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Photo de couverture 

: The Assassin (Hou Hsiao-Hsien, 2016)

© Armand Colin, 2005, 2008, 2016

Armand Colin est une marque de

Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff

www.armand-colin.com

ISBN : 978-2-200-61700-4
Table des matières
Page de titre

Page de Copyright

Avant-propos

J-K

O
P

U-V

W-Z

Références des ouvrages cités

Liste des entrées

Index des noms

Des mêmes auteurs

Dans la même collection


Avant-propos

Dès qu’il se fut imposé comme spectacle de masse, le cinéma a suscité


l’intérêt de philosophes, de sociologues, de psychologues et aussi de
quelques critiques d’art ou journalistes plus clairvoyants que d’autres. Un
peu plus tard, des cinéastes ont poursuivi ces réflexions, de leur point de
vue propre et souvent avec autant de force théorique. Enfin, depuis un
demi-siècle, l’Université a fait du cinéma, de son histoire, de sa théorie, de
sa réception et de sa critique un objet d’études, source de nombreuses
approches spécialisées. Au fil des décennies, les uns et les autres ont utilisé
et imposé un vocabulaire, proposant parfois des mots nouveaux ou utilisant
des concepts anciens dans un sens inédit. C’est de ce lexique et de son
histoire (y  compris à travers les personnalités qui l’ont élaboré) que nous
avons voulu rendre compte, depuis les origines jusqu’à la période actuelle.
Ce livre est un dictionnaire et non une encyclopédie. Les presque
600 entrées qu’il comporte sont relativement courtes (certaines se réduisent
à quelques lignes), et nous n’avons pas eu l’ambition de traiter à fond les
problèmes abordés. Le lecteur désireux d’approfondir ses connaissances
pourra puiser dans les références bibliographiques indiquées après les
articles et à la fin de l’ouvrage. En outre, ce dictionnaire se limite aux
approches théoriques et critiques du cinéma  ; ce n’est pas un dictionnaire
général du cinéma, comme il en existe déjà plusieurs. À quelques
exceptions près (notamment certains termes techniques indispensables)
nous n’y avons mentionné que les personnalités, les faits ou les notions qui
ont produit ou suscité une réflexion approfondie et suivie. Quant aux
notions retenues, elles appartiennent à tous les champs disciplinaires  :
esthétique, sémiologie, psychologie, histoire de l’art et des représentations,
anthropologie, économie, etc.
Nous avons été particulièrement soucieux de ne pas privilégier une
théorie particulière, mais de témoigner de la diversité des approches qui ont
été proposées en un siècle de cinéma. Certaines ont été davantage
développées et systématisées, et ont davantage nourri notre liste ; certaines
sont plus familières dans notre pays et notre culture théorique et critique ;
nous avons essayé de compenser autant que possible ces partis pris de
départ, tout en nous limitant à un volume raisonnable. Ainsi, dans chaque
article, nous avons accordé autant d’importance a priori à chacun des sens
ou des usages attestés, même si certains « pèsent » plus lourd que d’autres.
Les articles sont suivis de suggestions de corrélations intellectuelles et
d’une bibliographie très réduite, dont les références sont données en fin
d’ouvrage.
Cette troisième édition a été entièrement revue et mise à jour. Nous y
avons tenu compte des nouveautés importantes des dernières années (au
premier chef, le numérique), avons réparé quelques oublis des premières
versions et précisé et complété de nombreuses entrées. Cependant, dans la
prolifération des nouvelles machines et des nouvelles modalités de l’image,
nous nous sommes limités à ce qui concerne le cinéma, dans la définition –
 extensive mais pas indéfinie – qui continue d’être la sienne ; on ne trouvera
donc ici presque rien sur la télévision, sur Internet, sur les téléphones
mobiles, malgré l’importance sociale considérable de ces vecteurs de
diffusion des images –  et rien non plus ou presque sur les images
mouvantes exposées dans les musées et galeries d’art, qui ressortissent à un
autre milieu intellectuel et social.
Nous avons également augmenté, de manière significative, le nombre de
notices consacrées à des personnalités, pour aider les jeunes lecteurs à se
repérer dans une histoire des théoriciens et critiques désormais copieuse.
Dans ce domaine, le choix est toujours délicat et suspect d’arbitraire ; nous
avons donc respecté des critères aussi objectifs que possible, et cité des
critiques et chercheurs ayant exercé une influence théorique ou critique
reconnue, ayant une œuvre cohérente et durable (donc relativement âgés) et
ayant publié sous leur nom au moins deux ouvrages importants. Il ne nous
échappe pas que bien des chercheurs intéressants auraient pu encore figurer
ici, et nous ne manquerons pas de poursuivre ce travail pour la prochaine
édition.

J.A. & M.M.


A
ABSTRAIT
Esthétique Résultant d’une abstraction, c’est-à-dire d’une opération
mentale qui considère une qualité d’une chose en négligeant les autres. En
littérature, un style abstrait exprime des idées en évitant de décrire des
objets, personnages ou événements concrets.
Par analogie, on a parlé de peinture abstraite et, bien plus rarement, de
cinéma abstrait, pour des œuvres qui évitent la représentation d’objets, réels
ou imaginaires. La première peinture « abstraite » (Kandinsky, Malevitch)
avait pour ambition d’exprimer directement des idées  ; les réalisations du
cinéma «  abstrait  » visent plutôt à exprimer directement des sensations.
C’est surtout dans les années 1920 et 1930 que l’abstraction a exercé un réel
attrait sur les cinéastes artistes ou «  expérimentalistes  » (de Ruttmann à
Fischinger)  ; toutefois, on en trouve à toutes les époques, y compris,
aujourd’hui, chez des personnalités à la frontière du cinéma et de l’art
contemporain.

➦ ART, AVANT-GARDE, EXPÉRIMENTAL, POÉSIE (CINÉMA DE)


  TURIM, 1985 ; GHALI, 1995

ACCÉLÉRÉ
Technique Procédé consistant à produire, en projection, un mouvement qui
semble accéléré. Lorsqu’on tourne en pellicule, il faut pour cela faire défiler
la pellicule plus lentement dans le couloir de la caméra  ; les caméras
numériques permettent de produire le même effet, en diminuant également
le nombre d’images par seconde à l’enregistrement.
Ce procédé a deux usages principaux, l’un documentaire, l’autre
expressif. Il permet de faire voir, en un temps réduit et en les accélérant
beaucoup, des phénomènes naturels relativement lents, telles la germination
d’une plante, la métamorphose d’un insecte, mais aussi des phénomènes
humains, dont la vue accélérée peut révéler des aspects imprévus et
invisibles autrement (par exemple, filmer la circulation sur une voie
urbaine). Cette première valeur avait déjà été aperçue par Jean Epstein, qui
lui consacre de nombreuses pages et y voit l’un des traits de l’autonomie
perceptive du cinéma par rapport à l’œil humain (et l’un des embryons de
l’«  esprit du cinématographe  »). L’accéléré a aussi été utilisé pour
dynamiser la représentation d’un événement, par exemple dans des scènes
de combat, où le procédé peut jouer un rôle comparable à celui du montage
court (et souvent, se voit combiné avec lui).

➦ MOUVEMENT DE CAMÉRA, RALENTI, TEMPS

A-CINÉMA
Esthétique Terme proposé par Jean-François Lyotard (1924-1998) dans ses
travaux d’«  économie libidinale  » du début des années 1970. Lyotard
élabore à cette époque une « ontologie de l’événement » : la réalité est faite
d’événements imprévisibles plutôt que de régularités structurées (opposition
au structuralisme)  ; ces événements doivent être interprétés, mais ils ne le
seront jamais complètement ni adéquatement, il y a toujours un « reste » ;
Lyotard les qualifie comme des « intensités libidinales » et « affects », qu’il
voit comme des manifestations des pulsions primaires postulées par Freud.
Mais l’affect, pour Lyotard, est matériel : un son, une couleur, une caresse,
tout ce qui a la capacité d’affecter ou de susciter le désir. L’a-cinéma est une
tentative pour approcher les représentations filmiques selon cette
perspective, en les interprétant comme de tels événements, et par là en
cherchant à comprendre, non plus l’histoire racontée, mais les affects
qu’elle peut susciter. Cette approche n’a rencontré qu’un écho limité, pour
l’essentiel, aux disciples directs de Lyotard (notamment Claudine
Eizykman).

➦ FIGURAL, LYOTARD
  LYOTARD, 1973 ; EIZYKMAN, 1975

ACOUSMATIQUE
Théorie, esthétique Cet adjectif d’origine grecque, qui désignait au départ
les paroles du philosophe dissimulé derrière une toile, a été repris par le
créateur de la musique concrète, Pierre Schaeffer (1966), pour caractériser
tous les sons entendus dont on ne voyait pas la source, parce qu’elle est
masquée.
Le son filmique est par nature acousmatique puisqu’il est livré au
spectateur séparément de l’image, par l’intermédiaire du haut-parleur
dissimulé derrière ou à côté de l’écran (Chion). Le synchronisme est le
processus qui consiste alors à «  désacousmatiser  » le son, à l’ancrer dans
une source visuelle, à incarner la voix dans un corps. Toutefois, le cinéma
sonore joue autant qu’il le peut des virtualités acousmatiques du son
filmique (voix off, musique non diégétique, représentation d’hallucinations
auditives, etc.).

➦ ANCRAGE, CHAMP, OFF, SON, SONORE (CINÉMA)


  CHION, 1982, 1990, 1998

ACTANT
Narratologie Par différence avec « acteur » et « personnage », « actant  »
désigne la structure narrative profonde d’une unité au sein du système
global des actions constituant un récit (Propp, 1926 ; Greimas, 1966).
Cette notion permet de modifier profondément la conception dominante
du personnage de roman et de film, conception qui assimile le personnage
de fiction à un être psychologique, le plus souvent doté d’une certaine
autonomie, d’un caractère propre, ou à une entité métaphysique. L’actant,
chez Propp comme chez Greimas et dans toute la tradition narratologique
ultérieure (Hamon, Vernet, etc.) n’est défini que par la sphère d’actions qui
lui est attachée  ; il n’existe que par le texte et les informations textuelles
apportées par le roman ou le film. Cette notion permet donc de dissocier la
logique des actions de celle des personnages : une fonction actantielle peut
être remplie par de nombreux personnages  ; un personnage inversement
peut rassembler plusieurs actants.
Greimas, à la suite de Souriau, réduit les sept actants de Propp à six
fonctions principales  ; celles-ci sont rassemblées par paires dans un
« schéma actantiel », selon trois axes : l’axe destinateur-destinataire qui est
celui des valeurs et de l’idéologie du récit ; l’axe sujet-objet qui est celui de
la trajectoire du récit, de la quête du héros, de son vouloir (c’est aussi l’axe
dominant)  ; l’axe adjuvant-opposant qui facilite ou empêche la réalisation
du projet que s’est fixé le sujet. Ce dernier axe regroupe les circonstances
de l’action et n’est pas nécessairement représenté par des personnages.
Le schéma actantiel, en raison de son très haut degré de généralité, a
connu une certaine fortune dans les tentatives d’interprétations
narratologiques des romans, des pièces de théâtre et des films. Il a
fortement contribué à minimiser l’interprétation psychologisante des
personnages de films, toujours risquée. Cette approche très abstraite a
toutefois l’inconvénient de tout ramener à un petit nombre de schémas,
toujours les mêmes, et sa portée heuristique est discutable  ; aussi la
terminologie de Greimas n’est-elle plus guère utilisée aujourd’hui.

➦ NARRATOLOGIE, PERSONNAGE, RÉCIT, SPECTATEUR


  ODIN, 1990

ACTEUR
Dramaturgie, esthétique Le terme désigne d’abord le personnage d’une
pièce au début du XVIIe (du latin actor). Le sens moderne concerne l’artiste
dont la profession est de jouer un rôle, à la scène, puis à l’écran. Il se
distingue de comédien ou d’interprète qui insistent sur le savoir-faire, la
pratique scénique du professionnel.
Classiquement, on oppose deux catégories d’acteurs : l’acteur « sincère »
qui ressent et revit toutes les émotions de son personnage, et fonctionne à
l’empathie  ; inversement, l’acteur capable de maîtriser et de simuler ces
émotions, «  pantin merveilleux dont le poète tire la ficelle et auquel il
indique à chaque ligne la véritable forme qu’il doit prendre  » (Diderot,
Paradoxe du comédien, 1775). Le cinéma n’a fait qu’amplifier cette
typologie d’origine théâtrale opposant deux grandes familles d’acteurs, les
monstres sacrés et les acteurs caméléons. Les premiers viennent souvent de
la scène théâtrale, tels Emil Jannings, Louis Jouvet ou Gérard Depardieu.
Les seconds, au talent moins encombrant, peuvent s’adapter à des univers
d’auteurs très différents, tels par exemple Conrad Veidt, Spencer Tracy,
Alain Delon ou Vincent Cassel.
Le cinéma apporte à cette classification un niveau supplémentaire en
pouvant recourir à des acteurs non professionnels. Celui-ci est le jouet du
metteur en scène qui exploite la nature physique de l’interprète (corps,
gestes et voix) dans le sens qu’il souhaite. Il en existe également des
niveaux très différents les uns des autres, de l’amateur interprétant un rôle
(les acteurs amateurs de Jacques Rozier ou d’Éric Rohmer) à celui qui joue
son propre rôle (les « personnes réelles » utilisées par Godard comme Fritz
Lang dans Le Mépris ou Raymond Devos dans Pierrot le fou, ou les
personnages du cinéma direct, comme les pêcheurs du Saint-Laurent dans
Pour la suite du monde de Pierre Perrault).
Le style de jeu d’acteur a fortement évolué au cours de l’histoire du
cinéma. Le cinéma primitif avait recours à des figurants non professionnels
utilisés pour leur silhouette. Le Film d’Art marque une première entrée des
acteurs de théâtre sur la scène filmique, puis la mise en scène propose des
interprètes spécifiquement formés pour l’usage cinématographique,
s’opposant par là même à une théâtralité jugée trop impure. Ainsi, Robert
Bresson, à partir d’Un condamné à mort s’est échappé refuse d’utiliser,
pour son «  cinématographe  », des acteurs de métier et opte pour des
« modèles » choisis pour leur voix, leur corps et leur docilité.
Dans le système de production industriel des films, l’acteur représente le
plus souvent un des atouts économiques du film, la présence d’un acteur
connu et/ou aimé du public étant considérée comme une garantie de succès.
Dans le cinéma hollywoodien classique, et encore aujourd’hui dans
énormément de cas, la production d’un film se décide en fonction des
vedettes ou des acteurs connus que l’on pourra engager. Enfin, on a pu
proposer de privilégier le rôle des acteurs dans la réussite dramatique puis
la lecture des films, allant jusqu’à substituer à la « politique des auteurs »
une « politique des acteurs » (Moullet), où l’acteur prendrait le pas sur le
réalisateur, simple faire-valoir de son interprétation.

➦ ACTION, KOULECHOV, PARADOXE DU COMÉDIEN, STAR SYSTEM


    EISENSTEIN, 1974, 1986  ; RAY, 1992  ; MOULLET, 1993  ; KOULECHOV, 1994  ;
BRENEZ, 1998

ACTION
Dramaturgie, narratologie 1. (vieilli) La marche des événements dans un
drame. L’action d’une pièce ou d’un roman, c’est une série d’événements
fictifs liés par des rapports de causalité, créant une intrigue qui a un
commencement, un développement et un dénouement. C’est en ce sens
qu’il faut entendre le terme dans la règle classique de l’« unité d’action ».
2. La plus grande partie des films consiste en représentation d’actes,
généralement accomplis par des êtres humains. L’action est donc, en un
sens, le plus élémentaire des composants filmiques. En dehors des
approches narratologiques –  pour lesquelles l’action se définit
principalement par son contenu et son résultat du point de vue de l’avancée
du récit  – il existe peu de réflexions générales sur l’action comme
performance, comme mouvement orienté et délibéré d’un corps. Deux
grandes directions ont été esquissées en vue d’une théorie de l’action (et de
l’acteur, c’est-à-dire du corps support de l’action) :
– une direction empirique, cherchant des méthodes générales pour le
jeu d’acteur au cinéma. La voie la plus nette est celle de
l’analytisme, qui décompose chaque action ou séquence d’actions
en gestes et affects élémentaires, que l’acteur, supervisé par le
metteur en scène, a à tâche de monter ensemble de façon
expressive. Dans cette voie, l’héritage théâtral, notamment celui
de l’école de Stanislavski, a donné lieu à l’institution de véritables
traditions de jeu, surtout aux États-Unis, où l’Actors Studio de
Lee Strasberg a formé de nombreux acteurs de premier plan ; de
façon plus radicale, les mêmes principes ont été ultérieurement
réélaborés par Nicholas Ray. Mais la première tentative, à la fois
théorique et expérimentale, avait été celle de l’atelier de
Koulechov, au début des années 1920 ;
–  une direction réflexive, visant plutôt à décrire et comprendre la
figuration des actions dans les films. La réflexion sur ce terrain
dépend des approches analytiques adoptées ; dans l’entreprise de
Koulechov, elle était en quelque sorte l’envers de la méthode de
jeu. En terrain purement théorique et critique, elle peut mener,
soit à la définition de styles de jeu, éventuellement attachés à
certains acteurs (Moullet), soit à la proposition, plus
fondamentale, de fonctions élémentaires du jeu actoral (Brenez).
➦ ACTANT, FICTION, HISTOIRE, MISE EN SCÈNE
  POUDOVKINE, 1926 ; KRACAUER, 1948 ; HITCHCOCK, 1966, 1995 ; RAY, 1992

ADAPTATION
Narratologie La notion d’adaptation est au centre des discussions
théoriques depuis les origines du cinéma car elle est liée à celles de
spécificité et de fidélité. La pratique de l’adaptation est également aussi
ancienne que les premiers films. L’Arroseur arrosé (Lumière, 1895) adapte
une série comique parue antérieurement dans la presse écrite ; le Film d’Art
en 1908 marque le début d’une longue série d’adaptations
cinématographiques de pièces de théâtre et de romans célèbres.
L’adaptation est dans ce sens une notion floue, peu théorique, dont le but
principal est d’évaluer, ou dans les meilleurs cas, de décrire et d’analyser le
processus de transposition d’un roman en scénario puis en film  :
transposition des personnages, des lieux, des structures temporelles, de
l’époque où se situe l’action, de la suite des événements racontés, etc. Cette
description souvent évaluative permet d’apprécier le degré de fidélité de
l’adaptation, c’est-à-dire de recenser le nombre d’éléments de l’œuvre
initiale conservés dans le film.
Les premiers critiques de cinéma, au cours des années 1920, ont mis
l’accent sur la spécificité de l’art cinématographique, et condamné les
œuvres issues d’adaptations trop directes, notamment de pièces de théâtre.
Dans l’école des Cahiers du cinéma, après la guerre, on défendit au
contraire l’adaptation, comme moyen paradoxal de renforcer la spécificité
cinématographique (Bazin, 1948)  ; pour cela, l’adaptation doit éviter de
chercher des « équivalents » filmiques des formes littéraires, et au contraire
rester le plus près possible de l’œuvre de départ (Truffaut, 1954).
La critique, depuis lors, a admis la possibilité de l’adaptation, et les films
se partagent entre littéralité plus ou moins absolue et recherche
d’« équivalents » qui transposent l’œuvre, soit en en transportant l’action en
d’autres lieux ou époques (La Lettre, Oliveira, 1999), soit en transformant
ses personnages (Mort à Venise, Visconti, 1970 ; Le Mépris, Godard, 1963),
soit enfin en cherchant un moyen filmique de rendre son écriture même (Le
Temps retrouvé, Ruiz, 1999). Mais c’est aussi une opération qui, au gré de
succès et d’échecs variés, demeure problématique. S’appuyant sur la notion
de travail, –  au sens où ce mot renvoie étymologiquement à la douleur  –
Vanoye (2011) interroge ce qui motive, dynamise ou contraint et limite les
auteurs d’adaptation. Il décrit celle-ci comme vol ou détournement d’œuvre,
puis comme jeu et comme tremplin pour la rêverie des cinéastes, enfin
comme travail des formes cinématographiques et littéraires, lieu de
rencontres parfois conflictuelles mais souvent fécondes entre cinéma et
littérature.

➦ CLASSIQUE (CINÉMA), DIÉGÈSE, FICTION, NARRATION, SPÉCIFICITÉ, THÈME


  BAZIN, 1948 ; ROPARS-WUILLEUMIER, 1970 ; GARDIES, 1980 ; VANOYE, 2011

AFILMIQUE
Filmologie «  Qui existe dans le monde usuel, indépendamment de tout
rapport avec l’art filmique, ou sans aucune destination spéciale et
originelle en rapport avec cet art.  » (Souriau). Dans la perspective de
l’école de filmologie, c’est en particulier le grand critère distinctif du
documentaire, qui représente «  des êtres ou des choses existant
positivement dans la réalité afilmique  », à la différence du cinéma de
fiction, qui représente une réalité profilmique.

➦ FILMOLOGIE, PROFILMIQUE
  SOURIAU, 1953

AFRHC
Histoire L’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma
(AFRHC) a été créée en 1984 par Jean A. Gili, Jean-Pierre Jeancolas et
Vincent Pinel sur le modèle de l’association italienne antérieure, et présidée
par Jean Mitry jusqu’en 1988. Elle comprenait surtout, à l’origine, des
historiens cinéphiles, tels Raymond Chirat ou Jacques Lourcelles  ; à date
plus récente, elle regroupe de jeunes chercheurs universitaires en histoire et
s’est féminisée jusqu’à atteindre la parité. Elle publie depuis l’origine la
revue 1895, dont la formule s’est étoffée jusqu’à ses derniers numéros (77),
ainsi que des livres consacrés à des personnalités (cinéastes ou acteurs) ou
des périodes laissées dans l’ombre jusque-là, tels Louis Feuillade, Léonce
Perret, Jacques de Baroncelli ou Jean Benoit-Lévy. Deux collections
particulières sont consacrées aux études régionales (par exemple, le cinéma
en Alsace) et aux correspondances des pionniers (E. J.  Marey, Léon
Gaumont). Les recherches publiées portent principalement sur l’histoire du
cinéma français, avec une prépondérance marquée du cinéma muet
(toutefois, un volume a rassemblé des études sur les années 1950). Ces
travaux relevaient au départ de l’histoire érudite et positive, mais un effort
de problématisation théorique est sensible dans la période plus récente, avec
par exemple la publication de journées d’études sur des questions
méthodologiques (les sources, les objets et les méthodes de l’histoire du
cinéma). Si le cinéma français reste le chantier principal de l’association,
les recherches internationales se sont élargies aux corpus russes, allemands,
italiens et brésiliens.
L’histoire du cinéma reste assez marginale dans les études historiques en
général sur le XXe siècle, qui s’intéressent surtout aux industries culturelles
et aux pratiques de loisirs, et, dans un tout autre axe, à la valeur testimoniale
des images enregistrées (guerres et génocides contemporains, notamment).
On note cependant depuis une vingtaine d’années un net progrès des études
historiques sur le cinéma, dont la légitimité est mieux reconnue. Cette
évolution est sensible au sein même de l’AFRHC, par le profil
professionnel de ses responsables et la politique de coédition qu’elle mène.

➦ ARCHIVES, HISTOIRE DU CINÉMA, PATRIMOINE


  REVUE 1895

ALBERA, FRANÇOIS (1948)


Historien, théoricien Universitaire et critique de langue française, il est
(avec Francis Reusser) à l’origine de la création d’un enseignement sur le
cinéma en Suisse (il fut professeur à l’université de Lausanne). Il a surtout
travaillé sur les domaines russe et français de l’entre-deux guerres, en
particulier sur Eisenstein (Eisenstein et le constructivisme russe, 1989), les
Formalistes (Les Formalistes russes et le cinéma, 1996), les émigrés russes
en France (Albatros  : des Russes à Paris, 1919-1929, 1995) et les avant-
gardes (L’Avant-garde au cinéma, 2005). Il est rédacteur en chef de la revue
d’histoire du cinéma 1895, et a par ailleurs organisé de nombreuses
manifestations autour de ses domaines de prédilection. Il est en langue
française un des meilleurs spécialistes de cette période et de cette pensée.
➦ AVANT-GARDE, EISENSTEIN, FORMALISME, KOULECHOV

ALTERNANCE
Narratologie, technique L’alternance est d’abord un principe général. Elle
commence lorsque se met en place, avec une certaine régularité, la
répétition d’un plan ou d’un groupe de plans selon la structure de base
ABABAB, etc. Cette structure très simple, classiquement utilisée pour
représenter une poursuite, peut être compliquée en faisant varier à l’infini
les données spatio-temporelles des plans considérés. Ainsi, la poursuite
suppose-t-elle une certaine contiguïté spatiale (l’espace du poursuivi ne doit
pas être trop éloigné de celui du poursuivant) et une relation temporelle de
simultanéité. C’est le schéma d’alternance qui a donné lieu aux premières
figures du montage cinématographique. Griffith l’a systématiquement
développé afin de produire et d’intensifier le «  suspense  »
cinématographique.
Le montage alterné doit être distingué du montage parallèle. La
classification proposée par Metz dans son tableau des syntagmes filmiques
(1968) permet de distinguer clairement trois types d’alternance à partir de
trois critères. Les séries sans relation chronologique sont appelées
« syntagmes parallèles » ; les séries chronologiques exprimant des relations
de simultanéité sont les syntagmes descriptifs  ; les séries chronologiques
exprimant des relations de succession sont les syntagmes alternés
proprement dits.
Dans la poésie classique, le terme désigne l’entrelacement régulier des
rimes masculines et féminines. En un lointain écho à cette règle, Bellour a
proposé le terme de « rime » pour nommer le jeu sur les alternances et les
répétitions de séries d’images dans le cinéma américain classique.

➦  BLOCAGE SYMBOLIQUE, DÉCOUPAGE, GRANDE SYNTAGMATIQUE,


MONTAGE, PARALLÈLE

  METZ, 1968 ; BELLOUR, 1978 ; BURCH, 1990, GAUDREAULT, 2008

ALTMAN, CHARLES F. (DIT RICK) (1945)


Historien, théoricien Rick Altman a enseigné la littérature française, la
littérature comparée et le cinéma à l’université d’Iowa. Ses recherches
portent sur l’histoire des technologies sonores et sur l’étude des genres, en
particulier le film musical. Elles se caractérisent par le recours aux sources
techniques et professionnelles systématiquement prises en compte.
C’est en tant que théoricien du genre qu’Altman a influencé les études
filmiques. Dans son livre (1999), il propose une théorie générique fondée
sur une approche globale reliant l’industrie, la technologie, la politique des
auteurs, le statut des acteurs, la sociologie des publics – approche qu’il met
à l’épreuve du fonctionnement des comédies musicales produites par les
studios d’Hollywood. De ce point de vue, le genre assume plusieurs
fonctions complémentaires  : un modèle pour la fabrication des films, une
fonction structurelle définissant un cadre formel, une fonction de
reconnaissance économique valant comme label et une fonction
contractuelle établie sur un pacte avec le public.
Altman a dirigé des publications collectives sur le son au cinéma (1980,
1985-1986), et présenté ses recherches sur ce thème dans deux livres (1992,
2004) dont le dernier, Silent Film Sounds, est le plus original. Il met en
relation les innovations techniques (micros, prises de son, mixages) et les
conditions de réception en salles, tels les films muets avec leur
accompagnement musical multiple. Il a également renouvelé les études sur
les premières années du parlant, notamment sur la postsynchronisation et
les techniques de bruitage et de doublage des voix.

AMATEUR
Institution, économie L’amateur est celui qui se livre à une activité pour
laquelle il a un goût particulier, et qu’il pratique avec plaisir sans en faire sa
profession. En principe, sa maîtrise technique est plus limitée que celle du
professionnel. Cette opposition traverse toute l’histoire du cinéma depuis
les origines. L’amateurisme est cependant difficile à définir et dépend des
espaces où il s’exerce. Odin qui a lancé les recherches sur ce secteur
méprisé par la cinéphilie classique distingue le cinéma familial (le film de
famille), l’espace particulier du « cinéma amateur » avec ses caméra-clubs
et ses revues, et le cinéma indépendant, différent, personnel. L’un des
critères de distinction a été le format de pellicule utilisé, du 8 mm familial
au 35 mm dit « professionnel » ; mais depuis l’apparition de la vidéo, puis
des caméras numériques, ces frontières ont été remises en cause bien que le
professionnalisme se définisse par l’usage d’un matériel très coûteux, hors
de portée de l’amateur, et la spécialisation des fonctions techniques selon la
division hiérarchique du travail.
Certains cinéastes considérés comme professionnels ont joué d’un certain
amateurisme pour expérimenter des nouvelles manières de filmer : c’est le
cas de Renoir, Rossellini, Rouch, Ray, Cassavetes et bien d’autres. Le statut
du film d’amateur évolue depuis qu’il est diffusé dans certaines émissions
de télévision, ou cité de plus en plus dans des films de fiction
(professionnels). Il devient également un document historique sur la vie
quotidienne et les pratiques anonymes et de ce fait, il est maintenant
conservé dans les archives publiques et les cinémathèques spécialisées,
comme la Cinémathèque de Bretagne en France. Il peut également servir de
pièce à conviction ou de témoin lorsqu’il a enregistré des phénomènes
exceptionnels et imprévisibles, comme l’assassinat de Kennedy par
exemple.

➦ ODIN, 1995, 1999 ; JOURNOT, 2011 ; ALLARD, CRETON & ODIN, 2014

AMENGUAL, BARTHÉLEMY (1919-2005)


Critique, historien Barthélémy Amengual fut l’un des grands critiques
français de cinéma, des années 1950 aux années 2000. Sa carrière a donc
été fort longue mais il est loin de jouir de la notoriété d’André Bazin,
malgré le nombre imposant de ses articles et de ses publications
monographiques, dont une anthologie de plus de 1 000 pages a été publiée
en 1997.
Comme André Bazin, Barthélémy Amengual a été instituteur et
animateur de ciné-clubs. Il a dirigé le ciné-club d’Alger de 1947 à 1962 et
collaboré en tant que critique à de très nombreuses publications depuis
Alger républicain jusqu’à Études cinématographiques, en passant par les
Cahiers du cinéma, Positif, Les Cahiers de la Cinémathèque. Ses références
théoriques appartiennent d’abord au réalisme critique tel que l’entendait
l’esthétique marxiste de Georges Lukács. Mais Amengual s’affranchit assez
vite de ce cadre pour développer une approche méticuleuse et très inventive
des œuvres qu’il sélectionne. Amengual a lu très attentivement les textes
théoriques des cinéastes soviétiques des années 1920, puis ceux des
critiques et scénaristes du néoréalisme italien. Il a traduit et fait connaître de
nombreux textes parus en Italie, notamment ceux de Guido Aristarco
(«  Marx, le cinéma et la critique de film  »), critique avec lequel il a
entretenu un dialogue idéologique très fécond. Il privilégia toujours un
cinéma engagé, mais qui met au premier plan les préoccupations formelles.
Amengual a approfondi son approche à partir de quatre corpus
complémentaires  : le cinéma hollywoodien de l’époque classique, de
Griffith à Vidor et Welles  ; les esthétiques diverses du cinéma soviétique
des années 1920 autour de la Feks, de Poudovkine, de Dovjenko et
d’Eisenstein, auquel il a consacré un gros livre  ; le cinéma italien du
néoréalisme de Zavattini jusqu’à Pasolini et Bertolucci ; enfin les nouveaux
cinémas des années 1960, y compris la Nouvelle Vague française. Il fut l’un
des meilleurs découvreurs et analystes des nouveaux cinémas polonais,
grec, brésilien, allemand de ces années, qu’il situa dans les principaux
courants de l’histoire formelle des films.
Barthélemy Amengual n’est pas un théoricien du cinéma, même si le
concept de réalisme traverse tous ses textes critiques. C’est plutôt un
analyste de film, doublé d’un historien des formes, ce qui est plus rare. Il a
consacré des monographies critiques à Charles Chaplin, René Clair, G. W.
Pabst, Vsevolod Poudovkine, Alexandre Dovjenko et S. M.  Eisenstein,
mais on retiendra également ses longs textes critiques consacrés à trois
films de Godard et à l’œuvre de Jean Eustache. Il est également l’auteur
d’un livre d’introduction à l’esthétique du cinéma : Clefs pour le cinéma.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA, MARXISME, RÉALISME

ANALOGIE
Philosophie, sémiologie, théorie Ressemblance partielle entre deux choses
qui ne se ressemblent pas dans leur aspect général, ou qui sont de nature
différente.
1. Analogie, histoire des images. La valeur analogique des images leur a
toujours été consubstantielle, dès les premières gravures ou dessins
pariétaux paléolithiques  : l’homme a toujours cherché à inclure dans ses
productions en image des traits de ressemblance avec ce qu’il voit autour de
lui. Toutefois, dans toutes les productions «  primitives  », cette valeur de
ressemblance est rarement la plus importante, et l’image (le dessin, la
sculpture, l’incision) est généralement utilisée à des fins magiques,
religieuses (Freedberg, 1989), ou plus largement, comme un moyen
d’interpréter le monde et la présence humaine dans le monde (Schefer,
2000).
Assigner aux arts représentatifs la fonction de reproduire quelque chose
de l’expérience visible ne signifie donc pas que l’on renonce à d’autres
valeurs ; mais la représentation, en Europe occidentale, a élaboré depuis la
Renaissance, et encore davantage depuis le XIXe  siècle, un canon de
« fidélité » aux apparences visibles. Les étapes les plus connues et les plus
marquantes de cette histoire sont l’invention de la perspective linéaire au
début du XVe siècle (Alberti), les diverses expériences sur la représentation
des effets lumineux aux XVIe et XVIIe, et les tentatives du XIXe pour fixer
l’instant qui passe (l’instantané photographique, l’impressionnisme).
Le cinéma fut inventé à la veille du moment historique où la peinture
abandonnait l’analogie comme valeur suprême, et il recueillit, pour une
bonne part, l’héritage de cette tradition. S’appuyant sur la constatation
empirique de la forte impression de réalité produite par le film, plusieurs
théoriciens y ont vu le dernier terme d’une histoire des arts représentatifs
conçue comme aspiration vers toujours plus d’analogie (Bazin, 1946). À
partir de la même constatation, mais avec des présupposés inverses,
d’autres ont critiqué la tendance du cinéma à aller dans le sens de l’analogie
et d’un réalisme limité à la reproduction fidèle des apparences – soit au nom
d’une conception «  matérialiste  » (Eisenstein, Vertov, Comolli, Bonitzer),
soit au nom d’une conception formaliste, elle-même pouvant s’appuyer sur
une conception du cinéma comme discours (Eisenstein), comme
agencement de structures (Burch), comme stylisation de la réalité
(Arnheim), comme art abstrait et plastique (Brakhage).
2. Analogie et conventionnalité. Ainsi, l’analogie n’est pas un phénomène
naturel : toute représentation est un artefact, reposant sur des conventions,
même dans le cas de représentations qui semblent reproduire
automatiquement la réalité, comme c’est le cas des images photo-,
cinémato- ou vidéographiques. On peut toujours agir sur une représentation,
en modifiant certains de ses paramètres (en photo, le diaphragme ou le
temps d’exposition, mais aussi le cadrage, la distance, etc.). Cependant,
toutes ces conventions ne sont pas sur le même pied, certaines paraissant
plus «  naturelles  » que d’autres (Gombrich)  ; la perspective linéaire peut
ainsi sembler plus naturelle (en ce qu’elle est plus proche du « mécanisme »
de la vision) que l’organisation symbolique de l’espace dans les icônes
byzantines.
Étant artificielle et conventionnelle, l’analogie n’est ni parfaite ni totale.
Il existe ce qu’on peut appeler des indices d’analogie, certains plus
universels que d’autres. Ces indices sont soit d’ordre perceptif (et ils sont
alors plus proches de l’absolu : c’est le cas de la perspective, mais aussi du
mouvement apparent au cinéma), soit d’ordre culturel (et ils sont plus
relatifs : citons l’exemple massif de la reproduction des couleurs).
L’analogie, ainsi, n’est jamais produite «  par tout ou rien  », mais par
degrés, dépendant du nombre d’indices d’analogie mis en jeu, et de leur
qualité (cette idée a été exprimée, dans le vocabulaire sémiologique, en
termes de combinaisons de codes de l’analogie, cf.  Metz, Bergala,
Gauthier). Par exemple, le daguerréotype, qui fut reçu à son invention (vers
1840) comme bien plus parfaitement analogique que la peinture, ne l’est
que du point de vue de certains indices (la perspective, la précision des
nuances de lumière, par exemple) ; il l’est en revanche beaucoup moins si
l’on considère la reproduction des couleurs, et cette image grise n’est
acceptable comme analogique que 1°, grâce à la puissance des autres
indices, 2°, grâce à l’existence d’une tradition culturelle de l’image en noir
et blanc (gravure, dessin).
De même, le cinéma produit des indices d’analogie puissants (parce que
directement d’ordre perceptif), qui ont parfois fait oublier que beaucoup
d’autres de ses indices d’analogie sont, eux, totalement conventionnels
(couleur, montage).

➦  IDÉOLOGIE, ILLUSION, IMPRESSION DE  RÉALITÉ, PERSPECTIVE, RÉALISME,


RÉALITÉ, REPRODUCTION

  ARNHEIM, 1932 ; BAZIN, 1958-1962 ; KRACAUER, 1960 ; METZ, 1968 ; SCHEFER,


2000

ANALOGIQUE
Technique Qui suit les lois de l’analogie. Le cinéma, comme toutes les
techniques photographiques, donne automatiquement une image analogique
de la réalité filmée (profilmique). Sous l’influence du couple anglais
analogic/digital, on parle parfois de « cinéma analogique » pour désigner le
cinéma sur support pellicule (« argentique »). Nous recommandons d’éviter
cette terminologie franglaise, qui est brouilleuse puisqu’elle confond deux
problèmes totalement différents, celui du procédé et du matériau
(argentique/numérique) et celui de la nature de l’image, laquelle est
toujours analogique dans le cinéma photographié (le cas du dessin animé,
évidemment, est tout autre, l’analogie n’y étant pas assurée et pas au même
degré).

➦ ANALOGIE, ARGENTIQUE, DIGITAL, NUMÉRIQUE

ANALYSE (TEXTUELLE)
Sémiologie On analyse un film lorsqu’on produit une ou plusieurs des
formes de commentaire critique suivantes : la description, la structuration,
l’interprétation, l’assignation. La visée de l’analyse est toujours d’aboutir à
une explication de l’œuvre analysée, c’est-à-dire à la compréhension de
certaines de ses raisons d’être. Elle est donc aussi bien le fait du critique
attentif à étayer son jugement, que du théoricien soucieux d’élaborer un
moment empirique de son travail conceptuel  ; mais elle peut aussi
constituer, par elle-même, une activité autonome, parallèle à la critique mais
n’en ayant pas le caractère évaluatif.
On cite souvent comme premier exemple historique l’analyse, par le
réalisateur lui-même, d’un fragment de 14 plans du Cuirassé « Potemkine »
(Eisenstein, 1934), travail qui en effet, malgré les limitations dues à sa
relative brièveté et à sa visée apologétique, esquissait au moins trois
directions d’analyse promises à un bel avenir :
– l’analyse du montage et des effets séquentiels, qui allait être, pour
la sémiologie structurale, l’essentiel (Bellour, Kuntzel, Chateau et
Jost) ;
– la description plastique des plans et de la composition, en un sens
quasi musical, des relations de plan à plan –  une préoccupation
qui reviendrait, transformée, dans les années 1980 et 1990 ;
–  enfin, le souci des réalisateurs les plus «  théoriciens  » (ou
simplement, conscients de leur art), d’illustrer leur conception du
cinéma par des exemples analytiques, de Hitchcock à Godard
(lequel transforma ses auto-analyses en véritables essais filmés).
Hormis ces quelques cas de cinéastes, assez exceptionnels, l’analyse a
presque toujours été une pratique qui, en raison notamment du temps
qu’elle exige, a été le fait de chercheurs professionnels ; d’où qu’elle ait si
souvent été considérée comme une variante de l’activité théorique. Cela
explique aussi que la méthode analytique, et aussi la réflexion
méthodologique, aient été comme parallèles à l’évolution des idées
dominantes en théorie. L’analyse d’Eisenstein était profondément
imprégnée, quoiqu’il s’en défendît, des idées des formalistes sur l’œuvre
d’art. Les premières analyses longues et précises, par exemple Bellour
(1969, 1975), accompagnèrent l’élaboration d’une sémiologie structurale du
cinéma  : le film, découpé en lexies (au sens de Barthes, 1970) était
considéré comme une actualisation particulière de codes plus généraux
(Kuntzel, 1973)  ; l’analyse visait à constituer un système «  textuel  » du
film, mettant en corrélation les différents niveaux codiques (voir, par
exemple, l’analyse d’un film entier, 2001, l’Odyssée de l’espace, de
Kubrick [1968] par Dumont et Monod, selon cette visée totalisante, et en
référence expresse à l’un des initiateurs du structuralisme, Lévi-Strauss).
Cet idéal structuraliste (issu lointainement, sans que cela ait été perçu à
l’époque, du précurseur de l’explication de texte au sens moderne,
Schleiermacher) a perduré depuis, sous diverses formes parfois plus ou
moins déniées. On le retrouve aussi dans des analyses narratologiques
(Vernet, Vanoye), dans l’analyse des variations du point de vue (Jost), voire
dans les vastes enquêtes descriptives des «  néo-formalistes  » (Bordwell,
Staiger, Thompson). Sur son versant auteuriste comme sur son versant
sociologiste, l’analyse de films consiste encore, le plus souvent, à chercher
dans le texte lui-même, dans sa structuration et dans son rapport aux
conditions de sa genèse, l’explication de sa forme et de son rapport au
spectateur.
En parallèle, d’autres courants analytiques se sont développés. D’abord,
issu de l’approche sémiologique, un souci d’interprétation, qui a d’abord
pris la forme d’une inspiration psychanalytique plus ou moins strictement
freudienne (teintée le plus souvent de lacanisme), et a amené les analyses à
se présenter de façon plus nettement interprétative (voir les analyses des
films de Hitchcock par Bellour, 1975, 1979), tout en conservant parfois la
notion de système textuel (voir le grand texte de S. Heath sur Touch of Evil
de Welles [La Soif du mal, 1958]). L’interprétation est aussi venue au
premier plan dans d’assez nombreux travaux –  souvent plus soucieux de
style que de méthodologie  – d’inspiration plus ou moins précisément
«  déconstructionniste  » (Ropars-Wuilleumier, Conley, Leutrat), dans
lesquels on ne cherche plus à expliquer le film selon ses propres règles,
mais selon celles d’une instance «  scripturale  » qui met en jeu autant
l’analyste que le texte analysé.
À date plus récente, et sous l’influence d’abord de J. L. Schefer, puis de
chercheurs inspirés par lui (Aumont, Brenez, Dubois), l’analyse s’est
souciée de traiter des puissances figuratives, et non plus seulement
narratives ou représentatives, dans les films. Cette voie très féconde a
cependant inspiré davantage d’analyses que de théorisations générales. Le
philosophe et historien de l’art G. Didi-Huberman a illustré cette tendance
analytique, en la rattachant à un corpus théorique forgé à propos de l’image
picturale (chez Warburg, notamment) ; symétriquement, Vancheri a illustré
un développement de l’analyse figurative dans le sens d’une « iconologie »
calquée sur celle de Panofsky).
Enfin, comme la critique et l’analyse des œuvres d’art en général,
l’analyse de film a aussi été, durant toutes ces époques, et dans des cercles
où l’on se préoccupe assez peu de théorie, un exercice projectif, où
l’analyste, qui se donne parfois des airs d’exégète (voir Douchet, 1967, sur
Hitchcock), devient un « herméneute », au sens très particulier que ce mot a
pris dans un courant philosophique issu de l’existentialisme (Ricœur,
Gadamer).

➦  CODE, FIGURATIF, GRANDE SYNTAGMATIQUE, HERMÉNEUTIQUE,


INTERPRÉTATION, LEXIE, PSYCHANALYSE, SÉMIOLOGIE, STRUCTURALISME,
SYSTÈME, TEXTE

    KUNTZEL, 1972, 1975  ; BAILBLÉ, MARIE & ROPARS, 1974  ; BELLOUR, 1978,
1990 ; BORDWELL, 1981 ; AUMONT, 1996 ; VANCHERI, 2013, 2015

ANCRAGE
Narratologie Ancrer signifie affermir, fixer solidement. Barthes dans sa
«  Rhétorique de l’image  » (1964) a proposé le terme d’ancrage pour
désigner l’une des fonctions du message linguistique par rapport au
message iconique. Toute image étant polysémique, elle implique une
«  chaîne flottante de signifiés  » dont le lecteur peut choisir certains et
ignorer les autres. Au cinéma, les images qu’il qualifie de « traumatiques »
sont liées à une incertitude, ou à une inquiétude sur le sens des objets ou des
attitudes. Le message linguistique aurait donc pour principale fonction de
fixer la chaîne flottante des signifiés.
La fonction dénominative correspond bien à un ancrage des sens
possibles de l’objet, par le recours à une nomenclature. Devant une image
de publicité par exemple, la légende aide à choisir le bon niveau de
perception. À un niveau plus symbolique, le message linguistique guide non
plus l’identification mais l’interprétation. Le texte dirige le lecteur entre les
signifiés de l’image, lui en fait éviter certains et recevoir d’autres. L’ancrage
est donc une sorte de contrôle, il détient une responsabilité, face à la
puissance projective des figures, sur l’usage du message.
Cette fonction d’ancrage est fréquente dans la photographie de presse et
en publicité ; elle se distingue de la fonction relais où la parole et l’image
sont dans un rapport de complémentarité. Cette parole-relais devient très
importante au cinéma, où le dialogue n’a pas une fonction simple
d’élucidation mais fait avancer l’action en disposant dans la suite des
images, des sens qui ne se trouvent pas dans l’image. De même, dans le
cinéma muet, les intertitres et toutes les mentions graphiques contribuent à
ancrer les significations visuelles dans la diégèse et parfois même dans le
niveau allégorique du message visuel, comme par exemple chez Griffith ou
Gance.

➦ BANDE IMAGE, BANDE SON, BARTHES, SIGNIFICATION


  BARTHES, 1964 ; METZ, 1977A ; JOLY, 1994

ANDREW, DUDLEY (1945)


Esthéticien, théoricien Universitaire états-unien, sa carrière s’est déroulée
d’abord, durant trente ans, à l’université d’Iowa, où il a été à l’origine de la
création d’un important département d’études cinématographiques, puis
(depuis 2000) à l’université de Yale. Son travail théorique personnel est
marqué à la fois par la phénoménologie et par l’herméneutique ; il a été en
particulier, à ses débuts, fortement influencé par Ricœur. Après des
ouvrages de synthèse sur les théories et les concepts du cinéma, il a tenté de
donner une définition du cinéma comme art (1986) à partir de la notion
d’aura.
Il est également connu pour ses travaux sur le cinéma français, d’une
part, le cinéma japonais, d’autre part. On lui doit notamment un ouvrage
original sur le cinéma français «  classique  » (1995) et un autre
(en collaboration avec S. Ungar) sur le Front populaire. Mais c’est surtout à
l’œuvre d’André Bazin que son nom reste attaché. Il en fut le premier
biographe (1978), et le seul à ce jour, ayant eu très tôt un accès privilégié
aux archives personnelles du grand critique  ; il est revenu récemment à
l’étude de ce théoricien, avec un ouvrage de réflexion sur l’état actuel du
cinéma à la lumière des théories baziniennes (2010) et la direction d’un
recueil international au titre explicite, Opening Bazin (2011).

ANIMATION
Technique, langage On utilise ce terme pour désigner des formes de
cinéma dans lesquelles le mouvement apparent est produit de manière
différente de la prise de vues analogique. La technique la plus fréquente
consiste à photographier, un par un, des dessins dont l’enchaînement
produira automatiquement l’impression de mouvement, en vertu de l’« effet
phi ». Le grand problème de l’industrie du « dessin animé » a été de rendre
ces enchaînements aussi souples que ceux du cinéma «  photographique  »,
dans une visée fondamentalement réaliste  ; pour cela, diverses techniques
ont été imaginées, dont la plus importante est celle du dessin sur feuilles de
celluloïd superposées (cel technique), qui permet de garder certains
éléments d’un photogramme au suivant, et de modifier seulement les parties
mobiles. Cette technique a été généralement rejetée par les artistes réalisant
des films d’animation, car trop marquée dans le sens du réalisme ; ils lui ont
préféré des techniques qui soulignent davantage le passage d’une image à la
suivante (cf. Robert Breer), ou qui demandent un travail de la main plus
essentiel (comme l’«  écran d’épingles  » d’Alexandre Alexeieff). Avec
l’apparition du numérique, le dessin a pu se combiner avec toutes les
retouches et modifications rendues possibles par les logiciels de graphisme.
Le film d’animation a souvent été considéré par les théoriciens, d’une
part, comme une espèce de laboratoire figuratif, poussant à leur maximum
les possibilités de l’image en mouvement, d’autre part, comme un
révélateur idéologique du cinéma en général (dans la mesure en particulier
où le genre « dessin animé » est réputé se destiner aux enfants).
➦ ANALOGIE, EFFET PHI, MOUVEMENT APPARENT
  JOUBERT-LAURENCIN, 1999 ; DENIS, 2007

ANTHROPOLOGIE
Sciences humaines Le recours à l’anthropologie a donné lieu, en France
tout au moins, à deux approches du cinéma très différentes, l’une liée à une
démarche générale, de caractère plutôt épistémologique (socio-
anthropologie d’Edgar Morin), l’autre beaucoup plus pragmatique, centrée
sur les usages du film comme moyen d’investigation ethnologique (école de
Jean Rouch, voir De France, 1979).
Morin (1956) tenta un «  essai d’anthropologie sociologique  ». Sa thèse
centrale est qu’il ne faut pas séparer, pour étudier le cinéma, l’aspect art de
l’aspect industrie. Le cinéma est en effet une machine industrielle très
particulière, puisque machine à produire de l’imaginaire. Il pose, en tant
que mode de production de sens et d’émotions, à l’anthropologie des
problèmes spécifiques parce qu’il est souvent vécu sur le mode de
l’intensité hallucinatoire. Morin s’intéresse en premier lieu au caractère
magique du cinéma, caractère que les études sociologiques classiques,
menées à base d’enquêtes, d’études des publics, des contenus thématiques,
etc., n’envisagent pas du tout. Pour lui, l’univers cinématographique
moderne ressuscite l’univers archaïque des doubles grâce à la technique
photographique de la reproduction du mouvement. C’est en ce sens que le
cinéma ressuscite l’homme imaginaire car il livre précisément sa réalité
d’image. Il est donc le lieu idéal de confusion et de saisie du réel et de
l’imaginaire, de relation entre la modernité et l’archaïsme  : «  Là, dans,
pour, par le cinéma, c’est l’émerveillement de l’univers archaïque de
doubles, fantômes, sur écrans, nous possédant, nous envoûtant, vivant en
nous, pour nous, notre vie non vécue, nourrissant notre vie vécue de rêves,
désirs, aspirations, normes ; et tout cet archaïsme ressuscitant sous l’action
totalement moderne de la technique machiniste, de l’industrie
cinématographique, et dans une situation esthétique moderne. »
La perspective anthropologique de l’École du Musée de l’Homme est
assez différente. Sous l’influence des auteurs anglo-saxons, elle promeut
une anthropologie culturelle qui a pour objet l’étude comparative des
différentes cultures humaines. Le point de départ de l’anthropologie visuelle
pourrait être caractérisé par une déclaration de Pasolini citée par M.  H.
Piault : « La vie toute entière, dans l’ensemble de ses actions, est un cinéma
naturel et vivant : en cela elle est linguistiquement l’équivalent de la langue
orale dans son moment naturel ou biologique  » (1976). Le cinéma
anthropologique, pratiqué dès les débuts du Kinetograph, est une entreprise
concertée pour saisir des spécificités de comportement et promouvoir une
étude comparative systématique des attitudes physiques et du mouvement.
Comme l’indique Rouch  : «  Au début de ce siècle, la passion était
rationaliste et positive. L’étude des sociétés “primitives” permettait
d’observer les comportements humains aux différents stades de l’histoire de
l’humanité  : les “survivants de l’âge de pierre”, en Australie ou dans le
désert de Kalahari ; les “civilisations de la cueillette” chez les Pygmées de
la grande forêt  ; les clans “paléonégritiques” des chasseurs somba ou
lobi  ; les pasteurs et nomades peul et touareg  ; les féodalités médiévales
mossi ou haoussa… » On reconnaît là les propositions sur les stades de la
civilisation faites par Lewis Henry Morgan puis reprises et modernisées
d’une façon moins strictement évolutionniste et hiérarchisante par André
Leroi-Gourhan. Tel est le programme du cinéma de l’anthropologie
visuelle, des ethnologues brésiliens (films du Major Reis, dont Sertoes de
Mato Grosso, 1913-1914, premier film réalisé chez les Pareci et chez les
Nambikwara), aux australiens (films de Ian Dunlop, dont People of the
Australian Western Desert, 1966-1969) et aux américains (films de Sol
Worth sur les Navajos).
À date récente, l’anthropologie est devenue une discipline « couvrante »,
qui a intégré l’ethnologie mais aussi certains aspects de la sociologie (voir
notamment en France les travaux de Marc Augé). L’«  anthropologie
visuelle » issue de l’école de Rouch a elle aussi élargi considérablement son
champ, et de nombreux films sont aujourd’hui réalisés dans cette
perspective, y compris dans le genre «  docu-fiction  », très représenté à la
télévision.

➦ DOCUMENTAIRE, IDÉOLOGIE, MORIN, SOCIOLOGIE, WORTH


  MORIN, 1956 ; PIAULT, 2000 ; COLLEYN, 2009

ARNHEIM, RUDOLF (1904-2007)


Philosophe, historien de l’art Psychologue, philosophe, historien de l’art,
critique de cinéma et plus généralement des médias, Rudolf Arnheim est
l’auteur de nombreux articles, et d’un livre (1932) qui offrait, à l’époque de
l’apparition du parlant, une esthétique et une psychologie du cinéma.
Certains passages de ce livre sont aujourd’hui datés, notamment ceux
consacrés au « contenu » des films. Il faut en revanche en retenir la thèse
des «  facteurs de différenciation  »  : si le cinéma peut être un art, ce n’est
qu’à condition de surmonter le handicap initial que constitue sa capacité de
reproduction photographique, c’est-à-dire automatique, du réel  ; tout
illusionnisme et tout naturalisme sont à éviter absolument, et les moyens
artistiques du cinéma sont au contraire à chercher dans ce qui le différencie
d’une simple reproduction du monde visible. Absence de couleur, absence
de son, absence de continuité spatio-temporelle, limitation physique de
l’image, etc. : toutes ces limitations sont les facteurs mêmes qui permettent
au cinéma de devenir un art, voire l’y obligent.
Logiquement, Arnheim fut opposé au cinéma parlant, apparu peu de
temps avant la sortie de son livre, et qui avait pour lui le défaut rédhibitoire
de tirer le cinéma dans le sens de l’analogie plate. Émigré aux États-Unis en
1938, Arnheim y poursuivit une carrière universitaire d’historien de l’art et
psychologue de l’art, mais n’écrivit plus sur le cinéma. Il traduisit en
revanche son ouvrage en anglais, dans une version révisée qui en édulcore
considérablement les thèses, et perd par là beaucoup de son intérêt (c’est
malheureusement cette version tardive qui a été traduite en français).
Dans tous ses travaux, Arnheim défend une conception gestaltiste des
phénomènes perceptifs et psychologiques  : si le film peut produire des
sensations analogues à celles qui affectent notre vue, il le fait sans le
correctif des processus mentaux, parce qu’il a affaire, à l’état brut, à ce qui
est matériellement visible, et non pas à la sphère proprement humaine du
visuel.

➦  BAZIN, CAVELL, CONTENU, CORRESPONDANCE DES ARTS, FACTEURS


DE DIFFÉRENCIATION, GESTALT, KRACAUER, PAROLE

ARCHIVES
Histoire, technique Une archive est une collection de pièces, de
documents, de dossiers anciens. Dès les premières années du
Cinématographe, on s’est préoccupé de conserver des films et des
documents qui leur étaient liés (la plaquette de Boleslaw Matuszewski, Une
nouvelle source de l’histoire, est publiée à Paris dès 1898). Les premières
archives sont militaires ou municipales (le service cinématographique des
armées en 1916-1917, la cinémathèque de la Ville de Paris en 1923).
Les cinémathèques des années 1930 sont, pour la plupart, issues des ciné-
clubs et s’intéressent en priorité à la conservation du patrimoine artistique
muet. Pourtant, la Fédération internationale créée en 1938 prend le titre de
Fédération Internationale des Archives du Film (FIAF) car elle réunit des
structures de statut différent, des cinémathèques d’initiative privée (France),
d’État (Allemagne, Grande-Bretagne), des sections spécialisées de Musée
(New York).
Il faut distinguer, parmi la nature des documents, les supports sur
pellicule et les supports sur papier, ce que les professionnels des archives
appellent le «  film  » et le «  non-film  ». Les grandes archives nationales
possèdent les techniques de conservation des supports papiers, des
photographies, estampes, dessins, mais la quantité représentée par les stocks
de films sur pellicule en 35 mm, surtout en nitrate de cellulose, a toujours
posé de graves problèmes de conservation et d’entrepôt. C’est l’une des
raisons, avec la hantise de la «  nationalisation  » des collections de la part
des producteurs et des distributeurs, qui explique le retard de la mise en
application du dépôt légal pour les films et documents audiovisuels.
En France, le dépôt légal des films est actuellement géré par les Archives
du film et celui des productions télévisuelles par l’Institut national de
l’audiovisuel. Les films produits sur pellicule argentique étaient déposés
sous forme d’une copie tirée spécialement, ou bien d’un négatif. Pour les
films produits en numérique, c’est-à-dire désormais pratiquement tous les
films, on s’est d’abord contenté de déposer un fichier numérique, ce qui a
posé et pose encore de nouveaux et complexes problèmes de conservation :
d’une part, à cause de la fragilité de l’enregistrement, qui doit être contrôlé
périodiquement (en général deux fois par an)  ; d’autre part en raison de
l’évolution constante et rapide des logiciels d’enregistrement de fichiers
image, qui oblige à retranscrire dans des formats récents les dépôts les plus
anciens. C’est pourquoi les archives, de plus en plus, stockent désormais les
films tournés en numérique sous la forme de trois copies sur film 35 mm,
correspondant chacune à l’une des trois couleurs primaires, et dont la durée
et la qualité de conservation sont infiniment supérieures. En France, dans le
cadre du dépôt légal, un film tourné et exploité en numérique doit faire
l’objet d’un tirage sur pellicule lors de son dépôt au service des Archives du
film.
Outre les problèmes de volume de stockage et de conditions techniques
de conservation, les archives sont concernées par ceux du catalogage et de
la consultation des documents. Une collection n’est utilisable que si elle est
cataloguée. La consultation et la mise à disposition sont soumises à des
questions de nature juridique, les ayants droit demeurant propriétaires des
droits de la présentation publique. Si pendant quelques décennies, ce sont
les collections de films qui ont focalisé l’attention des chercheurs et des
historiens, la période plus récente est marquée par la redécouverte de
l’importance des collections «  non film  », scénarios, documents de
tournage, décors, photographies, etc.
Bien entendu, la conservation des archives est la condition minimale de
possibilité d’une histoire du cinéma.

➦ AFRHC, CONSERVATION, HISTOIRE DU CINÉMA, PATRIMOINE


  BOWSER & KUIPER, 1980 ; VERNET, 1993 ; MATUSZEWSKI, 2006 ; LE ROY, 2013

ARGENTIQUE
Technique On parle de photographie, et désormais de cinéma,
«  argentique  » pour désigner une photo ou un film enregistrés sur une
pellicule, par opposition à la photo et au cinéma numériques, enregistrés
sous forme de fichiers informatiques.

➦ NUMÉRIQUE

ARRÊT SUR IMAGE
Technique, esthétique Un film est une suite d’images en mouvement, mais
chacune de ces images est composée d’images unitaires. Dans la technique
argentique, celles-ci étaient visibles sous la forme de photogrammes (petites
photographies imprimées l’une après l’autre sur le ruban de la pellicule). En
technique numérique, les images unitaires ne sont pas discernables à l’œil
nu, mais dans ce cas comme dans l’autre, il est possible d’arrêter la
projection d’un film à tout moment et de continuer à projeter une image
immobile. Cet arrêt sur image est en particulier un moyen fréquemment
utilisé dans l’analyse d’un film, pour prendre le temps de détailler les
particularités d’un cadre.
L’arrêt sur image a été parfois produit délibérément dans certains films,
pour rendre un effet de figement du temps et de l’action, avec un effet
variable selon les cas. Un exemple célèbre est celui de la fin des 400 Coups
de Truffaut (1959), qui se fige sur le visage du jeune héros, laissant
inachevée sa course vers la mer.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, PHOTOGRAMME


  BELLOUR, 1990

ART
Esthétique, philosophie Il y a plusieurs façons de définir la notion d’art en
général, mais au moins trois peuvent être pertinentes à propos du cinéma :
–  une définition institutionnelle, qui fait reconnaître comme
artistique une œuvre approuvée par une institution qualifiée pour
cela, ou par un consensus social large ;
– une définition intentionnelle, qui attribue la qualité artistique aux
œuvres élaborées par un artiste (quelqu’un qui entend faire de
l’art) ;
– une définition esthétique, qui rapporte la valeur artistique au fait
de provoquer des sensations ou des émotions d’un type
particulier.
En revendiquant, très vite, le statut d’art, le cinéma montra à nouveau le
caractère arbitraire ou au moins fortement conventionnel de ces définitions.
Du cinéma forain européen au nickelodeon américain, le cinéma a d’abord
été un divertissement populaire, à une époque où les artistes même d’avant-
garde n’imaginaient pas pouvoir s’adresser au peuple. Les institutions
chargées de définir l’art, et notamment la critique (littéraire, théâtrale),
eurent donc d’abord des réflexes très négatifs envers le cinéma. En réponse,
celui-ci chercha sa légitimité dans l’importation de formes d’art reconnues :
le Film d’Art français ou la Série d’Or russe, vers 1910, sont l’acclimatation
de chefs-d’œuvre reconnus, dans l’espoir d’en transporter aussi un peu de
l’aura  ; de même, l’Expressionnisme dans le cinéma allemand de 1920
recherche un peu du prestige de la peinture d’avant-garde.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, plusieurs critiques
européens cherchèrent à définir et promouvoir un art cinématographique
spécifique, qui n’imitât pas les arts traditionnels  ; cette tentative ne put
cependant, au début, se passer d’une référence à ces derniers, et en
définissant le cinéma comme septième art (après les arts de l’espace,
peinture, sculpture, architecture et les arts du temps, poésie, musique,
danse), Canudo (1927) reprenait le système des Beaux-Arts légué par
l’esthétique classique. De même, lorsque Eisenstein développe l’idée que le
cinéma est une «  synthèse  » des autres arts, réalisant l’idéal du
Gesamtkunstwerk postromantique, il le réfère encore à la tradition.
C’est à partir d’idées radicalement différentes qu’une spécificité fut
réellement recherchée. Pour Arnheim, ce sont ses « défauts » qui définissent
le cinéma comme art, et c’est eux qu’il faut travailler pour le développer
comme art original. Très éloigné du formalisme d’Arnheim, Bazin le rejoint
sur la question de la spécificité, et définit le cinéma comme art du réel (dont
l’histoire n’est que celle de son gain en réalisme). À sa suite, on chercha,
dans la critique européenne, à définir le cinéma comme art de la mise en
scène. La revendication artistique s’est par la suite affaiblie au sein du
cinéma industriel, qui se contente généralement de passer pour artistique
sans chercher à dire comment ni pourquoi. Dans la critique actuelle, il ne
fait plus de doute qu’un cinéaste est un artiste – mais cette assertion jadis
polémique est devenue presque vide de sens par l’attribution, inversement,
du statut d’artiste à tout le monde, même les réalisateurs les plus dénués
d’invention personnelle ou de talent particulier pour les images mouvantes.
Ainsi, le cinéma a finalement rejoint l’histoire de l’art de son siècle –  le
destin de l’art en général étant en effet parallèle, et la qualité d’art étant
attribuée à toutes sortes de productions.

➦  ARNHEIM, BAZIN, EISENSTEIN, FACTEURS DE DIFFÉRENCIATION,


FORMALISME, MISE EN SCÈNE, RÉALISME, SPÉCIFICITÉ

    CANUDO, 1927  ; ARNHEIM, 1932  ; ROHMER, 1955  ; BAZIN, 1958-1962  ;


TARKOVSKI, 1970-1986 ; EISENSTEIN, 1980, 1986

ART ET ESSAI
Institution, économie Notion juridique servant à définir le statut de
certaines salles de cinéma françaises. Ces salles reçoivent une aide de l’État
et ont pour charge de programmer des films choisis sur une liste établie
selon cinq critères  : 1°, les films présentant d’incontestables qualités mais
n’ayant pas rencontré le public  ; 2°, les films ayant un caractère de
recherche et de nouveauté ; 3°, les films faisant connaître la vie de pays à
production limitée  ; 4°, les courts métrages ayant un caractère de
recherche ; 5°, les reprises de films classiques.
Ce statut juridique date de 1961, mais il est la conséquence d’un
mouvement dont les origines se situent dans les années 1920 : « Ciné-club »
de Delluc, « Club des Amis du 7e Art » de Canudo, « Amis de Spartacus »
de Moussinac. L’expression « salle d’essai » apparaît au début des années
1950, liée à l’expansion des ciné-clubs après la Libération. Ces salles
bénéficient d’avantages accordés par l’État  : liberté du prix des places,
subvention automatique calculée par référence à la taxe spéciale engendrée
par les recettes de la salle.
Depuis les années 1980, le nombre de salles classées est supérieur à 850,
soit une salle française sur six. Dans les années 2000, ce chiffre dépasse les
1  100 salles adhérentes à l’AFCAE (Association française des cinémas
d’Art et Essai). Le CNC décerne des labels spécifiques à ces salles  :
« Recherche et découverte », « Jeune public » ou « Patrimoine répertoire ».
Ces labels « Art et Essai » sont propres à l’exploitation française des films.
Il s’agit d’un concept économique et juridique à distinguer radicalement des
notions de Films d’Art, de films sur l’art et de films d’artistes, comme des
notions de films-essais ou de films de recherche, à proprement parler.

➦ AVANT-GARDE, ÉCONOMIE, INSTITUTION


  LÉGLISE, 1980 ; CRETON & KITSOPANIDOU, 2013

ASTRUC, ALEXANDRE (1923-2016)


Critique, cinéaste Avant d’être cinéaste, Alexandre Astruc a été essayiste
et critique littéraire. Il a débuté très jeune en publiant dans des revues
marginales comme Messages, Poésie 42 ou Confluences pendant la guerre.
C’est toutefois à partir de 1945 en écrivant dans La Table ronde, Les Temps
modernes et plus encore dans Combat (dirigé par Albert Camus), qu’Astruc
devient une plume remarquée dans le monde parisien de l’après-guerre. Il
s’intéresse aux auteurs qui privilégient le langage et consacre des
chroniques perspicaces à des auteurs comme Jean Paulhan, Sartre, Brice
Parain, Maurice Blanchot ou Francis Ponge, alors inégalement reconnus. Il
écrit ensuite sur le cinéma, toujours dans Combat, puis L’Écran français et
fait partie de l’équipe fondatrice d’Objectif 49, le ciné-club parrainé par
Jean Cocteau. Quand il publie son célèbre texte « Naissance d’une nouvelle
avant-garde : la caméra stylo », il a déjà écrit plus de 30 articles portant sur
les intellectuels et le cinéma, le roman noir, l’évolution du cinéma
américain, le « Je » au cinéma, et la crise du scénario français.
«  Naissance d’une nouvelle avant-garde  : la caméra stylo  » parut dans
L’Écran français en mars 1948. C’est un texte prophétique, annonçant les
formes nouvelles du cinéma à venir  : «  Le cinéma est en train tout
simplement de devenir un moyen d’expression, ce qu’ont été tous les autres
arts avant lui, ce qu’ont été en particulier la peinture et le roman… La Mise
en scène n’est plus un moyen d’illustrer ou de présenter une scène, mais
une véritable écriture. L’auteur écrit avec sa caméra comme un écrivain
écrit avec un stylo.  » Cette formule rendit l’auteur célèbre du jour au
lendemain, et Astruc est devenu l’homme de la « caméra-stylo ». Quelques
années plus tard, il tenta, sans toujours y parvenir, d’illustrer son
programme en réalisant Le Rideau cramoisi (1953) et plus encore Une vie
(1958).
L’évolution technologique a, en quelque sorte, vérifié la prophétie
d’Astruc avec les petites caméras numériques, véritables « caméras-stylos »
(ce qui ne dit rien de celui qui le tient).

➦ AUTEUR, CAMÉRA-STYLO

ATTRACTION
Narratologie, histoire, psychologie 1. C’est dans son sens courant, celui
du music-hall ou du cirque, que le terme a été utilisé par Eisenstein dans sa
théorie du « montage des attractions » – d’abord au théâtre, puis au cinéma.
Il y défendait un cinéma où le montage passe, de façon délibérément
heurtée, d’une attraction à une autre, c’est-à-dire d’un moment fort et
spectaculaire, relativement autonome, à un autre, au lieu de rechercher la
fluidité et la continuité narrative. Il s’agissait alors de poser les prémisses
d’un cinéma discursif et politique, opposé au cinéma narratif « bourgeois ».
2. Dans une autre visée, mais avec la même définition (moment fort et
autonome de spectacle), le terme est repris (Gaudreault & Gunning, 1989)
pour désigner l’un des deux systèmes de représentation que l’on a
distingués dans le cinéma des premiers temps, le système d’«  attractions
monstratives » (opposé au système d’« intégration narrative » qui à terme
devait l’emporter dans le cinéma classique).
3. Chez Deleuze (1983), la définition eisensteinienne (lue comme
«  insertion d’images spéciales, soit représentations théâtrales ou
scénographiques, soit représentations sculpturales ou plastiques, qui
semblent interrompre le cours de l’action  ») est reprise pour faire du
montage d’attractions une forme de passage de l’une à l’autre des variétés
d’image-action (de la « grande forme » à la « petite forme »), et de création
de figures.

➦  FIGURE, IMAGE-ACTION, MONTAGE DES ATTRACTIONS, NARRATION,


PRIMITIF (CINÉMA), REPRÉSENTATION

  EISENSTEIN, 1923 (IN 1974) ; GAUDREAULT & GUNNING, 1989 (IN AUMONT ET
AL., 1989) ; GAUDREAULT, 2008

AUDIOVISUEL
Institution, esthétique, technique Adjectif et, plus souvent, substantif,
désignant de façon générique toutes les œuvres mobilisant à la fois des
images et des sons, leurs moyens de production, et les industries ou
artisanats qui les produisent. Le cinéma est, par nature, « audiovisuel » ; il
relève des «  industries de l’audiovisuel  ». Toutefois, cela n’est pas son
caractère le plus singulier ni le plus spécifique. Du point de vue théorique,
ce terme ambigu a souvent été utilisé de manière confuse, mais il existe
quelques tentatives pour le prendre à la lettre, et étudier la dimension
proprement « audiovisuelle » du cinéma, c’est-à-dire la relation spécifique
qu’il produit entre des images visuelles en mouvement et des images
sonores. Il a par ailleurs l’intérêt d’intégrer le cinéma dans un ensemble
plus large, englobant toutes les formes d’expression reposant sur les images
en mouvement et les sons, et en particulier la télévision, toutes les images et
les sons produits par les caméras numériques et les médias audiovisuels. Par
là même, il pose la question de la spécificité du cinéma et de ses limites.

➦ ARNHEIM, CONTREPOINT (MONTAGE À), INSTITUTION, PAROLE, SON


  WORTH, 1981 ; CHION, 1990 ; SORLIN, 1992

AUTEUR
Esthétique, critique La notion d’auteur au cinéma a toujours été
problématique. Dans les autres domaines artistiques, l’auteur est celui qui
produit l’œuvre, écrit un livre, compose une partition, peint un tableau. Le
cinéma est un art collectif, et la création strictement individuelle y est rare
(cas de certains films expérimentaux pour lesquels le cinéaste remplit toutes
les fonctions, du producteur au projectionniste). Un film de fiction réalisé
en studio suppose une équipe, mais c’est aussi le cas du documentaire à
petit budget. La notion d’auteur de film a donc été lente à émerger
historiquement et reste toujours fluctuante selon les pays et les modes de
production.
Par analogie avec l’art théâtral, on a d’abord considéré que l’auteur du
film était celui du scénario, le «  metteur en scène  » n’étant qu’un simple
exécutant technique. Dans le cadre de la production anonyme des studios,
chez Pathé avant 1914 ou à Hollywood (1920-1960), c’est le studio lui-
même en tant qu’entité collective et image de marque qui peut être
considéré comme l’instance responsable de la création de l’œuvre.
La notion d’auteur est étroitement liée aux phases du combat des
intellectuels et des artistes pour la reconnaissance du film comme œuvre
d’art, expression personnelle, vision du monde propre à un créateur  :
Griffith après sa période Biograph et le succès de Naissance d’une nation,
la première avant-garde française (Delluc, L’Herbier, Gance), la Nouvelle
Vague. C’est dire que le statut d’auteur au cinéma est toujours menacé par
le rapport de forces entre le cinéaste et les instances de production et de
diffusion (voir le cas des coupures publicitaires et de la « colorisation » des
films à la télévision).
Si l’on s’en tient à la définition première du terme : « personne qui est la
cause première, à l’origine d’un produit ou d’une œuvre, celui de qui on
tient un droit », l’auteur s’identifie au producteur, et c’est pourquoi, dans la
plupart des législations qui régissent la propriété des films, les droits
d’auteur reviennent à la firme de production ; les scénaristes et le metteur
en scène n’ont que des droits moraux ou symboliques. La liberté de création
du cinéaste est toujours très relative et il est donc paradoxal d’affirmer sa
paternité de l’œuvre ou de reconnaître sa signature personnelle dans le
contexte d’une production standardisée (c’est l’originalité de la « politique
des auteurs  » préconisée par l’équipe des Cahiers du cinéma dans les
années 1950). On peut par exemple considérer que David O. Selznick est
tout autant l’auteur de Rebecca que Alfred Hitchcock, qui en signe la
réalisation, et malgré la personnalité marquée de ce cinéaste.
Le statut d’auteur est encore problématique pour une autre raison. Le
film est un moyen d’expression hétérogène qui combine plusieurs matières :
l’image, les dialogues, la musique, le montage, etc. Privilégier la seule mise
scène relève donc d’un parti pris discutable. Dans de nombreux cas, le
metteur en scène s’en tient à une simple exécution et n’a aucune
responsabilité ni initiative dans le choix du scénario, des dialogues, des
acteurs, du montage, de la musique, etc. Il existe de nombreux films
caractérisés par la part créative de scénariste ou du dialoguiste (par
exemple, Marius, réalisé par Alexandre Korda en 1931 d’après la célèbre
pièce de Pagnol), ou même de l’acteur principal (les metteurs en scène de
Garbo ou de Bardot n’ont souvent eu aucune importance).
D’un point de vue strictement théorique, il est impossible de concentrer
la figure de l’auteur sur la personne du metteur en scène. C’est une instance
abstraite, à la fois multiple (la combinaison des apports des collaborateurs
de création) et fragmentaire (la partie créative semi-lucide et semi-intuitive
de chacun de ces collaborateurs). L’auteur d’un film est donc en termes
sémiotiques un «  foyer virtuel  », un «  grand imagier  » (Laffay), un
« énonciateur », le sujet du discours filmique. D’un point de vue esthétique,
on a pu considérer que l’auteur est une instance qui dépasse l’œuvre
unitaire, et oblige à adopter sur elle un point de vue qui la traverse (Wollen).
Il faut en outre insister sur la part inconsciente du processus de création
artistique, le metteur en scène de cinéma œuvrant au sein d’un
environnement très contraignant et normalisé. C’est pour toutes ces raisons
que les déclarations recueillies dans les entretiens avec les cinéastes doivent
être maniées avec précaution méthodologique, comme un témoignage de
grand intérêt mais qui ne détient aucune vérité.
➦ CAMÉRA-STYLO, CRITIQUE, POLITIQUE DES AUTEURS
  BAZIN, 1958-1962 ; EDELMAN, 1973 ; ROHMER, 1984 ; PRÉDAL, 1999 ; GAUTHIER
& VEZYROGLOU, 2014

AVANT-GARDE
Esthétique, histoire, mouvement De purement militaire (au XIIe siècle), le
terme est devenu politique, par métaphore, il y a deux siècles, puis a été
transposé au domaine culturel. La notion d’« art d’avant-garde » a été très
active au début du XXe siècle, pour qualifier des formes d’expérimentation
figurative et représentative, dans les arts plastiques surtout. On peut noter
que cette métaphore est imprécise  : les avant-gardes militaires ont pour
vocation de préparer la venue du gros de la troupe, ce qui, en art, n’a jamais
été le cas.
La même métaphore militaire et idéologique a été reprise en cinéma,
pour désigner –  toujours avec une arrière-pensée militante et des
connotations polémiques  – divers groupes de cinéastes, généralement en
marge de l’industrie ou opposés à elle. Les cinéastes futuristes italiens, les
tenants soviétiques du cinéma «  non joué  », le groupe des
«  impressionnistes  » français, les graphistes et plasticiens du cinéma
allemand, avant la Seconde Guerre mondiale, se sont tous revendiqués
comme relevant de l’avant-garde  ; d’autres leur ont succédé (e. g., des
années 1950 jusqu’aujourd’hui, le cinéma lettriste). Les avant-gardismes
ont presque toujours été caractérisés par leur désir d’avoir l’exclusivité de
l’art, et par leur dénigrement des autres artistes et des autres courants. C’est
pourquoi ils ont également été des courants fortement théoriques ou au
moins auto-conscients, et ont donné lieu à nombre de déclarations ou
manifestes définissant l’art du cinéma, de Dulac à Lemaître.
Comme dans les arts en général, la notion d’avant-garde est aujourd’hui
considérée  comme appartenant à l’histoire, et la revendication avant-
gardiste est devenue exceptionnelle dans le cinéma. Elle réapparaît
cependant périodiquement et détermine entre autres un axe de
programmation de la Cinémathèque française («  Cinéma d’avant-garde et
de la contre-culture générale »).

➦ EXPÉRIMENTAL, FUTURISME, LETTRISME, UNDERGROUND


    POLAN, 1981  ; DE HAAS, 1985  ; DEVAUX, 1992  ; GHALI, 1995  ; BRENEZ &
LEBRAT, 2001 ; ALBERA, 2005 ; DEVILLE, 2014

AVENTURE (FILM D’)


Genre L’aventure est ce qui advient, ce qui va arriver. Le terme, ancien
dans notre langue (IXe  siècle), désigne un genre, d’abord littéraire et
développé au XIXe, puis cinématographique. Toutefois, à la différence de
genres comme le western, le gore, la science-fiction, dont la définition est
relativement simple, il est difficile d’assigner des limites précises au film
d’aventure, qui ne se définit ni par un décor précis, ni par un type de
personnages, ni par un rapport particulier à l’adaptation, etc. Aussi est-il
sans doute l’un des genres le moins théorisés – sinon dans une version un
peu particulière, celle du film anthropologique.

➦ ACTION, GENRE
  CAWELTI, 1976 ; BROWNLOW, 1979B ; AUMONT, 2001
B
BALÁZS, BÉLA (1884-1949)
Critique, cinéaste, scénariste, théoricien Critique, poète, dramaturge
hungaro-allemand (entre autres librettiste du Château de Barbe-Bleue de
Béla Bartók). Ami de jeunesse de Lukács, il participe en 1919 à la
République des conseils de Béla Kun, puis doit s’exiler à Vienne, plus tard
à Berlin (1926) et à Moscou (de 1931 à 1945) avant de revenir en Hongrie
(où il sera le scénariste de Quelque part en Europe).
Bilingue, biculturel, Balázs est par excellence le théoricien classique du
cinéma, à mi-distance des conceptions de Kracauer et de celles d’Arnheim.
Surtout, ses théories, rassemblées sous leur forme la plus nette et la plus
originale dans son premier livre, Der sichtbare Mensch (L’Homme visible,
1924), proviennent directement de sa riche expérience de critique de cinéma
pour le journal viennois Der Tag, de 1919 à 1924.
Les thèses principales de ce livre (qui ne se présente pas comme un traité
mais comme une suite de notations brèves), peuvent être décrites selon
quatre axes :
1°, le cinéma comme art du visible  : thèse d’époque, mais portée et
renforcée par la double culture de Balázs, autour de la spécificité artistique
du cinéma. Il cherche en particulier, systématiquement, à distinguer le
cinéma des arts du verbe, littérature et théâtre. Il note en particulier que le
cinéma n’est pas illustration de contenus préexistants ; le récit filmique n’a
de commun avec le récit littéraire que la notion de construction (le
« squelette ») : leur chair (et leur « moelle ») est différente. (Une position
qui le distingue notamment de celle des Formalistes, ses contemporains.) La
spécificité du cinéma, c’est donc la pure visibilité, la surface, la sensorialité,
avant tout accès à un « contenu ».
2°, le réalisme particulier du cinéma : le cinéma rend visible, il fait voir
à neuf la réalité, et en même temps, il rend compréhensible ce que nous
voyons. L’important est que Balázs ne se limite pas à l’argument
mimétique  : le cinéma est une mise en forme symbolique de ce qu’il
représente ; s’il nous fait comprendre le monde, c’est qu’il a pour cela des
formules visuelles et immédiates, nouvelles, et qui ménagent parfaitement
l’apparence des choses. Mais plus profondément, le cinéma est un art de la
présence : un film ne raconte pas, il ne commente pas un événement ; il le
montre, il le fait voir, en lui laissant son caractère d’expérience sans
concept.
3°, l’image n’est pas pure représentation du monde : ce qu’elle rend
présent, c’est la réalité, certes, mais c’est aussi elle-même. Le cinéma selon
Balázs est donc un art du visuel, et pas seulement du visible. Les gestes
filmiques, par exemple, n’ont pas à charge de véhiculer un discours verbal,
mais constituent une espèce de langage. Dans un autre domaine, il observe
que le film, s’il est réellement un événement visuel, a besoin d’un temps
propre, plus lent que le temps verbal. À travers ce genre de notation se
profile l’idée d’un monde des images auquel ressortit le film.
4°, à tous ses stades, le cinéma est donc production d’un sens  : la
caméra, pour Balázs, est « productive », les ciseaux sont « inventifs », l’œil
« flaire », etc. Cette idée culmine, dès son ouvrage de 1924, avec la notion
d’une physionomie que le cinéma donnerait à ce qu’il filme –  animé ou
inanimé.
Exilé à Moscou à la fin des années 1930, Balázs ne renouvela guère ses
thèses ni ses thèmes, et ses deux ouvrages ultérieurs (1930, 1946) se
contentent pour l’essentiel de les adapter, notamment à l’arrivée du parlant,
et de renouveler les exemples.

➦ INTERPRÉTATION, RÉALISME

BANDE IMAGE, BANDE SON


Technique, sémiologie Ces deux notions ont été proposées à l’époque où
les images d’un film étaient enregistrées sur une pellicule (souvent qualifiée
de ruban ou de « bande ») ; plus tard, le son fut, durant de longues années,
enregistré sur une bande magnétique. Dans le système argentique, les deux
bandes (pellicule image, bande magnétique), enregistrées dans des appareils
distincts, devaient ensuite être fondues en une seule, par report du son sous
forme de « piste » sur la pellicule image. De cette donnée concrète on a tiré,
par métonymie, l’idée d’une « bande image » et d’une « bande son », qui,
dans le vocabulaire de la critique et de la théorie, ne font plus référence au
support matériel, mais considèrent, dans leur déroulement temporel
respectif, la suite des images d’un film et celle de ses sons.
Metz a repris la notion de bande images (qu’il écrit au pluriel) pour
définir la spécificité du film. Il la définit comme un texte partiel, composé
d’images (sans les sons) qui regroupe un certain nombre de codifications :
les traits d’iconicité visuelle, les codes relevant de la plastique, les codes de
l’analogie. Mais l’iconicité ne suffit pas à définir l’image
cinématographique. Il faut y ajouter ce qui relève de la duplication
mécanique que l’on retrouve dans l’ensemble des images figuratives
obtenues par voie mécanique (comme la photographie). De surcroît, l’image
cinématographique est multiple, elle est mise en séquence avec elle-même.
Enfin elle est mouvante, et elle l’est doublement, par le mouvement de
l’image (mouvements de caméra) et le mouvement dans l’image. La bande
images est également une réalité composite puisqu’elle ne comporte pas
que des images au sens strict. Elle peut intégrer des mentions écrites et des
phénomènes visuels qui ne sont pas des images comme les effets optiques,
ou bien plus radicalement l’écran noir qui en est la négation.
Quant à la bande sonore, pour Metz, elle relève des codes de l’analogie
auditive ; des codes de composition sonore (agencement syntagmatique des
éléments auditifs entre eux, musique, bruits, paroles). Ces codes sont
communs à la bande sonore du film et à la pièce radiophonique. Chion a
réfuté l’hypothèse d’une autonomie de la bande son. Il estime que les sons
du film ne forment une bande son (autonome) que dans des cas très
particuliers et très restreints, tels les films de Robbe-Grillet et de Duras.
Dans le cas dominant du cinéma narratif-représentatif, le spectateur ne
reçoit pas une bande-son isolée, mais une simultanéité de messages sonores
superposés que sa perception et sa mémoire analysent par rapport à l’image
et à l’action, et qu’il va ensuite, en fonction de cette analyse, répartir,
distribuer dans plusieurs directions, plusieurs espaces (dont l’in, le hors-
champ et le off), plusieurs zones d’attention.

➦ IMAGE, MONTAGE, SON


  METZ, 1971 ; MARIE, 1974 ; CHION, 1990, 1998
BAROQUE
Esthétique, histoire, style Ce terme qui connote la bizarrerie, la
complication ou l’étrangeté, se dit d’un art très orné, extravagant, précieux,
sophistiqué. Son application aux arts traditionnels n’est pas simple, et les
périodisations correspondantes, contestées. Malgré cela, sa force expressive
l’a fait parfois appliquer au cinéma, selon des définitions variables, qui
n’ont en commun que les connotations citées.

➦ MANIÉRISME, STYLE
  AGEL & GEORGES, 1960 ; RUIZ, 1995 ; PLASSERAUD, 2007

BARRY, IRIS (1895-1969)


Critique, conservatrice, historienne Dans les années 1920, critique de
cinéma (notamment pour le Daily Mail), et animatrice d’une Film Society
(sorte de ciné-club) en Angleterre. Elle fut appelée en 1932 par le Museum
of Modern Art de New York pour en diriger la bibliothèque ; elle continua
son activité de critique (au Herald Tribune et dans plusieurs publications
spécialisées), traduisit en anglais l’Histoire du cinéma de Bardèche et
Brasillach, et fut cofondatrice de la FIAF, dont elle fut présidente plusieurs
années à partir de 1946. Mais elle est surtout connue pour avoir, en 1935,
créé le département de cinéma du MoMA, dont elle devint la première
conservatrice –  poste qu’elle occupa jusqu’en 1951 (elle s’installa ensuite
dans le Midi de la France). Elle eut à cœur, la première au monde dans une
institution aussi prestigieuse, de « faire prendre conscience de la tradition
et de l’histoire de ce nouvel art du cinéma  »  ; elle imposa l’idée d’une
collection de films illustrant les grandes étapes historiques et artistiques du
cinéma et obtint des donations de la plupart des grandes firmes de
production américaines. Elle inaugura en 1939, dans une grande salle de
450 places, des programmes de projections quotidiennes par un cycle sur
Méliès et un autre sur « Le cinéma du réel ». Après la guerre, elle fut l’un
des soutiens les plus sûrs d’Henri Langlois, et une personnalité respectée du
monde des cinémathèques – dont elle avait été la pionnière.

➦ CINÉMATHÈQUE
  BARRY, 1926 ; BANDY, 1992
BARTHES, ROLAND (1915-1980)
Critique, sémiologue, théoricien Critique et théoricien de la littérature et
de l’idéologie, il fut dans les années 1960 l’un des chefs de file de la
sémiologie structurale appliquée au texte écrit, puis dans la décennie
suivante l’un des initiateurs de la «  sémanalyse  » des œuvres littéraires et
artistiques.
Barthes était un spectateur de cinéma régulier, mais s’y est beaucoup
moins intéressé qu’aux arts traditionnels (peinture, musique) et à la
photographie. Toutefois, il lui a consacré très tôt des articles, dès les
Mythologies (articles sur le cinémascope et sur Greta Garbo). Dans sa
première période structuraliste, il publia deux articles théoriques (1960), sur
« la signification au cinéma » et les « unités traumatiques au cinéma » ; ce
dernier témoigne d’une attitude assez concrète (presque positiviste, par
certains aspects), mêlée à un souci de l’affect que produit le film (par
exemple, Barthes remarque que la longueur des plans a une conséquence
immédiate sur l’effet qu’ils produisent, et propose d’ailleurs d’expérimenter
à ce sujet). Il préfigurait ainsi le travail à venir de Metz autour de la
question des unités minimales dans un film ; mais, en centrant son texte sur
l’unité « traumatique », il marquait déjà que, pour lui, une œuvre de l’esprit
(qu’elle soit littéraire, picturale ou filmique) n’a d’intérêt que par les affects
qu’elle produit et/ou autorise. À peu de temps de sa mort, il publiait un
texte sur Antonioni qui louait, chez celui-ci, la «  syncope du sens  » –
 confirmant ainsi que le cinéma, comme les autres arts, l’intéressait surtout
hors de la production de significations affirmées, et plutôt lorsqu’il laisse en
quelque sorte le sens en suspens.
Son texte le plus remarqué à propos de cinéma est une analyse de
photogrammes de films d’Eisenstein (1970b). Il y distingue trois niveaux de
signification  : le niveau informatif où se rassemble la connaissance
qu’apportent le décor, les costumes, les personnages, leur insertion dans une
anecdote  ; le niveau symbolique (référentiel, diégétique, mais aussi
symbolisme propre à l’univers de l’auteur ou symbolisme historique) ; enfin
le troisième sens, plus difficile à cerner, pourtant «  évident, erratique et
têtu ». On le saisit dans certains détails et dans la manière de les présenter.
C’est pourquoi, contrairement au sens symbolique que l’on pourrait
qualifier d’évident, on peut dire ce troisième sens obtus, que ce soit parce
qu’il est plus large que les autres ou parce qu’il est au delà du sensé et du
mesurable.
Cette idée d’un sens qui, dans l’image, excède ou contourne la
signification, a été reprise par lui à propos de la photographie (1980). Sous
le nom latin de punctum –  qu’il oppose au studium, le sens intentionnel
voulu par le photographe  –, Barthes désigne des zones d’une photo qui,
insignifiantes au regard de la représentation, acquièrent une importance
pour lui en tant que site de signifiance, précisément à cause de leur
caractère de « résidu » du processus représentatif. Comme le sens obtus, le
punctum ne peut être déterminé en vertu d’une procédure sémiotique
objective  ; il est défini par l’analyste au jugé, en vertu de l’effet –  visuel,
émotionnel – qu’il exerce sur son œil. Sans que le mot soit prononcé, on est
très proche de la théorie du figural, alors en plein développement.
L’influence de Barthes sur la théorie et la critique du film excéda de loin
ses travaux directement consacrés à l’image. Sa définition du «  mythe
aujourd’hui » (1954) influença de nombreux critiques de cinéma dans leurs
analyses idéologiques. Ses travaux de sémiologie du texte littéraire ont été
prolongés et adaptés – combinés avec d’autres, notamment ceux de Genette
et Greimas – par la plupart des théoriciens du récit cinématographique des
années 1970 et 1980. Enfin, son analyse détaillée d’une nouvelle de Balzac
(1970a) inspira, directement ou indirectement, la plupart des entreprises
d’« analyse textuelle », notamment via les notions de code et de lexie (cf.
Kuntzel, 1972 ; Cahiers du cinéma, 1970).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, FIGURAL, SÉMIOLOGIE, SYMBOLE


  WATTS, 2015

BAZIN, ANDRÉ (1918-1958)


Critique, théoricien Critique français, a collaboré à des quotidiens (Le
Parisien libéré), des hebdomadaires (L’Écran français, France-
Observateur), et à des mensuels, dont les Cahiers du cinéma, qu’il
contribua à fonder en 1951. Il n’est l’auteur d’aucun livre systématique,
mais de plusieurs recueils d’articles, dont l’anthologie Qu’est-ce que le
cinéma  ? est la plus représentative, et la plus intéressante pour les idées
théoriques qui y sont proposées.
Influencé par le Sartre de L’Imaginaire, Bazin pose l’art comme moment
crucial dans l’effort psychologique de l’homme pour dépasser ses
conditions réelles d’existence. Liant ontologie et histoire des arts figuratifs,
il lit dans la photographie un moment essentiel de cette histoire, « libérant
les arts plastiques de leur obsession de la ressemblance  » en assurant
automatiquement celle-ci, et répondant par là à un profond besoin
psychologique d’«  embaumer le temps  ». Empreinte littérale du réel,
l’image photographique « emporte notre croyance » ; prenant la relève, le
cinéma réalise de mieux en mieux, au fil de son évolution, l’idéal du
« cinéma total », empreinte non seulement de l’espace mais de la durée. La
photographie, et le cinéma à sa suite, « rendent hommage au monde tel qu’il
paraît », et nous mettent en présence de la chose même.
Aussi Bazin condamne-t-il, comme contraire à la nature du cinéma, toute
intervention excessive, toute manipulation, toute «  tricherie  », qui
attenterait à l’intégrité du réel représenté  ; cela l’amène notamment à
«  interdire  » le montage dans tous les cas où son utilisation produirait un
sens trop univoque, imposé par l’arbitraire du cinéaste, au détriment de
l’« ambiguïté immanente au réel ». Corrélativement, le film doit se garder
d’imposer au spectateur une interprétation de ce qui lui est montré  ; cette
« liberté psychologique » du spectateur amène Bazin à privilégier des styles
fondés sur le plan-séquence et la profondeur de champ (voir ses
commentaires sur les films d’Orson Welles, dans le recueil consacré à ce
cinéaste).

➦ CADRE, IMAGINAIRE, MONTAGE, MONTAGE INTERDIT, ONTOLOGIE


  ANDREW, 1978, 2014 ; JOUBERT-LAURENCIN, 2014

BELLOUR, RAYMOND (1939)


Critique, théoricien Critique et théoricien de la littérature, du cinéma et
d’autres arts visuels (également auteur d’un roman et d’un recueil de
poèmes), Bellour a consacré pratiquement toute son activité de recherche
(abritée institutionnellement par le CNRS) à l’analyse de films, d’une part,
et d’autre part, à l’évaluation de la situation du cinéma dans la sphère
artistique, esthétique et idéologique en général.
Les années 1960 et 1970 le voient passer de la cinéphilie (il fut le co-
fondateur, avec Jean-Louis Leutrat, de la revue artsept) à l’analyse
textuelle, dont il fut le pionnier le plus notable. Son analyse d’un fragment
des Oiseaux de Hitchcock (1969), son étude de La Mort aux trousses
(1975), parmi plusieurs autres, sont devenues des classiques. Bellour
travailla à partir des hypothèses structuralistes (Metz, dont il était proche,
mais aussi, plus fondamentalement, Lévi-Strauss), et ses travaux se
distinguent par leur souci méthodologique exceptionnellement rigoureux.
Il s’intéressa ensuite au rapport entre sémiologie et psychanalyse ; cette
préoccupation le mena à élargir considérablement les thèmes freudiens et
lacaniens appliqués au cinéma, et notamment à proposer une lecture
historiquement informée de la problématique de la castration
(Mademoiselle Guillotine, 1989). Depuis une vingtaine d’années, il travaille
plus systématiquement à une autre mise en perspective historique du
cinéma, à partir de son rapport avec la littérature, la peinture, la vidéo, la
photographie, et plus récemment, les installations d’artistes –  un domaine
qu’il a lui-même baptisé l’« entre-images ».
Enfin, comme beaucoup de chercheurs de sa génération, il a pris position
envers les problèmes de définition et de territoire posés par l’extension du
cinéma à d’autres formes et d’autres types d’images mouvantes  ; il est un
des tenants avérés du maintien assez strict de la définition du cinéma par
son dispositif (la salle obscure et ses conséquences psychiques).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, BLOCAGE SYMBOLIQUE, CINÉMA ÉLARGI, DISPOSITIF,


HISTOIRE DU CINÉMA, INSTALLATION, PEINTURE, PSYCHANALYSE

BENJAMIN, WALTER (1892-1940)


Critique, essayiste Critique littéraire et politique, auteur d’un très grand
nombre d’articles ; ses grands projets de livres (sur Baudelaire, sur Paris au
XIXe siècle) restent inachevés. Il s’est peu souvent intéressé au cinéma, mais
est l’auteur d’un texte extrêmement influent depuis sa redécouverte dans les
années 1970, «  L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique  »
(1935, seconde version revue, 1939), dont la thèse centrale est que la
photographie, puis le cinéma, ont totalement transformé la manière dont
apparaissent les œuvres d’art, leur reproduction devenue confiée à des
machines les ayant privées d’aura (cette qualité mystérieuse qui les mettait
à part dans les productions humaines). Ces techniques ont deux moyens
principaux, d’une part le gros plan et le ralenti – des moyens de grossir la
réalité –, d’autre part la réduction et l’accéléré (moins importants aux yeux
de Benjamin, mais qui ont aussi la propriété de nous montrer des choses
que nous ne verrions jamais naturellement). Cette capacité du cinéma à
produire des aspects normalement non visibles de la réalité (une idée que
l’on trouvait déjà chez Vachel Lindsay) explique qu’on ait eu beaucoup de
mal à définir le cinéma comme art. Pour Benjamin, sa qualité principale
(pas vraiment artistique selon lui) est de présenter la réalité, non pas telle
quelle comme le pensent les théoriciens de l’«  indicialité  » (Bazin ou
Kracauer), mais au contraire comme ayant été pénétrée par une machine ; le
film ne saurait donc s’adresser qu’à un membre de la société industrielle
moderne, pour lequel cette pénétration par la machine est parfaitement
adaptée.

➦ ART, GROS PLAN, RALENTI

BERGALA, ALAIN (1943)


Critique, cinéaste, enseignant Critique et pédagogue, Alain Bergala est
l’un des pionniers de l’enseignement du cinéma dont il a théorisé la
pratique dans ses premiers livres (1975, 1978) et proposé un programme
dans un ouvrage postérieur, L’Hypothèse cinéma (Petit traité de
transmission du cinéma à l’école et ailleurs, 2002), écrit lorsqu’il était
conseiller du ministre de l’Éducation nationale, dans la perspective de
l’introduction des arts, et en particulier du cinéma, dans les enseignements
fondamentaux au sein de l’institution scolaire. Il a, dans ce cadre, dirigé une
collection de DVD pédagogiques (« L’Eden Cinéma ») fondés sur l’analyse
audiovisuelle d’extraits de films. Son activité critique s’est principalement
exercée au sein des Cahiers du cinéma (dont il a été rédacteur en chef
adjoint de 1981 à 1985) et ses articles ont principalement été consacrés à
Rossellini et Godard, puis Kiarostami, qu’il a contribué à faire connaître en
France. Bergala s’est toujours intéressé au processus matériel et sensible de
fabrication des films, ce qu’il nomme «  l’acte de création  » (2015). À ce
titre, il a publié un Godard au travail (2006), où il analyse toutes les phases
du processus créatif du cinéaste au cours des années 1960 en s’appuyant sur
de nombreux documents de tournage.
Il est aussi cinéaste depuis 1980, mais après ses premiers films de fiction
(1983-1989), il s’est dirigé vers la réalisation de films documentaires liés à
son activité critique (sur Pasolini en particulier). Il est par ailleurs
commissaire d’expositions dont la plus notable est celle qu’il a consacrée
aux « correspondances » entre les œuvres d’Abbas Kiarostami et de Victor
Erice (2007). Il a enseigné dans plusieurs universités, dont celle de la
Sorbonne Nouvelle, et à la Fémis.

➦ CRÉATORIEL, GODARD, PÉDAGOGIE, ROSSELLINI

BERTETTO, PAOLO (1944)


Critique, théoricien, directeur de musée Universitaire et critique italien, il
fut aussi directeur du Museo Nazionale del Cinema de Turin ; il a co-fondé
et dirige la revue Imago. Son œuvre écrit (ouvrages collectifs ou
personnels) a beaucoup porté sur la période de la république de Weimar,
dont il est un spécialiste, et sur la question de l’acteur. Ses principaux
ouvrages au plan théorique traduisent la prégnance de sa formation
philosophique, et son goût pour Nietzsche et ses héritiers en philosophie,
jusqu’à Deleuze.
À date récente il est l’auteur d’une trilogie, dont le premier volume
(2007) est une vigoureuse défense de la nature de simulacre et non d’indice
de l’image cinématographique, le deuxième (2014), une étude de la capacité
du cinéma de produire des concepts en image, le troisième enfin (2016)
développe l’idée d’une « esthétique de l’intensité ». Il s’agit au total d’une
théorie de la sensation spectatorielle et de la forme filmique
particulièrement originale, qui accentue la notion de «  force  », au sens de
Deleuze, et se présente comme une petite machine de guerre contre l’idée
courante d’image analogique automate et indicielle, contre l’attribution au
film d’un réalisme de principe, et contre toute théorie d’inspiration
sémiologique.
Bertetto est également l’auteur de deux romans policiers, dont l’un est en
partie fondé sur un incident peu connu de la vie de Fritz Lang.

BERTIN-MAGHIT, JEAN-PIERRE (1948)


Historien, photographe Historien et universitaire, d’abord spécialisé dans
l’analyse des films français réalisés sous l’Occupation (1980). Il renouvelle
la connaissance de cette période par une plongée dans des archives
jusqu’alors peu explorées avec son second ouvrage (1989), en analysant les
structures mises en place par le nouveau régime, et l’ensemble de ses
collaborateurs de tous niveaux (administrateurs, réalisateurs, producteurs,
scénaristes, acteurs) ainsi que l’attitude, les réactions et les goûts des
spectateurs. Son troisième ouvrage sur la même période est consacré à
l’analyse précise des documentaires de propagande (2004). Il dirige ensuite
une Histoire mondiale du cinéma de propagande de nature encyclopédique
avant d’étudier l’utilisation du cinéma pendant la guerre d’Algérie par
l’armée française et les médias officiels, puis les films amateurs réalisés par
les soldats du contingent. Ce dernier travail repose sur les témoignages de
témoins retrouvés selon les méthodes de l’histoire orale. Tous ces travaux
témoignent d’une grande rigueur dans la démarche historique reliant le
cinéma à l’histoire politique contemporaine selon le programme «  analyse
de films/analyse de sociétés » cher à Marc Ferro.

BIOGRAPHIE
Critique, genre La biographie est le récit de la vie d’un personnage. C’est
le plus ancien genre historique puisqu’il remonte à Plutarque. L’histoire du
cinéma a été happée dès le départ par cette tradition car les premières
approches des auteurs français et anglo-américains sont des biographies des
«  grands hommes  » qui ont inventé le cinéma, ses techniques ou son
langage. C’est le cas de Coissac en France ou Ramsaye aux États-Unis.
C’est une tendance lourde du récit historique qui revient cycliquement. Bien
entendu, cette approche n’est pas sans limite, car elle privilégie les
individus au détriment des structures économiques ou des contextes socio-
culturels et de tous les facteurs collectifs. Les histoires de l’art
cinématographique, depuis celles de Bardèche et Brasillach, Sadoul ou
Mitry, sélectionnent les grands réalisateurs et enchaînent
chronologiquement leurs biographies et leurs œuvres. Après les inventeurs
(Lumière, Edison, Marey), c’est Chaplin qui a été l’objet des premières
approches biographiques dès les années 1920. Mais dans ce cas, la
biographie est souvent imbriquée avec l’étude de la filmographie, de
l’œuvre filmée, selon le schéma scolaire de « l’homme et l’œuvre ».
La biographie en tant que moyen de connaissance du cinéma s’est
développée de manière autonome dans un second temps. S. M. Eisenstein et
Jean Vigo ont été l’objet d’études biographiques de la part de Seton et de
Salles Gomes, la première limitée par des sources peu fiables, la seconde
beaucoup plus rigoureuse et facilitée par la brièveté de la vie et de l’œuvre
de son objet.
Il faut distinguer les biographies des études monographiques de
cinéastes. Ces dernières s’intéressent en principe d’abord aux films et non à
la vie des auteurs. La qualité des biographies dépend de la rigueur dans
l’usage des sources et de la capacité à les interpréter. Bien entendu,
l’approche biographique est déterminée par la conception propre à chaque
chercheur de la psychologie individuelle et du processus créatif. La
biographie est surtout un genre privilégié de la critique nord-américaine.
Elle est plus rare dans d’autres langues.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA

BIOGRAPHIQUE (FILM)
Esthétique, histoire Le film biographique (biopic, ou biographical picture,
en langue anglaise) a pour but d’évoquer la vie d’un personnage célèbre ou
exemplaire dont l’existence est avérée par l’histoire ou par l’actualité. On
peut le considérer comme un sous-genre du film historique. Son prototype
est La Reine Elisabeth (Queen Elisabeth, de Desfontaines et Mercanton),
interprétée par Sarah Bernhardt en 1912, dans la tradition esthétique du
Film d’Art. Deux grands personnages illustrent le genre  : Napoléon
Bonaparte et Jeanne d’Arc, qui ont donné lieu, l’un comme l’autre, à de
nombreuses représentations biographiques, de Gance à Vidor et de Dreyer à
Rivette et Besson.
La Warner, à la fin des années 1930, s’est spécialisée dans la production
de biographies filmées, après le succès de La Vie d’Émile Zola (Dieterle,
1937), en proposant des vies de Pancho Villa (Viva Villa  !), de Thomas
Edison (La Vie de Thomas Edison, Brown, 1940) ou du boxeur Jim Corbett
(Gentleman Jim, Walsh, 1946).
C’est un genre international car toutes les cinématographies sacrifient au
culte de la personnalité, comme l’URSS avec Alexandre Nevski (S.M.
Eisenstein, 1938) ou l’Angleterre avec Gandhi (1982) ou Chaplin (1992),
tous deux réalisés par Richard Attenborough. Le cinéma contemporain
prolonge cette tradition en représentant Che Guevara (Carnets de voyage,
Salles, 2004), Howard Hughes (The Aviator, Scorsese, 2004), François
Mitterrand (Le Promeneur du Champ-de-Mars, Guédiguian, 2005), Kurt
Cobain (Last Days, Van Sant, 2005), Édith Piaf (La Môme, Dahan, 2007) ou
Yves Saint Laurent (Bonello, 2014  ; Lespert, 2014) pour citer des
personnalités très diverses.

➦ GENRE

« BIS »
Critique, genre, économie L’expression «  cinéma bis  » est apparue au
milieu des années 1960. Elle est calquée sur la notion de « série B » dans le
cinéma hollywoodien, et désigne un cinéma populaire à très petit budget –
 au départ, des films italiens parodiant les grands genres américains comme
le western, le film d’horreur, le film «  sexy  ». Le «  bis  » a donné lieu au
cours des décennies 1960 à 1980 à la production de plusieurs centaines de
« westerns spaghetti », réalisés en Italie, en Espagne ou en Yougoslavie, de
films sur l’antiquité gréco-romaine («  péplums  »), de films fantastiques,
criminels ou «  gore  », de films érotiques, puis pornographiques. Ce qui
caractérise cette catégorie de production est le fait de compenser la pénurie
budgétaire par la surenchère des effets spectaculaires obtenus par des effets
optiques, des éclairages, un montage parfois frénétique : plus de violence,
plus de sexe, plus de délire, en dépit de toute vraisemblance narrative.
Au sein de ces productions en série, au départ anonymes, la critique
spécialisée a pu découvrir des auteurs comme Jesus Franco, Dario Argento,
Mario Bava, Sergio Corbucci ou Sergio Leone. Le cinéma bis n’a d’ailleurs
pu conserver longtemps son statut de spectacle populaire pour salles mal
famées puisque la Cinémathèque française lui consacre depuis une décennie
une programmation particulière.
Le succès commercial de ces productions « bis » a évidemment influencé
le style et le contenu des productions dites «  normales  », à budget plus
conséquent. Ce transfert est particulièrement remarquable dans les cas du
film d’horreur (le giallo) et du cinéma érotique « softcore », mais aussi chez
certains cinéastes reconnus comme auteurs, et qui y ont trouvé leur
inspiration (au premier chef, Tarantino).

➦ GENRE, GORE, PÉPLUM, SÉRIE B


  AKNIN, 2007

BLAXPLOITATION
Critique, économie Contraction de « black » et « exploitation ». Désigne
les films spécifiquement produits en vue du public des Noirs américains,
surtout dans les années 1970. Ces films ont constitué un répertoire de
situations, de personnages, d’actions vite devenu stéréotypé, et qui a été
repris de manière citationnelle dans d’autres éléments de culture afro-
américaine dans les années 1990 (notamment le rap).

BLOCAGE SYMBOLIQUE
Théorie, psychanalyse Expression proposée par Bellour (1975) pour
désigner une caractéristique du récit cinématographique classique. À partir
d’une analyse de North by Northwest (La Mort aux trousses, Hitchcock,
1959), Bellour met en évidence, dans le récit comme dans la mise en scène
du film, la présence de l’Œdipe et de la Loi du Père. Il montre que le film
présente, sous divers déguisements, la figure du Père symbolique ; que c’est
toujours le Nom du Père qui joue le rôle de signifiant de la Loi. Le moment
crucial est celui de la rencontre entre le héros et la jeune femme, Eve. C’est
pour éclairer ce rapport entre la formation du couple et le film comme
itinéraire que Bellour analyse une scène clef, l’attaque du héros par un
avion dans un champ de maïs. Les moyens de locomotion (voitures, car,
etc.) y jouent un rôle dramatique et structurel, et l’analyste en déduit que
l’avion, dont le rôle est évident au niveau micro-structurel, est à rattacher,
au niveau macro-structurel, au défilé des symboles de la castration.
C’est cet effet de correspondance entre micro et macro-structure,
caractéristique selon lui du film de fiction classique, qu’il dénomme
« blocage symbolique ».

➦ ANALYSE TEXTUELLE, PSYCHANALYSE, SYMBOLIQUE


  BELLOUR, 1978

BONFAND, ALAIN (1957)


Critique, romancier, historien d’art Critique, écrivain et universitaire,
auteur de plusieurs romans et de plusieurs essais sur la philosophie et
l’histoire de l’art (notamment sur Paul Klee, dont il est spécialiste).
Bonfand est un des principaux représentants actuels en langue française de
la phénoménologie appliquée à l’étude de l’art (L’Expérience esthétique à
l’épreuve de la phénoménologie, 1995).
Son intérêt, ancien, pour le cinéma s’est traduit à date assez récente
d’abord par une édition des écrits d’Antonioni, puis par un ouvrage
consacré à ce cinéaste (Le Cinéma de Michelangelo Antonioni, 2003) ; il a
également consacré un ouvrage critique à Kurosawa (Le Cinéma d’Akira
Kurosawa, 2011). L’une et l’autre de ces monographies mettent en avant
des notions comme celle de «  phénomène saturé  » ou de «  réduction  »,
repris à la philosophie de J.-L. Marion. Bonfand a poursuivi dans la veine
phénoménologique, qui était déjà la sienne à propos de la peinture, avec Le
Cinéma saturé. Essai sur les relations de la peinture et des images en
mouvement, qui renouvelle l’approche de cette comparaison devenue
banale, en en faisant le point de départ d’une réflexion sur des questions
théoriques et esthétiques générales comme l’instant prégnant, le cadre ou le
sublime.

➦ ART, PEINTURE, PHÉNOMÉNOLOGIE

BONITZER, PASCAL (1946)


Critique, théoricien, scénariste, cinéaste Cinéaste et scénariste, il fut
durant une dizaine d’années critique, principalement aux Cahiers du cinéma
(une activité qui ne semble pas avoir inspiré sa pratique du cinéma). Il y
publia plusieurs articles à portée théorique, dont les principaux furent
regroupés dans deux recueils, Le Champ aveugle (1982) et Décadrages.
Peinture et cinéma (1985)  ; une nouvelle anthologie (La Vision partielle),
reprenant une partie de ces textes et d’autres plus circonstanciels, est parue
en 2016.
Bonitzer fut avant tout attaché à déconstruire le modèle «  réaliste  » du
cinéma hérité de Bazin et ce qu’on a appelé, dans les années 1970,
l’esthétique de la « transparence ». Pour cela, il a mis en avant des moyens
formels comme le gros plan (où –  dans une veine lointainement inspirée
d’Epstein – il décèle davantage qu’un simple grossissement de l’attention,
une véritable transgression de la manière habituelle de voir), ou plus encore
tout ce qui ressortit au hors-champ, auquel il attribue un rôle fondamental,
non seulement dans la conduite du récit (ce qui est assez banal), mais dans
la production d’effets de terreur, voire d’affects propres (d’angoisse par
exemple). Il fut également un commentateur d’Eisenstein, dont il ne garda
que certaines idées (celle de « fragment » surtout, qu’il oppose radicalement
à celle de « plan », comme un cinéma de la construction du sens s’oppose à
un cinéma de la transparence). Dans sa réflexion sur les relations de la
peinture et du cinéma, il revint sur certains de ces thèmes, notamment celui
du cadre et du hors-cadre, à travers la notion de décadrage, qui signale
certaines pratiques du cadrage visant à se mettre en avant comme telles, et
donc à rompre avec le classicisme. Des critiques de sa génération, il fut l’un
des plus proches d’un travail théorique  ; ses réflexions, datées par leur
thème comme par leurs références, et rarement poussées à leur terme,
restent toujours suggestives.

➦ EFFET DE RÉALITÉ, FRAGMENT, GROS PLAN, PEINTURE, PLAN, TABLEAU

BORDWELL, DAVID (1947)


Théoricien, enseignant Universitaire américain, fondateur et promoteur de
l’école «  néo-formaliste  » de critique et d’analyse des films. Son activité
personnelle se confond avec celle du néoformalisme, mais il a offert, de
cette approche du cinéma, des applications remarquables :
– à des cinéastes, dont il a étudié le style en grand détail, et toujours
sur la base d’une information factuelle extrêmement précise (voir
ses livres sur Dreyer, Ozu, Eisenstein, mais aussi son ouvrage sur
le cinéma de Hong-Kong par exemple). Son présupposé
« auteuriste », rapportant les œuvres à l’intention de l’artiste, son
souci de décrire la forme en référence à un état historique du
langage, sa visée constructiviste, voulant parvenir à un véritable
«  système  » pour chaque œuvre, font de lui un descendant de
l’herméneutique philologique de Schleiermacher ;
–  à des questions théoriques générales, notamment celle de la
narration (1985), qu’il propose d’étudier à partir de catégories
stylistiques historiquement définies, celle du style (1997), et celle
de la mise en scène (2005). Ses positions, sur ces questions, sont
proches de celles de ses modèles formalistes des années 1920 à
propos de la littérature –  positions qu’il a prolongées avec
système, rigueur et encyclopédisme, et sur la base d’analyses de
films toujours extrêmement précises et concrètes.
Avec Noel Carroll, il s’est aussi engagé dans une activité de critique
théorique, publiant ou dirigeant plusieurs ouvrages dans lesquels étaient
littéralement fustigés certains travaux de théorie du cinéma, essentiellement
européens (voire français). Certaines de ces critiques (notamment sur le flou
de certains concepts ou leur inadéquation à l’analyse de films) sont
recevables  ; on peut regretter cependant la tendance excessivement
polémique de certains textes, et surtout, le fait que les propositions positives
ne soient pas toujours à la hauteur des analyses critiques.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, AUTEUR, NARRATION, NÉOFORMALISME, STYLE

BOURGET, JEAN-LOUP (1944)


Historien, critique Après l’École normale supérieure, l’agrégation
d’anglais et quelques années comme conseiller culturel dans des
ambassades (notamment aux États-Unis), Jean-Loup Bourget a mené une
double carrière de critique (à la revue Positif, dont il est l’un des piliers) et
d’universitaire. Américaniste de formation et de sensibilité, il est l’un des
meilleurs spécialistes français du cinéma américain sous toutes ses formes
et dans tous ses états. On lui doit, à ce titre, nombre d’ouvrages, tantôt
monographiques (sur Altman, DeMille, Lubitsch, Sirk ou Vidor), tantôt
panoramiques. Ces derniers, surtout consacrés à Hollywood, prennent le
cinéma américain sous des angles divers et constituent dans leur ensemble
une vue, kaléidoscopique mais nourrie et concrète, de ce qu’a été (et
continue parfois d’être) le cinéma américain classique et «  nouveau  » (au
sens du « Nouvel Hollywood »). Dans Hollywood, la norme et la marge, il
discute les présupposés théoriques de Bordwell et Balio qui privilégient le
mode de production et impliquent que celui-ci détermine la forme même
des films. Pour Bourget, cette approche mythifie à l’excès un « classicisme
hollywoodien  » dont la périodisation lui semble problématique. Ce
classicisme caractérisé par l’exclusion, la censure, le refoulement, l’ellipse
et le non-dit fonctionne aussi par le principe de l’inclusion et de l’attrape-
tout. Hollywood ne cesse de se nourrir de formes qui viennent d’ailleurs,
comme l’illustre un autre ouvrage de l’auteur. C’est un «  rêve européen  »
(2006).

BRAKHAGE, STANLEY (1933-2003)


Cinéaste expérimental, théoricien, poète Cinéaste américain, l’un des
plus célèbres de sa génération, auteur de plusieurs centaines de films depuis
1955. Son œuvre est très divers, allant de l’autobiographie (ou de
l’autofiction) au document (notamment la trilogie Pittsburgh Documents, de
1971) et au cinéma peint (surtout dans les années 1990).
Concurremment à ses films, il a publié de nombreux textes, rarement
frontalement théoriques –  essais, poèmes, lettres  –, mais toujours
préoccupés par quelques questions centrales, qui sont aussi celles de son
cinéma. En particulier, Brakhage a été, après la guerre, l’un des grands
tenants du cinéma comme vision – au double sens perceptif et onirique. Ses
écrits (et son œuvre filmé) sont une exploration de la relation paradoxale
entre ces deux dimensions, sensorielle et psychique  ; dans le droit fil des
avant-gardes américaines, poétiques (Gertrude Stein, Ezra Pound) et
cinématographiques (Marie Menken, Willard Maas), il revendique la
priorité de la vision intérieure, son aptitude et son droit fondamental à
informer la vision «  extérieure  ». Son texte le plus connu, Metaphors on
vision, revendique la recherche, dans les films, d’un équivalent de la vision
du petit enfant, avant qu’elle soit informée (et, pour lui, déformée) par la
culture visuelle, et notamment par l’usage de la perspective, qui selon lui
manifeste un insupportable rapport « propriétaire » au visible.

➦ EXPÉRIMENTAL, PEINTURE, POÉSIE (CINÉMA DE), UNDERGROUND

BRENEZ, NICOLE (1961)


Théoricienne du cinéma d’avant-garde Critique et universitaire française,
dès son premier ouvrage publié (une étude de Shadows de Cassavetes,
1995), elle exprima son credo critique : les outils pour l’interprétation d’un
film doivent être cherchés dans le film lui-même. Cette déclaration
immanentiste était alors dans l’air du temps, mais Brenez fut sans doute
celle qui la mit le plus systématiquement au cœur de sa recherche d’une
méthode d’analyse des films. Son livre de 1998 (De la figure en général et
du corps en particulier. L’invention figurative en cinéma) est l’esquisse
d’une telle méthode  ; il recueille un assez grand nombre de textes divers,
tous démonstratifs, et dont, par leur accumulation, se dégage une leçon
méthodologique qu’il appartient au lecteur de tirer.
Par la suite, Brenez mit à nouveau à l’épreuve sa double conviction en
faveur de l’analyse immanentiste et de la figurativité, dans une
monographie sur Abel Ferrara (2008) qui fait judicieusement ressortir, dans
l’œuvre inégale de ce cinéaste atypique, une invention figurative constante.
Brenez semble depuis quelques années avoir travaillé moins directement à
des réflexions théoriques, au bénéfice d’une remarquable carrière de
programmatrice (notamment à la Cinémathèque française), et
occasionnellement critique, du cinéma d’avant-garde, domaine dans lequel
elle est devenue une référence.

➦ AVANT-GARDE, FIGURAL, FIGURATION, FIGURE

BRESSON, ROBERT (1901-1999)


Cinéaste, essayiste Malgré son caractère lapidaire et fragmentaire, la
théorie du cinéma proposée par Bresson (sous l’appellation de
«  cinématographe  ») est des plus cohérente. Elle comporte des thèses sur
quatre axes au moins :
1. Le cinématographe comme art  : l’art, l’œuvre d’art, n’existent qu’en
vertu de l’intentionnalité manifestée par un cinéaste maître à la fois de ses
moyens et de sa visée (et de ses effets  : le public est captif). Mais pour
Bresson, il ne s’agit pas d’avoir des intentions particulières, mais une
intentionnalité générale (l’intention de créer une œuvre) ; il prône une sorte
d’intention de l’absence d’intention. L’intentionnalité prend alors une forme
particulière, celle de l’ignorance, de l’inconnaissance, de l’attente, et de ce
que Bresson appelle l’improvisation. Quant à l’artiste, il se caractérise par
l’acuité du coup d’œil et la science des rapports à établir entre les données
sensibles.
2. La visée du cinéma : la vérité. Si le théâtre, et surtout le cinéma, sont
l’art du faux, le cinématographe se définit, lui, par la valeur opposée  : sa
puissance de vérité. Le cinématographe est instrument de révélation (de
quelque chose) du monde, instrument à voir et à comprendre ; cependant, à
la différence de Bazin ou Rossellini, Bresson se concentre sur un objet de
vérité, et un seul : le sujet humain. C’est en particulier le sens de la théorie
du «  modèle  », qui désigne non pas le rapport d’un film à un acteur qui
incarne un personnage, mais le travail d’une certaine vérité à dire sur cet
acteur (ce corps, ce sujet), en singularisant la forme par laquelle cette vérité
se produit.
3. L’outil cinématographique : le cinématographe cherche une expression
non immédiate (mais médiate) et non définitive (mais constamment
déplacée, relancée, contredite). Le cinématographe est affaire d’écriture,
c’est-à-dire de création de rapports entre image et son (et aussi entre images
et sons). Il est paradoxal –  ou si l’on préfère, dialectique  – puisqu’il est
défini comme étant à la fois intime et séparé. Images visuelles et sonores,
liées et séparées, référées au réel  : le cinématographe est (graphein)
l’écriture de ce matériau. Comment écrire avec des images et des sons  ?
Certainement pas en intervenant sur chaque image pour la charger de sens
écrit (pré-écrit), mais uniquement en intervenant sur l’assemblage des
images. Pas d’image trop signifiante, au contraire il faut une image a-
signifiante (et aussi, qui n’attire pas trop l’attention par ses qualités
plastiques).
4. Le cinématographe se définit donc par la combinaison singulière et
paradoxale de plusieurs traits accentués  : l’imprévu, l’instinctif,
l’inattendu ; l’émotionnalité, l’absorption du spectateur ; la visée de vérité,
la croyance au réel  ; enfin, un pouvoir propre à cette machine qui est en
même temps instrument d’écriture.

➦ MODÈLE, RÉALISME, SUTURE

BRUNETTA, GIAN PIERO (1942)


Narratologue, historien Gian Piero Brunetta s’est d’abord intéressé à
l’esthétique et à la narratologie du film. Son premier travail publié en 1970
porte sur «  la forme et la parole au cinéma  »  ; il a ensuite analysé la
naissance du récit cinématographique dans l’œuvre de D. W.  Griffith de
1908 à 1912. Mais très rapidement, après une étude sur l’attitude des
intellectuels italiens entre les deux guerres, tels Pirandello, Barbaro et
Chiarini, il va développer une recherche considérable sur les sources
culturelles et idéologiques du cinéma italien par un recours systématique
aux documents d’époque. Brunetta renouvelle complètement les analyses
traditionnelles de l’histoire du cinéma national en privilégiant les périodes
les plus problématiques comme celles de la Première Guerre mondiale, du
fascisme et de la Seconde Guerre. Il développe une histoire politique du
cinéma en reliant celui-ci à la question de l’identité nationale.
Brunetta est doué d’une rare capacité de synthèse qui l’amène à
rassembler ses recherches en volumes originaux, parfois repris sous
d’autres angles, comme celui du public et de l’exploitation. Il est l’auteur
d’une histoire du cinéma italien en quatre gros volumes publiés en 2001.
Mais il a également coordonné une histoire collective du cinéma mondial en
cinq volumes avec la collaboration de plusieurs dizaines de chercheurs de
toutes nationalités.
Chez Brunetta, la préoccupation épistémologique est constante. Ses
recherches sont régulièrement ponctuées de textes théoriques sur les
conditions du métier d’historien du cinéma et ses mutations provoquées par
les nouvelles technologies, l’accès au patrimoine cinématographique, le rôle
des télévisions.
En 1986, il a coordonné le volume collectif consacré au cinéma italien
par le Centre Georges-Pompidou, Le Cinéma italien  : de «  La Prise de
Rome  » (1905) à «  Rome ville ouverte  » (1945). C’est son seul livre en
langue française car aucun de ses ouvrages fondamentaux n’a été traduit.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA

BURCH, NOËL (1932)


Théoricien, cinéaste Théoricien et cinéaste français d’origine américaine,
Noël Burch a d’abord été assistant de Pierre Kast puis réalisateur de films
de courts métrages. Son premier livre (1969) reprend une série d’articles
parus dans les Cahiers du cinéma en 1967, eux-mêmes issus de cours
donnés à l’IFC (Institut de formation cinématographique). Burch s’intéresse
alors à la matière filmique, aux figures et à leurs articulations. Il propose un
examen systématique des choix du cinéma, cernés au plus près de la
pratique technique (d’où le titre de Praxis du cinéma), de la coupe, des
raccords, des entrées et sorties de champ. Cet examen produit une
taxinomie des figures et s’appuie sur des films classiques (Hitchcock,
Mizoguchi, Renoir), et plus encore, sur le nouveau cinéma des années 1960
(Antonioni, Bresson, Marcel Hanoun).
Dans les années 1970, il cherche à mettre en évidence la constitution
progressive du mode de représentation dominant, qu’il appelle
« institutionnel », celui qui régit le langage du cinéma classique. À cette fin,
il étudie des cinématographies fondées sur d’autres modèles représentatifs
et idéologiques  : le cinéma japonais antérieur à 1960 (1979), le cinéma
primitif (1990), la production commerciale française des années 1930 et
1940 (1996).
Burch relie ensuite de plus en plus ces options stylistiques à des choix de
nature idéologique et thématique, l’amenant à renier le «  formalisme  » de
son premier livre pour s’interroger, sous l’influence des travaux féministes
nord-américains, sur les «  rapports sociaux de sexes  » dans le cinéma
français de la période classique (années 1930 à 1950) et sur l’amour des
«  femmes puissantes  » qu’il appelle à la suite de Louis Chauvet,
« viragophilie ».

➦  FÉMINISME, FORMALISME, FORME, IDÉOLOGIE, MARXISME, MODE DE


REPRÉSENTATION

BURLESQUE
Histoire, genre La «  bourle  » en français renaissant c’est une grosse
plaisanterie (la burla italienne), et le mot burlesque n’a guère changé de
sens depuis. Il s’agit toujours, et spécialement dans les arts du spectacle, de
désigner un genre fondé sur la multiplication et l’enchaînement de blagues,
de farces, généralement de mauvais goût (salissantes, dégradantes). Au
cinéma, le burlesque fut l’un des premiers genres établis (dès avant la
Première Guerre mondiale), et celui où la pantomime cinématographique
faisait merveille. Grâce au cadrage variable (gros plan sur le visage où
atterrit la tarte à la crème), grâce au montage qui permet des performances
parfaites et quasi sans limite, l’art du comique de music-hall se vit porté à
un point de perfection, et les acteurs burlesques furent parmi les plus grands
de cette génération, de Fatty et Keaton à Laurel et Hardy. Le burlesque a
souvent été analysé comme propice à l’invention de figures des pulsions,
surtout des pulsions pré-sexuelles (orale, anale) –  donc, comme la
conjonction du figuratif et de l’excrémentiel.

➦ ACTION, GENRE
  SIMON, 1979 ; KRÁL, 1984
C
CADRAGE
Technique, esthétique La notion de cadre était familière à la peinture, et la
photographie l’a prolongée, notamment en rendant manifeste le rapport
entre le cadre et le regard du photographe. Mais les mots «  cadrer  » et
«  cadrage  » sont apparus avec le cinéma, pour désigner l’ensemble du
processus, mental et matériel, par lequel on aboutit à une image contenant
un certain champ vu sous un certain angle. (Le cinéma a même inventé la
profession de « cadreur/se » : celui, ou celle, qui a l’œil à la caméra et dont
le regard vérifie le cadrage.)
Par métonymie, le mot «  cadrage  » en est venu à désigner des valeurs
topologiques ou expressives du cadre. On parle de cadrage en plongée
lorsque le sujet est filmé par en dessus  ; en contre-plongée, lorsqu’il est
filmé par en dessous ; de cadrage oblique, frontal, serré, etc. – chacune de
ces façons de filmer un sujet donné étant différemment connotée.
Le cadrage dans le cinéma classique est presque toujours une opération
de centrement, parfois renforcée par des techniques de surcadrage, et
aboutissant à de fréquents recadrages (petits mouvements d’appareil
destinés à garder le sujet au centre). À l’inverse, il existe des styles fondés
sur le refus du centrage, sur un décentrement actif et volontaire, ou, plus
radicalement, un décadrage (Bonitzer).

➦  CADRE, CAMÉRA, CHAMP, DÉCADRAGE, MISE EN SCÈNE, MOUVEMENT DE


CAMÉRA, POINT DE VUE, REGARD, SURCADRAGE
 
  VILLAIN, 1984 ; BONITZER, 1986 ; JOST, 1987 ; ELSAESSER, 1990 ; SOULEZ, 2000

CADRE
Technique, esthétique Le mot « cadre » vient de l’italien quadro, lui-même
emprunté au latin quadratum, et désignant un objet qui a des angles droits
(un rectangle). Il s’applique d’abord à cet objet matériel, généralement en
bois, qui entoure la surface de l’image à partir de la Renaissance (la
peinture antique en avait des équivalents, comme l’encadrement peint ou
parfois sculpté de peintures murales ou de mosaïques hellénistiques).
La photographie pratiqua beaucoup l’encadrement, dès ses origines, dans
l’intention d’imiter la peinture. Plus fondamentalement, l’image
photographique, puis l’image filmique, ont été conçues comme cadrées,
c’est-à-dire limitées par un cadre, de proportions variables.
Le cadre comme signe. La fonction première du cadre est d’ordre
symbolique : il s’agit de désigner le tableau, la peinture, la photo ou le film
comme œuvre d’art, en l’isolant du monde quotidien par une frontière
visible. Cette valeur du cadre s’accompagne, dans le cas de la peinture,
d’une valeur économique et sociale  : affirmer le tableau comme objet
précieux, éventuellement marchand –  fonction que l’on retrouve dans les
recherches d’encadrement de la photographie d’« art », mais qui n’a guère
d’équivalent au cinéma.
Le cadre du tableau est en outre conçu, durant toute la période où régna
la peinture représentative (du XVe au XIXe  siècle) comme une transition
visuelle entre le lieu où est présenté le tableau et la surface de la toile : il a
une fonction perceptive. Au cinéma, l’équivalent, de ce point de vue, en est
le noir de la salle, qui entoure l’image où s’inscrit un monde imaginaire.
Le cadre comme limite de l’image. Le cadre définit ce qui est image et
ce qui est hors image. Il a souvent été vu, pour cela, comme ouvrant sur un
monde imaginaire (la diégèse). C’est la fameuse métaphore de la « fenêtre
ouverte  », due à Leon Battista Alberti, peintre et théoricien italien du
XVe siècle, et reprise notamment par Bazin. (Il convient cependant de bien
distinguer la «  fenêtre ouverte sur le monde  » proposée par Bazin de la
«  fenêtre ouverte sur l’istoria  », sur un monde imaginaire, dont parlait
Alberti.)
Le cadre, enfin, est un élément important plastiquement. Limite de la
surface de l’image, il joue un rôle dans l’organisation formelle du tableau
ou de la photo. Cela est très apparent dans certaines œuvres de peinture
non-figurative (e. g., Mondrian), qui refusent l’encadrement mais jouent de
la composition dans la surface. Cette possibilité, considérée comme
mineure au cinéma, est pourtant utilisée par certains cinéastes, sans qu’on
puisse penser qu’elle donne lieu à de véritables calculs, comme on l’a
parfois dit. (En particulier, les spéculations sur le «  nombre d’or  » sont
généralement peu convaincantes, en raison de la labilité de la composition
de l’image mouvante.)
Formats. L’horizontalité est, au cinéma, la règle depuis toujours. Dans le
procédé argentique, le format se définit d’abord par la largeur de la pellicule
(de 8 à 135 mm), mais en projection – argentique ou numérique – ce sont
les proportions du cadre qui importent. Ce rapport de la largeur à la hauteur
a varié de 1,33 à 2,5 (pour certains procédés d’écran large). Selon des
expériences anciennes et discutables, un format d’environ 1,60 serait celui
que préfère une majorité de spectateurs, comme fournissant les conditions
les plus proches de la vision naturelle. L’industrie cinématographique utilise
aujourd’hui  comme proportions standard 1,66, et la télévision européenne
préfère la proportion de 16/9 (environ 1,78).
Très peu de cinéastes ont tenté de jouer sur ces données. Seul Eisenstein
(1930) eut l’idée de proposer un cadre de forme variable, pouvant passer de
l’horizontal au vertical ou au carré ; il n’alla toutefois pas jusqu’à en faire
l’utilisation concrète. Plus fréquentes ont été les tentatives pour transformer
les proportions de l’image en en occultant une partie, par des caches, des
iris (surtout dans les années 1920, chez Gance par exemple) ; ou bien pour
juxtaposer plusieurs images, ou produire plusieurs images dans un seul
cadre, par fragmentation (procédé du split screen, que le numérique permet
de maîtriser de manière plus précise et plus sophistiquée).

➦  BAZIN,
CADRAGE, CHAMP, DIÉGÈSE, ÉCHELLE DE PLANS, HORS-CADRE,
MOUVEMENT DE CAMÉRA, PHOTOGRAMME, TRANSPARENCE
 
    EISENSTEIN, 1930 (IN 1974)  ; ARNHEIM, 1932  ; BAZIN, 1958-1962  ; JAULMES,
1981 ; AUMONT, 2007

CAHIERS DU CINÉMA
Critique Revue mensuelle, fondée en avril 1951 par André Bazin, Jacques
Doniol-Valcroze et Lo Duca. Elle accueillit plusieurs courants critiques,
dont certains eurent un souci théorique marqué :
–  de 1954 à 1958 environ, ce fut la «  politique des auteurs  »
(Truffaut), et les débats auxquels elle donna lieu ;
–  du milieu des années 1960 au début des années 1970, la revue
subit l’influence du courant structuraliste, qui amena une
rédaction entièrement renouvelée à s’intéresser successivement à
la critique littéraire (J.-P. Richard et R. Barthes), à la sémiologie
commençante (C. Metz), à la psychanalyse lacanienne, enfin au
structuralo-marxisme d’Althusser et de ses disciples  ;
l’engagement politique radical qui s’ensuivit l’écarta de la
recherche théorique ;
–  dans les années 1980, la revue s’est fait l’écho de nouvelles
approches importantes (J.  L.  Schefer, G.  Deleuze, P.  Legendre,
J. Rancière), mais sans produire elle-même d’approche originale.
Depuis, la revue est revenue à sa vocation première, la critique de films.

➦  AUTEUR, BAZIN, IDÉOLOGIE, MARXISME, POLITIQUE DES AUTEURS,


PSYCHANALYSE, ROHMER, SCHEFER, SUTURE
 
  DE BAECQUE, 1991

CALIGARISME
Esthétique, histoire, mouvement Réalisé en 1919, juste après la guerre, Le
Cabinet du docteur Caligari eut un immense retentissement dans les
milieux critiques européens. Il fut associé, de façon simplificatrice, au
mouvement expressionniste (mouvement de poètes et de peintres
essentiellement), mais certains critiques soucieux d’exactitude ont préféré
désigner son influence par le terme de «  caligarisme  », lequel recouvre
l’imitation des traits formels les plus visibles du film d’Erich Pommer et
Robert Wiene  : accentuation du graphisme, jeu sur le déséquilibre de
l’image, mimiques outrées des acteurs, etc. Il n’y eut pas vraiment de
courant « caligariste », mais de nombreux films en noir et blanc imitèrent ce
style visuel frappant, aussi bien en Allemagne que dans d’autres pays
d’Europe et même en Amérique, et à diverses dates – depuis Murder in the
Rue Morgue (Robert Florey, 1932) jusqu’à The Saddest Music in the World
(Guy Maddin, 2003), en passant par Woton’s Wake (Brian De Palma, 1962)
➦ ÉCOLE, EXPRESSIONNISME
 
  AUMONT & BENOLIEL, 2008

CALLIGRAPHISME
Esthétique, histoire La calligraphie est l’art de bien former les caractères,
de tracer une écriture douée formellement de propriétés esthétiques. Dès les
années 1920, «  calligraphisme  » avait désigné un courant de la littérature
italienne représenté principalement par le romancier Carlo Linati. Ce
courant s’opposait aux tenants du contenu (« contenutisti ») pour mettre au
premier plan l’élégance formelle de l’écriture.
C’est la critique italienne du début des années 1940 qui a repris ce terme
pour désigner un courant esthétique différent du néoréalisme. Les films de
ce courant, comme Malombra (1942) de Mario Soldati, sont caractérisés
par une recherche esthétique très formalisée et par un refus des thèmes du
quotidien au bénéfice de sujets historiques situés au XIXe  siècle ou à la
«  Belle époque  » –  d’où une surabondance d’éléments décoratifs  :
broderies, dentelles, hauts-de-forme et miroirs. Cette inflation ornementale
s’accompagne d’une recherche sur la plastique de l’image. Certains
historiens voient dans l’œuvre de Mauro Bolognini et dans le Visconti de
Senso ou même du Guépard un prolongement et un héritage de cette
esthétique.

➦ CONTENU, ÉCOLE, FORMALISME


 
  BERNARDINI & GILI, 1986

CAMÉRA
Technique Le mot qui, en français, désigne l’appareil de prise de vues
cinématographiques, provient d’un mot latin et italien signifiant
« chambre » (présent entre autres dans la camera obscura qui servit d’outil
pratique et de modèle théorique aux inventeurs de la perspective linéaire,
aux XVe et XVIe  siècles). De fait, la caméra est une petite chambre noire,
dotée à l’avant d’une ouverture munie d’une optique, et à l’arrière d’une
surface enregistreuse : la pellicule qui défile (système argentique) ou l’écran
photosensible (système numérique).
La caméra en tant qu’appareil a énormément évolué en cent vingt ans. De
la lourde caisse des débuts, on est passé progressivement à des appareils de
plus en plus mobiles, jusqu’à la situation actuelle où la caméra est tellement
miniaturisée qu’elle peut tenir dans un téléphone portable.
La caméra comme « œil ». La comparaison de la caméra et de l’œil est
ancienne (elle découle de la Dioptrique de Descartes, assimilant la vision
oculaire au fonctionnement d’une camera obscura miniature). Elle était
déjà courante à propos de la photographie, l’œil et l’appareil occupant de
manière semblable un «  point de vue  »  ; la mobilité de la caméra et son
fonctionnement continu dans le temps n’ont fait que renforcer cette
analogie spontanée.
Toutefois, sur la base de cette équivalence largement métaphorique, on a
pu proposer des théories du cinéma opposées :
1°, pour les «  réalistes  » (Bazin, Kracauer, Poudovkine, Lindgren), la
caméra est un œil en ce que, de façon « objective », elle enregistre le monde
profilmique sans le transformer. Il y a toutefois d’importantes différences
dans les conceptions du rapport entre cet œil et l’œil du spectateur  : pour
Bazin, l’œil-caméra doit se faire le moins interventionniste possible, afin de
réserver au spectateur toute liberté d’intervention  ; pour Poudovkine,
Lindgren et bien d’autres (Jost par exemple), le cinéma est plutôt l’art de
guider l’œil du spectateur par l’œil de la caméra.
2°, pour les « formalistes », la caméra est d’emblée identifiée à un regard,
à un œil chargé d’intentions. Pour Burch par exemple (1969, 1979), la
caméra est une source d’effets stylistiques et formels  ; Bordwell (1981),
dans ses analyses de films de Dreyer, fait de la caméra l’un des foyers de la
construction d’un style.
3°, un cran plus loin, la caméra-regard devient un instrument privilégié
du «  regard sur le monde  » qu’est la mise en scène dans sa conception la
plus radicale (Mourlet, Bellour). On est très près de la métaphore de la
caméra-stylo. On aurait pu penser que le développement des caméras
portatives, puis miniaturisées (intégrées à l’outil à tout faire qu’est le
smartphone), aurait amplifié cette tendance ; il semble que l’usage courant
de la petite caméra qu’on a dans la poche soit généralement plutôt tourné
vers la production de traces de présence («  j’étais là  ») que d’une
« écriture » audiovisuelle réfléchie. Il existe toutefois de nombreux cas de
cinéastes, professionnels ou non, qui utilisent sciemment et délibérément
cet outil à l’insurpassable mobilité, par exemple dans des contextes
difficiles où la discrétion est de rigueur.
Caméra, regard, idéologie. Les approches classiques ont considéré la
caméra comme instrument de la vision, filmique ou «  postfilmique  »
(Branigan), en rapport avec la façon dont le film représente la réalité.
D’autres approches théoriques ont pris la caméra comme représentant quasi
allégorique de la vision en général, et de sa fonction en général dans notre
culture. C’est la portée de la réflexion sur le dispositif cinématographique
(Baudry), fondée sur l’institution d’un sujet spectateur «  tout-voyant  »
(Metz), c’est-à-dire à la fois omnivoyant et ne faisant que voir, restreint à sa
pulsion scopique. L’œil générique, dans cette description du dispositif, est
incarné par la caméra, mais aussi par le projecteur, vu comme « œil derrière
la tête » (Green).
Concurrement, a été mise en question la valeur idéologique de ce
dispositif, spécialement, la fonction symbolique et idéologique de la
caméra. À son point le plus aigu, le débat se cristallisa entre deux thèses
opposées :
–  la caméra est un instrument purement scientifique, obéissant de
façon idéologiquement neutre aux lois de l’optique (Lebel) ;
–  la caméra est l’instrument d’une reproduction indéfinie du sujet
centré de l’idéologie bourgeoise, la façon dont elle représente le
monde étant l’aboutissement de l’histoire de la représentation
occidentale («  bourgeoise  »)  : centrement perspectif,
illusionnisme, etc. (Pleynet, Comolli).
Ces débats sont aujourd’hui un peu oubliés, mais l’assimilation de la
prise de vue perspective (mobile) à la promenade d’un œil sur le monde
dans le but de se l’approprier reste d’actualité. On peut retenir généralement
que la caméra a un statut de symbole : elle est « un nom pour la façon dont
nous regardons et dont nous connaissons à un moment donné » (Branigan).

➦  CADRAGE, DISPOSITIF, IDÉOLOGIE, MONSTRATION, MOUVEMENT DE


CAMÉRA, PERSPECTIVE, VISIBLE, VISUEL
 
  POUDOVKINE, 1926 ; BAUDRY, 1978 ; BRANIGAN, 1984 ; JOST, 1987 ; COMOLLI,
2004, 2009

CAMÉRA-STYLO
Esthétique Dès les années 1910, cinéastes et critiques ont eu tendance à
assimiler la mise en scène à l’écriture littéraire, généralement en faveur de
cette dernière, jugée supérieure. L’expression « caméra-stylo » a été forgée,
dans une visée polémique, par le jeune Alexandre Astruc, intitulant en 1948
un article de L’Écran français : « Naissance d’une nouvelle avant-garde : la
caméra stylo ».
«  Après avoir été successivement une attraction foraine, un
divertissement analogue au théâtre de boulevard, ou un moyen de conserver
les images de l’époque, le cinéma devient un langage. Un langage, c’est-à-
dire une forme dans laquelle et par laquelle un artiste peut exprimer sa
pensée, aussi abstraite soit-elle, ou traduire ses obsessions exactement
comme il en est aujourd’hui de l’essai ou du roman. C’est pourquoi
j’appelle ce nouvel âge du cinéma celui de la caméra-stylo. »
Ce manifeste est à l’origine des conceptions du cinéaste comme artiste et
de l’œuvre cinématographique comme ressortissant à l’expression
personnelle (« politique des auteurs », manifeste du Groupe des XXX, etc.).
Il faut noter toutefois que l’utopie d’Astruc n’a pas été totalement avérée,
même après l’invention récente de caméras très légères et très mobiles.
Celles-ci sont bel et bien utilisées pour des films d’expression personnelle,
tels le journal filmé ou le film-essai, et en ce sens, elles réalisent l’idéal de
la «  caméra-stylo  » –  mais elles n’ont pas vraiment gagné le cinéma de
fiction. La caméra est devenue un « stylo » pour qui le veut, mais elle ne
l’est pas devenue de manière courante dans l’industrie du cinéma.

➦ ASTRUC, CRITIQUE, ÉCRITURE, MISE EN SCÈNE, POLITIQUE DES AUTEURS


 
  ASTRUC, 1948 (IN 1992)

CANUDO, RICCIOTTO (1877-1923)


Journaliste, critique Poète, philosophe, romancier, essayiste, critique et
organisateur culturel italien, fixé à Paris dès le début du siècle. Il y fonde
trois revues, dont Montjoie !, revue de la modernité où se croisent tous les
grands noms des avant-gardes des années 1910, et la Gazette des Sept Arts
(1922). Canudo voyait le début du XXe siècle comme voué à une synthèse de
l’art et des arts ; il proposa lui-même l’une des nombreuses formules avant-
gardistes de cette synthèse, sous le nom de « cérébrisme ». Il reste surtout
connu aujourd’hui pour sa prise de parti extrêmement précoce (dès 1908) en
faveur du cinéma, avant même que celui-ci pût vraiment apparaître comme
un art. Canudo est l’inventeur et le promoteur zélé de la formule du cinéma
comme «  septième art » (non sans quelque hésitation  : en 1911, il était le
« sixième art »), qu’il définit et défendit systématiquement après la guerre,
notamment dans une célèbre conférence de 1921 qui imposa la formule.
Cette même année, il fonda le CASA (Club des amis du septième art),
deuxième ciné-club de France après celui de Delluc fondé en 1920, et
promis à une longue postérité.
Il tenta de donner, dans ses critiques et essais, les bases d’une esthétique
du cinéma et de préciser la métaphore du « langage cinématographique ». Il
prit parti, comme toute l’avant-garde, pour l’image et contre l’adaptation
littéraire, pour la couleur et pour la musique (mais à condition qu’elles se
soucient d’être réellement expressives). Il esquissa également des catégories
stylistiques, aujourd’hui dépassées, mais qui restent indicatives.

➦ ART, ART ET ESSAI, AVANT-GARDE

CARROLL, NOEL (1947)


Philosophe Ce philosophe de formation obliqua très vite vers la critique de
cinéma et l’analyse de film, en soutenant en 1976 une thèse de doctorat sur
Le Mécano de la «  General », de Buster Keaton (il y ajouta une thèse en
philosophie sept ans plus tard). Il eut alors une activité critique abondante,
et fut entre autres co-fondateur de la revue Millennium Film Journal, vouée
à la défense de l’avant-garde new-yorkaise.
Il s’est d’abord signalé par son hostilité sans nuances à la théorie telle
qu’on la concevait alors en Europe, plus particulièrement en France et en
Grande-Bretagne. Sa querelle avec Stephen Heath, au début des années
1980 (Carroll, 1982), reste un grand moment de polémique intellectuelle,
autour de notions comme la suture ou le «  texte  » (au sens de Barthes).
Carroll publia alors coup sur coup deux ouvrages dénonçant de supposées
faiblesses conceptuelles des théories le plus en vue, au nom d’une
conception de la philosophie assez strictement «  analytique  ». Cette veine
polémique peut sembler violente à un lecteur français non familier des
mœurs intellectuelles d’outre-Atlantique ; elle s’explique par l’attachement
de Carroll à une version « positive » de la philosophie (dont la philosophie
des sciences est pour lui le modèle) : de toute réflexion théorique, il exige
qu’elle interroge constamment ses présupposés, et qu’elle questionne la
validité de ses résultats – ce qui n’est pas toujours évident dans le domaine
esthétique.
Face à la vigueur de ces attaques contre les théories inspirées par la
psychanalyse, le marxisme, le structuralisme ou le féminisme, les
propositions positives de Carroll semblent souvent décevantes, l’excès de
prudence épistémologique auquel il s’oblige l’amenant à donner par
exemple une définition peu contestable, mais abstraite et très générale, de
l’image mouvante (il reconnaît d’ailleurs explicitement que les notions qu’il
propose ne sont pas destinées à connaître une application dans la critique de
films). Aussi son principal apport reste-t-il, paradoxalement, la méfiance
qui est la sienne envers toute «  grande théorie  », susceptible de tout
expliquer, mais qui ne peut ni prédire, ni même valablement décrire quoi
que ce soit.

➦ BORDWELL, COGNITIVISME, PHILOSOPHIE DU CINÉMA

CASETTI, FRANCESCO (1947)


Théoricien, sémioticien Universitaire italien, sa carrière s’est d’abord
déroulée à l’Université catholique de Milan, dont il a été vice-président
pendant plusieurs années. Il a travaillé sur le cinéma, dans l’esprit du
courant sémiotique français et italien, utilisant des concepts d’origine
linguistique et y mariant certaines intuitions de la psychanalyse freudienne
et lacanienne ; son premier ouvrage important (1986) traite de la question
de l’expérience spectatorielle, en se focalisant, non sur le dispositif (la salle
obscure, etc.) mais sur la relation entre le film et le spectateur : comment le
film s’adresse-t-il à ce sujet, comment le « préfigure-t-il  » et jusqu’à quel
point le guide-t-il ? On lui doit aussi un panorama des théories du cinéma
de la seconde moitié du XXe  siècle, qui a beaucoup contribué à clarifier la
compréhension de cette période prolifique et complexe.
Depuis une vingtaine d’années, il a notablement élargi son champ de
réflexion, d’abord en traitant de la télévision (1998) et de questions
générales de communication, autour de la notion de « négociation » (2002).
Sous ce terme, il entend les processus de communication comme moment
d’interaction, où la définition d’une signification, d’un point de vue, d’une
visée résulte de la confrontation entre les pôles de la communication – mais
aussi l’interaction entre un texte (au sens large du terme) et l’espace social
de sa réception. Plus récemment, son approche s’est encore élargie et s’est
faite davantage anthropologique  ; il a notamment proposé une nouvelle
version de l’idée que le cinéma a été «  l’œil du XXe siècle  » (2005), mais
moins parce qu’il nous a montré le monde d’une manière inédite, que pour
avoir définitivement transformé la vision des sujets humains. Enfin, émigré
aux États-Unis (université de Yale), il a beaucoup travaillé récemment sur la
notion de « cinéma élargi » – ou, pour garder le terme qu’il a proposé, sur la
« relocalisation » du cinéma.

➦ PSYCHANALYSE, SÉMIOTIQUE, SPECTATEUR

CAVELL, STANLEY (1926)


Philosophe, critique On souligne souvent sa filiation purement américaine,
et l’influence sur sa pensée d’Emerson ou de Thoreau. Son œuvre se
partage entre réflexion philosophique (métaphysique, éthique), critique
littéraire (sur Shakespeare notamment), et une série d’interventions sur la
culture, notamment populaire.
Au cinéma, Cavell a consacré surtout deux ouvrages. Le premier, The
World Viewed (littéralement, Le Monde visionné, traduit en français sous le
titre La Projection du monde), qui date de 1971, reprend frontalement
l’interrogation métaphysique et ontologique. Le cinéma démontre un trait
important de l’art moderne : les possibilités esthétiques d’un art ne sont pas
données a priori, et chaque art n’en finit pas de susciter de nouveaux
médias qui le transforment (les œuvres ne sont donc plus seulement des
exemples des arts dont elles relèvent). Le cinéma a d’abord été un médium,
celui du Hollywood classique, que Cavell décrit comme fondé sur les
mythes baudelairiens de la modernité. Ceux-ci n’étant plus actifs, le cinéma
récent constitue un autre médium, nouveau, incomparable avec le
précédent. D’autre part, les arts sont infiniment spécifiques  ; il est donc
faux de lire le cinéma, même en ses origines, comme un avatar d’un ou
plusieurs des arts traditionnels. La nouveauté radicale du film consiste dans
le fait qu’il produit automatiquement les conditions de la vision du monde
(ou d’un monde), et notamment la condition essentielle du « voir sans être
vu ». Le rapport du film au monde est complexe, puisque à la fois, le film
dépend du monde, qu’il ne peut que montrer, mais dispose de moyens (e.g.
la couleur) de créer un monde particulier.
Le second ouvrage, Pursuits of Happiness (À la recherche du bonheur)
est moins théorique, mais plus profond et plus original. Cavell y examine
un sous-genre de la screwball comedy, qu’il baptise «  comédie du
remariage  ». À travers ces histoires de couples qui commencent par se
défaire, de l’intérieur, avant de se reformer in fine, il étudie la société
américaine, sa conception de l’individu, du couple, du bonheur (le titre
anglais fait allusion à l’une des premières phrases de la constitution des
États-Unis). Le cinéma n’est pas étudié comme art, mais comme discours
produit par une société, et qui l’exprime.

➦ ART, BAZIN, KRACAUER, MODERNE (CINÉMA), ONTOLOGIE, RÉALISME

CAVERNE (ALLÉGORIE DE LA)


Histoire, esthétique, philosophie C’est dans le Ve livre de La République
que Platon décrit sous forme d’un récit allégorique l’ignorance humaine due
aux entraves que le corps fait subir à l’âme. Avant d’accéder à la sagesse
philosophique, la situation des humains serait comparable à celle de
prisonniers qui croient réelles les ombres des objets qu’ils voient défiler sur
la paroi d’une caverne au fond de laquelle ils sont enchaînés. Le but de ce
mythe est de montrer que les apparences sont trompeuses pour l’esprit et
que toute connaissance qui prétend s’élaborer à partir du monde matériel,
trop instable et fuyant, ne peut qu’être vouée à l’échec.
Cette allégorie a souvent été reprise par les théoriciens du cinéma, dès les
années 1920 (Allendy). La caverne platonicienne est parfois comparée à la
camera oscura, décrite comme une pièce sans autre ouverture qu’un trou
minuscule dans l’un de ses murs. Sur le mur opposé se dessinait la
reproduction exacte, mais inversée, de ce qu’on pourrait voir dehors
(Morin, 1956). On a aussi comparé la caverne à la salle de cinéma elle-
même, les spectateurs étant les prisonniers enchaînés et les images sur
l’écran, les ombres projetés sur les parois de la grotte.
Le mythe de la caverne, comme d’ailleurs celui de la chambre noire a été
très souvent repris par les philosophes pour désigner les processus de leurre,
notamment par Marx lorsqu’il analyse l’idéologie. C’est dans cette tradition
que s’inscrivent les auteurs qui théorisent le «  dispositif  » au début des
années 1970, tout particulièrement Baudry, qui compare la situation des
esclaves de la caverne à celle du spectateur de cinéma, lequel est également
maintenu dans l’immobilité, ne voit pas la réalité mais des « ombres » de la
réalité projetées devant lui, et que cela engage dans une position psychique
qualifiée de régressive.

➦ DISPOSITIF, IDENTIFICATION, IDÉOLOGIE, PSYCHANALYSE


 
  ALLENDY, 1926 ; BAUDRY, 1978

CENSURE
Institution, politique Comme toutes les productions signifiantes, les
œuvres cinématographiques ont été sujettes à la censure, et ce depuis les
origines et dans pratiquement tous les pays. Elle a pris des formes et une
ampleur différentes selon les lieux et les époques  ; en particulier, on doit
noter l’importance qu’elle a revêtue dans le premier pays producteur de
films depuis 1909, les États-Unis  : d’une part, les gouvernements locaux
avaient (et conservent) un pouvoir quasi discrétionnaire en la matière  ;
d’autre part, l’industrie avait elle-même créé un «  code  » (Motion picture
production code) donnant les règles, notamment morales, auxquelles les
films devaient se conformer, et qui fut en vigueur jusqu’à 1968.
Aujourd’hui comme par le passé, les films risquent toujours la censure,
selon des règles et coutumes variant beaucoup d’un pays à l’autre, mais qui
concernent toujours les mêmes domaines sensibles, et principalement trois :
la sexualité et sa représentation, la violence, et la dénonciation des abus
politiques.

➦ IDÉOLOGIE
 
  JULLIER, 2008

CHAMP
Technique, esthétique L’image de film est perçue à la fois comme une
surface plate (réelle) et comme un morceau d’espace en trois dimensions
(imaginaire) (Arnheim, 1932). Le champ est cette portion d’espace
tridimensionnel imaginairement perçue à chaque instant dans l’image
filmique.
La forte impression de réalité produite par l’image de film, son caractère
d’illusion partielle, sont corrélatifs à la croyance en la réalité du champ
comme espace en profondeur, et aussi en largeur  : le champ est donc
imaginé comme ne s’arrêtant donc pas aux bords du cadre, mais se
prolongeant indéfiniment au delà de ses bords  : c’est ce qu’on appelle le
hors-champ.
Le champ est une des données importantes du travail de réalisation des
films. Son étendue en largeur et en hauteur est déterminée par le choix
d’une certaine grosseur de plan  ; quant à sa profondeur apparente, elle a
joué un rôle esthétique important, certains styles étant définis entre autres
par la plus ou moins grande définition du champ en profondeur.

➦ CADRE, ÉCHELLE DE PLANS, ESPACE, HORS-CHAMP, ILLUSION, IMAGE, PLAN,


PROFONDEUR DE CHAMP
 
  MITRY, 1963, 1965 ; BURCH, 1969 ; BONITZER, 1976, 1982

CHATEAU, DOMINIQUE (1948)


Narratologue, philosophe, esthéticien Les premiers travaux de Dominique
Chateau relèvent de la narratologie et de la sémio-linguistique. Il s’est
intéressé aux «  cinémas de la modernité  », et en particulier à l’œuvre
cinématographique d’Alain Robbe-Grillet (1979, 1981). À partir des années
1990, il va élargir son champ de réflexion à l’histoire de l’art et à
l’esthétique générale, dans le sillage de Cohen-Séat et Souriau, ce qui
l’amène à réévaluer l’apport de Mitry, comme esthéticien et psychologue.
La démarche de Chateau se situe alors dans le cadre de la philosophie
analytique qu’il commente dans un essai (1994) en s’appuyant sur les
recherches d’Arthur Danto et de Nelson Goodman.
Il interroge également la notion d’iconicité et confronte le cinéma aux
«  arts plastiques  » pour poser la question de l’«  artisticité  »  : «  Qu’est-ce
qu’un artiste  ?  », et corrélativement, «  les cinéastes peuvent-ils être
considérés comme relevant du champ de l’art  ?  » C’est dans cette
perspective qu’il se livre à une analyse archéologique de la notion «  d’art
plastique  ». Son intervention philosophique se déploie surtout dans un
triptyque comprenant Épistémologie de l’esthétique, La Philosophie de
l’art, fondation et fondements et Qu’est-ce que l’art ? (2000).
Après une série d’ouvrages de caractère épistémologique sur la nature
sociale de l’art, Chateau a proposé des ouvrages de synthèse didactique sur
les rapports entre la philosophie et le cinéma (2004) et plus particulièrement
sur l’esthétique du cinéma (2006).

➦ ESTHÉTIQUE, PHILOSOPHIE

CHION, MICHEL (1947)


Compositeur, théoricien, essayiste Michel Chion a été simultanément
compositeur de musique (électro-acoustique) et critique et théoricien du
cinéma. Son apport théorique est essentiellement d’avoir attiré l’attention
sur le domaine, jusque-là assez négligé, de la parole et en général de la
bande sonore.
Son premier essai, d’inspiration psychanalytique, porte sur la voix au
cinéma. Il privilégie un certain type de voix à travers laquelle le cinéma
manifeste une force expressive qui lui est propre : celle qui ne se trouve ni
dans, ni hors de l’espace scénique et qui est « laissée en errance à la surface
de l’écran ».
Il élargit ensuite son champ de recherche, abordant, outre la parole, les
bruits et la musique. Un de ses derniers ouvrages est un livre de synthèse
consacré au son : perception acoustique, enregistrement et reproduction des
données sonores, avant l’invention du phonographe, par les romanciers et
les poètes, puis par les musiciens et les cinéastes, tous «  metteurs en
ondes ».
Les recherches de l’auteur mêlent une perspective psycho-acoustique et
musicale, et plus largement, esthétique et stylistique. On doit à Chion un
certain nombre de concepts plus ou moins singuliers, dont certains
(acousmatique et ses dérivés) ont été repris par d’autres chercheurs, tandis
que d’autres lui demeurent propres, notamment :
– « indice sonore matérialisant » : un aspect du son, quel qu’il soit,
qui fait ressentir plus ou moins précisément la nature matérielle
de sa source et l’histoire concrète de son émission, sa nature
solide aérienne ou liquide, sa consistance matérielle ;
– « synchrèse » : concomitance d’un événement sonore ponctuel et
d’un événement visuel ponctuel, dès l’instant où ceux-ci se
produisent simultanément ;
– « acoulogie » : l’acoulogie (Schaeffer, 1967) se consacre à l’étude
des sons perçus et des structures de perception sonore, et cherche
à distinguer dans l’objet sonore les critères qui le constituent, et à
situer ces critères par rapport aux champs perceptifs de l’oreille,
comme valeurs musicales potentielles.

➦ ACOUSMATIQUE, BANDE SON, SON, VOIX

CINÉASTE
Esthétique, institution Terme forgé par Louis Delluc, en 1919, pour
désigner le principal responsable artistique de la réalisation d’un film ; dans
son esprit, ce pouvait être aussi bien un réalisateur qu’un producteur. Delluc
opposa ce mot, polémiquement, à d’autres propositions contemporaines,
telles les appellations d’«  écraniste  » (proposée par Canudo) ou de
« cinégraphiste » (soutenue par Marcel L’Herbier). Plus euphonique et plus
facile à comprendre que ceux-ci, il s’imposa assez vite, et son sens se fixa
très vite autour de la personne du réalisateur, conçu non comme technicien
mais comme artiste (un peu comme le filmmaker américain).
Ce terme a été, depuis, constamment utilisé, en concurrence avec au
moins trois autres  : réalisateur, metteur en scène et auteur. De fait, ces
quatre termes s’appliquent à peu près indifféremment à des personnalités
d’envergure comme Welles, Antonioni ou Godard, qui sont tout à la fois des
cinéastes, des auteurs, des réalisateurs et des metteurs en scène. Mais il
n’est pas inutile de chercher à préciser les nuances qui les distinguent
(Biette, 2000)  : l’auteur se définit avant tout par sa responsabilité
d’inventeur de thème, de fiction, d’univers  ; le metteur en scène, par son
rapport au tournage, à la direction d’acteurs, à l’incarnation de l’espace
dramatique ; le réalisateur, par sa compétence technique de responsable du
tournage et sa responsabilité envers le producteur (comme le director
américain). Face à eux, le cinéaste est, plus simplement et plus globalement,
l’équivalent en cinéma de ce qu’est en littérature l’écrivain  : une figure
d’artiste.

➦ AUTEUR, METTEUR EN SCÈNE, RÉALISATEUR


 
  BIETTE, 2000

CINÉ-CLUB
Histoire, institution Un ciné-club est une association non commerciale
visant à « diffuser la culture par le film ». Le terme a été proposé dès 1907
par Edmond Benoît-Lévy dans Photo-Ciné-Gazette. Ce premier ciné-club
offrait à ses adhérents un lieu de réunion, une salle de projection, une
bibliothèque et un bulletin périodique. Il avait pour but «  de travailler au
développement et au progrès du cinématographe à tous les points de vue ».
Louis Delluc relança l’idée et la structure en 1920 en lançant le Journal du
ciné-club, qui accompagnait le lancement du « Ciné-club de France ». Les
années 1920 sont celles des premiers ciné-clubs dont le plus célèbre est le
Club des Amis du Septième Art (CASA) lancé par Ricciotto Canudo en
mars  1921. Ces clubs regroupaient des «  habitués du cinéma  » (le mot
cinéphile date des années 1950), et « une élite d’écrivains s’adressant à une
élite de lecteurs  ». Canudo entendait «  affirmer par tous les moyens le
caractère artistique du cinéma, le cinéma étant indéniablement un art, le
septième ». Les ciné-clubs multiplièrent les conférences sur le cinéma avec
la participation de cinéastes de l’avant-garde, d’artistes, d’écrivains, de
critiques voire de comédiens. À partir de 1926, ils présentèrent des films
interdits par la censure, par exemple des films soviétiques tel Le Cuirassé
«  Potemkine  ». L’action des ciné-clubs entraîna la création des premières
salles spécialisées comme le Vieux Colombier (1924), le Studio des
Ursulines (1926) et le Studio 28.
Le passage au parlant marqua un coup d’arrêt à cette diffusion culturelle ;
toutefois c’est un nouveau ciné-club, créé en 1935, le Cercle du cinéma, qui
fut à l’origine directe de la Cinémathèque française.
La seconde époque d’expansion massive des ciné-clubs est postérieure à
1945 et se prolonge jusqu’aux années 1970. Les ciné-clubs touchent alors
un public beaucoup plus vaste, soit dans le secteur de l’enseignement (ciné-
clubs scolaires) soit dans le secteur professionnel (ciné-clubs d’entreprises).
Mais leur action est limitée par une réglementation stricte  : adhésion
obligatoire, interdiction de publicité, rattachement à une fédération. Cela
n’entrave pas leur développement tout au long des années 1950 et 1960 : on
compte alors huit fédérations de ciné-clubs, des milliers de clubs et des
dizaines de milliers d’adhérents. Les rapports avec l’exploitation
commerciale sont parfois conflictuels. Les ciné-clubs forment un public
plus cultivé, qui va accueillir avec ferveur les nouveaux cinémas des années
1960 et les formes innovantes de cinéma moderne, les cinématographies
étrangères peu diffusées, etc. La séance de ciné-club, généralement
hebdomadaire, programme un film d’art et essai, ancien ou récent, peu
diffusé par le circuit commercial classique. Le film est le plus souvent
présenté par un spécialiste qui anime un débat après la projection.
Les ciné-clubs sont progressivement remplacés par la salle commerciale
des circuits Art et Essai, en forte expansion au cours des mêmes années.
Simultanément, la télévision crée deux «  ciné-clubs  », qui programment
tardivement des films rares, mais sans présentation ni débats. Ce sont les
nouveaux supports de diffusion qui vont faire disparaître les ciné-clubs : la
cassette vidéographique d’abord, le DVD ensuite, Internet enfin –  et
engendrer de nouvelles formes de découvertes des films de tous pays et de
tous genres.

➦ ART ET ESSAI, CINÉMATHÈQUE


 
  PINEL, 1964  ; GAUTHIER, 1999  ; MONTEBELLO, 2005  ; GIMELLO-MESPLOMB
ET AL., 2016

CINÉGRAPHISME
Esthétique Terme forgé par le cinéaste Marcel L’Herbier, pour défendre
une conception du cinéma fondée sur la prééminence, voire l’intérêt
exclusivement accordé à l’image, au détriment du récit. Le
« cinégraphisme » est un dessin en mouvement, produit paradoxalement par
un art photographique. Logiquement, cette conception amène son auteur à
considérer le cinéma comme un art essentiellement silencieux. On a pu y
voir le précurseur de certains films silencieux réalisés dans les années 1960,
tels Echoes of Silence (Peter-Emmanuel Goldman) ou Le Révélateur
(Philippe Garrel) (Burch, 1973).

➦ DULAC
 
  BURCH, 1973

CINÉMA DANS LE CINÉMA


Esthétique, narratologie Le thème du « cinéma dans le cinéma » est aussi
ancien que le cinéma lui-même et dès les premières années du siècle, les
scénaristes ont pris comme sujet le tournage d’un film, l’histoire d’un
acteur ou la description du monde du cinéma. On doit distinguer ce thème
général, susceptible de variantes multiples, du processus de la «  mise en
abyme  », qui suppose un effet de miroir jouant sur la structure même du
film, et dont Huit et demi de Federico Fellini (1962) représente le modèle
inégalé.
On recense des films consacrés à la description d’un tournage et d’autres
qui reconstituent une période ou la carrière d’une célébrité réelle (Chaplin,
Attenborough, 1993), fictive (Two Weeks in Another Town, Minnelli, 1962)
ou mixte (Yves Montand dans Trois places pour le 26, Demy, 1988). Le
genre peut aussi se décliner par catégorie professionnelle. Si l’acteur se
taille la part du lion, les scénaristes ne sont pas les derniers à s’auto-
représenter (The Bad and the Beautiful, Minnelli, 1952), ou à régler leurs
comptes avec les producteurs tyranniques (La Prison, Bergman, 1949 ; Le
Mépris, Godard, 1963) et les réalisateurs capricieux ou en panne
d’inspiration (Huit et demi  ; L’État des choses, Wenders, 1982). Enfin
l’univers du spectateur peut communiquer avec celui du film dont on conte
l’histoire ou dont on représente le tournage, comme dans Le Rendez-Vous
de Minuit (Leenhardt, 1961) ou La Rose pourpre du Caire (Allen, 1985).
Dans les années 1920 et 1930, chaque firme hollywoodienne fit ainsi son
autopublicité à peine masquée. Le récit de base est une variante de
Cendrillon : une jeune fille (ou un jeune homme) naïve et inexpérimentée,
mais douée d’un talent caché, arrive à la porte d’un studio et tente, par tous
les moyens, de se faire remarquer. Bien entendu, la jeune inconnue
deviendra une grande vedette : c’est le sujet de Show People (Vidor, 1928),
d’Une étoile est née (Wellman, 1937  ; Cukor, 1954), de The Legend of
Lylah Clare (Aldrich, 1968) et bien d’autres (Pagnol en a donné une version
caricaturale dans Le Schpountz, 1938).
Hollywood n’a pas eu l’apanage de ce «  second degré  », mais souvent,
hors des États-Unis le thème du cinéma dans le cinéma prend un aspect
moins littéral, voire plus théorique : dans Afterlife (Kore-eda, 1998), ce sont
les morts de fraîche date qui réalisent un film symbolisant leur vie ; avec H
Story (Suwa, 2001) on raconte fictivement le tournage de Hiroshima mon
amour ; le film que doivent juger les personnages de Vous n’avez encore
rien vu (Resnais, 2011) est un récit déguisé de leur propre vie ; avec Shirin
(2008), Kiarostami pousse l’expérience encore plus loin, en ne montrant
durant tout le film que les spectatrices d’un film dont on entend la bande
son  ; etc. Plus récemment, on s’est intéressé à la présence de films
d’amateurs dans le cinéma de fiction, qui s’est beaucoup amplifiée
(L’Amateur, Kies´lowski, 1979 ; Caché, Haneke, 2005 ; J’ai tué ma mère,
Dolan, 2009 – voir Journot, 2011).

➦ INSTITUTION, MÉTAFILM, RÉFLEXIVITÉ


 
  GERSTENKORN, 1987 ; CERISUELO, 2000 ; JOURNOT, 2011

CINÉMA ÉLARGI
Esthétique, théorie Cette expression traduit assez littéralement l’anglais
expanded cinema, qui fut initialement le titre d’un ouvrage polémique
(Youngblood, 1970). Dans le contexte de l’après-68, vu comme tournant
décisif, où la conquête de l’espace allait de pair avec celle de l’espace
intérieur, l’auteur estimait qu’avec l’évolution technologique (la vidéo, les
hologrammes, le multimédias), l’idée du cinéma comme film racontant une
histoire sur un mode dramatisé de manière à capter les affects d’un
spectateur était obsolète et allait disparaître rapidement. Il prônait un
cinéma « synesthésique », pouvant être présenté sur plusieurs écrans, dans
des sites divers autres que les salles de cinéma, accompagné de
performances, et surtout, ne racontant rien.
Ces idées, datées, n’ont guère été suivies d’effet, à l’exception de
quelques films ayant donné lieu à des manifestations simultanées à la
projection (l’exemple le plus notoire est The Rocky Horror Picture Show).
Elles ont été reprises et « étendues » dans un ensemble de travaux autour de
2010, donnant du cinéma une définition qui inclurait entre autres les œuvres
d’images mouvantes réalisées par des artistes et montrées dans le circuit de
l’art (Vancheri, 2009), mais aussi d’autres formes d’œuvres d’art, de
nombreux produits télévisuels, quand ce ne sont pas les jeux vidéo. Pour
l’instant, l’usage n’a pas approuvé ces propositions, qui restent spéculatives
(Aumont, 2012).

➦ AUDIOVISUEL, EXPÉRIMENTAL, PROJECTION


 
  YOUNGBLOOD, 1970 ; CASETTI, 2008 ; DUBOIS ET AL., 2009, 2010 ; VANCHERI,
2009 ; AUMONT, 2012 ; GAUDREAULT & MARION, 2014

CINEMASCOPE
Technique, esthétique CinemaScope fut originellement le nom (marque
déposée par la 20th Century Fox en 1953) d’un procédé de cinéma sur écran
large. Par catachrèse, ce nom –  généralement orthographié en français
cinémascope  – devint le nom générique de tous les procédés analogues
(comme « frigidaire » est devenu le nom de tous les refrigérateurs). Comme
plusieurs autres procédés d’écran large, il repose sur l’anamorphose, une
technique qui consiste à «  comprimer  » optiquement l’image dans le sens
latéral à la prise de vues, pour la « décompresser » à la projection. On peut
ainsi obtenir des formats d’image allant jusqu’à un rapport de 2,76 entre
hauteur et largeur (Ultra-Panavision 70). Ces proportions, définies pour la
pellicule, ont été employées jusqu’aux années 1990, et ont survécu à la
diffusion de films à la télévision (dont l’écran a longtemps été aux
proportions 4/3) malgré les problèmes d’adaptation. Toute la gamme des
formats larges perdure à l’époque numérique, sans changement notable.

➦ CADRE, FORMAT
 
  MEUSY, 2003 ; ROUSSEAU, 2007

CINÉMATHÈQUE
Institution, histoire Une cinémathèque est un lieu où l’on conserve les
films. Le terme, calqué sur celui de bibliothèque, date de l’origine du
cinéma, mais les cinémathèques ne sont apparues qu’au cours des années
1930, après la disparition brutale de l’exploitation des films muets. Les
premières cinémathèques sont liées à l’importance qu’a pu avoir dans
certains pays la production de films à ambition artistique, et c’est pour cela
qu’elles naissent d’abord en Suède, en France, en Grande-Bretagne et en
Allemagne. Ces deux derniers pays créent d’emblée des cinémathèques de
statut national prises en charge par l’état. Le cas du musée d’art moderne de
New York avec sa section cinématographique crée par Iris Barry est alors
une exception.
Une cinémathèque est donc d’abord une collection de films. Sa première
tâche est la prospection des œuvres, en raison de l’absence de dépôt légal
pendant une longue période. Ce dépôt légal demeure d’ailleurs exceptionnel
à l’échelle mondiale. Les collections doivent être conservées et
sauvegardées, ce qui n’est pas simple, car les supports en pellicule nitrate,
puis acétate se détériorent au fil des décennies et demandent de gros
moyens financiers pour constituer des éléments de préservation du
patrimoine.
Dès les premières années, les cinémathèques ont été confrontées à un
grave dilemme  : faut-il donner la priorité à la conservation ou à la
présentation publique des programmes  ? Ces deux objectifs ont été
contradictoirement privilégiés par les premiers responsables des
cinémathèques anglaise (Ernest Lindgren) et française (Henri Langlois). Ils
marquent encore de nos jours la politique et l’orientation de chaque
cinémathèque nationale.
Les cinémathèques sont rattachées à la Fédération Internationale des
Archives du Film (FIAF) qui en regroupe plus de 120. Les congrès annuels
de cette fédération sont principalement consacrés aux questions de
préservation du patrimoine, mais ils abordent depuis les années 1970 des
questions relatives à l’histoire du cinéma en organisant des colloques sur
des thèmes précis. Celui de Brighton, en Grande-Bretagne en 1978, était
consacré au « cinéma des premiers temps » et il est resté célèbre pour avoir
impulsé de nouvelles recherches sur la période des origines. Les congrès
récents ont abordé de nombreux thèmes juridiques, techniques, historiques
et esthétiques, comme les variantes de copies de films, les «  versions
multiples » (Barcelone, 2013).

➦ ARCHIVES, BARRY, CONSERVATION, LANGLOIS, PATRIMOINE


 
  MANNONI, 2007 ; LE ROY, 2013

CINÉMATISME
Néologisme forgé par Eisenstein (à ne pas confondre avec «  cinétisme »),
pour désigner le caractère « cinématographique » de certaines œuvres d’art
(par exemple, en peinture, la tendance à chercher à représenter le
mouvement). Dans la mesure où certaines formes –  plastiques, littéraires,
dramatiques, poétiques  – relèvent d’une cinématographicité, c’est qu’il
existe des lois profondes qui régissent des productions signifiantes
diverses ; l’idée de cinématisme est liée, chez Eisenstein, à la recherche de
ces lois, notamment autour de la structure « extatique » des œuvres.

➦ CORRESPONDANCE DES ARTS, EISENSTEIN, EXTASE


 
  EISENSTEIN, 1980

CINÉMATOGRAPHE
Technique, histoire 1. Nom de l’appareil inventé par les frères Lumière. 2.
Chez certains auteurs, conception particulière du cinéma, définie à partir de
son opposition au théâtre. Pour Bresson, le cinéma n’est, dans sa définition
commerciale courante, qu’un véhicule pour des acteurs professionnels
jouant la comédie selon les normes théâtrales en vigueur ; au contraire, le
cinématographe est l’enregistrement d’un réel non joué, sans acteurs et sans
recours à des codes (de diction, du geste) issus du théâtre. On trouve une
idée très proche chez Green (2009), revendiquant lui aussi le
cinématographe comme art, contre le simple « cinéma ».
➦ BRESSON, REGARD, SUTURE, VOIX
 
  COCTEAU, 1973A & B ; BRESSON, 1975 ; GREEN, 2009

CINÉMATOGRAPHIQUE
Technique, filmologie Pour Cohen-Séat (1946) il faut distinguer entre
«  faits filmiques  » et «  faits cinématographiques  »  : «  le fait filmique
consiste à exprimer la vie, vie du monde ou de l’esprit, par un système
déterminé de combinaison d’images (visuelles, sonores et verbales) ; alors
que le propre du fait cinématographique serait de mettre en circulation
dans des groupes humains un fonds de documents, de sensations, d’idées,
de sentiments, matériaux offerts par la vie et mis en forme par le film à sa
manière ».
Cette opposition entre cinématographique et filmique est reprise par Metz
(1970). Le « cinématographique » désigne d’abord tout ce qui est extérieur
au film, en amont et en aval, sa fabrication technique, son système de
production, son exploitation et sa réception par le public. Mais le
cinématographique est aussi interne au film en tant que discours. Il désigne
alors, au sein du film, ce qui est propre au langage du cinéma, ce qui est
spécifique aux images photographiques mouvantes et sonores. Le
cinématographique est ce qui permet d’approcher la spécificité de ce
langage particulier.

➦ FILM, FILMIQUE, FILMOGRAPHIQUE, FILMOLOGIE


 
  COHEN-SÉAT, 1946 ; METZ, 1971

CINÉMA TOTAL
Esthétique Le cinéma « total » est l’utopie, proposée dans les années 1940,
d’une cinématographie capable de reproduire non seulement les images
visuelles et sonores, mais toutes les images sensorielles (olfactives, tactiles,
dynamiques), et en outre, de les véhiculer en n’importe quel point, par une
sorte d’universalisation instantanée de la représentation. Le livre de
Barjavel (1943) qui porte ce titre reprend des thèmes de la littérature
d’anticipation (Jules Verne et L’Ève future de Villiers de l’Isle-Adam), et
développe sur le mode de l’anticipation poétique l’idée que, après s’être
adjoint le son, le cinéma en fera autant de la couleur, puis du relief, et
deviendra à terme une sorte de doublet de la vie réelle. L’idée est naïve,
mais Barjavel a eu le mérite d’aller jusqu’au bout d’une utopie très courante
dans les années 1930 et 1940, et d’ailleurs réactivée sous d’autres formes, à
propos des images infographiques, depuis la fin du XXe siècle.
Cette idée a été reprise par Bazin (1946), qui ne cite jamais son
prédécesseur, et en donne la leçon historico-idéologique  : «  le mythe
directeur de l’invention du cinéma est (…) celui du réalisme intégral, d’une
recréation du monde à son image  ». Bazin en conclut que ce n’est pas la
visée scientifique qui a été première dans l’invention et le développement
du cinéma, mais la poursuite de cette utopie d’une reproduction parfaite et
« totale » de la réalité. On peut noter que plusieurs des inventions évoquées
comme à venir se sont réalisées (la télévision, le relief, le Sensurround),
sans que pour autant le cinéma ait vraiment donné l’impression de devenir
une telle reproduction.

➦ RÉALISME, REPRÉSENTATION, REPRODUCTION


 
  BARJAVEL, 1944 ; BAZIN, 1946 (IN 1958-1962)

CINÉMATURGIE
Esthétique Néologisme proposé par le cinéaste Marcel Pagnol en 1933, en
titre de son manifeste («  Cinématurgie de Paris  ») en faveur du cinéma
parlant, publié dans les trois uniques numéros d’une revue créée par lui-
même. «  Ce titre, un peu prétentieux, essaie de faire penser à la célèbre
Dramaturgie de Hambourg [de Kleist] ».
Pagnol entend dénoncer les tenants du « cinéma pur » qui définissent le
film comme une « symphonie d’images » (les critiques Lucien Wahl, Émile
Vuillermoz, René Bizet, le cinéaste René Clair) et ont condamné le film
parlant comme une régression esthétique. Pagnol propose d’inclure le
cinéma dans un « art dramatique » qui ne se réduise pas au seul théâtre et
soit « l’art de raconter des actions et d’exprimer des sentiments au moyen
de personnages qui agissent et qui parlent  » –  ce qui est d’ailleurs la
définition de la mimèsis chez Aristote. Pour Pagnol, qui se livre à une
longue comparaison entre cinéma et écriture, seuls les enregistrements
phonographique et cinématographique peuvent restituer l’authenticité des
voix avec leur timbre, leur rythme, leurs intonations, leurs nuances, ainsi
que les sons et les bruits, tous éléments que l’écriture n’avait jamais pu
qu’évoquer.
« Cinématurgie » signifie donc : nouvel art dramatique propre au cinéma
sonore, et nouvelle forme d’écriture, comme enregistrement direct de la
parole des acteurs.

➦ DRAME, ÉCRITURE, MUET, PAROLE, SON, THÉÂTRE


 
  PAGNOL, 1933-1934

CINÉMA-VÉRITÉ
Technique, critique, institution L’expression fut proposée par Edgar
Morin et Jean Rouch dans le manifeste publié à l’occasion de la distribution
de leur film Chronique d’un été (1960). Il s’agissait de proposer un nouveau
type de cinéma documentaire utilisant, à l’instar des cinéastes américains
autour de Robert Drew et des cinéastes canadiens de l’O.N.F., les nouvelles
techniques légères. Il ne s’agit pas seulement d’une évolution technique
mais d’une nouvelle attitude esthétique et morale : les cinéastes participent
à l’évolution de l’enquête et du filmage, ils ne cherchent pas à masquer la
caméra ni le micro  ; ils interviennent directement dans le déroulement du
film, passant du statut d’auteurs à celui de narrateurs et de personnages.
Corrélativement, la caméra est conçue comme un instrument de révélation
de la vérité des individus et du monde. C’est donc aussi en tant qu’enquête
sur le monde réel que le cinéma-vérité entend s’opposer au cinéma de
fiction, défini a contrario comme cinéma de la mystification et du
mensonge.
L’expression «  cinéma-vérité  » a été entendue par Morin et Rouch
comme une référence en forme d’hommage au Kino-Pravda de Dziga
Vertov (alors redécouvert par Georges Sadoul) et aux théories du grand
documentariste soviétique. Il s’agit toutefois d’un malentendu, les Kino-
Pravda étant en fait, des journaux cinématographiques filmés, par allusion
au journal du Parti communiste soviétique, Pravda (mot russe qui en effet
signifie « vérité »).
L’étiquette « cinéma-vérité » a été rapidement abandonnée, en raison de
ses ambiguïtés philosophiques et idéologiques, et remplacée par «  cinéma
direct  ». Graff (2015) a récemment analysé en détail l’histoire du terme,
avec toutes les controverses qui l’ont accompagné jusqu’au «  cinéma
direct »

➦  DIRECT (CINÉMA), DOCUMENTAIRE, IMPRESSION DE RÉALITÉ, RÉALISME,


RÉEL, TRANSPARENCE
 
  MARSOLAIS, 1974 ; GRAFF, 2015

CINÈME
Théorie, sémiotique Terme proposé par Pier Paolo Pasolini pour désigner
«  l’unité minimale de la langue cinématographique  », définie selon lui
comme « les divers objets réels qui composent le plan ». Pour Pasolini, le
premier langage est celui de l’action, tout autre langage n’en est que la
transcription, plus ou moins imitative, le cinéma comme les autres. En outre
selon Pasolini, et contrairement à ce qu’affirment les linguistes (Metz,
1965), le cinéma opère sa transcription de la réalité (de l’action) sur le
mode de l’articulation, et même, de la double articulation. Cette double
articulation possède un niveau comparable à celui du monème – le plan –,
mais aussi un niveau comparable au phonème : le cinème, composé « des
objets du plan  ». Donc le cinéma est non seulement une langue, mais une
langue universelle, incomparable à toute autre.

➦ LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, PASOLINI

CINÉ-ŒIL
Théorie, histoire Expression forgée par Dziga Vertov, et destinée à
supplanter le « cinéma », jugé par lui trop compromis avec le théâtre et avec
une vision bourgeoise (= anticommuniste) du monde. Le ciné-œil (kinoglaz,
ou cinœil) est la combinaison d’une caméra, conçue comme œil
machinique, plus puissant que l’œil et plus véridique que lui, et d’un
cerveau humain qui tire les leçons de ce que voit la machine et l’organise
(par le montage) en vue d’en valoriser la charge de vérité.

➦ VERTOV
 
  VERTOV, 1972

CINÉPHILIE
Critique, revue Étymologiquement, la cinéphilie est l’amour du cinéma. Le
cinéphile n’est pourtant pas exactement un amateur érudit comme l’est, la
plupart du temps, celui des autres arts (théâtre, peinture, musique, etc.).
On peut définir cette relation de deux manières opposées, l’une négative,
l’autre positive :
–  pour la première, la cinéphilie relève de la névrose du
collectionneur et du fétichiste. Sa passion est accumulative,
exclusive et terroriste. Elle favorise l’élitisme et le regroupement
en sectes intolérantes. (Le cinéma a proposé quelques portraits de
cinéphiles de cette sorte.)
– Pour la seconde, la cinéphilie est une culture fondée sur la vision
et la compréhension des œuvres. C’est une expérience esthétique,
née de l’amour de l’art cinématographique, l’une des versions de
l’« amour de l’art » tout court.
Plus récemment, des travaux d’inspiration sociologique (Leveratto,
Jullier, Montebello) ont mis l’accent sur le fait que, outre les facteurs
esthétiques et l’exercice du goût, la cinéphilie est également déterminée par
des facteurs sociaux  ; on a ainsi proposé une corrélation plus ou moins
étroite entre le goût pour les «  films d’auteur  » et l’appartenance à une
fraction aisée et cultivée de la société, inversement, le goût du cinéma
populaire à une fraction moins riche et moins éduquée.

➦ FASCINATION
 
  CANUDO, 1927 ; DE BAECQUE, 2003 ; JULLIER & LEVERATTO, 2010 ; MOURLET,
2011 ; CAILLER, 2013
CINÉPLASTIQUE
Théorie, esthétique En donnant ce titre à un article de 1922, l’historien et
critique d’art Élie Faure voulait attirer l’attention sur le caractère visuel de
l’image de film et de l’art cinématographique. Le terme «  plastique  »
(adjectif et substantif) renvoie, par son étymologie (grec plasein = modeler)
à l’idée de donner forme à une matière par elle-même informe. Pour Faure,
l’usage courant du mot –  notamment dans la locution figée «  arts
plastiques » – en a affaibli la valeur dynamique, en oubliant la référence au
geste et à l’acte du modeleur. En soulignant la puissance visuelle
intrinsèque de l’art des images en mouvement, il veut donc mettre en valeur
une plasticité propre au cinéma, induite par le changement permanent des
formes  : c’est l’incorporation du mouvement dans l’image qui est
essentielle.
Le mot n’a pas été retenu par la critique, mais l’idée d’une nature visuelle
de l’art du cinéma, reposant sur la dynamique de formes changeantes, où
l’on peut voir la manifestation de forces, se retrouve dans plusieurs travaux
à partir des années 1980, d’abord chez Deleuze puis dans le courant
analytique qui a cherché dans les films la présence marquée du figuratif
(voire du figural) (Aumont, 1995 ; Brenez, 2000 ; Vancheri, 2010).

➦ VISUEL

CINÉTHIQUE
Critique Revue de cinéma (no  1, janvier  1969, dernier numéro, no  37,
octobre  1985) fondée par le cinéaste Marcel Hanoun et le critique Gérard
Leblanc, dans le but de promouvoir un cinéma d’avant-garde liant des
préoccupations idéologiques et politiques aux questions esthétiques et
formelles (films de Godard, Straub, Rivette, Hanoun lui-même à l’époque
de L’Été).
La rencontre avec deux animateurs de la revue littéraire Tel Quel fut
décisive pour l’évolution de Cinéthique dès son numéro 3. Marcelin Pleynet
y lança le débat sur la perspective reproduite par la caméra et sur les
rapports entre technique et idéologie, thèse discutée par Jean-Louis Comolli
sous ce titre dans les Cahiers du cinéma (1971-1972).
Dirigée par Leblanc et Jean-Paul Fargier (ce dernier jusqu’en 1974) la
revue publia une série d’études d’inspiration marxiste (au départ
althusserienne) sur les rapports entre l’esthétique, l’idéologie, la fonction
politique du cinéma, le rôle des avant-gardes. C’est également dans
Cinéthique que Jean-Louis Baudry publia en 1970 son étude sur le
«  dispositif  » filmique, qui eut une grande influence sur l’orientation des
approches psychanalytiques du spectateur de cinéma et sur les théories de
l’identification.
À partir de 1975, Cinéthique radicalisa ses positions et prôna un cinéma
d’intervention sur un certain nombre de sujets (lutte contre l’avortement,
films anti-impérialistes, etc.). L’équipe réalisa en 1975 un film illustrant ces
préoccupations, Quand on aime la vie, on va au cinéma.

➦ CAHIERS DU CINÉMA, DISPOSITIF, IDÉOLOGIE, POLITIQUE ET CINÉMA


 
  LEBLANC, 2001

CITATION
Critique, narratologie La citation est la reproduction textuelle d’un énoncé
préexistant. Elle se distingue du plagiat en ce qu’elle est explicitement
attribuée à une source antérieure, ou du moins, non dissimulée. Elle se
distingue également du collage, procédé esthétique qui implique la
généralisation de la citation, et de l’allusion, où la référence à l’œuvre
antérieure demeure elliptique.
Au cinéma, elle peut être d’origine diverse puisque le film peut citer des
mots et des phrases, des images et des tableaux, des musiques ou des
thèmes, et d’autres œuvres de toutes natures  : romans, pièces de théâtre,
films. Godard a joué systématiquement de cette possibilité dans tous ses
films, culminant avec les Histoire(s) du cinéma (1990-1998).
On peut distinguer des citations ponctuelles, où référence est faite à une
œuvre antérieure clairement désignée (le début des 400 Coups cite une
séquence de L’Ange bleu) et des citations plus globalement intertextuelles :
Intolérance de D. W.  Griffith est conçu comme le produit intertextuel de
quatre grands genres qu’il cite  : les « Passions » des premières années du
siècle, le Film d’Art pour la Saint-Barthélémy, le film historique italien
comme Cabiria pour l’épisode babylonien, les propres films antérieurs de
l’auteur pour l’épisode moderne.
On distinguera en outre la citation du remake (film utilisant le même
scénario qu’un film antérieur), même si quelques remakes ont pu se
présenter comme des citations intégrales du modèle antérieur. Ainsi, Psycho
(Van Sant, 1998) refait le film de Hitchcock (1960) quasiment plan par
plan, et en est un remake, alors que De Palma a cité la scène de la douche de
Psychose dans une bonne demi-douzaine de ses films, sous forme de
citations expresses ou d’allusions plus ou moins voilées.

➦ INTERTEXTE
 
  FIANT ET AL., 2014

CLAIR, RENÉ (1898-1981)


Journaliste, scénariste, cinéaste René Chomette est d’abord journaliste à
L’Intransigeant où il signe ses articles sous le nom de René Desprès. Il
prend le pseudonyme de René Clair quand il débute sa carrière d’acteur de
films muets comme L’Orpheline ou Parisette (Feuillade, 1921). Il devient
directeur du supplément «  cinéma  » de la revue Théâtre et Comœdia
illustré. Ces pseudonymes indiquent la dualité de la vocation de l’auteur,
poète, essayiste, journaliste et romancier, puis scénariste et cinéaste. Clair
écrit son premier scénario Le Rayon diabolique en 1923  ; le film est
distribué sous le titre de Paris qui dort. Mais c’est le court métrage
d’inspiration dadaïste Entr’acte (1924) réalisé pour le ballet Relâche de
Picabia qui lui apporte la notoriété par le scandale qu’il provoque. Il publie
quelques recueils de poésie et un roman Adams (1926) sur le monde du
cinéma et le phénomène des stars. Après avoir réalisé cinq longs métrages
muets, il participe activement à la querelle du passage au parlant à partir de
1929. Il réédite ses articles en les commentant en deux périodes dans
Réflexion faite (1951), qu’il sous-titre «  Notes pour servir l’histoire du
cinéma de 1920 à 1959  », puis dans Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui
(1970). Dans ces textes polémiques, il récuse l’esthétique du théâtre filmé et
s’en prend aux conceptions défendues par Marcel Pagnol dans
Cinématurgie de Paris : « C’est l’emploi alterné de l’image d’un sujet et du
son produit par ce sujet –  et non leur emploi simultané  – qui crée les
meilleurs effets du cinéma sonore et parlant.  » Son premier long métrage
sonore, Sous les toits de Paris est conçu comme un manifeste contre le
parlant par ses partis pris de cadrage et l’évitement systématique de la
synchronisation de la parole et de l’image.
Tout au long de sa carrière, Clair n’a cessé d’écrire, des romans comme
La Princesse de Chine (1951), des poèmes et des chansons, des essais et de
très nombreux articles depuis 1916 jusqu’à 1981. Cet œuvre écrit reste
méconnu mais il a joué un rôle important dans son élection à l’Académie
française en 1960.

➦ MUET, PARLANT (CINÉMA), SON


 
  HERPE & TOULET, 2000 ; HERPE, 2001

CLASSIQUE (CINÉMA)
Histoire, esthétique Dans son sens originel (« de premier rang », « digne
d’être étudié », « qui fait autorité »), le mot qualifie des films, des cinéastes,
des écoles dont les historiens ont le sentiment qu’ils représentent des
exemples remarquables de l’art du cinéma. Il a été dressé périodiquement,
par des institutions critiques, des listes de «  grands classiques  », mais ces
listes changeantes au fil du temps ne font que refléter l’état du goût
dominant et les valeurs d’une époque.
Le mot est plus précis en un sens repris de l’histoire des arts, pour
désigner une période de l’histoire des formes filmiques. Ce second sens est
lui aussi assez variable, selon les connotations qu’on accorde au terme de
«  classique  ». Pour Rohmer (1953), l’âge classique d’un art est celui qui
réalise le mieux les possibilités esthétiques intrinsèques de cet art ; selon lui
tous les arts sont entrés dans leur période de décadence, ayant épuisé les
possibles de leurs classicismes respectifs, et seul le cinéma a encore cette
ère classique devant lui (Rohmer a ensuite changé d’avis, constatant que
cette période classique n’avait en fait pas existé vraiment). Mais le sens le
plus courant, constitué à partir de la critique idéologique des années 1970 et
de l’analyse textuelle, identifie « cinéma classique » et « cinéma classique
hollywoodien ».
En ce sens restreint, il s’agit à la fois d’une période de l’histoire du
cinéma, d’une norme esthétique et d’une idéologie. La périodisation en est
incertaine, mais on considère le plus souvent que l’âge classique s’arrête à
la fin des années 1950, avec le développement de la télévision – qui porte
un coup décisif à la prépondérance du cinéma comme média  – et
l’émergence des «  nouveaux cinémas  » européens, qui remettent en
question le style de la transparence. Le début en est plus difficile à fixer,
mais il remonte au moins aux années 1920, décennie pendant laquelle
l’industrie hollywoodienne a déjà constitué sa structure oligopolistique, et
le style est déjà fixé.
La norme esthético-idéologique du cinéma classique hollywoodien a
longtemps été réduite à l’idéal de la «  transparence  ». Les analyses
textuelles des années 1970 ont montré que cette norme impliquait en fait un
travail signifiant assez complexe, visant entre autres à une sorte d’auto-
effacement, d’auto-dissimulation, travail dont l’analyse sert justement à
relever les traces (Bellour, 1975  ; Kuntzel, 1975). Des travaux fondés sur
l’examen de corpus plus nourris (Bordwell et al., 1985) ont avancé que
cette norme se définit surtout par sa visée – communiquer une histoire avec
efficacité  – car les éléments stylistiques qu’elle implique ne sont restés
stables qu’au niveau des grands principes  : montage en continuité,
« centrement » figuratif dans le plan, conventions relatives à l’espace et au
point de vue, montage en parallèle de plusieurs actions, unité scénique et
principes de découpage. Les formes correspondant à ces principes ont pu
varier, représentant à chaque fois une catégorie d’«  équivalents
fonctionnels » (différents procédés peuvent se substituer l’un à l’autre pour
remplir la même fonction).

➦ IDÉOLOGIE, IMAGE-MOUVEMENT, RACCORD, SCÈNE, TRANSPARENCE


 
    EHRENBOURG, 1932  ; SCHATZ, 1981  ; BORDWELL, STAIGER & THOMPSON,
1985 ; GOMERY, 1986 ; BOURGET, 1998

CNC
Institution Acronyme de Centre national de la cinématographie et de
l’image animée – établissement public à caractère administratif, placé sous
l’autorité du ministère de la Culture, et chargé de la réglementation du
cinéma et de la gestion des diverses actions publiques en matière de soutien
et de promotion de l’industrie cinématographique.

COCTEAU, JEAN (1889-1963)


Poète, cinéaste, plasticien, dramaturge Principalement connu comme
écrivain, mais également plasticien et cinéaste, Cocteau n’a cessé d’écrire
sur le cinéma, dès 1925 et jusqu’à sa mort. Il a beaucoup écrit, entre autres,
sur la relation entre le cinéma et le rêve –  non au sens des images qui
apparaissent durant le sommeil, mais des « spectacles qui s’organisent dans
la nuit de l’homme et que le cinématographe projette en pleine lumière ».
Plus largement, sa réflexion tourne autour d’une possible définition de la
poésie en cinéma, très différente de celles par exemple d’Epstein (pour qui
la poésie est la recherche consciente du pouvoir de l’image qu’il appelle
photogénie) ou de Pasolini (pour qui le «  cinéma de poésie  » est lié à
l’expression personnelle). Chez Cocteau, cette définition tourne autour d’un
axiome central : il ne faut pas chercher la poésie, sinon elle vous fuit ; elle
ne peut advenir que par accident, et si on la laisse advenir sans la fabriquer :
« La poésie doit venir on ne sait d’où, et non de l’intention de faire de la
poésie, et c’est cette poésie-là qui est forte.  » Pour cela, il n’y a pas de
recette, et la poésie en cinéma résulte du mixte singulier de réalisme et
d’irréalisme qui lui est propre ; Cocteau définissait ainsi son film Le Sang
d’un poète (1930) comme «  un documentaire réaliste d’événements
irréels ».
Cocteau de ce point de vue a exercé une vive influence. Chez Bresson
(1975) par exemple, avec cette phrase littérale  : «  Ne cours pas après la
poésie  » et bien d’autres remarques des Notes sur le cinématographe (un
terme que Bresson oppose, comme Cocteau, au simple cinéma).

➦ BRESSON, EPSTEIN, PASOLINI, POÉSIE (CINÉMA DE), RÊVE

CODE
Sémiologie, droit Le mot «  code  » vient du latin codex, qui désigne
originellement une tablette à écrire, puis un écrit, puis un recueil de lois. Par
extension, on a appelé code tout système de correspondances soit
conventionnel, soit naturel, entre un signe et une signification. En théorie de
l’information, le mot désigne un système de correspondances et d’écarts. En
linguistique, il désigne la langue en tant que système interne au langage. En
narratologie, il désigne des systèmes internes aux textes (Greimas, Barthes).
Le code est le concept central de la sémiologie structurale. Metz (1971)
et Garroni (1968) mobilisent notamment une opposition entre ensembles
concrets (les messages filmiques, ou textes) et ensembles systématiques,
entités abstraites (les codes). Ces codes ne sont pas pour l’auteur de
véritables modèles formels, mais des unités d’aspiration à la formalisation.
Dans la période initiale de la sémiologie structurale, on a proposé de
distinguer les codes spécifiques, les codes mixtes et les codes non
spécifiques. Sont spécifiques ceux qui sont liés à un type de matière de
l’expression. Pour le cinéma, il s’agit des codes liés à l’image
photographique mouvante et aux configurations audiovisuelles quand le
film est sonore. Parmi ceux-ci, on peut évoquer les mouvements de caméra.
L’hypothèse de degrés de spécificité semble la plus productive : il y aurait
deux pôles, l’un constitué de codes totalement non spécifiques (par
exemple, tout ce qui relève du thématique, ou bien les codes dits
« culturels »), l’autre de codes spécifiques en nombre beaucoup plus réduit
et, entre ces deux pôles, une hiérarchie dans la spécificité.
Le code n’est jamais propre à un seul texte, à la différence du système
textuel, qui définit l’originalité d’un texte donné. Tout code construit dans
l’analyse d’un film donné rencontre donc l’histoire des formes et des
représentations  ; le code est l’instance par laquelle les configurations
signifiantes antérieures à un texte ou un film donné viennent s’y impliciter.
C’est dans cette perspective qu’on peut comprendre la tentative de Barthes
(étendue au film par Bellour, Kuntzel et d’autres), qui distingue dans une
analyse d’une nouvelle de Balzac cinq niveaux de code –  culturel,
herméneutique, symbolique, «  sémique  » et «  proairétique  » (relatif aux
actions des personnages) – entendus comme « des champs associatifs, une
organisation supratextuelle de notations qui imposent une certaine idée de
structure  ; l’instance d’un code est essentiellement culturelle  ». La notion
de code est d’usage peu courant depuis la fin de la domination du modèle
de l’analyse textuelle.

➦ BARTHES, METZ, SÉMIOLOGIE, SIGNE, SYSTÈME, TEXTE


 
  METZ, 1971 ; KUNTZEL, 1972, 1975 ; ODIN, 1990

COGNITIVISME
Théorie, philosophie Courant de la psychologie pour lequel la pensée peut
être décrite comme un processus de traitement de l’information. Le
cognitivisme s’est constitué dans les années 1950, de manière transversale à
plusieurs disciplines  : psychologie, linguistique, neurologie, anthropologie
et même philosophie (dans sa variante « analytique »). On a alors parlé de
« sciences cognitives » pour désigner, un peu abusivement (la scientificité
étant postulée, non avérée) ces approches qui ont en commun surtout leurs
refus  : elles s’opposent tant à la tradition béhavioriste qu’aux théories
historicistes, et généralement à toute approche globale et a priori des
phénomènes de pensée et de perception.
Ce courant est assez peu représenté dans les études cinématographiques,
où il est apparu dans les années 1990, comme une solution de rechange
après l’impasse de la sémiologie (structuraliste et poststructuraliste). Les
théories cognitivistes se demandent notamment comment nous
reconnaissons les objets représentés sur l’écran  ; quelles relations les
images écraniques entretiennent avec nos images mentales  ; comment le
jugement émotionnel interfère avec le jugement proprement cognitif, etc. –
 bref, elles ont vocation à traiter de tous les problèmes relatifs à la situation
de spectateur de film  : perception, attention, compréhension, émotion,
affect, mémorisation. Dans l’état actuel des recherches, les modèles
proposés sont toutefois très largement hypothétiques, et ne reposent encore
que sur bien peu d’expériences de type scientifique (répétables et
vérifiables)  ; en revanche, le cognitivisme n’a pas été avare de termes
nouveaux, retombant souvent dans l’abstraction qu’il reproche au
structuralisme.

➦ PSYCHOLOGIE, SÉMIOLOGIE, SÉMIOTIQUE


 
  CARROLL, 1996 ; JULLIER, 2002

COLIN, MICHEL (1947-1988)


Théoricien, sémioticien Universitaire et chercheur français, qui a proposé
d’employer les modèles de la grammaire générative et transformationnelle
pour expliquer le fonctionnement du film. Pour lui, il ne s’agit pas d’une
application au cinéma de catégories qui lui sont étrangères, car le film, en
tant que discours, peut être analysé au même titre que le discours verbal, à
travers des concepts linguistiques. Il n’y a pas de différence substantielle
entre les mécanismes de base d’un film et ceux qui permettent de générer
une langue naturelle  ; par conséquent, on construit et on interprète une
représentation audiovisuelle de la même façon qu’une phrase verbale.
Cette position conduit à la construction d’une grammaire du film, dotée
du même statut et de la même extension qu’une grammaire de langue
naturelle. Colin en explore trois grandes composantes  : conceptuelle,
interpersonnelle et textuelle. Il développe particulièrement l’analyse de la
troisième en se concentrant sur la façon dont le discours filmique avance
concrètement, en introduisant peu à peu de nouvelles informations, et en
utilisant les anciennes comme prérequis de celles qui arrivent. Le discours
du film avance par la succession des plans, mais aussi par le parcours de
l’œil dans les parties du cadre ; à gauche se situent les données inédites, à
droite celles déjà acquises. L’auteur analyse plusieurs exemples pour tenter
de montrer que les mouvements de caméra et le mécanisme du champ-
contrechamp confirment cette hypothèse (mais il n’a jamais effectué
d’enquête en ce sens – statistique, par exemple – sur un vaste corpus).

➦ GRAMMAIRE

COMÉDIE
Genre Pièce de théâtre qui consiste originellement (à l’âge classique) en
une intrigue entre personnages de basse condition, pourvue d’une fin
heureuse et soumise au vraisemblable (à la différence de genres comme la
tragédie). De telles pièces provoquent généralement le rire, d’où le sens
actuel. Au cinéma, c’est un genre faiblement défini, aux contours flous,
mais universel. Il se décline en de multiples sous-catégories suivant les
époques et les productions nationales.

➦ DRAME, GENRE
 
  CAVELL, 1981

COMÉDIE MUSICALE
Genre Genre de films narratifs dont l’intrigue ressortit à la comédie, et qui
comportent des numéros chantés et/ou dansés. Ce genre a été abondamment
représenté dans le cinéma hollywoodien entre le début du parlant et les
années 1960  ; il continue occasionnellement de s’illustrer, mais les films
«  musicaux  » postérieur aux années 1970 ont souvent des intrigues plus
complexes et/ou plus noires (voir par exemple Cabaret [Fosse, 1972] ou
plus près de nous Black Swan [Aronofsky, 2010]).

➦ GENRE
 
  ALTMAN, 1987

COMOLLI, JEAN-LOUIS (1941)


Critique, cinéaste, essayiste Critique et cinéaste français, surtout connu
pour ses documentaires sur des sujets de politique intérieure française (en
particulier, ses enquêtes sur le Front national), mais auteur également de
films de fiction. Il fut critique aux Cahiers du cinéma de 1962 à 1974 (et en
fut le rédacteur en chef entre 1966 et 1971), et y publia les premiers états
d’une réflexion, qu’il poursuivit ultérieurement, sur la question centrale du
lien entre forme et signification au cinéma. Les deux axes principaux de son
travail ont été, d’une part la distinction –  qu’il conteste pour l’essentiel  –
entre cinéma documentaire et cinéma de fiction, et d’autre part la relation
entre la technique cinématographique et la mise en forme de contenus à
forte charge idéologique (voir sa série « Technique et idéologie » de 1970-
1971, reprise dans Comolli, 2004).

➦ DOCUMENTAIRE, IDÉOLOGIE

COMPOSITION
Technique, esthétique Le terme désigne à la fois l’action de former un tout
en assemblant plusieurs parties, et le résultat de cette action : la disposition
de ces éléments. Dans son acception la plus générale, le terme désigne
l’ordre, les proportions et les corrélations des différentes parties d’une
œuvre d’art.
1. Dans les arts plastiques, la composition est l’organisation de la surface de
l’image. C’est le sens que la théorie du cinéma a repris à l’époque muette
(Balázs, Eisenstein, Faure, Léger)  : disposition générale des lignes,
mouvement d’ensemble, aménagement des lumières et des ombres,
harmonie des couleurs, mise en place des personnages et des objets,
« atmosphère affective » de l’action représentée, etc. Suivant les périodes,
les styles et les écoles, tel ou tel de ces facteurs devient dominant.
La composition, en ce sens de « schèmes de composition plastique », a
été relativement peu étudiée de façon systématique. Une exception est
Parrain (1967), qui décrit, dans la Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer, des
symétries, des lignes de force, des thèmes formels et généralement la
«  composition tonale  ». Il est symptomatique que les études les plus
convaincantes aient été le fait de cinéastes-théoriciens, notamment
Eisenstein, analysant tant la séquence des yoles du Cuirassé « Potemkine »
(1934) que l’attaque des chevaliers Teutoniques dans Alexandre Nevski
(1945), et Rohmer, consacrant une étude à l’organisation de l’espace –
 plastique et diégétique – dans Faust de Murnau (1976).
2. On parle également, en un sens proche de celui de la musique, de
composition sonore pour l’organisation des différents éléments de la bande
son d’un film  : paroles, bruits, silences et musiques. Elle peut s’envisager
selon l’axe de la succession ou de la simultanéité : formes d’enchaînement
par continuité, ruptures, fondus, etc., d’une part, rapports entre les éléments
co-présents à un moment donné du film, d’autre part (contrastes,
recouvrements partiels ou complets, contrepoints, etc.).
3. Composition s’emploie aussi dans l’expression «  acteur de
composition  »  : un acteur qui, pour jouer, a l’habitude de se transformer
psychologiquement et physiquement, changeant sa physionomie, sa
silhouette, sa démarche, ses gestes, modifiant ou contrefaisant sa voix,
parfois jusqu’à rendre son apparence complètement méconnaissable. Un
exemple célèbre est Lon Chaney, surnommé « l’homme aux mille visages ».

➦ BANDE SON, CADRE, PLASTIQUE


 
  EISENSTEIN, 1945 (IN 1980) ; FRAMPTON, 1962-1984 ; MITRY, 1963

CONNOTATION
Sémiologie La connotation est d’abord une notion philosophique,
appartenant à la logique. Elle désigne la capacité qu’ont certains mots de
signifier l’objet et en même temps ses attributs (de signifier «  en
compréhension  »). La connotation se distingue alors de la dénotation  :
«  Tout nom dénote des sujets et connote des qualités appartenant à ces
sujets » (Stuart Mill).
La linguistique a repris le couple dénotation/connotation, cette dernière
désignant l’ensemble des valeurs affectives prises par un mot en dehors de
sa signification première (ou dénotation). C’est en ce sens que le terme est
repris en sémiologie (Barthes) : les sens connotés sont ceux que le lecteur
ou le spectateur associe à la lecture du message. Dans son analyse de
l’image publicitaire pour les pâtes Panzani (1964), Barthes distingue le
niveau dénoté qui permet l’identification des objets représentés, et ce qu’il
appelle «  la rhétorique de l’image  », organisant des signes de connotation
d’« italianité ». L’ensemble des sens connotés reste le terrain d’intervention
privilégié de la rhétorique publicitaire, dans l’affiche, dans la photographie
et dans le film.
Le terme a connu une certaine fortune dans la première période de la
sémiologie de l’image et du cinéma. Dans la définition du langage
cinématographique à partir du niveau analogique de l’image et du son
comme niveau «  dénoté  » (Metz, 1986a), la connotation permet de
caractériser les styles filmiques puisque c’est elle qui inscrit dans le film les
divers sens non littéraux, communément considérés comme
« symboliques ». L’objet filmé sous un certain angle par exemple acquiert
un sens particulier, qui est sa connotation.
Cette opposition dénotation/connotation fut cependant tempérée, par
Metz lui-même (1970), au profit de la pluralité des codes qui interviennent
dans un film. Chez d’autres auteurs (Schefer, Bonitzer), l’antériorité même
de la dénotation (toujours définie en linguistique comme code premier)
dans les messages artistiques fut contestée.

➦ DÉNOTATION, MÉTAPHORE, SÉMIOLOGIE, SYMBOLE


 
  METZ, 1968, 1972 ; BONITZER, 1976

CONSERVATION
Technique, histoire La conservation est l’objectif des institutions qui ont la
responsabilité de prendre en charge le patrimoine cinématographique. Mais
c’est une activité complexe et onéreuse en raison de la nature du support
film. Jusqu’en 1954, tous les films étaient exploités en 35 mm sur support
en nitrate de cellulose, hautement inflammable et voué à la décomposition
chimique après quelques décennies. Il a été remplacé par l’acétate de
cellulose, lui-même victime du «  syndrome du vinaigre  » (émanation
d’acide acétique), et donc tout aussi peu pérenne. Pour conserver un film, il
faut donc le transférer sur support polyester. Cela suppose la production et
le stockage d’un élément négatif ou positif exclusivement réservé à la
conservation. Cela reste le cas même après le passage au numérique pour
les tournages et la projection. La conservation va souvent de pair avec la
restauration des films car il arrive que les éléments conservés dans les
laboratoires aient été fragmentaires, ou bien retrouvés sous la forme de
bobines non montées, et sans intertitres pour les films muets. La
conservation entraîne ainsi souvent le tirage d’éléments nouveaux, parfois
même une reconstitution d’un original perdu ou jamais monté (tel
L’Hirondelle et la Mésange d’Antoine, 1920).
La question de la conservation a pris un tour nouveau avec l’apparition
du numérique, dont on a d’abord pensé qu’il offrait la solution définitive au
problème, puisque, sous forme de fichier, un film ne dépend plus, en
principe, d’un support matériel et donc ne peut plus se dégrader dans le
temps. Toutefois, on s’est aperçu très vite que cet avantage était largement
compensé, d’une part par les défauts du système lui-même (un fichier une
fois inscrit n’est pas à l’abri d’accidents ou de la détérioration du support
d’inscription, un disque dur par exemple), d’autre part et surtout, par
l’évolution très rapide des logiciels et des appareils, qui interdit d’être
certain qu’un enregistrement fait dans un certain état de la technique pourra
être encore lu quelques années plus tard. L’archivage numérique s’est ainsi
avéré moins fiable et plus onéreux que l’archivage argentique, et les
grandes institutions internationales reviennent, l’une après l’autre, à
l’archivage et à la conservation des films sur support pellicule en polyester
(en général, en tirant d’un film en couleurs trois copies monochromes
correspondant aux trois primaires chromatiques).

➦ ARCHIVES, CINÉMATHÈQUE
 
  CHERCHI USAI, 1991 ; LE ROY, 2013

CONTENU
Linguistique, sémiologie 1. On parle du contenu d’une œuvre d’art pour
désigner les faits, les connaissances dont elle est enrichie, qui peuvent être
appréciés indépendamment de ses qualités esthétiques –  à supposer
toutefois que la richesse et l’importance de ce contenu ne soient pas à porter
au compte de sa valeur esthétique. La Guerre et la Paix de Tolstoï a un très
riche contenu historique, psychologique et philosophique  ; mais cette
richesse tient autant à celle de la documentation réunie par l’auteur qu’à la
complexité de son analyse, donc à la construction de sa fiction.
2. En sémiologie et en sémantique, on oppose « plan du contenu » et « plan
de l’expression  » (Hjelmslev), à peu près selon la même opposition que
«  signifié  » et «  signifiant  » chez Saussure. Pour chacun de ces plans, on
distingue une matière et une forme (du contenu et de l’expression), soit
quatre catégories au total.
La matière du contenu, c’est le tissu sémantique, c’est-à-dire l’ensemble
des significations qu’un langage est en mesure d’exprimer. Instance
commune à tous les langages, dans la mesure où ils ont tous pour fonction
de transmettre du sens, la matière du contenu ne permet donc pas de les
différencier les uns des autres. La Guerre et la Paix peut être le contenu
d’un roman, d’une symphonie, d’un tableau, d’un film.
La forme du contenu c’est tout ce qui assure la découpe et l’organisation
d’une matière sémantique en unités pertinentes de signification. On peut
l’envisager pour un film à trois niveaux : 1°, les classifications par thèmes
ou par genres (films de guerre, mélodrames, etc.) ; 2°, la manière dont un
cinéaste traite tel ou tel thème dans un film donné (la guerre de Sécession
chez John Ford, par exemple)  ; 3°, l’organisation interne et l’agencement
des différentes séquences traitant du thème dominant dans un film donné (le
même thème dans Les Cavaliers [The Horse Soldiers, 1959], du même
auteur).

➦ CODE, SIGNE, THÈME


 
  KRACAUER, 1960 ; METZ, 1968 (IN 1972) ; ODIN, 1990

CONTINU (ET DISCONTINU)
Esthétique Notre expérience nous livre le monde comme composé d’objets
distincts, dans un réceptacle spatio-temporel où au contraire il est difficile
de distinguer entre les parties, et surtout de repérer les frontières (entre un
point de l’espace et le point voisin, entre un moment et le moment suivant).
Notre activité de symbolisation (langage, images –  films inclus) en
revanche est fondée assez unilatéralement sur la présupposition du
discontinu, de l’individualisable, de l’isolable. Il n’existe pas de champ de
signification instructuré, mais toujours des réseaux, des relations entre des
unités «  discrètes  », l’exemple le plus flagrant étant celui du langage. Le
sens naît du changement, et pour le faire apparaître il faut introduire une
différence – une discontinuité.
Le cinéma, médium temporel, est voué au continu ; mais il repose sur la
production d’une discontinuité (entre photogrammes successifs sur la
pellicule et surtout entre plans dans le montage). La question, du point de
vue théorique, est donc celle des formes qu’a prise cette relation entre
continu et discontinu. On opposera par exemple, selon cette pertinence, une
forme de passage de plan à plan en vue de la continuité – le raccord –, et
une forme au contraire visant au maintien de la discontinuité – l’intervalle.
À l’intérieur d’un même plan, on pourra opposer le régime du plan prolongé
(insistant sur la continuité) à certains plans heurtés, visant à produire un
effet de discontinu. Le cinéma expérimental a travaillé systématiquement
l’un et l’autre de ces extrêmes (voir Sleep ou Empire de Warhol, pour le
plan très long, et les films photogrammiques, poussant le discontinu jusque
dans ses retranchements, de Sharits ou Kubelka).

➦ MONTAGE, PHOTOGRAMME, PLAN


 
  DELEUZE, 1983 ; DE HAAS, 1985 ; AUMONT, 2005-2009

CONTINUITÉ
Esthétique Le terme de continuité a au moins trois sens dans les pratiques
techniques, relatifs respectivement au scénario, au tournage et au montage :
– La continuité dialoguée est une étape écrite du film, postérieure au
synopsis et au «  traitement  » qui permet de l’enrichir en
développant chronologiquement les fragments d’action, en
mettant au point le détail de chaque scène et en précisant le
dialogue.
– En termes de tournage, la continuité désigne l’attention portée à la
cohérence des éléments constitutifs du film, comme les
déplacements et mouvements des interprètes, la lumière, la
position de la caméra. Cette fonction relève de la responsabilité
de la scripte, appelée en anglais continuity girl.
– En termes de montage, la continuité est le premier assemblage des
rushes, dans l’ordre du récit.

CONTRECHAMP
Technique, esthétique Le « contrechamp » est une figure de découpage qui
suppose une alternance avec un premier plan alors nommé « champ ». Le
point de vue adopté pour le contrechamp provient (imaginairement) du
champ précédent, et la suite de ces deux plans prend le nom de «  champ-
contrechamp  ». Cette figure est extrêmement fréquente, surtout dans les
scènes de dialogue (ou d’affrontement) entre deux personnages ou groupes
de personnages. On peut varier l’angle de prise de vue selon lequel le
contrechamp répond au champ, une règle classique interdisant que cet angle
soit de 180° (il existe évidemment d’innombrables exceptions, et cette règle
n’est plus, depuis longtemps, considérée comme absolue).

➦ CLASSIQUE (CINÉMA), DÉCOUPAGE, MONTAGE, RÈGLE DES 180°


 
  BURCH, 1969 ; OUDART, 1969
CONTREPOINT (MONTAGE À)
Théorie, esthétique Expression proposée par le cinéaste Artavazd
Pelechian, pour désigner une forme de montage jouant sur l’écart temporel,
la répétition et la variation. Dans cette conception, le montage n’est pas
intéressant par les possibilités de conjonction qu’il offre, mais par la
disjonction des scènes consécutives. Or, disjoindre dans le temps, cela
suppose qu’on insère quelque chose entre les éléments disjoints. D’où la
règle de base de cette forme : le montage consiste à insérer quelque chose
d’autre entre deux morceaux que l’on relie. Entre ces deux morceaux se
constitue ainsi une relation sémantico-formelle  ; le film est le réseau (le
« contrepoint ») de ces relations, qui se déroulent simultanément, mais avec
des vitesses variables. Pelechian lui-même a donné des illustrations de cette
théorie dans des films comme Nous et surtout Les Saisons.
La parenté de cette idée avec certaines propositions d’Eisenstein (qui
toutefois parlait surtout de « contrepoint » à propos de la relation du son et
de l’image), et surtout avec la théorie de l’intervalle de Vertov, a souvent
été relevée. Pour Pelechian comme pour Vertov, le travail du cinéaste porte
sur la production d’un réseau d’affects et d’un réseau sémantique (ils
peuvent coïncider ou non). Il s’agit toujours de trouver la formule visuelle
qui va guider l’œil du spectateur vers le « thème fondamental » du film.

➦ CONTREPOINT ORCHESTRAL, INTERVALLE, VERTOV


 
  PELECHIAN, 1971-1972

CONTREPOINT ORCHESTRAL
Théorie, esthétique Expression forgée par Eisenstein, Poudovkine et
Alexandrov (1928), au moment où le cinéma parlant envahit les écrans
occidentaux. Ces trois cinéastes s’appuient sur l’emploi expressif du
montage et prônent le principe de non-coïncidence entre l’intervention des
images et des données sonores  : «  Seule l’utilisation du son en guise de
contrepoint vis-à-vis d’un morceau de montage visuel offre de nouvelles
possibilités de développer et de perfectionner le montage. Les premières
expériences avec le son doivent être dirigées vers sa “non-coïncidence”
avec les images visuelles. Cette méthode d’attaque seule produira la
sensation recherchée qui conduira, avec le temps, à la création d’un
nouveau contrepoint orchestral d’images-visons et d’images-sons. »
Ce texte est symptomatique de l’hostilité de plusieurs cinéastes envers la
nouvelle invention. Des auteurs comme Chaplin ou Clair partagent jusqu’à
un certain point les réticences des cinéastes soviétiques, que l’on retrouve
par ailleurs dans les positions d’esthéticiens comme Arnheim (1932). C’est
surtout dans le documentaire d’avant-garde que le principe du contrepoint
orchestral connaîtra une application d’une grande richesse esthétique  :
Mélodie du monde (Ruttmann, 1929), Enthousiasme (Vertov, 1930), par
exemple. Sans représenter des illustrations littérales de ce principe, de
nombreux films (en général, plutôt issus du milieu artistique) ont joué d’une
séparation de la bande son et de la bande image, en vue de créer un rapport
expressif entre les deux (par exemple chez des auteurs comme Schroeter ou
Sokourov).

➦ BANDE SON, SONORE (CINÉMA), MONTAGE


 
  EISENSTEIN, 1942, 1974

CORPS
Esthétique, anthropologie Le corps humain est apparu, très tôt, comme
l’un des objets principaux de la représentation cinématographique, que ce
soit à travers une analogie picturale (la recherche de la figuration correcte et
expressive du corps, nu ou vêtu) ou dans la filiation théâtrale (le corps
comme support et moteur de l’action dramatique). Dans l’une et l’autre de
ces perspectives, la question de la représentation du corps, toutefois, n’a
jamais été considérée pour elle-même. C’est à partir des propositions de
Jean Louis Schefer, sur le caractère absolument original du corps figuré en
cinéma, et du rapport imaginaire qu’il entretient avec le propre corps du
spectateur, qu’a été relancée cette question depuis le milieu des années
1980. L’homme cinématographique (l’«  homme ordinaire  » du cinéma)
possède en effet un corps qui, reproduction automatique et fidèle d’un corps
réel, ne coïncide cependant pas avec une anatomie, mais possède d’emblée
une définition d’ordre figuratif. À partir de cette remarque fondamentale,
plusieurs critiques et analystes de films (au premier chef Brenez, 1998) ont
engagé une exploration, plus foisonnante que systématique, des modes
filmiques de production d’un corps.

➦ ACTEUR, FÉMINISME, FIGURATION, FIGURE, SCHEFER


 
    SCHEFER, 1981  ; VANCHERI, 1993  ; LEBTAHI & THOME-GOMEZ, 1994  ;
LACOSTE, FIESCHI & TORT, 1996 ; BRENEZ, 1998 ; BELLOUR, 2009

CORRESPONDANCE DES ARTS
Esthétique La liste des arts reconnus a été souvent établie, par diverses
institutions (en France ou en Angleterre, à partir de l’âge classique,
l’Académie). L’apparition de la photographie, vers 1840, n’avait pas
fondamentalement réussi à mettre en question la liste traditionnelle des six
arts fondamentaux (arts de l’espace : peinture, sculpture, architecture ; arts
du temps  : musique, poésie, danse). Mais elle provoqua indirectement un
remodelage du système de beaux-arts, mettant en avant des liens souterrains
entre arts différents, des correspondances.
Il avait toujours existé des liens entre arts (par exemple, aux âges
classiques, la doctrine «  ut pictura poesis  », signifiant l’équivalence entre
peinture et poésie). Ce qu’ajouta le XIXe  siècle, c’est l’idée d’une
correspondance sensorielle, et non plus seulement idéelle, entre arts
différents (par exemple, le fait que la musique fasse imaginer des couleurs,
ou que la poésie procure des sensations proches de la musique). Cette idée
fut très active autour de 1900, avec plusieurs tentatives pour marier dans
des spectacles effectifs la sensibilité chromatique et musicale, notamment
(Scriabine, Kandinsky).
Le cinéma apparut à peu près à la même époque, et plusieurs critiques
furent tentés d’y voir la réponse aux interrogations implicites de la
« correspondance des arts », sous la forme d’un art de synthèse, relevant à
la fois de plusieurs autres. L’idée du «  septième art  » (Canudo, 1921)
opérant la synthèse des six autres est la forme la plus connue de cette
tentation ; cette idée est revenue de temps en temps (par exemple, Wollen,
1968, inscrit le cinéma dans la généalogie des arts comme réponse aux
interrogations sur le partage espace/temps, et comme actualisation de l’idée
wagnérienne d’œuvre d’art totale). On trouve aussi des formulations plus
directement inspirées de l’idée de correspondance (Faure, Souriau), et toute
l’avant-garde française des années 1920 fut attentive à une dimension
« musicale » du cinéma qui est l’une de ces correspondances (Dulac).
Avec le déplacement de la notion d’art (définie désormais davantage en
terrain institutionnel qu’en terrain esthétique), cette notion a perdu de sa
portée et même de sa pertinence. Il y a toujours des tentatives filmiques qui
se veulent «  picturales  » ou «  musicales  », mais cela reste, à chaque fois,
idiosyncrasique.

➦ ART, CANUDO, ESTHÉTIQUE, FAURE


 
  CANUDO, 1927 ; FAURE, 1964 ; BELLOUR, 1990, 1999 ; PAÏNI, 1997

COULEUR
1. Technique Postérieur aux premiers essais de photographie en couleurs, le
Cinématographe les ignora. L’image de film a donc longtemps été une
image grise (en «  noir et blanc  », comme on dit conventionnellement).
Toutefois, la couleur est apparue très tôt (avant 1900) dans les spectacles
cinématographiques, sous la forme du coloriage  ; pour cela, il fallait
peindre, à la main (éventuellement, avec l’aide de pochoirs pour les parties
immobiles) chaque partie de l’image qui devait porter une couleur. Malgré
la longueur de l’opération, elle fut réalisée pour la plupart des films
« féeriques » de Méliès ou de Pathé, et pour nombre d’autres.
Vinrent ensuite des procédés plus faciles à appliquer, consistant à colorier
toute l’image (le teintage), ou seulement ses parties noires (le virage), par
simple trempage dans un bain du produit approprié. Ces procédés furent
utilisés très couramment dans les années 1910 et 1920 (pratiquement tous
les films de quelque importance eurent des versions en couleurs)  ; la
combinaison du virage et du teintage permettait d’ailleurs des effets parfois
assez complexes (et il existait d’autres procédés encore plus complexes,
comme le mordançage). Un certain nombre de conventions furent souvent
respectées, tels le teintage bleu pour les scènes de nuit, le teintage jaune-
ocre pour la lumière électrique des intérieurs, le rouge pour le feu, et bien
d’autres, parfois symboliques.
La troisième époque fut celle des procédés de «  couleurs naturelles  »,
c’est-à-dire obtenues à la prise de vues, avec une pellicule spéciale. Il exista
de nombreux procédés, additifs (la couleur est obtenue par superposition de
trois images colorées en rouge, vert et bleu, directement sur l’écran) ou
soustractifs (une seule image projetée, composée de trois couches
monochromes). Le procédé le plus célèbre, le Technicolor, fut exploité dès
1925 en une version à deux primaires, mais surtout, de 1930 à 1960
environ, dans une version à trois primaires aux effets somptueux, mais de
mise en œuvre difficile et chère. C’est l’apparition vers 1955 des procédés
soustractifs type Eastmancolor (dérivés de l’Agfacolor allemande) qui
permit, par son coût faible, le développement du cinéma en couleurs, lequel
devint majoritaire puis hégémonique dans les années 1960.
2. Esthétique Malgré les spécificités de la couleur au cinéma, le modèle
critique et esthétique resta presque toujours la peinture. La peinture a
énormément circulé dans l’imaginaire filmique, sous trois grandes formes :
la fictionnalisation, l’imitation, l’analyse. Les personnages de peintres sont
très nombreux dans le cinéma classique, mais c’est surtout en tentant
d’imiter de supposées lois chromatiques que le cinéma a voulu prolonger la
peinture. La tentative est plus radicale dans la partie avant-gardiste ou
expérimentale, où les visées et les moyens (par exemple, peinture sur
pellicule, grattage, etc.) sont plus proches de ceux du peintre.
L’absence de lois générales et vérifiables explique l’absence presque
totale de réflexion théorique sur la couleur dans l’image en mouvement. Les
seules considérations parfois proposées touchent à la valeur symbolique ou
expressive de la couleur (le rouge comme symbole de guerre ou de passion,
le bleu pour la paix et l’azur, le violet associé à la lamentation funéraire,
etc.). Ces valeurs étant elles-mêmes très variables selon les cultures et les
époques, il est difficile d’en donner une théorie, et l’esthétique de la couleur
au cinéma se confond, pratiquement, avec la constatation de styles
personnels ou d’effets de genre (Godard et ses couleurs pop des années
1960, les lumières colorées de Fassbinder, les filtres bleu dans le cinéma
fantastique, etc.).
Comme dans tous les domaines concernant la structure et l’apparence de
l’image, le numérique n’a pas apporté de révolution de principe, mais a
considérablement enrichi le répertoire des possibles. Il est devenu possible
(et même relativement facile), notamment, de modifier la couleur d’une
zone donnée d’un plan de film, ce qui va dans le sens d’un renforcement du
fantasme de picturalité.
➦ ESTHÉTIQUE, IMAGE
 
  EISENSTEIN, 1939-1940 (IN 1986), 1948 (IN 1958) ; AUMONT, 1995 ; MARTIN, 2013

COUPE FRANCHE
Technique On appelle coupe franche ou coupe sèche le passage d’un plan à
un autre par une simple collure, sans que le raccord soit marqué par un effet
de rythme ou un trucage. Metz souligne, dans son modèle de «  grande
syntagmatique  », que si la coupe franche intervient à l’intérieur d’un
segment autonome (une suite de plans), elle n’a pas de valeur ponctuative ;
mais elle en a une quand elle est située entre deux segments.
La coupe franche intervient dans le « montage sec » qui comprend deux
variantes principales, le « montage sec ordinaire » qui peut être marqué par
le rythme, et le « montage sec à effet » quand le passage d’un segment à un
autre s’effectue par rupture brutale. Le style de Bresson ou celui de Straub
sont largement fondés sur de telles ruptures  ; au début des années 1960,
Godard a systématisé l’usage du montage sec à effet, ce qui apparut alors
comme un trait de modernité. Depuis les années 1990, ce montage sec est
devenu très répandu, y compris dans certains films « grand public » (voir,
récemment, le style de réalisateurs comme Nolan ou Iñarritu).

➦ MONTAGE, RYTHME, SEGMENTATION


 
  METZ, 1968

COUPE MOBILE
Théorie Concept proposé par Deleuze pour définir à la fois l’image-
mouvement et le plan cinématographique. Le mouvement que le cinéma
apporte à l’image modifie les positions respectives des parties d’un
ensemble, « qui sont comme ses coupes, chacune immobiles en elle-même ;
d’autre part, le mouvement est lui-même la coupe mobile d’un tout dont il
exprime le changement ». Quant au plan, « c’est le mouvement, considéré
sous son double aspect : translation des parties d’un ensemble qui s’étend
dans l’espace, changement d’un tout qui se transforme dans la durée.
[Opérant une coupe mobile des mouvements, il] ne se contente pas
d’exprimer la durée d’un tout qui change, mais ne cesse de faire varier les
corps, les parties, les aspects, les dimensions, les distances, les positions
respectives des corps qui composent un ensemble dans l’image » (1983).
Pour Deleuze c’est ce qui distingue l’image cinématographique de
l’image photographique. La photographie est une sorte de « moulage » : le
moule organise les forces internes de la chose, de telle manière qu’elles
atteignent un état d’équilibre à un certain instant (coupe immobile) – tandis
que la coupe mobile ne s’arrête pas quand l’équilibre est atteint, et ne cesse
de modifier le moule, de constituer un moule variable, continu, temporel.
Deleuze rejoint ici les idées d’Epstein (la «  perspective temporelle  » et la
modulation), et de Bazin : « La photographie procède, par l’intermédiaire
de l’objectif, à une véritable prise d’empreinte lumineuse, un moulage.
Mais le cinéma réalise le paradoxe de se mouler sur le temps de l’objet et
de prendre par surcroît l’empreinte de sa durée » (1945).

➦ DELEUZE, IMAGE-MOUVEMENT, PLAN


 
  EPSTEIN, 1974 ; DELEUZE, 1983 ; STEWART, 1999

COURT MÉTRAGE
Technique, institution La définition du court métrage est d’abord juridique
et institutionnelle. Elle désigne (en France et selon la réglementation du
CNC) un film d’une longueur inférieure à 1  599  mètres dans le format
standard (58 minutes et 27 secondes de projection) et supérieure à 100
mètres (3 minutes et 39 secondes). Dans la pratique, on distingue le court
métrage, de moins de 30 minutes, du moyen métrage, de 30 à 60 minutes.
La télévision a modifié ces durées standard en 26 minutes et 52 minutes,
pour laisser du temps à la publicité.
Le court métrage est à l’origine du cinéma puisque les bandes Lumière
ne duraient que 50 secondes (17 mètres). Le format court domine toute la
période dite « primitive » et le long métrage ne s’y substitue qu’après 1914
et le succès mondial des Misérables d’Albert Capellani et de Birth of A
Nation de D. W. Griffith. La transition entre les deux formats s’est opérée
progressivement entre les années 1906 et 1912, accompagnant
l’augmentation quantitative de la production industrielle des bandes chez
Pathé Frères en France et à la Vitagraph et la Biograph aux États-Unis.
Le court métrage n’a toutefois jamais cessé d’exister tout au long de
l’histoire du cinéma. Il s’est spécialisé dans différentes catégories ou
genres  : le film burlesque, le film documentaire, le film pédagogique,
industriel, amateur, etc. Étant moins soumis aux règles de la rentabilité
économique que le long métrage, le court métrage permet plus aisément
d’échapper aux contraintes, tant narratives qu’institutionnelles ; aussi a-t-il
souvent été le site privilégié de l’expérimentation.
En France, il est souvent la voie d’accès à la profession, en particulier
dans les écoles de cinéma où on considère comme normal de réaliser un ou
plusieurs courts métrages avant de se lancer dans le long métrage. Il est par
ailleurs encouragé, voire protégé par les politiques publiques qui le
soutiennent, par exemple via l’Agence du court métrage (et sa revue, Bref).

➦ EVRARD & KERMABON, 2004 ; BLUHER & THOMAS, 2005

CRÉATORIEL
Filmologie «  Situé essentiellement dans la pensée, soit individuelle, soit
collective, des créateurs du film » (Souriau). Cette notion de la filmologie
est commode, dans la mesure où elle entre en relation avec les autres
notions du même système. Toutefois, la question qu’elle désigne, celle de
l’intention créatrice et de sa plus ou moins grande capacité d’être aperçue
par le destinataire d’une œuvre, est bien plus complexe que ne le suppose la
définition de Souriau. Pour que cette définition puisse être opératoire, il faut
donc se donner un modèle plus précis de la pensée (a fortiori, de la pensée
«  collective  »). De fait, ce terme est plus rarement utilisé que les autres
termes proposés par la filmologie.

➦ AUTEUR, SPECTATORIEL
 
  SOURIAU, 1953

CRETON, LAURENT (1953)


Économiste, historien Universitaire, spécialiste des sciences de gestion,
Laurent Creton analyse le management stratégique et la gestion de
l’innovation. Ses premières recherches portaient sur les industries de
l’électronique  ; changeant d’objet d’études en venant à l’université de
Paris  3, il étudia l’ensemble de la filière cinématographique, de la
production à la diffusion, du point de vue de sa discipline. Ses travaux
portent sur les stratégies d’entreprise (Gaumont, Pathé, Canal+, etc.), la
structuration des marchés et les politiques de régulation des industries
culturelles, avec un intérêt particulier pour les nouveaux médias de l’image
et du son, la composition des chaînes de valeur et le développement des
plates-formes numériques. Il a d’abord publié un manuel d’économie du
cinéma (1994) devenu un classique de la discipline et dirigé d’autres livres
portant sur cinéma et marché, cinéma et (in)dépendance, le cinéma et
l’argent, le cinéma à l’épreuve du système télévisuel, notamment. L’aspect
historique est pris en compte avec une Histoire économique du cinéma
français. Production et financement. 1940-1959, fondée sur le
dépouillement des archives du Crédit national et des sources inédites. Il a
joué un rôle important dans la structuration de la recherche dans son
université (Paris 3), notamment en dirigeant l’IRCAV de 2003 à 2015.
La dimension cinéphilique de ses travaux apparaît dans des sujets plus
particuliers, tels les Villes cinématographiques (2007), les producteurs et
leurs enjeux créatifs et financiers, les salles de cinéma et la revue Le Film
français (1945-1958), revue corporative bien connue des professionnels.

CRIMINEL (FILM)
Genre Le film criminel est un genre qui traverse toute l’histoire du cinéma
et s’est illustré dans la production de nombreux pays. Il n’a cessé de
prospérer, résistant à toutes les fluctuations des modes cinématographiques
et à tous les bouleversements des structures de production. Il présente
aujourd’hui un visage multiforme. À l’origine, on trouve les chroniques
naturalistes produites par Pathé, comme Histoire d’un crime (Ferdinand
Zecca, 1901), et, plus précisément, les tableaux des bas-fonds new-yorkais
représentés par David W.  Griffith (The Musketeers of Pig Alley), mais le
genre se développe vraiment à partir d’Underworld (Les Nuits de Chicago)
que réalise Josef von Sternberg en 1927. Il s’agit d’un mélodrame criminel
fondé sur l’amour, l’amitié trahie et le sacrifice, dans lequel l’acteur George
Bancroft donne au personnage du gangster une dimension tragique qui
préfigure les performances de Paul Muni dans Scarface (1932), de Hawks
et de James Cagney dans L’Ennemi public (1931), de Wellman. La violence
du film fit, à l’époque, sensation.
Le film criminel repose sur quelques éléments simples  : un acte
délictueux, une victime, un coupable, une sanction, mais le traitement de
ces données offre de nombreux sous-genres  : film d’enquête, film de
gangsters, thriller, film de suspense, film de commissariat, catégories que
l’on peut regrouper sous l’étiquette «  film policier  ». Au sein de cette
galaxie, s’est détaché le sous-genre «  film noir  » tel que l’a nommé la
critique française de l’après-Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’une
catégorie particulière de film d’enquête fondée sur le personnage du
détective privé comme dans Le Grand Sommeil, de Hawks (The Big Sleep,
1946) et, plus encore, sur un certain climat et un certain style narratif et
visuel. Le genre a donné lieu à un très grand nombre de relectures
culturelles et idéologiques, dans le sillage des études féministes
américaines, comme en témoigne l’anthologie proposée par Noël Burch
(1993).

➦ GENRE, FÉMINISME, NOIR (FILM)


 
  VERNET, 1987 ; BURCH, 1993 ; ESQUENAZI, 2012

CRISTALLIN (RÉGIME)
Théorie Terme proposé par Deleuze (1985) pour désigner un caractère
fondamental du cinéma moderne  : sa rupture avec le temps strictement
chronologique. L’«  image-temps  » selon Deleuze est fondée, non plus sur
les situations sensori-motrices de l’image-mouvement, mais sur des
«  situations optiques et sonores pures  »  ; elle explore le temps, vise à le
rendre «  visible  », et dans cette exploration, ce qui apparaît c’est le
caractère duplice du présent, qui est toujours passé en même temps que
présent (il est toujours « travaillé » par le passé – comme, exemplairement,
chez Resnais, où c’est la mémoire qui est à l’œuvre dans le présent).
L’image-cristal désigne métaphoriquement cette coexistence d’une image
actuelle et d’une image virtuelle ; le cinéma moderne est, pour Deleuze, le
lieu d’expression de l’image-cristal, de ces images où le temps est sans arrêt
redoublé.

➦ IMAGE, IMAGE-MOUVEMENT, IMAGE-TEMPS, TEMPS


 
  DELEUZE, 1985

CRITIQUE
Institution La critique est l’exercice qui consiste à examiner une œuvre
pour déterminer sa valeur par rapport à une fin (la vérité, la beauté, etc.).
On a parlé de critique objective ou subjective, selon que l’échelle de valeurs
à laquelle on rapporte l’œuvre jugée est ou non indépendante de celui qui
juge. On peut aussi distinguer une critique externe (qui rapporte l’œuvre à
son contexte de production et de réception) et une critique interne (dite
parfois immanente, qui examine l’œuvre en elle-même). Par extension, le
terme désigne aussi le jugement et les commentaires eux-mêmes, ainsi que
la personne qui se livre à la critique.
La critique a donc une double fonction d’information et d’évaluation.
C’est ce qui en principe la distingue de l’analyse, dont le but est d’éclairer
le fonctionnement et de proposer une interprétation de l’œuvre artistique.
Peu de critiques de cinéma sont des journalistes professionnels. Il existe
un large éventail de modalités d’écriture, du critique de quotidien, dont la
fonction informative est primordiale, au critique de mensuel spécialisé dont
l’intervention est en principe plus proche du critique d’art et de l’analyste
de l’œuvre.
Le jugement critique s’appuie sur des valeurs esthétiques et sur certaines
notions générales. En ce sens, quelques grands critiques ont également été
des théoriciens implicites de l’art qu’ils commentaient, tels Bazin,
Amengual ou Daney en France, James Agee ou Gilbert Seldes aux États-
Unis, Umberto Barbaro en Italie. Toutefois, l’exercice de la critique est
aussi un exercice du jugement de goût, et de ce point de vue, il a existé et
existe de grands critiques qui sont fort peu théoriciens, de Jean Douchet à
Manny Farber.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, ESTHÉTIQUE


    BAZIN, 1958-1962  ; ISHAGHPOUR, 1982, 1986  ; DANEY, 1983, 1986, 1993  ;
TRUFFAUT, 1988 ; AMENGUAL, 1997

CUBISTE (MONTAGE)
Esthétique Métaphore proposée (Thompson, 1981) pour désigner un style
de montage dans lequel des plans successifs se «  recouvrent  »
temporellement, de même que dans le cubisme analytique, les facettes dans
lesquelles se décompose l’image figurent plusieurs fois la même zone de
l’espace. Ce montage se trouve à l’état le plus pur chez Eisenstein, par
exemple dans la scène du Cuirassé «  Potemkine  » où un matelot brise
furieusement une assiette, chaque plan reprenant le mouvement avant le
point où le plan précédent l’avait amené (exemples comparables dans
Octobre ou La Ligne générale).

➦ EISENSTEIN, MONTAGE
  LAWDER, 1977 ; THOMPSON, 1981 ; AUMONT, 2015
D
DANEY, SERGE (1944-1992)
Critique, essayiste Critique français, collaborateur des Cahiers du cinéma,
dont il fut rédacteur en chef de 1973 à 1981. Il exerça ensuite le métier de
journaliste, d’abord pour le quotidien Libération, où il anima les pages
consacrées au cinéma et aussi à la télévision, puis pour la chaîne de radio
France-Culture (1985-1990). Il fut en 1991 le fondateur de la revue Trafic.
Critique sans théorie d’ensemble (et le revendiquant), il fut d’abord un
des tenants tardifs de la « politique des auteurs » des Cahiers, et commença
par des entretiens avec de grands cinéastes américains plus ou moins
méconnus (Leo McCarey par exemple). Sa position excentrée dans les
années suivantes lui permit, paradoxalement, d’éviter l’engluement dans la
langue de bois marxo-freudienne qui frappa la revue. Il sut alors avec talent
continuer à critiquer réellement les films, sans pour autant ignorer les
grands mouvements intellectuels des années 1970. C’est ce même travail
qu’il continua dans la presse quotidienne, et qui réussit à la fois à montrer
que le cinéma était un rouage important de la vie artistique et sociale, et à
mettre au jour tout ce qui, dans les films, était la trace de la rapide évolution
des idées. Il fut, ainsi, le premier critique de cinéma respecté à attirer
l’attention sur les formes télévisuelles (par exemple celle de la
retransmission sportive, dont il fut un grand amateur). Quoiqu’il n’ait
jamais fondé d’école ni eu de disciples, son prestige personnel, intimement
lié au charme de sa parole, reste vif auprès de beaucoup.

➦ POLITIQUE DES AUTEURS

DCP (DIGITAL CINEMA PACKAGE)
Technique Fichier informatique servant à la projection d’un film
(équivalent en numérique de la copie de projection en argentique). Ce
fichier contient toutes les données nécessaires (images, sons, sous-titres,
etc.). Dans l’état actuel de la technique, il correspond à une définition de 2K
ou de 4 K, selon les cas (et en fonction de l’équipement des salles).

➦ 2K/4K, NUMÉRIQUE

DE BAECQUE, ANTOINE (1962)


Historien Critique de cinéma et universitaire. Sa formation initiale
d’historien s’est traduite dans de nombreux ouvrages sur le XVIIIe siècle (sa
période de spécialisation), le premier, sur la caricature révolutionnaire
(1988), suivi de plusieurs autres, du Corps de l’histoire  : métaphores et
politiques (1770-1800) (1993) au Club des péteurs, une anthologie
malicieuse (2016).
Il participe dans les années 1980 à la création de la revue Vertigo et
collabore aux Cahiers du cinéma au moment de la mort de Truffaut, dont il
sera ensuite le biographe avec Toubiana (1996). Il réalise également deux
autres biographies de cinéastes de la Nouvelle Vague (Godard, 2010  ;
Rohmer, avec Noël Herpe, 2014). Son premier travail historique sur le
cinéma porte sur l’histoire des Cahiers du cinéma qu’il explore de
l’intérieur et en grands détails en deux tomes (1991). Il écrit ensuite un
essai sur la Nouvelle Vague, portrait de la jeunesse (1998) et publie neuf
volumes d’anthologie des Cahiers. Dans la même direction, il analyse la
cinéphilie (2003) à travers le portrait de quelques cinéphiles et historiens
célèbres, mais c’est plutôt la cinéphilie dominante qu’il prend en compte
(celle de son entourage).
Son ouvrage le plus théorique et le plus ambitieux est L’Histoire-caméra
(2008). Il tente d’y définir les « formes cinématographiques de l’histoire »
en s’appuyant sur des cinéastes aussi divers que Chaplin, Hitchcock, Guitry,
Godard, Tarkovski, Burton et Watkins. « L’histoire-caméra » y est conçue
« comme une machine à projeter des visions et des idées d’historiens sur les
œuvres, tout en soulignant la spécificité propre à la forme
cinématographique  : la mise en scène par laquelle, toujours, advient
l’histoire dans un film ».

DÉCADRAGE
Esthétique Dans une approche dynamique de la question du cadre, on
désigne ainsi des cadrages qui semblent résulter d’un mouvement
d’excentrement, rejetant vers les bords certains des éléments diégétiques
principaux. Cet effet a été beaucoup produit en peinture, après le choc de la
découverte de l’art de l’estampe japonaise – chez Degas, particulièrement,
qui «  coupe  » souvent un personnage par le bord du cadre. En cinéma,
l’effet de décadrage est un aspect d’une tension plus fondamentale entre la
tendance au centrement, résultant de l’assimilation du cadrage à un regard,
et la tendance à souligner les bords du cadre, qui est marquée chez certains
cinéastes, souvent à partir d’une sensibilité picturale (cela est sensible chez
Antonioni, notamment).
Cette dynamique du centre et des bords a été souvent considérée, dans
ses rapprochements du cinéma avec les autres arts de l’image, par
Eisenstein  ; elle a été de nouveau mise en évidence à date plus récente, à
partir d’une rétroaction du cinéma sur la peinture (Bonitzer, 1986).

➦ CADRAGE, CADRE, PEINTURE


  EISENSTEIN, 1980 ; BONITZER, 1986

DÉCONSTRUCTION
Théorie Le terme de «  déconstruction  » appartient au vocabulaire du
philosophe Jacques Derrida. Celui-ci se propose de «  déconstruire  » la
métaphysique occidentale en partant de la phénoménologie de Husserl et de
la réflexion de Mallarmé sur l’écriture. Il considère que la tradition
philosophique a occulté l’écriture elle-même en ne la considérant que
comme un moyen mis au service de la parole qu’elle recueillerait
fidèlement. La linguistique, à son tour, refoulerait le fait d’écrire. Ce qu’il
nomme «  grammatologie  » doit, dès lors, en travaillant sur des textes
d’avant-garde, déconstruire le «  logo-phonocentrisme  » en trouvant dans
l’inscription graphique autre chose que le simple dépôt d’une voix et d’une
vérité originelles.
Cette conception de l’écriture a fortement influencé l’analyse textuelle du
film, par l’intermédiaire de Roland Barthes et Julia Kristeva. Il s’agit alors
de dépasser une vision purement fonctionnelle du langage et de privilégier
certaines œuvres de rupture qui savent continuellement mettre en jeu leurs
éléments constitutifs. Au lieu de reconstituer le signifié d’un film, il faut en
casser le mécanisme, créer des contrastes, changer l’ordre des éléments.
D’où l’idée d’un texte considéré comme un pur objet différentiel. Ce
courant déconstructiviste a inspiré explicitement, les analyses de Ropars-
Wuilleumier et Conley, implicitement, celles de Leutrat.

➦ DIFFÉRENCE, ÉCRITURE
  ROPARS-WUILLEUMIER, 1981, 1990, 2009 ; LEUTRAT, 1990, 2009 ; CONLEY, 2006

DÉCOR
Technique, esthétique Le décor est le cadre d’une action, d’un récit, d’une
représentation scénique. Il a pour but premier de situer l’action et de créer
le milieu où elle se déroule. On distingue traditionnellement le décor
construit et le décor dit « naturel » ou « réel » (que l’on utilise sans avoir eu
à le construire). Cette division traverse toute l’histoire du cinéma, depuis les
vues Lumière, en décor naturel, et les premières bandes de Georges Méliès,
filmées devant des toiles peintes, puis en décor de studio.
Le cinéma primitif privilégie d’abord le décor construit et ne redécouvre
les extérieurs que progressivement. Les bandes Pathé ou Gaumont alternent
sans souci de cohérence des plans de studio (un décor de salon ou un palier
d’immeuble, par exemple) et des plans tournés dans la rue, en décor naturel.
Dans cette période initiale, le décor de cinéma est très marqué par les
conventions du décor théâtral, dont il s’émancipe progressivement.
Les grandes écoles esthétiques développent chacune à leur manière des
conceptions très particulières du décor. Le rôle des décorateurs devient de
plus en plus manifeste dans les films russes du début des années 1920
(décors de Lochakoff et Gosh), dans les films français de la même période
(décors d’Alberto Cavalcanti ou de l’architecte Robert Mallet-Stevens pour
Marcel L’Herbier). L’expressionnisme allemand privilégie plus que tout
autre élément le décor peint (Walter Röhrig pour Le Cabinet du docteur
Caligari). De même, les grands studios hollywoodiens caractérisent leurs
styles par celui de leurs décorateurs (Cedric Gibbons pour la MGM, Carl
Jules Weyl pour la Warner).
Le cinéma postérieur à la Seconde Guerre mondiale marque une rupture
par son refus du décor construit, tel le néoréalisme italien qui situe ses
fictions dans le décor réel des villes ou de la campagne italiennes, ou
certains nouveaux cinémas des années 1960 (les films de la Nouvelle Vague
tournés dans les rues de Paris, les films du Cinema novo brésilien dans le
Sertão du Nordeste).
Cette opposition entre deux grandes tendances du cinéma, liées à deux
pratiques très opposées du décor, est encore très présente aujourd’hui. Les
films d’auteurs internationaux comme Kiarostami, Weerasethakul, Hou
Hsiao-Hsien ou Kaurismäki sont presque entièrement tournés en décors
naturels, tandis que le cinéma à grand spectacle, notamment les films de
science-fiction, privilégie de vastes décors en studio, éventuellement rendus
encore plus artificiels et plus construits par les possibilités d’intervention en
postproduction qu’autorise le numérique.

➦ DIÉGÈSE, EXPRESSIONNISME, NÉORÉALISME, NOUVELLE VAGUE, RÉALISME


  BARSACQ, 1970 ; DOUY, 1993 ; BERTHOMÉ, 2003

DÉCOUPAGE
Technique, esthétique Le découpage est d’abord un instrument de travail.
Le terme est apparu au cours des années 1910 avec la standardisation de la
réalisation des films. Il désigne alors le «  découpage  » en scènes du
scénario, donc le dernier stade de la préparation du film sur papier ; il sert
de référence à l’équipe technique.
Comme beaucoup d’autres, le mot passe du champ de la réalisation à
celui de la critique. Il désigne alors plus métaphoriquement la structure du
film en tant que suite de plans et de séquences, tel que le spectateur attentif
peut la percevoir. C’est notamment dans ce sens que Bazin utilise la notion
de «  découpage classique  », pour l’opposer au cinéma fondé sur le
montage ; on retrouve la même opposition chez Godard.
La définition en est retravaillée (et rendue plus abstraite) par Burch
(1969) et le courant « néo-formaliste  ». Le concept de découpage, opposé
au sens technique et pratique, est défini alors comme «  la facture la plus
intime de l’œuvre achevée, la résultante, la convergence d’un découpage
dans l’espace et d’un découpage dans le temps ». Plus récemment, la notion
a été reprise et travaillée dans le sens de la définition d’une esthétique du
film reposant davantage sur le tournage que sur le montage (Barnard, 2014).
➦ ÉCRITURE, MONTAGE, RACCORD, TRANSPARENCE
  BAZIN, 1958-1962 ; MARIE, 1976 ; BARNARD, 2014

DÉFILEMENT
Technique 1. Dans le procédé argentique, le défilement désigne le
déroulement de la pellicule à l’intérieur du projecteur, et par extension, la
trajectoire suivie par la pellicule à l’intérieur de l’appareil. Lorsque le film
est monté en boucle, le défilement est dit « sans fin » ; c’était le cas dans les
projecteurs des années 1990 et encore 2000, dans lesquels les 3 000 mètres
du film de long métrage défilaient en boucle. Ce sens est devenu obsolète
avec le remplacement, quasi achevé aujourd’hui, de la pellicule par des
fichiers numériques (DCP).
2. Le mot a été repris, dans une perspective analytique (Kuntzel, 1975) pour
distinguer plusieurs niveaux de défilement, celui du «  film-pellicule  »
(photogramme par photogramme), celui du «  film-projection  »
(déroulement de la pellicule dans le projecteur, dont on peut d’ailleurs
varier la vitesse), et celui du film perçu par le spectateur, qui ne peut que
subir la vitesse quand il est dans une salle de projection. L’analyste maîtrise
le défilement (avec un projecteur à arrêt sur image, avec une table de
montage, puis avec un magnétoscope ou un DVD)  ; il a affaire à un
quatrième niveau, où selon Kuntzel se situe le «  filmique  » le plus
intrinsèque : « Le filmique dont il sera question dans l’analyse filmique ne
sera donc ni du côté de la mouvance, ni du côté de la fixité, mais entre les
deux, dans l’engendrement du film-projection par le film-pellicule, dans la
négation de ce film pellicule par le film-projection.  » Toutefois, cette
notion, productive dans le cadre historique de l’analyse textuelle, est
devenue difficile à manier, dans la mesure où elle ne peut plus renvoyer,
même par métaphore, à un quelconque mouvement matériel du support du
film (il ne défile plus).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, EFFET PHI, FILMIQUE, PHOTOGRAMME


  KUNTZEL, 1973 ; STEWART, 1999

DÉFINITION (RÉSOLUTION DE L’IMAGE)


Technique La résolution d’une image photographique se mesure par la
taille des unités fines qui la composent –  grains de sels d’argent pour la
pellicule, pixels par unité de longueur pour le numérique. Plus les grains
sont microscopiques, ou plus il y a de pixels par centimètre (ou par pouce),
plus la définition est élevée, ce qui s’accompagne d’un gain de netteté et de
précision. En photographie, on mesure la résolution en DPI (dots per inch
c’est-à-dire pixels par pouce)  ; une impression est considérée comme de
bonne qualité à partir de 300 dpi. La définition concerne l’appareil de prise
de vues  : plus elle est élevée (couramment, aujourd’hui, de l’ordre de
10  Mo, soit 10  millions de pixels), plus l’image pourra être grande à
résolution égale. En cinéma, il en va de même, mais on s’intéresse
généralement à la définition de l’image (actuellement 2 K ou 4  K, soit
respectivement environ 2 ou 8 millions de pixels pour toute l’image) plutôt
qu’à sa résolution  ; en effet, on ne peut pratiquement pas jouer sur cette
dernière autrement qu’en augmentant la définition, puisque la taille de
l’image finale (sur l’écran) et la distance du spectateur à l’image sont fixées
à l’avance.

➦ 2K/4K

DÉICTIQUE
Linguistique Terme de linguistique (littéralement « ce qui sert à montrer »)
qui désigne les marqueurs de l’énonciation. Certains termes de la langue ne
peuvent être utilisés qu’en situation, notamment ceux qui ne déterminent
leur objet que par rapport à celui qui parle. C’est le cas des adverbes comme
ici, là-bas, hier, demain, donc des indications spatio-temporelles. C’est
aussi le cas des pronoms personnels (je et tu) dont le référent n’est fixé que
par les conditions de la communication qui détermine qui est le locuteur, le
destinataire, etc.
Lorsqu’on s’est préoccupé d’étudier les mécanismes de l’énonciation au
sein du film, on a cherché l’équivalent des déictiques au sein de l’image ou
des relations audiovisuelles (Simon, Casetti). Metz estime que le film ne
possède pas de termes équivalents à la déixis. Un film ne peut que faire
référence à des figures génériques ou partielles : le spectateur interpellé par
un regard vers la caméra est un spectateur type et non un spectateur
particulier. Dans un dialogue réel, l’émetteur et le destinataire peuvent
échanger leur place, celui qui était « je » peut devenir « tu » et vice versa,
alors que le film n’a pas cette possibilité d’inversion. Sans posséder de
déictique à proprement parler, le film possède toutefois de nombreux
procédés, comme les adresses au spectateur, le commentaire en voix off, les
citations d’autre films, qui lui permettent de se replier sur lui-même, de
mettre en lumière les instances qui l’organisent et qui font de sa
présentation un élément de comparaison.

➦ ÉNONCIATION
  SIMON & VERNET, 1983 ; CASETTI, 1986 ; METZ, 1991

DELEUZE, GILLES (1925-1995)


Philosophe Gilles Deleuze est un philosophe habité par la nécessité d’une
invention théorique permanente, prenant appui sur des textes classiques
pour frayer des voies nouvelles. Il a exploré Hume, Nietzsche, Spinoza,
Kant, Bergson, Leibniz d’une manière très particulière. La philosophie est,
à ses yeux, «  création de concepts  »  : c’est des concepts que naissent les
vérités, et non l’inverse. Il prend acte que Nietzsche a mis fin au règne de la
vérité, de l’éternité et de l’immobilité et en tire les conséquences  : le vrai
s’invente, de manière éphémère et fluide, dans nos expérimentations. C’est
pourquoi Deleuze n’a pas travaillé seulement sur des textes philosophiques,
mais sur des écrivains, de Lewis Carroll à Jarry et Artaud, et a consacré un
livre au peintre Francis Bacon (1981), puis un double livre au cinéma
(1983, 1985).
Pour Deleuze, seul compte le mouvement et la lutte contre tout ce qui
l’entrave et le fige. Il est donc logique que, contre une tradition
philosophique qui privilégiait l’identité, la fixité, les signes de l’immobile et
l’éternel, il découvre le cinéma comme matérialisation des processus, des
devenirs, des évolutions, des multiples phases de l’image-mouvement. Son
projet est de constituer un tableau de toutes les images possibles, y compris
celles qui seraient à venir. Il relève d’une véritable « ciné-philosophie » qui
allie la cinéphilie et le travail du philosophe. S’appuyant sur les concepts de
Peirce et de Bergson qu’il commente, Deleuze réfléchit sur le mouvement et
le temps et les modes d’être de l’image. Il distingue deux ensembles,
« image-mouvement » et « image-temps » et discute la partition du cinéma
autour de ce que Bazin avait appelé l’« image-durée » et Mitry la «  durée
agie  » du muet, et la «  durée homogène  » du cinéma de l’après-guerre. Il
partage ensuite ces deux ensembles en classes. De l’image-perception qui
est la forme la plus simple de l’image-mouvement, au cinéma, corps,
cerveau, pensée, qui est l’aboutissement de l’image-temps, tous les genres
de l’image sont soumis à sa réflexion et en même temps, tous les films.
Il faut souligner toutefois que cette réflexion est entièrement prise dans le
cadre d’une entreprise philosophique, et non critique ni théorique à
proprement parler, et qu’on ne peut en toute rigueur la considérer que dans
ce cadre philosophique particulier, hors duquel elle est quasi inapplicable.
Notons en outre que le partage en deux ensembles semble dessiner une
histoire du cinéma littéralement coupée en deux (entre classique et
moderne) et comme terminée, et que sur ce point très problématique, ni
Deleuze, ni ses nombreux commentateurs n’ont apporté beaucoup
d’éclaircissements.

➦ IMAGE-MOUVEMENT, IMAGE-TEMPS
  MENIL, 1991 ; RODOWICK, 1997 ; HEME DE LACOTTE, 2003 ; ZABUNYAN, 2007 ;
CARDINAL, 2011 ; PAMART, 2012

DELLUC, LOUIS (1890-1924)


Critique, cinéaste, scénariste Inventeur des mots «  cinéaste  » et
«  cinéphile  », Louis Delluc a donné à l’exercice critique «  des vertus
d’indépendance, de virulence, de style et une audience jusque-là inédites »,
selon Jean Mitry. D’abord romancier et chroniqueur théâtral, il découvre le
cinéma en voyant Forfaiture de Cecil B. DeMille, qui est pour lui une
révélation. Dès lors, Delluc devient un ardent promoteur du cinéma dans ses
livres et au sein des revues, telles Cinéa et Le Journal du ciné-club,
associées à des ciné-clubs militants. Dans le contexte de l’époque qui
demandait une défense du septième art, souvent dévalorisé, il recherche une
juste définition de ce qui en fait la spécificité.
« Le hasard d’une soirée au cinéma, dans une salle du boulevard m’a
donné une joie artistique si extraordinaire qu’elle semble ne plus dépendre
de l’art. Je sais depuis peu que le cinéma est destiné à nous donner des
impressions de beauté fugace et éternelle, comme seul nous en donne le
spectacle de la nature ou, parfois, de l’activité des hommes » (La Beauté du
cinéma, 1917).
Dans ses essais plus théoriques, il s’attache aux notions de
« photogénie », qui n’est pas seulement une capacité à prendre la lumière,
mais surtout un art de voir et de savoir « asservir les ressources de la photo
[…] à la fièvre, la sagacité, au rythme du cinéma […] Le goût du metteur
en scène est la seule loi dans l’emploi des matières, si intéressantes soient-
elles  », et en particulier aux notions de cadence, de décor, de costume. Il
défend alors le scénario original contre les producteurs qui préfèrent s’en
tenir aux adaptations littéraires et attaque violemment les auteurs de
feuilletons, Feuillade en particulier.
Son intérêt pour le jeu de l’acteur lui fera déployer toute sa vision
moderne du cinéma en lui faisant préférer à «  l’esprit de mots  » de la
comédie française « l’esprit intérieur  » de la comédie américaine, dégagé
de toute emprise théâtrale  : «  Nous assistons à la naissance d’un art
extraordinaire. Le seul art moderne peut-être, avec déjà sa place à part et
un jour sa gloire étonnante, car il est en même temps, lui seul, je vous le
dis, fils de la mécanique et de l’idéal des hommes. »
Delluc a réalisé sept films malgré la brièveté de sa carrière. Des critiques
indépendants ont donné son nom à un Prix attribué depuis 1936 au
« meilleur film français de l’année ».

➦ CINÉPHILIE, CRITIQUE, IMPRESSIONNISME

DÉMARCATION
Technique, sémiologie Une démarcation est ce qui sépare nettement deux
choses. Metz a utilisé ce terme pour désigner les séparations que l’on peut
repérer dans un film entre les séquences ou entre les segments autonomes.
Les limites entre segments peuvent être marquées de différentes
manières. À l’époque du cinéma muet, on avait souvent recours à un
intertitre. On utilisait souvent à l’époque classique des trucages optiques qui
fonctionnaient comme signes ponctuatifs  : des fondus au noir, des fondus
enchaînés, des fermetures à l’iris, etc. La démarcation pouvait aussi rester
implicite  : c’est un changement dans le déroulement narratif qui faisait
comprendre au spectateur que l’on passait à un autre moment de l’histoire.
Enfin, une modification importante dans la forme du récit (intervention de
la musique, d’un montage alterné, d’un montage court) pouvait également
avoir le même rôle démarcatif.
Dans le cinéma postérieur aux années 1960, le découpage plus complexe
et beaucoup plus discontinu rend la notion de démarcation moins opérante
(comme d’ailleurs, plus largement, la notion de segment narratif voire celle
de découpage).

➦ DÉCOUPAGE, GRANDE SYNTAGMATIQUE, PONCTUATION, SEGMENTATION

DÉNOTATION
Linguistique, sémiologie En logique, la dénotation correspond à
l’«  extension  » d’un concept (par opposition à sa «  compréhension  », ou
ensemble des traits qui en définissent le contenu). En linguistique, le terme
désigne le sens strict d’un mot, indépendamment des connotations que
chaque texte ou chaque locuteur peut lui adjoindre. C’est ce sens
linguistique qui a été repris dans l’usage sémiologique pour désigner le
niveau littéral du message, le sens premier du mot et de l’image.
Le niveau dénotatif est l’objectif de tout usage scientifique du langage.
La démarche scientifique est alors définie par la suppression de toute
connotation ou dérive du sens, qui viendrait parasiter la littéralité et la
précision de la dénotation. On peut cependant estimer qu’en ce sens la
dénotation est un mythe ; le seul langage purement objectif et débarrassé de
toute trace de subjectivité est le « langage » mathématique, mais il est clair
qu’il ne peut comporter que des énoncés très particuliers, qui ne disent
quasi rien de la réalité humaine.
La dénotation fut au centre des premières questions de la sémiologie
lorsque celle-ci s’interrogea sur la nature de la signification
cinématographique (Metz, 1964). On considéra le sens dénoté comme
produit par les codes de l’analogie visuelle et auditive, qui permettraient au
spectateur de reconnaître et d’identifier les objets du monde en dehors de
toute association subjective ; toutefois, c’est là une vue un peu courte, les
données des sens n’échappant certainement pas à la subjectivité.
La dénotation est un concept clé dans toute opération de métalangage, ou
d’utilisation d’un langage dans une perspective scientifique ou didactique
pour étudier ou expliquer tel ou tel phénomène. Le cinéma didactique tente
le plus souvent d’atteindre une certaine pureté dénotative de l’image et du
langage cinématographique afin de ne pas entraver le but principal de son
exposé par des significations non contrôlées. Cette tentative reste souvent
illusoire dans le domaine de l’image, lieu de l’imaginaire et des libres
associations, qui ne bénéficie pas comme la langue de plusieurs siècles
d’usage scientifique.

➦ ANALOGIE, CONNOTATION, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE


  METZ, 1968

DESCRIPTION
Narratologie L’idée de description contient à la fois celle d’écriture, et
celle de l’origine de cette écriture (dans ce qu’on décrit). En ce sens qui est
celui du langage courant, la description est un geste de l’analyse de films, et
même, en principe, le premier. Il est inévitable en effet que l’analyse, qui
produit un énoncé verbal à propos d’une œuvre d’image, fasse de cet
énoncé un relevé plus ou moins complet de ce qui se trouve dans cette
œuvre.
La description, geste courant, geste simple dans son principe – il suffit de
dire ce que l’on voit – est en fait toujours difficile, en raison de la difficulté
de tout « transcodage » du visuel en verbal. Il est impossible, en particulier,
d’espérer être exhaustif, et toute description d’image repose donc sur le
choix de certains axes de pertinence, qui sont ceux de l’analyste. Divers
outils ont été proposés pour cela, mais la plupart se résument à des
techniques de présentation de la description (les tableaux ou « grilles », très
en faveur dans les années 1970), qui n’apportent pas de réponse au
problème de la pertinence ni au danger d’arbitraire. Chaque analyse de film
doit donc se reposer la question à neuf, et tenter d’observer quelques règles
élémentaires (ne rien ajouter à ce qui est dans l’image, ne rien oublier
d’intéressant, tâcher de respecter l’importance relative des diverses parties).
Par ailleurs, l’idée que le cinéma est à même de décrire le monde est
revenue à plusieurs reprises dans la théorie. Elle est à la base de toute
réflexion sur le documentaire, et elle apparaît aussi dans la tentative de
typologie des segments de films narratifs proposée par Metz (le « syntagme
descriptif » se caractérise par l’évacuation de tout marqueur du passage du
temps diégétique et dramatique).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, GRANDE SYNTAGMATIQUE, PERTINENCE


  MARIE, 1976 ; AUMONT, 1996 ; MARTIN, V2011

2K/4K
Technique Cette abréviation (K pour kilo) désigne la quantité de pixels par
ligne d’une image numérique. En 2K, il y en a environ 2 000 (en fait, 2 048)
pour 1  080 lignes  ; en 4K, il y en a 4  096 pour 2  160 lignes. Le 4K est
actuellement le standard le plus élevé pour les équipements de projection
numérique dans les salles de cinéma.

➦ DÉFINITION (RÉSOLUTION DE L’IMAGE)

DIALECTIQUE
Théorie, philosophie Terme de philosophie, désignant une méthode
générale de pensée, fondée sur la discussion (sur le modèle des dialogues
philosophiques de Platon)  : il s’agit d’approcher la vérité en exposant des
conceptions différentes, voire opposées, et en recherchant à partir d’elles
une nouvelle conception qui les subsume. Ce terme est relativement
courant, mais on peut en signaler trois usages particuliers :
1. Eisenstein s’est inspiré, dans sa définition du montage, de la conception
hégélienne de la dialectique. Pour Hegel, celle-ci est la loi même de la
pensée du réel, qui, progressant par négations successives (thèse, antithèse),
résout les contradictions en accédant à des synthèses elles-mêmes partielles
et appelées à être à leur tour dépassées. Ce « travail du négatif », inscrit au
cœur du devenir, anime pour Hegel toute histoire particulière, qu’il s’agisse
de celle de la nature ou de celle de la philosophie elle-même. Marx et
Engels ont repris la dialectique hégélienne comme méthode, mais en ont
inversé le sens pour l’appliquer à l’étude des phénomènes historiques et
sociaux, et prioritairement aux facteurs économiques. Ce n’est plus l’Esprit
qui détermine le réel, mais le contraire.
Dans cet esprit, pour Eisenstein le film n’a pas à charge de reproduire le
réel mais d’en proposer une interprétation. Cette interprétation se fonde sur
les principes du matérialisme dialectique et sur la pratique du montage
comme instrument d’analyse. Le moteur du montage est le conflit entre les
fragments. C’est le principe unique et central qui régit toute production de
signification.
2. C’est également à propos de montage que Bazin (1958) parle de
dialectique, mais pour défendre une conception toute différente. Dans sa
proposition d’un «  montage interdit  », il affirme que le montage doit
permettre au spectateur de «  croire à la réalité des événements en les
sachant truqués », c’est-à-dire qu’il doit réconcilier deux attitudes mentales
en principe opposées. On peut noter qu’en fait, c’est le propre de
l’entreprise fictionnelle en général, dont Bazin donne une version adaptée
au film.
3. Le mot « dialectique » a également été utilisé au cours des années 1960
dans un sens plus métaphorique et structurel. L’objectif de Noël Burch
(1969) est de déterminer les critères de composition d’un film ; en ce sens,
il examine les dialectiques partielles qui traversent les films  : dialectiques
de différents niveaux (temps, espace, rythme, sujet), qui amorcent l’écriture
filmique et en font sentir les conflits intérieurs.

➦ BAZIN, BURCH, EISENSTEIN, MONTAGE


  BAZIN, 1958-1962 ; BURCH, 1969 ; EISENSTEIN, 1942, 1949

DIALOGUE
Esthétique, narratologie Le dialogue est l’ensemble des paroles échangées
par les personnages d’un film. Dans le cinéma muet, il était représenté par
les gestes et la mimique des acteurs, parfois explicité par les « cartons ». Au
départ, le dialogue est le texte de théâtre dit par les acteurs, puis le texte
écrit par le dialoguiste de films parlants. Cet héritage théâtral a pesé lourd
au début du cinéma sonore. Le dialogue était alors perçu comme l’ennemi
du langage de l’image. Chaplin n’a accepté le dialogue que dix ans après
1929, avec Le Dictateur (The Great Dictator, 1940). René Clair proscrit le
dialogue synchrone dans ses premiers longs métrages. Mais très vite,
d’autres cinéastes démontrent que cette discrimination n’est qu’un préjugé.
Les dialoguistes des comédies américaines s’en donnent à cœur joie dans
New York Miami (It Happened One Night, Frank Capra, 1934), ou
L’Impossible Monsieur Bébé (Bringing Up Baby, Howard Hawks, 1938).
En France, deux hommes de théâtre, Sacha Guitry et Marcel Pagnol fondent
leur mise en scène sur l’échange dialogué et démontrent l’absurdité des
thèses fondées sur le primat de l’image. Les nouveaux cinémas des années
1960 redécouvrent à leur manière le dialogue filmique et en élargissent la
palette avec Marguerite Duras, John Cassavetes ou Jean Eustache.
On peut distinguer un «  dialogue de comportement  », purement
fonctionnel, du « dialogue de scène », qui nous renseigne sur les pensées,
les sentiments, les intentions du personnage (Mitry, 1963). Chion a
complété cette typologie par différents types de paroles («  écran  »,
« émanation », « texte », « théâtre », définis plus loin à l’article « parole »).
Pour Vassé (2003), le dialogue est défini comme matière scénaristique. Il
participe à la constitution d’une histoire, apporte des informations,
caractérise les personnages, l’époque, le genre, instaure une tension
dramatique, et peut commenter l’histoire racontée.
Le dialogue est un élément fondamental de l’expressivité filmique
comme le démontre le cinéma contemporain. Le dialogue écrit par un
scénariste professionnel sera toujours différent du dialogue improvisé par
les acteurs, professionnels ou non, du «  cinéma direct  ». En ce sens, le
cinéma direct a profondément marqué les normes esthétiques du cinéma
parlant depuis le début des années 1960.
Il importe de distinguer ce sens classique du mot «  dialogue  » du
« dialogisme » proposé par Bakhtine, qui concerne le discours en général. Il
désigne les formes de la présence de l’autre dans le discours : le discours en
effet n’émerge que dans un processus d’interaction entre une conscience
individuelle et une autre, qui l’inspire et à qui elle répond.

➦ CHION, 2003 ; VASSÉ, 2003 ; SAMOUILLAN, 2004

DIDI-HUBERMAN, GEORGES (1953)


Historien de l’art Philosophe, critique et historien de l’art français, il a
joué un rôle clé dans l’élaboration d’une théorie de l’image et de ses usages
sociaux depuis les années 1980. Ses premiers travaux ont été au cœur de
l’entreprise de constitution d’une approche de l’image qui en valorise la
part proprement visuelle (à partir de la notion de figural et autour d’elle).
Dans le prolongement de ces études, et sous l’influence notamment de
Warburg auquel il a consacré de nombreux textes, il a entrepris ensuite une
réflexion sur les relations entre l’image et l’Histoire, visant à détacher
celles-ci de simples questions de contenu représenté, et à valoriser la part
propre au travail d’image.
Son travail récent a souvent croisé le cinéma, auquel il s’intéresse de plus
en plus. On peut noter en particulier (sous le titre générique L’Œil de
l’Histoire) des ouvrages consacrés, en tout ou en partie, à Pasolini (2009,
2012), à Godard (2015) et à Eisenstein (2016). À propos de cinéma comme
en général à propos des images, Didi-Huberman s’attache à comprendre
comment on fait de l’histoire avec des images (en jouant du montage et du
langage, comme Godard, d’une passion de la réalité, comme Pasolini, ou
d’une exaltation des émotions en tant que figurables, comme Eisenstein).
Dans tous ces cas, l’analyse – toujours méticuleuse – est au service d’une
idée de base : l’image est, à l’instar et à l’égal du langage, une voie pour la
pensée, par des moyens propres qu’il s’agit de comprendre.

➦ EISENSTEIN, FIGURAL, GODARD, PASOLINI

DIÉGÈSE
Filmologie, sémiologie, narratologie Mot d’origine grecque (diègèsis
=  récit) opposé, d’ailleurs différemment, par Platon et Aristote à mimèsis
(imitation) ; tombé en désuétude puis ressuscité par Souriau (1951) ; repris
ensuite, mais aussi dans deux sens différents par Genette et par Metz, l’un
en narratologie littéraire, l’autre en filmologie.
Pour Souriau, les «  faits diégétiques  » sont ceux qui sont relatifs à
l’histoire représentée à l’écran, relatifs à la présentation en projection
devant des spectateurs. Est diégétique tout ce qui est censé se passer selon
la fiction que présente le film, tout ce que cette fiction impliquerait si on la
supposait vraie. Souriau donne l’exemple de deux décors de studio qui
peuvent être contigus et être diégétiquement (dans la logique supposée de
l’histoire que raconte le film) distants de plusieurs dizaines de kilomètres.
Metz et ses élèves (Percheron, Vernet, etc.) reprennent la définition de
Souriau  : la diégèse est conçue comme le signifié lointain du film pris en
bloc (ce qu’il raconte et tout ce que cela suppose) ; l’instance diégétique est
le signifié du récit. La diégèse c’est « l’instance représentée du film, c’est-
à-dire l’ensemble de la dénotation filmique : le récit lui-même, mais aussi
le temps et l’espace fictionnels impliqués dans et à travers ce récit, et par là
les personnages, les paysages, les événements et autres éléments narratifs,
pour autant qu’ils sont considérés en leur état dénoté » (Metz). L’intérêt de
cette acception filmologique est d’ajouter à la notion d’histoire racontée et
d’univers fictionnel, l’idée de représentation et de logique supposée par cet
univers représenté. Le propre du cinéma, c’est en effet que le spectateur
construit un pseudo-monde auquel il participe et s’identifie, celui de la
diégèse.
Genette quant à lui revient aux sources grecques du mot et utilise
« diègèsis » au sens de récit (véhicule narratif). Il rappelle que pour Platon,
le domaine de la lexis (= façon de dire, opposée à logos = ce qui est dit) se
divise en imitation proprement dite (mimèsis) et simple récit (diègèsis). Ce
«  simple récit  » désigne tout ce que le poète raconte «  en parlant en son
nom propre, sans essayer de nous faire croire que c’est un autre qui parle »
(ce qui est le cas de la mimèsis). Selon cette classification, le théâtre est un
genre mimétique, imitatif, puisqu’il raconte en montrant des actions, alors
que le récit épique serait globalement diégétique avec des fragments de
mimèsis lorsque le narrateur laisse la parole aux personnages. Le cinéma est
comme l’épopée un genre mixte (Gaudreault, 1988), qui représente des
actions mimétiques mais superpose à ce premier niveau de «  monstration
scénique  » l’organisation du filmage et du montage, actes pleinement
narratifs, marquant le statut profondément diégétique du discours filmique.
Ce discours est produit par l’instance énonciatrice du récit, qualifiée par
Laffay (1964) de « grand imagier ».

➦ EFFET DE RÉALITÉ, FICTION, FILMOLOGIE, RÉCIT


  SOURIAU, 1953 ; METZ, 1968 ; GAUDREAULT, 1988 ; BOILLAT, 2003 ; AUMONT,
2014

DIFFÉRENCE
Philosophie 1. Concept proposé par Derrida (1967), et adopté par un
certain courant de l’analyse textuelle. Celui-ci définit le texte comme un
objet différentiel. Ce qui le constitue, c’est l’existence de «  conflits
structurels, non réductibles à une synthèse, qui restent par définition actifs
et ouverts » (Ropars-Wuilleumier). Le film n’est donc plus un instrument
par lequel le monde se représente ou un discours se construit : il ressemble
plutôt à un «  kaléidoscope  » (Leutrat), où la combinaison des valeurs
plastiques est sans but et sans fin.
2. Dans un sens non spécialisé –  proche du sens usuel du mot  – on peut
aussi noter la définition du plan comme «  somme de différences  »
(Pasolini). Cette définition rejoint, mais implicitement, certaines remarques
de Deleuze dans L’Image-temps, formulées dans la lignée de son propre
ouvrage Différence et Répétition (1968).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, DÉCONSTRUCTION, ÉCRITURE


  ROPARS-WUILLEUMIER, 1981, 1990, 2009 ; LEUTRAT, 2009

DIFFUSION
Économie, technique 1.  En termes économiques, la diffusion
cinématographique est l’ensemble des opérations permettant de porter à la
connaissance du public les films une fois réalisés. Elle inclut, notamment, la
distribution des films et toutes les activités publicitaires qui
l’accompagnent.
2. En termes optiques, la diffusion désigne le comportement de la lumière
lorsqu’elle rencontre certains obstacles, par exemple de tout petits orifices :
au lieu de se propager en ligne droite, elle semble alors partir dans toutes les
directions. Dans l’image filmique, cela se manifeste par des sortes de
taches, ou de halos aux formes indistinctes (quoique souvent régulières, la
diffusion se produisant également dans toutes les directions).

➦ ÉCONOMIE DU CINÉMA
  FOREST, 1995, 2010, 2015 ; CRETON, 2013

DIGITAL
Technique Terme anglais correspondant au français numérique pour
désigner les procédés actuels d’enregistrement de l’image mouvante.
L’usage de cet anglicisme n’offre aucun avantage, et risque au contraire de
produire des confusions (avec l’usage normal en français du mot « digital »,
qui se rapporte aux doigts), surtout si on le combine avec analogic, qui en
anglais désigne, assez malencontreusement, le procédé argentique.

➦ ARGENTIQUE, NUMÉRIQUE

DIRECT (CINÉMA)
Technique, esthétique L’expression est apparue au début des années 1960,
et s’est rapidement substituée à celle de « cinéma vérité », par trop ambiguë
voire confuse.
Le direct est d’abord une technique de tournage. Le terme renvoie au
processus d’enregistrement de l’image et plus spécialement encore à celui
du son. Il s’oppose ainsi doublement au cinéma de fiction traditionnel : les
images y sont enregistrées sans «  répétition  », selon le principe de
l’improvisation maximale  ; de plus le son du cinéma direct est toujours
celui qui a été enregistré simultanément à l’image, le direct excluant par
principe toute postsynchronisation des dialogues et des bruits. Cette
technique a été rendue possible au début des années 1960, lorsque les
progrès des reportages télévisés ont amené un allégement notable des
matériels en 16  mm et une prise de son synchrone beaucoup plus facile
(caméra Éclair Coutant et magnétophone Nagra IV).
Le « direct » a d’abord concerné le cinéma documentaire dans trois pays
principalement  : États-Unis (Drew, Leacock, Pennebaker, Maysles)  ;
Canada, au sein de l’Office national du film créé par John Grierson
(« Candid Eye » des cinéastes anglophones, « Cinéma de la parole vécue »
des francophones) ; France (Rouch et l’école du Musée de l’homme). Des
recherches nouvelles consacrées au « cinéma léger et synchrone » ont mis
en évidence les innovations techniques expérimentées au sein de l’ONF et
leurs connexions avec celles qui se sont développées en France et aux États-
Unis (Bouchard, 2012 ; Zéau, 2006).
En termes esthétiques, le direct a d’abord renouvelé l’écriture des films
documentaires (van der Keuken, Wiseman, Depardon) : priorité à la parole
synchrone, rôle plus important du montage, structure plus souple des parties
et des modes d’exposition. Mais c’est plus encore dans le domaine du
cinéma de fiction qu’il a apporté des bouleversements notables. D’abord,
l’utilisation importante, quoique encore minoritaire du son direct dans des
films mis en scène avec des acteurs professionnels (Pialat) ; en second lieu,
le recours à l’improvisation dans la prise de l’image, et corrélativement
dans la direction d’acteurs (Cassavetes), et la naissance de nouvelles formes
de fiction, semi-improvisées (Rouch). Par là, le direct a donc transformé le
statut et la nature du dialogue de films, qui n’a plus alors aucun rapport
avec le dialogue théâtral. Enfin, le direct a permis de redécouvrir les
fonctions du montage, comme principe d’agencement et de sélection, car
cette technique entraîne l’impression d’une grande quantité de pellicule.
Tous ces facteurs ont entraîné une transformation de la durée même des
films, souvent beaucoup plus longs que la durée standard d’une heure et
demie (Rivette, Rozier).
L’enregistrement simultané du son et de l’image est devenu la norme, au
plan technique, avec le numérique. Cependant il faut noter que de
nombreux films restent postsynchronisés, et que l’usage du son «  direct  »
dans un film de fiction reste toujours un choix, esthétique et idéologique.

➦ MONTAGE, POSTSYNCHRONISATION, SON


  PIAULT, 2000 ; BOUCHARD, 2012 ; GRAFF, 2015

DIRECTOR’S CUT
Technique, histoire Expression assez récente (années 1990) signifiant
«  montage du réalisateur  », et désignant le montage d’un film tel que le
réalisateur l’a approuvé. Pour l’essentiel, c’est une notion qui se rapporte au
système américain de production de films, surtout à l’époque des grands
studios, système dans lequel le montage final était le plus souvent supervisé
par le producer. Il existe des cas célèbres de conflit entre director et
producer, dans lesquels le plus souvent la version commercialisée d’un film
ne fut pas celle qu’avait d’abord souhaitée le réalisateur (de Greed
[Stroheim, 1924], jusqu’à Brazil [Gilliam, 1985], en passant par plusieurs
films de Welles).
La ressortie récente de versions «  de réalisateur  » de certains films (tel
l’Apocalypse Now redux de Coppola [1979/2001]) témoigne du triomphe
absolu, en termes critiques, de l’assimilation du réalisateur à l’auteur d’un
film. Par ailleurs, la valorisation du director’s cut a été également le
prétexte à des opérations commerciales (rééditions de films en DVD
«  collector  ») mais aussi à un travail de recherche historique et critique
assez développé.

➦ MONTAGE, POLITIQUE DES AUTEURS


  MARIE & THOMAS, 2008

DISCOURS, DISCURSIF
Linguistique, sémiologie Le discours est d’abord la mise en forme, parlée,
écrite, enregistrée par images et sons, de la pensée. En grammaire
traditionnelle, c’est l’expression verbale de la pensée  ; les «  parties du
discours  » sont ses catégories grammaticales. En linguistique, discours
s’oppose à langue, système et code  ; c’est l’ensemble des énoncés, des
messages attestés, sous forme verbale ou écrite.
Mais dans la rhétorique classique, le discours n’est pas seulement
expression de la pensée, il est d’abord instance autonome, acte reliant un
locuteur à un auditeur, visant un certain effet. Depuis Benveniste, on
considère le discours comme un processus d’énonciation singulier par
lequel le sujet parlant actualise la «  langue  » (c’est-à-dire un ensemble
relationnel abstrait) en «  parole  », selon les définitions saussuriennes
initiales. C’est cette définition que la sémiologie a élargie (Barthes, 1964) à
toutes les productions sociales qui produisent du sens (le discours de la
mode, le discours culinaire, etc.), et c’est dans ce sens qu’on a pu définir le
discours filmique comme objet d’étude de la sémiologie du film (Metz,
1964).
La théorie du discours a joué un grand rôle dans l’étude des systèmes de
signification. D’abord, par la pragmatique qui analyse les divers actes
qu’accomplit un discours, les relations entre le locuteur et le récepteur ; par
la théorie psychanalytique et la sociologie qui portent sur toute production
discursive l’éclairage de l’inconscient et de l’idéologie. Les tentatives
d’élaboration d’une « linguistique du film » d’inspiration générative (et non
plus structurale) se sont appuyées sur la théorie du discours comme
« théorie de la détermination historique des processus sémantiques » (Colin,
1985). Plus récemment, c’est la rhétorique qui a pris le relais de ces
prolongements théoriques en analysent les formes de discours filmiques et
le rapport au spectateur (Soulez, 2011).
➦  ÉNONCIATION, HISTOIRE, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, GÉNÉRATIVE
(LINGUISTIQUE)

  CHATMAN, 1978 ; COLIN, 1985 ; ODIN, 1990 ; SOULEZ, 2011

DISPOSITIF
Institution Outre ses sens juridiques et militaires, ce terme désigne en
mécanique la manière dont sont disposées les pièces et les organes d’un
appareil, et par là, le mécanisme lui-même. C’est cette métaphore qui est à
l’origine de l’expression freudienne, le «  dispositif psychique  », qui rend
compte de l’organisation mentale de la subjectivité en instances
(Inconscient, Préconscient, Conscient). Ce sens a été repris par la
psychosémiotique du cinéma, notamment Baudry (1970) et Metz (1975)
pour définir l’état très particulier qui caractérise le spectateur de cinéma
pendant la projection.
Le dispositif est d’abord une organisation matérielle  : les spectateurs
perçoivent dans une salle obscure des ombres projetées sur un écran,
produites par un appareil placé le plus souvent derrière leur tête. C’est
l’« appareil de base », où Baudry voit une métonymie de tout l’appareillage
et des opérations nécessaires à la production d’un film et à sa projection.
La classique notion d’impression de réalité ne paraît pas suffisante à
Baudry pour décrire la force d’envoûtement qu’il voit dans l’image
filmique. Il retourne au mythe de la caverne platonicienne pour comparer
les spectateurs de cinéma aux prisonniers enchaînés qui ne peuvent voir sur
le mur de la caverne que l’ombre des simulacres que font défiler au-dessus
de leur tête des porteurs invisibles (une comparaison déjà proposée avant
lui, notamment par Morin). Les spectateurs sont «  prisonniers  » parce
qu’immobilisés  ; cette inhibition motrice dans une salle obscure provoque
un retour vers un état ancien du psychisme, une régression, celle du
dormeur qui répète l’état post-natal, et même la vie intra-utérine. Le
dispositif filmique est donc, pour Baudry ou Metz, voisin de celui du rêve.
Comme le rêveur, le spectateur hallucine jusqu’à un certain degré des
images qu’il perçoit comme réelles. Le cinéma ne se contente pas de
fabriquer des simulacres, perçus comme des représentations de la réalité,
mais il est d’abord dirigé vers le spectateur en tant que sujet psychique,
provoquant un effet particulier, l’«  effet-cinéma  »  : retour vers un
narcissisme relatif, vers une forme de réalité enveloppante dans laquelle les
limites du corps propre de spectateur et sa relation à l’extérieur ne sont plus
strictement précisées.
Cette théorie a exercé une grande séduction dans les années 1970, où elle
a parfois fait presque figure de dogme. Elle a, depuis, été souvent critiquée
pour son extrémisme et son manque flagrant de bases expérimentales. La
notion de dispositif, cependant, a été conservée, et continue de désigner
l’ensemble des conditions matérielles et psychologiques de la présentation
de films dans une salle obscure devant des spectateurs attentifs (ce qui
différencie ce dispositif de toutes les autres présentations d’images
mouvantes, notamment dans les musées et galeries d’art) (Aumont, 2012  ;
Bellour, 2012). Elle a été, plus récemment, étudiée sous l’angle de
l’évolution des techniques cinématographiques, des modalités, des usages et
des pratiques des dispositifs cinématographiques à travers l’histoire
(Gaudreault & Lefebvre, 2015).

➦  FANTASME, FASCINATION, FÉTICHE, IDENTIFICATION, INSTITUTION,


PSYCHANALYSE

  BAUDRY, 1978 ; METZ, 1977B ; DE LAURETIS & HEATH, 1980 ; AUMONT, 2012 ;
BELLOUR, 2012 ; GAUDREAULT & LEFEBVRE, 2015

DISTANCIATION
Théorie, dramaturgie L’idée d’une nécessaire distance entre une œuvre et
son destinataire ou son critique a été plusieurs fois reprise dans la théorie de
l’art et de la littérature du XXe siècle.
La distance est vue comme constitutive de l’art lui-même par les
Formalistes, pour qui c’est un effet normal de l’œuvre d’art que de
provoquer, chez celui qui la reçoit, un certain étonnement. L’œuvre apparaît
comme étrange et étrangère ; elle est autre que le quotidien et l’habituel et,
en réalisant ce caractère, le spectateur prend un certain recul ; l’œuvre opère
par ostraniénié (actualisation d’une étrangéité), et c’est bien entendu pour
l’essentiel la tâche de la forme, de sa nouveauté et de sa visibilité, que de
produire cette distance.
En un sens apparenté, mais posant à l’issue de la prise de distance une
prise de conscience sociale ou morale du spectateur, c’est la théorie du
théâtre « épique » chez Bertolt Brecht. Dans cette conception, l’œuvre doit
accentuer des éléments de dispositif qui soulignent et rappellent en
permanence son caractère artificiel ; il s’agit par là d’éviter toute adhésion,
jugée illusoire par Brecht, à l’histoire racontée, au bénéfice d’une distance
critique permettant et suscitant un jugement – en dernière instance politico-
idéologique, à partir d’éléments donnés didactiquement par le spectacle.
C’est la portée de la célèbre notion  de Verfremdung (ou
Verfremdungseffekt), généralement traduite par distanciation, ce qui est
approximatif (cette traduction, notamment, perd la connotation d’étrangéité
contenue dans le radical fremd).
Enfin, l’herméneutique philosophique (Gadamer, Ricœur) a fondé son
rapport au texte interprété sur l’établissement d’une distance entre l’œuvre
et le critique. Mais cette prise de distance, également appelée, parfois,
distanciation, est voulue positive et non aliénante (faisant de l’œuvre un
autre) comme le Verfremdungseffekt. L’interprétation, ici, se met à distance
d’un sens littéral, celui que la philologie a pour objet, au bénéfice d’un sens
plus profond, qui ne peut s’établir que dans une relation de co-
appartenance.
Ces diverses approches ont inégalement influencé la critique de cinéma.
Les théories de Brecht ont connu autour de 1970 une certaine vogue,
notamment en France, en Italie et en Angleterre  ; toutefois, leur
transposition au cinéma n’a guère dépassé le stade des intentions (il existe
peu d’exemples concrets d’un cinéma «  distanciant  »). L’approche
formaliste a été reprise quasi telle quelle par le néoformalisme. Quant à
l’herméneutique philosophique, elle a exercé une certaine séduction, mais
très générale, et sans que les notions qu’elle élabore aient été vraiment
questionnées.

➦ FORMALISME, HERMÉNEUTIQUE, NÉOFORMALISME


  AGEL, 1976 ; ISHAGHPOUR, 1982 ; ALBERA, 1996 ; FAROULT, 2002, 2006

DIVERTISSEMENT
Genre Le divertissement, en général, est ce qui détourne d’une occupation
en la remplaçant par une autre, supposée plus agréable ou plus facile.
Qualifier de «  divertissement  » les films de cinéma a longtemps été un
reproche, implicite ou explicite : aller au cinéma, c’était passer son temps
de manière un peu vaine, sans penser à rien et sans travailler. On continue
parfois, dans la critique, d’utiliser l’expression –  vague et souvent
infondée – de « cinéma de divertissement », le plus souvent dans une visée
péjorative.

DIVISME
Esthétique, histoire Courant esthétique du cinéma italien muet, qui a
marqué les années 1913-1920. Comme son nom l’indique, il est fondé sur le
culte des « divas », actrices qui, pour la plupart, provenaient de l’opéra et
ont incarné des figures de femmes fatales dans des mélodrames aux
passions exacerbées. Ces actrices ont imposé un style de jeu ralenti, fondé
sur des figures répétitives et emphatiques. Elles ont contribué à développer
une réelle recherche plastique en enrichissant les costumes et les décors des
drames mondains qu’elles traversaient. Le film fondateur du mouvement est
Mais mon amour ne meurt pas (Caserini, 1913) avec la première diva, Lyda
Borelli, qui connaît immédiatement de nombreuses rivales  : Francesca
Bertini (Assunta Spina, 1915), Pina Menichelli (Le feu, 1916), Hesperia (La
Dame aux camélias, 1915). Ces films impressionnèrent beaucoup Delluc et
Colette dans leurs rubriques cinématographiques (Cinéma et Cie, Le Film,
1917). William Fox lança aux États-Unis un personnage concurrent dès
1915, la vamp incarnée par Theda Bara, dont le contexte culturel est bien
différent.

➦ MÉLODRAME, VAMP
  BERNARDINI & GILI, 1986

DOCUDRAME
Genre Traduction littérale de l’anglais docudrama, désignant une fiction –
  généralement conçue pour la télévision  – fondée sur des faits réels
représentés de manière aussi crédible et réaliste que possible. Ne pas
confondre avec docufiction (ou documentaire-fiction), autre néologisme qui
désigne, lui, un mélange de filmage documentaire et de filmage fictionnel,
dans des proportions variables.

➦ DOCUMENTAIRE, DRAME, FICTION


DOCUMENTAIRE
Institution, genre L’opposition « documentaire/fiction » est l’un des grands
partages qui structure l’institution cinématographique depuis les origines.
Elle gouverne le classement des « séries » dans les premiers catalogues des
firmes de distribution qui distinguent les «  vues de plein air  », les
«  actualités  », les «  sujets comiques et dramatiques  ». On appelle donc
documentaire un montage cinématographique d’images visuelles et sonores
données comme réelles et non fictives. Le film documentaire présente
presque toujours un caractère didactique ou informatif qui vise
principalement à restituer les apparences de la réalité, à donner à voir les
choses et le monde tels qu’ils sont.
Mais faire de la réalité, par définition «  afilmique  », un critère de
distinction entre des films pose évidemment de multiples problèmes. Il est
postulé que le film documentaire a pour monde de référence le monde réel,
ce qui suppose que le monde représenté existe en dehors même du film et
que cela est vérifiable par d’autres voies. La question est de savoir si ces
preuves d’authenticité sont internes à l’œuvre ou s’il existe des
composantes discursives spécifiques et suffisamment discriminatoires par
rapport au film de fiction. Mais ces traits distinctifs peuvent aussi être
externes à l’œuvre et relever de contraintes institutionnelles. En termes de
pragmatique, la situation de réception détermine notamment des
«  consignes de lecture  » (Odin) qui amènent le spectateur à adopter une
attitude « documentarisante » plutôt que « fictionnalisante ».
Le documentaire ne pose pas que le problème de l’univers de référence,
mais aussi celui des modalités discursives, puisqu’il peut emprunter les
techniques les plus diverses  : film de montage, cinéma direct, reportage,
actualités, film didactique, jusqu’au film de famille. L’évolution de
l’histoire des formes au cinéma est là pour démontrer que les frontières
entre documentaire et fiction ne sont jamais étanches et qu’elles varient
considérablement d’une époque à une autre, et d’une production nationale à
une autre.

➦ CINÉMA-VÉRITÉ, GENRE, INSTITUTION, RÉALITÉ


  GRIERSON, 1966 ; ODIN, 1990, 2000 ; LEBLANC, 1997 ; NINEY, 2000, 2009 ; GUYNN,
2001
DOUBLE
Philosophie, esthétique Le thème du double est fréquent dans la littérature
fantastique depuis l’âge romantique (on le trouve chez Hoffmann
notamment), mais il a des racines bien plus anciennes, et a probablement
existé, en lien plus ou moins direct avec la croyance en l’au-delà, dans la
plupart des civilisations.
Le cinéma l’a traité en quelques occasions, depuis les deux versions de
L’Étudiant de Prague (Rye, 1913  ; Galeen, 1926) jusqu’à l’adaptation du
Double de Dostoïevski par Bertolucci (Partner, 1969) et aux variantes
comme Face/Off (John Woo, 1997). Mais ce thème est, plus
fondamentalement, attaché à l’art cinématographique lui-même, dont les
images, plus encore que les images photographiques, sont apparues somme
une réduplication de la réalité, quand ce n’est pas de la vie. Il est par
exemple au centre de réflexions sur « l’homme imaginaire » (Morin, 1956),
sur «  l’autre visible  » et la vie des fantômes (Leutrat, 1995, 1998), plus
récemment sur les relations entre cinéma et pensée magique (Scheinfeigel,
2008).

➦ FANTASTIQUE, VISAGE
  MORIN, 1956 ; LEUTRAT, 1995, 2009 ; SCHEINFEIGEL, 2008 ; ARNAUD, 2012

DOUBLE RÉALITÉ (DES IMAGES)


Psychologie Une image est en général produite par la modification
physique d’une surface qui en est le support (on parle parfois, lorsque cette
surface reçoit des pigments colorés, de «  subjectile  »). Pour la perception
visuelle, l’image est donc un objet du monde comme un autre : nous voyons
une image comme située « sur » la surface-support.
Mais la plupart des images sont destinées à représenter une scène du
monde réel (ou d’un monde imaginable)  ; l’homme –  et d’ailleurs bon
nombre d’animaux  – perçoit spontanément cette scène représentée, qui
échappe imaginairement à la surface matérielle sur laquelle se trouve
l’image.
Cette perception double est permanente et affecte toute image, en
particulier celles du cinéma : nous voyons à la fois la lumière du projecteur
frapper un écran blanc en y dessinant des taches de couleurs mouvantes, et
un fragment (le plus souvent analogique, voire réaliste) de monde
imaginaire. On a parfois caractérisé la perception de l’image-surface
matérielle comme un savoir, celle de l’image-représentation comme une
croyance, mais cela n’est pas justifié du point de vue psycho-physiologique,
l’évocation du monde représenté étant toujours présente, comme en
témoigne l’art paléolithique (et comme l’ont confirmé les enquêtes
ethnologiques auprès de peuples sans pratique de l’image). Il convient donc
bien de parler d’une « double » réalité de l’image.

➦ ANALOGIE, IMPRESSION DE RÉALITÉ, PERSPECTIVE, REPRÉSENTATION


  ARNHEIM, 1954-1974 ; AUMONT, 2010

DRAME
Esthétique, genre Le terme désigne d’abord l’ensemble du genre théâtral,
par opposition au lyrisme et à l’épopée. À partir du XVIIIe siècle (Diderot), il
nomme un genre intermédiaire entre la tragédie et la comédie. Le drame est
presque toujours particularisé  : drame bourgeois, drame historique, drame
romantique. À la fin du XIXe  siècle, le drame subit une double influence,
d’une part celle du surnaturel et du fantastique qui débouche sur des sous-
genres, le mélodrame et le théâtre de grand-guignol, d’autre part celle du
symbolisme, puis du naturalisme. Le concept se distend de plus en plus et
n’en vient qu’à désigner la pièce non comique, ou bien un éthos
dramatique, voisin du tragique ou du pathétique.
En cinéma, le mot sert à qualifier dans les premiers catalogues les sujets
non comiques et non documentaires. Il désigne une action souvent violente
ou pathétique dans laquelle s’affrontent des personnages historiquement et
socialement inscrits dans un cadre crédible. Même si des éléments
comiques sont susceptibles d’être intégrés à l’action, le caractère dominant
doit demeurer la gravité.
Le mot et le genre traversent toute l’histoire du cinéma mais avec des
déclinaisons multiples  : on a pu parler de drame historique (Senso),
sentimental (Brève Rencontre), mondain (Mais mon amour ne meurt pas),
psychologique (Le jour se lève), social (Les Raisins de la colère), de
comédie dramatique (les Comédies et proverbes de Rohmer) et de
mélodrame (Sur la route de Madison). C’est dire la plasticité du terme et
aussi son importance. À chaque qualificatif correspond une classe de films
bien particulière dont l’étude relève de la théorie des genres.
Pour les théoriciens d’avant-garde de l’entre-deux-guerres, « drame » et
« dramatique » furent connotés très négativement, et se virent opposer des
conceptions «  distanciées  » du théâtre et de la représentation (chez les
Formalistes russes, chez Brecht, et à sa suite dans certaines approches des
années 1970), ou l’absence pure et simple de théâtre et de jeu représentatif
(chez Vertov).

➦ ÉPIQUE, GENRE, THÉÂTRE


  CAVELL, 1971-1979

DUFOUR, ÉRIC (1964)


Philosophe Éric Dufour est philosophe spécialiste de philosophie
allemande et du néokantisme en particulier, et de la philosophie sociale. Ses
recherches portent depuis les années 2000 sur la musique à partir de
Nietzsche, puis sur le cinéma. Il porte d’abord un regard philosophique sur
le cinéma de genre, le film d’horreur, celui de Lynch en particulier, et la
figure du monstre, ce qui l’amène à s’interroger sur la science-fiction et ses
sombres paraboles. Ces analyses lui permettent de revenir sur la question
morale opposant le mal et le bien à travers les principales périodes du
cinéma allemand, et l’œuvre de Michael Haneke. Parallèlement, il propose
une réflexion de caractère esthétique sur les critères du beau au cinéma, sur
ce qui amène le spectateur à émettre un jugement de valeur sur la qualité
d’un film, revenant sur l’opposition réductrice entre lecture « formaliste » et
lecture politique. Mais son intérêt pour le cinéma ne remplace pas celui de
la philosophie car il publie également des analyses nouvelles, sur le néo-
kantien Paul Natorp, et sur Nietzsche en tant qu’héritier de Kant.

DULAC, GERMAINE (1882-1942)


Cinéaste, théoricienne Journaliste féministe à La Fronde, critique
dramatique avant 1914, puis cinéaste et l’un(e) des premièr(e)s
théoricien(ne) s français(es) du cinéma. Dulac est avant tout la théoricienne
du «  cinéma pur  », d’un cinéma dégagé de toute influence littéraire,
théâtrale ou picturale, construit «  musicalement  » selon les règles d’une
« musique visuelle ».
Elle ne cesse d’affirmer dans ses conférences et articles le primat du
visuel au sein du film  : «  Tout le problème du cinéma est dans ce mot
“visualisation”… Je répète à tout instant ces mots, “visuel, visuellement,
vue, œil”… Or un vrai film ne doit pas se raconter puisqu’il doit puiser son
principe actif et émotif dans des images faites d’uniques vibrations
visuelles » (1928). Se référant au film d’Abel Gance, La Roue (1922), elle
commente  : «  On peut émouvoir sans personnage, donc sans moyen de
théâtre : voyez la chanson du rail et des roues… Les personnages n’étaient
plus les seuls facteurs importants, mais la longueur des images, leur
opposition, leur accord tenaient un rôle primordial à côté d’eux. »
Toutefois, cette référence au visuel, paradoxalement, est recherchée en
opposition à la photographie  : «  Les effets photographiques savants, les
flous, les dégradés, ne sont rien si la valeur du plan et son cadrage ne les
commandent. Ce n’est donc pas la photographie mais la mise en place
d’une expression dans une valeur plus ou moins dominante ou atténuée qui
exprime.  » Et c’est du côté de la musique que Dulac cherche les modèles
conceptuels de la « visualité » cinématographique « pure » : « Mouvement
d’yeux, de roues, de paysages, noires, blanches, croches, doubles croches,
combinaison d’orchestration visuelle  : le cinéma  ! […] Le septième art,
celui de l’écran, c’est la profondeur rendue sensible, qui s’étend au-dessous
de cette surface, c’est l’insaisissable musical… Poème symphonique, où le
sentiment éclate non en fait, non en acte, mais en sonorités visuelles. »
Tout au long des années 1920, Dulac multiplia les conférences au sein
des ciné-clubs en faveur d’un cinéma d’avant-garde. Après le passage au
parlant, elle dirigea les Actualités cinématographiques chez Pathé puis chez
Gaumont, jusqu’à sa mort en 1942.

➦ AVANT-GARDE, IMPRESSIONNISME

DURÉE
Théorie, philosophie Par rapport au simple « temps  », la notion de durée
ajoute deux choses  : d’une part, l’idée d’un passage de temps, perçu par
l’esprit et donnant lieu à une sensation propre que l’on identifie souvent à
l’expérience la plus pure du temps (voir notamment Bergson) ; d’autre part,
plus indirectement, l’idée d’un début et d’une fin, et entre les deux, d’une
succession d’états. Ces deux idées ont l’une et l’autre suscité des
développements théoriques, très différents.
1. Quel rapport entre la durée subjective et la durée objective  ? Au
cinéma, le temps chronique est déterminé par la projection à 24 images par
seconde. La durée, ressentie subjectivement par le spectateur, peut prendre
plusieurs aspects selon le rapport entre le temps du déroulement filmique
(temps du récit chez Ricardou, temps écranique et filmophanique chez
Souriau) et le temps des événements racontés (temps de l’histoire chez
Ricardou, temps diégétique chez Souriau). On peut ainsi distinguer :
– le sommaire, ou résumé : la durée du récit (celle du film, autour
d’une heure et demie) est inférieure à la durée de l’histoire (un
mois, une année, une vie…) ;
– la dilatation : inversement, la durée du récit est supérieure à celle
de l’histoire. Il est rare que ce type intervienne sur toute la durée
d’un film mais il est fréquent au sein de certaines séquences  :
étirement du suspense à la fin d’un film policier, d’une poursuite
dans un film d’horreur  ; pause descriptive et attente (comme au
début d’Il était une fois dans l’Ouest ou dans les scènes de sexe
d’un film pornographique). La dilatation est caractéristique du
cinéma moderne ;
–  l’équivalence  : le temps du récit et celui de l’histoire sont
pratiquement égaux. Le cas est rare sur tout un film comme dans
La Corde ou Cléo de 5 à  7. Il est très fréquent par ailleurs
puisqu’il concerne toutes les scènes dialoguées sans ellipse ;
– l’ellipse : le temps du récit est égal à zéro, celui de l’histoire est
indéfini. Le spectateur se retrouve projeté quelques secondes ou
plusieurs siècles en avant ou en arrière.
2. Ces considérations restent soumises à l’idée d’un temps mesurable. Or,
le temps, en tant qu’expérience subjective, ne dépend que très partiellement
de sa capacité à être mesuré, et la durée est un phénomène complexe.
Comme l’a remarqué Epstein (1946), même dans la vie réelle, un même
trajet, accompli à la même vitesse, n’aura pas la même durée vécue selon
l’humeur et le moment (voire à l’aller et au retour) ; il en va de même, selon
lui, dans les films, où la durée est largement modulée par les affects et
pensées qui l’accompagnent. On trouve chez Deleuze (1983, 1985) une
position analogue  : pour lui (dans le droit fil de Bergson et de son
assimilation de l’expérience du temps à ce qui dure), le temps n’existe en
cinéma que comme support d’une perception, d’une action ou d’un affect –
  du moins dans les formes qui ressortissent à l’image-mouvement (pour
l’image-temps, la durée devient une donnée plus indirecte et plus
intellectualisée, parfois presque abstraite).

➦ DÉCOUPAGE, MONTAGE, TEMPS


  VANOYE, 1979 ; GAUDREAULT & JOST, 1990

DYSNARRATIF
Narratologie Terme proposé par Robbe-Grillet (1963) pour qualifier ses
propres romans. Il s’applique plus généralement à l’école du Nouveau
Roman et a été repris par les narratologues qui ont travaillé sur les rapports
entre «  nouveau roman  » et «  nouveau cinéma  » (Gardies, Jost, Chateau,
Vanoye, Murcia, etc.).
Il désigne une opération de contestation volontaire du récit par lui-même.
Son objectif est de briser les diverses illusions du lecteur et du spectateur :
illusion réaliste et référentielle, du récit comme reflet du monde réel  ;
illusion de la continuité, de la logique de causes à effets, qui transforme les
rapports de consécution en conséquences ; illusion de la transparence, de la
neutralité du récit dont le seul but serait de distraire.
Les procédés dysnarratifs se proposent de mettre en évidence l’arbitraire
du récit, notamment le rôle de l’énonciateur  ; de souligner l’aspect
simplificateur du récit par rapport à la complexité des divers aspects de la
réalité ; de sensibiliser au travail du signifiant narratif au lieu de le gommer.
Au cinéma, cette mise en évidence du travail du signifiant passe par un
certain nombre de partis pris formels, par exemple la mise au premier plan
de la matérialité de l’image et du son (par le grain de la photo, le style de
l’éclairage, le niveau de l’enregistrement des bruits, etc.)  ; l’apparition du
matériel de tournage dans la diégèse (caméra, perche, rails de travelling,
etc.) ; la représentation de la projection et de ses accidents (la pellicule qui
se déchire)  ; le style du dialogue, le privilège de la discontinuité et le
brouillage de l’identité des personnages  ; l’arbitraire du style de
découpage  : privilège de longs plans-séquences, travellings latéraux très
repérables, transgressions des règles des raccords  : tous les procédés qui
mettent en évidence la matérialité filmique et brouillent la perception de la
transparence  ; enfin, le jeu avec les stéréotypes narratifs par recours aux
clichés (ceux du photo-roman chez Robbe-Grillet) ou bien au récit lacunaire
ou allégorique (Duras, Garrel, les premiers films d’Akerman ou
Angelopoulos).
Le cinéma dysnarratif est donc l’une des formes du cinéma moderne,
mais la plupart des distorsions narratives qu’il a préconisées ont été
récupérées par les films du mainstream et de ses marges, aux structures de
plus en plus « dysnarratives » (Usual Suspects, Matrix, Mulholland Drive,
2046, 21 Grammes, Memento, Oblivion, et bien d’autres).

➦ MODERNE (CINÉMA), NARRATOLOGIE, NOUVEAU CINÉMA


  CHATEAU & JOST, 1979 ; VANOYE, 1979 ; GARDIES, 1980
E
ÉCHELLE DE PLANS
Technique Dans les premiers films, la distance de la caméra au sujet filmé
était à peu près toujours la même, et le cadrage qui en résultait permettait
aux personnes filmées d’être représentées en pied. Rapidement cette
distance fut variée, de sorte que les sujets devinrent plus petits, perdus dans
le décor, ou au contraire plus grands, et lorsqu’ils en viennent à excéder les
limites du cadre, vus seulement en partie. C’est pour rendre compte de ce
lien variable entre la distance de la caméra au sujet filmé et la grandeur
apparente de ce sujet, qu’on a élaboré une typologie, empirique et assez
grossière, une «  échelle  », des «  grosseurs de plan  ». (Une appellation
approximative, puisqu’il s’agit plutôt de grosseur du cadre.)
Cette typologie est très flottante, et variable d’une langue à l’autre. Dans
la tradition des opérateurs français, elle va du plan général (personnages
noyés dans le décor) au très gros plan (le visage, ou une partie du visage,
occupe tout le cadre), en passant par le plan d’ensemble, le plan américain,
le plan moyen, le plan rapproché, le gros plan.
Cette nomenclature est rapportée implicitement mais univoquement à la
taille d’un personnage filmé debout de manière que sa tête soit dans le
cadre. L’arbitraire de cette référence a souvent été souligné  ; elle a
notamment été vue comme la trace d’une idéologie anthropocentrique, qui
serait par ailleurs celle de tout le cinéma narratif classique (Bonitzer). D’un
point de vue plus concret, il est souvent difficile de qualifier la grosseur de
plan dans beaucoup de cas où des figures co-présentes sont filmées à des
distances différentes (par exemple, dans un cas – truqué – comme L’Homme
à la tête de caoutchouc de Méliès, où le magicien est en plan général, la
« tête de caoutchouc » passe du plan général au gros plan). Notons que dans
la terminologie américaine, les tailles de cadre sont rapportées non à la
grosseur des figures mais à la distance de la caméra au sujet  : close-up,
medium shot, long shot, etc.
➦ CADRAGE, CADRE, GROS PLAN, PLAN
  BONITZER, 1982 ; MITRY, 1963

ÉCLAIRAGE
Voir Lumière.

ÉCOLE
Critique, esthétique, mouvement Le mot «  école  » désigne au départ ce
qui sert à la formation des artistes, même quand il ne s’agit pas d’un
établissement d’enseignement à proprement parler. Par extension, on a
appelé «  école  », notamment en peinture, ceux qui ont travaillé dans
l’atelier d’un maître, ou ceux qui s’en inspirent ou travaillent dans sa
manière. En histoire de l’art, on parle d’école pour désigner un ensemble
d’artistes qui suivent les mêmes principes ou cultivent le même style.
Pour qu’il y ait vraiment école artistique, il faut un minimum de critères :
sinon un artiste maître, au moins un leader d’opinion ou un théoricien ; la
publication d’un manifeste et d’un programme esthétique  ; un support
éditorial et la promotion médiatique des idées du groupe  ; un ensemble
d’œuvres et de cinéastes, scénaristes, artistes partageant des options
communes  ; des adversaires auxquels l’école s’oppose et des œuvres
relevant d’une esthétique qu’elle conteste. Un exemple satisfaisant assez
bien à ces critères serait la Nouvelle vague française autour de 1960.
En histoire du cinéma, les écoles sont rarement issues de l’enseignement
d’un maître. Tout au plus certaines écoles professionnelles ou instituts de
recherches ont-ils pu rassembler quelques artistes ou quelques intellectuels,
comme par exemple le VGIK à l’époque de Lev Koulechov. Dans l’Italie
autour de 1940, le Centro sperimentale (Centre expérimental) de Rome a
été un véritable creuset qui a favorisé, après 1944, le renouvellement
esthétique du cinéma italien, sous le nom de « néoréalisme » ; mais aucun
cinéaste ne fait à proprement parler figure de maître dans cette école. Les
écoles cinématographiques ont parfois été nommées à partir d’écoles
artistiques antérieures, dans d’autres arts. Il en est ainsi de
l’expressionnisme allemand, ou du réalisme poétique français.
On parle enfin d’écoles nationales pour désigner un certain nombre de
traits communs, dus à des échanges ou à des caractères stylistiques voisins,
ou bien une référence à un même idéal, un principe qui rassemble. On a pu
parler de l’école muette suédoise, du Printemps de Prague, du Cinema novo
brésilien, du jeune cinéma allemand autour du manifeste d’Oberhausen, de
l’école québécoise du cinéma direct, du nouveau cinéma suisse, etc.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA, NOUVEAU CINÉMA


  PINEL, 2000

ÉCONOMIE
Sciences humaines L’économie est l’art de gérer les biens. L’économie
classique étudie les lois de la production, de la distribution et de la
consommation des richesses. Ces trois secteurs se retrouvent exactement
dans l’industrie du cinéma où la consommation concerne l’exploitation. La
science économique contemporaine est celle de l’échange et des choix.
Étroitement liée à la sociologie, elle insiste soit sur la rareté des moyens,
soit sur le caractère illimité des désirs, toujours sur les calculs rationnels
d’acteurs sociaux en interaction. L’économie du cinéma se présente selon
cinq ordres de questions :
1°, l’étude de la confrontation du «  paradigme économique  » aux
dimensions culturelles et artistiques des activités cinématographiques, en
particulier les caractéristiques de leur dynamique innovatrice.
2°, l’étude des structures de la filière cinématographique au sein d’une
cinématographie nationale et ses principales problématiques, sa
confrontation aux logiques concurrentielles du modèle télévisuel et des
cinémas des autres pays producteurs (avec la domination hollywoodienne,
notamment).
3°, l’étude de la stratégie d’une entreprise.
4°, l’étude du marché : intérêt et limites du marketing, l’exploitation, ses
structures, ses évolutions et ses perspectives.
5°, l’étude gestionnaire des activités cinématographiques  : rapport entre
production et réalisation, budgets et finances.
Les premières approches économiques de l’industrie du cinéma sont
d’orientation marxiste (Bächlin, Guback). Elles mettent en avant la
recherche du profit comme moteur de l’évolution économique, la
constitution progressive d’oligopoles et de monopoles, les conflits entre
firmes privées et État. Elles insistent sur les liens de dépendance de
l’industrie cinématographique américaine à l’égard du marché européen.
Les économistes libéraux (Gomery, Mercillon, Bonnell) s’appuient sur les
outils théoriques de l’analyse industrielle : étude des structures, conduite et
performance, conditions de base de l’offre et de la demande, structure du
marché, conduite de politique des prix, stratégie de marketing, efficacité de
la distribution, rentabilité du secteur.
À date plus récente, les recherches se sont orientées dans deux
directions : celle des sciences de la gestion (Creton, 1994, 2000), et celle de
l’histoire économique en raison des meilleures possibilités d’accès aux
archives (Creton, 2004, pour le domaine français ; Augros et Kitsopanidou,
pour Hollywood). Noter aussi le développement de l’étude de l’exploitation
et des salles de cinéma, de la demande du public et du financement des
films dans sa dimension européenne (Forest, 1995, 2014).

➦ DISTRIBUTION, IDÉOLOGIE, INSTITUTION, MARXISME, SOCIOLOGIE


  FOREST, 2002, 2010, 2014 ; CRETON, 2004 ; AUGROS & KITSOPANIDOU, 2009

ÉCRAN
Technique Surface blanche rectangulaire, sur laquelle on projette les films.
Les dimensions en sont fort variables, de moins d’un mètre pour certains
écrans destinés à la projection de films d’amateurs, jusqu’à plusieurs
dizaines de mètres pour certains écrans exceptionnels (par exemple celui du
Cinerama dans les années 1950). L’écran n’est généralement pas
entièrement recouvert par l’image projetée, surtout depuis qu’il existe
plusieurs formats d’image très différents (les proportions de l’image varient
de 1,33 à 2,80 environ).
Ce terme a donné deux dérivés : l’un, « écraniste », était dû à Ricciotto
Canudo et n’a eu qu’une existence éphémère (il a été remplacé par
«  cinéaste  »)  ; l’autre, «  écranique  », désigne, dans le vocabulaire de la
filmologie, « tout ce qui apparaît positivement sur l’écran » (Souriau), par
opposition notamment à l’image imprimée sur la pellicule.

➦ CADRE, FORMAT, PROJECTION

ÉCRITURE
Sémiologie, esthétique L’écriture est un procédé de notation du langage par
des signes s’adressant à la vue. On distingue deux grandes catégories
d’écriture, la phonogrammatique qui note les sons du langage parlé,
l’idéogrammatique qui note les idées.
Dès l’origine, on a parlé d’écriture à propos du cinéma car celui-ci se
présentait comme un nouveau mode d’enregistrement des données
visuelles, à la suite du phonographe qui captait les sons de la parole : « Le
mariage de l’idéographie sous sa forme cinématographique (le cinéma
muet) et de l’écriture phonétique (sous sa forme phonographique) nous a
donné le film parlant qui est la forme presque parfaite, et peut-être
définitive de l’écriture » (Pagnol, 1933).
Dès 1919, des journalistes ont assimilé le cinéma à l’écriture
idéographique «  C’est une écriture, l’ancienne écriture idéographique  »
(Victor Perrot). L’idée a ensuite été reprise et approfondie par Eisenstein
(1929), comparant le montage à l’association de deux idéogrammes ; ceux-
ci représentent chacun un objet perceptible par un signe figuratif ; le cinéma
procède de même puisqu’il ne peut que rapprocher par le montage des
fragments toujours figuratifs.
Cette métaphore suggestive a été critiquée, pour son caractère
approximatif, par le courant sémio-linguistique. Metz (1970) considère
l’écriture comme un travail sur des codes, à partir d’eux et contre eux,
travail dont le résultat provisoirement arrêté est le texte, c’est-à-dire le film.
Le cinéma n’est pas une écriture, il est ce qui permet une écriture. Il n’y a
donc pas d’écriture cinématographique ni de langage filmique mais une
écriture filmique (ensemble des systèmes textuels) et un langage
cinématographique (ensemble des codes et des sous-codes).
Par ailleurs, l’écriture est un enjeu philosophique chez Derrida. Celui-ci
veut en rétablir les prérogatives dans une polémique volontairement
provocante contre le logocentrisme et le phonocentrisme qui déconsidèrent
excessivement l’écrit au profit de la voix. Il s’agit de réhabiliter l’écriture
comme graphie. Cette école de pensée a donné lieu à un courant de
l’analyse filmique qui recherche, dans les textes filmiques, les traces d’une
écriture, voire d’une graphie (Ropars-Wuilleumier, Conley, Leutrat).

➦  DÉCONSTRUCTION, DIFFÉRENCE, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE,


ROPARS-WUILLEUMIER

  METZ, 1971 ; PASOLINI, 1976 ; ROPARS-WUILLEUMIER, 1981, 2009 ; LEUTRAT,


2009

EFFET
Esthétique, psychologie Outre son utilisation dans un certain nombre de
locutions particulières (voir les entrées suivantes), ce terme, pris
absolument, désigne tout procédé un peu outré, destiné à produire un certain
effet d’ordre émotionnel chez le spectateur. On peut parler d’un effet de
lumière (comme au théâtre ou en peinture), de mise en scène, de montage,
etc. Le montage ayant souvent été considéré comme le moyen formel et
expressif le plus spécifique du cinéma, on parle aussi de «  montage à
effets  », pour désigner un type de montage où les changements de plans
sont soulignés.

➦ ÉMOTION, EXPRESSION
  REISZ & MILLAR, 1953-1968

EFFET ÉCRAN
Psychologie Ce terme appartient à l’approche phénoménologique de la
perception visuelle, et désigne le déplacement relatif de l’objet regardé et
d’un autre objet situé devant lui, et qui fait « écran » à la perception. Il n’a
reçu qu’une application au cinéma (Michotte, 1948). L’image de film, en
tant qu’objet perçu, est soumise à un processus d’apparition/disparition
global et soudain ; elle n’apparaît pas progressivement, par dévoilement et
effet écran, comme c’est le cas des objets visuels dans le monde ordinaire.
C’est là, selon Michotte, un de ses caractères perceptifs fondamentaux, qui
a comme conséquence, entre autres, que le contour de l’image est vu
comme lui appartenant, et que la portion d’espace qu’enclôt ce contour
paraît fermée.
(Noter que cette conception, qui équivaut à faire de l’image filmique une
apparition perçue en tant que telle, et du cadre une clôture étanche, va à
l’encontre de la thèse de Bazin sur le caractère «  centrifuge  » du cadre
filmique  ; c’est que Bazin, à la différence de Michotte, prend en
considération la diégèse et le fort effet de croyance qu’elle induit.)

➦ ARNHEIM, BAZIN, CADRE, FILMOLOGIE


  MICHOTTE, 1948

EFFET FICTION
Narratologie Le film de fiction classique a trois traits caractéristiques
(Odin, 1981) :
–  il est narratif (ses images s’enchaînent selon une logique
d’implication extérieure aux images) ;
– il est fondé sur une reproduction analogique produisant une forte
impression de réalité ;
–  il opère un travail d’effacement de la narration et de la
représentation, au profit de la diégèse (« transparence »).
C’est à partir de ces propriétés qu’il engendre chez son spectateur un état
spécifique, mêlant l’impression de réalité à des traits empruntés au rêve et à
la rêverie diurne, et c’est cet état spectatoriel particulier que Metz (1975) a
dénommé l’effet fiction. Notons toutefois que cette conception fait une part
excessive à l’effacement des marques narratives (transparence), qui ne
caractérise qu’un certain type de films  ; même à l’époque classique, de
nombreux films multipliaient les interpellations, directes ou indirectes, du
spectateur, lequel ne pouvait pas vraiment s’abandonner totalement à une
« rêverie ».

➦ FICTION, NARRATION, PSYCHANALYSE, REPRÉSENTATION, SPECTATEUR


  METZ, 1977B ; ODIN, 2000

EFFET KOULECHOV
Théorie, psychologie, histoire La variante le plus souvent décrite de l’effet
Koulechov est celle où un même plan rapproché de visage d’acteur, choisi
aussi inexpressif que possible, est monté successivement avec plusieurs
plans qui le contextualisent différemment, et amènent le spectateur à
interpréter différemment, voire à percevoir différemment les plans de
visage : après une table servie, le visage semble exprimer la faim, après un
enfant, la tendresse, après une femme nue, le désir, etc.
Cet effet aurait été mis en évidence expérimentalement par Lev
Koulechov, à l’époque où il dirigeait un atelier à l’École de cinéma de
Moscou (début des années 1920). Toutefois, il ne reste de ces expériences
que des traces photographiques, d’ailleurs ambiguës, et les souvenirs des
témoins sont peu précis et peu probants. Le principe d’«  interaction  » qui
est à la base de l’effet Koulechov est toutefois généralement admis, en ce
qui concerne la bande image (le son venant en général imposer une
signification encore plus forte, qui peut contredire cet effet).

➦ KOULECHOV, MONTAGE, SYNTAGME, VOIX OFF


  AUMONT, 1986

EFFET PHI
Psychologie Le spectacle cinématographique propose des images projetées
sur un écran et qui sont dotées d’un mouvement apparent ; or, la source de
ces images en mouvement n’est elle-même nullement en mouvement. Soit
(procédé argentique) ce sont des images fixes, imprimées sur la pellicule
qui passe dans le projecteur, et projetées l’une après l’autre ; soit (procédé
numérique) ce sont des fichiers « lus » par le projecteur, selon un processus
complexe qui implique la décompression de ces fichiers et l’envoi des
ensembles de pixels sur un «  processeur  » qui comporte des millions de
micro-miroirs renvoyant plus ou moins de lumière sur l’écran selon les
informations reçues. Mais dans l’un et l’autre cas, on part d’images fixes
pour produire un mouvement apparent.
On a souvent dit que ce phénomène était dû à une propriété des zones les
plus extérieures de notre appareil perceptif (la « persistance rétinienne »). Il
n’en est rien, car la persistance momentanée des images sur la rétine ne
saurait les doter de mouvement, mais seulement les mélanger les unes aux
autres. C’est une autre propriété innée de notre perception qui est en jeu,
aux stades cérébraux. Les légers déplacements, d’une image à la suivante,
des stimuli visuels, excitent des cellules du cortex visuel, qui
« interprètent » ces différences comme mouvement, l’effet produit sur ces
cellules étant pour elles impossible à distinguer de celui que produit un
mouvement objectal réel. Les psychologues de l’école Gestaltiste ont, dès
les années 1910, identifié diverses variantes de cet effet de perception d’un
mouvement apparent, qu’ils ont baptisées de lettres grecques. On admet
généralement que le cinéma relève de l’effet ϕ (phi).

➦  DÉFILEMENT, IMPRESSION DE RÉALITÉ, MOUVEMENT APPARENT,


PHOTOGRAMME

  MÜNSTERBERG, 1916 ; METZ, 1968 ; DE LAURETIS & HEATH, 1980

EFFET DE RÉALITÉ, EFFET DE RÉEL


Filmologie, théorie Cette distinction, proposée par Oudart (1971), vise à
marquer le lien essentiel unissant deux phénomènes liés à la représentation :
l’analogie, d’une part, la croyance du spectateur, d’autre part. L’effet de
réalité désigne l’effet produit, dans une image représentative (tableau,
photographie, film), par l’ensemble des indices d’analogie ; ces indices sont
historiquement déterminés, donc conventionnels. L’effet de réalité sera plus
ou moins fort selon le respect des conventions en vigueur (thèse relativiste,
comparable à celles de Gombrich ou de Francastel).
L’effet de réel désigne le fait que, sur la base d’un effet de réalité
suffisamment fort, le spectateur induit un « jugement d’existence » sur les
figures de la représentation, et leur assigne un référent dans le réel  ;
autrement dit, il croit, non pas que ce qu’il voit est le réel lui-même, mais
que ce qu’il voit a existé dans le réel.
Ce lien entre effet de réalité et effet de réel est, pour Oudart,
caractéristique de la représentation occidentale post-renaissante, qui a voulu
asservir la représentation analogique à une visée réaliste. Il décrit donc une
approche particulière du réalisme (illustrée, autrement, par Bazin), celui-ci
n’ayant jamais une valeur absolue.

➦ ANALOGIE, MIMÈSIS, RÉALISME, REPRÉSENTATION, SPECTATEUR


  OUDART, 1971

EFFETS SPÉCIAUX
Technique, esthétique Cette locution (utilisée dans les milieux de la
production et la critique) désigne les effets nécessaires à la production
d’images irréalistes, que l’on ne peut obtenir par la simple reproduction
d’une scène se déroulant devant la caméra. Le nombre et la nature des effets
spéciaux ont connu depuis les années 1970 un développement remarquable.
Les effets spéciaux peuvent se produire avant ou après l’enregistrement
des images du film. On peut jouer sur la scénographie (maquettes,
cache/contre-cache, Dunning, travelling matte, projection par transparence,
vitres peintes, etc.), ou sur les paramètres de la prise de vues : déformations
optiques, ralenti ou accéléré, image par image, surimpression, inversion du
sens, filtrage de la lumière. En postproduction, ils peuvent impliquer, avec
la technique argentique, des manipulations au tirage ou au développement
(arrêt sur image, ralentissement, agrandissement, images composites, effet
de trame, fondus, enchaînés, volets, iris), et avec la technique numérique,
tous ces effets et de nombreux autres, à peu près illimités dans leur nature et
leur extension. Pour le son, on peut produire tous les effets résultant de la
reconstitution, de l’enregistrement, du filtrage, de la déformation, de la
postsynchronisation et du mixage.
Les effets spéciaux sont aussi anciens que le cinéma, puisqu’on les trouve
chez Lumière et chez Méliès (la démolition d’un mur filmée à l’envers chez
le premier, le trucage par substitution d’images pour le second). Jusque vers
1915 ils étaient intégrés dans le genre des « films à trucs », soit selon une
logique narrative comme dans Cendrillon (Méliès, 1899), soit selon une
logique spectaculaire, faisant du « truc » le moyen et la fin du spectacle. Le
film d’effets spéciaux est alors considéré comme un des domaines
principaux où se manifeste la spécificité du cinéma. Progressivement, le
développement du cinéma narratif confina l’usage des effets spéciaux à des
genres particuliers tels le burlesque ou le fantastique, tandis que le dessin
animé devenait l’application systématique d’un effet, celui de l’image par
image. Les progrès techniques depuis au moins les années 1980 ont remis à
l’honneur le goût pour ces effets, aujourd’hui extrêmement répandus, y
compris dans des films « réalistes ».
➦ TRUCAGE
  METZ, 1972 ; HAMUS-VALLÉE, 2002

EISENSCHITZ, BERNARD (1944)


Historien, critique Critique et historien du cinéma (et occasionnellement,
acteur dans les films de ses – nombreux – amis, de Rohmer à Iosseliani et
Pierre Léon). Il a écrit dans plusieurs revues, dont les Cahiers du cinéma, et
en a fondé et dirigé une (Cinéma, 2001-2007). Il est l’auteur de
monographies (sur Humphrey Bogart, Nicholas Ray, Fritz Lang) qui sont
considérées comme des travaux de référence sur leurs objets. Plus
largement, à travers ses nombreux articles et ses livres, mais aussi ses
conférences et ses interventions diverses, Eisenschitz a représenté pour
plusieurs générations le modèle du chercheur conjoignant l’érudition et la
précision historiques à la sensibilité critique. Son souci méticuleux de
l’exactitude factuelle, allié à un talent critique singulier, ne s’est pas
manifesté sous la forme d’une « histoire du cinéma » panoramique (travail
qu’il a cependant accompli en révisant celle de Georges Sadoul pour son
édition définitive) – mais a fait de lui une sorte de « conscience historique »
de sa génération.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA, REVUES DE CINÉMA, SADOUL

EISENSTEIN, SERGUEÏ MIKHAÏLOVITCH (1898-1948)


Cinéaste, théoricien Sans doute le plus prolixe des cinéastes-théoriciens,
d’autant qu’il fut durant plus de quinze ans enseignant à l’école
professionnelle de cinéma de Moscou (le VGIK). Eisenstein a accompagné
constamment son activité de réalisation de films d’une activité théorique
importante  ; ses références ont évolué au fil des années, mais il demeure
fidèle à des problèmes et à des notions qui, par-delà les formulations
différentes, permettent de parler chez lui d’un véritable système théorique,
autour de trois questions principales :
1°, des concepts relatifs au matériau filmique : le fragment, conduisant à
développer une conception du montage qui ne repose pas sur le primat du
narratif, mais sur la recherche d’effets de sens plus ou moins complexes
(théorie du « montage harmonique ») ; le monologue intérieur, tel qu’il est
étudié par la psychologie cognitive, et tel que la littérature d’avant-garde
(Joyce) le symbolise –  et qui conduit à l’intuition du «  montage
intellectuel » ; enfin le contrepoint orchestral du son et de l’image, base du
montage « vertical ».
2°, des principes sémantiques et formels  : la notion de conflit,
directement issue de la dialectique hégélienne et marxiste, et suggérant
l’idée que, de deux éléments (deux plans, par exemple) peut surgir un
troisième (une idée)  ; un intérêt passager, et assez daté, pour la pensée
«  prélogique  », dans laquelle au milieu des années 1930 Eisenstein pensa
trouver un modèle possible pour un discours filmique affranchi de la
logique causale et narrative  ; enfin, la notion d’obraznost’, ou production
d’images conceptuelles au sein des images figuratives et avec elles.
3°, une réflexion sur la visée spectatorielle, commençant avec la notion
d’attraction, se développant autour d’un thème d’époque, celui du
pathétique, dans les années 1930, et débouchant peu après sur l’idée que la
forme filmique doit avoir une nature «  extatique  », seule à même de lui
permettre de provoquer chez son spectateur une adhésion émotionnelle
forte.

➦  ATTRACTION, BALÁZS, BAZIN, CINÉMA, CINÉMATISME, CONTREPOINT


ORCHESTRAL, HARMONIQUE (MONTAGE), METZ, MONTAGE, OBRAZNOST’,
ORGANIQUE, PATHÉTIQUE

  AUMONT, 1979 ; BORDWELL, 1993 ; SOMAINI, 2011

ELLIPSE
Technique, narratologie La narratologie du cinéma a repris telle quelle
cette notion de la théorie de la littérature. On parle d’ellipse chaque fois
qu’un récit omet certains événements appartenant à l’histoire racontée,
«  sautant  » d’un événement à un autre en exigeant du destinataire qu’il
comble mentalement l’écart entre les deux.
Burch (1969) a proposé de distinguer entre les ellipses courtes et
mesurables et les ellipses indéfinies, la première jouant par rapport à une
continuité spatiale locale virtuelle, la seconde étant «  au niveau du
scénario  » et s’accompagnant souvent d’indications supplémentaires, dont
la forme la plus brute fut donnée, à l’époque muette, par des cartons du type
« Quinze jours plus tard » (Buñuel et Dalí s’en sont moqués dans Un chien
andalou et dans L’Âge d’or).
Il en existe beaucoup d’autres formes, certaines très subtiles, et certains
styles cinématographiques sont partiellement définis par leur traitement de
l’ellipse : le film noir américain des années 1940 la pratique pour maintenir
le spectateur dans l’expectative et dans l’ignorance, tandis que le film
«  littéraire  » des années 1960 (Robbe-Grillet, aussi bien parfois Godard)
joue sans cesse de façon ironique, distanciée, de l’impossibilité
fondamentale qu’il y a à vraiment combler une ellipse, dès que le
programme narratif s’écarte des conventions les plus communes.

➦ RÉCIT, SAUTE
  BORDWELL, 1984 ; BURCH, 1969 ; NACACHE, 2001

ÉMOTION
Psychologie Étymologiquement, « ce qui met hors de soi » : un état affectif
qui transforme, pour un moment, notre relation au monde. De manière
générale, c’est un terme à la valeur ambiguë  : tantôt valorisé, contre une
appréhension purement intellectuelle, tantôt au contraire dévalorisé, comme
excès de sentiment.
Dans la philosophie classique (au moins jusqu’à Descartes et Kant),
l’émotion n’est définie que négativement, comme privation de l’acte du
langage et/ou de la pensée ; encore chez Darwin ou William James, au XIXe,
elle est vue comme une réaction plus ou moins maladive. C’est à travers
une critique de ces positions que Bergson (1889) y reconnaît des « données
immédiates  » qui peuvent troubler notre conscience par leur intensité  ; à
partir de là s’opère un renversement des valeurs qui aboutit à la situation
que nous connaissons aujourd’hui  : l’émotion est une relation simple,
profonde et active à la réalité, l’intellect est compliqué et potentiellement en
défaut. Deleuze, dans ses commentaires de Nietzsche et de Spinoza, a
développé cette thèse, en la tirant vers la notion d’affect. Par ailleurs, chez
Freud, l’émotion se distingue du sentiment ou de la passion en ce qu’elle est
plus proche des processus primaires, ces deux derniers correspondant à des
secondarisations de l’affect.
Chez le spectateur de film, on peut relever deux grands types d’émotion :
–  des émotions fortes, liées à la survie, et entraînant des
comportements d’alerte et de régression dans la conscience
magique : peur, surprise, allégresse corporelle. Il y a dans ces cas,
blocage émotionnel puisque le spectateur ne peut pas vraiment
réagir. Il ne peut que répéter compulsivement l’expérience, en
allant voir un nouveau film du même type, mais il sera de toute
manière moins surpris ;
– des émotions davantage liées à la reproduction et à la vie sociale :
tristesse, affection, désir, rejet. Le film joue alors essentiellement
sur les registres de l’identification et de l’expressivité. Ces
émotions-là se heurtent à trois obstacles : le codage excessif ou le
stéréotype, cependant nécessaire si le film veut rester
compréhensible ; l’inhibition de la communication et de l’action ;
enfin, le sentiment d’avoir vécu un cycle émotionnel incomplet
ou faussement complet.
Cette question importante n’a été étudiée que par peu de chercheurs, et
dans des perspectives très différentes. Vanoye (1989) a proposé de
distinguer une approche positive de l’émotion, régulatrice du passage à
l’action, et des approches plutôt négatives, qui considèrent l’émotion
comme le signe d’un dysfonctionnement corrélé à une baisse des
performances, ou comme une régression momentanée. Cette dernière est
dominante dans les études sur l’image spectaculaire, produite à destination
d’un spectateur collectif, sans culture particulière  : du spectacle de foire
jusqu’à la télévision, un même mépris théorique entoure les émotions mises
en jeu, au prix d’une confusion entre émotion et sensation. Des films
comme Freaks (Browning) ou Elephant Man (Lynch) se situent
délibérément dans cet héritage forain et entendent susciter des émotions
fortes chez le spectateur.
Bellour (2009) propose une approche différente, en s’appuyant sur les
thèses du psychologue Daniel Stern sur Le monde interpersonnel du
nourrisson. L’effort théorique de Bellour consiste moins à donner une
théorie définitive de l’émotion filmique qu’à expérimenter certaines
modalités de ses manifestations, en distinguant «  entre les émotions
textuelles ou de système, les émotions symboliques et les émotions de
dispositif – ces termes visant des niveaux d’effectuation et de sens qui bien
souvent, dans la réalité du film plus ou moins se confondent, et dépendent
aussi de l’angle d’approche adopté ».
De manière générale, on peut penser que les images provoquent des
processus émotionnels incomplets, puisqu’il n’y a, ni passage de l’émotion
à l’action (en dehors des larmes ou du fou rire incontrôlé), ni véritable
communication entre image et image. Surtout, l’émotion produite par les
œuvres d’image en mouvement est largement dépendante de leur ancrage
social  ; ainsi Didi-Huberman (2016) analyse-t-il les scènes de déploration
dans les films muets d’Eisenstein comme des passages potentiels des larmes
aux armes, mais parce qu’ils sont produits en situation révolutionnaire. La
valeur émotionnelle des images en tant que telles et indépendamment de
leur statut narratif reste peu étudiée, depuis les tentatives anciennes
d’Epstein ou d’Eisenstein (théorie de l’extase).

➦ EXTASE, IDENTIFICATION, MÉLODRAME, PSYCHOLOGIE, SUBLIME


  SCHEFER, 1981, 1999 ; BELLOUR, 2009 ; DIDI-HUBERMAN, 2016

ÉNONCIATION
Linguistique Acte de production d’un énoncé, ensemble d’opérations qui
donne corps à un objet linguistique. La théorie de l’énonciation étudie l’acte
par lequel un locuteur s’empare des possibilités d’une langue pour réaliser
un discours, la transformation de virtualités offertes par la langue en une
manifestation concrète. Mais l’idée d’énonciation en sémiologie verbale
repose sur le fait qu’un texte est toujours le texte de quelqu’un pour
quelqu’un, à un moment et un lieu donnés, tandis que ces caractères sont
loin d’être évidents pour l’énonciation filmique.
La notion sert à mettre l’accent sur trois moments de la production du
texte filmique : le moment de sa constitution, celui de sa destination, et son
caractère auto-référentiel. D’où l’importance, pour le film, de la notion de
point de vue. S’intéresser à l’énonciation filmique, c’est s’intéresser au
moment où on a cadré une image et au moment où le spectateur perçoit ce
cadre. L’énonciation filmique est «  impersonnelle » (Metz, 1991)  ; elle se
manifeste par toute une série de procédés autoréflexifs : adresses directes au
spectateur, regard vers la caméra, commentaire prononcé par un personnage
dans le champ ou par un observateur invisible, exhibition du dispositif par
la présence de la caméra ou des micros dans le champ, citations d’autres
films, etc., et, bien entendu, les inscriptions avec des informations
supplémentaires, les titres de début et de fin. « Dans tous ces procédés, le
film se replie sur lui-même, met en lumière les instances qui l’organisent et
fait de sa présentation un élément de comparaison » (Metz).
Parce que la présence de marques d’énonciation dans l’énoncé va contre
une forte adhésion à la fiction, certains théoriciens ont opposé le film
narratif classique, qui s’efforce d’effacer les traces de l’énonciation, au
cinéma moderne, dysnarratif ou expérimental qui, au contraire, tend à
exhiber le dispositif énonciatif.

➦ DÉICTIQUE, DISCOURS, FICTION, TRANSPARENCE


  DAYAN, 1983 ; SIMON & VERNET, 1983 ; CASETTI, 1986 ; METZ, 1991

ENTRE-IMAGES
Théorie Néologisme proposé par Bellour (1990, 1999) pour désigner la
relation entre toutes les images photographiques, fixes ou mouvantes –  et
plus spécialement la relation entre les images cinématographiques et celles
de la vidéo et de la photographie.

➦ INTERTEXTE, MIGRATION

ÉPIQUE, ÉPOPÉE
Genre, rhétorique L’épopée est le genre littéraire qui consiste à raconter
(par opposition au drame et au lyrisme). Le poème héroïque, qui en est la
première manifestation, est donc l’ancêtre du roman.
Après l’advenue de ce dernier sous sa forme moderne (aux XVIIIe et
surtout XIXe siècles), on a conservé du mot sa connotation : l’épopée exalte,
par un récit symbolique, un grand sentiment collectif (religieux ou
politique). Elle choisit donc souvent un héros plus ou moins légendaire, qui
incarne un idéal ou accomplit une action remarquable. Le style de l’épopée
est descriptif, mais généralement simplificateur et emphatique ; les actions
y gagnent une puissance émotive, fondée sur le merveilleux du contenu et
l’usage abondant de figures rhétoriques. En cinéma, l’épopée pure est rare,
et coïncide le plus souvent avec des projets patriotiques (Naissance d’une
nation, de Griffith, Alexandre Nevski, d’Eisenstein).

➦ ACTION, DRAME
  FUZELLIER, 1964 ; DE LA BRETÈQUE, 2015

ÉPOUVANTE
Genre Selon Ernst Bloch (Le Principe espérance), l’épouvante est ce degré
des « affects négatifs » dans lesquels l’objet, soudainement et entièrement
surgi, ne laisse aucune place à l’indétermination ni au rêve. Dans l’ordre du
spectaculaire, l’épouvante est un genre ancien  ; on peut lui rattacher
certains des effets recherchés, vers 1790, dans les « fantasmagories » de la
lanterne magique de Robertson. Mais c’est dans le cinéma que ce genre a
trouvé à s’épanouir comme tel – conséquence logique du fort effet de réalité
qui caractérise le film (citons seulement le sous-genre du film «  de
vampires  »). Il s’est déployé au sein de nombreux sous-genres du cinéma
contemporain (film de terreur, gore, slasher, etc.)

➦ EFFET DE RÉALITÉ, ÉMOTION, FANTASTIQUE, GORE


  EISNER, 1952 ; PRAWER, 1980 ; LEUTRAT & BOUVIER, 1981 ; LEUTRAT, 1995

EPSTEIN, JEAN (1897-1953)


Cinéaste, théoricien, essayiste Cinéaste, l’un des plus actifs de l’École
« impressionniste » française des années 1920, Epstein fut aussi un critique,
poète et théoricien fécond. Auteur de nombreux articles et de quelques brefs
essais dans les années 1920, ce n’est que dans les années 1930 et surtout
après la guerre –  alors qu’il était par force éloigné de la production de
films – qu’il donna ses grandes synthèses théoriques.
Epstein partit d’un concept, la photogénie, qui était de l’ordre de
l’ineffable ou de l’inanalysable, et qui était au fond la qualité propre,
mystérieuse, du cinéma : la transfiguration de la réalité. À la fin de sa vie, il
théorisa le cinéma comme « machine intelligente » (sensible), voire comme
machine «  animiste  »  ; corrélativement, l’intelligence est conçue par lui
comme une machine, dont des machines peuvent donner l’approximation.
Le travail du cinéma sur le temps n’a donc rien à voir avec une simple
indicialité : le cinéma suggère un monde autre que le monde phénoménal, et
même que le monde réel (ou alors, il suggère que le monde réel n’est pas ce
que nous croyons), parce qu’il déconnecte l’espace de son temps-support.
Entre ces deux périodes de sa pensée, Epstein développe une réflexion
sur le temps en général, à partir de l’existence du cinéma. Le cinéma permet
de dire la vérité sur le temps, parce qu’il traite ensemble les quatre
dimensions. Ainsi, non seulement le cinéma produit du temps (il a ses
propres procédures temporelles  : ralenti et accéléré, inversion), mais il
repense le temps  : en en faisant la première des quatre dimensions de
l’univers physique, en le ramenant au pour-moi (il n’y a pas d’en-soi du
temps), «  par conséquent  » en posant que si mon aperception change, le
temps (donc l’espace) va changer réellement.
Cette réflexion prend parfois des allures un peu fantastiques, mais elle
n’est, au fond, qu’une prise au sérieux de ce fait anthropologique, que le
temps – non seulement les instruments qui le mesurent, mais le temps lui-
même comme notion – est une invention et un outil humains.

➦ PHOTOGÉNIE, TEMPS
  COHEN, 1979 ; AUMONT, 1998 ; HAMERY & THOUVENEL, 2016

ESPACE
Psychologie, esthétique L’histoire du mot, en français, lui a fait désigner
d’abord une durée, un « espace de temps », puis un intervalle spatial, mais
dans une seule direction  ; ce n’est qu’au milieu du XVIIe  siècle, chez
Descartes notamment, qu’il prend son sens moderne.
D’un point de vue empirique, l’espace est appréhendé d’abord par notre
corps qui s’y déplace, et par le sens du toucher (les aveugles ont un sens de
l’espace comparable à celui des voyants). Bien entendu, la perception
visuelle joue aussi un rôle dans cette aperception ; toutefois, la plupart des
théories insistent sur le fait que la vue ne peut jamais apprécier l’espace
qu’indirectement, en référence à des déplacements virtuels du corps.
Par conséquent, les images, qui n’offrent qu’un équivalent visuel de leur
référent, ne peuvent représenter l’espace qu’imparfaitement et
incomplètement. Le problème a le plus souvent été perçu comme celui du
passage d’un univers tridimensionnel à une surface (deux dimensions
seulement), et l’effort des peintres et des théoriciens de la peinture a surtout
consisté à affronter la représentation de la profondeur.
La notion d’espace filmique sera donc différemment définie selon qu’on
envisage :
– le plan : l’espace du champ est comparable à un espace pictural ;
–  la scène  : l’espace de la scène est un espace homogène, et la
question est celle de sa cohérence au fil des différents plans qui
composent la scène (ou, c’est à peu près la même chose, celle de
la perception de cet espace, de sa mémorisation et de sa
reconstruction mentale par le spectateur) ;
–  la séquence et d’autres formes plus complexes de montage  :
l’espace y est plus abstrait, et les définitions d’un «  espace
filmique  » qui ont été tentées (Francastel) mêlent des
considérations perceptives et psychologiques. Il devient ici
indispensable de tenir compte du récit, l’espace étant entre autres
défini par les événements qui y prennent place. C’est le sens de la
notion d’espace narratif chez Heath (1976), qui se retrouve chez
Gardies, opposant l’espace diégétique et l’espace représenté, et
proposant une topographie et une fonction actantielle de l’espace
en relation avec le spectateur et ses savoirs.
Les études filmiques de l’espace s’inspirent aussi du concept dans un
sens plus symbolique, en référence aux analyses de Mircea Eliade et Gaston
Bachelard (sa « poétique de l’espace »). Ainsi Agel oppose l’espace dilaté
et l’espace contracté où «  contraction et dilatation à l’écran sont
essentiellement liés au volume d’air lumineux ». L’un est apollinien, centré
et replié sur lui-même, l’autre dionysiaque et offre un récit déployé en
éventail. L’espace ici permet de proposer une stylistique des films que
prolonge par exemple Curot à propos de Renoir.
Plus récemment, Gaudin (2015) propose une cartographie du champ
théorique abordant l’espace  au cinéma  : les approches scénographiques et
narratologiques, géo-poétiques, historiques et modernistes, plasticiennes,
etc. Il s’appuie sur le concept d’« image-espace » développé d’un point de
vue phénoménologique. Son modèle analytique prend en compte les
éléments de composition visuelle, les mouvements de caméra, la durée des
plans et les raccords. L’espace cinématographique est compris comme « une
puissance dynamique de l’image en mouvement, dotée d’un fort impact
sensoriel sur les spectateurs ».

➦  CHAMP, DOUBLE RÉALITÉ, HORS-CHAMP, IMAGE, MONTAGE, PLAN, SCÈNE,


SÉQUENCE, NARRATION

  AGEL, 1978 ; GARDIES, 1993B ; GAUDIN, 2015

ESQUENAZI, JEAN-PIERRE (1950)


Sociologue, historien Chercheur universitaire, qui a d’abord travaillé sur
une approche du spectateur en tant que dépositaire ou « mémoire » du film
(1994) : le film se construit en construisant son spectateur, par une certaine
façon de vivre le temps. Ses références théoriques sont alors essentiellement
les deux livres de Deleuze, Cinéma 1 et 2. Par la suite, il bifurque vers
l’analyse de la relation entre les productions culturelles et leur réception.
Ses premières recherches d’orientation sociologique sont consacrées au
discours d’une chaîne de télévision (TF1, Le pouvoir d’un média) et à des
approches globales de la sociologie des publics des industries de
l’audiovisuel, de la sociologie des œuvres, plus récemment à l’analyse des
séries télévisées. Il inscrit sa démarche dans le cadre conceptuel proposé par
Bourdieu.
C’est toutefois lorsqu’il porte son attention sur une œuvre particulière
que ses observations deviennent de plus en plus originales, notamment
quand il définit ce qu’est pour Alfred Hitchcock, «  l’invention à
Hollywood  » (2001), à travers l’aventure de Vertigo et ses différentes
péripéties scénaristiques. Il en est de même dans l’étude de l’évolution de la
posture d’auteur assumée par Godard au cours des années 1960 (2004),
depuis le succès populaire imprévu d’À bout de souffle jusqu’aux essais
socio-politiques et provocateurs de la fin de la décennie (Made in USA,
Week-end). Cette perspective sociologique partie de l’analyse d’un film,
puis d’une période d’un réalisateur, s’élargit à un genre entier, celui du film
noir (2012), défini comme « genre populaire subversif ». Enfin, Esquenazi
revient à l’inspiration deleuzienne dans ses derniers travaux consacrés à
l’Analyse de films avec Deleuze (2016).

ESTABLISHING SHOT
Technique Dans le système du cinéma classique, une scène comporte
normalement un plan assez large (généralement, un plan d’ensemble), situé
de préférence au début de la scène, et qui permet au spectateur d’avoir
connaissance de l’ensemble de la situation scénique, à laquelle les plans
plus partiels qui composent la scène seront référés mentalement. C’est ce
plan que les opérateurs américains ont baptisé establishing shot –  plan qui
établit, qui démontre, qui a valeur probante (on trouve aussi, parfois, master
shot, plan «  maître  »). Il n’y a pas de traduction française standard de ce
terme, que l’on pourrait rendre par «  plan de situation  » ou «  plan
d’exposition ».

➦ EXPOSITION, PLAN, SCÈNE

ESTHÉTIQUE
Philosophie Inventé (vers 1750) pour désigner une «  science des
sensations », puis une « science du beau », ce terme est, depuis deux bons
siècles, largement confondu avec une réflexion sur l’art et sur l’œuvre d’art
– ses effets psychologiques, sa portée sociale ou son organisation formelle,
l’accent étant mis sur l’un ou l’autre de ces facteurs, ou une combinaison de
certains d’entre eux. Le mot désigne aussi, surtout depuis le XXe siècle, telle
ou telle conception particulière de l’art, de ses effets et de ses conditions ; il
peut alors être utilisé au pluriel.
Il n’existe pas d’esthétique constituée du cinéma, mais des questions de
nature esthétique ont souvent été discutées à son propos, notamment autour
des problèmes suivants :
1. Le cinéma parmi les arts : le cinéma n’ayant pas d’abord été accepté
comme art (mais comme technique ou comme distraction), sa spécificité
artistique a souvent été soulignée. En particulier, on l’a pour cela confronté
et comparé à des arts reconnus  : la musique (Gance), la peinture (Bazin,
Aumont, Bonitzer, Vancheri), le théâtre (Pagnol), à chaque fois en mettant
en valeur une caractéristique particulière du cinéma : le rythme, le cadrage,
la parole, la scénicité, etc.
2. La spécificité du filmique : elle tient à quelques traits fondamentaux,
souvent étudiés de points de vue très différents  : le mouvement
(Münsterberg, Deleuze), la mobilité du point de vue (Souriau, Metz, Jost),
la séquentialité et le montage (Eisenstein).
3. La possibilité d’une poétique du cinéma –  c’est-à-dire d’une
conception générale de la nature du cinéma, de la création filmique, du
rapport du filmique au monde afilmique ou profilmique, etc. Sur ce point,
on observe une grande opposition entre des poétiques réalistes  : le film
comme transparence (Kracauer), la « langue écrite de la réalité » (Pasolini),
le «  ciné-œil  » (Vertov) –  et des poétiques formalistes  : le «  cinéma-
langage  » (Eisenstein), la photogénie (Epstein), le film comme grande
forme (Burch), etc.
4. La possibilité d’un art de masse, contraint par l’industrie et la
technique (Panofsky).

➦ ART, POÉTIQUE, SPÉCIFICITÉ, THÉORIES DU CINÉMA


  LOTMAN, 1973 ; NOGUEZ, 1979 ; ROHMER, 2010 ; DUFOUR, 2015

EXPÉRIMENTAL
Institution, économie En bonne logique, on devrait désigner ainsi tout film
qui expérimente, qui fait une expérience dans un domaine quelconque  :
narratif, figuratif, sonore, visuel, etc. C’est en ce sens que l’entend Mitry
(1974), pour qui l’histoire du cinéma expérimental est avant tout celle des
grands mouvements artistiques du cinéma européen muet.
Toutefois cette expression, en vigueur des années 1960 aux années 1990,
a désigné à peu près exclusivement un type de films qui réponde à tout ou
partie des critères suivants (Noguez, 1979) :
– ils ne sont pas réalisés dans le système industriel ;
–  ils ne sont pas distribués dans les circuits commerciaux (mais
éventuellement dans d’autres circuits) ;
– ils ne visent pas la distraction, ni nécessairement la rentabilité ;
– ils sont majoritairement non narratifs ;
– ils travaillent à questionner, à déconstruire, ou carrément évitent,
la figuration.
Ce terme s’est imposé, malgré son inadaptation de principe (les films
qu’il désigne se voulaient le plus souvent des œuvres d’art, non des
expérimentations), au détriment de plusieurs dénominations antérieures  :
cinéma pur, cinéma intégral, cinéma absolu, cinéma abstrait, marginal, film
maudit, film-poème, avant-garde, etc. Seules deux désignations ont
continué d’être utilisées, en concurrence avec «  cinéma expérimental  »  :
cinéma indépendant (où l’accent est mis sur la marginalité économique) et
underground (=  cinéma «  souterrain  »), qui ne s’applique toutefois qu’à
l’école new-yorkaise des années 1960.
Tous ces termes sont aujourd’hui également datés, et ne sont plus guère
utilisés. La raison principale en est sans doute la multiplication – aidée par
le progrès technique et l’apparition du numérique  – des œuvres d’image
mouvante réalisées hors de toute institution cinématographique, même
marginale  ; en particulier, les artistes qui font de telles œuvres sont
aujourd’hui clairement identifiés comme appartenant au milieu de l’art (ce
qui n’était pas le cas de l’underground, par exemple). Le terme
«  expérimental  » est le seul qui survit, comme en témoigne la
programmation régulière que lui consacrent la Cinémathèque française et
les catalogues qui l’accompagnent.

➦ BRAKHAGE, DULAC, FRAMPTON, MODES DE REPRÉSENTATION


    FRAMPTON, 1962-1984  ; EYZIKMAN, 1976  ; NOGUEZ, 1979, 1985  ; BRENEZ
& LEBRAT, 2001

EXPOSITION
Institution L’exposition est une invention du XIXe  siècle, qui concerna, à
l’origine, d’une part les œuvres des arts plastiques (peinture et sculpture),
d’autre part des aspects du monde contemporain (voir les «  expositions
universelles », jusqu’à celle de Dubaï prévue en 2020). Le cinéma n’est a
priori pas fait pour être exposé, mais depuis les années 1980 il a été pris
dans le grand mouvement d’amplification et de diversification des sujets
d’exposition des musées (en même temps que l’architecture et le design,
puis plus récemment, la danse et la littérature).
«  Exposer  » le cinéma, si l’on pense au modèle de la peinture, cela
signifie principalement le montrer, donc le projeter sur un écran. Ce n’est
pas ce que font les musées, pour lesquels l’exposition de cinéma rassemble
plutôt des documents non filmiques  : scénarios, découpages, storyboards,
photos de tournage ou de repérage, documents personnels de cinéastes,
voire des objets et accessoires ; une telle exposition peut aussi inclure des
comparaisons de films avec d’autres films ou avec d’autres œuvres
plastiques. L’exposition Hitchcock et l’art (2001) comportait ainsi toute une
salle présentant des reproductions d’objets jouant un rôle dans certains
films de ce cinéaste, mais aussi de très nombreuses peintures symbolistes, la
thèse des commissaires étant que Hitchcock était un artiste symboliste.
L’exposition monographique (consacrée à un auteur) est devenue courante,
et suit plus ou moins toujours le même modèle, mais on voit également des
expositions consacrées à des mouvements, des sociétés de production
(Gaumont, Paris, 2015) ou des propositions plus générales.

➦ MUSÉE, PEINTURE
  PAÏNI & COGEVAL, 2000 ; PAÏNI, 2002

EXPRESSION
Sémiologie, psychologie Ce terme de sémiotique et d’esthétique n’est pas
propre à la critique ni à la théorie du cinéma. Il est utilisé à propos d’une
production signifiante, quel qu’en soit le médium, pour indiquer que celle-
ci possède une qualité particulière, qu’elle « fait sortir » quelque chose – un
sens ou une valeur d’affect ou d’émotion. Au cours de l’histoire de la
théorie de l’art, on a considéré successivement qu’une œuvre était
expressive :
– si elle révèle le sens de la réalité (conception classique) ;
–  si elle traduit la subjectivité de l’artiste qui l’a produite
(conception romantique) ;
–  si elle induit un état émotionnel fort chez son destinataire
(conception moderne).
Ces trois conceptions, et la notion d’expression ou expressivité en
général, ont été soumises à une critique serrée (Derrida), parce qu’elles
donneraient un modèle de la construction du sens et des affects qui
privilégie par trop la production d’un signifié, et néglige les effets propres
du travail formel ou signifiant. Ces critiques, reprises par la critique
d’inspiration structuralo-marxiste (Cahiers du cinéma, Cinéthique autour de
1970), ont été renforcées par des critiques plus pragmatiques (inspirées
plutôt de la philosophie analytique).
Pour Gombrich (Expression et expressivité dans l’art occidental),
l’expressivité :
– est un travail situé au plan formel (en non au plan des contenus de
l’œuvre) ;
– implique le marquage, parfois violent, de certains traits formels ;
–  a des composantes naturelles (par exemple, valeur émotionnelle
plus ou moins universelle de certaines couleurs, de certaines
formes) ;
– mais n’est définie pleinement qu’au sein d’un contexte historique
et culturel, à partir d’un répertoire de formes, ou carrément d’une
norme formelle.
Des éléments potentiellement expressifs auront ainsi un degré
d’expressivité différent à différentes époques (et cette expressivité, pour une
œuvre donnée, variera avec le temps et les publics successifs). Cette
position a été reprise, avec quelques adaptations, dans la conception « néo-
formaliste » d’une poétique historique.

➦ DÉCONSTRUCTION, EXPRESSIONNISME, NÉOFORMALISME, SIGNIFIANT

EXPRESSIONNISME
École, esthétique, histoire Le terme « expressionnisme » a été forgé par le
critique et historien d’art W. Worringer (1911), pour qualifier un ensemble
d’œuvres picturales, notamment des Fauves (Derain, Dufy, Braque,
Marquet), exposées à Berlin, et pour les opposer à l’Impressionnisme. Le
mot eut du succès, et se vit ensuite appliquer, avec des significations
extrêmement variables, à la poésie (avant 1914), au théâtre (après la
guerre), à l’architecture, enfin au cinéma.
Le courant expressionniste au sens strict ne regroupe que très peu des
films allemands muets. Il doit sans doute son importance dans les histoires
du cinéma au choc que provoqua Le Cabinet du docteur Caligari (1919),
dans lequel trois peintres cherchèrent consciemment à créer des décors
expressionnistes. Les diverses définitions que l’on a données de
l’expressionnisme cinématographique, qui s’inspirent des définitions
picturale et théâtrale, sont généralement assez arbitraires, mais elles
reviennent toutes sur quelques éléments  : le traitement de l’image comme
«  gravure  » (fort contraste noir et blanc)  ; les décors très graphiques, où
prédominent les obliques  ; le jeu «  de biais  » des acteurs  ; la prédilection
pour des histoires étranges et inquiétantes.
Malgré l’imprécision de sa définition, le cinéma expressionniste est
toujours apparu comme cultivant les images fortes, violentes, expressives.
Le livre de Lotte Eisner (1952), pourtant prudent, amena en France une
caractérisation abusive de tout le cinéma allemand muet comme
expressionniste. On alla ensuite bien plus loin, et il y a eu des critiques pour
déclarer expressionnistes le film noir hollywoodien des années 1940 (à
cause des éclairages low key), ou des styles individuels comme ceux de
Welles, Eisenstein, voire Fellini ou Bergman. Inversement, chez les
défenseurs du classicisme, l’Expressionnisme devint une catégorie fourre-
tout, où l’on rangea tout ce qui faisait une grande place à l’expressivité de
l’image (Mourlet). Au total, le mot est plus évocateur que rigoureux, et son
usage critique est souvent une facilité de plume qui dispense de l’analyse
précise.

➦ AVANT-GARDE, EXPRESSION, IMPRESSIONNISME, STYLE


    KURTZ, 1926  ; KRACAUER, 1948  ; EISNER, 1952  ; HENRY, 1971  ; LEUTRAT &
BOUVIER, 1981 ; AUMONT & BENOLIEL, 2008

EXTASE
Esthétique, dramaturgie Ce concept d’origine philosophique et religieuse
a été utilisé par Eisenstein pour désigner et caractériser la relation
émotionnelle et affective du film à son spectateur. L’extase est la mise en
éveil de l’activité émotionnelle (et aussi intellectuelle) du spectateur, à son
plus haut degré. Elle n’est donc pas à confondre avec l’idée d’une
contemplation ou d’un ravissement, mais représente un processus, à la fois
psychologique et sémiotique, par lequel le spectateur adhère à l’œuvre, la
comprend et l’éprouve de l’intérieur –  à condition, bien entendu, que
l’œuvre ait été produite pour provoquer cette réaction. Cela implique,
notamment, d’importantes conséquences quant à la forme filmique  ; la
théorie de l’extase, chez son inventeur et promoteur, est entièrement
corrélative d’une théorie du montage (le montage « vertical », celui qui se
fonde sur le calcul de toutes les dimensions sensorielles et formelles à la
fois).
L’extase a parfois été surtout appréciée, par la critique d’inspiration
lyotardienne en particulier, pour son caractère d’excès  : elle serait ce qui
déborde le logos, ce qui fait du film un « festival d’affects » (Barthes) et le
tire vers la figuralité – associée par Lyotard aux pulsions et autres processus
« primaires » au sens de Freud. Le concept proposé par Eisenstein n’interdit
pas cette extension, mais le cinéaste l’a toujours compris, pour sa part, dans
le sens de la plus grande maîtrise.

➦ FIGURAL, LYOTARD, VERTICAL (MONTAGE)


  EISENSTEIN, 1945-1947, 1980 ; LYOTARD, 1973 ; EYZIKMAN, 1976
F
FABLE
Narratologie Le mot fable désigne un récit allégorique dont on tire une
moralité. Il a ensuite désigné l’intrigue inventée d’une œuvre littéraire. Les
Formalistes russes ont donné un sens particulier à ce terme : la fable est la
suite des événements représentés tels qu’ils se seraient déroulés dans la vie ;
le terme s’oppose à « sujet », qui renvoie à l’agencement particulier de ces
événements par l’auteur. La fable est un matériau pour la formation du sujet
(Tomachevski, 1927). «  Fable  » s’oppose aussi à «  intrigue  », qui est la
description des événements, matière destinée à prendre la forme d’une fable
(Chklovski)  ; à «  matériau  » et «  style  » (Tynianov)  ; à «  photogénie  »
(Eichenbaum). Le terme a été repris tel quel par l’école néo-formaliste de
Bordwell et al.
L’opposition entre fable et sujet est – à certaines nuances près – analogue
à l’opposition entre «  plan du contenu  » et «  plan de l’expression  » en
linguistique, ainsi qu’à l’opposition, en narratologie, entre «  fiction  » et
« narration » (Ricardou) ou entre « histoire » et « récit » (Genette). Il s’agit
toujours d’opposer la suite chronologique des événements fictionnels et le
récit mis en forme dans un texte, littéraire ou cinématographique.

➦ CONTENU, FORMALISME, NARRATOLOGIE, RÉCIT


  BORDWELL, 1985 ; ALBERA, 1996

FACTEURS DE DIFFÉRENCIATION
Psychologie, esthétique Éléments qui différencient la perception de
l’image de film et celle de la réalité afilmique. Par exemple  : l’image est
cadrée, la réalité ne l’est pas  ; le film comporte des transitions brusques
d’une image à l’autre (montage) ; le mouvement filmique peut être modifié
(ralenti ou accéléré) ; des images peuvent se superposer, créant un monde
impossible ; etc.
Pour Arnheim (1932) et ses disciples –  opposés à toute esthétique
réaliste –, ces facteurs sont ceux que le cinéma doit travailler et développer
afin de devenir un art original. Ce concept se rattache donc, en dernière
analyse, à une esthétique d’inspiration formaliste. (Noter que, logiquement,
Arnheim fut opposé au cinéma parlant, préférant la «  différenciation  »
produite par le fait que le son ne fût pas reproduit.)

➦ ESTHÉTIQUE, FORMALISME
  ARNHEIM, 1932 ; STEPHENSON & DEBRIX, 1945

FANTASME
Psychanalyse Ce terme, de même origine que «  fantôme  » (grec
phantasma  : apparition visuelle), est entré dans la langue à partir des
traductions de l’œuvre de Freud (où il rend l’allemand Phantasie). En
psychanalyse, il désigne un scénario imaginaire où le sujet est présent et qui
figure, plus ou moins déformé par les mécanismes défensifs de la censure,
l’accomplissement d’un désir.
On a souvent comparé (voire assimilé) la fiction filmique au fantasme.
Malgré les évidentes différences (le film est une production largement
consciente et collective, le fantasme est davantage du côté de l’inconscient),
l’un et l’autre sont organisés pour raconter des histoires relativement
cohérentes, avec enchaînements d’actions, de personnages, de lieux et de
moments. Pour Metz (1975), le fantasme conscient (ou rêverie diurne) est le
régime psychique le plus proche de l’état filmique. En effet, selon lui, l’état
filmique et le fantasme conscient supposent un même degré de vigilance,
intermédiaire entre vigilance minimale, celle du sommeil et du rêve, et
vigilance maximale, celle qui gouverne les pratiques de la vie réelle.
Cependant le film offre au spectateur des images et des sons matérialisés
sur un écran, alors que dans le cas de la rêverie et du fantasme, la
représentation reste mentale. Le spectateur reçoit de l’extérieur des images
habituellement intérieures, inscrites dans un lieu physique, l’écran. La
convenance profonde entre les images filmiques et le fantasme du
spectateur n’est donc jamais garantie ; d’où certaines formes de « déplaisir
filmique  ». Tous ces traits opposent la perception filmique à la perception
onirique proprement dite, fondée sur le sommeil, la perte de vigilance et
l’hallucination complète du flux des images.
Le fantasme, surtout dans sa variante sado-masochiste, a donné lieu à une
filmographie de plus en plus importante depuis Belle de Jour (Buñuel,
1967) ou Maîtresse (Schroeder, 1976) jusqu’à Fantasmes (Jang Sun-woo,
1999) et bien d’autres films  ; mais pour autant, le concept n’a pas
donné  lieu à de nouvelles recherches dans le domaine de la théorie du
cinéma.

➦  DISPOSITIF, FASCINATION, IDENTIFICATION, PSYCHANALYSE, PULSION


SCOPIQUE

  KRACAUER, 1960 ; METZ, 1977 ; LEUTRAT, 1995 ; MARIE, 2009

FANTASTIQUE
Genre De même origine que «  fantasme  », signifie d’abord  : créé par la
fantaisie. Après le Romantisme, le terme désigne « la forme originale que
prend le merveilleux lorsque l’imagination, au lieu de transposer en mythes
une pensée logique, évoque les fantômes rencontrés au cours de ses
vagabondages solitaires » (P. Castex) ; de nombreuses œuvres littéraires et
picturales sont produites sous cette épithète.
Le fantastique se produit dans une œuvre de fiction lorsqu’un événement
inexplicable est rapporté ou représenté, et que le destinataire de l’œuvre
hésite entre deux interprétations : soit l’événement est le fruit d’une illusion
et de l’imagination, et les lois du monde restent inchangées, soit
l’événement a réellement eu lieu, ce qui suppose qu’il s’est produit dans un
monde régi par des lois inconnues. Dans le premier cas, on a affaire à de
l’étrange, dans le second, à du merveilleux, et le fantastique se définit,
précisément, par cette incertitude où il nous laisse, entre l’un et l’autre
(Todorov, 1967).
Peu de films répondent à cette définition en toute rigueur, et même des
films comme La Féline (Tourneur, 1942), Rosemary’s Baby (Polanski,
1968) ou Take Shelter (Nichols, 2011), qui maintiennent l’hésitation du
spectateur longtemps, finissent par trancher, du côté du surnaturel dans tous
les cas. En général, on adopte au cinéma une définition générique, plus
vague ; un « film fantastique » peut d’ailleurs ressortir à la science-fiction, à
la « fantaisie héroïque », au péplum, etc.
Il existe un assez petit nombre de thèmes repris par la plupart des films
« fantastiques », et que les figures précoces de Frankenstein, Dracula, Jekyll
& Hyde condensent efficacement  : mythe prométhéen, mythes des non
morts (et plus largement de la vie par-delà la mort), mythe du double.

➦ ÉPOUVANTE, GORE, RÉALISME


  LEUTRAT, 1995 ; DADOUN, 2000

FANTÔME
Genre Conformément à l’étymologie, le fantôme est une apparition, mais
particulière, car elle est interprétée comme signifiant la présence d’une
personne morte. Le fantôme est devenu un personnage littéraire à la fin du
XVIIIe, avec les premiers romans « gothiques », et il a été souvent repris par
le cinéma. Il se prête excellemment aux effets de surprise et de terreur, et
surtout, sa nature ambiguë (réel/irréel, présent/passé) permet d’imaginer de
nombreuses variations dans la figuration du corps humain  : invisibilité
(Mankiewicz, L’Aventure de madame Muir, 1947), semi-transparence
(Jackson, Fantômes contre fantômes, 1996), monstruosité (SOS Fantômes,
1984-2016), voire parfaite similitude avec l’humain (Mizoguchi, Les
Contes de la lune vague après la pluie, 1953). Inutile de souligner que les
effets spéciaux, puis les facilités du numérique, ont été une grande source
de multiplication de ces créatures dans les films.
Dans son essai sur le cinéma fantastique, Vie des fantômes (1995),
Leutrat aborde le cinéma dans sa relation au temps, avec son caractère
mélancolique et ses pouvoirs. «  Le septième art n’est jamais autant lui-
même que lorsqu’il frôle ce terrain vague, cette étroite lisière peuplée de
créatures portant en elles la contradiction, morts-vivants, cat women ou
docteurs en voie de transformation. »

➦ FANTASME, FANTASTIQUE
  LEUTRAT, 1995 ; SCHEINFEIGEL, 2008
FASCINATION
Psychologie, esthétique Est fascinant ce qui maîtrise par la puissance de
son regard, ce qui immobilise et captive par son éclat, ce qui éblouit par sa
beauté, son ascendant ou son prestige. Par la mimèsis et par des mécanismes
d’identification, l’art peut susciter le désir et l’angoisse, comme il peut
provoquer la fascination. C’est ce dernier terme qui a été proposé comme
concept majeur du manifeste de l’esthétique «  mac mahonienne  » qui la
décrit ainsi  : «  L’absorption de la conscience par le spectacle se nomme
fascination  : impossibilité de s’arracher aux images, mouvement
imperceptible vers l’écran de tout l’être tendu, abolition de soi dans les
merveilles d’un univers où mourir même se situe à l’extrême du désir.
Provoquer cette tension vers l’écran apparaît comme le projet fondamental
du cinéaste  » (Mourlet, 1962). Cette apologie de l’esthétique de la
transparence fut écrite au moment où la critique découvrait les théories
brechtiennes de la distanciation, dans une opposition aussi évidente que
délibérée.
Cette notion a été ensuite discutée et reliée aux mécanismes
d’identification, dans une perspective nettement plus critique.

➦ IDENTIFICATION, MACMAHONISME
  MOURLET, 1965 ; BRENEZ, 1998

FAURE, ÉLIE (1873-1937)


Historien de l’art D’abord médecin, Faure avait été élève de Bergson au
lycée et cet enseignement influença les critiques qu’il publia à partir de
1902. Il est considéré comme l’un des fondateurs de la critique d’art en
France. Dans le cadre des universités populaires de la IIIe  République, il
professa un cours d’histoire de l’art qui fut la base de son Histoire de l’art,
publiée à partir de 1909 (L’Art antique) et qui connut un immense succès.
C’est un fragment de cette Histoire, dans une édition en livre de poche, que
Godard fait lire à Belmondo au début de Pierrot le fou : « Velazquez, après
cinquante ans, ne peignait plus jamais une chose définie… Il errait autour
des objets avec l’air et le crépuscule… »
L’œuvre d’Élie Faure est surtout un discours où tout se mêle pour parler
de l’art, «  l’esprit critique est devenu poète universel  », dans un langage
d’analogies et de métaphores qui brise les frontières des siècles et des
cultures. Sa conception de l’histoire de l’art est cyclique et il manie très
souvent la métaphore biologique ou vitaliste, d’ailleurs fréquente à
l’époque. L’œuvre d’art est un organisme qui naît, s’adapte, se transforme,
mais ne meurt pas. L’histoire de l’art est corrélativement conçue comme
une série de cycles, et notamment, une alternance entre œuvres collectives
et périodes d’individualisme. Pour Faure, l’art est parvenu au comble de
l’individualisme, au XIXe, avec le triomphe de la peinture de chevalet  ;
l’apparition du cinéma est à ses yeux le retour de la création collective. Élie
Faure pensait que, point de départ d’une nouvelle civilisation collective, la
machine transformerait le monde. Produit du machinisme, le cinéma
s’apprête à être un grand art collectif dans la civilisation en gestation, écrit
l’auteur en 1922. Si Chaplin a une importance décisive à ses yeux, c’est
qu’il démontrait par sa seule présence que pour se manifester, un créateur
authentique pouvait choisir le cinéma pour moyen d’expression.
Les écrits d’Élie Faure directement consacrés au cinéma sont en nombre
assez réduit, mais ils ont eu une influence considérable (notamment
« Charlot » et « De la cinéplastique », 1922, et « Introduction à la mystique
du cinéma  », 1934). C’est surtout à travers son Histoire de l’art qu’il est
aujourd’hui considéré comme l’un des pères de la critique et de l’histoire du
cinéma.

➦ ART, CRITIQUE

FAUX RACCORD
Technique Dans le langage des techniciens, le faux raccord est un raccord
mal réalisé ou mal conçu (insuffisamment continu). Du point de vue
esthétique, il s’agit plutôt d’un changement de plan qui échappe à la logique
de la transparence à l’œuvre dans le raccord.
Rossellini, imité en cela par la Nouvelle Vague, a cultivé ce genre de faux
raccord (voir les promenades dans Naples d’Ingrid Bergman, dans Voyage
en Italie [1953]), mais il avait déjà été produit fréquemment et
délibérément, par exemple, chez Eisenstein ; dans Week-end (1969), Godard
montre deux fois le même événement sous deux points de vue successifs, à
90°, et à deux distances différentes, et il ajoute un carton avec l’inscription
ironique : « Faux raccord ».
Le faux raccord reste cependant un raccord, en ce qu’il assure une
continuité minimale du récit : il n’empêche pas la compréhension correcte
de l’histoire racontée, et n’est «  faux  » qu’au regard d’une «  véracité  »
conventionnelle, celle d’une certaine continuité du visible.
Dans une perspective plus abstraite, Deleuze (1983) a proposé de voir
dans le faux raccord un principe assurant la prééminence du tout sur ses
parties (à l’inverse du raccord « vrai »), et aussi le lieu de « l’Ouvert, qui
échappe aux ensembles et à leurs parties ». Par là, le faux raccord est pour
lui un instant d’actualisation, dans le film, des virtualités ou des
potentialités du hors-cadre.
Cette notion est aujourd’hui très relative, les conventions du montage
s’étant considérablement assouplies, et le montage des films même les plus
banals s’autorisant une assez grande liberté dans le passage de plan à plan.

➦ CONTINU (ET DISCONTINU), MONTAGE, RACCORD, SAUTE


  BORDWELL, 1984

FÉMINISME
Idéologie, théorie Bien qu’il ne manque pas de précurseur(e)s, le
mouvement féministe est historiquement localisé dans les sociétés
occidentales des cinquante dernières années. C’est en tout cas depuis les
années 1970 que s’est développé un ensemble important d’analyses
critiques et théoriques du cinéma dans une perspective féministe.
Les débuts du mouvement féministe dans le cinéma ont été à peu près
exclusivement d’ordre pratique, avec la première génération de
documentaristes féministes aux États-Unis (à partir de 1971), et des
festivals comme celui de Sceaux (1979) qui s’est ensuite déplacé à Créteil.
C’est en terrain anglo-saxon, et en anglais, que ce mouvement a pris forme
théorique, vers 1974-1975. Les premières recherches ont souvent pour
thème «  l’image de la femme dans le cinéma  » (Haskell, 1974  ; Audé,
1981). C’est sur la base d’une critique du sociologisme implicite dans cette
approche que s’est produit le principal déplacement théorique (notamment
dans la revue anglaise Screen) ; analyser des images de la femme a été vu
alors comme d’un intérêt limité, pour deux raisons : 1°, ces images sont peu
variées, dans le cinéma classique en tout cas, et il est peu productif de
dénoncer interminablement les mêmes stéréotypes  ; dans toute société
patriarcale, la notion de «  femme  » est une construction, qui repose
largement sur la nécessité d’être vue (to-be-looked-at-ness, Mulvey), et les
images ne sont que des variantes de ce principe ; 2°, l’image au cinéma est
tellement littérale, elle naturalise tellement ce qu’elle représente (à la
différence de la littérature) qu’il est apparu essentiel d’interroger, non les
images, mais la nature de l’image.
Dans leur questionnement de cette nature d’image, les féministes ont eu
recours aux disciplines développées dans les années 1960 et 1970  :
sémiologie, psychanalyse, « déconstructionnisme ». Elles ont surtout adopté
trois approches :
– l’analyse de textes cinématographiques, lus comme symptômes de
la répression de la femme par l’idéologie (ou la culture)
patriarcale ;
–  l’analyse, plus frontalement théorique et plus positive, du regard
de la femme, de sa place dans la représentation et dans la vision ;
– plus radicalement, la déconstruction de la notion même d’identité
féminine («  La catégorie “femme” est ce qui ne va pas avec
l’être. La pratique de la femme ne peut qu’être négative, en
opposition à ce qui existe. » Kristeva, 1977 ; voir aussi Irigaray,
1977). Au terme de ce mouvement critico-théorique, on est passé
de la dénonciation de la différence (vue comme moyen de réduire
la femme à son image) à l’exaltation d’une idée plus active de la
différence («  de la différence-oppression à la différence-
libération ») : c’est la femme qui incarne la différence même (« la
force qui maintient tout en procès, refusant la sédimentation dans
les positions fixes du masculin et du féminin » Gledhill, 1978).
À ce point, et au risque de perdre sa spécificité, la théorie féministe a fait
alliance, d’une part avec des «  avant-gardes  » cinématographiques (e.g.
Wollen et Mulvey, Riddles of the Sphinx, 1981), d’autre part avec le
mouvement général de critique du « phallogocentrisme », dans la lignée des
travaux de Michel Foucault. La critique féministe reste très active dans les
pays de langue anglaise, où elle bénéficie de l’ancrage institutionnel des
« Women’s Studies » au sein des universités ; le mouvement théorique, pour
sa part, n’a pas produit d’avancée spectaculaire depuis les travaux pionniers
de 1970-1985, mais de nombreuses études de sujets particuliers se sont
développées tant sur la production hollywoodienne (Modleski, 1988  ;
Williams, 2008 et beaucoup d’autres) que sur celles d’autres pays dont la
France (Burch & Sellier, 1996 ; Sellier, 2005).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, IDÉOLOGIE, PSYCHANALYSE, REGARD


  DE LAURETIS, 1984, 1987 ; DOANE, MELLENCAMP & WILLIAMS, 1984 ; DOANE,
1987 ; MULVEY, 1989 ; BURCH & SELLIER, 1996 ; RADNER & LUCKETT, 1999

FERRO, MARC (1924)


Historien Historien français, spécialiste reconnu de l’histoire de l’URSS et
des deux guerres mondiales. Appartenant à l’école des Annales –  qui
développe une histoire holiste, informée par tous les faits de société et non
seulement les «  grands événements  » –, il attacha une grande importance
aux films, qu’il utilisa très tôt dans ses travaux historiques comme
documents. Mais, à la différence des autres historiens de sa génération, il
comprit qu’un historien ne pouvait pas tirer tout le profit possible d’un film
s’il ne s’interrogeait pas sur la signification dans les images
cinématographiques, du point de vue de l’écriture de l’histoire. Le titre de
son premier livre consacré au cinéma (1974) est de ce point de vue
symptomatique : Analyse de films, analyse de société, une source nouvelle
pour l’histoire. Il le prolongea par trois autres ouvrages (le dernier en
2003), qui synthétisaient son enseignement à l’École des Hautes Études. Il y
interroge notamment la notion de témoignage (à propos des documentaires
et des actualités), mais aussi celle de reconstitution. Il a surtout cherché à
analyser la manière dont, dans des films « historiques », la forme filmique
elle-même incarne la position idéologique du film, et son point de vue sur
l’histoire ; c’est là le plus original de sa démarche, qui a inspiré par la suite
la plupart des historiens qui se sont intéressés au cinéma (Bertin-Maghit, De
Baecque, Lindeperg, Véray et quelques autres).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, HISTOIRE DU CINÉMA

FESTIVAL
Institution Un festival est une manifestation cinématographique organisée
dans le but de présenter à un public déterminé (spécialistes, artistes,
professionnels, journalistes), des œuvres cinématographiques nouvelles
préalablement sélectionnées. Une distribution de récompenses plus ou
moins honorifiques termine en général ces manifestations, souvent
internationales.
Les États ont compris assez vite l’intérêt d’organiser de telles
manifestations afin d’améliorer leur image internationale et de valoriser leur
production nationale. Le premier grand festival international fut la Mostra
Internazionale d’Arte Cinematografica di Venezia créée en mai  1932 dans
le cadre de la Biennale de Venise par le régime mussolinien. Il a survécu à
la guerre et a lieu tous les ans à la fin de l’été. La France eut le projet de
créer un festival en 1939, mais il dut attendre 1947 pour être installé à
Cannes, et organisé depuis cette date dans la première quinzaine de mai.
Depuis les années 1940, le nombre de festivals s’est accru rapidement. La
plupart des pays producteurs ont désormais au moins un grand festival
international (Berlin, Toronto, Sundance, Busan, Hong Kong, Édimbourg,
Karlovy-Vary, Moscou…). De très nombreux festivals de moindre
importance se spécialisent par catégories (festival du court métrage à Tours,
puis Lille, Grenoble, Clermont-Ferrand), par genres (film fantastique
d’Avoriaz), par production nationale (Cinéma américain à Deauville, latino-
américain à Biarritz) – ceci pour ne citer que des festivals français, mais on
en trouve autant en Italie, en Espagne, au Mexique, au Canada et dans bien
d’autres pays.
Les festivals ont depuis l’origine des objectifs difficiles à concilier : les
uns liés à la promotion commerciale, les autres à la légitimité culturelle. On
a pu observer ainsi que jusqu’en 1968, le festival de Cannes privilégiait la
logique commerciale et nationale, les films étant proposés par les États
invités  ; à partir des années 1970, un comité de sélection composé de
critiques a mis au premier plan la fonction culturelle ; toutefois, au fil des
années, la détermination commerciale et de prestige national est largement
revenue, et il ne manque pas de cas de films sélectionnés sur pression de
telle ou telle instance officielle. (Il en va de même dans tous les festivals
« importants ».)
La plupart des festivals constituent une sorte de chambre
d’enregistrement de l’état courant du cinéma, et les films récompensés sont
considérés comme représentatifs de leur époque. Il est arrivé –  assez
rarement – que des festivals cherchent à modifier l’état des choses, comme
ce fut le cas du Festival du film maudit (Biarritz, 1949), qui entendait
s’opposer explicitement à Cannes et qu’on considère souvent comme les
prodromes de la Nouvelle Vague par sa sélection comprenant de nombreux
films d’avant-garde.

➦ CINÉPHILIE, CRITIQUE, INSTITUTION, POLITIQUE ET CINÉMA


  BILLARD, 1997 ; LATIL, 2005

FÉTICHE, FÉTICHISME
Psychanalyse Pour les anthropologues, le fétiche est un objet auquel on
attribue des pouvoirs magiques et bénéfiques. En psychanalyse, il désigne
l’objet du désir sexuel, celui-ci pouvant être un individu, un animal, un
objet matériel (fétiche proprement dit). Le fétichisme est classé dans la
nomenclature des perversions, elles-mêmes constitutives de la personnalité
puisque l’enfant est un pervers polymorphe, et que l’on retrouve le plus
souvent ces perversions à l’âge adulte sous la forme de fantasmes. C’est la
découverte de la différence des sexes par l’enfant qui structure l’identité
sexuelle et le rapport au père et à la mère, permettant à l’enfant de
constituer les idéaux qui ordonneront sa vie sexuelle ultérieure. Pour Freud,
le fétichiste ne refoule pas la découverte de cette différence, il la désavoue,
et c’est ce désaveu qui constitue l’originalité de la position du fétichiste,
amené à se satisfaire par exemple de l’érotisation d’un objet (vêtement,
souvent) aperçu sur le trajet de la découverte rejetée. Ce désaveu est pour
Freud la matrice durable de tous les clivages de croyance ultérieurs.
Metz (1975) a comparé à cette situation celle du spectateur de cinéma,
placé devant un « signifiant imaginaire », les images du film qui renvoient
au réel du tournage, absent mais présent sur l’écran en tant que simulacre.
Pour lui, le dispositif cinématographique fonctionne, comme dans la
structure fétichiste, par le dévoilement du manque et le dédoublement de la
croyance  : «  L’acteur présent sur l’écran n’est pas vraiment là, mais j’y
crois quand même.  » Metz repère cette dénégation de la croyance dans
certaines figures particulières  : la présence d’un personnage crédule, celui
d’un rêveur qui se réveille à la fin du film, ou inversement, la voix off qui
figure comme rempart de l’incroyance et permet par là même d’être un peu
plus dupe de la fiction mise à distance. C’est enfin le jeu de dévoilement
progressif que les mouvements de caméras et la frontière du cadre
autorisent. Le va-et-vient entre cadre et hors-cadre est interprété par Metz
comme une sorte de déshabillage permanent, de strip-tease généralisé qui
déshabille et rhabille à tout instant l’espace de la fiction provoquant à la fois
l’excitation du désir du spectateur et sa rétention. Cette approche de la
structure fétichiste dans les films a été notablement prolongée par les
analyses que Bellour a consacrées à Hitchcock (La Mort aux trousses,
Psychose, Pas de printemps pour Marnie).
Notons que, outre cet aspect «  fétichiste  » attribuable au cinéma en
général, celui-ci a nourri un fétichisme matériel, envers l’outillage du
cinéma  : la technique comme accessoire qui désavoue le manque
perceptible lors de la projection  ; les rouleaux de pellicule, tout ce qui se
rattache au film en tant qu’objet matériel. Jusqu’à un certain point, on peut
considérer la cinéphilie, dans certains états aigus, comme une forme de
fétichisme.

➦ FASCINATION, FANTASME, PSYCHANALYSE, PULSION SCOPIQUE

FEUILLETON
Narratologie, histoire Ce terme fut d’abord utilisé dans le journalisme,
pour désigner un article paraissant régulièrement dans un quotidien, puis un
chapitre d’un roman « à suivre ». Il y eut à la fin du XIXe et au début du XXe
une grande tradition du roman-feuilleton (Eugène Sue, Michel Zevaco,
Maurice Leblanc), issu de ces parutions fragmentées, et qui se caractérise
par son découpage en chapitres dont chacun se termine par un effet destiné
à nourrir l’attente du lecteur jusqu’au suivant. Ce genre littéraire fut imité
par le cinéma muet, avec les serials, depuis ceux d’avant 1914 (Nick Carter
aux États-Unis, Fantômas en France notamment) jusqu’à la fin des années
muettes (Trébuil, 2012). Par la suite, le feuilleton (rendez-vous régulier,
souvent hebdomadaire) a été surtout présent à la radio (entre 1930 et 1960),
puis à la télévision.
Le cinéma en effet, dans sa définition depuis les années 1930, n’offre pas
le bon dispositif pour le feuilleton. Celui-ci consiste à offrir à intervalles
très rapprochés des épisodes successifs d’une longue histoire, avec des
ressorts narratifs repris de la formule littéraire (notamment le « suspens » en
fin d’épisode, destiné à assurer que le spectateur regardera le suivant), ce
qui ne correspond plus au mode de production cinématographique. Ce qui
s’en rapproche le plus en cinéma sont les « sagas » du genre Star Wars ou
les adaptations comme Harry Potter ou Le  Seigneur des anneaux, mais il
s’agit à chaque fois d’un film autonome, présenté longtemps après le
précédent, et qui n’a pas, en particulier, les effets de suspens final de
l’action qu’on trouve dans un épisode de feuilleton.

➦ SÉRIE (TÉLÉVISÉE), TÉLÉFILM


  TRÉBUIL, 2012

FICTION
Narratologie Le terme est tiré d’un verbe latin qui a signifié modeler, puis
feindre. C’est ce dernier sens qu’on retrouve dans l’idée de fiction, définie
aujourd’hui comme «  feintise ludique  » (Schaeffer), c’est-à-dire un récit
inventé, feint, mais qui ne vise pas à tromper son destinataire en se faisant
passer pour vrai  ; celui-ci au contraire est complice, et veut bien prendre
cela comme un jeu. Le modèle majeur de la fiction dans nos sociétés a été
élaboré avec le roman, dans sa conception XIXe  : un récit cohérent et
logique, où les causes des événements sont marquées, et un «  matériel  »
fictionnel (personnages, situations, lieux) pris dans la réalité et plus ou
moins transformé. Le cinéma a, pour l’essentiel, repris ces deux traits
essentiels : le respect du principe causal (pas d’effet sans cause – même et
surtout dans le genre fantastique) et l’utilisation d’éléments réels (plus
«  réels  » dans le film de fiction que dans le roman, puisqu’ils sont
analogiquement représentés).
Le discours fictionnel pose un problème de pragmatique, c’est-à-dire de
rapport entre producteur et récepteur. Ce discours en effet n’est en principe
pas à prendre au sérieux  ; il n’engage pas celui qui le profère comme
l’engagerait un jugement ou une proposition dans la vie réelle. Odin a
désigné sous le nom de «  fictivisation  » le processus selon lequel le
destinataire de la fiction la reçoit comme émanant d’un énonciateur lui-
même fictif. Il peut ainsi accepter que cet énoncé n’assume pas les
engagements qui sont normalement requis par cet acte (Searle, 1969), sans
pour cela avoir l’intention de tromper l’interlocuteur (la fiction n’est pas un
mensonge, c’est un simulacre de la réalité que le spectateur perçoit comme
tel).
À diverses reprises au XXe siècle, des théoriciens ont largement surestimé
le pouvoir leurrant de la fiction, et ont prôné des œuvres qui la mettent à
distance (Brecht et sa « distanciation ») ou la mettent en évidence comme
œuvre produite (les formalistes et leur « mise à nu du procédé »). Dans les
années 1960-1970 cette tendance est revenue au premier plan (à propos de
cinéma comme de littérature) avec des approches exagérant fortement le
pouvoir leurrant du simulacre fictionnel (voir notamment Metz, Baudry, et
dans une perspective voulue politique, l’école des Cahiers du cinéma).
Après les travaux de Thomas Pavel, Jean-Marie Schaeffer, Roger Odin et
autres, on en est revenu à une conception plus modérée. La question qui
reste souvent posée (et résolue de manière diverse selon les auteurs) est
celle de la relation entre fiction et document : si le récit de fiction prend ses
éléments « dans la réalité », quelle transformation au juste leur fait-il subir,
et à quelle distance se trouve-t-il d’une simple description documentaire ?
En cinéma, cette question a souvent pris la forme d’une réflexion sur la
fragile séparation entre «  film de fiction  » et «  documentaire  » (Niney,
Aumont).
Notons que le récit de fiction n’est plus, aujourd’hui, le seul régime de
l’imaginaire fabriqué. La pratique la plus courante quantitativement est
celle du jeu vidéo, qui n’utilise pas, ou pas exclusivement, le mode du récit
–  mais continue pour l’essentiel de ressortir à la fiction (le côté ludique
étant ici évident).

➦ ILLUSION, JEU (VIDÉO), ODIN, PSYCHOLOGIE


  CHATMAN, 1978 ; BORDWELL, 1985 ; ODIN, 2000 ; NINEY, 2009 ; AUMONT, 2014

FIGURAL
Esthétique Ce néologisme a été introduit par Lyotard (1971), pour désigner
un type de signification purement visuelle, qui permet aux figures (plus ou
moins analogiques) de fonctionner comme principe signifiant original, ne
passant pas par la langue, mettant en jeu des formes d’expression plus
« primaires », au sens de Freud. Selon Lyotard, ces figures plus neuves et
par là, plus poétiques, ont trois traits caractéristiques (et potentiellement
définitoires) : 1°, l’opacité, car le figural est ce qui, dans l’image, n’est pas
«  transparent  » à un représenté (il ne représente rien)  ; 2°, le rapport à la
vérité (entendue en un sens freudien, comme ce qui ne s’atteint qu’à travers
l’interprétation de symptômes) ; 3°, elles font événement, s’offrant comme
un élément de l’image qui ne peut se réduire à aucun système de sens. Il
s’agit ainsi d’un registre d’expression immédiate dans l’image, qui
n’appartient pas à l’horizon de la connaissance, mais entre dans un circuit
où se joue le «  travail  » du désir. Ces propositions ont été par la suite
reprises et variées, notamment par Deleuze (1981), pour qui la picturalité
fondée sur la Figure (sur le figural) quitte le domaine du représentatif et du
narratif pour « capter les forces » et leur donner une forme sensible, et par
Didi-Huberman (1990), qui décèle un travail de ce genre dans l’œuvre de
Fra Angelico, et le rattache à un sous-texte théologique.
Des idées comparables avaient été examinées par Metz (1975), dans une
perspective également freudienne, mais moins radicalement opposée à
l’idée d’une présence du verbal dans l’image. C’est aussi dans cet esprit que
se sont situées certaines tentatives analytiques inspirées de Lyotard
(Eizykman, 1976) ou de Ricœur, pour qui la métaphore «  vive  » est la
figure par excellence (Andrew, 1983, 1984). Mais ce sont surtout les
versions plus récentes de Deleuze et de Didi-Huberman qui ont influencé,
directement ou indirectement, de nombreux travaux d’analyse de films (voir
notamment Brenez, Dubois, Vancheri), lesquels en ont repris les idées
directrices, parfois même la terminologie, et ont tenté de l’appliquer.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, FIGURE, MÉTAPHORE


    LYOTARD, 1973  ; EIZYKMAN, 1976  ; ANDREW, 1984A  ; DUBOIS, 1998, 1999  ;
VANCHERI, 2011

FIGURATIF
Esthétique Est figuratif ce qui reproduit la forme d’objets ou d’êtres du
monde réel, pris comme modèles et représentés plus ou moins
analogiquement. Ce terme a été d’abord introduit dans le discours sur l’art
par son contraire (« non figuratif », autre qualification de ce qu’on appelle
aussi «  art abstrait  »). En tant que médium de nature photographique, le
cinéma est spontanément figuratif ; pour le rendre non figuratif, il faut un
travail particulier, pour lequel les moyens sont d’ailleurs nombreux.

➦ FIGURE, PLASTIQUE
  SCHEFER, 1999, 2000
FIGURATION
Esthétique La figuration est le fait de figurer, c’est-à-dire de donner forme
visible à une représentation. C’est donc une partie ou un aspect de l’activité
représentative en général, mais la relation entre les deux notions de
figuration et de représentation n’est pas fermement ni universellement
établie. Pour Francastel, suivi à propos de cinéma par Oudart (1969), la
figuration est un stade premier, celui de la production de reproductions
analogiques des objets pris individuellement, et induisant un effet de réalité
(c’est-à-dire, offrant des indices d’analogie convaincants), tandis que la
représentation met en jeu une organisation d’ensemble, comparable à celle
de la scène de théâtre, et induit un effet de réel (c’est-à-dire, suscitant une
diégèse, et entraînant la croyance du spectateur). Mais à date plus récente,
le terme a été utilisé absolument (sans référence à une articulation de ce
type avec une diégèse ni une scène) ; la figuration est, en général, l’acte de
production de la figure, et sa trace dans l’œuvre.
Notons que, dans la production de films, le mot a un tout autre sens : il
désigne l’ensemble des «  acteurs de complément  », ceux qui apparaissent
dans une scène mais n’ont aucun texte à dire.

➦ EFFET DE RÉALITÉ, FIGURE

FIGURE
Esthétique, rhétorique 1. La polysémie du mot (déjà propre au latin
figura) l’a rendu utilisable dans de nombreux contextes, au détriment d’une
définition unitaire. La figure, c’est d’abord l’effigie, matériellement
produite (le verbe latin fingo, d’où vient le mot, connote l’idée de
modelage)  ; de là dérive une série de sens qui insistent sur le fait que la
figure est un élément visuel autonomisable dans une représentation. Ainsi,
dans l’opposition entre figure et fond établie par la Gestalttheorie, la figure
se caractérise par les traits suivants : 1°, elle a un caractère d’objet (le fond,
un caractère de substance) ; 2°, elle paraît être devant le fond ; 3°, le fond
semble se continuer derrière la figure ; 4°, le contour appartient à la figure,
non au fond. Ces traits sont généralement avérés dans les représentations
figuratives (celles qui produisent et utilisent des figures), même si,
spécialement dans les représentations photographiques, il est difficile de
distinguer figure et fond  ; cette distinction est facilitée, en cinéma, par le
mouvement, qui, dans les cas normaux, lève toute ambiguïté perceptive
(Michotte, 1948).
De ce sens classique, la portée du mot a été étendue, par certains
historiens d’art, jusqu’à désigner potentiellement tout élément de la
représentation, pourvu qu’il ait une existence visuelle avérée et individuelle,
et même si 1°, il ne comporte pas le trait analogique, 2°, il ne ressort pas sur
un fond (Didi-Huberman, 1990). En cinéma, cette idée a été développée, et
la notion de figure a pu désigner de nombreux éléments, comportant en
outre le trait de mouvement (par exemple –  non limitatif  – des figures de
corps humain en mouvement, cf. Brenez, 1998).
2. Un second sens, tout aussi classique, fait de la figure un mode de
signification qui permet d’ajouter au sens « littéral » d’un texte ; la lecture
«  figurative  » de l’Ancien Testament est un autre nom de l’exégèse
biblique, activité qui consiste à lire « en figure » le texte sacré, comme une
grande métaphore du Nouveau Testament. En ce sens, la figure se rattache
au trope – métaphore, métonymie, synecdoque, etc. Deux registres de sens
sont ouverts par cette définition :
–  d’une part, la définition de tropes, ou «  figures  »
cinématographiques, équivalant aux tropes littéraires (le lorgnon
du médecin de bord du Cuirassé « Potemkine », accroché dans les
haubans et signifiant le personnage qu’on a jeté par-dessus bord,
par synecdoque). Le film peut produire l’équivalent de beaucoup
de tropes, par exemple l’emphase, la litote, l’analepse (retour en
arrière), la prolepse (anticipation), l’ellipse, etc.  ; pour Deleuze
(1983), « les images cinématographiques ont des figures qui leur
sont propres, et qui correspondent avec leurs propres moyens aux
quatre types de Fontanier [tropes, tropes impropres, figures de
substitution, figures de pensée] » ;
– d’autre part, un principe d’interprétation des œuvres, considérées
comme ressortissant au figural  : le film signifie à plusieurs
niveaux et de plusieurs façons, entre autres « par figure ». Le plus
souvent, cette idée est rabattue sur une interprétation
métaphorique assez mécanique (recherche de «  symboles
sexuels  », notamment), qui réduit la recherche du sens à une
traduction selon un lexique pré-formé. Dans son principe, elle
revient à valoriser la figure comme principe signifiant sui generis,
capable d’actualiser le surgissement permanent de l’expression et
du sens (ce qu’on a parfois appelé principe figural, cf. Lyotard).

➦  ANALOGIE, FIGURAL, FIGURATIF, FIGURATION, IMAGE, REPRÉSENTATION,


RHÉTORIQUE

    SCHEFER, 1981, 1999  ; VERNET, 1987  ; VANCHERI, 1993  ; BRENEZ, 1998  ;


DUBOIS, 1999

FILM
Technique Du mot anglais film, signifiant pellicule –  spécialement
cinématographique – on a tiré le mot français qui a désigné, dès les origines
du spectacle cinématographique, le spectacle enregistré sur cette pellicule.
Ce terme est demeuré, par habitude et faute d’autre mot, après l’apparition
du numérique, bien que le support pelliculaire y ait disparu.
Les conventions du milieu de la production et de la critique ont en outre
imposé quasi universellement des classifications qui restreignent en
pratique l’usage de ce terme à des œuvres d’image mouvante destinées à
être vues dans une salle de cinéma (ou, de plus en plus, à la télévision) – à
la différence notamment de toutes celles qui sont vues dans d’autres lieux
comme les musées ou galeries d’art, et de celles qui ne sont vues que sur
des écrans de jeu vidéo.

➦ DISPOSITIF, FILMIQUE, FILMOLOGIE

FILMIQUE
Filmologie Dans son sens filmologique général, le filmique concerne
l’œuvre projetée devant un public, le plus souvent envisagée d’un point de
vue esthétique. Sémiologiquement, le film est le «  message  » ou discours
clos perçu par le spectateur. Il s’oppose au « cinématographique », celui-ci
désignant d’une part l’aspect social, technique ou industriel du cinéma et
d’autre part, ce qui dans un film, relève des moyens d’expression propres à
l’image photographique mouvante, multiple et mise en séquence (Cohen-
Séat).
(Rappelons que la filmologie distingue au sein de l’univers filmique sept
niveaux d’appréhension différents : afilmique, profilmique, filmographique,
filmophanique ou écranique, diégétique, spectatoriel et créatoriel.)

➦ CINÉMATOGRAPHIQUE, CODE, FILMOLOGIE, SÉMIOLOGIE


  COHEN-SÉAT, 1946 ; SOURIAU, 1951, 1953 ; METZ, 1968

FILMOGRAPHIQUE
Filmologie 1. Dans le vocabulaire filmologique (Souriau)  : tout ce qui
existe et s’observe au niveau de la pellicule. Le temps filmographique
dépend de la durée propre de projection de la pellicule. Au niveau
filmographique, ce sont en fait des dimensions spatiales (le métrage) qui
conditionnent les temps ultérieurs (temps filmophanique et diégétique,
notamment). L’opération filmographique de base est le montage, ou plus
généralement toute manipulation de la bande filmique elle-même, depuis
les trucages primitifs par arrêt et substitution jusqu’aux effets spéciaux. Ce
terme est aujourd’hui difficile d’emploi, depuis la disparition quasi totale du
support pellicule.
2. Par ailleurs, le terme «  filmographie  » désigne une liste raisonnée de
films selon une pertinence donnée  : filmographie d’un auteur, d’un genre,
d’un personnage, etc. On utilisa dans la critique française après la guerre
l’expression « fiche filmographique » pour désigner une note relativement
détaillée donnant le générique, le résumé des séquences et des analyses des
thèmes et du style d’un film donné.

➦ FILMIQUE, FILMOLOGIE, TRUCAGE


  SOURIAU, 1951, 1953 ; GAUDREAULT, 1988

FILMOLOGIE
Discipline Le terme « filmologie » a été forgé en 1946, lors de la création
de l’Institut de filmologie à la Sorbonne. Ce dernier a existé de 1947 à
1959, et ses travaux ont été publiés par la Revue Internationale de
Filmologie (rebaptisée Ikon au début des années 1960, lors de son transfert
en Italie au sein de l’Istituto Agostino Gemelli de Milan). La filmologie se
voulut étude générale du fait filmique, sans considération d’œuvres ou
d’auteurs particuliers. Elle s’opposa ainsi radicalement à l’approche
critique, de même qu’à l’analyse de films (au sens où celle-ci analyse des
œuvres particulières). Elle s’est développée autour de trois corps de
disciplines préexistantes (Cohen-Séat, 1946) :
1. La psycho-physiologie de la perception s’est principalement attachée à
étudier la perception de film en tant que perception visuelle. L’objet central
de son étude fut « l’impression de réalité » et les phénomènes de croyance
provoqués par les images mouvantes. L’image de film fut comparée aux
autres images artificielles, comme par exemple l’image du radar et l’image
électronique alors débutante.
2. À la croisée de la sociologie et de la psychologie de l’éducation, la
filmologie a étudié l’effet produit par la projection cinématographique sur
des publics scientifiquement sélectionnés. Il s’agissait la plupart du temps
d’un public d’enfants dont on testait le niveau de compréhension des suites
imagées. Le psychologue R. Zazzo s’interrogea sur le rôle du niveau mental
dans la compréhension du film, l’anthropologue anglais J. Maddison étudia
l’information mentale des peuples « primitifs » par le moyen du cinéma. La
filmologie sur son versant médical analysa les réactions des enfants
inadaptés, leur processus de mémorisation des images filmiques,
notamment.
3. La filmologie s’est également efforcé de jeter les bases d’une approche
esthétique générale du fait filmique, notamment en définissant les « grands
caractères de l’univers filmique  » (Souriau), dans la perspective d’une
esthétique comparée. L’univers filmique est appréhendé à partir du corps de
notions de la phénoménologie  ; il est fondé sur la dissociation entre
perception écranique (platitude de l’écran, dimension constante, durée
objective  : les jeux de luminosité et d’obscurité, les formes, ce qui est
visible) et perception diégétique, purement imaginaire, reconstruite par la
pensée du spectateur, espace dans lequel sont censés se passer tous les
événements que le film présente, dans lequel les personnages paraissent se
mouvoir.
Au total, cette école a jeté les bases de l’étude du cinéma selon plusieurs
approches, disciplinaires ou pluridisciplinaires, mais ses travaux ont été
assez peu pris en considération, principalement en raison de l’absence
d’intérêt du monde universitaire pour le cinéma avant 1968. Ils ont été en
revanche réévalués dans les deux dernières décennies à partir des
recherches expérimentales sur le fonctionnement du cerveau et la
perception des images en mouvement, menées dans le cadre de la
psychologie cognitive et de la neurophysiologie (des mouvements oculaires,
notamment) (voir par exemple Gallese & Guerra, 2015).

➦  AFILMIQUE, DIÉGÈSE, FILMIQUE, FILMOGRAPHIQUE, FILMOPHANIQUE,


IMPRESSION DE RÉALITÉ, PERCEPTION, PROFILMIQUE

  COHEN-SÉAT, 1946 ; SOURIAU, 1953 ; GALLESE & GUERRA, 2015

FILMOPHANIQUE
Filmologie Dans le vocabulaire de la filmologie, « filmophanique » qualifie
tout fait inhérent à la présentation du film en projection devant des
spectateurs dans une salle. Exemples : vingt-quatre images filmographiques
représentent une seconde de durée filmophanique (et peuvent représenter à
l’occasion, plusieurs années de durée diégétique). Comme la plupart des
termes de la filmologie, celui-ci s’applique difficilement à l’enregistrement
numérique.
Les phénomènes sonores font partie de la durée filmophanique, au même
titre que les données écraniques visibles.

➦ FILMOGRAPHIQUE, FILMOLOGIE

FINAL CUT
Économie, montage Dans le système des studios hollywoodiens de la
période classique (avant 1960), le film était sous la responsabilité d’un
producer (producteur délégué)  ; il était donc logique que celui-ci, qui
supervisait l’écriture du scénario et le tournage, soit également chargé
d’approuver le montage final (final cut). En principe le director (réalisateur)
n’avait pas son mot à dire sur ce montage, mais certains réalisateurs
prestigieux, ou qui étaient également producers de leurs films, ont eu le
droit de le superviser personnellement. Dans d’autres cas, il y eut deux
versions, celle du producer et celle du director (le director’s cut, beaucoup
valorisé depuis une trentaine d’années).

➦ DIRECTOR’S CUT, MONTAGE


FLARE
Technique, esthétique Terme anglais signifiant «  signal lumineux  », et
désignant en cinéma des lumières parasites produites par la diffusion à
l’intérieur des optiques complexes des objectifs de caméra. D’abord
considéré comme un défaut à éviter absolument, le flare est devenu, depuis
les années 1960 (voir Œdipe roi de Pasolini ou Easy Rider de Hopper), un
effet accepté et même recherché, qu’on a pu utiliser pour signifier le
surnaturel ou l’étrange, ou simplement pour souligner un événement.

FLASH-BACK
Technique, narratologie L’ordre des plans d’un film étant indéfiniment
modifiable, on peut en particulier, dans un film narratif, faire succéder à une
séquence une autre séquence qui relate des événements antérieurs ; on dira
alors qu’on «  revient en arrière  » (dans le temps). Cette figure narrative,
appelée souvent du mot anglais flash-back (qui connote la soudaineté de ce
«  retour  » dans le temps), est la plus banale des figures qui consistent à
présenter le récit dans un ordre qui n’est pas celui de l’histoire. Il en est
d’autres analogues, par exemple l’insertion, à un point du récit, d’une
séquence relatant des événements postérieurs à ceux des deux séquences
qui l’entourent (si cet insert est bref, on parlera de flash-forward, saut
brusque en avant). Plus généralement, la chronologie peut être réarrangée,
parfois bouleversée, sans déroger au modèle narratif – même si, parfois, la
compréhension du temps du récit est rendue plus difficile  ; L’Homme qui
ment (Robbe-Grillet, 1968) repose sur une suite de passages du présent au
passé qui parut à l’époque très troublante, mais ce passage  – non signalé
comme tel – est devenu relativement courant aujourd’hui (par exemple dans
La Cité des douleurs ou Le Maître de marionnettes de Hou Hsiao-Hsien).
La possibilité de ces discrépances entre temps de l’histoire et temps du
récit a été comprise très tôt en cinéma. On trouve le saut dans le passé et
dans le futur dès les premières « tables de montage » (catalogues des types
de montage) des théoriciens russes des années 1920, notamment
Timochenko. Arnheim (1932) élargit la question en recensant trois grandes
catégories de rapports temporels dans le montage  : la simultanéité, le saut
vers le passé ou le futur, l’«  indifférence  » temporelle. Burch (1969)
introduit une autre distinction, entre le « petit retour en arrière » d’un plan
au suivant (par exemple dans le «  montage cubiste  » de certains films
d’Eisenstein, procédé plutôt d’ordre expressif que narratif) et le « retour en
arrière indéfini  » (d’ordre pleinement narratif, spécifié par des indications
ad hoc – cartons, dialogues – ou par simple implication logique). Dans tous
les cas, la compréhension du fait qu’il y a retour en arrière passe par la
compréhension du récit  : ce n’est pas une figure formelle mais une figure
narrative, et un spectateur entrant dans la salle au milieu d’une séquence en
flash-back ou flash-forward n’a aucun moyen de s’en apercevoir (Metz).

➦ NARRATOLOGIE, RÉCIT
  MOUREN, 2005

FOCALISATION
Narratologie Ce terme d’optique qui signifie « concentration en un point »
a été proposé par Genette pour rendre par un terme plus abstrait que
« vision » ou « point de vue » l’expression américaine focus of narration –
 qui désigne le « foyer narratif », c’est-à-dire le point d’où le récit est mené
à chaque instant  : par le narrateur, par un personnage, etc. Il y a pour
Genette trois grands types de focalisation, c’est-à-dire de rapports entre ce
que dit le narrateur et ce que sait le personnage :
–  le récit non focalisé ou à focalisation zéro, comme est la plupart
du temps le récit classique où le narrateur en sait toujours plus
que le personnage, ou plus exactement en dit plus que n’en sait
aucun des personnages (exemple le récit balzacien) ;
–  le récit en focalisation interne, où le narrateur ne dit que ce que
sait tel personnage ; cette focalisation peut être fixe (on ne quitte
jamais le point de vue d’un personnage), variable (Madame
Bovary, où l’on passe de Charles à Emma pour revenir à Charles),
ou multiple (le roman par lettres, par exemple) ;
–  le récit en focalisation externe, où le narrateur en dit moins que
n’en sait le personnage : récit « objectif », fondé sur la « vision du
dehors » (Pouillon). Ce type est fréquent dans le roman moderne
et dans certains récits policiers (Dashiell Hammett, notamment).
Certains historiens de la littérature y ont vu une influence de la
technique narrative du cinéma sur celle du roman.
Le terme a été repris dans l’étude du récit au cinéma, sans doute en raison
de son origine relevant de l’optique. De nombreuses adaptations de la
classification genettienne ont été proposées par les narratologues du cinéma
(Jost, Ropars-Wuilleumier, Gaudreault, Gardies, Vernet, etc.). Toutefois,
chez Genette, la focalisation est un mode narratif, qui concerne à la fois ce
que dit le narrateur et ce que sait le personnage. Au cinéma, ce dire et ce
savoir se compliquent du voir du personnage. De plus, le dire du narrateur
(l’énonciation) est nettement plus complexe au cinéma car il mobilise à la
fois plusieurs niveaux informatifs : l’image, la parole, le montage. D’où la
tentative de compléter la typologie genettienne (notamment chez Jost, avec
le concept d’ocularisation).

➦ ÉNONCIATION, NARRATION, OCULARISATION, RÉCIT


    ROPARS-WUILLEUMIER, 1970  ; JOST,  1987  ; VERNET, 1987  ; GAUDREAULT,
1988 ; GAUDREAULT & JOST, 1990 ; NINEY, 2014

FONDU
Technique Terme technique désignant l’apparition ou la disparition d’une
image, obtenue par une variation de l’exposition. On distingue
classiquement le fondu au noir (qui fait passer d’une image à un noir) et le
fondu enchaîné (qui fait passer d’une image à une autre en les superposant
provisoirement). On peut obtenir cet effet de liaison entre deux images
directement à la prise de vue en jouant sur le diaphragme, mais pour des
raisons de commodité et de précision, il est quasi toujours réalisé en
postproduction ; la technique numérique a rendu très simple sa production,
et la maîtrise de ses paramètres (notamment sa durée).
Le fondu est antérieur au cinéma car il existait déjà comme technique
d’enchaînement des plaques de lanternes magiques ; il est donc apparu très
tôt comme mode de liaison des tableaux dans les films primitifs. Les fondus
appartiennent à la bande image mais constituent un élément visuel non
photographique : « un volet, un fondu sont choses visibles mais ne sont pas
des images, des représentations de quelque objet ; un flou, un accéléré ne
sont pas en eux-mêmes des photographies, mais des modifications
apportées à des photographies  » (Metz). Souriau avait préalablement
précisé que le matériel visible des transitions est toujours extra-diégétique.
Le fondu manifeste la présence de l’énonciation, il peut donc jouer le rôle
d’une marque, proche d’un déictique, ou, d’un autre point de vue, d’une
ponctuation.

➦ DÉICTIQUE, ÉNONCIATION, PONCTUATION


  METZ, 1972 ; AUMONT, 2005

FORMALISME
Esthétique Fondé sous le nom de Cercle linguistique de Moscou en hiver
1915, connu à partir de 1917 sous le nom d’O.PO.IAZ (abréviation de
«  groupe d’études du langage poétique  ») ce groupe de chercheurs et
critiques russes, actif jusqu’au début des années 1930, fut surnommé
« formaliste » par ses détracteurs ; c’est ce surnom qui est resté. Ce groupe
n’eut jamais de vraie théorie d’ensemble, et les travaux de ses membres,
quoique ressortissant à une inspiration commune, ne sont pas absolument
systématiques, et ont plutôt visé à définir un projet d’étude de la littérature
et de la poésie, sur les grandes lignes suivantes :
1. L’étude d’une œuvre suppose qu’on l’analyse :
–  comme singularité  : en quoi mobilise-t-elle de façon neuve des
procédés poétiques ou littéraires ?
– comme œuvre d’art : en quoi manifeste-t-elle son appartenance à
l’art ? en quoi, donc, ressortit-elle à l’exercice de régularités ?
2. Il existe, de l’appartenance à l’art, des critères purement esthétiques :
les Formalistes n’adoptent pas les définitions créatorielle ni institutionnelle
de l’art, ni en général une définition conventionnelle. Ces critères sont
souvent assimilés à des «  procédés formels  », visant à produire une
sensation neuve ; cette nouveauté met le spectateur en position d’éprouver
l’œuvre comme étrange, d’où le concept d’ostraniénié (parfois rendu par
« distanciation », ou plus justement par « estrangement »).
3. Les procédés littéraires, ou en général artistiques, ont une existence
plus ou moins autonome  ; ils ont une «  signification  » ou une valeur
propres, transhistoriques. L’histoire des œuvres n’est donc pas celle des
contenus mais celle des formes : « La nouvelle forme n’apparaît pas pour
exprimer un contenu nouveau, mais pour remplacer l’ancienne forme qui a
perdu son caractère esthétique » (Chklovski).
4. Conséquence pour l’analyse des œuvres :
–  choix de la motivation «  horizontale  » contre la motivation
«  verticale  » (mise en évidence de procédés purement formels,
comme l’allitération, la répétition en général) ;
–  postulat de la «  mise à nu du procédé  »  : l’œuvre exhibe son
propre système formel, le désigne à l’attention.
Les Formalistes se sont intéressés au cinéma, comme en témoigne le
recueil Poetika kino (Poétique du cinéma, 1927), et leurs idées directrices
ont influencé, dès la fin des années 1960, l’analyse des récits
cinématographiques, et aussi la conception de l’idéologie transmise par les
films. Elles ont surtout été reprises, très délibérément, par l’école «  néo-
formaliste » (D. Bordwell et ses élèves).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, ART, FORME, NÉOFORMALISME, STYLE


  BURCH, 1969 ; ALBERA, 1996

FORMAT
Voir Cadre.

FORME
Esthétique, sémiologie Dans la tradition esthétique, la forme coïncide
d’abord avec l’apparence  ; d’un point de vue plus dynamique, elle est
souvent conçue comme principe d’organisation de l’expression dans une
œuvre, en vue d’un effet de sens ou d’affect. La «  mise en forme  » d’un
matériau est ainsi l’une des définitions les plus fréquentes de l’activité
artistique, sur son versant créatoriel  ; le spectateur reçoit, pour sa part,
l’œuvre comme exprimant à travers sa forme un contenu – diversement et
variablement appréciable, voire inégalement compréhensible (dans le cas
d’œuvres anciennes, notamment).
Le caractère inséparable, pour son destinataire, de la forme et du
« contenu » d’une œuvre, a souvent été vu comme une contradiction au plan
théorique ou idéologique, et plusieurs épisodes de l’histoire de la critique
ont consisté à fustiger l’abus d’attention porté à l’une ou à l’autre. Le
«  formalisme  » a été le grief majeur adressé à partir de 1928 en URSS à
tous les cinéastes s’écartant de la doctrine du «  réalisme socialiste  ».
Inversement, le «  contenutisme  » a souvent été attaqué dans la critique
française d’après-guerre – dans la « politique des auteurs » des années 1950
comme par la critique althussérienne d’après 1968.
Difficile à séparer du contenu narratif de la plupart des films, la forme
filmique s’est vue définir, à l’époque muette, par l’énumération de moyens
représentatifs et expressifs propres au cinéma  : cadrage mobile et de
grosseur variable, montage et rythme, mouvement et vitesse, éclairages,
valeurs et contrastes (Koulechov, Poudovkine). Ces définitions ont été
ultérieurement reprises, dans une perspective expressément «  formaliste  »
(mais en un sens plus précis, faisant allusion au mouvement formaliste
russe), autour de l’idée de «  paramètres  » de l’image filmique (Burch,
Bordwell).

➦ FORMALISME, NÉOFORMALISME

FOUND FOOTAGE
Voir Remploi.

FRAGMENT
Esthétique, technique Le terme (en russe  : koussok, morceau, fragment)
désigne un élément filmique, le plus souvent un plan, mais il est utilisé par
Eisenstein, et encore davantage par Bonitzer qui l’a commenté, pour
produire des connotations qui sont opposées à celles du mot «  plan  ». Le
plan est classiquement marqué par son origine, la prise ; il réfère toujours
au regard et au point de vue  ; ce n’est qu’en second lieu qu’il est monté
avec d’autres plans. Au contraire, le fragment est toujours fragment de
discours ; il est d’emblée pensé en fonction du sens ; il est donc en principe
calculé, organisé (dès la prise de vues) en vue du sens.
Pour Eisenstein, le film est un système cohérent de fragments, plus
exactement, un système de systèmes qui traversent tous les fragments,
chacun des systèmes partiels – la couleur, le son, le contraste noir/blanc, la
grosseur de plan, etc. –  devant être précisément déterminé pour concourir
au sens de l’ensemble. Cette esthétique du «  fragment  » définit donc
l’œuvre comme maîtrisée et cohérente ; elle diffère totalement de la notion
romantique de fragment, qui correspond au contraire à une conception de
l’œuvre comme achevée bien que seulement constituée de morceaux non
reliés les uns aux autres, en refus de la structure classique.

➦ EISENSTEIN, MONTAGE, ORGANIQUE, PLAN


  EISENSTEIN, 1929, 1942 ; BONITZER, 1976, 1982

FRAMPTON, HOLLIS (1936-1984)


Photographe, cinéaste, théoricien Photographe puis (après 1962) cinéaste
américain, auteur d’une soixantaine de films relevant de l’« expérimental ».
Comme la plupart des artistes de sa génération, sa réflexion théorique
tourne autour du rejet de la narration et des phénomènes identificatoires
qu’elle suscite, et aussi de la représentation immédiate, à laquelle il préfère
toujours une construction élaborée, dans laquelle les images sont à
comprendre selon des logiques complexes («  structurelles  ») qui excèdent
de beaucoup la simple indicialité photographique.
Ses écrits, comme ceux de beaucoup de cinéastes, accompagnent de près
sa conception du cinéma. En particulier, il développe une véritable poétique
de la non-narrativité, en proposant de revenir par des voies allégoriques et
symboliques plus directes aux grands mythes de l’humanité qui sont au
cœur de toute entreprise narrative. Remarquable également – et proche par
certains aspects de l’art « conceptuel » naissant – son intérêt pour le rapport
entre l’image et le mot  ; partant de la constatation banale que l’image
adhère davantage à son référent que le mot, il en tire la conclusion que le
cinéma doit s’efforcer de réduire cette présence de l’objet référent, par
toutes sortes de moyens, mais surtout des moyens intellectuels (ce qui le
distingue nettement des solutions plus sensorielles proposées au même
moment par Brakhage).

➦ EXPÉRIMENTAL, NARRATION, STRUCTURAL (CINÉMA)

FRANCHISE
Économie Le terme de franchise est apparu dans le champ juridique et
économique pour désigner une propriété intellectuelle incluant personnages,
endroits fictionnels et marques commerciales d’un projet médiatique
original tels qu’un film, un projet de littérature, un programme télévisé ou
un jeu vidéo. De multiples suites sont généralement prévues lors de la
commercialisation d’une franchise. C’est le cas du Seigneur des anneaux,
Harry Potter, James Bond, Star Wars ou Indiana Jones. Le terme concerne
également les jeux vidéo (Pokemon, Mario, les Sims, etc.).

➦ REMAKE, SÉRIE (TÉLÉVISÉE)

FREE CINEMA
Histoire, école, mouvement L’expression est apparue en février  1956
lorsque le National Film Theatre de Londres présenta un programme de
trois courts métrages consacrés aux milieux populaires de la banlieue
londonienne : O Dreamland, Momma Don’t Allow et Together. On y voit la
jeunesse anglaise ouvrière des années 1950, son désarroi, ses conditions de
vie et sa recherche de valeurs, dans un style de reportage avec caméra
portée à la main, et pour We Are the Lambeth Boys de Karel Reisz, des
paroles enregistrées en son direct.
Ce mouvement propre au cinéma rencontre les préoccupations d’un
courant littéraire et théâtral apparu dans les mêmes années, «  The Angry
Young Men  ». Le premier film de fiction produit dans ce sillage fut Les
Chemins de la haute ville réalisé par un cinéaste en marge du mouvement,
Jack Clayton, d’après un roman de John Braine. Au début des années 1960,
une série de films adaptés de romans, de nouvelles ou de pièces de théâtre
de ces «  jeunes gens en colère  » mettent en scène des marginaux et des
prolétaires révoltés. Le film le plus représentatif de l’esthétique du Free
Cinema est sans aucun doute La Solitude du coureur de fond réalisé en
1962 par Tony Richardson, d’après une nouvelle d’Allan Sillitoe, film bien
servi par la performance de l’acteur Tom Courtenay, au visage ingrat et
inquiétant.
Comme toutes les écoles cinématographiques, le Free Cinema n’eut
qu’une existence limitée à une petite dizaine d’années, les réalisateurs
initiaux se dirigeant vers d’autres types de films comme Tom Jones (1963)
ou If (1968). On peut voir en Ken Loach et Stephen Frears les héritiers du
Free Cinema des années 1955-1965. Le courant populiste est une constante
du cinéma anglais.
➦ PILARD, 1996

FRODON, JEAN-MICHEL (1953)


Critique, historien Journaliste et critique français, il a écrit régulièrement
dans Le Monde (1990-2003) avant de diriger les Cahiers du cinéma (2003-
2009)  ; il s’exprime aujourd’hui sur slate.fr. Grand amateur de cinéma
asiatique, il est l’auteur d’un ouvrage général sur le cinéma chinois (2006)
et de monographies sur Edward Yang (2010) et Jia Zhang-Ke (2015). Dans
un essai de 1998, il s’interroge sur la notion de « cinéma national ». On lui
doit aussi un important livre de synthèse sur l’histoire du cinéma français
depuis la Nouvelle Vague (2010), qui est à ce jour la meilleure mise au
point sur ce sujet. Il y réussit à relier une approche du cadre institutionnel et
économique avec une présentation synthétique et précise des œuvres des
cinéastes. Parallèlement à sa carrière de critique, Frodon est également
enseignant (notamment à l’école des Sciences politiques de Paris).

FUTURISME
École, esthétique Mouvement artistique italien, l’une des avant-gardes les
plus radicales du début du siècle, appelant au rejet violent de toutes les
traditions culturelles, de l’art du passé, et glorifiant toutes les productions
nouvelles, notamment technologiques (l’automobile, l’architecture de verre,
etc.) et surtout des valeurs nouvelles, au premier chef le dynamisme et la
vitesse («  une automobile rugissante est plus belle que la Victoire de
Samothrace  »). Son initiateur fut le poète Marinetti, par un manifeste de
1908. Le mouvement connut un grand développement en peinture, avec
Boccioni, Carrà, Russolo, Balla, Severini  ; la Première Guerre mondiale
marqua l’apothéose de ses thèses hypermodernistes (apologie de la guerre)
et aussi sa fin.
Le cinéma semblait devoir attirer les Futuristes, mais la rencontre n’eut
pas vraiment lieu, malgré quelques tentatives, en particulier le
« photodynamisme » de Bragaglia (1916). C’est par le biais de l’un de ses
descendants, le Soviétique Dziga Vertov, que les théories futuristes
trouvèrent un écho dans le cinéma, dix ans après la fin du mouvement. On
peut considérer, en un sens, que L’Homme à la caméra est l’une des
illustrations les plus fidèles de l’idéal futuriste du mouvement, de la vitesse
et de la technologie moderne opposée à la sentimentalité postromantique.

➦ ÉCOLE, MODERNITÉ
  BRAGAGLIA, 1911 ; LISTA, 2009
G
GAG
Esthétique, genre, narratologie Terme repris tel quel de l’anglais, où il a
désigné une histoire drôle, une partie de dialogue improvisée par un acteur,
avant de prendre vers 1920 son sens cinématographique.
Moins narratif et souvent plus abstrait que la saynète, le gag est une
forme brève relativement autonome, qui en soi n’est pas propre au film (il
existe des gags théâtraux, voire musicaux ou picturaux). Sous sa forme la
plus générale, il se caractérise par la résolution incongrue et surprenante
d’une situation qui peut ou non être réaliste dans ses prémisses. Keaton, par
exemple, s’est plutôt spécialisé dans les gags à point de départ réaliste,
tandis qu’on trouve souvent chez Jerry Lewis ou les Marx, au départ même
du gag, un univers déjà loufoque.
Le gag a parfois été décrit de façon purement formelle, indépendamment
de sa visée comique (Mars, 1964, va jusqu’à parler de « gag tragique ») ; on
y a vu aussi une «  figure du discours filmique  », allant dans le sens de
l’écart plutôt que de la norme – mais ces tentatives butent toutes sur le fait
que le gag, dans la plupart des cas, mobilise moins le langage
cinématographique que le langage corporel. On a également souvent
rapproché les caractères pathiques du gag (sa soudaineté, son
imprévisibilité, parfois sa violence) de structures psychiques d’agressivité
(Simon, 1979). Francis Bordat a proposé une typologie des modèles et des
structures des gags, à partir de l’exemple de Chaplin (Bordat, 2001).

➦ BURLESQUE, COMIQUE
  MARS, 1964 ; SIMON, 1979 ; KRAL, 1984

GAUDREAULT, ANDRÉ (1952)


Historien, narratologue Chercheur et enseignant canadien, André
Gaudreault a une double spécialité : l’étude du cinéma des premiers temps
et celle du récit au cinéma. À partir du congrès de la FIAF à Brighton en
1978 il participe aux recherches filmographiques sur la période 1900-1906
et crée un groupe de recherche, le GRAFICS, à l’origine de publications
collectives sur les débuts du cinéma. Pour développer les liens
internationaux autour de ce sujet, Gaudreault participe à la création de
l’association Domitor qui réunit des chercheurs et des archivistes.
Dans son premier livre théorique (1988), il étudie le « système du récit »
cinématographique en le rapportant principalement à l’opposition entre
mimèsis et diegesis, dont il recherche les diverses dignifications depuis
l’antiquité grecque. Cela l’amène à distinguer deux grands types de régime
narratif au cinéma, l’un caractérisant la période des origines, le «  cinéma
des attractions », fondé sur la monstration, l’autre, qui lui succède depuis un
siècle, fondé sur l’intégration narrative et la logique de la continuité.
À date plus récente, Gaudreault a participé activement au débat sur la
transition entre le cinéma sur pellicule et le numérique (2008). Il inscrit
cette transition dans la succession des ruptures techniques qui ont marqué
l’histoire du cinéma depuis son invention : le passage au long métrage, au
parlant, au format large, aux nouveaux supports, que les contemporains ont
successivement qualifiés de « mort du cinéma ». Mais toutes ces transitions
sont intervenues en relation étroite avec celles qui ont marqué les autres
médias (théâtre, music-hall, cirque, radio, opéra, bande dessinée,
photographie, presse, etc.), et Gaudreault propose en ce sens la notion de
« séries culturelles », qui permet de mettre en évidence des relations entre
les médias et leur évolution.

GENDER
Théorie, institution Ce mot anglais, que l’on peut traduire par «  genre  »
(au sens du genre grammatical  : masculin ou féminin), renvoie à la
différence entre les deux sexes dans le domaine humain. Ce terme, neutre
par lui-même, a acquis une valeur plus marquée, parfois même polémique,
depuis l’apparition, dans le monde universitaire anglo-saxon
principalement, des gender studies (« études sur la sexuation »). Issues du
féminisme des années 1970, ces approches ont eu elles-mêmes plusieurs
variantes, selon que l’on y met en avant un point de vue social (avec, par
exemple, la question des «  gender roles  », «  homme  » et «  femme  »
devenant des rôles qui sont tenus en vertu de certaines exigences et de
certaines conventions de la société), ou un point de vue psychologique
(avec notamment la notion de «  gender identity  », qui est la conception
qu’un individu se fait lui-même de son être sexué).
Plus récemment, sont apparues des approches revendiquant une
renonciation au couple notionnel mâle/femelle, arguant qu’elle est
entièrement viciée par l’histoire de la séparation des sexes dans la société
« patriarcale », et prônant le recours à des notions comme le transgender (le
fait de se situer au-dessus de la division en sexes) ou le genderqueer (le fait
de la défaire ou de la transformer).
Toutes ces variantes de la notion de gender ont eu de larges échos à
propos du cinéma, depuis les études féministes pionnières du début des
années 1970 jusqu’à des travaux plus récents de la gay and lesbian theory
ou de la queer theory. Dans tous les cas, il s’agit bien évidemment de
critiques ou d’analyses idéologiques, portant pour l’essentiel sur des
contenus supposés de films, sur la construction des personnages, sur les
situations, etc.

➦ FÉMINISME, IDÉOLOGIE, SEXE


    VINCENDEAU & REYNAUD, 1993  ; BURCH & SELLIER, 1996, 2009  ; SELLIER,
2005

GÉNÉRATIVE (LINGUISTIQUE)
Linguistique Ensemble de théories linguistiques, qui conçoivent la langue
comme une productivité infinie à partir de moyens finis (Chomsky). Savoir
une langue, c’est connaître des listes de règles qui permettent d’énoncer des
phrases dites « grammaticales ».
La linguistique générative a été beaucoup moins souvent transposée au
cinéma que la linguistique structurale, même si quelques chercheurs se sont
inspirés du modèle chomskyen. Pour eux, ce qui apparaît sur l’écran (la
suite des plans) est conçu comme provenant de la réécriture de structures
élémentaires, qui revêtent peu à peu l’aspect d’images et de sons. Pour la
linguistique générative, une séquence simple est générée par les
transformations successives d’une structure du type agent/action/patient,
structure qui peut autant avoir une manifestation linguistique qu’une
manifestation audiovisuelle.
Carroll (1980) pose l’hypothèse que le film a, à la base, un signifié, qui
s’organise en structures événementielles, dans lesquelles s’ordonnent les
grands événements qui donnent corps au monde représenté dans le film ; la
structure événementielle donne lieu à une structure séquentielle, qui
constitue la trame de ce que le film présente peu à peu  ; la structure
séquentielle est revêtue d’images et de sons, qui forment le film tel qu’il se
manifeste à l’écran.
Pour Colin (1985), il n’y a pas de différence substantielle entre les
mécanismes qui régissent un film et ceux qui permettent de dominer une
langue naturelle  ; une représentation audiovisuelle est construite et
interprétée de la même façon qu’une phrase verbale. Dans les deux cas, il y
a un « contenu idéationnel » qui est habillé dans le film avec des images et
des sons et, dans un texte écrit, avec des mots. Si la forme de la
manifestation change, ni le signifié de base, ni la logique selon laquelle il
remonte à la surface ne le font. Colin étudie les dynamiques de
communication qui s’instaurent à la surface du texte : l’ordre selon lequel la
structure sous-jacente se manifeste conduit à mettre en relief certains
aspects et à en atténuer d’autres, à donner pour acquises certaines données
et à insister sur d’autres. Une suite audiovisuelle module littéralement les
informations. Il s’agira d’examiner la façon dont sont alignés les plans, ou
la direction qui est donnée aux mouvements de la caméra  : attentes,
surprises, réinterprétation en dépendent étroitement.
Ces recherches ont par la suite été reprises dans l’optique assez différente
de la psychologie cognitiviste.

➦ COGNITIVISME
  CARROLL (JOHN M.), 1980 ; COLIN, 1985, 1992 ; CHATEAU, 1986

GÉNÉRIQUE
Technique On ne sait pas au juste pourquoi cette séquence filmique, qui
comporte des inscriptions indiquant le titre du film et les noms des
participants à la réalisation (acteurs, producteurs, techniciens), s’appelle
ainsi. Le rapport à la notion de « genre », notamment, n’est pas avéré.
Le générique de film est par lui-même un morceau qui n’est ni narratif, ni
représentatif ; à ce titre, il a parfois été rapproché des notions de paratexte
ou de péritexte, proposées par Genette dans le cadre de sa théorie du récit
littéraire (de Mourgues, 1994)  ; on a aussi voulu y voir le lieu par
excellence du figural dans le film (Moinereau, 2000). Quelques cinéastes en
ont fait un morceau de virtuosité, soulignant ce caractère particulier, soit en
jouant sur l’énonciation verbale (les génériques parlés de Guitry ou de
Welles), soit sur la graphie et la couleur des inscriptions (les génériques
«  pop  » de Godard), soit encore en les intégrant à l’action et à l’histoire
(tendance fréquente dans les films américains de la fin des années 1960, où
les « credits » – les noms des participants – étaient souvent présentés après
plusieurs minutes de film, ou étalés sur un long morceau qui entamait déjà
largement le film). Il existe aussi des films sans générique (À  bout de
souffle, par exemple) –  mais la tendance du cinéma industriel depuis une
vingtaine d’années, est à l’accroissement du nombre des noms cités, jusqu’à
plusieurs centaines, chaque catégorie professionnelle (par exemple, les
chauffeurs des vedettes) ayant revendiqué et obtenu cette mention écrite – si
bien qu’il n’est pas rare qu’un générique de fin dure cinq minutes voire
davantage (mais lors de la diffusion télévisuelle, il est projeté en vitesse
accélérée, donc peu visible).

➦ BANDE IMAGE, ÉCRITURE, ÉNONCIATION, FIGURAL


  DE MOURGUES, 1994 ; MOINEREAU, 2009

GÉNÉTIQUE (CRITIQUE)
Critique La génétique est la science de l’hérédité, qui étudie la
transmission des caractères anatomiques et fonctionnels entre générations.
Par extension, la « génétique littéraire » étudie le processus de création des
œuvres en analysant ses différentes étapes jusqu’au manuscrit final. Elle
présuppose l’accès aux sources et la conservation de celles-ci. Cette
démarche a été appliquée au cinéma à partir du moment où les documents
de travail des producteurs, des scénaristes et des réalisateurs ont été
accessibles dans des archives travaillant sur le modèle des archives
littéraires.
Ces étapes dans la préparation d’un film sont nombreuses car
l’élaboration d’une œuvre cinématographique mobilise plusieurs
concepteurs, des scénaristes jusqu’aux monteurs. La critique génétique
permet d’éclairer ces étapes, d’évaluer la part de chaque intervention, et
notamment la responsabilité finale du réalisateur ou du producteur. Certains
cinéastes comme Fritz Lang ou François Truffaut ont conservé tout au long
de leur carrière de nombreux documents de pré-production ou de tournage ;
leurs films ont donc été un terrain privilégié de la critique génétique
(Leblanc & Devismes, 1991  ; Eisenschitz, 2005). D’autres recherches ont
été stimulées par un souci de démystification des légendes d’improvisation
de certains réalisateurs (Bergala sur Godard, 2005, 2006  ; Curchod sur
Renoir, 1999, 2012). Depuis, les analyses génétiques se sont multipliées et
ont même donné lieu à des collections comme celles des Cahiers du cinéma
(Orson Welles, Alfred Hitchcock, François Truffaut, Jean-Luc Godard « au
travail  »), mais cette direction de recherche est ancienne puisqu’elle
remonte aux publications italiennes de l’après-guerre Dal soggetto al film,
puis aux séries américaines publiant les scénarios des films classiques (la
collection Wisconsin/Warner Bros screenplay series, par exemple).

➦ DIRECTOR’S CUT, FINAL CUT, HISTOIRE DU CINÉMA, SCÉNARIO


  BOURGET & FERRER, 2007

GENRE
Institution Le mot, tiré du latin, a toujours comporté le sens de « catégorie,
groupement  »  ; en philosophie, il désigne «  l’idée générale d’un groupe
d’êtres ou d’objets ayant des caractères communs  » (DHLF). Depuis le
XVIIe  siècle, il désigne une «  catégorie d’œuvres ayant des caractères
communs (de sujet, de style, etc.) ». Les genres ont eu une existence forte
dans les divers arts depuis cette époque, mais leur définition a toujours été
relativement flottante et variable. D’une part, on a toujours hésité entre la
définition par le sujet (nature morte, paysage, en peinture ; drame, comédie,
en théâtre), par le style (c’est le cas des genres musicaux), par l’écriture
(c’est plutôt le cas des genres littéraires, distinguant par exemple l’essai du
roman). D’autre part, les genres n’ont d’existence que s’ils sont reconnus
comme tels par la critique et le public ; ils sont donc pleinement historiques,
apparaissent et disparaissent en suivant l’évolution des arts eux-mêmes.
Comme dans les autres arts, le genre cinématographique est fortement lié
à la structure économique et institutionnelle de la production. Les genres
cinématographiques n’ont jamais été aussi nettement définis que dans le
cinéma «  classique  » hollywoodien, où régnait une division du travail
particulièrement bien organisée (au point que certaines firmes ont été
parfois identifiées à la production de genres très précis, comme les films de
gangsters de la Warner dans les années 1930). Ils ont été ensuite
transformés, soit par la surenchère et la parodie (le « sur-western », puis le
western-spaghetti, comme héritiers du western classique), soit par
l’extinction ou la décrépitude (la comédie musicale et le western sont
devenus très rares), soit encore par les modifications même du référent
auxquels ils sont liés (c’est le cas du genre policier). Contrairement à une
opinion souvent émise, il ne semble pas que le phénomène du genre ait
faibli  ; mais il est vrai que plusieurs genres ont beaucoup évolué, que
d’autres sont apparus (le film de sabre taïwanais, le film de kung-fu, la
reconstitution « rétro », etc.), que souvent les films de genre affichent une
certaine ironie envers leur appartenance de genre, et que plusieurs
réalisateurs importants (De Palma, Ferrara, Carpenter, Wong Kar-Wai…)
ont cherché à opérer de l’intérieur même des genres une redéfinition ou au
moins une réflexion qui institue elle aussi une sorte de distance.
En dehors de sa définition par le référent, le genre peut comporter des
scènes obligatoires (les numéros chantés et dansés dans le musical, le
gunfight dans le western), qui jusqu’à un certain point en régissent
l’économie formelle et symbolique (le rythme est très différent dans une
comédie musicale, ponctuée par plusieurs numéros indépendants, ou dans
un film de guerre, ressortissant davantage au schème classique de
l’aventure). Bien entendu, un film peut toujours jouer a contrario de ces
«  obligations  », ou les combiner  ; certaines alliances entre genres ont été
ainsi très fécondes, comme la longue alliance du western et du burlesque à
l’époque muette (Leutrat, 1985).
Le genre est particulièrement propice à la citation, à l’allusion, et plus
largement, à tous les effets intertextuels. Des scènes ou des formes
prescrites par un genre (la déclaration et le premier baiser dans la love story,
le gag dans le burlesque, le passage à tabac du détective dans les films noirs
des années 1940) se ressemblent d’un film à l’autre, et finissent par
constituer une sorte de répertoire que chaque nouveau film du genre
convoque plus ou moins consciemment (Altman, 1999 ; Moine, 2002).
➦  BURLESQUE, COMÉDIE, DRAME, FANTASTIQUE, MÉLODRAME, NARRATION,
RÉCIT

  VIRMAUX, 1994 ; ALTMAN, 1999 ; MOINE, 2002, 2005

GÉOGRAPHIE CRÉATRICE
Théorie Au nombre des expériences plus ou moins mythiques de l’« atelier
Koulechov » (groupe de jeunes étudiants en cinéma du GIK, autour de leur
non moins jeune professeur, au début des années 1920), figure un certain
nombre de montages de plans disparates, aboutissant sur l’écran au rendu
convaincant d’un monde qui n’a pas d’équivalent dans la réalité, mais qui
s’impose à l’imaginaire par sa cohérence. L’exemple souvent donné est
celui de deux personnages d’abord filmés séparément, en plan d’ensemble,
dans deux décors très éloignés dans la réalité (par exemple, l’un au bord de
la Néva à Leningrad et l’autre devant la Maison-Blanche à Washington), et
montrés en plan rapproché se serrant la main ; l’inférence logique est que
les deux décors appartiennent au même lieu diégétique, lequel relève d’une
« géographie » irréelle.

➦  DIÉGÈSE, EFFET DE RÉALITÉ, EFFET KOULECHOV, MONTAGE, PLAN,


RÉALISME

  KOULECHOV, 1920, 1923 (IN 1994)

GESTALT
Psychologie La Gestalttheorie (en français  : théorie de la forme) fut
élaborée dans les années 1910 par des psychologues allemands opposés à
l’associationnisme. Pour ce dernier, c’est par habitude et par éducation
acquises que nous percevons les situations réelles du monde ; au contraire,
les tenants de la Gestalttheorie postulent que la perception, et généralement
les processus psychiques, «  partent des formes ou structures [Gestalt]
considérées comme des données premières. […] Il n’y a pas de matière sans
forme » (Guillaume). Autrement dit, un phénomène psychique, par exemple
la perception visuelle, ne s’analyse pas comme l’addition de phénomènes
élémentaires, mais se présente toujours comme un acte global  : percevoir,
c’est extraire du donné sensible des structures, des configurations, des
formes d’ensemble (des Gestalt), et non pas additionner des éléments de
perception locaux et ponctuels ; la globalité et l’innéité qui caractérisent ce
processus sont celles des structures mentales mêmes.
Il n’existe guère d’application directe de cette théorie au cinéma, mais on
peut noter que l’un de ses promoteurs, Wertheimer, avait dès 1912 expliqué
le phénomène du mouvement apparent par des propriétés intégratrices du
cortex visuel (et démontré par l’absurde que l’explication alors habituelle,
par la « persistance rétinienne », n’était pas acceptable). Toutefois quelques
théoriciens du cinéma ont utilisé les «  universaux  » de la Gestalttheorie,
notamment Arnheim (et ses disciples Stephenson et Debrix), et Mitry
(1965), qui en retient quelques grands principes et surtout celui de la
constance des formes (perception des formes sous leur aspect normal même
sous un angle de vision très oblique).

➦ ARNHEIM, EFFET PHI


  ARNHEIM, 1932 ; STEPHENSON & DEBRIX, 1945 ; MITRY, 1963-1965

GLAMOUR
Esthétique Mot anglais signifiant fascination, éclat, prestige, et que
l’industrie hollywoodienne a appliqué à ses stars, spécialement à ses stars
féminines. Comme la photogénie, dont il est voisin, le glamour tient à la
fois au sujet photographié ou filmé, qui est plus ou moins susceptible de
fasciner, et à la manière dont il est filmé. En particulier, il existe un certain
nombre de recettes d’éclairage, destinées à accroître l’éclat des visages.

➦ LUMIÈRE, PHOTOGÉNIE, STAR SYSTEM, VISAGE

GODARD, JEAN-LUC (1930)


Cinéaste, critique C’est pour ses essais filmés, autant et davantage que
pour ses textes écrits, que Godard figure dans un dictionnaire de la théorie
du cinéma. Pour l’essentiel, sa réflexion a toujours tourné autour de la
question du sentiment de l’image.
Dans une première période (son activité critique, jusqu’à 1959, puis les
premiers films, dans les années 1960), la question est de savoir si l’image
est articulation d’un sens ou empreinte du réel, et, corrélativement, si le
concept majeur du cinéma est le montage ou la mise en scène. Dès cette
période, la pratique de la citation (écrite ou visuelle) indique que, pour
Godard, la réponse est en fait décalée par rapport à cette alternative  :
l’image est quelque chose qui circule, qui se démonte ou se remonte.
Dans sa période militante, Godard est à la recherche d’un sens qu’on
puisse dire véridique. C’est l’époque du soupçon relatif à l’image («  juste
une image, pas une image juste ») et de la pratique, dans des films plus ou
moins directement politiques, d’un montage soumis au verbal parce que
celui-ci seul peut être considéré comme lieu de la vérité : la vérité précède
l’image, celle-ci peut au mieux tenter de s’y conformer.
Par une sorte de relève dialectique des idées de ces deux périodes
successives, Godard en est enfin venu à considérer l’image comme ce qui
échappe au verbal, et en libère. D’où son insistance sur un retour du réel
(social, anthropologique : France Tour Détour) et un retour de la figure, en
tous les sens (Scénario de «  Sauve qui peut  »). C’est, pour finir, la
production d’essais sur l’image comme héritage d’images (citation et
montage), en même temps que comme énoncé immédiat sur la réalité
(Histoire(s) du cinéma). Les tout derniers films de Godard (Film
Socialisme, 2010  ; Adieu au langage, 2014) mêlent toutes ces
préoccupations, dans des films où on passe de la fiction à l’essai, du
document au symbole, de l’analogique au figural, de manière libre et
imprévisible  : l’image est toujours le centre autour duquel tourne sa
réflexion.

➦ CITATION, FIGURE, HISTOIRE, IMAGE, MONTAGE


  BERGALA, 1999 ; LEUTRAT & LIANDRAT, 2004 ; MARIE, 2006 ; WITT, 2013

GORE
Genre Mot anglais qui s’oppose à blood pour désigner le sang versé,
coagulé ou nauséabond alors que le second terme désigne le sang sain qui
coule dans les veines. Le terme a désigné une catégorie marginale de films
d’horreur à petits budgets dont le but était de provoquer une réaction
violente de répulsion et de dégoût chez le spectateur, depuis Blood Feast
(Hershell Gordon Lewis, 1963). Il s’agit de la remise au goût du jour des
recettes du théâtre de Grand Guignol en mobilisant les trucages
cinématographiques pour exhiber des corps mutilés, des viscères et des flots
de sang.
Ce sous-genre a contaminé la production des grands studios et influencé
d’autres genres que le fantastique : les films policiers, les films de guerre,
les films d’arts martiaux, tous devenus plus violents et plus sanglants. Le
gore a pu être vu comme un symptôme ou un site des transformations de la
figuration du corps : « La substance organique elle-même fait l’objet d’un
traitement profondément archaïque. Le corps ici ne consiste pas en une
charpente de chair et d’os, mais en un mélange de plantes aquatiques, de
bulbes et de filaments qui confond trois substances originelles : le plasma,
le placenta et le plancton » (Brenez, 1998, à propos de Body Snatchers).
Le gore est un bon exemple de circulation des conventions figuratives
d’une catégorie de la production à une autre en fonction des limites de la
censure, de la composition sociale du public et du réajustement des lois du
marché.

➦ ÉPOUVANTE, FANTASTIQUE, GENRE


  ROUYER, 1997 ; AKNIN, 2007

GOTHIQUE
Histoire, genre Sous-genre du cinéma fantastique, principalement dans les
années 1960 autour des productions de la Hammer (Angleterre), de Roger
Corman aux États-Unis ou de Mario Bava en Italie. Le gothique se
caractérise par son goût de l’effet appuyé et de la terreur, soit due à des
supplices, soit à des apparitions surnaturelles.
Paradoxalement, ce sous-genre vécut son déclin (remplacé par le gore
puis le slasher) au moment où un important courant musical (anglais)
reprenait l’appellation « gothique » (vers 1970 – typiquement : Nico, Alice
Cooper…) influençant des pans entiers de la vie sociale, notamment dans le
vêtement et le maquillage (avec un tropisme pour le noir). Certains films
(notamment de Tim Burton à partir de Edward aux mains d’argent et Sleepy
Hollow, ou Coppola avec son Dracula) ont tenté de faire revivre le genre,
en y incluant des traits issus de ce mouvement sociétal.

➦ FANTASTIQUE, GENRE, GORE, SLASHER


GRAMMAIRE
Linguistique Étude systématique des éléments constitutifs d’une langue,
plus spécialement de ses formes (étudiées par la morphologie) et de ses
fonctions (étudiées par la syntaxe).
Le terme a été transposé par quelques auteurs de manuels d’initiation au
langage cinématographique, dans le sillage des développements de
l’éducation populaire postérieure à la Libération (Bataille, 1947  ;
Berthomieu, 1946). Ces grammaires tiennent pour un fait acquis l’existence
d’un langage cinématographique. Elles sont fortement marquées par le
modèle des grammaires scolaires de la langue et proposent des équivalents
du lexique, des règles syntaxiques, des signes ponctuatifs, par exemple.
Elles sont, la plupart du temps, normatives et préconisent un « bon usage »
du langage cinématographique. Le projet sémiologique s’est fondé sur la
réfutation ou la mise en doute de ces présupposés : le cinéma est-il vraiment
un langage  ? Quelles sont ses unités significatives  ? Peut-on parler de
grammaticalité au cinéma ?
Les chercheurs influencés par la linguistique générative ont proposé à
leur tour des analyses des critères de grammaticalité audiovisuelle en
partant des catégories de la grammaire générative et transformationnelle.
Ces perspectives sont aujourd’hui à peu près abandonnées, et intégrées aux
préoccupations de l’approche cognitiviste. Cependant de nouvelles
grammaires réapparaissent régulièrement sans toutefois surmonter les
écueils de leurs modèles des années 1940.

➦  COGNITIVISME, GÉNÉRATIVE (LINGUISTIQUE), LANGAGE


CINÉMATOGRAPHIQUE


  BERTHOMIEU, 1946 ; BATAILLE, 1947

GRANDE SYNTAGMATIQUE
Sémiologie La « syntagmatique » est l’étude des syntagmes, c’est-à-dire de
la suite des unités présentes dans la chaîne (verbale pour la langue,
audiovisuelle pour le film). La «  grande syntagmatique de la bande-
images » est le nom d’un tableau donné par Metz (1964), et qui propose un
regroupement, classé logiquement, d’un certain nombre de «  segments
autonomes  » de la chaîne filmique. Ceux-ci peuvent être ramenés à huit
catégories principales.
Le premier critère oppose les plans uniques (plans autonomes, 1) aux
syntagmes composés de plusieurs plans. Ceux-ci peuvent être
chronologiques ou non chronologiques. Les syntagmes non chronologiques
peuvent être parallèles (2) ou en accolade (3), ceux qui sont chronologiques
peuvent être descriptifs (4) ou narratifs. Les syntagmes narratifs sont
alternés (5) ou linéaires ; dans ce dernier cas, ils se divisent en scènes (6)
quand ils sont sans ellipse et en séquences, ce dernier type étant de loin le
plus fréquent. Enfin, les séquences peuvent être ordinaires (7) ou par
épisodes (8).
Des auteurs de «  tables [i.e. tableaux] de montage  » avaient
précédemment proposé des relevés logiques de types séquentiels,
notamment pour distinguer les différents types d’alternance ou de montage
métaphorique. Le tableau metzien intervient au moment de l’intérêt naissant
pour la sémiologie structurale. Il a été discuté, parfois vérifié, souvent
contesté, sur toutes sortes de films et d’agencements séquentiels. Son auteur
a toutefois précisé que ces huit types principaux ne concernaient que la
bande image des films narratifs classiques  ; il a lui-même éprouvé les
limites de son modèle en analysant un film post-classique, Adieu Philippine
(Jacques Rozier, 1962). Les recherches inspirées de la linguistique
générative (Chateau, Colin, etc.) ont proposé des descriptions plus
formalisées des agencements séquentiels de la bande-image, et de manière
générale ce type d’entreprise d’inspiration structurale a été délaissé depuis
les années 1980.

➦ SEGMENTATION

GRAND IMAGIER
Narratologie Terme proposé par Laffay (1964) pour désigner le foyer
virtuel de l’énonciation filmique. Laffay définit le récit par opposition au
monde à partir des critères suivants :
– contrairement au monde, qui n’a ni commencement ni fin, le récit
est ordonné selon un déterminisme rigoureux ;
– tout récit cinématographique a une trame logique, c’est une sorte
de « discours » ;
–  ce récit est ordonné par un «  montreur d’images  », une sorte de
« grand imagier » ;
– enfin, le cinéma raconte autant qu’il représente, contrairement au
monde, qui est tout simplement.

➦ ÉNONCIATION, LAFFAY, NARRATOLOGIE, RÉCIT


  LAFFAY, 1964 ; GAUDREAULT, 1988

GREEN, EUGÈNE (1947)


Cinéaste, romancier, essayiste, théoricien Romancier, essayiste, metteur
en scène de théâtre et cinéaste français, d’origine états-unienne. Il s’est
d’abord fait connaître, dans les années 1990, par son travail sur le théâtre
baroque français ; c’est à cinquante ans qu’il est devenu cinéaste (Toutes les
nuits, 2001). Il a consacré à l’esthétique du cinéma deux ouvrages
importants. Le premier (2003), sous-titré « Essai sur la nature du cinéma »,
posait l’essentiel de sa thèse  : il y a, dans notre monde, un phénomène
mystérieux mais essentiel : la présence ; le cinéma, moyen plus puissant que
d’autres pour montrer le monde, a une capacité intrinsèque et naturelle de
rendre cette présence. Cela est proche des idées de Bazin, qui faisait du
cinéma l’outil d’une reproduction du monde, ambiguïté incluse  ; Green
amplifie encore ces thèses, en les complétant d’un axiome ontologique plus
absolu  : le cinéma total, pour lui, n’est pas seulement une parfaite
réduplication du monde sensoriel, mais un mode d’expérience qui donne
accès à une totalité du monde, et inclut une part qui n’est pas accessible aux
sens – la « présence ».
Dans un second ouvrage (2009), il a tiré les conséquences poétiques de
cette conception extrême du réalisme cinématographique  : le cinéma
«  enregistre le monde comme une réalité, et le fait apparaître comme un
rêve, en nous y dévoilant un monde caché, plus solide que l’autre ». Cela
exclut donc l’énorme proportion des films (même des chefs-d’œuvre) qui, à
ses yeux, ne nous offrent qu’une présence symbolique, et non la présence
réelle, celle de l’énergie revenante et errante, celle de l’univers et de
l’esprit. Il en tire alors les conséquences pratiques quant à l’écriture d’un
scénario, à l’image, à la bande sonore ou au jeu d’acteur – qui reprennent
sur bien des points, et amplifient, les propositions de Bresson.

➦ BRESSON, RÉALISME

GRIERSON, JOHN (1898-1972)


Cinéaste, théoricien, politique Producteur et cinéaste anglais, il fonda et
anima plusieurs groupes de production, dont le GPO Unit (1933-1937), qui
inventa le documentaire moderne ; il est également à l’origine de l’Office
national du film du Canada (ONF). Pour Grierson, le cinéma est un
instrument, au service de l’idéologique et du politique, et sa place dans la
société est d’autant plus secondaire qu’il est conçu comme un art. Par
conséquent, ce n’est pas un moyen d’expression individuel, mais un outil
collectif de production, et le film n’est pas une œuvre mais le traitement
d’un sujet (socialement important).
La réflexion sur la forme filmique chez Grierson et ses équipiers fut,
logiquement, peu développée, même si leurs films sont souvent très
inventifs. Il souligne l’importance de l’«  imagerie  » et du montage, mais
sans en donner de concept général. En revanche, il est souvent revenu sur la
notion de réalisme, dont il a une conception proche, dans ses principes, de
celle de Vertov : le cinéma est un super-œil, qui voit mieux que le nôtre, et
donne ainsi son véritable sens au monde ; voir implique la visée, ou désir de
montrer (il n’y a pas de voir innocent). La tâche du documentariste
(réaliste) est donc de dégager de la réalité les énoncés implicites qu’elle
contient, et de choisir entre ces énoncés, en fonction de critères en dernière
instance politiques.

➦ DOCUMENTAIRE, RÉALISME, VERTOV

GROS PLAN
Technique, esthétique Le gros plan est l’un des termes de l’échelle des
plans, correspondant à une position de la caméra très proche de l’objet
filmé. À cette définition empirique (un plan plus rapproché, plus «  gros  »
que les autres) s’est souvent ajoutée ou substituée une définition qualitative,
une caractérisation nouvelle du plan, qui lui donne une autre valeur.
Cela fut surtout le cas à l’époque muette. Chez Epstein, le gros plan est
un élément essentiel d’une poétique du film ; bouleversant nos habitudes de
vision en nous obligeant à voir les êtres (surtout les visages) de près, il nous
les fait découvrir à neuf, selon des proportions inédites  ; il est l’un des
principaux instruments de la photogénie. De même Balázs y voit un outil un
peu magique ; il est lui aussi sensible au traitement du visage, que le gros
plan accuse et révèle dans ses moindres rides et dont il fait une sorte de
paysage expressif.
Pour Eisenstein, ce même pouvoir d’étrangeté de la vue en gros plan
devient outil de dé-naturalisation du plan (du «  fragment  »). Le gros plan
est un moyen de couper l’objet filmé de sa référence réaliste, d’en faire une
sorte d’idéogramme plus ou moins abstrait. Cette idée a été reprise par
Bonitzer (1976), qui voit dans ce gros plan abstrait l’opérateur d’une
conception anti-naturaliste du cinéma (baptisée «  hétérologique  », mot
repris de G. Bataille)  ; le gros plan pour lui est irréductible à la référence
anthropomorphique des autres grosseurs de plan, et le grossissement
extrême ayant toujours un caractère un peu monstrueux, il produit toujours
une sorte d’excès dans le discours filmique. Toujours dans la continuation
de la pensée d’Eisenstein, on a aussi proposé (Aumont, 1979  ; Dubois,
1985) la notion d’«  effet gros plan  », pour désigner un effet de
grossissement et de coupure «  mentaux  », qui ne serait pas obtenu par un
gros plan au sens technique, mais par un « grossissement » de l’attention ou
de l’intensité.

➦  BALÁZS, ÉCHELLE DE PLANS, EISENSTEIN, EPSTEIN, FRAGMENT,


PHOTOGÉNIE, PLAN

  EPSTEIN, 1921 ; BONITZER, 1982 ; DUBOIS, 1985


H
HAPTIQUE
Esthétique, psychologie Terme introduit dans une réflexion sur la
représentation picturale par Adolf von Hildebrand (1893)  : le haptique
désigne un style de peinture qui semble fait pour être « touché des yeux »
plutôt que simplement vu  ; il est défini en opposition à l’optique. Cette
opposition, popularisée par Wölfflin (1915), qui y voyait l’opposition de la
ligne au modelé, et d’un style léger à un style massif, a été reprise plus tard,
notamment par Deleuze dans son essai sur Francis Bacon (1981), et parfois
appliquée au cinéma (cf. Bonitzer, 1985). Elle est presque toujours associée
au filmage en gros plan et à la production, dans l’image, d’un effet
volumétrique fort qui vient « à la rencontre » du spectateur.

➦ FIGURAL, VISUEL

HARMONIQUE (MONTAGE)
Esthétique Dans sa typologie théorique du montage datant de la fin de la
période muette, Eisenstein (1929) oppose trois grands types de construction
filmique par le montage :
–  une construction purement formelle, «  métrique  » ou
« rythmique », qui ne met en jeu que la sensation éprouvée par le
spectateur ;
–  une construction émotionnelle, «  tonale  » ou «  harmonique  », la
première étant orientée par un thème unique, la seconde, résonant
plus largement ;
–  enfin, une construction intellectuelle, dans laquelle le cinéma se
rend capable de fabriquer directement des concepts.
Tiré d’une analogie musicale fréquente à l’époque (chez Gance, chez
Vertov, chez les Formalistes), le terme désigne donc la forme que prend, à
cette date, une préoccupation constante chez Eisenstein  : combiner le
pouvoir conceptuel et le pouvoir émotionnel des images en mouvement et
de leur montage.

➦ EISENSTEIN, MONTAGE, PATHÉTIQUE

HEATH, STEPHEN (1945)


Théoricien Universitaire anglais. Professeur de littérature anglaise et
française à Cambridge, il est l’auteur d’un livre sur le Nouveau Roman
(1972) et d’un ouvrage sur Barthes (1974). Membre du comité directeur de
la revue Screen dans les années 1970, il y introduisit, dans des directions
comparables à celles qui alors se développaient en France, l’analyse
textuelle et un style théorique abstrait, souvent dogmatique, fondé sur des
références à Marx et Freud, à Derrida, Foucault et surtout Lacan (voir son
article sur la suture, On suture). Heath n’a jamais publié de livre exposant
sa théorie d’ensemble  ; ce qui s’en rapproche le plus est son recueil
Questions of cinema (1981), où l’on trouve certains de ses articles les plus
représentatifs (à l’exception notable, toutefois, de sa longue et
impressionnante analyse de La Soif du mal d’Orson Welles, parue dans
Screen). Il joua encore, au début des années 1980, un rôle assez important
dans les échanges entre Amérique du Nord et Europe en matière de théorie
du cinéma, comme en témoignent deux ouvrages qu’il a codirigés, The
Cinematic Apparatus (1980, avec T. de Lauretis) et Cinema and Language
(1983, avec P. Mellencamp). Depuis cette période, il semble s’être éloigné
de la réflexion théorique sur le cinéma.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, BARTHES, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, SUTURE

HERMÉNEUTIQUE
Philosophie L’herméneutique moderne a été fondée, au début du
XIXe siècle, par le philologue et théologien allemand F. Schleiermacher, qui
propose d’analyser et d’expliquer les textes (littéraires et poétiques) en
combinant les principes de l’exégèse biblique et de la philologie classique ;
Dilthey accentua ce geste fondateur, en insistant, dans sa théorie de
l’histoire de l’esprit (Geistesgeschichte) sur la dimension historique ainsi
conférée aux œuvres. Cette tradition a débouché sur ce que les études
littéraires appellent, en français, l’« explication de texte » (Lanson), c’est-à-
dire la recherche rationnelle et informée du sens intentionnel d’une œuvre –
 le sens que son auteur a voulu lui donner, et que nous pourrons reconstituer
grâce à une enquête sur le contexte culturel, sur l’état de la langue utilisée
par l’auteur, enfin sur la psychologie de cet auteur lui-même.
Par la suite, la philosophie du XXe  siècle a repris cette conception, et le
terme même d’herméneutique, mais pour critiquer l’idée d’une valeur
épistémologique de cette approche, en retournant à ses conditions
proprement ontologiques : « Ce n’est pas d’abord ce que dit le texte, mais
ce que l’auteur a voulu dire à ses contemporains qui est recherché. Mais
ensuite et alors seulement, la question de la vérité du texte est posée, et le
message est appréhendé dans un dialogue vivant avec l’auteur » (Ricœur).
Il s’agit, au fond, de dépasser ce qui est apparu comme un blocage ou une
aporie, à savoir l’éloignement historique des textes interprétés : la condition
de l’interprétation, pour Heidegger, à sa suite pour Gadamer et Ricœur,
c’est que l’interprète soit en connivence avec l’œuvre, malgré leur distance
dans le temps.
Si l’explication de texte a fourni l’un des modèles les plus courants de la
critique de film, il existe assez peu de tentatives herméneutiques frontales à
propos de cinéma. La plupart du temps, ces tentatives sont déséquilibrées,
mettant l’accent sur la part exégétique et/ou sur le désir d’une connivence
fantasmatique avec l’auteur, au détriment de l’enquête philologique qui,
dans l’étude de la littérature, offre toujours un contrepoids à la
surinterprétation, mais qui est difficilement adaptable au cinéma (parce
qu’il n’y a ni langue, ni grammaire, ni vocabulaire cinématographiques).
Sous le nom d’« herméneutique », on a donc rencontré surtout des exégèses
assez forcées, où le sens donné à une œuvre résulte d’une «  traduction  »
selon un lexique plus ou moins convenu  ; la théorie freudienne a souvent
joué ce rôle, par exemple à propos de Buñuel, mais on a pu aussi bien
recourir à d’autres lexiques, comme celui de la Kabbale proposé par
Douchet à propos de Hitchcock (1985). Inversement, des études comme
celle de Bordwell sur Ozu (1988), qui remplit à peu près idéalement le
programme de l’herméneutique « grammaticale », ne se réfèrent pas à cette
doctrine (mais, en l’occurrence, à une autre dont elle se veut l’illustration, le
« néoformalisme »).
➦ ANALYSE TEXTUELLE, CRITIQUE, INTERPRÉTATION
  AGEL & AYFRE, 1953

HISTOIRE
Narratologie «  Histoire  » est un terme riche de sens multiples. Il a été
opposé à «  récit  » en narratologie, et à «  discours  » en linguistique de
l’énonciation (Benveniste). Selon cette dernière opposition, «  histoire  »
renvoie à un énoncé qui se caractérise par l’effacement des marques
d’énonciation. L’histoire se présente alors comme un discours paradoxal,
qui n’est tenu par personne, et «  où les événements semblent se raconter
d’eux-mêmes ».
Ce type d’énoncé correspond au récit classique qui fonctionne sur le
mode de la transparence. Le concept a donc été immédiatement transposé
dans le domaine filmique, car il semblait bien rendre compte du mode
dominant de narration fondé sur le « découpage classique » ; en particulier,
le fonctionnement du film classique hollywoodien (Bordwell et al., 1985)
répond assez directement aux caractéristiques du récit historique. Bien
entendu cet effacement des traces d’énonciation est illusoire et surtout, il ne
peut jamais être total. La dissimulation (partielle ou tendancielle) du
dispositif énonciatif ne désigne pas une absence d’énonciation, mais une
manière particulière qu’a celle-ci de se manifester pour solliciter davantage
la part de croyance chez le spectateur.
Le récit discursif (ou le signifiant est marqué), s’opposant au récit
historique, caractériserait plutôt le cinéma moderne, qui exhibe, et parfois
même souligne, son processus énonciatif (comme certains films dysnarratifs
du début des années 1970). La relation entre histoire et discours a eu
tendance, depuis la fin du cinéma classique, à s’équilibrer davantage, et les
films récents comportent souvent de nombreux indices d’énonciation,
auxquels les spectateurs sont désormais largement accoutumés et qu’ils
décodent sans difficulté.

➦ DISCOURS, DYSNARRATIF, NARRATION, NARRATOLOGIE, SÉMIOLOGIE


  ROPARS-WUILLEUMIER, 1970, 1981 ; CHATMAN, 1978
HISTOIRE (DU CINÉMA)
Sciences humaines Le mot «  histoire  » désigne à la fois la succession
temporelle des événements qui déterminent l’évolution d’une société et la
discipline qui analyse les causes de cette évolution. Le cinéma apparaît en
pleine période d’expansion de l’histoire, à la fin du siècle dernier. Il est
donc logique que les premiers livres qui parlent de cette apparition se soient
voulus des livres d’histoire, comme l’Historique du cinéma d’Émile Kress
(1912) en France ou le Theater of Science de Robert Grau (1914) aux États-
Unis.
Les premières histoires du cinéma sont des histoires des techniques
(Coissac, 1925 ; Ramsaye, 1926). Il s’agit pour l’essentiel de l’énumération
descriptive des inventions et du portrait souvent hagiographique des
pionniers de l’industrie. C’est avec la fin du cinéma muet que les « histoires
de l’art cinématographique » apparaissent. Elles s’inspirent alors du modèle
de l’histoire littéraire : nomenclature sélective des chefs-d’œuvre et de leurs
auteurs (Brasillach et Bardèche, 1935).
À ces deux types, l’histoire esthétique et l’histoire technique, on peut
ajouter l’histoire économique et l’histoire sociale (Allen & Gomery, 1985).
Cette dernière regroupe l’histoire des publics et l’histoire des
représentations sociales, qui sont deux manières d’aborder le cinéma
radicalement différentes.
L’histoire du cinéma doit donc s’efforcer de définir son principe de
pertinence (de quelle histoire s’agit-il  ?) et de proposer une méthodologie
rigoureuse d’enquête. La question initiale est celle des sources et des
matériaux de référence. Les premières histoires ont été proposées par des
chroniqueurs contemporains des événements qu’ils décrivaient. Elles ont
été, par la suite, souvent reconduites telles quelles. Au début des années
1970, une nouvelle génération d’historiens a pris conscience des
insuffisances des histoires de seconde main. Il s’en est suivi un double
mouvement  : 1°, un retour aux sources primaires (consultation et analyse
systématique des archives de l’époque) ; 2°, dans certains cas, un souci de
réflexion épistémologique encore rare dans la discipline. Toutefois on en
restait encore souvent à la phase de l’établissement des faits, comme par
exemple pour les débuts du cinéma. Cette « nouvelle histoire » avait encore
des difficultés à passer au stade suivant, celui de l’interprétation des faits,
sans laquelle l’histoire n’est qu’une chronique.
La période récente est au contraire marquée par un développement
sensible de cette «  nouvelle histoire du cinéma  », comme en témoignent
notamment les nombreux travaux publiés par les éditions de l’AFRHC, et la
résurrection de la commission de la recherche historique au sein de la
Cinémathèque française. Par ailleurs, le courant « cinéma et histoire », issu
des travaux de Marc Ferro et de Pierre Sorlin, a multiplié les recherches sur
des domaines inédits, comme le cinéma colonial, le cinéma de la Grande
Guerre, le cinéma français sous l’occupation, la destruction des Juifs
d’Europe, les documentaires de propagande et bien d’autres sujets. Dans ce
cas, il s’agit de prendre en compte le cinéma comme une source historique
dévoilant certains pans occultés de l’histoire politique et sociale.

➦ CRITIQUE, FERRO, IDÉOLOGIE


  FERRO, 1977 ; ALLEN & GOMERY, 1985 ; LAGNY, 1992 ; BESSIÈRE & GILI, 2004

HITCHCOCK, ALFRED (1899-1980)


Cinéaste Hitchcock n’a pas seulement été réalisateur mais aussi producteur.
Dans ses déclarations et ses articles sur le cinéma, on ne trouve guère de
considérations d’ordre esthétique, mais une théorie du cinéma comme
spectacle, destiné à un public et devant chercher avant tout à le captiver.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre son éloge constant du
professionnalisme, et généralement son souci de l’institution
cinématographique. Mais la perfection technique n’a pas sa fin en elle-
même, elle est soumise à une seule visée, la « direction » des spectateurs.
Pour cela, Hitchcock propose un cinéma qui diminue la part intellectuelle et
augmente la part émotionnelle de l’activité spectatorielle  :
scénaristiquement, en provoquant l’identification au personnage en danger
(c’est le sens de la thématique du «  faux coupable  »), et surtout,
formellement, en cultivant le suspense (« dilatation d’un présent pris entre
deux futurs possibles », selon la formule de Jean Douchet).
Pour atteindre sa visée émotionnelle, Hitchcock cultive une forme
filmique dans laquelle le thème (a fortiori l’histoire, toujours inessentielle)
est soumis à la mise en scène ; le réalisme photographique, consubstantiel
au film, doit cependant être soumis à l’image ; enfin, l’instrument essentiel
du cinéaste, qui détermine tous les autres, est le montage. La théorie
hitchcockienne de l’image la voue à la signification, par tous les moyens y
compris métaphoriques et rhétoriques. Le premier instrument du film est la
caméra, qui par le cadrage construit le premier stade émotionnel (et non
l’acteur : Hitchcock est un tenant de l’effet Koulechov). Sur cette base, le
travail formel du cinéaste est de modelage –  contraction, dilatation,
emphatisation, diminution – des intensités dans le temps : c’est un travail de
monteur, qui pour Hitchcock est la pierre de touche de la maîtrise du
cinéaste : il n’existe qu’« une seule solution » pour le montage d’une scène
donnée, si elle doit à la fois obtenir l’effet voulu et produire une « grande
forme  » harmonieuse. C’est dans ce traitement du temps que réside
l’esthétique hitchcockienne.

➦ EFFET KOULECHOV, MÉTAPHORE, MONTAGE, SUSPENSE

HOLLYWOOD, HOLLYWOODIEN
Institution, histoire Le nom de Hollywood (« bois de houx ») fut donné à
la fin du XIXe à un petit terrain sur la commune de Los Angeles, qui devint,
pour diverses raisons souvent racontées, le lieu de tournage privilégié des
cinéastes venus de la côte est à partir de 1910. C’est dans le voisinage que
furent construits, avant 1920, les grands studios qui devaient devenir ceux
des Majors. Ce nom, et surtout l’épithète «  hollywoodien  » désignent
depuis, par métonymie, le cinéma américain, classique ou moins classique
(quitte à parfois abuser du terme pour désigner des films produits sur la côte
est). Ces termes connotent à la fois l’ampleur des moyens de production,
une organisation de type industriel, et une visée avant tout commerciale,
mais aussi un certain style de récit, de genre, de personnages, de valeurs
morales et de stéréotypes sociaux ; c’est selon ces connotations que le nom
a été par la suite décliné en Bollywood (cinéma industriel indien, de
Bombay), Nollywood (cinéma nigérian), etc. C’est aussi la raison pour
laquelle il a parfois été utilisé par la critique de manière semi-péjorative
(comme antonyme de «  cinéma indépendant  », voire de «  cinéma
d’auteur »).

➦ STUDIO
  BROWNLOW, 1979A  ; SCHATZ, 1988  ; BOURGET, 1998, 2006  ; DUBOIS (RÉGIS),
2008
HORREUR
Genre L’horreur est une impression physique de répulsion ou d’effroi,
provoquée par quelque chose d’affreux. Le terme a été utilisé comme une
catégorie du cinéma fantastique, du moins dans la classification
francophone des genres, alors que «  horror film  » désigne en anglais
l’ensemble du genre fantastique.
On peut distinguer, au sein d’un vaste corpus qui se développe beaucoup
dans la production commerciale des années 1960, la veine des films
d’horreurs qui exploitent les thèmes liés à l’occultisme ou à la magie noire,
les créatures monstrueuses mortes-vivantes comme les vampires et les
zombis, les parasites ou les mutants. La seconde inspiration développe le
thème du tueur en série depuis le modèle de M le maudit de Fritz Lang. Le
tueur psychopathe a donné lieu à un sous-genre transalpin qualifié de
«  giallo » (d’après la couverture jaune de la littérature policière en Italie)
qui met en scène rituellement un assassin mystérieux vêtu de noir, masqué
et ganté, assassinant à l’arme blanche. Quelques cinéastes transalpins se
sont illustrés dans ce sous-genre  tels Mario Bava (Six femmes pour
l’assassin, 1964) ou Dario Argento (Inferno, 1979). Aux États-Unis, le film
d’horreur s’est prolongé dans le gore.
Le film d’horreur est un terrain privilégié de l’analyse psychanalytique
des films, comme l’ont montré les travaux de Dadoun ou Gagnebin. Ils
peuvent être aussi étudiés dans une perspective socio-anthropologique
(Jullier).

➦ FANTASTIQUE, GENRE, GORE


  GAGNEBIN, 1999 ; DADOUN, 2000 ; DUFOUR, 2006 ; JULLIER, 2008

HORS-CADRE
Esthétique Pour les esthéticiens formalistes du cinéma, c’est toujours
abusivement qu’on crédite la représentation filmique de vertus réalistes par
nature, et la tâche du critique est de mettre en évidence le caractère leurrant
de la prétention à un réalisme «  ontologique  ». C’est Eisenstein qui a mis
l’accent, pour dénoncer ce leurre, sur la différence radicale entre l’intérieur
du plan et son dehors  : tout ce qui est dans le plan a un statut fictionnel,
mais tout ce qui n’est pas dans l’image doit être considéré comme n’ayant
aucune existence matérielle, comme étant un « hors-cadre » abstrait, plutôt
qu’un hors-champ imaginaire et fictionnalisable.
La notion a été reprise et développée lors de la découverte du corpus
théorique eisensteinien, autour de 1970. Pour Bonitzer (qui n’utilise pas le
mot «  hors-cadre  », mais parle d’une variété particulière de «  hors-
champ »), c’est l’espace de la production, au sens le plus large du mot (pas
seulement la production comme processus matériel, mais comme processus
signifiant)  ; pour Ropars-Wuilleumier, le hors-cadre est l’espace de
l’écriture, au sens inspiré de Derrida qu’elle donne à ce mot (c’est donc un
« lieu » hétérogène à tout lieu fictionnel).

➦ CADRE, CHAMP, ÉCRITURE, EISENSTEIN, HORS-CHAMP


  EISENSTEIN, 1929, 1942, 1980 ; BONITZER, 1976, 1982 ; CARASCO, 1976 ; ROPARS-
WUILLEUMIER, 1981, 1990

HORS-CHAMP
Technique, esthétique Le champ défini par un plan de film est délimité par
le cadre, mais il arrive fréquemment que des éléments non vus (situés hors
du cadre) soient imaginairement reliés au champ, par un lien sonore,
narratif, voire visuel. Burch (1969) a donné une typologie des moyens
visuels principaux de constitution du hors-champ dans le cinéma narratif :
–  entrées et sorties (d’un personnage par exemple), surtout par les
bords latéraux du cadre, mais pas exclusivement ;
–  interpellation par un élément du champ, généralement un
personnage (exemple : le regard « vers le hors-champ ») ;
–  complétion imaginaire d’un élément qui n’est représenté que de
manière partielle (un personnage cadré en buste implique la
présence du bas de son corps dans le hors-champ, «  sous  » le
cadre inférieur).
Burch distingue en outre un hors-champ «  concret  » (comprenant des
éléments qui ont été précédemment montrés dans le champ), et un hors-
champ «  imaginaire  » (comprenant des éléments encore jamais montrés).
Cette distinction est intéressante, mais en toute rigueur, le hors-champ
appartient tout entier à l’imaginaire. Les catégories proposées par Burch ont
été commentées par Gaudin (2015) qui souligne l’effet de stabilisation de
l’espace dramatique produit par le hors-champ dans le cinéma classique et
le rôle des mouvements de caméra. Il faut ajouter que, dans le cinéma
narratif, « ce n’est pas le sonore qui invente le hors-champ, mais c’est lui
qui le peuple, et qui remplit le non-vu visuel d’une présence spécifique  »
(Deleuze, 1985).
La notion de hors-champ a été vigoureusement contestée par Seguin
(1999), qui lui reproche de faire la part trop belle à la croyance en un espace
global représenté, et prône en lieu et place une conception du plan comme
unité formelle et signifiante autosuffisante.

➦ CHAMP, ÉCHELLE DE PLANS, HORS-CADRE, IMAGINAIRE, OFF, PLAN


  BURCH, 1969 ; SEGUIN, 1999

HYPNOSE
Psychologie L’hypnose est un phénomène mal connu en général (si tout le
monde est susceptible d’hypnose légère, moins de dix pour cent des sujets
sont vraiment hypnotisables). L’idée de la comparer systématiquement à la
projection cinématographique a été avancée par Bellour (2009), autour des
points suivants :
– dans les deux cas, la suggestion vient de l’extérieur ;
– il s’agit de processus monotones, au rythme régulier ;
–  dans l’un et l’autre, un geste initial (le déclic hypnotique/la
pénétration dans la salle de cinéma) favorise un état de
surperception et d’« endormissement » ;
– l’hypnotiseur et le dispositif cinématographique occupent, dans la
séance, la place de l’Idéal-du-moi (Ich Ideal), qui est, dans la
théorie freudienne, une projection du narcissisme infantile perdu.
(Dans la relecture lacanienne de Freud, l’Idéal-du-moi appartient
au Symbolique  ; on peut donc dire dans cette perspective que,
dans la séance –  d’hypnose comme de cinéma  – une instance
extérieure vient pour le sujet modeler la représentation et la coder
socialement.)
Ce rapport, difficile à poursuivre au plan purement théorique, est situé
par Bellour dans une perspective historique plus large  ; à l’idée reçue qui
fait naître le cinéma de la photographie et la psychanalyse de l’hypnose, il
substitue par déplacement l’idée que, de l’hypnose, ont surgi à la fois le
cinéma et la psychanalyse. La question qui se pose alors est de savoir si
l’hypnose-cinéma correspond à une civilisation d’un type unique (la société
du spectaculaire-hypnotique) ou si elle n’est qu’un moment d’un
phénomène plus général, qui resterait à caractériser.

➦ DISPOSITIF, PSYCHANALYSE
  BELLOUR, 2009
I
ICÔNE
Théorie, sémiotique Le terme a été utilisé dans un sens particulier par le
logicien américain Charles S. Peirce. Celui-ci classe les signes en trois
grandes catégories  : les indices, les symboles et les icônes. Les signes
indiciels ont un lien de contiguïté avec les objets auxquels ils renvoient, les
symboles ont un lien arbitraire. L’icône est « un signe qui renvoie à l’objet
qu’il dénote simplement en vertu des caractères qu’il possède, que cet objet
existe réellement ou non  ». Le portrait est par exemple l’icône de son
modèle « pourvu qu’il ressemble à cette chose et soit utilisé comme signe
de cette chose  »… L’icône est donc un signe qui a un rapport de
ressemblance perceptive globale avec son modèle –  visuelle (c’est le cas
des images), auditive (les sons enregistrés) ou gestuelle (les gestes des
acteurs). Ce rapport, définissant ce qu’on appelle l’analogie, peut connaître
des degrés allant du schématisme (dans la caricature) jusqu’à
l’hyperréalisme.
Eco a étendu la notion d’icône à la catégorie des messages visuels
(1972). La tradition sémiologique en a généralisé l’usage pour désigner
toutes les catégories d’image et les opposer aux signes linguistiques
caractérisés par la relation arbitraire au signifié. L’opposition entre icône et
indice n’est souvent pas évidente et des théoriciens ultérieurs ont, au
contraire, insisté sur la nature indicielle du signe photographique et
cinématographique.
La typologie peircienne a été parfois utilisée dans des théories de l’image
filmique. Wollen (1968) s’est appuyé sur cette tripartition pour caractériser
de grandes tendances esthétiques de l’histoire du cinéma, les courants
symbolistes et les courants réalistes, en particulier. La tendance iconique
pour lui est représentée par l’œuvre de Sternberg qui, grâce à la réinvention
systématique de la réalité et à sa transformation en une sorte de fantasme de
la vie, se détache autant du réalisme reproductif (du cinéma indiciel) que du
jeu des concepts (du cinéma symbolique), pour atteindre une dimension qui
ne vit qu’« en vertu des ressemblances ».
Dans un essai postérieur consacré à Psychose (1997) et à la question du
spectateur (la « spectature »), Lefebvre s’appuie sur les catégories de Peirce
pour définir la figure. «  La figure est un objet mental, une représentation
intérieure, qui appartient au spectateur et dont l’émergence repose sur la
façon dont ce dernier se laisse impressionner par un film, se l’approprie et
l’intègre à sa vie imaginaire et à l’ensemble des signes grâce auxquels il
interagit avec le monde. La source de cet objet est l’acte de spectature. » Il
distingue trois concepts pour rendre compte de la mise en signe  : l’endo-
forme, la forme et la figure, qui sont trois aspects du texte filmique, tel que
ce dernier constitue l’objet de la spectature, au sens donné au terme d’objet
par la théorie sémiotique de Peirce. Lefebvre, s’appuyant sur la « tercéité »
peircienne, rappelle que «  tout ce qui est, de quelque façon que ce soit,
présent à l’esprit et qui représente quelque chose est un signe ». Il cherche
plutôt à comprendre comment le spectateur utilise les signes pour interagir
avec le film et se le représenter à lui-même.

➦ ANALOGIE, INDICE, RÉALISME, SÉMIOLOGIE, SÉMIOTIQUE


  WOLLEN, 1968 ; LEFEBVRE, 1997

ICONOGRAPHIE
Théorie, histoire de l’art En histoire de l’art, le terme désigne l’étude des
représentations d’un sujet donné, et par extension, l’étude des sujets et
thèmes de l’art représentatif (peinture et sculpture, puis photographie).
Il n’est que peu utilisé à propos de cinéma, mais est parfois considéré
comme un aspect de la réflexion sur les genres cinématographiques.

➦ ICONOLOGIE, REPRÉSENTATION

ICONOLOGIE
Théorie, histoire de l’art Ce terme désignait d’abord (à la Renaissance)
l’art de représenter les figures allégoriques avec leurs attributs corrects  ;
depuis sa réappropriation par Aby Warburg et ses élèves, il signifie la
connaissance de ces répertoires d’attributs, puis, par extension, désigne la
méthode analytique et historique d’identification des sujets des œuvres
anciennes et de leur compréhension.
L’essentiel de la théorie iconologique moderne (Panofsky, 1939) revient
à analyser une œuvre comme significative d’un moment de la culture à
laquelle elle appartient, et à l’éclairer par les productions intellectuelles et
artistiques qui lui sont contemporaines. L’iconologie est longtemps restée
hors de la considération des critiques et théoriciens du cinéma (une
intéressante exception est Bouvier & Leutrat, 1981), mais informait
implicitement bon nombre d’analyses de films. Elle a été réactualisée
récemment, et revendiquée, par Vancheri, qui, sous le nom d’iconologie
analytique, propose une méthode d’analyse des films à la fois historique,
formelle et iconographique, inspirée des méthodes de l’histoire de l’art
(Damisch notamment).

➦ VANCHERI
  LEUTRAT & BOUVIER, 1981 ; VANCHERI, 2013, 2015

IDENTIFICATION
Psychologie Terme de psychologie, désignant le processus par lequel un
sujet tend inconsciemment à ressembler à un autre, à assimiler un aspect,
une propriété, un attribut de cet autre et à se transformer partiellement, sur
le modèle de celui-ci. On admet en général que la personnalité se constitue
et se différencie par une série d’identifications successives. Le concept est
devenu central dans l’œuvre de Freud, qui en fait l’opération par laquelle le
sujet humain se constitue  ; il est complété par la notion d’incorporation
orale qui caractérise l’identification primaire et par la notion de narcissisme.
Le processus d’identification aux personnages a été très souvent
commenté par les premiers critiques de cinéma, en un sens assez général
qui dit seulement que le destinataire d’une fiction (filmée, en l’occurrence)
y reconnaît des traits de sa propre vie. L’identification, à des personnages
ou à des situations, est donc une constante du régime fictionnel, et est
commune à tous les arts du spectacle  : «  se voir soi-même métamorphosé
devant soi et agir maintenant comme si on était entré dans un autre corps,
dans un autre caractère » (Nietzsche, Naissance de la tragédie). Le plaisir
du spectateur est alors lié à un mixte d’illusion, d’imitation et de
dénégation.
La théorie du cinéma d’inspiration psychanalytique a proposé de
considérer l’identification au personnage comme une identification
secondaire (Metz, Bergala, Vernet). C’est une identification au personnage
comme figure du semblable dans la fiction, comme foyer des
investissements affectifs du spectateur. Mais la relation de sympathie à un
personnage est un effet, et non la cause, de l’identification. Plus
globalement, pour cette théorie, le spectateur s’identifie à la situation
fictionnelle que lui propose le film par le biais du découpage, par exemple
par la multiplicité des points de vue.
À ces identifications secondaires, on a opposé une «  identification
cinématographique primaire », qui concerne non plus le niveau de la fiction
mais le dispositif lui-même (Baudry, 1970). Dans cette approche, la
disposition des différents éléments –  projecteur, salle obscure, écran  – est
conçue comme reproduisant le dispositif nécessaire au déclenchement de la
phase du miroir selon Lacan  ; deux traits sont communs au spectateur de
cinéma et à l’enfant au miroir : la sous-motricité et la mise en jeu du visuel.
Cette première identification est donc «  accrochée sur l’image elle-
même » ; le spectateur s’identifie « moins avec le représenté, le spectacle
même qu’avec ce qui met en jeu ou met en scène le spectacle, avec ce qui
n’est pas visible mais fait voir ».
Cette théorie de la double identification a connu de nombreux
prolongements au cours des années 1970 ; elle est notamment au fondement
des premières théories féministes du cinéma (spécialement anglo-
saxonnes). Elle est aujourd’hui considérée comme marquée par son origine
psychanalytique littérale, et souffre un peu du discrédit général qui affecte
la théorie freudienne  ; elle reste cependant à la base de nombreuses
approches féministes et gender au sens large, et bien entendu, demeure
présente dans les études d’orientation psychanalytique (devenues assez
rares à propos de cinéma).

➦ FÉMINISME, PSYCHANALYSE
  BAUDRY, 1970 ; METZ, 1977B ; VERNET, 1987 ; MULVEY, 1989
IDÉOLOGIE
Philosophie Le mot «  idéologie  » est apparu vers la fin du XVIIIe  siècle,
pour désigner la science des idées ; toutefois, son sens a été profondément
modifié par la tradition marxiste, qui l’a défini comme l’ensemble des idées
et des croyances propres à une formation sociale. En outre, le marxisme
situe l’idéologie dans les superstructures sociales (c’est-à-dire la sphère des
idées, du travail intellectuel, et aussi de l’appareil juridico-politique), qu’il
considère comme déterminées par l’infrastructure économique. Cette
tradition a été longuement retravaillée dans les années 1960 et 1970,
notamment pour insister sur le fait que l’idéologie, en retour, informe la
sphère productive, et pour tenter de définir les formes matérielles que prend
l’idéologie dominante dans une société (Althusser, 1970).
Par ailleurs, cette même tradition a été contestée par des philosophes non
marxistes, tel Baudrillard, pour qui l’idéologie est la forme même de la
production, et non le résultat d’une forme de production. Ces  diverses
approches ne peuvent déboucher sur une définition unique, mais on peut
garder ces traits communs  : l’idéologie est 1°, un système de
représentations, 2°, de nature interprétative (non scientifique), 3°, jouant un
rôle historique et politique précis, 4°, se donnant pour universel et naturel,
5°, enfin, constituant une espèce de « langage ».
Cinéma et idéologie. En tant que pratique signifiante, le cinéma
participe des superstructures idéologiques, à plusieurs niveaux :
–  la production  : outre l’idéologie économique dont s’inspire le
système de production des films, celui-ci repose en grande partie
aussi sur une idéologie de la création, via la notion d’auteur ;
–  les contenus  : l’idéologie s’y incarne dans des modèles tels les
genres ou les schémas narratifs. En particulier, le modèle narratif
dramatique, largement dominant dans l’histoire du cinéma, est
caractérisé par 1°, son aspect téléologique (déplacement de
l’investissement du spectateur vers la fin) et 2°, sa tendance à la
réconciliation (résolution des contradictions internes). De ces
deux points de vue, il s’oppose au modèle « épique » de Bertolt
Brecht, que l’on a parfois tenté de transposer au cinéma ;
–  les formes  : décrites comme intrinsèquement non idéologiques
dans la tradition réaliste défendant la vocation du cinéma à la
transparence (Bazin, Munier), mais aussi bien dans certaines
approches marxistes les considérant comme «  langage  » neutre,
susceptible de véhiculer n’importe quel contenu (Lebel, 1971),
elles ont été au contraire considérées comme intrinsèquement
idéologiques dans une perspective marxiste voulue radicale. Cela
a amené à prôner une forme «  révolutionnaire  » par elle-même,
traversée de contradictions qui mettent en jeu, en dernière
instance, la place et le travail du spectateur (Eisenstein, Vertov)  ;
ou, en référence plus directe encore à ce travail spectatoriel, une
forme qui « déconstruise » le travail signifiant, qui l’exhibe afin
d’interdire toute illusion de transparence (Comolli & Narboni,
Fargier & Leblanc) ;
–  la technique  : une série de travaux très datés (Pleynet, 1969  ;
Baudry, 1970  ; Comolli, 1971-1972) ont cherché à défendre la
thèse que la caméra – prise comme représentant métonymique de
tout l’appareil cinématographique de base  –, véhicule, ou même
produit, une idéologie spécifique (que Pleynet identifie
étrangement avec l’impression de réalité). Dans cette perspective,
la caméra, et l’image cinématographique, en tant
qu’aboutissement de l’histoire de la peinture et de ses codes
représentatifs depuis la Renaissance, serait par construction même
prise dans l’idéologie qui traverse cette histoire de la
représentation, l’« idéologie bourgeoise ».
De façon générale, l’étude des rapports entre cinéma et idéologie a été
active au plan théorique –  de manières fort différentes  – dans la Russie
soviétique des années 1920, et dans les pays industrialisés (France, Grande-
Bretagne, Italie, États-Unis) autour de 1970. Par ailleurs, c’est une notion
courante dans le discours critique, mais avec une valeur moins nette (et
moins polémique).

➦ CAMÉRA, DISPOSITIF, MARXISME, PERSPECTIVE, REPRÉSENTATION


  KRACAUER, 1948 ; LEBEL, 1971 ; EDELMAN, 1973 ; COMOLLI, 2004, 2009

ILLUSION
Psychologie Au sens strict, l’illusion est une erreur des sens, produisant une
impression fausse à propos des apparences. On s’est souvent demandé dans
quelle mesure le spectateur de film était en proie à une illusion en ce sens,
et si une confusion pouvait exister dans son esprit entre les images
mouvantes sur l’écran et la réalité.
Il s’agit là d’une question plus ancienne que le cinéma, et qui a
notamment été beaucoup soulevée à propos de la peinture. Gombrich
(1959) a posé que, en ce qui concerne les arts de la représentation en
général : 1°, l’illusion n’est pas le but de l’art, ni du point de vue social, ni
du point de vue psychologique (« l’art ne plaît pas par le leurre, mais par
la remémoration  »)  ; 2°, toute illusion est relative, car elle dépend du
contexte, et surtout des attentes du spectateur  ; elle fonctionne toujours
mieux par surprise (ce fut le cas des premiers films du Cinématographe
Lumière, comme en témoigne la fameuse anecdote des spectateurs effrayés
par la locomotive de L’Arrivée du train en gare de La Ciotat  ; ce fut à
nouveau le cas avec les premiers films parlants, avec le premier film en
Cinerama, etc.).
Arnheim (1932), partant du cas du cinéma, a posé que tous les arts sont
fondés sur une illusion partielle de réalité, qui dépend des conditions
technologiques et physiques de chaque art. Pour lui, le cinéma produit une
illusion de réalité assez forte, fondée sur le fait que le cinéma dispose du
temps et d’un équivalent acceptable du volume, la profondeur (Arnheim la
situe entre l’illusion théâtrale, selon lui très forte, et l’illusion
photographique, très faible). Cette notion d’illusion partielle a été critiquée
par Metz (1965) comme étant «  auto-contradictoire  », car il n’y aurait
d’illusion que totale. Cela n’est pas évident, et on peut prétendre à juste titre
que le mouvement apparent, illusion véritable, est partiel par rapport à la
perception de l’image filmique. La conception d’Arnheim est surtout
contestable 1°, parce qu’elle ramène la vision du film à l’analyse de sa
dimension perceptive, en négligeant l’effet-fiction, et 2°, parce qu’elle est
totalement anhistorique (elle ne tient pas compte de la variabilité des
attentes du spectateur). Aussi la discussion sur l’illusion a-t-elle été, par la
suite, recouverte par celles sur l’impression de réalité et sur la croyance
provoquée par la fiction.

➦ IMPRESSION DE RÉALITÉ, MOUVEMENT APPARENT


  ARNHEIM, 1932 ; MICHOTTE, 1948, 1961 ; METZ, 1965
IMAGE
Perception, esthétique Il existe des images de plusieurs sortes, s’adressant
notamment à nos divers sens (images visuelles, auditives, tactiles,
olfactives), c’est-à-dire en fin de compte correspondant à une certaine
sensation accompagnée d’idées –  ce qu’on a parfois désigné comme
«  image mentale  ». L’image peut être produite soit par un phénomène
naturel (reflet, ombre portée, vision à travers un corps transparent, etc.), soit
par un geste humain intentionnel. Elle a donc une existence multiforme, et
notamment son lien à la notion de représentation, a fortiori à celle
d’analogie, est très variable (il existe, dans l’art du XXe  siècle, beaucoup
d’images non représentatives : ce qu’on appelle la « peinture abstraite »).
L’image cinématographique est plane, cadrée, ce qui l’apparente à celles
de la peinture et de la photographie. Comme elles, elle possède une
«  double réalité perceptive  »  : elle est perçue à la fois comme
bidimensionnelle et tridimensionnelle. On a même pu soutenir que, sans la
perception de la réalité bidimensionnelle – celle de la surface de l’image –
il  serait impossible de percevoir correctement la «  réalité  »
tridimensionnelle (la profondeur représentée), et cela a été vérifié
expérimentalement en laboratoire (Pirenne). En cinéma, cela implique que
l’image de film est perçue à la fois comme plate et « profonde », l’une des
deux perceptions ayant, selon les moments, tendance à l’emporter
(Arnheim, 1932).
Une image peut être utilisée principalement (Arnheim, 1969) :
–  comme signe, si elle figure un contenu dont elle ne reflète pas
visuellement les caractères (exemple : les signaux routiers) ; une
image se réduit d’autant plus à un signe qu’elle représente moins ;
–  comme représentation, lorsqu’elle figure des choses concrètes
(«  d’un niveau d’abstraction inférieur à celui des choses elles-
mêmes », Arnheim) ; elle est de ce point de vue à la fois tenant-
lieu analogique de la réalité et forme conventionnelle, car la
représentation est un phénomène codé socio-culturellement ;
–  comme symbole, lorsqu’elle figure des choses abstraites («  d’un
niveau d’abstraction plus élevé que celui du symbole lui-
même  »)  ; elle sert alors à figurer l’inconnu, l’invisible,
l’impossible, au même titre que les abstractions métaphysiques ou
morales, sociales ou politiques. La valeur symbolique d’une
image est définie pragmatiquement par l’acceptabilité sociale des
symboles représentés.
Les supports techniques de l’image n’ont cessé d’évoluer, comme ses
rôles sociaux. Le cinéma a été inventé au moment où la propagation et la
reproduction de l’image photographique, l’apparition de nouvelles formes
de spectacle (comme le panorama) et de nouveaux moyens de transport
rapides (le chemin de fer, l’automobile) ont transformé les rapports à la
réalité visible. L’image cinématographique en est restée marquée longtemps
dans son rapport au temps et sa crédibilité « documentaire » ; les choses ont
notablement changé avec l’apparition de la technique numérique, qui
autorise à retoucher l’image analogique automatique et à la transformer
autant qu’on veut, reportant ainsi sur des données extra-filmiques le
fondement d’une croyance à la réalité de son référent.

➦ ANALOGIE, ARNHEIM, REPRÉSENTATION, SIGNE, SYMBOLE


    AYFRE, 1964  ; BRAKHAGE, 1963  ; WORTH & ADAIR, 1972  ; BERGMAN, 1990  ;
SCHEFER, 1997, 2000 ; AUMONT, 2010

IMAGE-ACTION
Philosophie Pour Deleuze (1983), c’est l’une des modalités de l’image-
mouvement, correspondant à la figuration de la force ou de l’acte. Elle
caractérise le réalisme, documentaire ou fantastique, et Deleuze en
distingue deux variétés, l’une, fondée sur la « grande forme », qui « va de la
situation à l’action, laquelle modifie la situation  », tandis que l’autre,
fondée sur la «  petite forme  », «  va de l’action à la situation, vers une
nouvelle action » : au lieu que dans la première, on allait « de la situation
comme englobante à l’action comme duel », la seconde « va d’une action,
d’un comportement ou d’un habitus à une situation partiellement
dévoilée ».

➦ IMAGE-MOUVEMENT

IMAGE-AFFECTION
Philosophie Pour Deleuze (1983), l’une des modalités de l’image-
mouvement, correspondant à la figuration de la qualité ou de la puissance.
Elle est d’abord définie comme attachée au visage en gros plan, qui peut
être « intensif » ou « réflexif », selon qu’il aboutit à produire une nouvelle
qualité, ou qu’il reste «  sous la domination d’une pensée fixe et terrible,
mais immuable et sans devenir  ». À l’image-affection Deleuze rattache
notamment le cinéma de Sternberg, de Bergman, en partie d’Eisenstein.

➦ IMAGE-MOUVEMENT

IMAGE MENTALE
Psychologie L’«  image mentale  » est, en psychologie, une représentation
ayant un contenu analogue à celui d’une perception, mais due à un
processus psychique et non à la stimulation d’un organe sensoriel ; elle est
purement subjective. Elle est souvent visuelle, mais peut être aussi auditive,
motrice, voire gustative (les «  madeleines  » de Proust) ou olfactive.
L’imagination est étymologiquement la faculté de produire des images
mentales. Celles-ci peuvent être fort précises et se présenter en dehors de
toute émotion  ; Sartre (1940) pose l’image mentale comme un fait
d’introspection.
La représentation de l’image mentale apparaît dès les origines du
cinéma  : elles ont alors le statut de souvenir, de récit rapporté ou de
perception onirique (voir les adaptations des Aventures du baron de
Munchhausen ou de la Légende de Rip Van Winckle). L’image mentale a
joué un rôle décisif dans l’esthétique du cinéma «  impressionniste  »
français  : «  Le plan psychologique, le gros premier plan, comme nous
l’appelons, c’est la pensée même du personnage projetée sur l’écran. C’est
son âme, son émotion, ses désirs… La vie intérieure, rendue perceptible par
les images, c’est avec le mouvement tout l’art du cinéma… Le cinéma est
merveilleusement outillé pour exprimer ces manifestations de notre pensée,
de notre cœur, de notre mémoire » (Dulac, 1924).
Il convient de distinguer l’image mentale à proprement parler de l’image
dite subjective (ou semi-subjective) qui a donné lieu à une ample littérature
théorique autour des degrés de focalisation.
L’image mentale est également une catégorie deleuzienne qui complète
comme troisième élément l’image-affection et l’image-action  : «  Quand
nous parlons d’image mentale, nous voulons dire autre chose  : c’est
l’image qui prend pour objets de pensée, des objets qui ont une existence
propre hors de la pensée, comme les objets de perception ont une existence
propre hors de la perception. C’est une image qui prend pour objet des
relations, des actes symboliques, des sentiments intellectuels » (1983).

➦ FOCALISATION, IMAGE, PSYCHOLOGIE

IMAGE-MOUVEMENT
Philosophie, psychologie L’image cinématographique est d’emblée
apparue comme radicalement nouvelle parce qu’elle est en mouvement  ;
c’est cette idée d’une image fondamentalement différente des autres images,
parce qu’elle possède une qualité intrinsèque (elle ne se contente pas
d’ajouter le mouvement à l’image), qui a inspiré les premières théorisations
du cinéma, de Münsterberg à la Filmologie.
Repartant de la constatation que l’image cinématographique est capable
d’«  auto-mouvement  », Deleuze (1983) a proposé de faire de l’image-
mouvement incarnée dans le plan (défini comme «  coupe mobile de la
durée ») une des deux grandes modalités du cinéma, avec l’image-temps. Il
en distingue plusieurs variétés, qui se retrouvent, selon des distributions
variables, dans les diverses tendances du cinéma classique ; ainsi la notion
d’image-mouvement a-t-elle pour lui valeur non seulement théorique, mais
historique (elle caractériserait une époque du cinéma).

➦  EFFET PHI, IMAGE-ACTION, IMAGE-AFFECTION, IMAGE-PERCEPTION,


IMAGE-PULSION, IMAGE-TEMPS, IMPRESSION DE RÉALITÉ
�  Cette notion est travaillée par les commentateurs de DELEUZE, notamment CARDINAL,
HEME DE LACOTTE, PAMART, ZABUNYAN (voir bibliographie finale)

IMAGE-PERCEPTION
Philosophie, psychologie Chez Deleuze (1983), l’une des modalités de
l’image-mouvement, correspondant à la figuration de la chose. Deleuze
distingue, classiquement, entre perception subjective et objective, mais pour
noter que « le sort constant de l’image-perception au cinéma [est] de nous
faire passer d’un de ses pôles à l’autre » ; il s’attache alors à décrire aussi
concrètement que possible les états de l’image-perception, en tant qu’ils
échappent au nominalisme de l’opposition entre subjectif et objectif.
➦ IMAGE-MOUVEMENT

IMAGE-PULSION
Philosophie, psychanalyse Pour Deleuze (1983), l’une des modalités de
l’image-mouvement, correspondant à la figuration de l’énergie. Deleuze la
situe «  entre  » l’image-action (celle des milieux déterminés et des
comportements) et l’image-affection (celle des espaces quelconques et des
affects)  : «  entre les deux, nous rencontrons un couple étrange  : Monde
originaire-Pulsions élémentaires ». Elle caractérise, pour lui, le naturalisme
(de Stroheim à Buñuel) mais aussi le cinéma de «  violence originaire  »
(Visconti, Ray, Losey).

➦ IMAGE-MOUVEMENT

IMAGE-TEMPS
Philosophie Néologisme proposé par Deleuze (1985) pour désigner l’image
filmique de l’après-classicisme (à partir d’Ozu, du néoréalisme, de Welles
ou de la Nouvelle Vague). Pour lui, cette nouvelle image traduit une crise,
une «  rupture des liens sensori-moteurs  », en même temps que le souci
d’explorer directement le temps, au delà du seul mouvement qui avait
d’abord défini l’image de film.
La classification opérée par Deleuze est moins rigide qu’à propos de
l’« image-mouvement » : des classifications opérées depuis plusieurs points
de vue se recoupent, sans donner un tableau simple. Une notion importante
est celle de l’image-cristal (« coalescence » d’une image actuelle et d’une
image virtuelle), qui rend compte du caractère essentiel du cinéma de
l’après-guerre  : le présent n’est pas l’unique temps du cinéma (et
corrélativement, le temps n’est plus seulement représenté comme une
chronologie : il est en quelque sorte donné à voir).

➦ IMAGE-MOUVEMENT, MODERNE (CINÉMA), TEMPS


  LEUTRAT, 1988, 2009 ; ISHAGHPOUR, 1994 ; RUIZ, 1995 ; voir aussi DELEUZE, 1985
et ses commentateurs
IMAGINAIRE
Théorie, philosophie, psychanalyse Au sens courant, l’imaginaire est le
domaine (et le produit) de l’imagination, entendue comme faculté créative.
Pratiquement, le mot est alors employé comme synonyme de «  fictif  »,
« inventé », et opposé à réel. En ce sens, la diégèse d’une œuvre de fiction
est un monde imaginaire, et c’est dans ce sens que le terme est le plus
souvent employé.
Le mot a reçu un sens plus technique dans la théorie lacanienne, et dans
les théories du dispositif cinématographique des années 1970. Pour Lacan,
le sujet est un effet du symbolique, lui-même conçu comme un système de
signifiants, dont le sens ne s’acquiert que dans leurs relations mutuelles. La
relation entre le sujet et le symbolique s’effectue par l’intermédiaire de
formations imaginaires  : 1°, «  des figures de l’autre imaginaire dans des
relations d’agression érotique où elles sont réalisées  », c’est-à-dire les
objets de désir du sujet ; 2°, des identifications, « depuis l’  Urbild [image
primitive] spéculaire jusqu’à l’identification paternelle de l’idéal du moi ».
Le mot imaginaire renvoie ainsi, pour Lacan, « 1°, au rapport du sujet avec
ses identifications formatrices, 2°, au rapport du sujet au réel, dont la
caractéristique est d’être illusoire ».
Dans le prolongement de ces définitions, Metz (1975) a vu le cinéma
comme constitué de « signifiants imaginaires » : « il fait lever en masse la
perception, mais pour la basculer aussitôt dans sa propre absence, qui est
néanmoins le seul signifiant présent ». La théorie lacanienne lie étroitement
imaginaire et identification  ; la première identification, celle du sujet à sa
propre image dans le miroir, est ce qui constitue pour lui le registre
imaginaire. C’est sur le modèle de cette identification primaire, où la vue
joue un rôle important, qu’a été proposée la notion d’identification
cinématographique primaire (Baudry), sur la base de laquelle deviennent
possibles les identifications secondaires (aux personnages, aux situations,
etc.). En ce sens, l’imaginaire désigne donc l’instance qui définit et règle le
rapport métapsychologique du spectateur au dispositif.

➦ DISPOSITIF, IDENTIFICATION, PSYCHANALYSE, RÉALISME, SYMBOLIQUE

IMPLANT
Narratologie, scénario Terme de technique scénaristique, d’origine
américaine. C’est l’établissement dans l’action d’un personnage, d’un
détail, d’un fait, etc., qui sera plus tard utile à l’intrigue mais qui, à l’endroit
où il est « implanté », peut ne présenter encore aucun intérêt particulier : un
détail vestimentaire, la distance entre deux lieux, la présence d’un
personnage dans une scène de groupe, le goût d’un personnage pour tel type
d’objet. Le problème dramaturgique posé par un implant, c’est qu’au
moment où il est posé, il peut n’avoir aucun intérêt propre et même, il ne
doit pas en avoir, pour ne pas trop rendre prévisible son effet futur.
L’exposition du film est évidemment le moment où s’accumulent le plus
d’implants.

➦ MONTAGE, NARRATION
  CHION, 1985 ; VANOYE, 1991

IMPRESSION DE RÉALITÉ
Filmologie, sémiologie, psychologie Les films narratifs et représentatifs,
même si leur sujet est très irréel, ont toujours été reconnus comme
particulièrement crédibles. Ce phénomène psychologique a été étudié par la
filmologie, notamment Michotte et Wallon, qui ont mis en évidence, d’une
part, des facteurs «  négatifs  » (le spectateur de film, immobile dans une
salle obscure, n’est en principe ni dérangé ni agressé, et davantage
susceptible de répondre psychologiquement à ce qu’il perçoit et imagine) ;
d’autre part, des facteurs positifs, de deux ordres (Metz, 1965) :
–  des indices (perceptifs et psychologiques) de réalité  : le cinéma
comporte tous ceux de la photographie (liés à l’automaticité de la
reproduction analogique) plus un, le mouvement. Ce dernier
facteur est essentiel, le mouvement apparent perçu dans un film
étant impossible à distinguer d’un mouvement réel (y compris
physiologiquement : il affecte les mêmes cellules corticales) ; cet
indice a donc une force que n’ont pas les autres, plus
conventionnels (la perspective, par exemple)  ; en outre, le
mouvement renforce le sentiment de « volume » des objets ;
– des phénomènes de participation, à la fois affective et perceptive.
Ces phénomènes sont favorisés, paradoxalement, par la relative
irréalité du matériau filmique (par rapport au théâtre, dont le
matériau «  trop  » réel impose davantage sa présence). Sur ce
second ensemble de facteurs, la réflexion d’inspiration
psychanalytique est revenue, avec un autre modèle des
phénomènes psychiques (Baudry, 1970 ; Metz, 1975).
À noter que la technique numérique, sur ce plan comme sur tous ceux qui
touchent à la reproduction analogique, n’a à peu près rien changé : l’image
cinématographique continue de produire une forte impression de réalité.

➦  ANALOGIE, EFFET PHI, FILMOLOGIE, ILLUSION, IMAGINAIRE, MOUVEMENT


APPARENT, SPECTATEUR
�    Outre les ouvrages cités, plusieurs articles intéressants  : MICHOTTE, 1948, 1961  ;
WALLON, 1953 ; DANTO, 1979 ; DE LAURETIS & HEATH, 1980 ; HOCHBERG, 1989

IMPRESSIONNISME
Esthétique, histoire Le terme d’impressionnisme, proposé par la critique
pour désigner une tendance du cinéma français muet, réfère à la fois à
l’impressionnisme en peinture et (pour s’y opposer) à l’expressionnisme en
cinéma. On y range, de façon assez variable suivant les auteurs, les
principaux cinéastes de la «  première avant-garde  » française des années
1920, de Delluc à Epstein en passant par Gance, Dulac et L’Herbier.
L’influence de Louis Delluc est incontestable (fondation du «  Ciné-club  »
en 1920, de la revue Cinéa en 1921), mais pour le reste, il est difficile de
définir une esthétique ou un style impressionnistes.
Les films « impressionnistes » se caractérisent par la volonté d’exprimer
des sentiments, des états d’âme, par le jeu de la caméra, souvent très
mobile, par le cadre (usage du gros plan, notamment chez Epstein), par des
angles travaillés, «  subjectivisés  », par le montage (montage court de La
Roue, d’Abel Gance ; abondance des retours en arrière) – bref, par tous les
moyens cinématographiques, alors que l’expressionnisme visualisait plutôt
ces états d’âme en les projetant dans la scénographie.

➦ EXPRESSIONNISME, SUBJECTIF (PLAN)

IMPROVISATION
Esthétique, histoire, dramaturgie La division technique et hiérarchique du
travail dans la production industrielle de films ne prête pas à
l’improvisation, sauf en ce qui concerne éventuellement certains détails du
scénario ou du jeu d’acteur ; au contraire, tout est généralement prévu dans
le moindre détail, et divers techniciens, du régisseur à la scripte, sont là
pour veiller au bon déroulement de ce programme. Toutefois, dans certaines
productions plus légères –  hors de l’industrie ou dans sa marge  – il est
arrivé que l’on revendique une certaine part d’improvisation dans la
réalisation d’un film. Un cas notable et souvent commenté est celui de
Shadows, de Cassavetes, qui se termine par un carton disant « This film is
an improvisation  » –  ce qui signifie concrètement que le scénario a été
modifié tout au long du tournage, et que les dialogues ont été inventés par
les acteurs eux-mêmes. On peut également penser à plusieurs films de
Jacques Rivette, tels L’Amour fou et Out 1, dans lesquels le scénario initial
était réduit à sa plus simple expression, et où non seulement les dialogues
mais les situations étaient décidées au jour le jour, par le réalisateur et ses
acteurs. Mais ces films restent des exceptions. Des recherches plus récentes
(Mouellic, 2011) réévaluent la part de l’improvisation dans l’histoire du
cinéma, depuis les premiers films burlesques jusqu’aux expériences
contemporaines de Rabah Ameur-Zaïmeche (Bled Number One) ou de
Nobuhiro Suwa (H Story). Si la présence d’une part d’improvisation dans la
mise en scène et la direction d’acteurs de Renoir, Rozier et Pialat a souvent
été prise en compte, c’est moins évident pour van der Keuken, Pascale
Ferran et même Jean Rouch que l’auteur analyse avec plus de précision.
Par contre, l’improvisation est la règle dans le cinéma « direct » puisque
celui-ci repose sur l’absence de scénario détaillé et plus encore sur
l’absence de dialogues pré-écrits. Les films du cinéma direct canadien
francophone étaient fondés sur ce principe, remettant en cause la frontière
qui sépare le cinéma documentaire du cinéma de fiction.

➦ DIRECT (CINÉMA)
  BRENEZ, 1995 ; MOUELLIC, 2011

INDICE
Sémiologie L’une des catégories de signes proposée par le sémioticien
Charles S. Peirce. Indice renvoie à l’index, donc à l’acte de pointer du
doigt. Pour Peirce, l’indice est un signe «  en connexion dynamique (y
compris spatiale) avec l’objet individuel d’une part, et avec les sens ou la
mémoire de la personne pour laquelle il sert de signe d’autre part  ».
L’exemple classique est celui de la fumée indice du feu, ou de la fièvre
indice d’une maladie. L’indice met en situation des éléments qui resteraient,
sans lui, sans ancrage spatial ou temporel.
Cette catégorie sémiotique est fondamentale au cinéma puisque les
images et les sons ont à la fois un statut iconique (fondé sur l’analogie) et
indiciel. Les images et les sons sont le produit d’une empreinte et supposent
une relation de contiguïté au moment de leur « captation ». Wollen (1968) a
fait de l’indice le concept clé du cinéma réaliste, de Feuillade à Flaherty, de
Renoir à Rossellini, au sein duquel on croit fermement à un rapport
immédiat et spontané avec le monde.
Deleuze (1983) caractérise l’« image-action » par l’indice, qu’il redéfinit
pour désigner « le lien d’une action (ou d’un effet d’action) à une situation
qui n’est pas donnée, mais seulement inférée, ou bien qui reste équivoque et
retournable  ». Il distingue en ce sens des «  indices de manque  » et des
« indices d’équivocité » : ce sont les deux sens de l’ellipse.
Notons que, comme toutes les notions liées à la forte ressemblance
analogique de l’image cinématographique à son référent, celle-ci n’a pas été
remise en cause par l’adoption de la technique numérique  : l’image telle
que la produit la caméra numérique reste indicielle, en ce sens (elle peut,
c’est une autre affaire, être transformée ensuite).

➦ ICÔNE
  KRACAUER, 1960 ; WOLLEN, 1968 ; DELEUZE, 1983

INDIRECT LIBRE
Narratologie, rhétorique, stylistique Forme stylistique caractérisant une
œuvre (ou un fragment d’œuvre) dans laquelle l’auteur place dans la bouche
d’un personnage ses propres pensées et expériences.
Cette forme a été commentée, à propos de la littérature italienne, par
Pasolini (1965), qui l’a notamment distinguée du monologue intérieur, en
insistant sur le fait que le discours indirect libre impose à l’auteur de
respecter un certain vraisemblable linguistique chez son personnage
(notamment, dans le cas où celui-ci n’appartient pas à la même classe
sociale, et ne peut donc s’exprimer comme lui). Sous le nom de «  plan
subjectif indirect libre  », qui est la traduction de cette notion en terrain
cinématographique, Pasolini a désigné une prise de vues qui, à travers la
vision d’un personnage, exprime le point de vue de l’auteur  ; cette forme
est, pour lui, caractéristique du «  cinéma de poésie  ». Deleuze (1983) a
commenté cette proposition, et voit dans le plan « subjectif indirect libre »
une des formes possibles de l’image-perception (celle où « elle réfléchit son
contenu dans une conscience-caméra devenue autonome  »). Éric Rohmer
s’est également intéressé à cette perspective narrative.

➦ PASOLINI, POÉSIE (CINÉMA DE),

SUBJECTIF (PLAN)

  PASOLINI, 1976 ; DELEUZE, 1983 ; ROHMER, 1984

INSERT
Technique, narratologie Introduction d’un élément dans une continuité. La
plupart du temps, en cinéma, il s’agit d’un gros ou très gros plan, ou d’un
plan de nature différente (un intertitre ou un texte introduit dans la
continuité visuelle, par exemple). Les inserts peuvent aussi être hétérogènes
à la bande de référence : on peut intégrer des stock-shots (comme dans Les
Carabiniers de Godard) ou des plans de doublure dans du matériel original
de tournage.
Dans la «  grande syntagmatique  », l’insert est une variété du plan
autonome. Metz en distingue quatre types, selon la cause du caractère
interpolé :
–  l’insert non diégétique, image à valeur purement comparative et
présentant un objet extérieur à l’action, (le troupeau au début des
Temps modernes) ;
–  l’insert subjectif, image visée comme absente par le héros de
l’action (souvenirs, rêveries, craintes, prémonitions, etc.) ;
–  l’insert diégétique déplacé, image qui, tout en étant pleinement
réelle, est soustraite à son emplacement filmique normal et posée
à dessein en enclave dans un syntagme d’accueil étranger  ; par
exemple, les plans flashes du Mépris au moment où Paul arrive en
retard à la villa de Prokosch dans la banlieue de Rome ;
– l’insert explicatif, souvent un détail grossi ; le motif est soustrait à
son espace empirique et porté dans l’espace abstrait d’une
intellection (exemple : cartes de visite ou missive en gros plan).
Cette dernière catégorie était très utilisée à l’époque du cinéma muet,
mais les inserts étaient alors tirés sur une pellicule différente, comme les
intertitres, d’où, très souvent, leur disparition dans les copies négatives
conservées en laboratoire et la nécessité de les reconstituer pour restaurer
une version « lisible » du film.
Au sein des théories contemporaines du montage, analysées du point de
vue des énergies, des forces et des fluides, Faucon (2010 et 2013) a repris la
catégorie de l’insert et a systématisé sa typologie et ses fonctions dans
différents corpus contemporains et notamment chez Godard tout au long de
son œuvre.

➦ GRANDE SYNTAGMATIQUE
  METZ, 1968 ; FAUCON, 2010, 2013

INSTALLATION
Art, critique, institution Dans le vocabulaire de la critique d’art, ce terme
désigne, depuis les années 1970 au moins, des œuvres utilisant une
technique mixte (peinture, sculpture, vidéo, film, ready-made, etc.), et qui
nécessitent une mise en place précise (parfois, une véritable mise en scène)
dans un espace donné –  musée, galerie le plus souvent. L’installation est,
depuis, devenue la forme la plus fréquente des œuvres d’art
contemporaines.
De nombreuses installations comportent des images mouvantes, qui les
composent soit partiellement soit totalement. Un exemple désormais
classique est celui de Michael Snow, qui a réalisé des films sur support
traditionnel (16  mm ou super 8), des vidéos, et plusieurs installations
utilisant l’un ou l’autre (par exemple Two Sides to every story, qui comporte
deux projections simultanées sur les deux faces d’un écran).
De plus en plus de cinéastes réalisent, en plus de leur œuvre proprement
filmique, des installations plus ou moins complexes  : Abbas Kiarostami,
Chantal Akerman, Pedro Costa, Apichatpong Weerasethakul, Victor Erice,
etc.

➦ ART
  PARFAIT, 2001 ; DUBOIS ET AL., 2010 ; DUBOIS, 2012

INSTITUTION
Anthropologie, politique, sociologie En anthropologie et en sociologie  :
lois et principes qui régissent la vie sociale d’un groupe ou d’un État, ainsi
que l’organisation sociale qui en découle. Également, au sens large, les
manières de penser, de sentir et de se comporter (coutumes) qui, émanant de
la société, s’imposent plus ou moins aux individus.
Le cinéma comporte un aspect institutionnel important, que recouvre la
distinction entre fait cinématographique et fait filmique (Cohen-Séat, 1946).
Le cinéma englobe un vaste ensemble de faits dont certains interviennent
avant le film  : infrastructure économique de la production, studios,
financement bancaire, législations nationales, sociologie des milieux de
décisions, état technologique des appareils –  et d’autres, après le film  :
influence sociale, politique et idéologique du film sur les différents publics,
modèles de comportement des spectateurs, enquêtes d’audiences, etc. C’est
cet ensemble d’éléments non filmiques qu’on appelle «  institution
cinématographique » (Friedmann & Morin, 1952).
En un sens plus lâche, Metz considère comme des institutions «  floues
mais pleines  » les grands régimes cinématographiques qui correspondent
aux principales formules de cinéma, identifiables sans hésitation par le
spectateur habitué de cinéma  : cinéma narratif-représentatif, cinéma
documentaire, cinéma expérimental, film de famille. Cet usage du terme a
été repris par la sémio-pragmatique du cinéma, qui s’appuie sur une
définition restrictive de l’institution considérée comme « pouvoir normatif
assujettissant mutuellement les individus à certaines pratiques sous peine de
sanctions » (Odin, 1994). En ce sens l’institution a trois dimensions :
– une dimension matérielle : le dispositif de visionnement des films,
salle obscure ou non, commerciale ou associative, salle privée,
etc. ;
– une dimension imaginaire et symbolique : l’idée que l’on se fait de
l’institution elle-même, comme système de représentation
(exemple l’institution spectaculaire fondée sur le divertissement
s’oppose à l’institution scolaire, fondée sur le savoir, à
l’institution muséale, etc.) ;
–  une dimension proprement instituante  : les institutions sont des
faisceaux de déterminations qui constitue un espace de
communication.
C’est aussi dans ce sens que Burch parle de «  mode de représentation
institutionnel » (1990).

➦ MODE DE REPRÉSENTATION, ODIN, SOCIOLOGIE


  BORDAT & ETCHEVERRY, 1995 ; TAILLIBERT, 1999

INTERMÉDIALITÉ
Théorie, histoire, sociologie Néologisme (années 1980) désignant la
fonction des interactions entre médias différents dans la production de sens.
Le terme a été forgé sur le modèle de «  intertextualité  », et comme lui,
désigne des effets produits dans la rencontre, au sein d’une œuvre ou d’une
production, entre divers champs médiatiques (cinéma et télévision, cinéma
et photographie, par exemple). «  Lorsqu’un média apparaît, il existe déjà
un intelligible médiatique préalable et il doit aussi se démêler avec un
“code” tout établi. […] un nouveau média trouve progressivement sa
personnalité en gérant de manière plus ou moins singulière l’irrépressible
part d’intermédialité qui toujours le traverse » (Gaudreault & Marion).

➦ MÉDIUM
  HIGGINS, 1984 ; MÜLLER, 2006 ; GAUDREAULT & MARION, 2014

INTERPRÉTATION
Philosophie, herméneutique, sémantique L’idée d’interprétation provient
de deux sources, d’ailleurs liées. D’une part, il existe, dans toute
civilisation, des œuvres (de langage ou d’image) dont la fonction même –
  sacrée, religieuse, symbolique en divers sens  – est de ne pas délivrer un
sens univoque, mais de requérir une sorte de traduction afin d’être
appropriée par les membres de la collectivité. D’autre part, les langues
humaines comportent toutes, en raison de la nature même du langage et du
découpage qu’il opère dans la réalité, une certaine ambiguïté ou imprécision
dans la désignation des événements, des choses et a fortiori des affects ou
sentiments. Très tôt s’est donc forgée la conviction qu’une œuvre, artistique
ou non, langagière ou imagière, supposait elle aussi, pour être pleinement
comprise, un travail d’explicitation.
La nature de ce travail a changé selon les époques et les œuvres. Dans
notre culture, le modèle est longtemps resté celui de l’exégèse biblique telle
que pratiquée par le christianisme. Pour cette dernière religion, les textes
sacrés recueillis par la tradition juive (l’«  Ancien Testament  ») ne sont
qu’une façon figurée d’annoncer la vérité révélée expressément dans les
textes des disciples du Christ (le «  Nouveau Testament  »). Il est donc
nécessaire, pour comprendre les premiers, de les traduire grâce aux clefs
fournies par les seconds. Ce modèle de la traduction, des « clefs », voire du
dictionnaire, reste prégnant dans beaucoup d’entreprises interprétatives,
même si elles utilisent de tous autres outils – par exemple, des répertoires
symboliques ou allégoriques issus de diverses doctrines ésotériques, ou plus
couramment, des modes de traduction inspirés des procédures de la
psychanalyse freudienne.
À cette ancienne tradition interprétative a succédé l’herméneutique,
méthode consistant à rechercher le sens d’une part, dans une analyse de la
langue et du style de l’œuvre, d’autre part, dans la psychologie et
l’intentionnalité de son auteur. Il a existé, depuis le XVIIIe  siècle qui l’a
inventée, plusieurs variantes de l’herméneutique, jusqu’à celle de Ricœur
ou Gadamer au XXe  siècle, qui minore la part «  grammaticale  » de la
recherche et souligne la nécessité de l’intuition et de l’empathie avec le
projet de l’auteur. Exégèse et herméneutique ont été critiquées par le
déconstructionnisme de Derrida, qui visait au contraire à rester le plus près
possible de la lettre du texte, quitte à en faire jouer le signifiant de façon
inventive.
Le cinéma a rencontré, sous ces noms ou d’autres, toutes ces traditions
interprétatives, et une fraction importante de l’activité critique consiste à
proposer des interprétations des films. Cela est normal, les films, comme
toutes les productions sociales un peu complexes, mettant en jeu des
procédures sémiotiques qui ne sauraient être univoques ; en outre, beaucoup
de films mettent en jeu un bagage culturel par lui-même plus ou moins
obscur et propice à interprétation. Le problème est celui de l’adéquation ou
de l’arbitraire des interprétations proposées, et de l’absence de critère
objectif qui en garantisse la portée. C’est ce qui a mené certains théoriciens
à refuser l’interprétation en général, comme «  fabrication de sens  »
(Bordwell, 1989). Ce point de vue extrémiste est intéressant, mais ne peut
empêcher que la critique et même l’analyse des films ont à prendre le risque
de proposer un ou plusieurs sens des œuvres commentées, celles-ci
n’épuisant pas leur signification dans leur simple réception –  sans oublier
qu’il existe, tout au long de l’histoire du cinéma, des films qui ont eux-
mêmes ouvertement provoqué, voire exigé une interprétation, parfois
complexe (La Glace à trois faces, L’Année dernière à Marienbad,
Mulholland Drive, 2046…).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, CRITIQUE, HERMÉNEUTIQUE, SÉMIOTIQUE


  BELLOUR, 1978 ; BORDWELL, 1989 ; AUMONT, 1996 ; LEUTRAT, 2009

INTERTEXTE
Narratologie Terme de narratologie et de théorie du texte, désignant le
rapport que différents énoncés entretiennent entre eux. La théorie littéraire
du XXe  siècle, à la suite de Bakhtine et de sa notion de «  dialogisme  »
(= pluralité de voix narratives dans une même œuvre), a souvent considéré
qu’un texte nouveau se rapporte à des œuvres antérieures, sur des modes
variables qui incluent la citation, le plagiat, la parodie, le pastiche. Sous le
texte, il y a toujours, explicitement ou implicitement, «  des textes,
lacunaires, fragmentaires, diffus, précis, allusifs » (Kristeva).
Genette (1981) a proposé une typologie des relations intertextuelles,
distinguant :
– la paratextualité ou relation d’un texte avec ce qui l’accompagne :
titre, préfaces, notes, illustrations, avertissement, etc. ; en cinéma,
l’affiche, le dossier de presse à l’intention des critiques, le making
off promotionnel, les entretiens avec l’auteur et les acteurs avant
la sortie, etc. ;
– la métatextualité ou relation critique, c’est-à-dire le commentaire
de l’œuvre par un autre texte  : article critique, analyse écrite ou
audiovisuelle, etc. ;
– l’architextualité ou relation d’appartenance du texte au genre qui
le définit, l’architexte étant pour Genette l’ensemble des
catégories générales dont relève chaque texte particulier. Cette
relation joue un rôle de premier plan dans la production
cinématographique et dans l’attente du public qui inscrit toujours
le film qu’il va voir dans une catégorie préexistante (un « genre »,
même flou) ;
–  l’hypertextualité, soit toute relation reliant un texte (dit alors
hypertexte) à un texte antérieur dit hypotexte –  à l’exclusion du
commentaire critique. L’Énéide de Virgile et Ulysse de Joyce sont
deux hypertextes du même hypotexte, l’Odyssée d’Homère.
L’Odyssée de Camerini, Voyage en Italie de Rossellini et, bien
sûr, le roman de Moravia adapté par le film sont des hypotextes
de l’hypertexte qu’est Le Mépris de Godard, devenu à son tour
hypotexte de Casino de Scorsese, etc.

➦ CITATION, MIGRATION, NARRATOLOGIE

INTERVALLE
Esthétique, technique, montage En musique, un intervalle est l’écart entre
deux notes, mesurable par le rapport de leurs fréquences. L’oreille un peu
entraînée arrive facilement à reconnaître et apprécier ces écarts ; la musique
joue ainsi, concrètement, sur ce qui n’est en soi qu’un rapport abstrait
(arithmétique).
C’est cette dernière remarque qui a donné lieu à l’utilisation
métaphorique, par Vertov, du terme d’intervalle pour désigner l’écart entre
deux images (mouvantes  : deux «  plans  »). Cet écart n’est pas mesurable
comme celui de deux sons, mais Vertov proposa néanmoins d’en faire le
fondement d’un type de cinématographie non narratif et même non
fictionnel, dans lequel la signification et l’émotion naîtraient de la
combinatoire de tels rapports abstraits. La théorie des intervalles n’a été
qu’esquissée par Vertov, mais ses écrits et ses films montrent qu’il entendait
l’appliquer aussi bien à des plans successifs (intervalle « mélodique ») qu’à
des images simultanées (intervalle «  harmonique  » –  comme dans les
célèbres surimpressions multiples de L’Homme à la caméra, 1929).
L’intervalle est défini comme «  mouvement entre les images  » (Vertov,
1929), selon trois points de vue complémentaires :
–  point de vue moléculaire  : l’intervalle comme différence et
corrélation entre deux images, en termes de grosseurs de cadre,
d’angle, de mouvement, de lumière, de vitesse, etc. ;
–  point de vue molaire (global)  : l’intervalle comme ensemble
composé de corrélations partielles ;
– point de vue biologique et idéologique : l’intervalle comme calcul
de l’« itinéraire le plus rationnel pour l’œil du spectateur », de la
«  formule visuelle qui exprime le mieux le sujet essentiel du
film ».
Cette théorie de l’intervalle a été reprise de manière métaphorique et
assez lâche par Godard et Gorin dans leurs films militants de l’époque du
Groupe Dziga Vertov (par exemple dans Luttes en Italie).

➦ IMAGE, MONTAGE, PLAN, VERTOV


  VERTOV, 1972

INTRIGUE
Narratologie Enchaînement des faits et des actions qui aboutit au
dénouement, dans une œuvre de fiction. Le terme, ancien en ce sens, a été
repris et spécifié par la narratologie, qui le distingue soigneusement du
récit, de l’histoire et de la narration (voir notamment la notion de mise en
intrigue chez Ricœur).

➦ FICTION, HISTOIRE, NARRATION, NARRATOLOGIE, RÉCIT

ISHAGHPOUR, YOUSSEF (1940)


Philosophe, critique, historien Essayiste et critique iranien (vivant en
France et écrivant en français). Ancien élève de l’École Louis-Lumière et
de l’IDHEC, il renonça rapidement à une carrière de cinéaste pour devenir
critique indépendant. Marqué par le marxisme de Lukács et de Goldman,
puis par Adorno et Benjamin, il consacra ses premiers travaux à Visconti,
avec qui il se sentait en communauté de pensée, puis à des analyses de la
modernité cinématographique (surtout européenne). Il a par la suite
consacré de nombreux ouvrages, soit à des cinéastes (Ozu, Kiarostami,
Satyajit Ray et surtout Orson Welles, dont il est l’un des grands
spécialistes), soit à la question générale de l’historicité du cinéma (de sa
rencontre avec l’histoire du siècle).
Il a par ailleurs consacré une quinzaine d’ouvrages à la peinture, une
demi-douzaine à la philosophie marxiste de la littérature, et il est l’auteur de
plusieurs recueils de photographies. Sans qu’il ait produit une théorie
propre, ni même un véritable système critique, il est un exemple reconnu de
l’excellence critique, par son souci de ne pas livrer des analyses subjectives,
mais d’ancrer ses commentaires dans un terrain philosophique général.

➦ CRITIQUE, IDÉOLOGIE, MARXISME

ISOTOPIE
Linguistique, sémiotique Terme de linguistique : une isotopie désigne un
ensemble de sèmes communs. « Par isotopie, nous entendons un ensemble
redondant de catégories sémantiques qui rend possible la lecture uniforme
du récit, telle qu’elle résulte des lectures partielles des énoncés et de la
résolution de leurs ambiguïtés qui est guidée par la recherche de la lecture
unique » (Greimas, 1970). En lisant, le lecteur repère les isotopies, qui lui
permettent de comprendre le texte comme un tout cohérent.
Cette notion a parfois été utilisée dans l’analyse de films, où elle a une
valeur similaire  : «  On appelle isotopie la résultante de la répétition
d’éléments de signification de même catégorie » (A. Hénault, Les Enjeux de
la sémiotique, 1993).

➦ SÉMIOTIQUE
J-K
JEU (VIDÉO)
Institution, loisir L’idée d’utiliser la vidéo pour fabriquer des jeux remonte
aux alentours de 1950, mais c’est en 1972, avec Pong, que le jeu vidéo est
devenu accessible avec un matériel grand public. Le véritable coup d’envoi
de ce qui est désormais la première industrie audiovisuelle (par le nombre
de consommateurs) date de l’apparition de la console NES de la firme
Nintendo, en 1985. Depuis, les matériels n’ont cessé de se perfectionner et
le nombre de programmes de jeu est pléthorique. Le jeu vidéo représente
actuellement, en termes quantitatifs (temps passé × nombre de spectateurs)
la plus importante des modalités de l’image en mouvement.
Ses relations avec le cinéma ont longtemps été nulles, voire
conflictuelles, les cinéphiles et les joueurs s’ignorant ou se méprisant
mutuellement. Depuis une dizaine d’années, de nombreux jeux très
sophistiqués sont apparus, qui dépassent largement les stéréotypes primitifs
du jeu de football ou du FPS (First Person Shooter). Simultanément ont
commencé à apparaître, dans des médias spécialisés mais aussi dans la
presse périodique, des critiques de jeu vidéo, sur le modèle de la critique de
cinéma. De manière générale, le cinéma (ou ses héritiers télévisuels) reste
une espèce de modèle, fournissant des répertoires de personnages, de
situations et d’environnements diégétiques, mais aussi des modalités
formelles (plan subjectif, mouvements de caméra, voire procédures de
montage). Blanchet (2012) esquisse une généalogie de la représentation des
jeux vidéo dans les films de fiction depuis les années 1980 à partir de Tron
(1982) en analysant la figure du hacker et du gamer et les emprunts
esthétiques du cinéma spectaculaire aux jeux vidéo (motion capture, cel-
shading et machinima).
Les tentatives théoriques restent encore peu nombreuses, les « critiques »
de jeu vidéo étant le plus souvent des geeks, dotés de peu de recul par
rapport à l’objet de leur passion  : une situation qui évoque celle de la
première cinéphilie, et qui évoluera certainement vers des études du jeu
vidéo qui en saisiront les véritables enjeux intellectuels, lesquels sont
virtuellement profonds et nombreux, entre autres sur la question de la
réalité, du simulacre, et des problèmes posés à la perception (Boyer, 2015).

➦ RÉALISME, SIMULACRE
  ICHBIAH, 2009 ; BLANCHET, 2010, 2012 ; BOYER, 2015

JOINTURE
Esthétique, montage Articulation d’un plan au suivant  : «  Ne cours pas
après la poésie. Elle pénètre toute seule par les jointures (ellipses)  »
(Bresson).

➦ ELLIPSE, MONTAGE, RACCORD


  BRESSON, 1975

JOST, FRANÇOIS (1949)


Narratologue, théoricien de la télévision François Jost est professeur
d’information et de communication, mais il a d’abord étudié le Nouveau
Roman et la narratologie littéraire avec une attention particulière pour
l’œuvre cinématographique de Robbe-Grillet (L’Homme qui ment, L’Eden
et après). Cet intérêt pour deux modes d’écriture l’amène à poser la
question du point de vue et du narrateur à partir des recherches de Genette
sur les différents types de focalisation (L’Œil caméra). Mais très
rapidement, il va quitter les rivages du Nouveau Roman pour analyser le
dispositif télévisuel, multipliant les approches du petit écran et des formes
d’adresses au spectateur que le média déploie dans ses différents types de
discours et ses programmes bien délimités. La télé-réalité, celle du Loft
notamment, et le culte du banal vont provoquer de nouvelles réflexions
pour comprendre ce qu’est la télévision en tant que média, ce qui amène
Jost à s’interroger sur le déplacement des lignes du Bien et du mal dans les
séries américaines contemporaines et ses figures de « nouveaux méchants ».

JULLIER, LAURENT (1960)


Théoricien, esthéticien, cognitiviste Universitaire et théoricien du cinéma,
il a enseigné dans des universités lorraines (Metz, Nancy) et à Paris  3.
Parmi ses nombreux ouvrages, plusieurs sont consacrés à l’analyse de film
(2002, 2007 [avec Marie], 2012), son principal souci étant de la faire
échapper à toute tentation immanentiste, au bénéfice d’une approche
culturaliste qui prenne en compte tous les angles d’attaque possibles et en
choisisse un en connaissance de cause. Il a manifesté ce souci d’une critique
et d’une analyse des films qui ne se leurre pas sur ses visées et ses méthodes
dans un ouvrage polémique et tonique, Qu’est-ce qu’un bon film ? (2002),
qui résume assez bien sa position et donne une version plus complète de sa
démarche dans son livre de 2012 où il pose la question de l’interprétation.
Il est par ailleurs amateur des formes populaires de la culture de l’image,
et a étudié aussi bien la saga Star Wars (2005) que l’industrie du clip (2013)
et les formes institutionnelles que prend le rapport aux films, comme la
cinéphilie (2010) ou la censure (2008). En cela, il se différencie de la
cinéphilie dominante qu’il estime élitiste. Après un bref passage par le
cognitivisme (2002) et un intérêt soutenu pour les travaux nord-américains
issus de ce courant, il ne se rattache à aucune approche sémiotique
déterminée, mais a manifestement des liens étroits avec la sémio-
pragmatique d’Odin, dont la souplesse et le souci de la réponse
spectatorielle irriguent son propre travail sur l’analyse.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, CINÉPHILIE, COGNITIVISME, ODIN

JUMP CUT
Voir Saute.

KAMMERSPIEL
École, courant esthétique, histoire du cinéma Littéralement, «  jeu de
chambre  » (en allemand). L’expression est calquée sur celle de
Kammermusik (musique de chambre), et désigne, en théâtre, des pièces
intimistes, avec peu d’acteurs, un lieu unique et souvent aussi un temps
d’action réduit. Le grand promoteur en fut, dans les années 1910 et 1920, le
metteur en scène Max Reinhardt ; on lit souvent que le Kammerspiel fut une
réaction contre l’expressionnisme théâtral, mais en fait, les deux tendances
furent simultanées, et pas toujours opposées.
Le terme a été utilisé à propos du cinéma allemand de la période 1917-
1929, et particulièrement pour désigner des films naturalistes du début de la
décennie. On peut citer en particulier Hintertreppe (Escalier de service,
1921), du metteur en scène de théâtre Leopold Jessner, et trois films écrits
par Carl Mayer (l’un des scénaristes du Cabinet du docteur Caligari – ce
qui montre bien que les oppositions ne sont pas tranchées)  : Le Rail
(Scherben, Lupu Pick, 1921), La Nuit de la saint Sylvestre (Sylvester, Pick,
1923), Le Dernier des hommes (Der letzte Mensch, Murnau, 1924).
L’expression a été parfois reprise par la critique, pour qualifier tel ou tel
film (de préférence « germanique » ou nord-européen) dont l’action et les
décors étaient réduits et les personnages peu nombreux (par exemple, À
travers le miroir, de Bergman, ou Gertrud, de Dreyer, ont été qualifiés de
films de Kammerspiel).

➦ EXPRESSIONNISME, STYLE
  EISNER, 1952, 1965 ; DE FLEURY & MANNONI, 2006

KOULECHOV, LEV (1899-1970)
Cinéaste, monteur, théoricien Cinéaste russe et soviétique ; fondateur au
sein du GTK (puis GIK, puis VGIK, Moscou) du premier enseignement de
réalisation cinématographique, en 1920.
L’enseignement théorique de Koulechov, constitué pour l’essentiel dans
les années 1920 (ses écrits ultérieurs sont très répétitifs), consiste en une
recherche des lois spécifiques du cinéma. Sa théorie est le résultat d’une
expérimentation, mais moins sur la relation du cinéma, comme outil du
voir, à la réalité sociale, que sur l’expressivité cinématographique propre.
Pour lui, en effet, il est possible d’expérimenter sur le cinéma en général,
indépendamment de tout contenu. Cette phase expérimentale a pris
concrètement la forme de très nombreux exercices (de jeu d’acteur, de
geste, de cadrage, de mise en scène) dans l’« atelier » du GIK. Koulechov y
a mis en application une conception analytique, presque mécanique, du jeu
de l’acteur, empruntée pour l’essentiel à Delsarte, pour qui il existe une
correspondance biunivoque entre un geste et un état d’esprit, dans la
filiation de la vieille tradition physiognomonique. C’est dans cette
perspective qu’il réalisa ses fameuses expériences sur l’expressivité que
confère, à un visage maintenu neutre, le jeu du montage («  effet
Koulechov »).
Chez Koulechov, cette « anthropologie de l’acteur » va dans le sens d’un
fondement en nature de la gestualité expressive et de la mimique de
l’acteur, et en même temps, d’une formalisation géométrique de cette
gestuelle-mimique. Koulechov défendra ainsi une conception du cinéma
comme calcul de tous les paramètres (cadrage, montage surtout) dans le
sens d’une mise en valeur de cette expressivité de l’acteur, par
simplification et soulignement de la composition et du rythme : « Un cadre
doit avant tout être clair, limpide et compréhensible. » On ira donc jusqu’à
quantifier les gestes –  leur nombre, leur amplitude, leur extension dans le
temps, voire leur «  poids  »  ; d’ailleurs, le réalisateur devra accumuler les
prises, chacune représentant une variante différente, afin de multiplier les
solutions possibles au montage. Quant au montage, il doit être sans cesse
accéléré, toujours en vue de maintenir l’intérêt du spectateur.
Par ailleurs, Koulechov reconnaît que le matériau du cinéma est
d’essence indicielle, mais cette qualité propre de l’image de film reste
soumise, chez lui, au calcul et au souci quantitatif de la mesure de chaque
élément. Au total, il développa une conception du cinéma comme
instrument puissant d’action sur son spectateur, à condition de respecter des
lois psychologiques essentiellement behaviouristes (conditionnement et
calcul de la réaction).

➦ CADRAGE, EFFET KOULECHOV, MISE EN GESTE, MISE EN JEU


  AUMONT, 1986 ; ALBERA, 1990, 1994

KRACAUER, SIEGFRIED (1889-1966)


Sociologue, historien Journaliste, sociologue et historien allemand. Il
collabora à divers journaux, tant en Allemagne (avant 1933) qu’aux États-
Unis, où il s’exila par la suite, et contribua à la réflexion sur le cinéma par
deux ouvrages d’inspiration et de visée très différentes  : De Caligari à
Hitler (1947) et Theory of Film (1960).
Sous-titré « Histoire psychologique du cinéma allemand », le premier de
ces livres a proposé une thèse célèbre : le cinéma de l’époque de Weimar,
en particulier le courant dit expressionniste, aurait représenté une aspiration
souterraine du peuple allemand à l’autorité  ; il aurait, en quelque sorte,
préfiguré de manière obscure mais exacte l’avènement du nazisme. Cette
thèse a souvent été contestée, en particulier pour l’importance excessive
qu’elle accorde aux scénarios de ces films, et l’absence d’analyse précise de
leur iconographie, pourtant prégnante et lourde.
Son livre de théorie est l’un des plus extrémistes imaginables : pour lui,
le cinéma, extension de la photographie, a vocation à enregistrer et à révéler
la réalité physique. Un véritable film doit donc nous mettre face au monde
dans lequel nous vivons, le « pénétrer » sous nos yeux. Le cinéma est une
sorte de lecture du « livre du monde » (voire de la nature), le cinéaste, un
« explorateur ». Le matériau privilégié du cinéma, c’est donc tout ce que le
monde offre de transitoire et d’éphémère ; en revanche, le tragique, en tant
qu’expérience purement mentale, n’a pas d’équivalent dans le monde
filmique.

➦  BAZIN, CAVELL, EXPRESSIONNISME, HISTOIRE, INDICE, ONTOLOGIE,


SOCIOLOGIE
L
LAFFAY, ALBERT (1906-1997)
Américaniste, narratologue Américaniste, imprégné des théories anglo-
saxonnes de la littérature et du récit, Albert Laffay peut être considéré
comme l’un des précurseurs de la narratologie filmique car la plupart des
concepts qu’il propose dans ses premiers articles ont été repris et discutés
par tous les auteurs postérieurs.
Laffay n’a publié qu’un seul livre de théorie du cinéma, Logique du
cinéma (1964), recueil d’articles écrits antérieurement pour Les Temps
Modernes entre la fin des années 1940 et le début des années 1950. Dans
son ouvrage, il lie la définition du cinéma comme langage à la présence
d’un récit. Il défend l’hypothèse d’une narrativité croissante et s’oppose au
réalisme cher à André Bazin. Pour lui, si le cinéma n’est pas la réalité, mais
une représentation du réel, il le doit au récit et à ses capacités à rendre les
choses lisibles, à les réorganiser et à les insérer dans une composition. Mais
la structure du récit étant de nature discursive, le cinéma en épousant le
récit, devient un langage.
À partir de cette idée centrale, Laffay présuppose une logique immanente
qui traverse le film et qu’il définit comme une figure abstraite, un foyer
virtuel, une sorte de grand maître des cérémonies  : c’est le «  grand
imagier », nommé en référence au « Grand horloger » des philosophes du
XVIIIe siècle. Cette instance correspond à ce que les narratologues ultérieurs
(Gaudreault, Jost, Gardies et d’autres) nommeront «  auteur implicite  » ou
« énonciateur ».

➦ GRAND IMAGIER, NARRATION, RÉCIT

LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE
Linguistique, sémiologie, technique Voir un film, c’est d’abord le
comprendre, indépendamment de son degré de narrativité. C’est donc qu’en
un sens, il « dit » quelque chose, et c’est à partir de cette constatation qu’est
née, dès les années 1920, l’idée que le cinéma est un moyen de
communication, un langage. L’idée resta longtemps assez vague, et on parla
de ciné-langue ou ciné-langage (Koulechov, 1929  ; Eisenstein, 1929) sans
préciser cette métaphore. Certains (Eisenstein notamment) furent tentés de
la prendre à la lettre, et de chercher, dans le « langage cinématographique »,
l’équivalent des phrases voire des mots du langage verbal  ; le «  cinéma
intellectuel  », en particulier, impliquait la possibilité d’articuler des suites
de plans en fonction d’un sens à produire. De façon générale, l’idée de
langage, a fortiori celle de langue, ont surtout accompagné les esthétiques
fondées sur le montage et sur le marquage fort des moyens expressifs.
Avec le développement d’esthétiques de la transparence, la notion de
langage cinématographique reprit sa valeur de métaphore (Martin). Ce fut la
sémiologie des années 1960 qui reposa la question à neuf, à partir d’une
reconsidération systématique des théoriciens du passé et d’un appareil
notionnel emprunté à la linguistique structurale. L’examen des similitudes
et des dissemblances entre message filmique et message verbal (absence de
double articulation dans le film, plus grande singularité et concrétude du
signifié du plan par rapport à celui du mot, absence de lexique et de
grammaire stables du cinéma) amena à proposer l’idée que le cinéma était
un «  langage sans langue  » (Metz, 1965). Cette position ayant quelque
chose de décevant, il fallait décrire les mécanismes qui permettent au
cinéma de produire du sens, malgré l’absence d’un équivalent exact de la
langue. C’est à cela que répond le concept de code (Metz, 1971) : le cinéma
n’a pas de langue, il a des codes –  en grand nombre  – dont chacun régit,
d’un point de vue partiel et particulier, certains moments ou certains aspects
des énoncés filmiques. L’ensemble des codes du cinéma est donc,
globalement, une sorte d’équivalent fonctionnel de la langue, sans en avoir
le côté systématique.
Cette conception a été dominante durant les années 1970 dans les études
théoriques sur le cinéma, mais elle était trop étroitement liée à un état de la
linguistique pour ne pas être, assez vite, critiquée et abandonnée. À
l’intérieur même de la sémiologie, ce fut le recentrement sur les
déterminations subjectives du sens, qui déplacèrent l’ancrage disciplinaire
vers la psychanalyse, et l’objet de réflexion du code vers la figure (au sens
de la figure de pensée – métaphore, métonymie). La linguistique générative,
pour sa part, n’a eu sur la théorie du cinéma qu’un effet très modeste ; elle a
été relayée très vite par la psychologie cognitive.

➦  ANALYSE TEXTUELLE, CODE, GRANDE SYNTAGMATIQUE, GÉNÉRATIVE


(LINGUISTIQUE), SÉMIOLOGIE

    BATAILLE, 1947  ; METZ, 1968,  1971  ; PASOLINI, 1976  ; COLIN, 1985  ;


CHATEAU, 1986

LANGLOIS, HENRI (1914-1977)


Conservateur, archiviste, historien Henri Langlois est une figure
légendaire de l’histoire de la cinéphilie française, qualifié par Cocteau de
« Dragon qui veille sur nos trésors ». Né en Turquie, il découvre le cinéma
en arrivant à Paris en 1922 et crée un ciné-club, « Le Cercle du cinéma » ;
l’année suivante, il crée avec Paul Auguste Harlé, Jean Mitry et Georges
Franju la Cinémathèque française, sous forme d’association sans but
lucratif. La Cinémathèque n’est qu’une modeste association avant 1939,
mais Langlois l’associe aussitôt à trois grandes archives anglaise,
américaine et allemande en créant la FIAF. La première reconnaissance
officielle date des années 1940 et c’est l’État français pétainiste qui accorde
les premières subventions  ; elles seront reconduites après guerre et sous
tous les régimes. Langlois, nommé secrétaire général en 1936, le restera
jusqu’en 1977, en dehors d’une parenthèse de trois mois qui l’a rendu
mondialement célèbre de février à avril 1968 (« l’affaire Langlois »).
Langlois incarne la cinéphilie jusqu’à ses limites les plus extrêmes. C’est
la passion accumulative qui lui tient de doctrine : il faut entreposer, stocker
le plus grand nombre possible de bobines, donner la priorité à la
présentation des programmes, au détriment de la conservation à long terme.
L’interdiction légale de l’exploitation du nitrate sera fatale à l’association,
en la noyant sous des dizaines de milliers de bobines soudain déposées par
leurs propriétaires, et que Langlois s’est toujours refusé à cataloguer par
hantise d’un contrôle étatique.
Paradoxalement, cette boulimie d’images n’entravait pas le goût.
Langlois avait une compétence de spécialiste pour apprécier les œuvres,
anciennes comme contemporaines. Ses options ont profondément marqué
l’histoire de la cinéphilie française et ses choix personnels ont été adoptés
pour la plupart par les générations successives de spectateurs cinéphiles. On
l’a décrit comme un «  homme fougueux, visionnaire et désordonné,
tacticien et retors. Un marginal, qui restera tel jusqu’à la fin de sa vie et le
demeure encore à nos yeux, mais un marginal qui rayonne. En Amérique,
on parlerait d’un maverick » (Serge Toubiana, dans Mannoni, 2006). Plus
récemment, on a redécouvert son activité critique, et publié une partie de
ses (copieux) écrits.

➦ CINÉMATHÈQUE, CINÉPHILIE, CONSERVATION, RESTAURATION


  MANNONI, 2006 ; PAÏNI, 2014

LANTERNE MAGIQUE
Technique, média Appareil optique, inventé au milieu du XVIIe  siècle, et
servant à projeter des images fixes (peintes puis photographiées) grâce à
une source lumineuse incorporée (de la chandelle à l’ampoule électrique).
Le spectacle de lanterne magique, très en faveur aux XVIIIe et XIXe  siècles,
est classiquement considéré comme un des précurseurs du cinéma, dont il
partage un trait de dispositif important  : la salle obscure et les spectateurs
assis.

➦ DISPOSITIF
  MANNONI, 1995

LECTURE
Théorie «  Cinéma, théorie, lecture  » est le titre d’un numéro de la Revue
d’esthétique en 1973 et Lectures du film, d’un ouvrage didactique de 1976.
Ces deux titres affichent au début des années 1970 la promotion du terme
« lecture » opposé à la « vision » des films : lire n’est pas simplement voir,
c’est analyser et interpréter. Cette acception particulière du mot, utilisée dès
1969 dans les Cahiers du cinéma (Comolli et Narboni), témoigne de
l’influence de la sémiologie, pour laquelle la signification du texte verbal
est plus rigoureusement analysable que celle de l’image (peinture, cinéma),
et aussi des théories alors dominantes des «  pratiques signifiantes  »
(marxisme, freudo-lacanisme).
Lire un film «  c’est s’attacher au film dans sa matérialité et dans ce
qu’on pourrait appeler ses micro-structures. De là une attention très
grande portée aux rapports entre “espaces” dans un plan ou d’un plan à
l’autre, ou entre les durées des plans, aux opérations élémentaires
(cadrage, angle de vue, etc.) qui entrent en jeu dans les plans apparemment
les plus pauvres du cinéma narratif, au rapport entre photogramme et
image apparente, au photogramme lui-même, enfin » (Noguez).
On a distingué la « lecture horizontale » (ou syntagmatique), celle qui se
place à l’intérieur de la fiction, qui suit la trace de l’action et de la fable,
observe l’enchaînement des épisodes et se préoccupe de la logique narrative
et la «  lecture verticale  » (ou paradigmatique) qui ne suit plus le fil des
événements mais s’occupe de leur agencement et relie des unités distribuées
autrement dans le texte. Barthes (1970) appelle «  lexies  » les unités de
lecture du texte littéraire et insiste sur la nécessité d’une « lecture plurielle »
qui ne cherche pas à rabattre le sens d’un texte sur un signifié univoque.
Ces notions ont été reprises par plusieurs auteurs dans la phase initiale de
l’analyse textuelle du film (Kuntzel, Heath, Dayan, etc.).
Depuis, la notion s’est affaiblie, et désigne toute vision ou interprétation
critique même minimale  ; le terme est devenu presque synonyme de
«  critique  », ou d’analyse de séquences, comme dans le titre d’un livre
récent très illustré (Lire les images de cinéma, 2007).

➦ INTERPRÉTATION, TEXTE
  ROPARS-WUILLEUMIER, 1990 ; JULLIER & MARIE, 2007

LETTRISME
Mouvement Mouvement poétique créé par Isidore Isou, qui en a publié le
Manifeste à Paris en 1946. Le lettrisme systématise et radicalise des idées et
des réalisations poétiques antérieures, notamment des futuristes italiens et
russes et du mouvement Dada. Il s’agit de rompre avec le mot signifiant au
profit de la beauté purement sonore des phonèmes. C’est Maurice Lemaître
qui a transposé, avec Isou, cette doctrine poétique au cinéma. Il propose
ainsi de détourner des vieilles pellicules en les grattant («  destruction
ciselante ») ou en rompant le synchronisme du son et de l’image (« montage
discrépant »). Les films de référence sont Traité de bave et d’éternité (Isou,
1951) et Le film est déjà commencé ? (Lemaître, 1951).

➦ AVANT-GARDE, EXPÉRIMENTAL, SYNCINÉMA


  DEVAUX, 1992 ; LEMAÎTRE, 2007

LEUTRAT, JEAN-LOUIS (1941-2011)


Critique, historien, analyste de films Critique, essayiste et universitaire
français. D’abord spécialiste de la littérature (Diderot, Julien Gracq), il fut
l’un des tout premiers à proposer, dès avant 1970, un contenu de
l’enseignement «  du cinéma  » à l’université. Ses propositions, fort
différentes de celles de la sémiologie alors dominantes, allaient dans deux
directions principales  : l’une, inspirée de l’école de Genève (Starobinski),
promouvant une forme de critique ou d’analyse interne des œuvres, érudite
et souvent imaginative  ; l’autre, plus frontalement historique, et valorisant
l’étude de vastes ensembles de films (par exemple, l’étude d’un genre ou
d’une période), dans une perspective consciemment inspirée de Michel
Foucault, et cherchant à mettre au jour les phénomènes idéels à l’œuvre
dans ces ensembles.
L’œuvre personnel de Leutrat – y compris la partie qui en est réalisée en
collaboration avec Suzanne Liandrat-Guigues  – suit assez également ces
deux voies, parfois en les mêlant. Dans la veine critique, il faut noter
essentiellement les ouvrages consacrés à Godard et à Resnais, mais aussi les
études de films importants comme Nosferatu (avec M.  Bouvier) ou La
Prisonnière du désert. Dans la veine plutôt historique, s’impose le vaste
ensemble de travaux consacrés au western, depuis la « somme » consacrée
au western muet jusqu’aux récents ouvrages panoramiques (co-signés avec
Liandrat-Guigues), qui donnent de ce genre profus une image
remarquablement nette.
À la frontière des deux voies, il faut signaler les deux ouvrages peut-être
les plus personnels de Leutrat, Vie des fantômes (1995) et Un autre visible.
Fantastique du cinéma (2009), qui proposent une véritable redéfinition de
l’art du cinéma (par le fantastique, comme l’indiquent les titres).

➦ CRITIQUE, HISTOIRE DU CINÉMA


LEXIE
Sémiotique Terme proposé par Barthes (S/Z, 1970) pour désigner un
morceau de texte (littéraire) considéré comme unité de signification dans
une analyse textuelle. Le mot a été parfois repris, sous l’influence directe de
cet auteur, pour désigner un morceau de film découpé par l’analyste en vue
d’y souligner un ou plusieurs effets de signification. L’intérêt de ce
néologisme est sa neutralité : la lexie est un morceau quelconque du texte,
dont la détermination n’obéit qu’aux préoccupations de l’analyse, en vertu
d’une certaine pertinence qui est la sienne – à la différence du segment, qui
répond à la logique narrative et dramatique, et du fragment, qui suppose un
tout organique.

➦ DÉCOUPAGE, GRANDE SYNTAGMATIQUE, SEGMENTATION


  KUNTZEL, 1972, 1975A

LIEU
Esthétique, topographie Au sens habituel du mot, un lieu est un endroit,
une portion d’espace. Dans son étude de la peinture représentative,
Francastel (1967) l’a défini comme fragment d’espace imaginaire,
particularisé et représenté en fonction de certaines règles conventionnelles
qui correspondent à une certaine appréhension (historiquement variable) de
l’espace. Pour Francastel, le lieu et l’objet figuratif sont les deux grands
instruments du langage figuratif.
Ce sens n’a pas été systématiquement développé à propos du cinéma,
mais il se retrouve fréquemment dans la réflexion sur la représentation au
cinéma à l’intérieur de l’école des Cahiers du cinéma des années 1970 (voir
par exemple Oudart, 1971, Bergala, 1980), et dans quelques travaux sur la
figuration (Vernet) et sur l’espace (Gaudin, 2015).

➦ ESPACE, FIGURATION, FIGURE, REPRÉSENTATION


  OUDART, 1971 ; VERNET, 1987 ; GAUDIN, 2015

LINDEPERG, SYLVIE (1963)


Historienne Historienne et universitaire française, spécialiste de la Seconde
Guerre mondiale et de l’histoire du cinéma. Reprenant l’attitude inventée
par Marc Ferro (1977), dont elle est aujourd’hui la « descendante » la plus
connue, elle a travaillé sur le cinéma en historienne, en prenant les films
comme des témoignages historiques qu’il convient d’analyser, à la fois en
termes de contenus et de mise en forme. Ses ouvrages publiés portent tous
sur la période de la guerre de 1940-1945, sous des angles divers : actualités
filmées au moment de la Libération, tournages clandestins dans la
Résistance, représentation de la guerre dans le cinéma français d’après-
guerre, représentation de la Shoah. Sa démarche intègre plus récemment
l’analyse génétique des films et la dimension esthétique de leur projet, ce
qui enrichit nettement son approche historique comme le montre son livre le
plus original, Nuit et brouillard, un film dans l’histoire (2007), prolongé par
La Voix des images (2012).

➦ FERRO, HISTOIRE DU CINÉMA

LINDSAY, VACHEL (1879-1931)


Poète, dessinateur, critique Poète, dessinateur et critique américain,
proche de Sinclair Lewis, Carl Sandburg, Ezra Pound. Il fut l’auteur du
premier livre de critique de cinéma en langue anglaise (1914), qui attira
l’attention de Douglas Fairbanks, Anita Loos et D. W. Griffith (lequel le fit
distribuer dans ses studios). Ce livre pionnier est l’un des tout premiers à
défendre l’idée d’un cinéma comme partie intégrante des Beaux-Arts, et
non comme théâtre filmé. Pour cela, Lindsay se sert essentiellement de
comparaisons entre cinéma et sculpture, peinture, architecture, danse.
Il fut aussi le premier à définir le pouvoir propre de certaines formes
cinématographiques dotées d’un grand avenir, notamment le gros plan de
visage. Une partie plus datée, mais extrêmement originale, de sa réflexion,
consiste à intégrer au nombre des traits spécifiques de l’art du film la
« splendeur » religieuse, patriotique, féerique, ou la splendeur de la foule –
  anticipant assez génialement une réflexion sur la notion de genre, qui
atteindra rarement à ce degré d’intuition.

➦  GENRE, PEINTURE, POÉSIE (CINÉMA DE), PRIMITIF (CINÉMA), SCULPTURE,


THÉÂTRE
LONG MÉTRAGE
Technique, institution Film dont la durée est supérieure à une certaine
limite (variable selon les pays). En France, un film de long métrage doit
durer au moins 58 minutes et 29 secondes, soit l’équivalent d’une bobine de
1 600 mètres en 35 mm ; dans les pays anglo-saxons, cette durée minimale
est de 40 minutes seulement. Le passage au film de long métrage se situe
autour de 1912. Les films passent alors de 50 minutes à une heure trente,
puis deux heures. L’un des premiers longs métrages distribués avec succès
est l’adaptation des Misérables par Albert Capellani en 1912, une
production Pathé/SCAGL en quatre épisodes d’une heure. Mais c’est le
succès international de Naissance d’une nation en 1915 (3  360  m, soit
2 h 40) qui marque le tournant irréversible vers le film de long métrage.
L’immense majorité des films qui bénéficient d’une sortie en salles sont
des longs métrages  ; aussi cela n’est-il jamais précisé, et le public qui va
voir un film s’attend toujours à voir un long métrage. Ces longs métrages
peuvent parfois dépasser les trois ou quatre heures ; certains peuvent alors
être projetés en continuité, et d’autres sont fragmentés en épisodes, ou
séries. Dès qu’un long métrage dépasse la durée des deux heures, il pose
des problèmes d’exploitation, qui ne relèvent évidemment pas de
l’esthétique.

➦ COURT MÉTRAGE, MOYEN MÉTRAGE

LUMIÈRE
Théorie, esthétique La lumière joue, dans les arts et techniques
photographiques, un rôle particulier. Elle est le vecteur même de
l’enregistrement de l’image («  photographie  » veut dire littéralement
écriture de la lumière, et à ce titre le cinéma comme la vidéo en relèvent) ;
en même temps, elle est un des éléments ou un des aspects du monde
représentés dans l’image photographique. Cette double nature figurée et
lumière figurante est nodale, et à toutes les époques, le cinéma a cultivé les
effets de lumière. En reprenant le vocabulaire filmologique (Souriau, 1953)
on peut distinguer trois états de la lumière :
1. Lumière profilmique : l’éclairage. Les vues Lumière étaient filmées
sous la lumière du soleil, la seule suffisante en raison de la faible sensibilité
de la pellicule. Très vite on chercha à ajouter, à cette source toujours
aléatoire, des lumières artificielles. Les premiers studios, en France (celui
de Méliès à Montreuil par exemple) ou aux États-Unis (sur les toits des
gratte-ciel new-yorkais) furent de gigantesques verrières, où l’on ajouta des
lampes à arc reprises au théâtre. L’histoire des techniques d’éclairage est
celle de l’amélioration de la puissance des lampes, et en même temps, de la
sensibilité des pellicules, permettant d’accepter un éclairage moindre  ; la
couleur ajouta le problème des «  températures de couleur  », reléguant les
lampes à incandescence au profit des arcs.
Dans le cinéma muet, l’éclairage joue à la fois de l’éclairage diffus et de
l’éclairage ponctuel, avec une séparation grossière en deux fonctions
différentes : une lumière diffuse qui assure la perception d’ensemble de la
scène (mais n’est pas expressive), et des lumières ponctuelles, qui
soulignent des éléments du drame, et peuvent aussi prendre à leur charge
des valeurs expressives (l’âtre, souvent copié, de Pippa Passes de Griffith).
Le facteur d’évolution le plus déterminant fut la tendance à tout déterminer
par le récit et les motivations qu’il entraîne : d’où la nécessité de varier les
éclairages, pour les adapter à la situation. Deux soucis apparaissent dès
l’apogée du muet  : le réalisme (ou vraisemblance)  ; l’expressivité (au
service du drame).
Le cinéma américain classique adopta rapidement la distinction key
lights/fill lights (lumière principale/de complément), et sur cette base mit au
point un système standard, déterminé par l’éclairage de l’objet essentiel de
toute représentation, le visage humain. D’où les trois lumières qui
définissent de système (souvent appelé three points system) : frontale (pour
qu’on voie le visage)  ; latérale (pour le sculpter, lui donner du volume)  ;
arrière (pour le détacher du fond). Le silhouettage sert à la fois à faire
ressortir perceptivement le personnage devant le fond et à fixer l’attention
du spectateur sur la zone utile. Le backlighting est obligatoire pour ces deux
raisons. Enfin, l’idéologie du glamour est dépendante de la précision de ces
effets d’éclairage.
Par la suite, la principale nouveauté fut le retour au tournage en plein air
et en lumière naturelle, dès l’après-guerre en Europe (dans Stromboli, de
Rossellini [1949], par exemple), qui n’impliqua pas, toutefois, une
renonciation absolue aux lumières d’appoint (par réflecteurs, notamment).
2. Lumière écranique  : la projection lumineuse. La lumière joue
également le rôle de vecteur de la projection de l’image sur un écran. Cet
aspect du dispositif cinématographique est même le seul qui n’ait jamais
varié, et il n’a été mis en question que dans quelques œuvres d’avant-garde
dont il n’est pas certain qu’elles soient encore des « films » (au sens large
de pellicule servant de support à une projection dans certaines conditions).
De ce point de vue, le dispositif cinéma est à comprendre dans la
généalogie des arts de la projection lumineuse (Mannoni, 1994  ; Désile,
2000).
3. La lumière filmographique. La lumière représentée, celle que l’on
voit dans le cadre de l’image, a en droit le même statut imaginaire que la
lumière représentée en peinture ou en photographie. Elle a donc la même
double fonction, dramatique et expressive, accentuant tantôt l’une, tantôt
l’autre. Il existe des styles de lumière, propres à tel chef opérateur ou à tel
réalisateur, et souvent assez marqués pour être aisément identifiables.
Le jeu avec la lumière est un enjeu figuratif important, et de nombreux
films ont cherché des images ou des effets remarquables, du «  bain de
lumière » des souvenirs de Gertrud dans le film de Dreyer ou du rêve du
héros de De la vie des marionnettes, aux violentes ponctuations lumineuses
d’Alphaville de Godard, et des flots de glamour déversés par Sternberg sur
sa vedette féminine aux ambiances sombres des premiers Preminger. Le
développement du numérique n’a pas mis fin à ces recherches, même s’il a
amené une image généralement moins contrastée et souvent plus « froide ».

➦ DISPOSITIF, GLAMOUR, PROJECTION, STYLE


  REVAULT D’ALLONNES, 1991 ; MANNONI, 1994 ; DÉSILE, 2000 ; AUMONT, 2010

LYOTARD, JEAN-FRANÇOIS (1924-1998)


Philosophe C’est à partir de Discours Figure (1971) que la réflexion de
Lyotard, jusque-là consacrée à des problèmes purement philosophiques et à
l’élaboration de propositions politiques (au sein du groupe « Socialisme ou
barbarie »), a rencontré les problèmes de l’image, de sa signification et de
ses effets. Cet ouvrage reprenait, en le légitimant à partir de notions
freudiennes (pulsion, caractère primaire vs secondaire, etc.), un credo déjà
présent dans la phénoménologie de Merleau-Ponty et dans la sociologie
historique de l’art de Francastel  : l’image est un moyen et une forme de
pensée, et pas seulement un véhicule de la pensée.
Lyotard a peu travaillé directement sur le cinéma, et uniquement dans le
sillage de ce livre fondateur. Il a alors défendu et analysé un « a-cinéma »,
constitué de films dans lesquels le pulsionnel et le primaire se manifestent,
tant au plan du scénario que de l’écriture cinématographique propre ; cette
conception a été reprise et développée par certains de ses élèves (Eyzikman,
1976). Par la suite, sa réflexion sur la postmodernité (1979) a inspiré de
nombreux critiques, sans donner lieu toutefois à une véritable théorie en
bonne et due forme d’un cinéma « postmoderne ».

➦ A-CINÉMA, EXPÉRIMENTAL, POSTMODERNE


M
MACMAHONISME
Mouvement, critique Un groupe de jeunes critiques parisiens, au début des
années 1960, animaient et programmaient la salle de cinéma Mac Mahon,
près de l’Étoile. Leur programmation était fondée sur l’assertion d’un choix
critique très étroit, valorisant, autour d’un « carré d’as » (Walsh, Preminger,
Losey, Lang –  ce dernier uniquement pour ses films américains), des
cinéastes exemplaires à leurs yeux d’une esthétique de la « pure » mise en
scène. À travers programmes et débats, et aussi dans la revue issue de ce
courant, Présence du cinéma, fut défendue durant quelques années une
«  politique des auteurs  » extrémiste, opposée à tout le cinéma d’art
européen (Eisenstein fut leur bête noire, mais aussi bien Rossellini, au
contraire très défendu par le groupe des Cahiers du cinéma), et aussi à tout
le cinéma américain qui y ressemblait (Welles, en particulier, qu’ils
détestaient).

➦ MISE EN SCÈNE, POLITIQUE DES AUTEURS, REVUES DE CINÉMA


  MOURLET, 1965 ; CERISUELO, 2013

MAGIE
Esthétique, anthropologie La relation du cinéma à la magie remonte à ses
liens primitifs avec le spectacle populaire, en particulier le music-hall. On
sait qu’avant de faire des films, Méliès était prestidigitateur, et qu’il a
transposé tels quels en «  vues cinématographiques  » certains de ses tours
(l’« Escamotage d’une dame », par exemple). Ce lien entre cinéma, magie
et disparition/transformation s’est poursuivi jusqu’à nos jours (voir la saga
Harry Potter). Il a été commenté par Scheinfeigel (2008) qui prolonge les
intuitions de Morin sur le cinéma et la voyance, la représentation du « non
visible  » en parcourant toute l’histoire du cinéma de Méliès à Grandrieux
(Sombre, 1998) et Bonello (Le Pornographe, 2001).

➦ SIMULACRE, TRUCAGE
  SCHEINFEIGEL, 2008

MALRAUX, ANDRÉ (1901-1976)


Écrivain, cinéaste Aventurier, écrivain, critique d’art, homme politique  :
Malraux a eu divers titres à s’intéresser au cinéma. Nous passerons sur son
rôle comme ministre de la Culture (1959-1969) ; il ne figure ici que pour un
seul texte, un court article de 1940, «  Esquisse d’une psychologie du
cinéma », dont tout le monde connaît la dernière phrase : « Par ailleurs, le
cinéma est une industrie.  » Malraux y analyse le cinéma comme un
« mythe » dont il analyse les rapports avec les autres arts : théâtre antique,
littérature, peinture. Il ne fut ni le premier à qualifier le cinéma d’« art », ni
même à risquer ces comparaisons, mais son texte a une importance
historique de par la carrière de son auteur, et aussi par son style de
description des films, très proche de ses descriptions lyriques et
empathiques d’œuvres de peinture.

➦ ART
  ALBERA, 2015

MANIÉRISME
École, style Ce terme, qui désigne un idéal artistique de raffinement, a
d’abord été appliqué à une école de peinture de la seconde moitié du
XVIe  siècle, développée principalement en Italie et en France. La forme y
prime le contenu ; c’est un art de l’arabesque parfois gratuite, de l’élégance,
mais aussi de formes complexes, affectionnant les asymétries. Il peut aller
jusqu’à cultiver les déformations des corps, comme déjà les Vierges
déhanchées de la fin du Moyen Âge. Les grands peintres maniéristes
(Pontormo, Rosso, le Parmesan, etc.) furent des imitateurs de la
«  maniera » de Raphaël et de Michel-Ange dont ils accentuèrent certains
traits. Par extension, on a qualifié de maniéristes des artistes dont le style
souligne certains éléments, souvent au détriment de l’exactitude analogique
– du Greco à Modiglani.
Le concept a été appliqué à la littérature par Curtius (1935) pour
caractériser la première période du baroque, soit les années 1530 à 1580
pour la France. La technique des écrivains consiste alors à raffiner sur la
règle et sur les procédés d’expression. Cet art se caractérise par la recherche
de l’effet, la distorsion des formes, l’étrangeté des atmosphères.
Ces mêmes traits  : recherche de l’effet, distorsion des formes, privilège
du style sur le naturel, caractérisent de nombreux films des années 1980 et
1990. C’est à cette époque qu’on a proposé une extension au cinéma de la
notion de maniérisme, pour y désigner des productions qui raffinent leurs
effets signifiants, au risque parfois de la complaisance. Les emprunts ou
réminiscences de la peinture furent fréquents dans le cinéma de cette
tendance  ; c’est notamment le cas dans tout un pan du cinéma
hollywoodien, qui a été relu selon cette perspective (Felleman).

➦ BAROQUE, STYLE
  FELLEMAN, 1997 ; CAMPAN & MENEGALDO, 2004

MANNONI, LAURENT (1966)


Historien des techniques, conservateur Collectionneur, conservateur,
historien, Laurent Mannoni a joué et joue, par l’originalité de ses travaux
historiques et la rigueur de ses travaux institutionnels, un rôle qui avant lui
avait souvent été négligé dans les archives françaises sur le cinéma, celui de
l’historien des techniques. Responsable des collections d’appareils de la
Cinémathèque française, il a récemment créé le Conservatoire des
techniques cinématographiques, entendant reprendre une tradition laissée
dans l’ombre depuis les recherches de Jean Vivié.
Il est l’auteur d’un des plus importants livres consacrés à l’archéologie du
cinéma, Le Grand Art de la lumière et de l’ombre, qui retrace l’histoire de
la lanterne magique depuis le XVIe siècle. Ses travaux ont ensuite porté sur
la carrière d’Étienne-Jules Marey, auquel il a voulu restituer un rôle majeur
dans l’invention de l’enregistrement des images animées. Il a également
organisé plusieurs expositions, sur Georges Méliès, E.  J. Marey, Georges
Demenÿ et les débuts du cinéma. Son Histoire de la Cinémathèque
française met à profit les archives de l’institution et révèle une fascination
contrastée pour la figure d’Henri Langlois.

➦ ARCHIVES, CINÉMATHÈQUE, HISTOIRE DU CINÉMA, LANTERNE MAGIQUE

MARXISME
Économie, philosophie, politique Corps de doctrine économique et
politique élaboré par Karl Marx (1818-1883) et son collaborateur Friedrich
Engels (1820-1895), au carrefour de la philosophie allemande, du
socialisme français et de l’économie politique anglaise ; la théorie s’en est
développée sous les notions de matérialisme dialectique (philosophie de la
réalité physique et sociale) et de matérialisme historique (philosophie de
l’histoire). Ni Marx, ni Engels n’ont proposé de théorie de l’art et encore
moins de traité d’esthétique. Cependant, ils ont été amenés souvent dans
leur œuvre à prendre parti sur des questions posées par l’art, en tant que
superstructure idéologique. De là, on a pu dégager les éléments principaux
d’une esthétique marxiste (Plékhanov, puis Lukács). Ce sont les essais
esthétiques de Lukács, élaborant différentes conceptions du réalisme, liées à
des modes de productions et à des phases successives d’expression
culturelle, qui ont donné lieu à des applications dans le domaine de
l’histoire et de l’esthétique du cinéma. La notion de « réalisme critique » est
notamment au fondement des travaux d’Aristarco (1965), et d’Amengual.
Le second développement de la philosophie marxiste à avoir joué un rôle
dans la théorie du cinéma est la théorie de l’idéologie, surtout le concept
d’« appareil idéologique d’état », qui, au cours des années 1970, a inspiré
de nombreuses critiques de la fonction mythifiante et aliénante du cinéma
« dominant ». Cela a conduit à lui opposer, soit un cinéma de critique et de
déconstruction, soit un cinéma « matérialiste » (tel Méditerranée de Pollet,
1965). Toutefois, plusieurs critiques marxistes s’en sont tenus à une version
plus simple du rapport entre infrastructure et superstructure, dans laquelle
l’idéologie s’inscrit dans les films uniquement par les contenus narratifs
(Lebel, 1971).
Les analyses marxistes de l’infrastructure économique ont trouvé un
champ d’application beaucoup plus direct dans les travaux consacrés à
l’histoire économique de l’industrie du cinéma et de ses firmes de
production, de Bächlin (1947) à Staiger et Gomery.
➦ ÉCONOMIE, INSTITUTION, POLITIQUE ET CINÉMA
  ARISTARCO, 1965 ; LEBEL, 1971 ; AMENGUAL, 1997 ; WAYNE, 2005

MATÉRIAU, MATIÈRE
Esthétique, sémiologie Dans les arts plastiques, on distingue
traditionnellement la matière –  inerte, inorganisée  – du matériau, qui est
déjà un objet choisi ou fabriqué par l’artiste. En peinture, la matière
picturale comprend par exemple le pigment, la pâte appliquée avec un
pinceau sur une surface, tandis que le matériau pourra être défini comme
«  les couleurs en un certain ordre assemblées  » (Maurice Denis).
Autrement dit, la matière se touche, se manipule, tandis que le matériau se
pense. C’est là d’ailleurs un partage récent, la définition d’un matériau idéel
supposant qu’on ait appris à le dissocier mentalement du moyen matériel, et
aussi de ce à quoi il sert (le plus souvent, à représenter des objets), ce qui
n’est le cas que depuis un peu plus d’un siècle.
Au cinéma, la question s’est beaucoup posée durant la période muette,
chez des esthéticiens préoccupés de définir le cinéma comme art visuel. La
nature photographique de l’image de film rend difficile la dissociation entre
l’objet représenté et les traits perceptifs de l’image. La plupart des
théoriciens des années 1920 qui se sont posé la question (essentiellement en
Allemagne et en Union soviétique) ont avancé que le matériau de l’art du
cinéma, c’est l’image photographique du réel  : «  le matériau brut du
cinéma, c’est l’homme photographié » (Poudovkine, 1926). L’art du cinéma
consiste alors à travailler ce matériau : en amont, en définissant un système
à la fois plastique et sémantique du jeu de l’acteur (Koulechov), en aval, par
le montage des images obtenues.
D’autres définitions de la matière et du matériau ont vu le jour à propos
du cinéma non représentatif, surtout lorsqu’il utilise des moyens picturaux
(par exemple, projection de pigments directement sur la pellicule). Mais la
comparaison entre ce cinéma (et le cinéma en général) et la peinture doit
tenir compte du rôle de la lumière, qui informe à double titre l’image
produite sur l’écran : d’abord parce qu’il a fallu éclairer à la prise de vues
(au lieu de manipuler des couleurs) (Rohmer, 1976), ensuite parce que le
film est le résultat d’une projection lumineuse, qui trahit souvent la
matérialité de la couleur déposée sur la pellicule (Aumont, 1995a). Les
fantasmes de matière corrélatifs ont eu fortement tendance à diminuer, voire
à disparaître, avec la disparition du système argentique ; l’image numérique
est projetée, mais elle ne l’est pas à partir d’une image dotée d’une matière
solide, tangible.

➦ ART, FORMALISME, POUDOVKINE, PROJECTION, SPÉCIFICITÉ


  SCHEFER, 1999, 2000 ; AUMONT, 2005-2009

MATIÈRE DE L’EXPRESSION
Sémiologie Notion proposée par Hjelmslev (1955) pour désigner les
caractéristiques physiques sensorielles ou techniques qui permettent de
distinguer les langages les uns des autres. Elle a été reprise par le courant
sémiotique italien, notamment Garroni (1968, 1972), et français (Metz,
1971). Le mot «  matière  » toutefois n’est à comprendre ici qu’en relation
avec les termes de « forme » et « substance », et non au sens propre. Cette
notion a été souvent utilisée par la sémio-linguistique pour fonder des
typologies des divers langages.
Chaque langage se reconnaît à certains traits pertinents de la matière de
l’expression, dont la présence ou l’absence permet de reconnaître à quel
langage on a affaire. Dans le cas du langage verbal, la matière de
l’expression est constituée par le tissu phonique, les sons prononcés par
l’individu parlant. Le cinéma parlant combine plusieurs matières de
l’expression  : les images photographiques mouvantes et multiples, les
mentions écrites, le son verbal, le son musical, les bruits. Le cinéma
« muet » en revanche ne comporte que les deux premières.

➦ METZ, SÉMIOLOGIE
  METZ, 1971 ; ODIN, 1990

MÉDIA
Communication Le mot a été proposé en français, au milieu des années
1960, pour adapter l’anglais [mass] media. Il convient de noter que si mass
media est un pluriel, en français média (avec accent) est considéré comme
un singulier ; cela est illogique au regard de l’étymologie (en latin, media
est le pluriel de medium) –  mais permet au français contemporain de
distinguer avec précision entre un média (un moyen de diffusion
d’information) et un médium (un moyen d’expression).
Le cinéma peut, de certains points de vue, être considéré comme un
média, puisqu’il sert en partie à diffuser des informations. Il existe par
conséquent des études où le cinéma est compris dans un ensemble qui
comporte d’autres médias (le plus souvent, la télévision, qui est le point de
comparaison le plus évident).
Toutefois, l’histoire du cinéma a fait de ce dernier plutôt un médium
qu’un média (au sens de ces deux mots rappelé ci-dessus), et l’on
s’intéresse plus souvent à la manière dont les médias, et spécialement les
médias de masse (presse, télévision, et aujourd’hui Internet) commentent le
cinéma et informent sur lui. Un des aspects particuliers de cette
interrogation est la présence, dans la plupart des médias (voire dans tous)
d’une « critique de cinéma », confiée à des professionnels, sinon toujours à
des spécialistes réellement compétents.
L’étude des médias relève des sciences de la communication alors que
celle d’un médium relève des sciences de l’art et de l’esthétique. Bien
entendu, l’un comme l’autre peuvent être envisagés du point de vue des
sciences humaines, telles l’histoire contemporaine, la sociologie, la
psychologie ou l’anthropologie.

➦ INTERMÉDIALITÉ

MÉDIUM
Technique Outre ses usages en logique et en spiritisme, ce mot s’est vu
doter, très récemment, d’un sens qui concerne la technique artistique.
Réactualisant un sens ancien de « milieu » ou « champ d’action », devenu
obsolète au XIXe  siècle, on parle souvent, maintenant, de médium pour
désigner l’ensemble des techniques nécessaires à l’exercice d’un art ; le mot
s’utilise aussi, de manière plus floue, pour dire simplement qu’il s’agit d’un
moyen d’expression. C’est ainsi qu’on pourra dire que le cinéma est un
médium, reposant sur certaines techniques de prise de vues, de montage,
etc. On peut donc envisager une histoire du cinéma comme médium, qui
s’intéresserait aux différentes techniques successivement utilisées. Un
tournage en pellicule ou en numérique ne donnent pas les mêmes
possibilités  ; de même, une caméra lourde et statique ne donne pas les
possibilités d’une caméra miniature et mobile ; etc.

➦ ART, EXPRESSION

MÉLODRAME
Genre Terme d’histoire du théâtre, désignant à l’origine une sorte de drame
parlé et chanté, et qui a acquis (à la fin du XVIIIe  siècle) le sens plus
spécialisé –  le distinguant de l’opéra et de l’opéra-comique  – de «  drame
populaire accentuant les effets pathétiques, souligné par une musique
expressive » (DHLF).
Ce genre connut au XIXe  siècle une fortune particulière (le film Les
Enfants du paradis a fait revivre le mélodrame L’Auberge des Adrets, et son
interprète alors célèbre, Frédérick Lemaître). Le mélodrame se définit par
quelques traits constants :
–  une action intense, fondée sur des événements violents  :
enlèvements, assassinats, séquestrations, usurpation de biens ou
d’identité, etc. ;
– une structure narrative simple, opposant l’innocence persécutée et
une force du mal qui opprime, à partir de personnages types : la
jeune fille pure, l’enfant innocent, l’épouse vertueuse, le traître, la
mégère, l’aristocrate égoïste et cupide ;
–  une intrigue avec de nombreux rebondissements, souvent fondée
sur des méconnaissances ou confusions d’identité ;
–  un style volontiers emphatique, parfois grandiloquent, à la limite
de la parodie.
Dès le début du XXe siècle, le cinéma pille le répertoire de cette littérature
populaire, et crée un genre protéiforme, qui traverse toutes les époques et
les productions nationales. On en trouve des dizaines dans le catalogue
Pathé (dans La Fête à sa mère, on voit en trois minutes une petite fille aller
cueillir des fleurs pour sa mère gravement malade, se faire assassiner par un
chasseur, et avoir tout de même le temps d’apporter son bouquet à sa mère
avant d’expirer). Dans ce genre s’illustrèrent de grands cinéastes, de
Griffith et Gance à Kore-eda et Eastwood.
Du point de vue esthétique, tout se joue dans la distance que choisit
l’auteur pour gérer les stéréotypes narratifs auxquels il a affaire. Il peut les
assumer et jouer la carte du lyrisme et du sublime, ou les retourner et les
déconstruire, dans l’optique d’une certaine distanciation.
Le genre, qui met souvent au premier plan des personnages de femmes
victimes, ou des relations entre une fille et sa mère, a donné lieu à de
nombreuses analyses d’inspiration féministe.

➦ ÉMOTION, GENRE
  BOURGET, 1985 ; GLEDHILL, 1987

MERLEAU-PONTY, MAURICE (1908-1961)


Philosophe Philosophe français, l’un des plus célèbres représentants de la
phénoménologie, dans la descendance de Husserl. Il ne consacra au cinéma
qu’un seul texte («  Le cinéma et la nouvelle psychologie  », 1945), mais
important par ses thèses centrales  : 1°, «  un film n’est pas une somme
d’images mais une forme temporelle  »  : le sens d’une image dépend de
celles qui la précèdent, mais le rythme qui les lie modifie la réception de ce
sens ; 2°, « un film sonore n’est pas un film muet agrémenté de sons », mais
image et son se transforment mutuellement ; en particulier, « la parole n’est
pas chargée d’ajouter des idées aux images, ni la musique des
sentiments » ; 3°, « la fonction du film n’est pas de nous faire connaître les
faits ou l’idée  »  ; le sens d’un film est incorporé (terme essentiel dans le
vocabulaire de Merleau-Ponty) à son rythme, et d’une certaine manière « le
film ne veut rien dire que lui-même ». Au total, ainsi, « un film ne se pense
pas, il se perçoit  », exactement comme n’importe quel phénomène de la
vie : il fait voir le lien du sujet et du monde au lieu de l’expliquer.

➦ ÉMOTION, PERCEPTION, PHILOSOPHIE, PSYCHOLOGIE, RYTHME, SON

MÉTAFILM, MÉTAFILMIQUE
Sémiotique, narratologie Calquée sur la notion sémiotique de
«  métadiscursif  » ou «  métadiscursivité  », la notion de métafilmique
désigne des énoncés filmiques, explicites ou implicites, à propos du film lui-
même. Cette attention au métafilmique a été l’un des paradigmes principaux
de la perspective narratologique et sémiologique dans les années 1980,
comme en témoigne le dernier ouvrage de Christian Metz (1991). C’est
dans cette perspective que l’on a pu s’intéresser à la «  diégétisation du
dispositif  » (Vernet), ou proposer carrément de reconnaître une qualité de
«  métafilm  » à certaines œuvres, pleinement narratives mais tenant en
même temps un discours sur le cinéma, ou sur elles-mêmes en tant qu’elles
sont des films (Cerisuelo). Depuis quelques années, à la suite de Genette
(2004), on a parfois repris pour désigner ce phénomène de discours second
inclus dans le discours lui-même, le terme ancien de métalepse (qui
initialement signifiait tout autre chose).

➦ DISPOSITIF
  VERNET, 1987 ; METZ, 1991 ; CERISUELO, 2000

MÉTAPHORE
Rhétorique, linguistique, psychanalyse La métaphore est un trope (une
figure de rhétorique) fondé sur le « transfert » d’une notion ou d’une chose
à une autre notion ou chose, par substitution d’un terme à un autre.
Exemples  : «  Tous les cœurs sont cachés, tout homme est un abîme  »  ;
« Celui qui met un frein à la fureur des flots… » – où « abîme » et « frein »
métaphorisent respectivement le mystère de la psyché humaine et la force
transcendante de l’ordre du monde. Ces substitutions sont extrêmement
libres, et en principe on peut toujours en proposer de nouvelles  ; la
métaphore est donc le résultat d’une opération hautement personnelle, en
partie arbitraire, et qui résulte d’une véritable interprétation.
Il est difficile en ce sens de concevoir une métaphore filmique
(substitution d’un élément filmique à un autre, produisant un transfert de
sens). Ce qu’on a appelé métaphore, surtout à l’époque muette, est le plus
souvent une comparaison, le film pouvant plus facilement juxtaposer des
éléments que les substituer les uns aux autres. Dans Octobre (Eisenstein,
1927), les plans représentant un paon mécanique et la statue de Bonaparte
caractérisent explicitement Kérenski, et signifient sa vanité et son appétit de
pouvoir, mais ils ne se substituent pas à son image, et n’acquièrent ce sens
que parce qu’ils lui sont associés par le montage. On s’approche davantage
d’une métaphore, dans le même film, avec la succession de deux plans
figurant une chenille de tank qui s’abaisse lentement, puis un soldat dans
une tranchée, baissant la tête  : l’écrasement est visualisé, et le spectateur
peut éventuellement interpréter  : le soldat (un prolétaire) est écrasé par
l’industrie d’armement (le capitalisme). Ces figures ont été valorisées par la
plupart des théoriciens des années 1920 (Balázs, Eisenstein, Poudovkine),
et inversement, condamnées par les théoriciens classiques de l’époque
parlante.
La notion de métaphore a été reprise par la linguistique et la
psychanalyse. Pour la première (Jakobson, 1956), métaphore et métonymie
deviennent les deux grandes classes de figures de pensée, correspondant
respectivement aux principes de similarité et de contiguïté. Chez Lacan, ces
deux classes deviennent les deux grands principes propres à l’ordre
symbolique, qu’il identifie aux notions freudiennes de condensation et
déplacement. Combinant ces deux approches, Metz (1975) a posé les deux
opérations de la métaphore et de la métonymie (qu’il distingue à la fois de
paradigme/syntagme et de condensation/déplacement) comme
fondamentales dans la constitution du sens. Il voit entre elles une forte
dissymétrie, la métaphore étant plus rare (parce qu’elle ne peut
qu’impliquer un élément extra-diégétique), et reposant en fait très souvent
sur une métonymie sous-jacente. C’est à raison même de sa rareté qu’on l’a
parfois valorisée, dans l’analyse de film, comme « plus intéressante » que la
métonymie (Andrew, 1984).

➦ FIGURE, MÉTONYMIE, MONTAGE, SYMBOLIQUE


  METZ, 1975 ; GERSTENKORN, 1995

MÉTONYMIE
Rhétorique Trope (figure de rhétorique) qui substitue, à un terme signifiant
une chose ou une idée, un autre terme dont la signification est liée au
premier par une relation naturelle suffisamment établie. Il existe une grande
variété de relations pouvant fonder la métonymie  : relation de cause (la
plume pour l’écriture), d’instrument (un violon pour un violoniste), de
contenu à contenant (boire un verre), de lieu (un bordeaux), de signe (la
couronne d’Angleterre, pour la royauté), de physique à psychique (avoir du
cœur), etc.
Comme dans le cas de la métaphore, la substitution est difficile telle
quelle au cinéma, où une image représente toujours tendanciellement un
référent singulier. Les exemples célèbres souvent cités (le lorgnon du
médecin dans Le Cuirassé «  Potemkine  ») nécessitent tous la présence de
deux plans, avérant respectivement les deux termes de la figure, le comparé
et le comparant (le lorgnon ne signifie le médecin que parce que celui-ci a
été vu ; seul, il renverrait à n’importe quel porteur de lorgnon).
La réflexion théorique sur la métonymie a toujours été engagée en
parallèle avec la réflexion sur la figure, jugée plus riche et plus risquée, de
la métaphore.

➦ MÉTAPHORE

MÉTRIQUE
Esthétique L’idée d’une «  métrique  » des films (d’une mesure des
longueurs matérielles de leurs unités, plans ou autres) a été envisagée au
moins dans deux contextes très différents :
1°, chez Eisenstein (1929), le montage métrique est le premier stade du
calcul des relations entre plans (ou «  fragments  ») d’un même film  ;
Eisenstein avait en vue des films contemporains, notamment de Vertov,
dont certaines sections étaient effectivement montées en faisant se succéder
des plans dont les longueurs étaient dans une proportion simple (1/2,
3/4…), et il contestait la valeur, rythmique et plus largement, structurelle,
de ce critère, en raison de son caractère rudimentaire. À cette critique, Mitry
(1963) a ajouté que, en tout état de cause, l’œil n’est pas armé pour
percevoir avec précision des relations de durée entre plans successifs, et que
ce calcul est donc vain.
2°, à partir de Kubelka (1976), on a appelé « cinéma métrique » un type
de films dont la structure est déterminée par des relations de longueur des
unités. Le sens est le même que chez Eisenstein, mais les films dont il
s’agit, non narratifs et souvent non représentatifs, agencent des unités autres
que les plans cinématographiques. Le modèle indépassé en reste le film de
Kubelka, Arnulf Rainer (1958-1960), composé exclusivement de
photogrammes transparents et de photogrammes noirs, sans aucune image,
ni enregistrée ni dessinée  ; c’est la structure des longueurs des différents
morceaux, alternativement blancs ou noirs, sur l’écran, qui est le film.

➦ EISENSTEIN, EXPÉRIMENTAL, STRUCTURAL (CINÉMA)


  EISENSTEIN, 1929 ; KUBELKA, 1976

METTEUR EN SCÈNE
Métier Celui qui «  met en scène  ». Le terme est évidemment d’origine
théâtrale, et on peut noter qu’il apparut en français bien avant l’expression
« mise en scène ». En théâtre, il désigne la personne responsable de toute la
réalisation effective du texte  : acteurs, décors, éclairages, artifices divers.
En cinéma, il eut initialement le même sens  ; le terme entra ensuite en
concurrence avec «  cinéaste  », et on eut tendance à le réserver aux cas
d’adaptation d’une pièce de théâtre – sans que cet usage soit cependant très
net. La distinction a été brouillée par la revendication de la «  mise en
scène » comme valeur artistique du cinéma dans l’école macmahonienne, et
corrélativement, la confusion engendrée entre «  metteur en scène  » et
«  auteur  ». Aujourd’hui, le terme est utilisé le plus souvent de manière
interchangeable avec « cinéaste » et « réalisateur », même s’il peut sembler
souhaitable de les distinguer.

➦ AUTEUR, CINÉASTE, MISE EN SCÈNE, RÉALISATEUR


  BIETTE, 2000 ; AUMONT, 2006

METZ, CHRISTIAN (1931-1993)


Linguiste, sémioticien, cinéphile Agrégé de lettres classiques, germaniste,
amateur de jazz, cinéphile, c’est comme linguiste qu’il commence une
carrière au CNRS, puis à l’École des Hautes Études. C’est à ce titre qu’il
publie, en 1964, le premier d’une longue suite d’articles destinés à examiner
la pertinence d’une comparaison entre le cinéma et le langage, et à esquisser
le projet d’une sémiologie du cinéma, selon la définition de cette discipline
qu’avait donnée Saussure.
On peut distinguer dans sa recherche trois moments principaux. Le
premier s’inscrit dans un mouvement général d’élaboration d’une
sémiologie des systèmes de signes non linguistiques, et il rencontre
notamment les travaux de Barthes, de Greimas, de Genette, et, en Italie, de
Garroni et (sur la base de désaccords productifs) de Pasolini. Cette période
culmine avec Langage et cinéma, qui en représente l’aboutissement, et
développe la thèse fondamentale du cinéma « langage sans langue », dans
lequel jouent des «  codes  » dont l’ensemble, conçu comme relativement
systématique, tient lieu de la langue introuvable, et explique que, malgré
tout, les films puissent être compris et communiquer du sens.
Une seconde période interroge autrement le signifiant filmique, dont il
s’agit de comprendre le rapport à la réalité, non plus en termes de sens,
mais en termes de relation imaginaire entre un sujet spectateur et le
spectacle en images auquel il est confronté (Le Signifiant imaginaire, 1977).
C’est alors principalement la théorie freudienne du sujet qui est mise à
contribution, et qui nourrit des études «  métapsychologiques  » de la
position spectatorielle (comparée, par exemple, à celle du rêveur ou à
l’hallucination)  ; le signifiant filmique est interrogé à partir de cette
appropriation par un sujet spectateur qui croit et en même temps ne croit
pas à ce qu’il voit. Metz insiste en outre sur la dimension intrinsèquement
figurale de ce signifiant –  au sens de la rhétorique mais aussi au sens
plastique – dépassant ainsi ce qu’avait à ses propres yeux de trop rigide le
modèle saussurien.
Enfin, une troisième période voit Metz tenter une synthèse de la sémio-
linguistique et de la sémio-psychanalyse, en analysant la notion
d’énonciation appliquée au film –  une énonciation «  impersonnelle  », car
non liée à un sujet mais à un site abstrait (1991). Metz rejoint alors les
travaux de nombreux chercheurs, dont son livre est une sorte de panorama
synthétique.
Les deux premiers livres de Metz, portés par un mouvement général de
curiosité pour les sciences humaines et par la vague structuraliste, ont eu
une influence internationale exceptionnelle. En France, ses travaux,
ouvertement déclarés scientifiques, ont permis aux études
cinématographiques d’acquérir un statut disciplinaire dans l’université, ce
que n’avait pas réussi l’Institut de filmologie de la Sorbonne dans les
années 1950.
L’aspect le plus singulier de la démarche théorique de Metz est son
principe de réflexion par différenciation négative  : il s’agit d’abord de
démontrer, en s’appuyant sur la linguistique structurale, que le cinéma n’est
pas une langue, quoiqu’il soit une sorte de langage. De même, il s’agira
ensuite de souligner que, quoique le spectateur de film perçoive les images
selon un flux qui présente de nombreuses analogies avec la perception
onirique, il ne rêve pas vraiment. Quant à l’énonciation filmique, elle se
distingue de son statut linguistique, car elle ne fait pas intervenir
l’alternance entre des personnes (« je » et « tu »).

➦  GRANDE SYNTAGMATIQUE, PSYCHANALYSE, SÉMIOLOGIE, THÉORIES DU


CINÉMA

  MARIE & VERNET, 1990 ; GARDIES, 1991

MIGRATION
Esthétique, histoire de l’art L’idée d’une «  migration  » des formes
remonte à Aby Warburg, qui l’a mise au principe de son entreprise de
collection et de montage d’images, l’exposition « Mnémosyne ». Dans son
fond, il s’agit de constater que des formes, utilisées dans certaines œuvres
pour un certain programme, «  reviennent  » de manière plus ou moins
inattendue dans des œuvres ultérieures, pour y servir à un tout autre
programme, sans que le passage de l’une à l’autre puisse s’expliquer par un
jeu de reprise consciente, d’influence ou de citation. (Exemple chez
Warburg : repérage d’une figure d’un sarcophage romain alors inconnu dans
une œuvre de Ghirlandajo.)
L’histoire du cinéma est trop courte pour que de tels retours imprévus et
inexplicables puissent être vraiment constatés  ; les similitudes entre
événements formels dans des films éloignés dans le temps y sont plutôt de
l’ordre du conscient et du délibéré (comme la citation de Faust de Murnau
dans Fantasia de Disney ou dans La Marquise d’O. de Rohmer). Toutefois,
la question a été posée, d’une situation du cinéma dans le champ de ces
mouvements de formes (Aumont, 1995, 1999), en particulier sous forme
d’une relation à d’anciennes idées picturales.

➦ ICONOGRAPHIE, ICONOLOGIE
  LEUTRAT, 1988, 1990A ; AUMONT, 2009
MILITANT (CINÉMA)
Genre, institution Le militant est celui qui lutte pour le triomphe d’une
idée ou la cause d’un parti. Très tôt, le cinéma s’est découvert une fonction
militante, comme en témoigne L’Affaire Dreyfus que réalise dès 1899
Georges Méliès pour soutenir la cause du capitaine, injustement accusé de
trahison. L’un des premiers groupes politiques à s’être emparé du cinéma
comme vecteur de propagande est le mouvement anarchiste en 1913 avec le
« Cinéma du peuple », qui proclamait : « Éduquer, moraliser, instruire, c’est
émanciper. Le prolétariat aura son cinéma à lui, pour apprendre et
propager son idéal », belle vocation anéantie par la déclaration de la guerre
de 1914.
Il importe de distinguer le cinéma militant, produit par un collectif
souvent éphémère aux moyens limités, du film de propagande, expression
d’une institution ou d’un État. Le film militant s’inscrit toujours dans une
lutte à caractère politique, social ou idéologique. Il veut rendre compte
d’une situation d’exploitation ou de répression qu’il entend dénoncer. Il
peut prendre la forme du reportage, ou bien de l’enquête approfondie,
mêlant des éléments documentaires et fictionnels. On l’a parfois qualifié de
film d’agitation (Agit prop) ou de film d’intervention sociale.
L’émergence de films militants est liée aux périodes les plus intensives de
luttes politiques. Dans les années 1930, marquées par la crise mondiale, le
cinéaste militant le plus emblématique est le Hollandais Joris Ivens qui
parcourt le monde pour témoigner d’une grève particulièrement dure
(Borinage, 1934), de l’horreur économique (Nouvelle Terre, 1934) ou de la
guerre antifasciste en Espagne (Terre d’Espagne, 1937).
Le film militant peut prendre la forme du long métrage de fiction comme
en témoignent Le Sel de la terre d’Herbert J. Biberman (1953), qui
reconstitue une grève de mineurs dans le Nouveau Mexique à l’époque de
la répression maccarthyste, ou Coup pour coup, que Marin Karmitz réalise
en 1971 dans la France de Georges Pompidou.
L’année 1968 et les suivantes ont été évidemment propices à l’apparition
de nombreux films militants, à partir des Ciné-tracts filmés pendant les
manifestations, puis des courts ou longs métrages qui ont suivi, comme
ceux de Godard au sein du groupe Dziga Vertov (Vent d’Est, Lutte en Italie,
1969) ou de Marker avec le groupe Slon (À bientôt j’espère, 1967). Pendant
la même période, le documentariste québécois Pierre Perrault réalise des
films produits par l’ONF, qui militent pour l’idée nationaliste  : Un pays
sans bon sens (1970) ou L’Acadie, l’Acadie (1971).
Certains documentaires contemporains produits pour les chaînes de
télévision ou pour des diffusions en salles s’inscrivent dans cette tradition
militante, tels les films de Michael Moore (Bowling for Columbine, 2002 ;
Fahrenheit 9/11, 2004).

➦ IDÉOLOGIE, POLITIQUE ET CINÉMA


  HENNEBELLE, 1976 ; FAROULT, 2002, 2006 ; LAYERLE, 2005

1895
Histoire Revue de l’AFRHC.

➦ AFRHC

MIMÈSIS
Narratologie Le mot grec mimèsis, dérivé de mimos (mime, acteur qui
chante, danse et récite), correspond au latin imitatio, dont le radical est
rattaché à celui d’imago. On trouve le terme mimèsis, chez les philosophes
anciens, dans au moins deux contextes distincts (quoique parfois
abusivement confondus) :
1° Un contexte narratologique  : la mimèsis sert à désigner une forme
particulière de récit (le récit – oral – par imitation, où le récitant mime les
personnages, en adoptant leur langage, leurs gestes, leurs tournures de
pensée). Platon (La République) notamment a condamné cette forme de
récit comme étant trop éloignée du récit idéal. En ce sens, le terme entre en
relation paradigmatique avec celui de diegesis, par lequel on désigne une
autre forme de récit, « en troisième personne ». Gaudreault (1984, 1988) a
longuement commenté la relation entre ces deux termes, en cherchant à en
déduire une description du régime de fiction du cinéma  : régime double à
ses yeux, ressortissant à la fois au scriptural et au scénique, à l’imitatif et au
narratif.
2° Un contexte représentatif : chez Aristote (Poétique), plus nettement
encore chez Philostrate, la mimèsis est l’imitation représentative, l’analogie
visuelle, conçue en tant que manifestation sensible de caractères cachés
(donc, en tant qu’expression). C’est le sens auquel les arts de la
représentation nous ont habitués (Gombrich, 1959), mais au prix d’une
confusion toujours menaçante entre imitation des apparences et
« imitation » (i. e. expression) du caractère.

➦ ANALOGIE, DIÉGÈSE, FIGURE, ILLUSION, RÉCIT, REPRÉSENTATION


  GAUDREAULT, 1988A ; AUMONT, 2010

MISE EN ABÎME/MISE EN ABYME


Narratologie Terme de rhétorique, proposé par André Gide en 1893 et
universellement adopté par la suite, signifiant l’enchâssement d’un récit
dans un autre, par analogie avec le terme de blason qui désigne une figure
placée au centre de l’écu, et figurant un autre écu. Le sens narratologique
s’est conservé tel quel en cinéma (le récit « en abyme » est un récit dans le
récit, sur des modes variables, comme en littérature). En outre, on a parfois,
de manière plus approximative, désigné par là l’existence d’une structure
seconde dans la figuration ou la représentation (par exemple, le fait de
montrer dans un film le tournage d’un film imaginaire est souvent assimilé,
à tort, à une mise en abîme). Un essai de typologie récent tente de cerner
tous les cas de figures attestés au cinéma (Fevry, 2007).

➦ CINÉMA DANS LE CINÉMA, FLASH-BACK, RÉFLEXIVITÉ, REPRÉSENTATION


  BLUHER, 1996 ; CERISUELO, 2000 ; FEVRY, 2007

MISE EN CADRE
Esthétique Terme utilisé par Eisenstein dans ses leçons à l’École de cinéma
de Moscou (VGIK) dans les années 1930, par analogie avec mise en scène,
pour désigner le travail de composition (graphique, plastique) des plans. La
mise en scène est la mise en place des acteurs dans le décor et la
détermination de leurs mouvements ; la mise en cadre est la détermination
des cadrages successifs correspondants ; elle n’est donc pas exactement le
cadrage  : celui-ci est imaginé comme découpage mobile d’une réalité
préexistante, la mise en cadre est corrélative d’une modification de la réalité
aux fins de son cadrage.
➦ CADRAGE, MISE EN SCÈNE

MISE EN GESTE, MISE EN JEU


Dramaturgie Termes forgés par Eisenstein, dans ses leçons au VGIK,
l’École de cinéma de Moscou, par analogie avec mise en scène, et pour
désigner la technique du jeu d’acteur. La «  mise en geste  » recouvre une
décomposition mentale des attitudes des parties du corps. La «  mise en
jeu  » reprend l’idée d’un répertoire de positions expressives. Ces notions
sont la réélaboration des systèmes analytiques du jeu d’acteur, dont on
trouve une autre variante chez Koulechov. Elles n’ont jamais été reprises, la
question de l’acteur ayant été étudiée par la suite d’un point de vue plus
globalement anthropologique.

➦ ACTEUR, EISENSTEIN, KOULECHOV, MISE EN SCÈNE

MISE EN SCÈNE
Esthétique, théorie Locution apparue en français au début du XIXe siècle,
pour désigner l’activité de celui que, beaucoup plus tard (en 1874) on
appellerait un « metteur » en scène. C’est avec les innovations de la fin du
siècle (naturalisme d’Antoine d’une part, symbolisme d’Appia et Craig
d’autre part) que l’aspect visuel et l’aspect représentatif de l’art théâtral
furent réellement reconnus, et la mise en scène définitivement assimilée à
cet art. À la même époque, le Cinématographe proposait des caricatures de
théâtre, avec acteurs privés de la diction et réduits à la pantomime, décors
indigents, et caméra immobile : il était logique de considérer que la locution
était « abusivement » utilisée au cinéma.
C’est le fondement d’une longue querelle interne à la critique de cinéma :
le cinéma est-il un simple instrument d’enregistrement de textes dits par des
acteurs  ? Ou bien le cinéma est-il la «  relève  » d’un art dramatique
bourgeois totalement épuisé ? Cette querelle prit toute son ampleur lorsque
le cinéma devint capable d’enregistrer les voix. Des hommes de théâtre se
sentirent menacés ou floués par cette «  mise en boîtes  » de leur talent.
Inversement, l’industrie du cinéma s’arrogea la tâche de remplacer le
théâtre auprès de la plupart de ses publics, surtout populaires. En France, ce
fut la querelle entre Marcel Pagnol et René Clair notamment. Les grandes
cinématographies mondiales apprirent vite à concilier les deux arts du
spectacle, et des go-between tels Sacha Guitry ou Ben Hecht témoignèrent
très vite des avantages de la coexistence. Le premier sens de «  mise en
scène » est donc resté longtemps lié à l’origine théâtrale, pour désigner le
fait de faire dire un texte par des acteurs dans un décor, en réglant leurs
entrées, leurs sorties et leurs dialogues.
Cette notion est revenue dans le contexte très différent de l’après-guerre,
pour désigner cette fois non plus le théâtre dans les films, mais le contraire :
ce qui au cinéma échappe à toute référence artistique préformée, ce qui
n’appartient qu’à lui (et donc ce qui en définit la spécificité). «  Mise en
scène », en ce second sens, fut le corollaire d’un certain nombre d’idées de
la critique surtout française des années 1950  : l’idée d’auteur de films  ;
l’idée du cinéma comme un art des corps figurés dans leur « vrai » milieu,
un art paradoxal de la mise en évidence de la beauté du monde réel ; une
certaine idée du cinéma comme art de la captation de moments de grâce et
de vérité, à travers des comportements et des gestes reproduits «  tels
quels », grâce à la vertu de véridicité de la caméra. Un « metteur en scène »,
pour les critiques des Cahiers du cinéma et de Présence du cinéma, c’était
un cinéaste accompli, qui, maître de son art et de ses intentions, était
capable d’incarner un sentiment du monde à travers des figures de corps
d’acteurs photographiés dans leurs mouvements et dans leur milieu. Cette
idée paradoxale fut durant quelques années maniée comme une arme,
offensive plus que défensive – et quasi jamais comme un outil, théorique ou
critique.
Abusivement peut-être, mais efficacement, la mise en scène est donc
devenue, dans les usages critiques en langue française (et aussi anglaise, le
mot étant passé tel quel dans le vocabulaire anglo-saxon), une notion
centrale de l’art du film. Elle est couramment utilisée, par exemple, à
propos de formes de cinéma où il n’y a, à proprement parler, ni scène ni
acteurs, ni texte à dire (par exemple, le documentaire ou le film de famille).

➦  CAHIERS DU CINÉMA, CINÉMATURGIE, MACMAHONISME, METTEUR EN


SCÈNE, SCÈNE, THÉÂTRE FILMÉ

    MOURLET, 1965  ; BETTETINI, 1975  ; ROHMER, 1976  ; DMYTRYCK, 1984  ;


AUMONT, 2000A, 2006 ; BORDWELL, 2005
MITRY, JEAN (1904-1988)
Théoricien, historien, monteur et cinéaste Jean Mitry a été critique dès
1923 dans Ciné pour tous et Cinéa-Ciné ; il fut également, au début de sa
carrière, affichiste et caricaturiste. En participant en 1935, avec Henri
Langlois, à la création du Cercle du cinéma puis, l’année suivante, à celle
de la Cinémathèque française, il affiche une vocation d’historien et de
documentaliste-filmographe qui ne le quittera plus. C’est en commençant à
enseigner l’histoire et l’esthétique du cinéma dans les premières années de
l’IDHEC, en 1944-1945, qu’il systématise ses réflexions théoriques à
propos du cinéma, aboutissant à la synthèse d’Esthétique et Psychologie du
cinéma (1963-1965). Par la suite, Mitry critiquera véhémentement la
sémiologie d’inspiration linguistique (La Sémiologie en question, 1987), et
tentera de lui opposer une science de la signification fondée sur un modèle
phénoménologique, au nom d’une « théorie de l’image et du réel perçu ».
Mitry, qui avait vu un très grand nombre de films et se targuait de n’en
avoir oublié aucun (ce que ne confirme pas toujours son travail d’historien),
avait également lu à peu près tout ce qui s’était publié d’intéressant sur le
cinéma depuis les années 1920, y compris hors de France. Il fut l’un des
tout premiers à commenter Balázs ou Arnheim, et sa curiosité universelle
l’amena à utiliser, pour réfléchir sur le cinéma, des auteurs aussi divers que
Worringer, Wittgenstein, Carnap, Russell, Poincaré. Il est difficile toutefois
de discerner, dans ses œuvres de synthèse, une véritable ligne directrice, à
l’exception peut-être d’une utilisation récurrente des thèses de la
Gestalttheorie, notamment à propos de la question du rythme dans les films
(les chapitres correspondants de son livre de 1963 constituent toujours une
mise au point judicieuse).
C’est à ce titre de « grand ancêtre de la théorie » sans théorie propre que
Metz lui rendit hommage dans deux longs commentaires d’Esthétique et
Psychologie du cinéma.

➦ ESTHÉTIQUE, PSYCHOLOGIE, SÉMIOLOGIE, THÉORIES DU CINÉMA


  GILI, 1988

MODALITÉ
Logique, philosophie, grammaire Forme particulière d’un acte, d’un fait
ou d’une pensée. La logique classique, à la suite d’Aristote, en fait la
caractéristique d’une proposition, selon que ce qu’elle énonce est un fait ou
une opinion, possible ou impossible, contingente ou nécessaire. Cette
définition a été retravaillée par Kant, qui distingue trois types de jugements,
auxquels correspondent trois couples de concepts formant les catégories de
la modalité  : problématique (possibilité ou impossibilité)  ; assertorique
(existence ou inexistence) ; apodictique (nécessité ou contingence).
En grammaire, le terme désigne certains adverbes qui modifient le sens
d’une phrase (tels «  vraiment  » ou «  naturellement  »). Plus largement, la
modalité est une catégorie de l’énonciation qui désigne l’attitude de
l’énonciateur envers les éléments qu’il relate (donc, l’un des moyens par
lesquels se manifeste la subjectivité dans le langage). C’est sous ce dernier
aspect que l’on a cherché les équivalents cinématographiques de la
modalisation verbale, généralement pour conclure qu’il n’en existait aucun
équivalent strict, mais de nombreuses approximations.

➦ ÉNONCIATION
  COLIN, 1985 ; CHATEAU, 1986 ; ODIN, 1990 ; GARDIES, 1993

MODE DE REPRÉSENTATION
Formalisme, stylistique L’expression «  mode de représentation  » (Burch,
1980, 1984) ou « mode de pratique cinématographique » (Bordwell et al.,
1985) appartient spécifiquement au vocabulaire des critiques et théoriciens
néo-formalistes. Un «  mode de pratique cinématographique  » est un
ensemble de traits stylistiques, appuyés sur un mode de production et le
renforçant à son tour  : c’est un système cohérent mettant en jeu des
institutions, des procédures de travail, des films, des notions théoriques.
Burch définit plus implicitement un mode de représentation comme un
système stable de formes filmiques, ayant sa propre logique, et ayant
perduré un certain temps.
Ces deux notions, très proches (la première relie plus expressément la
sphère esthétique à la sphère industrielle), correspondent à une tentative de
conjoindre analyse stylistique et histoire du cinéma. La définition de
«  modes  » ne peut en effet se faire qu’en référence à l’histoire, seule
susceptible d’assurer qu’un tel mode a bien existé, avec cohérence et dans
la durée. Burch étudie surtout un mode de représentation institutionnel
(MRI), fondé sur un espace-temps diégétique enveloppant et sur la
linéarisation des signifiants visuels, et un mode de représentation primitif
(MRP), fondé sur l’autonomie du plan ou du «  tableau  », la position
horizontale et frontale de la caméra, la non-clôture du film. Bordwell et al.
ont étudié un mode de pratique cinématographique, le «  cinéma
hollywoodien classique » ; leur définition n’est pas contradictoire avec celle
du MRI chez Burch, mais la précise considérablement.
Dans un sens plus restreint, mais comparable, Bordwell (1985) a
distingué différents modes narratifs au cinéma : le cinéma narratif classique,
le cinéma d’art international, le cinéma historique-matérialiste, et le cinéma
paramétrique. Ces modes sont purement formels, et moins univoquement
assignables à une période historique et un mode de production.

➦ HISTOIRE, NÉOFORMALISME, STYLE


  BURCH, 1983, 1990 ; BORDWELL, 1985 ; BORDWELL ET AL., 1985

MODÈLE
Esthétique Terme utilisé par Bresson pour désigner les personnes qui,
placées par lui devant la caméra, donnent naissance à des figures dans ses
films – et qu’il oppose à « acteur ». Le modèle ne joue pas, contrairement à
l’acteur  ; il se contente d’être lui-même devant l’objectif, qui en retour le
révèle tel qu’il est. Cette idée a été reprise, dans sa pratique mais non dans
ses écrits théoriques, par Eugène Green.
Un terme russe assez proche (natourchtchik – apparenté à natoura, une
« nature », au sens du mot dans « nature morte ») est utilisé par Koulechov
(1929) pour désigner, lui aussi, le corps actoral placé devant la caméra.
Comme chez Bresson, dans la théorie de Koulechov, le modèle ne doit pas
« jouer », au sens du théâtre ; toutefois, pour le cinéaste soviétique, il existe
un répertoire de gestes et de poses expressifs et codés (issu de l’art de la
pantomime via Delsarte, et, plus lointainement, de la peinture notamment
baroque), que le modèle doit connaître et pratiquer.

➦ ACTEUR, ACTION, CORPS, MISE EN SCÈNE


  KOULECHOV, 1920, 1923 ; BRESSON, 1975

MODERNE (CINÉMA)
Esthétique, mouvement Le mot « moderne » est ancien dans notre langue
(XIVe siècle). Il a d’abord servi à opposer les temps modernes (après la prise
de Constantinople) au Moyen Âge, donc à marquer une évidence
chronologique : est moderne ce qui est proche de nous dans le temps. Dans
le domaine esthétique, la modernité commence avec la philosophie de l’art
(surtout Hegel), et elle se caractérise d’abord par le fait que l’art y devient
conçu comme autonome, en tout cas comme indépendant des autres sphères
de l’esprit (éthique, science, morale…) ; cette autonomie va avec le désir de
s’affranchir de la tradition.
Au XXe  siècle, la modernité a de plus en plus été analysée comme
intrinsèquement paradoxale, puisqu’elle est une tradition – mais tradition de
l’anti-tradition. C’est ainsi que l’on a pu soutenir que l’art moderne permet
de lire l’art tout entier comme moderne (Malraux), en le récrivant (pratique
du pastiche ou de la citation, fréquente en peinture, en littérature et, depuis
un demi-siècle, en cinéma), en l’interrogeant (pratique de l’essai artistique),
ou plus simplement en cohabitant avec lui (les Musées du cinéma, en
confrontant les formes les plus diverses, en changent la portée). Dans tous
ces gestes, se note la tendance de la modernité à transférer la valeur
« auratique » (Benjamin) de l’œuvre d’art, sur l’art lui-même : c’est l’idée
de base du « postmoderne » (Lyotard, 1982).
En cinéma, la question a été soulevée à plusieurs reprises, dès les années
1920. Le cinéma peut être aisément inclus dans une série d’inventions
typiquement modernes, avec l’automobile, l’avion ou l’électricité  ; les
avant-gardes se sont souvent revendiquées de cette conception, pour
laquelle le cinéma périme, au choix, le théâtre, la littérature ou la peinture.
Au lendemain de la guerre, un autre choix a été opéré par une fraction de la
critique française, selon laquelle ce dont parle l’art moderne, ce n’est pas le
monde, mais une version foncièrement opaque du monde et du réel. C’est
ainsi qu’on a pu caractériser comme « moderne » le cinéma de Rossellini,
de Bresson ou de Dreyer (Bergala, Revault d’Allonnes) – alors même que
ces trois cinéastes ont refusé toute expérimentation formelle spectaculaire
de type avant-gardiste. Toutefois, cette proposition est restée propre à un
courant critique bien délimité (autour des Cahiers du cinéma)  ; d’autres
tentatives, moins systématiques, ont cherché à désigner dans le cinéma d’art
d’autres courants incarnant une modernité possible, par exemple autour des
cinéastes du « groupe Rive gauche » – Resnais, Varda, Marker (Leutrat). Ce
débat interne au milieu de la critique de cinéma française n’a généralement
pas été rapporté au débat plus général, chez les historiens d’art, sur la
modernité artistique. Il a fallu attendre la fin des années 1990 pour que la
question soit reprise d’un point de vue plus large, tendant à caractériser le
cinéma tout entier, au long d’un siècle d’existence, comme un phénomène
«  moderne  » (Païni, 1997). La discussion n’est pas close, ces divers sens
ayant tendance à être utilisés concurremment.

➦ CLASSIQUE (CINÉMA), HISTOIRE


➦  CHATEAU, GARDIES & JOST, 1982  ; ISHAGHPOUR, 1982, 1986  ; DE VINCENTI,
1993 ; REVAULT D’ALLONNES, 1994 ; PAÏNI, 1997A ; AUMONT, 2007

MONOLOGUE INTÉRIEUR
Narratologie Le monologue se distingue du soliloque par son côté
délibéré  : c’est le discours de quelqu’un qui ne laisse pas parler les
interlocuteurs potentiels, qui prend et garde la parole. Dans la littérature, le
théâtre et les scénarios de films narratifs, il a toujours un côté artificiel, et
surtout, il est toujours affirmé comme non-dialogue, par la position d’écoute
des autres interlocuteurs  ; le plus souvent, il s’ouvre ou se conclut par un
dialogue effectif, qui met fin au monologue.
Le « monologue intérieur », au contraire, n’est destiné qu’à celui qui le
tient, puisqu’il n’est pas proféré, mais reste « dans la tête  ». La littérature
s’est essayée à en rendre des équivalents plus ou moins réalistes (Dujardin,
Les lauriers sont coupés, 1887 ; Joyce, Ulysse, 1929 ; Simon, La Route des
Flandres, 1960) ; en général, cela aboutit à des phrases incomplètes, à des
tournures idiosyncrasiques, à un langage plus brut. C’est en raison de ce
caractère brut, qui lui semblait évoquer le montage cinématographique,
qu’Eisenstein a proposé de prendre le monologue intérieur (en référence à
Joyce et Dujardin, mais aussi, au «  vrai  » monologue intérieur) comme
modèle idéal d’une forme de montage cinématographique qui rendrait
expressivement la subjectivité sous son aspect le plus intime. Dans ses films
muets, il avait considéré le cinéma comme moyen de figuration de la
pensée  ; or comment figurer la pensée, si on ne veut pas en rester à des
figurations partielles, limitées ? Le monologue intérieur est une réponse : le
cinéma est le seul à pouvoir associer les deux tendances fondamentales de
l’esprit humain, la tendance au continu et à l’indistinct (la pensée primitive,
le rêve, le monologue intérieur) et la tendance à l’analyse, au discontinu, au
« dissociatif ». En effet, au contraire des autres arts handicapés par la liberté
de leur travail formel, le cinéma est absolument garanti du côté du
« réalisme ». Cette théorie fut mise en œuvre dans Le Pré de Béjine (1935),
mais le film fut détruit et on ne peut juger du résultat.
Deleuze (1985) a noté que, dans la théorie eisensteinienne, le monologue
intérieur dépasse le simple rendu d’un soliloque individuel, pour atteindre à
la mise en œuvre de l’« automate spirituel », constituant ainsi « les maillons
ou les segments d’une pensée réellement collective  ».  ; il voit là une
solution à la difficulté, pour le cinéma, de manier la métaphore, et affirme
que le montage eisensteinien est « réellement métaphorique ».

➦ EISENSTEIN, INDIRECT LIBRE, MONTAGE INTELLECTUEL


  EISENSTEIN, 1942 ; PASOLINI, 1976 ; DELEUZE, 1985

MONSTRATION
Narratologie Désigne littéralement le fait de montrer. Ce néologisme a été
proposé par des narratologues (Gaudreault, repris par Gardies et Jost) en
opposition à « narration », opposition inspirée de l’opposition platonicienne
entre mimèsis et diegesis. La monstration est le premier degré de l’instance
narrative, celui qui consiste à représenter une action en actes, par le biais de
personnages incarnés par des acteurs, « c’est l’acte fondateur sans lequel la
narration filmique n’aurait pas d’existence » (Gardies).
Gaudreault oppose plus largement le « mode d’attraction monstrative » –
 c’est-à-dire la forme primitive de représentation, souvent filmée en un seul
plan-tableau et enregistrant un numéro spectaculaire sans vrai prolongement
narratif – au « mode d’intégration narrative ».

➦ MIMÈSIS, NARRATION
  JOST, 1987 ; GAUDREAULT, 1988 ; GAUDREAULT & JOST, 1990
MONTAGE
Technique, esthétique La définition technique du montage est simple  : il
s’agit de coller les uns à la suite des autres, dans un ordre déterminé, des
fragments de film, les plans, dont on a préalablement déterminé également
la longueur. Cette opération est effectuée par un spécialiste, le monteur,
sous la responsabilité du réalisateur (ou du producteur, selon les cas). Mais
il n’en a pas toujours été ainsi. Les premiers films, dénommés «  vues  »,
n’étaient composés que d’un seul plan ; le passage à plusieurs plans par film
fut progressif et assez rapide (avant 1905), mais les plans restaient des
«  vues  » ou des «  tableaux  » semi-autonomes, simplement collés bout à
bout  ; ce n’est que vers 1910 que l’on commença à mettre au point des
modes de relations, formelles et sémantiques, entre plans successifs,
notamment sous la forme du raccord, mais aussi par utilisation de principes
comme l’alternance. Simultanément apparut la profession de monteur, dont
l’influence fut grande sur le développement du langage classique du
cinéma, fondé sur la clarté, la non-répétition, la linéarité, la séquentialité.
Tout film ou presque est monté, pour deux raisons de fond : 1°, pendant
toute la période du procédé argentique (plus d’un siècle), il était impossible
de prolonger la prise de vues au delà de la durée d’une bobine de film
(environ 11 minutes en 35 mm, comme dans l’exemple limite de La Corde
de Hitchcock, 1948)  ; 2°, le changement de plan permet de multiplier les
points de vue, donc de donner davantage d’informations et davantage
d’ancrages énonciatifs. Le nombre de plans dans un film, toutefois, est
extrêmement variable, pouvant aller jusqu’à plus de 2  000 pour un long
métrage, ou, désormais, se réduire à un seul (dans le one take film, genre
récent né de la technique numérique), en passant par les films au montage
réduit, comme ce fut la mode autour de 1970 dans le cinéma d’art européen
(chez Garrel ou Jancsó par exemple).
Le rôle du montage n’est pas le même dans tous les films. La plupart du
temps, il a d’abord une fonction narrative  : le changement de plan,
correspondant à un changement de point de vue, a pour but de guider le
spectateur, de lui permettre de suivre le récit aisément (quitte à renverser
cette possibilité, et à faire un montage qui obscurcisse notre compréhension,
comme cela a souvent été le cas dans le film noir, jusqu’à nos jours). Mais
le montage peut aussi produire d’autres effets :
–  effets syntaxiques ou ponctuatifs, marquant par exemple une
liaison ou une disjonction ;
–  effets figuraux, le montage pouvant par exemple établir une
relation de métaphore ;
–  effets rythmiques, puisque, en fixant la durée des plans, le
montage peut induire des rythmes, fondés par exemple sur une
grande rapidité (comme dans beaucoup de films soviétiques des
années 1920, ou dans les morceaux de bravoure des films «  de
sabre » taïwanais), au contraire sur la lenteur si les plans sont peu
nombreux et eux-mêmes lents (nombreux exemples chez
Tarkovski) ;
– effets plastiques (Burch, 1969) ;
– effet de « correspondances » (Amiel, 2001)…
Selon les époques et les écoles, on a privilégié telle ou telle de ces
fonctions  ; le cinéma classique hollywoodien accentua la valeur narrative
du montage, alors que les effets métaphoriques ou rythmiques, fréquents, y
demeuraient secondaires.
Sur la base de ces usages sont apparues diverses théories et diverses
idéologies du montage, dont aucune n’a vraiment de portée universelle,
puisqu’en définitive elles sont toutes ad hoc. En particulier, on a longtemps
eu tendance à grossir une opposition entre d’une part, un cinéma de la
«  transparence  », fondé sur le raccord le plus invisible possible, voire sur
l’« interdiction » du montage (Bazin), et censé faire oublier le film au profit
de la diégèse et de l’histoire, et d’autre part, un cinéma du montage, fondé
sur l’accentuation des successions de plans en tant que telles. Cette
opposition, qui fut encore au centre des préoccupations de la critique
« idéologique » des années 1960-1970, s’est vue déplacée, et dépassée, par
l’intégration de plus en plus fréquente de procédures de montage, parfois
très voyantes, à l’intérieur même des films les plus narratifs (c’est le cas,
aujourd’hui, dans de très nombreux films «  grand public  », usant de
montages plus ou moins labyrinthiques, longtemps réservés aux genres
fondés sur l’énigme et le mystère).

➦  ALTERNANCE, BAZIN, CLASSIQUE (CINÉMA), EISENSTEIN, FIGURE,


IDÉOLOGIE, MÉTAPHORE, ONE TAKE FILM, PLAN, PLASTIQUE, PONCTUATION,
RACCORD, RYTHME, TRANSPARENCE
  EISENSTEIN, 1923, 1929, 1942, 1949, 1974 ; BAZIN, 1950-1955 ; REISZ & MILLAR,
1953-1968 ; NARBONI, PIERRE & RIVETTE, 1970 ; AMIEL, 2001 ; AUMONT, 2015

MONTAGE DES ATTRACTIONS
Esthétique, rhétorique Notion polémique définissant un certain style de
montage (Eisenstein, 1924), fondé sur la juxtaposition de saynètes semi-
autonomes, au style volontiers caricatural ou burlesque, comme des
attractions de music-hall, auxquelles le terme est emprunté.
Noter que parfois, on parle à tort de «  montage-attraction  » ou de
«  montage par attraction  », par contamination d’un autre sens du mot
«  attraction  » (la force d’attirance imaginaire entre les plans) –  ce qui n’a
plus de rapport avec la théorie eisensteinienne originelle, et n’a qu’un sens
assez vague, voulant dire simplement que le montage relie fortement deux
plans.

➦ ATTRACTION, EISENSTEIN, MONTAGE

MONTAGE INTELLECTUEL
Esthétique À la fin de la période muette, plusieurs théoriciens ont proposé
des typologies du montage, entendu comme principe formel et sémantique
général. La plus notable est celle d’Eisenstein (1929a), visant à promouvoir
un type de montage qui donne accès directement et sous forme sensible
(visuelle) à des idées abstraites. Pour cela, il distingue et hiérarchise cinq
types de montage, de plus en plus complexes et de plus en plus chargés de
pouvoir évocateur :
– le montage métrique, fondé sur la longueur absolue des plans, et
visant à produire des cadences régulières de perception (effet
psychologique d’ailleurs douteux, l’œil étant mal armé pour
apprécier des régularités temporelles) ;
– le montage rythmique, où le même but est recherché en prenant en
outre en considération le contenu des images (par exemple, un
gros plan «  pèse  » davantage pour l’œil qu’un plan d’ensemble,
donc il produit son effet plus vite) ;
– le montage tonal, qui, sur la base d’une métaphore musicale assez
courante à l’époque, recouvre un souci d’homogénéité
sémantique et affective dans tout un morceau de film (comportant
plusieurs plans, lesquels sont donc montés en fonction de cette
logique formelle d’ensemble) ;
–  le montage harmonique est un raffinement du précédent, où l’on
fait jouer les «  harmoniques  » (au sens musical) des plans, pour
obtenir non seulement une logique formelle, mais une cohérence
émotionnelle (exemple, donné par Eisenstein  : la séquence des
brumes dans le port d’Odessa du Cuirassé « Potemkine ») ;
–  le montage intellectuel, enfin, est le développement ultime du
montage harmonique, dans lequel on prend en compte à la fois la
logique formelle (rythme, «  tonalité  » du morceau de film), la
logique émotionnelle («  harmoniques  »), et les connotations
« idéelles » diverses du fragment.
C’est sur la base de ce montage complexe qu’Eisenstein (1929b) se
proposait de réaliser un film d’après Le Capital de Marx.

➦ MÉTAPHORE, MONTAGE, RYTHME

MONTAGE « INTERDIT »
Esthétique Parmi les diverses valeurs attachées au montage, il en est une
qui a reçu une attention particulière dans la critique française des années
1940-1950  : son rapport à la réalité filmée, en tant qu’elle existe
indépendamment de son filmage. Dans le souci de défendre un cinéma qui
ne déforme pas cette réalité, et qui n’impose pas une signification unique au
spectateur, Bazin (1953-1957) a émis cette règle esthétique  : «  Quand
l’essentiel d’un événement dépend de la présence simultanée de deux
éléments, le montage est interdit.  » L’inspiration générale de cette
prescription va dans le sens d’un cinéma « transparent », mais la règle laisse
elle-même un certain champ à l’interprétation (qu’est-ce qui, d’un
événement donné, constitue « l’essentiel » ?).
Renversant l’idée de Bazin, mais à partir d’un même souci de respect de
la réalité filmée, de sa nature et de son caractère vraisemblable, Bergala
(1999) a suggéré complémentairement que, lorsqu’une scène de film
rassemble deux figures ou conjoint deux événements d’essence différente,
le montage est «  obligatoire  » –  afin de ne pas mélanger abusivement le
naturel et le surnaturel, par exemple. Il donne l’exemple de transpositions
cinématographiques de la scène de l’Annonciation, dans lesquelles il doit
exister une frontière marquée entre (l’équivalent de) l’ange et (l’équivalent
de) la Vierge.
Dans un sens un peu autre, mais toujours en référence à l’idée provocante
de Bazin, Daney (1991), commentant la «  raréfaction  » des images
disponibles d’un événement politique majeur, la Guerre du Golfe, a
considéré que le spectateur ne disposait plus, alors, que d’un seul moyen de
comprendre ce qui lui était proposé – et que ce moyen était un « montage
obligé » des images, destiné à leur restituer leur sens véritable, par-delà le
sens artificiel imposé par le commentaire de la télévision.

➦ ONTOLOGIE, TRANSPARENCE
  BAZIN, 1953-1957 ; BERGALA, 1999

MORALE
Philosophie La morale est proche de l’éthique, mais dans toutes ses
acceptions, le mot insiste sur l’acceptabilité sociale des comportements et
des idées. La morale, c’est l’ensemble des règles de conduite, individuelle
ou de groupe, acceptables dans un état donné de la société. Le cinéma, en
tant que média, en tant qu’art, en tant que distraction et spectacle,
n’échappe pas à la considération morale. Il existe dans chaque société un
corps de prescriptions et d’interdits dont toute production de film, mais
aussi la réception des films (et plus spécialement, la réception
«  professionnelle » par la critique) doit tenir compte, éventuellement pour
les transgresser sciemment.
Parmi ces prescriptions et interdits, un grand nombre touche à la
sexualité et à sa représentation. Ce fut notamment la question du cinéma
pornographique, et, en France, de sa mise au ban de la distribution de masse
par le classement «  X  ». À date récente, plusieurs films (généralement
occasion de procès plus ou moins retentissants) ont reposé la question des
limites de l’acceptable en la matière, depuis Baise-moi (Despentes, 2000) et
Romance (Breillat, 1999) jusqu’à Love (Noé, 2015). Au reste, l’évolution
des mœurs a des conséquences sur les possibilités de représentation : il est
devenu possible de montrer, dans un film non pornographique, des actes
sexuels entre deux femmes par exemple (ou deux hommes) – même si cela
reste sujet à polémique (voire à procès).
L’autre grand domaine d’interdits et de tabous sociaux est celui de la
violence, en particulier de la violence contre les individus (toujours plus
frappante que la violence sociale abstraite, celle de l’exploitation de
l’homme par l’homme). Là aussi, les limites du représentable ont été
étendues considérablement depuis les années 1970, et des films comme les
quatre Saw (2004 à 2007), les deux Hostel (2005, 2007) ou Irréversible
(Noé, 2002) ont prouvé qu’on pouvait presque tout montrer, pourvu que
cela se fasse dans le cadre d’un genre codé, ou au bénéfice d’une
intentionnalité d’auteur.

➦ CENSURE, PORNOGRAPHIE
  JULLIER, 2008

MORIN, EDGAR (1921)


Sociologue Sociologue français, très tôt intéressé par l’étude de la
communication de masse, sur laquelle il publie en 1952 (avec G.
Friedmann) des articles dans la Revue Internationale de Filmologie. Si Les
Stars (1957) est dans la ligne de cette préoccupation sociologique, Le
Cinéma ou l’Homme imaginaire (1956) se présente comme une approche
anthropologique du cinéma. Partant de la transformation, qu’il juge
étonnante, du «  cinématographe  » de Marey et de Lumière, invention à
finalité scientifique, en «  cinéma  », machine à produire de l’imaginaire,
Morin constate qu’il y a dans l’univers filmique « une sorte de merveilleux
atmosphérique presque congénital  ». Il éclaire ce statut imaginaire par le
rapport entre l’image et le «  double  »  ; son essai reprend largement les
thèses sartriennes sur l’image comme «  présence-absence  » de l’objet,
l’image elle-même étant présence vécue et absence réelle. Cette nature de
l’image est rattachée à la perception du monde dans la mentalité
« primitive » et la mentalité enfantine, qui ont pour trait commun de ne pas
être d’abord conscientes de l’absence de l’objet, et croient à la réalité de
leurs rêves autant qu’à celle des idées de l’état de veille.
Par la suite, Morin a repris son activité de sociologue, et c’est ce rôle
qu’il joue dans le film qu’il a coréalisé avec Jean Rouch, Chronique d’un
été (1961) – film qui donna lieu à la publication d’un manifeste esthétique,
«  Pour un cinéma-vérité  ». Il est enfin revenu à l’anthropologie, avec un
livre sur la mort, et surtout un volumineux essai de réflexion sur
l’articulation entre sciences de l’homme et sciences de la nature (La
Méthode, 1977-1991).
Les travaux de Morin sur le cinéma se rattachent, en amont, à la réflexion
philosophique de J.  Epstein et aussi à l’approche «  anthropique  » de B.
Balázs  ; en aval, elle a en partie inspiré les recherches sur la position du
spectateur de film (Metz, Baudry). Son ouvrage sur les stars a trouvé dans
les années 1980 et 1990 un grand écho dans des études sur la star (Dyer,
1979) et sur l’acteur (Vincendeau, 1993).

➦ ANTHROPOLOGIE, IDENTIFICATION, IMAGE, SOCIOLOGIE, STAR SYSTEM

MORT DU CINÉMA
Esthétique, histoire L’idée d’une «  mort  » de l’art remonte au moins à
Hegel, qui pensait que l’art est « fini » et va céder à la philosophie son rôle
de médiateur de l’absolu ; cette idée fut reprise plusieurs fois au cours du
XXe  siècle. S’agissant du cinéma, un premier épisode eut lieu à la fin des
années 1980  ; il n’était, à vrai dire, que le symptôme de la difficulté
qu’éprouvait la critique à comprendre les mutations, formelles et
techniques, du médium  ; de son côté, l’ouvrage de Deleuze (1983-1985)
semblait lui aussi décrire l’histoire du cinéma comme achevée.
Un second épisode est en cours depuis le début du XXIe  siècle et
l’apparition de nouvelles espèces d’images mouvantes  ; en particulier,
certains critiques estiment que, puisqu’on peut voir des œuvres d’image
mouvante un peu partout désormais, «  le cinéma  » s’est dissous dans un
ensemble plus vaste (encore innomé), et n’existe plus à proprement parler
(Dubois et al., 2010 ; Vancheri, 2011 ; Michaud, 2016). Cette proposition a
donné lieu à des débats assez nourris, d’autres auteurs (Aumont, 2012  ;
Bellour, 2012) défendant au contraire l’idée que cette multiplication des
images mouvantes ne fait qu’accentuer la singularité du dispositif cinéma –
 qui n’a pas disparu en tant que tel pour l’instant, et reste de toute façon à
l’origine de valeurs qui lui sont propres (un certain exercice du regard
modulé dans le temps et une certaine conception de la réalité, à tout le
moins). Plus récemment, Gaudreault et Marion (2015) ont rappelé que le
thème de la «  mort du cinéma  » a lui-même une longue histoire, et ne
discernent pas moins de huit moments de remise en question radicale de
l’identité de ce médium depuis son invention  ; ils ajoutent avec bon sens
que, si chacun de ces épisodes a été accompagné par des oraisons funèbres,
ils n’ont été que des étapes dans les transformations d’une technique de
reproduction de l’image animée et de son mode de diffusion.

➦ CINÉMA ÉLARGI
    BOUSSINOT, 1967  ; DUBOIS ET AL., 2010  ; AUMONT, 2012  ; BELLOUR, 2012  ;
GAUDREAULT & MARION, 2013

MOUSSINAC, LÉON (1890-1964)


Critique, historien Journaliste, homme de lettres, auteur de romans et de
poésie, c’est l’un des pionniers de la critique de cinéma. Ami de Louis
Delluc, il publie la première rubrique de cinéma dans une grande revue
littéraire, Le Mercure de France (1920-1928). Il publie dès 1925 «  le
premier ouvrage d’esthétique digne de ce nom  » ayant le cinéma comme
objet (Émile Vuillermoz), et dès 1928, la première synthèse sur Le Cinéma
soviétique.
Ami de Barbusse et de Vaillant-Couturier, il fonde en 1932 l’Association
des Artistes et Écrivains Révolutionnaires (AEAR) et joue un rôle clef dans
la diffusion du cinéma soviétique en France  ; il présente Le Cuirassé
« Potemkine », alors interdit par la censure, au sein du Ciné-club de France
à Paris en 1926. Après la guerre, il exerce les directions d’écoles artistiques,
l’ENSAD de 1946 à 1959, l’IDHEC de 1947 à 1949, et il est l’un des
premiers directeurs d’études de l’Institut de filmologie.
Son activité critique lui a valu un procès (l’affaire du film Jim le
Harponneur en 1928) et la décision du tribunal a ancré solidement en droit
français la liberté du critique face au producteur ou au diffuseur. Il a joué un
rôle majeur en tant qu’animateur et éditeur et a lancé des revues culturelles
importantes  comme Regards et Commune. Ses travaux font l’objet d’une
redécouverte récente (Vignaux, 2014).

➦ VIGNAUX, 2014
MOUVEMENT APPARENT
Psychologie, filmologie Le cinéma a été inventé comme moyen de
reproduction de scènes en mouvement. Mais paradoxalement, dans la
technique originelle (argentique) cette reproduction consiste à projeter des
images fixes, se succédant à un rythme régulier (24 ou 25 images par
seconde) et séparées par des intervalles noirs. La perception effective d’un
mouvement est donc une énigme psycho-physiologique.
On a parfois prétendu que la persistance rétinienne, en permettant à
l’image d’impressionner la rétine après la fin de sa projection lumineuse sur
l’écran, était la raison de cet effet. Mais cette explication n’est pas logique :
la persistance rétinienne ne pourrait produire que des sortes de
surimpressions d’images successives, et non leur intégration en un
continuum visuel doté de mouvement. Les spécialistes de la perception
s’accordent à penser, depuis les expériences pionnières des théoriciens de la
Gestalttheorie (1912), que le mouvement apparent résulte de la mise en
œuvre de mécanismes physico-chimiques qui ont lieu dans le cortex et sont
déclenchés par des cellules spécialisées, répondant spécifiquement au
changement de position des stimuli visuels. Le système perceptif produirait
ainsi la perception d’un mouvement «  pur  », sans objet-support,
l’assignation de ce mouvement à un objet étant opérée en un second temps,
d’ordre plus « interprétatif », dévolu à d’autres zones du cerveau.
Il faut noter que, avec la technique numérique, comme avec la vidéo en
général, on n’a plus affaire à des images fixes isolables et séparées par des
noirs, mais le phénomène de l’apparition d’une sensation de mouvement à
partir d’images qui ne le contiennent pas reste le même.

➦ EFFET PHI, IMPRESSION DE RÉALITÉ, PERCEPTION


    MICHOTTE, 1948, 1961  ; DE  LAURETIS  &  HEATH, 1980  ; AUMONT,  2010  ;
GALLESE & GUERRA, 2015

MOUVEMENT DE CAMÉRA
Technique La mobilité de l’appareil de prise de vues fut acquise dès les
débuts du cinéma, en la plaçant sur un mobile (voiture, bateau), puis,
lorsqu’elle fut plus légère, en la portant sur l’épaule. L’industrie a inventé
de nombreux appareils destinés à faciliter cette mobilité et à la maîtriser
(grue, dolly, steadicam, Louma…).
On distingue traditionnellement un mouvement de rotation autour d’un
axe, le panoramique, et un mouvement de translation de l’axe de la caméra,
le travelling –  mouvements élémentaires qui peuvent se varier et se
combiner.
Cette notion est souvent utilisée pour décrire des plans dans lesquels on
constate un déplacement du cadre par rapport à l’objet filmé  ; toutefois il
n’y a guère de moyen absolument certain de déterminer comment s’est
comportée la caméra pour produire un plan donné, et la reconstruction
mentale des mouvements de la caméra reste toujours conjecturale. Certains
théoriciens ont donc proposé de redéfinir les «  mouvements de caméra  »
uniquement en fonction de ce qui est constaté sur l’écran  ; ces tentatives
butent sur l’ambiguïté visuelle de nombreux cas, où il est impossible d’être
sûr que la caméra s’est déplacée plutôt que l’objet. L’apparition des
objectifs à focale variable (zooms) a encore rendu plus difficile cette
analyse, en multipliant les ambiguïtés visuelles.
Une distinction entre mouvements «  fonctionnels  » et mouvements
«  gratuits  » a été proposée par Branigan (1984). Les mouvements
fonctionnels servent à l’un des buts suivants  : 1°, construire l’espace
scénographique ; 2°, suivre ou anticiper un mouvement dans la diégèse ; 3°,
suivre ou découvrir un regard  ; 4°, sélectionner un détail significatif  ; 5°,
révéler un trait subjectif d’un personnage. Cette typologie est suggestive
mais imprécise, et il vaut mieux considérer que l’expression « mouvement
de caméra  » est une pure commodité de langage, qui n’appartient pas
vraiment au vocabulaire théorique.

➦ CADRAGE, CADRE, PLAN, PLAN-SÉQUENCE


  BRANIGAN, 1984 ; MITRY, 1963-1965 ; GAUDIN, 2015

MOYEN MÉTRAGE
Technique, institution Comme le nom l’indique, il s’agit d’un film dont la
durée le situe entre le court métrage et le long métrage. Toutefois, il faut
observer que la définition officielle de ces deux derniers termes ne laisse
aucun intervalle entre le long métrage (durée supérieure à 58 min 29 s) et le
court (durée inférieure à ce chiffre). Le «  moyen  » métrage est, par
habitude, un film dont la durée est approximativement comprise entre 30 et
60  minutes. Comme les films de très longue durée, les moyens métrages
rencontrent de sérieuses difficultés de distribution, malgré le grand intérêt
de certains. Aussi les films produits dans ce format sont-ils aujourd’hui
surtout destinés à être vus à la télévision qui privilégie le format de
52  minutes. Certains classiques de l’histoire du cinéma comme Zéro de
conduite (Jean Vigo, 44 minutes) ou Méditerranée (Jean Daniel Pollet) sont
pourtant des moyens métrages.

➦ COURT MÉTRAGE, LONG MÉTRAGE

MUET
Histoire, langage Parler de cinéma « muet » implique que l’on ait ressenti
comme une infirmité son absence de paroles ; c’est donc après l’invention
du parlant qu’on utilisa cette épithète. Le cinéma muet est d’abord une
époque du cinéma, révolue aux alentours de 1930  ; d’un point de vue
esthétique et critique, c’est une forme d’art différente du cinéma parlant,
l’absence de paroles audibles allant de pair avec le développement de
procédés visuels que le cinéma parlant utilise peu ou pas du tout.
Cette spécificité esthétique du muet tient en quelques points :
– expressivité gestuelle et mimique des acteurs ;
–  importance de l’aspect visuel, notamment du cadrage et de la
composition des plans ;
–  importance du montage, due primitivement à la nécessité
d’expliciter le sens des images –  naturellement ambiguës en
l’absence de paroles  –, mais devenant peu à peu un principe
signifiant en soi  ; corrélativement, recherche d’un «  rythme  »
visuel (« le cinéma, musique de la lumière », Gance) ;
– privilège accordé à certains objets (paysage, visage, objets en gros
plans), à certains thèmes (rêve, fantastique, cosmique), à certains
tons ou genres (lyrique, mélodramatique, burlesque) ;
–  récurrence de certains succédanés des effets sonores (intertitres,
gros plans, inserts très brefs, effets graphiques).
Le cinéma muet fut un art de l’image, mais dès avant 1930, le cinéma
classique avait également mis au point les éléments dramaturgiques qui
devaient se réinvestir tels quels dans le parlant (voir par exemple, dès 1925,
L’Éventail de Lady Windermere, de Lubitsch, où les personnages ne sont
que techniquement privés de parole). Inversement, il y eut après 1930 des
cinéastes pour faire davantage confiance aux vertus expressives de l’image,
du montage et du geste, qu’à une narrativité ressentie comme trop théâtrale
(c’est, par bien des aspects, le cas d’un film aussi bavard que Citizen Kane).
C’est donc moins entre muet et parlant que passe le clivage esthétique
qu’entre les cinéastes «  qui croient à l’image  » et ceux «  qui croient à la
réalité » (Bazin, 1955).
Notons qu’après l’établissement du cinéma parlant, il y eut encore des
films dénués de son : d’une part, des films « expérimentaux » ou d’artistes,
revendiquant leur silence (et, pour cette raison, désormais qualifiés de
«  silencieux  »)  ; d’autre part un petit nombre de films commerciaux, tel
récemment The Artist (Hazanavicius, 2011), qui joue de la nostalgie et
parodie le muet et ses genres.

➦ GROS PLAN, IMAGE, MONTAGE, PLASTIQUE, RYTHME


  CHERCHI USAI, 2000 ; MARIE, 2005

MÜNSTERBERG, HUGO (1863-1916)


Psychologue Psychologue allemand, élève de Wundt, il fut invité à Harvard
en 1892 sur proposition de William James ; à partir de 1897, il y dirige le
département de philosophie. Il ne découvrit le cinéma qu’en 1915, un peu
par hasard. Mais durant des mois, il vit film (« photoplay ») après film, et
en avril  1916 publia le premier ouvrage de théorie systématique sur le
cinéma jamais écrit : The Photoplay, A Psychological Study.
Malgré son sous-titre, ce petit livre n’est pas seulement un traité
psychologique. La première partie étudie, dans une perspective quasi
cognitiviste avant la lettre, les traits essentiels de l’activité spectatorielle
durant la projection : construction d’une profondeur imaginaire, perception
d’un mouvement apparent ; variabilité de l’attention, et moyens pour le film
de la diriger ; mise en jeu de la mémoire et de l’imagination ; émotions.
La seconde partie esquisse une esthétique du cinéma, de type formaliste.
L’art est défini, selon Münsterberg, non par l’imitation mais par la
transformation du monde en beauté, selon un idéal assez classique. Dans
cette perspective, le cinéma « nous montre un conflit significatif d’actions
humaines dans des images mouvantes qui, délivrées des formes physiques
de l’espace, du temps et de la causalité, sont ajustées au libre jeu de nos
expériences mentales, et parviennent à une séparation totale du monde
pratique par l’unité parfaite de l’histoire racontée et de son apparence
picturale  »  : c’est sa définition esthétique  ; elle amène Münsterberg à
adopter une attitude assez méfiante envers l’utilisation de sous-titres et
autres mentions écrites, ainsi que de musique d’accompagnement, qui
nuisent à la pureté des moyens artistiques ; symétriquement, il se fait de la
fonction de ce nouvel art une très haute idée : « le monde extérieur a perdu
son poids, il a été libéré de l’espace, du temps et de la causalité, et vêtu
dans les formes de notre conscience. L’esprit a triomphé de la matière, et
les images se succèdent avec l’aisance des sons musicaux. C’est un plaisir
suprême qu’aucun autre art ne peut procurer ». Cette approche idéaliste –
 universellement ignorée jusqu’à la réédition du livre en 1970 – est proche
de celle, notamment, de J. Epstein.

➦ IMAGINAIRE, PERCEPTION, PSYCHOLOGIE

MUSÉE
Institution Originellement, le mouséion était un bâtiment consacré aux
Muses, déesses des arts, servant à la fois de site religieux et de centre de
travail intellectuel. Depuis le XVIIIe siècle, le mot désigne un site, public ou
privé, dévolu à la collection et à la conservation d’œuvres d’art  ; notons
cependant que, à ces fonctions traditionnelles se sont ajoutées, depuis un
demi-siècle, des fonctions intellectuelles (expositions, colloques,
programmations diverses, éditions) qui rapprochent le musée de ses
origines.
Les musées consacrés au cinéma sont maintenant assez nombreux, mais
de conceptions très diverses. Longtemps, on put penser qu’un tel musée
avait surtout vocation à « exposer » des films (c’est-à-dire à les montrer) ;
l’idée d’exposer également autre chose que des films (le « non-film ») date
des années 1970, avec les tentatives de Langlois à Paris, Patalas à Munich,
etc. Aujourd’hui, il est fréquent qu’un musée du cinéma (le plus souvent,
une cinémathèque) organise des expositions, par exemple monographiques
(à Paris ces dernières années : Demy, Lang, Tim Burton, Kubrick, etc.) ou
thématiques (la lanterne magique, la coiffure…).
Par ailleurs, la présence du cinéma dans les musées d’art contemporain
n’a cessé de gagner en extension, sur des modes variés. Les films (ou des
extraits de films) peuvent être montrés à titre de document dans des
expositions consacrées à des artistes ou des périodes. Ils peuvent aussi
constituer une partie des œuvres exposées  ; se pose alors le problème de
l’extension de la notion de cinéma (du «  cinéma étendu  »)  : toutes les
œuvres d’image mouvante montrées dans les musées sont-elles du cinéma,
ou autre chose ?

➦ ART, CINÉMA ÉLARGI

MUSIQUE
Art La musique est l’art des sons ; son organisation concertée l’oppose au
bruit, défini comme un mélange de sons aléatoire, quelconque (et connotant
une impression déplaisante).
1. Dès l’origine, on a esquissé un parallèle entre musique et art des images
mouvantes, qui tous deux sont des arts du temps et créent des rythmes. La
musique a été parfois conçue comme une essence métaphorique du cinéma,
comme dans l’expression « musique de la lumière » (Gance). Plus souvent,
on a repris à la musique certaines de ses notions pour qualifier des
phénomènes formels du cinéma (montage «  harmonique  », Eisenstein  ;
«  intervalle  », Vertov  ; «  rythme  », Dulac et bien d’autres). De manière
générale, c’était une manière commode d’éloigner l’art des images
mouvantes du théâtre, de la littérature et des arts plastiques, auxquels il
s’apparente par la mimèsis, la narration et la visualité.
2. La musique a presque toujours accompagné la projection d’images
mouvantes, que ce soit en direct (pianiste improvisateur, orchestre) ou sous
forme enregistrée (couplage, très précoce, du phonographe au
cinématographe). Très tôt également, des musiciens connus ont composé
pour le cinéma (1908, Saint-Saens, L’Assassinat du Duc de Guise). Par la
suite, la composition de musique de film fut conçue comme un métier
spécifique, et les musiciens qui l’assurèrent devinrent des spécialistes  ;
après l’invention du «  parlant  », la musique fut gravée directement sur la
pellicule, et l’accompagnement en direct par un ou plusieurs musiciens
disparut, jusqu’à sa redécouverte dans les années 1980, à l’occasion de
restaurations de films muets.
La musique de films est souvent l’objet de préjugés culturels. Stravinsky
la définit comme du «  papier peint  » pour en souligner l’aspect
conventionnel, décoratif et superfétatoire. De même, l’usage fragmentaire
de partitions célèbres pour accompagner des films a souvent été critiqué.
La musique de film entre toujours dans une composition audiovisuelle,
en relation avec les voix et les bruits. Ses fonctions dramatiques et
esthétiques sont multiples :
–  illustration ou création d’une atmosphère correspondant à la
situation dramatique (scène lyrique, violente, élégiaque, etc.) ;
– structuration du montage audiovisuel puisque l’axe sonore est en
principe plus continu que l’axe visuel, fragmenté par la
discontinuité des plans ;
– effet de pléonasme ou de contrepoint : la musique peut amplifier
un effet ou le contredire, le mettre à distance ;
–  effet d’identification et de reconnaissance, sur le mode du
leitmotiv (voir le thème de Peer Gynt de Grieg siffloté par le
meurtrier dans M le maudit).

➦ BANDE SON, CONTREPOINT ORCHESTRAL, SON, SONORE (CINÉMA)


  MANVELL & HUNTLEY, 1957-1975 ; ADORNO & EISLER, 1969 ; GORBMAN, 1987 ;
ALTMAN, 1992 ; TOULET & BELAYGUE, 1994 ; CHION, 1995 ; ROHMER, 1996

MYTHE
Anthropologie Le mythe est une fable, un récit imaginaire appartenant à la
mythologie, mais depuis la fin du XIXe  siècle, le mot désigne aussi une
représentation idéalisée (d’une idée, d’un être, d’un événement), ou une
«  image simplifiée, souvent illusoire  » (DHLF). En ces sens modernes
élargis, il n’est pas très loin de ce que désigne, dans son acception
péjorative, le mot « idéologie » : l’idée simpliste, leurrante, que tel groupe
ou telle société se fait d’un phénomène de civilisation.
Le cinéma, comme tout phénomène de société, a produit des mythes  :
mythe de la star (Morin, 1957), mythe du cinéma comme activité
prestigieuse, mythe du « cinéma total » (Bazin, 1946), mythe de l’auteur de
films, etc. Il est aussi un véhicule privilégié des « mythologies » (Barthes)
contemporaines  : voir les grands stéréotypes hollywoodiens, de la femme
fatale au mauvais garçon, en passant par les mythes patriotiques et ceux de
la conquête de l’Ouest (mais on pourrait en dire autant de chaque cinéma
national).
Dans son dispositif comme dans ses thèmes favoris, le cinéma rencontre
enfin certains mythes anciens : le mythe de la caverne platonicienne, repris
pour éclairer métaphoriquement le dispositif spectatoriel
cinématographique (Baudry, 1970), ou le mythe d’Œdipe, dans la version
qu’en a donnée la théorie freudienne (Bellour, 1978, Cahiers du cinéma,
1970).

➦ DISPOSITIF, IDÉOLOGIE
  BIRO, 1982
N
NANAR(D)
Esthétique, critique, genre Terme argotique datant du début du XXe siècle
pour désigner une vieillerie sans valeur, et qui garde le même sens à propos
de cinéma : un nanar(d) est un mauvais film ancien, voire archaïque. Mais
un nanar est, en langage familier, un film tellement mal réalisé et ridicule
qu’il en devient involontairement amusant et comique. Normalement, le
nanar diffère du navet par son aptitude à divertir  : le nanar amuse par ses
défauts tandis que le navet est simplement mauvais et ennuyeux. C’est en
France la Cinémathèque de Toulouse qui a lancé la programmation de
nanars dans les années 1980 à la suite de la publication des catalogues de
Chirat et de ses travaux sur les «  excentriques  » du cinéma français. On
trouve une programmation voisine à la Cinémathèque française avec celle
du «  cinéma bis  » («  programmes de films de série B ou Z, bizarres,
fantastiques, d’horreur ou érotiques »).
Internet a amplifié le phénomène en créant des sites spécialisés, comme
par exemple « Nanarland » avec des palmarès du film le « plus nanar » de
l’année, parodiant les festivals qui récompensent les films les plus
artistiques. On y trouve même une typologie des nanars, fantastiques,
monstrueux, martiaux, épiques, «  gnangnans  », etc. Un éloge de la
nanarophilie a été publié en 2015. Ce qualificatif pose la question du goût
et de ses critères. Le mauvais goût est toujours le goût de l’autre, et du
kitsch au post-modernisme, il n’y a que des nuances.

➦ CRITIQUE, NAVET

NARRATION
Narratologie Fait et manière de raconter une histoire, par opposition à cette
histoire elle-même (l’ensemble des contenus narratifs, la « fable » au sens
des formalistes russes) et au récit (le discours qui raconte l’histoire, le
« sujet » des formalistes). La narration est un acte, fictif ou réel, qui produit
le récit.
Dans une œuvre de fiction, qu’elle soit littéraire, théâtrale ou filmique, il
existe des fragments de narration confiés à certains personnages, qui
racontent un bout de l’histoire  ; mais généralement, la narration est
attribuable à une instance plus abstraite, que l’on a parfois personnifiée (le
« narrateur »). Ce narrateur abstrait est distinct de la personne de l’auteur, et
le récit moderne a beaucoup démultiplié et varié la relation entre les deux ;
on parle aussi parfois, pour désigner la personne (générique) à qui le
narrateur s’adresse, du «  narrataire  » (qui est tout aussi abstrait que le
narrateur).
Il existe plusieurs modes de manifestation de la narration comme telle
dans le récit. Lorsqu’elle provient de l’intérieur de la fiction (par un
personnage), elle est intradiégétique ; au contraire, lorsque le narrateur est
extérieur à l’histoire, elle est extradiégétique. La relation entre narrateur et
personnage détermine les différents points de vue, en particulier les effets
de focalisation. Genette (1972) a proposé une classification détaillée, mais
qui a l’inconvénient d’attribuer aux termes « intra- » et « extradiégétique »
une signification non conventionnelle et peu évidente.
Toutes ces notions ont été transposées, et adaptées, dans le cadre du récit
cinématographique. En particulier, la narration au cinéma doit être articulée
à la «  monstration  », liée à la nature iconique de l’image, et située «  en
amont » de tout processus narratif : un film montre d’abord, il peut ensuite
(ou non) user de cette monstration pour raconter. À ce premier niveau
narratif (celui du plan), le film ajoute un second niveau, celui de
l’articulation des plans (le montage) –  ce double niveau n’étant pas
réductible à la double articulation du langage.

➦  DISCOURS, FOCALISATION, NARRATOLOGIE, MONSTRATION, POINT DE VUE,


RÉCIT

  CHATMAN, 1978 ; CHATEAU & JOST, 1979 ; VANOYE, 1979, 1991 ; BORDWELL,
1985 ; GAUDREAULT & JOST, 1990

NARRATOLOGIE
Théorie Discipline qui étudie les lois générales de la narration, visant à
comprendre ce que signifie et implique le fait de raconter. D’abord
développée à propos de la littérature, elle a très vite été transposée au
cinéma, pour lequel, dans son régime dominant, les problèmes de récit sont
essentiels.
On peut distinguer deux grandes orientations de la narratologie. La
première s’intéresse au récit lui-même, à la couche de narrativité
indépendante du signifiant ou du langage, qu’ont décrite l’analyse
structurale et la logique actantielle (Greimas). Il s’agit du récit du point de
vue de son contenu. La seconde est plutôt tournée vers l’acte narratif et
l’énonciation. Elle analyse les diverses procédures que mobilise l’acte de
narration, en tenant compte de la matérialité du signifiant (iconico-sonore
pour le film, scripto-graphique pour le roman, etc.).

➦ MONSTRATION, NARRATION, RÉCIT, VOIX


�  Voir les renvois bibliographiques sous NARRATION

NATIONAL (CINÉMA)
Critique, sociologie, histoire L’idée de cinéma national n’est pas
différente, en substance, de celle d’art national et de littérature nationale,
par lesquelles au XIXe  siècle on a exprimé la croyance que les caractères
d’un peuple se traduisent dans sa production culturelle. Il s’agit avant tout
d’une idée européenne, et dès la fin de la domination mondiale de Pathé
(vers 1912), l’émergence du cinéma américain et sa rapide hégémonie
imposèrent un autre modèle, non pas national mais international (fondé sur
l’idéologie du «  melting-pot  » et sur l’expansionnisme commercial). Les
années 1920, années de nationalismes politiques, virent la critique de
cinéma s’appliquer à définir des cinématographies allemande, italienne,
française, danoise  ; c’est avec cette idée en vue que l’on s’attacha tant à
étiqueter et à opposer des «  mouvements  » comme l’expressionnisme
(allemand) ou l’impressionnisme (français). La situation perdura jusque
longtemps après la guerre  : d’un côté, Hollywood, un système géant,
immensément puissant, tendanciellement universel et envahissant  ; de
l’autre, des cinémas « nationaux » largement déterminés par leur résistance
au modèle américain, jusqu’aux épisodes de la lutte pour l’«  exception
culturelle » dans les années 1990-2000.
En dehors de cet aspect économique et politique indéniable, la notion de
cinéma national a, esthétiquement et artistiquement, assez peu de
consistance. Il est sans doute possible de définir des thèmes dominants dans
telle ou telle cinématographie à telle ou telle époque, mais le caractère de
« projection » (Frodon) d’une nation dans son cinéma est conjectural.

➦ ÉCONOMIE, IDÉOLOGIE, INSTITUTION


  KRACAUER, 1948 ; SORLIN, 1996 ; FRODON, 1998 ; EISENSCHITZ, 1999

NATURALISME
École, genre Le «  naturalisme  », originellement, c’est la description de
l’homme en société sur le mode des sciences naturelles. Dans la littérature
du dernier tiers du XIXe siècle (en France, puis en Italie), c’est l’accent mis
sur la nature humaine, observée objectivement et dans ses détails – souvent,
ses détails scabreux, embarrassants voire obscènes ou misérables. La
littérature naturaliste peint souvent l’homme dans sa plus grande misère
morale (Maupassant, Zola)  : «  les auteurs naturalistes méritent le nom
nietzschéen de “médecins de la civilisation”. Ils font le diagnostic de la
civilisation » (Deleuze, 1983).
Il n’a pas existé de mouvement cinématographique revendiqué comme
naturaliste, mais la critique a souvent rapproché certaines œuvres de cette
esthétique (par exemple, quelques aspects du courant néo-réaliste, qu’on a
parfois caractérisé comme une descendance lointaine du naturalisme). Plus
largement, le cinéma narratif est apparu, à ses débuts, comme entièrement
marqué par cette tendance : « on a coutume de parler du “naturalisme” du
cinéma et de l’admettre comme sa qualité spécifique  » (Eichenbaum,
1927) ; on peut ainsi envisager le cinéma de fiction tout entier (du moins,
jusqu’à la fin de sa période «  moderne  », c’est-à-dire vers 1970) comme
étant pris, à échelle historique, dans les rets du naturalisme, dont il serait
une sorte de « relève ». Pour Deleuze (1983), qui l’attache surtout aux noms
de Stroheim et de Buñuel, «  l’essentiel du naturalisme est dans l’image-
pulsion », à la fois versant symptôme (la pulsion comme élémentaire, brute
et perverse à la fois), et versant fétiche (la pulsion visant toujours l’« objet
partiel »).

➦ IMAGE-PULSION, RÉALISME
  AUMONT, 1994

NAVET
Esthétique Ce nom de légume (victime d’un préjugé arbitraire et réhabilité
par la gastronomie pour la subtilité de ses saveurs) a été employé dès le
XVIIIe siècle pour connoter la nullité ou la faible valeur. Il désigna, au milieu
du XIXe, un très mauvais tableau, et le terme a été repris tel quel par la
critique cinématographique pour parler d’un mauvais film. Comme toute
appréciation de cette sorte, celle-ci requiert en principe qu’on en explicite
les critères.

➦ CRITIQUE, NANAR(D)

NÉOFORMALISME
École, théorie Le mouvement « formaliste » russe fut redécouvert – et les
textes traduits en anglais et en français  – dans les années 1960. Ils furent
rapidement utilisés par les sémiologues et narratologues, mais assez peu
dans le domaine du cinéma. La seule exception notable dans l’immédiat
après-coup de la publication du premier recueil en français (Todorov, 1965)
est celle de Burch (1969), qui proposa un cadre d’analyse et de description
des films s’attachant aux phénomènes formels davantage qu’aux contenus.
Dans les années 1980, cette reprise fut prolongée et systématisée par
l’école néo-formaliste (Bordwell, Thompson et leurs élèves), qui tentèrent
d’actualiser l’idée d’une poétique du film fondée moins sur la description
des éléments formels que sur leurs fonctions. L’analyse des films, pour le
néoformalisme, ne peut se faire selon une méthode générale et universelle,
mais plutôt cas par cas, en inventant une méthode adaptée à chaque objet
analysé. Dans cette invention, les concepts formalistes de «  système à
dominante  », de «  mise au premier plan  », de «  sujet  » et de «  fable  »,
deviennent des instruments destinés à guider l’imagination du chercheur.
Analyser un film, ce sera chercher sa dominante stylistique (par exemple le
« recouvrement » dans Les Vacances de Monsieur Hulot, Thompson, 1977),
c’est-à-dire au fond en donner une interprétation, mais en termes formels.
Ce qui, pour les néo-formalistes, préserve ces analyses de l’arbitraire,
c’est l’ensemble des concepts formalistes liés à l’histoire des styles. Un film
donné « met au premier plan » certains traits stylistiques, par rapport à un
«  arrière-plan  » qui est celui de la norme stylistique. Cette norme, à son
tour, ne peut être définie que par l’étude méticuleuse d’un grand nombre
d’œuvres, permettant par exemple de définir un «  style classique
hollywoodien » (Bordwell et al., 1985), ou un « style international européen
du muet » (Thompson, 1988). Enfin, le recours à la distinction entre fable
(= l’histoire) et sujet (= l’histoire telle que transformée par le récit) permet
de développer une théorie de la narration au cinéma qui se centre sur
l’activité du spectateur comme activité cognitive (Bordwell, 1985).

➦  FORMALISME, HISTOIRE, NARRATION, NARRATOLOGIE, POÉTIQUE, RÉCIT,


STYLE

  BORDWELL, 1985, 1997 ; THOMPSON, 1988

NÉORÉALISME
École, esthétique, histoire Mouvement cinématographique italien, né
pendant la guerre, et issu à la fois de l’influence de l’école réaliste française
(Renoir, Clair, Grémillon) et allemande (Pabst), et de la réflexion critique
en Italie même, notamment autour de Pasinetti, Barbaro, De Santis, du
Centro Sperimentale et de la revue Cinema. Le principe en fut initialement
de « filmer avec style une réalité non stylisée » (Panofsky), et les premiers
films pouvant se rattacher à ce courant furent réalisés durant la guerre (Les
Amants diaboliques, Visconti, 1942 ; Quatre Pas dans les nuages, Blasetti,
1942).
En France, où les films réalisés durant la guerre ne furent vus que
tardivement, et où les débats théoriques et critiques italiens restèrent
inconnus, la critique a souvent considéré que le néoréalisme était une
conséquence de la guerre et de la Libération, et qu’il accompagnait un
changement esthétique et idéologique profond. Deleuze par exemple (1983)
associe le néoréalisme – assimilé par lui principalement à Rossellini – à la
« crise de l’image-action » autour de 1948. Cette version est théoriquement
féconde, mais historiquement mal fondée, le style rossellinien, très singulier
dans cette période, ayant peu à voir avec les principes néo-réalistes.

➦ RÉALISME
    BAZIN, 1958-1962 (VOL. 4)  ; BORDE & BOUISSY, 1960  ; ZAVATTINI, 1979  ;
AMENGUAL, 1997

NITRATE
Technique En chimie, un nitrate est un sel dérivé de l’acide nitrique. Un de
ces sels, le nitrate d’argent, concerne spécialement le cinéma, car il est à la
base de la composition de la pellicule (aujourd’hui justement dénommée
«  argentique  »)  : c’est la sensibilité des molécules de nitrate d’argent à la
lumière qui était la manifestation la plus courante du phénomène
photographique. (Marco Ferreri réalisa en 1995 une comédie dramatique
intitulée Nitrate d’argent, sur le cinéma comme lieu de rencontre entre ses
spectateurs.)
Un autre nitrate (le nitrate de cellulose) a été, jusqu’aux années 1950, le
composant de base de la pellicule cinématographique. Il fut abandonné en
raison de son inflammabilité et des risques d’incendie associés. Cela fut un
sérieux problème pour les archives cinématographiques, qui eurent la tâche
délicate de conserver ces bobines dangereuses, puis (à partir des années
1980) d’entreprendre de les reporter, dans les meilleures conditions possible
de reproduction, sur des supports non inflammables (safety film).

➦ ARCHIVES, CONSERVATION, RESTAURATION


  CHERCHI USAI, 1991 ; TOULET, 1993

NOIR
Esthétique L’origine photographique de l’image de film l’associe
étroitement à la lumière, qui en un sens est sa cause. En outre, la lumière est
essentielle au dispositif cinématographique, au stade de la projection, et de
manière non réversible (comme l’observe Alain Fleischer, «  l’homme n’a
encore produit aucune lampe, aucun appareil, aucune machine à faire le
noir »).
Cela a souvent fait oublier que le noir (c’est-à-dire l’absence de lumière)
joue également un rôle important – au moins en termes imaginaires – dans
ce dispositif. Le noir est d’abord celui de l’espace où a lieu la projection ;
cela a été, notamment, beaucoup souligné et commenté par la description la
plus fouillée du dispositif, celle de Baudry (1970), pour qui l’obscurité, qui
augmente la solitude du spectateur, est propice à la régression psychique.
Mais le noir est également, de manière certes invisible dans les conditions
normales, celui de la pellicule, sur laquelle les photogrammes imprimés qui
sont la base matérielle de la représentation ressortent sur fond noir ; ainsi, le
noir peut être pensé comme appartenant essentiellement à la matière même
du film.

➦ DISPOSITIF, LUMIÈRE
  FLEISCHER, 1995 ; AUMONT, 2011

NOIR (FILM)
Genre, histoire Les fictions policières américaines des années 1930 –
 romans et films – se caractérisèrent par leur violence et leur vision amère,
voire désabusée, de la société libérale à l’ère de la Dépression. Reçues en
Europe avec un certain décalage, ces productions frappèrent par leur
noirceur, et ce trait devint le synonyme de toute une période du genre
policier. Une collection de romans policiers, lancée en 1945 par Gallimard,
s’appela « Série noire », et la même épithète fut utilisée par la critique, à la
Libération, à propos des adaptations des œuvres de D.  Hammett ou
R. Chandler. Cette appellation – qui, étrangement, est repassée telle quelle
en anglais – a perduré, et a fini par désigner un véritable sous-genre du film
policier.
Dans le film noir, l’enquête est moins intéressante par les capacités de
déduction dont fait preuve l’enquêteur que par la façon qu’il a de se plonger
au milieu du mystère, quitte à y prendre de mauvais coups. Ce genre fut
beaucoup commenté, tant pour ses aspects sociologiques (« privés » virils
mais sentimentaux, «  garces  » dangereuses et séduisantes, collusion des
milieux de la politique et du crime,  etc.), que pour ses aspects
narratologiques (art d’embrouiller les pistes, et parfois tout simplement la
compréhension, comme exemplairement dans Le Grand Sommeil, de
Hawks, 1946).

  VERNET, 1987 ; BURCH, 1993 ; ESQUENAZI, 2012

NOUVEAU CINÉMA
Histoire, esthétique À la suite notamment de la «  Nouvelle Vague  »
française de 1959-1962 et de son succès international, on a désigné par cette
expression, dans la décennie suivante, de nombreux mouvements de
renouvellement plus ou moins profond de cinématographies nationales,
principalement européennes  («  nouveau  cinéma  » tchèque, polonais,
allemand) et sud-américaines (Brésil, Chili). Ce terme vague n’a jamais été
rapporté systématiquement à une histoire des mouvements artistiques du
cinéma, qui en préciserait l’extension et les limites.

➦ ÉCOLE, HISTOIRE DU CINÉMA, NATIONAL (CINÉMA)


  MURCIA, 1998

NOUVELLE VAGUE
École, mouvement La Nouvelle Vague est certainement le mouvement le
plus célèbre de l’histoire du cinéma. Il doit sa notoriété aux conditions
initiales de son apparition, au nombre de cinéastes qui ont lui été rattachés,
à l’écho international des films distribués un peu partout dans le monde,
enfin à la longévité de la carrière de ceux-ci, à l’exception de François
Truffaut, mort en 1984.
Le mouvement pose des problèmes historiques de chronologie et de
cohérence interne. L’expression elle-même est d’origine journalistique et
n’a désigné un groupe de cinéastes que dans un second temps. Elle apparaît
au cours de l’hiver et du printemps 1959, à l’occasion de la distribution
parisienne des deux premiers longs métrages de Claude Chabrol, Le Beau
Serge et Les Cousins, en février et mars 1959, puis lors de la présentation à
Cannes des 400 Coups de François Truffaut, d’Orfeu Negro de Marcel
Camus (la Palme d’or cette année-là) et de Hiroshima mon amour d’Alain
Resnais. La cohérence du groupe initial se lézarde à partir de 1963-1964 et
on peut voir en Paris vu par…, qui réunit Douchet, Godard, Pollet, Rohmer,
Chabrol et Rouch une sorte de manifeste ultime.
Le groupe réunit des cinéastes aux styles très différents, de Rivette à
Chabrol ou Godard. Le rattachement au mouvement d’Alain Resnais pose
problème dans la mesure où les choix esthétiques de ce cinéaste de la
modernité sont aux antipodes de ceux d’un Rouch par exemple. Resnais
réalise des films à budget important, en studio, avec des acteurs de
formation théâtrale et en son postsynchronisé. La radicalité des options
Nouvelle Vague serait celle du cinéaste anthropologue, réalisateur de Moi,
un noir (1958)  : un cinéma «  non professionnel  », en 16  mm, de petit
budget, en son direct, caméra portée à la main, avec des acteurs amateurs.
La Nouvelle Vague est devenue un mythe que les jeunes cinéastes
français tentent de contourner en recherchant des modèles plus exotiques
dans le cinéma asiatique ou le cinéma de genres du « Nouvel Hollywood ».

➦ ÉCOLE, NOUVEAU CINÉMA, NOVO (CINEMA)


  MARIE, 1997 ; DE BAECQUE, 1998 ; DOUCHET & ANGER, 1998 ; SELLIER, 2005 ;
MARY, 2006

NOVO (CINEMA)
Mouvement Le Cinema novo apparaît au Brésil en 1961-1962 avec les
premiers longs métrages de Glauber Rocha, Saraceni et Ruy Guerra, et un
film collectif, Cinco Vezes favela (Cinq fois bidonville). Le groupe du
Cinema novo (Pereira dos Santos, Diegues, Rocha, Saraceni, de Andrade)
entend privilégier une révolution interne à l’institution cinématographique
et à l’expression filmique et s’oppose à l’utilisation du cinéma comme arme
directe de propagande.
Le Cinema novo veut rompre avec le cinéma commercial des chanchadas
des années 1950 et avec la tentative de création de studio à l’américaine.
Ses animateurs sont de jeunes intellectuels formés par les ciné-clubs. Ils
veulent réaliser des films personnels à petit budget exprimant une culture
brésilienne authentique, dégagée des modèles exportés. Ce mouvement
s’inscrit dans l’affirmation politique d’une forte identité nationale, fondée
sur le métissage, apparue au cours des années 1950.
Le Cinema novo triomphe en 1963 sur le plan international avec trois
films présentés au festival de Cannes : Vidas Secas, Os Fuzis et Deus e o
Diabo na Terra do Sol. Ces trois films se situent non plus dans les grandes
agglomérations de Rio ou São Paulo, mais dans le Sertão désertique du
Nordeste. Le coup d’État militaire de 1964 amène les cinéastes à privilégier
des récits plus métaphoriques, mais il permet toutefois à Saraceni et à
Rocha de réaliser deux films majeurs : O Desafio (Le Défi, 1965) et Terra
em Transe (Terre en transe, 1965). À partir de 1969, la censure devient de
plus en plus rigoureuse et certains cinéastes choisissent l’exil, comme
Rocha qui réalise cependant au Brésil Antonio das Mortes (1969, avec un
producteur français).
Glauber Rocha, qui meurt en 1981 à l’âge de 42  ans, fut le principal
théoricien du groupe et ses textes ont été publiés ou réédités dans Révision
critique du cinéma brésilien (1963), Révolution du Cinema novo (1981) et
Le Siècle du cinéma (1983).

➦ ROCHA, NATIONAL (CINÉMA)


  ESTÈVE, 1973 ; FICAMOS, 2013

NUMÉRIQUE
Technique Cet adjectif, qui qualifie toute donnée dont les valeurs sont des
nombres, a été choisi pour traduire l’anglais digital, qui s’applique à des
messages structurés en digits (nombres entiers de 0 à 9), et tout
spécialement aux messages en code binaire (comportant uniquement des 0
et des 1). Le binaire est en effet la traduction simple d’une réalité physique,
celle d’un état « par tout ou rien » : un courant qui passe ou ne passe pas,
une marque faite ou non faite, etc. Il concerne désormais un grand nombre
de domaines d’activité pratique, au premier chef l’informatique (qui code
tout en suites de nombres binaires de très grande taille), mais aussi la
photographie. On enregistre désormais presque exclusivement les
photographies sous forme numérique, sur des supports adaptés (analogues
aux « disques durs » des ordinateurs), et le cinéma a suivi.
Par métonymie, on parle de «  cinéma numérique  », de «  caméra
numérique », de « tournage (en) numérique », de « montage numérique ».
L’apparition de ces nouvelles techniques a changé de nombreuses pratiques,
surtout celle du montage : les monteurs n’ont plus à couper et coller de la
pellicule, mais à déterminer sur l’écran d’un moniteur le début et la fin de
chaque plan, et les enchaînements d’un plan au suivant. Les changements
sont moins sensibles en matière de prise de vues ; ils concernent surtout le
rendu des couleurs, qui n’est pas exactement le même (elles sont plus
froides, plus « irréelles » en numérique).
L’une des conséquences principales de l’adoption de techniques
numériques est la facilité d’intervention sur l’image a posteriori. On peut
modifier à volonté, ou presque, une partie de l’image, ou certaines de ses
caractéristiques. Cette souplesse d’utilisation, précieuse, a un prix théorique
fort lourd : l’image enregistrée en numérique, en effet, n’a plus la valeur de
trace de l’image enregistrée sur pellicule (et que l’on appelle maintenant
«  argentique  »), puisque rien ne garantit qu’on ne l’a pas transformée
ultérieurement.

➦ ARGENTIQUE, FILM, INDICE


  PARFAIT, 2001 ; QUINTANA, 2008 ; LEMIEUX, 2012 ; RENARD, 2014 ; PINEL, 2016
O
OBRAZNOST’
Esthétique Dérivé d’un mot courant de la langue russe, obraz, qui signifie
«  image  », ce mot désigne le caractère d’image d’une représentation
visuelle. Ce sens très général a été développé par Eisenstein (1937, 1940),
qui oppose dialectiquement l’obraznost’ à la simple figuration  : à cette
dernière, l’obraz (traduit parfois par image globale, voire, de manière plus
ambiguë, image totale) ajoute une valeur sémantique, toujours d’ordre
métaphorique, et qui exprime « l’idée centrale qui peut être retirée et de la
représentation d’une scène, et de cette scène elle-même » (Aumont, 1979).
Plusieurs traductions ont été proposées pour ce terme, sans qu’aucune
n’arrive à s’imposer.

➦ FIGURATION, IMAGE, MÉTAPHORE, MONTAGE

OBSERVATEUR INVISIBLE
Esthétique, narratologie Le film narratif-représentatif rend compte des
événements « comme si » un observateur mobile, susceptible de tout voir et
de modifier indéfiniment son point de vue, l’avait d’abord regardé pour
nous. Cette fiction de l’«  observateur extérieur  » ou «  observateur
invisible  » est au cœur de la description de l’art du cinéma chez
Poudovkine. Cette description se réfère explicitement au cinéma américain
classique de l’époque muette, qui pour Poudovkine (comme pour bien
d’autres théoriciens européens) fut le premier à poser solidement les bases
de la narrativité propre au cinéma ; en retour, le livre de Poudovkine, très
vite traduit en anglais, a longtemps été considéré comme un texte de
référence des réalisateurs anglo-saxons, et la notion d’«  observateur
invisible » est donc particulièrement adaptée au cinéma classique.

➦ FOCALISATION, OCULARISATION, POINT DE VUE


OBTUS (SENS)
Esthétique, sémiotique Néologisme proposé par Barthes (1970) pour
désigner un troisième niveau de sens, celui de la signifiance, ajouté au sens
dénoté et aux connotations d’une image. Le sens obtus (opposé par Barthes
aux sens obvies) ne relève pas de l’intention du producteur de l’image, mais
du jeu de la figure ; de ce point de vue, il est proche du figural. Barthes a
proposé dix ans plus tard une autre distinction parallèle, à propos de
photographie, entre studium et punctum.

➦ FIGURAL, IMAGE, SIGNIFICATION

OCULARISATION
Narratologie Pour rendre compte de la complexité des relations entre
savoir et voir dans un récit filmique, Jost (1987) a proposé d’adapter la
terminologie de Genette en ajoutant cette notion à celle de focalisation.
Cette dernière met en jeu les savoirs relatifs du personnage, du narrateur et
du destinataire  ; l’ocularisation met en jeu ce que voit la caméra, en le
rapportant à ce que peut voir (ou non) un personnage (c’est une façon de
décrire plus abstraitement la «  subjectivation  » des cadrages, le fait qu’ils
répondent au point de vue occupé par un personnage, etc.).
Cette notion se complète de la notion parallèle d’«  auricularisation  »,
correspondant à l’écoute et à l’audition des personnages. Jost propose alors
une combinatoire des relations entre types de focalisation (externe, interne,
«  lectorielle  »), types d’ocularisation (primaire et secondaire) et types
d’auricularisation. Ce vocabulaire, logique dans ses principes, a cependant
été peu repris par d’autres chercheurs.

➦ FOCALISATION, NARRATION, RÉCIT, SUBJECTIF (PLAN)

ODIN, ROGER (1939)


Linguiste, sémioticien Le nom de Roger Odin est lié à une discipline qu’il
a baptisée « sémio-pragmatique ». Celle-ci se situe dans le prolongement de
la sémio-linguistique metzienne, mais en insistant sur le lien qui relie le
film au lecteur et au spectateur, d’où la pragmatique. L’hypothèse de base
est qu’un film ne possède pas de sens en soi  : c’est la relation entre
l’émetteur (le film) et le récepteur (le spectateur) qui lui en donne un, à
travers une série de procédures possibles dans l’espace social où cette
relation opère. Cela implique entre autres qu’il n’y a pas de véritable
communication entre un auteur et un destinataire. Tous deux peuvent avoir
recours aux mêmes procédures, et ils feront alors dire au film la même
chose, mais ils peuvent aussi mettre en œuvre des procédures différentes, ce
qui a pour effet que chacun construit son film.
Cette conception du rapport entre auteur et spectateur s’appuie
notamment sur la constatation qu’il en existe plusieurs régimes,
relativement stables. Odin propose notamment de définir des attitudes
spectatorielles de type «  fictionnalisant  », «  documentarisant  », etc. Ces
attitudes sont largement (mais non uniquement) déterminées par les
contextes, institutionnels, génériques, personnels de lecture et de
construction du sens.
Odin a joué un rôle institutionnel pionnier, en structurant l’institut de
recherche de l’université de Paris  3, l’IRCAV. Il a réalisé des films
documentaires et des films pédagogiques et contribué à la mise en place des
enseignements audiovisuels dans les collèges et lycées.

OFF
Technique Préposition anglaise, utilisée par abréviation de «  off screen  »
(littéralement  ; «  hors écran  », ou hors-champ), et uniquement appliquée,
dans l’usage courant, au son. Un son off est celui dont la source imaginaire
est située dans le hors-champ.
On a plusieurs fois proposé de distinguer entre diverses localisations de
cette source  : sons hors-champ proprement dits, émis par un personnage
invisible mais présent dans la scène  ; sons émis par un personnage non
présent dans la scène (par exemple, dans le cas d’un commentaire de ce qui
est vu par un autre personnage –  procédé fréquent chez Mankiewicz, voir
Chaînes conjugales)  ; sons non diégétiques, émis par une instance autre
qu’un personnage (l’exemple le plus courant étant le commentaire des
documentaires), etc. (Voir par exemple la typologie proposée par Daney,
1983.) On a également proposé de déplacer la question, en évaluant
séparément la visibilité de la source sonore et son lien à la diégèse (Chateau
& Jost, 1979). Ces diverses typologies restent partielles, et ne conviennent
qu’à certains types de films. Une critique plus radicale a proposé de
relativiser la notion de hors-champ, et de déplacer la question du son à celle
de son écoute (« causale » ou « réduite », selon qu’on en cherche l’origine
dans l’image et la diégèse, ou non) (Chion, 1990).

➦ HORS-CHAMP, SON
  CHATEAU & JOST, 1979 ; DANEY, 1983 ; CHION, 1990 ; CHATEAUVERT, 1998

ONE TAKE FILM
Technique Film réalisé en une seule prise, sans montage. Lorsqu’il s’agit
d’un long métrage de fiction, cela suppose de très longues répétitions pour
une mise en place impeccable. Hitchcock avait déjà réalisé une performance
comparable avec La Corde (1948), tourné en «  plans  » de onze minutes
raccordés de manière aussi invisible que possible. Mais il a fallu attendre la
technique numérique pour ne plus être limité dans la durée par la longueur
des bobines de pellicule. Les premiers exemples montraient déjà la variété
des options possibles  : style de «  faux documentaire  » pour Time Code
(Figgis, 1999), mise en scène (en costumes) appuyée pour L’Arche russe
(Sokourov, 2000). Depuis, ce type de films est devenu relativement
fréquent, au point qu’un festival (celui de Zagreb) lui est consacré depuis
2016. Certains films, réalisés en plusieurs prises, utilisent aussi les
possibilités du numérique pour rendre totalement invisibles les transitions
de prise à prise, devenant de pseudo-one take films (tel Iñarritu, Birdman,
2014).

➦ DÉCOUPAGE, MONTAGE, NUMÉRIQUE, PLAN, PRISE DE VUES

ONTOLOGIE
Philosophie L’ontologie est la partie de la métaphysique qui étudie l’être en
tant qu’être, indépendamment de ses caractères spécifiques. C’est par abus
de langage que ce mot est utilisé, notamment, dans un article de Bazin
(1945) consacré à l’« ontologie de l’image photographique », et qui vise en
fait à en définir l’essence (posée comme étant son pouvoir de révélation du
réel).
➦ BAZIN, RÉALISME, RÉALITÉ
    BAZIN, 1945  ; MUNIER, 1963-1989  ; AYFRE, 1964  ; PASOLINI, 1967  ; WOLLEN,
1968

ORGANIQUE
Esthétique, philosophie La métaphore de l’organicité (c’est-à-dire d’une
organisation comparable à celle des êtres vivants) renvoie toujours plus ou
moins à l’organisme par excellence, le corps humain. Dans le corps, chaque
partie n’a de sens que par rapport à un tout, et inversement, le tout n’est pas
la simple somme des parties, mais leur combinaison organisée. De même,
des œuvres d’art seront parfois dites organiques parce que la relation entre
les parties y est aussi importante que la nature même de chacune de ces
parties.
Cette idée se prête bien à qualifier le montage au cinéma, conçu comme
un assemblage de parties, les plans, qui doivent concourir harmonieusement
à la production d’un tout, le film. Sous cette forme directe, l’idée se trouve
chez Eisenstein (1934, 1938-1940)  ; elle se complète de l’idée que cette
organicité de l’œuvre n’est que la conséquence et le reflet des lois
« organiques » de la nature, notamment de l’essence dialectique de ces lois :
ainsi, pour Eisenstein, la forme filmique est-elle définie (et justifiée) en
référence à la structure même de la pensée, et plus profondément, à la
structure de tous les phénomènes naturels.
Deleuze (1983-1985) a étendu à tout le cinéma «  classique  » cette
caractérisation, qui s’oppose, pour lui, au régime cristallin du cinéma
moderne. Le cinéma «  organique  » est alors celui dont le temps est
relativement linéaire, subordonné à celui du récit et de l’histoire – quel que
soit par ailleurs le type de montage, plus ou moins fragmentaire, qu’il
utilise.

➦ CRISTALLIN (RÉGIME), FRAGMENT, MONTAGE


P
PAÏNI, DOMINIQUE (1947)
Critique, curateur d’expositions, producteur, directeur d’institution
Critique et curateur d’expositions, il fut aussi producteur de films, entre
autres pour le Musée du Louvre, directeur de la Cinémathèque française dix
ans durant (1991-2000) et fondateur d’une revue (Cinémathèque). Son
travail critique est paru en ordre dispersé – dans des revues d’art, revues de
cinéma, catalogues d’exposition – mais il en a regroupé l’essentiel en trois
volumes dont les titres affichent ses préoccupations  : Le Cinéma, un art
moderne (1997) et Le Cinéma, un art plastique (2013), sans proposer de
théorie générale de la modernité ni de l’art, sont des contributions
importantes à des discussions toujours en cours. Le Temps exposé (2002) fut
l’un des tout premiers ouvrages de langue française à aborder la question de
la vision des films « hors le cinéma », et inversement, de l’incidence sur le
cinéma des transformations de l’image mouvante dans l’art contemporain ;
servi par sa double culture, cinématographique et muséale, Païni y proposait
la notion, toujours actuelle, d’exposition du temps. Ce travail à la frontière
de l’essai critique et de la proposition de concepts est servi par une culture
historique très nourrie et personnelle.

➦ ART, MODERNE (CINÉMA), MUSÉE, PLASTIQUE, TEMPS

PANOFSKY, ERWIN (1892-1968)


Historien et théoricien de l’art Historien et théoricien de l’art,
représentant le plus connu de l’iconologie telle que la proposa Warburg
(méthode d’interprétation des œuvres d’art du passé à la lumière des
références littéraires et philosophiques sur lesquelles elles se fondent).
L’iconologie a inspiré, très récemment, des tentatives méthodologiques en
analyse du film (Vancheri, 2013, 2015) ; toutefois, dans son unique article
consacré au cinéma, Panofsky s’y est intéressé sous un tout autre angle.
Selon lui, le cinéma primitif était avant tout fasciné par la capacité de faire
se mouvoir les images  ; le cinéma actuel (l’article date de 1934, revu en
1947) a une importance sociale considérable, y compris comme vecteur de
propagande  ; mais au plan esthétique, il vaut par deux traits
complémentaires, la dynamisation de l’espace et la spatialisation du temps.
«  Ce n’est pas un besoin artistique qui provoqua la découverte et le
perfectionnement d’une technique nouvelle, c’est une invention technique
qui provoqua la découverte et le perfectionnement d’un nouvel art  »  : le
cinéma n’a donc pas été inventé comme art, et il ne le deviendra que s’il
cultive ces qualités qui lui sont propres. Ces idées, devenues consensuelles,
l’étaient beaucoup moins à une époque où la critique voyait avant tout dans
les films des véhicules de fiction ou des documents, et l’autorité
intellectuelle de Panofsky donna à cet article une réelle importance
historique.

➦ ART, MÉDIUM, STYLE

PANTOMIME
Dramaturgie, spectacle Représentation théâtrale où les personnages ne
s’expriment que par gestes. Les pantomimes de Deburau (au théâtre des
Funambules, milieu du XIXe  siècle) ont été citées dans Les Enfants du
paradis (Carné, 1945-1946) et dans Deburau (Guitry, 1951). Plus
largement, on a très souvent comparé le cinéma muet à l’art de la
pantomime, en général pour en déduire que, comme son antécédent théâtral,
il avait la vertu de communiquer un sens de manière immédiate,
indépendante de toute langue (Arnheim, Chaplin).

➦ MUET, THÉÂTRE

PARADIGME
Linguistique, sémiologie Terme de linguistique structurale qui désigne un
groupe d’unités entre lesquelles celui qui parle a le choix (les six personnes
de la conjugaison ou l’usage du singulier ou du pluriel). Le paradigme est
une des deux dimensions de base de tout fait de langage (l’autre étant le
syntagme) : c’est la dimension qualifiée métaphoriquement de « verticale »
alors que le syntagme est sa dimension «  horizontale  ». Le paradigme
suppose un choix qui exclut les unités virtuelles, celles qui n’ont pas été
sélectionnées lors de l’acte de langage.
Pour l’approche sémiolinguistique du cinéma, le cinéma est un « langage
sans langue  » (Metz), donc un langage où les possibilités de choix sont
considérables. C’est l’ensemble des ressources expressives du cinéma qui
forme un vaste paradigme. Ainsi, les différentes sortes de montage
permettent de signifier la successivité, la simultanéité ou la suspension des
références temporelles ; elles forment le paradigme du montage, c’est-à-dire
un champ d’unités opposables. On peut aussi considérer un paradigme
narratif comme l’ensemble des choix opérés par le scénariste lorsqu’il passe
d’une séquence à une autre. Le film d’Alain Resnais Smoking/No smoking
(1993) offre un bon exemple, mais exceptionnel, de fonctionnement
paradigmatique d’un récit (« ou bien… ou bien »).
Dans ses travaux de sémio-psychanalyse, Metz (1977) a mis en relation
le concept de paradigme avec le fonctionnement de la métaphore en
rhétorique (qui associe deux unités dont l’une est absente) et le travail de la
condensation telle que l’analyse Freud dans le rêve.

➦ INTERTEXTE, MÉTAPHORE, SYNTAGME

PARADOXE DU COMÉDIEN
Dramaturgie Paradoxe sur le comédien est un ouvrage de Diderot (1775),
dans lequel il s’oppose à l’opinion (la plus courante selon lui) selon
laquelle, pour être convaincant, un acteur doit éprouver les émotions qu’il
exprime. Pour Diderot, au contraire, l’acteur sera d’autant plus à même
d’émouvoir qu’il sera lui-même plus maître de lui, afin de maîtriser
l’expression des émotions qu’il doit communiquer  : «  tout son talent
consiste non pas à sentir, comme vous le supposez, mais à rendre si
scrupuleusement les signes extérieurs du sentiment que vous vous y
trompez ».
Cette idée a été souvent reprise, sous des formes variées et dans des
directions parfois contradictoires. Bertolt Brecht la poussa à l’extrême avec
sa notion de « distanciation », mais on la trouve aussi à la base des théories,
systèmes et méthodes du jeu d’acteur au XXe  siècle, notamment chez
Stanislavski, avec sa « construction du personnage », ou à l’Actors Studio,
avec l’idée d’une mise en jeu de la « mémoire émotionnelle », c’est-à-dire
d’un ressenti distancié et analytique des émotions. Elle traverse également
les théories du jeu de l’acteur de cinéma, opposant deux modèles, le modèle
brechtien distancié et le modèle de l’identification fusionnelle au
personnage.

➦ ACTION, DISTANCIATION
 
  RAY, 1992 ; NACACHE, 2003

PARALLÈLE
Technique, esthétique Comme le montage alterné, le montage parallèle
alterne des images ou des séries d’images, mais celles-ci n’ont pas de
liaison temporelle entre elles, notamment aucun rapport de simultanéité. Le
montage parallèle compare donc, ou oppose, des séries thématiques.
Ce parallélisme a parfois été développé à l’échelle d’un film entier. Le
prototype en est Intolerance (Griffith, 1916), dont les quatre épisodes
historiques sont montés en parallèle, entre eux et avec les plans de la mère
berçant son enfant (par contre, au sein de chacun des épisodes, on trouve
des séries d’images en montage alterné). Le procédé a été repris par
exemple par One Plus One (Godard, 1969) ou Porcherie (Pasolini, 1969),
qui confrontent deux séries distantes dans le temps et l’espace, ou par Mon
oncle d’Amérique (Resnais, 1980), qui alterne l’histoire de trois
personnages avec des expériences de laboratoire sur le comportement des
rats. Cette figure est devenue assez rare dans le cinéma contemporain.

➦ ALTERNANCE, MÉTAPHORE
➦ METZ, 1968 ; AMIEL, 2015

PARAMÈTRE, PARAMÉTRIQUE
Théorie, formalisme D’origine mathématique, le mot est utilisé
métaphoriquement, dans de nombreux domaines (de la géographie à
l’économie) pour désigner les facteurs constants qui déterminent des
fonctions de plusieurs variables.
Son usage dans la théorie du cinéma relève d’une nouvelle extension de
son sens. À la suite d’Eisenstein (1929, 1938, 1940), qui tentait d’élaborer
une théorie du montage reposant sur la combinaison, à égalité, des divers
éléments formels du film (couleur, grosseurs de plan, composition,
musique, etc.), plusieurs auteurs ont proposé des descriptions
«  paramétriques  » du film. Burch (1969) définit ses paramètres
cinématographiques dans une perspective inspirée à la fois d’Eisenstein et
de la musique sérielle, et la forme filmique s’analyse alors, pour lui, comme
jeu de structures plus ou moins complexes de paramètres (raccords spatio-
temporels, rapport champ/hors-champ, grosseur des plans, angle de la
caméra, direction et vitesse des mouvements, durée des plans).
Chateau et Jost (1979) partent également d’Eisenstein pour définir une
structuration paramétrique des films, qui consiste à privilégier, dans un
agencement de plans, un paramètre particulier (un rythme, un mouvement
par exemple)  ; corrélativement, l’analyse paramétrique doit se fixer pour
tâche 1°, «  l’identification a priori des différents paramètres visuels et
sonores » (projet qui recoupe celui de Burch) et 2°, « la détermination des
paramètres qui sont pertinents dans un segment donné  ». Le modèle
paramétrique de Chateau et Jost, comme celui de Burch, vise en outre à
promouvoir et à défendre une certaine conception du cinéma : ces auteurs
ont pour point commun d’étudier de préférence des films qui échappent
largement au montage «  transparent  », et qui s’avèrent rebelles à la
segmentation en termes de grande syntagmatique, parce que l’agencement
des plans y repose sur une autre logique (Robbe-Grillet pour Chateau et
Jost, Hanoun pour Burch, Resnais pour tous les trois).
C’est également pour désigner un cinéma non classique, mais avec une
visée différente, que Bordwell (1985) parle de «  narration paramétrique ».
Pour lui, les ancêtres de la construction paramétrique sont à trouver dans la
musique sérielle (le «  sérialisme total  »), mais aussi dans les analyses des
Formalistes russes, dans le Nouveau Roman, dans le structuralisme. Le
mode paramétrique de narration se caractérise par une dissociation marquée
entre ce que Bordwell appelle « style », « sujet » et « fable », c’est-à-dire
entre la forme filmique, le récit et l’histoire  ; l’exemple qu’il analyse en
détail est Pickpocket (Bresson, 1959), mais le mode paramétrique se trouve
aussi chez Ozu, Dreyer, Tati ou Mizoguchi.

➦ MONTAGE, NARRATOLOGIE, SEGMENTATION


 
  BURCH, 1969 ; CHATEAU & JOST, 1979 ; BORDWELL, 1985, 1988  ; THOMPSON,
1988

PARLANT (CINÉMA)
Technique, histoire On a utilisé en France l’expression « cinéma parlant »
au moment du passage de cinéma dit « muet », au cinéma accompagné de
sons synchrones enregistrés (dont les paroles). L’anglo-américain utilise le
terme «  Talkies  » pour désigner les nouveaux films sonores, et «  Silent
Movie » pour ceux qui n’avaient pas de son enregistré.
Les campagnes publicitaires qui ont accompagné le lancement des
nouvelles techniques sonores au début des années 1930 vantaient le
pourcentage de paroles dans les films : « Un film parlant à cent pour cent ».
Cette précision indique que les premiers films sonores ne l’étaient que
partiellement. En effet, le célèbre Chanteur de jazz, avec Al Jolson, qui
imposa le cinéma parlant est en fait un film muet à 90 %, accompagné de
musiques et de chansons, mais avec seulement deux petites minutes de
parole synchrone.
Parlant, comme talkie, met en valeur la voix humaine. L’apparition de la
voix synchrone des acteurs a en effet bouleversé l’esthétique des films à
partir de 1929. Le cinéma muet ne fut qu’une parenthèse historique d’une
petite trentaine d’années.
Cette période a opposé violemment deux clans irréductibles : les tenants
du cinéma muet, comme Arnheim, Chaplin ou Eisenstein, et ceux qui
considéraient au contraire que la parole n’était que l’accomplissement
logique de la pente naturelle du cinéma dans sa voie réaliste, tels Pagnol, et
plus tard Bazin, dans son célèbre article sur «  l’évolution du langage
cinématographique ».
Durant l’époque du cinéma dit «  classique  », le modèle théâtral resta
central, voire prédominant, imposant un style de dialogues très écrits et une
diction très articulée (même s’il s’agit de parler argot). Le cinéma dit
« moderne » (depuis la fin des années 1950) au contraire cultiva le modèle
du documentaire, avec des dialogues souvent improvisés, dits sur un ton
proche du quotidien (quitte à devenir parfois difficile à saisir). Comme dans
bien d’autres domaines, le cinéma de la fin du siècle et depuis 2000 hérite
de ces deux tendances, qu’il combine ou alterne, selon les projets. (Il nous
semble cependant pouvoir relever une forte propension, dans le «  jeune
cinéma français  », à une élocution très peu articulée et à une prise de son
«  naturaliste  », rendant souvent les énoncés difficiles à comprendre sans
effort.)

➦ MUET, SON
 
  ARNOUX, 1946 ; BARNIER, 2002 ; FONDANE, 2007

PARODIE
Genre « Imitation burlesque ou bouffonne d’une œuvre sérieuse » (DHLF).
La parodie a été au cinéma d’une production constante, dès les premiers
temps ; des acteurs ressortissant aux genres comique ou burlesque s’en sont
fait souvent une spécialité (les Trois Stooges aux États-Unis  ; en Italie,
Totó, puis Franchi et Ingrassia  ; en France, Fernandel ou Coluche).
Quelques réalisateurs de la période «  postmoderne  » ont travaillé
systématiquement à des parodies des genres classiques (Leone et le western,
De Palma, Argento et le film d’horreur sanglant, Tarantino, etc.).

➦ CITATION, GENRE
 
  SORIN, 2010

PAROLE
Linguistique, sémiologie La parole est la dimension énonciative qui fait
passer le langage (et, en deçà, une réserve qui est la langue) par la voix. La
linguistique structurale sépare langue et parole selon un double partage  :
social/individuel, essentiel/accessoire (Saussure, 1906-1911)  ; la parole
n’est dans cette perspective qu’une somme d’actes particuliers indéfiniment
variables (d’ailleurs, c’est par elle que la langue peut changer).
En théorie du cinéma, la parole ouvre sur trois champs de problèmes :
1°, une description, éventuellement une typologie, des relations entre
image et parole dans un film donné : relations temporelles (l’image vue et
la parole entendue appartiennent-elles à la même temporalité ?) ; relations
sémantiques et figurales (comment l’image et la parole se partagent-elles la
tâche de donner du sens et de l’affect ?). Une des caractéristiques du cinéma
en général est d’inclure la relation image-parole dans son dispositif même,
de la rendre automatique et institutionnelle.
2°, une histoire de la présence de la parole dans les films : évolution des
codes et modes de sa représentation (en commençant par les « cartons » et
par les mimiques des acteurs destinés à la suppléer, à l’époque muette)  ;
divers dispositifs d’articulation entre point de vue visuel et subjectivation
de la parole  ; etc. Le partage accoutumé, entre cinéma muet et cinéma
parlant, est notamment, du point de vue théorique, très simplificateur et ne
désigne qu’un événement d’ordre technique : il y a eu de la parole dans les
films avant le parlant (et, plus rarement, des tentatives pour l’absenter dans
des films ayant une bande sonore).
3°, comment la parole, dans les films, évoque-t-elle une présence sonore,
identifiable comme voix et imaginairement rattachable à un corps
(absent)  ? C’est notamment le problème, banal donc très important, de la
postsynchonisation et a fortiori du doublage (Bresson : « barbarie naïve du
doublage  ; voix qui se sont trompées de corps  »)  ; en termes plus
théoriques, c’est la question de la voix, et de son ancrage dans un corps
(Chion, 1982).

➦ BANDE SON, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, VOIX


 
    CLAIR, 1922-1970  ; ARNHEIM, 1938  ; GUITRY, 1977  ; VANOYE, 1985  ; CHION,
1988, 1990

PASINETTI, FRANCESCO (1911-1949)


Historien Francesco Pasinetti est considéré comme le premier historien
important du cinéma italien. Il a publié dès 1939 une Storia del cinema
dalle origine a oggi, puis en 1946, Mezzo secolo di cinema. Son œuvre
maîtresse est son Filmlexicon, piccola enciclopedia cinematografica, publié
en 1948.
Pasinetti a été critique au début des années 1930, notamment pour la
Stampa, et présenta l’une des toutes premières thèses d’esthétique
consacrée au cinéma. Il enseigna au Centro sperimentale de Rome dès 1937
et joua un grand rôle dans la formation intellectuelle des scénaristes et
réalisateurs à l’origine du renouveau du cinéma italien, à la fin des années
1940. Il a réalisé des films documentaires dont un long métrage en 1934, Il
Canale degli angeli, puis écrit des scénarios de films réalisés notamment
par Umberto Barbaro (L’Ultima nemica, 1937) et Luigi Chiarini (Via delle
Cinque lune, 1942).

➦ HISTOIRE DU CINÉMA

PASOLINI, PIER PAOLO (1922-1975)


Cinéaste, théoricien Écrivain, dramaturge, poète, essayiste, critique,
cinéaste, Pasolini sémiologue et philosophe se définit lui-même comme
«  hérétique  »  : d’abord parce que ses idées sont difficilement acceptables
par les dogmes dominants (de la tradition universitaire au marxisme),
ensuite parce que le discours qu’il tient n’appartient à aucun genre reconnu.
Mêlant intervention critique (parfois politique) et théorie, il accepte et
même souligne le caractère actuel, daté et situé, de sa réflexion. D’abord
idéologue (marxiste), il développe dans les années 1960 une approche
stylistique, centrée autour de la défense du «  discours indirect libre  » en
littérature (et bientôt, de ses équivalents en cinéma).
Dans sa période « sémiologique » de la fin des années 1960, il développe
une idée fondamentale : la réalité s’exprime par elle-même et ne parle qu’à
elle-même. Par conséquent, seul le cinéma, qui reproduit la réalité sans
avoir besoin de l’évoquer (comme la littérature ou la poésie), ni de la copier
(comme la peinture), ni de la mimer (comme le théâtre) peut exprimer la
réalité par la réalité. D’où la définition du cinéma comme « langue écrite
de la réalité comme langage ». Il existe un « code des codes », le « code
cognitif de la réalité  », auquel seul a accès le cinéma, et sur lequel sont
nécessairement fondés tous les autres codes, culturels par définition. Ainsi,
la langue du cinéma est à peu près universelle, sans lexique, sans arrière-
plan historique ni culturel  ; Pasolini reconnaît toutefois que le cinéma ne
peut utiliser des objets vierges de connotations, lesquelles sont
culturellement variables  ; le cinéma n’a donc de lexique qu’à l’intérieur
d’une pragmatique, c’est un lexique sans cesse redéfini par ses usages.
La langue du cinéma est donc sans grammaire vraie, mais elle possède
quatre grands «  codes  » ou «  opérations  » ou «  modes  » (la terminologie
varie quelque peu d’article en article) :
– la reproduction : le cinéma est une langue qui n’existe qu’à l’état
écrit  ; il n’a donc ni orthographe, ni grammaire, mais une
stylistique, manifestée par exemple par le souci de la composition
(qu’il emprunte à la peinture) ou de la prosodie (que le cinéma
muet a empruntée à la poésie) ;
–  la substantivation, qui opère en deux temps  : réduction
tendancielle de la polysémie, puis assertion d’existence (ou
d’action existentielle) de ce qui est reproduit ;
– la qualification, d’abord préfilmique (par trucage de la réalité dans
un sens plus significatif), puis filmique, par le caractère de la
caméra (active ou passive) ;
–  la verbalisation enfin, au plan dénotatif (le dénoté naît, pour
Pasolini, de l’opposition instituée par le montage), et au plan
connotatif (par exemple, effets de rythme).
Le cinéma échappe à l’homologie avec les structures sociales qui
caractérise la littérature (parce que les contenus littéraires, et la langue
verbale elle-même, sont homologues à la société)  ; le cinéma est, mieux
qu’international, transnational (transcendant aux nationalités), et aussi, de la
même façon, « transclassiste » (il échappe aux déterminations de classe). Il
ne peut acquérir de caractéristiques d’ordre social ou psychologique qu’au
prix d’une opération stylistique – contrairement encore à la littérature, qui
est d’emblée caractérisée socialement. Pasolini défend un style particulier,
le « cinéma de poésie », fondé sur le « discours indirect libre », c’est-à-dire
« l’immersion de l’auteur dans le personnage », qui permet de présenter la
réalité à travers le système expressif déterminé par la caractérisation
psychologique et sociale de ce personnage.

➦ PERCEPTION, POÉSIE (CINÉMA DE), SÉMIOLOGIE


 
  BERGALA & NARBONI, 1981 ;

JOUBERT-LAURENCIN, 1995
PATHÉTIQUE
Dramaturgie, esthétique Ce qui éveille les sentiments violents du
spectateur ou de l’auditeur  ; le pathétique ne vient pas forcément de
l’intensité de l’action, il peut venir du spectacle, des rapports des
personnages, etc. (il se distingue donc du dramatique, qui provient toujours
de l’action elle-même).
Lorsque Eisenstein (1940) décrit et évalue la capacité pathétique de son
film Le Cuirassé « Potemkine », il reprend implicitement les deux valeurs
que la rhétorique traditionnelle a attachées à ce mot et à cette notion  : un
pathétique direct, consistant à mimer l’émotion pour la susciter  ; un
pathétique indirect, qui émeut le destinataire par des signes «  froids  ».
Opposé comme ses contemporains au cinéma dramatique et au jeu d’acteur
analogique, Eisenstein choisit évidemment la seconde de ces possibilités.
C’est dans cette perspective qu’il développe la théorie de l’« extase », que
l’on pourrait résumer comme la recherche d’une forme qui incarne elle-
même l’émotion, éventuellement extrême, que l’on veut communiquer au
spectateur.

➦ EISENSTEIN, ÉMOTION, EXTASE, ORGANIQUE

PATRIMOINE
Économie, histoire, institution Le patrimoine, étymologiquement, «  bien
qui vient du père  », est l’ensemble des biens d’une personne juridique, et
plus largement l’ensemble de ce qui est considéré comme l’héritage
commun. On utilise le terme à propos du cinéma depuis une vingtaine
d’années, sans doute en raison de l’apparition tardive d’une «  conscience
patrimoniale » au moment de la célébration du Centenaire du cinéma, vers
1995. Quelques pays considèrent que le cinéma fait partie de leur
patrimoine national et consacrent des crédits à sa sauvegarde en finançant
archives et cinémathèques.
Ainsi une loi fédérale américaine de 1988, appelée National Film
Preservation Act a établi un programme, reconduit tous les quatre ans, pour
identifier, acquérir, conserver, restaurer les œuvres filmiques considérées
comme importantes dans la culture américaine, sur le plan historique ou
esthétique. Le National Preservation Film Board établit une liste des films
significatifs conservés à la Bibliothèque du Congrès de Washington.
En France, le Centre national de la Cinématographie a financé un plan de
sauvegarde des films, pour transférer les supports nitrate, puis acétate, sur
supports de sécurité. Mais c’est le dépôt légal obligatoire des films qui
assure prioritairement la sauvegarde du patrimoine national. Ce dépôt légal
est géré par la Bibliothèque nationale et le Service des archives du film,
même si ce sont les musées qui conservent le patrimoine artistique de la
nation et qui sont chargés de sa valorisation symbolique (pour le cinéma :
Musée d’Orsay, Centre Georges-Pompidou, Musée des Arts décoratifs,
Musée du cinéma – Cinémathèque française).
Cette prise de conscience patrimoniale a été accentuée par les dernières
mutations technologiques qui ont amené le remplacement du support sur
pellicule par l’enregistrement et la reproduction numérique. Toutefois, on
s’aperçoit depuis peu que la conservation sur support numérique est plus
délicate que sur support argentique, et la plupart des grandes archives
mondiales sont revenues à la conservation sous forme de copies argentiques
en noir et blanc (pour les films en couleurs, trois copies noir et blanc, une
pour chaque primaire).

➦ ARCHIVES, CINÉMATHÈQUE, CONSERVATION, MUSÉE, RESTAURATION

PÉDAGOGIE
Sciences humaines Ensemble des méthodes et pratiques visant à éduquer,
la pédagogie entretient une double relation au cinéma :
–  d’une part comme outil d’appoint, les films pouvant venir à
l’appui de tous les autres outils (livres, cours oraux, etc.) pour
diffuser du savoir et le travailler ;
–  d’autre part comme objet d’étude et d’apprentissage. En France,
diverses mesures ont été prises depuis les années 1980, pour
favoriser la connaissance du cinéma  ; en particulier, des
enseignements optionnels ont été mis en place dans les collèges et
lycées, et chaque année trois films du répertoire figurent au
programme de l’« option cinéma » du baccalauréat.
On distingue également des méthodes pédagogiques différentes
permettant d’enseigner ces objets bien spécifiques que sont les films, ou
l’histoire du cinéma, mais la réflexion sur la pédagogie propre à ces objets
est encore fort peu développée (Bergala, 2002).

➦ CINÉPHILIE
 
  JACQUINOT, 1977, 1985 ; BERGALA, 2002

PEINTURE
Art Dans sa recherche de légitimité culturelle, le cinéma s’est d’abord
voulu l’héritier du théâtre, art aux origines anciennes et mythiques qui
pouvait faire oublier l’idée, trop peu artistique, de la «  photographie en
mouvement  », et de la littérature, dont il reprenait les grandes formules
narratives. La référence à l’art pictural a d’abord le plus souvent passé par
la scénographie, en un sens théâtral  ; les premières superproductions, par
exemple (Pastrone, Cabiria, 1914  ; Griffith, Intolerance, 1916), ont
beaucoup repris des thèmes et des figures de la peinture symboliste, en
général de la peinture fin-de-siècle, en les inscrivant dans des décors
gigantesques et luxueux.
La parenté esthétique entre cinéma et peinture est plus profonde, et elle a
été cherchée, depuis les années 1980, dans l’idée que le cinéma succède à la
peinture comme dispositif de traduction symbolique des façons de voir et de
regarder le monde (Aumont, 2007 ; Casetti, 2008). Cette parenté affecte dès
lors deux éléments cinématographiques principaux  : le cadrage, dont la
mobilité de principe absolue réalise ce que la peinture, notamment de
paysage, n’avait fait qu’indiquer utopiquement, jusqu’à l’extrême du
« décadrage » (qui à vrai dire est aussi d’origine photographique) (Bonitzer,
1986) ; la figuration des effets lumineux, à propos de laquelle le cinéma a
souvent cherché à égaler et imiter les sensations produites en peinture.
Il est aussi de très nombreux cas, plus superficiels, de citations de
tableaux ou de styles picturaux, depuis l’expressionnisme et les avant-
gardes jusqu’à la mode « maniériste » à partir des années 1970 (Fiant et al.,
2014).

➦ CADRE, EXPRESSIONNISME, MANIÉRISME, TABLEAU


 
  DE HAAS, 1985 ; BONITZER, 1986 ; BELLOUR, 1999 ; AUMONT, 2007 ; BONFAND,
2007 ; VANCHERI, 2007

PELLICULE
Technique Ce terme de capilliculture a désigné par catachrèse, depuis la fin
du XIXe, le support fin et souple destiné à la photographie (par opposition
aux plaques rigides), puis la bande souple adaptée au cinéma  ; il fut
rapidement concurrencé par l’anglicisme film, mais l’usage réserve plutôt
ce dernier terme à l’œuvre enregistrée, et celui de pellicule au support
matériel.
Il a existé de nombreux formats de pellicule ; les plus courants furent le
35  mm (pour les films industriels et commerciaux) et le 16  mm (pour les
films indépendants), mais l’industrie développa aussi des formats plus
larges (le 70  mm, encore utilisé par Tarantino en 2015 pour Les Huit
Salopards), et inversement, le cinéma amateur utilisa le 9,5  mm, puis le
8 mm.
Les pellicules sont composées d’un support qui en assure la solidité, et
d’une émulsion, qui contient les pigments et constitue l’image. Le support a
d’abord été en nitrate de cellulose, matériau facilement inflammable qui fut
remplacé vers 1950 par un acétate, moins fragile, puis par du polyester.
L’émulsion contient généralement des sels d’argent –  d’où l’adjectif
«  argentique  », qui désigne à présent le procédé d’enregistrement et de
projection de copies de film sur pellicule.

➦ CONSERVATION, NITRATE, NUMÉRIQUE

PENSÉE
Philosophie Le terme, au sens large, englobe tous les phénomènes de
l’esprit, par opposition aux sentiments et volitions. Dans un sens plus strict,
il désigne l’entendement et la raison comme capacités de comprendre la
matière de la connaissance et de faire une synthèse plus approfondie que la
perception, la mémoire ou l’imagination.
Dans la création esthétique, la part de la pensée ne se réduit pas à une
fonction de contrôle de l’invention formelle. Celle-ci est elle-même
empreinte de pensée, qui n’est que la face intellectuelle d’un processus
engageant toutes les facultés créatrices. L’art tout entier peut être défini
comme une forme de pensée qui refuse de renoncer à l’émotion, à la
sensibilité, et à la sensualité. C’est dans ce dernier sens qu’on a pu affirmer
que le cinéma a la capacité d’engendrer ou de susciter des concepts : « Une
théorie du cinéma n’est pas “sur” le cinéma, mais sur les concepts que le
cinéma suscite, et qui sont eux-mêmes en rapport avec d’autres pratiques,
la pratique des concepts en général n’ayant aucun privilège sur les autres,
pas plus qu’un objet n’en a sur les autres » (Deleuze, 1983).
Comme l’avaient déjà affirmé Eisenstein ou Epstein, « le cinéma est une
nouveauté absolue, en tant que lieu d’idéation, et en cela seulement  ».
L’objet de l’analyse de films peut donc se définir comme « l’image animée
en tant qu’elle se pense comme image, en tant qu’elle produit de la
pensée », les images mouvantes pouvant dire ce qu’aucun discours avant
elles n’avait articulé, notamment par le biais d’inventions figuratives
(Brenez, Schefer, Dubois, etc.).

➦  ANALYSE TEXTUELLE, DELEUZE, MONTAGE INTELLECTUEL, PHILOSOPHIE


DU CINÉMA
 
  EISENSTEIN, 1945-1947 ; EPSTEIN, 1946, 1955 ; CAVELL, 1979 ; DELEUZE, 1985 ;
RUIZ, 1995, 2006 ; BRENEZ, 1998 ; LEUTRAT, 2009

PÉPLUM
Genre Le terme (repris du latin peplum qui désigne un vêtement) apparaît
dans la critique française vers 1958-1959 pour désigner des productions
italiennes populaires représentant de manière très fantaisiste des
personnages de l’antiquité gréco-romaine. L’un des premiers films qualifié
de péplum est celui de Pietro Francisci Les Travaux d’Hercule (Le Fatiche
di Ercole), avec l’athlète américain Steve Reeves dans le rôle d’Hercule.
La tradition du film reconstituant l’Antiquité est très précoce dans le
cinéma italien des origines, jusqu’à Cabiria, puis dans le cinéma américain.
Mais le terme de péplum ne s’applique qu’à la production italienne, puis
américano-italienne, de films à sujets antiques de la fin des années 1950 aux
années 1970. Ce ne sont pas des superproductions à budgets colossaux mais
plutôt du « cinéma bis », exploitant les techniques de trucage, l’écran large
et la couleur, pour des récits toujours à la limite de la parodie et ne
cherchant pas la vraisemblance. Cette forme de cinéma marque un retour
aux « attractions foraines » des origines.
Au sein des contraintes du genre et d’un budget réduit, certains
réalisateurs ont su développer un style personnel, tels Cottafavi (La
Vengeance d’Hercule, 1960), Freda (Maciste aux enfers, 1962) ou Tessari
(Les Titans, 1962). Le culte du second degré du cinéma populaire des vingt
dernières années (par exemple Tarantino, Kill Bill : Volume 1 et 2), se situe
dans l’héritage du péplum et du film de sabre asiatique. De même les
adaptations de la bande dessinée d’Uderzo et Goscinny représentant les
exploits d’Astérix appartiennent à la tradition du péplum des années 1960.

  AUBERT, 2009 ; DUMONT, 2009 ; FOURCART, 2012

PERCEPTION
Psychologie La perception est l’organisation des sensations brutes qui sont
produites par les organes des sens  ; c’est elle qui nous permet
d’appréhender de façon cohérente notre environnement et d’y réagir.
Le cinéma mobilise essentiellement deux modes de perception : auditive
et visuelle, correspondant toutes deux à des sens à distance (par opposition
aux sens de contact : goût et toucher). La perception sonore au cinéma est
proche de ce qu’elle est dans tous les moyens de reproduction sonore : elle
est fortement analogique (on peut tromper l’oreille plus facilement que
l’œil) ; elle est acousmatique (sa source demeure cachée).
De la perception visuelle, le spectacle cinématographique utilise surtout
les propriétés physiologiques concernant les phénomènes transitoires. Outre
l’effet phi (intégration de stimuli discontinus en un mouvement apparent),
le plus important de ces phénomènes est le scintillement de l’image
cinématographique ; si l’on offre à l’œil des stimuli lumineux à intervalles
réguliers (comme c’est le cas des images projetées l’une après l’autre sur
l’écran de cinéma), ceux-ci sont perçus séparément en dessous d’une
certaine fréquence, dite «  fréquence de fusion  », qui dépend de la
luminosité mais se situe, dans les cas normaux, aux environs de 30 à
40  Hz  ; il en résulte une sensation désagréable, le scintillement, que les
premiers constructeurs de projecteurs s’efforcèrent de supprimer en
augmentant la vitesse de projection, puis en doublant ou triplant, par une
astuce mécanique, le nombre de projections de chaque image – de sorte que
24 images par seconde produisent 48 ou 72 projections, et que la fusion a
lieu pour l’œil, qui ne voit plus de scintillement.
Les études de psychologie de la perception visuelle appliquées au cinéma
concernent surtout la question de l’analogie, et rejoignent l’étude de la
perception des images en général. Les théories récentes mettent l’accent
tantôt sur la présence, dans l’image, d’« invariants » perceptifs qui seraient
exactement les mêmes que dans le monde réel (l’horizon, les phénomènes
perspectifs, les gradients, l’éclairage venant du haut, etc.), tantôt, au
contraire, sur ce qu’implique de construction «  cognitive  » la perception,
dans une image, d’un analogon du monde réel, à partir de perceptions
partielles de la luminosité, des « bords » visuels, des indices de profondeur,
d’un éventuel mouvement apparent, etc. (c’est par exemple l’approche
«  constructiviste  » de Hochberg). Malgré les apparences, ces théories ne
sont pas inconciliables  : les unes insistent sur l’aspect inné de toute
perception des images en référence au monde sensible (si nous voyons des
images, c’est que nous sommes naturellement prédisposés à y reconnaître
« quelque chose » du monde), tandis que les secondes essaient d’analyser et
de comprendre le mécanisme par lequel cette référence est possible et
produite.

➦  ANALOGIE, EFFET PHI, IMAGE, IMPRESSION DE RÉALITÉ, MOUVEMENT


APPARENT, VISIBLE, VISUEL
 
    MERLEAU-PONTY, 1948-1966  ; WORTH & ADAIR, 1972  ; DE LAURETIS &
HEATH, 1980 ; GALLESE & GUERRA, 2015

PERSISTANCE RÉTINIENNE
Physiologie, psychologie Phénomène chimique qui occasionne une
persistance des impressions lumineuses après que leur cause a cessé. Cette
persistance est d’autant plus forte et plus longue que l’exposition à la
lumière a elle-même été plus longue et plus intense.
On a longtemps cru (et on lit encore parfois) que ce phénomène
expliquait la perception du mouvement apparent au cinéma. Cela est
grossièrement faux (et d’ailleurs illogique  : on voit mal comment une
persistance pourrait expliquer un changement), et le rôle de ce phénomène
dans la perception de l’image cinématographique est très secondaire. Il
n’est pas exclu, en revanche – quoique cela ne soit pas démontré – qu’elle
en joue un dans la perception de l’image vidéographique, qui repose sur le
balayage de l’écran, et non sur la substitution brusque d’une image à une
autre.

➦ EFFET PHI, PERCEPTION

PERSONNAGE
Narratologie L’étymologie grecque du terme latin persona désignait le
masque, c’est-à-dire le rôle tenu par l’acteur. Celui-ci était nettement
détaché de son «  personnage  » dont il n’était que l’exécutant et non
l’incarnation. L’évolution du théâtre occidental est marquée par un
retournement complet de cette perspective, identifiant le personnage de plus
en plus à l’acteur qui l’incarne, et le muant en une entité psychologique et
morale, chargée de produire sur le spectateur un effet d’identification.
Le cinéma a hérité de cette conception du personnage, même si pendant
la première décennie, celle du film dit primitif, l’acteur incarna plutôt un
type social, une figure, un stéréotype (le militaire et la bonne d’enfant, par
exemple), qu’une entité psychologique à part entière. Corrélativement,
l’incarnation par un acteur (de chair et d’os, mais représenté filmiquement
par des images et des paroles) est le mode le plus habituel de représentation
du personnage de cinéma (il existe d’autres modes possibles, par exemple
par le moyen de descriptions ou de narrations verbales, comme dans India
Song de Duras).
On distingue deux grandes dimensions du personnage de film :
–  l’être et le faire du personnage, c’est-à-dire l’attribution de traits
physiques, ceux de l’acteur, son costume, son maquillage, ses
traits psychologiques et moraux signifiés par ses actes et ses
paroles, ses gestes et son comportement,
–  la différenciation, par contraste, complémentarité, opposition,
similitude, avec  les autres personnages (Laurel et Hardy  ;
Monsieur Dufour et Anatole dans Partie de campagne ; les sept
nains de Blanche-Neige).
Le personnage de film se situe donc entre l’actant, au sens de Greimas, et
l’acteur (l’entité figurative anthropomorphe qui l’incarne, car un animal ou
un objet peuvent également « jouer » des personnages). L’acteur apporte en
outre avec lui la série des rôles, c’est-à-dire des autres personnages de films
qu’il a précédemment interprétés. Cette intertextualité figurative joue un
rôle de premier plan dans le cas de la star dont les rôles s’additionnent pour
produire un personnage suprafilmique (telle Greta Garbo dans les
mélodrames des années 1920). Un «  même  » personnage peut également
être interprété par des acteurs différents, comme dans le cas des remakes et
des séries  : plusieurs acteurs ont incarné James Bond, Tarzan ou Maigret,
conférant à chaque fois un nouveau visage au personnage.

➦ ACTANT, ACTION, DRAME, HISTOIRE, NARRATOLOGIE, RÉCIT, THÉÂTRE


 
  VANOYE, 1979 ; GARDIES, 1993 ; RUIZ, 1995 ; TRÖHLER ET AL., 1998

PERSPECTIVE
Géométrie, idéologie, esthétique, technique 1. Géométrie. La perspective
est une transformation géométrique, consistant à projeter l’espace
tridimensionnel sur une surface plane selon certaines règles. Ces règles sont
variables, et il existe un assez grand nombre de systèmes perspectifs.
Dans la pratique, deux types principaux ont été utilisés : les perspectives
à centre, où des droites parallèles entre elles dans l’espace à trois
dimensions sont transformées en droites ou en courbes convergentes en un
point  ; les perspectives non centrées, où les parallèles restent parallèles
(exemples fréquents dans la gravure japonaise). D’autres types ont eu une
existence attestée mais moins systématique, comme la perspective «  en
arêtes de poisson » (Panofsky, 1924) ou les perspectives curvilignes.
2. Idéologie. Certains systèmes perspectifs sont utilisés de façon
expressément conventionnelle (e.g. l’axonométrie des architectes). Les
systèmes historiquement utilisés dans la représentation picturale sont
également conventionnels, mais ils ont été choisis pour correspondre à une
certaine idée du monde et de sa perception. La perspective cavalière de
l’estampe japonaise, la perspective « inversée » de l’enluminure médiévale
correspondent à une prééminence des valeurs symboliques sur le réalisme
visuel. Au contraire, le système prédominant dans la peinture occidentale à
partir du XVe  siècle (la perspectiva artificialis) cherche à copier la
perception naturelle (perspectiva naturalis), donnant ainsi à la vision un
rôle de modèle pour la représentation. C’est ce qu’exprime l’idée que la
perspective est une «  forme symbolique de notre perception  » (Panofsky,
1924).
La perspectiva artificialis fournit davantage d’indices de profondeur que
tout autre système, donc un rendu de l’espace plus fortement analogique
(généralement jugé plus réaliste). Au moment de son invention, elle a été
prise dans des spéculations philosophico-mathématiques, d’inspiration néo-
platonicienne, la définissant comme système fortement symbolique
(chrétien  : ainsi le rayon central fut-il d’abord appelé «  rayon divin  »).
Autour de 1970, on l’a interprété comme un système dont le centrement
traduirait figurativement l’émergence du sujet dans l’Humanisme ; c’est une
idée historiquement approximative, la conception moderne du sujet n’étant
constituée que progressivement, de Descartes aux Lumières et au
Romantisme. Néanmoins, cette idée a été beaucoup reprise à propos des
techniques photographiques et cinématographiques, qui utilisent par
construction, le plus souvent, la perspectiva artificialis  ; on y a vu, à une
époque, un moyen de réactiver et de diffuser «  automatiquement  » une
idéologie «  bourgeoise  », traduisant un rapport propriétaire à la réalité
(Comolli, Pleynet, Brakhage).

➦ CAMÉRA, ESPACE, IDÉOLOGIE, ILLUSION, POINT DE VUE, REPRÉSENTATION


 
  BRAKHAGE, 1963 ; COMOLLI, 2009 ; AUMONT, 2010

PERSPECTIVE TEMPORELLE
Psychologie, philosophie Par analogie avec la perspective (choix d’un
point de vue et d’un mode de représentation des corps dans l’espace), on
peut parler de perspective temporelle pour signifier le choix d’un moment
depuis lequel on observe et représente des événements dans le temps. Le
cinéma, qui utilise la perspective pour ses images rectangulaires, produit
une perspective temporelle par tous les moyens grâce auxquels il peut agir
sur la représentation du temps ou la production d’un temps : variations de la
vitesse (accéléré, ralenti, arrêt sur l’image), inversions chronologiques
(filmage à l’envers, flash-back), «  mise à plat  » et reconstitution de la
dimension temporelle, par montage. C’est ainsi qu’Epstein (1924) a pu
considérer que le cinéma créait un temps différent du temps réel (donc
suggérait l’existence d’un autre monde, aussi matériel que le nôtre). Cette
idée a été commentée par Deleuze (1983) : « le cinéma (…) donne un relief
dans le temps, une perspective dans le temps : il exprime le temps lui-même
comme perspective ou relief ».

➦ EPSTEIN, FOCALISATION, TEMPS


 
  EPSTEIN, 1974, 1975 ; RUIZ, 1995

PERTINENCE
Linguistique, sémiotique L’usage linguistique, puis sémiologique de ce
terme a mis l’accent sur sa racine latine, qui signifie l’appartenance. Le sens
d’un énoncé verbal, ou d’une image, peut se comprendre, mais seulement
selon certains axes et selon certaines régularités –  selon certaines
pertinences. Un effet de sens mis en évidence dans un texte ou un film
« appartient » ainsi à une construction propre à l’analyse dans laquelle cet
effet est repéré. Cela ne signifie pas que le sens est arbitraire, mais qu’il est
strictement dépendant de l’axe (objectif) choisi pour le construire. Dans une
scène de film, par exemple, un geste pourra être considéré comme dépourvu
de signification selon une pertinence compositionnelle ou plastique, mais au
contraire très significatif selon une pertinence dramatique. Le souci de
l’analyste de films qui veut éviter l’interprétation arbitraire est donc de
pouvoir définir à chaque instant la pertinence à laquelle il rattache les
significations qu’il propose.

➦ CODE, SÉMIOLOGIE
 
  METZ, 1971 ; AUMONT, 1996
PHÉNOMÉNOLOGIE
Philosophie Mouvement philosophique fondé par Husserl, et qui reprend
sur des bases neuves l’entreprise réflexive inaugurée par Descartes. Il s’agit
de réfléchir sur notre compréhension du monde et sur la relation entre les
choses et notre pensée, mais en s’efforçant de surmonter le dualisme
cartésien, perçu comme une limitation voire une aporie. Le geste premier,
dans cette approche, est la «  réduction éidétique  » (du grec eidos  : idée,
essence), qui fait passer du phénomène empirique ou existentiel à son
essence.
La phénoménologie de Husserl a influencé plusieurs philosophes, de
Heidegger à Sartre, Merleau-Ponty et Levinas. C’est surtout à partir de ces
auteurs de langue française que la phénoménologie a pu influencer,
indirectement, la réflexion sur le cinéma. Merleau-Ponty lui-même (1948) a
envisagé dans ce cadre une « nouvelle psychologie » du cinéma, partant de
la prémisse qu’il n’y a pas un « moi » s’opposant à l’univers concret, mais
une conscience qui envahit les diverses situations et qui se confronte aux
autres consciences  ; c’est notamment à partir de là que l’on peut saisir
pleinement le réalisme du cinéma. D’une part, un film a un sens comme les
choses ont un sens  ; tous «  s’adressent à notre pouvoir de déchiffrer
tacitement le monde ou les hommes et de coexister avec eux » ; d’autre part,
un film traduit les états d’âme en comportements  : de cette façon, il les
objective, sans toutefois en faire des actions indépendantes, et tout en leur
laissant la possibilité d’être appréhendés.
On perçoit l’influence des grands thèmes phénoménologiques chez la
plupart des théoriciens français des années 1940 à 1960, de Bazin (proche
de certaines thèses « existentialistes » de Sartre) à Metz (via la question de
la perception et du regard), voire au delà, les thèses de Merleau-Ponty par
exemple ayant fortement imprégné toute l’entreprise lacanienne, elle-même
au fondement de nombreux travaux des années 1970. À date plus récente, la
phénoménologie, dans la version qu’en a élaborée Jean-Luc Marion, est au
fondement du travail critique et théorique d’Alain Bonfand, notamment à
propos d’Antonioni.

➦ BAZIN, MERLEAU-PONTY, PERCEPTION, RÉALISME


 
  MERLEAU-PONTY, 1948 ; BAZIN, 1958-1962 ; MUNIER, 1963-1989 ; ZERNIK, 2010
PHILOSOPHIE DU CINÉMA
Sciences humaines, critique La philosophie est un système de réflexion
critique sur les questions relatives à la connaissance et à l’action.
Le cinéma a été très tôt objet de réflexion critique de la part de
psychologues (Münsternberg) ou de sociologues (Kracauer), mais les
philosophes qui s’intéressaient à la durée vécue comme Bergson ou à
l’imaginaire comme Sartre n’ont pas véritablement manifesté d’intérêt dans
leurs travaux philosophiques pour l’art des images en mouvement. On
trouve cependant quelques considérations perspicaces consacrées au cinéma
chez Merleau-Ponty (1948) ou Della Volpe (1954), qui met en évidence
l’existence d’une composante intellectuelle dans l’image filmique,
parfaitement superposée à son caractère iconique et l’assimilant à une sorte
de signe. Il fallut attendre les années 1970 et 1980 pour voir des
philosophes professionnels consacrer des ouvrages de fond à la pensée
cinématographique (Cavell, Deleuze).
La philosophie du cinéma fut donc le plus souvent l’œuvre de francs-
tireurs, cinéastes (Epstein, Eisenstein, Pasolini, Tarkovski) et critiques
(Bazin, Daney, Barbaro), ou de marginaux comme Gilbert Cohen-Séat, qui
fut à l’origine de la création de l’Institut de filmologie de la Sorbonne. Au
sein de cet Institut la philosophie fut représentée par un esthéticien, Étienne
Souriau, inventeur du vocabulaire de la filmologie. Cependant, après
l’intervention de Deleuze et tous les auteurs qui l’ont commenté, des
philosophes professionnels de plus en plus nombreux ont écrit sur le
cinéma, tels Badiou, Rancière, Chateau, During ou Dufour en France et
bien d’autres à l’étranger, principalement aux États-Unis.

➦ CAVELL, DELEUZE, FILMOLOGIE, PENSÉE, PHÉNOMÉNOLOGIE


 
  CARROLL, 1988 ; CHATEAU, 2003 ; BERTETTO, 2014

PHOTOGÉNIE
Esthétique L’image photographique est d’abord apparue comme une sorte
de perfectionnement de la peinture, mais on a vite aperçu qu’elle possédait
des qualités différentes. Le mot «  photogénie  » est apparu en 1851 pour
désigner les objets qui «  produisent  » (en fait  : qui réfléchissent) de la
lumière, suffisamment pour impressionner la plaque photographique. Le
terme a désigné, progressivement, une qualité de cette «  production de
lumière  », et des objets associés. L’objet photogénique –  souvent, un
visage  – est celui qui «  rend  » bien en photographie, qui est valorisé par
elle, qui apparaît sous un jour inattendu, intéressant, poétique, charmant.
La réflexion esthétique sur le cinéma s’est approprié le terme au
lendemain de la guerre de 14-18, et on trouve chez Cendrars ou Epstein, de
nombreuses pages consacrées à ce «  mystère  » d’une augmentation
sensorielle et sensible de la réalité par son filmage. La photogénie n’est pas
le propre de tous les objets, encore moins de tous les films : pour Epstein,
elle définit une conception du cinéma, qu’il illustra par certains usages du
ralenti, du gros plan, et le goût pour certains éclairages.
La notion s’est ensuite banalisée et appauvrie, passant dans le
vocabulaire courant de la photo de mode, voire de la photo tout court (et
donnant, par analogie, des dérivés comme télégénique, pour désigner un
visage qui fait bonne impression en télévision)  ; en cinéma, c’est à
Hollywood que la pratique en subsista, autour de la notion de glamour
(éclat séducteur de la star, dans les conditions voulues de maquillage et
d’éclairage).
On peut cependant rattacher à cette idée la conception « ontologique » de
l’image photographique, surtout dans la variante de S. Kracauer, qui parle
de la révélation des « choses normalement non vues » comme d’une sorte
d’essence de cette image.

➦ GLAMOUR, GROS PLAN, MUET, ONTOLOGIE


 
  BALÁZS, 1924 ; KRACAUER, 1960 ; EPSTEIN, 1974-1975

PHOTOGRAMME
Technique Le photogramme est l’image unitaire de film, telle qu’elle est
enregistrée sur la pellicule ; à partir de la standardisation du cinéma parlant,
le procédé argentique reposait sur 24  photogrammes par seconde de film.
Chaque photogramme est une photographie, prise à une vitesse relativement
lente correspondant au temps d’exposition de la pellicule à chaque arrêt de
son avance dans le couloir de la caméra (environ 1/50  s)  ; aussi les
mouvements rapides s’y traduisent-ils par des flous. En projection, le
photogramme n’est jamais vu individuellement, mais fondu, par effet phi,
avec ceux qui le précèdent et le suivent, donnant une impression de
mouvement.
Le photogramme a été théoriquement pris en considération de multiples
manières : par les théories de la perception visuelle (Anderson, Hochberg &
Brooks [in De Lauretis & Heath]) ; par la sémiologie structurale, qui s’est
demandé jusqu’à quel point il pouvait jouer le rôle d’unité minimale du film
(Metz, Gheude)  ; par des considérations d’inspiration indirectement
phénoménologique, glosant le paradoxe de l’inscription du mouvement
dans l’immobile (Pierre) ; par la sémiotique du film, qui y a vu le lieu d’un
phénomène sémantique et symbolique propre, le «  troisième sens  »
(Barthes, 1970) ; enfin, par la philosophie de la différence et de la mobilité,
développant en l’occurrence des intuitions de Bergson (Deleuze, 1983).
Bien évidemment, le procédé numérique a rendu cette notion obsolète.
D’une copie numérique d’un film, on peut isoler des images fixes en
arrêtant le défilement, et même les reproduire (grâce à un logiciel de
« capture d’image »). Mais ces images n’ont d’existence que virtuelle, et ne
sont pas matériellement incarnées sus la forme de petites photographies,
comme l’était potentiellement le photogramme.

➦ ARGENTIQUE, EFFET PHI, MOUVEMENT APPARENT


 
  PIERRE, 1971 ; KUNTZEL, 1973 ; DE LAURETIS & HEATH, 1980 ; STEWART, 1999

PHOTOGRAPHE DE PLATEAU
Métier, institution Le photographe «  de plateau  » est un employé de la
production, chargé de prendre des vues du tournage d’un film, à vocation
publicitaire. À l’époque classique, cet employé des grands studios avait
surtout à réaliser des équivalents de certaines scènes clefs du film  ;
toutefois, dans de nombreux cas, il réalisait aussi des photos du tournage
lui-même, montrant la caméra, les éclairages, voire certains trucages, et les
principaux techniciens (réalisateur, chef opérateur).
Les photos de plateau ont été longtemps le matériel de base de la
publicité des films  ; elles étaient affichées à l’entrée des salles de cinéma
(voir une scène célèbre des 400 Coups où Jean-Pierre Léaud vole une de ces
images). Elles ont longtemps été aussi les seules illustrations possibles pour
les critiques de film  ; peu à peu, les magazines et revues spécialisés ont
préféré, chaque fois qu’ils le pouvaient, reproduire des photogrammes
extraits du film lui-même. (Il faut noter toutefois qu’un photogramme,
même bien choisi, n’est pas forcément plus représentatif d’une scène de
film qu’une photo de plateau, laquelle a été justement pensée en vue de
cette représentativité).
À date récente, les photographes de plateau ont cherché à se faire
reconnaître comme des créateurs, et notamment, à défendre leur droit
d’auteur (moralement et financièrement) sur les photos qu’ils avaient
réalisées. L’évolution du droit en la matière leur a généralement donné
raison.

➦ PHOTOGRAMME

PHOTOGRAPHIE ET CINÉMA
Art, esthétique, technique, intermédias Le cinéma est d’origine
photographique, mais la photographie et le cinéma, en tant que techniques
et en tant qu’arts, ont évolué de manière tout à fait différente. Si l’un et
l’autre ont été tentés par l’imitation de la peinture, et ont connu des
épisodes significatifs en ce sens (le pictorialisme en photo, le caligarisme en
cinéma, pour rester au début du XXe siècle), on peut dire globalement que la
photographie a été vouée au documentaire, et le cinéma, à la fiction.
Cependant, de même qu’entre le cinéma et la peinture, il a existé de
nombreux échanges, plus ou moins manifestes. Dans le cinéma « moderne »
(celui des auteurs des années 1950-1960), la photo hante les fictions
cinématographiques, du Petit Soldat (Godard, 1961), avec sa réflexion sur
«  la vérité  », aux héros photographes d’Antonioni (Blow-up, 1966  ;
Profession Reporter, 1975), ou aux Polaroids de Memento (Nolan, 2000).
La photo, avec son immobilité, a représenté, pour nombre d’essais filmés (à
commencer par ceux de Marker), un pôle de référence constant, et pour des
films de fiction, un horizon à la fois impossible et fascinant, celui de l’arrêt
du temps (Bellour, 1987). Inversement, la photographie a été tentée par la
représentation du mouvement (par le flou ou la surimpression), ou du
passage du temps (par la série).
➦ FICTION, TEMPS
 
  BELLOUR, 1990

PLAN
Technique, esthétique 1. L’image de film est imprimée et projetée sur une
surface place : c’est l’origine du mot « plan », qui désigne donc le plan de
l’image. Dans la mesure où cette image représente un certain champ, le plan
de l’image est parallèle à une infinité d’autres plans imaginaires, étagés « en
profondeur » le long de l’axe de prise de vues. On dira ainsi qu’un sujet se
trouve à l’arrière-plan, ou au premier plan (l’expression « avant-plan », plus
logique, n’est pas courante), selon qu’il est plus ou moins éloigné en
apparence.
2. Dans un certain nombre d’expressions, le mot «  plan  » est pris comme
substitut approximatif de « cadre » ou « cadrage ». C’est le cas dans tout le
vocabulaire de l’échelle des plans, ou dans la locution «  plan fixe  », qui
désigne une unité de film durant laquelle le cadrage reste fixe par rapport à
la scène filmée (c’est le « contraire » du « mouvement de caméra »).
3. Par extension, le mot en est venu à désigner une image filmique unitaire,
telle que perçue dans le film projeté. Il s’agit, là encore, d’une notion
d’origine empirique  : le plan est, dans le film terminé, ce qui reste d’une
prise effectuée lors du tournage. Comme la prise, il se caractérise avant tout
par sa continuité, et malgré son caractère tautologique, la définition ne peut
en être que celle-ci : « un plan est tout morceau de film compris entre deux
changements de plan ».
Comme la plupart des notions d’origine pratique, celle-ci est trop peu
précise pour être un concept théorique. La perception même d’un film peut
être sujette à caution, lorsque les changements de plan (les collures
effectuées au montage) sont extrêmement rapprochés, ou lorsqu’ils sont
eux-mêmes difficilement perceptibles (par exemple parce qu’ils se
produisent dans un mouvement de caméra très rapide, ou parce qu’ils se
produisent dans un fondu enchaîné, etc.). Cette notion n’est donc pertinente
et efficace que pour l’analyse de films proches du modèle classique, dans
lequel les plans ne sont ni trop longs, ni trop courts  ; elle prend alors sa
place, entre le photogramme et le segment, dans les unités du discours
filmique.
La notion de plan a été critiquée par des cinéastes et des théoriciens lui
reprochant, outre son flou, sa soumission jugée excessive au modèle du
montage classique. Eisenstein (1929), repris par Bonitzer (1982) a suggéré
de lui substituer le concept de fragment de film, à définir plus
rigoureusement. La critique est encore plus radicale chez Vertov  ; les
surimpressions multiples et le montage hyper-court du finale de L’Homme à
la caméra (1929) rendent par exemple impossible la référence à un
quelconque découpage en plans ; cette remarque vaudrait pour beaucoup de
films expérimentaux, mais Vertov l’accompagne d’un discours théorique
plus soutenu, critiquant la notion de plan en raison de sa référence jugée
dangereuse à l’idée d’un sujet regardant.
4. Dans le contexte «  classique  », on a parfois parlé d’un «  cinéma du
plan », opposé à un « cinéma de la scène », le second mettant l’accent sur
les grandes unités narratives, et donc s’intéressant moins à raffiner chaque
plan pour lui-même, tandis que le premier travaille davantage les caractères
du plan comme le cadrage et la « composition ».

➦  CADRAGE, CADRE, COMPOSITION, ÉCHELLE DES PLANS, GROS PLAN,


MOUVEMENT DE CAMÉRA, PLAN-SÉQUENCE, PHOTOGRAMME, REGARD,
SEGMENTATION
 
  MITRY, 1963-1965 ; BONITZER, 1982 ; BERGALA, 1999

PLAN-SÉQUENCE
Technique, esthétique Comme l’indique le terme, il s’agit d’un plan assez
long et articulé pour représenter l’équivalent d’une séquence. En principe, il
conviendrait donc de le distinguer de plans longs, mais où aucune
succession d’événements n’est représentée –  telle la célèbre scène de
conversation dans la cuisine de La Splendeur des Amberson (Welles, 1942).
Mais cette distinction est souvent difficile, et généralement, on parle de
plan-séquence dès qu’un plan est suffisamment long.
Pour la réflexion théorique, notamment sur le montage, le plan-séquence
a toujours été un objet encombrant ; il oblige à admettre qu’il peut y avoir
du montage à l’intérieur d’un plan (Eisenstein, Mitry), et pose de sérieux
problèmes à tout modèle de segmentation des films, comme le montrent les
difficultés de la grande syntagmatique de la bande image (Metz) à ce sujet.
Du point de vue esthétique, il a été défendu (à propos de Welles et Wyler)
par A.  Bazin, qui y voyait, de pair avec la profondeur de champ, un
instrument de réalisme, permettant d’éviter la fragmentation du réel, et
respectant donc à la fois ce réel lui-même et la liberté du spectateur.
Plusieurs auteurs (Mitry, Comolli) ont relevé que cette conception du
réalisme n’était qu’une possibilité parmi d’autres, et que d’ailleurs, le plan-
séquence n’est pas aussi « réaliste » et « transparent » que l’avait cru Bazin,
sa valeur dépendant des normes esthétiques en vigueur. La perspective est
différente chez Pasolini : « Aussi continue et infinie que soit la réalité, une
caméra idéale pourra toujours la reproduire, dans son infinitude et sa
continuité. Le cinéma est donc, en tant que notion primordiale et
archétypale, un plan-séquence continu et infini » (1966) ; il s’agit moins ici
de prôner un style de film que de définir un symbole voire un mythe
directeur du cinéma.
Le plan-séquence a toujours représenté un défi technique  ; longtemps
limité par la durée des bobines de pellicule, il a acquis avec le numérique la
possibilité d’être « continu et infini », comme en témoigne le genre récent
du one take film.

➦  BAZIN, GRANDE SYNTAGMATIQUE, MONTAGE, ONE TAKE FILM, PASOLINI,


PLAN, SEGMENTATION, SÉQUENCE
 
  BAZIN, 1950-1955 ; MITRY, 1963-1965 ; PASOLINI, 1967 ; COMOLLI, 2009

PLASTIQUE
Esthétique Dérivé d’un verbe grec qui signifie «  modeler  », l’adjectif est
utilisé depuis le début du XIXe  siècle pour qualifier les arts qui visent à
élaborer des formes visuelles. Le plastique se distingue du figuratif et du
représentatif en ce qu’il désigne les éléments constitutifs de l’image, sans
considération des formes particulières à la production desquelles ils sont
utilisés.
La peinture, puis la photographie, ont surtout travaillé les éléments
suivants : la surface de l’image et son organisation (sa « composition ») ; la
gamme des valeurs (noir, gris, blanc) et les contrastes auxquels elle donne
lieu  ; la gamme des couleurs et ses rapports de contraste  ; les éléments
graphiques (utilisation, notamment, dans la peinture abstraite, du répertoire
des formes simples comme la droite et le cercle) ; enfin, la touche, c’est-à-
dire le jeu sur la quantité et la répartition du pigment, de la pâte (une valeur
liée à la main, et que l’image photographique ne peut que simuler).
Le cinéma, en raison de la mobilité intrinsèque à ses images, ne peut
utiliser aussi simplement les valeurs plastiques, bien que certaines aient été
travaillées dans ce sens  : le graphisme et les contrastes de valeur dans les
courants expressionnistes, la composition dans bon nombre de films muets
(de La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer à ¡Que Viva Mexico!
d’Eisenstein)  ; la couleur (chez Godard ou Antonioni), etc. De façon
générale, cette utilisation par le cinéma de valeurs plastiques signale
souvent un désir d’imitation ou de référence à la peinture.
Au plan théorique, ce sont surtout les auteurs de la période muette qui ont
valorisé ces éléments, mais certains cinéastes théoriciens ont, après la
guerre, parfois défendu un rapprochement plus global avec la peinture. Le
numérique est censé avoir apporté une plus grande maîtrise sur la
composition de l’image (que l’on peut reprendre et modifier à volonté),
mais dans la pratique filmique, cela est le plus souvent assez peu sensible,
et c’est plutôt dans le domaine de l’art contemporain que l’on trouve des
tentatives systématiques en ce sens (voir par exemple l’œuvre de Jacques
Perconte).

➦ CADRE, COMPOSITION, FIGURE, REPRÉSENTATION


 
  ARNHEIM, 1932 ; FAURE, 1964 ; ROHMER, 1976 ; AUMONT, 1996

POÉSIE (CINÉMA DE)


Esthétique, rhétorique Constatant qu’il n’existe pas, dans le «  langage
cinématographique  », de dictionnaire abstrait ni d’équivalent d’une
grammaire rigoureuse, Pasolini (1965) en déduit que le cinéma est «  un
langage artistique, non conceptuel  ». Il devrait donc en découler
logiquement que le cinéma soit fondamentalement une «  langue de
poésie  ». Cela n’est pas le cas, en raison de la pression exercée
historiquement et culturellement sur le cinéma, qui a adopté
majoritairement une «  langue de la prose narrative  », tendanciellement
naturaliste. Contre ce cinéma majoritaire, Pasolini défend un «  cinéma de
poésie » conscient, dont il voit des témoins à toutes les époques de l’histoire
du cinéma, et qu’il définit par trois traits : une tendance technico-stylistique
« néo-formaliste » ; l’expression en première personne, notamment grâce au
style indirect libre ; l’existence de personnages porte-parole de l’auteur. Ce
dernier trait est la limite idéologique du cinéma de poésie, toujours menacé
d’être récupéré par la culture bourgeoise, puisque les auteurs de films sont
eux-mêmes le plus souvent des bourgeois.

➦ IDÉOLOGIE, INDIRECT LIBRE, PASOLINI, STYLE


 
  COCTEAU, 1957 ; PASOLINI, 1965 ; EPSTEIN, 1974 ; JOUBERT-LAURENCIN, 1995

POÉTIQUE
Esthétique, théorie de l’art Conformément à son étymologie (du grec
poiein : faire, créer), le mot désigne la théorie de la création des œuvres de
l’esprit, théorie souvent assortie de normes stylistiques, de la définition de
règles (voir L’Art poétique, d’Horace ou de Boileau).
Il n’y a pas, à proprement parler, de poétique du cinéma, sauf si l’on
considère ainsi les ouvrages prescriptifs écrits à l’intention des écoles de
cinéma (e.g. Koulechov, 1929). Les théoriciens du cinéma interviennent en
général post factum, et se soucient surtout de comprendre comment les
œuvres sont comprises. C’est donc plutôt chez les cinéastes (et certains
critiques, e.g. Agel, 1970) que l’on pourrait dégager une poétique implicite,
autour de trois questions :
1. « Qui crée ? » Question longtemps débattue, et à laquelle des réponses
très diverses ont été apportées. Le film a d’abord été vu comme création
collective (Faure, 1934  ; Panofsky, 1934-1947). Aux États-Unis, c’est le
producteur qui apparut comme gérant de fait ce collectif (donc comme une
espèce d’auteur de film par défaut)  ; en Europe, la querelle du parlant a
suscité deux positions assez opposées, l’une attribuant la responsabilité du
film au scénariste-dialoguiste (Pagnol), l’autre, à l’ensemble réalisateur-
opérateur-monteur (c’est la position de tous les manifestes contre le
parlant : Eisenstein-Poudovkine-Alexandrov, Clair, Chaplin). Enfin, après la
guerre, la « politique des auteurs » attribua la paternité de l’œuvre au seul
réalisateur. La question, qui a entre autres des implications économiques,
n’est pas décisivement tranchée, même si la majorité de la critique attribue
implicitement les films au réalisateur, entérinant une version molle de la
politique des auteurs.
2. «  Comment créer  ?  » Question pratiquement confondue, le plus
souvent, avec l’élaboration d’une esthétique ou d’une théorie. Les
formalistes russes, qui ont publié le seul ouvrage important intitulé Poétique
du cinéma (1927), en ont plutôt fait une stylistique, avec des prescriptions
comme celle de Tynianov : la « chose artistique » doit remplacer la « chose
visible  »  ; autrement dit, les moyens stylistiques ne doivent pas être
accidentels  ; ils doivent d’ailleurs cultiver la spécificité de l’image
cinématographique, jusqu’en ses défauts ou ses manques (une position
proche de celle d’Arnheim [1932], autour de la notion de facteurs de
différenciation).
3. « Quelles sont les conditions essentielles de l’art ? » Schefer, repris
et prolongé notamment par Brenez et Leutrat (1998), étudie les conditions
spécifiques au cinéma de l’art de l’apparaître et du disparaître, et pose que
ces conditions en offrent une véritable définition.
En fin de compte, ce sont les cinéastes qui ont livré les aperçus les plus
importants sur la création cinématographique  : le calcul du sens
(Eisenstein), celui de l’émotion (Eisenstein, Hitchcock, Nicholas Ray), la
production de la photogénie (Epstein), le respect de la réalité (Grierson,
Vertov), le développement des possibilités poétiques propres du cinéma
(Brakhage, Pasolini), la nécessité de s’inscrire dans une histoire des images
(Godard), etc.

➦ ESTHÉTIQUE, POLITIQUE DES AUTEURS, RUIZ, THÉORIE


 
  RUIZ, 1995 ; ALBERA, 1996 ; GREEN, 2009 ; LEUTRAT, 2009

POINT DE VUE
Narratologie La langue donne à cette expression trois registres de
signification, tous trois attestés dans la théorie du cinéma :
1. Un emplacement, réel ou imaginaire, depuis lequel une représentation est
produite. C’est le point depuis lequel un peintre qui utilise la perspective
linéaire organise son tableau  ; c’est, en cinéma, le point imaginaire,
éventuellement mobile, depuis lequel chaque plan a été filmé. Ce point de
vue est souvent identifié à un regard, et dans un film narratif, la question
sera de savoir si ce regard appartient à quelqu’un  : à un personnage (plan
«  subjectif  »), à la caméra, à l’auteur du film ou à son énonciateur ou
«  monstrateur  » (Gaudreault). Le marquage plus ou moins insistant de ce
point de vue correspond aux divers degrés d’ocularisation (Jost).
2. « La façon particulière dont une question peut être considérée », c’est-à-
dire, dans un récit, le filtrage de l’information et son assignation aux
diverses instances de la narration –  auteur, narrateur, personnages. En
pratique, c’est le problème du « mode » narratif (Genette), c’est-à-dire des
rapports entre l’histoire racontée et le récit  ; notamment, la question de la
focalisation plus ou moins complète du récit par un personnage (Jost,
Vanoye, Vernet).
3. Une opinion, un sentiment à propos d’un objet, d’un phénomène ou d’un
événement. Au cinéma, le marquage de ce point de vue est moins
clairement codé qu’en littérature, et il dépend davantage des normes
stylistiques et des styles individuels. Le cadrage est un de ses instruments
de prédilection, mais tous les moyens expressifs peuvent y concourir (e.g. la
grosseur de plan, le contraste des valeurs et des couleurs, le flou…). L’école
dite « impressionniste », entre autres, a cultivé ces effets ; dans El Dorado
(L’Herbier, 1924), un plan montre l’héroïne floue au milieu du plan parce
qu’elle est perdue dans ses pensées.

➦ FOCALISATION, NARRATOLOGIE, OCULARISATION, RHÉTORIQUE


 
  BRANIGAN, 1984 ; JOST, 1987 ; VERNET, 1987

POLITIQUE ET CINÉMA
Institution La politique est l’art et la pratique du gouvernement des
sociétés humaines. Le lien entre politique et cinéma existe depuis que celui-
ci s’est développé en termes industriels, qu’il a posé des problèmes de
relations et de commerce international (entre un cinéma mondial dominant
et des cinémas dominés) et d’identité culturelle. Pendant la période,
aujourd’hui révolue, où il constituait le spectacle de masse le plus
fréquenté, le cinéma représentait un enjeu politique pour les pouvoirs en
place.
L’étude du rapport entre cinéma et politique passe par une série de
questions de nature assez différente, qui font appel à des approches
disciplinaires particulières :
1°, l’étude de l’attitude du pouvoir politique dans le contrôle de la
production cinématographique. Certains États totalitaires (URSS, Chine,
etc.) ont utilisé la production cinématographique à des fins de propagande
et de production culturelle échappant aux lois du seul commerce. De même,
c’est l’État italien fasciste qui s’est préoccupé le premier, avec le concours
de la SDN et des démocraties occidentales, des missions éducatives du
cinéma (l’Institut européen du cinéma éducateur).
2°, les interventions publiques visant à contrôler ou organiser la
production : mise en place de la MPPDA aux États-Unis, du COIC puis du
CNC en France. Le MPPDA n’a pas seulement promulgué le célèbre « code
Hays » ; il est constamment intervenu auprès des gouvernements étrangers,
notamment européens, pour entraver toute mesure de contingentement,
c’est-à-dire d’exportation massive de films américains hors de leur
frontière. Le débat sur l’exception culturelle (sous diverses formes) existe
depuis 1918.
3°, les périodes où le cinéma traduit des phénomènes politiques dans les
scénarios des films : crise de 1929, films du New Deal, du Front Populaire,
cinéma militant autour de 1968 en France, en Italie et dans les pays du tiers-
monde, films américains de l’après-guerre du Vietnam, etc.
4°, on peut étudier, du point de vue des sciences politiques, les
« mythologies » ou les idéologies politiques du cinéma. Par exemple, dans
le cinéma français, les «  fictions de gauche  » des années 1970  ; plus
largement, les figures du pouvoir, la représentation de la démocratie, de la
dictature dans telle ou telle période historique : les comédies édifiantes de
Capra, les allégories politiques des cinémas de l’Est des années 1960
(Jancsó, Wajda, etc.).
5°, le cinéma affectionne certains personnages politiques, même si
l’image du politicien professionnel est souvent négative  : députés ou
anciens ministres (Les Nouveaux Messieurs, Le Député de la Baltique,
Welcome to New York), présidents (Vers sa destinée, Point Limite, Tempête
à Washington, Invictus, W. – L’improbable Président, Le Promeneur du
Champ-de-Mars, La Conquête), naïfs qui découvrent la politique (Monsieur
Smith au sénat, Topaze).
6°, enfin, comme une problématique bien datée l’a mis en évidence, on
peut aborder politiquement le cinéma de manière plus globale, par ses effets
idéologiques, sa fonction sociale, ses modes de représentation (cf. les
entrées Idéologie et Institution).

➦ IDÉOLOGIE, INSTITUTION, SOCIOLOGIE


 
  POLAN, 1981, 1986 ; DADOUN, 2000 ; DEHÉE, 2000 ; BAROT, 2008 ; COMOLLI, 2012

POLITIQUE DES AUTEURS
Critique, politique La responsabilité artistique d’un film a toujours été
disputée, principalement entre le producteur (qui en est à l’origine
économico-symbolique), le scénariste (qui invente l’histoire racontée), le
réalisateur (qui lui imprime son style visuel et sonore et son rythme). En
France, les années 1930, après l’arrivée du parlant, virent se développer une
querelle critique opposant les tenants de l’auteur du scénario comme auteur
dramatique et auteur tout court, et ceux du réalisateur (défendus notamment
par L’Herbier). Aux États-Unis, le rôle prépondérant fut nettement attribué,
dans le système hollywoodien, au producteur et à ses délégués, les
réalisateurs n’ayant le plus souvent qu’un pouvoir de décision limité.
Une fraction importante de la critique française, au sein des Cahiers du
cinéma, défendit dans les années 1950 l’idée – alors très paradoxale – que
la responsabilité artistique d’un film était à attribuer à son réalisateur, du
moins dans un certain nombre de cas où celui-ci avait une personnalité
avérée, un style, éventuellement une thématique qui lui soient propres.
C’est cette ligne critique, et les choix qui en résultèrent (par exemple, Wyler
contre Ford, ou de plus féconde manière, Hawks et Hitchcock contre
Zinneman ou Wellman), qu’on appela « politique des auteurs ». La notion
d’auteur a ensuite été reprise, notamment par la critique anglo-saxonne, qui
l’a toutefois partiellement vidée de son contenu en l’appliquant de manière
indiscriminée à tous les cinéastes (sans «  politique  »). L’idée que le
réalisateur d’un film est son auteur est aujourd’hui passée dans les mœurs,
avec d’importantes conséquences symboliques (reconnaissance des
réalisateurs dans les festivals, rétrospectives personnelles, etc.) et
économiques (droits d’auteur).

➦ AUTEUR, CRÉATION, POÉTIQUE


 
  MOURLET, 1965 ; TRUFFAUT, 1988 ; JEANCOLAS ET AL., 1996 ; ESQUENAZI, 2003

POLYSÉMIE
Linguistique, sémiotique Terme de linguistique et de sémiotique,
désignant le fait qu’un élément verbal –  un mot, un énoncé ou une partie
d’un énoncé – peut avoir plusieurs significations. Cette notion a été au cœur
de l’«  analyse textuelle  » des films, sous l’influence notamment de son
usage par Barthes (1970), pour qui un énoncé est polysémique parce que, en
lui, jouent nécessairement à la fois plusieurs codes différents.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, CODE, SÉMIOTIQUE


 
  KUNTZEL, 1972, 1975A

PONCTUATION
Rhétorique, sémiologie, typographie Invention relativement récente
(grosso modo, datant de la Renaissance), la ponctuation des textes écrits
s’est rapidement figée en règles assez strictes, permettant de distinguer dans
un énoncé des parties de taille variable (paragraphe, phrase et éléments de
la phrase).
Les tentatives d’assimilation du cinéma à un langage se sont posé la
question d’une équivalence possible, en cinéma, de ces moyens formels de
marquage des parties du discours. Il n’existe toutefois, même dans les états
classiques, fortement codés, du cinéma, que peu d’éléments comparables à
la ponctuation typographique. L’exemple le plus constant, assimilant le
fondu au noir au point qui termine la phrase, n’est guère convaincant (le
fondu au noir achève en général une séquence, et évoque davantage le saut
de paragraphe voire le changement de chapitre).
Les tentatives les plus intéressantes sont celles qui renoncent aux
équivalences littérales, et considèrent comme phénomène ponctuatif tout
changement de plan, de scène ou de séquence particulièrement marqué
(Metz, 1972).

➦ SEGMENTATION

POPULAIRE
Esthétique, sociologie Ce terme qui signifiait initialement «  venant du
peuple ou lui appartenant  » a pris, sous l’influence de l’anglais, le sens
second de « en faveur [auprès du peuple] », « généralement apprécié ». Ces
deux significations peuvent concerner le cinéma, mais la première a donné
lieu à des jugements tranchants, dans les années 1910-1920 : si le cinéma
était une occupation « populaire », cela le discréditait comme art potentiel.
Plusieurs auteurs des années 1930 (notamment Faure, Panofsky) ont argué
que, précisément, le cinéma était un art d’un type nouveau, dont les traits
artistiques étaient ceux-là mêmes qui le rendaient populaire (dans les deux
sens du mot).
Dans les pays anglo-saxons, notamment en Grande-Bretagne à la suite
des travaux de Richard Hoggart, les recherches sur le cinéma populaire (au
sens du « qui plaît au plus large public ») sont beaucoup plus développées
qu’en France. La situation évolue ces dernières années avec de nouvelles
recherches sur la cinéphilie populaire (Leveratto & Jullier), la lecture de la
presse « grand public » au cours des années 1950, comme Cinémonde, ou
les films musicaux français avec des chanteurs très populaires, tels Luis
Mariano ou Bourvil.
Après la Libération, le cinéma fut partie intégrante des mouvements de
«  culture populaire  », depuis les ciné-clubs de masse de l’après-guerre
jusqu’aux développements d’une éducation à la cinéphilie par l’école, à la
fin du siècle. Ces mouvements ont progressivement disparu dans la période
récente en raison de la professionnalisation des métiers de la culture et de
l’animation culturelle. Ainsi les ciné-clubs, association à but non lucratifs
ont été remplacés par les salles commerciales des circuits « art et essai ».
➦ ART, FAURE, IDÉOLOGIE, PANOFSKY
 
  ESQUENAZI, 2012 ; LAYERLE & MOINE, 2014 ; LE GRAS & SELLIER, 2015

PORNOGRAPHIE
Genre, morale Le terme est difficile à définir car il renvoie à ce qui est
obscène, ce qui est une forme de définition circulaire. Est pornographique
ce qui blesse la pudeur, choque les bonnes mœurs. L’étymologie renvoie à
la prostituée, ou à la courtisane. Le cinéma pornographique a toujours
existé. Dès le kinétoscope Edison et les premières années du cinéma, on a
filmé des scènes de représentation d’actes sexuels sous toutes leurs formes
pour la clientèle des maisons closes. Il existe un «  enfer  » des
cinémathèques comme un enfer des bibliothèques (la Cinémathèque de
Toulouse a développé un fonds spécialisé dans ce domaine).
On a coutume d’opposer le cinéma pornographique au cinéma érotique
(en anglais, le « soft » et le « hard »). Le cinéma érotique, ou porno soft,
fonctionne à la suggestion plus ou moins explicite dans la représentation
des pratiques sexuelles. Le porno hard est plus proche du cinéma
d’attraction de l’époque primitive, car il privilégie les gros plans d’organes
sexuels, souvent montés en inserts et en dépit de toute cohérence ou
fonction narratives.
Le cinéma distribué en salles a été relativement pudibond jusqu’aux
années 1960, avec un code de production explicite aux États-Unis (le code
Hays de 1930), implicite dans les autres pays. Mais le cinéma
pornographique envahit les écrans à la fin des années 1960, d’abord dans
les pays scandinaves, puis aux États-Unis, enfin en Europe. Il n’est autorisé
en France qu’après 1975 et la révision de la commission de contrôle. C’est
l’année du triomphe commercial d’un porno soft, Emmanuelle. Devant le
succès des films hard, l’État français vote une loi de finance qui classe les
films pornographiques sous la lettre «  X  » et leur impose une taxation
fiscale maximale. Le cinéma pornographique glisse de l’écran des salles
spécialisées aux écrans cathodiques grâce à la diffusion des cassettes vidéo,
puis des DVD  ; il est aujourd’hui massivement diffusé, sous forme
immatérielle, via Internet, et accessible à qui veut.
Cette extension du représentable sexuel s’est répercutée sur le cinéma de
consommation courante, qu’il soit d’Art et Essai ou plus anonyme  ; les
actes sexuels sont devenus de plus en plus nombreux et réalistes, témoin par
exemple (chronologiquement) des films comme Crash (Cronenberg, 1996),
Romance (Breillat, 1999), La Vie d’Adèle (Kechiche, 2013), Love (Noé,
2015).
C’est évidemment la nature du dispositif cinématographique, fondé sur la
dualité voyeurisme/exhibitionnisme qui est à la base de la continuité de
l’inspiration pornographique au cinéma.

➦ CENSURE, PULSION SCOPIQUE


 
  JULLIER, 2008 ; SERVOIS, 2009 ; WILLIAMS, 2014

POSITIF
Critique Revue de cinéma fondée en 1951 par Bernard Chardère,
animateur lyonnais de ciné-clubs. Très vite, cette revue se définit de façon
réactive, en se posant face aux Cahiers du cinéma –  à ses yeux trop
marqués à droite  – en lieu d’expression d’une pensée «  de gauche  »,
d’ailleurs assez éclectique, allant du trotskisme à la social-démocratie
moyenne, et évitant le marxisme orthodoxe. Cette opposition, dont la
pertinence devint de moins en moins évidente à partir des années 1970, a
longtemps occulté le travail propre de cette revue, en en donnant l’image
(erronée) d’une entreprise négative.
Si Positif n’a pas produit de cinéastes comme sa «  rivale  », ni même
révélé de grands critiques, à l’exception notable de Barthélemy Amengual,
sa première génération de rédacteurs comptait des personnalités aussi riches
que Gérard Legrand, Ado Kyrou, Robert Benayoun, Louis Seguin ou Roger
Tailleur  ; par la suite on put y lire des analyses scrupuleuses et bien
informées, notamment de films du passé, la revue ayant toujours eu à cœur
de rattacher le cinéma à son histoire  ; des auteurs comme Vincent Amiel,
Jean-Pierre Berthomé, Jean-Loup Bourget, Michel Ciment, Jean A.  Gili,
François Thomas, plus occasionnellement Jean-Louis Leutrat, Nicole
Brenez ou Michel Chion, lui ont apporté leur compétence de grands
spécialistes de certains domaines ou de certains auteurs.
POSTMODERNE
Esthétique, genre Terme forgé au début des années 1980, pour désigner les
tendances esthétiques postérieures à une modernité alors conçue comme
achevée ou dépassée (Lyotard). Au cinéma, la postmodernité est aussi
difficile à définir que la modernité, car c’est l’art du cinéma tout entier qui
est moderne, ou postmoderne selon les points de vue. Plusieurs critiques ont
néanmoins essayé de projeter sur l’histoire des films une périodisation
primitif/classique/moderne/postmoderne, reprenant les vieux schémas de
l’histoire de l’art d’inspiration hégélienne. Le postmoderne est alors conçu
comme une réaction contre les valeurs de la modernité (et de l’avant-
gardisme qu’on lui associe généralement) ; il se caractérise par le goût de la
citation, de l’intertextualité en général, la création de personnages
complexes ou de récits sans personnages, le rattachement du cinéma au
spectaculaire, etc.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA, MODERNE (CINÉMA), STYLE


 
  FRIEDBERG, 1992 ; JULLIER, 1997

POSTPRODUCTION
Technique Ce terme assez récent (devenu d’usage courant avec le
développement du numérique) désigne l’ensemble des opérations
postérieures au tournage d’un film, et visant à en donner la version finale :
montage, étalonnage, mixage notamment (sans parler des éventuelles
retouches de l’image, que le numérique autorise désormais de façon très
souple et diverse).

➦ PRÉPRODUCTION, PRODUCTION

POSTSYNCHRONISATION
Technique Au début du cinéma parlant (fin des années 1920), le son était
obligatoirement enregistré en même temps que l’image –  ce qui, vu
l’encombrement et le bruit du matériel, posait de considérables problèmes
(il fallait notamment isoler la caméra et le preneur de son). Très vite (1932)
on inventa des techniques permettant d’ajouter le son à l’image après
tournage, et de le synchroniser avec elle (notamment, dans le cas de la
parole humaine, en respectant le mouvement des lèvres). Cette technique
entraîna également, presque aussitôt, l’habitude du doublage des films dans
d’autres langues, qui permit d’en finir avec le complexe et coûteux système
des versions multiples. L’invention, à la fin des années 1950, de matériels
légers (caméra et magnétophone) permit de revenir facilement au son
synchrone. Par la suite, le choix entre l’un et l’autre relève d’une option
technique et esthétique, ouverte pour chaque film à nouveau. (Notons que
les matériels grand public – smartphone, GoPro, etc. – sont désormais aptes
à enregistrer image et son ensemble, et synchrones.)

➦ SON
 
  CHION, 1990

POUDOVKINE, VSEVOLOD (1893-1953)


Cinéaste, théoricien Cinéaste soviétique, élève de Koulechov, puis l’un
des réalisateurs les plus en vue. Il est l’auteur de nombreux essais
théoriques, mais son ouvrage le plus important est la version anglaise, Film
Technique (1929), d’un texte panoramique sur le cinéma datant de 1926 ; en
effet, cette version anglaise, diffusée sans cesse depuis sa parution (mais
toujours inédite en français), a été considérée comme une véritable Bible
par de nombreux réalisateurs, surtout américains, et elle a longtemps
représenté une version consensuelle de la théorie classique, dans son état le
plus empirique.
Les maîtres concepts du livre (comme chez Eisenstein et Koulechov)
sont l’image et le montage  : le matériau cinématographique, ce sont des
images du réel (et pas le réel lui-même), qui peuvent être raccourcies,
modifiées et surtout montées. Chaque image est le résultat d’une série de
choix significatifs, à commencer par le choix des objets représentés, qui
doivent être expressifs. Le montage, «  force créatrice fondamentale  » du
cinéma, est l’organisation de ces significations en vue d’un discours global
compréhensible par un spectateur, dont l’attention est entièrement entre les
mains du cinéaste.
L’esthétique défendue par Poudovkine se rapproche de l’idéal classique
de la « transparence », et la notion, proposée dans son livre, d’« observateur
extérieur », en est l’une des variantes.

➦ BAZIN, EISENSTEIN, KRACAUER, MONTAGE, OBSERVATEUR INVISIBLE

PRAGMATIQUE
Linguistique, philosophie, sémiologie Par pragmatique, on entend la prise
en compte, dans tout acte de langage, des locuteurs et du contexte. Par
analogie, une pragmatique du film le relie au contexte social au sein duquel
il apparaît, avec ses besoins, ses habitudes, ses attentes, ses façons de faire ;
au moment et au lieu où il est produit et projeté ; à l’action de celui qui le
réalise et de celui qui le consomme, avec leurs orientations, intentions et
capacités respectives. Il est aussi relié à l’ensemble des textes qui
l’accompagnent, que ce soit matériellement (organisation de la séance de
cinéma) ou virtuellement (citations, hommages, réélaboration). Le texte
filmique est donc mis en relation avec son contexte, c’est-à-dire avec le
milieu où il se trouve, ou du moins où il entend opérer.
Les études pragmatiques sont donc, par définition, extrêmement variées
dans leurs approches. On a pu proposer des modèles généraux de la façon
dont un film, en se laissant voir, rappelle et détermine un spectateur : divers
rôles prévus pour le destinataire et prédéterminés par l’émetteur (Casetti)  ;
ou cerner la façon dont tout film de fiction met en scène, à côté de l’histoire
racontée une sorte de « théâtre de la communication » où sont représentées
les façons dont cette histoire est construite et doit être déchiffrée (Dayan).
Le film, au lieu de déterminer des modèles de spectateurs idéaux, suggère
ainsi des comportements à assumer ou des options à réaliser, à
«  performer  », le film étant analysé comme moyen d’action sur le
spectateur.
L’orientation pragmatique a été généralisée par Odin, dont l’axiome de
départ est que le film ne possède pas un sens en soi. Ce sont plutôt
l’émetteur et le récepteur qui lui donnent un sens à travers une série de
procédures à leur disposition dans l’espace social où ils opèrent. Odin
explore alors une série de modes de production du sens en usage dans la
société, et même des modes de production de signifiés et de sentiments : un
film a besoin d’être compris autant que d’être vécu. Il les caractérise pour
les effets que les films cherchent à obtenir : le mode spectaculaire qui vise à
distraire par la vision d’un spectacle, le mode fictionnel qui requiert la
participation à la feintise, le mode énergétique qui vise à faire vibrer au
rythme des images et des sons sans égard pour les contenus, le mode privé
qui vise à faire revenir sur son propre vécu (film de famille), le mode
documentaire qui vise à informer, le mode artistique qui vise à mettre en
lumière la production d’un auteur, le mode esthétique qui vise à créer un
intérêt pour le travail des images et des sons. À la question : « qu’est-ce qui
harmonise ou oppose les modes activés par celui qui fait et par celui qui
voit le film ? », Odin répond que c’est l’institution dans laquelle les deux se
situent, c’est-à-dire le contexte social auxquels ils se réfèrent.
Plaidant pour une approche rhétorique de la relation au spectateur, Soulez
(2011) se propose d’étudier « le processus par lequel, dans le mouvement
même de constitution du film comme texte et comme discours, c’est le
spectateur lui-même qui considère que quelque chose dans le film le
conduit à penser que le film “lui parle” ». Comme Odin, Soulez considère
que la production de sens du film est déterminée par le contexte de lecture ;
l’analyse rhétorique ne vise pas un sens implicite, immanent (comme le
faisait l’approche sémiotique des années 1960-1970), mais elle veut situer
les films dans un espace social donné ; c’est donc « une théorie du public
logée à l’intérieur d’une théorie du discours  », reposant sur la conviction
que les films ont une capacité de discussion avec leur destinataire.

➦ SÉMIOLOGIE
 
  DAYAN, 1983-1984 ; CASETTI, 1986 ; ODIN, 1990, 1994 ; SOULEZ, 2011

PRÉ-CINÉMA
Histoire, esthétique L’histoire du cinéma a très tôt été sensible au fait que
le cinéma prolongeait, sous certains aspects, des pratiques signifiantes,
artistiques ou non, qui lui étaient antérieures. En particulier, la peinture
s’était beaucoup occupée de trouver des équivalents acceptables à la
représentation du mouvement (que le cinéma réalise automatiquement) ; de
même, il existe de nombreuses formes de récits en images antérieurs au
Cinématographe. C’est l’ensemble de ces relations culturelles et
idéologiques que couvre l’idée que, avant le cinéma, il y aurait déjà eu « du
cinématographique  » dans certaines productions d’images  : un «  pré-
cinéma » avant le cinéma.
Sous cette forme, l’idée est trop évidemment téléologique pour donner
lieu à des explications historiques sérieuses. Elle a toutefois été souvent
reprise, sur des points particuliers, soit pour souligner que le cinéma
« hérite » de la culture d’image des siècles passés (Aumont, 1989), soit pour
dessiner un espace de concepts et d’idées qui englobe et le cinéma et
d’autres arts ou pratiques culturelles (c’est notamment l’idée du
« cinématisme » chez Eisenstein).

➦ CORRESPONDANCE DES ARTS,

POINT DE VUE
 
  EISENSTEIN, 1980, 1986 ; EL-NOUTY, 1978 ; MANNONI, 1994

PRÉPRODUCTION
Technique, économie Ce terme récent (une vingtaine d’années) désigne
l’ensemble des opérations préalables au tournage d’un film, après que le
scénario est écrit et le financement trouvé  : découpage technique
(éventuellement storyboard), repérages, plan de travail, etc.

➦ POSTPRODUCTION, STORYBOARD

PRÉSENCE
Philosophie La présence s’oppose à la représentation comme ce qui est
réellement là à ce qui en tient lieu.
1. D’où un premier sens possible  : ce qui est présent est le matériau
iconique, figuratif et plastique. Ce matériau visant en général, au cinéma, à
se faire oublier, il n’est « présent » que lorsqu’il est souligné (dans les styles
expressionnistes notamment).
2. En un sens moins littéral, on peut définir comme présence celle des
éléments réels qui ont été enregistrés lors du tournage  : l’acteur, le décor,
les accessoires. Parler de présence de l’acteur, ou du décor, ce sera alors,
comme dans le sens premier, constater l’existence d’un effet expressif
important, mis au premier plan. En ce second sens, il vaudrait donc mieux
parler, en toute rigueur, d’un « effet de présence ». Il existe un élément de la
représentation qui produit un effet de présence plus fort que les autres, au
point qu’on a pu y voir un véritable élément corporel présent à l’intérieur de
la représentation  : la voix, dont on a pu soutenir qu’elle n’est pas
représentée mais reproduite (re-produite) par le film (Chion, Doane).
3. Enfin, dans une perspective métaphysique, on a pu parler de présence
surnaturelle, voire divine, sous diverses formes dans le film (Ayfre, Agel).
Cette « présence » est de nature autre, accessible seulement en vertu d’un
acte de croyance. Toutefois, cette croyance a été avérée même chez des
critiques qui ne se réclament pas expressément d’une religion révélée (voir
par exemple Bergala).

➦ REPRÉSENTATION, VOIX
 
  AGEL & AYFRE, 1953 ; AYFRE, 1964 ; GREEN, 2003

PRIMITIF (CINÉMA)
Histoire, esthétique Dans une périodisation elle-même assez primitive de
l’histoire du cinéma, on a longtemps désigné comme « primitif » le cinéma
antérieur à la norme classique, c’est-à-dire, approximativement, le cinéma
d’avant la Première Guerre.
Deux critiques principales ont été formulées envers cette notion :
– elle est floue, les limites de la période « primitive » étant variables
selon les critères que l’on met en avant (économiques,
stylistiques, idéologiques) ;
– le terme même de « primitif » est devenu péjorativement connoté
(ce n’était pas le cas pour ses premiers utilisateurs), et de même
que l’ethnographie et l’anthropologie s’en interdisent l’usage, les
historiens du cinéma ont, depuis 1978 (congrès de Brighton)
préféré parler de « cinéma des premiers temps  », expression qui
traduit l’anglais «  early cinema  », jugé plus «  politiquement
correct ».

➦ CLASSIQUE (CINÉMA), HISTOIRE DU CINÉMA


 
  BURCH, 1990 ; ELSAESSER, 1990 ; MARIE, 1995 ; GAUDREAULT, 2008

PRISE (DE VUES)
Technique Le Cinématographe Lumière  produisait des «  vues  »  : une
image mouvante d’une durée d’un peu moins de 50  secondes. Le
développement de films plus longs et du montage amena à désigner comme
plans les images mouvantes unitaires. Toutefois, le plan n’existe que dans le
film fini  ; lors du tournage, il est encore virtuel, et n’existe qu’à l’état de
prise de vues, qu’il faudra ensuite retailler à la bonne longueur et ajuster à
d’autres. On parle aussi, en raccourci, de prise, y compris pour désigner le
fait que, le plus souvent, pour obtenir un plan il faut s’y reprendre à
plusieurs fois (faire plusieurs prises). Les films comportant des plans très
longs (à partir de plusieurs minutes) questionnent cette distinction entre
prise et plan  ; a fortiori, le one take film (dont on s’accorde en général à
considérer que ce n’est pas un seul plan prolongé sur toute la durée du
film).

➦ ONE TAKE FILM, PLAN

PROFILMIQUE
Filmologie L’un des néologismes proposés par la filmologie (Souriau,
1953). Il désignait à l’origine uniquement les éléments spécialement
agencés en vue du tournage : décors, accessoires, etc. Cette définition, qui
convenait au tournage en studio, a été un peu étendue avec les
développements des tournages en «  décors naturels  ». Le mot désigne
plutôt, aujourd’hui, ce qui s’est trouvé devant la caméra au moment du
tournage, que cela y ait été disposé intentionnellement ou non.

➦ CHAMP, ESPACE, FILMOLOGIE, LIEU

PROFONDEUR DE CHAMP
Technique, esthétique En dehors de cas particuliers visant à rendre l’image
floue, celle-ci est nette dans une partie du champ, qui correspond à la zone
située entre une distance minimale (punctum proximum) et une distance
maximale (punctum remotum) de l’objectif de la caméra. C’est la différence
entre ces deux distances, mesurée selon l’axe de la caméra, qui définit la
profondeur de champ  ; il s’agit, en ce sens, d’une notion d’optique,
exprimée en unités de distance, définie dès les premiers instruments (la
lunette de Galilée), et simplement reprise par la technique du cinéma. Elle
suppose une définition conventionnelle de la netteté  ; en 35  mm, on
considère l’image d’un point comme nette si elle ne dépasse pas 1/30 mm.
L’utilisation de la profondeur de champ a varié avec les écoles et les
réalisateurs. Le cinéma primitif bénéficiait d’une grande profondeur  ; les
films de Griffith, par exemple, l’utilisent pour étager leur mise en scène
dans la profondeur, faire jouer l’avant-plan par rapport à l’arrière-plan, etc.
L’évolution de la technique et des modes de tournage amena ensuite une
forte diminution de cette profondeur de champ ; c’est ce qui explique que
son usage ostensible, dans des films du début des années 1940 (Welles,
Wyler) fut considéré comme une révolution esthétique.
Il est plus hasardeux d’attribuer à la profondeur de champ une valeur
réaliste. En général, une grande profondeur de champ a tendance à
augmenter l’effet de profondeur, mais dans certains cas extrêmes (Othello
de Welles, par exemple), cela peut aboutir au contraire à donner une
sensation de grande irréalité. Bazin (1950-1955) postula qu’elle produisait
un « plus-de-réel » quantitatif (davantage de parties nettes dans l’image) et
qualitatif (un plus grand respect de l’«  ambiguïté ontologique de la
réalité  »)  ; cette thèse a été vivement critiquée, dans les années 1960, par
plusieurs auteurs qui ont remarqué que, le réalisme étant toujours une
notion entièrement conventionnelle et non absolue, la profondeur de champ
ne pouvait avoir une valeur aussi univoque (Mitry, Comolli, Bonitzer). Par
la suite, elle fut uniquement considérée comme un choix formel,
n’engageant aucune autre conséquence que perceptive.

➦ CHAMP, RÉALISME, STYLE


 
  BAZIN 1958-1962 ; MITRY, 1963-1965 ; COMOLLI, 2009

PROJECTION
Technique, psychologie La projection est à la fois «  le phénomène
lumineux du transport d’une image d’un lieu à un autre, la nature de
l’image ainsi réalisée, les conséquences imaginaires et fictionnelles de cet
[acte] physique » (Païni, 1997).
1. La projection comme technique. Le projecteur de cinéma est l’héritier
de la lanterne magique, inventée dès la Renaissance (Kircher)  ; la partie
optique, dans son principe, est restée la même depuis ces anciens appareils,
et il s’agit toujours de « transporter » sur un écran une image après qu’elle
aura traversé un ensemble de lentilles qui en opèrent l’agrandissement.
Dans la technique argentique, c’est le projecteur qui effectue la
réalisation du mouvement de l’image, par le transport de la pellicule à l’aide
d’un mécanisme qui fixe chaque photogramme durant un temps bref (de
l’ordre d’un quarantième de seconde) devant la fenêtre de projection  ; ce
mécanisme est, dans ses grandes lignes, le même que celui de la caméra
(d’où que l’appareil du Cinématographe Lumière ait été à la fois « caméra »
et projecteur). Les principaux problèmes techniques de la projection étaient
liés à ce transport de la pellicule, et notamment à son rythme (élimination
des effets nuisibles, comme le scintillement).
La projection numérique n’a évidemment aucun équivalent de ce
transport de la pellicule, mais elle conserve le principe du transport de
l’image ; celle-ci toutefois n’a pas d’existence préalable sous forme tangible
ni même visible, mais elle consiste en un fichier numérisé, qui est
«  traduit  » à chaque instant sous forme de données de couleur et de
luminance. Les projecteurs numériques comportent un processeur dont la
surface est composée de micro-miroirs (environ 2  millions de miroirs en
2K), qui en fonction de leur inclinaison –  elle-même déterminée par
l’information du fichier – renvoient plus ou moins de lumière sur l’écran.
2. La géométrie projective. L’image de film résulte de la prise de vues
dans un appareil dont l’optique est construite de telle sorte qu’elle respecte
automatiquement les lois de la perspective à centre. En géométrie, on
appelle « projection » une opération qui fait passer d’une figure à une autre
selon des lois analogues (homothétiques).
En cela, cette image hérite d’une longue tradition qui, en Occident, l’a
assimilée au résultat d’une projection, depuis les mythes de Narcisse
(l’image spéculaire) et de Dibutadès (l’ombre projetée). « La projection fait,
en Occident, la condition de ce qu’on y nomme représentation » (Damisch).
3. La « projection du monde ». C’est sur cette base qu’ont été élaborées
des métaphores d’ordre psychologique et ontologique  : le spectateur se
« projette » dans le monde proposé par le film, c’est-à-dire qu’il y reconnaît
quelque chose de sa propre expérience vécue (des situations représentées,
des affects transmis plus directement)  ; ce monde lui-même est une
représentation par projection, globalement, d’un monde réel, une
« projection du monde » (Cavell).

➦ IMAGE, PERSPECTIVE, REPRÉSENTATION


 
  CAVELL, 1971-1979 ; MANNONI, 1994 ; PAÏNI, 1997B

PROPAGANDE
Institution, politique L’origine du terme est religieuse (il désignait les
actions de propagation de la foi) mais dès le début du XXe  siècle, c’est le
sens de propagande politique qui a prévalu. Le cinéma a très tôt été perçu
comme une technique particulièrement efficace de diffusion des idées d’un
parti, d’un groupe social ou d’un gouvernement, tant pendant la Première
Guerre mondiale que lors de l’existence des régimes totalitaires et des
dictatures qui lui ont succédé. Mais la propagande a été également exercée
par les démocraties, de manière explicite, comme la série américaine
« Pourquoi nous combattons » pour justifier l’intervention américaine lors
de la Seconde Guerre mondiale ou bien de manière plus diffuse  : on peut
envisager l’ensemble du cinéma hollywoodien comme une forme de
propagande de l’«  American way of life  »  ; c’est du moins la thèse
d’Ehrenbourg ou des philosophes de l’École de Francfort (Adorno,
Horkheimer).
La propagande consiste à répandre dans le public une doctrine, une
idéologie ou un idéal de vie. Elle est « l’expression d’opinions ou d’actions
effectuées délibérément par des individus ou des groupes, visant à obtenir
l’adhésion à un système idéologique, adhésion qui devra par la suite
entraîner un certain nombre de geste corrélatifs  » (Jacques Ellul,
Propagandes, 1962). Il importe de distinguer la propagande (à visée
idéologique) de la publicité (à visée commerciale)  ; l’une veut persuader,
l’autre, vendre. La propagande est également à distinguer de la pédagogie :
la propagande diffuse une idéologie alors que la pédagogie cherche à
délivrer des connaissances. Mais les frontières entre ces fonctions ne sont
pas toujours étanches.
Dès l’origine, la propagande s’est emparée du cinéma  : l’église
catholique (par le biais des éditions de la Bonne Presse), le mouvement
anarchiste en France avant la guerre de 1914. La Première Guerre mondiale
a vu la naissance des Services cinématographiques des armées, assurant la
propagande militaire, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France. Les
régimes mussolinien, soviétique, puis nazi ont privilégié le cinéma pour
leur propagande par le recours aux actualités d’État, aux films
documentaires et dans une moindre mesure, aux films de fiction. En 1939,
le gouvernement canadien fit appel à John Grierson pour créer l’Office
National du Film du Canada, développer une production documentaire et
soutenir l’intervention du pays dans la Seconde Guerre mondiale. Pendant
la même période, le gouvernement de Vichy a encouragé la production de
documentaires favorables à la collaboration franco-allemande.
Dans les années suivantes, le cinéma américain a souvent soutenu l’effort
de guerre ou la croisade idéologique du gouvernement fédéral en produisant
des longs métrages concernant les conflits en cours  : guerre de Corée, du
Vietnam, d’Afghanistan et d’Irak, films anti-communistes des années 1950
à l’époque du Maccarthysme. Cette propagande a souvent été contrariée par
la production de films critiques, souvent anticolonialistes, sur les mêmes
sujets : la propagande entraîne souvent une contre propagande.

  BERTIN-MAGHIT, 2004, 2009

PSYCHANALYSE
Sciences humaines Discipline fondée et nommée par Freud qui recouvre :
1°, une méthode d’investigation de la signification inconsciente des paroles,
des actes et des productions imaginaires d’un sujet  ; 2°, une méthode
psychothérapeutique fondée sur cette investigation  ; 3°, un ensemble de
théories psychologiques et psychopathologiques formant le corps d’une
doctrine.
La théorie psychanalytique concerne l’étude du cinéma à de multiples
niveaux :
1. Étude de films en tant que productions imaginaires d’un sujet
psychique particulier, dont l’œuvre peut être décryptée comme un
symptôme. Il s’agit dans ce cas d’approcher la névrose d’un créateur, de la
caractériser cliniquement (Hitchcock en sado-masochiste pour Spoto,
Eisenstein en homosexuel refoulé pour Fernandez).
2. L’œuvre en elle-même, au niveau de ses thèmes manifestes, peut
donner lieu à une investigation psychanalytique sans référence directe à la
névrose hypothétique de son auteur (l’ensemble des films de Buñuel,
interprété par Cesarman comme traversé par le désir et la pulsion de mort et
l’angoisse de la castration).
3. Au sein de l’œuvre, la psychanalyse peut se livrer à une investigation
clinique du comportement des personnages, en tant que personnages de
fiction révélant des névroses partiellement homologues aux névroses
réelles.
4. L’investigation psychanalytique peut prendre comme objet d’analyse
l’ensemble du matériel filmique, indépendamment du scénario manifeste,
comme certaines figures visuelles récurrentes, tels le fondu enchaîné, la
structure du découpage spatio-temporel, la fragmentation du montage,
l’ellipse.
5. La psychanalyse éclaire les grands régimes discursifs qui caractérisent
l’institution cinématographique  : la divison entre films narratifs-
représentatifs et films non narratifs, la division en genres avec leur logique
narrative interne, leur vraisemblable.
6. La psychanalyse étudie le dispositif filmique en général, comme
condition particulière d’appréhender des images, en tant que «  signifiant
imaginaire ».
7. La psychanalyse étudie enfin le spectateur de cinéma, ses réactions
psychiques face à un régime particulier de croyance, entre l’impression de
réalité et l’hallucination fictionnelle.
Ces modes d’approches ne sont pas exclusifs les uns des autres, mais il
arrive très souvent que les trois premiers niveaux soient confondus, les
névroses des personnages et les thèmes manifestes étant rapportés à la
biographie de l’auteur (e. g., lectures de l’œuvre de Truffaut « l’homme qui
aimait les femmes  » à partir du lien œdipien à sa mère). L’ampleur des
recherches inspirées par ces différents niveaux est très inégale mais les
théories féministes anglo-saxonnes et les gender studies ont suscité un
grand nombre d’analyses dans ce domaine depuis une vingtaine d’années.

➦ IDENTIFICATION, PULSION
 
  BELLOUR, 1975 ; CHION, 1982 ; ŽIŽEK, 1988 ; LACOSTE, 1990 ; GAGNEBIN, 1999 ;

DE LAURETIS, 2010

PSYCHOLOGIE
Sciences humaines La psychologie étudie les faits psychiques et leurs lois.
En tant que discipline autonome, elle a dû se différencier de la simple
description des faits conscients au moyen de l’introspection (qui définit
plutôt la philosophie réflexive). Cette affirmation disciplinaire s’est
confirmée avec la mise au point progressive de méthodes quantitatives, et la
constitution, dès la fin du XIXe siècle, de théories comme le behaviorisme et
la Gestalttheorie. La découverte de l’inconscient par la psychanalyse a posé
la question de la continuité entre l’objet de la psychologie générale et de
celle-ci.
C’est la première des « sciences humaines » à s’être intéressée au cinéma
(Münsterberg, 1916). Par la suite, elle a cherché à mettre en évidence les
effets des images, parfois à utiliser le film comme test (Allendy, 1926  ;
Musatti, 1931). Des travaux systématiques ne commencèrent qu’après
1945, notamment, en France, au sein de l’Institut de filmologie. Le concept
majeur est alors celui de situation cinématographique, défini comme
ensemble constitué par l’écran, la salle et le spectateur, situation au sein de
laquelle se développent des processus tels que la reconnaissance et le
déchiffrage de ce qui est montré, l’abandon au plaisir de l’histoire,
l’identification avec les personnages de l’histoire, la rêverie et la ré-
élaboration personnelle, etc.
De manière générale, les recherches psychologiques étudient trois
phénomènes mis en jeu par la vision d’un film :
–  la perception visuelle et auditive  : étude de la perception du
mouvement, de l’espace (plat ou profond), du caractère de réalité
attribué aux objets reconnus sur l’écran, etc. (Wallon, Michotte,
Romano) ;
– le rapport spectateur/film au niveau de la compréhension et de la
mémorisation de ce qui apparaît à l’écran. La visée de ces études
est de trouver une corrélation entre les différents degrés de
développement mental et les différentes difficultés du langage
cinématographique «  pour savoir à quelles exigences les films
doivent répondre et dans quelles mesures ils y répondent  »
(Zazzo). L’étude de la mémorisation analyse ce qui reste du film
en mémoire immédiate et en mémoire différée (Fraisse  &  De
Montmollin, Bruce) ;
–  la participation, le rapport «  empathique  » particulier liant ceux
qui regardent, assis à leur place dans la salle, et les choses qui
défilent sur l’écran, cette façon d’adhérer au spectacle au point de
le vivre directement (Michotte, Ancona, Lumbelli).
La filmologie était fortement marquée par le Gestaltisme. Plus
récemment, la recherche en psychologie a connu un long épisode
cognitiviste, où l’on a cherché à déterminer des modèles généraux de la
façon dont nous connaissons la réalité et la pensons, à partir d’inputs
sensoriels élaborés en perceptions  ; cette orientation toutefois n’est pas
unifiée, et parmi ses divers courants, plusieurs se sont intéressés à la
situation filmique, du point de vue perceptif (approche constructiviste de
Hochberg et Brooks, écologique de Gibson, etc.) ou émotionnel. Plus
récemment encore, la perspective a été déplacée par les études
neurophysiologiques, qui ont tendance à vouloir remplacer l’approche
psychologique (quelle que soit son orientation).

➦ IMPRESSION DE RÉALITÉ
 
  MÜNSTERBERG, 1916-2010 ; CARROLL, 1980

PULSION SCOPIQUE
Psychanalyse La notion de «  pulsion  » désigne, dans le vocabulaire
freudien, l’élément dynamique de l’activité psychique inconsciente. Freud
distingue les pulsions d’auto-conservation, comme la faim et la soif, et les
pulsions sexuelles, spécifiées selon leur source (orale, anale, etc.) ou selon
leur but : pulsion de voir, pulsion d’emprise. Ces dernières sont des pulsions
dites « partielles ». Au contraire de l’instinct, la pulsion peut se satisfaire en
dehors de son objet (c’est la sublimation) ou même se passer de lui ; c’est
ce qu’on appelle le refoulement.
De nombreux analystes ont remarqué depuis les années 1920 que le
spectacle cinématographique reposait sur le désir de voir et, depuis le
parlant, le désir d’écouter, désirs correspondant à la « pulsion scopique » et
à la «  pulsion invocante  ». La pulsion scopique peut déboucher sur la
scoptophilie, ce qui est une manière clinique de caractériser la cinéphilie
sous ses formes névrotiques. La pulsion scopique suppose une distance
entre le sujet et l’objet du regard, elle est à la base du voyeurisme. Ce désir
voyeuriste est au centre du dispositif cinématographique. Il repose sur
l’absence de l’objet perçu, d’où le caractère « imaginaire » de son signifiant
(qui n’est qu’un mirage perceptif). Le cinéma peut être considéré comme
une sorte de « rendez-vous manqué » entre un voyeur (le spectateur) et un
exhibitionniste (l’acteur qui incarne le personnage). Ces hypothèses
formalisées par Metz ont inspiré de nombreuses analyses de films
particuliers (Bellour, Kuntzel, Heath, Bonitzer, Daney, etc.)
En outre Mulvey (1975) a souligné la polarité sexuelle de ce dispositif au
sein duquel c’est un spectateur masculin qui observe une actrice féminine.
De nombreux films, tel Le Voyeur (Peeping Tom, Powell), fondent leur récit
sur cette relation en représentant un cinéaste voyeur.

➦ POINT DE VUE, PSYCHANALYSE


 
  METZ, 1975 ; MULVEY, 1975-1989 ; DADOUN, 2000

PUNCTUM
Sémiotique Terme proposé par Barthes (1980) pour désigner, dans l’image
photographique, un niveau de sens non intentionnel, propre à la subjectivité
de l’analyste et au jeu de la figure. Au contraire du studium, qui est l’effet
de l’intention du photographe (un cadrage, une mise en scène, un éclairage,
et plus généralement, des effets de signification voulus), le punctum n’est
présent dans l’image que si l’analyste le remarque, et l’érige en lieu de
signifiance  ; il est d’ailleurs, comme l’indique son nom (un «  point  »)
toujours très localisé. De ce point de vue, cette notion ressemble beaucoup à
celle de « sens obtus », proposée par Barthes à propos de cinéma.

➦ FIGURAL, IMAGE, OBTUS (SENS), SIGNIFICATION

PUR (CINÉMA)
Esthétique Terme souvent proposé par les avant-gardes, surtout françaises,
pour désigner un cinéma « purifié » de la littérature et du drame, et reposant
uniquement (ou le plus possible) sur les pouvoirs propres de l’image
mouvante, jugés plus spécifiques.
André Bazin prend le contre-pied de cette notion dans son article « Pour
un cinéma impur », défendant le recours au patrimoine littéraire et théâtral
pour enrichir l’expression  cinématographique  : «  Tenir l’adaptation de
romans pour un exercice paresseux auquel le vrai cinéma, le “cinéma pur”
n’aurait rien à gagner, est donc un contresens critique, démenti par toutes
les adaptations de valeur. Ce sont ceux qui se soucient le moins de fidélité
au nom des prétendues exigences de l’écran qui trahissent tout à la fois la
littérature et le cinéma. »

➦ AVANT-GARDE, DULAC
  CLAIR, 1922-1970 ; DULAC, 1926-1994 ; EPSTEIN, 1974 ; DE HAAS, 1985 ; GHALI,
1995
R
RACCORD
Technique, langage, esthétique Comme le suggèrent les connotations du
terme (qui évoque la mécanique ou la plomberie), c’est dans le cinéma le
plus industrialisé, celui de Hollywood à l’époque classique, qu’a été mise
au point la pratique du raccord, c’est-à-dire d’un type de montage dans
lequel les changements de plans sont, autant que possible, gommés en tant
que tels, de façon que le spectateur puisse accorder toute son attention à la
continuité du récit visuel.
C’est une notion empirique, peu utilisée par les théoriciens, même ceux
qui défendent le cinéma de la transparence (Bazin parle, négativement, des
«  ruptures  » qu’il faut éviter). Mais elle reste répandue, et on a parfois
cherché à la définir par ses traits formels (Burch, 1969). Il existe de ce point
de vue quelques grands types de raccord, qui n’ont en commun que le souci
de préservation d’une certaine continuité (mais pas toujours la même)  :
spatiale (cas du raccord dans l’axe)  ; plastique (raccord sur un
mouvement) ; diégétique (raccord sur un geste), par exemple.
Le cas le plus significatif est celui du raccord sur un regard, dans ses
diverses variantes (voyant/vu, champ/contrechamp), où le second plan
représente l’objet regardé par le personnage présenté dans le premier – cet
objet pouvant être lui-même un personnage qui regarde le premier (ou non).
Le raccord sur un regard produit trois effets :
– il est la symbolisation d’une perception de la continuité du monde
physique en tant que visible  : continuum spatial, maintien de la
latéralité gauche/droite, centrage psychologique, réversibilité du
rapport de vision ;
– en termes de croyance, il est un principe de continuité des causes :
reconstitution d’un événement unitaire, interaction des plans ;
–  en termes cognitifs, il est la symbolisation de la différence des
objets visibles, et de notre appréhension du monde comme objets
sur un fond.
Dans ce raccord, le spectateur est, le temps d’un regard, mis en relation
directe avec la subjectivité d’un personnage, et cette coïncidence
momentanée, qui est une des chevilles les plus solides de l’identification,
est un des moyens d’inclusion du sujet spectateur dans le récit filmique.

➦ CONTINU, FAUX RACCORD, INTERVALLE, TRANSPARENCE


    BURCH 1969  ; PASOLINI, 1976  ; BORDWELL ET AL., 1985  ; FAUCON, 2013  ;
AUMONT, 2015

RALENTI
Technique Procédé qui consiste à filmer une scène en faisant défiler la
pellicule plus rapidement que la vitesse standard  ; à la projection, un
nombre supérieur d’images pour une même scène, ramené à la vitesse
normale, donnera l’impression d’un ralentissement du temps. Ce procédé,
comme son inverse l’accéléré, a été beaucoup employé, essentiellement à
des fins expressives, à l’époque muette. Il peut aussi être utilisé comme
outil à mieux voir des phénomènes trop rapides pour l’œil, et c’est pourquoi
on le baptisa, en allemand, Zeitlupe (loupe temporelle), terme que
reprennent aussi les théoriciens et critiques russes des années 1920.
Une variante, beaucoup pratiquée par Jean-Luc Godard dans les années
1980 et 1990, consiste à alterner des ralentis et des arrêts sur l’image dans
un même plan, produisant un effet de décomposition, d’analyse de ce plan
(voir notamment France Tour Détour Deux Enfants). Le ralenti est obtenu
par d’autres moyens en numérique, mais il garde la même valeur
essentiellement expressive.

➦ ACCÉLÉRÉ

RANCIÈRE, JACQUES (1940)


Philosophe, critique Philosophe et critique, travaillant à la jonction de la
politique et de l’esthétique (à propos de littérature, d’art contemporain, de
cinéma), à partir de ce qu’il appelle le «  partage du sensible  » (2000) –
  locution délibérément ambiguë, signalant à la fois que «  le sensible  » (la
matière des arts) est à tout le monde, mais aussi qu’il est très inégalement
partagé, entre autres pour des raisons politiques.
Il n’a pas produit de théorie du cinéma en général, mais lui a consacré de
nombreux articles et conférences, la plupart repris par lui en recueils.
Constatant que « c’est seulement au nom d’une idée de l’art que l’on peut
poser le rapport d’un dispositif technique à tel ou tel type de fable  », il
consacre les analyses de La Fable cinématographique (2001) à évaluer la
part de la fiction dans l’art du cinéma  : dans sa poétique (comment un
cinéaste traite-t-il une histoire à laquelle il peut n’avoir aucune part ?), dans
sa pragmatique (de quoi se souvient le spectateur lorsqu’il se remémore un
film : des images, des événements, des phrases – ou tout cela ?), dans son
esthétique enfin (comment un critique peut-il faire d’un film une œuvre,
faite à la fois de fiction et de sensations  ?). Il reprend les mêmes thèmes
dans Les Écarts du cinéma (2011), mais en les pensant systématiquement à
partir des « écarts » du cinéma avec l’art (sur l’exemple de la cinéphilie),
avec la politique (comment montrer l’exploitation de l’homme par
l’homme, par exemple  ?) et avec la théorie. Le cinéma est une machine à
fiction  ; il n’a rien d’une «  langue des images  », mais a le pouvoir de
transformer les formations sociales (l’idéologie, l’art) et psychiques (la
mémoire, les affects) qu’il rencontre en formes mouvantes, qui ont leur
monde propre et leur efficace propre.

➦  ART, DELEUZE, EPSTEIN, IDÉOLOGIE, MILITANT (CINÉMA), POLITIQUE ET


CINÉMA

RÉALISATEUR
Métier, technique Littéralement  : la  personne qui est chargée de
«  réaliser  ». Initialement, ce verbe avait pour objet le scénario  : réaliser,
c’était donner à une histoire en mots une autre «  réalité  », qui la rende
visible. Mais très vite, le sens du mot a glissé, et l’objet en est devenu le
film : réaliser, c’est amener le film à l’existence, à partir d’un scénario ou
non (on parle sans difficulté de réalisateur de documentaires). Dans ce
second sens, qui est le seul depuis longtemps, le mot est un quasi-synonyme
de cinéaste ou de metteur en scène.
➦ CINÉASTE, METTEUR EN SCÈNE,

MISE EN SCÈNE

  BIETTE, 2000

RÉALISME
Technique, école L’idéologie réaliste en art s’est d’abord définie par la
substitution des modèles réels aux modèles idéaux imités de l’Antiquité, et
simultanément, par la substitution de notre perception de la réalité naturelle,
en tant que garantie des représentations, à des concepts transcendants
(chrétiens).
Sur cette base générale, il y a eu et il y a de nombreuses écoles qui ont pu
être qualifiées de « réalistes » : le réalisme n’est pas un mouvement unitaire
(pas plus que la modernité ou l’avant-gardisme), et on a pu trouver
également réalistes en littérature Balzac, Flaubert ou Zola, en peinture,
Courbet, Caillebotte ou Grosz (peintre de la « Nouvelle Objectivité ») – ou,
en cinéma, Stroheim, De Sica («  néo  »-réaliste) ou Lars von Trier (et les
cinéastes du « Dogme »). Le phénomène majeur, à échelle historique, est la
banalisation du projet réaliste, son identification à l’idéologie dominante
des arts du récit et du spectacle.
Le réalisme revendique la construction d’un monde imaginaire
produisant un fort effet de réel, mais il cherche aussi, et contradictoirement,
à récupérer une certaine capacité d’idéalité, pour dire quelque chose sur le
réel, et pas seulement sur une réalité momentanée (ce fut notamment le sens
des théories marxistes de la littérature, parfois adaptées, plus ou moins
précisément, pour le cinéma, cf. Aristarco ou Amengual). De façon
générale, il y a peu de mouvements cinématographiques qui aient cherché
absolument autre chose que le réalisme au sens de la définition donnée au
XIXe siècle ; les mouvements qui s’en sont écartés, ou qui ont réagi contre le
réalisme, en ont cependant presque tous respecté en partie le programme
d’adéquation au réel ou de révélation du réel. C’est pourquoi il a toujours
été difficile de définir, en cinéma, des courants réalistes, et cela s’est
toujours fait au nom de critères extra-cinématographiques et généralement
extra-artistiques (voir le « réalisme socialiste » en URSS de 1930 à 1960, le
« néoréalisme » italien).

➦ IDÉOLOGIE, NATURALISME, RÉALITÉ, REPRÉSENTATION


    BAZIN, 1958-1962  ; GRIERSON, 1966  ; PASOLINI, 1976  ; ROSSELLINI, 1984  ;
AMENGUAL, 1997 ; COMOLLI, 2004

RÉALISME POÉTIQUE
École, mouvement C’est une expression consacrée dans l’histoire du
cinéma français, aussi célèbre que celle de « Nouvelle Vague », mais encore
plus difficile à cerner. Comme c’est souvent le cas, son origine provient
d’un texte critique (un article paru dans Cinémonde en octobre  1933, à
propos du film de Pierre Chenal La Rue sans nom : « Tous les personnages
de cette chronique désespérée appartiennent à un présent cuisant, à un
présent où nous étouffons… J’ai dit réalisme, mais j’ai dit aussi
poétique. »). Sadoul dans son Histoire du cinéma reprend l’expression pour
caractériser le cinéma français des années 1930, et après lui, Bazin et toute
une tradition critique jusqu’à Jeancolas et Andrew.
Ce «  réalisme  » s’inscrit dans une filiation ancienne présente dans le
cinéma français chez Zecca, Antoine et Feyder, marquée par l’influence
littéraire de Zola et Maupassant. Mais il se développe surtout avec le
parlant, car c’est un réalisme qui donne une large part aux paroles des
personnages ; il croise ainsi le courant littéraire populiste d’Henri Poulaille
et Eugène Dabit (l’auteur du roman Hôtel du nord). Il entend «  s’opposer
au romanesque aristocratique et mondain, sans tomber dans les excès du
naturalisme  » (Manifeste populiste de Léon Lemonnier). Il marque
l’esthétique des premiers longs métrages des années 1930, sous une version
légère et sentimentale chez René Clair avec Quatorze Juillet (1933), sous
une version mélodramatique et fataliste chez Feyder, avec Le Grand Jeu
(1933) et Pension Mimosas (1934). C’est la veine noire que reprend Carné
avec sa série « réaliste », de Jenny (1936) au Jour se lève (1936), considéré
comme le point d’aboutissement de l’esthétique réaliste poétique.
Ce réalisme peut se définir à partir de la récurrence de quelques traits :
une vision décalée du réel social fondée sur l’idée de prédestination et de
destin, souvent fatal. Ce décalage est exprimé par le style des dialogues, très
littéraire et fondé sur des métaphores, une conception allégorique du
personnage. Le rapport à l’environnement est traduit par un décor très
stylisé, reconstitué en studio. C’est pour cela que cette « école » accorde un
rôle prépondérant aux dialoguistes (Charles Spaak, Jacques Prévert, Henri
Jeanson) et aux décorateurs (Lazare Meerson, puis Alexandre Trauner).
Les fictions réalistes poétiques sélectionnent certains lieux : la rue pavée,
les quais d’un canal, l’hôtel modeste, le bistrot, l’atelier, la zone et les
terrains vagues. Elles marquent une prédilection pour les personnages
d’ouvriers, de chanteurs de rue, de chauffeurs de taxi, de fleuristes ou de
midinettes, des personnages populaires et marginaux comme le prolétaire
qu’incarne Jean Gabin dans Le jour se lève, ou le soldat de la coloniale qui
déserte dans Quai des brumes (1938).
Pour André Bazin, cette école esthétique trouve son apogée dans le
cinéma français d’avant-guerre, en 1939-1940, et se sclérose ensuite avec le
courant du « réalisme noir » dans les années postérieures à la Libération.

  BAZIN, 1983 ; ANDREW, 1995

RÉALITÉ, RÉEL
Philosophie Le cinéma n’a pas modifié le sens (complexe, historiquement
stratifié) de ces termes usuels, mais, dans le cadre de certaines théories
d’inspiration lacanienne (Oudart, Bonitzer), la distinction entre les deux,
qui dans la langue courante est assez faible, a été parfois accentuée. On
désigne alors par «  réel  », conformément au premier sens du mot en
français, à la fois « ce qui existe par soi-même » et « ce qui est relatif aux
choses ». La réalité, en revanche, correspond à l’expérience vécue que fait
le sujet de ce réel ; elle est entièrement du domaine de l’imaginaire. (Il est
donc logique de parler, à propos du cinéma, d’« impression de réalité » et
non d’impression de réel.)

➦ EFFET DE RÉALITÉ, IMAGINAIRE, IMPRESSION DE RÉALITÉ, SYMBOLIQUE

RÉCIT
Narratologie Dans un travail fondateur, souvent repris, Genette a distingué
trois sens possibles du mot « récit » : 1°, «  l’énoncé narratif qui assure la
relation d’un événement ou d’une série d’événements » ; 2°, « la succession
d’événements réels ou fictifs qui font l’objet de ce discours, et leurs
diverses relations d’enchaînement, d’opposition, de répétition, etc.  »  ; 3°,
«  non plus [l’événement] que l’on raconte, mais celui qui consiste en ce
quelqu’un raconte quelque chose ». Genette et la plupart de ses successeurs
se sont accordés pour restreindre l’emploi du mot à la première de ces
significations (le second sens correspondant alors à l’histoire, le troisième, à
la narration).
Entendue en ce sens, la notion de récit a acquis, dans les travaux de
narratologie filmique, un certain nombre de caractères qui le définissent :
1°, un récit est clos : il forme un tout, au sens aristotélicien (« ce qui a un
commencement, un milieu et une fin  »), et son unité est première
(Gaudreault & Jost, 1990).
2°, un récit raconte une histoire  ; par conséquent, il superpose, au
temps imaginaire des événements racontés, le temps de l’acte narratif lui-
même.
3°, un récit est produit par quelqu’un (ou par une instance semi-
abstraite, telle la production de films de fiction) ; par conséquent, il s’offre à
moi non comme la réalité, mais comme une médiation de la réalité, qui
comporte des traits de non-réalité ; il est un « discours clos venant irréaliser
une séquence d’événements », selon la formule synthétique de Metz (1975).
4°, enfin, l’unité de récit, c’est l’événement  : le récit est relativement
indifférent à sa mise en forme (Bremond), et l’on peut considérer comme
équivalents des récits écrits, oraux, cinématographiques d’une même
séquence d’événements.
Chacun de ces traits peut être spécifié à propos du récit
cinématographique, mais il existe peu de travaux sur la clôture narrative (et
ses exceptions, comme la mode de la « fin ouverte » autour de 1970 dans le
cinéma d’art européen), ainsi que sur l’« équivalence » entre récit littéraire
et filmique (les études sur l’adaptation ou l’«  intermédialité  » s’attachent
surtout à des évaluations de contenus). En revanche, la question du temps
cinématographique et celle du point de vue narratif ont donné lieu a des
développements, largement inspirés de Genette. Le temps narratif au
cinéma a été étudié selon plusieurs axes : dans quel ordre sont présentés les
événements  ? quel rapport entre la durée du récit et celle des événements
racontés ? ce qui est raconté se produit-il une seule fois ou plusieurs fois ?
De même, le point de vue de l’instance narratrice peut-il se manifester de
diverses manières  : soit via le savoir attribué aux personnages, soit
indépendamment d’eux, soit encore, en se concentrant sur eux mais de
l’extérieur, sans nous faire partager leur savoir (au cinéma, la question du
savoir se double de celle du voir).
➦  ELLIPSE, FLASH-BACK, FOCALISATION, HISTOIRE, NARRATION,
OCULARISATION

    GAUDREAULT & JOST, 1990  ; VANOYE, 1991  ; GARDIES, 1993  ; RUIZ, 1995  ;
BEYLOT, 2005

RÉFÉRENT
Linguistique, sémiologie En linguistique structurale, le référent est le
troisième terme de la relation de signification. Il est extérieur au rapport
signifiant/signifié et désigne ce à quoi renvoie le signe dans la réalité (alors
que le signifié est le réel découpé par le signe). Ce référent peut être réel si
l’objet désigné par le signifié est attesté dans la réalité (n’importe quel objet
concret, une maison, un animal dont l’espèce existe selon les nomenclatures
des zoologues) ; il est imaginaire si le signifié renvoie à une entité mythique
(un ange, par exemple, ou un animal fabuleux comme le sphinx).
L’image cinématographique étant à la fois iconique et indicielle, elle
atteste en principe de la réalité du référent qu’elle désigne. Toutefois, dans
un film documentaire, le référent profilmique correspond au référent auquel
l’image renvoie. Par contre, dans le cadre de la fiction, il n’y a pas
coïncidence entre référent diégétique et référent profilmique. C’est pour
cela que le cinéma peut représenter, comme la littérature, toutes sortes
d’univers fabuleux. D’où l’existence et l’extension des genres comme le
cinéma fantastique, le merveilleux et la science-fiction. (Le monstre d’Alien
ne renvoie qu’à l’univers référentiel du film de Ridley Scott –  ce qui est
préférable pour le spectateur.)

➦ DIÉGÈSE, SIGNE, SIGNIFIANT/SIGNIFIÉ


  KRACAUER, 1960 ; COLIN, 1984

RÉFLEXIVITÉ
Théorie, sémiotique, narratologie 1.  Terme d’origine mathématique, qui
désigne la propriété d’une relation réflexive. Il a été repris par la théorie du
cinéma pour désigner l’« effet miroir » provoqué par le regard de l’acteur
(et/ou du personnage) à la caméra. Le «  regard à la caméra  » peut être
interprété comme une sorte d’adresse directe du personnage au spectateur,
puisque l’un regarde l’autre «  dans les yeux  ». Mais à la différence des
adresses de langage, parlées ou écrites, celle-ci est réflexive : elle provoque
un effet-miroir d’un genre particulier que l’on peut interpréter comme
l’équivalent d’une marque énonciative (Casetti, Vernet).
2. Le terme est également utilisé dans un sens plus large, lorsque le film
affiche le dispositif (réflexivité cinématographique), ou produit des effets de
miroir (réflexivité filmique). Celle-ci peut à son tour renvoyer à d’autres
films ou bien s’auto-réfléchir.
La réflexivité est donc l’aspect plus spécifiquement visuel de questions
plus générales comme le « film dans le film », le « cinéma dans le cinéma »
et le procédé de la « mise en abyme ».

➦ CINÉMA DANS LE CINÉMA, ÉNONCIATION, MISE EN ABYME, REGARD


    GERSTENKORN, 1987  ; VERNET, 1987  ; CASETTI, 1990  ; METZ, 1991  ; TINEL-
TEMPLE, 2015

REGARD
Psychologie, psychanalyse Le regard se distingue de la vision en ce qu’il
émane du sujet percevant, de façon active et plus ou moins délibérée  ; la
vue est ainsi le résultat du regard. Une définition plus précise suppose
l’adoption d’un modèle du sujet et de son psychisme.
Les psychologies cognitives définissent le regard comme un acte sensori-
informatif conscient et volontaire, entrant dans une stratégie de
connaissance et de comportement qui est celle du sujet dans son
environnement. Cette approche rend particulièrement facile la comparaison
entre regard du spectateur et «  regard  » de la caméra, puisque ce dernier,
manifesté par un point de vue, une distance, un cadrage, éventuellement un
mouvement, une profondeur de champs, etc., est calculé, volontaire,
délibéré. C’est donc une telle conception qui est, plus ou moins
implicitement, au fondement de notions comme l’« observateur invisible »
(Poudovkine) ou le spectateur «  omnivoyant  » (Souriau, Metz). Les
approches cognitives plus récentes (Bordwell, 1985) ont tendance à faire
l’économie de cette métaphore du « regard de la caméra », pour décrire plus
analytiquement les éléments du cadrage, directement rapportés à l’activité
regardante du spectateur.
Les théories d’inspiration psychanalytique insistent pour leur part sur la
relation entre regard et désir. En ce sens, le spectateur est pris dans un jeu
intersubjectif complexe, impliquant d’une part le dispositif spectatoriel, en
tant que machine à «  bloquer  » la vision, à faire «  pas-tout-voir  »
(Bonitzer), et dont la fonction censurante est aussi importante que la
fonction habilitante  ; d’autre part, les regards échangés à l’intérieur de la
diégèse, et dans le jeu desquels le spectateur se trouve impliqué (Browne,
1975 ; Bellour, 1978) ; enfin, les regards dirigés de l’écran vers la salle, soit
dans un échange symbolico-imaginaire du type de la «  suture  » (Oudart),
soit sur le mode encore plus direct du « regard à la caméra ». Cette dernière
figure est souvent considérée comme une perversion du langage classique,
de l’énonciation transparente qui le caractérise, et de la situation
«  normale  » du spectateur regardant  ; Vernet (1988) l’a rattaché aux
«  figures de l’absence  », qui trouent le discours filmique en y laissant
affleurer l’irreprésentable.
L’approche psychanalytique dans ses diverses variantes reste encore la
plus nourrie, dans deux grandes directions :
1°, l’étude des regards figurés sur l’écran, et de la façon dont ils
impliquent celui du spectateur  ; les théories féministes ont souvent mis
l’accent, notamment, sur la dissymétrie entre personnages masculins, dotés
du pouvoir de regarder, et personnages féminins, faits pour être
regardé(e)s ;
2°, l’étude du regard du spectateur, comme satisfaction partielle de son
voyeurisme foncier (de sa « pulsion scopique ») ; c’est aussi un point fort
des théories féministes, qui ont souligné la différence dans le jeu du regard
spectatoriel entre un sujet masculin voyeur par structure, et un sujet féminin
clivé entre voyeurisme spectatoriel et situation-d’être-vu (« to-be-looked-at-
ness », Mulvey, 1975). Le regard féminin a été analysé et mis en valeur par
certains travaux récents tels ceux de Modleski («  Mais que se passe-t-il
quand c’est la femme qui regarde ? ») et de Linda Williams qui analyse le
cinéma pornographique d’un point de vue féministe.

➦ FÉMINISME, OBSERVATEUR INVISIBLE, SPECTATEUR, SUTURE


  MULVEY, 1975 ; BONITZER, 1982 ; MODLESKI, 1988 ; CASETTI, 1990 ; LACOSTE,
1998 ; WILLIAMS, 2008, 2014
REGARD (À LA) CAMÉRA
Technique, esthétique Locution figée qui désigne les moments où un
personnage de film semble regarder, soit les spectateurs (si l’on pense au
moment de la projection), soit la caméra (si l’on pense au tournage). On
peut noter (Vernet) que cette expression est peu logique, puisque c’est
l’acteur qui a regardé la caméra, tandis que le spectateur a plutôt
l’impression d’être regardé par le personnage.

➦ REGARD, SPECTATEUR

RÈGLE DES 180°
Technique, langage «  Deux personnages en champ-contrechamp doivent
être cadrés de telle sorte que la caméra soit, dans les deux plans successifs,
du même côté de la ligne imaginaire qui joint les deux personnages. » Cette
règle, élaborée empiriquement dès la fin des années 1910, est justifiée par
un désir de clarté  ; en restant du même côté de la ligne des regards, la
caméra croisera sur l’écran les directions imaginaires des regards,
symbolisant ainsi de manière immédiatement sensible le croisement des
regards des personnages. Il existe, comme à toute règle stylistique ou
esthétique, d’innombrables exceptions (par exemple, systématiques chez
Ozu) mais cette règle est encore enseignée dans les écoles de cinéma.

➦ CONTRECHAMP, DÉCOUPAGE, REGARD


  BORDWELL, 1985

RELIEF
Technique, psychologie Dans les conditions normales, le cinéma ne donne,
du relief dans les scènes filmées, qu’une image conventionnelle, en
particulier par le jeu de la perspective et par le jeu des ombres. Presque
aussitôt après son invention, on eut donc la tentation de « perfectionner » le
médium pour le rendre capable de reproduire vraiment la sensation de
relief. Il faut pour cela, obligatoirement, adresser un « message » différent à
chacun des deux yeux, la perception naturelle du relief provenant justement
de l’analyse par le cerveau de cette différence. Les procédés imaginés pour
cela ont été assez nombreux, mais les procédés exploités industriellement
(durant un bref laps de temps, entre 1954 et 1956) ont tous reposé sur
l’inscription, dans le même cadre unitaire du photogramme, de deux
images, séparées ensuite par les deux yeux grâce au port de lunettes, soit
avec deux verres de couleurs complémentaires (rouge/vert en général), soit
avec des verres de polarisations opposées. Le procédé a une certaine
efficacité, mais ne produit que des effets trop marqués pour dépasser le
stade de la sensation rudimentaire (voir le meurtre dans Le crime était
presque parfait, de Hitchcock), et le cinéma en relief (3 D, dans la
terminologie anglophone) fut vite abandonné. Il a fait sa réapparition près
d’un demi-siècle plus tard, selon des principes analogues (port de lunettes
permettant de distinguer les deux images droite et gauche), avec un certain
succès, et nombre de blockbusters sont actuellement distribués en version
3D et en version « plate ». Le relief semble cependant toujours réservé par
priorité aux films reposant sur la production et la multiplication de
sensations fortes.
De nouveaux procédés, permettant de se dispenser du port de lunettes,
sont en cours de développement, mais concernent pour l’instant
principalement la télévision. Il ne semble pas toutefois, dans l’état actuel
des techniques, que l’image en relief doive devenir la norme des images
cinématographiques.

➦ PERSPECTIVE
  BARNIER & KITSOPANIDOU, 2015

REMAKE
Genre, narratologe, économie Film dont le scénario est très proche de
celui d’un film précédent. Ce terme d’usage courant (et commode) est
difficile à définir avec précision. On le réserve en général aux cas où c’est
le premier film qui constitue la version princeps de l’histoire racontée ; en
particulier, on ne considère pas comme remake un film adaptant une œuvre
littéraire qui a déjà été adaptée, si cette œuvre est célèbre avant son
adaptation  ; ainsi, les différentes versions de Guerre et Paix, des Liaisons
dangereuses, de La Princesse de Clèves ne sont pas des remakes, mais on
parlera de remake pour la seconde version d’Elle et Lui (McCarey), alors
qu’elle est, comme la première, adaptée d’un roman. La pratique du remake,
avouée et manifeste dans le cinéma classique, est devenue plus indirecte,
parfois sournoise, certains films «  refaisant  » des films anciens sans que
cela soit annoncé  ; le rapport entre les deux films est toujours,
structurellement, de l’ordre du remake, mais institutionnellement, chaque
œuvre revendique son autonomie.
C’est une pratique qui se développe et s’élargit dans la production
contemporaine. Recycler, reprendre, revisiter sont devenus des modes
prééminents de fabrication des images et des sons, accentués par la
cinéphilie sous toutes ses formes et par la facilité d’accès aux œuvres, le
plus souvent sous forme d’extraits, avec internet et la numérisation
généralisée. À ce titre, elle suscite de nouvelles réflexions théoriques autour
de la notion de franchise et de filiation.

➦ ADAPTATION, GENRE, RÉCIT


  CERISUELO, 2000 ; BOURDON, 2012

REMPLOI
Technique, esthétique Terme technique repris au vocabulaire de
l’architecture, où il désigne l’utilisation, dans la construction d’un bâtiment,
d’un morceau provenant d’un autre bâtiment. En cinéma, il désigne le fait
de prendre comme matériau d’un film ou d’une partie de film, un fragment
d’un film existant, tel quel, mais monté ailleurs et autrement, et l’expression
«  film de remploi  » est en pratique réservée aux films d’expression
personnelle qui utilisent des films plus anciens, parfois en les transformant
(par ralenti, par déchirure etc.). De nombreux artistes ont réalisé de tels
films ; on peut citer Martin Arnold, Bruce Conner, Alain Fleischer, Yervant
Gianikian et Angela Ricci-Lucchi, Matthias Müller et bien d’autres, sans
oublier que les lettristes (Isou, Lemaître) ont été probablement les premiers
à pratiquer cette technique. (On utilise aussi l’expression anglaise, found
footage –  littéralement  : métrage trouvé  –, qui insiste sur le fait que le
matériau de ce film n’a pas été produit, mais pris ailleurs.)
Le principe de ces films est le même que celui de ce qu’on a appelé
«  films de montage  »  : à l’époque muette, ceux d’Esther Choub sur la
dynastie des Romanov ou de Léon Poirier sur Verdun et la guerre de 14,
plus tard, des documentaires de nature historique (Paris 1900, Le fond de
l’air est rouge, etc.), mais le terme de remploi n’est utilisé, par convention
implicite, que dans le cas de films d’artistes, car la visée est très différente.

➦ LETTRISME
  BLÜMLINGER, 2013

REPRÉSENTATION
Philosophie, sémiotique, théorie Utilisé dans des contextes nombreux et
variés, le mot désigne toujours une opération par laquelle on remplace
quelque chose (généralement absent) par autre chose, qui en tient lieu. Ce
tenant-lieu peut être de nature variable  : une image (représentation
picturale, photographique, cinématographique), une performance sur une
scène (représentation théâtrale), etc.
En ce qui concerne la représentation par des images, la question
principale a souvent été de décider si elle mettait en jeu des aptitudes
humaines innées et universelles, ou au contraire des aptitudes culturelles,
acquises et particulières. Les deux positions ont des tenants et des
arguments :
–  du côté des conventionnalistes, on considère par exemple que
toutes les sortes d’images (une photo très réaliste ou un dessin
d’enfant) représentent également, parce que leur rapport à ce
qu’elles représentent est de toute façon arbitraire  ; la
représentation est alors vue comme un mode de signification et de
symbolisation parmi d’autres (Goodman) ;
– pour les réalistes, il existe des représentations qui mobilisent des
aptitudes naturelles  ; le plus souvent, cette qualité est attribuée
aux représentations en perspective (Gibson, Gombrich).
Les études interculturelles ont montré 1°, que les conventions
représentatives sont très variables d’une civilisation à l’autre, mais 2°, que
certaines cependant sont d’un apprentissage plus rapide (plus facile) que
d’autres (Hudson). C’est le cas de la plupart des conventions
photographiques, dont il a été démontré qu’elles sont acceptables même par
des humains qui ne les ont pas apprises de longue date.
Ce débat n’a quasi jamais été abordé empiriquement à propos de cinéma,
sinon par un tout petit nombre d’ethnographes (Worth & Adair). La
réflexion sur ce sujet est plutôt spéculative, autour par exemple de thèses
qui voient dans la représentation cinématographique un artefact culturel
arbitraire, dont le réalisme est conventionnel, et qui est adéquat seulement à
certains états de société (Comolli – qui associe le cinéma à l’Humanisme).
Inversement, toute réflexion sur l’impression de réalité (et non sur le
réalisme) amène à conclure qu’elle est également produite dans toutes les
circonstances, indépendamment de l’organisation sociale.
En cinéma, la représentation implique deux moments, intextricablement
liés  : 1°, le passage d’un texte, écrit ou non, à sa matérialisation par des
actions dans des lieux agencés en scénographie (temps de la mise en scène)
et 2°, le passage de cette représentation, analogue à celle du théâtre, à une
image en mouvement, par le choix de cadrages et la construction d’une
séquence d’images (montage). Ce dédoublement du processus représentatif
a nourri des comparaisons du cinéma avec le théâtre et aussi avec la
peinture (dans laquelle le second temps est seul accessible).

➦ ANALOGIE, MISE EN SCÈNE, MONTAGE

REPRODUCTION
Technique Action de reproduire fidèlement une chose existante  : un
document, une œuvre d’art, une image, un son, la copie d’un texte. Le
cinéma utilise des reproductions sonores et des reproductions visuelles, les
premières étant bien plus «  fidèles  », c’est-à-dire proches sensoriellement
de leur modèle. En tant qu’imitation directe du monde sensible, la
reproduction est au fondement de la mimèsis, et par conséquent, cette
notion est le premier terme de toutes les théories de la représentation, du
réalisme à la distanciation brechtienne.
Les techniques de reproduction mécanique apparues au XIXe  siècle ont
augmenté considérablement le nombre, et accru la fidélité, des
reproductions visuelles, mais au prix d’une standardisation des processus
(par rapport à la reproduction picturale, toujours obtenue « à la main »). Les
techniques mécaniques de la reproduction, en particulier (photographie,
puis cinéma, et parallèlement, enregistrement sonore) ont été souvent
analysées, depuis un célèbre essai de Benjamin (1935-1936) comme la
source d’un changement dans la définition même de l’art : pour Benjamin,
cette standardisation entraîne une «  perte d’aura  », c’est-à-dire que l’art
s’écarte de ses racines cultuelles et se sécularise, ce qui autorise entre autres
à en chercher une définition plus politique.

➦ REPRÉSENTATION

RESTAURATION
Technique, esthétique Terme utilisé dans la pratique des archives pour
désigner le processus qui a pour but de rétablir l’état initial d’un film
conservé. En effet, il est rare qu’un film soit conservé en bon état et dans
une copie (ou un négatif) correspondant à la version diffusée à l’origine.
C’est pour cela qu’un film ancien, ou même datant de quelques années,
nécessite toujours un travail de restauration, minimal ou très conséquent,
pour être de nouveau projeté, édité en DVD ou autrement diffusé. Toutefois,
quelles que soient les techniques, on ne peut restaurer qu’à partir du
matériau dont on dispose, et s’il est trop détérioré, on ne pourra pas tout
corriger. Dans le cas du cinéma argentique, on peut dissimuler des taches ou
des rayures, voire des déchirures ou perforations de la pellicule, mais il est
plus difficile de corriger tout ce qui provient de la décomposition du
support ; dans le cas de la couleur, le virage au magenta de la plupart des
copies ne peut être corrigé (on peut seulement tirer une copie neuve à partir
du négatif, s’il est encore en bon état). Le numérique en principe ne souffre
pas de ces inconvénients, mais les copies numériques ne sont pas exemptes
de problèmes propres, quel que soit leur support (DVD, DCP…).
Cependant, le numérique permet de restaurer beaucoup plus facilement le
film argentique, s’il est transféré sur une matrice numérique. En effet, le
nouveau support peut bénéficier de toutes les techniques de post-production
numérique  : suppression des rayures, restitution des parties dégradées,
restitution des couleurs supposées originales, traitement du son, etc. Bien
entendu, il y a des limites à ne pas franchir, comme le démontrent les
restaurations numériques de certains films, qui tentent abusivement
d’améliorer les éléments initiaux (le son de L’Atalante ou de Vertigo, par
exemple).
Il faut distinguer la restauration de la reconstitution. Beaucoup de films
ont souffert lors de leur exploitation initiale, et se sont vus amputés de plans
ou même de scènes entières ; d’autre part, il était courant à l’époque muette
de distribuer des versions différentes (montées à partir de prises différentes
des mêmes plans) dans divers pays. C’est le cas pour Les Rapaces d’Erich
von Stroheim, Napoléon d’Abel Gance, Nosferatu ou Faust de
F. W. Murnau, Metropolis de Fritz Lang, pour citer des classiques connus
dans différentes versions. Les cinémathèques et leurs restaurateurs se sont
efforcés de reconstituer des versions un peu plus complètes de ces titres
souvent très amputés, et de choisir la version la « meilleure » lorsqu’il y en
avait plusieurs. Pour cela, il est indispensable de se reporter à des sources
d’époque, en dehors du film lui-même  : documents de production ou de
tournage, scénario, feuilles de montage, partition musicale.
La restauration suppose en outre un grand nombre de choix techniques,
concernant le montage, l’étalonnage, le traitement du son. Elle pose donc
des problèmes de déontologie artistique  : jusqu’à quel point peut-on
restaurer sans dénaturer l’œuvre initiale ? En cela, la restauration des films
est identique à celle des autres œuvres artistiques  : toiles peintes,
monuments architecturaux, etc.

  FIAF, 1980 ; CHERCHI USAI, 1991, 2000 ; PAÏNI, 1992

RETOUR EN ARRIÈRE
Voir Flash-back.

RÊVE
Psychologie, psychanalyse Activité psychique qui se produit pendant le
sommeil, et dont le sujet garde un souvenir plus ou moins précis au réveil.
L’analogie entre rêve et film est très ancienne puisque tous deux sont des
représentations d’images mouvantes.
Toutefois, la plupart des approches comparant rêve et film se sont situées
dans le cadre de la psychanalyse freudienne, pour laquelle le rêve est « la
voie royale d’accès vers l’inconscient  ». Pour Freud, le rêve résulte d’un
travail d’élaboration au terme duquel les désirs refoulés dans la vie diurne
parviennent à s’exprimer, mais en se déguisant pour déjouer la censure et
être acceptés par la conscience. Freud distingue le contenu manifeste du
rêve et son contenu latent, le premier correspondant au récit que le rêveur
fera au réveil, le second au sens que les éléments oniriques ont pour
l’inconscient, «  en deçà  » du travestissement. Le «  travail du rêve  » est
l’ensemble des processus psychiques qui permettent de passer du contenu
latent au contenu manifeste.
Cette perspective a été reprise après 1945, dans le cadre des réflexions
filmologiques sur la situation cinématographique, notamment par Lebovici
(1949), qui entend démontrer que le film est un moyen d’expression proche
de la pensée onirique : ils ont un caractère visuel commun, jouissent l’un et
l’autre d’une grande liberté de manœuvre, puisque comme celles du rêve,
les images filmiques ne sont unies ni par des liens temporels, ni par des
liens spatiaux solides et logiques. Il y a aussi l’absence de strict principe
causal, les séquences filmiques, tout comme les images oniriques, avançant
sur la base de rapports de contiguïté, d’imagination, plutôt que sur la base
de rapports logiques. C’est dans le prolongement de cette approche (via
Metz) que Kuntzel (1975) a comparé le « travail du film » au « travail du
rêve  » freudien, en s’appuyant sur les deux processus fondamentaux de
condensation et de déplacement, mis en relation avec la métaphore et la
métonymie.
Lebovici compare également le spectateur de cinéma à un rêveur, à cause
de la situation où il se trouve  : obscurité de la salle, isolement des corps,
abandon psychologique, caractère irréel des images. Le film suscite une
adhésion empathique, bien loin de la simple passivité, proche d’un certain
état de communion relâchée, qui rappelle le rapport que le rêveur entretient
avec son rêve. Ces thèses ont été reprises et commentées abondamment
dans les années 1970 (Baudry, Metz). Metz (1975) compare
systématiquement rêve et film pour en conclure que ce dernier est plus
proche de la rêverie, du rêve éveillé, puisque relevant de la vie psychique
diurne.
Ces théories sont aujourd’hui datées, le rêve n’étant plus, en général,
considéré comme le moyen d’expression privilégié de l’inconscient (au sens
freudien), mais comme une manifestation psychique dont la fonction et le
processus restent largement énigmatiques. La neurobiologie en effet
accumule les résultats d’expériences, mais sans avoir jusqu’ici produit une
théorisation d’ensemble de ce phénomène humain. Cependant, le rêve garde
pour les films de fiction un grand pouvoir de séduction (une scène «  de
rêve » permet d’expérimenter des formes plus libres et plus originales), et
continue de valoir comme modèle (très peu précis) du cinéma en général.
➦ IMAGE MENTALE, IMAGINAIRE, PSYCHANALYSE
  SCHEINFEIGEL, 2012

REVUES DE CINÉMA
Critique Le spectacle cinématographique a été très tôt accompagné de
nombreuses publications périodiques qui lui ont été consacrées, en France
et en Italie, puis aux États-Unis. Les premiers périodiques furent des
corporatifs professionnels (Le Fascinateur crée par Georges Coissac) ; puis
à la fin des années 1910 ils prennent aussi en charge la promotion culturelle
du Septième Art (Le Film créé en 1914 par Henri Diamant-Berger, et dont
Delluc fut rédacteur en chef).
En dehors même des publications de type «  magazine  », les plus
nombreuses, vouées principalement à l’information sur l’actualité, les
revues, manifestant une ambition intellectuelle plus grande, n’ont que
rarement été dévolues entièrement aux recherches théoriques. Ce fut le cas,
toujours de manière éphémère, des revues liées à des institutions de
recherche ou d’enseignement supérieur, telles la Revue Internationale de
Filmologie, liée à la Sorbonne (de 1947 à la fin des années 1950) ; de Ikon,
Cinema, televisione, iconografia (Institut Gemelli, Milan)  ; de la revue
italienne Cinema, qui a publié Barbaro et traduit Poudovkine, Eisenstein,
Balázs et Arnheim dès les années 1930 (Centre expérimental du cinéma
italien, financé par l’État). Depuis les années 1970, de nombreuses revues
ont vu le jour de cette manière : Cinema Journal, Camera Obscura (États-
Unis), Iris, Cinémathèque, Cinéma, 1895 (France), Screen (Grande-
Bretagne), Kintop (Allemagne), Cinémas (Canada), pour n’en citer que
quelques-unes.
Toutefois, il est arrivé très fréquemment que des textes ayant joué un rôle
déterminant dans l’histoire des idées aient été publiés dans des revues de
critique de cinéma (Cahiers du cinéma, Sight and Sound, SegnoCinema,
Cinegrafie, Trafic, Cinéma, etc.), voire dans des magazines plutôt
informatifs comme Cinémagazine (articles de Germaine Dulac) ou L’Écran
français (l’article célèbre d’Astruc sur la caméra-stylo).
L’histoire des publications sur le cinéma est également marquée par
l’apparition, souvent éphémère aussi, de revues critiques polémiques et
programmatiques qui entendent promouvoir un nouveau cinéma. Tous les
« nouveaux cinémas » ont été précédés ou accompagnés par des périodiques
importants. La célébrité des Cahiers du cinéma des années 1950 ne doit pas
laisser dans l’ombre Film Culture et Jonas Mekas, FilmKritik et Enno
Patalas, Film a doba et Jan Kucera, Eiga Geitjutsu au Japon, Contracampo,
revue de l’après-franquisme en Espagne, Cine Cubano, et beaucoup
d’autres.
Les années 2000 et suivantes sont marquées par l’apparition de revues en
ligne de plus en plus nombreuses, certaines créées par des semi-
professionnels, d’autres par des amateurs (sans que cela implique une
hiérarchie dans leur qualité), tels Débordements, La furia umana, Mise au
point, Nouvelles vues, Senses of cinema et bien d’autres. En outre, d’assez
nombreux blogs ou sites non spécialisés comportant des commentaires ou
analyses de films jouent un rôle de plus en plus important dans la formation
du goût critique.

➦ CAHIERS DU CINÉMA, CINÉTHIQUE, CRITIQUE, 1895, POSITIF


  CIMENT & ZIMMER, 1997

RHÈME
Sémiotique Le terme – forgé à partir du grec rhein, couler – a été introduit
en sémiotique par Peirce (1903), pour désigner un signe de «  possibilité
qualitative  » (opposé en cela au dicisigne ou signe d’existence réelle et à
l’argument ou signe de loi). Le rhème est compris comme «  représentant
son objet seulement dans ses qualités ».
Pasolini (1971) a appliqué ce terme au cinéma, en accentuant son
étymologie. Selon sa conception du cinéma comme «  langue écrite de la
réalité  », nous ne pouvons pas distinguer, dans l’imaginaire (par exemple
dans le souvenir) entre la réalité perçue et le cinéma. Il faut donc qu’une
continuité, même illusoire, soit maintenue dans les films ; c’est pourquoi le
plan doit «  s’écouler  » comme la réalité, et faire oublier les raccords, qui
par essence n’appartiennent pas à la langue du cinéma. Le plan, dans cette
conception, est un rhème.
Le terme a ensuite été repris, dans une perspective plus strictement
peircienne, par Colin (1985), qui a défini le plan, et spécialement le plan
comportant un mouvement d’appareil, comme relevant d’une structure
«  profonde  » en thème +  rhème (ce dernier étant assimilé à la «  fonction
propositionnelle » des linguistes générativistes).

➦ PASOLINI, PLAN, SÉMIOTIQUE


  PASOLINI, 1976 ; COLIN, 1985

RHÉTORIQUE
Linguistique La rhétorique est l’ensemble des procédés de l’art de bien
parler et de convaincre. Il n’existe pas une rhétorique du cinéma à
proprement parler, mais le cinéma est l’un des lieux où s’exerce le principe
rhétorique, conçu comme mise en forme active et surgissement de la
signification. Pratiquement, l’étude de la rhétorique filmique a suivi quatre
directions :
1°, celle des figures cinématographiques, étude souvent menée par les
«  grammaires  » traditionnelles du «  langage cinématographique  », mais
dont on trouve encore la trace chez des théoriciens et critiques des années
1960 (Amengual, Martin) ;
2°, celle des discours filmiques, et de la diversité des procédés qu’ils
mettent en œuvre. Par exemple  : le documentaire a sa rhétorique, souvent
assimilée à celle d’un discours verbal rationnel (Gauthier), orienté vers une
vérité du réel (Grierson, Bouvier)  ; le film de famille a une rhétorique
fondée sur l’émiettement narratif, l’absence de clôture, l’indifférenciation
spatiale, l’adresse à la caméra, etc. (Odin) ;
3°, celle du rhétorique en général, c’est-à-dire du figural dans le film.
C’est la direction suivie par le courant d’inspiration psychanalytique (Metz)
mais aussi le courant «  déconstructionniste  » (Conley) voire le courant
herméneutique issu de Ricœur (Andrew) ;
4°, celle de la puissance de conviction attendue du discours filmique ; un
film en effet est toujours réalisé en vue d’avoir des spectateurs, et il tient
donc un discours qui doit atteindre ceux-ci. Soulez (2011), qui étudie la
rhétorique filmique de ce point de vue, voit dans l’approche rhétorique un
moyen d’échapper à la lecture immanente (qui postule que le sens est
contenu dans le film), en situant les films dans un espace social, où ils sont
alors pris dans le jeu des trois branches canoniques de la rhétorique, ethos,
pathos et logos (il insiste sur les deux premières).
➦ EFFET, FIGURAL, FIGURE, PRAGMATIQUE
  GERSTENKORN, 1995 ; SOULEZ, 2011

ROAD MOVIE
Genre Genre cinématographique, rassemblant des films-itinéraires, où un
ou plusieurs personnages accomplissent un trajet, en principe routier (road),
mais qui en pratique peut être de nature assez diverse ; le terme du trajet est
souvent la mort, ou une séparation. Cette appellation est apparue après le
succès d’Easy Rider (Hopper, 1968), qui en reste le prototype absolu, et on
l’a par la suite appliquée à des films aussi différents que Macadam à deux
voies (Hellman, 1971), Les Valseuses (Blier, 1974), Au fil du temps
(Wenders, 1976), Thelma et Louise (Scott, 1991), L’Été de Kikujiro (Kitano,
1999) et quantité d’autres, le schème étant assez général pour s’appliquer
dans des situations diverses. Benoliel et Thoret (2013) ont même proposé
de l’étendre à des films antérieurs à l’apparition du terme dans la critique,
comme Les Voyages de Sullivan (Sturges, 1942), Les Raisins de la colère
(Ford, 1940), voire Pierrot le fou (Godard, 1965)…

  MOSER, 2008 ; BENOLIEL & THORET, 2011

ROCHA, GLAUBER (1939-1981)


Cinéaste, critique, poète, théoricien Cinéaste, critique, essayiste, poète,
dessinateur et écrivain brésilien autodidacte, Rocha n’a pas fait dans son
œuvre de distinction entre théorie et pratique. Ses articles sur le cinéma sont
un appel à l’action révolutionnaire, de même que ses films sont définis par
lui-même comme des « manifestes pratiques » de sa théorie esthétique.
Chef de file du Cinema novo, il développe à partir des années 1960 un
projet de cinéma national entièrement indépendant, aussi bien du point de
vue économique que formel. Dans ses articles et dans ses lettres, l’accent
est mis sur le besoin d’une rupture profonde avec le mode de production
cinématographique traditionnel et avec tout modèle esthétique venu
d’ailleurs (ni Hollywood, ni Nouvelle Vague mais une esthétique
brésilienne, latino-américaine et tiers-mondiste). Les principes éthiques de
la révolution culturelle proposée par le Cinema novo sont exposés par
Rocha dans un article de 1965, « L’Esthétique de la faim ». « Ici réside la
tragique originalité du Cinema novo en face du cinéma mondial  : notre
originalité est notre faim et notre plus grande misère est que cette faim,
bien que ressentie, n’est pas comprise. » Pour la faire comprendre, les films
du Cinema novo doivent la mettre au premier plan, la surexposer de façon
violente.
Dans ses films, cette «  esthétique de la faim  » se concrétise dans une
représentation métaphorique de l’Histoire. À travers la violence, les
personnages de Rocha délivrent l’irrationalisme et les forces inconscientes
réprimés par la raison, essayant ainsi d’ouvrir une voie vers la révolution.
Dans un article de 1971, «  Esthétique du rêve  », il définit la révolution
comme « l’“anti-raison” qui communique les tensions et les rébellions du
plus irrationnel de tous les phénomènes, celui de la pauvreté ».
Rocha parlera par la suite de moins en moins d’esthétique et de plus en
plus de rêve, de magie, de croyance, de vie  : «  L’art révolutionnaire doit
être une magie capable d’ensorceler l’homme à tel point qu’il ne supporte
plus de vivre dans cette réalité absurde. » Influencé dans sa jeunesse par la
pensée dialectique d’Eisenstein, Rocha semble se rapprocher davantage du
mysticisme social de Rossellini : « Je ne justifie ni n’explique mon rêve, car
il naît d’une intimité de plus en plus grande avec les thèmes de mes films,
sens naturel de ma vie. »

➦  EISENSTEIN, ESTHÉTIQUE, NOVO (CINEMA), POLITIQUE ET CINÉMA,


ROSSELLINI

  GARDIES, 1974 ; XAVIER, 1983-2008 ; PIERRE, 1987

RODOWICK, DAVID (1952)


Philosophe, théoricien Universitaire et théoricien états-unien, auteur dans
un premier temps de plusieurs ouvrages traitant, de manière approfondie et
critique, des grands courants théoriques successifs : la fin du « modernisme
politique » des années 1970 (The Crisis of Political Modernism, 1989) ; la
psychanalyse et le féminisme (The Difficulty of Difference, 1991)  ; la
philosophie deleuzienne (Gilles Deleuze’s Time Machine, 1997)  ; enfin le
figural (Reading the Figural, 2001).
À date plus récente, il a entrepris de faire le point sur le devenir du
cinéma après l’arrivée du numérique et du virtuel, et l’«  extension  » du
cinéma –  thèmes sur lesquels il adopte des positions modérées, tout en
cernant avec précision les changements intervenus (The Virtual Life of Film,
2007). Ses deux derniers ouvrages (Elegy for Theory, 2013  ; Philosophy’s
Artful Conversation, 2014) sont une réflexion un peu nostalgique sur le sort
de la théorie dans les études cinématographiques, et les difficultés de sa
relation à la philosophie. À la différence de chercheurs comme Bordwell ou
Carroll, Rodowick considère en effet les tentatives philosophiques
européennes (et notamment françaises) comme tout à fait dignes d’intérêt,
malgré les problèmes auxquels leur application donne naissance.

➦ DELEUZE, MODERNE (CINÉMA), PHILOSOPHIE, VIRTUEL (MONTAGE)

ROHMER, ÉRIC (1920-2010)


Cinéaste, critique Surtout connu comme cinéaste, Éric Rohmer a aussi été
critique (parfois sous son vrai nom, Maurice Schérer), essayiste et analyste.
Au fil de ses essais consacrés au cinéma, mais aussi au théâtre ou, plus
longuement, à la musique, il aborde au moins quatre grands thèmes :
1. L’histoire de l’art  : sa thèse, assez hégélienne, est que chaque art
possède une «  courbe  » qui définit sa naissance, sa jeunesse, sa maturité,
son apogée puis son déclin. Chaque art « coïncide » en quelque sorte avec
lui-même (avec son essence) à son apogée, et c’est de là qu’on peut le
mieux le saisir, le comprendre et le définir. Inversement, un art est « mort »
lorsqu’il n’a plus de public hors la collection ou le musée.
2. Correspondances des arts  : dans son essai le plus frontalement
théorique (Le Celluloid et le Marbre, 1955), Rohmer compare cinq des arts,
à la fois pour en souligner (un peu à la Souriau) les relations et la co-
appartenance à l’Art, et pour les caractériser par différents stades dans leur
« courbe de vie ». Le cinéma, comme chez beaucoup de critiques de cette
période (Bazin, 1955), est vu comme une sorte de « relève » de la peinture,
après la mort de celle-ci. La définition de l’art sur laquelle Rohmer fait fond
est à la fois intentionnelle (par la visée consciente de l’artiste), esthétique
(par l’effet produit sur le destinataire), et historique (se référant à des
périodisations conventionnelles).
3. Le classicisme : facile à définir en musique (De Mozart en Beethoven,
1996), à la fois comme période de l’histoire d’un art et comme caractères
stylistiques, le classicisme est une question difficile en cinéma. Rohmer
défend l’idée d’un cinéma qui serait passé d’un pré-classicisme (Griffith,
Murnau) à une modernité qui trop souvent à ses yeux fait l’économie de la
recherche du stade classique. Ses essais des années 1950 sont souvent
consacrés à la recherche – difficile, teintée de nostalgie – d’un classicisme
cinématographique qui échappe toujours.
4. La réalisation, ou l’art du cinéaste  : la poétique rohmérienne est
fondée sur trois idées maîtresses : 1°, le cinéma doit exprimer le monde, et
non l’auteur du film (conception classique), d’où par exemple la
condamnation de toute citation picturale au cinéma ; 2°, le cinéma pour cela
doit cultiver ses moyens expressifs propres, essentiellement la lumière et la
mise en scène (minoration du montage, voire du cadrage) ; 3°, le cinéma est
un art de l’espace avant d’être un art du temps. Cette dernière thèse,
paradoxale et rare dans la théorie du cinéma, est illustrée dans un essai sur
Murnau (1976).

➦ ART, CLASSIQUE (CINÉMA), MODERNE (CINÉMA), PEINTURE

RÔLE
Dramaturgie, narratologie Partie du texte que doit dire un acteur sur
scène  ; le rôle, chez les Grecs et les Romains, c’était le rouleau de bois
autour duquel s’enroulait un parchemin contenant le texte à dire et les
consignes de son interprétation. Par extension, le mot désigne le personnage
qu’il représente. Le rôle a ensuite désigné une catégorie de personnages : le
rôle du méchant, du traître, de la jeune fille naïve, etc. Lorsque ce rôle ne
correspond pas tout à fait à l’emploi habituel de l’acteur, on parle de rôle de
composition. Le rapport au rôle est tantôt d’imitation et d’identification,
tantôt au contraire de différence et de distanciation.
En tant que type de personnage, le rôle est lié à une situation ou à une
conduite générale. Il n’a pas de caractéristique individuelle, mais rassemble
des propriétés qui définissent le comportement d’un type d’individu ou
d’une classe sociale. C’est dans ce sens que Greimas emploie le terme
technique de rôle qu’il oppose à actant et acteur pour définir trois niveaux
de manifestations du personnage : le rôle se situe au niveau intermédiaire,
entre l’actant, force générale non individualisée de l’action, et l’acteur,
instance anthropomorphe et figurative ; le rôle est alors conçu comme « une
entité figurative animée, mais anonyme et sociale ».
Le terme a été également repris par Goffman (1974), qui compare le
comportement humain à une mise en scène  ; pour lui, le texte social est
déterminé par des relations interpersonnelles où chacun joue son rôle.

➦ DRAME, FICTION, PERSONNAGE

ROPARS-WUILLEUMIER,

MARIE-CLAIRE (1936-2007)
Critique, narratologue, théoricienne Professeur de littérature, agrégée de
lettres classiques. A été critique de cinéma dans la revue Esprit (1958-
1968). Ses articles les plus importants sont publiés dans L’Écran de la
mémoire (1970). Elle enseigne la littérature à Dakar puis à la Sorbonne
jusqu’en 1968. Elle participe alors à la fondation du Centre expérimental de
Vincennes où elle prend la responsabilité du département d’études
cinématographiques jusqu’en juin  1971, puis rejoint celui de littérature
française. Elle approfondit alors les liens entre littérature et cinéma en
confrontant deux formes expressives et deux types d’écriture.
Elle joue un rôle majeur dans les débuts de l’analyse filmique en
repartant des textes d’Eisenstein (l’analyse de la séquence des yoles du
Cuirassé « Potemkine ») et lance l’analyse collective et interdisciplinaire de
Muriel de Resnais, puis d’Octobre d’Eisenstein avec la collaboration
d’historiens. Après cette phase monographique, elle choisit comme objet
d’études le cinéma français des années 1930, puis retourne à des sujets plus
proches de ses préoccupations initiales au carrefour du Nouveau Roman et
de la littérature  : Duras, Robbe-Grillet, Ruiz. Elle présente son hypothèse
théorique dans Le Texte divisé (1980) où elle insiste sur la dissociation entre
les images et les sons dans une optique très marquée par Derrida.
Elle a codirigé la revue Hors-cadre et dirigé les Presses universitaires de
Vincennes à Saint-Denis jusqu’en 2004. Une anthologie posthume
rassemble ses principaux articles (2009).

ROSENBAUM, JONATHAN (1943)


Critique Critique américain, entre autres pour le Chicago Reader et le site
en ligne CinemaScope, surtout remarquable par sa connaissance du cinéma
mondial, et son souci d’en rendre compte dans la presse américaine.
Plusieurs de ses livres développent d’ailleurs l’idée (assez évidente mais
fort rarement soulignée par des Américains) que le cinéma hollywoodien
joue le rôle d’écran, empêchant de fait, par sa diffusion massive, de voir les
films produits dans d’autres pays et d’autres cinématographies (Rosenbaum,
2000).
Parmi les cinéastes sur lesquels il a le plus travaillé, il faut citer Jim
Jarmusch et Orson Welles  ; il a été notamment l’un des artisans de la
restauration de La Soif du mal et de la publication des entretiens de Welles.
On peut seulement lui reprocher –  comme à beaucoup de critiques  –
l’arbitraire de ses goûts et leur affirmation souvent sans nuance.

ROSSELLINI, ROBERTO (1906-1977)


Cinéaste, pédagogue, théoricien Un théoricien classique. La conception
du cinéma de Rossellini découle d’une vision globale du social qui est
classique  : valorisation de l’activité socialement utile, dévalorisation de
l’art. Cependant, l’utilité sociale n’est pas assimilée au travail  ; elle passe
par le savoir, l’apprentissage, la réflexion personnelle, l’information  :
Rossellini a une vision platonicienne d’une société faite par et pour le
philosophe. Conséquence  : le cinéaste, en tant qu’il est une espèce de
penseur, doit s’abstraire de toute idéologie qui l’empêcherait de voir les
problèmes de la société où il vit. L’art, par conséquent, intéresse peu
Rossellini  : il y voit un jeu formel ou une évasion, ce qui l’amène à
condamner de manière parfois réactionnaire l’art moderne ; il ne revendique
donc aucune liberté artistique comme telle. L’art est simplement la part
d’émotion nécessaire à l’expression des idées, part dont a besoin la
civilisation, mais l’art n’a de sens que s’il fait sens, et pour tout le monde (il
doit être accessible). Les problèmes du cinéma, en tant qu’outil social et la
pensée, sont donc des problèmes anthropologiques (Rossellini fut l’un des
premiers à le dire).
La question du savoir. Rossellini s’intéresse moins à la capacité
éducative du cinéma (qui s’accommode trop bien de la propagande à ses
yeux) qu’à sa capacité d’instruction. Donc, le cinéma doit être déterminé
avant tout par des considérations de contenu, seules susceptibles de lutter
contre l’emprise abêtissante des médias. D’où la notion de film-essai (que
Rossellini fut également l’un des tout premiers à promouvoir). « Essai », et
non traité, par exemple, parce que la dimension personnelle reste
importante : il faut prendre parti sur ce que l’on montre.
Faire du cinéma. L’un des problèmes du cinéma est la structure
aberrante de la production, fondée sur l’industrie. Rossellini revendique
chaque film comme une expérience de cinéma (i.e., une expérience de la
connaissance). Le cinéaste –  et aussi ses collaborateurs, techniciens ou
acteurs  – doit sans cesse traiter quelque chose d’assez neuf pour
l’enthousiasmer (cf. India). D’où une conception de la réalisation fondée
sur l’improvisation, le refus du scénario et du découpage préalable,
l’absence fréquente de dialogues, le rôle déterminant du décor, etc.
Cette improvisation au tournage se traduit par une égale liberté de la mise
en forme, laquelle ne saurait se fonder sur des prescriptions grammaticales
(refus exprès du «  montage interdit  », par exemple, mais aussi du «  beau
plan  » trop léché et même du documentaire documentarisant –  cf. a
contrario la pêche au thon dans Stromboli). La seule notion formelle
constamment illustrée et défendue par Rossellini est le rythme, chez lui
toujours synonyme de lenteur.
Enfin, le rapport du cinéaste à ce qu’il montre est un rapport de
compréhension, en un sens fort. Ce qui est premier, c’est la réalité (sociale,
humaine) ; il faut la laisser signifier, par elle-même et sans recours à la fable
(« les choses sont là, pourquoi les manipuler ») – mais en même temps, il
faut prendre parti. Dans les films de fiction, cela se traduit par une attention
au milieu à travers le personnage (par exemple, aller du gros plan au plan
d’ensemble plutôt que l’inverse). Au total, le cinéma selon Rossellini est
une expérimentation sur la mise en forme de la communication d’un savoir
(sur l’in-formation).

➦ CLASSIQUE (CINÉMA), DOCUMENTAIRE, IDÉALISME, RÉALISME


  BERGALA & NARBONI, 1981 ;

MEDER, 1993

RUINE
Esthétique, histoire de l’art « Beaucoup de films, appartenant au passé le
plus éloigné, parviennent incomplets.  » Sur la base de cette constatation
factuelle, Païni (1997) a associé, sous l’emblème de la «  ruine  », le sort
historiquement avéré de nombreux films anciens, perdus ou détériorés, et
l’idée qu’« un film même terminé n’est qu’une part infime de ce qu’il fallait
convoquer pour sa réalisation  ». Le cinéma aurait donc une relation
essentielle avec l’idée de fragment, et aussi avec l’idée d’incomplétude.
Cette idée a été reprise et prolongée dans un essai récent sur l’attrait de la
ruine dans l’histoire du cinéma (Habib, 2011). Pourquoi cet attrait  ?  :
« Peut-être est-ce parce que la ruine, telle qu’elle s’incarne au cinéma, que
ce soit comme décombres de guerre ou vestiges antiques, chantier
désaffecté ou lambeau de pellicule rescapé, exacerbe ce lien mélancolique,
quasi ontologique, qui nous attache au temps et à la mémoire du cinéma. »

➦ ARCHIVES, CONSERVATION, REMPLOI, RESTAURATION


  PAÏNI, 1997A ; HABIB, 2011

RUIZ, RAUL OU RAOUL (1941-2011)


Cinéaste, théoricien Cinéaste d’origine chilienne, fixé en France depuis les
années 1970, auteur de plus de cent films de genres et de styles
extraordinairement variés, Ruiz est également un théoricien éclectique,
s’intéressant à des problèmes très divers – depuis des thèmes socio-culturels
relatifs à l’industrie du divertissement et à ses paradigmes narratifs jusqu’à
des problèmes philosophiques de fond liés à la nature (voire à l’essence) de
l’image photographique. Son travail «  tourne autour d’une conviction  :
dans le cinéma, au moins dans le cinéma narratif (et tout le cinéma l’est
d’une certaine manière), c’est le type d’images qu’on produit qui détermine
la narration et non le contraire  ». Sur la base de cette conviction, Ruiz
aborde des problèmes canoniques de la théorie du cinéma, tels l’existence
d’universaux de la compréhension, la possibilité corrélative de faire des
images qui s’adressent à tout le monde, le rapport entre le cinéma et les
autres arts, les principes du récit cinématographique (à propos desquels il
propose l’intéressante notion, inspirée de la tradition critique anglo-
saxonne, de « conflit central »). La volonté de provocation est sensible dans
plusieurs de ses interventions, qui mettent en rapport délibérément des
disciplines et des corps de doctrines éloignés, que sa grande culture et la
solidité de ses bases philosophiques (largement appuyées sur une
connaissance approfondie de Schopenhauer) lui permettent de «  monter  »
productivement. Citons l’intrigante proposition d’un «  cinéma
chamanique  », d’un «  impressionnisme radical  », «  capable de nous faire
voyager jusques aux confins de la création, par la simple juxtaposition d’un
petit nombre d’images frémissantes ».
Avec les limites dues à son dédain de tout désir de scientificité, il s’agit
d’une authentique proposition pour une poétique du cinéma, un art de faire
des films, dans un sens original.

➦ PHILOSOPHIE, POÉTIQUE

RYTHME
Esthétique, technique Dérivé du verbe grec rhein, couler, le terme désigne
principalement l’agencement des phénomènes temporels, au premier chef,
de la musique. Il existe dans toutes les musiques du monde des rythmes
plus ou moins marqués (par accentuation de certains temps forts), plus ou
moins simples (en général, dans les musiques faites pour être dansées), plus
ou moins réguliers (la musique «  baroque  » se caractérise par son
irrégularité rythmique), etc.
Appliquée au cinéma, surtout dans les écoles qui l’ont comparé à la
musique (à l’époque muette ou dans la sphère du cinéma expérimental, en
particulier), la notion de rythme y désigne, assez lâchement, la vitesse et la
structure de la succession des plans, ou parfois, encore plus vaguement, la
structure temporelle d’un plan un peu long. L’idée d’un «  montage
rythmique  » a été souvent proposée par l’école soviétique muette
(Koulechov, Poudovkine), et définie comme montage de plans dont les
longueurs seraient dans des rapports simples (1/2, 2/3, 3/4…)  ; Eisenstein
(1929), qui la trouva trop rudimentaire, proposa de baptiser «  métrique  »
cette forme de montage, et de réserver le terme «  rythmique  » pour un
montage qui tiendrait compte de la longueur des plans, mais « pondérée »
par leur contenu (à durée égale, un gros plan paraît plus long qu’un plan
moyen).
L’idée du montage métrique est reparue chez les cinéastes « structuraux »
(Kubelka, Gidal notamment), sans être davantage interrogée dans ses
fondements perceptifs. Il semble en effet que la perception du rythme
temporel au cinéma reste assez grossière, d’une part, parce que l’œil – à la
différence de l’oreille  – apprécie mal les rapports de durée (Mitry, 1965),
d’autre part, parce que le contenu de l’image joue un rôle trop important
pour qu’on puisse facilement calculer et déterminer des rythmes en ce sens.
Ainsi, tout spectateur est sensible à la vitesse du montage dans les scènes de
fusillade du Cuirassé «  Potemkine  », de La Horde sauvage ou d’Antonio
das Mortes, sans qu’on puisse dire qu’il perçoit des rapports de durée.
Quant à l’idée d’un « rythme plastique » de l’image, reprise notamment à
la réflexion sur la peinture abstraite (Maldiney, 1973), elle est encore plus
métaphorique et d’application plus difficile, la « composition » de l’image
ayant sur le spectateur des effets qui ne sont pratiquement pas connus. C’est
pourquoi toutes les tentatives, souvent inventives, pour définir un rythme
filmique, ont dû redéfinir la notion, et en préciser le champ d’application
(André, 1999).

➦ MONTAGE, MUSIQUE
  MITRY, 1963-1965 ; ANDRÉ, 2000-2007
S
SADOUL, GEORGES (1904-1967)
Historien, critique, écrivain Écrivain, critique, membre durant quelques
années du groupe surréaliste, il est surtout connu pour son Histoire générale
du cinéma, commencée après la guerre, en réaction à celle de Bardèche et
Brasillach (ses ennemis politiques). Cette Histoire, rédigée à une époque où
l’on ne pouvait voir les films autrement qu’en projection en salle, souffrait
de beaucoup d’approximations factuelles  ; cependant, elle avait le très
grand mérite d’être la première en français à résulter de la consultation
systématique de nombre d’archives, et de l’application d’une méthode
élémentaire en histoire, la confrontation des sources. Elle fut, peu après la
mort de Sadoul, rééditée dans une version revue et corrigée par Eisenschitz,
qui aujourd’hui encore est la seule à couvrir, de manière incomplète mais
assez détaillée et assez précise, toute la période depuis l’invention du
cinéma jusqu’à la guerre. Sadoul, qui fut toute sa vie membre du Parti
Communiste, écrivit aussi de nombreuses critiques (dans L’Humanité et Les
Lettres Françaises, notamment), dont certaines ont été rééditées. On pourra
opposer son sectarisme politique dans les années qui ont suivi la Libération
et son ouverture d’esprit dix ans plus tard face à la Nouvelle Vague dont il a
soutenu les films, y compris ceux de Godard.

➦ EISENSCHITZ, HISTOIRE DU CINÉMA

SAUTE
Technique Raccord entre deux plans presque identiques, entre lesquels
l’écart spatio-temporel est très faible.
C’est la pratique du documentaire, et notamment du reportage télévisé,
qui a amené à utiliser cette forme de raccord (le jump cut anglo-saxon),
consistant à monter deux plans qui sont en fait des fragments de la même
prise de vue, en éliminant une partie de cette prise, et en conservant ce qui
vient juste avant et juste après. L’effet visuel est frappant, surtout dans le
cas fréquent où le sujet est centré sur un ou plusieurs personnages
statiques  : on a l’impression que le personnage «  saute  » tout à coup, de
façon plus ou moins accentuée. Ce type de raccord a été introduit
spectaculairement dans le film de fiction par À bout de souffle (Godard,
1959) ; il est considéré comme un des éléments stylistiques des « nouveaux
cinémas » des années 1960.

➦ ELLIPSE, PLAN, RACCORD


  BORDWELL, 1984

SCÉNARIO
Technique, narratologie Le terme est d’origine italienne et appartient au
départ au vocabulaire du théâtre. Mais il a émigré dans celui des pratiques
techniques du cinéma dès les années 1910. C’est un document narratif qui
décrit ce qui sera tourné. Le scénario peut comporter des dialogues et se
différencie du découpage par sa forme littéraire et par le fait que le récit y
est fragmenté en scènes et non en plans. Mais l’élaboration d’un scénario
recouvre souvent des étapes bien différentes du travail de préparation : on
distingue alors le synopsis, le traitement, la continuité, enfin le découpage.
Chacune des étapes apporte des précisions tant sur le plan narratif que
technique. Le scénario est un document de travail, mais il peut devenir un
objet littéraire, comme en témoignent de nombreux exemples depuis Delluc
jusqu’à Duras. Il pose toutefois un problème de lecture comme l’explique
en termes techniques Raynauld (2012).
On a pu distinguer deux grandes formes du scénario, le «  scénario
modèle » et le « scénario programme ». Le premier instaure un ordre plus
directif, donne des consignes précises de tournage, « organise les péripéties
en une structure prête à être tournée » (Francis Vanoye) ; le second laisse
une place plus ou moins importante aux aléas et à l’improvisation lors de la
préparation et du tournage.
Le scénario a toujours été l’objet d’une polémique théorique, opposant
les partisans du « prêt à tourner » à ceux qui optent pour des structures plus
souples. Il pose en outre des problèmes particuliers dans le cas de la
production documentaire, car il est souvent contradictoire de proposer un
scénario précis dans un projet fondé sur la découverte du sujet lors du
tournage (cas du « cinéma direct », par exemple).

➦ CONTINUITÉ, DÉCOUPAGE, DIALOGUE, RÉCIT, SYNOPSIS


  TÖRÖK, 1986 ; VANOYE, 1991 ; RAYNAULD, 2012

SCÈNE
Technique, dramaturgie La scène comme espace dramatique. La
« scène » désigne originellement, dans le théâtre grec, une construction en
bois, la skêné, au milieu de l’aire de jeu, puis, par extensions successives de
sens, cette aire de jeu entière (le plateau), puis le lieu imaginaire où se
déroule l’action. Par une nouvelle extension de sens, le mot a ensuite
désigné un fragment d’action dramatique qui se déroule sur une même
scène, c’est-à-dire un morceau unitaire de l’action. De là découle une
certaine valeur temporelle attachée au mot : la scène vaut pour une certaine
unité, indéterminée, de durée.
La scène comme unité d’action. Le cinéma a repris a peu près
l’intégralité de ces significations, accentuant tantôt l’une tantôt l’autre.
Malgré le flottement dans sa définition, la notion de « mise en scène » porte
la trace de la valeur spatiale de la scène. En revanche, dans l’usage courant
du mot, la scène de film est un moment facilement individualisable de
l’histoire racontée (comme la séquence). La «  grande syntagmatique  »
(Metz) a défini la scène comme l’une des formes possibles de segments (=
ensembles de plans successifs) de la bande image, celle qui montre une
action unitaire et absolument continue, sans ellipse ni saute d’un plan au
suivant –  tandis que la séquence montre une action suivie, mais avec des
ellipses. (Cette définition est difficile à appliquer, car il n’est pas toujours
évident d’apprécier si d’un plan au suivant, la continuité temporelle est
parfaite ou non.)
Le «  cinéma de la scène  ». L’esthétique réaliste du cinéma a souvent
valorisé la scène comme son moment essentiel, parce que la continuité
dramatique qu’elle suppose permet de mieux respecter la réalité (Bazin) et
de préserver les chances d’une « révélation » (Kracauer). On parle parfois,
par exemple à propos de Renoir, d’un cinéma de la scène, opposé au cinéma
du plan (laquelle ne recouvre pas seulement l’esthétique du plan court, mais
toute esthétique accentuant plutôt la valeur de chaque plan que leur
succession, comme c’est le cas chez Bresson, Ozu ou Straub par exemple).
La valeur de la scène comme image de la continuité et de l’homogénéité
lui a valu d’être vivement critiquée, comme notion dangereusement
«  idéaliste  », au même titre que la perspective et le centrement qu’elle
suscite (Vertov, Cinéthique).

➦ ESPACE, MISE EN SCÈNE, PLAN, SEGMENTATION


  BORDWELL, 2005 ; AUMONT, 2006

SCÉNOGRAPHIE
Dramaturgie Mot d’origine théâtrale  : art de peindre (en perspective) les
décors d’une scène à l’Italienne, puis, plus largement, art de planter les
décors, enfin, façon dont sont représentés les lieux (on parlera de «  la
scénographie d’un palais, d’un jardin », etc.).
Ce sens technique est difficilement transposable en cinéma, puisque, en
général, un lieu donné y est représenté de plusieurs points de vue successifs.
Le mot a été utilisé dans deux sens différents :
–  soit en restreignant son sens à «  l’art de planter les décors  » (le
scénographe coïncide pratiquement avec le décorateur) ;
– soit en l’élargissant pour en faire l’art de définir les rapports entre
les personnages et l’architecture des lieux. C’est ce second sens
qui a été adopté implicitement dans plusieurs études du décor et
de l’espace au cinéma (Bergala, Bonitzer –  reprenant un usage
proposé par Schefer avec Scénographie d’un tableau, 1969). Il a
l’inconvénient de faire de la scénographie un quasi-équivalent de
la notion de mise en scène, et reste donc en ce sens d’un intérêt
terminologique discutable.

➦ LIEU, MISE EN SCÈNE, POINT DE VUE, SCÈNE

SCHEFER, JEAN LOUIS (1938)


Philosophe, critique d’art, historien Écrivain, essayiste, historien et
critique d’art, sa contribution à la théorie du cinéma est en principe celle
d’un non-professionnel ou d’un non-spécialiste ; en réalité, cette approche
délibérément non technique du spectacle cinématographique, au nom
d’abord de l’homme « ordinaire » du cinéma, a fait revivre, au sortir de la
vague sémiologique, des questions auxquelles les critiques de l’époque
muette avaient été sensibles, mais qu’ils n’avaient abordées que de manière
souvent impressionniste. La réflexion de Schefer part de l’étonnement que
suscite le spectacle de cinéma, la soumission dans laquelle il nous tient
enchaînés, en même temps le caractère devenu comme nécessaire de cette
confrontation avec le temps –  non pas sous forme d’image du temps ou
d’image-temps, mais sous forme de perception directe. Le cinéma nous
concerne tous (nous sommes tous ses hommes « ordinaires ») parce que ce
qu’il représente c’est notre façon de voir la vie, et que nos rêves mêmes, au
siècle du cinéma, finissent par lui ressembler.
Cette approche « anthropologique », sensible à la connivence du rêve et
du cinéma (comme celle, très différente dans son style, de Morin) se double
d’une série de thèses sur la nature de l’image. Schefer est le plus notable de
ceux qui, après l’insistance unilatérale sur l’organisation «  codique  »
(simili-langagière) des films, attirèrent l’attention sur la nature d’image
figurative du film. De ce point de vue, le livre de 1980 peut être considéré
comme l’origine du retour à la réflexion sur la figure, qui a marqué les
années 1980 et 1990. En outre, la conception scheferienne de la figure
attribue à celle-ci une capacité de pensée sui generis. Le cinéma est une
expérience du temps, il est fait de la matière du rêve, mais en outre, il
dispose d’une certaine latitude dans la production de ses figures, qui en fait
une espèce de penseur ou de philosophe (idée proche de celle d’Epstein).

➦ EPSTEIN, FIGURATION, FIGURE, MORIN


  LEUTRAT, 1988

SCIENCE-FICTION
Genre Genre narratif (littéraire et cinématographique), fondé sur des
hypothèses sur le futur, proche ou lointain, et imaginant des mondes
possibles. À la différence du fantastique, ces mondes n’ont rien
d’irrationnel  ; au contraire, le récit de science-fiction prend soin,
généralement, d’expliquer les phénomènes inconnus au présent et que l’on
suppose pouvoir se produire dans d’autres états des techniques et du savoir.
La science-fiction est l’un des genres prédominants du cinéma, et son
histoire (comme celle du «  film catastrophe  ») est étroitement liée à celle
des progrès techniques, ce genre nécessitant de nombreux trucages.
Comme l’a montré Dufour (2011), ce genre est propice à de nombreux
questionnements philosophiques, tels les rapports entre esthétique et
métaphysique  ; il possède en outre une dimension politique (l’utopie, la
critique sociale, Big Brother et la représentation du totalitarisme, le
cyberpunk et le capitalisme, etc.).

➦ GENRE
  CHION, 2009 ; DUFOUR, 2011

SCREWBALL COMEDY
Genre Sous-genre de la comédie américaine, caractérisé par des situations
« tordues » (comme le suggère le terme « screwball », repris au vocabulaire
du base-ball), parfois à la frontière du burlesque, des dialogues vifs et
rapides, des personnages excentriques et souvent, un certain goût pour
l’ambiguïté sexuelle. On s’accorde généralement à en voir le premier
exemple dans New York-Miami (It Happened One Night, Capra, 1934),
mais les grands illustrateurs du genre furent surtout Hawks (L’Impossible
Monsieur Bébé, Allez coucher ailleurs  ! [I was a male war bride]),
McCarey (Mon homme Godfrey) et Sturges (Un cœur pris au piège [The
Lady Eve]). L’apogée du genre ne dura qu’une petite dizaine d’années, et il
ne fut plus guère illustré après la guerre. On peut en voir un écho chez
certains réalisateurs comiques américains comme Judd Apatow ou même
par moments Woody Allen.

  RENZI, 2012

SCULPTURE
Art Le rapport entre cinéma et sculpture est éminemment paradoxal  :
l’image cinématographique est intangible, faite de lumière, et incessamment
changeante, quand l’image sculptée est faite de matériaux solides et, en
règle générale, immobile. C’est à raison même de ces grandes différences
esthétiques qu’il a pu sembler intéressant de mettre en évidence dans le
cinéma une fascination pour la sculpture – comme étant son contraire. On
peut ainsi, chez des cinéastes comme Dreyer ou Resnais, percevoir un goût
certain pour le modelage des volumes (par la lumière ou par de souples
mouvements de caméra), qui fait partie de leur style.

  LIANDRAT-GUIGUES, 2002

SEGMENTATION
Linguistique, sémiotique L’un des problèmes récurrents de la théorie du
cinéma comme «  langage  », et de l’analyse de films, a été de définir de
grandes articulations à l’intérieur des films –  autres que les césures
imposées par la technique, en photogrammes et en plans. Il est difficilement
envisageable de déterminer des « unités » de film qui puissent décrire tous
les films, jusqu’aux plus originaux des films expérimentaux, qui s’en
prennent à la matière même de l’image. L’entreprise théorique s’est donc
généralement concentrée sur le cinéma narratif, et même, le plus souvent,
sur son état classique.
C’est à propos du cinéma classique, et en se restreignant à la bande-
image, qu’a été proposée l’idée d’une possibilité de segmentation, ou
décomposition en segments autonomes (Metz, 1964). Le problème est
double, ou plus exactement, se présente sous deux aspects indissociables :
1°, qu’est-ce qui permet de délimiter un segment dans un film  ? où
commence-t-il, où finit-il  ? la limite d’un segment coïncide-t-elle toujours
avec celle d’un plan ? etc.
2°, existe-t-il des régularités d’un film à l’autre, sous forme notamment
de types de segments stables, plus ou moins indépendants des films ?
La réponse de Metz est remarquable  : pour lui, il n’existe qu’un petit
nombre de types de segments (ou «  grands syntagmes  »), et c’est cette
typologie qui permet d’opérer la segmentation d’un film donné, en tâchant
d’y retrouver les formes-types.
Ayant mis à l’épreuve son modèle sur un film moderne, Adieu Philippine,
Metz dut reconnaître qu’il avait une portée moins universelle qu’il ne
l’avait d’abord supposé. Cela serait encore plus évident sur des films
contemporains, dans lesquels les transitions entre segments sont souvent
difficiles à déterminer  ; en outre, les «  segments  » eux-mêmes y prennent
souvent des formes complexes et hybrides, qui ne peuvent vraiment être
décrites par le modèle de Metz.

➦  GRANDE SYNTAGMATIQUE, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, LEXIE,


MONTAGE, PLAN, SÉMIOLOGIE, SYNTAGME

  BAILBLÉ ET AL., 1974 ; BELLOUR, 1978 ; LAGNY ET AL., 1979

SELLIER, GENEVIÈVE (1949)


Critique, historienne, théoricienne des gender studies Universitaire,
agrégée de lettres modernes, elle a été critique dans Cinéma, revue de la
FFCC. Sa thèse, devenue son premier livre, porte sur l’œuvre de Jean
Grémillon, cinéaste maudit s’il en est qu’elle a contribué à réhabiliter. C’est
une monographie qui analyse successivement tous les films mais son intérêt
pour le traitement des personnages féminins est déjà manifeste. Elle
collabore ensuite avec Noël Burch et publie avec lui un livre novateur sur le
cinéma français, des années 1930 jusqu’à 1956, La Drôle de guerre des
sexes du cinéma français (1996). L’angle d’attaque est celui des rapports
entre personnages féminins et masculins définis en termes de «  rapports
sociaux de sexes  ». Les conclusions de l’étude sont surprenantes dans la
mesure où le cinéma antérieur à 1939 et postérieur à 1945 apparaît comme
beaucoup plus violemment misogyne que celui de l’État français du
maréchal Pétain. Sellier se consacre alors à la diffusion des travaux anglo-
saxons relevant des gender studies, qu’elle présente avec Noël Burch dans
Le Cinéma au prisme des rapports de sexe (2009). Elle a revisité la
Nouvelle Vague comme cinéma au masculin singulier (2005). Elle a présidé
l’AFECCAV.

SÉMANTIQUE
Linguistique, sémiologie Partie de la linguistique qui s’occupe de la
signification des mots, soit d’un point de vue historique (elle recoupe
l’étymologie), soit d’un point de vue synchronique. C’est l’étude du sens et
des signifiés en général. Elle n’est donc pas liée à un langage particulier
mais le fonctionnement de la langue y joue un rôle de premier plan car elle
est la première à « découper » le sens, donc le détermine en grande partie.
Une sémantique du cinéma (qui n’a jamais été développée en tant que telle)
combinerait les sémantiques partielles de sa narration, de sa musique, de ses
référents réels.

➦ CONTENU, SÉMIOLOGIE,

SIGNIFIANT/SIGNIFIÉ, THÈME

SÉMIOLOGIE
Sciences humaines Étymologiquement, la sémiologie est la science des
signes. Le premier usage du terme est médical  : la «  séméiologie  » est
l’étude des symptômes en tant que signes extérieurs des maladies. C’est le
linguiste Saussure qui a envisagé (1913) la constitution d’une « science des
signes au sein de la vie sociale  », dont le domaine excéderait celui de la
linguistique. Le terme fut repris au début des années 1960 (Barthes, 1964) :
toute culture tombe sous le coup d’une science des significations ; les objets
les plus utilitaires en apparence – la nourriture, le vêtement, le logement –
et à plus forte raison ceux qui ont le langage comme support, comme la
littérature, les récits de presse, la publicité, etc. appellent une analyse
sémiologique.
La question fut presque aussitôt transposée au cinéma, en tant que
production culturelle et production de signes (Metz, 1964). Les recherches
en sémiologie du cinéma se développent en plusieurs moments. Le premier
est marqué par l’influence de la linguistique structurale et de Hjelmslev.
Peu après, elle connaît l’influence de la psychanalyse freudienne relue à
travers l’interprétation lacanienne, qui pose que « l’inconscient est structuré
comme un langage ». De la première sémiologie sont issues la narratologie
du cinéma et l’analyse structurale du film. La seconde sémiologie,
linguistico-psychanalytique, a engendré l’analyse textuelle et les recherches
sur l’énonciation au cinéma, par le biais des réflexions sur l’identification
du spectateur au dispositif.

➦ BARTHES, CODE, METZ, SIGNE, SIGNIFIANT/SIGNIFIÉ

SÉMIO-PRAGMATIQUE
Voir Odin (Roger).

SÉMIOTIQUE
Sciences humaines Si le Suisse francophone Saussure définit le programme
de la sémiologie, c’est le logicien américain Peirce qui a proposé celui de la
sémiotique dont le projet est très parallèle. Peirce entend étudier tous les
systèmes de signes crées par l’homme, indépendamment du modèle
linguistique. «  Sémiologie  » a donc désigné plutôt les recherches
francophones à partir de Barthes, et «  sémiotique  » les recherches
anglophones et celles qui ont été influencées par ce courant. Ainsi Wollen
(1968) oppose-t-il aux conceptions de Saussure et de Metz, qui lui semblent
exagérer la prégnance du verbal dans le filmique, le modèle de Peirce  ; il
met ainsi l’accent, d’une part sur l’importance des aspects indiciel et
iconique dans le film, d’autre part sur la possibilité d’une véritable
«  dimension conceptuelle  » du cinéma, utilisant la rhétorique et toutes les
formes de symbolisme. On trouverait des idées analogues chez Pasolini.
De façon plus générale, la sémiotique a fini par englober la sémiologie au
moment où celle-ci s’est intéressée aux rapports qu’entretiennent les signes
et les symboles avec l’inconscient et la production littéraire puis artistique
au sens large.

➦ SÉMIOLOGIE
  WOLLEN, 1968 ; LOTMAN, 1973 ; PASOLINI, 1976 ; WORTH, 1981 ; COLIN, 1985,
1992 ; DELEUZE, 1985

SENSATION
Philosophie, psychologie Le cinéma s’est dès son invention adressé à la
vue, et un peu plus tard, à l’ouïe. Diverses tentatives plus ou moins
utopiques ont tenté d’étendre ces capacités aux autres sens : l’odorat, avec
les «  films sentants  » de De Kuyper ou de Gianikian & Ricci-Lucchi  ; le
toucher, avec divers dispositifs dont certains sont encore en cours de
développement (des gants, notamment)… La sensation, qui est le tout
premier terme de notre rapport subjectif au monde extérieur, a longtemps
été la grande oubliée des théories du spectateur de film.
Depuis une vingtaine d’années, plusieurs chercheurs (Sobchack, Taussig,
Massumi, Rutherford, Marks, Beugnet) ont tenté de revaloriser et théoriser
le rôle des sens – et parfois, des affects – dans l’expérience spectatorielle.
Pour Sobchack (2004), l’appareil sensoriel du corps du spectateur (et du
cinéaste) se retrouve non seulement incarné mais augmenté par le film. De
son côté, Marks (2015) tente de donner forme théorique à l’ancienne
intuition du haptique, en l’appuyant sur des données psychophysiologiques,
sur un corpus très sensible (les films sur la Palestine). Enfin, une nouvelle
génération de chercheurs (en particulier, en Italie, Eugeni, Gallese & Guerra
et d’autres) explore la sensation produite par le film à partir de données
neurobiologiques, issues de mesures directes de l’activité du cerveau.

➦ ÉMOTION, HAPTIQUE, PHÉNOMÉNOLOGIE


  SOBCHACK, 2004 ; BEUGNET, 2012 ; GALLESE & GUERRA, 2015 ; MARKS, 2015

SEPTIÈME ART
Esthétique, histoire Le cinéma ne fut pas immédiatement identifié comme
un art  ; parmi les propositions des années 1920, celle de Canudo frappa
particulièrement, car il intégrait le cinéma à un système des arts assez
reconnu depuis Lessing, qui dans la liste la plus courante en comprenait six
(arts du temps  : poésie, musique, danse  ; arts de l’espace  : peinture,
sculpture, architecture). Le cinéma devenait ainsi le septième, et
l’expression est devenue aussitôt populaire, et demeure encore en usage
courant de nos jours.

➦ ART
  CANUDO, 1927-1995

SÉQUENCE
Technique, langage, narratologie, dramaturgie En un sens presque
interchangeable avec celui de la scène, la séquence est d’abord un moment
facilement isolable de l’histoire racontée par un film  : une suite
d’événements, en plusieurs plans, dont l’ensemble est fortement unitaire.
Cette notion a été précisée dans deux perspectives théoriques différentes :
– en termes de segmentation : dans la « grande syntagmatique » de
la bande image (Metz), la séquence se définit comme « syntagme
chronologique non alternant, avec ellipses », c’est-à-dire comme
une suite de plans où des relations temporelles de successivité
diégétique sont marquées, l’enchaînement d’un plan au suivant
pouvant se faire par une ellipse plus ou moins nette (ce qui
différencie la séquence de la scène, laquelle ne comporte pas
d’ellipse) ;
–  en termes narratologiques  : une séquence narrative est une suite,
non pas de plans, mais d’événements, et ce qui intéresse les
narratologues, c’est la logique, le «  programme  » qui régit
l’enchaînement de ces événements. Le modèle reste ici
d’inspiration structuraliste  : la séquence est toujours plus ou
moins décrite comme combinatoire de «  fonctions  » (Propp) ou
comme «  séquence-programme  » (Vernet). Dans cette dernière
acception, la séquence peut être contenue dans un seul plan (ce
qu’on appelle, justement, un plan-séquence).

➦ DIÉGÈSE, HISTOIRE, PLAN, PLAN-SÉQUENCE, RÉCIT, SCÈNE, SEGMENT

SÉRIE (TÉLÉVISÉE)
Narratologie, économie Œuvre de fiction, destinée à la télévision ou au
streaming. Contrairement au téléfilm, qui adopte le format
cinématographique (œuvre de 2 heures environ), la série comporte plusieurs
épisodes, mais moins strictement enchaînés que ceux du feuilleton  ; ils
peuvent même être relativement autonomes, l’unité de la série étant assurée
par la récurrence des mêmes personnages et du même milieu.

➦ FEUILLETON, TÉLÉFILM
  ESQUENAZI, 2009, 2014

SÉRIE B
Économie, genre La production des firmes hollywoodiennes distinguait,
sur des critères de budget, entre les films A (à gros budgets et vedettes) et
les films B, souvent des films de genre avec des budgets plus réduits et des
acteurs moins célèbres. Ces films «  mineurs  » ont été réévalués dès les
années 1960 par la critique, qui y a souvent décelé une partie très vivante de
la production industrielle, où les contraintes moins serrées permettaient
parfois une plus grande originalité ; peu de réalisateurs hollywoodiens s’y
sont cantonnés, mais des indépendants comme Roger Corman s’y
spécialisèrent. La série B a disparu peu à peu, ses vertus de rapidité et de
désinvolture trouvant à se recycler par exemple dans le genre du film
catastrophe.

➦ GENRE, HOLLYWOOD
  MÉRIGEAU & BOURGOUIN, 1983

SEXE
Anthropologie, sociologie L’identité sexuée est une ligne de partage de
l’espèce humaine. La question de l’identité et de la différence sexuelle est
apparue dans les années 1970 lorsque la théorie du cinéma était fortement
teintée de psychanalyse. On s’interrogeait alors sur la division entre
hommes et femmes, entre hétérosexuels et homosexuels, et sur la relativité
anthropologique et historique de cette division dans le champ de la
production (les cinéastes), dans le champ des spectateurs (y a-t-il des films
spécialement destinés aux hommes, d’autres aux femmes ?), dans le champ
des représentations internes aux films (le cinéma dominant est-il
misogyne ? Existe-t-il un cinéma féministe ?).
Cette problématique a donné lieu à des centaines d’ouvrages de
recherches dans les pays anglo-saxons, comme à de très nombreux
colloques, en raison de l’inscription institutionnelle de la différence sexuelle
(départements et diplômes de Women studies, de Gay and Lesbian studies).
La France et la plupart des pays latins ont longtemps privilégié une
approche universaliste, fondée sur la notion de personne humaine, et plus
particulièrement de la figure humaine, mais depuis une bonne dizaine
d’années, sous l’influence d’auteurs comme Judith Butler, des travaux
inspirés notamment de la queer theory ont vu le jour. Dans Screening Sex,
Linda Williams a eu l’ambition de traiter d’Une histoire de la sexualité sur
les écrans américains (2008). Plus récemment, après un essai écrit avec
Geneviève Sellier, Le Cinéma au prisme des rapports de sexe (2009), Noël
Burch s’est intéressé à L’Amour des femmes puissantes : introduction à la
viragophilie (2015).

➦ FÉMINISME, GENDER
  BURCH & SELLIER, 1996, 2009 ;

BURCH, 2015

SEXPLOITATION
Économie Terme anglais (US) désignant un genre de productions
indépendantes à petit budget, dont l’objet principal était de montrer des
situations de nudité et de sexe explicites, à une époque (les années 1960) où
la censure était encore assez stricte. Le mot sexploitation joue sur le mot
exploitation, qui, dans ce contexte, désigne des films à bas coût destinés à
des circuits populaires (le grindhouse auquel Tarantino a rendu hommage
dans Boulevard de la Mort). Après la légalisation des films
pornographiques « hardcore », ce genre a été rebaptisé « softcore ».

➦ PORNOGRAPHIE

SIGNE
Sémiotique Dans le sens courant, «  signe  » désigne une perception
déterminant une information à propos de quelque chose qui n’est pas
directement perçu ou perceptible ; par exemple la sirène peut être signe de
l’incendie. Le signe, c’est aussi le geste ou l’attitude qui communique un
désir ou un ordre (faire signe de venir), ou plus généralement un état affectif
(un signe amical). Enfin, en linguistique et en sémiologie, le signe est la
liaison entre une signification et un élément phonique ou graphique (ou
visuel, ou audiovisuel pour le cinéma) de communication. L’image est un
signe de l’objet désigné.
De nombreuses distinctions ont été proposées entre catégories de signes,
opposant notamment signes naturels, où le rapport à la chose signifiée
dépend des seules lois de la nature (la fumée comme signe du feu), et signes
conventionnels (la sirène comme signal d’un incendie). On retrouve cette
distinction dans les trois catégories proposées par Peirce  : l’icône, l’indice
et le symbole. L’icône opère par la similitude de fait entre deux éléments,
par exemple le dessin d’un animal et l’animal représenté. L’indice opère par
la contiguïté de fait entre deux éléments, par exemple entre la fumée et le
feu. Enfin, le symbole opère par contiguïté instituée, apprise, entre deux
éléments ; la connexion est établie par une règle purement conventionnelle,
par exemple, la croix signifiant le christianisme, ou la couleur rouge
renvoyant au danger. Peirce insiste sur le fait que cette classification est
fondée sur la prédominance de l’un des trois facteurs : similitude, contiguïté
de fait et connexion par convention, chaque signe pouvant combiner ces
facteurs. La photographie d’un animal relève de l’icône puisqu’elle
comprend le trait de similitude, mais c’est aussi un indice car elle suppose
une contiguïté antérieure entre le signifiant visuel et l’objet représenté.
C’est pour cela que l’image et le son filmique relèvent à la fois de l’icône
et de l’indice. Cette distinction est d’ailleurs au fondement de deux grandes
directions esthétiques  : le cinéma indiciel penche vers le réalisme et la
vocation documentaire alors que le cinéma iconique-symbolique cultive
l’écart entre l’image et ce à quoi elle renvoie.
Saussure utilise pour sa part l’opposition entre arbitraire et motivé pour
qualifier la relation entre le signifiant (la trace phonique ou visuelle) et le
signifié (son concept). Dans la langue, la relation est arbitraire car il n’y a
aucune ressemblance entre le son d’un mot et ce qu’il désigne. Par contre,
au cinéma, tous les signes sont motivés par une relation d’analogie, de
ressemblance puisqu’une image ou un son enregistré ressemble à ce qu’ils
désignent. On a souvent tenté d’analyser le fonctionnement des images de
films en tant qu’elles renvoyaient à un signifié. Il s’agissait de savoir à
quelles catégories de signes elles pouvaient appartenir. On a également
essayé de définir le «  signe minimal  » du langage cinématographique
(Garroni, Eco, Metz, Pasolini), pour en conclure, avec Jean Mitry, que le
cinéma était une « sorte de langage sans signes ».
La tripartition peircienne entre icône, indice et symbole a été également
prolongée et discutée par Pasolini et Deleuze. Pour Pasolini, il n’existe pas
de dictionnaire des images ; pourtant, les films communiquent des signifiés
que le spectateur saisit. C’est parce que le cinéma a recours au patrimoine
commun représenté par les objets qui nous entourent, par les gestes que
nous réalisons tous, par les expressions qui se lisent sur nos visages  : le
cinéma exploite les signes de la réalité, il se les approprie et les repropose.
C’est «  la langue écrite de la réalité  ». Pasolini propose le terme d’«  im-
signes  » pour désigner le premier ensemble organisé ou organisable de
significations qui précède au cinéma le langage cinématographique
proprement dit. Ces im-signes correspondent aux codifications
iconologiques et iconographiques propres à chaque groupe socio-culturel.
Deleuze prolonge cette proposition : les deux premiers signes de l’image
perception sont des termes de Peirce revus à la lumière de Pasolini. Il s’agit
du « dicisigne » et du « reume ». Pour Deleuze, le dicisigne, terme crée par
Peirce pour désigner surtout le signe de la proposition en général, est une
perception dans le cadre d’une autre perception. «  C’est le statut de la
perception solide, géométrique et physique  ». Le «  reume  », qu’il ne faut
pas confondre avec le «  rhème  » de Peirce, est la perception de ce qui
traverse le cadre ou s’écoule. Il désigne le statut liquide de la perception
elle-même.

➦  SÉMANTIQUE, SÉMIOLOGIE, SÉMIOTIQUE, SIGNIFIANT/SIGNIFIÉ,


SIGNIFICATION

SIGNIFIANT/SIGNIFIÉ
Linguistique, sémiologie Dans la conception de la linguistique structurale,
la face signifiante du signe est la face matérielle, physique, sensoriellement
saisissable ; la face signifiée est immatérielle, conceptuelle, appréhendable
intellectuellement. Cette opposition est semblable à celle d’expression et
contenu (Hjelmslev). Au cinéma, le signifiant est composé de sons et
d’images visuelles, dont le signifié n’est pas exactement de même nature
que le signifié du langage verbal (il est moins purement conceptuel, et
l’accès offert au référent en revanche est plus immédiat).

➦ SÉMIOLOGIE, SIGNE
  METZ, 1970

SIGNIFICATION
Sémantique, sémiologie En linguistique structurale, le terme désigne la
relation entre le signifiant et le signifié. La signification correspond au sens
lié à un signe ou à un groupe de signes particuliers, qu’ils soient naturels ou
conventionnels. La science qui étudie la signification est la sémantique, la
sémiologie, pour sa part, étudiant les signes.
En un sens plus lâche et non technique, souvent utilisé par la critique, la
« signification » d’un film est souvent assimilée à son appréciation et à son
interprétation.

➦ SÉMANTIQUE, SÉMIOLOGIE, SIGNE

SIMULACRE
Philosophie, anthropologie, sémiotique Contrairement à la copie (ou
imitation) de la réalité, le simulacre est une image créée de toutes pièces et
qui ne renvoie à aucun référent réel (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a
aucun modèle dans le réel). En réaction aux théories «  indicielles  » de
l’image cinématographique (Bazin, Pasolini), on a parfois proposé de
définir l’image de film comme pur simulacre. Ainsi Bertetto (2007), pour
qui «  comme résultat de la simulation, comme forme visuelle, à la fois
ressemblante et différente, l’image filmique a une structure de simulacre qui
l’éloigne du modèle réaliste, mimétique et purement reproductif  ». Cette
position est toutefois aussi difficile à tenir qu’une position «  indicielle  »
pure : l’image de film est certes un artefact, mais qui a pour base une prise
de vue mimétique, comportant des traits indiciels –  y compris, faut-il le
souligner, si la prise de vue est numérique (ce qui ne change rien, dans un
premier temps, à l’analogie fondamentale de l’image).

➦ BAZIN, INDICE, MIMÈSIS, PASOLINI, REPRÉSENTATION


  BERTETTO, 2007

SITUATIONNISME
Mouvement Mouvement d’avant-garde, créé formellement en 1957 comme
mouvement politique, puis investissant les pratiques signifiantes, entre
autres le cinéma dans les années 1970. Les films situationnistes sont des
essais et/ou des manifestes, diffusant sous forme d’un discours écrit, lu sur
la bande son, les théories du groupe, accompagnées d’images
« détournées » (par exemple des films d’arts martiaux pour La dialectique
peut-elle casser des briques ? [Viénet, 1973]). Voir aussi les films de Guy
Debord, La Société du spectacle (1972) et In girum imus nocte et
consumimur igni (1978-1981).

➦ AVANT-GARDE, IDÉOLOGIE, POLITIQUE ET CINÉMA


  MARIE (GUY-CLAUDE), 2009

SLASHER
Genre Sous-genre du film d’horreur, racontant une histoire dans laquelle un
personnage (souvent, un tueur en série, et souvent psychopathe) tue l’un
après l’autre plusieurs autres personnages de manière sanglante et
spectaculaire. Ce genre est apparu dans les années 1970 (Massacre à la
tronçonneuse, 1974 ; Halloween, 1978 ; Vendredi 13, 1980), et regroupe des
films à petit budget, souvent avec des acteurs encore peu connus.

SOCIOLOGIE
Sciences humaines La sociologie a pour objet, soit la description
systématique des comportements sociaux particuliers (sociologie du travail,
des loisirs, etc.), soit l’étude des phénomènes sociaux totaux qui vise à
intégrer tout fait social dans le groupe dans lequel il se manifeste. Elle a
pour méthode l’observation (analyse objective, sondages statistiques, etc.)
et la constitution de modèles descriptifs, souvent d’origine mathématique.
La sociologie du cinéma s’intéresse à la manière dont le film est produit
et reçu par une collectivité humaine et dont on peut lui appliquer une
enquête empirique, sur la structure socio-démographique du public, par
exemple.  Un des premiers projets systématiques (Duvignaud, 1965)
esquissait ainsi le programme d’une sociologie des arts du spectacle
(1965) :
–  étude des publics pour mettre en évidence leur diversité, leurs
différents degrés de cohésion, leur transformation en
«  groupements  » proprement dits de spectateurs actifs (par
exemple, les publics de ciné-clubs ou des salles de répertoire) ;
–  étude des représentations filmiques en tant qu’elles se déroulent
dans un certain cadre social ;
–  étude du milieu producteur formé par le groupe des auteurs,
techniciens, collaborateurs de création ;
–  analyse du rapport entre les thèmes des œuvres et la société où
celles-ci ont été produites et reçues ;
–  comparaison entre plusieurs formes possibles d’organisation du
spectacle cinématographique à une époque donnée (multiplexes,
salles rurales, salles d’art et essai. cinéma d’amateur, film de
famille, etc.).
La sociologie du cinéma s’est développée dans quatre directions :
1°, l’étude des aspects socio-économiques du cinéma, du film comme
marchandise produite par une industrie (Bächlin, Mercillon, Bonnell,
Gomery, Balio, etc.).
2°, l’étude du cinéma comme institution, comme organisation sociale  :
c’est la démarche des premiers articles de Friedmann et Morin et de l’essai
de Ian Jarvie (1970). Ce dernier, qui entend ramener les discriminations
esthétiques à leur base sociale, propose une méthode sociologique critique
autour de quatre questions  : Qui fait les films et pourquoi  ? Qui voit les
films, comment et pourquoi  ? Que voit-on, comment et pourquoi  ?
Comment les films sont-ils évalués, par qui et pourquoi ? On peut rattacher
à cette tendance les travaux d’Ethis (2009) sur la sociologie des publics.
3°, le cinéma comme industrie culturelle, reprenant la notion proposée
par l’École de Francfort (Horkheimer et Adorno, 1974). Pour ces auteurs, la
standardisation propre à l’industrie culturelle ne peut signer que la mort de
l’art et son assimilation à une marchandise. Cette perspective a été
renversée par Abruzzese qui propose le jugement esthétique de la
marchandise par un système de consommation productive. Plus récemment,
Esquenazi (2001) a tenté d’analyser la part d’invention dans un film de
studio, Vertigo (Hitchcock, 1958), qu’il voit comme une véritable « mise à
nu » des conventions de l’industrie hollywoodienne du cinéma.
4°, la représentation du social au sein des films. Ce courant
quantitativement important a été lancé dès 1947 par Kracauer, à propos du
cinéma de Weimar ; c’est la dimension collective du cinéma en amont et en
aval, qui fait du film un parfait témoignage social selon l’auteur. Cette
perspective a souvent été reprise, par exemple à propos du cinéma italien
par Sorlin (1977)  : «  le visible d’une époque est ce que les fabricants
d’images cherchent à capter pour le transmettre et ce que les spectateurs
acceptent sans étonnement ».) ; ou à propos du genre des films de campus
par Ethis et Malinas (2012).

➦ IDÉOLOGIE
  ESQUENAZI, 2007 ; ETHIS & MALINAS, 2012 ; SORLIN, 2015

SON
Technique, esthétique Le son est l’effet sensoriel produit par la vibration
rapide des corps, qui se propage dans les milieux matériels et excite
l’organe de l’ouïe. Il a été longtemps considéré comme un objet physique
difficile à cerner et ce n’est que depuis une date récente (milieu du
XIXe siècle) qu’on a su l’enregistrer et le reproduire.
L’identification du son repose sur les mécanismes de l’analogie auditive.
Certains théoriciens ont même estimé qu’il n’avait pas « d’image » : « Il se
dédouble, mais n’est ni ombre, ni reflet de son original, il en est
l’enregistrement  » (Morin). Seule une oreille exercée peut discerner la
différence entre l’audition directe d’un son et la reproduction enregistrée de
ce même son.
Le cinéma sonore a su très tôt utiliser ce déficit perceptif et a remplacé
les sons originaux par des éléments substitutifs. C’est le principe même du
bruitage. Cette analogie auditive dépend évidemment des conditions
techniques de l’enregistrement initial. Celui-ci connaît ensuite plusieurs
phases de transformation avant d’atteindre l’oreille de l’auditeur-
spectateur  : mixage, modulation, amplification, transfert d’un support
physique à l’autre, restitution par haut parleur et écoute dans un volume
spatial.
Le son qu’offre le film intervient rarement seul. Il suppose un
agencement entre plusieurs axes : bruits, paroles, parfois musiques. Il relève
d’un certain art de la composition sonore. En outre, le son filmique est
accompagné d’une perception visuelle, même dans les cas limites où l’écran
reste noir. La perception filmique est donc audio-(verbo-)visuelle et fait
intervenir de  très nombreuses combinaisons entre sons et images  :
redondance, contraste, synchronisme ou désynchronisation, etc.
La théorie du cinéma a longtemps méconnu le son en raison du modèle
esthétique fondé sur le primat de l’image à la fin des années 1920 (cf.
Arnheim). Il a commencé a être pris en considération après la guerre, dans
diverses perspectives  : psychologique ou psycho-physique, formelle,
sémiotique. Depuis cette période, la distance vis à vis du cinéma muet pris
comme référence esthétique n’a fait que s’accroître. Le film parlant ou
sonore est considéré comme allant de soi et les nouvelles techniques
numériques n’ont fait que confirmer le règne du synchronisme.

➦ MUSIQUE, PAROLE, SONORE (CINÉMA)


  ALTMAN, 1992, 1999B ; CHION, 2003, 2013

SONORE (CINÉMA)
Technique, histoire Le cinéma fut sonore dès l’origine. C’est pour
accompagner son phonographe qu’Edison inventa le Kinetograph. Les
premiers films furent donc des accompagnements visuels d’enregistrements
sonores. Le succès international des vues Lumière muettes et le
développement de la production massive de bandes muettes par Charles
Pathé à partir de 1903-1935 retardèrent la généralisation du cinéma sonore
d’une vingtaine d’années. Les premiers films sonores furent limités à de
courts sujets  : chansons enregistrées, saynètes comiques, discours et
sermons. Tout au long des années 1920, le long métrage « muet » triomphe
mais il n’est pas vraiment perçu dans le silence car il est systématiquement
accompagné de commentaires, partitions musicales interprétées dans la
salle, ou enregistrement phonographiques. Le film sonore, c’est-à-dire le
long métrage de fiction avec son enregistré, apparaît à partir de 1926 et
1927 (Don Juan et Le Chanteur de jazz).
Burch qualifie l’art muet de « présentationnel ». Il y voit le dernier grand
art narratif occidental qui fut à la fois vraiment populaire,
morphologiquement plus proche du cirque plébéien ou du ballet
aristocratique que du théâtre bourgeois. Le cinéma sonore est au contraire
typiquement « représentationnel » ; il est fondé sur ce que Bazin nommait le
découpage classique, caractérisé par une réconciliation totale de l’image et
du son, le vraisemblable de l’espace, des effets exclusivement dramatiques
ou psychologiques et la maturité de genres dramatiques.
Ce modèle s’estompe progressivement au cours des années 1950. Les
nouveaux cinémas des années 1960 reviennent d’une certaine manière aux
expérimentations des premières années du cinéma sonore. Ils redécouvrent
les virtualités du montage et de l’asynchronisme image/son. Toutes les
recherches théoriques développées au cours des années 1970 prennent
comme objets d’analyse des films dysnarratifs et des bandes sonores aux
structures dialectiques (L’Homme qui ment, Méditerranée, les longs
métrages de Godard). Ces recherches sont celles d’une époque. Depuis, le
domaine du cinéma direct s’est développé dans le champ du documentaire
et le cinéma sonore multiplie les expériences les plus diverses, de
l’enregistrement synchrone jusqu’à toutes les variétés de la post-
synchronisation musicale ou verbale. Raymond M.  Schafer a proposé la
notion de « paysage sonore » où le son est conçu comme une entité vivante
qu’il faut protéger ou corriger (Schafer, 1977). Des films récents illustrent
cette notion, comme Crossing the bridge –  The Sound of Istambul (Akin,
2005) où la ville est appréhendée à partir des sons, ou bien Les Bruits de
Recife (Filho, 2012). Des films sonores comme Conversation secrète
(Coppola, 1974) ou Blow Out (De Palma, 1981) problématisent l’un et
l’autre l’écoute comme activité perceptive intense, partagée par le
personnage et le spectateur qui écoute (Szendy, 2001 et 2007).

➦ MODE DE REPRÉSENTATION, MUET, SON, THÉÂTRE


    CLAIR, 1922-1970  ; MARIE, 1976  ; SCHAFER, 1977  ; SZENDY, 2001, 2007  ;
ALTMAN, 2004

SORLIN, PIERRE (1933)


Historien, sociologue Pierre Sorlin est un historien qui a d’abord travaillé
sur Waldeck Rousseau, président du conseil de la IIIe  République avant
1914. C’est avec Sociologie du cinéma (1977) qu’il débute ses travaux sur
le cinéma en analysant le milieu du cinéma italien après la Seconde Guerre
mondiale. Pour l’auteur, le cinéma permet de définir ce qui est « visible »,
c’est-à-dire représentable, pour une société donnée, et par là même, d’en
dessiner les limites idéologiques. Ce livre aura une certaine influence sur
les travaux ultérieurs de sociologie des publics et du milieu producteur
(Esquenazi sur Hollywood, Ethis sur les publics). Sorlin pratique l’analyse
filmique avec Marie-Claire Ropars-Wuilleumier et Michèle Lagny en
disséquant le montage d’Eisenstein dans Octobre –  la séquence des
« Journées de Juillet » –, puis certains films populaires de l’année 1937 en
France (Générique des années 30) où il analyse les films de guerre et la
représentation de l’ennemi. Ses ouvrages postérieurs portent sur des objets
très différents  : l’analyse esthétique de films «  Art et Essai  » comme Le
Désert rouge ou Persona (1992), les usages sociaux de la photographie
(1997), l’œuvre picturale de Manet (1995). En 2015, il propose un retour à
la sociologie du cinéma, avec une version totalement différente de son livre
initial de 1977. Il insiste sur le caractère collectif de la fabrication des films,
sur la transformation de leur mode de consommation de la salle à l’écran
personnel de l’âge numérique. Ses approches oscillent d’un livre à l’autre
entre une perspective historique et sociologique, avec des développements
intégrant l’analyse des processus esthétiques.

➦ HISTOIRE DU CINÉMA, SOCIOLOGIE

SOURIAU, ÉTIENNE (1892-1979)


Philosophe, esthéticien Philosophe, spécialiste de l’esthétique. Dans sa
Correspondance des arts (1947), il dresse un tableau des «  sept arts  »,
reprenant la classification proposée par Canudo, où le cinéma est le
«  septième art  ». Il fut, surtout, l’initiateur de l’Institut de filmologie,
rattaché à la Sorbonne, et actif de 1947 à 1961. Ce groupe de recherche
publia la Revue Internationale de Filmologie, et fut à l’origine du collectif,
dirigé par Souriau, L’Univers filmique (1953), où sont définis entre autres
des concepts comme diégèse, profilmique, afilmique, etc. On lui doit un
Vocabulaire d’esthétique co-dirigé avec Anne Souriau et publié à titre
posthume (2004).

➦ FILMOLOGIE

SOUS-TITRE
Technique, langage 1. L’usage du terme «  sous-titre  », relativement
courant en littérature comme « second titre d’une œuvre », est assez rare au
cinéma  ; Muriel (Resnais, 1962), par exemple, a pour sous-titre Le Temps
d’un retour, mais c’est une exception.
2. Ce terme a eu, à l’époque du cinéma muet, une toute autre signification :
le sous-titre était le carton qui annonçait les grandes parties du film (par
exemple, «  Les Journées de Juillet  » dans Octobre d’Eisenstein). Par
extension, le mot désignait tous les cartons, même ceux qui donnaient la
version écrite du dialogue.
3. Au moment du passage au parlant, on a remplacé «  sous-titre  » par
« intertitre », réservant le premier terme pour les traductions des dialogues
des films parlants, retranscrites en bas de l’image. Le sous titre est alors le
texte écrit surimpressionné, qui peut être gravé ou projeté séparément, placé
généralement en bas de l’image et traduisant dans une autre langue les
dialogues d’un film en version originale.

  CHION, 2013

SOUS-TEXTE
Formalisme, narratologie Terme proposé par les formalistes russes, pour
désigner l’organisation cohérente d’éléments présents dans un texte, mais
de manière allusive et non littérale  ; il faut noter qu’il ne s’agit pas
seulement du sous-entendu (qui peut être local), mais en quelque sorte d’un
sous-entendu d’assez longue haleine. L’hypothèse est double : elle suppose,
soit qu’un texte (littéraire, poétique, mais aussi bien filmique) en cite
d’autres de manière organisée, soit plus largement qu’il «  contienne  »
virtuellement d’autres textes, c’est-à-dire d’autres niveaux de signification
que le niveau littéral premier. L’idée, quoique un peu vague, est suggestive
et féconde. Ce terme est souvent utilisé de manière peu précise, mais il
correspond à un phénomène sémiotique intéressant, voire important,
« entre » la citation et l’allusion.

➦ CITATION

SPÉCIFICITÉ
Esthétique, sémiologie La recherche d’une spécificité du cinéma a été
menée de deux points de vue  : esthétique et sémiotique. D’une part, la
revendication d’artisticité du cinéma a impliqué qu’on lui reconnaisse un
domaine d’action esthétique, et des moyens d’expression, qui le distinguent
des autres arts ; ce fut entre autres le sens de notions comme « photogénie »
(Epstein), « montage » (Eisenstein) ou « mise en scène » (Mourlet). D’autre
part, le cinéma comme moyen de communication repose sur la mise en
œuvre de procédures propres, notamment la mise en séquences, la
reproduction du mouvement et du son, l’analogie représentative, etc.  ; il
possède donc, au sein des langages humains, certains traits spécifiques, dont
la sémiologie a cherché à donner la liste.

➦  ART, MISE EN SCÈNE, MONTAGE, PEINTURE, PHOTOGÉNIE, SÉMIOLOGIE,


THÉÂTRE

  BAZIN, 1958-1962 ; KRACAUER, 1960 ; MOURLET, 1965 ; PERKINS, 1972

SPECTACLE
Institution, critique, sociologie Étymologiquement, «  ce que l’on
regarde » (spectaculum). Au sens propre, est spectacle ce qui a été produit
et organisé en vue d’être regardé : un film, mais aussi une pièce de théâtre,
un ballet ou un show télévisé. La notion est donc vaste, et l’expression
« arts du spectacle » (incluant le cinéma) a une extension un peu incertaine ;
en particulier, un spectacle ne propose pas nécessairement une fiction (ce
peut être un spectacle de cirque, ou de magie, ou la prestation d’un
chanteur).
Le mot est assez négativement connoté depuis que Guy Debord l’a utilisé
pour qualifier les formes idéologiques de la société capitaliste dans les
années 1960. Après sa « société du spectacle » – définie par le fait que les
faits n’y sont connus que sous forme rendue spectaculaire, et donc loin de
leur réalité  – on parle couramment aujourd’hui de «  politique-spectacle  »
par exemple. En matière de cinéma, le mot a subi la même évolution
péjorative, et la critique de cinéma pratique souvent une opposition,
implicite ou explicite, entre « spectacle » et « art ».

➦ ATTRACTION
  BORDAT & ETCHEVERRY, 1995

SPECTATEUR
Dramaturgie, sociologie, psychologie Spectateur et « archispectateur ».
Sur le spectateur de cinéma, il existe peu d’études expérimentales, en
dehors de l’approche sociologique, qui est assez peu développée (Jarvie,
1970  ; Durand, Ethis, 2009). Les études théoriques s’intéressent peu aux
individus en chair et en os qui assistent à des projections de films, et même,
aux groupes ou classes de spectateurs. Elles considèrent plutôt, en général,
la fonction-spectateur, abstraitement incarnée par ce qu’on a appelé un
«  archispectateur  » (Casetti), et se préoccupent de donner des modèles
psychologiques, variables, de la relation entre ce spectateur et le film.
Le film agit sur le spectateur. Premier modèle : l’action du film sur son
spectateur, à des niveaux très divers. Une vue extrême consiste à penser que
le film influence, voire transforme le spectateur (Eisenstein, 1923, 1925), ce
qui amènera à tenter de «  calculer  » l’effet possible (émotionnel,
intellectuel) de telle ou telle forme, notamment en ce qui concerne le
montage. Cette idée est datée : elle appartient aux conceptions militantes et
avant-gardistes du cinéma.
L’action du film sur le spectateur est rarement étudiée en termes
émotionnels d’un point de vue applicable à tout film  ; il n’existe pas
vraiment de psychologie du cinéma constituée, hormis quelques remarques
assez éparses, par exemple dans la filmologie, et des tentatives très
empiriques dans les années 1950. Le plus souvent, on envisage une action
intellectuelle : le film est ce qui doit se soucier d’être compris du spectateur,
en lui donnant des indices cognitifs qui permettent une construction
rationnelle (Bordwell, 1985), ou en engageant avec lui un rapport variable,
où tantôt le film parle « à la première personne », tantôt il « interpelle » son
spectateur (Casetti). Ces dernières théories, d’ailleurs, sont moins des
théories du spectateur que des théories du film comme spectacle.
Le spectateur agit sur le film. Là encore, on peut distinguer des
approches valorisant l’aspect émotionnel ou l’aspect intellectuel. Le
spectateur agit émotionnellement sur le film en y adhérant plus ou moins,
en y projetant sa subjectivité (c’est en partie le problème des
«  identifications secondaires  »). Ces effets psychologiques sont mal
étudiables, et mal connus. L’action cognitive du spectateur est mieux
explorée, soit en termes généraux visant à comprendre comment le
spectateur construit le film en le comprenant (Bordwell, Colin, Jullier), soit
en termes plus particuliers, visant à tenir compte des conditions variables
qui définissent le spectateur et infléchissent sa compréhension, et aussi sa
réponse au film. Sur ce dernier point, les thèses les plus intéressantes sont
celles qui relèvent de l’approche pragmatique, sous ses deux variantes
principales, socio-pragmatique, qui considère les conditions sociologiques
(Veron), ou sémio-pragmatique, qui considère les conditions culturelles
(Odin).
Le spectateur ressemble au film (ou le film mime le sujet spectateur).
L’importance des réactions subjectives au spectacle cinématographique a
souvent conduit à penser que si le film avait un effet aussi fort, c’est que, en
lui, quelque chose ressemble au psychisme humain, ou le mime. L’idée est
présente très crûment chez Münsterberg (1917), pour qui les grands traits de
la forme filmique sont autant de décalques des grandes fonctions de l’esprit
humain. Elle revient, sous un vêtement différent, dans les textes
d’inspiration psychanalytique des années 1970, où l’on propose par
exemple de comparer «  travail  » du film et travail du rêve (Kuntzel), ou,
plus radicalement, de lire dans la position de spectateur un analogue de
certains mouvements psychiques, notamment l’identification (Metz, 1975).
La même idée d’un rapport mimétique entre le film et le spectateur, mais
inversée, est au fondement de la théorie de l’extase (Eisenstein, 1938-
1940), qui prône un cinéma où la forme devienne « extatique » en imitant
les phases du processus de l’extase (notamment religieuse), pour à son tour
induire une réaction passionnée chez le spectateur.

➦ PRAGMATIQUE, PSYCHOLOGIE, SOCIOLOGIE


  CASETTI, 1986 ; HANSEN, 1991 ; MAYNE, 1993 ; ETHIS, 2006

SPECTATORIEL
Filmologie Dans le vocabulaire de la filmologie, le « fait spectatoriel » est
un néologisme proposé pour distinguer différents niveaux qui interviennent
dans la structuration de l’univers filmique. Le « plan spectatoriel » est celui
où se réalise en acte mental spécifique l’intellection de l’univers filmique
d’après les données «  écraniques  ». Souriau (1953) nomme «  fait
spectatoriel » tout fait subjectif qui met en jeu la personnalité psychique du
spectateur. Par exemple, la perception du temps est objective et
chronométrable au niveau flimophanique, alors qu’elle est subjective au
plan spectatoriel. C’est ce dernier qui est en cause lorsque le spectateur
estime que le film est trop lent ou trop rapide. Souriau prend également en
compte les faits spectatoriels qui se prolongent au delà de la durée de la
projection, notamment l’impression du spectateur à la sortie du film et tous
les faits qui concernent l’influence profonde exercée par celui-ci, soit par le
souvenir, soit par une sorte d’imprégnation productrice de modèles de
comportement.

➦ DISPOSITIF, FILMOLOGIE, SOURIAU

SPÉCULAIRE, SPÉCULARITÉ
Narratologie, psychanalyse Initialement, la science spéculaire est celle qui
enseigne à faire des miroirs (de speculum). Le miroir a étendu ses pouvoirs
bien au delà des simples qualités de réflexion qui le définissent, comme en
témoignent la magie, la littérature, la psychanalyse et tous les arts de
représentation.
Prolongeant les analyses freudiennes sur le nouveau-né, Lacan pose que
c’est à partir de ce qu’il appelle le «  stade du miroir  » –  au cours duquel
l’enfant, dans un état de prématuration motrice, embrasse dans sa totalité un
je non encore objectivable et partiellement excitable – que le fantasme du
corps morcelé surgit. Le miroir renvoie donc une image constitutive du
sujet dont ce dernier a charge d’affirmer l’autonomie par le jeu des
identifications à l’autre, au travers de la fonction universelle du langage.
La théorie du cinéma a développé ce parallèle entre prématuration du
nouveau-né et position psychique du spectateur. Selon Baudry (1970),
l’écran nous renverrait au miroir de notre enfance, dans lequel nous avons
vu se refléter un corps (le nôtre) et nous nous sommes reconnus dans les
traits de l’Autre. L’écran renverrait une sorte d’image spéculaire du moi
spectatoriel, sans être à proprement parler un miroir réfléchissant. Cette
approche, datée, n’a pas été poursuivie.

➦ CINÉMA DANS LE CINÉMA

STAR SYSTEM
Institution, économie, histoire L’organisation industrielle du cinéma telle
qu’elle fut mise au point à Hollywood dès la fin des années 1910 visait
avant tout à produire un profit maximal pour les investisseurs. Selon une
logique classique dans l’économie capitaliste, cela amena, en vue de
générer des profits supérieurs, à augmenter le coût des produits (les films).
C’est de cette logique économique que participe d’abord la star
(l’« étoile »), qui est l’attraction principale, supposée irrésistible, du film où
elle paraît, et c’est selon cette logique que l’on peut en toute rigueur parler
d’un «  star system  ». Cependant, comme en général dans la société
industrielle, cette logique économique se double d’une logique
symbolique : la star est dotée d’une aura propre, laquelle ne coïncide pas
uniquement avec sa « valeur d’échange » ; elle est censée avoir une qualité
d’être –  ou au moins, une qualité d’image  – littéralement exceptionnelle,
qui donne à chacune de ses apparitions (dans les films et hors films) une
valeur singulière. En ce sens, la star est le représentant indépassable de la
société (et du moment historique) qui la produit. Ce «  système  » n’existe
plus en tant que tel, mais la « valeur » des vedettes célèbres reste toujours
du même ordre –  d’autant que la médiatisation des stars, avec la
multiplication des festivals, l’instantanéité de la diffusion sur Internet et la
généralisation du commentaire (sur les «  réseaux sociaux  ») ont décuplé
leur capacité à être vues.

➦ ACTEUR, ÉCONOMIE, HOLLYWOOD


  MORIN, 1957 ; DYER, 1979-2004 ; MCDONALD, 2001

STORYBOARD
Technique Document technique, utilisé dans la préparation au tournage, et
traduisant le scénario sous forme visuelle (dessinée), en le découpant en
plans (ou en moments successifs de certains plans complexes)  ; il sert
principalement à visualiser les cadrages souhaités, et à faciliter la
planification du tournage. Certains cinéastes sont connus pour l’intérêt
qu’ils prenaient à cette technique (Hitchcock notamment)  ; d’autres ont
inventé pour leur propre compte une préparation dessinée du tournage d’un
type différent  : Eisenstein réalisait des dessins synthétisant une scène
entière ; Godard a eu souvent recours à des croquis préparatoires, mais aussi
à des photos pour préparer certains plans.
➦ PLAN, PRÉPRODUCTION, TOURNAGE

STRUCTURAL (CINÉMA)
Esthétique Comme l’indique le terme, cette variété de cinéma d’artiste (ou
«  expérimental  ») offre la singularité de reposer sur des structures
temporelles plus ou moins rigoureuses, voire rigides. La manifestation la
plus élémentaire du principe structural est proche du « montage métrique »,
qui repose sur des relations de durée strictement mesurées, et généralement
simples, entre les fragments successifs d’un film  ; ces relations sont
l’essentiel du film, dont le contenu des plans est, sinon indifférent, du moins
très minoré. Mais en général, les structures comportent, outre l’aspect
métrique pur, un aspect rythmique, et aussi un jeu sur les relations de
contenu entre les plans ; la critique a donc eu tendance à qualifier plutôt de
«  métriques  » des films comme Arnulf Rainer (Kubelka), et de
«  structuraux  » des films comme ceux de Peter Gidal, Kurt Kren ou Paul
Sharits.

➦ EXPÉRIMENTAL, FRAMPTON, MÉTRIQUE, RYTHME


  SITNEY, 1975, 2006 ; KUBELKA, 1976 ; GIDAL, 1977

STRUCTURALISME
Anthropologie, sciences humaines L’idée et le mot sont apparus à propos
de l’étude des récits mythiques par Lévi-Strauss (1958, 1962). Celui-ci
émettait l’hypothèse que ces récits, complexes et apparemment irrationnels,
manifestent en fait une grande systématicité, si on les rapporte à des
«  structures  » cachées qui en règlent le déroulement. Cette idée d’une
structure invisible mais systématique fut rapidement référée au modèle
linguistique, tel que déduit des positions de F. de Saussure. Comme la
linguistique, l’analyse structurale découpe des énoncés continus, pour y
repérer des «  contrastes  » (Lévi-Strauss), des différences, des écarts  ; ces
analyses permettent de construire des grilles d’interprétation, lesquelles à
leur tour permettent d’entreprendre d’autres analyses.
L’analyse structurale s’appliquait donc, en principe, à toutes les
productions signifiantes socialement importantes  : le mythe «  primitif  »
(Lévi-Strauss), le mythe « civilisé » (Barthes, 1957), l’inconscient (Lacan),
le discours de la mode (Barthes), la publicité (Eco, 1968), la littérature
(Genette, Bremond, Durand). Dans le champ du cinéma, le structuralisme a
inspiré, d’une part, la construction d’une sémiologie d’inspiration
linguistique (Metz, 1971  ; Odin), d’autre part, un assez grand nombre
d’analyses textuelles, selon des orientations d’ailleurs diverses (Dumont &
Monod, 1970 ; Bellour, 1967 ; Kuntzel, 1972).
Dans le champ anglo-saxon, l’analyse structurale a inspiré les premières
réflexions de Peter Wollen (1969) et de Stephen Heath (1981)  ; elle a été
reprise sous sa forme sémio-linguistique par de nombreux chercheurs
(Mellencamp, 1983). Cet héritage a été discuté de manière polémique par
Bordwell – qui lui oppose la leçon formaliste, dans la version rénovée qu’il
en propose  – et par Noel Carroll, qui considère l’idée même de structure
comme une abstraction infondée empiriquement, sans toutefois proposer
d’autre notion de même portée.

➦ ANALYSE TEXTUELLE, CODE, LANGAGE, SYSTÈME, TEXTE

STUDIO
Technique, économie D’origine italienne, le mot studio, en anglais,
désigne originellement un atelier d’artiste. C’est en ce sens qu’il fut repris
dans les années 1910 pour désigner les grandes constructions, fermées et
insonorisées, destinées à abriter le tournage des films. Ce sens perdure, et
on parle toujours de « tournage en studio » par opposition à « tournage en
extérieur ».
Par métonymie, le mot désigna les sociétés de production propriétaires de
ces installations ; dans la période classique, où la grande majorité des films
états-uniens étaient produits par ces grandes firmes, on parla ainsi de studio
system (système des [grands] studios). Ce « système » a souvent été étudié
comme un modèle cohérent (mais rigide) de division du travail technique au
sein de la production.

➦ HOLLYWOOD, PRODUCTION
  BALIO, 1985, 1996 ; SCHATZ, 1988 ; ALLEN & GOMERY, 1991

STYLE
Linguistique, esthétique, histoire de l’art Le style est la part d’expression
qui est laissée à la liberté de chacun, qui n’est pas directement imposée par
les normes, les règles de l’usage. C’est la façon de s’exprimer propre à une
personne, à un groupe, à un type de discours. C’est aussi l’ensemble des
caractères singuliers d’une œuvre d’art, qui permettent de la rapprocher
d’autres œuvres pour la comparer ou l’opposer. L’histoire de l’art a mis en
évidence des récurrences stylistiques, qui permettent de définir des
« styles » plus globaux, caractérisant non plus un artiste ni une œuvre, mais
des ensembles d’œuvres, parfois vastes (des «  périodes  » par exemple,
comme le classique, le baroque, etc.).
Ainsi conçu, en mettant l’accent sur l’antériorité et l’autorité du système
par rapport à la production, on définit le style comme collectif ; il devient
alors instrument de généralisation et de classement (Bordwell). Si, au
contraire, on met l’accent sur la transgression du système, sur la novation et
la singularité, on définit le style comme personnel, et on lui assigne une
fonction individuante  ; du même coup on le pense comme qualité autant
que comme système. C’est la position entre autres de Burch (1969, 1978) et
de nombreux autres auteurs après lui.

➦ ART, NÉOFORMALISME
  BELLOUR, 1978 ; BORDWELL, 1997

SUBJECTIF (PLAN)
Technique, langage La mobilité de la caméra, le caractère centré (focalisé)
de ce qu’elle montre, l’ont souvent fait comparer à un œil dans l’exercice
du regard. Le cadrage étant en outre la trace d’un choix dans ce qui est
montré, relevant d’une intentionnalité, l’analogie entre cadre et regard a
souvent conduit à assimiler un plan à une vision subjective (au sens de  :
rapportée à un sujet).
Cette vision peut être celle du cinéaste – et la subjectivité se traduit alors
généralement par un supplément d’expressivité (pouvant aller jusqu’à la
déformation, comme chez Sokourov par exemple, ou comme dans de
nombreux films poétiques ou « expérimentaux »). Le caractère subjectif est
ainsi au cœur de la définition du cinéma de poésie chez Pasolini.
Elle peut aussi être celle d’un personnage de la diégèse, et le caractère
subjectif est alors appréciable de manière plus contextuelle, en fonction des
autres plans et des relations établies par le montage ; il existe toutefois des
tentatives pour rendre plus absolu et évident ce caractère subjectif (il y en
eut plusieurs dans le cinéma états-unien, de La Dame du lac [Montgomery]
aux Passagers de la nuit [Daves] où la subjectivité est soulignée par le fait
que le héros n’apparaît pas, et que donc tout est vu « par ses yeux »).

➦ CADRAGE, OCULARISATION, POÉSIE (CINÉMA DE)


  MITRY, 1963-1965 ; PASOLINI, 1972 ; JOST, 1987

SUBLIME
Art, esthétique La notion de sublime appartient pleinement à l’esthétique.
Élaborée à la fin de l’Antiquité classique (Longin), elle fut reprise
notamment par Kant, qui en conserva la valeur : est sublime ce auprès de
quoi rien ne peut paraître plus grand. Le mot cependant s’est chargé, à
l’époque même de l’invention de l’esthétique, d’un autre sens assez
différent : est sublime ce qui nous inspire un sentiment de terreur délicieuse
(delight), devant un spectacle qui nous dépasse mais dont cependant nous
aimons jouir (Burke).
La théorie du cinéma a parfois recouru à ce concept, qui reste
aujourd’hui, de manière ambiguë, affecté à ces deux registres – sublime de
grandeur, sublime de terreur. Deleuze notamment (1983) a vu dans la
distinction entre sublime de grandeur et sublime de terreur un parallèle avec
la différence des conceptions du montage, respectivement «  quantitatif-
psychique  » et «  intensif-spirituel  » dans l’impressionnisme français et
l’expressionnisme allemand.

➦ ESTHÉTIQUE

SUJET
Philosophie, psychanalyse, narratologie Le terme « sujet » est susceptible
de multiples sens.
1. Dans la métaphysique traditionnelle le sujet s’oppose à l’attribut comme
la substance à l’accident.
2. Du point de vue de la théorie de la connaissance, le sujet s’oppose à
l’objet et il représente l’esprit connaissant. Il s’agit soit du sujet empirique
dont la connaissance est dite subjective, soit du sujet universel dont la
pensée est identique en tout homme (Descartes), soit du sujet transcendental
(sujet pur) qui concerne, chez Kant, l’ensemble des lois a priori de la
pensée.
3. Dans la littérature critique consacrée aux récits et aux représentations
(peinture, littérature, cinéma), «  sujet  » renvoie d’abord à l’histoire, au
thème ou au motif. C’est en ce sens que, dans le cinéma des origines, on
opposait les « sujets de plein air » et les « sujets de théâtre ». Aujourd’hui,
on appelle «  sujet  » le thème sur lequel travaille un écrivain ou un
scénariste.
4. Dans le vocabulaire des Formalistes, «  sujet  » désigne la façon dont la
«  fable  » est racontée et dont le lecteur ou le spectateur en prend
connaissance. L’opposition sujet/fable est alors analogue à récit/histoire.
5. Dans le schéma actantiel de Greimas, le «  sujet  » occupe la place
centrale. Il est engagé dans la quête de l’objet et définit ainsi un programme
narratif. Pour Greimas, le sujet se caractérise par son «  être  » et par son
« faire ». Ces deux traits constitutifs, combinés avec les trois modalités du
«  savoir  », du «  vouloir  » et du «  pouvoir  » définissent les attributs
essentiels du sujet qui est ainsi doté de six fonctions actantielles.

➦ ACTANT, FABLE

SURCADRAGE
Technique, esthétique Si le cadrage est la mise en forme symbolique d’une
réalité de notre vision (celle-ci est limitée spatialement à chaque instant
donné), le surcadrage correspond à cette autre réalité empirique  : nous
voyons souvent à travers des ouvertures, de forme souvent régulière –
 fenêtres, portes, miroirs notamment. Ainsi, ce que nous voyons est comme
« cadré » par des éléments du visible lui-même. Dans une image, le rendu
de ces cadres aboutit à insérer un cadre second dans le cadre de l’image –
 d’où le terme de « surcadre » ou « surcadrage » parfois utilisé.

➦ CADRE, VISION
  ARNHEIM, 1932 ; BONITZER, 1986 ; AUMONT, 2007

SURIMPRESSION
Technique, esthétique Le terme, d’origine photographique, désigne le fait
d’impressionner à nouveau une pellicule déjà impressionnée une première
fois (et non encore développée) ; le résultat de cette opération est une image
double, chacune des deux scènes photographiées pouvant être vue en même
temps que l’autre. La surimpression, et plus généralement le mélange
d’images, est donc un monstre visuel, puisque l’œil se voit offrir en chaque
point du cadre deux possibilités concurrentes de lire ce qu’il perçoit – selon
qu’il le rapporte à l’une ou l’autre des deux images d’ensemble.
Cette possibilité a été beaucoup utilisée par le cinéma, qui a réalisé des
mélanges d’images de durée parfois assez longue, avec des visées
variables  ; dans la période muette, la surimpression est classiquement
associée au rêve, au fantasme, à l’hallucination, généralement aux états
mentaux des personnages, mais il existe de nombreux autres cas,
notamment la production de métaphores qui ne ressortissent pas à la
représentation du psychique. Par la suite, le procédé, rappelant par trop le
muet, fut quasi abandonné, mais il perdura dans le « fondu enchaîné », qui
produit une surimpression transitoire, ne se réduisant pas à la simple
transition narrative entre séquences, mais possédant souvent une force
figurative propre. La technique vidéographique a renouvelé le mélange
d’images, en permettant de maîtriser quasi totalement le rythme, l’intensité,
la fréquence des interventions d’une image dans une autre (voir l’usage
constant qu’en fait Godard, par exemple dans les Histoire(s) du cinéma). Le
numérique a apporté encore des perfectionnements dans la capacité de
maîtrise de tous ces éléments, mais il ne semble pas que le mélange
d’images soit pour autant revenu en faveur comme forme expressive, et il
demeure toujours principalement confiné au fondu enchaîné.

➦ FONDU ENCHAÎNÉ, PERCEPTION


  VERNET, 1987 ; LEUTRAT, 1995 ; STEWART, 1999 ; AUMONT, 2009

SURRÉALISME
Mouvement, école, histoire Le surréalisme est d’abord un mouvement
littéraire issu du dadaïsme, et dont la naissance date de la publication du
Manifeste surréaliste par André Breton en 1924. Les écrivains qu’il
rassemble, Robert Desnos, Paul Éluard, Benjamin Péret, sont des
spectateurs assidus de cinéma, mais ils pratiquent une vision très
personnelle, marquée par le hasard, l’inintérêt pour le scénario ou le nom du
réalisateur, par la discontinuité de la vision également car ils peuvent entrer
et sortir du film en cours de projection. Leur intérêt porte d’abord sur le
cinéma en lui-même, sa capacité onirique, irrationnelle et populaire. Pour
Ado Kyrou, « le cinéma est d’essence surréaliste ». Ils méprisent donc le
cinéma de la première avant-garde intellectuelle, celle de L’Herbier et
Dulac, pour s’intéresser aux films d’aventures, aux serials, aux films à
épisode de Feuillade et par-dessus tout au burlesque de l’école de Mack
Sennett.
Ce n’est qu’à la fin des années 1920 que les membres du mouvement
manifestent des ambitions artistiques dans le domaine de la création
cinématographique. Mais leurs projets se heurtent aux problèmes de
production, et plus encore, aux conséquences du passage au parlant. L’école
surréaliste est très présente du côté des scénarios, publiés tels quels, parfois
adaptés ; mais les films directement issus du mouvement sont très rares et
ont presque tous donné lieu à de violentes polémiques d’origine clanique.
Ainsi le scénario d’Antonin Artaud mis en scène par Germaine Dulac, La
Coquille et le Clergyman, fut-il dénoncé avec virulence, tout autant que Le
Sang d’un poète, écrit et réalisé par Jean Cocteau.
Le surréalisme au cinéma se limite donc stricto sensu aux deux films co-
réalisés par Luis Buñuel et Salvador Dalí, Un chien andalou et L’Âge d’or.
Par contre, un courant d’inspiration surréaliste traverse toute l’histoire du
cinéma, de L’Atalante de Jean Vigo à L’Année dernière à Marienbad
d’Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet, jusqu’à Val Abraham de Manoel de
Oliveira (1993), et bien sûr, dans la filmographie intégrale de Luis Buñuel,
seul cinéaste à être resté fidèle à l’esprit surréaliste depuis Terre sans pain
(1932) jusqu’à Cet obscur objet du désir (1977).
Ado Kyrou annexe pour sa part un très grand nombre de mélodrames
hollywoodiens à l’école surréaliste, à partir d’une conception très élargie de
son esthétique (Peter Ibbetson d’Henry Hathaway [1935], Pandora
d’Albert Lewin [1951]).
➦ ART, AVANT-GARDE, RÊVE
  VIRMAUX, 1976

SUSPENSE
Technique, narratologie Ce mot anglais, lui-même cousin du français
« suspens », est passé tel quel dans notre langue, principalement à partir de
l’œuvre, cinématographique et critique, de Hitchcock. Dans le système
hitchcockien, le suspense recouvre deux fonctions et deux visées :
1°, un aspect psycho-physiologique  : le spectateur doit s’identifier
fortement à la situation représentée, et pour cela, le moyen le plus efficace
est de provoquer son identification au personnage en danger, qu’il soit le
héros ou non. Le suspense vise à une sorte de contamination émotionnelle,
qui doit mettre le spectateur dans un état où il ne soit plus le maître de ses
réactions. En ce sens, il s’oppose à la surprise, qui n’affecte le spectateur
que fugitivement et superficiellement.
2°, un aspect morphologique : chaque plan étant doté d’une intensité, la
suite des plans devra être réglée en fonction de ces intensités, et le travail du
cinéaste est leur modelage dans le temps. Ce travail de mise en forme du
film aboutit à lui donner sa « courbe » (Truffaut) – cette forme d’ensemble
qu’il ne faut jamais perdre en l’interrompant, en la monnayant contre des
effets locaux. Le moyen de cette mise en forme est le montage, en tant
qu’instrument de création du rythme. Le suspense n’est pas seulement
attente, il est la dilatation de cette attente, et plus largement son rythme, sa
mise-en-durée, sa mise-en-temps.

➦ RYTHME, SPECTATEUR
  HITCHCOCK, 1966, 1995

SUTURE
Psychanalyse, théorie Le terme a d’abord été utilisé dans une perspective
lacanienne (Miller, 1966) pour désigner, métaphoriquement, le rapport du
sujet parlant à son propre discours  : le sujet est l’élément manquant du
discours, qui y est représenté par un tenant-lieu (les pronoms, par exemple),
et la suture nomme le rapport paradoxal de ce «  manque  » à la structure
dont il est un élément.
Cette métaphore a été étendue aux « énoncés » cinématographiques par
Oudart (1969). Pour lui, la suture est un mode d’articulation entre deux
plans successifs, qui ne se fonde pas sur le signifié des images à articuler
(donc ne nécessite aucun recours à un énoncé extra-filmique), mais se
déroule au niveau du signifiant filmique, et spécialement, de la relation
entre champ et «  champ absent  », celui qui se constitue comme un
« manque » à partir de certains éléments donnés dans le champ – surtout les
regards. La suture est le processus par lequel le manque en question est
aboli, pour le spectateur, par quelque chose qui se produit dans le second
plan (un regard, par exemple). Cette théorie visait à décrire en termes
lacaniens un sujet spectateur qui serait l’effet du «  discours  » filmique, et
n’existerait qu’en tant qu’il est pris dans ce discours au niveau le plus
littéral, antérieurement à tout autre rapport (cognitif, identificatoire, etc.).
Pour Oudart, la suture ne se produit d’ailleurs que dans un petit nombre de
films qui y ont « assujetti leur syntaxe » (chez Bresson ou Fritz Lang, par
exemple).
Plusieurs auteurs ont tenté de conserver l’idée générale d’un rapport entre
le sujet spectateur et le film, qui serait inscrit dans certaines procédures
filmiques, surtout le champ-contrechamp (Dayan, 1974  ; Browne, 1975).
Mais en étendant la validité du concept à toutes sortes de raccords de
regard, ils l’ont banalisé, et rejoignent alors des principes plus généraux
d’une analyse de l’énonciation filmique. Inversement, Heath (1978) a
proposé une critique de la notion, trop étroitement associée selon lui au jeu
des regards dans l’image, et a proposé d’envisager d’autres modes de suture
(entre image et son, par exemple) tout en conservant la définition de base :
ce par quoi le film constitue son spectateur en sujet. Une critique encore
plus radicale, récusant cette notion comme trop métaphorique et sans
fondement empirique, est due à Noel Carroll.

➦  CHAMP, DISCOURS, ÉNONCIATION, HORS-CHAMP, IDENTIFICATION, OUDART,


RACCORD, REGARD

  OUDART, 1969 ; HEATH, 1977-1978 ; CARROLL, 1982

SYMBOLE
Philosophie, sémiotique Toutes les civilisations ont produit des symboles,
c’est-à-dire des signes destinés à représenter, plus ou moins arbitrairement,
une réalité abstraite. Les symbolismes les plus anciens sont généralement
associés à des valeurs religieuses (dans la culture chrétienne, la croix et la
Rédemption, le triangle et la Trinité, etc.), mais il en existe de toute nature.
En ce sens premier, le cinéma, comme toute autre forme de signification
culturelle et sociale, reproduit et véhicule des symboles, plutôt qu’il ne les
produit véritablement (ce qu’on a parfois décrit comme symboles filmiques
relève plutôt de la métaphore). Les symboles sexuels (chez Buñuel ou
Fellini), les symboles religieux (chez Dreyer ou Rossellini), les allégories
philosophiques (chez Godard) existaient le plus souvent avant de se trouver
dans des films.
En un sens plus large, la notion de « forme symbolique » (Cassirer, 1923
sq.) désigne les grandes constructions socialisées de l’esprit humain (le
langage, le mythe, etc.). Panofsky (1924) a qualifié la perspective de
« forme symbolique de notre expérience de l’espace », parce qu’elle donne
forme matérielle et sensorielle au caractère centré de l’espace vécu, qu’elle
traduit ainsi de manière symbolique. Son texte a souvent été cité à propos
de discussions de l’espace filmique.

➦ MÉTAPHORE, SYMBOLIQUE

SYMBOLIQUE
Psychanalyse, sémiotique Dans la théorie lacanienne, le symbolique est le
« lieu » abstrait où jouent les signifiants (au sens de Saussure et Jakobson :
éléments différentiels, dépourvus de sens par eux-mêmes, n’acquérant de
valeur que dans leurs relations mutuelles, et formant un ordre clos) qui
constituent le sujet : rêves, symptômes, etc. L’emblème en est, chez Freud
puis Lacan, le jeu de disparition/apparition d’une chose, associé par le très
jeune enfant à un vocalisme arbitraire (« fort/da »), véritable émergence du
symbolique dans le langage (« le symbole est le meurtre de la chose »). À
mesure que le sujet se constitue, l’ordre symbolique s’interpose de plus en
plus entre lui et le monde réel, puisque l’identification et le désir sont liés
par les lois structurales du signifiant. Dans cet ordre, le sujet ne peut être
que représenté, donc «  perdu pour lui-même  ». Exclu de la chaîne
signifiante et représenté en elle, il est «  clivé  »  ; la conscience et la
cognition sont au niveau du discours, (pris dans le symbolique, et
accessibles uniquement dans des formations imaginaires), tandis que
l’inconscient est au niveau du sujet véritable (mais accessible uniquement
par l’analyse).
Cette théorie a été beaucoup reprise dans les approches psychanalytiques
du cinéma autour de 1970. On retrouve dans la notion de suture une
tentative d’application de cette relation entre le sujet et le symbolique, selon
laquelle le sujet figure dans son propre discours, comme manque, sous la
forme d’un tenant-lieu. Bien qu’elle s’intéresse surtout aux effets
imaginaires, la théorisation du dispositif cinématographique repose
également sur la même conception du sujet clivé. Enfin, comme toute
production signifiante, la rhétorique filmique est l’un des lieux où se
manifeste le symbolique.

➦ DISPOSITIF, IMAGINAIRE, PSYCHANALYSE, RÉALITÉ, RHÉTORIQUE, SUTURE


  HEATH, 1981 ; ŽIŽEK, 2010

SYNCINÉMA
Esthétique, institution Terme proposé par Maurice Lemaître à propos de
son œuvre Le film est déjà commencé  ? (1951), pour désigner une séance
cinématographique comportant, outre la projection d’images sur un écran,
d’autres manifestations physiques dans la salle. À l’origine, il s’agissait de
projeter un film provocateur, qui amènerait les spectateurs à protester, à
partir, voire à prendre à partie violemment le film ou l’écran (le « scénario »
idéal de la séance selon Lemaître prenait fin par l’intervention de la police
dans la salle…). On a souvent rapproché le syncinéma, soit du cinéma
élargi, soit du happening.

➦ CINÉMA ÉLARGI
  LEMAÎTRE, 1952

SYNOPSIS
Technique, narratologie Résumé bref (quelques pages au maximum) d’un
scénario de film. (Du grec sunopsis, «  vue d’ensemble  », «  coup d’œil
général », « table des matières » ; le mot entre dans la langue française via
son usage aux États-Unis – cf. DHLF.)

SYNTAGME
Linguistique, sémiotique Le terme désigne en linguistique structurale un
groupe d’unités qui sont co-présentes dans l’acte de parole. Plus largement,
il désigne un groupe de mots formant une unité à l’intérieur de la phrase.
Le syntagme est l’axe de la combinaison et de l’agencement des unités.
Cette co-occurrence se produit le plus souvent dans la consécutivité, les
éléments intervenant les uns après les autres. Mais cette succession dans
l’axe temporel, prépondérante dans le cas du langage verbal en raison de la
linéarité de l’émission vocale, n’est pas obligatoire. Des syntagmes peuvent
être simultanés et non consécutifs ; leur co-occurrence est alors spatiale. La
syntagmatique spatiale intervient de manière prépondérante quand le
langage déploie ses significations dans l’espace  : ainsi en peinture et plus
généralement au cinéma. Qui plus est, ce dernier étant fondé sur plusieurs
axes temporalisés (la bande image et les bandes sonores), il peut y avoir des
relations syntagmatiques à un point donné de la chaîne filmique entre une
image et un son.
Le syntagme et la syntagmatique (l’étude du fonctionnement des
syntagmes) sont des termes qui ont connu une réelle fortune au cours de la
phase initiale de la sémiologie du cinéma. En effet, le film organise à tout
moment son discours sur des relations de co-occurrences visuelles et
sonores, notamment en raison du rôle majeur qu’y joue le montage.

➦ DISCOURS, MÉTONYMIE, PARADIGME, SÉQUENCE

SYSTÈME
Linguistique, sémiotique Le mot «  système  » est particulièrement
polysémique. Étymologiquement, il renvoie à «  assemblage  » ou
«  composition  », et toujours un ensemble organisé  ; c’est le sens que le
retrouve dans la plupart de ses acceptions  : ensemble d’éléments
intellectuels, ensemble de concepts, classification logique, ensemble
coordonné de pratiques tendant à obtenir un résultat, ensemble possédant
une structure qui lui est propre, etc.
En littérature et en art, le mot est souvent employé péjorativement pour
s’opposer à la création libre et à l’inspiration. C’est particulièrement le cas
dans le contexte de la conception romantique de la création.
En linguistique, le mot désigne un ensemble organisé et cohérent comme
l’est la langue, au sens saussurien. La sémiologie structurale (Metz, 1971) a
généralisé l’usage du mot en le couplant avec le mot « code ». Le système
concerne la structure du film comme ensemble organisé, reconstruit par
l’analyste (Heath, 1975). La sémiologie oppose ainsi les systèmes singuliers
(qui concernent les textes en tant qu’œuvres particulières) et les systèmes
non singuliers, c’est-à-dire les codes, que l’on retrouve d’une œuvre à
l’autre, en tant que systèmes relationnels  : le code des comportements
sociaux, le code des couleurs, des valeurs idéologiques, etc.

➦ CODE, SÉMIOLOGIE, TEXTE


T
TABLEAU
Dramaturgie, esthétique Ce terme a été utilisé, dans le cinéma des
premiers temps, pour désigner un plan assez long, enregistrant l’équivalent
d’un «  tableau  » au sens théâtral  : unité spatiale et unité d’ambiance sans
changement de décor. Ce vocabulaire théâtral a été abandonné dès que le
découpage d’une scène en plans plus ou moins rapprochés et pris de divers
points de vue est devenu la règle (avant 1914).
L’expression « plan-tableau » a été utilisée (Bonitzer) pour désigner des
plans de films dont la composition ou la mise en scène peuvent évoquer des
tableaux (au sens, cette fois, de la peinture) – d’ailleurs de manière plutôt
péjorative, au bénéfice d’une conception du cinéma qui privilégie le
mouvement.

➦ PEINTURE
  BONITZER, 1982 ; BURCH, 1990

TABLEAU VIVANT
Dramaturgie, esthétique Spectacle théâtral, ou moment d’un spectacle
(par exemple la fin du Revizor de Gogol) dans lequel des acteurs restent
immobiles, dans une pose plus ou moins expressive, telles des statues. Le
tableau vivant fut souvent, au 18e, la reproduction de toiles remarquables
(voir Diderot, De la poésie dramatique), d’où son nom. Le cinéma l’a peu
pratiqué (en dehors du film de Raoul Ruiz, L’Hypothèse du tableau volé),
mais on en retrouve l’idée fondamentale – l’immobilité est censée contenir
en germe l’expression des sentiments – dans de nombreux plans statiques,
et plus visiblement, dans certains usages de l’arrêt sur image. Godard a
repris le principe dans Passion.
➦ ARRÊT SUR IMAGE, TABLEAU

TARKOVSKI, ANDREÏ (1932-1986)


Cinéaste, théoricien Cinéaste dont la production (sept longs métrages)
resta peu abondante, mais fut constamment accueillie avec faveur par la
critique internationale, Tarkovski est avant tout sensible à la question du
temps. La conscience humaine existe dans le temps  ; la motivation
principale du spectateur de film est « une recherche du temps » ; le cinéma
est un art du temps.
Temps empirique, celui du spectateur. On va au cinéma pour y rencontrer
le temps, et faire l’expérience d’un rapport au temps passé (à la mémoire) et
au temps qui passe, le premier, selon Tarkovski, étant déterminant pour le
second. Ainsi, à la différence de la plupart des philosophes et psychologues,
il ne considère pas le temps comme composé de passé, présent et futur, cette
dernière dimension étant absente chez lui. Le temps, en fait, est décrit par
lui comme un état – formule paradoxale qu’il faut sans doute comprendre
en tant qu’assertion du temps comme dimension fondamentale de la vie et
de l’esprit (comme dans l’existentialisme, mais sans la dimension tournée
vers l’avenir de celui-ci).
Si le spectateur vient au film pour y faire l’expérience du temps, le
cinéma est une machine à enregistrer (à imprimer) du temps, sous forme
d’événements. Sa capacité d’enregistrement direct fait la supériorité de cet
art sur tous les autres arts, puisqu’il a directement affaire, ainsi, au temps de
la vie. Tarkovski y voit la preuve qu’il a la capacité de dévoiler quelque
chose sur cette réalité même du temps. La tâche du cinéaste est donc de
traiter le temps (de le « sculpter ») : d’abord le recueillir, en le reproduisant
tel qu’il existe dans la vie (tel que le temps est vivant). La chronique, le
recueil du temps tel quel, est pour Tarkovski un idéal positif, à condition
d’être maintenu dans une espèce de pureté  : il faut maintenir le temps
enregistré dans un état non marqué ; l’expression du temps n’est pleinement
cinématographique que si elle est l’enregistrement de l’événement, évitant
d’attirer l’attention sur son filmage en tant que tel. Mais,
contradictoirement, le cinéaste a aussi à tâche de donner forme au temps
filmique. C’est le sens des remarques (peu élaborées) de Tarkovski sur le
rythme, qui est à la fois pour lui instance formelle et abstraite, et reste lié au
drame. La principale conséquence pratique de cette réflexion est le refus du
montage comme outil expressif : le rythme ne doit pas être construit par le
montage, mais par une modulation du temps dans son cours même.

➦ RYTHME, TEMPS

TEINTAGE
Technique Procédé chromatique consistant à tremper la pellicule dans un
bain de teinture, de manière à lui donner une couleur uniforme
(contrairement au virage qui ne concerne que les parties sombres de
l’image).

➦ COULEUR, VIRAGE

TÉLÉFILM
Technique, économie, institution Œuvre narrative d’image mouvante
destinée à être diffusée par la télévision, et la plupart du temps, également
produite par une société de télévision (parfois en coproduction avec des
firmes cinématographiques). La durée en est comparable à celle des films
de long métrage, ou un peu plus courte ; la production en est généralement
plus économique, impliquant notamment des durées de tournage plus
brèves.
Il est rare qu’un réalisateur de télévision tourne un film pour
l’exploitation cinématographique, mais inversement, il ne manque pas de
réalisateurs de films qui ont fait un ou plusieurs téléfilms, de Spielberg
(Duel, 1971) à Godard (Grandeur et décadence d’un petit commerce de
cinéma, 1986) et plus récemment Jane Campion (Top of the Lake, 2013),
Desplechin (La Forêt, 2014) ou Dumont (P’tit Quinquin, 2014).

➦ SÉRIE TÉLÉVISÉE

TÉLÉVISION (ET CINÉMA)
Technique, média La télévision, invention technique datant des années
1920 pour l’essentiel, s’est développée, d’abord aux États-Unis, à partir de
la fin des années 1940 (en France, environ cinq ans plus tard). Son
expansion à partir des années 1950 en fit la rivale du cinéma en tant que
spectacle et distraction de masse. C’est l’une des causes de la baisse de la
fréquentation des salles de cinéma, qui commença dès cette période, et se
continua jusqu’aux années 1980. Parmi les moyens que l’industrie
hollywoodienne imagina pour réagir à cette concurrence, certains touchent
à la diffusion (par exemple la création de lieux de projection en plein air, où
l’on pouvait voir le film de sa voiture, les drive-in), d’autres au contraire
concernent la nature même des films produits. Les années 1950 furent
notamment celles de l’écran large (CinemaScope  : premier film, La
Tunique, 1953) et du film en relief, mais elles virent aussi l’apparition et le
développement de la notion de blockbuster (film à gros moyens, « calibré »
pour attirer un vaste public). Certaines de ces nouveautés furent éphémères
(le relief, notamment) ; d’autres s’installèrent durablement, tel l’écran large,
qui finit par être imité par la télévision elle-même, avec le format 16/9.
En sens inverse, il faut noter que, dès ses débuts, la télévision a diffusé
beaucoup de films sortis de l’exploitation normale, en salles. Dans la
plupart des pays européens, cette diffusion a pris, sur certaines chaînes, une
forme «  culturelle  », voire patrimoniale  ; avec le développement de la
télévision numérique par câble, elle est devenue peu à peu l’apanage de
chaînes spécialisées, qui offrent un très large choix de films anciens. La
gamme des supports possibles pour la diffusion des films anciens s’est
encore élargie avec la VOD, technique originellement destinée à Internet,
que la télévision a adoptée pour partie. Ces nouveaux types de diffusion
sont à la source de la cinéphilie de la génération contemporaine qui
découvre de très nombreux films en VOD ou streaming.

  JOST, 2005, 2015

TEMPS
Philosophie, psychologie Le film est «  la seule expérience où le temps
m’est donné comme une perception » (Schefer) : voir un film, c’est voir le
temps passer. Il y a donc peu de réflexions théoriques sur le cinéma qui
n’abordent, au moins indirectement, le rapport entre cinéma et temps ; c’est
notamment le cas de toutes les théories du montage et des théories du récit.
Une étude plus directe ressortit à trois types principaux, selon l’aspect
retenu de la notion de temps elle-même.
Le temps comme mesure. C’est la façon la plus formelle d’envisager le
temps filmique, et elle mène le plus souvent à recenser les discrépances
entre le temps filmique et le temps réel (temps du récit filmique/temps de
l’histoire, par exemple). Les théoriciens du muet ont souvent relevé les
possibilités expressives offertes par l’accéléré ou le ralenti (Epstein,
Vertov). Un autre cas particulier, celui de la réversion du temps filmique, a
été souvent envisagé aussi, à cause de sa fascination propre, mais en termes
de mesure du temps il ne dit rien d’autre que l’accéléré ou le ralenti  : le
temps du film n’est pas celui de la réalité (Arnheim, 1932 ; Rinieri).
Le temps comme expérience. Notre expérience du temps en général est
complexe. Il existe certaines «  horloges biologiques  », réglant certains
rythmes physiologiques, mais notre appréhension du temps résulte de la
perception de suites d’événements, lesquels ont été parfois considérés
comme la seule réalité matérielle, «  le temps  » relevant en général de la
construction symbolique, de l’« outillage » mental (Norbert Elias).
La psychologie empirique distingue quatre grands modes d’expérience
temporelle : le présent, fondé sur la mémoire immédiate et l’appréhension
des intervalles temporels brefs ; la durée, expérience normale du temps qui
passe, impliquant la mémoire à long terme  ; la perspective temporelle, ou
« expérience du futur », déterminée socialement et culturellement ; enfin, la
différenciation entre simultanéité et succession. Le cinéma fait écho à ces
quatre modes, pour lesquels il a inventé des formes originales (par exemple
le plan prolongé ou le mélange d’images), et les théories du cinéma
reprennent plus ou moins ces catégorisations, en insistant sur le temps vécu
(Mitry). La plupart soulignent le caractère de réalité du temps filmique –
  temps physique de la projection  –, comme principal facteur de
différenciation entre cinéma, roman et théâtre  ; en outre, le film narratif
modèle le temps, en lui imposant un rythme, en le transformant par le
montage, en général l’utilisation d’un «  langage  » cinématographique  ; le
temps du film de fiction est « la suggestion d’un temps fictif, qui comprend
des morceaux de durée réelle  » (Laffay). En ce dernier sens, le temps du
film est comparable au temps du roman, et les études de théorie littéraire
(Bakhtine, Poulet) peuvent en partie être transposées à sa production.
C’est sur ce point que l’invention des techniques numériques a pu
changer la donne. D’une part, la diffusion de copies numériques des films
(DVD, streaming…) autorise le spectateur à les voir selon un temps lui-
même modulable (en accéléré, en ralenti s’il le souhaite, en sautant certains
passages, en fractionnant, etc.), ce qui change chacun des quatre modes de
l’expérience temporelle. D’autre part, le temps du film lui-même devient,
encore plus nettement qu’avec la pellicule, un temps différent de celui de la
réalité, qui a ses lois propres et se «  manipule  » de manière relativement
autonome. Pour l’instant, ces phénomènes n’ont pas fait l’objet de
réflexions théoriques suivies.
Le temps comme catégorie. Avec l’espace et la causalité, le temps est au
nombre des catégories fondamentales de l’entendement dans la philosophie
critique kantienne, qui continue de dominer les approches habituelles de
cette question. Toutefois, la réflexion sur le cinéma a peu approfondi cette
idée ; l’exception la plus notable est celle d’Epstein, qui a formulé la thèse
que le cinéma crée une aperception entièrement originale du temps, et
même, qu’il produit un temps sui generis, différent du temps humain
(Epstein, 1946).
En terrain frontalement conceptuel, la réflexion est plus souvent partie de
Bergson et de sa réflexion sur le temps vécu et la durée. Les théories
bergsoniennes, reprises à peu près telles quelles par Cohen-Séat (1946), se
retrouvent indirectement chez Bazin, pour qui par exemple le cinéma est
apte à construire des équivalents du rapport posé par Bergson entre la durée
vécue et la mémoire (c’est la leçon qu’il tire du Mystère Picasso de
Clouzot, qui révèle, en la montrant, la durée contenue dans le tableau
achevé, c’est-à-dire le temps de sa création).
La perspective bergsonienne a été reprise, élargie et creusée par Deleuze
(1983), qui reprend le modèle d’un rapport entre l’espace, le temps et le
mouvement, et en fait le principe d’une ample typologie critique de l’image
filmique, distinguant entre image-mouvement et image-temps. Deleuze
réfléchit plus particulièrement sur la durée et sa «  coupe mobile  » par
l’image-mouvement, elle-même constituée par l’intégration de «  coupes
immobiles  » selon des «  instants quelconques  » équidistants (les
photogrammes), et sur le devenir-visible du temps dans le cinéma
contemporain (rejoignant le fond de la remarque de J. L. Schefer).

➦ DURÉE, FLASH-BACK, IMAGE-MOUVEMENT, IMAGE-TEMPS, MONTAGE


  EPSTEIN, 1946, 1955  ; TARKOVSKI, 1970-1986  ; DELEUZE, 1985  ; MENIL, 1991  ;
DURING, 2010
TEXTE
Théorie, sémiotique Un texte est d’abord l’ensemble des mots ou des
phrases qui constituent une œuvre écrite. Par extension, le mot désigne
l’œuvre littéraire, puis sa littéralité. L’étymologie renvoie au sens de tissu
ou de trame.
Le mot a été utilisé dans la théorie et l’analyse littéraires à rebours de ce
sens traditionnel, dans une conception de la littérature qui oppose le texte à
l’œuvre comme la production ou la productivité au produit : l’œuvre est ce
qui est classiquement reçu par un public qui ne la questionne pas, mais
l’accepte telle quelle ; au contraire le « texte », en ce sens particulier, est le
site d’une activité signifiante incessante, qui ne vise pas la communication
d’un sens déjà-là, mais la mise en valeur de la pratique signifiante elle-
même. La théorie du texte, dans la sémiologie «  générative  » (en un sens
assez large), insiste sur le travail de l’énonciation, de la symbolisation, sur
les traces du sujet (l’écrivain comme le lecteur) dans le processus textuel
d’ensemble. Ces approches, inspirées des conceptions formalistes, ont été
développées en France dans les années 1960 et 1970 (Barthes, Kristeva)  ;
elles ont rapidement débordé le cadre de la littérature ou de la poésie pour
irriguer l’ensemble des analyses d’œuvres picturales, musicales et
filmiques. Elles ont donné lieu au développement de l’« analyse textuelle »
du film, transposition notamment de la méthode critique de Barthes dans
S/Z à l’analyse des films (chez Kuntzel, Bellour, Ropars-Wuilleumier,
Heath, et bien d’autres).

➦ ANALYSE TEXTUELLE, INTERTEXTE, POLYSÉMIE, SYSTÈME

THÉÂTRE
Art, spectacle On fait souvent état d’un partage (esthétique, sinon
ontologique) du cinéma entre deux voies originelles, dont les noms de
Lumière et de Méliès sont les désignations emblématiques  : voie
documentaire et réaliste, voie féerique et irréaliste. L’histoire du cinéma a
connu au moins une troisième voie, celle qui l’apparente au théâtre  ;
assimiler, ou simplement comparer, un film à une représentation théâtrale,
c’est insister à la fois sur sa vertu documentaire (enregistrement d’un
spectacle) et sa capacité irréalisante (conventions représentatives).
De l’art théâtral, ce qui passa d’abord dans le cinéma, malgré le handicap
de l’absence de son enregistré, ce fut le jeu de l’acteur (et par conséquent, le
rapport, au moins indirect et parfois allusif, à un texte). Les premières
tentatives eurent lieu peu avant 1910, simultanément des deux côtés de
l’Atlantique, avec entre autres le Film d’Art français (où se produisirent de
grands noms de la scène), et l’emploi systématique d’acteurs de théâtre
dans les films de Griffith pour la Biograph. Les conventions de jeu, proches
de la pantomime, qui furent alors adoptées, perdurèrent jusqu’à la fin de
l’époque muette. Quant au rapport au texte, il fut manifesté par
l’importance des intertitres et dialogues écrits, lesquels furent toujours
perçus comme signes de théâtralité (donc combattus en tant que tels par les
partisans d’un cinéma « pur »).
Un autre aspect de la théâtralité des films de cette époque fut l’utilisation
assez constante d’un décor fondé sur l’existence d’un « quatrième côté », à
l’instar de la scène à l’italienne. La scénographie de ces films était le plus
souvent rudimentaire : toiles peintes, constructions légères, sans plafond et
bien sûr, ouvertes d’un côté (donc exposées aux intempéries et à la lumière
solaire, d’où des effets d’irréalisme assez notables, parfois incongrus).
Toutefois, d’un point de vue théorique, cette simplicité et cette régularité de
la référence au modèle scénique furent importantes dans l’apparition d’une
conscience de la mise en scène cinématographique (voir, chez Griffith, les
modalités inventées pour le passage de plan à plan fondé sur la
communication d’espaces adjacents).
Par la suite, la référence au théâtre, moins naïve et moins rigide, ne cessa
cependant jamais d’être présente dans les films. Une forte proportion
d’acteurs –  en France, en Allemagne, aux États-Unis notamment  –
menèrent une double carrière  ; de nombreuses pièces de théâtre furent
adaptées, tandis que des réalisateurs se partageaient entre le cinéma et le
théâtre (Ray, Bergman, Visconti, pour prendre des exemples très
différents) ; enfin, l’homogénéité spatiale, le privilège accordé au point de
vue selon le « quatrième côté » imaginaire des espaces intérieurs (même en
décors naturels), continuent d’informer en profondeur le style de la plupart
des films standard, a fortiori des téléfilms. Cette relation fut souvent
déclarée, ouvertement, par des cinéastes (Guitry, Rivette, Bergman,
Fassbinder), tandis qu’elle jouait pour d’autres le rôle de repoussoir
(Vertov, Bresson).
En termes critiques et théoriques, on a distingué trois modes principaux
de relation du cinéma au théâtre  : la «  mise en conserve  » d’un spectacle
théâtral par le film, du point de vue du spectateur de l’orchestre (cf. infra,
l’article « théâtre filmé ») ; l’« aération » de la pièce adaptée, en offrant, le
plus souvent possible, des vues des lieux extérieurs où se déroule l’action
(et qu’au théâtre on ne peut pas voir) ; enfin, un mode plus dialectique (que
Bazin prôna), et qui consiste à avouer la théâtralité du texte, mais en
trouvant des « équivalents » proprement cinématographiques de la mise en
scène théâtrale (comme dans Les Parents terribles de Cocteau, 1946).
Revenant sur cette distinction, Bordwell (1981) a proposé d’y ajouter une
quatrième possibilité, celle d’une « théâtrisation » du cinéma, dans laquelle
une mise en scène cinématographique s’ajoute, tout en restant relativement
autonome, à la mise en scène théâtrale (il donne l’exemple d’Ordet, de
Dreyer [1955], et de films de Straub comme Othon ou Moïse et Aaron –
 auxquels on pourrait ajouter notamment plusieurs films d’Oliveira).

➦ ESPACE, SCÈNE
    BAZIN, 1958-1962  ; HURT, 1974  ; EL  NOUTY, 1978  ; ISHAGHPOUR, 1995  ;
CHABROL & KARSENTI, 2013

THÉÂTRE FILMÉ
Esthétique L’apparition du parlant, en apportant une solution technique
toute faite à un problème esthétique (comment rendre compte d’un aspect
essentiel du jeu des acteurs  : leur diction), favorisa un retour explicite et
insistant, dans les films, du modèle théâtral. Parmi les premières
productions parlantes, une forte proportion furent des transpositions plus ou
moins directes de pièces éprouvées dans leur version scénique. En réaction,
nombre de cinéastes formés à l’esthétique muette (avec sa recherche
d’équivalents purement visuels des émotions, des sentiments et même, de la
parole) s’élevèrent contre la nouvelle forme que prenait leur moyen
d’expression, et proposèrent, qui une défense pure et simple du muet, qui
une recherche de formes du parlant qui ne renoncent pas aux acquis du
muet, en particulier, le travail de l’image. Il y eut donc, durant toute la fin
des années 1920 et surtout la première moitié des années 1930, un certain
nombre de manifestes et déclarations, contre (Clair, Chaplin, Eisenstein et
Poudovkine) ou pour le « théâtre filmé » (Pagnol). L’adaptation directe de
pièces de théâtre étant par la suite devenue moins fréquente, et le cinéma
parlant s’étant très vite imposé comme norme quasi absolue, la réflexion et
la polémique se déplacèrent, sur des questions esthétiques plus générales
(notamment, celle du réalisme, après la guerre).

➦ ADAPTATION, MUET, PARLANT (CINÉMA), SCÈNE, THÉÂTRE


  CLAIR, 1922-1970 ; PAGNOL, 1933-1934 ; GUITRY, 1977

THÈME
Narratologie, sémiotique, psychologie Le mot a d’abord un sens
imprécis : c’est le sujet, l’idée, ou la proposition qui est dévelopée dans un
essai ou une œuvre. Il correspond au résumé de l’action, à son idée centrale
ou son principe organisateur. Dans toutes ces acceptions, le thème est la
colonne vertébrale, idéologique ou événementielle de l’œuvre ; il en assure
la cohérence. C’est une constante autour de laquelle gravitent les
interprétations de l’œuvre.
Un même thème peut être varié presque à l’infini dans l’histoire des arts
et des littératures  : cela peut être un certain type d’action (le retour de
l’enfant prodigue), un personnage (Don Juan), une idée-force propre à un
genre (la vengeance comme thème propre au tragique), ou à une époque
(l’absurdité de l’existence pour l’après-guerre).
Si un personnage, une situation, une relation ou un récit mythique
traverse l’histoire des arts, comme Antigone, Icare ou le Juif errant, c’est
qu’il relève de l’archétype (thèmes analysés par les anthropologues et les
comparatistes). En ce sens, il convient de bien délimiter les frontières du
mot en le comparant à motif, topos et mythe.
Les thèmes ne sont toutefois pas des entités amorphes, ils sont toujours
organisés en structure, c’est-à-dire en «  réseau organisé d’obsessions  »
(Barthes), en «  constellations de mots, d’idées, de concepts  » (Jean-Pierre
Richard), en «  archétype involontaire  » (Deleuze), en «  image
obsessionnelle traumatique » (Weber).
«  Thème  » a également un sens musical (c’est le dessin mélodique qui
constitue le sujet d’une composition musicale et qui est l’objet de
variations), et un sens linguistique technique où il s’oppose à rhème ou
propos  ; en grammaire générative, le thème est l’élément, ou syntagme
nominal, le plus à gauche de l’énoncé sans se confondre avec le sujet.

➦ HISTOIRE, MUSIQUE, RÉCIT

THÉORIES DU CINÉMA
Il n’existe pas de théorie du cinéma unifiée, qui couvre tous les aspects du
phénomène cinématographique et soit universellement acceptée. Il existe en
revanche de nombreuses entreprises théoriques, dont l’ampleur et la
cohérence sont variables, et les préoccupations, très diverses. Il faut ajouter
que, d’un point de vue épistémologique, très peu de ces théories sont
d’ordre explicatif (seules visent à l’être celles qui sont fondées sur des
sciences plus ou moins expérimentales, par exemple la psychologie
cognitive ou, par certains aspects, la linguistique générative), et qu’il s’agit
donc de théories descriptives. Les principales orientations théoriques
abordées à propos du cinéma sont les suivantes :
Le cinéma comme reproduction ou substitut du regard. C’est
l’approche la plus ancienne et la plus classique  : le cinéma est ce qui fait
voir le monde, en faisant voir ce qui sans lui n’est pas visible (Kracauer), en
permettant de l’inspecter mieux (Cavell), grâce à des propriétés d’ubiquité
(Souriau), d’objectivité mécanique (Vertov) ou d’inventivité (Epstein), en le
révélant dans son essence (Bazin), en rendant finalement l’homme visible
autrement (Balázs). Toutes ces théories insistent sur la parenté entre cinéma
et photographie : le cinéma est l’empreinte du visible, et même, du visible
en mouvement.
Le cinéma comme art. Le cinéma est un système de formes, et ce qui y
est intéressant n’est pas –  comme dans les approches «  réalistes  » qu’on
vient de citer – qu’il reproduise fidèlement le réel, mais au contraire, qu’il
s’écarte de cette reproduction (Arnheim  : les «  facteurs de
différenciation  »). C’est à partir de cette capacité du cinéma à créer des
formes qui lui sont propres (et ne reproduisent pas des formes réelles) qu’il
peut être considéré comme un art ; cette attitude formaliste a été réactivée
par Burch (1969), Bordwell et Thompson –  qui ont étudié l’histoire du
cinéma comme histoire de normes formelles – et Andrew, qui a cherché à
mettre en évidence des phénomènes figuraux considérés par lui comme
l’essence de l’art.
Le cinéma comme langage. L’assimilation du cinéma à un langage fut
d’abord simplement une métaphore, et elle n’a été examinée avec rigueur
qu’à partir des années 1960. Travaillant l’un à partir de la linguistique,
l’autre à partir de la poétique, Metz et Pasolini mirent en évidence
l’inexistence d’une langue du cinéma au sens strict, mais proposèrent l’un
et l’autre des équivalents de la langue (les codes pour Metz, les opérations
sur la réalité pour Pasolini). La sémiologie du cinéma a continué de
s’inspirer de la linguistique (générative  : Colin  ; pragmatique  : Odin,
Casetti), mais en cherchant dans le cinéma ce qu’il a de commun avec les
structures profondes du langage ou avec ses effets intersubjectifs, ou en le
rattachant aux théories de la communication (Casetti, 2002).
Le cinéma comme écriture. L’une des difficultés de la comparaison du
cinéma avec un langage est sa nature d’image (en mouvement). C’est
pourquoi plusieurs théoriciens ont tenté de le comparer plutôt à l’écriture.
C’est le sens par exemple des équivalences avec l’idéogramme ou
l’hiéroglyphe proposées par Eisenstein. Dans une perspective différente –
  mais non contradictoire  – c’est aussi le sens de plusieurs tentatives,
notamment d’analyse filmique, fondées plus ou moins strictement sur la
notion d’écriture telle que définie par Derrida, et qui cherchent, dans les
films, des phénomènes scripturaux, manifestant une présence souterraine,
cachée de la langue (cf. Ropars-Wuilleumier, Conley, Leutrat).
Le cinéma comme mode de pensée. L’idée que les images sont un des
moyens de la pensée humaine n’est pas récente (elle remonte au moins à la
Renaissance). À propos de cinéma, les premiers à l’avoir prise au sérieux
systématiquement furent Eisenstein, qui poursuivit en ce sens ses
considérations sur l’hiéroglyphe cinématographique, et Epstein, qui fit du
cinéma la personnification plus ou moins mythique d’un philosophe
singulier (en particulier, d’un philosophe du Temps). Cette idée est aussi à
la base des travaux de Deleuze (1983, 1985), qui voit dans l’histoire des
formes cinématographiques la mise en œuvre successive de grandes
fonctions mentales –  l’imaginaire, la mémoire  – sur un mode absolument
différent de celui de notre psychisme, et donc, décrit le cinéma comme une
machine à penser.
Le cinéma comme production d’affects et symbolisation du désir. Le
cinéma est né à peu près en même temps que la psychanalyse, et la relation
entre les deux a souvent été observée (Metz, etc.). Le cinéma narratif a
souvent été analysé, depuis un demi-siècle, comme une représentation très
riche et réaliste des fantasmes, des névroses, en général de la psychologie
humaine (du moins, de la psychologie des habitants des pays riches). Quant
aux formes de cinéma qui cultivent davantage l’image (cinéma
expérimental, films des genres fondés sur l’action), ils relèvent de la
production ou de la reproduction d’affects (mais il existe peu de théories
utilisables de l’affect).
Ces catégories ne sont pas étanches, et des nombreux théoriciens ont
circulé entre ces problèmes (et quelques autres, notamment d’inspiration
sociologique) –  sans jamais en tirer une synthèse convaincante. Les
ouvrages qui l’ont tenté (Mitry, 1965) sont plutôt des anthologies ou des
panoramas que de véritables synthèses.

➦  ÉCRITURE, FORMALISME, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, ONTOLOGIE,


PSYCHANALYSE, SÉMIOLOGIE

  AMENGUAL, 1971 ; MAGNY, 1991 ; CASETTI, 1999

TITRE
Technique Le titre est l’inscription placée en tête d’un livre ou d’un
chapitre. C’est aussi le nom de l’œuvre filmique tel que l’indique le
générique. Il y a des films sans générique, mais un film sans titre est appelé
par défaut « film sans titre ». Un titre provisoire peut être utilisé durant la
production d’un film, le titre définitif étant choisi au moment de la sortie.
On distingue le titre original (celui qui est donné au film dans son pays
d’origine), et les titres en langues étrangères  ; ceux-ci sont variables en
fonction du pays où le film est diffusé. L’exploitation contemporaine a
tendance à conserver sans plus les traduire les titres anglo-américains des
films de Hollywood exportés dans le monde.
Les séries, les feuilletons et les films à épisodes posent des problèmes
spécifiques de titre. Le titre d’un feuilleton concerne un ensemble de films
qui se suivent chronologiquement. Le titre d’une série désigne
collectivement un ensemble de films composé de films indépendants, telle
la série Star Wars produite par George Lucas, indépendamment de la
chronologie des épisodes racontés.
On a pu étudier certains vastes corpus de films à partir d’une analyse
lexicale des titres.

  CHION, 2013

TRACE
Philosophie, sémiotique Littéralement : suite d’empreintes ou de marques
que laisse le passage d’un être ou d’un objet. Ce terme a donné lieu à deux
types, très différents (voire opposés) d’investigation théorique à propos du
cinéma.
D’une part, des développements autour de la nature d’«  empreinte  » de
l’image photographique (et donc, cinématographique), qui sont une variante
des théories indicielles (celles qui insistent sur la connexion intime entre
l’image et son référent). À date récente, on peut mentionner Le Maître
(2004), qui tente d’évaluer la part du photographique dans l’image filmique.
D’autre part, le terme est utilisé par Derrida (1967) pour désigner l’écart
qui subsiste entre parole et écriture lors de la notation graphique. En effet,
l’écriture ne prend son autonomie et ne prend de caractéristiques propres
qu’à partir d’une relation de substitution au langage parlé. Mais cette
substitution une fois acquise, l’écriture se comporte comme un système de
signes spécifiques, qui ont non seulement une substance, mais des
caractères formels propres. Pour Derrida, l’écriture est à la fois «  plus
extérieure à la parole, n’étant pas son image ou son symbole, et plus
intérieure à la parole qui est déjà en elle-même une écriture. […] le concept
de graphie implique l’instance de la trace instituée  » (L’Écriture et la
différence). Cette théorie de la trace a été reprise par les analyses filmiques
d’inspiration derridienne (Conley, Ropars-Wuilleumier, Leutrat).

➦ INDICE

TRAFIC
Critique Revue de cinéma trimestrielle, fondée en 1991 par Serge Daney,
et dont le comité directeur, invariable depuis lors, comprend Raymond
Bellour, Jean-Claude Biette ( † 2003), Sylvie Pierre et Patrice Rollet. Le
premier numéro, qui réunissait des cinéastes (Godard, Monteiro, Robert
Kramer, Rossellini), des intellectuels (Giorgio Agamben, Jean Louis
Schefer, Pierre Legendre, Elias Sanbar) et des critiques, donnait le ton.
L’ambition de Daney, en cela parfaitement relayé par ses successeurs, était
– sans s’interdire occasionnellement l’érudition spécialisée – de prendre le
cinéma comme un phénomène culturel, artistique, intellectuel et social  ;
dans une perspective qui n’a jamais oublié André Bazin, il s’agissait au
fond de poser que le cinéma est un révélateur, parlant de l’homme en
société, mais plus profondément, du monde. Trafic, comme l’indique son
titre, a donc eu pour politique de parler du cinéma (et de ses entours  : la
vidéo, certaines œuvres d’art contemporain, parfois la littérature ou la
poésie), sans se limiter aux points de vue habituels de la critique de cinéma.

TRANSPARENCE
Technique, esthétique 1. Dans le vocabulaire du tournage, la transparence
désigne un trucage, consistant à filmer le sujet principal (les acteurs) devant
un décor constitué par une projection –  photographique ou plus souvent
cinématographique  – sur un fond. Ce trucage, difficile à réaliser
parfaitement (d’où les «  bavures  » fréquentes de l’image dans les scènes
réalisées ainsi), a été remplacé dans les années 1960 par la projection
frontale sur un support doté d’un pouvoir de réflexion directionnelle (le
«  Transflex®  » et ses analogues). Du point de vue esthétique, l’ancienne
technique présente la particularité de figurer simultanément (en l’avouant)
deux mondes différents destinés à fusionner en un monde diégétique
unique.
Le numérique permet de réaliser le même effet d’inclusion d’un monde
dans un autre de manière beaucoup plus souple et beaucoup mieux « finie »,
et la sensation très particulière de la transparence est entièrement attachée
aux films argentiques, et même aux films relativement anciens (avant
1960).

  PAÏNI, 1997A

2. Ce terme désigne également une tendance esthétique générale du cinéma,


sa tendance réaliste : un cinéma « transparent » au monde représenté, c’est-
à-dire où le travail signifiant, soit le moins possible perceptible comme tel
et se laisse en quelque sorte oublier, au profit d’un sentiment de réalité
accru. C’est notamment la perspective du «  montage interdit  » (Bazin),
destiné à éviter de tricher avec la réalité. Cette conception a été attaquée par
la critique marxiste des années 1960 et 1970 (Comolli, Bonitzer, Leblanc),
en tant que manifestation d’une conception idéaliste du monde, selon
laquelle le monde « parlerait » de lui-même (sous la garantie ultime d’une
présence transcendante). L’esthétique de la transparence apparaît
aujourd’hui davantage comme un style, historiquement daté, parmi bien
d’autres possibles – et l’on s’interroge plutôt sur les raisons historiques de
son apparition et de son développement (Bordwell et al.).

➦ MONTAGE, ONTOLOGIE, RACCORD, RÉALITÉ, TRUCAGE

TRAVELLING
Technique Mouvement de la caméra consistant en un déplacement au sol
de son pied, selon une trajectoire rectiligne ou plus sinueuse. Les premiers
travellings ont été réalisé en embarquant la caméra sur un mobile, voiture
ou bateau par exemple (cf. la célèbre gondole de la vue de Venise par
Promio pour les Lumière en 1896). Par la suite, on utilisa des chariots (dès
Cabiria, 1913), ultérieurement guidés par des rails, qu’il fallait installer à
chaque fois – travail complexe, fastidieux et ne permettant pas une grande
souplesse de déplacement. L’invention du Steadicam (1972), stabilisateur
de caméra portée, puis de la Louma (1976) ouvrit la voie à des mouvements
fluides et pouvant décrire à peu près n’importe quelle trajectoire. La caméra
portée est devenue de pratique courante, tant pour l’industrie que pour les
amateurs (qui aujourd’hui filment avec de très petits appareils tenus dans la
main).
Lors de son apparition, on parla parfois de « travelling optique » à propos
du zoom, dont l’effet ressemble un peu à celui d’un déplacement de la
caméra (mais n’est pas identique du tout).

➦ MOUVEMENT DE CAMÉRA

TRUCAGE
Technique, langage Est trucage toute manipulation dans la production d’un
film qui aboutit à montrer sur l’écran quelque chose qui n’a pas existé dans
la réalité. La notion de trucage a perdu, au cinéma, les connotations
péjoratives qu’elle a le plus souvent dans la vie quotidienne (liées à
l’impératif moral de ne pas tromper ni mentir). C’est donc qu’il est
implicitement reconnu que le cinéma, en dehors de sa capacité analogique
et réaliste, a aussi un pouvoir d’invention et de fabrication de mondes (c’est
la vieille formule de la voie Lumière et de la voie Méliès).
« Truquer » peut se faire de bien des manières, depuis le maquillage d’un
élément profilmique (la doublure qui réalise une cascade à la place de
l’acteur), l’utilisation de dispositifs de tournage spéciaux, jusqu’aux
retouches les plus méticuleuses de l’image en postproduction. Les procédés
techniques en ce sens n’ont cessé de se perfectionner. Au tournage, les
trucages classiques du décor (cache/contre-cache, effet Schüfftan, matte,
transparence, etc.) sont devenus très sophistiqués depuis l’utilisation de
l’informatique pour les régler. L’invention la plus radicale, cependant, est
celle des techniques infographiques de retouche point par point, qui
autorisent désormais –  et encore plus aisément depuis l’apparition des
caméras numériques  – à modifier à volonté n’importe quelle zone de
n’importe quel photogramme.
La principale question esthétique et psychologique posée par le trucage
est celle de sa plus ou moins grande crédibilité. Celle-ci varie beaucoup
avec l’évolution des techniques et celle, corrélative, du savoir du spectateur.
Plus personne n’est dupe aujourd’hui des animations rudimentaires de King
Kong (Cooper & Schoedsack, 1931), mais même lorsque la perception,
complice ou non, est dupée, le contrat spectatoriel a suffisamment évolué
pour que la majorité des spectateurs de cinéma sachent que toute image a
des chances raisonnables d’être truquée, et l’apprécient en tant que telle.

➦  ANALOGIE, DIÉGÈSE, EFFETS SPÉCIAUX, IMPRESSION DE RÉALITÉ,


POSTPRODUCTION, TRANSPARENCE

  METZ, 1972 ; COCTEAU, 1973A


U-V
UNDERGROUND
Courant, institution Le terme underground (souterrain) fut utilisé à partir
de 1961, dans une visée polémique – à la fois pour revendiquer et déplorer
ce caractère «  souterrain  » de films invisibles dans les circuits standard  –
par Jonas Mekas et Stan VanDerBeek, cinéastes new-yorkais. Ce
phénomène a pu être considéré comme un véritable mouvement esthétique,
durant environ dix ans (les années 1960) et regroupant en fin de compte
pratiquement tous les cinéastes « expérimentaux » de quelque importance,
de Baillie ou Brakhage à Emshwiller, Jacobs ou Markopoulos.
Il n’existe pas à proprement parler d’esthétique underground, les
nombreux cinéastes qui ont travaillé sous cette étiquette ayant des styles et
des préoccupations très divers. La seule caractéristique partagée par tous est
d’ordre économique (refus des circuits traditionnels, revendication de
marginalité) et idéologique (recherche de thématiques elles aussi
«  marginales  », témoignant de modes de vie alors très minoritaires –
 devenus depuis, au contraire, très à la mode, visibles et médiatisés).
Le terme a été repris, dans un hommage un peu ironique, par les cinéastes
expérimentaux et marginaux brésiliens des années 1970, rattachés à un
mouvement «  udigrudi  » (déformation semi-phonétique du mot anglais,
signalant son appropriation à un terrain socio-esthétique tout différent).

➦ BRAKHAGE, EXPÉRIMENTAL, FRAMPTON, POÉSIE (CINÉMA DE)


  MEKAS, 1992 ; NOGUEZ, 2002 ; SITNEY, 2002

UNITÉ MINIMALE
Linguistique, sémiotique Si le cinéma est un langage, il produit des
énoncés qui servent à communiquer. L’approche sémiolinguistique
développée dans les années 1960 a donc, logiquement, cherché à déterminer
les unités de discours avec lesquelles ces énoncés étaient construits, et en
particulier, les plus petites de ces unités, ou unités « minimales ». On en a
proposé plusieurs, depuis le plan, qui est la plus apparente, jusqu’au
photogramme, qui est la plus petite imaginable (mais a l’inconvénient
sérieux de ne pas être perçu comme tel) –  en passant par exemple par le
cinème de Pasolini. Mais le plus souvent, les sémiologues ont été amenés à
contester l’existence même d’une unité de discours universelle, présente
dans tout film ; Metz, notamment, a déplacé la question en parlant d’« unité
pertinente » (propre à chaque code).

➦ CINÈME, LANGAGE CINÉMATOGRAPHIQUE, PHOTOGRAMME, SÉMIOLOGIE

VAMP
Économie, sociologie, institution L’origine du terme est double. La
« vamp » apparaît sur les écrans en 1915. Elle présente un visage français,
celui de Musidora, et un visage américain, celui de Theda Bara. Le mot lui-
même est le diminutif de vampire, nouvelle manière de désigner la femme
fatale, séductrice et mortifère.
Theda Bara est une invention du producteur William Fox qui construit le
mythe d’une nouvelle femme fatale, «  née sur les rives du Nil de l’union
d’un artiste français et d’une princesse arabe, investie de pouvoirs occultes,
et cause du suicide de nombreux hommes dans le monde  ». Cette
construction eut un succès ravageur pendant cinq ans de A Fool There Was
(1915) à The She-Devil (1919).
Irma Vep (anagramme de Vampire), la « vamp » des Vampires (1915) de
Feuillade apparaît la même année, mais de manière plus discrète. Elle
n’acquiert un rôle majeur qu’à partir du cinquième épisode et c’est la
silhouette de l’actrice en collant noir, placardée sur les murs de Paris qui est
à la source de ce nouveau visage de la femme fatale, pour laquelle les
jeunes surréalistes s’enthousiasmèrent.
L’histoire du star system a décliné de multiples visages de cette
«  vamp  », qui vampirise les hommes, riches de préférence  : Pola Negri,
Mae West, Marlène Dietrich et bien d’autres jusqu’à Sharon Stone. La
Vamp n’est que le visage cinématographique de la Tentatrice, figure aussi
ancienne que la Bible.
➦ STAR SYSTEM
  BILLARD, 1958 ; AZZOPARDI, 2000

VAMPIRE
Genre, mythologie Le vampire est la version aristocratique du mort-vivant
alors que le zombi en est la forme populaire par son comportement grégaire
et égalitariste. C’est un être nobiliaire, le comte Dracula, qui défend un
ordre ancien, hiérarchisé et despotique. Le roman de Stoker fixe le
personnage en 1897, à la suite d’une longue tradition littéraire depuis le
début du XVIIIe siècle. Le cinéma s’en empare en 1922 avec Nosferatu, autre
patronyme du personnage depuis le Moyen Âge, créant la figure macabre et
longiligne du monstre séduisant, reprise avec variantes par Dreyer et
Browning en 1931, avec Bela Lugosi, puis par Fisher avec Christopher Lee
pour les studios Hammer après 1958. Le vampire devient un mort-vivant
doué de séduction, charmeur, cultivé, élégant, ce qui renforce d’autant plus
son aura inquiétante, destructrice, sanglante et dangereuse. Cette figure se
prolonge jusqu’au cinéma le plus contemporain et elle est à l’origine de
l’esthétique gothique qu’illustre la version de Coppola (1992), plus baroque
et plus explicitement érotique. Plus de deux cents variations sur le vampire
peuplent l’histoire du cinéma jusqu’à The Addiction (Ferrara, 1995) ou
Trouble Every Day (Claire Denis, 2001) où la figure est féminisée et
modernisée, et Dracula untold (Gary Shore, 2014).
Le film de Murnau a donné lieu à un livre d’analyse filmique d’une
grande originalité (Bouvier & Leutrat, 1981) par la diversité de ses angles
d’attaque, une démarche prolongée par un essai sur l’ensemble du genre
(Leutrat, 1995). Les analyses du genre ont développé par la suite des
approches concurremment sociologiques ou psychanalytiques (Bilger,
2002 ; Dufour, 2006 ; Marigny, 1993, 2009).

VANCHERI, LUC (1959)
Philosophe, sémioticien Critique et universitaire, Vancheri a dès ses
premières recherches travaillé la notion de figure et de figuration (en
cinéma), en étroite relation avec un courant alors très actif dans ce domaine
(Aumont, Brenez, Dubois) ; il a couronné ces recherches par un ouvrage de
synthèse sur le figural en cinéma (2013a). Depuis une dizaine d’années il
travaille, de manière systématique et expressément théorique, dans deux
directions liées :
1°, le développement de ce qu’il appelle (à la suite d’Hubert Damisch)
une « iconologie analytique » du film, méthode d’analyse des films qui part
de la présence d’œuvres de peinture dans ces films ; en dépliant l’histoire de
ces œuvres et leurs connotations et en les reliant au récit filmique, on
entend produire des interprétations, sinon parfaitement objectives, du moins
fondées dans un sol à la fois notionnel et historique solide (2013, 2015) ;
2°, une réflexion sur la relation entre le cinéma et les arts de la vue. Parti
d’une enquête panoramique sur «  cinéma et peinture  » (2007), Vancheri a
défendu (avec d’autres) l’idée d’un cinéma « étendu » à d’autres modalités
de l’image mouvante, notamment la présentation d’œuvres dans des
expositions d’art contemporain (2013b).

➦ CINÉMA ÉLARGI, FIGURAL, FIGURE, ICONOLOGIE

VANOYE, FRANCIS (1940)


Narratologue Francis Vanoye a été professeur de littérature française et
spécialiste de l’oral. Il a été à l’origine de la narratologie filmique avec un
livre pionnier, Récit écrit récit filmique (1979), où il confronte à partir de
nombreux exemples les techniques narratives propres aux deux médiums,
en comparant l’écriture de Maupassant dans Partie de campagne et la
transposition proposée par Renoir. Ses recherches portent ensuite sur
l’analyse de l’oralité propre aux dialogues de films, une caractéristique fort
peu étudiée auparavant. Deux autres chantiers vont provoquer sa sagacité
analytique  : les techniques d’écriture de scénario et la production des
émotions au cinéma à travers la notion d’emprise. Ses compétences en
gestalt-thérapie, autre volet de ses recherches, éclairent les mécanismes
émotionnels produits par les films et les scénarios des auteurs-réalisateurs
tels Truffaut ou Antonioni sont mis en relation avec leurs «  scénarios de
vie ». Enfin, il a renouvelé l’approche du vieux problème de l’adaptation en
la considérant comme un rapt d’auteur et un rapport de force entre
créateurs.

VERSIONS MULTIPLES
Technique, histoire On désigne par là une pratique – qui n’a duré que très
peu d’années  – destinée à permettre, aussitôt après l’invention du cinéma
parlant (et avant l’invention du doublage), de diffuser des films dans
d’autres langues que celle du pays producteur. Il s’agissait de rien moins
que de tourner une autre version du même film, dans laquelle les acteurs
(les mêmes, s’ils étaient polyglottes, ou d’autres dans le cas contraire)
parlaient une autre langue. Certains films connurent ainsi jusqu’à
13  versions différentes (Un trou dans le mur, Barberis, 1930). Un studio
américain, la Paramount, a même tenté de créer des studios de production
de films en plusieurs langues simultanément, mais l’expérience n’a pas
duré.
On utilise de nos jours le terme de « versions multiples » pour désigner
les versions doublées dont le téléspectateur peut choisir la langue. Le
numérique a rendu beaucoup plus facile cette pratique dans les DVD et à la
télévision.

➦ SON, SONORE (CINÉMA)


  BARNIER & MOINE, 2002 ; MARIE & THOMAS, 2008 ; BOILLAT, 2013

VERTICAL (MONTAGE)
Esthétique Conception du montage dans laquelle on ne se contente pas de
mettre bout à bout des fragments de films en calculant leur durée (montage
«  horizontal  », par analogie avec la position du film sur la table de
montage). Le montage vertical fait intervenir des paramètres plus ou moins
nombreux, liés au contenu des plans et à leur mise en forme propre  :
luminosité et contraste, proximité à l’objet filmé, angle de prise de vues,
mouvements, etc. Il s’agit, en jouant sur ces divers paramètres, de produire
des effets de sens globaux, la durée des plans et le rythme induit résultant
des relations entre tous ces niveaux, y compris les données sonores.
La métaphore de la verticalité vise à suggérer qu’il faut prendre en
considération des dimensions «  transversales  » au simple déroulement
linéaire du film. Elle évoque en outre l’image de la partition de musique,
avec ses lignes (horizontales) et ses différentes voix les unes au-dessous des
autres (verticales). Eisenstein, qui a proposé ce concept, en a donné
l’illustration dans des analyses de scènes de certains de ses films,
notamment Le Cuirassé « Potemkine » (1945) et Alexandre Nevski (1949) ;
ces analyses sont censées reproduire la genèse de ces séquences, mais elles
sont plus probablement une reconstruction analytique a posteriori, le
montage vertical étant un concept et non une règle pratique.

➦ EISENSTEIN, HARMONIQUE (MONTAGE)

VERTOV, DZIGA (1896-1954)


Cinéaste, monteur, théoricien Cinéaste soviétique, refusant toute collusion
du cinéma avec la fiction, au bénéfice d’une croyance en un pouvoir de
véridicité dont il serait doté. Absolument convaincu par la révolution
soviétique, Vertov propose de repenser le cinéma comme «  ciné-
déchiffrement communiste du monde ». Le cinéma, outil de compréhension
et d’analyse, est donc un outil de monstration ; mais montrer (qui suppose
de monter) ne peut se faire que sur la base d’une vision correcte  : on
n’organise pas le réel visible s’il n’est pas vu réellement. Cette vision, c’est
l’affaire de la caméra cinématographique, décrite par Vertov comme un
super-œil. C’est la notion de kinoglaz (cinœil ou ciné-œil), comprise comme
combinaison de la caméra-œil et du cerveau, et de kinok (=  opérateur du
kinoglaz).
Sur cette base (foncièrement classique  : l’art est au service de la
République), Vertov invente une notion formelle et sémiotique, l’intervalle.
Le mot, en général, peut s’entendre selon trois dimensions  : spatiale
(distance qui sépare deux points), temporelle (durée qui s’étend entre deux
moments), musicale (rapport entre deux hauteurs de tons), donc comme
lacune, comme lien ou comme relation. L’entreprise de Vertov consiste à
échapper autant que possible à la spatialisation (qui réduit le concept
d’intervalle à celui de mesure) au profit d’une définition temporelle-
visuelle. Le cinœil, en tant qu’il voit, voit dans les choses mêmes (il
n’adopte pas un point de vue extérieur), et son mouvement est libre (non
asservi à une conscience) ; le kinok, s’il montre, montre de l’invu (il peut
virtuellement être partout).
L’intervalle est ainsi conçu comme pure différence, produite d’un
mouvement à un autre mouvement. Le cinéma, corrélativement, n’est pas
un mouvement dans l’espace (extensif), mais une pure qualité de
mouvement (intensive). D’où la formule de Vertov, proposant de « monter
tout le film d’un coup  », non pas dans le sens d’un geste de maîtrise
supérieure et sur le modèle spatial du puzzle (modèle prégnant chez
Eisenstein ou chez Resnais), mais comme assertion d’une circulation infinie
des éléments, qui ne se définissent que comme puissance d’échange.

➦ CINÉ-ŒIL, DELEUZE, INTERVALLE

VIDÉASTE
Art Terme forgé sur le modèle de « cinéaste », pour désigner une personne
qui pratique le video art ; on a, plus rarement, utilisé ce mot pour parler des
réalisateurs de produits télévisés (documentaires notamment).

➦ CINÉASTE

VIDÉO
Technique Terme repris au latin (video =  je vois), par l’intermédiaire de
l’anglais. Désigne une technique qui permet d’enregistrer des images et des
sons sur un support non photographique, et de les reproduire sur un écran
lumineux, sans projection. Cette technique a elle-même beaucoup évolué
depuis les premiers enregistrements sur bande magnétique dans les années
1930, l’apparition des magnétoscopes professionnels à la fin des années
1950, des magnétoscopes grand public vers 1980, puis des divers supports
numériques, notamment le DVD (et ses successeurs en haute définition), la
mini-cassette DV puis le disque dur.
Cette évolution a substitué, au support film et au dispositif qui
l’accompagne (défilement de la pellicule dans le chargeur, montage sur
table en coupant la pellicule, projection par transport de l’image de la
pellicule sur un écran blanc), d’autres supports, où l’inscription de l’image
est davantage codée (on ne voit pas d’images en regardant l’objet DVD ou
l’objet disque dur), entraînant d’autres pratiques du montage et d’autres
surfaces de présentation. Cela a eu des conséquences multiples :
Socialement, cela a rendu la production de films accessible à presque tout
le monde ; on peut aujourd’hui filmer une scène avec un téléphone portable,
retrouvant l’art de la « vue » Lumière, mais avec une diffusion instantanée
et potentiellement très large, au point que les applications de vidéo en direct
commencent à entrer en concurrence avec l’information télévisée.
Économiquement, cela a bouleversé la donne : les films sont de moins en
moins rentables par leur exploitation en salles, et de plus en plus, par leur
diffusion sur support vidéo (DVD), à la télévision ou, de plus en plus en
VOD ou streaming.
Esthétiquement enfin, ses conséquences sont encore discutées  ; on a
beaucoup dit que la vidéo numérique, notamment, appauvrissait l’image et
la banalisait, mais cela est de moins en moins vrai, et d’ailleurs démenti par
le grand nombre d’œuvres importantes réalisées avec ces procédés depuis
2000 (et même avant).

➦ NUMÉRIQUE, VIDÉASTE, VIDEO ART, VIRTUEL (MONTAGE)

VIDEO ART
Esthétique Expression anglaise, reprise telle quelle, pour désigner la
réalisation d’œuvres d’art utilisant une technique vidéo. Le video art est né
au début des années 1970, à l’époque où il devenait possible pour un
particulier de se procurer le matériel d’enregistrement (magnétoscopes à
bandes 3/4 de pouce, encore lourds et chers). Les artistes ont été séduits par
tout ce qui distinguait cette technique de la technique cinématographique,
notamment l’instantanéité de la reproduction voire de la diffusion  ;
beaucoup d’œuvres ont joué, notamment, de la possibilité d’être vues en
cours de production même. L’autre grand attrait de la vidéo a été le nombre
et la relative facilité des trucages qu’elle permettait  ; beaucoup d’œuvres
des années 1970 et 1980 jouent, par exemple, du mixage d’images ou de
techniques comme l’incrustation (reprise avec un certain émerveillement
par Godard dans Numéro Deux [1975]).
La démocratisation des appareils vidéo a dans un premier temps fait
perdre au video art ces spécificités, et la frontière avec le cinéma a pu
sembler devenir très mince (et souvent franchie, dans un sens ou dans
l’autre). Le video art (qui ne se présente plus sous cette étiquette) se
distingue aujourd’hui du cinéma par son recours plus systématique aux
ressources de la technique numérique, dont il est souvent fait un usage
figuratif accentué et souligné.
➦ ART
  BELLOUR, 1990, 1999, 2012 ; PARFAIT, 2001 ; DUBOIS, 2012

VIRAGE
Technique Procédé de colorisation des films, utilisé durant les années 1920,
et consistant à teindre les parties sombres de l’image (c’est-à-dire les parties
claires du négatif), à la différence du teintage qui coloriait toute l’image
indistinctement.

➦ COULEUR, TEINTAGE

VIRTUEL (MONTAGE)
Technique L’enregistrement d’images en vidéo se fait sur un support
matériel –  bande magnétique, disque, «  disque dur  » –, mais de manière
codée. Il est donc impossible de monter un film en coupant des morceaux
de ce support, et il faut pour cela recourir à des solutions indirectes, utilisant
des logiciels informatiques ad hoc. On a parlé, durant un temps, de montage
«  virtuel  » en raison de ce caractère indirect du rapport à l’image, que le
monteur ne touche pas. Cette expression n’est plus utilisée, le montage
« virtuel » étant devenu la règle.

➦ VIDÉO

VISAGE
Esthétique Le visage est la partie du corps humain la plus immédiatement
associée à la personnalité et à l’individualité. Aussi a-t-il été l’objet de
beaucoup d’attention de la part des films de fiction, surtout à l’époque
muette où de nombreuses esthétiques du cinéma reposaient sur son
exaltation – en particulier toutes les théories du gros plan et du glamour. De
manière générale, il a pu être considéré comme un objet figuratif
absolument singulier, dans la mesure où il rend visible ce qui est par
essence invisible (l’humanité, l’existence, etc.)  ; l’étude du visage filmé a
donc été une branche des études de la figuration filmique.
➦ FIGURATION, FIGURE, GLAMOUR, GROS PLAN
  AUMONT, 1992

VISIBLE

Psychologie, esthétique Le monde nous est connu à travers ses formes
sensibles et la perception que nous en avons. Parmi ces perceptions, la vue a
toujours joui d’un grand privilège dans la pensée occidentale (elle est le
«  premier  » des cinq sens  ; elle est réputée être le plus développé, ce
développement étant interprété comme une étape capitale de l’évolution).
Ayant principalement affaire au voir, le cinéma prend place dans une longue
lignée de techniques de la représentation des apparences visibles.
Il existe une véritable idéologie du visible, qui fait identifier plus ou
moins expressément celui-ci (i.e., ce qui peut être vu par notre système
perceptif) à la réalité (i.e., ce que nous estimons être réel). C’est par
exemple le sens de la notion de «  cosmophanie  » (Munier). Les arts
photographiques et cinématographiques ont eu tendance à renforcer cette
idéologie, en apportant à la reproduction du visible la caution de la réalité
référentielle supposée (le «  cela-a-été-là  », Barthes). Cette idéologie a
souvent été critiquée dans la période marxo-freudienne de la théorie du
cinéma (cf. Cinéthique, et plusieurs textes des Cahiers du cinéma autour de
1970) – non sans quelques excès en sens inverse, car la photographie a bel
et bien été inventée pour rendre mimétiquement le visible.

➦ ANALOGIE, IDÉOLOGIE, PERCEPTION, REPRÉSENTATION, VISUEL


  BALÁZS, 1924 ; BRAKHAGE, 1963 ; MUNIER, 1963-1989 ; EPSTEIN, 1974 ; ZERNIK,
2010

VISUEL
Psychologie, philosophie, esthétique Le visuel est un visible déjà organisé
par la vision humaine : le visible est donné à voir, le visuel est dans le voir,
il est l’étoffe même du voir. En ce qui concerne les arts, la sphère du visuel
inclut donc aussi bien l’aspect représentatif (l’analogie visuelle) que
l’aspect plastique (la forme en tant qu’elle travaille un matériau visuel).
C’est en ce double sens que le cinéma est un art du visuel.
L’expression récente «  culture visuelle  » vise à souligner le
développement du visuel dans de nombreux domaines de l’activité humaine
–  mais elle a l’inconvénient de confondre sous une formule vague de
nombreux domaines distincts, socialement et esthétiquement.

➦ ANALOGIE, PERCEPTION, PLASTIQUE, REPRÉSENTATION


  DULAC, 1925 ; WORTH, 1981

VOILAGE
Technique, esthétique Un voile (zone blanche plus ou moins prononcée, en
noir et blanc, généralement rouge en couleurs) peut se produire sur une
pellicule sensible si elle a été exposée à la lumière avant son
développement. Dans le cas du cinéma, cela peut arriver notamment lors du
chargement ou déchargement d’une bobine au tournage. L’effet produit est
en principe un défaut, qui parasite l’image  ; cependant, depuis les années
1960-1970, certains cinéastes (notamment dans l’expérimental, mais pas
seulement) en ont joué sciemment comme d’un effet visuel intéressant.
Comme tous les phénomènes de ce genre, celui-ci peut être imité assez
parfaitement en numérique (par exemple pour des effets « vintage »).

VOIX
Physiologie, technique, esthétique 1. La  voix est l’ensemble des sons
produits par l’appareil phonatoire humain. Elle est présente tout au long du
cinéma muet. C’est la voix des conférenciers ou «  bonimenteurs  » qui
accompagnent les projections foraines, celles des chanteurs d’opéra ou des
chanteurs populaires des courts films en première partie des programmes.
La reproduction mécanique de la voix fut une préoccupation très précoce
des inventeurs (le Kinetograph d’Edison utilisait un phonographe couplé à
un Kinetoscope), et les quelques mots qu’Al Jolson adresse à sa mère dans
Le Chanteur de jazz (1927) sont davantage les débuts mythiques que réels
du cinéma parlant.
La parole humaine (ou synthétique) constitue ainsi, depuis que le cinéma
est doté de la reproduction sonore, l’une des «  matières de l’expression  »
sonore du cinéma, avec les bruits et la musique. Mais, au sein de la bande
sonore, la voix qui profère cette parole jouit d’un statut privilégié : « Il y a
la voix humaine et tout le reste  » (Chion). La voix est la manifestation
sonore du corps de l’acteur, même s’il n’est pas représenté visuellement.
Elle assure sa présence physique par la jonction du corps et du langage
articulé, une incarnation du verbe par l’acteur.
En tant que matériau phonique, la voix se caractérise d’abord par un
timbre, qui permet de l’identifier ; elle peut être modulée par l’intonation,
par l’accentuation et le rythme des phrases, ce qui en transforme
l’expression de manière souvent spectaculaire. (Voir l’exemple du
Schpountz de Pagnol [1938], où l’acteur Fernandel prononce de multiples
manières une phrase du code civil de l’époque  : «  Tout condamné à mort
doit avoir la tête tranchée ».)
2. Dans un film, la voix se définit toujours par rapport à l’image et à
l’écran. Elle intervient comme élément de la représentation
cinématographique et se situe en fonction des éléments visuels de cette
représentation. De nombreuses typologies ont été proposées pour rendre
compte de leurs relations, depuis les prépositions anglaises (in, off, over,
que Daney [1978] proposa de compléter par through et out) jusqu’aux
considérations sur le degré de «  liaison  » ou de «  liberté  » de l’un par
rapport à l’autre (Chateau & Jost), en passant par ses relations à la diégèse
(intra- ou extradiégétique, homo- ou hétérodiégétique).
Historiquement parlant, la voix du commentaire d’actualités ou du film
documentaire n’est que la reprise de celle du « bonimenteur » de la lanterne
magique. Par contre, le cinéma parlant a considérablement enrichi la
gamme des voix de personnages « hors champ », voix qui ne se trouvent ni
dans ni hors de l’espace scénique et sont « laissées en errance à la surface
de l’écran », comme les voix acousmatiques singularisées par Chion (voix
de Mabuse dans Le Testament du docteur Mabuse, de Norman dans
Psychose, du scénariste dans Boulevard du crépuscule).

➦ SON, SONORE (CINÉMA)


  ALTMAN, 1980, 1985-1986, 1992 ; CHION, 1982 ; VANOYE, 1985 ; CHATEAUVERT,
1996

VRAISEMBLABLE
Narratologie Est vraisemblable : (a) ce qui a l’aspect de la vérité ; (b) ce
qui est probable. Le vraisemblable est un très ancien concept dramaturgique
puisqu’il remonte à la Poétique d’Aristote. Il domine toute la période dite
classique du théâtre et a influencé par la suite les différentes conceptions du
scénario de film.
Dans la dramaturgie classique, est vraisemblable ce qui, dans les actions,
les personnages et la représentation, semble vrai au spectateur. Le respect
du vraisemblable impose d’inventer une fiction et des motivations qui
produiront l’effet et l’illusion de réalité. Le vraisemblable se distingue de
plusieurs autres notions qui décrivent le mode d’existence des actions
dramatiques : le vrai, le possible, le nécessaire, le raisonnable, le réel. Ainsi,
pour Aristote « ce n’est pas de raconter les choses réellement arrivées qui
est l’œuvre propre du poète mais bien de raconter ce qui pourrait arriver.
Les événements sont possibles suivant la vraisemblance et la nécessité » –
 ce qui distingue la poésie de l’histoire : celle-ci raconte les événements qui
sont arrivés alors que celle-là raconte ceux qui pourraient arriver. « Aussi la
Poésie est-elle plus philosophique et d’un caractère plus élevé que
l’histoire ; car la poésie raconte plutôt le général, l’histoire le particulier. »
La règle de la vraisemblance vaut surtout pour une dramaturgie
normative fondée sur l’illusion, la raison et l’universalité des conflits et des
comportements. Bien entendu, il n’y a pas de vraisemblable immuable que
l’on puisse définir une fois pour toutes. Le vraisemblable n’est qu’un
ensemble de codifications et de normes qui sont idéologiques, liées à un
moment historique. Le vraisemblable «  n’est qu’un code idéologique et
rhétorique commun à l’émetteur et au récepteur, donc assurant la lisibilité
du message par des références implicites ou explicites à un système de
valeur institutionnalisées (extratextuelles) tenant lieu de réel  » (Hamon,
1973).
Au cinéma, le vraisemblable concerne la représentation et la narration.
Le monde représenté est vraisemblable s’il est conforme à l’image que le
spectateur peut se faire du monde réel. Quant au récit, son vraisemblable
repose, d’une part, sur des principes généraux (principes de causalité et de
non-contradiction), d’autre part, sur des conventions de genre et les règles
implicites qu’elles présupposent  ; le monde de référence est le monde
possible défini par l’ensemble des postulats narratifs propre au genre
particulier. Par exemple, le cinéma fantastique suppose l’immortalité de
certains personnages dans certaines conditions (vampires, morts-vivants)  ;
dans une comédie musicale, il ne doit pas y avoir de morts violentes
particulièrement atroces ; etc.

➦ GENRE, RÉALISME
  DELLA VOLPE, 1954
W-Z
WEB-DOCUMENTAIRE
Genre, technique, institution Le web-documentaire est un documentaire
conçu pour être interactif –  en associant texte, photos, vidéos, sons et
animations  – et produit pour être diffusé sur le Web. Ce type d’œuvre se
caractérise par l’utilisation d’un contenu multimédia, l’introduction dans le
récit de procédés interactifs, une navigation et un récit non linéaire, une
écriture spécifique et un point de vue d’auteur. Il s’agit donc d’un type
d’œuvre qui n’appartient pas spécifiquement au cinéma, mais qui pose des
questions –  de montage notamment  – qui peuvent le concerner, sans que
cela ait pour l’instant donné lieu à des travaux théoriques conséquents.

WESTERN
Genre, histoire La définition du western en tant que genre semble aisée.
Elle est pourtant problématique. Il est difficile de le limiter aux fictions se
déroulant sur le territoire des États-Unis (La Horde sauvage se situe au
Mexique) et de le circonscrire à la période qui va de la fin de la guerre de
Sécession à la disparition de la Frontière (1865-1890). Il existe des westerns
« modernes » comme Les Désaxés, de John Huston (The Misfits, 1960). Au
début du siècle, les bandes se déroulaient dans le présent historique de
l’Ouest, ou dans un passé encore très proche. À l’origine, ce n’est donc pas
un genre historique mais il l’est devenu. On peut également y rattacher les
adaptations du Dernier des Mohicans dont l’action se déroule au
XVIIIe siècle dans l’est des États-Unis, et des films ayant pour cadre la guerre
d’Indépendance contre les Anglais (de Sur la piste des Mohawks, de John
Ford, [Drums Along the Mohawks, 1940] ou Le Grand Passage, de King
Vidor [Northwest Passage, 1939] au Conquérants d’un nouveau monde, de
Cecil B. DeMille [1947]).
On a d’abord appliqué un schéma évolutionniste au genre, qui aurait été
au départ épopée pour devenir, par la suite, tragédie ou roman. Ce schéma a
été remis en cause par les historiens postérieurs (Bourget, Leutrat,
Buscombe) qui estiment que la production westernienne des années 1910
aux années 1930 ne présente pas plus de caractéristiques de l’épopée que
dans la période suivante.
Depuis les travaux de Jean-Louis  Rieupeyrout (1967), on a proposé de
regrouper les westerns autour de grands cycles : les cycles du peuplement,
des guerres indiennes, de la Frontière, du bétail, de la guerre de Sécession,
le conflit mexico-texan, enfin. Ceux-ci rendent compte de la quasi-totalité
des fictions westerniennes. Certains historiens ont également insisté sur
l’émergence progressive du genre, son alliance avec des genres voisins
comme le film musical ou le burlesque (Leutrat, 1987). Il faut également
tenir compte des transferts en termes de catégories de production : passage
de la série B à la série A, transfert des westerns de séries (serial western) du
cinéma à la télévison.
Par ailleurs, on a également confronté l’ensemble du genre, d’un point de
vue de géographie humaine, aux représentations mythiques d’une nation en
marche (Mauduy & Henriet, 1989).

➦ AVENTURE (FILM D’), GENRE


    LEUTRAT, 1985, 1987  ; BUSCOMBE, 1988  ; MAUDUY & HENRIET, 1989  ;
BOURGET, 1998 ; LEUTRAT & LIANDRAT-GUIGUES, 2007A ET B

WORTH, SOL (1922-1977)
Cinéaste, sémioticien, anthropologue Cinéaste et peintre de formation,
Worth devint ensuite sémioticien et anthropologue de terrain. Il chercha
selon quels mécanismes sémiotiques le cinéma pouvait délivrer du sens de
façon compréhensible ; les questions qu’il pose et les concepts qu’il utilise
alors sont ceux de toute une génération, de la notion de «  canal de
communication » à celle de signe, d’unité distinctive ou d’unité minimale.
Il fut, à la fin des années 1960, le chercheur américain le plus proche des
préoccupations des sémiologues européens.
Son apport le plus important date des cinq dernières années de sa vie, et
ressortit à l’anthropologie visuelle, dont il fut l’un des pionniers. Sa
préoccupation, à la frontière de l’anthropologie, de la philosophie de la
connaissance, de la théorie de la perception et de la sémiotique, fut de
chercher comment une image permet de donner du sens de façon fiable, et
d’évaluer quelle est, dans la construction du sens, la part de l’acquis culturel
et celle des capacités innées. En dehors de textes programmatiques, teintés
d’un utopisme caractéristique de la période (par exemple, une «  politique
des formes symboliques  » revendiquant l’accès égal de tous à la culture
visuelle), son travail le plus remarquable provient d’une enquête chez les
Navajos (avec John Adair), qui lui permit de mettre en évidence l’existence
de schèmes de perception et de spatialisation liés à l’acquis culturel, et de
développer une théorie de la signification de l’image comme non
universelle. Il poursuivit dans cette étude des différences entre sémantique
visuelle et sémantique verbale, entre autres dans un article célèbre où il
démontre que l’image ne dispose pas de l’importante catégorie de la
négation.

➦ ANTHROPOLOGIE, PERCEPTION, SÉMIOTIQUE, SIGNE, VISIBLE

ZOMBI
Genre, mythologie, anthropologie Le zombi est un mort sorti de la tombe
qui n’a plus de volonté propre et qu’un sorcier met à son service, dans les
croyances populaires des Antilles. Les premiers zombis apparaissent dans
Les Morts-vivants (White Zombie, Halperin, 1932) où l’acteur Bela Lugosi
incarne une sorte de sorcier, «  maître de zombis  ». Le personnage se
prolonge jusqu’aux années 1950 et sert à mettre en vedette le maquillage
mortuaire dénué d’expression avec Boris Karloff (Le Mort qui marche,
Curtiz, 1936). Cette image du mort-vivant est relancée vingt-cinq ans plus
tard par Romero avec un film à petit budget (La Nuit des morts-vivants,
1986), à l’origine du sous-genre gore. Elle est aussi très présente dans les
jeux vidéo.
La figure du zombi a l’intérêt de représenter le corps humain comme un
automate sans organes, entre la figure de la machine anthropomorphe et
l’homme machinal. Elle s’inscrit dans une longue tradition iconographique
qui remonte aux écorchés et aux vanités picturales, relance les thèmes de
l’hypnose et de la transe, en tant que « fable anthropologique » comme le
démontre Le Maître (2015) dans un essai récent. Le zombi introduit
également le thème du cannibalisme dans sa dimension politique. Les
zombis sont là, tout simplement, de plus en plus nombreux, massivement
présents et revenant éternellement pour dévorer les vivants, sans aucune
échappatoire possible (Thoret, 2007).

➦ GORE, HYPNOSE, VAMPIRE


  THORET, 2007 ; BELLOUR, 2009 ; SCHEFER, 2010 ; LE MAÎTRE, 2015
Références des ouvrages cités

La liste qui suit n’est pas une bibliographie raisonnée des études
cinématographiques (qui prendrait des centaines de pages si l’on voulait
être complet). Elle contient seulement les références des ouvrages cités dans
les entrées de ce dictionnaire et à leur suite. La plupart du temps, nous ne
citons que des livres, même lorsqu’il s’agit de recueils d’articles (il
appartient alors au lecteur de se repérer à l’intérieur de l’ouvrage, ce qui ne
pose généralement pas de difficultés). Il reste quelques exceptions, certains
auteurs n’ayant publié sur le cinéma qu’un ou plusieurs articles, qui
cependant ont fait date et qu’il fallait citer.
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Liste des entrées

Abstrait
Accéléré
A-cinéma
Acousmatique
Actant
Acteur
Action
Adaptation
Afilmique
AFRHC
Albera, François
Alternance
Altman, Charles F. (dit Rick)
Amateur
Amengual, Barthélemy
Analogie
Analogique
Analyse (textuelle)
Ancrage
Andrew, Dudley
Animation
Anthropologie
Arnheim, Rudolf
Archives
Argentique
Arrêt sur image
Art
Art et Essai
Astruc, Alexandre
Attraction
Audiovisuel
Auteur
Avant-garde
Aventure (film d’)

Balázs, Béla
Bande image, bande son
Baroque
Barry, Iris
Barthes, Roland
Bazin, André
Bellour, Raymond
Benjamin, Walter
Bergala, Alain
Bertetto, Paolo
Bertin-Maghit, Jean-Pierre
Biographie
Biographique (film)
« Bis »
Blaxploitation
Blocage symbolique
Bonfand, Alain
Bonitzer, Pascal
Bordwell, David
Bourget, Jean-Loup
Brakhage, Stanley
Brenez, Nicole
Bresson, Robert
Brunetta, Gian Piero
Burch, Noël
Burlesque

Cadrage
Cadre
Cahiers du cinéma
Caligarisme
Calligraphisme
Caméra
Caméra-stylo
Canudo, Ricciotto
Carroll, Noel
Casetti, Francesco
Cavell, Stanley
Caverne (allégorie de la)
Censure
Champ
Chateau, Dominique
Chion, Michel
Cinéaste
Ciné-club
Cinégraphisme
Cinéma dans le cinéma
Cinéma élargi
CinemaScope
Cinémathèque
Cinématisme
Cinématographe
Cinématographique
Cinéma total
Cinématurgie
Cinéma-vérité
Cinème
Ciné-œil
Cinéphilie
Cinéplastique
Cinéthique
Citation
Clair, René
Classique (cinéma)
CNC
Cocteau, Jean
Code
Cognitivisme
Colin, Michel
Comédie
Comédie musicale
Comolli, Jean-Louis
Composition
Connotation
Conservation
Contenu
Continu (et discontinu)
Continuité
Contrechamp
Contrepoint (montage à)
Contrepoint orchestral
Corps
Correspondance des arts
Couleur
Coupe franche
Coupe mobile
Court métrage
Créatoriel
Creton, Laurent
Criminel (film)
Cristallin (régime)
Critique
Cubiste (montage)

Daney, Serge
DCP (Digital Cinema Package)
De Baecque, Antoine
Décadrage
Déconstruction
Décor
Découpage
Défilement
Définition (résolution de l’image)
Déictique
Deleuze, Gilles
Delluc, Louis
Démarcation
Dénotation
Description
2K/4K
Dialectique
Dialogue
Didi-Huberman, Georges
Diégèse
Différence
Diffusion
Digital
Direct (cinéma)
Director’s cut
Discours, discursif
Dispositif
Distanciation
Divertissement
Divisme
Docudrame
Documentaire
Double
Double réalité (des images)
Drame
Dufour, Éric
Dulac, Germaine
Durée
Dysnarratif

Échelle de plans
Éclairage
École
Économie
Écran
Écriture
Effet
Effet écran
Effet fiction
Effet Koulechov
Effet phi
Effet de réalité, effet de réel
Effets spéciaux
Eisenschitz, Bernard
Eisenstein, Sergueï Mikhaïlovitch
Ellipse
Émotion
Énonciation
Entre-images
Épique, épopée
Épouvante
Epstein, Jean
Espace
Esquenazi, Jean-Pierre
Establishing shot
Esthétique
Expérimental
Exposition
Expression
Expressionnisme
Extase

Fable
Facteurs de différenciation
Fantasme
Fantastique
Fantôme
Fascination
Faure, Élie
Faux raccord
Féminisme
Ferro, Marc
Festival
Fétiche, fétichisme
Feuilleton
Fiction
Figural
Figuratif
Figuration
Figure
Film
Filmique
Filmographique
Filmologie
Filmophanique
Final cut
Flare
Flash-back
Focalisation
Fondu
Formalisme
Format
Forme
Found footage
Fragment
Frampton, Hollis
Franchise
Free cinema
Frodon, Jean-Michel
Futurisme

Gag
Gaudreault, André
Gender
Générative (linguistique)
Générique
Génétique (critique)
Genre
Géographie créatrice
Gestalt
Glamour
Godard, Jean-Luc
Gore
Gothique
Grammaire
Grande syntagmatique
Grand imagier
Green, Eugène
Grierson, John
Gros plan

Haptique
Harmonique (montage)
Heath, Stephen
Herméneutique
Histoire
Histoire (du cinéma)
Hitchcock, Alfred
Hollywood, hollywoodien
Horreur
Hors-cadre
Hors-champ
Hypnose
I

Icône
Iconographie
Iconologie
Identification
Idéologie
Illusion
Image
Image-action
Image-affection
Image mentale
Image-mouvement
Image-perception
Image-pulsion
Image-temps
Imaginaire
Implant
Impression de réalité
Impressionnisme
Improvisation
Indice
Indirect libre
Insert
Installation
Institution
Intermédialité
Interprétation
Intertexte
Intervalle
Intrigue
Ishaghpour, Youssef
Isotopie

J-K

Jeu (vidéo)
Jointure
Jost, François
Jullier, Laurent
Jump cut
Kammerspiel
Koulechov, Lev
Kracauer, Siegfried

Laffay, Albert
Langage cinématographique
Langlois, Henri
Lanterne magique
Lecture
Lettrisme
Leutrat, Jean-Louis
Lexie
Lieu
Lindeperg, Sylvie
Lindsay, Vachel
Long métrage
Lumière
Lyotard, Jean-François

Macmahonisme
Magie
Malraux, André
Maniérisme
Mannoni, Laurent
Marxisme
Matériau, matière
Matière de l’expression
Média
Médium
Mélodrame
Merleau-Ponty, Maurice
Métafilm, métafilmique
Métaphore
Métonymie
Métrique
Metteur en scène
Metz, Christian
Migration
Militant (cinéma)
1895
Mimèsis
Mise en abîme/Mise en abyme
Mise en cadre
Mise en geste, mise en jeu
Mise en scène
Mitry, Jean
Modalité
Mode de représentation
Modèle
Moderne (cinéma)
Monologue intérieur
Monstration
Montage
Montage des attractions
Montage intellectuel
Montage « interdit »
Morale
Morin, Edgar
Mort du cinéma
Moussinac, Léon
Mouvement apparent
Mouvement de caméra
Moyen métrage
Muet
Münsterberg, Hugo
Musée
Musique
Mythe

Nanar(d)
Narration
Narratologie
National (cinéma)
Naturalisme
Navet
Néoformalisme
Néoréalisme
Nitrate
Noir
Noir (film)
Nouveau cinéma
Nouvelle Vague
Novo (Cinema)
Numérique

Obraznost’
Observateur invisible
Obtus (sens)
Ocularisation
Odin, Roger
Off
One take film
Ontologie
Organique

P
Païni, Dominique
Panofsky, Erwin
Pantomime
Paradigme
Paradoxe du comédien
Parallèle
Paramètre, paramétrique
Parlant (cinéma)
Parodie
Parole
Pasinetti, Francesco
Pasolini, Pier Paolo
Pathétique
Patrimoine
Pédagogie
Peinture
Pellicule
Pensée
Péplum
Perception
Persistance rétinienne
Personnage
Perspective
Perspective temporelle
Pertinence
Phénoménologie
Philosophie du cinéma
Photogénie
Photogramme
Photographe de plateau
Photographie et cinéma
Plan
Plan-séquence
Plastique
Poésie (cinéma de)
Poétique
Point de vue
Politique et cinéma
Politique des auteurs
Polysémie
Ponctuation
Populaire
Pornographie
Positif
Postmoderne
Postproduction
Postsynchronisation
Poudovkine, Vsevolod
Pragmatique
Pré-cinéma
Préproduction
Présence
Primitif (cinéma)
Prise (de vues)
Profilmique
Profondeur de champ
Projection
Propagande
Psychanalyse
Psychologie
Pulsion scopique
Punctum
Pur (cinéma)

Raccord
Ralenti
Rancière, Jacques
Réalisateur
Réalisme
Réalisme poétique
Réalité, réel
Récit
Référent
Réflexivité
Regard
Regard (à la) caméra
Règle des 180°
Relief
Remake
Remploi
Représentation
Reproduction
Restauration
Retour en arrière
Rêve
Revues de cinéma
Rhème
Rhétorique
Road movie
Rocha, Glauber
Rodowick, David
Rohmer, Éric
Rôle
Ropars-Wuilleumier, Marie-Claire
Rosenbaum, Jonathan
Rossellini, Roberto
Ruine
Ruiz, Raul ou Raoul
Rythme

Sadoul, Georges
Saute
Scénario
Scène
Scénographie
Schefer, Jean Louis
Science-fiction
Screwball comedy
Sculpture
Segmentation
Sellier, Geneviève
Sémantique
Sémiologie
Sémio-pragmatique
Sémiotique
Sensation
Septième art
Séquence
Série (télévisée)
Série B
Sexe
Sexploitation
Signe
Signifiant/signifié
Signification
Simulacre
Situationnisme
Slasher
Sociologie
Son
Sonore (cinéma)
Sorlin, Pierre
Souriau, Étienne
Sous-titre
Sous-texte
Spécificité
Spectacle
Spectateur
Spectatoriel
Spéculaire, spécularité
Star system
Storyboard
Structural (cinéma)
Structuralisme
Studio
Style
Subjectif (plan)
Sublime
Sujet
Surcadrage
Surimpression
Surréalisme
Suspense
Suture
Symbole
Symbolique
Syncinéma
Synopsis
Syntagme
Système

Tableau
Tableau vivant
Tarkovski, Andreï
Teintage
Téléfilm
Télévision (et cinéma)
Temps
Texte
Théâtre
Théâtre filmé
Thème
Théories du cinéma
Titre
Trace
Trafic
Transparence
Travelling
Trucage

U-V

Underground
Unité minimale
Vamp
Vampire
Vancheri, Luc
Vanoye, Francis
Versions multiples
Vertical (montage)
Vertov, Dziga
Vidéaste
Vidéo
Video art
Virage
Virtuel (montage)
Visage
Visible
Visuel
Voilage
Voix
Vraisemblable

W-Z

Web-documentaire
Western
Worth, Sol
Zombi
Index des noms

A
Abruzzese Alberto 1
Adair John 1, 2
Adorno Theodor 1, 2, 3
Agamben Giorgio 1
Agee James 1
Agel Henri 1, 2, 3
Akerman Chantal 1, 2
Akin Fatih 1
Alberti Leon Battista 1, 2
Aldrich Robert 1
Alexandrov Grigori 1
Alexeieff Alexandre 1
Allendy Robert 1, 2
Allen Robert 1
Allen Woody 1, 2
Althusser Louis 1, 2
Altman Rick 1
Amengual Barthélemy 1, 2, 3, 4, 5
Ameur-Zaïmeche Rabah 1
Amiel Vincent 1, 2
Ancona Deborah 1
Anderson Lindsay 1
Andrade Joaquim Pedro de 1
André Emmanuelle 1
Andrew Dudley 1, 2, 3, 4, 5
Angelopoulos Theo 1
Antoine André 1, 2
Antonioni Michelangelo 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Apatow Judd 1
Arbuckle Roscoe dit Fatty 1
Argento Dario 1, 2, 3
Aristarco Guido 1, 2, 3
Aristote 1, 2, 3, 4, 5
Arnheim Rudolph 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17
Arnold Martin 1
Aronofsky Darren 1
Artaud Antonin 1, 2
Astruc Alexandre 1, 2
Attenborough Richard 1, 2
Audé Françoise 1
Augros Joël 1
Aumont Jacques 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Ayfre Amédée 1

B
Bachelard Gaston 1
Bächlin Peter 1, 2, 3
Bacon Francis 1, 2
Baillie Bruce 1
Bakhtine Mikhaïl 1, 2, 3
Balázs Bela 1, 2, 3, 4, 5, 6
Balio Tino 1, 2
Balzac Honoré de 1, 2
Bancroft George 1
Bara Theda 1, 2
Barbaro Umberto 1, 2, 3, 4
Barberis René 1
Barbusse Henri 1
Bardèche Maurice 1, 2
Barjavel René 1
Barnard Timothy 1
Baroncelli Jacques de 1
Barry Iris 1
Barthes Roland 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22
Bartók Béla 1
Bataille Georges 1
Bataille Robert 1
Baudry Jean-Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Bava Mario 1, 2, 3
Bazin André 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34,
35, 36, 37, 38, 39, 40, 41
Bellour Raymond 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20
Benayoun Robert 1
Benjamin Walter 1, 2, 3
Benoît-Lévy Edmond 1
Benoit-Lévy Jean 1
Benoliel Bernard 1
Benveniste Émile 1, 2
Bergala Alain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Bergman Ingmar 1, 2, 3, 4, 5
Bergson Henri 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Bernhardt Sarah 1
Bertetto Paolo 1
Berthomé Jean-Pierre 1
Berthomieu André 1
Bertini Francesca 1
Bertolucci Bernardo 1
Besson Luc 1
Biberman Herbert J. 1
Biette Jean-Claude 1, 2
Bilger Nathalie 1
Bizet René 1
Blanchet Alexis 1
Blanchot Maurice 1
Blasetti Alessandro 1
Blier Bertrand 1
Bloch Ernest 1
Bogart Humphrey 1
Bolognini Mauro 1
Bonello Bertrand 1, 2
Bonfand Alain 1
Bonitzer Pascal 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18
Bonnell René 1, 2
Bordat Francis 1
Bordwell David 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20
Borelli Lyda 1
Bourdieu Pierre 1
Bourget Jean-Loup 1, 2
Bouvier Michel 1, 2, 3, 4
Boyer Elsa 1
Bragaglia Anton Giulio 1
Brakhage Stanley 1, 2, 3, 4, 5
Branigan Edward 1, 2, 3
Braque Georges 1
Brasillach Robert 1, 2
Brecht Bertolt 1, 2, 3, 4, 5, 6
Breer Robert 1
Breillat Catherine 1, 2
Bremond Claude 1, 2
Brenez Nicole 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Bresson Robert 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Breton André 1
Brooks Virginia 1, 2
Brown Clarence 1
Browne Nick 1, 2
Browning Tod 1, 2
Bruce Maxwell 1
Buñuel Luis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Burch Noël 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22
Burke Edmund 1
Burton Tim 1, 2
Buscombe Edward 1
Butler Judith 1

C
Cagney James 1
Caillebotte Gustave 1
Camerini Mario 1
Campion Jane 1
Camus Albert 1
Camus Marcel 1
Canudo Ricciotto 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Capellani Albert 1, 2
Capra Frank 1, 2, 3
Carnap Rudolf 1
Carné Marcel 1, 2, 3, 4
Carpenter John 1, 2
Carroll John M. 1
Carroll Lewis 1
Carroll Noel 1, 2, 3
Caserini Mario 1, 2
Casetti Francesco 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Cassavetes John 1, 2, 3, 4, 5
Cassirer Ernst 1
Castex Pierre 1
Cavalcanti Alberto 1
Cavell Stanley 1, 2, 3
Cendrars Blaise 1
Cerisuelo Marc 1
Cesarman Fernando 1
Chabrol Claude 1
Chandler Raymond 1
Chaplin Charles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Chardère Bernard 1
Chateau Dominique 1, 2, 3, 4, 5, 6
Chauvet Louis 1
Chenal Pierre 1
Chiarini Luigi 1, 2
Chion Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Chirat Raymond 1, 2
Chklovski Victor 1, 2
Chomsky Noam 1
Choub Esther 1
Ciment Michel 1
Clair René 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Clayton Jack 1
Clouzot Henri-Georges 1
Cocteau Jean 1, 2, 3
Cohen-Séat Gilbert 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Coissac Georges-Michel 1, 2, 3
Colette Sidonie Gabrielle 1
Colin Michel 1, 2, 3, 4, 5, 6
Comolli Jean-Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Conley Tom 1, 2, 3, 4, 5, 6
Conner Bruce 1
Contandin Fernand dit Fernandel 1
Cooper Merian C. 1
Coppola Francis Ford 1, 2, 3, 4
Corbucci Sergio 1
Corman Roger 1, 2
Costa Pedro 1
Cottafavi Vittorio 1
Courbet Gustave 1
Courtenay Tom 1
Creton Laurent 1
Cronenberg David 1
Crosland Alan 1
Cukor George 1
Cunningham Sean S. 1
Curchod Olivier 1
Curot Frank 1
Curtiz Michael 1

D
Dabit Eugène 1
Dadoun Roger 1
Dahan Olivier 1
Dalí Salvador 1, 2
Damisch Hubert 1, 2, 3
Daney Serge 1, 2, 3, 4, 5, 6
Danto Arthur 1
Daves Delmer 1
Dayan Daniel 1, 2, 3
Debord Guy 1, 2
Debrix Jean 1
Degas Edgar 1
De Kuyper Éric 1
De Lauretis Teresa 1
Deleuze Gilles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34,
35, 36, 37, 38
Della Volpe Galvano 1
Delluc Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Demenÿ Georges 1
DeMille Cecil B. 1, 2
De Montmollin Germaine 1
Demy Jacques 1
Denis Claire 1
Denis Maurice 1
De Palma Brian 1, 2, 3, 4, 5
Depardon Raymond 1
Derain André 1
Derrida Jacques 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
De Santis Giuseppe 1
Descartes René 1, 2
Desfontaines Henri 1
De Sica Vittorio 1
Désile Patrick 1
Desnos Robert 1
Despentes Virginie 1
Desplechin Arnaud 1
Devismes Brigitte 1
Devos Raymond 1
Diamant-Berger Henri 1
Diderot Denis 1, 2, 3, 4
Didi-Huberman Georges 1, 2, 3, 4
Diegues Carlos 1
Dieterle William 1
Dietrich Marlène 1
Dilthey Wilhelm 1
Disney Walt 1
Doane Mary Ann 1
Dolan Xavier 1
Doniol-Valcroze Jacques 1
Douchet Jean 1, 2, 3, 4
Drew Robert 1, 2
Dreyer Carl T. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Dubois Philippe 1, 2, 3, 4, 5, 6
Dufour Éric 1, 2
Dufy Raoul 1
Dujardin Édouard 1
Dulac Germaine 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Dumont Bruno 1
Dumont Jean-Paul 1, 2
Dunlop Ian 1
Durand Gilbert 1, 2
Duras Marguerite 1, 2, 3, 4, 5
Duvignaud Jean 1
Dyer Richard 1

E
Eastwood Clint 1, 2
Eco Umberto 1, 2, 3
Edison Thomas 1, 2, 3
Edwards Gordon J. 1
Ehrenbourg Ilya 1
Eichenbaum Boris 1, 2
Eisenschitz Bernard 1
Eisenstein Sergueï M. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49,
50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66,
67, 68, 69, 70, 71
Eisner Lotte 1
Eizykman Claudine 1, 2, 3
Eliade Mircea 1
Elias Norbert 1
Ellul Jacques 1
Éluard Paul 1
Emshwiller Ed. 1
Engels Friedrich 1, 2
Epstein Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21
Erice Victor 1, 2
Esquenazi Jean-Pierre 1, 2, 3
Ethis Emmanuel 1, 2, 3, 4
Eugeni Ruggero 1
Eustache Jean 1

F
Fairbanks Douglas 1
Farber Manny 1
Fargier Jean-Paul 1, 2
Fassbinder Rainer W. 1, 2
Faucon Teresa 1
Faure Élie 1, 2, 3, 4, 5
Felleman Susan 1
Fellini Federico 1, 2, 3
Fernandez Dominique 1
Ferran Pascale 1
Ferrara Abel 1, 2, 3, 4
Ferreri Marco 1
Ferro Marc 1, 2, 3
Feuillade Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6
Fevry Sébastien 1
Feyder Jacques 1, 2
Fiant Antony 1
Figgis Mike 1
Filho Mendonça Kleber 1
Fisher Terence 1
Flaherty Robert 1
Flaubert Gustave 1
Fleischer Alain 1, 2
Florey Robert 1
Ford John 1, 2, 3, 4, 5, 6
Forest Claude 1
Fosse Bob 1
Foucault Michel 1, 2
Fox William 1, 2
Fraisse Paul 1
Francastel Pierre 1, 2, 3, 4, 5
Francisci Pietro 1
Franco Jesus 1
Franju Georges 1
Frears Stephen 1
Freda Ricardo 1
Freud Sigmund 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Friedmann Georges 1, 2, 3
Frodon Jean-Michel 1

G
Gabin Jean 1
Gadamer Hans-Georg 1, 2, 3, 4
Gagnebin Murielle 1
Galeen Henrik 1
Gallese Vittorio 1, 2
Gance Abel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Garbo Greta 1, 2
Gardies André 1, 2, 3, 4, 5
Garrel Philippe 1, 2, 3
Garroni Emilio 1, 2, 3, 4
Gaudin Antoine 1, 2, 3
Gaudreault André 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Gaumont Léon 1
Gauthier Guy 1, 2
Genette Gérard 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Gheude Michel 1
Gianikian Yervant 1, 2
Gibbons Cedric 1
Gibson James J. 1, 2
Gidal Peter 1, 2
Gide André 1
Gili Jean A. 1, 2
Gilliam Terry 1
Gledhill Christine 1
Godard Jean-Luc 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33,
34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42
Goffman Erwin 1
Gogol Nicolas 1
Goldman Peter-Emmanuel 1, 2
Gombrich Ernst 1, 2, 3, 4, 5, 6
Gomery Douglas 1, 2, 3, 4
Goodman Nelson 1, 2
Gosh 1
Graff Séverine 1
Grandrieux Philippe 1
Grau Robert 1
Green Eugène 1, 2, 3
Greimas Algirdas-Julien 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Grémillon Jean 1, 2
Grieg Edvard 1
Grierson John 1, 2, 3, 4
Griffith David W. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17
Grosz George 1
Guback Thomas 1
Guédiguian Robert 1
Guerra Michele 1, 2
Guerra Ruy 1
Guillaume Paul 1
Guitry Sacha 1, 2, 3, 4, 5, 6
Gunning Tom 1

H
Habib André 1
Halperin Victor 1
Hammett Dashiell 1, 2
Hamon Philippe 1, 2
Haneke Michael 1, 2
Hanoun Marcel 1, 2, 3, 4
Hardy Oliver 1
Harlé Paul Auguste 1
Haskell Molly 1
Hathaway Henry 1
Hawks Howard 1, 2, 3, 4, 5, 6
Hazanavicius Michel 1
Heath Stephen 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Hecht Ben 1
Hegel Friedrich 1, 2, 3
Heidegger Martin 1
Hellman Monte 1
Henriet Gérard 1
Herpe Noël 1
Hesperia 1
Hildebrand Adolf von 1
Hitchcock Alfred 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24
Hjelmslev Louis 1, 2, 3, 4
Hochberg Julian 1, 2, 3
Hoffmann Ernst 1
Hoggart Richard 1
Homère 1
Hooper Tobe 1
Hopper Dennis 1, 2
Horkheimer Max 1, 2
Hou Hsiao-Hsien 1, 2
Hugues Howard 1
Husserl Edmund 1, 2, 3
Huston John 1

I
Iñarritu Alejandro González 1, 2
Irigaray Luce 1
Isou Isidore 1, 2, 3
Ivens Joris 1

J
Jackson Peter 1
Jacobs Ken 1
Jakobson Roman 1, 2
Jancsó Miklós 1, 2
Jang Sun-woo 1
Jarmusch Jim 1
Jarry Alfred 1
Jarvie Ian 1, 2
Jeancolas Jean-Pierre 1, 2
Jeanson Henri 1
Jessner Leopold 1
Jia Zhang-Ke 1
Jolson Al 1, 2
Jost François 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Joyce James 1, 2
Jullier Laurent 1, 2, 3, 4

K
Kandinsky Vassily 1
Kant Emmanuel 1, 2, 3
Karloff Boris 1
Karmitz Marin 1
Kast Pierre 1
Kaurismäki Aki 1
Keaton Buster 1, 2, 3
Kechiche Abdellatif 1
Keuken Johan van der 1, 2
Kiarostami Abbas 1, 2, 3, 4, 5
Kies´lowski Krzysztof 1
Kircher Athanasius 1
Kitano Takeshi 1
Kitsopanidou Kira 1
Korda Alexandre 1
Kore-eda Hirokazu 1, 2
Koster Henry 1
Koulechov Lev 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Kracauer Siegfried 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Kramer Robert 1
Kren Kurt 1
Kress Émile 1
Kristeva Julia 1, 2, 3, 4
Kubelka Peter 1, 2, 3, 4
Kubrick Stanley 1
Kucera Jan 1
Kuntzel Thierry 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Kurosawa Akira 1
Kyrou Ado 1, 2

L
Lacan Jacques 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Laffay Albert 1, 2, 3, 4
Lagny Michèle 1
Lang Fritz 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Langlois Henri 1, 2, 3, 4, 5
Lanson Gustave 1
Laurel Stan 1
Leacock Richard 1
Lean David 1
Léaud Jean-Pierre 1
Lebel Jean-Patrick 1, 2, 3
Leblanc Gérard 1, 2, 3, 4
Lebovici Serge 1
Lee Christopher 1
Leenhardt Roger 1
Lefebvre Martin 1
Legendre Pierre 1, 2
Léger Fernand 1
Legrand Gérard 1
Le Maître Barbara 1, 2
Lemaître Frédérick 1
Lemaître Maurice 1, 2, 3, 4
Lemonnier Léon 1
Leone Sergio 1, 2, 3
Leroi-Gourhan André 1
Lespert Jalil 1
Lessing Gotthold Ephraim 1
Leutrat Jean-Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Leveratto Jean-Marc 1, 2
Levinas Emmanuel 1
Lévi-Strauss Claude 1, 2, 3
Lewin Albert 1
Lewis Hershell G. 1
Lewis Jerry 1, 2
L’Herbier Marcel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Liandrat-Guigues Suzanne 1
Linati Carlo 1
Lindgren Ernest 1, 2
Lindsay Vachel 1
Loach Ken 1
Lochakoff Ivan 1
Lo Duca 1
Longin 1
Loos Anita 1
Losey Joseph 1, 2
Lourcelles Jacques 1
Lubitsch Ernst 1
Lucas George 1
Lugosi Bela 1, 2
Lukács Georges 1, 2, 3, 4
Lumbelli Lucia 1
Lumière Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Lynch David 1, 2, 3
Lyotard Jean-François 1, 2, 3, 4, 5, 6

M
Maas Willard 1
Maddin Guy 1
Maddison John 1
Maldiney Henri 1
Malinas Damien 1
Mallarmé Stéphane 1
Mallet-Stevens Robert 1
Malraux André 1
Manet Édouard 1
Mankiewicz Joseph L. 1, 2
Mannoni Laurent 1, 2
Marey Étienne-Jules 1, 2, 3, 4
Marigny Jean 1
Marinetti Fillippo 1
Marion Jean-Luc 1, 2
Marion Philippe 1, 2
Marker Chris 1, 2, 3, 4
Markopoulos Gregory 1
Marks Laura U. 1
Marquet Albert 1
Mars François 1
Martin Marcel 1, 2
Marx Brothers 1
Marx Karl 1, 2, 3, 4, 5
Matuszewski Boleslas 1
Mauduy Jacques 1
Maupassant Guy de 1, 2, 3
Mayer Carl 1
Maysles Albert et David 1
McCarey Leo 1, 2, 3
Meerson Lazare 1
Mekas Jonas 1, 2
Méliès Georges 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Mellencamp Patricia 1, 2
Menichelli Pina 1
Menken Marie 1
Mercanton Louis 1
Mercillon Henri 1, 2
Merleau-Ponty Maurice 1, 2, 3
Metz Christian 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34,
35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51,
52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65
Michaud Philippe-Alain 1
Michotte van den Berck André 1, 2, 3, 4, 5
Miller Jacques-Alain 1
Mill Stuart 1
Minnelli Vincente 1
Mitry Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Mizoguchi Kenji 1, 2, 3
Modleski Tania 1, 2
Moine Raphaëlle 1
Moinereau Laurence 1
Mondrian Piet 1
Monod Jean 1, 2
Montand Yves 1
Montebello Fabrice 1
Monteiro João Cesar 1
Montgomery Robert 1
Moore Michael 1
Moravia Alberto 1
Morgan Lewis Henry 1
Morin Edgar 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Mouellic Gilles 1
Moullet Luc 1, 2
Mourgues Nicole de 1
Mourlet Michel 1, 2, 3, 4
Moussinac Léon 1
Müller Matthias 1
Mulvey Laura 1, 2, 3
Munier Roger 1, 2
Muni Paul 1
Münsterberg Hugo 1, 2, 3, 4
Murcia Claude 1
Murnau Friedrich W. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Musatti Cesare 1
Musidora 1

N
Narboni Jean 1, 2
Negri Pola 1
Nichols Jeff 1
Nietzsche Friedrich 1, 2
Niney François 1
Noé Gaspar 1, 2
Noguez Dominique 1, 2
Nolan Christopher 1, 2

O
Odin Roger 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Oliveira Manoel de 1, 2, 3
Oudart Jean-Pierre 1, 2, 3, 4, 5, 6
Ozu Yasujiro 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Pabst Georg W. 1

P
Pagnol Marcel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Païni Dominique 1, 2, 3
Panofsky Erwin 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Parain Brice 1
Parrain Philippe 1
Pasinetti Francesco 1
Pasolini Pier Paolo 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22
Pastrone Giovanni 1, 2, 3, 4
Patalas Enno 1, 2
Paulhan Jean 1
Pavel Thomas 1
Peckinpah Sam 1, 2
Peirce Charles S. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Pelechian Artavazd 1
Pennebaker Don Alan 1
Perconte Jacques 1
Pereira dos Santos Nelson 1
Péret Benjamin 1
Perrault Pierre 1, 2
Perret Léonce 1
Perrot Victor 1
Philostrate 1
Pialat Maurice 1, 2
Picabia Francis 1
Pick Lupu 1
Pierre Sylvie 1, 2
Pinel Vincent 1
Pirandello Luigi 1
Pirenne Maurice 1
Platon 1, 2, 3, 4
Plékhanov Gueorgui 1
Pleynet Marcelin 1, 2, 3, 4
Poincaré Henri 1
Poirier Léon 1
Polanski Roman 1
Pollet Jean-Daniel 1, 2, 3, 4
Pommer Erich 1
Ponge Francis 1
Poudovkine Vsevolod 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Poulaille Henri 1
Poulet Georges 1
Pound Ezra 1, 2
Powell Frank 1
Powell Michael 1
Preminger Otto 1, 2
Prévert Jacques 1
Propp Vladimir 1, 2

R
Ramsay Terry 1, 2
Rancière Jacques 1
Raynauld Isabelle 1
Ray Nicholas 1, 2, 3, 4, 5, 6
Ray Satyajit 1
Reinhardt Max 1
Reis Luiz Thomas 1
Reisz Karel 1
Renoir Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Resnais Alain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14
Reusser Francis 1
Revault d’Allonnes Fabrice 1
Ricardou Jean 1, 2
Ricci-Lucchi Angela 1, 2
Richard Jean-Pierre 1, 2
Richardson Tony 1
Ricœur Paul 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Rieupeyrout Jean-Louis 1
Rinieri Jean-Jacques 1
Rivette Jacques 1, 2, 3, 4, 5, 6
Robbe-Grillet Alain 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Rocha Glauber 1, 2
Rohmer Éric 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Röhrig Walter 1
Rollet Patrice 1
Romano Elisa 1
Romero George A. 1
Ropars-Wuilleumier Marie-Claire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Rossellini Roberto 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Rouch Jean 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Rozier Jacques 1, 2, 3, 4, 5
Ruiz Raoul 1, 2, 3
Russell Bertrand 1
Ruttmann Walter 1

S
Rye Stellan 1
Sadoul Georges 1, 2, 3, 4
Saint-Saens Camille 1
Sales Gomes Paulo Emiliano 1
Salles Walter 1
Sanbar Elias 1
Sandburg Carl 1
Saraceni Paolo Cesare 1
Sartre Jean-Paul 1, 2, 3, 4, 5
Saussure Ferdinand de 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Schaeffer Jean-Marie 1
Schaeffer Pierre 1, 2, 3
Schafer Raymond M. 1
Schefer Jean Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Scheinfeigel Maxime 1, 2
Schleiermacher Friedrich 1, 2
Schoedsack Ernst B. 1
Schopenhauer Arthur 1
Schroeder Barbet 1
Schroeter Werner 1
Scorsese Martin 1, 2
Scott Ridley 1, 2
Scriabine Alexandre 1
Seguin Louis 1, 2
Seldes Gilbert 1
Sellier Geneviève 1, 2
Selznick David O. 1
Sennett Mack 1
Seton Marie 1
Sharits Paul 1, 2
Shore Gary 1
Sillitoe Alan 1
Simon Claude 1
Simon Jean-Paul 1, 2
Snow Michael 1
Sobchack Vivian 1
Sokourov Alexandre 1, 2, 3
Soldati Mario 1
Sorlin Pierre 1, 2, 3
Soulez Guillaume 1, 2
Souriau Anne 1
Souriau Étienne 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18
Spaak Charles 1
Spielberg Steven 1
Spoto Donald 1
Staiger Janet 1, 2
Stanislavski Konstantin S. 1, 2
Starobinski Jean 1
Stein Gertrude 1
Stephenson Ralph 1
Sternberg Josef von 1, 2, 3, 4, 5
Stern Daniel 1
Stoker Bram 1
Stone Sharon 1
Strasberg Lee 1
Straub Jean-Marie 1, 2, 3, 4
Stravinsky Igor 1
Stroheim Erich von 1, 2, 3, 4
Sturges Preston 1, 2
Suwa Nobuhiro 1, 2
Szendy Peter 1

T
Tailleur Roger 1
Tarantino Quentin 1, 2, 3, 4, 5
Tarkovski Andreï 1, 2
Tati Jacques 1, 2
Tessari Duccio 1
Thomas François 1
Thompson Kristin 1, 2, 3, 4, 5
Thoret Jean-Baptiste 1, 2
Timochenko Semion 1
Todorov Tsvetan 1, 2
Tomachevski Véra 1
Toubiana Serge 1
Tourneur Jacques 1
Trauner Alexandre 1
Trébuil Christophe 1
Trier Lars von 1
Truffaut François 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Tynianov Iouri 1, 2

U
Ungar Steven 1

V
Vaillant-Couturier Paul 1
Vancheri Luc 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
VanDerBeek Stan 1
Vanoye Francis 1, 2, 3, 4, 5, 6
Van Sant Gus 1, 2
Varda Agnès 1, 2
Vassé Claire 1
Vedrès Nicole 1
Verne Jules 1
Vernet Marc 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Veron Eliseo 1
Vertov Dziga 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20
Vidor King 1, 2, 3
Viénet René 1
Vignaux Valérie 1
Vigo Jean 1, 2, 3, 4
Villiers de l’Isle-Adam Auguste 1
Vincendeau Ginette 1
Virgile 1
Visconti Luchino 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Vivié Jean 1
Vuillermoz Émile 1, 2

W
Wahl Lucien 1
Wajda Andrzej 1
Wallon Henri 1, 2
Walsh Raoul 1, 2
Warburg Aby 1, 2, 3, 4, 5
Warhol Andy 1
Watkins Peter 1
Weber Max 1
Weerasethakul Apichatpong 1, 2
Welles Orson 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15
Wellman William A. 1, 2, 3
Wenders Wim 1, 2
Wertheimer Max 1
West Mae 1
Weyl Carl Jules 1
Wiene Robert 1, 2
Wilder Billy 1
Williams Linda 1, 2, 3
Wiseman Frederick 1
Wittgenstein Ludwig 1
Wölfflin Heinrich 1
Wollen Peter 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Wong Kar-Wai 1, 2
Woo John 1
Worringer Wilhelm 1, 2
Worth Sol 1, 2
Wundt Wilhem 1
Wyler William 1, 2, 3
Yang Edward 1

Y
Youngblood Gene 1

Z
Zazzo René 1
Zecca Ferdinand 1, 2
Zinneman Fred 1
Zola Émile 1, 2, 3
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