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SOMMAIRE

Couverture

Page de titre

Préface

Avant-propos

Introduction

Gènes, épigénèse et santé

Exercice, adaptations et épigenèse

Du génome humain au microbiote

Le stress radicalaire : facteur d’adaptation ou de désadaptation ?

L’immunité, un processus gouverné par l’épigenèse

L’intestin : l’étanchéité à l’hyperperméabilité

Les solutions épinutritionnelles

Conclusion

Dédicaces

Notes

Page de copyright

Résumé du livre
PRÉFACE

Le microbiote. Quelle est cette entité formée de millions de micro-organismes, à eux seuls plus nombreux que l’ensemble des cellules de
notre corps réunies ? Une entité capable, dès lors que son équilibre s’altère, de provoquer la dégradation de nos défenses, et in fine de notre
santé.
Troubles du comportement ou de l’apprentissage, désordres alimentaires, allergies, insulino-résistance... De nombreuses pathologies
chroniques trouvent ainsi naissance dans un processus de dérégulation immunitaire, lui-même potentiellement corrélé à différents facteurs
agressifs, notamment environnementaux, ou un terrain génétique particulier.

Denis Riché, scientifique rigoureux, pionnier, lanceur d’alerte, met en lumière depuis plus de 25 ans, et ce à travers de multiples travaux,
les liens tangibles établis entre dysbiose, perméabilité intestinale et pathogénèse. Après avoir consacré de précédentes publications à la micro-
nutrition, puis à la sensibilité au gluten non cœliaque, l’auteur nous éclaire à présent sur les notions d’épinutrition, d’ischémie-reperfusion, de
super antigène et d’inflammation chronique ; autant de concepts essentiels à la compréhension des correspondances unissant système
immunitaire et infections chroniques.

C’est aujourd’hui un honneur pour moi de rendre hommage, à l’occasion de ce 15e ouvrage, à l’homme comme au scientifique, en saluant
à la fois ses années de travail théorique, sa pratique ; mais aussi ses qualités d’écoute, d’humilité et d’ouverture d’esprit.

En tant que médecin membre du groupe Chronimed 1, je ne peux que souligner à quel point nos approches se complètent et s’avalisent.
Dysbiose et infection chronique sont liées, l’une pouvant entrainer l’autre, et réciproquement ; les deux s’alliant pour déclencher une pathologie
et l’entretenir.

La complémentarité des prises en charge de pathologies chroniques apparait, en conséquence, fondamentale. Traitement de l’infection,
traitement du terrain ; sans oublier l’humilité d’apprendre toujours les uns des autres.

Nous sommes à l’heure de la médecine globale et intégrative. Globale, c’est-à-dire dépassant la notion d’organes isolés, indépendants les
uns des autres (le ventre, notre deuxième cerveau ?). Intégrative, c’est-à-dire intégrant les approches et les thérapeutiques autres que celles de
la médecine conventionnelle occidentale.

Et si cela n’était que théorie... Mais c’est bien de pratique dont il s’agit, puisque c’est avant toute chose l’écoute et la prise en charge de
milliers de patients qui ont permis, souvent via de spectaculaires résultats, les avancées médicales ici exposées.
Les patients comme clés de voûte de nouvelles découvertes et leurs témoignages comme autant de cadeaux nous offrant la force et la foi
de continuer dans cette si difficile voie.

Dr Philippe RAYMOND

Membre fondateur de Chronimed


Membre du groupe de travail du Haut Conseil en Santé Publique sur la Borréliose de Lyme
AVANT-PROPOS

J’ai rédigé la version initiale de ce livre en 2016, et il est sorti en 2017, soit trois ans avant la pandémie, qui semble avoir bouleversé le
monde, mais confronte surtout la population à la nécessité d’un changement, que la majorité d’entre nous ne peuvent ou ne veulent pas voir
venir.
Les anthropologues, les sociologues, les psychologues s’accordent tous à reconnaître que ce qui détermine les actions des hommes est la
gestion de l’angoisse de mort. Pour la majorité d’entre nous, cela passe par l’adhésion à une histoire collective qui permet d’affronter cette
perspective. Cela nous fait entrer dans le domaine des croyances et des dogmes. Bien que se voulant moderne et tournée vers la connaissance,
notre société n’échappe pas à la règle. Elle s’organise autour d’une idée dominante qui traverse toutes les strates qui la composent, celle qui
veut que grâce à la science il ne peut rien nous arriver et que la croissance est la clef du bonheur. Cette perception du monde, majoritairement
partagée, ne peut accepter une remise en cause du fondement de cette croyance. En effet, si on en pointe les dégâts collatéraux, ceux dont une
partie est décrite dans ce livre, l’émotion que cela suscite n’est pas tolérable : « Si ce en quoi je crois est faux, alors en quoi puis-je croire pour
ne pas mourir ? » Bien évidemment, une telle situation se révèlerait extrêmement violente et anxiogène, et génèrerait un stress qui pourra se
manifester selon trois processus possibles : la fuite, l’inhibition ou la lutte. Dans ces conditions, le déni du réchauffement climatique ou
l’indifférence vis-à-vis des scientifiques qui alertent sur les dangers sanitaires trahissent cette fuite. Celle-ci persistera jusqu’à ce que, face à
l’évidence, il faille brutalement changer d’histoire collective. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été averti régulièrement depuis des décennies :
« Parallèlement à la possibilité de l’extinction de l’humanité par la guerre nucléaire, le problème central de notre époque est donc devenu la
contamination de l’ensemble de l’environnement humain par ces substances d’une incroyable puissance de nuisance. Elles s’accumulent dans les tissus des
plantes et des animaux et pénètrent même les cellules germinales, altérant ainsi le matériau de l’hérédité dont dépend la forme de l’avenir. » C’est ce que
Rachel Carlson écrivait en 1962 dans « Silent spring ». La question des perturbateurs de l’épigénèse, abordée dans ce livre, poursuit ce
cheminement entamé il y a déjà 60 ans.
L’inhibition liée au stress, quant à elle, conduit à étouffer toute velléité de révolte et à se plier aux réponses, souvent liberticides et
généralement décidées à la va-vite, mises en œuvre par les dirigeants, eux-mêmes soumis au stress de l’imprévisibilité. Quant à la lutte, elle
pousse à pointer et à considérer comme ennemis tous ceux qui n’adhèrent pas à l’histoire collective et qui, en pensant ou en agissant
différemment, amplifient l’angoisse de mort de la majorité. La teneur des échanges entre « pro-vax » et « anti-vax », pour reprendre la
terminologie des médias, illustre bien plus une société en lutte, qu’un monde régi par le débat rationnel, distancié et argumenté.

L’apaisement de ce stress sociétal passe par une vision simple et un peu manichéenne des situations nouvelles, et s’accommode mal d’une
réflexion holistique plus complexe. Ainsi, pour affronter l’angoisse du monde qui change et atténuer la peur de l’inconnu, il semble facile et
rassurant d’entrer en guerre contre un virus, dont l’émergence semblait pourtant inéluctable en regard des agressions subies par notre planète.
Qu’il nourrisse une certaine forme de peur, en raison du nombre de décès qu’on lui attribue, 5,06 millions en 18 mois, cela se conçoit tout à fait.
Mais, on a compté, selon les chiffres de l’OMS, 19 millions de morts provoquées par des accidents cardio-vasculaires en 2019, et ce pour
l’ensemble de la planète. Ceci représente un effectif cinq fois plus importants que pour la pandémie. Est-ce pour autant qu’on aurait cinq fois
plus peur de mourir d’un infarctus que d’être touché par ce virus ? C’est à cela qu’on voit que cette crise a favorisé l’immiscion de l’irrationnel
dans nos décisions. Cela peut s’expliquer ; venir à bout de cette épidémie permettrait de repartir comme avant, et permettrait de faire l’économie
des questions de fond qui, immanquablement, surgissent régulièrement : Comment expliquer l’augmentation spectaculaire des cas d’obésité, de
cancer, de diabète, d’autisme, de soucis de fertilité auxquels un nombre croissant d’entre nous se trouvent confrontés avec fatalisme et
acceptation ? Comment comprendre que leur prise en charge ait pâti de l’urgence liée au Covid en raison de priorités dont personne ne peut
discuter la pertinence ? Ces problématiques nécessitant un changement en profondeur et une remise en cause de chacun, elles coûtent beaucoup
trop, émotionnellement, et cela permet de comprendre cette situation irrationnelle où on redoute beaucoup plus un agent infectieux devenu
l’ennemi public, que le fait de voir ses enfants souffrir de cancer, de malformations, de sclérose en plaques ou de stérilité. Sans doute aussi parce
que les problématiques « systémiques » conduisent à diluer les responsabilités de chacun. « On n’y peut rien ! », « ce n’est pas de notre faute ! »,
étant alors des antiennes répétées à l’envi.
Dans ce livre, j’exposais déjà les différents niveaux où il serait possible d’agir pour améliorer le quotidien des générations futures.
Certaines de ces actions relèvent de choix politiques, d’autres de protocoles mis en œuvre par les thérapeutes. Enfin, une dernière catégorie
implique des choix individuels, concernant autant notre manière de manger et de consommer, notre rapport au monde, que notre perception du
sens de notre société. La pandémie ne représente, finalement, qu’un catalyseur des changements nécessaires. Hélas trop peu, parmi nous, ne
sont pour le moment capables de le voir ainsi. C’est pour cette raison, que j’ai choisi de redonner vie à cet ouvrage, sans doute trop tôt sorti.

Denis Riché, 09/11/2021


INTRODUCTION…

UN PROBLÈME QUI NOUS DÉPASSE !

Une inaptitude généralisée

Diverses études ont permis de chiffrer précisément ce que beaucoup d’observateurs, tant dans le milieu sportif que dans le monde scolaire,
pressentaient : il existe un réel déclin des aptitudes aérobies des écoliers des pays occidentaux. L’étude qui a le plus frappé les esprits, émane de
l’équipe du professeur Grant Tomkinson (30), de l’université d’Australie-Méridionale. Ce dernier a analysé 50 études menées entre 1964 et
2010, évaluant l’endurance de plus de 25 millions d’enfants âgés de 9 à 17 ans et vivant dans 28 pays (la plupart faisant partie des plus nantis).
Une analyse statistique a permis de comparer leur condition physique selon deux critères : quelle distance ils pouvaient parcourir en un temps
donné (entre 5 et 15 minutes), et combien de temps ils mettaient pour parcourir une distance donnée (un demi à un mile, soit 800 mètres à 1,6
kilomètre). Les deux critères renseignaient finalement sur les aptitudes instantanées de cette population. Qu’en penser ? Certes, leur condition
physique à un instant donné, résulte d’une multitude de facteurs, certains liés au capital génétique, d’autres à l’environnement, l’interaction
entre les deux constituant ce qu’on nomme l’épigénèse. Toujours est-il que la sentence, plutôt brutale, est tombée à l’issue de son analyse. En
moyenne, les enfants d’aujourd’hui courent moins vite, et moins longtemps que leurs parents ne le faisaient au même âge. Depuis les années
1970, tous les dix ans, les enfants ont perdu en moyenne 5 % de leurs capacités cardio-vasculaires. Ces résultats s’avèrent valables pour les
filles comme pour les garçons, et ce quel que soit l’âge et (avec quelques menues variations toutefois) ou le pays d’origine. Ce déclin s’inscrit
dans une dynamique qui semble avoir démarré avec l’ère industrielle. Les travaux du Professeur Loren Cordain (11, 14), qui s’attache à décrire
l’activité des hommes du Paléolithique et des sociétés vivant encore selon ce mode, pointe un élément important : l’évolution nous a dotés de
caractéristiques physiologiques qu’on ne peut optimiser que par la pratique régulière d’une activité physique. C’est l’idée qu’a également
longtemps défendue, dès le milieu du XX e siècle, le professeur Ralph Paffenbarger (20), après des années consacrées à suivre l’état de santé des
dockers américains, qu’il corrélait à leur dépense calorique hebdomadaire. Plus près de nous, Christopher McDougall (17) avance même l’idée
que c’est l’aptitude de l’Homme à courir longtemps sans fatigue, que n’égale aucune autre espèce, qui lui aurait permis de chasser avec succès
des gibiers plus forts ou plus rapides que lui, et de survivre. D’autres chercheurs ont dressé un panorama comparable, que ce soit en Europe ou
évidemment aux États-Unis (10), où on date le début du déclin à la même période. En France, les chiffres relatifs à l’activité des enfants et des
adolescents soulignaient déjà, avant le premier confinement de 2020, la difficulté, pour beaucoup d’entre eux à « respecter », selon le terme des
experts, les recommandations édictées à ce sujet. Le choix du verbe « respecter » en dit long sur la manière de considérer la situation, laissant
supposer que ces jeunes, en se montrant plutôt sédentaires, enfreignaient sciemment une règle, à l’instar de conducteurs roulant sans ceinture.
Ne faut-il pas plutôt s’interroger sur les contraintes de vie auxquelles ils se trouvent soumis, sur la place congrue accordée au sport, et sur le
temps perdu dans les trajets ? Il est sans doute un peu facile de se contenter de fustiger l’habitude, certes excessive, à passer du temps face aux
écrans. Comme je l’évoque dans l’avant-propos, il s’agit sans doute d’une des conséquences de notre modèle sociétal. La tendance s’est aggravée
avec le premier confinement (19), avec une perte significative de condition physique, mais aussi une régression sur le plan cognitif et une prise
de poids, quasi systématique, qui nous alerte une fois de plus sur la vulnérabilité métabolique de cette génération. À ceci s’est ajouté un dernier
fléau, né avec ce contexte stressant : l’addiction aux écrans des plus jeunes, qui interpelle grandement le monde des pédopsychiatres (31).
Dans un quotidien français, Grant Tomkinson enfonçait le clou de manière très explicite : « Nous n’avons pas de données complètes
avant 1975, mais cela semble être le point de basculement où les choses ont commencé à empirer. Les deux principaux coupables semblent être
l’augmentation du poids des enfants et leur moindre pratique d’une activité physique ». Ces explications sont classiquement avancées et semblent
laisser se dessiner un scénario simple à décrypter : On mange trop et on ne bouge plus assez. Certes, mais est-ce si évident ?
En fait, à l’inverse d’une idée reçue, cela fait plus de 20 ans que l’apport énergétique moyen s’est réduit. C’est en 1998 que, pour la
première fois, des auteurs pointaient ce paradoxe chez les Français, alors confrontés à une augmentation de la prévalence de l’obésité. Leurs
chiffres suggéraient que ces derniers avaient fortement décru leurs apports énergétiques, de manière quasi « automatique », en réponse à un
mode de vie plus sédentaire (22) ; Il ressortait même de ce travail que l’apport énergétique moyen de plusieurs tranches de population, se
trouvait sous les chiffres recommandés par les experts. Or, que n’entend-on pas encore dire à ce sujet, et combien de messages incitent à
« manger moins »...
Quant au temps consacré à l’exercice, il semble logique de le considérer en déclin à l’échelle de la population, du moins quand on ne
prend pas la peine d’y réfléchir plus attentivement. En effet, cette évidence ne saute pas tant aux yeux que cela, lorsqu’on regarde les
conclusions de différentes enquêtes consacrées à l’activité physique des plus jeunes. Sur un tableau emprunté à une étude de l’INSERM de 2002,
on voit que 66 % des jeunes pratiquent régulièrement un sport, ce qui ferait porter au seul tiers restant la responsabilité de l’augmentation
générale de la prise de poids... Si on affine, cette idée n’a plus vraiment de sens quand on considère spécifiquement la diminution de la VO2 Max
moyenne des jeunes athlètes par rapports à celle des générations précédentes. En effet ici, par nature, on s’adresse à des populations actives. Or,
le passage d’une société sans télévision à celle des tablettes, consoles et e-pad a évidemment diminué de manière générale le volume horaire
consacré à faire de l’exercice. Certes, mais au-delà de cette évidence, une question se pose. La plupart des physiologistes considèrent que le
développement de la consommation maximale d’oxygène, la « cylindrée » du sportif, passe par l’accomplissement d’efforts maximaux brefs
(l’entraînement intermittent) et nécessite également des sollicitations à des âges critiques. Une « méta analyse » publiée il y a 30 ans (33)
pointait par ordre d’importance les facteurs qui, d’après toutes les études publiées jusque alors, déterminaient la valeur de VO2 Max. Il en est
ressorti que c’est l’intensité des exercices fournis qui compte le plus, devant la fréquence des sollicitations (autrement dit, le nombre de séances
effectuées chaque semaine). Fait notable : le volume d’entraînement, c’est-à-dire le temps moyen consacré par l’individu à sa pratique, n’influe
pas sur sa consommation maximale d’oxygène. Par conséquent, il convient de se demander dans quelle mesure la diminution de la quantité de
mouvement liée à l’évolution de notre société permet réellement, comme on le prétend régulièrement, d’expliquer cette baisse générale
d’aptitude ?

Tableau 1. Évolution de la pratique sportive des jeunes entre 12 et 17 ans (Enquête MJS-Insep 2001).

Garçons Filles
Total (%)
12-14 ans (%) 15-17 ans (%) 12-14 ans (%) 15-17 ans (%)

Pratique un sport 77 77 66 54 66

Pratique en club 61 52 49 34 51

A une licence 56 45 33 23 33

Fait de la compétition 49 39 23 17 30

Niveau de pratique sportive des garçons et filles, en fonction de leur âge. Notons que les deux tiers des enfants pratiquent un sport, chiffre qui ne permet
pas formellement d’attribuer à la sédentarité l’intégralité de la responsabilité de la baisse de condition physique et de l’explosion du surpoids chez les plus
jeunes (d’après l’INSERM).

L’épidémie d’obésité n’est pas contagieuse

La courbe de l’augmentation de l’obésité épouse une évolution inverse de celle de la condition physique ; on a en effet observé une
croissance permanente jusqu’au milieu des années 2000 et cela a conduit les experts, inquiets, à tirer la sonnette d’alarme en évoquant une
authentique « épidémie d’obésité ». Même s’il ne s’agissait pas d’une maladie à proprement parler, le terme d’épidémie visait à réveiller les
consciences et à interpeller sur un problème dont les causes invoquées, à l’époque, étaient à la fois la sédentarité croissante et une alimentation
trop riche. Avant de considérer cette hypothèse à la lumière des connaissances actuelles, revenons sur quelques chiffres pour fixer la réalité de
cette situation. À l’échelle mondiale, le nombre de cas d’obésité a doublé depuis 1980. Les statistiques s’affolent d’année en année. Ainsi, en
2013 le surpoids et l’obésité concernaient près de 42 millions d’enfants de moins de 5 ans. Un an plus tard, plus de 1,9 milliard d’adultes se
trouvaient en surpoids. Sur ce total, plus de 600 millions entraient dans la catégorie des obèses, soit 13 % de la population mondiale (11 % des
hommes et 15 % des femmes) en 2014. Cette même année, 39 % des adultes – personnes de 18 ans et plus – (38 % des hommes et 40 % des
femmes) étaient en surpoids.
Qu’en est-il en France ? 6,5 millions de personnes sont considérées comme obèses (soit 14,5 % de la population adulte). La
proportion des personnes obèses est passée de 8,5 % à 14,5 % entre 1997 et 2009. L’augmentation de la prévalence se retrouve dans toutes les
tranches d’âge de la population, y compris chez les seniors. À noter que cette évolution défavorable semble plus importante chez les femmes
(15,1 %) que chez les hommes (13,9 %) (8). À quelques nuances près, l’évolution des statistiques ressemble à celle observée Outre-Atlantique,
décrivant par conséquent une situation identique.
Une question se pose alors : L’obésité précède-t-elle la baisse de condition, y compris chez les non obèses ? Au contraire, est-ce la baisse
des compétences physiologiques qui, se manifestant dans toutes les activités du quotidien fait le lit de l’obésité ? Ou alors ces deux phénomènes
sont-ils simplement la conséquence d’un autre facteur, qui n’aurait pas encore été considéré, et les engendrerait ?

Des chiffres alarmants à tous les niveaux

Il n’y a pas que les chiffres d’évolution de l’obésité qui poussent les statisticiens à s’arracher les cheveux. La même croissance
exponentielle et dramatique s’observe avec le cancer ce que, sans doute, aucun de nos lecteurs n’ignore. Les chiffres repris par David Servan
Schreiber dans son ouvrage « Anticancer » exposent clairement l’ampleur du problème (27).

La cote d’alerte semble également atteinte dans le cas de l’allergie, dont l’évolution s’avère phénoménale. À ce sujet, les enquêtes ne
laissent aucune place à l’ambiguïté et décrivent un phénomène statistique comparable aux pathologies précédentes. Ainsi, concerne-t-elle
aujourd’hui près d’une personne sur trois, et les chiffres continuent d’augmenter régulièrement. De nombreux allergologues estiment même que
dans moins de 10 ans, ces problèmes affecteront une personne sur deux. Autre élément singulier : Le pourcentage d’allergiques a doublé en 15
ans dans les pays industrialisés. Cette progression alerte d’autant plus les médecins, notamment les allergologues, que ce chiffre atteignait à
peine 5 % au début des années 70. En 2015, l’OMS classait les maladies allergiques au quatrième rang des plus répandues (5).
Ce n’est pas tout. Si l’on considère les problèmes de fertilité, très rares au milieu du XX e siècle, ils concernent « un couple sur 6 et un
couple sur 10 aura recours à des traitements inducteurs de l’ovulation ou à des techniques de procréation médicale assistée », lisait-on déjà en 2008
(13). Cela renvoie à cette phrase qui ouvrait souvent les conférences de David Servan-Schreiber : « Il y a 40 ans en arrière, un généraliste ne
rencontrait jamais de cancer, de cas d’allergie ni de problème de fertilité ». Typiquement, cette explosion des chiffres témoigne d’une conjonction de
causes, celles en lien avec l’immunité n’étant pas les moindres. Elles s’allient pour aboutir à ces données inquiétantes. Peu formé à une approche
systémique, qui appréhenderait les divers facteurs en jeu, le monde médical tend à apporter les mêmes explications que dans les années quatre-
vingts, réduisant ce phénomène à une simple question d’anomalies hormonales. Cela reste insuffisant, et selon les chiffres officiels, dans 12 %
des cas, « on ne sait pas... ». Certes, quelques auteurs, ces dernières années, profitant de la vogue des recherches consacrées au microbiote,
s’interrogent sur de possibles liens pouvant exister entre « dysbiose » et « hypofertilité » (16, 28). Leur regard n’embrasse cependant pas encore
la situation avec un angle suffisamment ouvert : ils observent des déséquilibres au sein des populations bactériennes des femmes confrontées à
des difficultés à tomber enceintes. Ils relèvent également l’effet favorable de certaines souches probiotiques. Mais ils ne semblent pas
s’interroger quant au sens de ces dérèglements de flore intestinale s’exprimant à l’échelle de la population dans sa quasi intégralité. Loin de se
présenter comme des phénomènes aléatoires et indépendants les uns des autres, on verra que ces problèmes de santé publique trouvent des
racines communes, et que celles-ci peuvent aussi être invoquées pour comprendre la dégradation, à leur insu, du niveau physique des jeunes
générations.

Figure 1. Répartition des problèmes d’infertilité au sein de la population française.

Enfin, d’autres fléaux émergent de manière foudroyante ces dernières décennies. Citons les troubles autistiques, où en l’espace de 20 ans,
la fréquence d’apparition est passée d’un cas sur 1850 naissances à un sur 50 aux États-Unis, et les prévisions projettent même une naissance
sur 5 dans les 5 années à venir (6, 29). Dernier exemple pour alimenter notre réflexion, celui de la fibromyalgie. Maladie quasiment inconnue
dans les années 1950 elle touche, pour notre seul pays, plus de deux millions de personnes en 2016 (25).

De telles évolutions doivent nous amener à repousser la tentation de l’explication génétique ; en effet, dans la foulée des immenses
espoirs suscités par la possibilité de caractériser le génome humain, une nouvelle philosophie médicale, celle du « tout génétique », a émergé au
cœur des années 2000, et avec elle une certaine idée de la « finitude » de la médecine, qui aurait atteint son évolution ultime avec la thérapie
génique. C’est dans ce contexte ambitieux que, en 2004, le docteur Helena Baranova publia un ouvrage, « nos gènes, notre santé et nous » (2), où
elle décrivait des modèles alimentaires « sur mesure », établis en fonction des vulnérabilités génétiques de chacun, puisque de nouvelles
techniques de génie biologique permettaient de les identifier. Le soufflé retomba très vite. Il est apparu en fait que, à l’instar d’un logiciel
installé sur un ordinateur, la présence d’un gène donné – même défavorable – n’implique pas forcément qu’il s’exprime à un instant particulier si
on n’initialise pas sa mise en route. Il est peu à peu devenu évident que des facteurs environnementaux, parmi lesquels les nutriments, les
antigènes et certains polluants s’avéraient capables – à l’égal d’un bouton « on » ou « off » –, d’initier (ou d’empêcher) la lecture de ce gène.
Cette évolution, qui date de la fin des années 2000, a favorisé la montée en puissance du concept d’épigénèse. Évoquons d’ores et déjà l’idée
essentielle qui s’y rattache. Selon l’influence favorable ou défavorable de ces facteurs environnementaux, nos gènes s’expriment, de manière
appropriée ou non, dans le bon tempo ou, au contraire à contretemps, et selon le déroulement de ces processus modulateurs on assistera, ou
non, à des ajustements favorables à notre organisme. C’est dans ce contexte que notre environnement (et pas seulement nos aliments) va
moduler notre santé. Mais il va aussi influer sur l’expression des gènes impliqués dans toutes les adaptations liées à l’organisme. Pour être plus
précis, le but de tout entraînement vise à créer des compétences dans les tissus (nous nous y attardons plus loin dans cet ouvrage) et ces
compétences, qu’on nomme aussi « adaptations », s’expriment grâce à la traduction de certaines séquences de nos gènes. Grâce à ces
adaptations, nos tissus vont par exemple mieux utiliser les substrats énergétiques, se trouver dotés d’un nombre accru de petits vaisseaux leur
apportant l’oxygène et exportant le CO2, ou encore disposeront de filaments contractiles plus longs, et par conséquent susceptibles, avec la
même quantité d’oxygène, de produire davantage de travail. Les articles de synthèse développant les aspects moléculaires de ces adaptations
sont cités dans l’un de mes ouvrages et j’y renvoie ceux qui veulent étudier en détail ces aspects biologiques (23). Le chapitre 2 en reprend
certains aspects.
C’est dans ce contexte qui replace les interactions entre notre environnement et nos gènes au centre de notre santé, qu’un nouveau venu
s’est invité à notre table : notre « microbiote ». Ce monde bactérien qui habite nos intestins, et sur lequel nous nous attarderons dans ce livre,
renferme mille fois plus de gènes que l’ensemble de nos tissus. Ces gènes communiquent en permanence avec les nôtres et sont susceptibles
d’influencer, favorablement ou non, l’expression de ceux-ci, et de moduler les fonctions qui en dépendent. Cette communication permet d’influer
sur la quasi totalité des fonctions de notre organisme. Notamment sur le contrôle du poids. C’est en 2008 que, pour la première fois dans le
cadre d’un congrès consacré à l’obésité, une session fut consacrée à ce qu’on dénommait encore la « flore intestinale ». Le travail présenté par
ceux qu’on considère aujourd’hui à la fois comme les pionniers et les spécialistes de ce domaine, les Belges Nathalie Delzenne et Patrick Cani,
s’intitulait : « obésité : la flore intestinale, un outsider imprévu ? » (12). Près de dix ans plus tard, les recherches portent sur les caractéristiques
du microbiote des sujets obèses, comparativement à celui des sujets de poids normal. Ils visent à en pointer des différences de composition
(certaines spécificités ont d’ailleurs déjà été mises en exergue), et tout porte à croire que notre environnement, comme pour nos propres gènes,
peut moduler leur expression. Des travaux décrivent déjà le lien entre surpoids et manque de diversité des familles bactériennes présentes dans
le microbiote, ou entre le mode d’accouchement et le risque d’acquérir ultérieurement un excès de masse grasse (5). L’influence délétère des
antibiothérapies antérieures ne laisse plus guère planer de doute quant à leur responsabilité dans la prise de poids des enfants ou des
adolescents. Ceci doit attirer notre attention. À l’époque où on en a généralisé et banalisé l’usage, les éventuels « effets secondaires » observés
étaient nuls. Mais comment pouvait-il en aller différemment ? Sur quelle durée doit-on observer, et quels critères considérer ? C’est le recul
clinique de plusieurs décennies, amenant à établir petit à petit des liens inattendus, que les hypothèses s’élaborent. L’histoire récente nous
montre, avec les vaccins, que cette prudence et le recul temporel nécessaires ne semblent plus être respectés dans un contexte d’urgence lié au
stress. Les chiffres indiquent en tout cas que si, lors de la première année de vie, l’enfant subit plus de deux antibiothérapies, le risque ultérieur
de diabète ou d’obésité augmente significativement (4, 22). Cette approche a relégué aux oubliettes à la fois la théorie orthodoxe, qui
considérait que la prise de masse grasse tenait essentiellement à des excès alimentaires. Elle poussait également à fortement relativiser les
espoirs placés dans le mirage de la thérapie génique. Or, dans un tel contexte, pourquoi ne pas considérer que les interactions entre notre
microbiote et nos tissus puissent déterminer la qualité des adaptations s’y tenant, non seulement quand on considère notre santé, mais aussi
lorsqu’il s’agit de débattre de la diminution des aptitudes physiques de la jeune génération ? Et pourquoi ne pas pousser également notre
réflexion aux autres problèmes de santé publique évoqués ci-dessus ? Comme par hasard, de récentes publications – pour n’évoquer que ce
problème – relient la dysbiose (terme désignant le déséquilibre du microbiote) et le risque de développer certains cancers. Pour les plus récentes,
les travaux concernaient ceux des voies digestives (15). Parmi les causes de dysbiose à large échelle, les scientifiques évoquent l’excès d’hygiène,
l’asepsie et les agressions subies par notre microbiote, notamment via les antibiothérapies (5).

L’entonnoir de la pathologie

Notre société n’est pas seulement celle de l’avènement de l’asepsie et de la dysbiose généralisée. Deux autres phénomènes sont
simultanément montés en puissance et ont produit leurs effets délétères sur les deux dernières générations. Le premier concerne
l’appauvrissement des aliments, à la fois en raison des modes d’agriculture qui appauvrissent les sols, et donc la perte de qualité nutritive des
plantes et des animaux qui les mangent, mais aussi de choix agronomiques, tels que l’usage de l’ensilage pour nourrir les animaux. Ainsi, le
pédiatre niçois Gérard Ailhaud a-t-il démontré que ce changement alimentaire, en affectant le rapport oméga 3/oméga 6 de notre alimentation,
et en appauvrissant la teneur en oméga 3 du lait maternel favorisait, par des processus épigénétiques particuliers, la formation de cellules
adipeuses excédentaires (1). Le second concerne l’augmentation croissante de l’usage de toxiques (notamment de pesticides) et leur
accumulation, et ce de génération en génération. La physiologie de la toxicologie souffre d’un manque de moyens et d’une confidentialité
compréhensible, dans la mesure où les recherches des toxicologues prennent en défaut les pouvoirs économiques et politiques. Mais les faits
sont têtus. De récents travaux, pour faire écho à ceux de Gérard Ailhaud, démontrent que l’exposition en période fœtale – par des aliments
courants contaminés – à des polluants tels que le DDE ou les PCB contribuaient à une formation accrue de cellules adipeuses. Ceci met en jeu
des processus épigénétiques, et la prise de masse grasse qui en résulte chez ces enfants s’avère totalement indépendante du niveau calorique de
leur ration (32), puisqu’ils n’étaient pas encore nés que tout était déjà joué pour eux !

Ces agressions cumulées amènent à envisager le concept de « l’entonnoir de la pathologie » et de la désadaptation, schématisé sur la
figure 2, qui permet de comprendre comment l’influence conjointe des perturbations de notre microbiote et les problèmes immunitaires qui en
découlent, l’appauvrissement des sols et des denrées, et enfin l’exposition à un taux croissant de toxiques provoquent, par des mécanismes
épigénétiques complexes, des situations de désadaptation. Celles-ci peuvent conduire à la perte d’une santé optimale, mais aussi à une
dégradation de nos aptitudes physiques.

Figure 2. L’entonnoir de la désadaptation.

De la micronutrition à l’épinutrition

À l’origine, la micronutrition s’est érigée en rupture par rapport à la nutrition classique, orthodoxe et institutionnelle. Au moment de son
émergence, à la fin des années ’80, elle s’en distinguait par l’intérêt majeur qu’elle accordait aux micronutriments, jusque là voués à jouer les
utilités. Avant l’essor de la micronutrition, et aujourd’hui encore dans l’enseignement officiel de la diététique, tout se joue sur les contributions
respectives des différentes familles de macronutrimernts ; Cela conduit également à placer au centre de la réflexion la notion de « calorie » qui,
émanant du premier principe de la thermorégulation, ne devrait pas s’appliquer au vivant. L’essentiel du discours officiel, y compris celui destiné
à éduquer le public, repose sur une mise en garde à l’encontre des sucres, des graisses et du sel (tous rajoutés à notre insu par l’industrie agro-
alimentaire), et c’est à peu près tout. De ce fait, beaucoup de nutritionnistes et de thérapeutes se montrent très embarrassés, en 2022, lorsqu’il
s’agit de discuter de la satisfaction des besoins en zinc ou en sélénium par exemple. Or, la micronutrition a mis sans répit l’accent sur les rôles
actifs des micronutriments, considérés – à juste titre – comme étant indispensables au bon déroulement des fonctions cellulaires. Elle a tenu
compte de l’impact de leurs déficits, et a détaillé leurs conséquences sur la protection tissulaire, l’immunité, les processus cognitifs, les
comportements ou, plus globalement sur la réponse à l’exercice. Logiquement, ce regard plus global doit amener à réorienter les priorités en
matière de conseils alimentaires, et les ouvrages dédiés à cette discipline ont précisément décrit cette démarche (9, 23).

Depuis le début de ce siècle la place croissante du microbiote, les moyens d’en assurer l’équilibre par une nutrition adaptée, le rôle
toxicologique potentiel des aliments, de plus en plus avéré, leur éventuel statut d’antigènes, et l’aptitude de certains ingrédients à moduler
l’expression des gènes, ont amené à élargir encore plus notre façon de concevoir le rôle des aliments sur notre santé. Il a également conduit à
accorder de l’importance à des ingrédients qui, ni vitamines, ni minéraux, ni oligo-éléments, ne font pas l’objet de recommandations officielles,
tout en donnant paradoxalement lieu à des études très instructives. Ainsi, à titre d’exemple, lorsqu’on consomme du poisson on peut tout à la
fois consommer des « oméga 3 » (modulateurs de l’épigénèse), ingérer un aliment potentiellement allergisant et s’intoxiquer aux métaux lourds.
Le bon usage de cet aliment apparaît donc compliqué à établir... Le concept de « micronutrition » a de ce fait, à son tour, volé en éclats et le rôle
de l’aliment doit s’appréhender de manière beaucoup plus complexe. De plus, on se rend compte, quand on prend la hauteur appropriée, qu’une
bonne partie des conseils alimentaires et complémentaires donnés à nos patients visent, in fine, à assurer le bon déroulement des processus
épigénétiques ou à restaurer des fonctions rendues défaillantes, bien plus qu’à assurer la couverture des « apports conseillés ». C’est pourquoi,
au-delà du concept de « micronutrition », je propose l’adoption d’un nouveau terme, celui d’« épinutrition », pour décrire l’ensemble des
mécanismes par lesquels on sait, aujourd’hui, que le contenu de notre assiette intervient favorablement ou défavorablement sur notre santé, via
le contrôle de l’épigénèse. Vous découvrirez ainsi, à votre étonnement, que le glucose, au-delà de son rôle énergétique universellement admis,
pouvait également exercer un rôle crucial en tant que modulateur de gènes impliqués dans l’inflammation (21). L’existence de ce phénomène,
comme on le verra dans cet ouvrage, peut constituer le pivot qui décide de l’aptitude à répondre ou non à l’entraînement et à réaliser des
adaptations. Dans ces pages, je vais exposer les bases de l’épinutrition, c’est-à-dire cette manière plus large d’envisager le rôle de nos aliments
sur l’expression de nos gènes et la réalisation des fonctions biologiques. Le modèle de la réponse à l’exercice constitue, une fois encore, un
cadre de réflexion intéressant. Les éléments développés dans ce contexte permettent en effet également de comprendre les liens complexes
existant entre notre alimentation, les allergies, le cancer, les soucis de fertilité, les troubles de l’apprentissage, l’obésité, voire la délinquance,
dans la mesure où, comme je l’ai évoqué dans un autre ouvrage (24) le modèle de « l’entonnoir de la pathologie » s’y applique également. La
« décrépitude » athlétique des jeunes Français peut alors s’appréhender comme étant l’une des facettes – parmi bien d’autres – d’un contexte
sociétal et sanitaire beaucoup plus vaste.

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Gènes, épigénèse et santé

Rappels sur nos gènes

Qui n’a jamais entendu parler de l’ADN ? Qui même n’a jamais employé cette expression, parfois prononcée dans des domaines aussi
surprenants que le sport ou l’art : « l’attaque est l’ADN de notre équipe ! », « le blues est l’ADN de notre groupe… ». Mais qu’entend-on par là ?
L’emploi récurrent de cette expression vise sans doute à signifier qu’il existe une part de nous qui est immuable, et qui caractérise notre
particularité, de génération en génération et d’année en année. Que le langage courant intègre désormais cette notion comme étant familière,
en dit long sur l’évolution de notre société et la place désormais essentielle que la génétique y a acquis. Cela nécessite également, avant d’aller
plus loin, de bien préciser ce dont il s’agit précisément. On ne parle bien que de ce qu’on connaît bien !
L’ADN (abréviation de son nom biochimique : « acide désoxyribonucléique ») est une grosse molécule (on parle de « macromolécule » à son
sujet, au même titre que pour les lipides, les glucides ou les protides). On la retrouve dans quasiment toutes les cellules ainsi que dans de
nombreux virus. Elle est le dépositaire de toute l’information génétique permettant le développement, le fonctionnement et la reproduction
des êtres vivants. Il s’agit du constituant de base, décrit dans la figure no 4, qui compose nos gènes. Si la plupart d’entre nous ont déjà prononcé
ce mot au moins une fois, combien pourraient en donner la définition précise sans hésiter ni se tromper ? Les scientifiques ont, d’une manière
consensuelle, établi qu’il s’agit d’une « unité physique et fonctionnelle de base pour l’hérédité ». Voilà qui ne nous aide pas beaucoup, même si on
s’accorde à admettre que le développement de l’organisme humain, depuis les premières étapes de l’embryogénèse jusqu’à l’âge adulte, le
contrôle de toutes les fonctions qui s’y tiennent, leur importance, la justesse de leur intervention temporelle ne peuvent pas survenir sans une
véritable orchestration de nos gènes. Peut-être que l’observation de l’ADN nous aidera-t-elle à mieux comprendre comment la transmission de
caractères héréditaires se déroule ?

Comment se présente cette molécule ? Elle est composée, comme on le voit sur la figure no 4, de deux brins appariés l’un à l’autre et
formant une double hélice. L’ADN est pelotonné pour former les chromosomes. L’être humain en possède 23 paires, 22 où les deux exemplaires
sont identiques et une paire correspondant aux chromosomes sexuels formée de deux X chez la femme et d’un X et d’un Y chez l’homme. Chaque
brin d’ADN présente la succession, dans un ordre variable, de quatre unités chimiques, appelées nucléotides, constituées de plusieurs éléments
solidement arrimées les uns aux autres. Parmi eux figurent ce que les biologistes appellent des « bases ». On désigne les nucléotides qui
composent l’ADN à l’aide de l’initiale de la base qu’elles contiennent : A pour l’adénine, C pour la cytosine, G pour la guanine et T pour la
thymine. L’arrangement des bases suit une règle immuable, le A d’un brin est toujours couplé au T sur l’autre brin, et un C va avec un G. Quel
phénomène incroyable ! L’intégralité de l’information génétique se présente sous la forme d’un assemblage de lettres, écrites à partir d’un
alphabet qui n’en comporte que quatre. C’est néanmoins suffisant pour construire un organisme humain complet. Pour cela notre génome, c’est-
à-dire l’ensemble de notre ADN, comporte 3 milliards de paires de bases.

Que se passe-t-il ensuite ? Lorsqu’un gène est lu par des éléments constitutifs de la machinerie cellulaire 2, il se forme des protéines, qui
sont les authentiques intervenants qui œuvrent à tout moment dans nos cellules. Certaines d’entre elles servent d’éléments structuraux, d’autres
assurent le transport d’éléments dans le sang, d’autres encore servent à catalyser des réactions chimiques (on les qualifie d’enzymes). Enfin
certaines vont se loger à la périphérie des cellules en fonctionnant comme des portes qui s’ouvrent transitoirement et se referment tout aussitôt.
Ainsi, elles vont déterminer l’entrée d’éléments tels que les minéraux ou l’interaction avec nos cellules messagers du système nerveux, ou du
système immunitaire, qui visent à ajuster l’activité de nos tissus, pour maintenir un état d’équilibre. Parmi ces messagers, n’oublions pas de citer
les hormones qui – pour certaines d’entre elles –, sont également des protéines. En regard de la multitude de protéines présentes dans notre
organisme, on conçoit bien qu’il est nécessaire, pour l’être humain, de disposer d’un nombre très élevé de gènes : environ 20 000, ce nombre
ayant pu être déterminé à partir des conclusions des études menées sur le génome humain au début du XXI e siècle.

Pour résumer, nos noyaux renferment de longues séquences d’ADN, qui forment les gènes, dont la « lecture » réalisée par des mécanismes
très élaborés permet de fabriquer les protéines nécessaires à la vie.
On évoque souvent l’ADN en faisant référence à la « double hélice », telle que l’ont décrite ceux à qui on en attribue sa découverte, les
trois Prix Nobel de médecine de 1962, James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins 3. En fait, comme les travaux entrepris par la suite ont
permis de l’établir, l’ADN présente une architecture beaucoup plus hétérogène, où viennent se nicher des protéines fondamentales au bon
déroulement des processus génétiques : les histones. Cela forme ce qu’on nomme la « chromatine », schématisée sur la figure no 3. Il s’agit de
l’association entre l’ADN et ces histones, autour desquelles l’ADN s’enroule en bobine. Cette organisation constitue une couche régulatrice dans
le cadre du contrôle de l’expression des gènes. Ainsi, la chromatine peut être soit décondensée ou « ouverte » (on parle alors d’euchromatine),
permettant ainsi l’accès à la machinerie transcriptionnelle et à l’expression génique, soit condensée soit « fermée » (il s’agit alors de
l’hétérochromatine). Sous cette forme, cette dernière empêche l’expression des gènes qui y figurent.

Comme nous allons le voir un peu plus loin, certains processus peuvent faire passer de l’une à l’autre forme et, à l’égal d’un commutateur
grâce auquel on allume ou on éteint la lumière, cela va commander la lecture des gènes et la synthèse des protéines qui en dépendent. Notons
enfin que certaines régions du génome se trouvent en permanence dans un état chromatinien fermé, on parle alors d’hétérochromatine
constitutive.
Cela concerne par exemple les centromères ou les extrémités des doubles chaînes, qu’on nomme les « télomères », qu’on évoque
régulièrement lorsqu’on aborde la question de la longévité.

Figure 3. Schéma décrivant la structure de l’ADN, figurant la chromatine, les nucléosomes et les histones.

De la génétique à l’épigénétique

e
En 2003 s’achevait l’un des projets scientifiques les plus fous du XX siècle : le séquençage du génome humain. S’il a permis des progrès
sans précédent, il a aussi ouvert un abîme de perplexité. Pour le comprendre, je vous invite à répondre à cette question : selon vous, quel est le
pourcentage de cet ADN qui sert effectivement à coder pour la synthèse de protéines ? Il est infime : seulement 3 % de celui-ci est « traduit »,
pour reprendre le langage des biologistes. Autrement dit, 97 % de notre capital génétique est apparemment silencieux et sert à organiser la
transcription des 3 % qui sont actifs à un moment donné de notre existence. Pour comprendre cette situation surprenante, je propose de
comparer nos gènes à l’ensemble des livres qui seraient disponibles dans une bibliothèque internationale, qui constituerait en quelque sorte un
« musée de l’écriture ». De tous ces ouvrages vous ne décideriez, tout au long de votre vie, de ne lire que ceux écrits en français. Cela
représenterait environ 3 % de l’ensemble. Mais les lirez-vous tous en même temps, laissant des piles infinies de livres posées sur votre table de
chevet ? Bien sûr que non : lors de votre jeune enfance, vous vous concentrerez plutôt sur des ouvrages illustrés et des bandes dessinées,
laissant les grands auteurs pour plus tard. Devenu adulte, vous ferez varier vos choix, n’hésitant cependant pas, au cours de vos vacances, à
opter pour des écrits plus légers ou – davantage inspiré – à lire mes précédents ouvrages. En revanche, sur votre lieu de travail vous vous
plongerez plutôt dans des revues et des ouvrages spécialisés. Enfin, arrivés au statut de senior, les magazines de mots croisés ou les
compilations de sudoku viendront solliciter vos neurones de survivants d’EHPAD. Il se déroule un processus similaire avec nos gènes. Certains
doivent s’exprimer très tôt, par exemple au cours de l’embryogénèse. D’autres, tenus jusque-là en sommeil, s’activeront au moment de la
puberté, avant de retomber définitivement dans leur torpeur. Tout cela se déroule selon une parfaite synchronicité qu’on observe dans les
moindres détails, sans en comprendre pour autant la nature profonde.
L’existence de ces interventions séquentielles, la mise en sommeil ou le réveil de certains gènes à des moments clefs constituent un
phénomène essentiel à l’obtention et au maintien d’un bon état de santé. La « traduction » de certains gènes à ces instants-là, repose sur des
modifications structurelles de l’ADN, et peut être gouvernée par des agents extérieurs, qu’il s’agisse de l’alimentation, du stress, d’agents
infectieux, de polluants… Autrement dit, au gré des phénomènes auxquels notre organisme se trouve soumis, selon le « climat » et le contexte
environnemental dans lequel il évolue et doit survivre, il va savoir chercher dans sa bibliothèque le bon livre à ouvrir à l’instant « t ». Cette
modulation de l’expression de nos gènes par ces agents extérieurs se nomme l’épigénèse (10, 17).
D’éventuelles anomalies peuvent survenir, conduisant par exemple à mettre en sommeil des gènes qui devraient s’exprimer ou, à
l’inverse, à faire parler des séquences d’ADN dont l’intervention peut favoriser la survenue de pathologies. De surcroît, comme je vais l’expliquer
dans le prochain paragraphe, certaines de ces « anomalies » liées à l’intervention délétère d’agents épigénétiques défavorables, pourront
continuer de s’exprimer aux générations suivantes. Nous verrons que l’acquisition de nouveaux caractères (sous l’effet de l’exercice), par
exemple une aptitude accrue à tirer de l’énergie des aliments, à conserver celle-ci en réserve, ou encore à produire de la force, met en jeu des
processus épigénétiques. Cela permet de comprendre que les prédispositions génétiques, auxquelles on attribuait la responsabilité exclusive de
maladies à caractère héréditaire, sont loin de prédire l’avenir sanitaire d’un individu. C’est au début des années 2000 que le dogme de la
transmission purement génétique des pathologies héritables d’une génération à l’autre a connu une profonde remise en cause. Celle-ci a débuté
avec des observations portant sur des paires de jumeaux, situations expérimentales dont raffolent les biologistes. Leurs observations portaient
sur des duos où seulement un seul des deux enfants présentait une pathologie, situation troublante puisque les deux possédaient une
patrimoine génétique similaire (7, 12, 20). C’est cette observation paradoxale qui a favorisé l’émergence du concept d’épigénétique. Ce dernier
semble donc d’apparition récente. Et bien non ! L’intuition de son existence semble avoir émergé bien plus anciennement dans quelque cerveau
curieux. Quand on regarde de plus près la littérature consacrée à ce sujet, on découvre avec étonnement que ce terme fut proposé pour la
première fois en 1939 par Waddington (40). Il avait introduit ce terme pour décrire l’ensemble des mécanismes qui transformaient un trait
génétique en un « phénotype » visible.

Comment cela se passe-t-il ? La modulation de l’expression des gènes repose sur la possibilité que présentent certaines molécules de
stimuler ou, au contraire, de réprimer certains gènes. Ces interventions, selon leur nature, conduisent à la possibilité, avec un même patrimoine
génétique, de rester en bonne santé ou de développer une pathologie. Trois mécanismes biologiques principaux sont impliqués dans
l’épigénétique : la méthylation de l’ADN, les modifications touchant les histones (il s’agit de certaines protéines qui se trouvent localisées sur cet
ADN), et enfin l’intervention d’acteurs moléculaires très particuliers, les microARN. La suite de ce chapitre vous amène à les découvrir.

Encadré 1 : La structure de l’ADN (2).

Depuis 1953, date de la célèbre publication de Watson et Crick, on sait que la molécule d’ADN, contenue dans chaque cellule, se
compose de quatre unités répétées (A, C, T et G) ou « nucléotides ». Elle se présente sous la forme d’une double hélice de deux brins
d’ADN se faisant face. Deux de ces unités (Adénosine et Guanosine) appartiennent à la famille chimique des « purines », dont la
dégradation dans nos cellules donne naissance à l’acide urique. Deux autres appartiennent à une catégorie chimique assez voisine, celle
des « pyrimidines ». Il s’agit de la Thymine et de la Cytosine. Les premières lettres de ces 4 éléments de base donnent les A, C, T, et G
évoqués ci-dessus. Ces molécules sont reliées entre elles par une épine dorsale constituée d’un glucide (le « désoxyribose ») et d’acide
phosphorique. Purines et pyrimidines, toujours en nombre égal, se trouvent invariablement couplées de la même manière. Ainsi, l’adénine
située sur l’un des brins sera toujours associée à la thymine située sur l’autre moitié correspondante de la spirale. Pour sa part la cytosine
se lie toujours à la guanine. On estime que, chez l’Homme, le nombre total de nucléotides figurant dans le génome approche trois
milliards de paires de bases.
La double hélice d’ADN qui se trouve dans chacune de nos cellules contient l’intégralité de l’information génétique nécessaire au
développement de l’être humain. Cela signifie que chacune de ces cellules contient tout ce qui lui permet, dans chaque organe, de se
différencier. On y trouve également le programme qui participe au développement de l’être humain, depuis l’unicellulaire zygote fertilisé,
jusqu’à l’organisme multicellulaire, d’organisation complexe, et constamment évolutif, qui caractérise l’humain. On comprend tout à fait
que, selon l’organe, le moment, le contexte, ce ne seront pas les mêmes séquences qui seront lues, ceci permettant à un hépatocyte, par
exemple, de ne pas exprimer les mêmes caractéristiques ni les mêmes composants qu’un neurone. À noter que si, au cœur, du noyau de
la cellule, l’ADN présente sa célèbre structure en double hélice, il existe par ailleurs, dans un autre élément constitutif de la cellule, un
autre type d’ADN. En effet, la mitochondrie, qui assure – entre autres fonctions – les étapes finales de notre métabolisme énergétique,
possède elle aussi le sien. Certes, de taille moindre, il intervient surtout pour déterminer l’activité des protéines qui assurent les fonctions
de la mitochondrie (18, 34). Ancienne bactérie ayant intégré notre organisme au cours de l’évolution, elle présente un ADN monobrin,
autrement dit dénué de la structure hélicoïdale qu’on lui connaît dans le noyau. Cet ADN peut entrer en phase de transcription (autrement
dit, les gènes dont dépendent certaines protéines mitochondriales peuvent êtres lus). Cela survient par exemple en réponse à l’activité
physique. Cette traduction plus importante, s’exerçant durablement, aboutit à un taux accru de certaines protéines dans ces structures.
Ce processus de réveil de gènes sous l’influence d’activateurs se nomme l’induction. Notons que cet ADN s’avère beaucoup plus fragile
que celui présent dans le noyau, sa structure en monobrin en faisant une cible plus vulnérable aux différents agents d’agression qui
peuvent réagir avec les acides nucléiques qui le composent. Inversement, la préservation de l’intégrité de cet ADN mitochondrial confèrerait
des chances accrues de longévité en bonne santé (32).
Comment l’ADN intervient-il exactement dans la transmission des informations génétiques ? Il commande la synthèse d’une
molécule très voisine, construite en miroir et de durée de vie très courte. Elle se nomme l’ARN, abréviation de « acide ribonucléique ».
Lors de l’étape de transcription du gène, l’un des brins d’ADN est copié en une séquence d’ARN où, à l’exception de la thymidine qui est
remplacée par l’Uracile, on retrouve un enchaînement de bases similaire. Par exemple, si une suite de nucléotides, sur l’ADN, se lit : A-T-
C-T-G, la partie correspondante, sur l’ARN, sera la suivante : A-U-C-U-G. Cette forme d’ARN se nomme « ARN messager » (voir la figure
no 4). Ensuite, l’ordre des bases présentes sur cet ARN va déterminer la façon dont les acides aminés vont être ajoutés pour constituer les
protéines. Pour résumer comment tout cela se déroule, l’enchaînement des acides nucléiques qui forment l’ADN va se traduire en une
séquence d’acides nucléiques constitutifs de l’ARN messagers, ce qui va ensuite conduire à la formation des protéines. Celles-ci
constituent une autre catégorie de « macromolécules » de nature beaucoup plus complexe que l’ARN ou l’ADN. En effet, ce ne sont pas
quatre mais vingt éléments de base qui en constituent l’alphabet. On les nomme les « acides aminés », terme qui vous évoque sûrement
quelque chose. Revenons à l’ARNm. Imaginons un autre enchaînement dont je décris simplement 9 acides nucléiques successifs : A-U-C-
C-G-U-A-A-G. La succession de trois acides nucléiques (par exemple « A-U-C », les trois premiers de l’exemple exposé ci-dessus),
constituent ce que les biologistes nomment un « codon ». Chacun d’eux correspond à un acide aminé particulier. Ainsi, lorsque la
machinerie cellulaire impliquée dans la « traduction » rencontre cet enchaînement, elle va puiser dans la cellule un acide aminé « X ». Le
codon suivant (ici « C-G-U »), correspondra pour sa part à l’acide aminé « Y ». Enfin, le dernier codon de cet exemple (ici « A-A-G »)
correspondra à l’acide aminé « Z ». La traduction de cette séquence d’ARN conduit donc à la formation d’une chaîne protéique, dont les
trois premiers acides aminés seront X-Y-Z. Imaginez maintenant l’incroyable précision de notre corps, capable de mettre au point, tous les
jours, plusieurs milliers de protéines formées de plusieurs milliers d’acides aminés. On peut fabriquer certains d’entre eux, mais c’est
impossible, comme nous le verrons plus loin, pour 9 d’entre eux qualifiés, pour cette raison, d’acides aminés « essentiels » ou
« indispensables ».
Le démarrage et le bon déroulement de cette synthèse se trouvent fortement influencés par des facteurs exogènes ou internes
lesquels pourront, selon le contexte, initier ou perturber cette étape. Parmi ces facteurs initiateurs ou défavorables, citons le stress, les
infections, la pollution, les vaccins, l’activité physique, l’alimentation. L’ensemble de ces intervenants, à tout moment, conjuguent leurs
effets, s’ajoutent, se compensent, de sorte que l’expression de telle ou telle séquence d’ADN variera selon le contexte. C’est l’étude de
ces facteurs potentiellement défavorables qui se trouve à l’origine de l’émergence de l’épigénétique.
Figure 4. De l’ADN à l’ARN.

À gauche, la structure en double hélice de l’ADN, avec les deux brins d’ADN se faisant face comme des rubans symétriques. À
droite, comment à partir d’un des brins d’ADN, l’ARNm se constitue lors de la transcription.
Il reste une dernière notion importante à évoquer : il existe très peu de différences chimiques entre deux acides nucléiques
différents. Certains d’entre eux sont presque des sosies moléculaires. Parfois l’ajout ou le retrait d’un seul électron, comme cela survient
dans certaines circonstances décrites plus loin dans ce livre, suffit à ce qu’un acide nucléique se transforme en un autre ce qui, à l’échelle
de l’ADN, peut substituer un G à un A. Même si des mécanismes de correction existent, le cumul de telles erreurs peut dépasser les
capacités maximales des processus de réparation, de sorte que des codons inappropriés se formeront lors de la traduction. Quelle peut
en être la conséquence ? Un acide aminé intrus viendra se substituer à celui qui aurait dû se trouver intégré à la chaîne protéique, ce qui
peut suffire à modifier sa forme dans l’espace et à la rendre moins opérante, voire à être considérée comme un élément indésirable. Cela
peut également concerner des suites d’acides nucléiques normalement silencieuses et qui, soudain exprimées, vont conduire à la
survenue de dysfonctions ou de pathologies, dont certaines pourront revêtir un caractère transgénérationnel. Nous verrons plus loin dans
cet ouvrage que beaucoup d’agents environnementaux, y compris ceux se rencontrant dans le cadre de la pratique sportive, peuvent
contribuer à l’apparition d’erreurs lors de la transcription. Ce phénomène se trouve évidemment au cœur des adaptations et des
désadaptations subies par l’organisme dans le contexte de l’exercice, des stress, des infections ou de l’exposition à divers agents
polluants.

Comment le contrôle de l’expression des gènes s’effectue-t-il ?

C’est après avoir décrypté la structure complexe de l’ADN, les formes variables de la chromatine, la présence des histones, qu’il est
possible de décrire comment se déroulent les processus épigénétiques. Rappelons que les histones, qui figurent parmi les protéines liées à
l’ADN, forment une sorte de « bobine » autour de laquelle vient s’enrouler l’ADN (voir la figure no 5). Chaque boucle d’ADN entourée d’un
complexe de huit histones forme ce qu’on nomme un nucléosome. Certaines réactions chimiques vont influencer la structure de ces histones et
leur aptitude à se lier à l’ADN. Il en existe de deux types :

Le plus connu et le plus étudié d’entre eux est celui qu’on nomme la « méthylation ». L’ajout d’un groupement chimique « méthyle » sur
certains gènes empêche les facteurs de transcription de les activer. Comment cela se passe-t-il ? En se liant à certains acides aminés présents sur
l’histone, les groupements « méthyle » vont déclencher un état répressif de la chromatine (35). Autrement dit, il va être impossible, dans cet état,
de lire les gènes masqués par les histones. Cela offre également une protection contre les rétrovirus ayant gagné notre organisme (31). De ce
fait, des anomalies de la méthylation peuvent conduire à l’expression de gènes défavorables ou, inversement, à la mise au silence d’autres qui
seraient profitables. Des travaux ont déjà établi que des anomalies dans les processus de méthylation, survenus sous l’effet de facteurs
extérieurs, stress, pollution, infection, peuvent contribuer à la survenue d’erreurs de lecture. Ceci va accroître le risque de voir survenir certaines
maladies telles que cancer, maladies auto-immunes ou neuro-dégénératives par exemple (7, 9, 33, 38, 41).
Une opération inverse peut s’exercer sur les histones. Elle se nomme l’acétylation, et contribue à l’ouverture de la chromatine, permettant
ainsi la transcription des séquences soudainement rendues accessibles. Un bon contrôle de l’acétylation permet un déroulement optimal de
l’embryogénèse, de la croissance, de la réparation tissulaire par exemple. Inversement, des anomalies dans le déroulement de l’acétylation vont
empêcher l’expression de nos gènes. Autrement dit, les entraves au bon déroulement de la méthylation ou de l’acétylation s’avèrent tout autant
préjudiciable. C’est comme si quelqu’un décidait à votre place du livre que vous deviez ouvrir, et du moment où vous deviez en débuter la
lecture.
On comprend en tout cas que ces processus permettent de transmettre des caractères d’une génération à l’autre, sans qu’il y ait eu de
mutation sur les gènes dont dépendent ces caractères.
Figure 5. L’acétylation des histones permet d’ouvrir la chromatine et rend possible la lecture des gènes.

Le dernier mécanisme met en jeu une autre catégorie de molécules, les microARNs, de découverte récente (24,28). Il s’agit de petits
fragments d’ARN messagers, trop courts pour que leur traduction aboutisse à la formation de protéines. Il s’agit donc de ce que les biologistes
nomment de l’ARN non codant. Ils ne renferment pas plus de vingt acides nucléiques. Alors à quoi servent-ils ? Ils vont cibler certains ARNm, et
vont en bloquer la traduction, ce qui va stopper la synthèse de protéines, alors même que l’ADN des gènes concernés avait été lu et que ce
phénomène devait aboutir à leur formation. Ces processus, qui évoqueraient l’intervention d’agents spéciaux venus intercepter et détruire un
courrier important, surviennent évidemment à des moments clefs de l’existence. Leur influence semble conséquente. En effet, des données
concordantes, provenant de plusieurs équipes scientifiques, confirment le point suivant : l’expression de plus de la moitié des protéines fait
l’objet d’une modulation en aval des gènes, et mettant en jeu les microARNs (3). C’est dire l’importance de ce mécanisme peu connu du grand
public. Fait encore plus intrigant, la modulation liée à la présence de ces microARNs peut elle-même se trouver modifiée par des méthylations.
Ainsi, plusieurs mécanismes simultanés, et potentiellement contradictoires, ajustent en permanence la traduction des gènes, et par conséquent
les protéines élaborées et les fonctions qui en dépendent. On commence en tout cas à comprendre pourquoi le gène n’est pas tout…

Les nutriments des gènes

J’ai donné plus haut le chiffre suivant : trois milliards de paires de bases constituent notre capital génétique. Ces molécules, à durée de
vie limitée, font donc l’objet d’un renouvellement constant, et ce d’autant plus lorsque les besoins se trouvent accrus, comme lors de
l’embryogénèse ou de la puberté par exemple. Cela amène une question logique ? Où trouve-t-on les acides nucléiques ? Certes, notre
alimentation nous en apporte un peu tous les jours, mais cet apport ne représente pas plus de 10 % de nos besoins quotidiens. Les bases
puriques et pyrimidiques sont absorbées à partir de l’intestin et gagnent le sang, puis nos cellules. L’essentiel de notre capital en acides
nucléiques dépend donc des synthèses qui se tiennent dans nos tissus. Quels sont les éléments qui servent de « précurseurs » à ces synthèses ?
Sur ce point précis, accordons une place importante à deux acides aminés. Il s’agit de l’arginine et de la glutamine. Bien qu’il ne s’agisse pas
d’acides aminés essentiels ou « indispensables », notons que dans beaucoup de situations (brûlures, états inflammatoires, infection, croissance),
celles durant lesquelles précisément la réparation tissulaire nécessite de fabriquer de nouvelles cellules, les processus de synthèse peuvent
s’avérer insuffisants pour faire face à nos besoins. C’est notamment le cas de la glutamine, que certains auteurs – pour cette raison – qualifient
d’acide aminé semi-essentiel (26, 30). Leurs caractéristiques chimiques en font des participants incontournables à la synthèse de l’ADN,
puisqu’ils délivrent à la fois de l’azote, du carbone et de l’hydrogène, et ce bien plus que n’importe quel autre acide aminé (5, 8, 26).

Dans certaines circonstances, la cellule peut ne pas disposer de cet acide aminé en quantité suffisante. Plusieurs raisons peuvent
l’expliquer. Pour le comprendre, il est nécessaire de rappeler quelques points importants. La fonction principale des acides aminés consiste à
participer à la synthèse de nouvelles protéines, leur arrivée sur le site de synthèse étant gouvernée, rappelez-vous, par l’ordre dans lequel les
acides nucléiques figurent sur l’ADN et l’ARN messager. En marge de ce rôle, certains acides aminés participent aussi à des réactions
secondaires, mais tout aussi utiles. Ainsi la glutamine et l’arginine contribuent-elles à la synthèse des acides nucléiques alors que d’autres acides
aminés comme la tyrosine ou le tryptophane servent de « précurseurs » à la synthèse de neurotransmetteurs. Enfin, il existe certaines enzymes
dans nos tissus, qui se trouvent activées lorsque la disponibilité en glucose chute. Compromettant la poursuite de voies énergétiques très
importantes pour nos tissus, et notamment le cerveau, ce tarissement des glucides aboutit à la mise en jeu de voies d’urgence annexes. Au cours
de celles-ci, certains acides aminés subissent des transformations, se trouvent débarrassés de leur partie « aminée », et viennent se substituer au
glucose pour assurer la production d’énergie. De ceci découlent deux évidences.

– En cas d’apport protéique chroniquement insuffisant, par exemple avec le végétarisme autodidacte qui n’assure pas la complémentarité
des sources végétales d’acides aminés, ou en cas de restriction glucidique, comme on le voit avec le régime cétogène 4, un arbitrage se produit, et
il s’exerce souvent au détriment de certaines synthèses. Exprimé plus clairement, il apparaît que lorsque les apports en glucides ou en protéines
ne couvrent pas largement les besoins de l’individu, la contribution de l’arginine et de la glutamine à la synthèse des acides nucléiques chute. On
mesure donc que, au prétexte de bénéfices immédiats et parfois spectaculaires, tels qu’on l’observe avec le régime cétogène proposé à des
patients en surpoids, on prend le risque de compromettre à terme le bon déroulement de l’expression de nos gènes. Le jeu en vaut-il la
chandelle ?

– D’autre part certaines circonstances, comme la présence d’un état inflammatoire, peuvent conduire à une surconsommation de ces
acides aminés qui vont, là aussi, manquer à la synthèse des acides nucléiques (22). De telles situations peuvent donc, en devenant chroniques,
entraver le bon déroulement de l’épigénèse, et finalement aggraver l’état de santé du patient, devenu victime d’un cercle vicieux morbide.

Comme toute autre synthèse, celle des acides nucléiques nécessite l’intervention d’enzymes spécialisées. Or celles-ci, comme pour toute
autre voie métabolique, requièrent pour leur fonctionnement optimal la présence d’adjoints, sans lesquels on relèvera une chute de leur capacité
à transformer les substrats. La plupart de ces cofacteurs se recrutent parmi les vitamines, les minéraux ou les oligo-éléments. J’expose un peu
plus loin quelques exemples de micronutriments impliqués dans les processus enzymatiques se trouvant au cœur de la réponse à l’exercice.

En ce qui concerne les enzymes impliquées dans la synthèse ou la réparation de l’ADN, l’élément limitant est sans doute le zinc (30).
Passé à une relative popularité en raison de son rôle potentiel dans les défenses antivirales, mis en exergue avec la récente pandémie, le zinc
s’avère encore plus précieux en tant que cofacteur de l’ADN polymérase, mais aussi d’un certain nombre d’enzymes chargées des synthèses
protéiques (30). On imagine fort bien les conséquences de son déficit chronique, notamment chez des sujets âgés pour lesquels, davantage qu’à
des périodes antérieures de leur vie, il leur faut maintenir un bon contrôle de leur épigénèse, dans le but d’un vieillissement réussi. Il semble
bien qu’il s’agisse aujourd’hui d’une réelle gageure ! En dépit de sa présence dans un grand nombre d’aliment qui devrait – théoriquement –
mettre la plupart des individus à l’abri des déficits en zinc, y compris les végétariens, les résultats de biologie, compilés sur plusieurs années,
nous montrent une toute autre réalité. Les déficiences touchent, en consultation, près d’un individu sur deux. Comment expliquer ce paradoxe ?
Sans doute peut-il résulter d’une majoration des besoins dans certaines situations, parfaitement identifiées, notamment en cas d’activation
immunitaire chronique. Autrement dit, c’est quand on en a le plus besoin qu’on finit par en manquer !

Outre l’arginine, la glutamine et le zinc, d’autres nutriments participent au métabolisme de l’ADN et à l’épigénèse. En effet, la
méthylation et l’acétylation de l’ADN, dont on a vu l’importance dans les pages précédentes, nécessitent l’intervention de vitamines du groupe B,
notamment de celles dont on peut se souvenir à l’aide d’un moyen mnémotechnique : ce sont les multiples de 3, la B6, la B9 et la B12. On
comprend donc que leur disponibilité au sein des tissus, à des âges critiques, va conditionner le bon déroulement de cette épigénèse. Alors que
la possession d’un statut correct en B6 semble réalisable pour la plupart d’entre nous, il en va différemment pour les deux autres. Or, la présence
d’un statut optimal en vitamines B9 ou en B12, garantissant une intervention correcte des processus de méthylation, assure de meilleures
chances de rester en bonne santé (23, 25). À l’inverse, des déficits influeront défavorablement sur le déroulement des méthylations, ce qui peut
contribuer, comme un certain nombre de travaux récents le suggèrent, à l’apparition de maladies graves, de troubles de l’apprentissage (13) ou
encore, dans le domaine de l’activité physique, d’une mauvaise réponse à l’entraînement, dénuée d’adaptations correctes (39). Une idée simpliste
consisterait à envisager que de tels déficits, de plus en plus nombreux, puissent résulter du « flagrant délit de délinquance alimentaire ». La
vitamine B9, ou acide folique, étant surtout délivrée par le règne végétal, ou aura vite fait d’évoquer le peu d’appétence pour les fruits et
légumes pour expliquer l’existence d’un déficit. Ce n’est pas si simple. Dans les études de Frye (13) et Ramaekers (29), c’est la présence
d’anticorps dirigés contre les récepteurs par lesquels cette vitamine gagne les tissus, qui explique cette anomalie biologique extrêmement
répandue dans cette population. Quelle en est la cause ? Les auteurs évoquent un profond dérèglement immunitaire, en lien avec une
« dysbiose », de sorte que corriger ce déficit par un apport massif de vitamines ne permet de remonter que médiocrement, et chez un tiers des
enfants, l’anomalie biologique rencontrée. La normalisation nécessite donc une réflexion holistique, rendant nécessaire un travail de fond sur le
microbiote et l’immunité, travail dont je présenterai les outils à la fin de ce livre. Pour sa part, la vitamine B12 se trouvant exclusivement dans le
règne animal et dans les algues, on considère souvent que son déficit, hormis en présence de l’anémie de Biermer 5 , resterait l’apanage des
végétariens ou des vegans. En fait, la couverture des besoins n’est pas forcément assurée non plus par des sujets omnivores, ce qui va à
l’encontre des idées reçues à ce sujet, alors qu’un végétarisme déséquilibré, en particulier pauvre en laitages, expose à un risque accru de
déficience.

Mais plus encore, il semble qu’une altération des processus d’assimilation au niveau de l’intestin (1), ou une atteinte aux processus de
captation de la vitamine B12 par les cellules cérébrales, puissent expliquer des déficits en B12 d’une telle ampleur, comme on le note par
exemple chez les enfants autistes ou les adultes souffrant d’Alzheimer ou de schizophrénie (43). Ces déficits semblent donc plutôt résulter
majoritairement de phénomènes adverses se tenant dans le tube digestif ou concernant le système immunitaire que de choix alimentaire
caricaturaux. Ces perturbations, qui modifient les méthylations, donnent lieu à des perturbations héritables, de sorte qu’une anomalie apparue
de manière « innée » à une génération va se retrouver au niveau de la descendance, alors qu’aucun aïeul n’avait précédemment connu de telles
anomalies.
Un autre nutriment participe à ces processus en charge du contrôle de la méthylation. Il s’agit d’un acide aminé essentiel, nommé la
méthionine (16), ce qui signifie que nous dépendons exclusivement de nos apports alimentaires pour en couvrir les besoins. De ce fait, la
disponibilité de nos cellules en cet élément peut s’avérer insuffisante. Cela surviendra notamment lorsque les sources alimentaires de méthionine
sont négligées (par exemple chez des végétariens ou végétaliens qui n’associent pas systématiquement les légumes secs et les céréales), ou
lorsqu’une fraction non négligeable de cet acide aminé entre dans les voies énergétiques, ce qui s’observe avec des rations trop pauvres en
glucides. Quelle sera la conséquence de cette situation ? La modulation des méthylations va en pâtir, avec le risque que l’épigénèse présentât
alors des ratés. Pour résumer : un apport insuffisant en protéines ou en glucides représente une situation qui peut entraver le bon déroulement
de l’épigénèse. La pratique sportive intense peut amener à mobiliser beaucoup d’acides aminés et à créer des situations où les cellules manquent
de glucides. Cela influera indirectement sur la réponse à l’entraînement. Qui s’entraîne trop méthyle mal !

Les besoins nutritionnels de nos gènes concernent également des composés chargés d’assurer la protection des brins d’ADN, que ce soit
dans le noyau, sous la forme d’une double hélice, ou dans le monobrin de la mitochondrie. Les agressions répétées, cumulées, perpétrées par des
molécules porteuses d’un électron célibataire très réactif, et connues sous le terme de « radicaux libres », peuvent endommager la structure de
l’ADN.

Si l’agression se situe à un niveau important, et s’étend dans la durée, les radicaux libres occasionnent des atteintes durables aux
molécules qu’ils ont rencontrées. C’est ce qu’on nomme le stress oxydant. Quand il s’exerce à l’encontre de l’ADN, que se passe-t-il ? J’ai déjà fait
allusion à ce phénomène : en enlevant ou en ajoutant un électron à un nucléotide, celui-ci peut changer de nature, ce qui modifie toute la
lecture du code génétique. Plus les erreurs non corrigées s’accumulent et plus les traductions présentent des erreurs, au risque de comporter des
risques pour l’organisme qui les subit. Ce problème se pose davantage au sein de la mitochondrie : en effet, son ADN monobrin est plus
facilement accessible et connaît davantage de menaces que celui localisé dans le noyau. De plus, la mitochondrie est le siège de la majorité des
réactions énergétiques de la cellule. Il s’agit donc d’un lieu où beaucoup de radicaux libres sont générés, de sorte que l’ADN mitochondrial peut
se trouver exposé à un niveau de sollicitation pouvant dépasser ses capacités de réparation (14). Les atteintes qui pourraient alors en résulter
vont, elles aussi, contrarier l’obtention des réponses biologiques à l’activité physique.
De quels moyens dispose-t-on pour contrecarrer l’action de ces molécules réactives ? La défense est assurée par une autre catégorie
d’enzymes qu’on qualifie d’anti-radicalaires. En effet, leur spécificité consiste à prendre en charge les molécules porteuses d’électrons célibataires
et à les stabiliser, ce qui les rend moins agressives. Au cœur de la mitochondrie, l’une de ces enzymes se trouve plus particulièrement investie de
cette mission périlleuse. Elle se nomme la « superoxyde dismutase » (souvent abrégée sous l’expression « SOD »). Comme toute enzyme elle
possède ses cofacteurs. Il s’agit du zinc (encore lui !) et du manganèse (6). Celui-ci constitue donc l’un des ange-gardiens de la mitochondrie, au
même titre que le coenzyme Q10, encore nommé « ubiquinol ». Localisé en plein cœur de la centrale nucléaire mitochondriale, il possède
l’aptitude à prévenir l’augmentation et la propagation du stress oxydatif. Or, mes observations, que je développe plus loin dans ce livre,
indiquent qu’une très forte proportion de sportifs présente d’importants déficits en cet élément, et ce pour des raisons directement en lien avec la
pratique sportive (voir le chapitre 4). De ce fait, un état biologique inapproprié peut altérer le bon déroulement de l’épigénèse dans les cellules,
en raison de l’impact de ce déficit sur le génome. Comme nous le verrons plus loin dans ce livre, ce déficit en coenzyme Q10 contrarie également
la réponse de l’organisme à l’entraînement.

Au cœur de la mitochondrie, un autre « épinutriment » (j’ai décidé de nommer les nutriments qui favorisent le bon déroulement de
l’épigénèse), joue un rôle crucial, du fait qu’il combine cet effet modulateur à d’intéressantes propriétés anti-oxydantes. Il s’agit du resveratrol,
composé faisant partie de la très grande famille des polyphénols et dont la source la plus connue, et pas la moins appréciée, est le vin rouge
(44). Il abonde également dans les baies, les fruits rouges et on en trouve encore à des taux moindres dans une grande diversité de végétaux
colorés. Certains auteurs ont proposé d’en apporter sous forme de compléments aux sportifs (sauf peut-être durant les troisièmes mi-temps où
un autre mode d’administration semble privilégié). Ceci vise à optimiser les réponses à l’entraînement, notamment dans les disciplines
d’endurance (15).
Enfin, évoquons l’arsenal d’enzymes anti-oxydantes qui exercent leur action protectrice au cœur de nos tissus. J’ai déjà cité la SOD, mais
d’autres enzymes aux vertus similaires associent leur action à la sienne. Leur synergie contribue à préserver le bon déroulement de l’épigénèse
en dépit la présence de facteurs défavorables. Quelles sont ces autres enzymes ? Il s’agit principalement de la glutathion peroxydase (abrégée
GPX), dont le cofacteur est le sélénium, ou encore de la catalase, qui fonctionne avec le fer (30). Cette particularité illustre à nouveau la
complexité du vivant. En effet, par son fort pouvoir oxydant le fer, surtout lorsqu’il se trouve en excès et libre dans nos cellules, peut contribuer
à la formation de radicaux libres. Mais par ailleurs, il exerce un rôle de cofacteur enzymatique qui limite l’impact des agressions. Finalement,
tout est une question de dose, de synergie et de contexte…

On comprend en tout cas que tout déficit pouvant toucher l’un de ces micronutriments, tout processus en perturbant l’assimilation,
peuvent affecter le bon déroulement de l’épigénèse. Existe-t-il de ce fait des déficits répandus au sein des populations ? Outre le cas du zinc
évoqué ci-dessus, les exemples du sélénium ou du fer sont éloquents. Les déficiences touchent une part considérable des populations adultes
occidentales (30). De surcroît, l’entreprise d’une activité physique intense, a fortiori dans une dynamique compétitive imposant des séances
proches du maxima, augmente la fréquence de ces déficits et en accentue l’ampleur.

À la lumière de ces éléments, on comprend donc que raisonner sur « les bienfaits du sport » en général n’a pas de sens. La présence
simultanée de facteurs défavorables, stress, vulnérabilité immunitaire, exposition aux polluants, déficits biologiques peut, selon les cas et les
contextes, faire varier du tout au tout l’impact de l’activité sur un sujet donné. De ce fait, présenter les bénéfices du sport « dans l’absolu », pour
l’ensemble de la population, plutôt que d’en considérer l’impact au cas par cas, sans considérer le contexte biologique ni l’influence variable des
divers facteurs environnementaux que j’évoquerai régulièrement dans ce livre, a autant de sens que de s’interroger sur le fait de savoir si manger
serait bon pour la santé. Cette complexité amène à regarder de manière plus précise les processus par lesquels se déroule la réponse à
l’entraînement et au contexte de l’activité. C’est l’objet du prochain chapitre.

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Exercice, adaptations et épigenèse

Saviez-vous que, si un individu demeurait un parfait sédentaire tout au long de sa vie, certains gènes resteraient constamment silencieux,
alors que son voisin qui, lui, exerce régulièrement une activité physique, va peu à peu en sortir quelques-uns de leur torpeur et leur permettre
d’être traduits. L’observation des sujets actifs ou des sportifs offre donc un cadre de compréhension très intéressant, qui a d’ailleurs permis de
mieux cerner la nature des processus épigénétiques. De plus, le contexte dans lequel peut se dérouler la session d’exercice peut confronter
l’individu à d’autres éléments (température, altitude, chaleur, stress, infection, pollution, etc.) qui eux aussi participent à l’épigénèse. Aborder la
question de l’entraînement, tel qu’on entend habituellement ce mot, ne peut donc absolument pas s’avérer satisfaisant si on se contente de
scruter et d’analyser le contenu des activités accomplies. Il convient plutôt d’appliquer, là aussi, une réflexion systémique à laquelle le monde
sportif n’est pas davantage préparé que le corps médical. On comprend en tout cas que l’entreprise régulière d’une activité physique ne va pas
forcément s’avérer bénéfique à la santé. Cela tranche avec l’idée reçue qui lui reconnaîtrait invariablement une influence positive.

L’entraînement parle-t-il à nos gènes ?

Est-il possible d’entreprendre une activité physique régulière pour ne voir se manifester aucune progression ? Non, même en cas de faible
« entraînabilité » 6 , un sujet qui s’adonne régulièrement à une pratique sportive routinière finit toujours par progresser, même faiblement ou
lentement. Une telle évolution indique que, au sein des cellules, des tissus, ou des organes, des changements sont durablement survenus pour
permettre à l’organisme de faire face à ces nouvelles contraintes. Les physiologistes les ont qualifiés d’adaptations, et se sont rapidement attelés
à leur étude. En comprenant leur nature, en s’appuyant sur la recherche biologique pour mener leur travail, en comparant les structures
cellulaires de sujets entraînés à celles de leurs congénères non actifs, ils aspiraient à un seul objectif : savoir quelle forme d’entraînement
produisait tel changement dans le corps. Les questions ne manquaient pas : quelle sollicitation appliquer, sur quelle durée, à quelle fréquence,
combien de fois par semaine pour, par exemple, observer une augmentation du volume cardiaque ou une aptitude accrue à dégrader les graisses
à l’effort ? D’autres encore se posaient : Au bout de quel délai ces effets s’observaient-ils ? Étaient-ils identiques chez tous ?

Les hypothèses posées pour comprendre comment ces changements s’opéraient, ont épousé l’évolution des concepts médicaux. L’avancée
des connaissances a ainsi coïncidé avec la montée en puissance de la génétique à la fin du XX e siècle. Nul, parmi nos lecteurs, ne s’étonnera
d’apprendre que, dès 1984, comme le rappelle Jacques Poortmans dans un de ses ouvrages, le chercheur canadien Claude Bouchard (27) écrivait :
« les causes essentielles des variations individuelles de réponses à l’entraînement sont d’une part d’origine phénotypique, c’est-à-dire déterminées par le
niveau d’entraînement initial du sujet, et d’autre part la capacité à s’adapter à l’entraînement, qui est d’ordre génétique. Cette dernière représente la
part (énorme) de l’hérédité ou, en termes plus scientifiques, l’origine génotypique. » S’agissant d’un postulat plus que d’une démonstration, il lui
fallait fournir les preuves de celui-ci. Ainsi, pour conforter l’hypothèse génétique de l’aptitude à répondre à l’entraînement, il eut l’ingénieuse
idée de faire appel à dix paires de jumeaux, initialement non entraînés, qu’il soumit à vingt semaines d’un entraînement en endurance, au
contenu bien codifié. Il constata, au terme de cette expérience, d’énormes différences dans la réponse à l’entraînement, les gains de VO2 Max 7,
s’échelonnant de 0 à 41 %. Ces écarts, nota-t-il, ne survenaient pas au hasard. Au contraire, au sein d’une même paire, les variations relevées
entre les deux jumeaux étaient extrêmement faibles. L’essentiel de ces différences tient donc, de son point de vue, à données génétiques
« innées ». Une variabilité similaire existe, au sein d’une population, en ce qui concerne l’adaptation à l’altitude, par rapport à laquelle les
physiologistes évoquent, là aussi, l’existence de « bons » ou de « mauvais » répondeurs (28). L’absence de critères permettant de prédire si un
individu donné va appartenir à l’un ou à l’autre de ces deux cohortes a conduit à poser, là aussi, l’hypothèse d’une explication génétique. Elle
s’avère bien commode, puisqu’elle se suffit à elle-même et permet d’écarter l’intervention d’éléments extérieurs, lesquels rendraient la
compréhension de cette disparité beaucoup moins aisée. Pourtant, dès 1997, des facteurs de confusion avaient été constatés, qui remettaient en
cause la dictature du gène ; ainsi, en cas d’inflammation, comme cela survient lorsqu’il y a trop de casse cellulaire ou qu’un microbe infecte le
sportif, on relève l’élévation d’un marqueur, l’interleukine-1 (abrégée IL-1), impliquée dans le recrutement des lymphocytes, et capable d’inhiber
l’érythropoïèse 8 . Cette observation suggère que, contrairement à l’idée dominante en vigueur à l’époque, les fortes variations des aptitudes à
répondre à l’exposition à l’altitude tiendraient davantage à l’influence de facteurs environnementaux, et donc en partie à l’épigénèse, qu’aux
seules caractéristiques génétiques figées et immuables (18). Pour donner du poids à cette hypothèse, de récents travaux ont d’ailleurs confirmé
l’aptitude de certaines infections aiguës ou chroniques à moduler l’épigénèse (19, 21), y compris en période foetale, comme je l’ai développé
dans mon dernier ouvrage : « Comment le microbiote gouverne notre cerveau ». Et par conséquent à potentiellement interférer avec tous les
processus adaptatifs recherchés par l’entraînement ou l’exposition à l’altitude.

La question est dans la réponse


Revenons aux travaux de Bouchard sur les paires de jumeaux. Les résultats enregistrés lui ont également permis de caractériser deux
groupes extrêmes aux réactions radicalement différentes. D’abord ceux qu’il nomme les « mauvais répondeurs », chez qui VO2 Max s’améliore de
moins de 5 % après 15 semaines d’entraînement. Ils représenteraient 5 % de la population générale. À l’autre bout, on trouve ceux qui
améliorent leur VO2 Max initial de plus de 60 % en 15 semaines, et qui représentent eux aussi à peine 5 % de la population. Et entre les deux,
figure une grande diversité de sujets, une population complètement hétérogène en ce qui concerne les capacités de réponse à un entraînement
standardisé... ce que les approches systématiques ne prennent jamais en compte ! Cette aptitude de l’individu à plus ou moins répondre à
l’entraînement n’est pas prévisible a priori, dans l’état actuel des connaissances, et la tentative de recherche de « gènes de la performance » n’a
pas permis d’y voir plus clair (28), ce qui paraît logique... Évidemment, avant de parler de « gènes de la performance », il conviendrait de définir
préalablement ce qui constitue la performance. Or, si chacun a son idée de ce qu’elle peut être, elle ne signifie pourtant pas la même chose selon
qu’on s’adresse à un sprinteur, à un gardien de but alsacien d’handball, à un biathlète, à un navigateur ou à un tennisman. Y a-t-il un ou
plusieurs gènes qui déterminent l’expression de chacune de ces qualités ? Et dans ce cas lequel doit le plus compter chez chacun d’eux ? Et
comment l’entraîne-t-on ? Énigme insoluble... Cette réflexion nous mène dans une impasse, car on voit bien que la connaissance du profil
génétique individuel ne peut aider ni à sélectionner, ni à accompagner les athlètes dans leur quête de performance.... Par contre évoquer des
processus épigénétiques pour expliquer les disparités des réponses à l’exercice, et intégrer l’importante influence modulatrice de
l’environnement sur la mise en place des qualités physiques et de l’apprentissage semble couler de source (24). L’influence d’une activité
physique régulière sur l’expression de nos gènes s’exerce également à l’égard de celui qui promeut la formation d’une molécule nommée le
« BDNF » (Brain Derived Neuron Factor) (16). Celui-ci intervient dans la réparation des connexions et la régénérescence de neurones
endommagés. On sait aujourd’hui qu’une activité physique régulière, à l’égal de la méditation, du taï chi ou du yoga, induit la synthèse de ce
composé. En revanche, un stress chronique provoque l’inverse, de sorte que, là encore, l’impact d’une activité physique semble ambivalent.

Entraînements et adaptations biologiques

L’entraînement crée des « adaptations », processus qu’on peut désigner comme « l’ensemble des modifications, le plus souvent invisibles à
l’œil nu, qui surviennent en réponse à l’entraînement, et améliorent durablement les compétences de l’organisme ». La répétition de situations
particulières, qui suscitent ces réponses, peut ainsi rendre plus endurant, plus fort, plus rapide, plus souple, plus apte à faire face à la chaleur,
au grand froid, à l’effort nocturne, à la privation de sommeil, etc. bref, cela permet de modeler le fonctionnement du corps aux tâches de difficulté
et de complexité croissantes qu’on lui demande. Mais cela marche-t-il dans l’autre sens ? Y a-t-il des aptitudes qu’on conserve quand on ne les
travaille plus, comme le vélo, les tables de multiplication ou les gammes du pianiste, ou au contraire perd-on tout l’acquis ? Que survient-il en
cas de désentraînement, terme qualifiant la situation d’un ancien sportif assidu qui déciderait de réduire fortement, voire de cesser, toute activité
soutenue ? Perdrait-il l’intégralité de ses acquis, ou seulement certains ? Cela se ferait-il de manière progressive, lente, rapide, uniforme ou
hétérogène ? Les réponses obtenues montrent que la marche arrière s’enclenche pour beaucoup de retraités des stades. En termes actuels, la
forte variabilité des réponses résulte principalement, là encore, de processus « épigénétiques ». Ainsi, avec un capital génétique globalement
très favorable, qui les avaient tous menés au summum de leur art, certains en reviennent au rang de quidam doté d’aptitudes de sédentaire, alors
que d’autres, encore capables de s’investir de manière assidue dans un entraînement régulier, continuent de prendre la foulée de leur ombre.
Ainsi, les mêmes gènes- ou peu s’en faut-, ne font plus les mêmes hommes... si le contexte ne s’y prête plus. Pour bien le comprendre, attardons-
nous sur des études publiées au début des années ’90, et dont le sens n’avait alors pas été bien perçu, jusqu’à ce que l’épigénèse occupe l’esprit
des physiologistes.
L’une d’elles, conduite au Ball State Institute où officiait le célèbre physiologiste David Costill, fut initiée au tout début des « seventies ».
À l’époque, lui et son équipe recrutèrent 37 coureurs de haut niveau, parmi lesquels les prestigieux Frank Shorter, Jeff Galloway, Derek Clayton
et Amby Burfoot, pour procéder à la détermination de leurs variables physiologiques (31). Ils les revirent en 1992, où la procédure fut
reconduite à l’identique, en ayant recours exactement au même panel de tests que 22 ans plus tôt. Entre temps, trois groupes s’étaient
constitués. Le premier se composait de 11 athlètes qui avaient continué à s’entraîner vigoureusement, et même à prendre part à des
compétitions dans leur classe d’âge. Le second comprenait dix huit anciennes gloires qui avaient simplement maintenu une activité ludique
d’entretien, constituée de quelques footings hebdomadaires à un rythme tranquille. Enfin le dernier se composait des huit ex-champions qui
avaient adopté un mode de vie totalement sédentaire, sans doute parce qu’ils étaient devenus dirigeants sportifs. Ces trois groupes très
catégorisés ont permis d’établir d’intéressantes comparaisons, et surtout de juger de l’intérêt de la poursuite d’une activité physique sur le
maintien ou le ralentissement de la décroissance de VO2 Max avec l’âge. Qu’en est-il ressorti ? En ce qui concerne les 8 retraités qui avaient
remisé leurs trainings au placard, on a relevé une nette chute de cette variable physiologique, de l’ordre de 15 % par décennie, une détérioration
du rendement gestuel (compréhensible en regard de l’arrêt total de l’activité depuis de longues années), et un raccourcissement très sensible de
la foulée. Pour ce qui est du groupe intermédiaire, celui des ex-champions devenus joggers, la régression fut seulement de 9 % par décennie, soit
un peu moins que les 10 à 15 % habituellement attendus. Restait le cas des 11 coureurs qui, passés parmi les « masters », ont continué à se
bagarrer pour des podiums. Chez eux, on n’a enregistré aucune chute de VO2 Max, ni de la fréquence cardiaque maximale, ni de la longueur de
la foulée, alors que, passant de 26 ans à 48 ans en moyenne, ils auraient pu s’attendre à une baisse logique de leurs qualités athlétiques.
Simultanément, une autre étude répondant à la même préoccupation a été réalisée par le physiologiste Jack Daniels (10). Menée auprès
de 26 athlètes appartenant à l’élite athlétique américaine, elle fut initiée en 1968. Ces cobayes furent à nouveau examinés en 1993. L’un d’eux,
qui avait continué à s’entraîner comme au temps de son apogée, n’avait perdu que 1 % de VO2 Max par décennie, sa valeur chutant de 78
ml/mn.kg en 1968 à 76 ml/mn.kg en 1993, une baisse insignifiante. D’autres membres de cette cohorte, qui avaient continué à courir assez
sérieusement durant tout ce temps ne perdirent, quant à eux, qu’une infime fraction de leur VO2 Max, alors que, comme dans le cas précédent,
ceux qui optèrent pour un arrêt total et définitif du sport virent leur VO2 Max chuter, comme on s’y attendait, de 10 à 15 % par décennie. Si,
dotés d’aptitudes innées voisines, ces athlètes ont tous atteint l’excellence, leurs différences de trajectoires et leurs disparités athlétiques
ultérieures, trouvent leurs origines ailleurs. Ne peut-on pas, là encore, y trouver un exemple de l’épigénèse ?

Au cœur de la biochimie de l’exercice


Les préoccupations pour la génétique ou, depuis le début de ce siècle, pour l’épigénétique, sont relativement récentes. Avant l’émergence
de techniques permettant d’aller au cœur de notre capital héréditaire et de son expression en temps réel, les biologistes ont utilisé d’autres outils
pour décrire et caractériser les « adaptations » qui accompagnaient une pratique sportive régulière. L’une des pistes suivies fut celle des
protéines. On l’a vu au début de cet ouvrage, à chaque fois qu’un gène est traduit, une nouvelle protéine apparaît dans la cellule. Les processus
en lien avec l’entraînement avaient forcément – pensait-on – une influence sur la population des protéines tissulaires – et notamment
musculaires – apparues sous l’effet de l’exercice (15, 23, 26). L’effervescence scientifique des années 70 à 80 a permis de montrer que, en
réponse à un entraînement régulier en endurance, des modifications durables survenaient. Les principales sont détaillées dans l’encadré 2, mais
je développe quelques-unes d’entre elles ici, pour décrire les aspects purement biochimiques de ces adaptations. Ces études de biologie de
l’exercice ont nécessité d’effectuer des prélèvements au cœur des tissus et d’en analyser le contenu. Qu’y a-t-on appris ? Lorsqu’on prélève une
carotte de tissu musculaire chez un sujet sportif, et qu’on procède à la même démarche chez un sédentaire d’âge identique, on constate chez le
premier la présence d’une plus grande quantité d’enzymes par gramme de tissu. Ces enzymes participent à la production d’énergie, et ce
phénomène indique que, grâce à cette densité plus importante d’usines, le muscle pourra consommer davantage d’énergie par unité de temps. Et
grâce à ces ressources, nettement supérieures à celle du sédentaire, il produira une plus grande quantité de mouvement par unité de temps...
Bref, il se déplacera plus vite !
S’il s’agit d’exercices destinés à accroître la force, on observera un allongement des filaments d’actine et de myosine. Ces structures, en se
contractant, participent au mouvement du muscle. En gagnant en longueur, elles produisent davantage de force, sans utiliser davantage
d’oxygène. On sait aujourd’hui que ce sont les tensions répétées, subies par le muscle, qui jouent un rôle essentiel dans cette réponse. En effet,
par ce type d’exercice on assure la sollicitation des « intégrines », ces protéines de surface, localisées sur les membranes, qui réagissent aux
déformations dues à ces tensions (7, 12). Elles génèrent alors toute une série de réactions en cascade, aboutissant à la transcription de l’ARN
messager des protéines contractiles. La cellule développera alors davantage de force, à condition évidemment qu’aucun microARN ne vienne
s’opposer à cette transcription (2).

Nous pourrions multiplier à l’infini les exemples d’adaptations, mais ce n’est pas le but de ce livre. Pour résumer tous ces éléments, en
tout cas, notons que l’intervention de processus épigénétiques en réponse à l’exercice, permet de mieux comprendre la progression qui s’observe
avec la reprise d’une activité, et la baisse des aptitudes qui accompagne la retraite sportive. Ces processus épigénétiques mettent en jeu des
microARNs, dont chacun contrôle l’expression d’un grand nombre de gènes. Une meilleure compréhension de leur mise en jeu pourrait-elle
marquer un nouveau progrès dans l’art d’entraîner ? Ne nous emballons pas ; si de telles connaissances offrent d’intéressantes perspectives
lorsqu’on souhaite davantage individualiser l’entraînement et prévenir la « casse » chez les sportifs, le paradigme de cette réflexion n’est pas
suffisamment élargi. Pourquoi, en effet, ne pas davantage considérer l’ensemble des facteurs susceptibles de moduler ou de contrarier cette
épigénèse, et pas seulement l’exercice lui-même : infections, dysbiose, stress, pollution, alimentation ? Leur prise en compte dans la réponse
adaptative – à laquelle ils participent bel et bien – pourrait aider à mieux comprendre pourquoi, avec les mêmes principes de préparation,
certains répondent favorablement, et d’autres non...Ces interventions environnementales vont altérer potentiellement ces adaptations mais, pire
encore, par le biais des méthylations, se retrouver aux générations suivantes, y compris quand ces modifications sont gouvernées par la présence
de toxiques (6)... Les travaux menés à l’Université de pédiatrie de Sherbrooke, au Canada, ont montré que l’exposition, en période fœtale, à des
produits chimiques présents dans un grand nombre de produits, depuis les meubles jusqu’aux ordinateurs, se traduisait par une altération de
l’expression de certains gènes mitochondriaux et nucléaires, avec pour conséquence un impact sur le métabolisme énergétique (6). L’hérédité ne
se joue pas tant au niveau de ce qu’on transmet sur le plan génétique que sur ce que l’on fait exprimer à la génération suivante. Par conséquent
le célèbre aphorisme de l’entraîneur américain qui lâcha un jour : « pour devenir champion olympique de sprint, il faut bien choisir ses parents ! »
peut s’enrichir d’une suite : « et mettre la maman à l’abri du stress, de la pollution et des infections durant sa grossesse ! ».
Figure 6. Description de certains des changements survenant dans le tissu musculaire, lors du passage d’un statut de « contrôle » sédentaire (C) à celui
de sportif « entraîné » (E).

On voit (figure du haut à gauche) que le muscle du sujet adapté met davantage de glycogène en réserve. On note également que l’une des enzymes qui
permet de stocker le glucose sous forme de glycogène (l’hexokinase), fabrique davantage de ce dernier par unité de temps (en haut à droite). L’activité
d’une des enzymes essentielles à la synthèse du glycogène musculaire est supérieure, chez lui, comparativement à celle relevée chez un individu
sédentaire (en bas à gauche). La mitochondrie, compartiment cellulaire où se déroule la partie finale du métabolisme, renferme également davantage de
protéines, ce qui contribue à une production d’énergie accrue (en bas, au milieu). Enfin (en bas à droite), l’activité d’une des enzymes de cette
mitochondrie est supérieure en réponse à l’entraînement, du fait qu’elle s’y trouve en quantité plus importante sous l’effet de l’exercice. Pour travailler
convenablement, ces enzymes nécessitent l’intervention d’adjoints, qu’on nomme les « cofacteurs ». Ceux-ci se rangent en général parmi les minéraux,
les vitamines ou les oligo-éléments. On comprend donc qu’en réponse à ces adaptations, il en faille davantage dans la cellule, puisqu’il s’y trouve une
quantité d’enzymes plus importante. Un plus grand nombre d’unités enzymatiques requiert un plus grand nombre d’adjoints... Sans cela, si l’un vient à
manquer, aucune de ces enzymes ne pourra pleinement participer au travail général. Autrement dit, des déficits micronutritionnels peuvent entraver la
réponse épigénétique à l’entraînement. Les nutriments dont les déficits s’avèrent à la fois les plus fréquents et les plus lourds de conséquence sont le
magnésium, le fer, le zinc, la vitamine B1, le sélénium... même si une multitude de nutriments doivent se trouver dans notre ration, jour après jour, pour
garantir une réponse appropriée à l’entraînement en même temps qu’un état de santé optimal (9, 32). De plus, certains d’entre eux dépassent ce rôle
classique de « catalyseur », de « cofacteurs », pour intervenir comme modulateurs de l’épigénèse. C’est pour cette raison que je les nomme
« épinutriments ».

Le modèle holistique de la performance

Figure 7. Le modèle holistique de la performance.


L’expression de son plein potentiel par un sportif (« être performant le jour « J »), nécessite trois grandes catégories d’aptitudes.
Interviennent d’abord celles qu’on peut qualifier d’innées. Longtemps considérées comme exclusivement génétiques, elles semblent de plus en
plus se manifester sous l’influence, en période fœtale, de facteurs épigénétiques. Cette réflexion prend du sens lorsqu’on considère le fait que
certaines infections, l’exposition à des polluants lors des premiers mois de grossesse, ou le stress maternel subi au cours de ces neuf mois,
influent durablement sur l’expression des gènes (6, 33-4), pouvant par exemple provoquer des terrains allergiques ultérieurs ou interférer avec
le développement neuronal de l’enfant. Les travaux conduits par l’équipe du Pr Charles Sultan, de Montpellier, et portant sur de jeunes enfants
de sexe masculin, nés dans le Nord Est du Brésil, ont été très explicites. L’exposition en période fœtale à des pesticides, qui perturbent les
processus en jeu dans les réponses endocrines, s’accompagne d’un risque accru de malformations, micropénis, cryptorchidisme (11). Dans leur
étude, pas moins de 56 cas de malformations ont été recensés sur les 2710 naissances concernées par cette étude. Ce n’est pas tout ; les travaux
menés par l’équipe du Pr Wyatt, du Département d’Épidémiologie de l’Université de Columbia, ont associé de manière formelle l’exposition des
mères aux phtalates à une valeur plus faible du Q.I. des enfants concernés, lorsqu’ils passaient ce test à l’âge de 7 ans- et ce quelles que soient
les sollicitations dont ils feront l’objet entre temps (11). Qui sont ces phtalates ? Il s’agit de substances dérivées du plastique qu’on retrouve
dans les films plastiques, emballages, revêtements de sol, rideaux de douche, profilés, tuyaux et câbles, matériaux de construction, peintures ou
vernis, mais aussi dans certains dispositifs médicaux. Avant que la réglementation n’encadre leur usage, de nombreux jouets et objets de
puériculture en contenaient également. Notons enfin qu’ils sont également incorporés comme fixateurs dans de nombreux produits
cosmétiques : vernis à ongles, laques pour cheveux, parfums...
Autre exemple, certaines infections survenant chez la mère en tout début de grossesse déterminent le risque ultérieur de schizophrénie
chez les enfants, là encore parce que les cytokines libérées en réponse à l’infection, notamment l’IL-8, influent sur la mise en place du câblage
neuronal à des instants critiques (6).
Il faut considérer ensuite les aptitudes à supporter des charges d’entraînement souvent excessives qui, par des mécanismes décrits plus
loin, contribuent à l’émergence de situations défavorables : fragilité immunitaire, déficit nutritionnel, mauvaise gestion du stress notamment.
Ces éléments, s’ajoutant aux acteurs de l’épigénèse, vont entraver le déroulement des adaptations. Dans un dogme revendiquant la quantité
avant tout, l’entraînement confronte souvent le sportif à ses limites d’adaptation, et ce d’autant plus qu’un autre problème se pose ; on tend à
considérer que ceux qui disposent des aptitudes innées les plus favorables possèdent également de meilleures capacités à tolérer des charges
d’entraînement très lourdes. Or, ces deux qualités ne sont pas forcément liées l’une à l’autre, comme nous le rappellent ces trop nombreux
exemples de jeunes athlètes « naturellement doués », qui gagnaient des compétitions en s’entraînant peu, victimes de leur talent, et qui entrant
dans un cadre plus exigeant qui impose un entraînement 6 jours sur 7, ne réussissaient plus rien. Ils allaient de blessure en maladie et de
maladie en phases d’épuisement, à partir du moment où ils se sont astreints à un entraînement structuré et institutionnel où « il faut faire des
heures ».
Enfin, l’un des paramètres les plus délicats à maîtriser est celui de l’influence des facteurs environnementaux, dont un seul suffit parfois à
déstabiliser l’édifice. Un investissement affectif accru (« je veux aller aux Jeux ! »), fragilisant peu à peu l’immunité en raison des connections
cerveau–système immunitaire et de l’impact du stress sur nos défenses, peut, par exemple, favoriser la progression d’une infection. Cette
dernière, on l’a vu, peut interférer avec les processus épigénétiques que devrait déclencher l’entraînement. Le stress, par lui-même, affecte
également l’épigénèse (22). En effet, des travaux menés par une équipe japonaise ont consisté à mesurer le taux de certains microARNs à
l’origine de la formation de cytokines chez 152 enfants allergiques. Les évaluations ont été menées en fonction du niveau de stress subi par les
mères durant la grossesse. Ce stress perçu était évalué à l’aide d’un test validé. Qu’est-il ressorti de ce travail ? Le stress maternel influe
durablement sur l’équilibre des cytokines et, de là, sur le risquer d’allergie des enfants (22). Cette découverte apparaît évidemment essentielle,
quand on se place dans les perspectives des contraintes du sport de haut niveau. Le stress chronique induit également des modifications
durables, d’origine épigénétique, au niveau des connections neuronales, chez des adultes ayant subi un « stress social » de trois heures. Ces
modifications peuvent persister à distance de l’événement qui les a provoquées (35), et demandent à être mises en perspective, dès lors qu’on
s’intéresse à l’impact durable du sport de haut niveau sur les processus adaptatifs survenant au cœur de nos tissus.
Cet impact épigénétique du stress, largement méconnu, s’additionne à celui qui résulte de l’action propre et instantanée des médiateurs
de cet état, comme le cortisol ou le « cortisol releasing Factor » de l’hypothamus, moins connu que le précédent, mais qui tous deux ont en
commun d’exercer un impact sur l’immunité, l’intestin, le métabolisme, et de contribuer, selon le contexte, soit à l’adaptation soit à la
désadaptation du sportif. Et que dire des méthodes qui, au cœur de la Guerre Froide, de l’autre côté du Rideau de Fer, prônaient le stress comme
méthode de réponse à l’entraînement (37 - voir l’encadré 3) ?

Notons enfin que l’incorporation de méthodes d’entraînement telles que l’exposition à l’altitude ou à la chaleur peut, si l’état biologique
du sportif ne le permet pas, favoriser un stress oxydatif supplémentaire (26). Par sa seule présence il peut porter l’agression oxydative à un
niveau supérieur aux mécanismes de protection... Un simple changement dans la routine d’un sportif qui se trouve sur le fil du rasoir peut alors
le faire basculer du mauvais côté.
Encadré 2 : Quels sont les processus qui se modifient sous l’effet de l’entraînement ?

Une augmentation du débit sanguin, résultant essentiellement d’une augmentation du volume d’éjection systolique. Empiriquement, les
entraînements dits « en endurance » ont longtemps été présentés comme les plus appropriés pour déclencher cette réponse.
Un accroissement de la densité capillaire. En réponse à un entraînement régulier, un réseau de petits vaisseaux se crée au cœur des
tissus musculaires et accroît la richesse des échanges entre ces territoires anatomiques et le sang. Ces processus sont initiés par la
mise en jeu de facteurs nucléaires (voir le chapitre précédent), qui activent la transcription de gènes se trouvant à l’origine de la création
de ces nouveaux réseaux de circulation (3). Grâce à cette adaptation, la distance moyenne qui sépare chaque fibre musculaire du
vaisseau le plus proche est inférieure à celle relevée chez le sédentaire. Quelles seront les conséquences de ce changement ? D’une
part, l’oxygène parvient plus rapidement aux fibres musculaires, ce qui permettra de faire face à une demande énergétique accrue. Ainsi,
un travail plus soutenu sera rendu possible. D’autre part, l’exportation des déchets et du CO2, qui est davantage produit dans ce
contexte, sera accélérée, ce qui participera au maintien de l’équilibre de la cellule, indispensable à la poursuite de la tâche musculaire.
Une augmentation de la teneur du muscle en myoglobine, protéine dont la structure évoque beaucoup celle de l’hémoglobine, qui
véhicule l’oxygène dans le sang. Toutes deux ont en commun de renfermer en leur cœur une structure complexe qui se caractérise
notamment par son contenu en fer. Grâce à ce métal, elles fixent l’oxygène. L’hémoglobine l’achemine dans le sang, la myoglobine la
stocke dans le muscle, où elle la met à disposition des tissus lorsque les fluctuations brutales de l’intensité de l’exercice dépassent les
capacités d’ajustement circulatoires. Cela permet de disposer d’un surcroît d’oxygène pour assurer la constance du métabolisme dans
des situations bien particulières, par exemple lors de la transition du repos au mouvement ou lors de changements d’intensité ; en effet,
dans de telles circonstances, l’élévation du rythme cardiaque s’effectue avec un délai irréductible qui, s’il n’existait pas la possibilité
d’emprunter de l’oxygène auprès de la myoglobine, imposerait de faire davantage intervenir le métabolisme anaérobie dans ces
conditions. Les gènes impliqués ont été identifiés au début des années 90 (16). On sait désormais qu’ils répondent uniquement en
raison de l’implication des microRNAs libérés en réponse à l’exercice intermittent (1). Ainsi, sous l’effet de la répétition d’exercices
intermittents courts, cette protéine est « induite » et on en retrouve en plus grande quantité dans le muscle... pour mieux faire face aux
besoins de l’exercice.
Une réponse au niveau des « Glu-T4 ». Qui sont-ils ? Il s’agit d’une famille de protéines chargées de faire entrer le glucose dans les
cellules. Au repos, et en dehors des repas, ces récepteurs se trouvent localisés dans un compartiment cellulaire, où ils sont inactifs.
Lors de l’arrivée de l’insuline sur ses récepteurs, qui sont différents des « Glu-T4 », comme après un repas renfermant des glucides ou à
l’occasion d’un exercice, ces « Glu-T4 » quittent leur compartiment cloisonné au cœur de la cellule pour aller se positionner sur les
membranes des cellules musculaires (14). Or, en réponse à un entraînement régulier, il se produit deux phénomènes : D’une part, la
cellule en renferme davantage. D’autre part, chez un sujet entraîné, ces Glu-T4 vont se positionner plus longuement sur la membrane de
la cellule en réponse à l’exercice (14). Ces deux adaptations reposent sur l’intervention ciblée de microRNA, à l’origine d’un processus
épigénétique. Cette présence accrue des récepteurs va s’accompagner d’une entrée plus importante du glucose dans les cellules
musculaires où, par ailleurs, l’activité des enzymes de mise en réserve se trouve à son maximum. Ceci permet de comprendre l’un des
phénomènes décrit dans la figure ci-dessus : l’existence d’une facilité accrue, chez le sportif, à mettre des glucides en réserve dans le
muscle.

Une induction des enzymes clefs des métabolismes énergétiques : ceci va permettre de dégrader plus vite les substrats énergétiques,
d’en mettre davantage et plus rapidement en réserve, ceci survenant toujours dans le but de répondre aux contraintes de plus en plus
exigeantes de l’entraînement (33). Ces adaptations aboutissent à une quantité plus importante de ces protéines dans chaque gramme
de tissu, comme le montre la figure 4.
Une induction des enzymes anti-oxydantes (15). Pour résumer ce phénomène majeur sur lequel je reviens plus loin, une fraction de
l’oxygène consommé par l’organisme (de 2 à 5 %) participe à des réactions « annexes », au cœur de la mitochondrie, et celles-ci
contribuent à la formation de molécules porteuses d’électrons libres. Nommés « radicaux libres » ou « formes radicalaires oxygénées »,
ces dernières peuvent endommager les molécules voisines et les structures tissulaires, dès lors que leur cumul et la durée de leur
intervention deviennent significatives. Il existerait donc un risque « théorique » de s’oxyder davantage sous l’effet d’une pratique sportive
régulière, alors qu’on en attend, au contraire, qu’elle contribue à notre santé (30). Or, des réponses adaptatives se mettent en place pour
contrer cette agression potentielle ; ainsi, en présence d’un stress oxydant chronique, certaines enzymes sont induites. Leur mission ?
Prendre en charge les molécules radicalaires et les transformer en entités stables et inertes. On les désigne pour cette raison par
« enzymes anti-oxydantes » et, en réponse à l’exercice, on en trouve davantage dans le muscle. Leur intervention peut maintenir ce
stress oxydant à un niveau moindre, acceptable car peu générateur de lésions. Ce « bruit de fond » oxydatif est considéré par certains
comme « physiologique », dans le sens où il permet d’induire des gènes de l’ADN mitochondrial et ainsi d’ajuster le fonctionnement de
nos tissus à une présence accrue d’oxygène (21). En quelque sorte, le « poison » entraîne la genèse de l’anti-poison ! Tout est
finalement affaire de dosage mais aussi de « terrain ». En effet, comme n’importe quelle autre enzyme (ainsi qu’on l’a vu plus haut) il
leur faut, pour une intervention efficace, la présence d’adjoints, qui sont des cofacteurs spécifiques tels que le zinc, le sélénium, le
manganèse, tant au cœur de la mitochondrie – pour la SOD évoquée au chapitre précédent –, que pour les autres enzymes protectrices
(4). Autrement dit, si ces cofacteurs viennent à manquer – et cette situation s’avère très fréquente – nos défenses sont bancales et
l’agression devient significative.
Une aptitude accrue à réparer les tissus et protéines lésés sous l’effet de l’exercice, notamment encas de travail excentrique. Rappelons
que ce terme désigne les situations où, en demandant au muscle de s’étirer et de se contracter en même temps, on l’expose à des
micro lésions qui, une fois cicatrisées, dotent le sportif de muscles plus résistants à ce type de contraintes (35). Les acteurs
moléculaires de cette réponse épigénétique, qui s’accompagne d’une mise enjeu de microRNA, ont eux aussi été caractérisés (1).

La question du stress oxydatif subi par le sportif ne doit pas se limiter à la seule question de l’augmentation de la consommation
d’oxygène survenant à l’effort, et du risque concomitant d’un accroissement de la production de radicaux libres. D’autres situations en favorisent
également la formation accrue, et certains facteurs aggravants pèsent même très lourd. C’est notamment le cas de l’exposition à l’altitude.
L’étude de Pialoux et Coll (26) (voir la figure 8 ci-dessous) montre que, comparativement au niveau de stress oxydatif de repos, l’exposition à
l’altitude, passive à 4 800 m, et plus encore active à 3 000 m majore sensiblement la production d’entités radicalaires. La répétition de tels
épisodes, a fortiori lorsque d’autres facteurs d’agressions sont présents (U.V., pollution), peut représenter un niveau d’agression qui va excéder
les moyens de défense de l’individu. Celui-ci peut d’ailleurs lui-même être affaibli par des déficits en éléments protecteurs. Dans un tel contexte,
tous les épisodes infectieux chroniques ou répétés majorent eux aussi le niveau d’agression radicalaire subie. Au final, le statut anti-oxydant
d’un sportif x à un instant t n’est pas prévisible a priori, et peut varier en fonction d’autres éléments que le seul volume d’entraînement effectué.
Ainsi, on ne peut absolument plus envisager la question du stress oxydant du sportif sous le seul angle de la consommation d’oxygène et des
adaptations épigénétiques induites par l’exercice lui-même. On peut même considérer que, à l’instar d’un sujet sédentaire soumis à un stress
oxydant excessif, un sujet sportif peut s’oxyder de manière chronique pour des raisons indépendantes de l’exercice... et simplement accentuées
ou révélées par ce dernier. Ce sera notamment le cas des infections chroniques, comme je le détaillerai plus loin.

Figure 8. Comment l’altitude, chez un sujet à la limite de la « désadaptation »,


peut le desservir en raison d’un stress oxydant excessif.
Encadré 3 : Biochimie de l’exercice dans l’ex-URSS : L’art d’utiliser le stress ! (37)

Jusqu’à la disparition du « Rideau de fer », l’école soviétique de préparateurs physiques a fait référence. Ses démarches souvent
tenues secrètes, la qualité de ses chercheurs dans d’autres domaines, notamment dans l’espace, la rareté des publications parues à
l’étranger (beaucoup de travaux sortant en russe), ont beaucoup contribué à ce mythe. Ce fut donc un événement quand en 1975, en
pleine guerre froide, le vénérable professeur Yakovlev, de l’Institut de Recherche Scientifiques de Culture Physique de Leningrad, publia
dans une revue internationale de renom, basée aux États-Unis, un article de synthèse, en anglais, dont le titre était : « Biochimie du sport
en Union Soviétique : début, développement et statut actuel ». La représentativité de ce scientifique ne faisait aucun doute ; son nom
figurait dans plus de 50 % des 99 références bibliographiques citées, reprenant des travaux qu’il avait menés, sans discontinuer, dès 1948,
initialement dans le cadre du développement du programme militaire soviétique.
Ce texte dressait un vaste panorama englobant à la fois l’histoire de cette science dans un pays où la réussite sportive tenait lieu
de vitrine face à l’Occident, et des concepts et des démarches alors en vigueur. On y trouve effectivement, au hasard de ces onze pages,
des éléments très intéressants. Entre autres, que ce pays tint très tôt un rôle de précurseur ; dès 1927, Alexander Palladin mena des
travaux qui lui permirent de montrer que sous l’effet de l’entraînement, on observait une augmentation des taux musculaires de créatine, de
créatine phosphate et de glycogène, ce qui conférait une autonomie énergétique supérieure et une aptitude accrue à produire des efforts
très intenses. Par la suite, à l’entre-deux guerres, son équipe a établi qu’avec l’entraînement l’activité de certaines enzymes des fibres
augmentait, conduisant à une élévation des processus aérobies. Rappelons qu’à la même époque, en Europe de l’Ouest, l’observation des
effets de l’entraînement se cantonnait à la description des échanges gazeux, ce qui avait conduit Hill à avancer des hypothèses
concernant VO2 Max. Dans la continuité de ces travaux, en 1940, Belitzer défendit une idée fondamentale très originale et novatrice :
selon lui, les fondements biochimiques de l’entraînement reposent sur un accroissement simultané des réserves musculaires d’énergie et
des aptitudes enzymatiques permettant d’utiliser ces substrats.
Durant toute cette période où la biochimie de l’exercice s’est développée, on considérait uniquement l’entraînement comme un
processus adaptatif, c’est-à-dire comme un ensemble de transformations concernant les muscles et les processus biochimiques sollicités
par l’entraînement, qui représente alors un stress parmi d’autres. Ce principe général s’accompagnait, comme ils le formulèrent dès le
début des années ’50, de celui de « spécificité », indiquant qu’à chaque forme d’entraînement survenaient des réponses spécifiques. C’est
également à cette période qu’ils établirent un fait peu connu encore aujourd’hui : l’ajustement du pouvoir tampon du cerveau, c’est-à-dire de
sa capacité à se préserver des montées d’acidité, en réponse à l’exercice.
Les perturbations relevées au niveau du muscle constituent en fait, dans cette logique, la première étape d’un processus plus
complexe de renouvellement, aboutissant à l’amélioration de potentialités structurelles ou métaboliques supérieures. Plusieurs années
plus tard, on donna une base à cette amélioration, en montrant, dans l’intimité des cellules, des modifications profonds des activités
enzymatiques ou du codage de certains gênes gouvernant des protéines importantes.
Pour pousser toujours plus loin les capacités d’adaptation, difficiles à améliorer significativement chez des sujets déjà très aguerris,
plusieurs approches furent imaginées avant le début des années ’60. Il y eut d’abord la logique du volume, selon laquelle pour rendre les
athlètes plus performants il fallait les soumettre à des charges d’entraînement très difficiles à supporter, et génératrices d’une casse
importante, peu problématique dans un contexte d’abondance de talents. En 2022, celle logique du « no pain, no gain », que les
Américains partageaient avec leurs meilleurs ennemis, fait encore des émules, y compris sur notre sol. Pour corser le tout et susciter des
réponses « marginales » à des athlètes très adaptés, ils imaginèrent de surimposer à l’entraînement d’autres formes de sollicitations
« déstabilisantes ». Ainsi, la réalisation de séances en altitude, dans le froid, dans un contexte de privation de sommeil ou de stress
affectif, amplifiait les réponses déclenchées... dans une logique où les bienfaits du sport n’étaient plus guère pris en considération... et au
mépris des effets délétères (et encore mal connus à l’époque) du stress chronique, notamment sur l’immunité.
En 1975, au moment de la publication de cet article « historique », le problème que les savants soviétiques voulaient s’attacher à
résoudre était celui des bases moléculaires qui accompagnaient les performances, aussi bien au niveau de l’ADN que des protéines ou
encore que des messagers cellulaires qui pouvaient servir de relais à des processus dont on mesure mieux, aujourd’hui, la complexité.
Ironie de l’histoire, pour venir à bout de cette mission, Yakovlev émit le souhait, en conclusion de son texte, que : « de nombreuses
équipes de savants de l’URSS travaillent avec des biochimistes d’autres pays, en particulier avec ceux des USA qui ont apporté une
contribution majeure à cette science. » Comme quoi le sport peut contribuer au rapprochement entre les peuples... d’une manière
insoupçonnée...

En résumé, l’exercice régulier s’accompagne de modifications durables, qu’on nomme des « adaptations », qui surviennent au sein des
tissus pour rendre l’organisme plus apte à répondre à des sollicitations de difficulté et de complexité croissantes. Ces modifications mettent en
jeu des acteurs de l’épigénèse qui, par ailleurs, peuvent également se voir libérés en réponse à d’autres formes de sollicitations
environnementales, infection, stress ou pollution. De ce fait, la réponse individuelle à l’entraînement, qui implique des nutriments d’une grande
variété, dépendra largement de ces perturbateurs et de notre facilité à y faire face ou non. Nos choix alimentaires et les modalités »
d’entraînement appliquées vont largement influencer la façon dont un sportif, et parfois sa descendance, vont réagir à un programme
d’entraînement.

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Du génome humain au microbiote

Le premier chapitre a mis en lumière la diversité incroyable de nos gènes, des protéines dont ils commandent la synthèse, et des
conséquences que cela a sur notre santé. Ce constat posé, un chantier alléchant s’ouvrait. Pouvait-on envisager d’identifier l’intégralité de nos
gènes, et de déchiffrer 100 % de notre ADN ? L’effervescence de cette découverte a suscité une vogue de travaux, accompagnés de lourds
investissements ; ceux-ci étaient destinés à satisfaire un projet aux retombées cliniques potentielles et aux implications fondamentales
indéniables : le séquençage du génome humain. La première référence à ce défi authentique remonte à 1985. Il y a 35 ans, cette idée s’inscrivait
véritablement dans l’air du temps, puisque ce sont trois chercheurs de renom qui l’évoquèrent simultanément, sans s’être concertés au préalable.
Parmi eux, figurait Renato Dulbecco, Prix Nobel 1975, qui publia une tribune dans la prestigieuse revue « Science » (16). La conviction de ce
cancérologue était la suivante : si on arrivait à identifier l’intégralité du génome humain et qu’on caractérisait les gènes du cancer, alors la
science ferait de gros progrès dans la prise en charge de cette maladie. L’idée d’intervenir sur les gènes défaillants pour arriver à prolonger au-
delà des limites actuelles un état de « bonne santé » était née, et avec elle des espoirs fous d’une vie longue et épargnée d’embûches jusqu’à
quasiment notre dernier souffle ! Quel regard porter aujourd’hui sur cette perspective ? Relevons d’abord que le dogme scientifique du milieu des
années 80 plaçait le gène au cœur de la prise en charge des patients porteurs de pathologies lourdes. Les facteurs de risques potentiels
impliqués dans ces pathologies, et pointés aujourd’hui par les campagnes de santé publique (tabagisme, stress, inactivité, mauvaise
alimentation) se trouvaient rarement mis en perspective et les épidémiologistes et les généticiens semblaient chercher chacun de leur côté sans
jamais se rencontrer ni échanger... Aujourd’hui encore, ce paradoxe perdure. Ainsi, on fustige le tabagisme, tenu pour responsable d’un grand
nombre de cancers. L’environnement et les comportements sont alors incriminés. Inversement, on pointe les cancers hormono-dépendants et les
prédispositions génétiques en ce qui concerne les tumeurs mammaires (34). Et pour d’autres encore, comme celui du pancréas, les experts
hésitent à identifier des facteurs de risque indéniables, de sorte qu’une prévention appropriée de cette pathologie, en plein essor, reste à établir.
Le public entend-il parler de prédispositions génétiques favorisant les cancers du poumon ou de facteurs environnementaux – autres que le
soja ! – impliqués dans la survenue du cancer du sein ? Il semble que non. De fait, très souvent, en ce qui concerne cette pathologie et bien
d’autres (maladies cardio-vasculaires, Alzheimer, diabète, etc.) les experts se trouvent partagés entre la responsabilité des gènes et celle des
facteurs environnementaux. Certes, mais finalement, dans quelles proportions interviennent-ils ?

Notons également que beaucoup d’espoirs avaient été fondés sur la prometteuse thérapie génique. Cette approche reposait sur le
principe suivant : faire pénétrer dans des cellules ou des tissus d’un individu de nouveaux gènes, de façon à pallier ceux qui seraient défaillants,
et à traiter la maladie qui en découlerait. Il s’agissait finalement d’un « ingénieux bricolage des gènes », pour reprendre les mots d’un scientifique
(28). Cette manière de concevoir la maladie a favorisé l’essor des grands mouvements populaires destinés à relever des fonds, dans le but de
promouvoir la coûteuse recherche sur les maladies dites « génétiques ».

À l’apogée de cette vague, certains auteurs ont, à cette époque, conceptualisé une nouvelle discipline, apparue au milieu des années 90 :
la « nutrigénomique ». De quoi s’agissait-il ? Elle consistait à élaborer des régimes ciblés au cas par cas, établis en fonction des « faiblesses »
génétiques de chaque patient. Ces particularités ou prédispositions étaient identifiées à l’aide de coûteux bilans sanguins (1). Helena Baranova
(1) fut la figure de proue et la pionnière de cette approche, qui s’inscrivait dans une démarche résolument progressiste, non sans laisser planer
la désagréable impression que la mise à nu des caractéristiques génétiques de chacun plaçait face à une sorte de fatalité d’une mort programmée ;
le message ressemblait fort à « mangez bien avant que vos gènes ne vous rattrapent ! ». Déprimant et, heureusement, totalement faux !
Qu’est-il advenu, vingt cinq ans après, des espoirs fondés sur la thérapie génique, et du mythe d’une médecine « finie », arrivée au bout de
son cheminement thérapeutique ? Finalement peu de données concrètes ; mal servie par une communication faisant peu la part des choses entre
la réalité du terrain et les espoirs excessifs que les premières réussites ont suscités, face à des acteurs industriels ou à des patients qui
attendaient des résultats positifs immédiats, la thérapie génique est rapidement confrontée au constat amer se dégageant de cette période :
aucun bénéfice réel n’est réellement observé au terme des 400 à 600 essais réalisés durant cette période. Indubitablement, des difficultés de
communication entre la communauté scientifique académique et celle de l’industrie, un désengagement progressif des capitaux-risqueurs sur les
approches de thérapie génique, une méfiance concernant le réel potentiel de cette stratégie changèrent peu à peu la donne et le scepticisme
commença à gagner lors de la dernière décennie du XX e siècle. Aujourd’hui, dans une phase plus mature, moins médiatisée, plus réfléchie, plus
consciente des nombreuses années – voire décennies – nécessaires pour que cette idée s’inscrive dans une routine thérapeutique, de nombreuses
équipes internationales continuent à travailler pour faire de la thérapie génique un outil supplémentaire (et non plus central) dans la panoplie
des traitements hospitaliers au service du progrès médical (24, 43).

Un paradigme trop simple

Au-delà de ce constat, ne doit-on pas simplement considérer que la déception tient à une vision restrictive, voire simpliste de la maladie.
L’une des limites à la pensée médicale orthodoxe, telle qu’on l’enseigne sur la base de la sémiologie, tient en l’idée qu’une seule cause
provoquerait une pathologie ou une symptomatologie donnée. Cette manière d’appréhender le vivant se retrouve dans les approches
alternatives, où certaines écoles voient dans la maladie de Lyme la cause de tout, là où d’autres pointent les métaux lourds, alors qu’il s’en
trouve qui incrimineront plutôt les vaccins. Or, dans ces deux cas, cette manière de voir n’aide pas à aborder la complexité du corps humain. De
fait, comme le suggère d’ailleurs le concept d’épigénétique, des vulnérabilités individuelles et de multiples facteurs environnementaux agissent
en permanence. Ils nous poussent à nous adapter, parfois à nous suradapter en puisant dans nos ressources pour faire face à des situations
pouvant nous mettre en péril. Enfin, la désadaptation s’installe et, démunis face aux contraintes subies, les corps cèdent et développent des
pathologies. En aucune manière, la génétique ne saurait tout expliquer. D’ailleurs, tout au long de cette période vouée à l’étude des gènes, et en
marge de ces travaux menés sous le feu des médias, des études épidémiologiques et des données statistiques tenues année par année n’ont cessé
de décrire une inquiétante situation. Il s’agit d’une une affolante progression, concernant un grand nombre de pathologies. De surcroît, cette
évolution est survenue dans un laps de temps très court (voir l’introduction). Une telle montée en puissance ne pouvait s’expliquer par la seule
« prédisposition génétique », et force était d’admettre que l’environnement (aux acteurs multiples et complexes) contribuait tout autant, voire
bien plus, aux pathologies que l’ADN dont nous héritons. Contraint d’admettre cette réalité, le monde scientifique a dû modifier
radicalement l’angle sous lequel les pathologies de civilisation étaient contemplées. Cela signa le retour en grâce, dans les priorités de recherche,
des facteurs environnementaux. Le monde médical s’est alors trouvé écartelé entre deux tendances : l’inné (le gène) et l’acquis
(l’environnement), dont les influences respectives ont nécessité de construire un nouveau paradigme. C’est le fruit de cette réflexion qui a
permis l’émergence du concept d’épigénèse évoqué précédemment dans ce livre.

Encadré 4 : La saga du séquençage du génome humain.

À l’instar de Renato Dulbecco, et dans une frénésie comparable à celle qui animait le monde de la physique nucléaire au début du
e
XX siècle, plusieurs grands cerveaux ont entrepris quasi simultanément de développer le projet du séquençage du génome humain. Avec
lui, Robert Sinsheimer, le chancelier de l’Université de Santa Cruz (Californie), voulut se lancer ce projet et, pour le faire savoir, il organisa
une conférence. Mais sans financement, il devra attendre plus d’un an avant que, en 1986, le Department of Energy (DOE) américain en
1986, et son directeur de la biologie, Charles De Lisi, n’apportent les crédits permettant enfin de conduire une première série d’études de
faisabilité et de développements précoces. S’ensuivront, au sein du monde scientifique, deux années de discussions animées sur
l’opportunité du séquençage. À l’époque, cette perspective divisait les chercheurs, la crainte de l’eugénisme contribuant également à
freiner quelque peu les ardeurs des plus sages (28). Finalement, il faudra attendre novembre 1988 pour voir le projet démarrer. À la même
période on voit poindre en Suisse, « HUGO », (abréviation de « Human Genome Organisation »), dont l’objectif consistera à coordonner les
efforts de tous les pays au niveau mondial.
Le projet débutera en 1989 pour une durée initialement prévue de 15 ans, avec un budget global estimé à 3 milliards de dollars. Le
pilotage arrivera finalement entre les mains du National Institutes of Health, dans une sorte de retour historique puisque son premier
directeur ne sera autre que James Watson, codécouvreur de la structure de la double-hélice d’ADN. De son côté, dans un contexte ultra-
compétitif, Craig Venter qui dirige alors le The Institute for Genomic Research (TIGR), une fondation privée sans but lucratif, annonce en
1998 qu’il fonde une compagnie privée, Celera Genomics, avec le soutien d’une grande société d’instrumentation scientifique. Leur
objectif ? Réussir à établir l’intégralité de la séquence du génome humain en seulement trois ans, ce qui permettrait théoriquement
d’achever cette mission plus tôt que celui s’inscrivant dans le cadre du projet institutionnel. Cette course contre la montre qui ne devait
donner qu’un vainqueur permet de comprendre le challenge posé. Le délai, bien que très court, leur paraît possible à tenir grâce au recours
à une robotisation poussée de la procédure. En gagnant ce match, Celera Genomics espère alors rentabiliser son investissement massif
(environ 300 millions de dollars) en vendant l’accès au génome à des sociétés pharmaceutiques. Évidemment, une telle annonce provoque
un tollé au sein de la communauté scientifique, qui considère le génome humain comme un patrimoine commun de l’humanité, dont
l’appropriation par des intérêts privés semble intolérable. Il s’ensuivra dès lors une course de trois ans entre Celera et le consortium
international public, dirigé par Francis Collins, qui a succédé à James Watson. Celle-ci se terminera par un match nul en juin 2000. Le 26
juin, Bill Clinton annonce officiellement la fin du séquençage « brut » du génome depuis la Maison-Blanche. La publication officielle des
deux séquences, celles du consortium international et celle de Celera intervient en février 2001(31). Pour reconstruire le génome à partir
des fragments d’ADN séquencés, Celera annonce avoir utilisé non seulement ses propres données, mais aussi celles publiées en ligne au
fur et mesure par le consortium international. La communauté scientifique s’indigne de ce procédé et affirme que la méthode utilisée par
Venter et ses collègues de Celera n’aurait pu fonctionner sans ce pillage. En 2004, indifférente aux accusations de « mauvais joueur »
qu’on lui adressait régulièrement, l’équipe de Celera publiera à nouveau sa séquence, le travail ayant été mené à bien, cette fois-ci, sans
avoir eu recours aux données du consortium international. De son côté, la même année, ce dernier publiera ses résultats complets. Ni les
uns ni les autres, avec un recul de plus de dix ans, n’auront finalement permis de produire le bond en avant tant attendu et les progrès
médicaux escomptés.

Mille fois plus de gènes bactériens

Un autre projet, encore plus ambitieux, a démarré en marge du séquençage du génome humain : c’est celui de l’identification et de la
caractérisation du génome de notre « microbiote ». De quoi s’agit-il ? Anciennement qualifié de « flore » puis de « microflore », son succès et le
nombre croissant de chercheurs s’y intéressant lui ont valu d’acquérir ce nom plus moderne, « microbiote », davantage empreint de mystère. Il
s’agit en fait de l’univers bactérien qui vit dans nos intestins (mais aussi sur notre peau et l’ensemble de nos muqueuses) en bonne intelligence,
le plus souvent, avec nos tissus et nos organes. De récents ouvrages ont permis d’entrer dans ce monde complexe et ont tenté de nous en faire
comprendre le fonctionnement (2, 17), et nul n’en ignore plus l’existence aujourd’hui. De nombreuses découvertes, ces dernières années, ont
clairement montré que cette communauté microbienne de près de 100 milliards de microbes devait être considéré comme un nouveau partenaire
impliqué dans de nombreuses interactions avec nos propres cellules humaines (10). Ces connaissances permettent d’entrevoir un domaine
passionnant : l’aptitude de ces milliards de bactéries à communiquer avec notre organisme et à moduler notre épigénèse... de quoi s’inquiéter des
éventuels changements affectant notre monde bactérien intestinal.
Un microbiote harmonieux, en équilibre avec nos muqueuses, notre système immunitaire, et garant de l’activité optimale et de la santé de
nos tissus, est considéré comme se trouvant en état d’eubiose. Inversement, toute forme de déséquilibre quantitatif, et surtout qualitatif – c’est-à-
dire donnant lieu à une dégradation de certaines fonctions en rapport avec notre santé – correspond à un état de « dysbiose ». Cette situation se
rencontre de plus en plus souvent, notamment parmi les tranches d’âge les plus jeunes, et divers travaux indiquent qu’elle est associée à des
pathologies sévères (6, 44). Dans certains cas, que nous allons développer, un pas est franchi et on considère même qu’un microbiote en état de
déséquilibre chronique constitue l’une des causes de ces pathologies, et contribue à l’augmentation exponentielle de celles-ci. Dans mon livre
paru en 2021 : « Comment le microbiote gouverne notre cerveau », j’oriente les projecteurs sur le dialogue passionnant qui se joue, dès la
période fœtale, entre le microbiote maternel et le cerveau embryonnaire, avant que le microbiote du nouveau-né prenne le relais et commence à
interagir avec nos neurones. Une communication inappropriée peut prédisposer, et ce avant même la naissance, à la survenue ultérieure de
troubles psychiatriques, de manifestations psychologiques, voire de pathologies neuro-dégénératives, ceci pouvant se déclencher en fonction des
facteurs extérieurs s’invitant à la discussion.
Parmi ces récents travaux, les plus surprenants sont ceux qui soulignent que le dialogue existant entre notre microbiote, le tissu adipeux
et le système endocrinien joue un rôle crucial dans la survenue éventuelle de l’obésité (23).

Encadré 5 : La métagénomique.

Non sans rappeler la fougue avec laquelle les chercheurs se lancèrent dans la caractérisation du génome humain, la caractérisation
de l’ADN de notre microbiote constitue un champ de recherche, en plein essor depuis le début de cette décennie. À tel point qu’on lui a
donné un nom très évocateur : la métagénomique. En quoi consiste-t-elle ? Il s’agit du séquençage et de l’analyse de l’ADN des
microorganismes présents dans les échantillons de divers environnements (océan, sols, air, corps humain...). Cette analyse peut être
menée sans que la culture de ces microorganismes soit requise. Cette technique a représenté une avancée majeure dans la
compréhension de ce qu’on nomme le « microbiote » intestinal humain. C’est ainsi que le 11 avril 2008 fut lancé le projet européen
MetaHIT. Coordonné par l’INRA, il a pour but d’étudier le génome de l’ensemble des bactéries constituant la flore intestinale humaine afin
de caractériser ses fonctions et ses implications sur la santé. Simultanément, un travail équivalent fut initié aux États-Unis. Portant sur de
jeunes adultes en bonne santé, il a permis de mettre en lumière les grands traits du microbiome humain (27). Ce projet de grande
envergure continuera de délivrer ses conclusions à mesure que les auteurs de ce travail analyseront les informations relevées à partir des
prélèvements effectués sur seize sites anatomiques distincts. Qu’indiquent les premières conclusions ? Qu’à l’âge adulte, chaque
personne héberge dans son tube digestif 170 espèces bactériennes différentes (ce qui représente un métagénome 150 fois plus important
que le génome humain) dont une cinquantaine commune à plus de 90 % des individus (29). Cette étude met également en évidence
19 000 fonctions différentes, exercées par cette flore : désagrégation de substances que notre propre système est incapable de
démanteler, par exemple les cartilages et les molécules de cellulose ; fonctions immunitaires ; synthèse de substances indispensables,
par exemple la vitamine K, qui joue un rôle essentiel dans la coagulation sanguine.

D’autres résultats de MetaHIT publiés en 2011 révèlent que les individus possèdent, comme pour les groupes sanguins, trois
entérotypes, qui sont de véritables « signatures bactériennes intestinales ». Cet entérotype est spécifique de chaque individu et
indépendant de l’origine géographique (pays, continent, etc.), de l’âge et de l’état de santé de l’individu. Il est défini par l’abondance de
certains types bactériens et par leur « potentiel génétique (c’est-à-dire par les fonctions que leurs gènes codent) » (32). De quoi donner du
grain à moudre à ceux qui veulent reconstituer l’histoire et l’organisation microbienne de notre organisme !

Manipuler le microbiome

Un consensus se dégage pour considérer que notre tube digestif héberge quelque 1014 bactéries, ce nombre semblant relativement
constant chez les adultes. La vitesse à laquelle les générations se succèdent dépend du contexte. En situation d’équilibre, les populations
bactériennes peuvent s’attacher aux surfaces tissulaires, se lier entre elles et s’entourer d’une structure organique nommée le « biofilm ». Au sein
de celui-ci, leur organisation et leur métabolisme dépendent de la nature de la surface et de l’environnement physico-chimique. Généralement,
les populations y restent relativement stables, avec des familles dominantes (plus abondantes) et des « sous dominantes », quantitativement
moins représentées, mais parfois dotées de fonctions cruciales pour l’organisme. Au cœur du biofilm, les bactéries communiquent entre elles et
adoptent un comportement coopératif. Elles réussissent à assurer la stabilité de la taille de leur population grâce à des molécules « signal » qui
régissent la vitesse d’apparition de nouvelles générations bactériennes. La démocratie bactérienne, et la santé qui doit en découler, sont à ce
prix ! Par contre, si une espèce se trouve menacée ou si certains apports nutritionnels favorisent plus particulièrement la croissance de certaines
lignées, celles-ci peuvent alors produire rapidement de nouvelles générations qui vont venir concurrencer les autres résidents. Notons que la
vitesse à laquelle les générations de bactéries se succèdent est particulièrement élevée chez certains pathogènes (voir le tableau 2).

Si l’une d’elles peut mettre théoriquement moins de dix heures pour devenir grand-mère, et que le nombre de bactéries présentes dans
l’intestin ne bouge pas, c’est bien qu’à tout moment, une compétition permanente se joue pour l’occupation du terrain. La prédominance de
telle ou telle espèce dépend des échanges se jouant entre ces différentes espèces, de l’influence de notre système immunitaire, ou enfin de nos
choix alimentaires qui favorisent telle ou telle espèce. De plus en plus de données suggèrent que certains de nos choix alimentaires ne résultent
pas d’une décision libre et raisonnée. Ils peuvent, au contraire, se manifester en réponse à des messages que certains des hôtes de nos intestins
nous adressent, ceci évidemment afin d’en tirer profit et croître ! Nous ne sommes donc pas des libres mangeurs, loin de là ! Quelle fraction de
cet ADN bactérien s’exprime vraiment à un instant « t » ? C’est ce que cherchent actuellement à établir certains chercheurs, l’idée dominante,
pour beaucoup d’entre eux, étant d’identifier des profils « défaillants », en lien avec certaines maladies, et d’envisager d’entreprendre – via le
transfert de microbiote – une autre forme de thérapie génique. Cela ne vous rappelle rien ? Cette fois-ci, cela se joue à une échelle différente,
l’infiniment petit (puisqu’on entre dans le monde bactérien), mais aussi l’infiniment grand, puisque ce monde microbien possède bien plus de
gènes que tous nos tissus réunis. « En comparaison, explique Martin Blaser dans son ouvrage (2), et à l’échelle du corps humain, nos gènes
correspondent à une phalange et ceux de notre microbiote au reste de note squelette. »
Tableau 2. Temps de génération de certaines bactéries in vitro et in vivo.

Bactéries TG in vitro (mn) TG in vivo (heures)

Escherichia Coli 20 - 40 5

Salmonella Typhimurium 20 - 40 3-5

Staphylococcus Aureus 40 3-5

Pseudomonas Aeruginosa 40 4

Vibrio cholerae 20 2-5

Mycobacterium Tuberculosis 120 - 240 24 - 48

Dysbiose et pathologies

L’analyse menée sur des microflores de populations distinctes, exemptes de pathologies ou, au contraire, souffrant de maladies digestives
(Crohn) (7), ayant présenté un infarctus (22), atteints d’un Alzheimer précoce (21, 41), voire de diabète (30), décrit des différences notables.
Deux tendances se dégagent ; la première décrit une perte de diversité, qu’on peut comparer à ce qu’on peut observer dans nos forêts où
certaines espèces ont disparu, ou sont sur le point de s’éteindre. La seconde corrèle l’absence de familles bien particulières à la survenue
spécifique de pathologies. Cette cruelle absence a été décrite pour le risque de surpoids (voir plus loin), mais se retrouve dans quasiment toutes
les pathologies étudiées. Existe-t-il pour autant une relation directe entre les familles manquantes et les fonctions corporelles perturbées ? La
tentation de l’affirmer est réelle, d’où une stratégie qui a déjà germé dans l’esprit de quelques chercheurs. Certains ont déjà envisagé de
réensemencer les intestins avec les selles de sujets sains, dont les microbiotes n’ont pas subi de dégâts comparables ? Cette stratégie est déjà à
l’œuvre dans certaines spécialités (33). Pour le moment, les avis demeurent partagés, et il paraît aventureux, hormis dans de rares situations
bien identifiées, de faire sortir cette technique du strict domaine de la recherche (4), hormis dans des situations très précises, telles que le
traitement de patients souffrant d’infections récurrentes à Clostridium difficile (40). Les travaux menés récemment sur une bactérie particulière,
Akkermensia Muciniphila, la candidate la plus sérieuse – pourtant – à une réimplantation – révèlent une complexité telle que l’idée même de
procéder à un transfert de microbiote, au sein d’intestins de sujets obèses, paraît hasardeuse aux yeux du meilleur spécialiste actuel de cette
question, le Belge Patrice Cani (11) (voir l’encadré 6). Cette question, en tout cas, s’avère importante, notamment en raison de
l’appauvrissement croissant de notre microbiote, de génération en génération, le processus semblant s’accélérer depuis une quarantaine
d’années. À quoi attribuer cette tendance ? Aux agressions subies par cet écosystème dynamique, comparable à une forêt tropicale hébergeant
diverses variétés d’arbres, d’espèces d’oiseaux et de sortes d’insectes. À chaque prescription d’antibiotiques, tout se passe comme si on
bombardait ce territoire d’insecticides ou de pesticides. À l’instar des dinosaures ou des licornes, des espèces disparaissent (et ne reviennent pas
à la génération suivante). Plus grand sera le nombre d’agressions subies, et plus pauvre sera la population bactérienne, le problème s’amplifiant
– et s’aggravant – de génération en génération. Les populations survivantes, bénéficiant alors de conditions optimales, vont croître alors
rapidement pour occuper l’espace libéré (voir le tableau 2). À ces changements correspondent des modifications des fonctions régies par
l’écosystème, c’est-à-dire, au-delà du seul monde bactérien, de l’ensemble des éléments présents dans l’intestin, à savoir le microbiote, les
cellules immunitaires (plus que dans n’importe quel organe), les cellules de la muqueuse et leurs récepteurs, le mucus protecteur et nourricier
mais encore les cellules nerveuses (plus nombreuses dans l’intestin que dans la moelle épinière) ou enfin les cellules endocrines logées sur la
muqueuse. Dans des conditions optimales, ce petit monde dialogue, échange des informations, et module l’épigénèse.
Indiscutablement, de récents travaux soulignent que les agressions subies par le microbiote influent sur le bon déroulement des
processus épigénétiques. Parmi les plus perturbatrices, citons l’usage des antibiotiques – notamment en début de vie, et les naissances par
césarienne , comme je l’ai déjà souligné dans un chapitre précédent. Ces deux situations contrarieraient à des âges clef la bonne mise en place du
microbiote, et la communication entre celui-ci et certains tissus en serait affectée. Cela influerait sur l’épigénèse et certaines études incitent à la
réflexion. Ainsi l’une d’elles, menée à Boston sur 1255 couples mère-enfant, a montré une augmentation significative du risque d’obésité chez
les enfants nés par césarienne (26). Le risque le plus important concernerait cependant les enfants nés de mère en surpoids, qui peut-être elles-
mêmes présentaient initialement un écosystème déséquilibré (5, 19). Il s’agirait en quelque sorte d’une dysbiose transgénérationnelle... Quant à
la prise d’antibiotiques à des moments cruciaux, elle favorise elle aussi le risque d’obésité (39). Par quel mécanisme ? Il semble qu’elle suffise à
modifier le cours du développement, et le dérèglement, comme le souligne Martin Blaser (2), « est pluridimensionnel, métabolique, mais aussi
immunologique et cognitif ». Au Brésil où, en 2009, près de la moitié des enfants venaient au monde par césarienne, l’analyse menée auprès
d’individus nés en 1982 et revus au moment de l’armée a indiqué que ce mode de naissance contribuait à une probabilité accrue de présenter un
taux de masse grasse corporelle supérieure à la norme (25).

Les accouchements par césarienne accroissent également les risques ultérieurs d’asthme (38), d’allergie (36), ou de diabète de type
1(12), traduisant ainsi des dérèglements profonds et chroniques de l’immunité de l’hôte en raison d’une dysbiose. Enfin, le Pr Irlandais Timothy
Dinan, le premier à avoir proposé en 2013 le concept de « psychobiotiques », pour désigner les souches bactériennes administrées pour traiter –
chez l’homme – des pathologies psychiatriques (15), a mené une série d’études démontrant que le microbiome influençait l’épigénèse et le
développement neuronal ; certaines des familles bactériennes vivant dans notre intestin possèdent en outre l’aptitude de produire certains
neurotransmetteurs, parfois à des taux suffisamment importants pour pallier des déficits de synthèse frappant certains de nos neurones. Pour ces
raisons, on évoque également la dysbiose dans toutes les situations où des troubles cognitifs, comportementaux ou d’apprentissage sont
apparus (13, 14). Motivation, concentration, maîtrise des émotions, gestion du stress, attention se voient donc modulés par nos bactéries... qui
affectent de ce fait les performances mentales et cognitives des sportifs.
Un autre facteur peut venir perturber l’équilibre de notre microbiome : il s’agit du stress mal géré (42). Un état de tension permanent,
perçu comme perturbateur, et exerçant des actions perceptibles sur le comportement de l’individu, influe également de manière moins visible sur
notre microbiote. À l’état d’équilibre, la communication entre celui-ci, notre système immunitaire et le reste de notre organisme repose sur une
libération harmonieuse de messagers (les cytokines). Rappelons que celles-ci, dont beaucoup d’entre nous ont découvert l’existence à l’occasion
de la pandémie – où il était question, dans certaines formes graves, d’orages de cytokines – constituent les messagers du système immunitaire.
Mais leur facilité à interagir avec des récepteurs cellulaires leur permet également de se mêler au dialogue des neurotransmetteurs et des
hormones, au point de parfois semer une belle pagaille dans ces processus régulateurs. En état d’eubiose, celles qui possèdent une action pro-
inflammatoire ne prédominent pas. La tendance s’inverse sous l’effet du stress et de son messager principal, le cortisol. Sous son influence le
climat devient pro-inflammatoire ce qui peut conduire, si la situation se chronicise, à une agression de la muqueuse intestinale et à un
phénomène d’hyperperméabilité, sur lequel nous revenons plus loin dans cet ouvrage (voir la figure 9). De plus, cette imprégnation par le
cortisol, notamment en période fœtale, va moduler l’épigénèse neuronale. Certaines souches probiotiques, en réinitialisant le logiciel de
dialogue entre le microbiote et l’ensemble des autres systèmes présentent, dans un tel contexte, un intérêt majeur (42).

Figure 9. L’effet du stress sur la muqueuse intestinale et sur l’inflammation (d’après 3).

Encadré 6 : Akkermensia muciniphila :


une histoire plus complexe qu’il n’y paraît.

Dans le domaine de la science, rien n’est aussi simple qu’on le pense au premier abord, et l’histoire de cette bactérie particulière,
Ak k ermansia muciniphila 9 , illustre parfaitement les contradictions et les apparents paradoxes qui jalonnent le chemin de la
compréhension. L’essentiel des connaissances, sur cette question, émane du groupe de recherche belge animée par Nathalie Delzenne et
Patrice Cani. Tout commence avec les travaux menés par ce dernier, qui voulait établir si certains composants de notre assiette pouvaient
effectivement moduler la croissance de certaines bactéries et, par conséquent, influer sur notre microbiote. Ses collègues et lui ont montré
que certains ingrédients végétaux que ne digéraient pas nos enzymes étaient pris en charge par les bactéries du microbiote qui en tiraient
profit et fabriquaient même, grâce à cela, des molécules régulatrices, capables de participer au dialogue avec les autres tissus. C’est de là
qu’est né le concept de « prébiotiques » (9, 37). Rappelons-en la définition : Il s’agit de : « substances végétales indigestibles qui
favorisent la croissance des certaines familles bactériennes de l’hôte ». Parmi les effets attribués à ces prébiotiques, l’un avait
particulièrement retenu leur attention. Ils réduisaient l’afflux dans l’organisme de certains éléments produits par les bactéries, et nommés
« lipopolysaccharides » (ou « endotoxines »). Pourquoi était-ce important ? Car ces endotoxines, à l’égal d’un virus informatique venant
perturber les logiciels du métabolisme, semblaient participer à des dérèglements de l’insuline, tout en accroissant l’hyper perméabilité
intestinale. Les prébiotiques, en favorisant la croissance de certaines familles bactériennes apparemment protectrices, et en contribuant à
la cicatrisation de la muqueuse, jouaient donc un rôle bénéfique majeur en contrant ce phénomène. Or, en poursuivant leurs recherches,
ils se sont aperçus qu’une famille bactérienne bien particulière, Ark k emensia muciniphilus, augmentait d’un facteur 100 sous l’effet de
cette complémentation (10). Qui plus est, son équipe démontra que cette dernière faisait grandement défaut au microbiote de sujets
obèses (18). Y avait-il alors un lien entre le manque de diversité des familles bactériennes (et un déficit en Ark k emensia) et la prise de
poids ? C’est ce qu’ils ont voulu étudier. C’est à ce stade qu’ils mirent en évidence une donnée paradoxale : Ark k mensia Muciciphilus
produit une importante quantité de lipopolysaccharides... Sa baisse, dans le microbiote des obèses aurait plutôt dû leur être
bénéfique...Pour en avoir le cœur net, ils prélevèrent une fraction du microbiote de souris de poids normal (contenant cette bactérie) et
l’introduisirent dans l’intestin de souris obèses (où elle faisait défaut). Qu’ont-ils observé ? Ils virent que l’administration de cette bactérie à
des souris obèses permettait de protéger de l’obésité... de quoi y perdre son latin !

Plusieurs mécanismes expliquent son intervention favorable. D’abord, elle restaure l’étanchéité de la muqueuse intestinale qui, chez les
souris rendues obèses, était devenue poreuse. C’est cette anomalie qui, en favorisant l’entrée massive des endotoxines dans le sang, jouait un
rôle majeur dans l’apparition du surpoids 10 . Ensuite, cette bactérie influait directement sur le métabolisme de la muqueuse, en faisant fabriquer
de plus grandes quantités d’une catégorie de messagers très particuliers, les « endocannabinoïdes » (8). Pour quelle conséquence ? Ces messagers,
peu connus encore au début de cette décennie, exercent une importante action anti-inflammatoire au niveau de la muqueuse, et ils contrôlent la
production de certains messagers impliqués dans le contrôle du métabolisme et de l’appétit, comme le GLP-1 (« Glucagon-Like-Peptide-1 ») et le
GLP-2. Le GLP-1 participe au contrôle de l’action de l’insuline, alors que le second – très proche structurellement du premier, d’où son nom –
participe à la restauration de l’étanchéité de la muqueuse intestinale. Au final, plus que la transplantation d’Akkermansia, la stratégie qui
permettrait de reformater efficacement le logiciel du métabolisme serait plutôt une complémentation à base de prébiotiques (23), garante d’une
restauration durable de l’harmonie de l’écosystème. Cette stratégie rallie davantage de suffrages pour une autre raison : si l’environnement
métabolique des sujets obèses, et leurs choix alimentaires initiaux et souvent inappropriés restent inchangés, contribuant à l’instauration d’un
microbiote « fast food », la compétition existant en permanence entre les différentes familles bactériennes ne risque-t-elle pas à terme, après le
transfert de microbiote, de favoriser le retour à la situation initiale ? On manque de recul pour en juger.

Dysbiose et aptitudes physiques

À la lumière de ces éléments récents, l’hypothèse est alors tentante ; si on peut attribuer à des défauts d’épigénèse, en lien avec la
dysbiose, une augmentation des cas d’autisme (20), de diabète, de cancers (30), de maladies cardio-vasculaires (22), de maladies de Crohn (41),
pourquoi ne pas considérer que la baisse générale d’aptitude physique observée au cours des trente dernières années résulterait aussi en partie
des atteintes, voire des « amputations » subies par notre écosystème intestinal ? Ne peut-on pas tenter de relier les antibiothérapies pratiquées à
des âges clefs à des perturbations durables de l’épigénèse qui se traduiraient par une baisse des aptitudes maximales ? Et inversement, ne
pourrait-on considérer que l’une des explications à la supériorité parfois criante de certains athlètes de l’Afrique de l’Est, consisterait en un
moindre recours aux antibiothérapies et à une meilleure préservation transgénérationnelle de leur microbiote ?

Dans la mesure où l’adaptation à l’exercice repose sur la mise en œuvre d’adaptations, dont certaines doivent survenir à des âges clef, que
ces adaptations constituent des processus épigénétiques, et que la dysbiose, dans d’autres registres, affecte le bon déroulement de cette
épigénèse, l’hypothèse n’est pas totalement absurde. Au même titre que le stress (y compris celui subi en période fœtale), la pollution, les
infections ou les déficits, l’appauvrissement de notre monde bactérien intestinal amputerait les réponses à l’exercice et, de là, contribuerait à de
moins bonnes adaptations tissulaires. Cette tendance généralisée à la dysbiose peut présenter une autre conséquence défavorable ; il existe
naturellement une chute physiologique des défenses qui fait temporairement suite à l’arrêt de l’exercice. Ce phénomène décrit depuis près de 40
ans a été détaillé dans diverses publications par le physiologiste américain David Nieman, a été popularisée sous l’expression « open window
phenomenon » (le phénomène de la « fenêtre ouverte » (35). Cette image vise à rendre compte de l’apparente fragilité d’athlètes en bonne santé,
lorsqu’ils en terminent avec un exercice intense, et tombant malade alors que les conditions extérieures n’y prédisposent absolument pas. Ne
pourrait-il pas exister une plus grande vulnérabilité des athlètes en dysbiose, à ce moment-là, et les exposer davantage à rencontrer, lors de ces
périodes de fragilité, des germes qui s’installeraient durablement dans leur organisme et compromettraient petit à petit leurs moyens et leurs
ressources ? La piste « microbienne », de plus en plus souvent évoquée à propos de l’autisme, pourrait également contribuer aux désadaptations
des sportifs classiquement qualifiés de « surentraînés » ? Toujours est-il que l’expansion, au sein des populations occidentales, d’un état de
dysbiose croissante, doit amener à radicalement changer notre regard sur le sportif, les contraintes qu’il peut supporter, et les limites qu’il ne lui
faut pas franchir.

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Le stress radicalaire : facteur d’adaptation
ou de désadaptation ?

L’épigénèse a d’abord comme objectif de nous permettre de nous adapter en permanence à la pression de notre environnement, afin de
rester en vie et de pérenniser notre espèce. De tous les agresseurs auxquels nous pouvons nous trouver confrontés, le plus virulent est
théoriquement, et sans conteste, l’oxygène que nous consommons à chacune de nos inspirations. En effet dès qu’on respire, une fraction de ce
gaz – de l’ordre de 2 à 5 % – échappe aux voies métaboliques principales, et se trouve engagé dans des réactions annexes, se tenant dans la
mitochondrie, et qualifiées de « radicalaires ». Cela s’explique par le fait que l’oxygène possède une très grande aptitude à fixer ou à libérer des
électrons et à déstabiliser les molécules avec lesquelles il réagit. En cours d’exercice, notre rythme cardiaque s’élève et le débit sanguin
augmente. Ceci permet d’accroître nos apports en oxygène et de faire face aux besoins accrus de nos muscles dans ce contexte-là. On comprend
donc aisément que se soit posée la question de l’impact d’une activité physique régulière sur la formation de ces molécules. Au cours de ces
réactions, des molécules instables et très réactives se forment. Initialement qualifiées de « radicaux libres », puis de « formes radicalaires
oxygénées » (pour mettre en avant la responsabilité de l’oxygène dans leur apparition), elles ont vu leur dénomination évoluer à nouveau
puisqu’on évoque aujourd’hui, pour les désigner, les « entités radicalaires oxygénées ». Les termes changent, mais l’idée demeure. Dans certaines
conditions, une présence accrue d’oxygène dans nos tissus peut constituer une forme d’agression. Du fait que, à un degré moindre, les molécules
contenant de l’azote peuvent également participer à ce phénomène radicalaire on a aussi vu, apparaître ces dernières années, l’expression
« stress nitrité » dans les écrits consacrés à ce sujet. Ces détails sémantiques ne changent guère le scénario, qui met en scène l’adaptation ou la
désadaptation de l’individu sous l’influence de son environnement et de son mode de vie. Nous en précisons la nature un peu plus loin.

Pour nous en protéger, nos cellules et nos tissus mettent en jeu divers moyens de protection et de réparation, qu’on désigne par
l’expression « défenses anti-radicalaires ». À un instant donné, l’état d’agression subi par notre organisme va donc dépendre à la fois des diverses
agressions subies (qui varient selon le contexte) et de l’activité de nos systèmes de défense, modulés à la fois par notre alimentation et par
l’efficacité des processus épigénétiques qui se tiennent dans notre organisme. Sur quoi repose cette protection ? Elle dépend en partie de
l’activité de certaines enzymes capables de neutraliser ces entités réactives. Leur intervention se trouve sous la tutelle de gènes spécifiques, et
cette caractéristique explique que nous ne disposions pas tous de moyens égaux. En effet, l’expression de ces gènes varie d’un sujet à l’autre, et
cette variabilité, observée depuis longtemps, a conduit à évoquer par le passé l’existence d’un polymorphisme, pour traduire l’inégalité décrite,
en ce qui concerne leurs possibilités maximales, d’un sujet à l’autre. Ces différences semblent figées et immuables, comme si certains d’entre
nous chaussaient du 47 et d’autres du 35... sans possibilité de changer de pointure au cours de la vie. Or, s’il existe bien des niveaux
d’expression différents pour ces enzymes, au sein de la population, à un instant donné, tout n’est pas figé ; des processus épigénétiques
permettent en effet de palier partiellement ces disparités, et d’agrandir la pointure des pieds trop petits... Il apparaît ainsi que des processus
épigénétiques, impliquant des processus d’acétylation, une modification de forme des histones ou l’intervention de microARN, permettent une
traduction plus importante des gènes qui commandent la formation de ces enzymes. L’une des questions qui se pose consiste à identifier ces
facteurs qui contribuent à une forme de redistribution des cartes.
Qu’en est-il chez le sportif, dont l’activité le conduit souvent à consommer – sur des périodes de durée variable – une quantité d’oxygène
nettement supérieure à ce qu’on observe au repos ? Les experts se sont longtemps rangés en deux groupes opposés. Certains d’entre eux
soulignent le point suivant : Du fait que la pratique sportive contribue à augmenter temporairement la consommation d’oxygène, ils lui
attribuent une part de responsabilité dans la production de ces molécules (65, 74), a fortiori si on accomplit l’effort en altitude, dans une
ambiance thermique défavorable (19, 20) ou polluée. De leur point de vue le sport oxyderait. Leurs adversaires défendent une opinion opposée ;
l’exercice, grâce à cette production accrue de radicaux libres, déclencherait des adaptations qui influeraient notamment sur le niveau d’expression
des enzymes anti-oxydantes. Cette possibilité est abondamment décrite chez les sportifs d’endurance : Ainsi, lorsqu’on procède à des biopsies
musculaires chez des athlètes entraînés on constate que, comparativement à ce qui sera observé sur une carotte musculaire d’individus
sédentaires, les premiers présentent une plus grande quantité d’enzymes protectrices par gramme de tissu. Autrement dit, la pratique régulière
d’une activité physique a favorisé une adaptation protectrice (61). Ce constat n’est pas récent ; ainsi, un travail conduit il y a une vingtaine
d’années avait permis de montrer, chez des coureurs aguerris, qu’à l’arrivée d’un semi-marathon l’une des enzymes anti-oxydantes musculaires
était induite sous l’action des radicaux libres produits à l’effort et sous l’effet de l’hyperthermie qui l’accompagnait (55). Ainsi, curieusement, il
semble bien que ce soit grâce une exposition régulière à un stress oxydant plus important, en raison d’une consommation d’oxygène accrue, que
le sportif réussisse à assurer cette transformation et à gagner quelques pointures (12) ... En quelque sorte, le poison favorise la fabrication du
contre poison !
Les mêmes bénéfices semblent exister au niveau de la mitochondrie (27). Comme on l’a vu au début de ce livre, elle contient un ADN
monobrin, plus vulnérable à l’attaque radicalaire. En outre, elle est le siège de réactions génératrices de radicaux libres oxygénées. Les enzymes
qui interviennent dans ces réactions-là sont précisément celles qui dépendent de la traduction de l’ADN mitochondrial (29 ; 71). Il s’agit donc
typiquement d’une situation à risque, non seulement pour la mitochondrie, mais aussi pour l’ensemble de la cellule. Alors comment la protection
se met-elle en place ? À ce niveau, le contrôle de la production radicalaire joue un rôle déterminant dans la réponse à l’entraînement : un niveau
moyen, bien contrôlé, induit des réponses favorables, dont peut résulter une progression de l’efficacité des processus énergétiques à ce niveau
et, par voie de conséquence, une amélioration de VO2 Max (29, 71). À l’inverse, une production excessive de formes radicalaires oxygénées,
comme au décours d’un effort intense effectué dans un contexte défavorable, va altérer le fonctionnement mitochondrial, au point de favoriser,
dans certains cas, la mort cellulaire (4). Ceci surviendra d’autant plus facilement que, contrairement à celui du noyau, l’ADN de celle-ci n’est pas
protégé au cœur d’un nucléosome. On comprend que, selon le niveau d’oxydation existant, les mêmes sollicitations athlétiques peuvent tantôt
contribuer à une bonne réponse à l’entraînement et tantôt, au contraire, fragiliser l’individu. Au final, le sport oxyde davantage... ou pas :
personne n’a tout à fait raison. D’ailleurs, nous verrons un peu plus loin que le stress oxydant chronique, rencontré chez certains sportifs, n’est
pas dû au sport à proprement parler.

La nature du stress oxydatif

Comme on l’a évoqué en introduction de ce chapitre, l’ensemble des cellules de notre organisme se trouve soumis à une agression
permanente, provenant de l’environnement, mais également d’origine endogène. Celle-ci est largement liée à l’intervention des formes réactives
oxygénées (FRO), dont la production en excès est susceptible d’attaquer les liaisons fragiles au sein des molécules. Rappelons qu’une molécule
à l’état stable se compose d’un noyau fait de protons à charge positive autour duquel gravitent des électrons à charge négative, sur différentes
orbites. Les électrons de la couche la plus externe se trouvent toujours appariés, en doublets. Si un électron est arraché, son compagnon devient
célibataire. La molécule n’est plus stable et en un millième de seconde, elle va retrouver sa stabilité en mettant en commun sur sa couche
externe un électron appartenant à une structure voisine, d’où il l’aura éventuellement arraché. C’est ce processus qu’on nomme « oxydation ». Il
va ainsi modifier ou casser la structure des protéines, avec en particulier une inactivation des enzymes, altérer les lipides, désorganisant la
membrane cellulaire et diminuant sa fluidité ou encore atteindre l’ADN, affectant les gènes, avec des répercussions potentielles sur l’épigénèse.
Ces processus délétères s’exercent également aux dépens de l’ADN de la mitochondrie, comme indiqué précédemment (4). Enfin au-delà de la
cellule, les radicaux libres peuvent agresser la matrice « extracellulaire », c’est-à-dire le tissu conjonctif qui soutient les tissus mous, constitue les
cartilages et les parois des artères.

Comment évaluer le stress oxydatif à un instant « t » ?

La durée de vie très brève des radicaux libres rend leur mesure directe techniquement très difficile. L’interprétation des résultats ne le sera
pas moins, comme l’illustre la figure 10. La plupart des études, notamment en ce qui concerne le domaine de l’exercice musculaire, mettent en
évidence le stress oxydatif grâce à des méthodes indirectes (24). On procède par exemple à la mesure des groupes thiols (SH) au sein des
protéines (marqueurs d’une non-oxydation), ou des groupements carbonyles marqueurs, au contraire, d’une atteinte protéique par les radicaux
libres. En ce qui concerne les lipides, on dose la concentration plasmatique de dérivés oxydés de ceux-ci, comme par exemple le MDA (« 4
hydroxy-2-nonénal-malondialdéhyde »), ou encore des substances réactives à l’acide thiobarbiturique (TBARS) (42). On peut aussi évaluer les
concentrations dans l’air expiré d’hydrocarbures comme le pentane ou l’éthane. On peut enfin mesurer les taux de bases oxydées au niveau de
l’ADN, ou détecter la présence de cassures de brins.

Figure 10. Comment évaluer justement l’impact du stress oxydant ?

Certains de ces marqueurs sont le reflet d’une agression ponctuelle, d’autres comme les dérivés oxydés de l’ADN, témoignent davantage
des processus dont les répercussions s’avèrent plus importantes à moyen terme, du fait qu’elles correspondent à un risque de mutation sur
certains gènes. Toutefois, sans la mesure simultanée des niveaux de molécules protectrices, que l’organisme peut mobiliser à des taux accrus
pour répondre aux agressions, le taux de molécules oxydées augmentées ponctuellement sous l’effet d’un facteur particulier, activité, infection,
etc. ne reflète pas forcément l’ampleur des dommages subis dans la durée. On peut seulement le supposer lorsque les valeurs dépassent
largement les niveaux de base, si tant est que ceux-ci soient facilement évalués...
Il existe, au sein de nos tissus, un « bruit de fond » physiologique qui correspond à un état d’équilibre, le « niveau de base » sur la
figure. Dans cette situation, la formation des radicaux libres est compensée par l’intervention des substances anti-oxydantes, et l’essentiel
de la production radicalaire influe favorablement sur nos adaptations, aidant à l’harmonie de l’épigénèse. Lors d’un effort musculaire, on
note une élévation de la production radicalaire, à l’origine d’un déséquilibre temporaire. Si on dispose de moyens pour mesurer les dérivés
des molécules oxydées, juste après l’exercice, la valeur trouvée va excéder très nettement la norme, et pourrait alarmer, au point de
penser que « le sport tue à petit feu » (rectangle noir). Si à l’inverse on attend quelques heures, et qu’on laisse le sportif récupérer avant de
procéder à la mesure du stress oxydant, deux situations pourront se rencontrer : soit le niveau d’agression subie est revenu à la normale,
et l’exercice n’a eu aucun effet préjudiciable (rectangle gris foncé, en bas de la figure). Soit au contraire, le fond d’oxydation rencontré
reste au-dessus de la norme et le sujet présente un stress oxydant chronique (rectangle gris clair) auquel, finalement, l’exercice n’a
contribué que très modérément. Il reste à comprendre les causes d’un tel état oxydé, qu’on rencontre, d’après nos observations
personnelles faites auprès de plus de 200 sportifs de haut niveau, chez près de 30 % de ceux-ci, non pas en période compétitive, mais en
phase de repos, ce qui interpelle quant à la responsabilité directe de la pratique sportive sur cet état. Je développe mes observations un
peu plus loin dans ce chapitre.

La consommation d’oxygène ne porte pas seule la responsabilité du stress oxydant endogène ; en effet, d’autres processus contribuent à
celui-ci. Ce sont par exemple les acteurs des défenses immunitaires, dont certains détruisent les agents pathogènes grâce aux radicaux libres qui
seront, ensuite, libérés dans le tissu infecté. Citons également l’inflammation (en jeu lors de la réparation des tissus) ou le travail de
détoxication du foie. Par exemple, chez un gros consommateur de médicaments, chez un individu avalant des aliments riches en contaminants ou
pesticides, chez un patient soumis à une anesthésie ou à un stress chirurgical, davantage de radicaux libres seront produits, de manière
occasionnelle ou, plus grave, de façon chronique (64), au risque que cette production dépasse, à un moment donné, les moyens de défense mis
en jeu. Si ces situations se rencontrent chez un sportif, le cumul de processus oxydatifs auxquels il se trouve exposé peut dépasser
ponctuellement ces capacités de protection. Il pourra alors développer des troubles, des lésions, qu’on attribuera à la seule activité physique.
Encore une fois, la recherche d’une cause unique, plutôt qu’une compréhension globale d’une situation complexe, amène à de telles erreurs
d’appréciations.
Le danger ne se trouve pas qu’à l’extérieur ; en effet, il existe aussi des processus exogènes de production radicalaire, liées à l’hygiène de
vie, tels que le tabagisme, à certains agents physiques, tels que la chaleur, les ultra-violets ou encore certains polluants, point sur lequel je
reviens plus loin. Une pratique sportive régulière, notamment accomplie en plein air, expose ainsi – et paradoxalement – à un cumul
d’agressions dont il devient, peu à peu, de plus en plus difficile de se prémunir. Néanmoins, certains auteurs ont tenté de regarder l’impact de
certains de ces facteurs, considérés isolément. Qu’ont-ils constaté ? Que le tabagisme régulier, actif ou passif, est celui qui sollicite le plus les
systèmes de protection cellulaire. Ils sont d’ailleurs souvent débordés dans ce contexte (9, 38). L’environnement du sportif, le fait qu’il partage
sa vie avec une fumeuse ou un fumeur (voir la figure 11) (15), vive en ville plutôt qu’à la campagne, ingère trop peu de substances protectrices
ou, in versement, trop d’aliment chargés de toxiques à son insu, qu’il s’expose à l’altitude (voir la figure 8) ou encore qu’il doive régulièrement
consommer des médicaments, va évidemment fortement conditionner la nature de sa réponse au stress de l’entraînement, souvent autant que
l’entraînement lui-même.

L’étude décrit les taux d’une forme de dérivés oxydés (les MDA), ou le niveau d’activité de deux des enzymes anti-oxydantes, la
SOD et la GPX, selon qu’on considère des non-fumeurs, dus fumeurs passifs ou d’authentiques fumeurs. L’activité des SOD et de la GPX,
selon l’hypothèse des auteurs, augmentera d’autant plus que la production de radicaux libres s’accroît. On constate qu’un statut de
fumeur régulier s’accompagne d’une formation accrue de molécules oxydées, et ce en dépit d’un accroissement de l’intervention des
systèmes de protection. Il en va de même en cas de tabagisme passif, situation dans laquelle la production de molécules oxydées se
situe à un niveau intermédiaire entre celui relevé chez les fumeurs, et celui qui caractérise les non-fumeurs.
Figure 11. Impact du tabagisme sur le stress oxydant (d’après 15).

L’étude de Pialoux et Coll (58) (voir la figure 8), comme on l’a indiqué au chapitre 2, montre que, comparativement au niveau de stress
oxydatif de repos, l’exposition passive à une altitude de 4800 m ou active (entraînement) à 3000 m majore sensiblement la production d’entités
radicalaires. La répétition de tels épisodes, a fortiori lorsque d’autres facteurs d’agressions sont présents (U.V., pollution), peut représenter un
niveau d’agression excessif. Le niveau de défense lui-même peut être affaibli par des déficits en éléments protecteurs (voir plus loin). On verra
également que tous les épisodes infectieux chroniques ou répétés pèsent eux aussi très lourd. Au final, le statut anti-oxydant d’un sportif x à un
instant t n’est pas prévisible a priori, et peut varier en fonction d’autres éléments que le seul volume d’entraînement effectué. Au final, on ne
peut absolument plus envisager la question de la complémentation anti-oxydante du sportif sous le seul angle de la consommation d’oxygène et
des adaptations induites.

Qui nous protège dans nos tissus ?

Nos capacités à gérer le stress oxydatif dépendent à la fois de nos gènes et de notre alimentation. Pour se défendre, l’organisme dispose
en effet de trois moyens complémentaires, destinés à neutraliser la production excessive de radicaux libres. Le premier rideau défensif est
constitué d’enzymes spécialisés, fabriqués par nos cellules, tels que la « glutathion peroxydase » (GPX), la « superoxyde dismutase » (SOD), ou la
« catalase ». Pour donner leur pleine mesure, ces enzymes, qui neutralisent les radicaux libres à mesure qu’ils apparaissent dans les cellules, ont
besoin de cofacteurs fournis par notre ration. La « SOD », par exemple, fait appel au cuivre et au zinc lorsqu’elle se trouve dans le cytoplasme, et
au cuivre et au manganèse lorsqu’elle agit dans les mitochondries. La GPX, pour sa part, a besoin de sélénium. C’est ce qui explique que celui-ci,
le zinc, le cuivre ou le manganèse soient considérés comme des anti-oxydants (13, 64). Je les ai déjà évoqués au chapitre 1, comme étant des
micro-nutriments essentiels au bon déroulement de l’épigénèse. Ces enzymes sont génétiquement programmées et inductibles. Cela signifie que
leur nombre et leur activité peuvent augmenter rapidement, suite à une action au niveau des gènes, sous l’influence d’une modulation
épigénétique induite par la présence de radicaux libres. Ces enzymes, une fois synthétisées, ne sont efficaces que si elles disposent de cofacteurs
spécifiques, zinc, manganèse, cuivre, sélénium, délivrés plus ou moins efficacement par notre ration. Cependant, plus qu’en raison de déficits
d’apports, un déficit en zinc ou en sélénium peut résulter d’un fort accroissement des besoins, en particulier en réponse à une sollicitation
chronique du système immunitaire, ce qui aggrave la situation dans une sorte de cercle vicieux sans fin. Ainsi, sur une série de 250 patients
(sportifs et non sportifs), ayant présenté des perturbations immunitaires chroniques, j’ai compté plus de 85 % de déficits en zinc (observation
non publiée), situation que des choix alimentaires inappropriés ne permettent pas d’expliquer, compte tenu de la relative facilité avec laquelle
on en couvre les besoins, malgré l’appauvrissement bien réel des sols et de certains végétaux. Cette observation rompt avec l’idée classique qui
veut qu’un déficit survient forcément en raison d’apports insuffisants. Or, ici, il convient plutôt de considérer une majoration importante des
besoins, face auxquels une alimentation théoriquement correcte n’apparaît plus appropriée.
En cas d’échappement à cette première ligne de défense, ou de production excessive qui la déborderait, la neutralisation des FRO peut
encore être assurée par des « piégeurs » de radicaux libres, soit apportés par l’alimentation (Vit E, Vit C, Vit A, caroténoïdes, polyphénols par
exemple...) ou synthétisés par l’organisme (acide urique, albumine, bilirubine, taurine...). Parmi ces molécules, j’accorde une place particulière
au coenzyme Q10, doté à la fois de vertus anti-oxydantes et d’une aptitude à assurer l’oxygénation tissulaire (37).

Outre l’intime liaison entre gène, entraînement et environnement alimentaire, il existe une synergie incontournable entre les différents
agents antioxydants, un seul ne pouvant rien si tous les autres ne sont pas disponibles et, qui plus est, si un seul est manquant, la protection
est compromise. Ceci explique l’extrême complexité des travaux à mener sur ce thème et les difficultés d’interprétation qui en découlent.
L’intrication de ces différents acteurs dans le processus de « cascade anti-radicalaire » est compliquée. Il se déroule au niveau de la membrane
cellulaire à dominante lipidique, et menacée de lipoperoxidation oxidative sous l’effet de la production radicalaire. Mais cette chaîne peut être
interrompue par la vitamine E ou tocophérol qui va piéger l’électron libre en perdant un hydrogène. Cependant, la vitamine E, porteuse d’un
électron libre, est oxydée, donc, non seulement elle est incapable de piéger un nouvel électron libre, c’est-à-dire qu’elle est devenue inefficace,
mais de plus, elle est devenue dangereuse, car dotée d’un statut de radical libre ! C’est la vitamine C, l’ascorbate, qui lui cède l’hydrogène perdu :
réaction de réduction qui neutralise l’état radicalaire. La vitamine E est ainsi régénérée et apte à capter un nouvel électron libre. Mais la
vitamine C se trouve à son tour oxydée, inefficace et radicalaire, donc dangereuse. Elle sera réduite, donc régénérée et de nouveau efficace, grâce
à un atome d’hydrogène provenant du glutathion qui, de sa forme réduite : GSH passera à sa forme oxydée : GSSG. Il sera réduit grâce au
NADPH contient de la vitamine B3 ou vitamine PP qui, en lui cédant son hydrogène, devient le NADP. Ce dernier change alors de statut et se
régénère grâce à l’hydrogène que lui cède le Glucose 6 Phosphate en devenant le 6 Phosphogluconate. Ce dernier est stable et participe donc à
enrayer le risque d’attaque. Au final, cette cascade d’événements, résumée sur la figure 12, suggère qu’un défaut de disponibilité de glucose dans
la cellule peut entraver le bon déroulement de la protection anti-oxydante. Formulé autrement, cette réalité biochimique semble bousculer des
idées reçues, puisque c’est bien le glucose qui conditionne la protection cellulaire, alors même qu’un certain nombre de théories tendent à mettre
en garde contre sa consommation et le présenteraient même comme un poison. Disposez d’un statut correct en vitamine E, en vitamine C, en
glutathion, mais privez-vous de glucides : le résultat sera que vous vous oxyderez à petit feu. De plus, le mode de fonctionnement de l’enzyme
qui assure cette transformation nécessite, pour délivrer suffisamment de 6-phospho-gluconate, une présence optimale que glucose. Or,
l’accomplissement d’un effort soutenu, réalisé sans apport glucidique, va faire chuter la concentration tissulaire en glucose en-deçà de celle qui
en garantit une activité optimale... S’exposer trop régulièrement à un déficit glucidique en cours d’exercice accroît donc le risque de
fragilisation... et ce d’autant plus qu’un autre acteur important de nos défenses dépend, lui aussi, du glucose, pour être formé en quantité
optimale : c’est le coenzyme Q10 (83).

Enfin, la présence à un taux approprié de certaines protéines sanguines constitue également un « plus », et c’est ce qui explique qu’on
puisse attribuer à l’albumine, la plus abondante dans le sang, un pouvoir anti-oxydant significatif. Il en est de même de l’acide urique qui
neutralise certains radicaux libres (54). L’hyperuricémie du sportif, fréquemment observée, revêt aux yeux de beaucoup de thérapeutes un
caractère potentiellement défavorable. Pour plusieurs auteurs, cette interprétation n’est pas bonne ; ce serait plutôt un élément de défense qui
viserait à réduire l’agression cellulaire consécutive à l’exercice (80), surtout s’il s’est déroulé dans des conditions intenses. Ce sont celles où,
justement, en raison d’une chute brutale du rapport ATP/ADP, la formation d’acide urique augmente, témoignant finalement de cette double
agression pour nos tissus, énergétique et oxydative.

De ceci on constate qu’il semble ainsi plus judicieux de concevoir la prise en charge de la gestion du stress oxydatif au moyen de
complexes équilibrés, à dose physiologique. Négliger cette synergie peut conduire à des erreurs de méthodologie et d’interprétation relativement
aux supplémentations anti-oxydantes. En effet, beaucoup de ces micronutriments sont délivrés par notre ration, mais à des taux variables et de
plus en plus souvent inférieurs à nos besoins (64).
Notre alimentation nous délivre des éléments protecteurs qui permettent de faire face aux agressions oxydatives. Cet apport concerne
autant les cofacteurs des enzymes anti-oxydantes, soit les piégeurs de radicaux libres, abondants dans les végétaux. Ces derniers sont souvent
mis en avant, que ce soit dans les recherches scientifiques ou dans les discours destinés au public. Ainsi, un slogan tel que : « Pour votre santé,
mangez cinq fruits et légumes par jour ! » s’inscrit tout à fait dans cette démarche. Par contre, la présence dans nos aliments, du sélénium, du
manganèse ou du zinc à des taux de plus en plus insuffisants, est moins connue, mais pas moins influente. Des données recueillies par des
organismes américains indépendants pointent une inquiétante réalité, liée à une pratique trop intensive de l’agriculture qui appauvrit les sols, et
de cueillettes de fruits non mûrs, démarche entreprise pour les besoins de l’exportation. Selon Jeffrey Christian (pour « TV News »), qui a
simplement repris les tables de composition publiées entre 1951 et 1999 11, les teneurs moyennes en vitamines protectrices, en fer ou en
calcium, calculées par portion, chutent en moyenne de 30 %, mais parfois davantage, comme il le note avec le taux de vitamine A des bananes
qui, en un demi-siècle ont diminué de 81 % ! Or, ces chiffres datent de plus de 20 ans, et la tendance ne s’étant pas ralentie entre temps, tout
peut laisser craindre que l’appauvrissement nutritionnel des végétaux se soit aggravé. Un travail publié quelques années plus tard (23) a décrit
une tendance similaire, cette fois concernant la teneur en zinc des différentes variétés de blé américain. La chute, décrite sur la figure 13, est
édifiante. Ce déficit influe à la fois sur l’aptitude de nos tissus à se protéger du stress oxydant, mais aussi sur l’efficacité de notre système
immunitaire (44). Or, je souligne, plus loin dans ce livre, que la présence d’une sollicitation immunitaire chronique ou d’un dysfonctionnement
de notre microbiote et de notre système de défense, constituaient sans doute le premier facteur pouvant contribuer à un stress oxydant
chronique.

Figure 12. La cascade anti-radicalaire (d’après 64).


Figure 13. Un exemple très instructif. la chute régulière de la teneur en zinc de différentes variétés de blé américain entre 1873 et 2000 (d’après 23).

Notons la chute de la teneur moyenne en zinc des principales variétés américaines de blé, la baisse moyenne approchant 30 %.

Un cas instructif : le coenzyme Q10 (67)

Cette molécule, découverte en 1957 par le Dr. Fred Crane, a été abondamment étudiée par les biologistes, en raison de son rôle
déterminant dans le métabolisme. On s’y intéresse également en raison de ses propriétés anti-oxydantes. Ces travaux ont permis de comprendre
que si la concentration de la mitochondrie en coenzyme augmente légèrement, la respiration cellulaire croît de manière significative (39). Ces
observations permettent de comprendre pourquoi la prévention des déficits en cet élément peut s’avérer bénéfique. Notons que la chaîne
respiratoire, qui se tient au cœur de la mitochondrie, constitue le site le plus important de production de radicaux libres endogènes, et de ce
point de vue le coenzyme Q10 (également nommé « ubiquinone », se présente comme le garant de l’intégrité de cette « centrale nucléaire » de la
cellule (39).

Sa présence dans les tissus résulte en partie d’apports alimentaires, et en partie d’une synthèse endogène (63). Cependant, les fréquentes
situations de déficits biologiques rencontrées en cas de prise de statines, médicaments qui bloquent l’activité de l’enzyme clef (voir la figure no
13), suggèrent que le rôle de ces synthèses prévaut largement sur l’approvisionnement réalisé par notre alimentation. Autrement dit, il est sans
doute illusoire de tenter de prévenir un déficit ou de le pallier en consommant en quantité accrue les denrées qui en renferment. Où en trouve-t-
on ? La viande, le poisson, les noix et certaines huiles en constitueraient les sources principales, alors que les céréales, les fruits et légumes en
délivreraient beaucoup moins. On en trouve à des taux variables dans les laitages animaux, mais il est absent de leurs alternatives végétales
(75). Selon l’origine géographique des aliments testés, on relève de très fortes variations, ce qui rend à la fois aléatoire et aventureux le recours
aux rares bases de données constituées pour « prédire » le niveau d’apport en cet élément qui de plus, en tant que molécule liposoluble, dépend
d’un apport en graisses approprié pour bénéficier d’une assimilation correcte. Néanmoins, les quelques études menées sur ce thème indiquent
que notre ration en délivre en moyenne entre 3 et 6 mg/j, essentiellement sous la forme réduite, celle qui possède le plus d’effet au niveau
cellulaire.

Qu’en est-il de la synthèse ? Elle requiert la présence conjointe du glucose (qui doit figurer à un taux optimal dans la cellule et ne pas
être entièrement utilisé pour faire face aux besoins énergétiques) et dans cette réaction le glucose intervient comme précurseur. De plus
l’activité optimale de l’enzyme-clef nécessite l’intervention de l’insuline. Disposer simultanément d’un taux approprié de glucose dans la cellules
et de pics suffisants d’insuline impose d’accorder suffisamment de phases de repos et de récupération, faute de quoi le contexte hormonal et
métabolique propice à la synthèse ne se verra que très occasionnellement respecté. Cette situation optimale ne semble que rarement réalisée
chez les sportifs de haut niveau, où l’essentiel des glucides de la ration sert de carburant et n’est pas disponible pour intégrer des voies
métaboliques annexes. Ainsi, plus globalement, l’obtention d’un statut correct en coenzyme Q10 va dépendre d’un équilibre subtil entre charge
de travail, repos et apport alimentaire.
Le coenzyme Q10 est arrivé sur le devant de la scène en raison des effets secondaires liés à la prise de statines (62). Ces médicaments
sont prescrits pour faire chuter le taux de cholestérol sanguin, et leur mode d’action repose sur l’inhibition de l’enzyme-clef de la synthèse du
cholestérol, qui permet également d’assurer la synthèse du coenzyme Q10 (voir la figure 14). De ce fait, en réprimant la synthèse de l’un on
bloque aussi celle de l’autre. La compilation des différentes études publiées sur ce thème souligne clairement que la prise régulière de cette
classe de médicaments provoquait la chute du taux de coenzyme Q10 sanguin, et pouvait également occasionner des douleurs musculaires (14).
L’impact se fait notamment au niveau des mitochondries ce qui, en contribuant à asphyxier les cellules du myocarde, va paradoxalement majorer
le risque d’accident cardio-vasculaire (52, 56). Les douleurs musculaires apparues avec le démarrage de ce traitement résultent principalement
(mais pas exclusivement) de ce déficit, dont l’ampleur dépend du niveau initial et du dosage des statines apportées. Chez des sujets présentant
des pathologies cardiaques, plus les valeurs sanguines de coenzyme Q10 sont basses au moment de l’accident, plus la sévérité des symptômes et
le dysfonctionnement ventriculaire augmentent (43). De ce fait, les résultats des études de supplémentation, conduites auprès de patients
cardiaques permettent à la fois d’améliorer la fonction cardiaque (52) et de diminuer l’ampleur des douleurs musculaires consécutives à la prise
de statines (84). Chez des sexagénaires coronariens, l’apport quotidien de coenzyme Q10, pendant 6 mois, a permis une chute moyenne des
douleurs musculaires de 53 % et de la sensation de faiblesse de 44 %, et ce comparativement à un placebo. Le traitement, pour corriger ce
déficit, demande en effet à être mené sur trois à six mois. Sans cela, les conclusions des études de complémentation, que ce soit chez cette
population ou chez des sportifs, s’avèreront contrastées, souvent par la faute de dosages ou de durées de prise insuffisants (8).

Chez le sportif, les études de complémentation, comme pour la plupart des autres micronutriments, ont abordé la question du coenzyme
Q10 sous un angle inapproprié (64). La question que se pose la plupart des investigateurs est de savoir si cette molécule présente des effets
ergogènes ce qui signifierait que son apport accru, sur des durées brèves, améliorerait certains paramètres de performances de manière
significative, et chez n’importe quel athlète. Il ne peut pas en aller ainsi ; parfois, si les dosages sont élevés et si les critères retenus pour évaluer
la performance sont judicieusement choisis, la molécule procure un avantage significatif. Dans d’autres cas, les effets se montrent décevants (8).
Mais, de mon point de vue, l’intérêt éventuel d’une complémentation en coenzyme Q10, ne se pose pas ainsi. Il s’agit plutôt d’identifier les
sujets déficitaires, de corriger l’anomalie décelée sur une durée suffisante et en ayant recours à des taux adéquats, de façon à restaurer un statut
biologique optimal. Le bénéfice de la démarche variera donc logiquement selon la situation initiale du sportif considéré. Or, du fait que les
déficits sont très répandus, on comprend qu’en complémentant 50 % d’un groupe de sujets sportifs, on améliore le statut de la plupart d’entre
eux, et que l’effet soit statistiquement significatif. Mais il n’est dû qu’au bénéfice procuré à ceux qui, nombreux, présentaient initialement une
déficience.

Les statistiques relevées auprès d’un échantillon représentatif de la population sportive de haut niveau révèlent que ce paramètre, quelles
que soient les normes biologiques considérées, se trouve très majoritairement en dessous de la norme (9, 81). Il va s’agir, évidement de donner
du sens à cette observation.

Figure 14. La voie de synthèse du coenzyme Q10.

Ici « stat» désigne les « statines », catégorie de médicaments proposés pour réprimer l’activité de l’enzyme clef de la synthèse du cholestérol, la
« HMGCoA réductase », dont l’activité est amplifiée par la présence de l’insuline. Cette stratégie se rencontre très souvent dans le cade de la prévention
des maladies cardiovasculaires. En effet, classiquement, on attribue à « l’excès » de cholestérol une part de responsabilité dans la survenue des infarctus
du myocarde. Dans le cas du prédiabète, cette voie s’exprime exagérément, et ce médicament vise à faire baisser le taux de cholestérol. Mais par la
même occasion, la synthèse de coenzyme Q10 chute et son taux peut s’effondrer. Ceci affecte l’oxygénation des tissus, ce qui peut contribuer aux
douleurs musculaires décrites dans cette situation. À l’inverse, chez des sportifs s’entraînant beaucoup, la disponibilité en glucose et la « mainmise » de
l’insuline sur le métabolisme ne se rencontrent que rarement, ce qui peut contrarier une synthèse suffisante et l’atteinte d’un statut correct en coenzyme
Q10. Cette partie située le plus à droite de ce schéma constitue vraiment le point névralgique de ce métabolisme.

Au-delà de son rôle dans l’oxygénation tissulaire et de son statut d’anti-oxydant, le coenzyme Q10 exerce des effets modulateurs à
l’encontre des cytokines pro-inflammatoires, notamment l’interferon-gamma et l’interleukine-6 (1), dont il limite la synthèse en cours d’exercice.
En cas de déficit, a contrario, l’inflammation provoquée par les contraintes de l’exercice se révèlera plus importante et le stress oxydant qui en
découlera sera, quant à lui, accru. Dans la durée, cette situation contribuera à majorer le risque de blessure (57). L’étude fine des mécanismes
impliqués révèle que le coenzyme Q10 contrôle l’inflammation par son statut de nutriment de l’épigénèse. Ceci permet sans doute de
comprendre pourquoi son déficit se rencontre beaucoup plus souvent dans le contexte de la maladie d’Alzheimer (où le taux de protéine
12
amyloïde dans le cerveau est moindre quand le statut en coenzyme Q10 est bon) (17), ainsi que dans le cas de l’atrophie cérébelleuse (6) ou
de la maladie de Parkinson (11). Les mécanismes en jeu associent un défaut d’activité des mitochondries, une protection anti-radicalaire
défaillante et des anomalies de l’épigénèse.

Nos observations chez les sportifs

Au cours des dix dernières années, dans le cadre de l’accompagnement de sportifs de haut niveau, issus de diverses disciplines (athlétisme,
triathlon, cyclisme, football, rugby, tennis, etc...) les médecins en charge des équipes concernées et moi-même, avons procédé au suivi de ce
marqueur biologique. Fin novembre 2016, les chiffres se sont révélés très instructifs (voir la figure 14). La valeur moyenne, sur cette population
de 456 sportifs compétitifs, se situe à 0,62 µmol/l, valeur largement en-deçà des normes des laboratoires, et ce quelles que soient leurs valeurs
de référence. Celui où les échantillons ont été évalués donne comme valeurs optimales des taux compris entre 0,95 et 2µmol/l. Sur la base de
ces normes, près de 76 % des sportifs présentaient des déficits au début de leur prise en charge. Ces anomalies pouvaient s’avérer parfois très
sévères, puisque plus d’un tiers d’entre eux présentaient des valeurs à peine égales à la moitié de la borne inférieure de la norme.
Comparativement, un échantillon de sujets non sportifs, pour lesquels ce marqueur a été évalué, indique des déficits beaucoup moins fréquents
et surtout, moins marqués, et ce en dépit de la présence d’un nombre conséquent de patients sous statines dans cet échantillon de
« sédentaires ».

Qu’en penser ? Cette tendance très forte suggère que le contexte dans lequel se déroule l’entraînement de haut niveau ne permet que
rarement d’assurer un contexte qui garantisse de réaliser une synthèse optimale du coenzyme Q10. Deux facteurs semblent jouer un rôle
prépondérant : l’excès d’entraînement (trop d’heures et trop de séances) et l’insuffisance de l’apport énergétique à l’effort. Une complémentation
en coenzyme Q10 (avec 100 mg/j) ne permet pas forcément de remonter ce paramètre chez les sportifs initialement déficitaires. Chez un tiers
d’entre eux, avec un an de recul, l’anomalie persiste. Par ailleurs, avec le même recul, 38 % des sportifs préalablement déficitaires et ayant
bénéficié d’une complémentation voient leur taux évoluer de moins de 0,1 µmol/l (en hausse ou en baisse), ce qui signifie que les conditions
défavorables à la synthèse optimale du Co Q10, lorsqu’elles ne sont pas modifiées (charge de travail, apport glucidique, etc.) restent
prépondérantes un an plus tard. Dans ces conditions, la complémentation ne sert qu’à corriger temporairement (et partiellement) le déficit
initial.

Figure 15. Statistiques de déficits en coenzyme Q10 au sein d’une population de sportifs de haut niveau (observation personnelle).

Un marqueur pertinent et novateur : Le taux de LDL oxydé ou d’anticorps anti-LDL oxydés

Un moyen de juger de l’impact de séances répétées et de leur empreinte véritable sur notre organisme pourrait être fourni par la mesure
de marqueurs chroniques de l’adaptation de notre organisme à cette agression, et de témoins de la balance entre attaque d’une part, et
protection et réparation d’autre part. Il nous semble évident que c’est du côté de l’impact chronique que le stress oxydatif exerce ses effets
délétères sur l’organisme et, à l’inverse, des mesures en aigu pendant ou juste après l’exercice ne prédisent en rien de la nature et de l’ampleur
des éventuelles séquelles enregistrées dans l’organisme du sujet sportif. De ce point de vue, nous notons avec beaucoup d’intérêt la possibilité
de doser le taux d’anticorps anti-LDL oxydés. En quoi consiste ce marqueur ? Il s’agit du produit de l’attaque par les radicaux libres de certaines
lipoprotéines chargées de transporter les acides gras et le cholestérol dans le sang. Ici, celles qui sont évaluées ne sont pas les formes
« normales », mais une famille de transporteurs modifiés sous l’effet de l’attaque radicalaire. Ces LDL transformées sont particulièrement
impliquées dans la survenue des maladies cardio-vasculaires (32, 34, 73). Si l’attaque radicalaire est ponctuelle ou peu supérieure au « bruit de
fond », les dérivés toxiques formés sont éliminés et il n’en persiste, de manière chronique, aucune trace dans l’organisme. Par contre, si le cumul
d’agression radicalaire aboutit à la présence permanente de molécules porteuses d’anomalies, elles finissent par être reconnues par le système
immunitaire comme « anormales ». Il va alors diriger des anticorps contre elles. La quantité d’anticorps formés en réponse à la présence des
lipoprotéines oxydées renseigne sur l’effet chronique du cumul d’épisodes radicalaires. En outre, sa mesure nous informe aussi sur le risque
cardio-vasculaire qui en résulte (35, 72, 73), puisque les macrophages engloutissent ces molécules oxydées, et leur accumulation, au sein de
l’endothélium, participe à la formation des cellules « spumeuses », tenues pour des acteurs importants de l’agression endothéliale à l’origine de la
maladie athéro-thrombotique. Cette perspective pathologique constitue bien ce qui nous intéresse lorsqu’on s’interroge sur l’impact du sport sur
la production de radicaux libres.

Peu de travaux systématiques ont été réalisés, chez le sportif, avec ce marqueur encore expérimental. En fait, nous n’avons recensé que
quatre études en douze ans. L’une porte sur des professionnels de football américain (70), l’autre sur des basketteurs (59). La troisième, plus
récente, rapporte des observations faites auprès de footballeurs professionnels polonais (35). Ces publications originelles ont toutes décrites
une grande hétérogénéité des valeurs d’anticorps anti-LDLox au sein de ces populations de sportifs. On note également une fréquence élevée de
sujets dotés d’un taux situé au-dessus des normes (> 800 mU/ml), apparemment supérieure à celle relevée au sein de la population générale.
Ces travaux initiaux laissaient une zone d’ombre. Y a-t-il un facteur qui puisse expliquer pourquoi seulement certains sportifs, dans un
environnement identique, subissent un stress oxydant, et pas d’autres ? Pour Klapinska et ses collègues (35), ce constat constituait une
véritable énigme : Ils n’ont pas relevé de différence entre les activités moyennes des défenses anti-oxydants des sujets à faible taux d’anticorps
d’une part, et ceux où il sort des normes d’autre part. C’est donc bien un problème d’équilibre dynamique entre ces moyens de défense et les
molécules oxydantes qui les sollicitent.

Quoiqu’il en soit on connaît mal les conséquences, à terme, de cette élévation, sous l’effet de l’exercice, d’un des facteurs reconnus de
risque de maladie cardio-vasculaire. Chez certains sujets moins bien armés génétiquement, ou dotés de défenses anti-oxydantes peu
performantes, du fait par exemple de déficits micronutritionnels, cela peut suffire à ce que la protection tissulaire ne s’opère plus de manière
satisfaisante. L’agression radicalaire augmente alors, et l’élévation du taux de LDL oxydés (ou d’anticorps anti-LDL oxydés qui est un marqueur
de même signification), s’élève également. Autrement dit, chez certains, la pratique régulière du sport pourrait augmenter le risque cardio-
vasculaire en raison d’une augmentation du taux de LDL oxydés. Ces résultats ouvrent un intéressant champ de réflexion. C’est pourquoi la
dernière des quatre publications s’avère intéressant (79). Il montre qu’après seulement deux sessions consécutives prolongées (6 h chacune) de
marche, le taux de LDL oxydés décroît significativement. L’étude en question prête à discussion dans le sens où la méthode de dosage n’est pas
celle utilisée classiquement et qu’elle peut comporter des biais. D’ailleurs, ce constat montrant un effet aussi net de seulement deux sessions
d’exercice jette le doute. Quoiqu’il en soit, même s’il s’agit d’un effet aigu, et qu’il ne permet pas d’extrapoler ni de spéculer sur le bénéfice à
attendre d’une pratique régulière, ce résultat va dans le sens de ce qui est classiquement admis, à savoir qu’un exercice modéré joue un rôle
protecteur sur le plan cardio-vasculaire. Ceci sera d’autant plus intéressant que, en ce qui concerne les taux respectifs de HDL et de LDL, un
important polymorphisme a été trouvé, notamment dans le cadre de l’étude « Héritage » (3). Celle-ci a néanmoins montré que les phénotypes
défavorables pouvaient bénéficier d’une protection accrue vis-à-vis du risque cardio-vasculaire grâce à l’impact d’un exercice modéré.

Stress oxydant et immunité : nos observations

À l’instar des auteurs des études qui ont précédé la compilation présentée ci-dessous, menée entre 2008 et 2019 – cessée depuis du fait
des changements de réactifs et de normes, rendant toute comparaison impossible avec les données antérieures – il en ressort ce constat : près de
30 % des sportifs évalués en début de saison, à l’issue d’une période de repos complet d’au moins deux semaines, (mais qui le plus souvent
atteignait le double), possédaient un taux d’anticorps anti LDL oxydées situé au-dessus des normes. Qui plus est, la majorité d’entre eux
présentaient cette anomalie plusieurs années de suite, alors que la plupart d’entre eux, bénéficiant d’un accompagnement personnalisé, avait
reçu une complémentation anti-oxydante, apparaissant inefficace dans ce contexte. L’étude des dossiers de ces sportifs, le recueil d’autres
données biologiques relevées simultanément ont permis, après de nombreux mois de questionnement, d’établir un important constat. Les bilans
de début de saison comportaient, indépendamment du taux d’anticorps anti LDL oxydées, divers paramètres en lien avec l’immunité. Nous avons
choisi d’en regarder plus particulièrement quelques-uns, considérés comme étant représentatifs d’une sollicitation chronique du système
immunitaire. Ceci survenait sans que, au moment du bilan, les sportifs concernés puissent être considérés en phase aigüe d’infection. Parmi les
divers indicateurs retenus, citons par exemple des éléments évocateurs d’infection, la présence d’endotoxines, ou encore les taux d’IgA
secrétoires (mesurés dans les selles) ou de bêta-défensines-2, peptides anti-microbiens secrétés. Actuellement, on considère que ces dernières
reflètent l’importance de la dysfonction immunitaire dans le contexte d’une infection bactérienne digestive (45). J’ai alors regardé si la fréquence
de valeurs anormalement élevées du taux d’anticorps anti LDL oxydées se rencontrait indifféremment au sein de cette population sportive ou si,
au contraire, on les retrouvait beaucoup plus souvent en cas de dysfonctionnement immunitaire. Le traitement statistique des 214 dossiers de
sportifs a été mené en deux temps. La première étape a consisté à regarder les valeurs moyennes (et les écarts-types) du taux d’anticorps anti
LDL oxydées en fonction du statut immunitaire des sportifs testés. La seconde a consisté à comparer les effectifs en fonction de deux critères :
valeur normale (ou non) du taux d’anticorps anti LDL oxydées et présence (ou non) d’un dysfonctionnement immunitaire initial. Voici les
résultats : Chez ceux ayant des perturbations immunitaires identifiées, sur un effectif de 135 sujets, on relève une valeur moyenne de 635 +/-
440 U.I. Ce chiffre est très proche de la limite supérieure de la norme du laboratoire où les mesures furent effectuées (normes : 0 à 700). Par
contre, chez ceux n’ayant aucune anomalie biologique évocatrice de dysfonctionnement immunitaire (on en comptait 79), on notait une valeur
moyenne de 285 +/- 248 U.I.

À notre surprise, la présence d’anomalies immunitaires, sur cet échantillon de sportifs de haut niveau, concerne près des deux tiers de
l’effectif. Finalement, accompagner un sportif de haut niveau, revient à lui éviter de tomber malade malgré l’entraînement... Sur le second temps
de l’analyse statistique, j’ai appliqué un test simple (qui se nomme le Chi²) et convenait tout à fait en regard de la taille non négligeable de
l’effectif observé. En quoi consiste-t-il ? On y compare la différence entre les effectifs observés et ceux qu’on aurait trouvés si l’élévation du taux
d’anticorps anti LDL oxydées était survenue indépendamment du contexte immunitaire. Les données, récapitulées dans le tableau 4, sont
dénuées de toute ambiguïté : Un stress oxydant chronique résulte principalement d’une activation immunitaire au long cours. Celle-ci relève de
multiples causes, mais on doit pointer la fragilisation de l’organisme sous l’effet du stress (au sens large : exercice, déficits énergétiques,
pression émotionnelle, altitude, décalage horaire, etc.). La tendance se retrouve quelle que soit la discipline concernée et la sexe de l’athlète
(voir le tableau 4).

Tableau 4. Fréquence de taux d’anticorps anti LDL oxydées supérieurs à la norme en fonction du statut immunitaire des sportifs.

Anti LDLox <700 Ø 700 Total

72
Pas de perturbation immunitaire 7 (27) 79
(52)

69
Perturbation 66 (46) 135
(89)

TOTAL 141 73 214

(Entre parenthèses, les effectifs attendus en cas de survenue « aléatoire » d’un stress oxydant au sein de cette population). Le calcul statistique indique
que la tendance est « très significative » : ce sont les dysfonctionnements immunitaires qui provoquent un stress oxydant chronique.

Ж² = 5,55 + 5,8 + 57,1 + 6,1 = 74,5 Test très significatif.

Au-delà de ces chiffres, le modèle du sportif de haut niveau permet de poser une nouvelle hypothèse : celle du rôle des
dysfonctionnements immunitaires dans le déclenchement des pathologies dégénératives. Rappelons que la participation d’un stress oxydant
chronique constitue le point commun à la plupart d’entre elles. Or, ces chiffres amènent une réflexion : on ne peut plus simplement corriger le
stress oxydatif à l’aide d’une alimentation et d’une complémentation anti-oxydante. La démarche sera vouée à l’échec sans une action simultanée
(et bien plus complexe) sur les désordres immunitaires qui, pour la plupart, trouvent principalement leur origine dans la dysbiose évoquée au
chapitre précédent. Pour illustrer ce nouveau paradigme, relevons – parmi d’autres – une étude récente qui décrit le lien existant entre infection
à candida et survenue de la maladie d’Alzheimer (60), confortant des études antérieures qui soulignaient elles aussi l’existence de processus
inflammatoires dans les maladies neuro-dégénératives (46, 51). Le stress oxydant et les perturbations provoquées par cette infection et par
l’activation immunitaire qui s’ensuit initieraient la cascade d’événements oxydatifs et dégénératifs qui caractérisent cette pathologie.

La dysbiose, et les anomalies immunitaires qui en résultent, se trouvent également évoqués dans le cadre de la maladie de Parkinson (53)
ou de l’infarctus (36). Le stress oxydant chronique qui résulte de ce dysfonctionnement immunitaire participe largement aux lésions relevées
dans ces pathologies. En lien avec la dysbiose et l’hyperperméabilité intestinale qui en résulte, notons encore que la piste d’une réaction
immunitaire initiée par le gluten est mise en avant par Marios Hadjivassilou (29) et, selon lui, participe largement à l’aggravation et à la
propagation de lésions dégénératives telles qu’on les observe dans l’ataxie cérébelleuse ou d’autres pathologies neuro-dégénératives qu’il a
observées dans son service hospitalier du Royaume Uni.

L’intérêt des boissons énergétiques dans la protection anti-oxydante.

Il peut paraître incongru d’envisager que l’apport glucidique réalisé à l’effort puisse permettre de protéger du stress oxydant. On
imaginerait volontiers enrichir les boissons ou les gels d’éléments végétaux dotés de vertus protectrices, pour minorer l’impact de l’exercice sur
l’agression des tissus. Mais revenons à la cascade anti-radicalaire décrite sur la figure 12. J’ai mentionné plus haut l’importance du glucose-6-
phosphate, lui-même provenant du glucose pour le bon déroulement des processus de défense anti-oxydante. Cette voie métabolique peu
connue nécessite, pour tourner à plein, que la disponibilité du glucose soit suffisante, faute de quoi le recyclage des molécules protectrices
endommagées par le stress oxydant (le glutathion oxydé, la vitamine C oxydée, etc.) ne pourra pas se dérouler de manière optimale. Ainsi,
comme pour la synthèse du coenzyme Q10, cette voie protectrice requiert une présence optimale du glucose. Une tendance actuelle, dans le
milieu sportif, vise à restreindre les glucides de manière trop importante, souvent dans le souci de ne pas grossir. On se rend compte, à la
lumière de ces observations, qu’à long terme les inconvénients liés à cette pratique prévalent sur ses avantages « marginaux ». Une question
s’est donc posée : si la disponibilité en glucose de la cellule venant à chuter, comme lors d’un effort accompli sans apport énergétique, ou dans
un contexte où la quasi intégralité de la ration glucidique sert à faire face aux besoins énergétiques, des muscles, comment se dérouleraient les
processus protecteurs ? Le spécialiste de l’immunité, l’américain David Nieman, a imaginé un protocole afin d’évaluer cette situation (42). Les
résultats sont décrits sur la figure 16.

Dans cette étude, comparativement à un placebo, la prise de boissons en cours d’activité a donné lieu à une moindre formation de dérivés
oxydés de lipides (les ordonnées sur la courbe). Cela traduit un moindre stress oxydatif. De plus, les auteurs de ce travail ont constaté que le
taux de glutathion réduit restait dans la norme chez les athlètes ayant reçu des glucides à l’effort. Les données observées ne sont pas tout à fait
significatives sur le plan statistique, mais ce point faible tient en grande partie à la taille de l’échantillon, qui imposait un écart très net pour
que, statistiquement, il soit jugé pertinent. Pour autant, la tendance est indéniable, et la conclusion incite à adopter une démarche que la
médecine du sport institutionnelle tend à juger inutile : la prise systématique de boissons énergétiques lors des entraînements. Cette
recommandation se heurte souvent à de fortes réticences. D’aucuns redoutent, en prenant « du sucre » à l’effort, de grossir ! Cette inquiétude
constitue un total non-sens physiologique. En l’absence de pic d’insuline, et dans ce contexte d’urgence métabolique, 0 % de l’apport réalisé à
l’effort ne contribue à une synthèse d’acides gras. Nous verrons dans un prochain chapitre que cet apport présente un autre intérêt majeur, relatif
au maintien de l’étanchéité de la muqueuse intestinale.

Figure 16. Intérêt d’un apport glucidique à l’effort.


Effet sur la protection anti-oxydante (42).
Encadré 7 : Les anti-oxydants sont toujours plus que de simples anti-oxydants...

Les molécules dotées d’effets anti-oxydants protègent les cellules où on les trouve. Des déficits en ces nutriments favorisent, de ce
fait, la survenue de certaines pathologies, et un long débat a porté sur leur place dans le cadre du cancer. Les partisans d’un apport en
anti- oxydants invoquent principalement – sinon exclusivement –, pour justifier leur position, une meilleure protection à l’encontre des
réactions radicalaires apparues lors de cette maladie. Mais inversement, l’apport d’anti-oxydants durant une chimiothérapie ou après un
cancer pourrait-il protéger les cellules tumorales et, de ce fait, se révéler délétère ? La question s’est posée lorsque certaines études
d’intervention ont semé le trouble. À l’origine, de nombreuses données épidémiologiques avaient montré que le risque de cancer du
poumon, chez les fumeurs, augmentait si l’apport en végétaux frais était insuffisant (26). Le bénéfice semblait principalement résulter de la
présence du bêta-carotène, abondant dans les légumes et les fruits colorés. L’idée de corriger d’éventuels déficits a donc semblé logique.
Or, lors d’études d’intervention, où des sujets fumeurs bénéficiaient d’une complémentation en bêta-carotène, des résultats contradictoires
sont apparus. À dose physiologique (assurée par des apports équivalents aux besoins quotidiens), la complémentation protégeait bel et
bien. Par contre à des doses bien plus élevées, le risque augmentait, et ce de manière tout à fait paradoxale ! Une frange du monde
médical a alors prôné une prudence extrême, déconseillant la prise de compléments à base d’anti-oxydants durant les chimiothérapies.
Cette tendance culmina dans les années 2010-2012.

L’explication tenait à ce que, à de tels dosages, le métabolisme de cette vitamine se trouve modifié et aboutit à la formation de
dérivés capables de promouvoir la cancérogénèse. Ce détournement, par contre, ne survient pas à des doses moindres. Quand on
respecte cette précaution et qu’on apporte des quantités plus respectueuses de la physiologie, on retrouve l’effet protecteur de ce
nutriment. Ainsi, à ce jour, la polémique n’a plus lieu d’être. Un consensus se dégage pour considérer que l’optimisation de l’apport en
anti-oxydants protège du cancer, y compris lorsque celui-ci s’est déclaré et est traité (27).
Au-delà de cette ancienne polémique, le débat mérite d’être élargi. La plupart des molécules dotées d’effets anti-oxydants
n’interviennent pas uniquement comme anti-oxydants. Dans la plupart des cas, il s’agit même d’une particularité ne jouant qu’un rôle
annexe, l’essentiel des bénéfices relevés tenant à d’autres propriétés. Ainsi, la plupart de ces nutriments influent sur d’autres processus
impliqués dans la défense de nos tissus sains, comme l’apoptose des cellules cancéreuses (leur mort programmée), l’inhibition de la
« néo-angiogenèse » 13 , le contrôle de l’épigénèse ou encore, comme dans le cas du curcuma (10) ou du sélénium (30), une aptitude
accrue du foie à éliminer les toxiques, qu’il s’agisse des molécules cancérigènes ou des principes actifs des chimiothérapies (27 ). On
doit considérer, de ce fait, qu’une molécule protectrice, si elle se range parmi les anti-oxydants, est loin d’agir sur les tumeurs par cette
seule propriété et que, quand on met en balance l’intégralité des actions qu’ils exercent, ces divers nutriments doivent bénéficier d’une
place de choix lors de la prise en charge de patients souffrant de cancers (21, 47).

Encadré 8 : Sélénium, zinc, coenzyme Q10 :


protecteurs des spermatozoïdes...

Le spermatozoïde évolue au cours d’une série d’étapes qui mettent en jeu des enzymes dont la plupart nécessitent l’intervention du
sélénium (30). Cet élément permet également de limiter l’impact délétère des métaux lourds, qui agressent de manière violente ces
cellules et contribuent en particulier à fragmenter l’ADN qu’ils transportent. Le matériel génétique ainsi transmis et destiné à féconder
l’ovocyte va s’avérer de moins en moins viable (je vous renvoie sur ce point aux statistiques évoquées dans l’introduction de cet ouvrage) et
cette situation va affecter les chances de succès. La protection contre ce stress oxydant dépend essentiellement du statut en zinc, en
sélénium et en coenzyme Q10 qui, par ailleurs, jouent des rôles cruciaux pour le bon déroulement des défenses immunitaires. Leurs
déficits contribuent-ils à favoriser l’hypofertilité masculine ? Plusieurs études d’intervention ont permis de montrer qu’une complémentation
en coenzyme Q10, en zinc, en sélénium, ou combinant ces trois micronutriments améliorait significativement le taux de grossesses et la
survie des nouveau-nés lorsque les papas bénéficiaient de cette complémentation (50). Cela se traduisait également par une amélioration
de la qualité des spermatozoïdes et par une moindre fréquence de la fragmentation de l’ADN, c’est-à-dire d’atteintes et de cassures au
sein de l’ADN du spermatozoïde (78). Il s’agit typiquement de causes d’hypofertilité que la vision médicale classique, comme je l’ai décrit
en introduction de ce livre, n’envisage que de manière extrêmement rare. Et lorsque ces déficits sont recherchés, le sens de tels déficits,
si fréquemment rencontrés, ne semble pas du tout perçu. Notons enfin que le sélénium contribue à restaurer la motilité des
spermatozoïdes, altérée par la présence de cadmium (68). On mesure, encore une fois, que l’impact grandissant de la pollution,
l’appauvrissement des denrées, et la pression exercée sur le système immunitaire (qui mobilise davantage de ressources, aboutit à
l’évolution épidémiologique des troubles de la fécondité masculine... qui n’épargne pas le sportif. Les statistiques relatives au coenzyme
Q10 alimentent évidemment ce débat.

Un nouveau venu dans le débat : l’impact croissant de la pollution

La pollution influe de manière de plus en plus significative sur la santé de nos populations, en particulier chez les plus jeunes d’entre
nous, et deux mécanismes principaux participent à ce danger croissant. Le premier implique un impact épigénétique éventuel alors que le second
repose plutôt sur une majoration du stress oxydant lequel, d’ailleurs, en s’exerçant à l’encontre de l’ADN nucléaire ou de celui de la mitochondrie
(22), finit par altérer le contrôle de l’expression des gènes (2, 16). L’agression cumulée subie peut dépasser les moyens de protection dont
dispose l’organisme, et les répercussions peuvent se manifester très tôt, en période fœtale (2), pouvant influer sur le développement cérébral
(41, 66), comme chez des adolescents. Une étude prospective menée entre 2003 et 2008 a ainsi montré une augmentation du risque de tumeurs
cérébrales, chez des adolescents danois, sous l’influence de la pollution atmosphérique (28). Cette exposition chronique influe également sur la
fonction rénale de cette même population (18). La responsabilité semble en incomber tout autant aux polluants organiques disséminés par
l’agriculture intensive (7, 41, 82) que par les métaux lourds accumulés dans les sols et retrouvés dans l’eau (40). Le cumul de polluants
organique, consommés quotidiennement en raison de la contamination des nappes phréatiques peut, à terme, provoquer des perturbations de la
fonction hépatique (82). Il s’agit d’un processus qui favorise l’instauration d’un véritable cercle vicieux, dans la mesure où, moins performant
dans son rôle de détoxication, le foie défaillant va permettre à ces toxiques d’exercer plus longtemps leur effet délétère, tout en subissant un
stress oxydant accru (25). Nous verrons plus loin que certains ingrédients issus de notre assiette possèdent des vertus protectrices et permettent
de corriger les dégâts épigénétiques provoqués par l’influence conjointe du stress oxydant et du défaut de détoxication hépatique.

Un nouveau venu s’est ajouté à la liste des ennemis délivrés par notre environnement : Il s’agit des nanoparticules. Rappelons ce dont il
s’agit : ce sont des éléments ayant une taille nanométrique, comprise entre 1 et 100 nanomètres (1 nanomètre est 1000 millions de fois plus
petit qu’un mètre). Utilisées dans tous les domaines depuis les années ’90, on les retrouve de plus en plus, sans le savoir, dans notre quotidien
(cosmétiques, peinture, électronique, informatique...). En s’immisçant jusqu’au cœur de nos tissus elles génèrent des réactions oxydatives et des
anomalies épigénétiques dont on commence, avec un recul suffisant, à mesurer les conséquences sur notre santé (69, 76).
Il n’est bien sûr pas possible de dresser une liste exhaustive des polluants potentiels (dont les effets se multiplient plus qu’ils ne
s’additionnent), mais les références les plus récentes, citées dans ce livre, offrent le double avantage de présenter l’état actuel des connaissances
et de proposer des données obtenues avec un recul suffisant pour qu’elles aient une réelle signification épidémiologique. Cela amène à
considérer que par l’eau qu’il avale, les aliments qu’il consomme, les vêtements qu’il porte, par les gaz qu’il inspire en courant à proximité des
axes de circulation, par les cosmétiques qu’il utilise, le sportif majore de manière très nette le niveau de stress oxydant subi, et cette évolution
s’est indubitablement accélérée depuis une vingtaine d’années... au point, très certainement, de modifier les capacités d’adaptation à
l’entraînement et l’état de santé des populations.

Conclusion : Le stress oxydant...


Un acteur clef de l’épigénèse et de l’adaptation

Aujourd’hui, le consensus scientifique admet que toute production de radicaux libres n’est pas néfaste, contrairement à une idée reçue...
Nous avons en effet absolument besoin d’un « bruit de fond » radicalaire permanent, indispensable pour les défenses immunitaires. L’organisme
utilise ce « bruit de fond oxydatif » pour mettre en place et perpétuer ses systèmes de défense et assurer les processus épigénétiques, à l’instar
des exercices de simulation qu’effectuent les pompiers en-dehors de tout incendie. Cela permet notamment à notre organisme d’éliminer les
cellules défectueuses qui pourraient, sans cela, devenir cancéreuses et se multiplier à nos dépens (72). Cette élimination quotidienne, rendue
possible par l’intervention de certains radicaux libres, est organisée et ce bruit de fond oxydatif permet de maintenir le programme en place. De
ce fait, les problèmes posés par les radicaux libres en termes de santé, sont plutôt ceux d’un excès de production ou d’un défaut de
neutralisation... ou les deux. La situation d’un individu donné à un instant précis demeure, avec les outils biologiques routiniers, difficile à
apprécier. Ceci explique sans doute la confusion, les contradictions et la relative cacophonie qui règnent quand on tente de dresser une synthèse
des relations entre l’exercice et les radicaux libres, comme on l’a détaillé ci-dessus. En conclusion, par une modulation permanente des
agressions subies et des systèmes de protection mis en œuvre, les effets de l’entraînement, le cadre de vie et bien sûr la nature des apports
alimentaires et complémentaires réalisés (notamment au sein de « familles à risque ») vont fortement influencer le devenir du sujet sportif, en
particulier à partir de 40 ans. Aujourd’hui, le capital des plus jeunes générations est déjà fortement amputé et contribue à une désadaptation
croissante de la population aux contraintes de son environnement. La baisse d’aptitude sportive moyenne n’est qu’une illustration de ce long
processus.

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L’immunité, un processus gouverné par l’épigenèse

Qu’on soit thérapeute, patient, journaliste, de quelque milieu qu’on provienne, ce domaine fait l’unanimité : l’immunité s’avère un sujet
très compliqué à comprendre. Cela n’interdit pourtant pas d’en débattre et le lieu commun peut très vite s’ériger en vérité ; visiblement,
l’absence de compétence ne constitue pas un frein à l’expression. Pourquoi cette facilité et surtout ce besoin de disserter sur des sujets en lien
avec l’immunité : les infections, les défenses, la vaccination, comme on l’a vu au cours de la pandémie ? Parce que par sa complexité, par sa part
d’imprévisibilité, l’immunologie représente une évidente source de stress. Face à celui-ci la simplification, la communion de pensée, au risque de
se tromper, permet de se rassurer. Comprenons bien que tout ce qui échappe au contrôle, comme une épidémie ou les effets secondaires
éventuels d’un traitement, va générer du stress, comme je l’ai expliqué dans l’avant-propos de ce livre.

Alors de quoi s’agit-il ? L’immunité n’est ni l’usage des statistiques, ni l’infectiologie, spécialité où on considère souvent, tel un Général
Custer reconverti en expert des éprouvettes, que : « tout bon microbe est un microbe mort ». Certes, certains ont récemment nuancé ce dogme
en évoquant de « bonnes » ou de « mauvaises » bactéries, et tant pis si parfois certaines espèces se rangent dans les deux groupes ! Cela
n’empêche, ce n’est pas de l’immunologie. Alors en quoi consiste-t-elle ? Elle décrit l’intervention en temps réel de différents acteurs biologiques
aidant à assurer deux fonctions majeures qui sont la défense d’une part, et la tolérance d’autre part. La distinction semble facile, reconnaître le
« soi », éliminer le « non soi ». Pourtant, ces dernières années, des données scientifiques sont venues brouiller nos repères ; en effet, nous
apprenons à vivre avec notre microbiote, alors que ces bactéries n’appartiennent pas de toute évidence au « soi », selon le sens initial de cette
expression. Et notre ADN, celui dont je vous ai parlé au premier chapitre, comprend également plus de 10 % de séquences d’origine virale,
intégrées à notre capital génétique au cours de l’évolution (13, 30, 34). Et que dire de nos mitochondries bactériennes ? Comment réagira-t-on
si un virus porteur de séquences très proches de celles portées par notre ADN viral vient nous attaquer ? On pressent bien que la survenue de
ratés n’a rien d’invraisemblable.

La défense englobe nos muqueuses, barrière physique d’une extrême importance : souvenez-vous de la crainte qu’on peut éprouver si on
se blesse avec un objet rouillé et qu’on ne se souvient plus si le vaccin anti-tétanos est à jour. Mais elle repose surtout sur l’intervention de
nombreuses catégories de cellules, dont l’ensemble représente les globules blancs. Chacune d’elles possède ses spécificités, et elles peuvent
également conjuguer leurs actions face à un danger majeur et immédiat. La tolérance, quant à elle, ne repose que sur une catégorie de cellules :
les « lymphocytes régulateurs », encore nommés « Treg ». Leur caractère unique, l’absence d’autres cellules pouvant les suppléer, explique que
nous puissions nous montrer plus vulnérables aux réactions inappropriées dirigées contre nous. L’augmentation très marquée de l’incidence des
maladies auto-immunes, telle qu’on le constate depuis un demi-siècle, accrédite fortement cette possibilité. Ces défauts de tolérance surviennent
aussi parfois, de manière assez rare, chez des sujets prédisposés, en réponse à certains vaccins (58). La démonstration en a été apportée avec
une démarche aussi banale que la vaccination anti-grippe, dont il a été démontré qu’elle pouvait favoriser la survenue de pathologies auto-
immunes (3).
Enfin, d’autres caractéristiques viennent compliquer ce tableau : certains agents infectieux, non contents de nous mettre à mal, s’en
prennent aux logiciels qui régissent nos défenses, et peuvent y laisser des perturbations, susceptibles de persister alors même que l’infection
aurait cessé. Tout se passe comme lorsqu’un incendie se poursuit alors que le pyromane qui en est responsable a quitté les lieux depuis
longtemps. Les principaux responsables de tels désordres commencent à être bien connus. Il s’agit par exemple du candida Albicans (10), de la
borréliose (13, 54) ou de l’Helicobacter Pylori (43). Certains vaccins peuvent aussi influer sur la tolérance et, agissant au niveau de l’épigénèse,
l’impact sur l’immunité de la descendance constitue une question d’importance, trop peu considérée à ce jour (18).

Les bactéries et les virus constituent les principaux agresseurs potentiels desquels, au cours de l’évolution, nous avons appris à nous
protéger. Mais de nouveaux adversaires sont apparus depuis quelques générations, et représentent désormais des dangers avérés. Leur présence
résulte des perturbations subies, de la main de l’Homme, sur notre environnement. Loin de constituer des élucubrations d’écologistes rêveurs,
cette menace s’est bel et bien concrétisée.
Ainsi, plusieurs études décrivent une perte de tolérance, se manifestant par des tendances allergiques beaucoup plus prononcées, ou par
la survenue de maladies auto-immunes, en cas d’exposition prolongée à divers types de polluants sur lesquels je reviendrai un peu plus loin.
Notons ainsi qu’ils provoquent une fragilisation de nos défenses, en lien avec des anomalies des méthylations. Cette fragilité se retrouve au
niveau de la descendance (21, 25, 57). Notons enfin l’impact du stress, perturbateur majeur, dont les conséquences sont largement reconnues
aujourd’hui, tant en ce qui concerne le risque d’auto-immunité que de cancer, son influence englobant, là aussi, des altérations de l’épigénèse
(19, 46, 49, 56).
L’évolution des connaissances, possible depuis un quart de siècle grâce à l’émergence de techniques de plus en plus sophistiquées, a
permis de découvrir et de décrire un grand nombre de molécules chargées d’assurer la communication immunitaire, constituant en quelque sorte
les « messagers » des globules blancs, et auxquelles on a donné le nom de « cytokines » 14. Plus d’une cinquantaine ont été identifiées à ce jour.
Chacune d’elle apporte une information particulière et précise et communique avec un nombre limité de catégories de globules blancs ou
d’autres tissus. Le but ultime de leur diversité est de garantir deux qualités majeures à notre réponse immunitaire : sa « spécificité », ce qui
signifie que la réponse est précisément adaptée à la nature d’un agresseur parfaitement identifié, et son ampleur, assuré par des mécanismes
d’amplification, de frein, qui dépendent de ces cytokines. Ces molécules, dont certaines sont de plus en plus connues du public, comme le « TNF-
α », bras armé de l’inflammation ou « l’interferon-Ƴ », chargé de recruter les défenses anti-virales et anti-cancer, voient leur taux augmenter
brutalement en réponse à une agression. Elles peuvent conduire, dans certaines situations où il existe déjà un terrain inflammatoire, à ce qu’on
nomme un « orage cytokinique », phénomène popularisé lors de la pandémie, mais déjà connu depuis les années 90 (1). Cet ajustement résulte
de phénomènes épigénétiques se déroulant au niveau de l’ADN de certaines cellules immunitaires. On imagine aisément que, comme pour
n’importe quel autre processus, des interférences environnementales puissent venir fausser la communication et brouiller le message lié à la
lecture de nos gènes. Les plus importantes de ces intruses, venant s’inviter au concert sont décrites ci-dessous.

Notons que si, initialement, on pensait que les globules blancs produisaient l’essentiel des cytokines circulantes, on sait aujourd’hui
qu’elles se forment sur d’autres sites, notamment au niveau de notre microbiote, ce qui ouvre d’intéressantes perspectives de modulation
immunitaire avec des bactéries à action ciblée, ce que l’utilisation des probiotiques permet depuis une vingtaine d’années (7, 10, 47, 59). En
dehors de celui-ci, d’autres tissus en élaborent aussi, tels que le tissu adipeux, notamment en cas d’insulino-résistance (7), ou le muscle en cas
de privation glucidique (18). De ce fait, le contexte métabolisme, l’accomplissement répété d’un exercice dans un environnement énergétique
inapproprié, constituent des situations susceptibles d’influer sur la réponse immunitaire et le contrôle de l’inflammation. Celle-ci, qui constitue
un processus physiologique normal, peut alors dégénérer (voir l’encadré 8).
Au-delà de la difficulté à aborder l’immunité de manière suffisamment globale et en la replaçant dans une perspective véritablement
physiologique, plusieurs idées majeures doivent être considérées. La première c’est que notre organisme se trouve en permanence confronté à
une multitude d’informations, internes et externes, dont il doit mesurer si elles peuvent ou non mettre en péril sa survie : identifier des germes
dangereux, des cellules modifiées, reconnaître ses propres tissus, accepter un fœtus, une greffe, vivre en harmonie avec son microbiote
constituent autant de challenges qui reposent finalement sur la mise en œuvre optimale de la dualité tolérance/défense. Le contrôle optimal de
ces orientations cruciales dépend de notre héritage épigénétique (par exemple en matière d’auto-immunité ou certains profils prédisposent
davantage à déclencher certaines pathologies-- (35), mais subit également l’influence de perturbateurs potentiels (stress, infections, polluants,
etc.), susceptibles de fausser la compréhension de ces messages.

Encadré 9 : L’inflammation, un processus normal qui peut dégénérer.

L’inflammation, même si on la perçoit souvent comme un mal qu’il faut combattre et réduire à néant, est pourtant un processus
physiologique. Cela signifie qu’il n’a rien d’anormal et que sa survenue présente un intérêt pour nous et répond à une finalité. Globalement,
elle met en jeu des acteurs de l’immunité, ce qui signifie qu’on la déclenche dans un contexte où notre corps vit une agression.
Effectivement, lors de l’inflammation, on finit d’éliminer les éléments et les structures qui ont trop été endommagés au cours d’une
situation défavorable (hyperthermie, infection, hypoxie, blessure, etc...), et on déclenche la réparation de ceux qui, bien qu’altérés, peuvent
encore être utiles.
Ce processus, lorsqu’il atteint son maximum, se manifeste par quatre mots clés : douleurs, gonflement, rougeur, chaleur. Il passe
par trois étapes. La première est l’initiation. Dès qu’une agression démarre, mettant en péril un tissu, des acteurs entrent en scène. Il
s’agit notamment de cellules immunitaires. Un grand nombre de molécules sont libérées dans ce contexte. Des dérivés de certains acides
gras (« oméga 3 » ou « oméga 6 ») vont servir à élaborer des prostaglandines, molécules de nature hormonale exerçant un effet
atténuateur ou amplificateur. On va également relever la fabrication accrue de « radicaux libres », évoqués précédemment dans cet
ouvrage, et qui vont participer au processus de nettoyage.
Le phénomène culmine au bout de 48 heures. Le monde du sport a offert un cadre incomparable pour l’étudier. On a ainsi constaté
que, après un marathon, effort lésant considérablement certains territoires musculaires, les douleurs ressenties au niveau des membres
inférieurs atteignent leur paroxysme le second soir après la course (41). Les physiologistes de l’exercice parlent de « DOMS » abréviation
de « Delayed Onset of Muscular Soreness », ce qu’on traduit en français par « Douleurs musculaires de survenue retardée ». À cet
instant-là, la simple marche paraît à la fois difficile et douloureuse. On se trouve au cœur de la 2e phase de l’inflammation, l’amplification.
Quand tout se déroule normalement et que le grand nettoyage a bien lieu, les douleurs régressent, à l’image de l’inflammation. Ainsi,
après 96 h le marathonien peut remarcher normalement, et une semaine plus tard il se sentirait même prêt à courir, ayant déjà oublié les
douleurs du mardi d’après-course. Il est entré dans la troisième phase de l’inflammation, celle de la « résolution ». À ce moment-là, si le
contrôle de l’action immunitaire s’est convenablement déroulé, ses acteurs n’interviennent plus.

L’exemple développé dans cet encadré décrit le déroulement d’une inflammation « normale », physiologique. Qu’en est-il de l’inflammation
pathologique ? Elle correspond à une perpétuation de la deuxième étape. En général, l’absence ou l’insuffisance de la résolution s’observera
lorsqu’ un foyer inflammatoire reste incandescent. C’est ce qui se passe en cas d’activation immunitaire, mais aussi dès lors que des agents
viennent perturber, par des mécanismes épigénétiques, la bonne organisation de la réponse immunitaire : stress, pollution, figurent notamment
parmi ces éléments de déstabilisation. Cela peut aussi s’observer dans le contexte où certains déficits nutritionnels s’observent. Ils touchent en
général des molécules impliquées dans le déroulement de la réponse immunitaire, dans le contrôle de l’inflammation ou celui du stress oxydant.
Les causes potentielles de déséquilibre ne manquent donc pas ! Dans ce cas, l’inflammation persiste et cela peut s’accompagner d’un cortège de
perturbations associées, déprime (17, 52), douleur chronique, résistance à l’amaigrissement... Il sera alors indispensable de s’attaquer aux
causes de cette inflammation chronique, autrement dit d’éteindre les braises rougeoyantes. Beaucoup de thérapeutes oublient l’existence de cette
cascade d’événements et traitent les symptômes comme autant de troubles indépendants les uns des autres, soit par des traitements
allopathiques qui s’empilent les uns sur les autres, soit en ayant recours à des alternatives thérapeutiques ou douces, mais où la même logique
prévaut... à une nuance près, le recours à de l’allopathie « naturelle » !
Encadré 10 : Fonctionnement et dysfonctionnement immunitaire.

Le bon déroulement d’une fonction immunitaire, se caractérise par le fait que – le plus souvent – elle est silencieuse et que, comme
Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir, on produit une réponse immunitaire sans s’en rendre compte. Cette situation fréquente
correspond à une immunisation. Ce scénario idéal nécessite le respect de trois critères.

Il s’agit d’abord d’une bonne identification de la cible. Ce premier critère semble couler de source. Pourtant, un grand nombre de
sujets, chez lesquels cette étape préalable se déroule mal, vont développer des perturbations telles que des allergies ou des maladies
auto-immunes. Au cours de celles-ci, notre organisme va déclencher une réponse immunitaire dirigée contre un adversaire qui n’est pas
une cible habituelle, qui n’est pas un microbe. Le paradoxe, c’est que cela conduit à des situations qui remplissent nos salles d’attente.
La bonne identification et l’appréciation adéquate du danger potentiel de cette cible repose sur la mise en œuvre d’acteurs immunitaires
bien particuliers, tels que les lymphocytes « auxiliaires » encore nommés les « Helpers ». Dès que, dans l’histoire du patient, on relève
des épisodes d’allergies, de bobo en « ites », suffixe qui désigne une inflammation, on se trouve dans un contexte où existe un
dysfonctionnement immunitaire latent.

Le deuxième critère à considérer est l’amplitude de la réponse. En effet, lorsque le système immunitaire repère un ennemi
potentiel, il l’identifie, il le neutralise, et l’inflammation s’inscrit dans ce combat. Ainsi, elle contribue à une réponse immunitaire correcte.
Aussi, tant que cette inflammation reste physiologique, sans embrasement, elle ne donne pas lieu à de symptômes particuliers.
Cependant, on conserve une mémoire de cette intervention : la « police » immunitaire garde un dossier sur cette affaire. C’est ce qu’on
peut retrouver en mesurant des sérologies, par exemple le taux d’IgG anti-toxoplasmose chez des femmes enceintes. Chez celles-ci, en
cas de résultat positif, on en déduit qu’il y a eu rencontre et neutralisation, autrement dit « immunisation ». Cette notion d’amplitude de la
réponse suggère que celle-ci doit se montrer proportionnelle à l’agression. Or, cela dérape parfois pour diverses raisons. Ainsi, certaines
défaillances immunitaires donnent lieu à des réponses excessives ou insuffisantes. Dans ces deux cas-là, l’inflammation va devenir
chronique. En effet, compte tenu des effectifs recrutés et de leur « niveau d’armement », cette réponse inadaptée va générer une
inflammation importante. Parfois, le système immunitaire a bien éradiqué l’adversaire, mais en contrepartie il a généré divers dégâts
collatéraux.
Paradoxalement, une réponse insuffisante conduira elle aussi à un état inflammatoire chronique. Évoquons ainsi une autre situation
courante ; on soupçonne parfois l’existence d’un cancer chez certains patients, sur la base d’une élévation (apparemment sans raison
clinique) de marqueurs d’inflammation. Comment expliquer cette curiosité ? En fait, une réponse immunitaire trop faible ne permet pas de
neutraliser l’adversaire (par exemple un début de tumeurs). Favorisé par cette réponse pacifiste, l’adversaire poursuit tranquillement son
œuvre et prolifère... jusqu’à un stade où l’agression qu’il représente devient tellement importante que le système immunitaire finit quand
même par réagir... trop tard et de manière très marquée. Une inflammation trop importante va là aussi en résulter, ce qui place comme
précédemment le patient dans un état de dysfonctionnement immunitaire.

Enfin, le dernier élément qui détermine la justesse et l’adéquation de la réponse immunitaire, c’est la durée. Si la réponse
immunitaire se poursuit sur une trop longue période, notamment parce que la nature de la réponse n’est pas adaptée, sa persistance va
contribuer à une inflammation plus importante.

Pour résumer en quoi consiste un dysfonctionnement immunitaire ? Il s’agit de toutes ces situations où, pour des raisons
complexes et variées, on rencontre une réponse inappropriée accompagnée d’une inflammation quasi chronique, à bas bruit ou à haut
bruit.

Le stress influe sur nos défenses :

Le stress peut exercer des effets distincts, selon qu’il s’agisse d’une situation aigüe, telle que l’annonce d’une nouvelle imprévue, d’un
effort physique, ou de l’approche d’une compétition ou d’un challenge, ou au contraire qu’il s’agisse d’un contexte chronique, tel qu’une
sollicitation perturbatrice qui dure et mobilise des ressources. Dans ce dernier cas, il peut affecter profondément nos défenses (voir l’encadré
11).

Le stress aigu, tel que peut le représenter un exercice, favorise l’induction de gènes propices au contrôle de l’inflammation, en
augmentant la synthèse de la cytokine anti-inflammatoire IL-10 (56). Par contre, en devenant chronique, et en se poursuivant au-delà des
possibilités d’adaptation du sujet, il provoque un état inflammatoire chronique, tout à fait différent du précédent (2). Dans une telle situation,
on va relever des modifications affectant le climat des « cytokines » (59), au point d’accentuer la vulnérabilité aux infections des sportifs, qui
vont alors perdre le bénéfice reconnu d’une pratique modérée sur l’immunité (46). Ainsi, selon le contexte émotionnel et le climat relationnel, et
pour une quantité d’efforts équivalente, l’exercice peut protéger ou au contraire fragiliser l’immunité, et non seulement s’avérer propice aux
infections, mais aussi favoriser d’éventuels dysfonctionnements chroniques (allergies, auto-immunité).

Un élément, toutefois, pose beaucoup de difficultés aux sportifs et aux membres d’encadrement. Il leur est difficile de concevoir que les
répercussions de l’exercice accompli à fortes doses (tel qu’on l’envisage dans une démarche compétitive), même avec l’engagement et la
motivation du sujet, déclenche des réponses nerveuses, hormonales, immunitaires, qui s’apparentent à un « stress », avec en particulier la
libération d’une hormone clef, le cortisol. Celui-ci varie en fonction des charges de travail et peut constituer un témoin utile de l’impact global,
sur l’individu, du processus d’entraînement dans son ensemble (7). Il leur est alors difficile de comprendre que le simple fait de s’entraîner
beaucoup, avec une pression psychologique « normale », peut représenter, au final, un niveau de sollicitation supérieure aux possibilités
d’adaptation du moment. Et dès lors que l’obligation de résultats, les attentes économiques, les médias, les exigences ou un confinement
prolongé mettant brutalement fin à la pratique compétitive, accentuent la pression, le « stress » global qui s’exerce contribue à déstabiliser le
sportif. Son immunité commence alors à balbutier. Il en va de même pour chacun de nous : un stress chronique peut se manifester sur le mode
« inhibé », sans expression clinique majeure, silencieux, jusqu’à ce que la désadaptation survienne et coïncide avec le démarrage d’une
pathologie. Dans ce contexte particulier, d’aucuns la percevront comme étant apparue « sans raison »
À ceci s’ajoute l’influence défavorable d’une habitude très répandue, celle qui consiste à trop peu (voire pas du tout) consommer de
glucides à l’effort, qui accentue davantage l’imprégnation par le cortisol et le contexte « stressant » et de vulnérabilité associée au sport de haut
niveau. Le physiologiste américain David Nieman, expert dans le domaine de l’immunité du sportif, a démontré que, comparativement à un
groupe de sportifs prenant à l’effort un placebo édulcoré, ceux qui avalaient une boisson énergétique (au goût indiscernable de la précédente),
présentaient des phénomènes épigénétiques différents : grâce à cet apport glucidique, le cortisol montait moins, et les taux de cytokines
circulantes à l’effort changeaient, ces particularités contribuant à un impact « interne » et à des perturbations moindres chez ceux qui avaient
consommé une boisson glucosée (39). David Nieman se présente comme l’un des pionniers de ce genre d’études, puisqu’il procéda à des mesures
d’ARN de cytokines, chez des sportifs, dès 1985 (38). Cela fait plus de trente ans qu’il défend que la prise de glucides à l’effort protège du risque
d’infection et qu’il est trop peu entendu !

Encadré 11 : Du stress aigu à la désadaptation.

Figure 17. Du stress aigu à la désadaptation.

L’évocation du mot « stress », dans le public, ne renvoie pas forcément à la même idée chez tous. Pour beaucoup de gens, il
correspond à la fois aux « contraintes » vis-à-vis des événements et aux « pressions » d’une personne ou d’un objet. Il décrit alors les
facteurs « extérieurs ». Originellement, sous l’angle des physiologistes qui ont développé ce concept dans la foulée du canadien Hans
Selye, il s’agit plutôt du résultat de l’action de l’agent (qui fait qu’on peut se sentir stressé). Ce résultat peut modifier visiblement le
comportement du sujet, (accélération du rythme cardiaque, palpitations, langage accéléré, par exemple), d’une manière parfaitement
décrite dans les années 80 et 90 (17). De fait, ces deux positions reflètent deux orientations pour définir le stress. La première s’appuie
sur des conceptions biologiques et physiologiques où le stress est considéré comme une source de nuisance, alors que la seconde,
psychologique, considère le stress comme une variable relationnelle entre l’individu et la situation. La recherche sur le stress s’est
également accompagnée d’une construction importante d’outils d’évaluation du stress dépendant également des modélisations (23).

Pour mieux comprendre les mécanismes évolutifs qui expliquent pourquoi le stress mal géré peut évoluer vers des troubles de
l’humeur, il est intéressant de se repérer par rapport au concept initial du stress neuro-endocrinien développé par Selye, connu sous le
nom de Syndrome Général d’Adaptation. Depuis ses travaux, des corrélations ont été établies entre celui-ci, les réactions neuro-
endocriniennes, et les neuromédiateurs. On peut schématiquement les résumer de la manière suivante : Il survient d’abord en phase
d’alarme chez chaque individu, sinon chaque vertébré, une élévation de l’adrénaline qui peu à peu se normalise, laissant place dès la
phase de résistance à une élévation du cortisol, qui fragilise durablement les défenses immunitaires (voir la figure 17).

Le stress chronique s’accompagne également de changements dans l’activité des neurotransmetteurs. De manière schématique la
dopamine, qui accompagne initialement la phase aigüe, diminue progressivement, et ceci dès que la phase de résistance se prolonge...
Enfin, un autre messager varie de manière caractéristique, il s’agit de la sérotonine. Lors de la première phase de résistance, elle s’élève
plus ou moins durablement – selon les ressources disponibles pour la synthétiser – avant de chuter progressivement, jusqu’à
l’effondrement caractéristique de l’épuisement qui amorce la troisième phase du stress.

L’avancée des connaissances a permis de faire évoluer le concept de stress qui aujourd’hui est considéré comme une réaction
systémique « neuro-endocrino-immuno-psychologique », expression compliquée dont on ne manquera pas de noter, cependant, qu’elle
inclut les répercussions immunitaires dans le modèle élaboré. En 2022, il n’existe plus de stress chronique qui n’ait pas de répercussion
sur l’immunité. On mesure les conséquences défavorables du confinement sur l’intégrité de nos défenses…

Les microbes ne font pas tout :

Le stress ne constitue pas le seul facteur susceptible de perturber notre immunité ; la pollution, qu’elle soit aérienne ou non, modifie de
manière flagrante les taux de cytokines circulantes et, par conséquent, influe sur le « climat » immunitaire, et ce indépendamment des microbes
ou des caractéristiques « innées » de l’individu. La démonstration en a été apportée en ce qui concerne la pollution automobile (55).
L’exposition aux particules radioactives provoque, en ce qui la concerne, une chute de certaines familles de globules blancs, notamment les
« Natural Killers » et les lymphocytes T, impliqués dans la défense anti-cancer (32). Autrement dit, l’exposition à ces particules constitue à la fois
une agression et un facteur qui rend moins performants nos moyens de protection ! Autre aspect de la pollution moderne, les phtalates. Ces
derniers modifient significativement l’expression des gènes qui codent pour la synthèse de cytokines protectrices (24, 29), rendant l’organisme
qui leur est exposé potentiellement plus vulnérable ; il combattra moins bien les cellules « anormales » que la présence des phtalates, en tant
que perturbateurs épigénétiques, aura par ailleurs contribué à faire apparaître, et ce dès la période fœtale (voir les chapitres précédents) !

L’exposition au tabagisme va également, par le biais de processus épigénétiques qui affectent les synthèses des cytokines, altérer la
qualité de la réponse immunitaire (42). Ainsi, indépendamment des effets défavorables de certains des composés de la cigarette sur l’épigénèse,
leur valant d’être qualifiés de molécules « cancérigènes », la cigarette affaiblit les processus par lesquels on peut se protéger des tumeurs qui
menacent. C’est encore un exemple de « double peine » ! Notons encore que le tabagisme de la femme enceinte influe sur l’immunité du
nouveau-né (8). Enfin, les hydrocarbures, la pollution aérienne ou celle de l’eau se révèlent tout autant délétères (26, 36, 37, 61). Une autre
forme de pollution contribue également à cette fragilité consécutive à l’agression environnementale : il s’agit de celle provoquée par les métaux
lourds (44, 53). Le niveau d’exposition auquel nous nous trouvons soumis croît d’année en année, devient véritablement significatif, mais
s’avère difficile à évaluer de manière routinière. Cela nous réduit à une large part de spéculation à leur sujet... Il existe indéniablement des failles
dans la biologie de la toxicologie.
Indépendamment de l’effet cumulé de ces polluants, une autre situation va perturber le bon déroulement de la réponse immunitaire :
c’est la présence chronique d’un germe. Mobilisant en permanence des ressources, le plus souvent de manière invisible et sournoise, conduisant
parfois à des symptômes chroniques en l’absence de fièvre (ce qu’on appelle une « infection froide ») il va jouer un rôle défavorable en créant
une sorte de « Ligne Maginot » du système immunitaire, mobilisé en vain pour le mettre sous contrôle, et devenu incapable de faire face à une
co-infection (45). Ceci surviendra d’autant plus aisément qu’il s’agira de ce qu’on nomme un « super antigène » (voir l’encadré 12). Dans ce
contexte où une multitude d’éléments environnementaux, agissant de concert, déstabilisent l’immunité et modulent l’épigénèse dans le sens
d’une fragilité accrue, il devient de plus en plus fréquent de tomber malade, de développer des allergies ou des maladies auto-immunes et de
cumuler ces problèmes avec d’autres avatars en lien avec les problèmes comportementaux, la douleur, les troubles psychologiques, des
problèmes cutanés ou des atteintes lésionnelles, qui ne seront solutionnés que par une prise en charge globale. L’objectif pour le sportif,
désormais, consiste à préserver sa santé malgré l’impact de l’entraînement. Le sens de cette expression consiste à prendre en compte l’ensemble
des sollicitations qui s’additionnent, et constituent autant de défis pour le bon déroulement de l’épigénèse. Il s’agira de considérer l’exercice, le
stress, l’exposition aux polluants, l’appauvrissement des sols... La réponse de l’individu à un contenu d’entraînement devient de moins en moins
prévisible et de plus en plus fluctuante en fonction de l’influence variable de ces facteurs.

En tout dernier lieu, il est judicieux de repérer l’existence de déficits chroniques et de les corriger. Ils peuvent être consécutifs à
l’appauvrissement des sols. Ils peuvent aussi résulter de choix alimentaires inappropriés- souvent favorisés par la dysbiose et les désordres
immunitaires. On sait par exemple que des perturbations aussi sévères que l’anorexie ou la boulimie résultent de profonds déséquilibres du
microbiote. Si de telles situations pathologiques surviennent indépendamment de la « volonté » du patient et se jouent ailleurs, pourquoi ne pas
considérer que le fait de manger de manière très imparfaite (selon les critères classiques d’une nutrition optimale), voire d’adopter une
alimentation très restreinte- comme certains enfants n’aimant que les pâtes et le fromage, ou certains sportifs peu enclins à « faire le métier »
comme ils disent-, ne seraient pas, là aussi, en lien avec des désordres immunitaires (35, 49) ? Toujours est-il que les politiques de
sensibilisation du public, où on explique ce que serait « bien » ou « mal » manger et où on considère que seuls le manque de volonté ou un
défaut de connaissance expliqueraient les choix inappropriés du public qu’il faudrait alors éduquer, ne répondent pas forcément au problème
posé...

D’éventuels déficits peuvent aussi correspondre à des besoins accrus liés aux adaptations résultant de l’entraînement et aux processus
immunitaires. L’ensemble de ces éléments contribue à une réponse immunitaire de moins en moins efficace. Les déficits en zinc vont ainsi
survenir, d’après mes statistiques, dans plus de 80 % des cas chez des patients (sportifs ou non, de sexe masculin ou féminin), confrontés à une
infection chronique ou à des dysfonctionnements immunitaires au long cours. Du fait que le zinc constitue un acteur clef de l’immunité (60) et
participe à la cicatrisation intestinale (phénomène abordé dans le prochain chapitre), on voit, au final, s’instaurer une vulnérabilité qui porte sur
une fonction déjà fragilisée. Plus le temps passera et moins l’immunité sera performante. Des chiffres publiés très récemment, décrivent une
situation qui souligne l’importance de ce micronutriment et du sélénium. Si un patient infecté par la Covid arrivait aux urgences et présentait un
déficit en sélénium ou en zinc, les chances de survie étaient nettement moindres (20). Nous nous trouvons bien là en présence d’un authentique
facteur de vulnérabilité !
Encadré 12 : Les « super antigènes ».

Le terme superantigène a été adopté en 1989 pour décrire la capacité de certains micro-organismes à stimuler un grand nombre de
lymphocytes T, ceux qui, au cœur de la réponse immunitaire, sont chargés d’un travail de tueur à gage à l’encontre des agresseurs. Ces
lymphocytes T, normalement, réagissent à l’encontre de cet ennemi lorsqu’il leur est présenté par une « cellule présentatrice
d’antigènes » d’une manière telle que seulement deux à trois « tueurs à gage », sur près d’un million de clones de lymphocytes à notre
disposition, ont un contrat à remplir : tuer l’adversaire qu’ils apprennent à reconnaître (voir la partie de gauche de la figure 18). Ceci se
produit face à de petits virus, grippe, rhume. Des immunoglobulines spécifiques sont alors fabriquées et témoignent de l’immunisation de
l’organisme. Ils indiquent en quelque sorte qu’un dossier a été ouvert. Par exemple, lorsque le taux d’IgG anti-toxoplasmose se situe, chez
une femme enceinte, au dessus de la norme, cela signifie que les agents de protection ont déjà rencontré et neutralisé cet adversaire,
sans bruit (sans maladie) et que leur rapport a été classé (il en reste une trace, ces fameuses IgG).

Pour leur part, les superantigènes se lient différemment aux cellules présentatrices d’antigènes et, comme si des affiches
« wanted » avaient été placardées partout sur le territoire de notre organisme, un très grand nombre de tueurs se mobilisent
simultanément. Les immunologistes expliquent cette différence par le simple fait qu’en se liant à une autre partie de la cellule
présentatrice d’antigènes, au niveau d’une chaîne bêta (Vb) d’un récepteur des cellules T, il peut être reconnu par un très grand nombre de
clones. Cette deuxième situation est schématisée sur la partie de droite de la figure 18, qui l’expose avec l’exemple du staphylocoque
doré (S.Aureus). Au lieu de deux ou trois clones sur un million, ce sont près de 20 % qui sont stimulés.
Les superantigènes les plus rencontrés, sur le plan clinique sont, en dehors du staphylocoque doré, le Candida Albicans, l’herpès,
ou le cytomégalovirus, sans oublier la bactérie borrelia (33), impliquée dans la maladie de Lyme ou l’Helicobacter Pylori, qui représente
bien plus qu’un simple agent infectieux potentiellement responsable de cancers de l’estomac (31). Bien que déjà longue et regroupant des
situations très répandues au sein de la population, cette liste n’est pas exhaustive (33). Chez un sujet porteur d’une prédisposition
génétique à l’auto-immunité, une telle activation peut en majorer le risque de survenue.

Figure 18. Comparaison de l’activation provoquée par un antigène classique (à gauche) et un « superantigène »,
ici le Staphylocoque doré (à droite).

Conséquence : le nombre de clones de lymphocytes T activés est bien plus important que pour un peptide antigénique (2 à 20 % contre 1 sur
1000.000 à 1 million). Parmi les cellules activées peut se trouver un clone spécifique d’un auto-antigène…

Peut-on tomber malade en étant en bonne santé ?

Il paraît a priori évident que si l’organisme dispose de ressources optimales et que le capital santé est correct, on risque peu de tomber
malade, cet avatar se trouvant réservé aux individus les plus sensibles. De ce point de vue, la maladie résulterait de la conjonction d’une fragilité
chronique et de la présence d’un germe virulent. La maladie ne serait guère l’apanage de gens en parfaite santé. Pourtant, il n’en va pas toujours
ainsi ; depuis une trentaine d’années on décrit une situation étonnante. Très régulièrement il arrive que des sportifs en bonne santé puissent
tomber malades dans les heures qui suivent la fin d’un effort intense, et ce même en été dans un contexte peu propice à ces événements.
Comment comprendre cette énigme ? Ces épisodes infectieux surviennent parce qu’il existe des moments bien particuliers, dans la vie d’un
athlète, où ses défenses sont physiologiquement diminuées. Il s’agit de ces phases défavorables que l’immunologiste américain David Nieman,
déjà cité dans ce chapitre, a baptisé, de manière très imagée, “open window phenomenom” (40) : le phénomène de la fenêtre ouverte. Cette
expression renvoie à un état où, comme s’il laissait ses fenêtres ouvertes pour laisser pénétrer les microbes, le sportif y succombe aussi
facilement qu’un vieillard. Cet état de forte vulnérabilité immunitaire demeure transitoire, et fait suite, en général, à un exercice soutenu ou
intense. À quoi ce phénomène est-il dû ? À une réponse protectrice qui, en réprimant partiellement l’immunité, minimise l’inflammation
provoquée par les atteintes tissulaires consécutives à l’effort (52). Cela passe par des modifications de la teneur, de l’ampleur et de la durée de
libération des cytokines (50). Autrement dit, le message change, le ton se modifie et sa durée aussi.

Durant cette période de vulnérabilité, que l’on peut moduler par l’alimentation, n’importe quel élément antigénique que l’on croise peut
s’avérer potentiellement virulent. Si s’agit d’un petit virus l’organisme fait face, se défend et s’adapte. Si l’effort a davantage mobilisé ses
ressources, le microbe pourra temporairement prendre le dessus, et l’athlète connaîtra une courte infection, que sa bonne santé de fond lui
permettra de rapidement surmonter. Mais si au cours de ces périodes, qui se répètent d’autant plus que l’athlète pratique durant un grand
nombre d’heures, l’organisme rencontre un « superantigène », l’histoire ne sera plus jamais la même, et il restera chroniquement fragilisé, en
proie à des modifications épigénétiques de son immunité.

Cela peut-il être un aller sans retour ?

Le contexte immunitaire lié à une pratique sportive régulière peut, face à une sollicitation superantigénique, déclencher une production
anormalement importante d’auto-anticorps (3). L’habitude, qu’on voit encore pratiquer par des sportifs inquiets de rater des séances, qui
consiste à s’entraîner avec un coupe-vent pour « évacuer les toxines », peut s’avérer extrêmement délétère. Une accumulation de métabolites
microbiens au cœur de la mitochondrie, mais aussi des dommages s’installant de manière durable au sein de cet organite peuvent alors
s’observer (4). Cet état de fatigue résiduelle, très important, se trouve associé à l’accumulation d’ARN viral au cœur des tissus musculaires,
comme la réalisation de biopsies auprès de patients atteints de fatigue chronique a permis de le montrer (22). À ceci peut s’ajouter la formation
d’auto-anticorps anti-mitochondriaux, à l’origine de dysfonctionnements du métabolisme énergétique, ou encore des perturbations
épigénétiques qui vont contrarier la réponse à l’entraînement. Ces anomalies pourront même affecter définitivement les aptitudes aérobies,
sinon la santé, de ces sportifs imprudents. De plus, la découverte de l’impact durable de ces événements immunitaires sur l’épigénèse,
déterminant des processus de méthylation qui seront acquis et transmissibles de génération en génération, expliquent que, même une fois les
infections disparues, des « séquelles » immunitaires peuvent persister durablement. De tels événements semblent survenir de plus en plus tôt au
sein de populations de plus en plus jeunes, comme en témoigne l’augmentation exponentielle de problèmes d’allergie, d’auto-immunité, et de
l’ensemble des maladies de civilisation, comme on l’a évoqué en introduction à cet ouvrage. Dans ce contexte, qui s’instaure parfois dès la vie
fœtale, et se poursuit à des âges critiques du développement des aptitudes aérobies, la consommation maximale d’oxygène d’une grande fraction
de sujets des populations jeunes va alors se trouver amputée d’un pourcentage conséquent. La supériorité apparente des coureurs de l’Afrique
de l’Est, ne tiendrait-elle pas aussi, indépendamment de leur pratique sportive à des âges décisifs, au faible usage d’antibiotiques, à une moindre
exposition aux polluants et à des aliments moins appauvris en micronutriments, ce qui garantirait la réalisation optimale des processus
adaptatifs recherchés par l’entraînement ? La question se pose vraiment...
Au final, traiter un problème immunitaire ne consiste pas seulement à éradiquer ou réprimer un antigène. Cette démarche nécessite
également de corriger les déficits, de restaurer les fonctions immunitaires réprimées par certaines antigènes (qui créent les conditions pour être
tolérés et empêchent le déroulement de la réponse immunitaire). La borréliose, le candida, l’Helicobacter Pylori, pour ne citer qu’eux, agissent
de cette manière (10, 13, 16). Il va également s’agir d’aider à mieux gérer le stress, à restaurer un microbiote harmonieux, à réfléchir aux
contraintes de l’entraînement (avec un nouvel équilibre entre exercice et repos). Au-delà de la situation du sportif, l’intrication de ces différents
éléments permet de comprendre en quoi, finalement, la connaissance de l’immunité du sportif permet de mieux dénouer les situations complexes
de patients sédentaires (ou rendus inactifs par leur maladie ou leur état de fatigue) en intervenant de manière globale. Les nutriments
modulateurs de l’épigénèse, que nous verrons dans un prochain chapitre, joueront un rôle déterminant dans de telles situations, au même titre
que les probiotiques ou les prébiotiques dont l’action va non seulement restaurer des fonctions défaillantes, en lien avec l’immunité, mais
également corriger certaines erreurs « épigénétiques » survenues lors d’infections précédentes (59).

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L’intestin : l’étanchéité à l’hyperperméabilité

Eubiose et étanchéité intestinale

La longueur de ce chapitre et le nombre de références bibliographiques qui l’accompagnent illustrent à quel point le phénomène détaillé
ci-dessous joue un rôle majeur dans l’apparition de problèmes chroniques. Comme dans plusieurs autres situations, l’observation des sportifs
nous a permis de mieux comprendre l’origine, la nature et les conséquences d’un phénomène qui participe à un grand nombre de situations qui
constituent le quotidien des hôpitaux : maladies auto-immunes, fibromyalgie, hypofertilité.... ou simplement troubles digestifs chroniques,
migraines, dyslexie, troubles de l’attention, ou encore Alzheimer… La perte d’étanchéité de la muqueuse, dont on ne mesure que depuis peu
l’importance clinique, occupe désormais une place de choix dans la hiérarchie des perturbations à corriger, en lien avec les dysfonctionnements
de l’épigénèse.

J’ai précédemment évoqué, dans cet ouvrage, la complexité de l’écosystème intestinal, constitué de plusieurs éléments, le microbiote, les
cellules immuno-compétentes (dont il est le réservoir essentiel, avec 80 % de celles-ci), la muqueuse et certaines cellules spécifiques qui s’y
situent, telles que des neurones ou des cellules endocrines. Tous ces éléments communiquent entre eux sous la gouvernance de nos bactéries
résidentes et, lorsque l’harmonie règne, l’absence d’inflammation qu’on constate est associée à l’intégrité de cette muqueuse. Dans cette
situation optimale, les « entérocytes » s’attachent les uns aux autres par l’intermédiaire de protéines de « liaison », telles que les occludines ou
les claudines, pour n’en citer que les principales, et qui constituent ce qu’on nomme les « jonctions serrées » (91, 121). Celles-ci empêchent un
passage massif d’éléments entre deux cellules voisines et, avec la partie apicale des entérocytes, forment ce qu’on nomme la « barrière
intestinale ». Il s’agit d’une zone frontière chargée de diverses fonctions physiologiques (30). Elle va notamment assurer l’assimilation des
nutriments et de l’eau (et son atteinte entravera partiellement ce processus). Elle préviendra également une migration excessive de substances
indésirables de l’intestin vers le sang (62, 92).

On considère usuellement que, sans dysbiose, il n’existe pas d’atteinte durable de l’étanchéité intestinale. L’équilibre du microbiote
constitue une situation garante de l’intégrité des entérocytes. Ceci est essentiel, dans la mesure où cette barrière se montre très fragile ; du fait
que son épaisseur ne comprend qu’une couche de cellules, couverte d’un mucus protecteur, toute agression à son encontre, et notamment au
détriment des jonctions serrées, peut favoriser le passage d’éléments indésirables. Pour limiter ce risque, cette monocouche dispose de moyens
de défense, notamment par l’intermédiaire d’autres intervenants, qui se nomment les cellules M, actrices essentielles de la réponse immunitaire,
qui se trouvent réparties en amas réguliers sur les 300 m² que déploie cette muqueuse. Ce sont elles qui délivrent un droit de passage contrôlé à
des molécules utiles à notre organisme, telles que les vitamines, les hormones, certaines protéines (ou fragments importants de celles-ci) voire
certains médicaments. À leur base, ces cellules sont en contact direct avec une autre catégorie d’acteurs du système immunitaire, les « cellules
présentatrices d’antigènes », qui peuvent initier une réponse dès lors que les cellules M leur exposent un élément potentiellement antigénique.
C’est ce qui survient lorsque les cellules M intègrent, digèrent et présentent des fragments de membranes de bactéries pathogènes. Cette
présentation reste limitée et peu génératrice de symptômes, puisqu’en dehors de ces amas de cellules immunitaires disséminés le long de la
muqueuse, il n’existe aucun secteur où une présentation d’antigènes ait lieu. Cette activité représente donc, compte tenu de son ampleur
restreinte, un « bruit de fond » utile.
Ce phénomène permet ainsi, à travers cette mise en contact, de garantir une reconnaissance des protéines alimentaires les plus
courantes, et de développer une relative tolérance à leur égard (3). Cette tolérance doit aussi se manifester vis-à-vis des bactéries résidentes,
sans entraver la capacité à identifier et neutraliser celles qui inversement, ne faisant pas partie de notre microbiote, viennent s’y immiscer,
comme à l’occasion d’une infection digestive ou d’un voyage inter-continental. Comme je l’évoquais au chapitre précédent, les microbiotes qui
occupent nos muqueuses et certains tissus poussent à redéfinir la frontière entre « soi » et « non soi ». Cette dualité complexe entre défense et
tolérance, à l’œuvre en permanence, requiert un microbiote en harmonie, au sein duquel les bactéries commensales ont appris à dialoguer
intelligemment avec les cellules M, et l’ensemble de l’immunité. Certaines des souches résidentes, appartenant notamment aux familles des
bifidobactéries et des lactobacilles, jouent un rôle primordial au sein de cet équilibre. Leur arsenal chimique et enzymatique garantit de
neutraliser certains germes ou champignons tels que le candida Albicans et d’éviter leur prolifération (83). L’état d’eubiose permet également
une activité optimale de l’immunité cellulaire.
Pour résumer, comme dans le cas du stress oxydatif, utile à des doses physiologiques pour assurer des adaptations épigénétiques, il
semble qu’une présentation antigénique « à bas bruit », génératrice d’anticorps spécifiques, contribue à une bonne tolérance aux aliments et à
notre microflore, et donc à de moins nombreuses réactions adverses à leur encontre (52). Ainsi, développer une intolérance alimentaire,
notamment à l’encontre d’aliments figurant parmi les plus courants, tels que le blé ou le lait, ne va pas de soi ; il s’agit d’une erreur qui affecte le
logiciel de l’immunité (55).

Dysbiose et hyperperméabilité intestinale


L’eubiose ne constitue pas une situation obligatoire, elle n’est nullement garantie ; ainsi, elle ne semble pas se mettre en place
convenablement chez de jeunes enfants qui développeront plus tard, au cours de leur vie, la maladie de Crohn. Saviez-vous que cette pathologie
se caractérise par une perte de tolérance vis-à-vis d’une souche résidente (23) ? L’augmentation exponentielle des situations de dysbiose au sein
de la population permet de comprendre la croissance spectaculaire du nombre de cas de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin dans les
pays occidentaux. Il en va de même pour d’autres pathologies telles que l’asthme ou les allergies, mettant en jeu des anomalies touchant les
processus de tolérance. J’ai évoqué, au cours du chapitre précédent, les différents facteurs environnementaux qui, depuis quelques décennies,
affectent le bon déroulement de ceux-ci.

En cas de dysbiose, d’infection, d’hyperthermie, ou de stress, la muqueuse peut être endommagée, et si cette situation défavorable se
pérennise, des macromolécules vont pouvoir passer au niveau de ces brèches, à l’écart des territoires constitués par les cellules M, et se trouver
confrontées au système immunitaire sans que celles-ci soient intervenues. La réponse sera alors plus marquée. Une synthèse excessive de
cytokines va survenir, leur passage dans le sang va se faire très rapidement, et leur apparition va favoriser le recrutement d’autres cellules
immunitaires et conduire à une amplification de la réponse. Cette dernière deviendra alors potentiellement inflammatoire.
De plus, la dysbiose crée un contexte propice à la prolifération du candida Albicans (4, 90). Ainsi, si cet état de déséquilibre devient
chronique, des bactéries potentiellement pathogènes et ce champignon rencontreront des conditions propices à leur croissance. De composants
mineurs utiles à l’harmonie globale, ils deviennent des « tyrans » imposant leur loi et générant des troubles liés à leur hégémonie Dans un tel
contexte, il apparaît tentant de traiter les signes d’infection qui vont alors apparaître à l’aide d’une antibiothérapie à large spectre. Ce faisant, on
risque alors d’accentuer la dysbiose et de provoquer à la fois la chronicité de cette instabilité immunitaire et l’aggravation de l’infection (83, 90).
Le point de bascule sera notamment le passage du candida à une forme dotée d’un mycélium. En effet, dans ce cas on constate une atteinte plus
importante de l’étanchéité de la muqueuse et l’apparition de réactions croisées avec une protéine constitutive du gluten, la gliadine (24, 31, 42).
Ainsi, par leur activité métabolique propre – le candida renferme des enzymes qui attaquent la muqueuse (20) – et par leur action sur
l’immunité, ces tyrans favoriseront une perméabilité chroniquement accrue dans un contexte d’instabilité immunitaire, et c’est la combinaison de
ces deux caractéristiques qui va occasionner la survenue de troubles à distance.
Ces dysfonctionnements immunitaires, par leur impact sur l’ensemble des processus épigénétiques, se montreront susceptibles d’entraver,
à large échelle, compte tenu de la taille de la population concernée, la qualité de la réponse adaptative à l’entraînement. Ce sera alors une forte
proportion des représentants des plus jeunes générations qui se trouveront amputés d’une partie de leurs aptitudes aérobies, sous l’influence
d’une reprogrammation épigénétique.

Les conséquences cliniques de l’hyperperméabilité intestinale chronique

Attardons-nous un moment sur cet événement particulier que constitue l’hyperperméabilité intestinale. Regardons également plus en
détail la nature des molécules susceptibles de passer de manière exagérée dans l’organisme, ce qui constitue – rappelons-le –, un processus qui
perd alors son caractère normal et cesse d’être physiologique (voir la figure 19). Quels sont donc ces éléments perturbateurs ? Aujourd’hui,
beaucoup de thérapeutes et de patients pensent en priorité aux protéines issues de nos aliments et potentiellement « antigéniques » dans ce
contexte ; on leur reprochera alors de déclencher des réactions dites d’intolérance. Leur passage exagéré et leur rencontre avec les lymphocytes,
sans l’intervention des cellules M, peut effectivement conduire à des manifestations brutales. Mais seul un nombre très restreint de protéines
alimentaires participe à ce processus, contrairement à une idée largement répandue qui tend à rechercher des « intolérances alimentaires » qui
pourraient potentiellement concerner n’importe quel aliment. Il n’en est rien chez certains patients prédisposés, des pathologies auto-immunes
impliqueront des réactions adverses dirigées contre le gluten (20, 42, 109), la caséine (80) ou dans de plus rares cas la lactoferrine du lait (73).
Dans un certain nombre de situations, l’auto-immunité se déclenche du fait que la séquence protéique qui constitue la cible de la réponse
immunitaire est commune aux aliments en cause et aux tissus endommagés (20). Ainsi, l’homologie antigénique, pour reprendre l’expression
consacrée, entre la gliadine et les cellules thyroïdiennes peut expliquer la très forte proportion de patients souffrant de maladie de Basedow et
présentant une intolérance au gluten dite « non cœliaque » (20). Cette expression récemment inventée décrit, selon les gastro-entérologues,
tous les patients qui manifestent des réactions symptomatiques au gluten, se dissipant dans un délai rapide avec l’arrêt des aliments qui en
contiennent, et ce sans qu’aucun marqueur biologique ni atteinte lésionnelle de la muqueuse ne vienne témoigner d’une intolérance (8). Ils se
caractérisent cependant par une très forte infiltration de la muqueuse intestinale par des globules blancs en réaction, évidemment, à une
stimulation antigénique, qui disparaît avec l’éviction du gluten (67). Cette conjonction d’observations a conduit à incriminer, avec le concept
d’intolérance non cœliaque, la responsabilité d’une réponse immunitaire adverse à certaines sources de gluten, faisant appel à des mécanismes
encore mal éclaircis, et survenant dans un contexte de perte de tolérance. Cette catégorie de patients se rencontre majoritairement, en dehors
d’authentiques cas de maladies auto-immunes, parmi ceux qui sont considérés comme fibromyalgiques (54, 98) ou présentent des douleurs
chroniques (97), comme nous le verrons plus loin.
Figure 19. Le passage d’éléments indésirables au niveau de la muqueuse intestinale.

L’apparition d’une maladie auto-immune nécessite une prédisposition épigénétique, mais elle requiert aussi l’implication active d’un
« super antigène », pour créer un terrain propice qui s’exprimera à l’occasion d’un stress (au sens large du terme). Aussi, on comprend pourquoi
le candida Albicans, à la fois susceptible d’enrayer le processus de tolérance, d’accentuer l’hyper perméabilité intestinale et de déclencher une
activation polyclonale (voir l’encadré 12), constitue un facteur de risque indéniable d’auto-immunité. J’ai d’ailleurs cherché à établir, à partir
d’une cohorte de patients ayant reçu un diagnostic hospitalier de maladie auto-immune, si les candidoses étaient survenues de manière
comparable selon le diagnostic. Nous verrons plus loin (tableau 5) qu’il existe d’indéniables différences selon les pathologies considérées.

Hyperperméabilité et inflammation sans auto-immunité

En l’absence d’une prédisposition favorisant l’auto-immunité (telle que HLA B27 pour la spondylarthrite ankylosante par exemple), cette
arrivée d’antigènes n’occasionnera pas d’atteintes lésionnelles. Elle contribuera néanmoins à l’apparition de troubles fonctionnels à distance, à
caractère inflammatoire, parfois très invalidants. La confusion avec d’authentiques maladies auto-immunes aura parfois lieu ; des patients
bénéficient ainsi par exemple de diagnostics de « pseudo polyarthrite », rendant clairement compte des douleurs inflammatoires qu’ils doivent
chroniquement endurer. Mais certains éléments indispensables du diagnostic manquent, d’où le fréquent ajout de « pseudo » devant l’étiquette
qu’on leur accole. Le tableau pourra aussi bien comporter une composante articulaire que cutanée ou musculaire, et avoir des retombées au
niveau émotionnel, notamment en raison de l’impact négatif de l’inflammation sur la synthèse de la sérotonine (104) 15 . Malheureusement face à
cette réalité, l’organisation de la médecine en spécialités indépendantes les unes des autres, favorise un contexte peu propice à l’amélioration de
la qualité de vie des patients. En effet, en rhumatologie – sauf exception, seules les douleurs articulaires d’un patient souffrant de polyarthrite
attireront l’attention alors que, en cas de rectocolite hémorragique, seuls les intestins douloureux des patients reçus dans le service seront pris
en compte. Or, l’expérience acquise dans ce domaine, et sur laquelle je reviens un peu plus loin dans ce livre montre que, à côté d’une maladie
clairement diagnostiquée, on rencontrera les mêmes troubles fonctionnels à distance, et ce quel que soit la pathologie, qu’il s’agisse d’un diabète
auto-immun, d’un psoriasis ou d’une polyarthrite (7, 35, 56). Je les ai regardés de manière plus systématique depuis une dizaine d’années (96-
7).

L’hyperperméabilité intestinale indépendante des antigènes alimentaires

En dehors des protéines antigéniques, on recense d’autres intrus, moins connus du public, mais pas moins susceptibles de provoquer
d’importants préjudices aux patients. Je pense plus particulièrement, suite à leur passage dans le sang, à des fragments bactériens souvent très
antigéniques : les endotoxines (51, 70). Ces éléments (encore désignés sous le terme de « lipopolysaccharides ») dérivent de notre propre
microflore. Normalement, tant que la muqueuse conserve son intégrité, ils ne se retrouvent pas dans le sang ni dans nos tissus. Leur
dissémination dans l’organisme, consécutivement à une atteinte des jonctions serrées, peut être impliquée dans la survenue de pertes de
connaissance ou, plus gravement, dans le choc septique, dans des épisodes d’insuffisance rénale aiguë (112). Nous verrons par la suite que, ces
dernières années, on leur a en outre attribué une énorme responsabilité dans la survenue des perturbations de l’insuline et du surpoids, en lien
avec la dysbiose (18, 51), et assez souvent ces dysfonctionnements métaboliques s’observent dans un contexte d’inflammation (60, 115). Par
conséquent, la prépondérance des microbiotes déséquilibrés au sein de la population occidentale amène à fortement s’interroger sur la
responsabilité de l’hyperperméabilité intestinale dans cette épidémie d’obésité – pour reprendre l’expression consacrée –, ainsi que sur les
moyens de la corriger. Notons que, même chez un sujet exempt de dysbiose, des endotoxines peuvent brutalement pénétrer dans l’organisme, en
réponse à certaines contraintes provoquées par l’exercice (121). Quand les suspecter plus particulièrement ? En cas de déshydratation,
d’hyperthermie, ou a fortiori lorsque les deux conditions se trouvent réunies sur un même effort. Cet aspect méconnu de l’hyperperméabilité
intestinale de sujets « immuno-compétents » est développé dans ce chapitre.

Outre les antigènes alimentaires, bien moins nombreux que ce qu’on pensait initialement, et les endotoxines, d’autres invités indésirables
prennent part à la partie. Il s’agit de peptides issus de la dégradation partielle de ces protéines dans la lumière intestinale. Ce sont normalement
des composés très transitoires, apparaissant de manière fugace au cours de la digestion des protéines, et à durée de vie très éphémère. En effet,
alors qu’une première série d’enzymes digestives a permis de scinder les protéines alimentaires en fragments de taille moindre, d’autres viennent
prendre le relais pour achever le travail de digestion et découper à leur tour ces peptides. Finalement, quand tout se passe au mieux, il ne reste
que des acides aminés, assimilés au moyen de processus de transport localisés sur la muqueuse intestinale. Ainsi, en temps normal, on ne
retrouve quasiment pas de peptides ou de fragments de protéines alimentaires dans nos tissus. Inversement ils vont passer de manière anormale
dans la circulation dès lors que la muqueuse perdra de son étanchéité. Leur présence ne suscite pas de réponse immunitaire, puisque ces
éléments présentent une taille insuffisante. Mais ils possèdent une autre caractéristique : ils peuvent agir à distance sur les récepteurs de divers
organes (muscle, neurone, oreille interne) et envoyer, en s’y liant, des informations factices qui vont perturber les processus nerveux ou
sensoriels qui en dépendent. On incrimine ainsi leur participation dans la survenue d’anomalies telles que : syndrome de Ménières (25),
migraines, fibromyalgie, autisme, schizophrénie, etc Dans un certain nombre de cas, des régimes d’éviction excluant les principaux peptides
incriminés (essentiellement les dérivés de la gliadine et de la caséine A1) ont donné d’intéressants résultats sur les troubles de comportements,
les douleurs chroniques voire l’autisme (93, 97, 114). Au-delà de ce domaine, le lien entre dysbiose, hyper perméabilité intestinale et addiction
commence à être évoqué par certains spécialistes, ce qui pourrait conduire – au même titre que pour les troubles autistiques et les THADA par
exemple – à revoir complètement la problématique de la prise en charge de ces problèmes (105), en agissant sur l’intestin. J’ai longuement
développé ce point passionnant dans mon livre : « Comment le microbiote gouverne notre cerveau », paru en 2021. En effet, dans ce domaine
compliqué, une question est toujours restée sans réponse : pourquoi, face à un même produit potentiellement susceptible de favoriser une
addiction, certains deviennent dépendants et d’autres non ? Face à l’augmentation exponentielle et à la banalisation de l’usage des drogues dans
la société, cette manière d’aborder ce fléau mériterait sans doute davantage de considération. Il en va de même avec les troubles du
comportement alimentaire pour lesquels, là aussi, la dysbiose semble constituer une caractéristique systématique, puisque les victimes de
l’anorexie présentent une flore appauvrie et différente de celles des patients exempts de cette pathologie (77). La psychiatrie pourrait devenir,
ces dix prochaines années, une branche de la gastro-entérologie et de l’immunologie !

Peut-il exister une hyperperméabilité intestinale sans dysbiose ?

Jusqu’à maintenant, nous avons souligné qu’en règle générale, on ne pouvait pas rencontrer de phénomène d’hyper perméabilité
intestinale sans dysbiose. Il existe toutefois quelques exceptions à cette règle ; ce sont les situations où la muqueuse intestinale subit une
agression chimique ou physique. Cette dernière surviendra soit consécutivement à la déshydratation, soit en raison d’une hyperthermie, et
l’exercice de longue durée constitue une situation qui peut réunir ces deux facteurs, comme je l’ai déjà évoqué dans ce chapitre (121). Ces
situations vont favoriser la translocation des endotoxines, ce qui constitue donc une agression potentielle. Ceci aboutit très souvent à la
survenue de réactions immunitaires pondératrices 16 . Cela ne suffira pas toujours, surtout en cas d’arrivée massive de fragments bactériens, à
atténuer cette réaction.
Au siècle dernier des travaux ont établi que les endotoxines pénétraient dans le sang lors d’efforts de longue durée, ceux durant lesquels
le risque de déshydratation et de surchauffe intestinale sont les plus marqués. De récentes publications soulignent notamment que la
température enregistrée au niveau de la muqueuse, au cours d’efforts prolongés se déroulant dans une ambiance tropicale (chaleur humide),
pouvait dépasser 41 ° C (121). La désorganisation des jonctions serrées croît de manière exponentielle dans ces conditions, favorisant le passage
d’endotoxines. Il a été démontré, à la fin des années ’90 et au début des années 2000, qu’elles occasionnaient des réponses inflammatoires et des
troubles digestifs, pouvant contraindre à l’abandon et persister plusieurs heures après l’interruption de l’exercice (14-5, 39, 40, 58). Ces
phénomènes surviennent consécutivement à des ajustements épigénétiques. En effet, en même temps que ce passage survient on mesure, dans
l’organisme, une plus grande quantité d’ARNm correspondant aux cytokines pro-inflammatoires. En plus de cet impact direct sur les messagers
du système immunitaire, ces fragments bactériens entrés dans le contexte de cet effort agressif, vont modifier le métabolisme des acides gras et
entraver la synthèse des dérivés anti-inflammatoires (44).

Figure 20. Évolution des taux d’endotoxines circulantes (à gauche) et d’IL-6 – témoin de l’inflammation – (à droite) au cours d’une épreuve d’ultramarathon
par étapes (d’après 121).

Chaque trait correspond aux variations mesurées, lors des quatre jours consécutifs de course, chez chacun des participants de l’étude. On constate que
les deux paramètres mesurés tendent à s’élever de manière significative, au bout d’un délai variable, chez la plupart des concurrents.

Lorsqu’on accomplit un effort, l’intestin subit de brutales variations de débit sanguin. À une forte chute (accentuée en cas de déficit
hydrique et de conditions climatiques défavorables), succède un reflux générateur d’une agression oxydative très vive, s’exerçant à l’encontre des
entérocytes et, plus particulièrement contre les jonctions serrées. Ce processus en deux temps a reçu le nom d’ischémie-reperfusion. Il sera
d’autant plus prononcé que la déshydratation de l’organisme et que l’élévation de la température corporelle seront plus marquées (21). Dans ces
conditions, les jonctions serrées souffrent terriblement, n’exerçant plus que partiellement le rôle de barrière qui leur est dévolu, et l’entrée des
endotoxines provoque des réactions en cascade (voir la figure 21). Elles s’exercent sur les cellules intestinales, mais également sur l’ensemble
du système immunitaire, par exportation de molécules pro-inflammatoires, ainsi que sur le foie. Ce dernier, en recevant ces endotoxines, va
présenter des signes de dysfonctionnement, et il pourra en résulter une élévation durable de certains marqueurs sanguins, tels que les ɎGT ou
les transaminases, même longtemps après l’épisode aigu de surchauffe ou de déshydratation (74). Le passage brutal d’endotoxines peut
également provoquer une sévère insuffisance rénale et pourrait favoriser, chez des sujets prédisposés, le déclenchement de maladies auto-
immunes (51).
De récents travaux suggèrent également que dans ce contexte d’ischémie-reperfusion, des peptides et des fragments de protéines peuvent
pénétrer dans l’organisme et aller perturber les processus sensoriels ou psychiques, en raison d’interférences possibles avec les récepteurs
impliqués dans ces processus (57). Ils ont ainsi montré une élévation du taux de peptides dérivés de la caséine, dans le sang de sujets aguerris
aux efforts en endurance, après une session d’entraînement ayant provoqué un phénomène d’ischémie-reperfusion.

Encadré 13 : Endotoxinose et efforts d’ultra-endurance.

Longtemps considéré comme un désagrément propre aux épreuves d’ultra-endurance, l’endotoxinose s’est vue décrite par la suite
au terme d’efforts plus courts, mains néanmoins susceptibles de réunir des conditions propices à sa survenue. Le défaut d’apport hydrique
lors d’efforts intenses joue un rôle indéniable. On a ainsi décrit des cas lors d’un triathlon « distance olympique », c’est-à-dire se déroulant
sur environ deux heures. Notons que les participants les plus performants se préparent en moyenne 15 à 20 heures par semaine en vue de
cet objectif. Ceci peut largement suffire à les placer dans un contexte d’agression chronique de la membrane intestinale (14), ce
phénomène présentant un pic au moment de la compétition. Ce lien entre volume hebdomadaire d’entraînement et perméabilité intestinale
peut en partie expliquer la relative rareté de cette anomalie lors des marathons même si ces efforts, par eux-mêmes, excèdent en durée
les triathlons « distance olympique ». Mais pour préparer le défi de 42,195 km, on consacre moins d’heures à s’entraîner ce qui réduit
d’autant, par rapport au triathlon, le risque d’épisodes favorisant un passage d’endotoxines. Certains auteurs ont d’ailleurs établi une
corrélation entre le kilométrage hebdomadaire moyen accompli à l’entraînement et le taux d’IgG anti-endotoxines mesuré à l’arrivée d’un
Ironman. Ce marqueur est considéré, dans ce contexte, comme un bon témoin de l’ampleur et de la régularité de leur passage. Une
corrélation inverse existe également entre le taux d’IgG anti-endotoxines et l’importance des symptômes éprouvés lors de l’arrêt de
l’exercice (qu’il fût mené à son terme ou non) ou le taux de la cytokine TNF-α pro-inflammatoire (15). Autrement dit, il semble qu’une
habituation progressive à l’invasion des endotoxines puisse permettre au système immunitaire des sportifs concernés de s’y adapter
progressivement. En fonction de leurs compétences immunitaires, ils peuvent finir par les tolérer de mieux en mieux, à force de répéter les
épisodes physiologiquement stressants au cours de leur préparation, du moins jusqu’à un certain niveau d’agression, correspondant à
leurs limites adaptatives, que l’entraînement aura simplement permis de déplacer.
Il existe également une forte variabilité inter-individuelle à cette forme d’intoxication latente. En effet, la tolérance aux endotoxines
semble dépendre des proportions des différentes cytokines et du bon équilibre entre celles dotées d’un caractère pro-inflammatoire et
celles qui, à l’inverse, peuvent promouvoir une activité anti-inflammatoire (89). Cet équilibre se trouve largement influencé par l’activité du
microbiote, le stress, et l’ensemble des perturbateurs épigénétiques déjà évoqués dans ces lignes. Ceci permettrait de comprendre que,
même chez un sujet initialement équilibré sur le plan immunitaire, le passage d’endotoxines – favorisé par une pratique sportive inadaptée
– pourrait, à terme, déstabiliser le système immunitaire et contribuer durablement à une prédominance des cytokines de l’inflammation. Le
tableau apparaîtra encore plus perturbé lorsque l’atteinte occasionnée par l’effort accompli en ultra endurance concernera un sujet en
dysbiose ou fragilisé sur le plan immunitaire 17 .

D’autres formes d’agression peuvent s’exercer à l’encontre de la muqueuse intestinale, sans qu’il existât préalablement une dysbiose. Ce
sont notamment celles qui résultent de certains facteurs de pollution ; ainsi une exposition au cadmium, métal abondamment disséminé dans
notre environnement (34), déclenche-t-elle la synthèse de cytokines pro-inflammatoires (53, 82), et cet événement épigénétique va contribuer à
fragiliser les jonctions serrées (100). Il en va de même avec l’arsenic (13), de sorte que les effets conjoints de la pollution et de la dysbiose vont
accroître le risque d’une hyperperméabilité intestinale chronique. À ceci s’ajoute leur influence néfaste sur la tolérance immunitaire, comme on
l’a vu au chapitre précédent. Il y a donc tout lieu de s’inquiéter de leur accumulation croissante dans notre environnement.
Figure 21 (d’après 121). Les réactions en cascade lors de l’atteinte de la muqueuse intestinale.

Lors du stress thermique et oxydatif dû à l’exercice, les protéines constitutives des jonctions serrées relâchent leurs liens, et les endotoxines pénètrent
alors plus facilement. Elles vont se lier à des récepteurs spécifiques, les TLR-4, situés notamment sur les cellules immunitaires circulantes. Cette
interaction va aboutir à la mise en jeu d’ajustements épigénétiques, donnant lieu à une synthèse accrue d’une cytokine pro-inflammatoire, le TNF-α. Elle
va alors amplifier la réponse inflammatoire, tant au niveau intestinal que sur les tissus extra-digestifs, et elle va également affecter le bon fonctionnement
des canaux (sortes de pores protéiques traversant les membranes de part en part) par lesquelles l’eau et les minéraux entrent dans les cellules ou en
sortent. On constate, sur la partie supérieure droite de la figure, que ces phénomènes vont entraver l’assimilation de l’eau, ce qui occasionnera des
diarrhées, aggravera le déficit hydrique et, de ce fait, la dérive thermique de la muqueuse. En présence d’une inflammation « à bas bruit », déjà génératrice
d’une production de cytokines pro-inflammatoires, l’endotoxinose joue un rôle d’amplification, et peut se chroniciser, donnant lieu à des plaintes digestives
ou extra-digestives, qu’il sera très difficile de rattacher à un événement immunitaire ancien ou à un coup de chaud remontant deux ans en arrière ceci
rendra très compliquée la résolution de cette situation !

Le cheminement des marqueurs biologiques de l’hyperperméabilité intestinale

Historiquement, les premières mesures dédiées à ce phénomène d’hyper perméabilité intestinale reposaient sur l’utilisation de marqueurs
« structuraux ». Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’il s’agit des paramètres dont la perturbation témoignerait, en théorie, d’une atteinte des
jonctions serrées. L’idée qui sous-tendait cette recherche était la suivante : S’il existe un phénomène d’hyper perméabilité, il est forcément
corrélé à la plainte du patient. Il suffirait alors de trouver un marqueur décrivant bien cette atteinte des jonctions serrées pour l’associer de
manière sûre à cette plainte et, de là, la solutionner en cicatrisant la muqueuse. Quels furent les premiers outils employés ? On mesurait,
initialement, le ratio des teneurs urinaires de deux sucres simples que nos cellules ne savent pas utiliser. L’un d’eux fait l’objet d’un transport
actif. Cela signifie que son entrée dans la cellule demande de l’énergie et requiert un entérocyte en parfait état de marche. Ensuite, ce composé
n’est pas dégradé, de sorte que son absorption sera suivie, dans des conditions normales, de son élimination urinaire. Sa présence à un taux
normal témoigne, par conséquent, de l’intégrité structurelle de la muqueuse. Le second, inversement, dans un contexte physiologique optimal,
passe très peu dans le sang, sauf au niveau des jonctions serrées, mais à un niveau mineur. Lui non plus n’est pas capté ni dégradé. Dans le
contexte d’un intestin correctement étanche, il apparaît à un taux très faible dans les urines. Par conséquent, un ratio A/B élevé témoigne du
bon fonctionnement de l’intestin et de l’intégrité de la barrière. C’est ce que mesure le rapport lactulose/rhamnose par exemple (10).

La mesure urinaire du rapport lactulose/rhamnose a permis de montrer, à plusieurs reprises, que le processus d’ischémie-reperfusion lié à
l’exercice favorisait une augmentation de la perméabilité intestinale, qui atteindra alors un niveau anormalement important (48). En effet, dans
ce contexte, les jonctions serrées sont endommagées et le composé A passe un peu moins (du fait que les canaux sont lésés) alors que B diffuse
davantage en raison de la porosité des jonctions serrées. Ainsi, le rapport A/B diminue. C’est ce qu’ont montré certaines des études mentionnées
ci-dessous (64, 78, 86, 89, 101). Des chercheurs ont récemment imaginé de coupler ces marqueurs urinaires à la mesure de certains dérivés
peptidiques de la caséine. On ne retrouve ceux-ci dans les urines qu’en raison de leur passage anormal au niveau d’une muqueuse trop
perméable. Ainsi, l’élévation conjointe de ces deux types de marqueurs permettrait de témoigner de la réalité de l’agression subie, en y ajoutant
la possibilité, par le biais du passage de ces peptides, que des conséquences extra-digestives puissent en découler (57).
Ce ratio des taux urinaires, bien que devenu routinier dans les années ’90, constituait-il pour autant la panacée ? Non. Plusieurs écueils
sont apparus au fur et à mesure que son usage s’est répandu. On a notamment pointé la difficulté à distinguer des valeurs considérées comme
« normales » de celles pouvant coïncider, à l’inverse, avec une hyperperméabilité intestinale excessive. De ce fait, certains résultats pouvaient
donner lieu à des interprétations ambiguës. De plus, certains travaux ont amené à découvrir que des valeurs trop hautes se rencontraient sans
qu’il en résultât la moindre conséquence pathologique. La paternité de la découverte de cet apparent paradoxe revient à Pals et Chang (89),
dans une étude datant d’un quart de siècle. Ils ont constaté que ce marqueur de perméabilité intestinale pouvait atteindre des valeurs
supérieures à la normale, chez des coureurs à pied aguerris, recrutés dans leur étude en raison de l’absence de symptômes digestifs, ni d’aucun
autre signe majeur à l’effort ou après celui-ci. Ils établissaient ainsi l’existence d’une hyperperméabilité asymptomatique et universelle, qui
renvoyait à cette question dérangeante : si le marqueur s’élève de la même façon chez ceux qui souffrent des intestins à l’effort et chez ceux pour
qui ce n’est pas le cas, que tirer de ce bilan ?

Hors du champ de l’exercice, d’autres travaux ont porté un sérieux discrédit à l’intérêt de ce marqueur. Ce fut notamment le cas avec
l’étude de Goebel (41), publiée il y a une dizaine d’années. Dans celle-ci, trois groupes de sujets avaient été constitués, l’un avec des sujets
sains (groupe témoin), l’autre avec des patients chez lesquels le diagnostic de fibromyalgie avait été préalablement posé, et un dernier
regroupant des patients présentant ce que l’on désigne par « syndrome de douleurs régionales complexes ». Cela signifie qu’il s’agissait de
sujets n’ayant pas « assez » de points douloureux diversifiés pour être considérés comme fibromyalgiques, mais qui par ailleurs se plaignaient de
douleurs chroniques traînantes. Chez les sujets du groupe « témoin », il n’y avait qu’un cas sur 57 qui présentait une hyperperméabilité
intestinale. Cela est assez étonnant. Pourquoi donc ? Usuellement, dans la plupart des autres travaux où on a recours à cette technique, le
pourcentage de sujets sains présentant une hyper perméabilité « silencieuse », asymptomatique, est bien plus important. Par contre, pour le
groupe de sujets fibromyalgiques le résultat était de 13 sur 44 et pour le dernier de 15 sur 17. Avec une situation quasi similaire, ces deux
populations de sujets exprimant des douleurs chroniques se comportaient apparemment de manière radicalement différente, alors même que
l’existence d’un problème d’hyperméabilité intestinale ne fait plus de doute dans ces deux cas de figure. Ces chiffres soulignent qu’il existe
indéniablement une surreprésentation de l’hyperméabilité intestinale chez les sujets exprimant ces syndromes douloureux, mais que la fiabilité
de ce test laisse à désirer, avec beaucoup de « faux négatifs », selon les valeurs de référence proposées par les laboratoires.
Une variante plus moderne des marqueurs structuraux a récemment été proposée. Il s’agit de la mesure du taux sanguin de zonuline
(76). Cette molécule présente sur la bordure en brosse intestinale, réagit à la présence de certains antigènes. Elle va alors contribuer à
l’ouverture des jonctions serrées dans un contexte inflammatoire. Son élévation contribue à une hyperperméabilité chronique, comme cela a déjà
été constaté dans le cas de la maladie cœliaque (31), de stéatose non alcoolique (112) ou du diabète de type I (101). Dans quelles conditions la
zonuline intervient-elle ? Cela survient souvent en réponse à des antigènes bactériens ou au gluten (31). La gliadine, qui fait partie de sa
fraction protéique, contribue en effet à l’agression des jonctions serrées chez tout le monde, aussi bien les patients asymptomatiques, que chez
ceux qui présentent une maladie cœliaque. Mais alors, si ce phénomène s’observe chez tout le monde, et que seuls certains individus en
pâtissent, à quoi attribuer cette différence ? À la chute de l’IL-10, cytokine de la tolérance, dont des valeurs insuffisantes sont associées aux
tableaux inflammatoires et douloureux. Ces deux dernières études indiquent bien, par le thème qu’elles abordent, que l’implication de
l’hyperperméabilité intestinale dans les processus auto-immuns est désormais bien acceptée par le monde médical. Toujours est-il, concernant la
zonuline, qu’on la considère actuellement comme un bon marqueur « moderne » de l’hyperperméabilité intestinale dans un contexte
inflammatoire ce qui en fait, cliniquement, un indicateur davantage pertinent que les précédents (88).

Perméabilité intestinale et marqueurs immunitaires

Le caractère chronique de ce phénomène de perméabilité intestinale, notamment lorsqu’elle devient anormalement importante, a incité à
l’aborder sous un autre angle, celui de la réponse immunitaire qu’il déclenche. J’ai indiqué ci-dessus que, normalement, la muqueuse intestinale
ne laisse passer qu’une quantité infime de macromolécules. Ce « bruit de fond » participe à la reconnaissance et à la tolérance de ces protéines
par notre système immunitaire. Il est donc normal de constater, chez des sujets sains, la présence d’antigènes alimentaires dans le sang (52). Ils
contribuent à la libération d’anticorps spécifiques, les IgG. Ils peuvent être dirigés contre toutes sortes de protéines, y compris celles d’origine
alimentaire qui emprunteraient un passage transcellulaire au niveau des jonctions qui ont été lésées. Chez des sujets exempts d’atteinte de leur
muqueuse, la réponse suscitée est alors « physiologique », évocatrice d’une immunisation. Il en existe pour chaque antigène potentiel déjà
rencontré par le système immunitaire, qu’il s’agisse des endotoxines – on a vu ci-dessus que dans certaines études on évaluait le taux d’IgG anti-
endotoxines – du gluten ou de la toxoplasmose par exemple. Cette rencontre peut se révéler défavorable ; ainsi, chez d’autres sujets ces
protéines génèrent une production supérieure d’IgG, en lien avec un passage plus important en marge des amas de cellules immunitaires de la
muqueuse, dédiées à la reconnaissance. La question qui se pose alors est de savoir si ces marqueurs permettent de tracer sans ambiguïté la
frontière entre les sujets pour qui les aliments suspectés jouent un rôle dans les troubles observés et ceux pour lesquels ce n’est pas le cas.
Autrement dit, quelle sera la réelle situation clinique d’un patient présentant des IgG positives à certains aliments, et à partir de quel taux les
valeurs trouvées seront-elles considérées comme anormales et révélatrices de l’existence d’un problème ? Clairement, ce bilan ne permet pas d’y
répondre, alors que c’est précisément ce qu’on en attend.

En effet, comme je l’ai indiqué ci dessus, on détecte de manière routinière, chez beaucoup d’individus, de faibles taux d’IgG dirigés contre
des macromolécules qui sont passées à travers les jonctions serrées. Ceci survient sans qu’existent des pathologies associées (9, 26, 49). Dans
un travail que j’ai publié en 2004 (95), j’ai récapitulé les valeurs des IgG dirigés contre dix aliments choisis parmi les plus usuels (dont les
laitages, le gluten, les œufs) chez des sportifs « témoins », exempts de tout signe d’hyper perméabilité intestinale, et chez 34 sportifs de haut
niveau, se caractérisant au contraire par une pléiade de troubles à distance (douleurs, eczéma, migraines, infections chroniques), évocatrices
d’une hyperperméabilité intestinale avérée. À mon grand étonnement, on rencontrait des valeurs d’IgG supérieures à la norme avec une
fréquence comparable au sein de ces deux groupes, pourtant radicalement différents sur le plan clinique. Or, un marqueur ne permettant pas de
distinguer le cas d’un champion olympique de celui d’un autre qui souffre de polyarthrite constitue-t-il, finalement, un indicateur intéressant ?
D’évidence non. Mais pourquoi une telle confusion ? Pour une raison très simple. Ce marqueur témoigne en fait d’une rencontre immunitaire.
Or, celle-ci ne suffit pas à l’apparition des troubles fonctionnels. Il faut qu’elle s’accompagne en outre d’un dysfonctionnement du système de
défense ou d’une dysbiose. Sans cela, l’élévation des IgG dirigées contre un aliment donné témoigne simplement d’une « immunisation » sans
conséquence. Davantage en accord avec une explication reposant sur la notion d’intolérance, on peut également dresser le constat d’une
élévation significative des IgG chez un patient souffrant de troubles liés à une hyper perméabilité intestinale. Cela amène-t-il pour autant à
rendre ces aliments responsables (totalement ou seulement en partie) de ces troubles ? Ne pourrait-on pas non plus considérer qu’il puisse
exister une immunisation à certaines protéines alimentaires (dont les IgG correspondantes se situent au dessus de la norme), contemporaine
d’un authentique problème immunitaire dont elles ne seraient pas la cause ? Ne constitueraient-elles alors éventuellement, dans certains cas,
qu’un possible facteur aggravant ? En posant le postulat qu’on mesure des « intolérances alimentaires », on écarte d’emblé cette hypothèse.

Un autre problème conceptuel restreint l’intérêt théorique de tels tests. On a vu plus haut que seule une fraction restreinte de protéines
alimentaires, en raison de l’existence d’homologies antigéniques, pouvaient contribuer de manière authentique à des troubles immuno-
inflammatoires ou lésionnels. Il s’agit essentiellement de la caséine A1 et de la gliadine. Or, les tests d’intolérance reposent sur le principe selon
lequel toutes les sources de protéines, depuis le poivre (où on en trouve à l’état de trace), jusqu’au gluten, en passant par l’arachide ou le riz,
présentent une égale probabilité de participer aux troubles fonctionnels et aux réponses immunitaires adverses pourvu que leurs IgG sortent des
normes. Cela peut amener certains praticiens à proposer des régimes excluant par exemple les framboises, la vanille, les moules et les laitages,
sur la seule base des résultats des prises de sang. Or, il n’en va pas ainsi... Les aliments n’ont pas tous la même probabilité de favoriser, ou
d’aggraver un tableau lésionnel chronique. Les sources de gluten et de caséine participent, bien plus que toute autre denrée, à ces troubles qui
se sont pérennisés. Ainsi, de mon point de vue, l’aliment constitue rarement l’origine du problème. Elle est davantage liée à une réponse
inappropriée de notre organisme à celui-ci. 18
Par conséquent, plus qu’une biologie « structurelle » ou que la recherche de « mouchards » indiquant les aliments à évincer pour retrouver,
comme par magie, une santé optimale, il est apparu évident que l’aide de la biologie porterait plutôt sur la recherche d’indicateurs rendant
compte de dysfonctionnements immunitaires latents, avec par exemple la mesure des IgA secrétoires (11, 75), et d’une hyperperméabilité
intestinale simultanée. Les protéines de transport des endotoxines (abrégées LBP) occupent une place de choix dans cette approche (96).
L’équipe de Mélanie Uhde a ainsi constaté, chez des sportifs souffrant de maux de ventre à l’effort, l’existence d’une sensibilité au gluten « non
cœliaque », corrélée à une élévation des LBP mais aussi une réactivité accrue à des antigènes microbiens ce qui suggère que ce processus
d’agression de la muqueuse intestinale participe à un grand nombre de cas de troubles digestifs à l’effort jusqu’alors inexpliqués (107). Ces
outils biologiques se situent davantage dans une perspective interprétative et déductive que dans un schéma alternatif d’une mesure soit
positive soit négative. C’est ce qui en fait toute la difficulté ! J’y reviens plus loin dans ce chapitre. J’en suis venu, inversement, à n’accorder
qu’un très faible intérêt à la mesure des IgG, et à considérer comme de possibles éléments aggravateurs les aliments dont les résultats se situent
au moins trois fois au dessus des valeurs de référence. 19

Face à cette aide assez décevante de la biologie, se situant bien en deçà de ce que d’aucuns en espèreraient, n’est-il pas possible
d’aborder la question autrement, et de rechercher dans la clinique des critères fréquents, qui réunis dans un questionnaire consacré à l’association
dysbiose – hyperperméabilité intestinale, permettrait de discriminer plus facilement les sujets confrontés à ce phénomène ? Ce fut ce à quoi je
me suis attaché entre 2000 et 2004, jusqu’à l’obtention d’un outil, devenu un élément essentiel dans la prise en charge des patients.

L’intérêt de la clinique « systémique » – Le questionnaire de vulnérabilité digestive (Q.V.D.)

Depuis une vingtaine d’année, je mène une longue réflexion sur les questions d’écosystème et de terrains vulnérables. Ces derniers, si
importants dans la survenue d’états pathologiques pérennisés (comme dans la douleur chronique ou la fibromyalgie), s’inscrivent dans une
continuité et une chronicité caractéristiques. Lors de mon travail sur l’hyperperméabilité intestinale et les hypersensibilités alimentaires (95),
qui a initié cette recherche empirique sur les liens entre la nutrition et la douleur, je me suis largement inspiré d’un article, écrit par Dixon (26)
et paru au début du siècle. Il y évoquait l’importance des IgG, comme témoins possibles de réponses immunitaires anormales, dirigées contre les
aliments. Mais les limites de ces marqueurs biologiques étaient également pointées par cet auteur, qui tenta de contourner cette difficulté ; dans
cet article figurait un ajout (en fin de texte) où l’auteur présentait un questionnaire un peu « fourre-tout », qui englobait signes cliniques, choix
alimentaires, histoire médicale personnelle et familiale, et tentait de corréler ces éléments (un peu éparpillés) à la présence de valeurs
biologiques positives. J’ai repris ce document, en conservant les éléments jugés les plus pertinents, et cela a abouti à la mise au point d’un
questionnaire qui englobe à la fois des signes évocateurs d’hyperperméabilité et retraçant des événements (personnels ou familiaux) de
dysfonctionnements immunitaires. C’est ainsi que le QVD est né (voir la figure 22). J’ai enrichi ce questionnaire pour intégrer de manière
exhaustive l’ensemble des points pertinents utiles à une approche optimale de la situation.
Antécédents Familiaux Antécédents personnels

Avez-vous un antécédent personnel parmi (père, mère) ou frère,


Avez-vous un antécédent familial direct (cocher si réponse positive) sœur qui ait présenté une des affections suivantes : (cocher en cas
de réponse positive)

- Allergie О - Allergie О

- Diabète de type 1 О - Intolérance au lait О

- Maladie de Crohn О - Eczéma О

- Maladie coeliaque О - Urticaire О

- Rhumatisme inflammatoire О - Asthme О

- Psoriasis О - Infection digestive О

- Thyroïdite О

- Sclérose en plaques О

- Vitiligo, pelade О

- Goujerot, lupus О

Score A (total des cases cochées) = Score B (total des cases cochées) =

Actuellement, êtes-vous sujet à l’une des perturbations suivantes Actuellement présentez-vous ?

- Fatigue permanente О - une intolérance au gluten О

- Troubles de l’humeur О - un rhumatisme inflammatoire О

- Infections récidivantes О - un diabète О

- Problèmes de peau О - une maladie digestive О

- Douleurs traînantes des articulations О - de l’asthme О

- Migraines récidivantes О - une thyroïdite О

- Acouphènes, vertiges О - une sclérose en plaques О

- Dyslexie, dyscalculie, hyperactivité О - un vitiligo, une pelade О

- Goujerot, lupus О

Score C (total des cases cochées) = Score D (total des cases cochées) =

Score B :
SCORE TOTAL :
Score D :

Figure 22. Le QVD.

La signification du « Q.V.D. »

Il comporte quatre rubriques distinctes : la première renvoie aux antécédents familiaux de dysfonctionnements immunitaires lourds
(allergies ou maladies auto-immunes). Un héritage immunitaire déséquilibré paraît plus vraisemblable dans un tel contexte et en tenir compte
s’avère indispensable. La seconde répertorie les antécédents personnels d’incidents immunitaires assez forts, ou répétés, supposés témoigner
d’un dysfonctionnement chez ce patient. Ces deux premières rubriques s’attachent donc à situer le terrain personnel et familial La troisième
rubrique répertorie (de manière non exhaustive), des symptômes évocateurs d’une hyperperméabilité intestinale mal gérée, car associée à un
dysfonctionnement immunitaire chronique. Ces troubles ont été choisis et regroupés en raison de la très forte cohérence apportée par leur
présence simultanée. Ils peuvent, isolément, faire suite à des perturbations immunitaires. Davantage encore, lorsqu’ils sont cumulés, ils
signifient qu’il existe probablement des troubles à distance, consécutifs à l’arrivée de protéines antigéniques, d’endotoxines ou à celle de
peptides. La dernière rubrique, quant à elle, fait état de pathologies déjà avérées, où l’hyperperméabilité, l’inflammation et le dysfonctionnement
immunitaire chronique ont joué un rôle.

J’ai comparé les scores obtenus à ce questionnaire selon que les patients présentaient ou non des pathologies liées à la présence d’une
hyperperméabilité intestinale. La valeur moyenne du score du QVD se situe à 2,1 chez 169 individus exempts d’hyperperméabilité intestinale, et
reçus pour des motifs étrangers à cette anomalie. Il atteint une valeur moyenne de 7 au sein de la population de patients reçus en consultation
avec un diagnostic de maladie auto-immune (96). J’ai poursuivi la compilation, et l’effectif dépasse largement celui constitué au moment de la
première version de ce livre. Le tableau 5 présente les valeurs moyennes du score du QVD, par type de pathologies, ainsi que la fréquence de
mycoses cliniques identifiées chez ces patients. Ces chiffres ne concernent pas moins de 512 sujets.
Une compilation identique a été menée auprès d’une population de 311 sujets fibromyalgiques. La moyenne du QVD se situe autour de 9.
Ainsi, sur plus de 820 dossiers, les statistiques permettent de conclure sans ambiguïté :

Ce questionnaire permet effectivement de différencier les situations qui combinent une hyperperméabilité et un dysfonctionnement
immunitaire, de celles qui resteront anodines et pour lesquels l’organisme s’immunise sans mal 20 .

Tableau 5. Valeurs moyennes de QVD et fréquence de candidoses selon les types de maladies auto-immunes et en cas de fibromyalgie
(statistiques personnelles).

PATHOLOGIE EFFECTIF QVD CANDIDA

Autres 44 8,6 70 %

Goujerot 20 9,1 74 %

Lupus 9 8 67 %

Psoriasis 81 8,4 49 %

MICI 78 7,1 47 %

Rhumatismes inflammatoires 69 8 47 %

Sclérose en plaques 31 5,4 27 %

Vitiligo 18 7,5 75 %

Thyroïdite 162 8,2 86 %

Fibromyalgie 313 9 82 %

Le recours récent à des marqueurs fécaux témoignant de l’agression et de l’inflammation digestive, comme la calprotectine que
commencent à regarder les rhumatologues (59, 108) ou la mesure des protéines de transport des endotoxines, les « LBP », m’ont permis de
confirmer, sur un panel de patients représentatif, l’intérêt prédictif du QVD. En effet, des valeurs de QVD supérieures à 7 coïncident, quand on
regarde ces deux marqueurs, avec des valeurs biologiques fréquemment supérieures aux normes. Ceci amène à considérer que, dès qu’un dossier
présente un score supérieur à ce seuil, il convient d’organiser la prise en charge de ces patients autour des deux priorités suivantes : la
modulation de l’immunité d’une part, et la cicatrisation de la muqueuse intestinale d’autre part. Certains des moyens mis en œuvre, comme le
recours à des probiotiques ciblés ou à des plantes comme la curcumine, agiront par l’intermédiaire d’une modulation épigénétique.

Hyperperméabilité et auto-immunité : Y a-t-il des terrains différents selon les maladies ?

L’analyse statistique menée avec les moyennes et écarts-type des populations révèle une grande homogénéité des données : on constate
que le QVD est supérieur à 7 dans la plupart des situations. Cela conforte la place majeure de l’hyperperméabilité et des dysfonctionnements
immunitaires dans ces situations. À cette règle quasi généralisée on relève néanmoins une exception, celle de la sclérose en plaques. Pour celle-
ci, même si l’effectif constitué apparaît un peu juste, on constate une valeur moyenne de « QVD » significativement plus basse que pour toutes
les autres pathologies répertoriées.

Pour ce qui est de la fréquence des candidoses relevées (mentionnées dans l’anamnèse récente ou biologiquement avérées), on note
davantage de disparités. Les thyroïdites se distinguent par l’extrême fréquence avec laquelle on en retrouve, avec 86 % des cas, davantage
encore que dans le cas de fibromyalgie, pour lesquelles le lien entre mycose et douleurs chroniques est admis (96). Concernant les maladies
auto-immunes de la thyroïde, les relations croisées entre les cellules thyroïdiennes et le gluten, comme développé plus haut (20) et entre gluten
et candida (24, 81) constituent une explication désormais difficilement réfutable. Ces liens justifient de proposer de manière relativement
fréquente, face à ces pathologies, un régime évinçant le gluten et certaines formes de caséine, et ce même en l’absence de confirmation
biologique.

En ce qui concerne les autres maladies auto-immunes, l’implication de la candidose apparaît plus faible, 47 % des MICI, chiffre à
rapprocher des données admises relativement à la maladie de Crohn (36, 106) et de plus de 70 % das le cas de la Maladie de Goujerot ou du
lupus, qui constituent des maladies « systémiques », pouvant toucher plusieurs organes en même temps. L’implication du candida est probable
dans certains cas (thyroïdite) ou plausible (dans la plupart des autres). Il semble par contre étranger à l’apparition de la sclérose en plaques.
L’effectif des patients reçus avec ce diagnostic, se scinde en deux groupes distincts (voir le tableau no 5 bis). La majorité de ces patients
constitue une cohorte possédant un faible score au QVD, ceci suggérant qu’il n’existe pas d’hyperperméabilité intestinale chez eux. Il faut donc
chercher un autre mécanisme. Lequel peut-on envisager ? Il existe des relations croisées entre le virus de l’herpès et la gaine de myéline. Ceci
peut contribuer, en cas de réactivation virale (dans le contexte d’une candidose par exemple), au déclenchement de la pathologie. Un tel
phénomène est, en 2022, largement documenté (1, 68, 69, 87). L’existence de réactions croisées avec des virus semble également vérifiée pour
le vitiligo, dans un certain nombre de cas (29). Ce constat suggère qu’avant la rencontre avec un super antigène particulier, le terrain
épigénétique propice à cette maladie ne s’exprimait pas d’un point de vue clinique, et que le système immunitaire semblait peu perturbé. Que
peut-il être arrivé ? Autre explication envisagée, celle avancée par certains auteurs qui ont incriminé l’impact du vaccin anti-hépatite chez des
sujets prédisposés. L’arme absolue des statisticiens, les « méta-analyses » ne permettent pas de retrouver une influence de ce dernier « en
général » (72). Certains spécialistes ont cependant critiqué cette approche, ne la jugeant pas assez fine, et arguent que chez certains sujets
dotés d’une prédisposition particulière, la rencontre avec le vaccin pourrait malgré tout avoir joué un rôle (65). Enfin, comme le suggèrent les
o
données figurant dans le tableau n 5 bis, une proportion moindre de patients souffrant de sclérose en plaques présente les mêmes
caractéristiques que celles qu’on retrouve dans le cas des autres maladies auto-immunes : pour eux, un phénomène d’hyperperméabilité
intestinale semble jouer un rôle majeur (33, 38). De récentes données donnent beaucoup de poids à une candidose chronique dans ce contexte.
Ceci tient tant en sa capacité à favoriser l’hyperperméabilité intestinale qu’à favoriser les réactivations virales (103).
On retire en tout cas de cette analyse deux points importants ; le premier c’est que la combinaison d’un dysfonctionnement immunitaire
(en lien avec la dysbiose) et d’une hyperperméabilité intestinale joue un rôle essentiel dans le déclenchement d’une maladie auto-immune. Le
second c’est que l’élément antigénique impliqué dépend des pathologies et des individus, de sorte que les stratégies épinutritionnelles proposées
varieront d’un cas à l’autre.

Tableau 5 bis. Données relatives aux deux cohortes de patients présentant une SEP.

PATHOLOGIE EFFECTIF QVD CANDIDA

SEP AVEC HPI 12 9,9 °/– 2,1 41,7 %

SEP SANS HPI 19 3,1 +/– 1,4 15,7 %


Encadré 14 : Rôle aggravant du déficit en zinc :
État des lieux.

Le zinc est un élément impliqué dans le bon déroulement de notre réponse immunitaire, dans la cicatrisation, dans les défenses
anti-oxydantes, dans la bonne organisation spatiale de la molécule d’insuline, dans le contrôle de l’épigénèse et de l’inflammation, et dans
bien d’autres fonctions encore. Cela signifie que, en cas de déficit, ces différentes fonctions peuvent se trouver affectées. Cette situation
pourra alors favoriser la survenue d’un déficit immunitaire, d’une hyper perméabilité intestinale chronique, de perturbations épigénétiques (y
compris à travers des impacts sur les microRNA impliqués dans la cancérogénèse) (32), et éventuellement d’une mauvaise réponse à
l’insuline (2, 45). Ses déficits contribuent également à altérer la tolérance au stress (22). Ce panorama de perturbations suffit largement à
comprendre pourquoi son déficit peut constituer un facteur aggravant dans le contexte de l’hyperperméabilité intestinale.

On connaît bien les aliments qui en constituent les meilleures sources (voir le tableau 6). Même si l’appauvrissement des sols,
comme je l’ai évoqué précédemment dans ce livre, affecte la richesse de la plupart des denrées, il semblerait assez facile malgré tout, à
première vue, de satisfaire les besoins quotidiens (de l’ordre de 11 à 12 mg selon les experts). Les études dites « nutritionnelles »
comparant, sur la base des tables de composition, les apports des rations d’échantillons d’individus à ces normes, aboutissent à des
conclusions allant dans ce sens : a priori, sur la seule base du contenu de l’assiette, et sans confirmation biologique, la satisfaction des
besoins ne devrait poser aucun problème. Une telle approche néglige cependant deux aspects essentiels : l’assimilation digestive et
l’augmentation des besoins dans certaines circonstances, telles que les infections chroniques, les brûlures ou la cicatrisation (116). C’est
pour cette raison que l’évaluation du statut en zinc des populations devrait plutôt reposer sur la mesure de la zincémie que sur la
quantification du contenu de l’assiette (113). Quelques travaux ont été menés en ce sens. Ainsi, chez des sujets âgés vivant en institution,
la prévalence des déficits, évalués à partir des valeurs plasmatiques, se situerait autour de 10 % (63). À première vue, les biologistes
semblent donc donner raisons aux diététiciens. Attention cependant ! Ces chiffres posent la question des valeurs de référence. Dans la
plupart des cas, celles-ci sont établies à partir de différents échantillons de sang recueillis dans une population sans particularité, et où
des sujets déficitaires côtoient ceux dotés d’un statut optimal. Dans cette approche, les limites des chiffres jugés « acceptables » sont
directement déduites des moyennes et écart-types, où les données de sujets déficitaires sont prises en compte ! On les calcule ainsi
sans présumer de l’état de santé des populations concernées. Or, lorsqu’on prend en compte les taux mesurés chez des sujets adultes
particuliers, ceux dont on sait qu’ils disposent d’un statut immunitaire correct, les valeurs jugées comme optimales, à savoir 13 µmol/l, se
situent bien au-delà de celles considérées comme étant convenables dans la plupart des laboratoires classiques (à 10 µmol/l) (46). Cette
réalité modifie complètement l’interprétation de ces données statistiques. Ainsi, d’après mes chiffres, ce sont plus de 70 % des patients
avec une perturbation immunitaire chronique qui présenteraient une valeur de zincémie située sous ce plancher (voir le tableau 7). Tout se
passe comme si, confronté en permanence à d’importants besoins, l’organisme soumis à un dysfonctionnement immunitaire chronique
adoptait un « train de vie » excessif. Celui-ci le conduirait, par utilisation accrue de cet élément, à développer un déficit qui aggrave et
pérennise le dysfonctionnement immunitaire et l’hyper perméabilité intestinale, tout en affectant l’épigénèse. Il s’instaure en quelque sorte
un cercle vicieux !

Tableau 6. Les principales sources alimentaires de zinc, en mg/100 g d’aliment comestible (84).

Germ e de blé 16 Crabe bouilli 4,3

Huître 9,8 Dinde cuite 4,1

Bœuf 6,2 Cheddar 4

Foie de veau 6,1 Parm esan 4

Cacao en poudre 5,6 Veau cuit 4

Agneau cuit 4,3

Tableau 7. Déficit en zinc et dysfonctionnement immunitaire ;

Zincém ie m oyenne (+/- un écart-


Taille de la population Pourcentage de valeurs < 13 µm ol/l
type)

Fem m es 188 12,4 +/- 2,35 µmol/l 75,0 %

Hom m es 74 12,9 +/- 1,9 µmol/l 64,9 %

Sur les deux années 2015 et 2016, la zincémie a été évaluée chez 188 femmes et 74 hommes, ayant rencontré des problèmes immunitaires
chroniques, associés ou non à une hyperperméabilité intestinale. Les chiffres sont plutôt éloquents, comme le montre le tableau ci-dessous ;
l’ampleur du problème, au sein de cette population particulière, soutient largement l’idée selon laquelle le déficit en zinc constitue un problème
plus sérieux qu’il n’y paraît.

Dysbiose et insulino-résistance : Quel lien ?

Une conséquence imprévue des dysbioses et des phénomènes d’hyperperméabilité est apparue sur le devant de la scène ces dernières
années, au point de pousser à une remise en cause radicale de l’approche de ce problème de santé publique ; je veux parler du diabète et de tous
les troubles qui s’y rattachent (12, 120). En effet, un nombre abondant de publications, parues depuis 2010, montre une association entre la
composition et l’activité du microbiote et différents états pathologiques, parmi lesquels le diabète ou l’obésité. L’une des clefs pour comprendre
ce curieux lien réside dans l’intervention d’une catégorie d’intrus déjà évoqués dans ce livre : les endotoxines (17-8). Leur passage dans
l’organisme, dans le contexte d’une dysbiose chronique (souvent asymptomatique), contribue à des interférences avec des tissus impliqués dans
le métabolisme de l’insuline. On voit sur la figure 23, comment l’impact se fait.
Les endotoxines renferment plusieurs composants dont un, le « lipide A », interagit avec les acides gras saturés apportés par
l’alimentation, mais plus encore avec les graisses élaborées – de manière anormale – à partir de constituants végétaux, dans un contexte de
dysbiose (61). Ces endotoxines se lient alors à des récepteurs tissulaires particuliers, déjà évoqués précédemment dans ce chapitre, les « TLR4 ».
À partir du moment où ce phénomène se produit, des réactions en cascade surviennent ; elles consistent essentiellement en processus
épigénétiques conduisant à un état inflammatoire accru et à une majoration des anomalies de l’insuline (16, 61). Le phénomène s’exprimerait de
manière particulièrement forte au niveau du tissu adipeux, ce qui permet de comprendre les liens pouvant exister, à terme, entre dysbiose,
insulino-résistance, inflammation et surpoids viscéral. À ceci s’ajouteraient des interactions entre les bactéries du microbiote et la production de
molécules particulières, les « endocannabinoïdes », fabriquées par certains cellules situées sur la muqueuse, et capables de pondérer
l’inflammation tout en préservant une action harmonieuse de l’insuline (19, 37). Or, en cas de dysbiose, ce système, lui aussi, présente des
perturbations, et celles-ci vont renforcer les désordres métaboliques précédents (18). À cet impact des endotoxines s’ajoute un autre processus
qui, lui aussi, vient contrarier l’action de l’insuline. Il s’agit d’une hormone, fabriquée dans certaines cellules endocrines nichées au cœur de la
muqueuse intestinale, et nommée le « GLP-1 », où le « G » fait référence au glucagon, hormone aux effets opposés à ceux de l’insuline. Il voit
son action se dérouler de manière moins performante dans un contexte d’appauvrissement de diversité de notre microbiote (85).

Figure 23. Le lien entre les endotoxines et les perturbations de l’insuline.


(D’après 16-7, 61, 118).

Ce schéma permet de comprendre que les perturbations hépatiques (pouvant favoriser l’élévation des Gamma GT ou des transaminases),
les douleurs chroniques, le surpoids viscéral, l’élévation des triglycérides, et l’ensemble des anomalies regroupées sous le terme « syndrome
polymétabolique » 21 sont intimement liées. Ainsi, les douleurs qui accompagnent le surpoids, et favorisent les pathologies inflammatoires lors de
la reprise d’une activité sportive, n’illustrent pas la théorie du « sac à dos rempli de cailloux », comme on l’a longtemps pensé. Cette expression
imagée suggère que les douleurs s’expliqueraient par le poids supplémentaire porté par les articulations. Pourquoi cela ne s’appliquerait-il pas,
alors, à des rugbymen professionnels dont les mensurations hors norme et le poids à trois chiffres qu’ils promènent aux quatre coins du terrain
pourraient, dans ce cas, leur valoir des blessures de surcharge ? Ces douleurs ne résultent pas du poids proprement dit, mais plutôt du surpoids
viscéral, caractéristique du syndrome métabolique, dont la caractéristique est l’existence d’un état inflammatoire permanent, à bas bruit ou non.
Le ventre rebondi constitue un authentique signe d’inflammation ! Pour autant, les rhumatologues peinent à dérouler le scénario jusqu’au bout
(66). Si la relation entre insulino-résistance et douleurs inflammatoires leur paraît désormais claire, ils ne parviennent pas à voir celle-là comme
une conséquence de la dysbiose, et peinent à incriminer les endotoxines.

La biologie du syndrome métabolique débutant

Les perturbations de l’insuline, liées à ce passage massif d’endotoxines au niveau la muqueuse intestinale, peuvent être appréciées grâce
à des indicateurs biologiques qui témoignent de dérèglements plus précoces qu’avec les indicateurs habituels, glycémie à jeun, ou insuline. En
effet, les gammes de valeur considérées comme « normales », pour chacun de ces deux marqueurs, sont très étendues, de sorte que souvent,
malgré une prise de poids parlante, beaucoup de sujets ne montrent pas de perturbations biologiques significatives. On considèrera qu’ils
souffrent de ce syndrome à un stade plus tardif de l’histoire, à partir du moment où ces anomalies seront déjà anciennes et bien installées (71).
Heureusement, la volonté d’assurer une meilleure prévention de ce fléau peut se réaliser grâce à l’existence d’indices plus subtils, qui se
nomment Homa 22 en vigueur depuis le début de ce siècle, ou encore Quicki (50). Ils décrivent, après transformation par une formule
mathématique complexe, la relation linéaire pouvant exister entre l’insuline et la glycémie (voir la figure 24). Sur le graphique, il existe une
pente correspondant à un fonctionnement optimal de l’insuline. Tout point situé en marge de cette courbe décrit une situation évocatrice d’un
début d’insulino-résistance (50). Ces indices permettent donc d’entreprendre une stratégie préventive précoce et efficace chez des patients
jusque alors considérés comme entrant parfaitement dans la norme biologique (79, 110, 119).
Figure 24. Les tests Homa et Quicki, traduisant une perturbation précoce et discrète de l’insuline.

Dysbiose et insulino-résistance : nos observations

Les développements récents dans le domaine de ce qu’on pourrait désormais nommer le « syndrome métabolique intestinal », ont incité
certains auteurs comme le professeur Xiao (118) de l’Université de Shanghai, à recommander la mesure de la CRP ultra sensible, marqueur de
l’inflammation de bas grade, des indices Homa et Quicki et du taux de « LBP » (la protéine transporteuse d’endotoxines) pour suivre l’évolution
de l’état des patients, et évaluer l’impact potentiel des interventions nutritionnelles mises en œuvre (et sur lesquelles nous revenons dans le
dernier chapitre de ce livre). J’ai appliqué ces recommandations et ai ajouté à la compilation de leurs données biologiques le recueil des mesures
de composition corporelle obtenues à l’aide d’un impédancemètre multi-fréquences.
Cet outil permet de déterminer précisément la masse grasse, la masse maigre, la masse osseuse, ou encore la répartition de l’eau dans le
corps, et ce avec une grande précision. L’appareil offre également la possibilité de situer les données du patient considéré aux chiffres moyens de
la population des sujets comparables à l’individu testé. Ainsi, pour un homme de 45 ans, l’écart à la norme qui sera calculé ne reposera pas sur
les mêmes valeurs de référence que chez une jeune femme. Grâce à cela, non seulement on peut établir si la personne possède trop de masse
grasse, mais on peut surtout disposer d’une analyse relative par rapport au groupe de population dont il provient. J’ai choisi de regarder
attentivement, en plus du surcroît prévisible d’adiposité, l’éventuel excédent de masse maigre. En effet, en pratique routinière, on observe
souvent que, dans le contexte d’une insulino-résistance assez ancienne, les patients présentent un développement de masse musculaire, qu’ils
pratiquent ou non une activité physique régulière. Cette caractéristique les distingue même très nettement de la population ne souffrant pas
d’insulino-résistance, où le développement de masse maigre survient plus rarement, et quasiment jamais hors du contexte sportif. Ceci s’explique
par l’effet de l’insuline sur la synthèse protéique, qui s’exerce à l’égal d’un engrais (99). Dans le tableau 8 ci-après, j’ai répertorié ces différentes
données biologiques et anthropométriques. Elles montrent clairement que, dans l’immense majorité des cas, les perturbations de l’insuline
surviennent dans un contexte d’endotoxinose. Ceci suggère que la dysbiose, de plus en plus souvent transgénérationnelle, le manque de
diversité de plus en plus marqué des populations bactériennes du microbiote, constituent l’explication majeure à l’explosion démographique du
problème d’obésité et de diabète de type II, qui n’épargne désormais aucune génération. De surcroît, cette dysbiose, affectant le bon
déroulement des processus adaptatifs à l’effort, altère l’effet compensatoire bénéfique qu’on pourrait attendre d’une pratique sportive régulière,
23
qui ne semble plus suffire à garantir un métabolisme harmonieux.

Tableau 8. Hyperperméabilité intestinale et insulino-résistance.

Moyennes CRPus LBP MG en + (kg) MM en + (kg)

Homa/Q anormaux (N= 68) 4,6 7,6 9,5 11,1

Normaux (N= 17) 1,8 5,8 4,4 9,2

MG =masse grasse- MM = masse maigre.

Ce tableau répertorie les données obtenues auprès de patients reçus pour cause de surpoids ou de syndrome métabolique, entre janvier 2015 et
décembre 2016. Sur ces 95 dossiers, on constate que, par rapport aux normes du laboratoire, le taux de « LBP » est augmenté dans 80 % des cas, et si
on admet que la borne supérieure de la norme soit 5 et non plus 6 µmol/l, la proportion devient encore plus importante.
Tableau 9. Impact de l’endotoxinose sur la composition corporelle et l’inflammation.

LBP >6 norme (68) LBP < 6 (N= 27)

MG en + 9,8 +/- 7,0 7,80 +/- 5,8

MM en + 11,20 +/- 5,5 8,35 +/- 4,5

CRPUS 7,49 +/- 1,6 (N= 62) 2,36 +/- 1,6 (N= 27)

Ce tableau classifie cette même population non plus en fonction des valeurs normales ou non des tests de « Homa » ou « Quicki », mais en fonction de la
présence d’une valeur normale ou anormale de LBP.

On constate qu’une endotoxinémie excessive s’accompagne d’une inflammation moyenne trois fois plus importante et d’un gain de masse maigre et de
masse grasse significativement supérieur. Fait étonnant, dans tous les cas, et ce indépendamment du niveau d’activité physique moyen de ces sujets ou
de leur sexe, l’excédent de masse musculaire dépasse l’excédent de masse grasse. Notons enfin ce fait inquiétant, qui n’est pas mentionné dans ce
tableau : Les excédents de masse grasse les plus importants semblent concerner davantage de sujets de moins de 30 ans (sans différence de sexe). Il
semble aussi que l’excédent de masse grasse et la résistance à la perte de poids soient directement corrélées aux valeurs initiales de LBP et de
CRPus...Autrement dit, si on ne parvient pas à restaurer l’étanchéité intestinale et l’eubiose, le combat semble perdu, et ce quoi qu’on mange ! Ce n’est
hélas pas ce que nous expliquent les campagnes de santé publique destinées à prévenir l’obésité et le diabète...

Pour conclure cet important chapitre, je souhaite souligner l’un des effets pervers de la remise en mouvement sur la prise en charge du
syndrome métabolique. Nous avons vu précédemment que l’un des moyens de se prémunir d’un phénomène exagéré d’ischémie-reperfusion
consiste à consommer une boisson glucidique à l’effort, en particulier dès que celui-ci excède 30 mn. Or souvent, les sujets en surpoids ont
appris à « se méfier des sucres », et ils décident alors, de manière très déterminée, à ne pas prendre de glucides en cours d’activité, « pour ne pas
grossir ». La vogue des régimes « low carb », très « tendance en ce milieu des années 2010, amplifie cette mode. Ce faisant, ces sujets en
surpoids favorisent une majoration de l’hyper perméabilité intestinale et de l’endotoxinose, de sorte que leur pratique sportive régulière prépare
insidieusement une aggravation de l’insulino-résistance dès le retour au calme et un entraînement assidu pourra alors contribuer à une prise
paradoxale de masse grasse. À un autre niveau, cette tendance à négliger l’apport énergétique en cours d’effort peut en partie expliquer cette
situation curieuse à laquelle certains sportifs d’ultra-endurance se trouvent confrontés : s’entraînant parfois plus de douze heures par semaine,
ils peinent à perdre un réel excédent de masse grasse viscérale et manifestent une résistance à la perte de poids insoluble. Celle-ci peut alors les
inciter à se priver davantage et à accentuer les efforts... À terme, prise de poids, infection, inflammation et démotivation les guettent.

Conclusion sur l’hyper perméabilité intestinale

L’atteinte des jonctions serrées ne s’accompagne pas forcément de troubles fonctionnels extra-digestifs. Ces anomalies apparaîtront
plutôt en cas de dysfonctionnement immunitaire chronique et de dysbiose, majoritairement transgénérationnelle. Or, le stress, des déficits
générés par l’exercice et la pauvreté de nos aliments, des germes se réactivant sous l’influence d’un entraînement inadapté, vont unir leurs
influences respectives pour provoquer, à terme, une atteinte de nos processus de défense. Si des troubles digestifs accompagnent fréquemment
ce phénomène d’hyperperméabilité intestinale, d’autres manifestations défavorables peuvent en découler. Certaines possèdent une origine
immunitaire et se traduisent par des plaintes inflammatoires, éventuellement lésionnelles. D’autres résultent de l’influence moins connue de
fragments protéiques, qu’on incrimine dans la survenue de perturbations des processus cérébraux et sensoriels. Enfin, un pourcentage très élevé
des désordres métaboliques (diabète, syndrome métabolique, obésité) rencontrés en 2022, présentent aussi un lien avec ce phénomène d’origine
digestive.

L’amélioration de l’état de ces sujets nécessite de parvenir à cicatriser l’intestin durablement, à combattre la dysbiose, à corriger les
terrains immunitaires altérés, et à assurer l’apport optimal de tous les nutriments garants de cette étanchéité, d’une bonne immunité, et d’une
épigénèse performante. Le choix des composants de notre assiette nécessite également de réfléchir à plus long terme, et d’infléchir des politiques
qui, tendant vers une asepsie toujours plus poussée, ont contribué à une dysbiose transgénérationnelle. De plus, l’alimentation mise en œuvre,
pour être optimale, devra exercer un impact mineur sur notre environnement. Enfin, un contexte scolaire, professionnel, ou sportif, hyper
compétitif et concurrentiel, par le stress qu’il induit, s’avère largement délétère. Si on mange de manière convenable mais qu’on vit dans un
environnement agressif, tout se passe comme si on effaçait d’une main ce que l’on écrivait de l’autre. Restaurer l’eubiose et l’étanchéité
nécessiterait un environnement plus harmonieux... Nous sommes pour le moment, loin du compte !

BIBLIOGRAPHIE

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Les solutions épinutritionnelles

La modulation du microbiote

Introduction

La diversité de substances délivrées par notre ration est telle, tant de la part de celles exerçant des effets nutritionnels que de celles, au
contraire, possédant des caractéristiques toxiques, qu’il paraît illusoire d’établir un catalogue exhaustif des acteurs de l’épinutrition. De plus,
bien que leur variété s’avérât étendue, celle de nos gènes apparaît incomparablement supérieure, rendant de ce fait a priori impossible la
mission de définir comment et quoi manger pour une épigénèse harmonieuse, garante d’une santé durable. Mais ne nous décourageons pas ! En
effet tout au long de cet ouvrage certains processus, plus que d’autres, se sont avérés cruciaux pour le maintien d’un bon état de santé ; il s’agit
de ceux qui concernent l’immunité, le contrôle du stress oxydant et de l’inflammation, ces processus étant interdépendants les uns des autres et
largement soumis à la gouvernance de notre microbiote. En effet, les bactéries qui ont colonisé nos intestins possèdent l’aptitude à
communiquer avec toutes les cellules chargées d’assurer le bon déroulement de nos processus protecteurs. Ceci survient dès la période fœtale
(13), notamment pour le cerveau, dont le développement harmonieux se trouve en partie soumis en partie au contrôle exercé par notre
microbiote (47, 58).

Le dialogue entre celui-ci et le système immunitaire détermine nos aptitudes à nous prémunir des agressions les plus violentes qu’on
puisse subir. D’ailleurs très souvent, quand une pathologie s’est installée durablement, donnant lieu à divers troubles fonctionnels chroniques,
voire à des atteintes lésionnelles, ce monde bactérien ne vit plus en harmonie, ayant basculé dans la dysbiose, prélude à la maladie. Il paraît
donc logique de privilégier, dans notre réflexion, les acteurs susceptibles de moduler ce dialogue, d’œuvrer au retour de l’eubiose, et au contrôle
harmonieux de l’ensemble des fonctions de l’organisme.

Ces alliés influents existent, et un nombre élevé de travaux leur a été consacré au cours de ces dix dernières années, repoussant toujours
plus loin les limites de nos connaissances. Ces acteurs, capables d’œuvre au maintien ou au retour de cette harmonie, appartiennent à deux
familles très différentes ; soit ils sont issus du monde des bactéries (et il s’agit alors de « probiotiques ») soit il s’agit d’éléments issus du règne
végétal (et on parle alors de « prébiotiques » ces derniers constituant alors, ni plus ni moins que les aliments de notre microbiote). Si leur intérêt
potentiel a focalisé l’attention du monde scientifique dès leur découverte, ce n’est que récemment qu’on a commencé à comprendre que
l’essentiel des effets qu’on leur attribue reposait sur leur aptitude à moduler nos processus d’épigénèse.
En plus de ces deux familles de composés actifs, d’autres ingrédients végétaux vont constituer de précieux acteurs, et je détaillerai à la fin
de ce chapitre quelques exemples des nutriments « épigénétiques » parmi les plus déterminants. Nous verrons enfin que, dans le cadre des
relations entre exercice, immunité et épigénèse, la disponibilité en glucose de nos cellules joue un rôle essentiel, faisant de celui-ci bien plus
qu’un carburant destiné à l’exercice.

Les probiotiques : des acteurs efficaces de l’épinutrition

Selon la dernière définition de l’OMS, les probiotiques se présentent comme des « micro-organismes vivants qui, administrés en quantité
adéquate, exercent un effet bénéfique sur la santé de l’hôte. ». Cette définition un peu sibylline recouvre une réalité pourtant bien précise ; un
« probiotique » ne mérite ce nom que s’il exerce un effet physiologique scientifiquement démontré. Les probiotiques « en général » possèdent-ils
tous les mêmes propriétés, en faisant un monde d’acteurs bactériens interchangeables ? Loin de là ; leurs effets, au contraire, varient en fonction
des souches et des dosages auxquels on les administre. Ces effets peuvent s’atténuer, ou au contraire s’accentuer, selon comment les souches
sont associées. Leurs actions ne dépendent pas non plus du nombre de souches présentes dans les mélanges, comme on le croit parfois (141), et
le plus n’est alors pas garant du meilleur. Les travaux les plus prometteurs montrent qu’une partie de leur intervention consiste à moduler le
climat immunitaire. Un nombre croissant de publications a en effet permis de démontrer que diverses souches de probiotiques favorisaient la
synthèse de cytokines distinctes, chaque famille bactérienne pouvant créer une réponse cytokinique qui lui soit propre. Ces interventions des
probiotiques reposent, on le sait aujourd’hui, sur des processus épigénétiques, portant sur les gènes dont dépendent ces cytokines. Mais ce n’est
pas tout ; certaines souches interviennent également en modulant l’expression de gènes en lien avec la synthèse de neurotransmetteurs (37,
118), ou encore, pour d’autres, en raison de leurs importantes propriétés enzymatiques. Par contre, aux quantités auxquelles on les administre,
ils ne réensemencent pas l’intestin, contrairement à ce que l’on croit souvent, puisque dans le meilleur des cas les compléments riches en
probiotiques renferment 1010 bactéries, alors que le tube digestif en contient 1000 fois plus. Ils n’interviennent pas, par conséquent, par une
action « quantitative » sur le microbiote.
Attardons-nous sur l’impact épigénétique que les probiotiques exercent sur notre immunité. Certaines souches favorisent la synthèse de
cytokines telles que l’IL-1 ou l’interferon-gamma, qui renforcent l’immunité anti-virale (84, 99). La démonstration en avait ainsi été faites dans
le cadre d’études datant de la décennie précédente, et ayant été menées sur des populations sportives à haut niveau d’entraînement. Chez celles-
ci leur consommation, comparativement à un placebo, occasionnait beaucoup moins d’épisodes infectieux. Ce constat interpella d’autant plus
qu’il s’agissait, théoriquement d’une population particulièrement vulnérable (22, 53). L’intérêt de telles souches a également été démontré chez
des patients souffrant chroniquement d’une dépression de leurs défenses, comme en présence du HIV, et qui devenaient moins enclins à souffrir
d’infections virales lorsqu’ils bénéficiaient d’une complémentation riche en probiotiques modulant l’immunité dite « cellulaire » (41).

Il existe un nombre plus important de travaux établissant l’action anti-inflammatoires d’autres souches ou de mélanges de souches (18).
Certains chercheurs ont ainsi démontré, avec certaines familles bactériennes données de manière isolée, une forte élévation des taux circulants
de microRNA favorisant la synthèse de l’interleukine-10. Or, cette dernière oriente la réponse immunitaire dans une voie atténuant
l’inflammation et restaurant l’harmonie immunitaire (23, 33, 65-6). La même influence bénéfique et modulatrice s’obtiendrait avec la prise
d’aliments fermentés traditionnels tels que le Koumiss (116) ou le chou fermenté chinois (144). En lien avec cette tendance, signalons les
résultats d’une étude iranienne publiée en 2013. Celle-ci a consisté à tester l’influence d’un yaourt traditionnel, beaucoup plus riche en bactéries
que ceux qu’on commercialise en France, sur les acteurs de l’inflammation (124). L’étude s’adressait à 210 patients présentant une maladie
inflammatoire de l’intestin en rémission et à 95 sujets sans pathologie. Ces chercheurs ont constaté que, après 2 mois d’une prise quotidienne,
les marqueurs de l’inflammation avaient significativement baissé chez les sujets complémentés et s’approchaient de celles des sujets du groupe
« témoin », alors que les molécules anti-inflammatoires telles que l’IL-10 se trouvaient à des niveaux plus élevés. Ces améliorations ne se
retrouvaient pas au sein du groupe qui n’avait pas reçu ces bactéries. Une autre étude (60), menée auprès d’un nombre plus réduit de patients,
confirmait l’effet anti-inflammatoire exercé par la prise d’un lait fermenté, sa prise quotidienne aidant à maintenir la rémission.
Les travaux portant sur des mélanges commercialisés tels que le VSL3 (29,77) ou le « lactibiane tolérance » (39, 88) ont donné des
résultats de même nature. Mais ces souches, en plus de cet effet anti-inflammatoire, ont aussi démontré leur aptitude à assurer la réparation de
la muqueuse intestinale (78, 83, 88, 95). Là encore, cette action protectrice repose sur une intervention de ces bactéries sur le génome. Cette
fois, ce sont les protéines constitutives des jonctions serrées qui, à la suite d’une modulation épigénétique, vont voir leur synthèse s’accentuer.
On constate bien, en tout cas, que les effets immuno-modulateurs exercés par certaines souches probiotiques sont bien documentés, ne sont pas
reproductibles d’une variété à l’autre, et nécessitent d’acquérir une expertise reposant sur une connaissance fine des études et des produits. Mais
c’est un axe de travail très prometteur et appelé à se développer de plus en plus lors de ces dix prochaines années.
Tous les probiotiques testés n’agissent pas seulement par le biais de cette modulation immunitaire. Pour le comprendre, il convient
d’évoquer un concept récent et très complexe, celui de l’axe : « microbiote-intestin- cerveau », qui décrit la continuité des échanges
d’informations entre ces tissus (24). De quoi s’agit-il concrètement ? Plusieurs études ont démontré que les cytokines pro-inflammatoires,
libérées par notre système immunitaire et notre microbiote, dans des conditions d’agression ou de déséquilibre, pouvaient exercer une action
directe sur le système nerveux central. Comment ? En agissant sur les neurones qui transmettaient ensuite directement l’influx vers le cerveau,
pouvant ainsi contribuer à un climat émotionnel de l’inflammation, se caractérisant par une tendance dépressive (59). Inversement, des
informations provenant du cerveau peuvent contribuer à réduire la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (101), de sorte qu’il existe un flux
bidirectionnel d’informations entre l’intestin et le cerveau, chacun influençant l’autre selon le contexte biologique du moment. Le système
hormonal n’est pas en reste ; ainsi le cortisol, libéré en quantité accrue en cas de stress, va-t-il moduler à la fois la nature des cytokines
synthétisées et la composition du microbiote (141). Autrement dit, on peut fabriquer une microflore du stress, composée différemment de celle
d’un sujet en harmonie et plus paisible ! Enfin, certaines des bactéries présentes dans notre intestin possèdent l’aptitude à fabriquer différents
neurotransmetteurs, tels que la sérotonine, le GABA, la dopamine, rendant vraisemblable l’hypothèse d’une action directe de notre microbiote
sur notre cerveau, et envisager qu’il puisse exister des répercussions de la dysbiose sur des troubles cognitifs ou psychiatriques. Fin 2015, la
démonstration en a d’ailleurs été apportée, une équipe établissant le lien entre la présence d’un microbiote déséquilibré et la survenue de
l’anorexie (86).
Moduler l’activité du microbiote peut-il transformer l’activité du cerveau ? Il a en effet semblé logique de se demander si certains
probiotiques possédaient l’aptitude à agir sur l’activité neuronale. Forts d’une telle particularité, ils se nommeraient des « psychobiotiques » 24,
selon le terme inventé à la fin de l’année 2013 (37). Depuis près de dix ans, les arguments s’accumulent pour montrer que certaines souches
interviennent effectivement en favorisant l’expression de gènes en lien avec l’activité cérébrale (37, 118). Parmi les neurotransmetteurs élaborés
dans l’intestin, une place de choix doit être accordée au GABA, qui constitue le médiateur inhibiteur le plus important. Si ses récepteurs sont
moins abondants au niveau des terminaisons nerveuses, généralement en raison d’une moindre traduction des gènes dont dépendent ces
structures protéiques, on voit survenir simultanément des manifestations anxieuses et des troubles gastro-intestinaux. Or une souche
probiotique particulière, rhamnosus GG, exerce un effet épigénétique très intéressant ; il accroît le nombre de récepteurs GABA présents dans les
neurones (16). Un travail contemporain du précédent a permis d’établir que d’autres souches agissaient directement sur les gènes des neurones
intestinaux qui, ainsi, activés, vont produire davantage de sérotonine et réduire les manifestations dépressives (10). Dans une autre expérience,
menée sur des souris souffrant de colite, la souche Bifodobacterium Longum NCC 3001 diminuait l’anxiété, sans influer sur l’inflammation, et cet
effet s’accompagnait d’une synthèse accrue d’un ARN messager dont l’élévation coïncidait avec les changements de comportement des animaux
(40).
Parfois, une même souche possède à la fois l’aptitude à moduler l’immunité et l’inflammation et celle d’influer sur l’activité neuronale.
Ainsi la souche Lactobacillus Acidophilus LA 201, qui entre dans le mélange probiotique anti-inflammatoire « lactibiane tolérance » évoqué
précédemment, intervient également directement sur les neurones intestinaux en leur faisant fabriquer davantage de récepteurs impliqués dans
la voie des opioïdes. Ce faisant, cette action épigénétique dote ce probiotique d’un effet analgésique (118). Des expériences ont été encore plus
loin ; ainsi, Tillisch et ses collègues (135) ont-ils montré que la prise d’un lait fermenté enrichi en une famille particulière de bifidobactéries,
contribuait à une meilleure gestion des émotions et de l’agressivité par ses utilisateurs. Des auteurs s’intéressant au « spectre autistique » ont
pour leur part constaté que le microbiote de ces sujets se caractérisait par une moindre diversité. L’apport de probiotiques ciblés, permettant de
réduire l’inflammation associé à cette pauvreté du microbiote, favorisait une diminution de la sévérité des troubles au terme de deux moins de
complémentation (70).
Ce travail suggère que ce ne serait pas tant le manque de diversité (que la prise de probiotiques ne corrige pas) que les conséquences
inflammatoires de cette situation qui participeraient à ces troubles. Les probiotiques testés dans ce contexte agiraient alors sur les fonctions
affectées par l’appauvrissement du microbiote.
Enfin, d’autres souches, comme Lactobacillus Helveticus LA 401, interviennent non pas en modulant l’épigénèse au sein de nos cellules,
mais en agissant sur celle du candida (de façon à réprimer sa prolifération), cette action s’exerçant par l’intermédiaire de leur arsenal d’enzymes
et de substances fongicides et bactéricides (61, 67). Ces dernières leur permettent de réduire fortement l’implantation du candida Albicans dans
le microbiote et dans les selles, tout en faisant régresser les douleurs qui accompagnent sa présence (112).
Au final, on voit qu’il existe de multiples modes d’action possible permettant à différents types de souches probiotiques de moduler
favorablement notre épigénèse, dans un sens nous permettant de mieux exercer nos défenses immunitaires, mais aussi de garantir un meilleur
climat au sein de nos neurones. Il s’agit véritablement d’un aspect extraordinairement surprenant des découvertes faites ces dernières années :
nos gènes répondent aux informations provenant de nos bactéries (135) !

Prébiotiques, eubiose et épinutrition

Une autre catégorie de substances peut également nous aider à moduler l’immunité et le fonctionnement de notre microbiote, et de tout
ce qui en dépend, processus hormonaux, cérébraux, métaboliques. Il s’agit des « prébiotiques ». Ils se définissent comme des « ingrédients non
digestibles qui influent favorablement sur la santé de l’hôte en stimulant sélectivement la croissance ou l’activité d’un nombre limité de bactéries
au sein du microbiote » (52). La principale caractéristique de ces constituants est leur capacité à résister aux enzymes digestives libérées par
l’estomac, le pancréas et l’intestin. Arrivant quasi intacts dans le côlon, ils sont dégradés par les enzymes de nos bactéries intestinales, au cours
de processus de fermentation. Qui sont les principaux ingrédients qualifiés de « prébiotiques » ? Les plus étudiés sont l’inuline ou certains
oligosaccharides tels que les « fructo-oligosaccharides » (abrégés « FOS »), qui se transforment en acides gras à chaîne courte, comme le butyrate,
lesquels vont alors favoriser la croissance des bifidobactéries, qu’on considère comme les principales bactéries de l’harmonie intestinale (27,
114).
Au-delà de la croissance sélective de certaines familles bactériennes, qui peut conforter l’action de probiotiques pris simultanément, les
prébiotiques exercent d’autres effets très importants, et plutôt bénéfiques. Leur dégradation favorise la présence de dérivés qui, en restaurant
l’étanchéité de la barrière intestinale, et en réprimant le passage des endotoxines, vont exercer à la fois des effets anti-inflammatoires et
modulateurs de l’insuline (19, 120). En effet, avec la prise de prébiotiques au long cours, on note une normalisation du taux d’endotoxines
mesurées dans le sang et une amélioration des marqueurs représentatifs d’un prédiabète. Or, on a vu dans le chapitre précédent à quel point ce
« prédiabète intestinal » contribuait à l’épidémie du surpoids. Avec les prébiotiques, on dispose désormais d’un moyen efficace supplémentaire
pour contrer ce processus évolutif (32, 36). Certains auteurs ont découvert que ces prébiotiques agissaient selon un second mécanisme ; ils
influent sur les voies nerveuses impliquées dans le rassasiement, ce qui contribue, à terme, à la perte de poids (90). Par ailleurs, leur ingestion
quotidienne, sur plusieurs mois, semble favoriser la croissance de la bactérie Arkemmansia mucinophila, celle qui est cent fois moins présente
dans le microbiote des obèses, comparativement à celui de sujets de poids normal (74).
Certains compléments proposés sur le marché, et testés dans le cadre d’études scientifiques (141), combinent dans la même présentation
des prébiotiques et des probiotiques. De tels mélanges ont reçu le nom de « symbiotiques ». Des publications ont établi que leur prise permettait
de faire décroître le taux de certaines bactéries potentiellement pathogènes, présentes dans notre intestin, et ainsi de limiter le risque de
perturbation immunitaire dont on sait qu’elles exercent un impact sur l’épigénèse (15). Cette association provoque également après 6 mois de
traitement, chez des patients souffrant de maladie de Crohn, la chute du taux de TNF-α. Rappelons qu’il représente un acteur de l’inflammation et
que, en phase aiguë de cette pathologie, on relève habituellement d’importantes atteintes inflammatoires de la muqueuse (129). Ce travail
démontre, par conséquent, l’effet protecteur de ces ingrédients végétaux à l’égard du tissu intestinal.

Par ailleurs, d’autres travaux ont permis de montrer que des mélanges de prébiotiques et de probiotiques permettaient également de
réduire le niveau de certains toxiques présents dans notre organisme ; dans ces études, les probiotiques apportés possédaient une action
enzymatique de détoxication complémentaire de celle du foie, alors que les prébiotiques fournis simultanément favorisaient la croissance
spécifique de ces familles bactériennes chargées de nous débarrasser des toxiques (9). On relève ainsi, dans ce contexte, une dégradation plus
importante de nitrosamines et d’autres carcinogènes, de sorte que leur effet perturbateur à l’encontre de l’épigénèse se verra fortement atténué.
Une étude japonaise vieille de 15 ans, menée auprès de rats, a montré pour sa part que la combinaison d’inuline et d’oligofructoses (comme
prébiotiques) et de L. rhamnosus et Bifodobacterium Lactis (comme probiotiques), permettait de normaliser le taux d’IgA dans l’intestin, ce qui
traduisait à la fois un meilleur contrôle immunitaire et la présence d’un microbiote harmonieux (5). Ils se sont également montrés plus efficaces
que les probiotiques ou les prébiotiques administrés isolément, pour traiter certaines pathologies hépatiques survenant en lien avec
l’hyperperméabilité intestinale (82). Au final, on comprend qu’avec les probiotiques, les prébiotiques, les psychobiotiques et les symbiotiques
nous disposons désormais d’un réel arsenal d’outils, à l’efficacité insoupçonnée pour la plupart des lecteurs, et inimaginables pour tout un
chacun avant l’an 2000. Nous allons voir maintenant qu’ils possèdent de précieux alliés, tirés de notre assiette.

Les nutriments de l’épigénèse

Le curcuma

Une épice abondamment dotée en substances bénéfiques, et aux vertus multiples, jouera un rôle majeur pour renforcer l’action des
prébiotiques ou des probiotiques. Il s’agit du curcuma. Dès qu’on se plonge dans ce sujet, on est frappé par la longueur de la liste de ses effets
déjà démontrés. Aussi, je me contenterai de mettre en exergue ceux qui résultent de son influence sur l’épigénèse, dont c’est l’un des acteurs les
plus influents (49). Notons en particulier un effet protecteur vis-à-vis des neurones, de sorte qu’on considère désormais cette plante comme un
e
élément majeur des neurosciences du XXI siècle (79). On lui reconnaît également une grande efficacité à l’encontre du développement tumoral ;
divers travaux ont en effet démontré qu’elle accroissait l’efficacité des molécules employées en chimiothérapie, tout en assurant une protection
plus efficace du foie contre l’agression provoquée par ce traitement (62). En effet, le curcuma possède la capacité à induire l’activité de certaines
enzymes hépatiques (c’est-à-dire à agir directement sur les gènes dont elles dépendent), de façon à accentuer la dégradation des toxiques, ce qui
en limite l’impact négatif sur l’épigénèse (7, 43). Dans le contexte de l’hyperperméabilité intestinale et du passage chronique d’endotoxines, il
agit à l’égal des prébiotiques ; Nyrinck et ses collègues (89) ont ainsi montré que son ingestion diminuait l’inflammation au niveau hépatique,
cette amélioration résultant d’un moindre passage des endotoxines. Combiné au zinc, il permet de limiter l’insulino-résistance, qui survient dans
le contexte de l’endotoxinose (1), comme nous l’avons vu au cours du chapitre précédent. Le curcuma possède également des vertus anti-
dépressives équivalentes à celles des médicaments habituellement proposées dans ce cadre-là (121-2). Son action repose sur de multiples
processus, anti-inflammatoire, anti-oxydant, neuro-protecteur, ou encore inducteur de la synthèse des neurotransmetteurs défaillants dans le
cadre de cette maladie (80).
Il possède encore des vertus protectrices à l’égard de la mitochondrie et agit sur les gènes dont dépendent les protéines constitutives des
jonctions serrées (137). Ainsi, il contribue également à la cicatrisation intestinale, processus qui limitera le passage de molécules perturbatrices
de l’intestin vers le cerveau (80). Enfin, il viendra soutenir l’action des probiotiques anti-candida, du fait qu’il possède la capacité à attaquer et
détruire la structure en biofilm que ce champignon constitue pour se protéger (119). En combinant son action à celle des probiotiques, il
protège l’organisme d’une réponse immunitaire inadaptée et d’une dysbiose chronique.

Le resveratrol

Cette molécule appartient à la famille chimique des phytoalexines, présentes dans un grand nombre de plantes et, en particulier, dans la
vigne. Ces composés sont produits en réponse à des agressions pathogènes, à l’exposition à des rayons ultraviolets ou à l’ozone. Dans la vigne,
ils s’accumulent dans les feuilles ainsi que dans la peau et les pépins des grains de raisin. Le resveratrol se présente comme un composé
polyphénolique de la classe des flavonoïdes, connus pour leur activité anti-oxydante. En dehors de sa synthèse au sein de la plante vivante, il se
forme à des taux nettement supérieurs au cours de la fermentation des grains de raisins, destinée à fabriquer des vins rouges (par contre, il
n’apparaît pas lors de la fabrication des vins blancs). Pour cette raison, seuls les premiers en contiennent des quantités significatives (130),
alors que le jus de raisin noir en est dépourvu. Cet ingrédient possède un tel impact favorable sur notre santé que sa seule présence gratifie le
vin rouge d’un statut flatteur. Certes, quelques auteurs ont dernièrement tenté d’en pondérer l’intérêt, arguant d’une éventuelle sous-estimation
des risques associés à la consommation d’alcool. Un tel point de vue, très minoritaire au sein de la communauté scientifique (55) remettrait en
cause les conclusions des études publiées depuis 30 ans. Or, les faits sont têtus : il est admis de manière formelle qu’une ingestion quotidienne
et modérée de vin rouge diminue le risque cardio-vasculaire et abaisse, chez ses consommateurs, la mortalité « toutes causes confondues », tout
en augmentant de 5 ans leur espérance de vie par rapport à la population générale ou aux abstinents (132). Cet effet favorable résulte en
grande partie de la grande facilité du resveratrol à se solubiliser dans l’alcool.

Le resveratrol constitue un acteur clef de l’épinutrition. Il protège la mitochondrie des atteintes oxydatives, liées aux facteurs
environnementaux (pollution, infections, exercice), et en permet même la multiplication au cœur des cellules musculaires, ce qui contribue à
une aptitude optimale à répondre à l’exercice (30). Son action ne s’arrête pas là ; on a vu que, lors d’une dysbiose chronique, l’inflammation du
tissu adipeux pouvait faire suite à l’hyperperméabilité intestinale. Or, une étude néerlandaise a établi que le resveratrol diminuait l’inflammation
du tissu adipeux (96). Ce bénéfice repose principalement sur des mécanismes épigénétiques. L’aptitude du resveratrol à garantir le bon
déroulement de ces derniers explique qu’il présente un rôle protecteur à l’encontre du cancer de la prostate en particulier (75), et de tous les
autres de manière plus globale (63). Son association à la curcumine fait même l’objet d’essais thérapeutiques (98), c’est dire à quel point on les
prend désormais au sérieux ! Le resveratrol exerce également des effets anti-oxydants et anti-inflammatoires, notamment en modulant
l’expression des gènes dont dépendent les cytokines pro-inflammatoires et les enzymes anti-oxydantes (46). Rien d’étonnant, dès lors, à ce
qu’une multitude de travaux soient parus ces dernières années, montrant les bénéfices thérapeutiques potentiels de cette molécule et, plus
globalement, de l’ensemble des polyphénols tirés des fruits (46).

Très récemment, une étude a établi les bénéfices que le resveratrol exerçait en faveur des cellules cérébrales conduisant à une baisse,
chez l’animal, de manifestations d’anxiété (81). Ce n’est pas tout ; la prise de resveratrol, combinée là encore au curcuma, influe non seulement
sur le profil de cytokines libérées au sein de notre écosystème intestinal, en diminuant le climat « pro-inflammatoire », mais elle module
également la composition du microbiote en favorisant la croissance de lactobacilles et de bifidobactéries, ce qui va dans le sens d’une meilleure
harmonie immunitaire et d’une moindre inflammation (11). De telles propriétés ont conduit certains auteurs à évoquer, à propos de telles
molécules, dotées à la fois d’effets prébiotiques (par la croissance sélective de certaines souches bactériennes) et anti-oxydantes, le concept de
« cobiotique » (126). Toujours est-il que, grâce à une telle intervention, encore mal connue au sein du monde médical, on peut se constituer un
microbiote caractéristique à la fois d’un buveur de vin et d’un centenaire. En tout cas, ces molécules agissent aussi bien sur nos gènes que sur
ceux de nos bactéries. Il s’agit vraiment d’une nouvelle vision de notre alimentation !

Notons encore une autre propriété attribuée au resveratrol ; j’ai souligné précédemment, dans cet ouvrage, que les perturbations de
l’insuline figuraient au premier rang des conséquences liées à l’hyper perméabilité intestinale. J’ai d’ailleurs détaillé dans le chapitre précédent
une série statistique montrant le lien étroit existant entre prédiabète, insulino-résistance et dysbiose, avec l’endotoxinose en toile de fond. Or,
des travaux parus cette année montrent que, comparativement à un placebo, le resveratrol améliore les perturbations de l’insuline par un
mécanisme reposant sur l’inhibition des endotoxines (6). Là encore, l’essentiel de son action passe par modulation de l’épigénèse.

On voit donc bien que le resveratrol constitue une molécule prometteuse, essentielle à une épigénèse de qualité, qui peut conforter
l’action régulatrice et modulatrice des probiotiques et des prébiotiques.

Les molécules inclassables alliées de notre épigénèse

Un grand nombre d’ingrédients nutritionnels (pour lesquels aucune recommandation officielle n’existe) interviennent de manière
extrêmement efficace sur l’expression de nos gènes. Il ne s’agit donc ni de minéraux, ni de vitamines ni d’oligo-éléments et ils font bouger les
concepts de la nutrition préventive par la place croissante qu’on doit leur accorder. Combien en faut-il, où les trouve-t-on ? Ce domaine recèle
encore lien des zones d’ombres, mais s’avèrent extrêmement prometteurs. On les qualifie, globalement de « phytonutriments » ou de « nutriments
de l’épigénèse », susceptibles, par leur présence, de contribuer à un état de santé optimal. Dans les lignes qui suivent, je vais évoquer les plus
étudiés et les plus influents d’entre eux.

Commençons par la grenade. À l’égal du resveratrol ou de la curcumine, dont j’ai indiqué précédemment qu’ils pouvaient favoriser la
croissance de certaines espèces bactériennes, certains extraits de ce fruit, notamment les « punicalagines », se montrent les alliés de familles
bactériennes caractéristiques, provenant des groupes « bifidobactéries » et « lactobacilles ». Cette particularité leur permet de renforcer le
25
contrôle de l’inflammation au niveau de notre microbiote (12) et de conférer à ce fruit méditerranéen le statut de « cobiotique ». D’autres
atouts caractérisent la grenade ; ainsi peut-elle, par son aptitude à moduler favorablement l’expression des gènes, empêcher des anomalies dans
la lecture des programmes génétiques, et ainsi protéger du cancer notamment, comme des études l’ont établie, celui de la prostate (123). Enfin,
l’acide ellagique dont elle constitue la meilleure source, exerce un effet anti-inflammatoire et anti-oxydant qui a favorisé la popularité de son jus,
notamment dans la prévention du cancer (138).

D’autres fruits partagent, avec la grenade, l’aptitude à se comporter comme des garants d’une bonne épigénèse; celui qui a donné lieu au
plus grand nombre de publications, l’auriez-vous deviné, est la myrtille. En effet, cette baie délicate, à la cueillette éphémère, se montre une
actrice efficace de l’épinutrition. Une revue de synthèse publiée en 2011 a ainsi confirmé son intérêt dans la prise en charge des maladies neuro-
dégénératives, son intervention reposant à la fois sur ses capacités anti-oxydantes et sur son aptitude à régénérer les neurones endommagés
(51). Un travail paru un an plus tard dans une revue de gérontologie a confirmé l’intérêt de ce fruit dans la prévention des maladies neuro-
dégénératives (125). Simultanément, cette baie forestière a fait l’objet d’une expérience au cours de laquelle il fut établi qu’elle exerçait un effet
modulateur de l’épigénèse, ce qui protégeait de la survenue de tumeurs mammaires hormono-dépendantes. Dans le cadre de ce travail, la
framboise montra des effets similaires, et les deux baies associées renforçaient mutuellement leurs actions (109). Notons qu’un autre fruit
estival partage cette action préventive ; la fraise a en effet montré son effet anti-cancer sur un modèle animal de cancer du sein (127, 131).

Ces études récentes ont sans doute de quoi inciter un bon nombre d’entre nous à en manger toute l’année... ce qui constitue sans doute
une erreur. Pour le comprendre, revenons au cœur du problème de l’épigénèse. J’ai relevé en plusieurs parties de cet ouvrage que, parmi ses
perturbateurs potentiels, il fallait tenir compte de la pollution. Quel rapport avec les framboises et les myrtilles ? Il existe à deux niveaux ; d’une
part par l’intermédiaire des produits chimiques délivrés par les aliments issus de l’agriculture conventionnelle, et dont l’impact sanitaire est de
mieux en mieux évalué (voir le paragraphe suivant). D’autre part en raison d’un paramètre rarement pris en compte dans l’effet de nos aliments
sur nos gènes, celui de la pollution liée à l’assemblage et au transport de denrées, notamment pour les acheminer sur notre territoire en dehors
de la saison où ils poussent habituellement (voir l’encadré 15). Consommer des végétaux plutôt « bio », issus de productions locales, acheminés
par des circuits courts, en respectant leur saisonnalité, s’impose comme la démarche la plus cohérente. Il ne faudrait pas, en effet, que le bénéfice
potentiel tiré de la consommation quotidienne de myrtilles, de fraises et de framboises soit annihilé par l’effet défavorable des pesticides et de la
pollution liée à leur transport. Or, à cause de l’industrialisation croissante de l’agriculture actuelle, et des attentes croissantes d’un public
désireux de trouver n’importe quel aliment à tout moment de l’année, la balance ne penche pas toujours du côté des vertus nutritionnelles de ces
fruits !

Encadré 15 : L’impact du transport sur l’épigénèse.

Les anglophones utilisent la notion de « food miles ». Les francophones parlent plutôt de « k ilomètres alimentaires ». Le concept
est né dans les années ’90, à une époque où on a peu à peu pris conscience des conséquences de la mondialisation sur le mode
d’alimentation et indirectement sur notre santé. Les traditionnels menus à base de pommes de terre et viande bovine qui nourrissaient nos
grands-parents dans les années 1960 avaient déjà cédé la place à un tas de légumes et fruits exotiques venus de l’autre bout du monde
douze mois sur douze. Face à cette nouvelle tendance on a commencé à se poser de pertinentes questions, notamment celle-ci :
combien pèsent sur l’environnement tous ces aliments venus d’ailleurs ? Quelques scientifiques tentèrent alors d’évaluer tout le pétrole
dépensé pour l’acheminement de chacune de ces nouvelles denrées, afin de se faire une idée plus précise de son impact. Le calcul
semblait simple. Il suffisait en effet de mesurer la quantité de rejets de gaz carbonique causés par le voyage d’une tonne d’aliments sur
une distance d’un kilomètre en tenant évidemment compte du poids, du conditionnement et du type de transport utilisé, c’est-à-dire entre
10 et 15 grammes de CO2 par tonne-kilomètre pour le navire, de 19 à 41 grammes pour le train, de 210 à 1430 tonnes pour le camion et de
673 à 867 pour l’avion 26 ! On parvient ainsi à situer assez facilement les denrées sur une échelle de pollution. Prenons par exemple une
bouteille de vin. Si elle est originaire d’un pays d’Amérique du Sud, elle affichera 120 grammes de CO2 de plus qu’une bouteille de vin
français. La différence atteint cinq kilogrammes si le vin est transporté par avion. Avec ce type de raisonnement, on pointait les légumes et
fruits exotiques comme étant les plus mauvais élèves. Étant donné leur fragilité, leur transport se fait systématiquement par charters au
détriment des voyages en bateaux cargos qui eux impliquent plusieurs mois de traversée. Cette réalité devra rester présente dans notre
esprit au moment de composer nos menus, en particulier lorsque la tentation d’y intégrer des fruits exotiques anti-cancer prometteurs se
ferait trop grande.

Les vertus épinutritionnelles des fruits et légumes

Nul besoin de venir de loin pour favoriser l’épigénèse. Certains des acteurs les plus performants de l’épinutrition poussent depuis
longtemps sous nos latitudes, à commencer par l’ail. Indépendamment de ses vertus reconnues sur l’hypertension artérielle (113), ce végétal
possède des propriétés antiseptiques qui peuvent aider à combattre certaines infections digestives (55). Une partie de cet effet résulte de la
présence de molécules soufrées, dont les vertus ne s’arrêtent pas au registre cardio-vasculaires, puisque certaines d’entre elles, en exerçant des
effets anti-inflammatoires, anti-oxydants et modulateurs de l’épigénèse, améliorent l’efficacité des mécanismes de défense anti-cancer (20, 87).
Une expérience récente a également démontré que cette plante accroissait l’aptitude du foie à dégrader certains composés potentiellement
cancérigènes, ce qui permettait de réduire le niveau d’exposition de notre organisme à ces perturbateurs de l’épigénèse (145). Ces qualités
compensent bien les désagréments que son ingestion peut parfois nous valoir sur le plan digestif ! La même nuance concerne un autre légume
souvent incriminé dans les dyspepsies : l’oignon. Par sa richesse record en quercetine, il exerce des effets préventifs à l’encontre de l’obésité. Le
mécanisme en jeu fait appel à un contrôle exercé à l’encontre des préadipocytes (les cellules adipeuses de demain), en évitant qu’elles se
différencient et viennent grossir le rang de celles qui stockent les graisses (85). Les extraits d’oignon induisent également l’expression de gènes
dont la transcription renforce les défenses anti-oxydantes (31). Ainsi, par cette modulation épigénétique, ce légume contribue-t-il sans doute en
partie au rôle protecteur du régime méditerranéen.
Guère moins appréciés de notre tube digestif, les crucifères figurent également parmi les aliments de terroir à privilégier. Certains de
leurs dérivés peuvent en effet influer favorablement sur l’épigénèse (139) ce qui contribue en partie à expliquer les vertus anti-cancer qu’on
attribue à cette catégorie de légumes (2, 139). À ceci s’ajoute une action anti-oxydante et un effet direct sur le foie, qui pourra dégrader
davantage de composés toxiques, leur évitant ainsi de s’accumuler. Dans le cas contraire, ils provoqueraient des anomalies de l’épigénèse et
favoriseraient les tumeurs ou les pathologies inflammatoires (134). Le brocoli et le chou de Bruxelles, s’avèrent, par ordre décroissant, les deux
représentants les plus performants de cette famille de végétaux (35).

Quoi de plus banal qu’un verre de jus de fruit le matin ou un jet de citron sur un filet de poisson ? Bien plus qu’une simple ingestion de
vitamine C, ces deux gestes assurent à notre organisme un apport adéquat en molécules moins connues, mais pas moins bénéfiques, telles que
l’auraptène du citron, qui protège les neurones de l’inflammation et de la dégénérescence (94), ou les limonoïdes, aux effets anti-prolifératifs et
anti-cancer reconnus (108). Ils ont en particulier fait l’objet de recherches dans le cadre des neuroblastomes humains ou de certains cancers du
côlon.

« Une pomme par jour éloigne le médecin... à condition de bien viser ! » lâchait non sans humour Franklin Roosevelt, dont on devine qu’il
n’appréciait pas plus que cela ce fruit. Et pourtant ! Sa peau (qu’il ne faut pas enlever avant de consommer le fruit) possède des vertus anti-
cancer (110), alors que le fruit en entier, ou son jus exercent une action modulatrice de l’épigénèse (50). La liste des végétaux utiles est longue
et son énoncé pourrait vite devenir fastidieux. Je me contenterais donc de citer encore quelques aliments, partageant leur rôle épinutritionnel et
une place de choix dans une approche épicurienne de l’alimentation... l’une n’allant souvent pas sans l’autre. Mentionnons ainsi le thé vert, dont
la théanine permet de maintenir les défenses anti-cancer (133) ou dont les tannins possèdent des vertus anti-inflammatoires et anti-tumorales
très bien documentées (44, 97, 102). Le thé vert permet également de restaurer l’étanchéité de la muqueuse, ce qui en fait un nutriment
précieux pour combattre les conséquences de l’hyperperméabilité intestinale (142). Évoquons encore l’avocat, aussi efficace pour combattre le
cancer que fustigé – à tort – en nutrition orthodoxe, en raison de sa richesse en graisses, caractéristique supposée défavorable (38, 100). Son
seul inconvénient, comme pour les baies de goji (128), l’ananas ou le maitake, ce champignon doté de propriétés anti-cancer désormais
appliquées en médecine (2), c’est l’impact environnemental causé par leur acheminement jusque chez nous. Il faut alors évaluer les avantages et
les inconvénients liés à leur utilisation, à la lumière, par exemple, des vertus anti-inflammatoires et cardio-protectrices que présente la
bromélaïne de l’ananas (54, 68) malgré les répercussions écologiques liées à son transport ou le rôle préventif associé à la prise de baies de goji
à l’encontre de la dégénérescence pigmentaire (128).

Concluons ce paragraphe avec le cacao, doté d’effets bénéfiques sur les cellules immunitaires (72), la betterave, qui renforce les vertus
détoxicantes du foie (143), les lentilles, dotées de vertus anti-cancer ignorées du plus grand nombre (42), ou l’effet protecteur du kiwi, qui
limite l’oxydation de l’ADN et, de ce fait, prévient les aberrations pouvant concerner l’épigénèse (23).

Outre les vertus des aliments, évoquons celles de certaines plantes, utilisées comme épices ou comme substances curatives. De récentes
publications relèvent en effet que certaines d’entre elles se montraient capables de moduler les processus épigénétiques, le stress oxydant, et par
ces caractéristiques parvenaient à prévenir le déclin cognitif ou certaines pathologies telles que les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer (28).
Parmi la soixantaine d’espèces testées, les plus prometteuses sont les suivantes : le ginseng, la réglisse, le gingko biloba et le safran. Ce dernier
présente un spectre d’applications potentielles tout à fait impressionnant ; ainsi, il se trouve également proposé dans la prise en charge de
l’anxiété, grâce à sa capacité à moduler l’expression de la synthèse de certains neurotransmetteurs, ou de la schizophrénie (106). Ce n’est pas
tout, cette plante présente une grande richesse en molécules protectrices et, pour cette raison, elle a récemment fait l’objet d’essais cliniques en
cancérologie, où elle semble déjà donner des résultats prometteurs (3). Toujours est-il que la liste de végétaux potentiellement actifs, dotés de
vertus épinutritionelles, devrait encore s’allonger ces prochaines années...
Notre assiette, nos jardins, nos bois et nos campagnes recèlent donc d’innombrables richesses. Certes, mais ces ingrédients se trouvent,
tout autant que nous, soumis à des agressions environnementales qui, par une éventuelle persistance dans l’eau, l’air ou les sols, pourraient
exercer leurs potentialités toxiques à notre encontre. En 2017, évoquer les qualités nutritionnelles d’un aliment et occulter les risques éventuels
attachés à sa consommation témoigne d’une méconnaissance réelle de la situation sanitaire actuelle. Hélas, n’importe quel constituant de notre
ration peut délivrer des polluants. Cela mérite qu’on soulève un dernier point. Au-delà des peurs et des rumeurs, que sait-on vraiment de
l’impact toxicologique de notre assiette ?

« Bio » ou pas bio ?

Un monde sans polluant s’avère aussi illusoire (et inutile) qu’un monde sans microbe. Beaucoup de personnes dressent pourtant le
procès des aliments « bio », sous le prétexte que certains (on ne sait jamais lesquels...) renfermeraient encore des toxiques, et que par
conséquent leur label se révèlerait alors mensonger et injustifié. Ont-ils raison ? À l’origine, cette démarche visait à caractériser les modes de
culture qui n’agressaient pas les sols. L’impact bénéfique de cette filière sur la santé humaine ne se dessinait, étonnamment, qu’en seconde
intention. Il en va différemment aujourd’hui, ce label certifiant dorénavant des denrées délivrant le minimum de toxiques possibles et ayant été
obtenues, par ailleurs, par le biais de techniques et de méthodes respectueuses de cahiers des charges contraignants et scrupuleux. Dans ce
cadre-là, les aliments obtenus avec cette filière doivent présenter des taux de toxiques inférieurs à des normes fixées par la réglementation. La
plupart s’y astreignent sans faute. Seuls quelques produits affectés de ce label sortent du cadre, et incitent d’aucuns à douter de l’intérêt du
« bio » en général. Personne, par contre, ne remet en cause la réalité suivante : les aliments issus de l’agriculture conventionnelle contiennent à
coup sûr des polluants organiques. Ce n’est pas pour autant qu’on trouvera un individu qui dénoncerait cette réalité. Avez-vous déjà entendu,
lors d’une conversation, quelqu’un lancer : « C’est une honte, les aliments non « bio » renferment des toxiques qui nous portent préjudice » ? Or,
en dépit de ce silence pudique, de récentes publications établissent clairement l’ampleur de ce problème... au point que la vision orthodoxe de
l’aliment, considéré jusque alors comme la source d’une somme de nutriments divers et variés, doit céder la place à celle plus moderne d’un
aliment apportant des substances nutritives, mais aussi des vecteurs de toxiques et des allergènes potentiels. Par exemple, en avalant du
saumon, on ingère peut-être des « oméga 3 », on risque d’avaler du mercure et on peut déclencher une allergie au poisson. De quoi s’étouffer
avec une arête ! De ce fait, envisager des conseils universels dans un contexte de « santé publique » se montrera forcément limité et restrictif,
dans la mesure où ni le niveau de toxiques d’un aliment particulier, ni son impact immunitaire chez un sujet donné, ne sont prévisibles a priori
et varient fortement d’un individu à l’autre. Ainsi, dans ce cadre institutionnel, la problématique des « allergies alimentaires » a été posée d’une
façon très schématique, discutée dans le chapitre précédent, et a donné naissance à un discours parfois caricatural, fustigeant de manière
systématique le gluten et les laitages, ou au contraire réfutant toute référence à de possibles hypersensibilités. Cela a permis d’entendre des
slogans aussi opposés que : « les produits laitiers nos amis pour la vie » ou « le lait, une sacrée vacherie », aucun des deux ne reflétant la réalité. On
a vu que cette vision rend mal compte de la complexité de la réalité.

En ce qui concerne la toxicologie alimentaire, bien qu’il existât des données concrètes, le public, sur cette question, reste pourtant dans
le flou artistique le plus total. Des peurs alimentaires en découlent, par exemple celle des poissons qui nous intoxiqueraient aux métaux lourds,
celle des viandes nourries aux antibiotiques, ou encore celle des fraises d’Espagne qui « donneraient » le cancer, pour en citer quelques-unes. À
les prendre au pied de la lettre, et à vouloir éviter tout aliment potentiellement suspect, ne risquerait-on pas, pour finir, par mourir de faim en
bonne santé ? Le public désorienté, risque donc de choisir entre deux options, celle du déni, et manger de tout, ou celle de la prudence, et se
méfier de tout, et de rejeter au fil du temps de plus en plus d’aliments communs. À ceci s’ajoute un autre paramètre qui ne contribue pas à nous
aider : la simple comparaison qu’on pourrait dresser entre la teneur en toxiques des végétaux issus de l’agriculture conventionnelle et ceux
provenant de la filière « bio », ne doit pas seulement opposer les teneurs des toxiques ou les richesses nutritionnelles des uns aux autres. En
effet, lorsqu’on produit des aliments conventionnels, les toxiques employés se retrouvent non seulement sur l’aliment testé, mais diffusent
également dans les sols, l’eau et l’air, de sorte que les dégâts subis avec les modes de culture faisant appel à un usage extensif de substances
chimiques, vont bien au-delà du seul aliment considéré. Ainsi, les répercussions liées à l’usage de pesticides sur les légumes ou la vigne doivent
également intégrer la toxicité potentielle des laitages, du vin, et de l’ensemble de la chaîne alimentaire. Or cette réflexion globale est rarement
menée. L’évaluation, et les comparaisons entre « bio » et non « bio » se montrent donc plus complexes qu’on ne le croit. Malgré ces réserves et
ces limites, que peut-on dire, en 2017, des données disponibles sur l’impact des polluants alimentaires ?

En 2008, une étude néerlandaise a évalué le risque cumulé liée à l’exposition aux insecticides et aux produits organophosphorés, et il en
est ressorti que les fruits et légumes cultivés aux Pays Bas délivraient des quantités de toxiques parfois très proches des seuils de toxicité (14).
Les tomates issues de l’agriculture conventionnelle délivrent, pour leur part, une quantité de pesticides pouvant- à terme- porter préjudice à
leurs consommateurs réguliers (69, 103) surtout s’ils venaient à en consommer toute l’année. Une publication plus ancienne a démontré, quant
à elle, que les pulpes, et plus encore le jus des carottes et des tomates élaboré chez soi, assuraient un apport significatif de pesticides, au point
que la prise de deux verres quotidiens puisse, dans certains cas, apporter une quantité de pesticides supérieure au seuil de toxicité (17). Quant
au thé vert de Chine cultivé de manière conventionnelle (c’est-à-dire intensive), théoriquement doté de vertus essentielles pour notre santé, il
nous apporte en contrepartie une quantité excessive de pesticides, et ce dès la seconde tasse quotidienne (45). Préfèrerait-on acheter du café ou
du thé « bio » et le préparer chez soi en toute tranquillité ? Selon le mode de préparation, notamment avec l’usage de capsules individuelles, ces
breuvages peuvent assurer un apport en aluminium susceptible, au fil des années, de porter préjudice à nos cellules et de déclencher des
troubles de l’épigénèse (48) 27. Au final, force est d’admettre que, malgré des données encore parcellaires sur cette question, la prédilection
portée aux produits « bio », ou à des produits locaux issus de circuits courts et « raisonnés », permettrait de réduire l’exposition aux toxiques et
les agressions subies par les sols, tout en garantissant un meilleur déroulement des processus épigénétiques. En conclusion de ce paragraphe, la
plus-value du « bio » s’avère indéniable... mais un accès démocratique à cette catégorie de produit n’est pas encore garanti. Il nécessiterait
d’insuffler une politique agricole et économique déterminée, garantissant un accès facile de l’ensemble de la population à des aliments, à un air,
à de l’eau et à des sols plus sains. Nous en sommes encore loin, et à l’approche d’une campagne présidentielle très disputée, ce débat reste hélas
anecdotique et en marge des sujets centraux qui tournent notamment autour des préoccupations économiques, avec lesquelles un projet de
réforme prudent, s’inscrivant dans la durée, ne peut guère cohabiter. Ce constat n’incite pas à l’optimisme, en ce qui concerne la santé des
générations futures.

Le glucose : un acteur de l’épigénèse à l’effort

Jusqu’à la fin du XX e siècle personne, dans le monde de la nutrition du sport, n’aurait imaginé attribuer au glucose un autre rôle que celui
de « carburant ». Or, en 2017, cette molécule peut intervenir, à l’égal de celles évoquées précédemment dans ce chapitre, comme modulateur de
l’épigénèse. Cette particularité, développée ci-dessous, ouvre d’importantes perspectives. En effet, quel peut être l’impact d’une baisse de la
disponibilité cellulaire en glucose sur les processus épigénétiques ? Plus précisément, que peut-il se passer au niveau de la lecture de nos gènes
en cas de privation glucidique ponctuelle – comme lors d’un effort soutenu – ou durable, avec une ration pauvre en glucides, une quantité
d’entraînement élevée, ou les deux ? De récents travaux suggèrent qu’une telle situation peut influer de manière très défavorable sur la vie de
nos cellules et sur l’ensemble des systèmes biologiques. Voyons cela...

La place des glucides

Depuis le début des années ’70, on conseille aux sportifs, notamment dans les disciplines d’endurance, de disposer de réserves de
glycogène optimales. Ces stocks musculaires de glucides sont essentiellement utilisés dans le contexte d’efforts intenses et relativement longs,
pour lesquels ils constituent un facteur limitant, compte tenu de a taille restreinte des réserves à notre disposition. L’oxydation des glucides est
celle qui, par unité de temps, délivre le plus d’ATP à nos cellules, et tout autre substrat ne permet pas d’assurer un même débit d’énergie, ce qui
permet de comprendre que ces nutriments constituent une source d’énergie irremplaçable dans toutes les situations où l’effort atteint des
intensités proches du maxima (107, 111). Vitesse d’utilisation élevée, réserves limitées, ces deux particularités expliquent que lors d’efforts
intenses, à un moment donné, on puisse manquer de ce précieux carburant. De plus, la quantité de glucides oxydés par unité de temps n’est pas
constante. Comme si la vitesse maximale de votre véhicule chutait à mesure que le réservoir se vidait, la production d’énergie liée à l’oxydation
des glucides se réduit dès lors que les réserves baissent (111). Ainsi, dès que l’effort se prolonge ou si les réserves initiales sont insuffisantes, la
production d’énergie, et donc l’intensité de l’effort soutenu, chutent. Cela peut affecter le niveau de performance atteint. Dans ce contexte
physiologique reconnu, qui met en évidence l’utilité des apports glucidiques en vue d’efforts intenses, on voit émerger une tendance
radicalement différente, celles de rations délibérément appauvries en glucides, et qu’on désigne avec le néologisme anglais « low carb » (de
« low » désignant « bas » et « carb » pour « hydrates de carbone », l’autre nom chimique des glucides). Alors, quel intérêt peut bien présenter cette
approche consistant à faire accomplir certaines séances d’entraînement dans un contexte de privation glucidique volontaire ? Soyons clair ; Ce
modèle ne correspond pas forcément à une situation caricaturale d’une alimentation telle que la « paleo diet », où on exclut tout produit
céréalier, et où le seul apport glucidique est assuré par l’ingestion de fruits et légumes, ce qui rendrait impossible la réalisation d’efforts
paroxystiques. Il ne s’agit pas de cela. L’intérêt pour cette approche réside ailleurs ; en fait, l’enjeu de l’entraînement sans réserves de glucides
vise à favoriser durablement certaines adaptations utiles au sein de nos tissus, et ainsi à optimiser la performance 28 .

Abondamment étudié, grâce aux progrès réalisés dans le génie biologique, cette nouvelle démarche apparaît – d’après les dernières
publications lui ayant été consacrées – propice à certains phénomènes épigénétiques, des modifications du taux de certains microRNA ayant été
observées immédiatement après l’accomplissement de séances « low carb » (8). Ces changements biologiques suggèrent que des processus de
transcription de gènes surviennent, et il paraît logique de considérer que ceux qui sont concernés par ce processus gouvernent certaines voies
métaboliques. Cela donne-t-il pour autant du crédit à cette approche ? Rien n’est certain. En effet, l’impact de l’entraînement ne peut exister que
dans la mesure où ces phénomènes épigénétiques, temporaires et réitérées après chaque séance similaire, finissent par provoquer des
changements durables au cœur du muscle. La recherche de telles modifications fonctionnelles et structurelles a servi de moteur à de nombreuses
études, et ce depuis plus de 40 ans. Ainsi, au milieu des années ’70, des biopsies musculaires avaient-elles permis de démontrer qu’au terme d’un
programme d’entraînement en endurance mené sur plusieurs mois on mesurait, dans chaque fibre musculaire des volontaires ayant pris part aux
études, à la fois une plus grande quantité d’enzymes, et une activité accrue chez chacune d’elles (57). De telles mesures étant désormais
abandonnées au profit de la seule évaluation des taux de microRNA, nul ne peut affirmer que les processus épigénétiques décrits en post-effort
de manière transitoire s’accompagnent d’effets durables et significatifs au cœur du muscle. Par conséquent, même si ces événements biologiques
observés en post-effort rendent intéressante – en théorie – l’introduction dans la préparation des athlètes de certaines séances entreprises en
état de manque glucidique, il n’en reste pas moins vrai que des règles de prudence s’imposeraient au moment de leur mise en œuvre. Elles
porteraient notamment sur le niveau d’intensité et la durée de ces sessions. Mais celles-ci respectées, selon certains spécialistes, des adaptations
surviendraient alors (8). Révolutionnent-elles l’approche de l’entraînement moderne ? Sans doute que non ; leur influence ne s’avère pas
supérieure à celles liées à l’impact d’un travail intense, effectué avec une disponibilité optimale en glucides. Autrement dit, les « vieilles
recettes » délivrées par la physiologie des années ’70 et ’80 ont encore de beaux jours devant elles...

Glucides à l’effort et épigénèse de l’inflammation :

Au-delà du débat portant sur les avantages comparés des différentes modalités d’entraînement (opposant le travail intense accompli avec
des glucides aux séances d’intensité modérée accomplies en privation glucidique), on doit élargir notre réflexion sur l’impact épigénétique de ces
adaptations physiologiques. En effet, on ne peut pas considérer que le changement de l’expression de certains ARN messagers d’enzymes
musculaires résulte de ces seuls paramètres. Ainsi, d’autres conséquences résultent, à terme, d’un défaut de glucides dans la cellule, et les
répercussions immunitaires, inflammatoires oxydatives ou métaboliques qui s’ensuivent peuvent annuler, voire surpasser, les bénéfices attendus
de ces séances difficiles à réaliser. La figure 27 récapitule les facteurs épigénétiques qui peuvent engendrer une désadaptation progressive des
athlètes concernés.

La première publication décrivant un impact du glucose sur l’expression des gènes a concerné l’évolution de la synthèse d’une cytokine
pro-inflammatoire, l’interleukine-6 (IL-6) au cours d’un marathon, en fonction de la baisse progressive des réserves de glycogène au sein des
muscles (voir la figure 25) (71). Le graphique qui y figure décrit les résultats de cette expérience qui a consisté à mesurer simultanément, en
plusieurs points du parcours, le taux de glycogène (par biopsies musculaires) et le taux d’IL-6, dont une grande part est fabriquée dans le
muscle. À mesure que les réserves de glycogène chutent, les fibres génèrent un état d’alerte, qui passe par la libération de cette cytokine. Son
taux augmente de manière exponentielle dès lors que les réserves franchissent une valeur seuil. Simultanément, l’état d’inconfort perçu donne au
coureur l’impression de « cogner le mur », pour reprendre la célèbre expression en vigueur dans le monde des marathoniens. En même temps, les
processus inflammatoires augmentent. La durée de cette inflammation et l’impact de la répétition de ces efforts amènent à s’interroger sur la
possible responsabilité de cette dépense énergétique « excessive » sur la persistance d’un état inflammatoire ou celle de dysfonctionnements
immunitaires, si fréquents chez les athlètes. Cela peut également favoriser, à terme, l’instauration d’un état oxydatif chronique, dont on a vu les
conséquences sur l’expression de l’épigénèse.

Figure 25. Chute du glycogène à l’effort et réponse pro-inflammatoire


(d’après Keller et Coll- 71).

En gris clair, l’élévation du taux d’IL6, en sombre, le niveau de glycogène musculaire. L’échelle choisie rend mal compte de l’effondrement des stocks de
glucides qui, sur ce schéma, survient autour du 30e km, précisément en même temps que la flambée inflammatoire décrite par le trait supérieur de ce
graphique.

Le phénomène ne s’arrête pas là ; en effet, la libération répétée d’IL-6 et du TNF-α, conduit à une surexpression d’une hormone impliquée
dans le contrôle du métabolisme du fer. Celle-ci se nomme l’hepcidine (92, 104). La découverte de cette hormone est relativement récente (elle
remonte au début de ce siècle). En cas de mutation sur son gène, l’hormone n’est plus fabriquée, et le fer s’accumule de manière excessive dans
l’organisme. On développe alors une maladie assez répandue qui se nomme l’hémochromatose. En 2000, le contexte médical, influencé par la
dictature du gène (déjà évoquée dans ce livre) privilégiait une vision du monde qui amenait à considérer seulement deux cas distincts. Soit
l’organisme produisait l’hepcidine, soit le gène était muté et l’hormone faisait défaut. Il ne semblait pas pouvoir exister de situation
« intermédiaire » et adaptable. Or, les publications parues par la suite ont conduit à nuancer cette vision. En effet, le gène de l’hepcidine peut
bénéficier d’une modulation sous l’influence de plusieurs facteurs, notamment en présence d’une élévation de l’IL-6. Autrement dit, un état
inflammatoire chronique, un déficit glucidique récurrent, avec un cumul de séances accomplies dans un état métabolique inapproprié, finissent
par accentuer la synthèse de cette hormone ce qui provoque, in fine, une moindre assimilation du fer. Un déficit peut alors apparaître,
provoquant une chute des aptitudes physiologiques. Un tel phénomène, dans ce contexte, résiste à toute tentative de complémentation, puisque
son origine se situe au niveau de l’expression de l’hepcidine et ne résulte pas forcément ni exclusivement d’un défaut d’apport ou de pertes
excessives.

Ces liens étroits entre mobilisation des glucides, inflammation, synthèse de l’hepcidine et métabolisme du fer amènent à considérer que,
finalement, une charge de travail inappropriée et des apports énergétiques insuffisants constituent les causes (souvent méconnues) des déficits
chroniques en fer qui se montrent rebelles à toute complémentation. Cette constatation en amène une autre : sans réforme profonde de
l’approche de l’entraînement, de l’équilibre entre la charge de travail et le repos, ni remise en cause du contenu de l’assiette, il ne sera pas
possible de restaurer un statut en fer satisfaisant. Paradoxalement, la justesse des apports glucidiques en cours d’activité ne comptera pas parmi
les facteurs les moins déterminants. Or, à ce jour, il figure pourtant parmi les plus négligés, notamment chez les plus jeunes.

Figure 26. Évolution du taux d’IL-6 et d’hepcidine à l’effort (d’après 115).

On constate qu’à mesure que l’IL-6 s’élève dans le sang, en provenance des tissus sollicités par les processus métaboliques (il s’agit principalement des
muscles), celui de l’hepcidine s’élève de manière comparable. Cette évolution résulte de l’action épigénétique directe de l’IL-6 sur le gène de l’hepcidine.
Certains processus inflammatoires ou divers agents infectieux, responsables d’une élévation de l’IL-6 peuvent, en raison de ce mécanisme, conduire à
terme à une baisse de l’assimilation du fer et à un déficit en cet élément. L’une des conséquences en sera une chute de l’immunité, ce qui favorisera alors
l’instauration d’un véritable cercle vicieux immunitaire.

La synthèse accrue de cette hormone a une autre conséquence ; elle provoque une chute de la disponibilité en O2 de la cellule, et conduit
de ce fait à un ajustement métabolique qui conduit à consommer davantage de glucides à des niveaux d’intensité relative moindres (comme en
altitude). Il en reste alors encore moins pour assurer des rôles fonctionnels annexes, tels que, par exemple, la défense anti-oxydante ou la
synthèse du coenzyme Q10, ce qui, en diminuant l’aptitude des tissus à utiliser l’oxygène, va accentuer le phénomène.

En conclusion, on peut remettre en perspective les conséquences métaboliques et épigénétiques d’une privation glucidique chronique sur
le fonctionnement de l’organisme. Rappelons encore une fois que cette tendance récente ne résulte pas forcément de l’adoption d’une
alimentation « low carb » pour reprendre l’anglicisme « tendance ». On la rencontre plus sûrement en cas de déséquilibre chronique entre les
réserves de glycogène disponibles (constituées à partir des glucides alimentaires mis en réserve lors des phases de repos) et l’importance des
sollicitations athlétiques intenses qui mobilisent ces réserves. Ainsi, un triathlète qui mange des pâtes à chaque repas, mais effectue de 15 à
20 heures d’entraînement par semaine, peut se trouver dans cette situation biologique impropre à des réponses adaptatives, et ce sans qu’il s’en
rende compte le moins du monde. D’un point de vue plus « philosophique », c’est le concept-même d’un entraînement construit sur de gros
volumes horaires qui favorise le plus cet état de manque glucidique ; ainsi, c’est le dogme du sport de haut niveau, avec son approche fondée sur
l’expression triviale : « no pain, no gain! », qui porte en lui-même les points faibles qui préparent aux échecs. La figure ci-dessous détaille les
mécanismes en jeu dans cet état qui conduit progressivement à la « désadaptation » du sportif laquelle, à terme, s’accompagne souvent de
problèmes de blessures, d’infections récurrentes ou de fatigue chronique.

En conclusion de ce chapitre, on constate donc que le glucose, s’il est le plus inattendu des acteurs de l’épigénèse, n’en constitue pas le
moins influant ni le moins déterminant. Gageons que ce constat devrait s’enrichir de nouvelles publications ces prochaines années et que le
monde de la nutrition en viendra à définir une position nuancée, située ni dans le rejet de sucres soi-disant « toxiques » pour les tissus à
n’importe quelle dose, ou décriés pour leur responsabilité dans la survenue des problèmes métaboliques, ni prônant des rations hyperglucidiques
(en vigueur au cœur des années ’80), inadaptées au monde d’aujourd’hui, confronté à un risque accru d’anomalies de l’insuline (voir le chapitre
précédent). De plus, on pourra évaluer l’apport optimal adapté à chaque individu en fonction de son « terrain », de son activité et de ses
prédispositions épigénétiques, permettant ainsi d’affiner le concept des « apports de sécurité », qu’avec le docteur Didier Chos nous avions
modélisé dès 2001 (21). Nous n’y sommes pas encore !
Figure 27. Privation glucidique chronique et désadaptation progressive à l’exercice.

Cette figure dresse le modèle synthétique des conséquences d’une privation glucidique chronique des cellules

1) et de la « désadaptation » progressive qui survient en réponse à l’exercice. La surconsommation de glucose par les tissus occasionne une baisse du
glucose intra-cellulaire, ce qui a plusieurs conséquences :

2) Une baisse du coenzyme Q10, ce qui provoque en conséquence :

3) une augmentation du stress oxydatif intra-cellulaire (puisque le coenzyme Q10 intervient dans la défense anti-radicalaire) et :

4) une plus grande participation des glucides aux voies métaboliques (car en manque d’oxygène, la cellule privilégie la glycolyse), ce qui accentue le
déséquilibre biochimique au cœur des tissus. En effet, davantage investi d’une mission énergétique le glucose est moins disponible pour assurer des
synthèses, notamment celles du coenzyme Q10 ou du cholestérol ;
5) par ailleurs, en tant que précurseur du 6-phospho-gluconate qui « stabilise » la cascade anti-radicalaire, dans un contexte d’abondance glucidique, le
glucose joue un rôle crucial dans la protection cellulaire. La baisse chronique et/ou répétée de sa disponibilité contribue à majorer le stress oxydatif par
ralentissement de la synthèse de cet intermédiaire au rôle protecteur capital ;

6) la répétition d’épisodes de privation glucidique à l’effort provoque une réaction hormonale donnant lieu à une augmentation du cortisol, ce qui occasionne
une vulnérabilité immunitaire accrue ;

7) cette baisse de l’immunité peut s’associer à un dysfonctionnement immunitaire,

8) qui, à terme, menace de majorer l’inflammation. Par ailleurs, celle-ci peut également résulter des atteintes tissulaires induites par l’activité. Mais force
est d’admettre que l’état inflammatoire à bas bruit du sportif n’est pas seulement la conséquence des « micro-lésions » ;

9) la baisse du glucose dans la cellule « déverrouille » le gène de l’IL-6, ce qui a d’autres conséquences :

10) une augmentation de la perméabilité intestinale (par une agression durable des protéines constitutives des jonctions serrées),

11) ce qui peut majorer l’inflammation liée au dysfonctionnement immunitaire.

12) Par ailleurs l’IL-6 induit le gène de l’hepcidine,

13) qui provoque une baisse de la disponibilité en glucides dans la cellule (car dans ce contexte de privation relative d’oxygène, les glucides sont
« surconsommés » relativement aux lipides). En conséquence, ce système se met en boucle, d’autant que cela va freiner la synthèse du coenzyme Q10,
affectant encore plus les processus oxydatifs au cœur des tissus.

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CONCLUSION :

DES DÉGÂTS IRRÉPARABLES POUR L’AVENIR ?

Peut-on rejouer à l’envers le scénario qui s’est déroulé sous nos yeux au cours des quarante dernières années ? Nul ne peut l’affirmer.
Mais une analyse lucide de la situation n’incite guère à l’optimisme. En effet, beaucoup d’éléments y ayant participé ont exercé des effets
durables, et leur l’influence ne s’arrêtera pas forcément le jour où on déciderait d’adopter une autre stratégie. Ainsi, les dégâts liés aux
antibiothérapies transgénérationelles, qui ont provoqué la mort d’espèces bactériennes, comme à l’occasion de l’extinction des dinosaures, ne
pourront jamais être intégralement compensés. Ainsi encore, la rémanence des polluants dans nos sols et nos cours d’eau, même si on décidait
de changer radicalement de modes de production agricole dans les douze prochains mois (hypothèse purement virtuelle), serait réelle. On sait
ainsi que les taux de nitrates dans les nappes phréatiques ont continué de grimper plusieurs années après la prise de certaines décisions visant à
limiter l’usage des polluants ayant permis leur accumulation. Enfin, la compensation de l’appauvrissement croissant des teneurs nutritionnelles
des sols, et par conséquent des aliments qui y poussent, demanderait à la fois un savoir-faire que nous ne possédons pas forcément, une volonté
politique s’inscrivant dans la durée, avec une vision permettant de regarder à l’échelle de plusieurs décennies (ce qui représente un temps
incompatible avec celui de la vie politique actuelle) et l’adoption de nouvelles valeurs philosophiques sans lesquelles, face à la croissance
démographique, il sera difficile de s’en sortir. Remplacer par exemple le « toujours plus ! » par « enfin mieux », ceci s’appliquant également au
modèle de l’entraînement sportif ou de l’organisation du travail, celle-ci, par l’impact de la pollution liée aux transports urbains, relevant
également de la réflexion à mener. En effet, à une époque où chacun est connecté sur son lieu de travail et se rend majoritairement seul dans
son véhicule à son bureau, encourager le travail à domicile apparaît une autre option qui, outre un effet immédiat sur l’environnement, réduirait
sans doute le niveau de stress chronique auquel beaucoup d’individus se trouvent soumis. Or, il s’agit- on l’a vu- d’un perturbateur épigénétique
très actif et dont l’effet à long terme apparaît largement sous-estimé...

Dans cette évolution nécessaire, certains actes relèvent du corps institutionnel, et le citoyen – clairement – a peu de prise dessus. « Si
voter servait à quelque chose, ce serait interdit ! » disait à ce sujet Coluche, et ce d’autant plus qu’une frange (que certains jugent importante) du
monde politique, ayant des intérêts économiques directement en lien avec ce système, vont manifester une inertie maximale face au changement
attendu. D’autres actes relèvent de la responsabilité-même du citoyen, capable ou non de transformer certains choix, selon l’éducation, l’esprit
critique et la capacité à s’engager dont il sera doté. La façon d’acheter, de manger, de protéger la nature, de constituer des valeurs
philosophiques n’appartiennent qu’à lui.

Il y a urgence. On a vu que les altérations épigénétiques induites par notre environnement avaient déjà provoqué bien des dégâts :
augmentation des taux de cancer, d’allergie, d’obésité, d’infertilité, répercussions sur l’autisme, la dyslexie, les troubles de l’apprentissage, et
pourquoi pas la délinquance ou le djihadisme ? N’est-il pas possible que vouloir mourir avec jubilation en massacrant d’autres personnes relève
d’un processus mental altéré, en partie, par des facteurs environnementaux, au même titre que tous les troubles qualifiés de « psychiatriques » et
qui flambent sous l’influence d’un environnement devenu délétère ? Interpeller sur la dégradation constatée des aptitudes physiques de la plus
jeune génération n’est qu’un prétexte, finalement, à sensibiliser au processus dans lequel nous sommes engagés depuis quarante ans, au point
de voir les plus jeunes d’entre nous avoir déjà la tête prise dans l’entonnoir transgénérationnel des pathologies chroniques. Il est vraiment temps
d’agir et de réagir.

Nîmes, 15 novembre 2021.


À mes Maîtres, les professeurs Albert Creff et Marc Pascaud.

À ma petite-fille Ella, que je ne connais pas encore et qui naîtra au moment où ce livre sortira, à mes enfants Mallaury, Ambre et Jules, et à
Alina.

À tous ceux qui pâtissent déjà du monde que ma génération a contribué à leur laisser, et aux générations futures qui en paieront le prix fort, y
compris notre descendance. Puisse cet ouvrage réveiller les consciences et contribuer à ce que notre planète demeure habitable ces prochains siècles.
L’heure est venue de changer de modèle et de redonner du sens à notre civilisation ou à commencer à en changer.
NOTES

1. Chronimed : Groupe de travail multidisciplinaire de médecins recherchant et traitant les causes infectieuses cachées de pathologies chroniques dont l’origine
infectieuse n’était pas supposée. Groupe créé en 2009, réuni autour du Pr Luc MONTAGNIER, prix Nobel de Médecine.

2. Divers acteurs interviennent pour permettre d’obtenir des protéines à partir de la séquences d’acides nucléiques. Citons par exemple l’ARN messager, l’ARN de
transfert ou le ribosome, qui sert en quelque sorte de tête de lecture pour assembler les acides aminés qui formeront les futures protéines.

3. L’Histoire rend rarement grâce aux femmes. Or, si ces trois hommes sont passés à la postérité pour avoir « découvert » la double hélice, c’est davantage à Rosalind
Franklin, élève de Wilkins, qu’on doit les premiers clichés ayant permis cette avancée.
4. Il s’agit d’un régime durant lequel les quantités de glucides consommées sont faibles, et créent un état métabolique conduisant à la formation de petites molécules
dérivées des acides gras et qu’on nomme les corps cétoniques. Réputées anorexigènes, elles réduisent la sécrétion d’insuline et semblent favoriser des adaptations
épigénétiques favorables, réveillant des voies métaboliques dont l’évolution nous avait dotés, et rendues au silence dans le monde moderne.
5. Anémie de Biermer : maladie auto-immune se caractérisant par la formation d’auto-anticorps dirigés contre les cellules endocrines qui, au niveau de l’estomac,
libèrent le facteur intrinsèque. Cette molécule a pour fonction d’acheminer la vitamine B12, en la protégeant des agressions liées au sucs digestifs, jusqu’au site de l’iléon
où le complexe doit être réabsorbé.

6. Il s’agit de l’expression choisie par certains physiologistes pour désigner les individus qui, en dépit de sessions d’entraînements similaires à celles de leurs collègues,
progressent plus lentement et stagnent très vite.
7. Critère désignant la cylindrée d’un individu, en ce sens qu’elle correspond à la consommation maximale d’oxygène, utilisé pour produire de l’énergie nécessaire au
mouvement.
8. L’érythropoïèse désigne le processus de fabrication des globules rouges, qu’on cherche à favoriser lors d’un stage en altitude.

9. Cette bactérie tire son curieux nom du patronyme d’un chercheur Néerlandais qui l’a caractérisée en premier, Antoon Akkermans, et du fait qu’elle vit au cœur du
mucus qui tapisse les entérocytes, d’où l’expression « muciniphile ».
10. Nous en reparlerons plus loin dans cet ouvrage, dans la mesure où un autre phénomène peut, en aigu ou en chronique, favoriser cette endotoxinose : le déficit
hydrique et le manque de glucides des cellules intestinales. Je reviendrai également sur les résultats biologiques relevés chez des patients en surpoids et présentant une
insulino-résistance, et chez lesquels l’endotoxinose a été évaluée. Les résultats, vous le verrez, s’avèrent très troublants !
11. Charts : Nutrient changes in vegetable and fruits, 1951 to 1999- Jeffery Christian- 5 juillet 2002.

12. La protéine amyloïde est un composé qui apparaît au début de la maladie d’Alzheimer et contribue à la propagation des lésions caractéristiques de cette maladie.
13. La « néo-angiogenèse » désigne le processus par lequel, une tumeur envoie des messages chimiques destinés à augmenter la densité du réseau capillaire qui l’irrigue.
Ceci favorise son expansion et contribue à un risque accru de mortalité.

14. Certains considèrent que la première cytokine a été identifiée en 1957. Il s’agit de l’interferon, défini à l’époque par son activité anti-virale (une cellule infectée émet
un message pour sa voisine pour que celle-ci se protège contre l’infection virale). Mais on peut aussi estimer qu’il s’agit de l’endogène pyrogène, identifié en 1948,
comme un facteur émis au cours de l’infection pour induire la fièvre. Le terme « cytokine » fut introduit en 1974 par Stanley Cohen (14).

15. Si l’inflammation provoque la dépression, cette dernière disparaît-elle avec la dissipation de l’inflammation ? Pas forcément ; certains des mécanismes induits par
l’inflammation influent durablement, au niveau épigénétique, sur la production de la sérotonine et de ses récepteurs cérébraux, de sorte qu’un climat de déprime peut
rester comme une cicatrice émotionnelle d’une inflammation antérieure (5).

16. Il convient de souligner la participation d’un acide aminé semi-essentiel, très prisé des entérocytes et des lymphocytes, qui va plus particulièrement participer à la
protection de ces cellules : c’est la glutamine (117).
17. Cette situation survient fréquemment en raison du phénomène décrit par David Nieman sous le terme de « open window phenomenon », qui consiste en une
vulnérabilité immunitaire transitoire, physiologique, destinée à minorer la réponse inflammatoire en post-effort. Sur cette courte période, répétée lors de chaque session
de sport, l’organisme se trouve transitoirement immuno-déprimé et, par conséquent, en état de fragilité face aux infections.

18. Notons également que les symptômes impliquant l’intervention des peptides, mettent en jeu les aliments dont ils proviennent, sans qu’il s’agisse d’un processus
immunitaire. Aussi, la présence éventuelle d’IgG positives à certains aliments dans ce contexte ne signifie en rien que les bilans désignent les aliments « coupables ».
L’essentiel des symptômes liés aux peptides est à attribuer, de toute façon, à la gliadine et à la caséine A1 (96).

19. C’est une limite admise par certains laboratoires, alors que pour considérer l’hypothèse d’une réactivation virale on considère que les IgG EBV par exemple, doivent
se situer entre 50 à 100 fois au dessus de la valeur de référence. En dessous on parle d’immunisation Il existe bien un a priori intellectuel tendant à vouloir donner à tout
prix aux résultats un sens qu’ils n’ont pas forcément, de manière à légitimer le concept d’intolérance alimentaire !

20. Nous verrons plus loin qu’il existe une exception notable à cette tendance : celle de la « dysbiose métabolique » ou les patients présentent des perturbations de leur
insuline, consécutivement à un passage chronique d’endotoxines, sans qu’ils souffrent du moindre trouble fonctionnel. Ce point est développé plus loin dans ce chapitre.

21. Le « syndrome polymétabolique, encore qualifié de « syndrome métabolique » ou, au siècle dernier « syndrome X », décrit un ensemble de perturbations qui, bien que
souvent traitées comme des entités indépendantes les unes des autres, sont en fait étroitement liées entre elles, et consécutives à l’insulino-résistance (6). Il s’agit du
surpoids viscéral, de l’hypertension artérielle, de l’hyperglycémie à jeun, de l’hypertriglycéridémie et de la chute du HDL cholestérol. Présenter trois de ces anomalies
suffit à nous faire entrer dans le cadre du « syndrome polymétabolique ». Il existe des critères annexes, tels que les ovaires polykystiques chez les femmes,
l’hyperferritinémie chez les hommes, ou encore l’hyperuricémie. Ce syndrome, aux dernières estimations, toucherait actuellement 20 à 25 % de la population mondiale
(118).

22. Ce terme concentre les initiales de la technique de l’Evaluation Homéostatique de l’Insuline » (Homa) en anglais.
23. Certains travaux, menés sur le rat, ont montré qu’un régime hyper gras pouvait accentuer l’endotoxinose et d’aucuns en ont aussitôt conclu que l’excès de graisses
alimentaires restait un fléau à combattre (18). Peut-on vraiment extrapoler ces résultats à l’Homme, sans les nuancer ? D’évidence non, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, la ration des rats, dans ces études, est passée de 3 % d’énergie tirée des lipides – ce qui est impossible à faire chez l’homme – à 30 %, soit 10 fois plus, pour
atteindre un apport encore inférieur à celui que nous recommandent aujourd’hui les experts. Ensuite, il convient de distinguer l’impact des différentes familles de lipides.
Ainsi, une ration de type crétois, riche en lipides mais abondamment pourvue en « oméga 3 », a tendance à prévenir et à réduire l’endotoxinose et l’obésité (27). Bref,
nous ne sommes pas des rats, et si l’essor des fast-foods coïncide avec cette « épidémie d’obésité », gageons que c’est aussi en favorisant un microbiote de « fast food ».

24. L’expression « psychobiotiques » a été proposée pour la première fois en décembre 2013 par un chercheur irlandais (37), qui a proposé une définition reprenant en
partie celle des probiotiques. Il évoque en effet des : « micro-organismes vivants qui, administrés en quantité adéquate, produisent un effet favorable sur la santé de l’hôte
souffrant de pathologie psychiatrique ». Par cette définition, le monde médical prend acte de la possibilité d’imaginer une nouvelle stratégie thérapeutique pouvant
s’exercer sur l’intestin pour agir sur le cerveau.

25. Tous ces ingrédients végétaux sont minoritaires au sein de notre ration, comparativement aux glucides ou aux lipides. Ils paraissent même quantitativement
négligeables. Ils parviennent pourtant à influer en profondeur sur la composition de notre microflore. Un tel processus, favorisé par un infime changement alimentaire,
montre l’extrême sensibilité de notre microbiote à celui-ci et, par la même occasion rend complètement illusoire la possibilité de le modifier durablement et de manière
stable par l’entremise d’un transfert de flore, comme certains en rêvent actuellement. Les bactéries qui seraient introduites pour transformer l’écosystème intestinal d’un
sujet souffrant d’une pathologie en écosystème d’un sujet sain se convertiraient sans doute très vite au contexte nutritionnel ambiant. Donner du sucre à un microbiote
d’un donneur qui en mangeait peu va transformer ce monde bactérien transplanté en un nouvel univers qui va se développer à l’aide du sucre... De la sorte, ces bactéries
nouvellement arrivées finiraient par se fondre dans la masse et par se comporter comme le microbiote d’origine !

26. Voir à ce sujet l’article très complet paru dans le Hors-Série no 40 de la revue « Sport & Vie » et intitulé « le grand voyage ».
27. Bien que ne s’inscrivant pas directement parmi les techniques « polluantes », la pasteurisation du lait de vache majore, comparativement au lait UHT, le risque
d’allergie. Ce traitement accroît en effet la captation de ces protéines par les plaques de Peyer intestinales et leur présentation au système immunitaire (117).

28. . Simultanément, on voit poindre la préconisation de boissons aux corps cétoniques. Ces derniers sont de petites molécules dérivées des graisses. Initialement, elles
se forment lors du jeûne. Leur taux, après 12 h de privation alimentaire, s’avère insuffisant pour chambouler le fonctionnement du métabolisme lors de l’effort suivant.
Les adeptes du « low carb » voient pourtant en elles un carburant de substitution aux glucides d’autant que, par ailleurs, ces molécules possèdent un effet satiétogène
(25). C’est pourquoi, pour en relever les quantités délivrées aux tissus, on en trouve désormais sous forme de boissons d’effort spécifiques. Mais les faits ne se situent pas
au niveau des attentes. En fait, les corps cétoniques ne peuvent pas remplacer intégralement les glucides, dans le sens où la quantité d’énergie produite par leur
oxydation, par unité de temps, reste de 5 à 10 fois inférieure à celle liée à la combustion des glucides (105, 107). En réalité il semble – malgré le peu d’études menées à
ce jour–, que le recours aux corps cétoniques s’inscrirait dans une autre perspective, celle d’épargner les précieux stocks de glycogène, d’en prolonger l’autonomie à
l’effort. Un tel effet serait avantageux, dans la mesure où le « super » du muscle, comme on l’a vu, constitue le facteur limitant des efforts intenses et prolongés (111) et
que plus on en apporte, plus on en oxyde (26). En cyclisme, où les compétiteurs peuvent rester durant plusieurs heures à des niveaux d’effort modérés, l’apport de ces
corps cétoniques pourrait contribuer à épargner le glycogène pour les moments cruciaux et stratégiques. Les études, pour le moment, ne permettent pas de confirmer
cette hypothèse.
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