tient compte
des possibilités de réarrangement VDJ/VJ pour les deux chaînes produites on obtient un aléa de
l’ordre de 1015 RcT possibles ; le nombre de lymphocytes T est cependant estimé à 1012 dans
tout l’organisme et la modélisation donne environ 108 RcT générés (cent millions tout de
même !). L’essentiel de la diversité qu’on appelle idiotypique des RcT repose sur les boucles
hypervariables des chaînes a et b, régions qui interagissent avec les peptides antigéniques.
• Les molécules CD4 et CD8
Les molécules CD4 et CD8 sont des déterminants majeurs des lymphocytes T et permettent de
distinguer en périphérie des lymphocytes auxiliaires exprimant la molécule CD4 et des
lymphocytes cytotoxiques exprimant la molécule CD8. Les molécules CD4 et CD8 stabilisent
l’interaction CMH/RcT en interagissant avec une partie faiblement polymorphe du CMH et
participent à la signalisation intracellulaire.
• Sélections thymique et expression du RcT ab
Les réarrangements des gènes
Les réarrangements des chaînes du RcT conduisent à l’expression d’un récepteur pour
l’antigène plus ou moins complet à la surface des thymocytes, pour la reconnaissance de
peptides antigéniques présentés par les cellules épithéliales et dendritiques indispensables à la
délivrance de signaux de survie ou de mort cellulaires. Les thymocytes passent par plusieurs
étapes durant lesquelles ils reçoivent ce type de signaux : ce sont les étapes de sélection,
destinées à sélectionner des thymocytes ayant un RcT fonctionnel mais pas hyperréactif qui
pourrait donner lieu à des reconaissances aberrantes du soi et induire des phénomènes d’auto-
immunité en périphérie. Ce système est très coûteux en énergie car les cellules sont
sélectionnées a posteriori, c’est-à-dire une fois produites et il faudra éliminer toutes celles qui
n’auront pas été sélectionnées, c’est-à-dire l’immense majorité car le processus est hyper
sélectif. Seuls les antigènes du soi sont exprimés et présentés par les cellules épithéliales
corticales et les cellules dendritiques médullaires du thymus. L’avidité du RcT pour le complexe
CMH-antigène du soi détermine le type de signal que reçoit le thymocyte et cela sélectionne les
chaînes b puis a dans des séquences précises pour arriver à un RcT mature et de bonne qualité.
Ces étapes induisent des signaux de mort ou de survie (progression dans le cycle de sélection) :
90 % des cellules qui arrivent à ce stade meurent du fait de l’absence d’expression de pré-RcT
correctement édité à leur surface.
La sélection positive
La sélection positive a lieu au stade de co-expression CD4/CD8 lorsque les thymocytes double-
positifs expriment un RcT ab potentiellement fonctionnel. Des antigènes du soi leur sont
présentés par les cellules épithéliales corticales. Les thymocytes dont le RcT ne reconnaît pas le
complexe CMH-peptide du soi ne reçoivent pas de signal de survie et meurent. L’avidité du RcT
pour le complexe CMH-peptide du soi est ici intermédiaire. Cette étape permet l’élimination des
lymphocytes T impropres à collaborer avec les molécules CMH/HLA de l’hôte. La
reconnaissance de l’antigène par les lymphocytes T a toujours lieu dans le contexte du CMH.
On parle de restriction de la reconnaissance de l’antigène par le CMH.
La sélection négative
La sélection négative s’accompagne d’une mort des cellules recevant un signal trop intense via
le RcT. Elle entraîne ainsi l’élimination des thymocytes exprimant un RcT trop avide pour les
antigènes du soi. Les cellules présentant ces antigènes sont ici les cellules dendritiques
thymiques. Ces cellules captent les antigènes exprimés par les cellules épithéliales médullaires
et les présentent via leur CMH aux thymocytes double-positifs.
Les thymocytes simples positifs
Suite à ces différentes étapes, les thymocytes donnent naissance à des lymphocytes T naïfs
simple-positifs CD4+ ou CD8+ qui quittent le thymus par les vaisseaux de la jonction cortico-
médullaire. Au cours des rencontres ultérieures avec l’antigène, il ne surviendra ni mutation
somatique, ni commutation de classe au niveau des locus des RcT, une différence majeure avec
ce qui sera vu pour les récepteurs lymphocytaires B.
• Le récepteur T des lympocytes NKT9
Le RcT des lymphocytes NKT est quasi invariant. La chaîne a est toujours formée à partir de la
même association, de segments génétiques bien précis (on dit fixés). Il existe une petite diversité
des chaînes b exprimées par ces cellules, mais très restreinte comparée aux lymphocytes ab
classiques. Le RcT ainsi formé reconnaît non pas des peptides présentés par le CMH mais des
lipides et des glycolipides présentés par la molécule CD1d10.
• L’activation des lymphocytes T via leur RcT pour l’antigène
Après avoir été soumis aux sélections positive et négative dans le thymus, les lymphocytes T
entrent dans la circulation ; ils sont appelés naïfs car ils n’ont pas encore rencontré l’antigène
reconnu par leur RcT (on appelle cet antigène théorique l’antigène connexe). La fréquence d’un
lymphocyte T naïf vis-à-vis d’un antigène donné est de l’ordre de 1 pour 100 000. Afin d’être
activés et d’augmenter leur nombre par prolifération clonale, ces lymphocytes T naïfs doivent
rencontrer des cellules présentatrices d’antigènes (CPA) professionnelles, les cellules
dendritiques.
L’interaction entre les lymphocytes T naïfs et les CPA a lieu dans les organes lymphoïdes
secondaires. Les lymphocytes T naïfs circulent continuellement vers ces organes lymphoïdes
secondaires où ils arrivent par la circulation sanguine. Ils y pénètrent à travers des cellules
endothéliales spécialisées, guidés et attirés par une attraction moléculaire faisant intervenir des
molécules de surface et des molécules sécrétées (c’est la domiciliation ou homing). Les
lymphocytes T vont ainsi à la rencontre des CPA chargées de peptides antigéniques capturés
dans les tissus périphériques de la zone anatomique drainée par l’organe lymphoïde. Ces
peptides ont été apprêtés et sont présentés aux cellules T dans la niche antigénique du
CMH/HLA. Les lymphocytes T naïfs balayent alors la surface des cellules dendritiques
présentes, établissant des tentatives de liaison moléculaire. Si aucune liaison de haute affinité
n’est établie entre le RcT et le complexe peptide-CMH/HLA, le lymphocyte T naïf quitte le
ganglion par le vaisseau lymphatique efférent. Ce processus dure de 12 à 18 heures. Si le RcT
reconnaît spécifiquement le complexe peptide-CMH/HLA, une forte liaison est établie et le
processus de sélection clonale (ou expansion clonale) peut débuter. Cette interaction entre le
RcT et le complexe peptide-CMH/HLA est le premier signal de l’activation du lymphocyte T ; il
est spécifique de RcT et d’antigène. Un premier contrôle physiologique d’une prolifération
incontrôlée des lymphocytes est ainsi établi. Cela va déclencher une série de contrôles d’affinité
pour éviter les situations anormales et engager les étapes suivantes. Ces étapes vont aboutir à la
stabilisation du tandem que forment le lymphocyte T et la CPA autour du peptide antigénique,
faisant intervenir plusieurs couples moléculaires dont les molécules HLA de classe II avec les
molécules CD4 ou les molécules HLA de classe I avec les molécules CD8, et de nombreux
autres tandems ; c’est ce qu’on nomme la synapse immunologique, une structure dynamique qui
permet d’optimiser la signalisation initiale ainsi que l’inactivation tardive des complexes RcT-
CMH (cf. la figure 19). Le RcT étant activé par l’antigène dans ce contexte, il va transférer ce
signal au complexe compagnon CD3 pour activer la cascade de signalisation du lymphocyte et
transduire le signal au noyau (ADN) (cf. la figure 25).
Un deuxième signal est nécessaire pour poursuivre cette activation spécifique de l’antigène. Ce
signal de costimulation est indispensable pour protéger les cellules T d’une anergie ou d’une
apoptose précoce qui interviennent en son absence. Des cellules dendritiques du ganglion
exprimant certaines molécules de costimulation pour une molécule lymphocytaire T (CD28)
agissent en une boucle de régulation qui déclenche une forte prolifération des lymphocytes T
réactifs à l’antigène reconnu. Là encore, un rétrocontrôle est nécessaire afin d’empêcher une
prolifération aberrante.
Plusieurs autres molécules interviennent après cette première vague de costimulation et jouent
un rôle dans la différentiation fonctionnelle des lymphocytes T. Ces molécules vont être
importantes en particulier pour l’aide (« help ») que les lymphocytes T CD4+ vont apporter aux
lymphocytes B qui expriment également ces ligands et pour la survie des lymphocytes T CD4+
mémoire.
Une molécule inhibitrice intervient plus tardivement dans cette interaction entre le lymphocyte
T activé et la cellule dendritique. La molécule PD1 (« Programmed Cell Death-1 ») est
exprimée après cette molécule de rétrocontrôle ; elle est reconnue par deux ligands (PDL-1 et
PDL-2)11.
IL serait fastidieux de détailler toutes ces molécules mais elles sont pourtant fondamentales et la
plupart, actuellement, sont la cible de biomédicaments qui peuvent soit les booster, soit les
bloquer en fonction de l’effet désiré, dans le traitement de diverses pathologies en particulier
auto-immunes ou cancéreuses, et parfois infectieuses.
• La différenciation en effecteurs des lymphocytes T activés par l’antigène
Après la reconnaissance de l’antigène et l’activation, les lymphocytes T CD4+ prolifèrent et une
partie du clone devient des lymphocytes effecteurs auxiliaires. Ils recrutent et activent des
cellules de l’immunité innée, et favorisent l’activation des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques et
des lymphocytes B spécifiques du même antigène (figure 27). Des signaux délivrés par
l’environnement permettent aux lymphocytes en expansion clonale de résister à l’apoptose et
d’être maintenus en vie, pour une fonction (figure 28).
Les lymphocytes T CD4+ sont de plusieurs types, chacun avec ses caractéristiques
fonctionnelles et sécrétoires (en cytokines ou plus largement en produits modificateurs du
comportement biologique ou BRM).
Figure 27 : Activation, expansion clonale, différenciation et fonctionnalités des lymphocytes T
activés par l’antigène (ici un lymphocyte T CD4+ auxiliaire du helper)
■ Les lymphocytes B
• Les grandes lignes
Les lymphocytes B comptent pour 5 à 15 % des lymphocytes circulants ; ils se caractérisent par
une immunoglobuline (Ig) exprimée à leur surface. Cette Ig est produite par le lymphocyte B
lui-même et c’est le récepteur spécifique pour l’antigène ou RcB. Chaque immunoglobuline est
un hétérodimère protéique composé de deux chaînes lourdes H (pour Heavy) identiques et deux
chaînes légères L (pour Light) identiques. Chaque chaîne est composée d’une région constante
C et d’une région variable V. L’association des domaines variables des chaînes lourdes et légères
définit le site hypervariable (HV) de fixation à l’antigène. Le RcB, comme le RcT des
lymphocytes T, a une partie intracellulaire très courte le rendant impropre à bien « signaler » le
message d’activation reçu (le plus souvent l’antigène), mais il est associé à des molécules
responsables de la transduction du signal après contact avec l’antigène : les chaînes Igα ou
CD79a et Igβ ou CD79b. D’autres molécules sont présentes de façon différencielle à la surface
du lymphocyte B selon son état d’activation et différenciation (figure 29).
Figure 29 : Le récepteur pour l’antigène des Lymphocytes B et les corécepteurs
Les lymphocytes B, après activation, se transforment en plasmocytes qui sécrètent des anticorps
(Ac) qui sont des immunoglobulines (Ig) de la même spécificité que le RcB des lymphocytes
qui en sont à l’origine. Différentes chaînes lourdes déterminent des classes d’immunoglobulines
ou isotypes. Il existe également des sous-classes. On décrit ainsi cinq types de chaînes lourdes :
gamma (g), alpha (a), mu (m), delta (d) et epsilon (e) subdivisées en neuf sous-classes IgG1,
IgG2, IgG3, IgG4, IgA1, IgA2, IgM, IgD et IgE. Les chaînes légères sont soit kappa (k) soit
lambda (l), pour chaque sous-classe déterminée par la chaîne lourde (figure 30).
Figure 30 : Les différentes présentations des immunoglobulines chez l’homme
• Les progéniteurs lymphoïdes communs (CLP) : les cellules souches hématopoïétiques sont à
l’origine de toutes les cellules sanguines et donc des lymphocytes. Des précurseurs lymphoïdes
communs sont issus de ces cellules souches de façon restreinte pour la lignée lymphoïde
(cellules T, B et NK).
• Le stade pré-pro B : dans la moelle osseuse, les précurseurs B les plus immatures constituent
cette sous- population de cellules pré-pro-B qui n’ont pas encore réarrangé les gènes des
immunoglobulines. Ces cellules commencent à exprimer les molécules CD79 qui seront
nécessaires à la transduction des signaux d’activation via le RcB une fois que l’antigène l’aura
stimulé.
• Le stade pro-B : à ce stade commencent à s’opérer les réarrangements des gènes des
immunoglobulines selon une cinétique contrôlée. Les premiers réarrangements caractérisent le
stade pro-B précoce, auquel apparaît le marqueur CD19. Au stade pro-B tardif, les
réarrangements fonctionnels qualitatifs (en variabilité, diversité et jonction) permettent la
synthèse d’une chaîne lourde μ intracytoplasmique.
• Le stade pré-B : une chaîne lourde µ est alors exprimée (mais faiblement) à la surface des
cellules pré-B, en association avec une pseudo chaîne légère (chaîne incomplète et immature).
Ce complexe forme le pré-BCR qui permet à la cellule de passer au stade de la différenciation
et d’entrer dans une phase d’expansion clonale. Des gènes essentiels permettent de maturer
l’expression des gènes des chaînes légères, d’abord κ puis λ si nécessaire.
• Le stade B immature est caractérisé par la production d’une chaîne légère fonctionnelle ; le
RcB est à présent produit ; il s’agit à ce stade d’une IgM de surface mais bien différenciée du
point de vue de la spécificité de reconnaissance de l’antigène. Un épissage d’ARN à ce stade
permet aux lymphocytes B immatures de co-exprimer deux types d’immunoglobulines μ et δ
avec la même spécificité. Les lymphocytes B immatures subissent alors un processus de
sélection négative éliminant les lymphocytes B dont les RcB sont encore spécifiques pour les
antigènes du soi. Les cellules qui survivent quittent alors la moelle osseuse pour se rendre dans
les organes lymphoïdes secondaires où elles pourront subir les dernières étapes de maturation.
• Régulation de la différenciation lymphocytaire B
Le rôle des facteurs de croissance, des cytokines et des facteurs de transcription dans la phase de
développement des lymphocytes B indépendante des antigènes
Les premières étapes du développement des lymphocytes B sont strictement dépendantes du
micro-environnement cellulaire (de contact à contact) et sécrétoire (facteurs de croissance et
cytokines) apporté par les cellules stromales de la moelle osseuse. Différents facteurs de
transcription, en se fixant sur différents promoteurs et activateurs, sont impliqués dans la
quiescence, la survie et la mort des progéniteurs B.
La différenciation des lymphocytes B dépendante de l’antigène
• Les cellules B immatures qui ont quitté la moelle osseuse passent par un stade intermédiaire,
qui est le stade B transitionnel, auquel a lieu la sélection périphérique. Les lymphocytes B
survivants expriment une IgM et une IgD de surface – ils sont dits naïfs – et ils ont deux voies
possibilités de différenciation : 1) soit en lymphocytes B folliculaires conventionnels impliqués
dans les réponses humorales dépendantes des lymphocytes T qui aboutira à leur transformation
en lymphocytes dont le RcB est une IgG, une IgA, éventuellement une IgE ; 2) soit en
lymphocytes B de la zone marginale qui sont impliqués dans les réponses humorales thymo-
indépendantes, qui aboutira à leur maintien dans la voie des récepteurs à IgM mais en perdant
l’IgD16.
• Les lymphocytes B folliculaires représentent 80 % des cellules dans les structures lymphoïdes
lymphatiques. Après activation par leur rencontre avec l’antigène, les lymphocytes B peuvent
soit se différencier rapidement en plasmocytes à IgM à courte durée de vie, soit former des
centres germinatifs où ils subissent les processus d’hypermutation somatique et de
commutation isotypique vers les IgG, les IgA, les IgE, avant de se différencier en cellules B
mémoires ou en plasmocytes à longue durée de vie.
• Les lymphocytes B mémoires constituent un groupe minoritaire de cellules à longue durée de
vie, capables de persister à l’état quiescent sans proliférer (de plusieurs mois à plusieurs
dizaines d’années chez l’homme). Ces lymphocytes expriment en général un récepteur muté
vers la voie des IgG, IgA, IgE ou, s’ils expriment encore une IgM, c’est sans l’IgD. Ces
lymphocytes peuvent se localiser dans les structures lymphoïdes des muqueuses ou
périphériques. Les cellules mémoires ont la faculté de répondre très rapidement et fortement
aux antigènes dont le RcB est spécifique. Ils peuvent présenter rapidement et efficacement
l’antigène aux lymphocytes T lors d’une réponse secondaire et eux-mêmes, coactivés par ces
lymphocytes T, peuvent se différencier en plasmocytes, ou retrouver un état de mémoire, etc.
• Les plasmocytes changent de profil d’expression : ils perdent l’expression de CD19 et CD20
et surtout de leur Ig de membrane (RcB) et se mettent à exprimer en surface des marqueurs
sinon exclusifs du moins assez caractéristiques comme les enzymes CD3817 et CD138. Les
plasmocytes sont les effecteurs ultimes de la réponse immunitaire humorale (il n’y plus de
plasticité immunologique ni de retour en arrière à un stade plus jeune pour cette cellule très à
part). Le plasmocyte est une usine de production d’anticorps à destination de l’ensemble de
l’organisme et il en sécrète des quantités phénoménales pour une seule cellule. Leur durée de
vie est plus ou moins longue selon le type de signaux reçu lors de la stimulation antigénique.
• Les lymphocytes de la zone marginale (MZ) interviennent quant à eux dans les réponses
indépendantes des lymphocytes T et souvent en relation avec des antigènes non peptidiques
(glucidiques, lipidiques). Leur action est essentielle puisque ce sont ces cellules qui vont
constituer la première ligne de défense contre certains micro-organismes comme les bactéries
encapsulées18. Ces lymphocytes B périphériques sont à l’origine d’autoanticorps dits
« naturels », polyréactifs, de faible affinité dont les fonctions périphériques sont multiples :
élimination des débris cellulaires, transport de cytokines ; ces Ig polyréactives ont aussi des
fonctions centrales en formant des complexes antigènes/anticorps qui seront capturés et
présentés aux cellules B folliculaires par les cellules dendritiques folliculaires dans les centres
germinatifs des ganglions.
• Des lymphocytes B régulateurs assurent vraisemblablement l’homéostasie B dans le maintien
de l’équilibre du système immunitaire. Ces lymphocytes B producteurs d’IL-10 exercent ainsi
d’importantes fonctions de régulation de la réponse immune et participent au rétrocontrôle de
l’activation lymphocytaire B.
L’activation des lymphocytes B dépendante de l’engagement du RcB pour l’antigène et
l’activation non directement dépendante de l’antigène
• Activation du lymphocyte B après stimulation du RcB pour l’antigène : à la suite du pontage
d’au moins deux RcB (ce qui se fait en présence d’épitopes répétés sur l’antigène)19, les
molécules de signalisation CD79a et CD79b sont activées selon le schéma classique de la
signalisation intracellulaire. Cette signalisation aboutit à la production de facteurs de
transcription qui traversent la membrane nucléaire (translocation), et activent les gènes
contrôlant le programme fonctionnel des lymphocytes B. Cette activation dépendante du RcB
est cependant modulée par des signaux indépendants du RcB qui permettent, en fonction du
stade de développement du lymphocyte B, de l’orienter soit vers une mort programmée ou
apoptose, soit vers la prolifération. L’apoptose concerne la sélection négative au cours de
l’ontogénie B ou diminution de la taille du clone (contraction clonale) après activation. La
prolifération concerne la sélection positive au cours de l’ontogénie B ou l’expansion clonale
après activation B. Ces signaux gouvernent aussi la différenciation et la maturation qui font
évoluer les cellules du lymphocyte B naïf au lymphocyte B mature, puis au lymphocyte B
mémoire ou au plasmocyte. D’autres signaux membranaires en relation avec l’environnement
cellulaire du lymphocyte B (adhésines) et sécrétoires (cytokines, chimiokines, facteurs du
complément), etc. permettent de contrôler la signalisation du RcB. vers l’un des états du
lymphocyte B (survie, l’apoptose, activation, prolifération, différenciation). Ainsi, au cours
d’une infection, le fragment C3d produit par l’activation du complément et son clivage, enrobe
le micro-organisme. La molécule CD21 qui est le récepteur du complément de type II,
fortement présente à la surface du lymphocyte B, est capable de lier le C3d produit, quelle que
soit la structure qui le porte. CD21 vient donc compléter la détection du pathogène et sa
reconnaissance par le RcB. Cette double liaison déclenche : 1) l’activation du complexe
membranaire lymphocytaire B qui comprend plusieurs molécules essentielles dont CD21,
CD19, etc20. ; 2) l’activation du RcB par ses molécules CD79. Si la coopération est positive,
cela aboutit à l’activation et à la prolifération du lymphocyte B. Des contre-régulations sont
prévues avec un contrôle négatif sur l’activation du lymphocyte B par exemple lorsqu’une
immunoglobuline, par l’intermédiaire de sa partie constante Fc, lie le FcγR-IIB (CD32B)
présent sur les lymphocytes B et délivre alors un signal de frein qui permet un certain contrôle
du niveau de réponses lorsque par exemple suffisamment d’effecteurs a été produit pour
contrôler la réponse immune et l’ajuster au besoin (figure 34).
Figure 34 : Mécanismes de régulation de l’effet cellulaire des anticorps
• Les réponses lymphocytaires B dépendantes de l’aide des lymphocytes T activés par l’antigène
(réponses dites thymo- [ou T)] dépendantes) : à l’interface des zones corticales et
paracorticales ganglionnaires, les lymphocytes B rencontrent des lymphocytes T spécifiques, et
leurs présentent l’antigène. Le lymphocyte T réactif a été préalablement activé par une cellule
dendritique au sein de la zone T. C’est le cas pour les antigènes polypeptidiques qui sont captés
par le RcB puis internalisés dans le lymphocyte B puis apprêtés dans une molécule HLA de
classe II pour permettre l’exposition membranaire des peptides sélectionnés. Cette interaction
est complétée par l’expression de molécules de costimulation, tant sur les lymphocytes T que
B, permettant les seconds signaux d’activation lymphocytaires T. Le complexe moléculaire
CD40L (T) et CD40 (B) est particulièrement actif et notable mais il n’est pas le seul. Au cours
de cette étroite interaction, le lymphocyte B reçoit de la part du lymphocyte T des signaux
nécessaires à sa prolifération et sa maturation, comme de l’IL-2 et de l’IL-4 en particulier.
• Les modifications de structure du RcB après contact antigénique : 1) l’hypermutation
somatique et 2) la commutation de classe. Les immuno-
globulines de membrane subissent des modifications dans les organes lymphoïdes secondaires ;
cela entraîne une modification de la maturation des ARN messagers des chaînes lourdes, qui se
traduit par la disparition des immunoglobulines membranaires et la sécrétion d’IgM (sans IgD)
dans le cas d’une différenciation en plasmocytes à IgM à courte durée de vie qui caractérise les
lymphocytes B de la zone marginale MZ. Lorsque le lymphocyte B migre dans centre
germinatif des organes lymphoïdes secondaires, il est d’abord centroblaste dans la zone sombre
de ce follicule secondaire, lieu privilégié d’un phénomène essentiel qui est l’hypermutation
somatique des gènes codant les régions variables et hypervariables des immunoglobulines.
Cette opération permet au RcB de devenir plus adapté à l’antigène et plus affin, d’avoir une
liaison plus forte avec lui. Une enzyme appelée AID est essentielle à ce processus. Après
sélection positive des lymphocytes B portant une immunoglobuline de forte affinité pour
l’antigène, la cellule devient un centrocyte qui a migré dans la zone claire du follicule
secondaire, lieu privilégié de la commutation de classe ou commutation isotypique (class
switching). Les lymphocytes B ainsi différenciés portent un RcB de la nouvelle classe (IgG,
IgA, IgE) mais toujours réactif et spécifique du même antigène. Il en sera de même pour les
lymphocytes B mémoires qui pourront en être issus, et les plasmocytes sécrèteront ces
anticorps, lesquels alimenteront la mémoire sérologique (figure 35).
Figure 35 : Le follicule ganglionnaire secondaire
Préambule
Ce chapitre dédié à l’immunité innée est destiné à apporter des éléments
spécifiques aux tissus muqueux. Cependant, bien des éléments qui vont
être discutés ont déjà été présentés, aux chapitres sur l’immunité innée,
l’inflammation, l’immunité adaptative, alors que d’autres seront repris et
détaillés au chapitre à suivre des immuno-interventions dont les vaccins.
Ce chapitre vise à mettre tout ensemble des éléments jusque-là envisagés
différemment, dans d’autres contextes et en particulier de façon
systémique.
D’une façon générale, la tendance est à privilégier ce qui se passe à cet
étage systémique, et à prendre les éléments du plasma comme les étalons
de mesure de ce qui se passe au niveau du corps entier. Nous allons voir à
présent que le système immunitaire muqueux est le plus volumineux de
tous les éléments de l’immunité, qu’il influe sur la réponse immunitaire
systémique et réciproquement, de des éléments systémiques vont aller
fonder l’immunité muqueuse et l’influencer. Un exemple : à la question
posée « quel est le type d’immunoglobulines le plus abondant dans
l’organisme ? », bien rare est la réponse : « les IgA, bien sûr », car en plus
de leur contribution non-négligeable au niveau plasmatique derrière les
IgG, ce sont elles qui abondent dans les sécrétions muqueuses, à la surface
des centaines de m2 que celles-là exposent.
Parce qu’il est le plus complexifié, le type de description du système
immunitaire muqueux est celui de l’intestin. Quelques différences d’avec
les tissus d’autres localisations le distinguent (Tableau XX).
Tableau XX : Les deux types de tissu mucosal et leurs particularités
Muqueuse de type
Type de tissu Muqueuse de type I
II
Exemple de tissus Intestin, bronches ; Canal et exocol
Utérus, endocol vaginal, vaginaux,
partie distale du canal anal prépuce, partie
basse du canal
anal
Épithélium Stratifié simple Stratifié
squameux, non
kératinisé
Présence du Oui Non
récepteur
polymérique pour le
fragment Fc des
immunoglobulines
Principal type IgA sécrétoire IgG
d’immunoglobuline
présent
Présence de tissu Oui Non
lymphoïde associé
aux muqueuses
Présence de cellules Oui Non
M (Microfold)
Présence de cellules Non Oui
de Langerhans
(cellules
dendritiques
immatures)
Muqueuse de type
Type de tissu Muqueuse de type I
II
Source du mucus Cellules caliciformes sauf Cellules
dans le cervix où ce sont épithéliales
les cellules glandulaires
cryptiques qui le produisent
1. Ce chapitre a été assez largement inspiré du document suivant, en particulier pour son plan et aussi
dans l’actualisation des données ; ce document est – c’est rarissime – anonyme, produit par une
société pharmaceutique de réactifs de laboratoires entre autres (Bio-Rad ; Hercules, CA, USA) ;
merci cependant aux auteurs : https://www.bio-rad-antibodies.com/mucosal-immunology-
minireview.html?
JSESSIONID_STERLING=172E9692BD71DE5F0227F32F8AFB5572.ecommerce2&evCntryLan
g=FR-fr&cntry=FR&thirdPartyCookieEnabled=true.
2. La transcytose correspond à un passage (entrée et sortie) à travers une cellule, le plus souvent
muqueuse ou endothéliale. Il peut s’agir de transport transcellulaire de matériaux inclus dans des
vésicules qui ne sont pas interceptées par les lysosomes et qui traversent la cellule d’un côté à
l’autre sans être modifiées (par exemple : passage d’un complexe immun à travers la barrière
intestinale). Le transport s’opère soit par grâce à des vésicules indépendantes qui se déplacent à
travers la cellule endothéliale en venant de la face luminale (exposée à l’intérieur du vaisseau) vers
la face interstitielle (exposé au liquide interstitiel), soit – plus rarement – car les vésicules
fusionnent en formant un canal qui traverse la cellule. Un processus important dû à la transcytose
est le passage des anticorps du lait maternel dans les cellules du nourrisson, et d’une façon
générale des anticorps sécrétoires (IgA et IgM) de la muqueuse vers l’extérieur, en remontant de
façon inverse la cellule endothéliale de l’endothélium à jonctions serrées, imperméables, grâce à
un mécanisme intracellulaire dédié ; plus rarement, pour les endothéliums à jonctions lâches, les
produits peuvent s’exfiltrer vers l’extérieur, et abonder le mucus. Inversement, des bactéries
peuvent être capables d’utiliser la transcytose pour déjouer la phagocytose ou les barrières
anatomiques et se disséminer dans l’organisme.
3. La voie de signalisation JAK-STAT est une chaîne d’interactions entre les protéines d’une cellule ;
elle est impliquée dans l’immunité, la division cellulaire, la mort cellulaire et la formation de
tumeurs. La voie communique des informations provenant de signaux chimiques à l’extérieur
d’une cellule au noyau de la cellule, ce qui entraîne l’activation de gènes via le processus de
transcription. Il existe trois éléments clés de la signalisation JAK-STAT : les Janus kinases (JAK),
les transducteurs de signaux et les activateurs des protéines de transcription (STAT), et enfin les
récepteurs qui lient les signaux.
CHAPITRE 12
Déficits et déficiences
■ Les tableaux
Les déficits génétiques portant sur les systèmes les plus en amont de la
réponse immunitaire naturelle ou innée sont particulièrement sévères :
l’incapacité à effectuer une phagocytose, une lyse intracellulaire des
agents infectieux ingérés, une coopération intercellulaire, peuvent être
rapidement létale et les enfants qui souffrent de tels déficits atteignent
difficilement l’âge adulte, ou au prix de multiples hospitalisations et
d’incessants soins lourds et pénibles. Certains enfants incapables
d’exprimer correctement à la surface de leurs cellules de défense des
récepteurs pour les outils de communication intercellulaires (les
cytokines) peuvent à présent bénéficier de corrections génétiques et d’une
réimplantation de leur moelle corrigée pour le déficit en question (grâce à
la thérapie génique) mais là encore, au prix de multiples complications
précoces et plus tardives5. Cette catégorie de maladies est regroupée sous
l’appellation des déficits immunitaires primitifs ou DIP (une autre partie –
moins importante – concerne les anomalies anatomiques, comme une
absence de thymus en particulier ou son développement incomplet
(syndromes de Di George et syndrome de Nézelof), gravissimes, ou –
toujours par exemple – une asplénie congénitale c’est-à-dire l’absence de
rate, également très sévère.
Failles et fractures
■ Les défauts de vigilance et de surveillance, auto-immunité et cancers
Une des fonctions du système immunitaire est d’effectuer une surveillance
des événements indésirables internes et de repérer des cellules qui
exprimeraient des signaux de danger perceptibles (DAMP10, Alarmines).
Les DAMP varient considérablement en fonction du type de cellule
(épithéliale ou mésenchymateuse) et du tissu lésé. Les protéines
DAMP/Alarmines comprennent les protéines intracellulaires, telles que
les protéines de choc thermique (ou Heat Shock Proteins, HSP), le
HMGB1 (High Mobility Group Box 1), les protéines S100, l’acide urique,
l’acide hyaluronique, des dérivés de la matrice extracellulaire (MMP), le
sulfate d’héparine mais aussi l’ARN et l’ADN mitochondrial.
Récemment, l’interleukine (IL)-33 a rejoint ce groupe. Lorsque des
signaux sont masqués, la vigilance des cellules de patrouille et de
surveillance est endormie et des dégâts peuvent se produire occasionnant
des dépôts de matériau indésirable dans les tissus dont les articulations, et
aussi dans les tissus vitaux comme le cœur, le foie, le rein ou le cerveau.
Les cellules infectées et les cellules cancérisées cessent d’exprimer
« normalement » leurs marqueurs HLA de classe I. De ce fait, les cellules
tueuses naturelle ou Natural Killer (NK) peuvent percevoir ce manque et
activer leurs fonctions d’induction d’apoptose ou de nécrose, selon les
circonstances. Dans certains cas, les cellules tumorales modifient leur
profil, en diminuant certes leur expression de HLA mais aussi en
diminuant les antigènes tumoraux pour échapper aux radars, en sécrétant
des molécules suppressives des fonctions immunitaires, en accroissant
leur résistance à l’apoptose, en recrutant des cellules suppressives comme
des lymphocytes T régulateurs et certaines cellules dendritiques d’origine
myéloïde, en diminuant la capacité cytotoxique des lymphocytes T CD8+
(et leur capacité proliférative et clonale), en diminuant aussi les fonctions
Th1 des lymphocytes T CD4+ (qui aident les lymphocytes CD8+ à être
davantage cytotoxiques). Les cellules dendritiques sont inhibées quant à
leur fonction de co-stimulation et d’induction à la prolifération. La
surveillance s’amenuise, l’échappement se produit. L’immunosénescence
est un facteur de risque supplémentaire de baisse de vigilance
immunitaire.
À l’inverse, des stratégies thérapeutiques se développent pour activer les
cellules NK, les lymphocytes cytotoxiques et les cellules dendritiques pro-
défense par des moyens ex vivo (en prélevant des cellules autologues, en
les activant par des antigènes extraits de la tumeur et en les stimulant avec
ses facteurs de croissance qui restaurent leurs fonctionnalités). Ces
protocoles ont été d’efficacité variable durant ces deux dernières
décennies (quand bien même les toutes premières tentatives remontent
aux années 1980). Certains cancers sont actuellement éligibles aux CAR-
T-cell therapies qui utilisent des lymphocytes T autologues, greffés de
gènes qui modifient considérablement leur récepteur et adresse ceux-là
sur des antigènes cibles ; les principaux succès enregistrés le sont à ce
jour vis-à-vis des leucémies et lymphomes développés au détriment des
lymphocytes B, mais des progrès se profilent pour traiter des tumeurs
solides non hématopoïétiques.
Conclusions ?
La réponse immunitaire aux agressions est globalement au large bénéfice
de la personne et aussi du groupe si on considère une immunité collective
(herd immunity). Cela, bien évidemment, dans le cas de la compétence
immune dès la naissance, et à l’exclusion des situations de déficit
immunitaire primitif, qui est un véritable handicap, bien souvent sévère ou
très sévère. Les failles de l’immunité sont fréquemment dues à des défauts
dans la cuirasse, en lien bien souvent avec le génie propre d’agents
extérieurs comme des pathogènes infectieux qui – dans leur propre
logique de survie – développent des stratégies d’agression s’apparentant
tantôt à des blitzkreigs tantôt à des guérillas. Et tantôt, des stratégies de
défense de l’organisme se retrouvent être des contrattaques, sources de
pathologies (hyper)inflammatoires, d’élimination des pathogènes qui
peuvent se trouver prisonniers de fortins protégés, de cicatrisation. Des
outils de l’immunité déformés marquent des buts contre leurs camps, ne
se reconnaissant pas dans un miroir ils se voient différents et ennemis
déclenchant de l’auto-immunité et de l’autoinflammation, ou transforment
des protéines innocentes en agresseurs allergènes. L’immunité peut pécher
par son souci d’efficacité et un occasionnel manque de discernement :
Bonaparte a lui aussi connu des Montebello, des Marengo, des Solferino,
des Wagram et des Austerlitz (etc.) mais aussi des Waterloo et des
Trafalgar.
1. Fondation pour la Recherche Médicale. https://www.frm.org/recherches-cancers/cancers-en-
chiffres?gclid=Cj0KCQiAmL-
ABhDFARIsAKywVacARqUcs5y7xyHQJsNvlZjILeL9zirybUzewgdF0BZAQl24IvCLcSoaAhgU
EALw_wcB.
2. Si la moyenne est la moyenne arithmétique d’une série de chiffres, la médiane est une valeur
numérique qui sépare la moitié supérieure de la moitié inférieure d’un ensemble.
3. C’est de moins en moins vrai avec la médecine occupationnelle et du travail, la médecine du sport,
la médecine de prévention, la médecine du don (sang, organes, gamètes) ; néanmoins, la médecine
s’occupe davantage des personnes malades ou handicapées et c’est en cela qu’elle met en exergue
les « loupés » du système immunitaire.
4. De Jonathan Demme, 1993, avec en vedettes Tom Hanks, Denzel Washington et Antonio
Banderas.
5. Le public connaît ce progrès sous le nom de « bébés bulles » ; nom tout autant étrange que
déplacé, puisque que ces enfants sont de jeunes malades et pas des abstractions (le terme de bulle
renvoie à l’environnement stérile auquel l’enfant est soumis avant et pendant son traitement,
traitement encore compassionnel et expérimental et pas commun et non dénué de risques
secondaires (iatrogènes).
6. Certaines personnes présentent un déficit d’une classe d’immunoglobulines parmi celles
composant les anticorps plasmatiques, les IgA. Ce déficit est le plus fréquent de tous les déficits
immunitaires et la plupart des personnes qui le portent en sont totalement ignorants ; quelques
autres manifestent des propensions aux infections en particulier ORL et des maladies auto-
immunes ; les personnes déficitaires peuvent manifester des signes d’allergie (éventuellement
sévères) s’ils reçoivent des transfusions riches en plasma et en IgA, bien que la physiopathologie
de cet effet indésirable transfusionnel soit remise en question par certains ; quoiqu’il en soit, les
médicaments préparés à partir du plasma subissent une déplétion en IgA par sécurité.
7. Signifiant « gâchette » en anglais.
8. On lit hélas trop souvent « susceptibilité » un anglicisme (susceptibility) mais c’est bien sensibilité
en français.
9. On parle de pool pour désigner une population cellulaire, qui peut être homogène ou non
d’ailleurs.
10. On rappelle l’acronyme : Danger Associated Molecular Pattern(s).
11. L’atopie est la prédisposition héréditaire à développer des manifestations d’hypersensibilité
immédiate telles que l’asthme, le rhume des foins, l’urticaire, une certaine forme d’eczéma, une
sensibilité aux grains de pollen, certaines rhinites et conjonctivites ainsi que diverses
manifestations allergiques digestives. L’atopie est un état qui définit la capacité ou l’aptitude à être
cliniquement allergique.
12. https://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/03/21/22131-allergies-mal-siecle ;
https://www.lavie.fr/papier/2015/3629/les-allergies-le-mal-du-siegravecle-17100.php.
13. Ce paragraphe s’est largement inspiré de l’article de l’INSERM suivant (2015) :
https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/allergies ; pour davantage
d’informations, un ouvrage paru chez le même éditeur que cet ouvrage dans la collection 100
questions-réponses peut être consulté (Denis Charpin, 2016).
14. https://www.fmcgastro.org/postu-main/postu-2013-paris/textes-postu-2013-paris/maladie-
coeliaque-de-lenfance-a-lage-adulte/.
Pour une meilleure compréhension, on pourra consulter l’article suivant de S Maître et
collaborateurs, paru dans la Revue Médicale Suisse en 2014 :
https://www.revmed.ch/RMS/2014/RMS-N-426/Allergie-ou-intolerance-alimentaire.
15. Bernard David. Les allergènes : mythe ou réalité. XLe journée du GAICRM-Groupement
d’allergologie et d’immunologie clinique du Rhône Moyen, Apr 2017, Rochegude, France.
pasteur-01556765. https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-01556765.
CHAPITRE 14
Rediriger l’immunité
Dès les années 1970, il a été imaginé qu’il pourrait être à la fois efficace
et élégant à la fois de booster l’immunité et de cibler cette action pour
accroître en particulier la défense anti-tumorale. Différents programmes
ont consisté à extraire soit des cellules du sang, soit des lymphocytes ou
des macrophages extraits de tumeurs, afin de les stimuler ex vivo au
laboratoire par des facteurs de croissance et des modificateurs du
comportement biologique, et de les réinjecter soit dans le sang, soit dans
le tissu malade. Des programmes de type prime-boost4 consistant à
éduquer les cellules et les amplifier sont en effet une manière d’adresser la
question, mais ces projets ont rarement été très spectaculaires, qu’ils
soient appliqués aux cancers ou aux infections graves comme par le VIH ;
cela a pu un temps être la dernière option possible compassionnelle, pour
des cancers à terrible pronostic comme des tumeurs de vessie, des
mélanomes malins, ou des cancers du pancréas. Ce n’est que récemment
que la situation a rebondi avec l’arrivée des CAR-T-Cells qui
révolutionnent l’approche anti-tumorale par des cellules modifiées – en
l’occurrence des chimères T-B à récepteurs pour l’antigène éduqués et
modifiés ex vivo – tout d’abord pour les leucémies et lymphomes
(tumeurs malignes hématologiques) et plus récemment encore pour des
tumeurs solides non hématologiques.
Freiner l’immunité17
■ Dans quelles circonstances souhaite-t-on freiner l’immunité ?
Dans plusieurs circonstances : 1) la plus fréquente, pour réduire des signes
inflammatoires, un des principaux motifs de consultation, tous praticiens
confondus ; 2) la plus complexe, pour réduire et si possible annihiler la
production des outils auto-agressifs comme les clones de lymphocytes T
auto-immuns et les auto-anticorps, qui sont souvent aussi auto-
inflammatoires, une cause de consultation de spécialiste d’organe ou de
médecine interne complexe ; 3) la plus spectaculaire, l’éviction du rejet de
greffes et transplantations, par des médicaments anti-rejets, dont il existe
plusieurs types, efficaces mais loin d’être exempts de nombreux effets
secondaires.
■ Les anti-inflammatoires
D’une façon générale tous ces agents qui ciblent l’intensité des réponses
immunitaires, agissant de façon non spécifique (nous verrons un peu plus
loin les actions spécifiques), sont de gros pourvoyeurs d’effets
indésirables, gérables – à moins de souffrir d’insuffisance hépatique –
pour le presque banal paracétamol ou les AINS (anti-inflammatoires non
stéroïdiens, de type ibuprofène et consorts) – mais bien vite plus
complexes dès lors qu’on manipule les anti-inflammatoires stéroïdiens,
c’est-à-dire les corticoïdes.
■ Les antiallergiques
Un peu à part de cette catégorie les antiallergiques qui ciblent des
récepteurs différents des précédents, même si les AINS et les corticoïdes
peuvent faire partie de l’ordonnance en cas de crise aiguë. L’ordonnance
pourra être complétée, comme pour freiner les auto-anticorps, par des
biothérapies, anti-IgE en particulier ; des thérapies spécifiques peuvent
aussi être mises en œuvre par les spécialistes de l’allergie.
■ L’immuno-modulation post-transfusionnelle
• « Tu veux ou tu veux pas19 ? » : Tu ne veux pas…
Le transfuseur que j’ai été près de la moitié de ma vie professionnelle ne
peut pas passer sous silence – et dans ce très court chapitre seulement – le
rôle de la transfusion dans la déviation des réponses immunitaires. Sans
qu’on l’ait formellement démontré, on a de bons arguments pour penser
que les transfusions modulent les réponses immunitaires. Le sang étranger
en effet est perçu comme une agression par l’organisme transfusé, quand
bien même ce dernier bénéficie de l’apport d’hémoglobine et de fer, de
facteurs de coagulation, de plaquettes hémostatiques. Cette perception
d’ipséité (cette différence au sens de l’autre) se manifeste de deux façons :
l’une bien connue, prévenue pour autant que possible par l’appariement
des phénotypes, est l’allo-immunisation c’est-à-dire l’émergence de
clones de lymphocytes T cytotoxiques et auxiliaires et de lymphocytes B
devenant des plasmocytes sécréteurs d’allo-anticorps « toxiques »,
compliquant considérablement les transfusions subséquentes mais aussi
bien souvent les grossesses en cours et à venir : l’autre fait probablement
intervenir l’émergence de lymphocytes T régulateurs-suppresseurs, qui
amenuiseraient l’efficacité de la surveillance immune contre les cancers
en particulier. (Qu’on soit clair, cependant : la transfusion sanguine sauve
cependant infiniment plus qu’elle n’agresse).
• « Tu veux ou tu veux pas ? » : Tu veux…
Voici tout juste un peu plus de deux décennies qu’on a arrêté d’immuniser
volontairement des candidats aux greffes d’organes (de reins) avec du
sang transfusé présentant des disparités immunologiques pour stimuler
une réponse de déviation immunitaire. Cela avait l’immense inconvénient
de créer des situations d’immunisations dans le système HLA, or dans la
greffe de rein on se base d’abord sur les antigènes interdits par la présence
d’anticorps : c’était une perte de chance du point de vue du greffon.
Conclusions
Ab Antibody (anticorps)
Ac Anticorps
ADCC Antibody Dependent Cell-mediated Cytotoxicity
(Cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps)
Ag Antigène (antigen)
AICD Activation Induced Cell Death
AID Activation Induced cytidine Deaminase
AIRE AutoImmune REgulator
ALK Anaplastic Lymphoma Kinase
APC Antigen Presenting Cell (Cellule présentant les antigènes)
APRIL A PRoliferation-Inducing Ligand
BAFF B-cell Activating Factor belonging to the TNF Family
BALT Bronchus Associated Lymphoid Tissue
BCR, B-Cell Receptor
BcR
BTK Bruton Tyrosine Kinase
CAR Chimeric Antigen Receptor
CD (1) rarement utilisé pour éviter la confusion avec :
(2) Cluster of Differentiation
CDR Complementary Determining Region
CLR C-type Lectin Receptor
CMH Complexe majeur d’histocompatibilité
CMIS Common Mucosal Immune System
CMV Cytomégalovirus
CPA Cellule présentatrice d’antigène
CR Complement Receptor
CRF Corticotropin-Releasing Factor
CSH Cellule souche hématopoïétique
CSL Cellule souche lymphoïde
CSM Cellule souche myéloïde
CSP Cellule souche périphérique
CTL Cytotoxic T Lymphocytes
CTLA Cytotoxic T Lymphocyte Antigen
DAF Decay Accelerating Factor
DAG DiAcylGlycerol
DAMP Danger-Associated Molecular Pattern
DC Cellule dendritique
DC- Dendritic Cell-Specific Intercellular Adhesion Molecule-3-
SIGN Grabbing Non-Integrin
DHFR DiHydroFolate Reductase
DICS Déficit immunitaire combiné sévère
DICV Déficit immunitaire commun variable
DLI Donor Lymphocyte Infusion
EBV Epstein-Barr Virus
ECP Eosinophil Cationic Protein
EGF Epidermal Growth Factor
EPO (1) Erythropoietin/Érythropoiétine ; (2) Eosinophil
PerOxidase
Fab Fragment antibody
Fc Fragment cristallisable
FGF Fibroblast Growth Factor
FR Framework Region
GAD Glutamic Acid Decarboxylase
GALT Gut Associated Lymphoid Tissue
G-CSF Granulocyte-Colony Stimulating Factor
GM- Granulocyte Monocyte-Colony Stimulating Factor
CSF
GPI Glycosylphosphatidylinositol
HEV High Endothelial Venule
HIgM Syndrome d’Hyper-IgM
HLA Human Leukocyte Antigen
HMGB1 High-Mobility Group Box 1 protein
HSC Hematopoietic Stem Cell
HSI Hypersensibilité immédiate
HSP Heat Shock Protein
HSR Hypersensibilité retardée
ICAM InterCellular Adhesion Molecules
ICOS Inducible T-cell COStimulator
IEL Intra-Epithelial Lymphocytes
IFN Interféron
Ig Immunoglobuline/Immunoglobulin
ILT Immunoglobulin-Like Transcript
iNKT Invariant Natural Killer T cell
ITAM Immunoreceptor Tyrosine Activating Motif
ITIM Immunoreceptor Tyrosine Inhibitory Motif
IVIG IntraVenous Immunoglobulins
(Immunoglobulines intraveineuses = injectables)
KAR Killer Activation Receptor
KIR Killer Immunoglobulin-like Receptor
LAT Linker for Activation of T-cells
LPS LipoPolySaccharide
MAG Myelin Associated Glycoprotein
MALT Mucosae Associated Lymphoid Tissue
MASP Mannan-Associated Serine Protease
MAT Microangiopathie thrombotique
MBL Mannan Binding Lectin
MBP Major Basic Protein/Protéine basique majeure
MCP Membrane Cofactor Protein
M-CSF Monocyte-Colony Stimulating Factor
mDC myeloid Dendritic Cells
MGG May-Grünwald Giemsa
MIP-3α Macrophage Inflammatory Protein-3α
MMF Mycophénolate mofétyl
MPO Myéloperoxydase
mTOR mammalian Target of Rapamycin
NET Neutrophil Extracellular Traps
NFAT Nuclear Factor of Activated T Cells
NGF Nerve Growth Factor
NK Natural Killer
NKT Natural Killer T cell
NLRs NOD-Like Receptors
PAF Platelet Activating Factor
PALS Periarterial Lymphoid Sheath
PAMPs Pathogen Associated Molecular Patterns
PD Programmed Cell Death
pDC plasmacytoid Dendritic Cells
PECAM Platelet-Endothelial Cell Adhesion Molecule
PKR Protéine Kinase R
PLGF PLacental Growth Factor
PRR Pathogen Recognition Receptor
PTT Purpura thrombotique thrombocytopénique
RAG Recombination Activating Gene
RcB Récepteur (lymphocytaire) B
RcT Récepteur (lymphocytaire) T
RE Réticulum endoplasmique
RLR RIG-Like Receptor
RSS Recombination Signal Sequence (Séquence signal de
recombinaison)
SAM Syndrome d’activation macrophagique
SAMP Self-associated molecular pattern
SHU Syndrome hémolytique et urémique
Siglec Sialic acid-binding immunoglobulin-type lectins
SR Scavenger Receptors
STAT Signal Transducer and Activator of Transcription
TACI Transmembrane Activator and CAML Interactor
TAP Transporter associated with Antigen Processing
TCR, T-Cell Receptor
TcR
TdT Terminal Deoxynucleotidyl Transferase
TGF Tumor Growth Factor
TIL Tumor Infiltrating Lymphocytes
TLR Toll-Like Receptor
TNFα Tumor Necrosis Factorα
TRAIL TNF-Related Apoptosis-Inducing Ligand
TREC T-cell Receptor Excision Circle
Treg Lymphocytes T régulateurs
TSH Thyroid Stimulating Hormone
TSLP Thymic Stromal LymphoPoietin
UNG Uracyl DNA Glycosylase
VEGF Vascular Endothelial Growth Factor
WASP Wiskott-Aldrich Syndrome Protein
XIAP X-Linked Inhibitor of Apoptosis Protein
Table des matières
DÉDICACES