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EN ÉGYPTE ANCIENNE
DU MÊME AUTEUR
Livres à paraître
MANUEL DU PETIT SCRIBE ÉGYPTIEN, Artège, 2016 (jeunesse).
Guide de la collection égyptienne, in GUIDE DES COLLECTIONS
DU MUSÉE DE BOULOGNE-SUR-MER (collectif), Boulogne-sur-Mer,
2016.
AMANDINE MARSHALL
MATERNITÉ ET PETITE
ENFANCE
EN ÉGYPTE ANCIENNE
www.editionsdurocher.fr
ISBN : 978-2-268-08032-1
ISBN epub : 978-2-268-08315-5
REMERCIEMENTS
À Martine Détrie-Perrier,
ma Mouthy de cœur
PRÉFACE
Salima Ikram
Professeur d’Égyptologie
à l’Université américaine du Caire
Ire dynastie
Époque thinite (v. 2900-2850 av. notre ère)
(v. 2900-2600 av. notre ère) IIe dynastie
(v. 2850-2600 av. notre ère)
IIIe dynastie
(v. 2600-2545 av. notre ère)
IVe dynastie
Ancien Empire (v. 2545-2435 av. notre ère)
(v. 2600-2200 av. notre ère) Ve dynastie
(v. 2435-2305 av. notre ère)
VIe dynastie
(v. 2305-2120 av. notre ère)
VIIe dynastie
(v. 2200- ? av. notre ère)
Réalité historique contestée
VIIIe dynastie (?)
Liste royale très incertaine et durée
Première Période indéterminée
Intermédiaire e
(v. 2200-2010 av. notre ère) IX dynastie
(v. 2160-2040 av. notre ère)
Xe dynastie
(v. 2100-2020 av. notre ère)
XIe dynastie
(v. 2080-2010 av. notre ère)
XIe dynastie
Moyen Empire (v. 2010-1940 av. notre ère)
(v. 2010-1760 av. notre ère) XIIe dynastie
(v. 1940-1760 av. notre ère)
Deuxième Période XIIIe dynastie
Intermédiaire (v. 1760-1630 av. notre ère)
(v. 1760-1540 av. notre ère) XIVe dynastie (?)
Plus de 70 noms de rois sont recensés, dont
certains fictifs.
XVe dynastie
(?-1530 av. notre ère)
XVIe-XVII e dynasties
(?-1540 av. notre ère)
XVIIIe dynastie
(v. 1540-1290 av. notre ère)
Nouvel Empire XIXe dynastie
(v. 1540-1080 av. notre ère) (v. 1290-1190 av. notre ère)
XXe dynastie
(v. 1190-1080 av. notre ère)
XXIe dynastie
(vers 1075-945 av. notre ère)
XXIIe dynastie
(v. 945-745 av. notre ère)
Troisième Période
Intermédiaire XXIIIe dynastie (en Haute-Égypte) (v. 845- ? av.
(v. 1075-740 av. notre ère) notre ère)
XXIIIe dynastie (en Basse-Égypte)
(v. 730- ? av. notre ère)
XXIVe dynastie
(v. 735-723 av. notre ère)
XXVe dynastie
(v. 722-655 av. notre ère)
XXVIe dynastie
(v. 664-525 av. notre ère)
XXVIIe dynastie
(v. 525-358 av. notre ère)
Basse Époque XXVIIIe dynastie
(v. 740-332 av. notre ère) (v. 404-399 av. notre ère)
XXIXe dynastie
(v. 399-380 av. notre ère)
XXXe dynastie
(vers 380-343 av. notre ère)
XXXIe dynastie
(v. 343-332 av. notre ère)
Période macédonienne (332-310 av. notre ère)
Textes médicaux
Papyrus Ramesseum III, IV et V Moyen Empire
Papyrus de Kahoun (UC 32057) Moyen Empire
Copie du Nouvel Empire d’un texte du
Papyrus Carlsberg
Moyen Empire
Nouvel Empire (passages de l’Ancien
Papyrus Ebers
Empire)
Papyrus médical de Berlin
Nouvel Empire
3038
Papyrus Chester Beatty VI Nouvel Empire
Textes (médico-)magiques
Papyrus Berlin 3027 Nouvel Empire
Papyrus Leyde I 348 Nouvel Empire
Papyrus médical de Londres E
Nouvel Empire
100593
Papyrus Brooklyn 47.218.2 Basse Époque
Textes funéraires
Textes des Pyramides Ancien Empire
Première Période Intermédiaire-Moyen
Textes des Sarcophages
Empire
Livre des Morts Nouvel Empire
Sagesses et enseignements
Sagesse d’Ani Nouvel Empire
Lettre n° IV d’Ani à son fils Nouvel Empire
Sagesse d’Amenemope Basse Époque
Papyrus Louvre E 3.148 Basse Époque
Contes et mythes
Papyrus Westcar Moyen Empire
Le Prince prédestiné Nouvel Empire
L’œil du soleil Nouvel Empire
Décrets oraculaires
Papyrus Berlin 10462 Nouvel Empire ou Troisième Période
Intermédiaire
Nouvel Empire ou Troisième Période
Papyrus Louvre E. 25354.
Intermédiaire
Papyrus Londres 7 Troisième Période Intermédiaire
Calendriers des jours fastes et néfastes
Papyrus Illahoun Moyen Empire
Papyrus Caire 86637 Nouvel Empire
Papyrus Sallier IV Nouvel Empire
Papyrus Budge Troisième Période Intermédiaire (?)
Écrits des auteurs classiques
Hérodote
Basse Époque
(Histoires)
Hippocrate
Basse Époque
(Sur les femmes stériles)
Strabon
Époque ptolémaïque
(Géographie)
CARTE DE L’ÉGYPTE
AVANT-PROPOS
CHAPITRE I
LE DÉSIR DE MATERNITÉ
« Heureux (est) l’homme dont les gens (i. e. les membres de la famille) sont
nombreux. On le respecte à proportion de ses enfants. »1
« Il coucha la nuit même avec sa femme, et, quand elle fut tombée enceinte
puis eut complété les mois de la grossesse, un enfant mâle fut mis au monde.
»8
Le dieu Min
Adoré par les Égyptiens dès l’époque prédynastique, Min
est généralement figuré sous les traits d’un dieu
anthropomorphe et ithyphallique, exprimant ainsi
pleinement ses attributions liées au sexe et à la fécondité
(pl. 1). C’est donc tout naturellement vers lui que se
tournent les Égyptiens pour susciter la fertilité chez la
femme et la virilité chez l’homme.
Le dieu Min est plus particulièrement vénéré dans les
cités de Coptos et d’Akhmîm. Les Égyptiens qui ne peuvent
se rendre dans ses temples pour lui demander d’accorder
une naissance à l’une de leurs proches le sollicitent au
moyen d’amulettes à son effigie.
Le dieu Khnoum
Comme nous l’avons vu en introduction à ce chapitre, ce
dieu à tête de bélier passe pour avoir façonné le monde sur
son tour de potier (pl. 2). Son statut de dieu-créateur
conduit progressivement Khnoum à être considéré comme
une divinité associée à la naissance ainsi qu’à la protection
des enfants le jour de l’accouchement.
Un passage, gravé sur l’une des parois de son temple à
Esna, montre bien le rôle fondamental qui lui est attribué :
« Il fait que la femme accouche quand son ventre a atteint le juste moment. »9
Le dieu Bès
Bien qu’à ce jour, les plus anciennes attestations de son
nom remontent à la XXIe dynastie, le dieu Bès est connu, à
tout le moins figurativement, dès le Moyen Empire.
Si Bès n’a jamais intégré le panthéon officiel des divinités
majeures de l’Égypte ancienne, il n’en demeure pas moins
qu’il joue un rôle fondamental au sein du foyer égyptien,
plus particulièrement au Nouvel Empire. Son image apparaît
régulièrement dans le quotidien antique, que ce soit sur les
parois des maisons (comme à Deir el-Médineh et Tell el-
Amarna), ou sur divers types de mobilier (statuettes,
figurines, objets de toilette, vases en forme de tête de Bès,
amulettes, chevets, lits11…) (pl. 3).
Si le dieu est invoqué pour susciter les naissances,
toutefois, c’est plus particulièrement dans son rôle de
protecteur de la mère et des enfants que Bès est célébré.
La déesse Isis
Fille de Geb et de Nout, Isis incarne, par son dévouement
et sa loyauté envers son mari et frère Osiris, l’épouse idéale
tout en symbolisant la mère modèle, par la façon dont elle
prit soin de son fils Horus (pl. 4). Elle passe, en outre, pour
être une redoutable magicienne. De ce fait, il n’est pas
étonnant de la retrouver parmi les divinités ayant joué un
rôle fondamental, de la conception à l’éducation de l’enfant.
Dans les papyrus iatromagiques, les Égyptiennes sont
souvent assimilées à Isis de manière à pouvoir bénéficier,
par le procédé de la magie sympathique*, de la
bienveillance et de l’aura de la puissante déesse-
magicienne.
La déesse Hathor
En égyptien, son nom, Hout-her, signifie « Le temple
d’Horus ». En effet, avant de devenir officiellement l’épouse
du dieu-faucon, Hathor était sa mère. C’est en tant que telle
qu’elle est parfois vénérée.
Déesse de l’amour et de la sexualité, la déesse ne peut
qu’être associée à la maternité (pl. 5). À Deir el-Médineh,
elle est même qualifiée de « Maîtresse du vagin » sur un
portrait d’ancêtre retrouvé dans l’une des maisons du
village12.
Hathor est tantôt représentée sous les traits d’une belle
jeune femme, qui rappelle qu’elle est également déesse de
la beauté, tantôt sous l’aspect d’une femme à tête de
vache, ou encore, sous la forme d’une vache. Ces deux
dernières figurations accentuent ses attributions de déesse
nourricière, garante de la fertilité.
L’un des emblèmes d’Hathor est un collier de perles
particulier appelé menat en égyptien (pl. 9). Il passe pour
être un stimulateur de fécondité et Lise Manniche rapproche
de façon très pertinente la forme du contrepoids-menat (fig.
1a) avec la partie supérieure d’une silhouette de femme
enceinte13 : les perles évoqueraient sa perruque, la partie
allongée du contre-poids, son buste, et la partie basse, de
forme circulaire, son ventre arrondi. L’ostracon* de la figure
1b illustre à merveille cette association d’idées.
On notera, en dernier lieu, que la forme de certaines
poupées plates en bois associées à la fécondité ou aux
enfants reprend cette même forme (fig. 1c).
Fig. 1. a) Contrepoids de collier-menat. 1. b) Ostracon
figurant une femme enceinte. 1. c) Poupée plate.
La déesse Thouéris
En égyptien, le nom de cette déesse, Taouret, signifie «
La puissante ».
Attestée dans le panthéon égyptien dès l’Ancien Empire,
Thouéris, à l’instar de Bès, ne semble pas avoir bénéficié
d’un lieu de culte officiel. Elle n’en demeure pas moins fort
influente et est révérée dans tous les foyers du pays.
Dans le village de Deir el-Médineh, les villageois lui
vouent même un culte dont les multiples ex-voto (offrandes
faites à un dieu), stèles et statuettes se font l’écho16 (pl. 6).
De par son ventre bedonnant et ses mamelles
pendantes, son aspect rappelle celui de la femme enceinte
et c’est la raison pour laquelle elle est invoquée lorsque les
Égyptiennes désirent devenir mère.
La déesse Heqet
Bien que discrète dans les sources antiques, la déesse-
grenouille Heqet est une déesse majeure dont les premières
attestations remontent aux Textes des Pyramides rédigés à
l’Ancien Empire.
Les Égyptiens associant la grenouille, un animal fort
prolifique, à un symbole de fécondité et de résurrection, il
n’est, de ce fait, pas étonnant que la déesse Heqet soit
sollicitée pour des problèmes de stérilité (pl. 7).
Épouse de Khnoum, elle passe pour insuffler la vie à
l’enfant créé par son époux.
La déesse Nout
Déesse du ciel, Nout est l’épouse de Geb, le dieu de la
terre, et la mère d’Isis, Osiris, Seth, Nephthys et Haroëris.
Son corps, souvent figuré bleu, est constellé d’étoiles
évoquant le firmament (pl. 8). Dans les représentations,
Nout avale l’astre solaire (généralement de couleur rouge)
le soir pour l’enfanter au petit jour, dans un cycle sans fin.
De ce fait, elle est naturellement associée par les Égyptiens
à la renaissance, à la régénération et, par extension, à la
maternité.
« Je rendrai ses concubines fécondes pour porter des enfants mâles et femelles
comme des graines qui sont venues de son corps (à lui). »23
« Nous ferons (en sorte) qu’elle conçoive des enfants [mâles] et femelles. Nous
ferons en sorte qu’elle soit en bonne santé. Nous ferons en sorte que ceux
qu’elle porte vivent. Nous ferons en sorte qu’elle soit enceinte (avec) une
délivrance heureuse. »24
« [Je ferai (en sorte) qu’elle] conçoive des enfants [mâles et femelles]. »25
Cet extrait fait partie d’un texte rédigé sur huit colonnes.
Une neuvième colonne ne faisant pas partie du message
original a été rajoutée. Il s’agit d’une nouvelle demande de
naissance, cette fois, pour la fille du défunt :
« Puisses-tu solliciter les dieux afin qu’ils accordent des naissances d’enfants
vivants, intacts et en bonne santé sur terre qui hériteront de ma place sur terre.
»27
« Autre amulette destinée à une femme dont les enfants viennent au monde
sans que vive sa progéniture.
"Ô Rê, ô Atoum, ô Khepri, ô Chou, ô Tefnout, ô Geb, ô Nout, ô Osiris, ô Isis, ô Bê,
ô Nephthys, ô les dieux et déesses qui sont dans le ciel et dans la terre, voyez-
vous ce qu’un ennemi, une ennemie, un mort et une morte, et ainsi de suite, les
dieux, les gens, les hommes, les femmes qui accomplissent toutes sortes de
méfaits, ont fait contre NN. née de NN. Ils ne permettent pas que vive pour elle
un fils ou bien une fille.
Et voilà que les ânes entendirent cela et aussitôt, les ânes moururent et leurs
ânons trépassèrent. Donc ce pays sera privé d’incarnation de Seth ! Comment
se comportera donc ce pays sans que n’y existe plus d’incarnation de Seth ?
Et voilà que les ovins entendirent cela et aussitôt, les ovins moururent et leurs
agneaux trépassèrent. Donc ce pays sera privé d’incarnation de Ba ! Comment
se comportera donc ce pays sans que n’y existe plus d’incarnation de Ba ?
Et voilà que les bovin[s] entendirent cela et aussitôt, les bovins moururent et
leurs veaux trépassèrent. Donc ce pays sera privé d’incarnation d’Apis !
Comment se comportera donc ce pays sans que n’y existe plus d’incarnation
d’Apis ?
Et [voilà que] les caprins [entendirent ce]la et aussitôt, les caprins mou[rurent]
et [leurs] chevreau[x] trépassèrent. Donc ce pays sera privé d’incarnation
d’Ounout ! Comment se comportera donc ce pays sans que n’y existe plus
d’incarnation d’Ounout ?
[Et voilà que les porcs] entendirent cela et aussitôt, les porcs moururent et leurs
porcelets [trépassèrent]. Donc ce pays sera privé d’incarnation de Chesemou !
[Comment] se comportera donc ce pays sans que n’y [existe] plus d’incarnation
de Chesemou ?
Et voilà que les chie[ns] entendirent cela [et aussitôt, les chiens moururent] et
[leurs chiots] trépassèrent. Donc ce pays sera privé [d’incarnation de Ba]ba !
Comment [se comportera donc ce pays] sans que n’y existe plus d’incarnation
de Ba[ba] ?
Et voilà que [les] poisson[s] entendirent cela et aussitôt, les poissons
[moururent] et [leurs] alevins trépassèrent. Donc [ce] pays [sera privé
d’incarnation de] Sobek ! Comment se comportera donc (ce) pays [sans que] n’y
[existe plus d’incarnation de Sobek] ?
Et voilà que [les oiseaux] entendirent [ce]la [et aussitôt, les oiseau]x
[moururent] et [leurs oisillons] trépassèrent. Donc ce pays [sera privé
d’incarnation de Sekh]et ! [Comment] se comportera donc ce pays sans que n’y
[existe plus d’incarnation de] Sekhet ?
[Et voilà que les serpents entendirent cela] et [aussitôt, les serpents] moururent
et [leurs serpents] trépassèrent. [Donc] ce pays sera privé d’incarnation
d’[Ouadjyt ! Com]ment [se comportera donc ce pays sans que n’y] existe plus
d’incarnation d’Ouadj[yt] ?
[Et voilà que] les souris [entendirent] cela et aussitôt, [les souris] moururent et
leurs [souri]ceaux trépassèrent. [Donc ce pays sera privé d’incarnation d’]Âmâm
! [Comment] se comportera [donc ce pays] sans que n’existe plus d’incarnation
d’Âm[âm] ?
[Quant à] ce qu’ils ont fait [contre] les [dieux] et les déesses [toutes mauvaises
choses…], tous les esprits âkhous [… afin] de sauver le ventre [de NN. née de
NN. …], la nuit, le jour, à chaque instant, pendant ce mois, pendant cette fête du
15e jour du mois, pendant cette année, et ce qui en dépend (i.e. les jours
épagomènes)."
À réciter sur une entrave en saule, une houe en [… fi]celées avec du "tendon-
de-phénix" sur une toile grossière de fil noir. Oindre la tête de la femme avec du
suif de petit bétail. Placer l’amulette à son cou. »31
Le recours au médecin
« Tu n’es pas du tout un homme puisque tu n’as pas rendu tes femmes
enceintes à la manière de ton compagnon. »34
Regarde-moi et je te dirai si tu es
enceinte
Les deux premiers tests proposent d’établir un pronostic
de grossesse en se fondant sur l’observation des yeux de la
patiente :
« Autre (moyen de) voir. Tu devras faire en sorte qu’elle se tienne debout dans le
renfoncement de la porte. Si tu trouves des similitudes à ses deux yeux, un (œil)
comparable à celui d’un Asiatique, l’autre à (l’œil d’)un Nubien, elle
n’accouchera pas. Si <tu> les trouves ayant une seule couleur, elle accouchera.
»36
« Autre (moyen) de distinguer une femme qui est enceinte et une femme qui
n’est pas enceinte. Tu devras faire en sorte qu’elle se tienne debout dans le
renfoncement de sa porte dans […]. Tu observeras ses deux yeux. Si tu vois que
[…], l’autre étant celui d’un Asiatique, elle n’enfantera pas. »37
« Autre (moyen de) voir (si) une femme enfantera ou si elle n’enfantera pas :
orge (et) blé amidonnier que la femme humectera de son urine, chaque jour,
ainsi que des dattes et du sable, (mis) dans deux sacs (séparés). Si, ensemble,
ils se développent, elle enfantera. Si (seule) l’orge se développe, cela signifie un
garçon. Si (seul) le blé amidonnier se développe, cela signifie une fille. S’ils ne
se développent pas, elle n’enfantera pas. »39
« Ou bien seront pris sept grains de froment, sept grains d’orge, sept grains de
fève. Ils seront mis dans une vaisselle de terre cuite et ordre sera donné à la
femme de verser son urine sur les grains. La vaisselle sera abandonnée pendant
sept jours, puis on regardera le contenu : s’il a germé, il montrera que la
propriétaire n’est pas stérile. » 46
« Fais deux trous dans la terre, jette dans l’un de l’orge et dans l’autre, du
froment. Arrose les deux avec l’urine d’une femme enceinte et recouvre de
nouveau de terre. Si le froment (blé) pousse avant l’orge, il y aura un garçon,
mais si l’orge vient avant, tu as à attendre une fille. » 47
« […] … ? … […] une femme, alors que (cela) n’est pas reçu jusqu’à en devenir
enceinte. Tu devras la fumiger avec de l’épeautre-mimi dans son vagin <jusqu’à
ce que> cela cesse <afin de> permettre que (la semence de) son mari soit
reçue. […]. Tu devras lui [préparer] des remèdes jusqu’à ce que cela soit
débloqué (litt. : délié) : graisse/huile : 5 ro* ; bière douce : 5 ro. (Ce) sera cuit et
absorbé quatre matins de suite. »48
« Rê-Atoum dit alors : "[…] Que ne vienne pas cet antagoniste qui a tué son père
pour briser l’œuf pendant sa jeunesse". »50
« […] [la femme qui a été] brisée (dont l’enfant a été brisé en elle) avec le
remède pour rendre enceinte après que ? […] […] (Ce) sera broyé finement,
exprimé dans un linge avec du mucilage fermenté (?). Sera versé du mehouy
[…] résine de térébinthe, graisse/huile neuve […] dattes ; bière douce. (Ce) sera
mis à l’intérieur d’un mortier de bois (placé) dans une flamme et tu devras [la]
fumiger […] comme ? »52
LE TEMPS DE LA GROSSESSE
« [Distinguer] une femme qui mettra au monde (de façon normale) d’une femme qui
ne mettra pas au monde (de façon normale) : plante-bededou-ka. (Ce) sera broyé,
malaxé avec du lait de femme ayant mis au monde un enfant mâle, préparé sous
une forme avalable et avalé par la femme. Si elle vomit, elle accouchera (de façon
normale). Si elle a des vents, elle n’accouchera pas (de façon normale) et pour
toujours. »53
« Autre méthode. Tu devras faire en sorte qu’elle s’assoie par terre et (elle) sera
enduite de lie de bière douce, [sur laquelle] aura été placée de la farine de datte
[…]. [Si elle] se met à vomir, elle enfantera (normalement). En outre, le nombre des
vomissements qui sortiront de sa bouche sera le nombre de ses enfants. Mais si elle
ne peut [vomir], elle n’enfantera pas (normalement) et pour toujours. »55
« Autre moyen de distinguer une femme qui accouchera (de façon normale) d’une
femme qui n’accouchera pas (de façon normale). Tu devras la fumiger avec […]
dans son vagin. Si elle vomit au moment où elle commence à faire son besoin, elle
n’accouchera jamais (de façon normale). Si elle a des vents […], elle accouchera (de
façon normale). »56
Les tests proposés sont fort proches : dans les deux cas, la
poitrine de la patiente doit être enduite de graisse ou d’huile
jamais utilisée auparavant et le praticien observe ensuite les
veines apparentes. Si les conduits-met lui paraissent en bon
état, il peut annoncer un accouchement calme et sans
complication. S’ils lui semblent quelque peu relâchés ou
intègres sans être parfaits, il prédit une mise au monde avec
du retard. En revanche, si les vaisseaux sanguins observés lui
paraissent suspects, notamment au niveau de leur couleur, le
praticien pense qu’il aura peut-être à pratiquer un avortement.
Thierry Bardinet propose de voir dans ces deux formules
une sorte d’examen vasculaire cherchant à détecter un
mauvais passage des fluides dans les conduits-met censés
irriguer le fœtus60. En tout début de grossesse, si les veines de
la poitrine sont effectivement beaucoup plus apparentes, en
revanche, elles ne changent pas de couleur. Il faut donc
envisager le fait que le praticien ait émis des observations
autres que simplement celles des veines.
« […] qui accouchera (de façon normale) d’une femme qui n’[accouchera pas] (de
façon normale). Tu devras laisser la nuit une gousse d’ail hum[ectée] […] dans son
vagin (= litt. dans sa chair) jusqu’au matin. Si une odeur se manifeste dans sa
bouche, elle accouchera (de façon normale). Si [aucune odeur ne se manifeste dans
sa bouche], elle [n’accouchera] pas (de façon normale) et pour toujours. »61
« Autre : gousse d’ail, la nettoyer, en ôter les peaux, l’appliquer en pessaire*, et voir
le lendemain si la femme sent l’ail par la bouche ; si elle le sent, elle concevra ;
sinon, non. »64
La prescription égyptienne a toutefois quelque peu perdu de
sa substance pour devenir ici un simple test de fécondité.
« Autre méthode. Tu devras la pincer sur le ventre, le bord (?) de ton pouce étant
placé au-dessus de son fœtus (litt. = celui qui palpite). [Si] […] (cela) se défait (= si
la marque disparaît), [elle accouchera] (de façon normale). [Si] cela ne disparaît
pas, elle n’accouchera pas (de façon normale) et pour toujours. »65
« Autre méthode. Si tu observes que sa face est particulièrement (?) intègre (?) mais
que tu trouves sur elle des choses semblables à […] […] […] [elle accouchera d’un
gar]çon. Mais si tu observes des choses sur ses yeux, elle n’accouchera pas (de
façon normale) et pour toujours. »66
« Autre (moyen de) voir si une femme n’accouchera pas (de façon normale). […] en
une chose […]. On devra la fumiger avec des excréments d’hippopotame. Si elle
[excrète] de l’urine en même temps que des excréments ou des vents, elle
accouchera (de façon normale). Si cela n’est pas le cas (?), elle n’accouchera pas
(de façon normale) par le fait que cela révèle pour elle tous les événements (litt. les
choses) (du futur ?). »68
« […] […] dans un sac-ândet de tissu […], sable du rivage, à la façon de […] sur
cela, chaque jour. Ils seront remplis […] dattes. Si cela forme de la vermine-fenedje
[…], elle n’accouchera pas (de façon normale). [Si cela ne forme pas] de la
verminet-fenedje, (l’enfant) dont elle accouchera, vivra. »70
Le statut du fœtus
La protection du fœtus
Plusieurs divinités sont sollicitées pour protéger le fœtus, en
particulier Serqet, la déesse-scorpion, en tant que divinité
associée à la gestation et à la renaissance des vivants et des
morts81. La magie joue également un rôle prophylactique à
l’égard des fœtus. L’une des formules du papyrus Berlin 3027
s’en fait ainsi l’écho et montre que les magiciens égyptiens
cherchent concrètement à protéger l’enfant bien avant sa
venue au monde :
« […] Ce créateur s’en est allé, sachant à ton sujet qu’en ton nom, Meskhenet, tu
créeras le ka de cet enfant qui est dans le ventre de cette femme. […]. Nout
accueille tous les dieux, ses étoiles sont une armée d’étoiles et ne s’éloignent pas
comme ses étoiles. Que leur protection vienne pour NN. et qu’elle protège P. » 82
LE TEMPS DE LA NAISSANCE
« Chapitre de protéger le lit de la femme enceinte : NN. née de NN. dort sur une
natte de roseaux tandis qu’Isis se tient en son giron, que Nephthys se tient
derrière elle, Hathor étant sous sa tête et Renenoutet sous ses jambes ; Ipet la
Grande assurant sa protection et les déesses la gardant. Au cas où viendrait un
ennemi, une ennemie, un mort, une morte, un adversaire, une adversaire, et
ainsi de suite, toute chose mauvaise et douloureuse qui surviendrait contre NN.
née de NN., à l’heure du jour, alors les sept combattantes (flèches) seront très
efficaces en repoussant un adversaire de NN. née de NN., chacune d’entre elles
assurant sa protection. »102
« Autre (sort).
"Réjouissez-vous, réjouissez-vous dans les cieux, dans les cieux !
L’accouchement est accéléré ! Viens à moi, Hathor, ma maîtresse, dans la belle
tente, dans cette heure heureuse, avec (?) ce plaisant vent du nord, comme
quand […] comme la venue (?) d’un mari vers sa femme ! Réjouissance et
jubilation de ceux-ci [?] ! Vous êtes en route vers une maison a[vec] […]". »108
« Autre (incantation)
"La voix de Khepri a retenti dans la résidence, le son des pleurs (de joie) de
Sekhmet, en train de se réjouir dans le palais ! […] descendre […] en joie, toutes
les déesses se réjouissant ! Sois le bienvenu, toi (qui es) à leur tête ! Viens,
descends avec un cœur satisfait, toi aussi qui créas leur[s] nom[s], (toi) qui es
avec le Seigneur de la vie dans le palais, alors que la Grande (= Ouadjyt) reste à
sa place ! Éjecte les liquides de l’ânesse ici (?) ; ils appartiennent à Celui-de-
l’ânesse qui n’a pas de visage". »109
« Autre.
"J’étais enceinte dans l’ouryt. Je t’ai mis au monde dans le netcher. Je me suis
purifiée pendant que tu étais au lac des rois de Basse-Égypte. Ma possession
doit être pour moi et pour toi. Ma possession doit être à […] ?"
Dire ces paroles, afin que Meskhenet n’expose l’enfant à quelque mauvais sort.
» 113
« Pour éviter qu’une femme crispe les mâchoires […] : fèves. (Ce) sera broyé
avec […] […] [et placé] au niveau de ses deux crocs (= canines) le jour où elle
accouche. [C’est] un moyen de chasser les substances-tiaou. Vraiment efficace,
un million de fois. »115
« Autre (remède) pour faire descendre l’utérus à sa place naturelle : un ibis (fait)
en cire. (Ce) sera placé sur des braises, et on fera en sorte que la fumée entre
dans son vagin. »116
« Autre (remède) pour faire descendre tout ce qui se trouve dans l’intérieur du
corps d’une femme : tesson de vase-henou neuf. (Ce) sera broyé avec de la
graisse/huile. Faire chauffer et verser dans son vagin. »117
« Autre (remède) : vin de datte mesech ; sel marin ; graisse/huile. (Ce) sera cuit
et absorbé (en ayant été porté) à une température convenable au doigt. »118
L’accouchement
« Alors Isis elle-même se plaça devant elle, Nephthys était derrière elle et Heqet
accélérait les naissances. Alors Isis dit : "Ne sois pas trop fort dans son ventre,
en ce tien nom d’Ouseref (= Ouserkaf) !". L’enfant glissa alors sur ses deux
mains en tant qu’enfant d’une coudée, dont les os étaient solides, ses membres
apparurent en or et sa coiffure était en lapis-lazuli véritable. Elles le lavèrent
alors, après avoir coupé son cordon ombilical et l’avoir placé sur une brique. Puis
Meskhenet se présenta elle-même à lui. Elle déclara : "(Un) roi, qui exercera la
royauté dans tout le pays". [Puis] Khnoum fortifia son corps.
Alors Isis elle-même se plaça devant elle, Nephthys était derrière elle et Heqet
activait les naissances. Alors Isis dit : "Ne frappe pas trop dans son ventre, en ce
tien nom de Sahourê !". L’enfant glissa alors sur ses deux mains en tant
qu’enfant d’une coudée, dont les os étaient solides, ses membres apparurent
[en or] et sa coiffure était en lapis-lazuli véritable. Elles le lavèrent alors, après
avoir coupé son cordon ombilical et l’avoir placé sur une brique. Puis Meskhenet
se présenta elle-même à lui. Elle déclara : "(Un) roi, qui exercera la royauté dans
tout le pays". [Puis] Khnoum fortifia ses membres.
Alors Isis elle-même se plaça devant elle, Nephthys était derrière elle et Heqet
activait les naissances. Alors Isis dit : "Ne sois pas sombre dans son ventre, en
ce tien nom de Kekou (= Neferirkarê-Kakai) !". L’enfant glissa alors sur ses deux
mains en tant qu’enfant d’une coudée, dont les os étaient solides, ses membres
apparurent en or (et) sa coiffure était en lapis-lazuli véritable. Puis Meskhenet se
présenta elle-même à lui. Elle déclara : "(Un) roi, qui exercera la royauté dans
tout le pays". [Puis] Khnoum fortifia ses membres. Elles le lavèrent alors, après
avoir coupé son cordon ombilical (et) l’avoir placé sur une brique. » 124
« Remèdes pour une femme qui a récemment donné naissance et souffre d’une
douleur intense dans l’abdomen : si tu procèdes à l’examen d’une femme qui
souffre d’une douleur intense dans l’abdomen, qui a les deux aires tendues,
souffrant d’un côté, depuis le cœur jusqu’à la région pubienne, dans la moitié
droite ou dans la moitié gauche, de sorte qu’elle n’est plus capable de dormir, tu
dois conclure à propos d’elle : c’est un déplacement de l’utérus, il a bougé et il
est douloureux dans l’abdomen, c’est une maladie que je peux traiter. Et tu
feras pour elle : pain-bekhesou sec. Broyer finement. Chauffer avec de la graisse
d’oie neuve. Manger. Autre : bois-maâou. Broyer finement dans du miel. Manger
pendant quatre jours. »138
La meskhen(et)
Le terme meskhen(et) (msxn(.t), désigne littéralement «
le lieu des briques de naissance ». Il est évoqué dès l’Ancien
Empire dans les Textes des Pyramides, mais son emploi ne
permet pas de savoir en quoi il consistait exactement ni
même s’il correspondait à une réalité concrète en dehors de
la sphère divine et/ou royale. Peut-être a-t-il désigné dans
l’Antiquité, à court terme, la pièce (la chambre ?) de la
maison dans laquelle la femme accouchait ?
Le per mes(et)
Bien qu’il ait existé un terme meset (ms.t),
signifiant littéralement « le lieu de naissance », il fut assez
peu employé seul et plutôt utilisé dans l’expression per mes
(pr ms) ou per meset (pr ms.t), que l’on rend par « la
maison d’enfantement/de naissance ».
L’expression per mes(et) semble être apparue à l’époque
ramesside141 mais elle se rencontre plus particulièrement à
la Basse Époque et aux périodes gréco-romaines. Jean-
François Champollion fut le premier à la traduire et à la
rendre par le terme mammisi142. En égyptologie, ce mot
renvoie à un lieu de naissance symbolique matérialisé par
un petit temple, annexé à un complexe religieux
d’importance comme à Edfou, Dendérah, Philae et Kom
Ombo. Les scènes de naissance et les figures protectrices
de Bès, Thouéris, Isis, Osiris, Khnoum ou encore Hathor qui
ornent les parois, célèbrent la naissance des dieux-enfants
masculins et celle des pharaons qui s’assimilent alors aux
premiers. Ces petits temples ne sont pas de véritables lieux
de naissance ; ils fonctionnent principalement comme des
sanctuaires rappelant la naissance mythique d’un dieu et
éventuellement sa répétition terrestre avec la venue au
monde du pharaon.
Le papyrus d’obstétrique Brooklyn 47.218.2 évoque
plusieurs formules de protection relatives au per mes(et).
L’une d’elles est destinée à sécuriser les lieux dans leur
globalité : « Protections que l’on fait au per meset »143. Une
autre vise à protéger « la chambre du per meset » :
L’im nefer
L’une des incantations, évoquée dans le premier chapitre
de cette partie146, mentionne l’expression im nefer
(jm nfr). Le terme im fait vraisemblablement référence au
mot ou imou (jmw) qui désigne une
structure légère, peut-être même une tente147 et le terme
nefer est un adjectif signifiant « bon, bien, beau ».
Rappelons ici le contexte de cette expression :
« Viens à moi, Hathor, ma maîtresse, dans la belle tente, dans cette heure
heureuse, avec (?) ce plaisant vent du nord, comme quand […] comme la venue
(?) d’un mari vers sa femme ! »148
La formule n’indique pas expressément que cette tente
soit le lieu dans lequel la parturiente doit accoucher, même
s’il s’agit d’une possibilité à envisager. N’oublions pas
toutefois que l’incantation ne parle pas d’une banale
parturiente égyptienne mais de la grande Isis qui s’apprête
à donner naissance à Horus. Nous sommes ici dans la
sphère divine et non privée. Ce point établi, le fait que nous
ne connaissions pas avec exactitude la nature de cette
tente empêche tout rapprochement avec une structure
légère qui aurait servi de lieu d’accouchement au commun
des mortelles en Égypte ancienne. Par ailleurs, cette
allusion à un lieu de naissance du nom d’im nefer demeure,
à ce jour, un hapax*.
La maison de l’Égyptienne
Si l’on se réfère à l’unique source textuelle faisant le récit
détaillé d’un accouchement, celui de la dame Reddjedet,
nulle mention n’est faite d’un lieu particulier : Isis,
Nephthys, Heqet, Meskhenet et Khnoum se rendent
simplement à la maison d’Ouserrê, l’époux de Reddjedet. Or
il s’agit de la future mère des souverains Ouserkaf, Sahourê
et Neferirkarê-Kakai et, qui plus est, elle est assistée de
divinités prestigieuses. Si un lieu spécifique dédié à la
naissance avait été couramment utilisé par les Égyptiennes
de l’Ancien Empire au moment de leur accouchement, il
aurait été dans la logique qu’il soit mentionné pour une
naissance aussi extraordinaire. Toutefois, ce qui était
valable à cette époque ne l’était pas forcément aux autres
périodes.
Entre l’Ancien Empire et le Nouvel Empire, je ne connais
aucune mention textuelle se rapportant à l’accouchement
d’une Égyptienne dans sa demeure. En revanche, le papyrus
Brooklyn 47.218.2 y fait allusion dans l’une de ses formules
apotropaïques :
« Chapitre de protéger la chambre de cette femme sur le point d’accoucher
(prochainement) : NN. née de NN. dort sur une natte de roseaux, tandis qu’Isis
se tient en son giron, que Nephthys se tient derrière elle, Hathor étant sous sa
tête et Renenoutet sous ses jambes ; Ipet la Grande assurant sa protection et les
dieux et déesses la gardant. Au cas où viendraient un ennemi, une ennemie, un
mort, une morte, un adversaire, une adversaire, et ainsi de suite, toute chose
mauvaise et douloureuse qui surviendrait contre NN. née de NN., à l’heure du
jour, alors les sept combattantes (flèches) seront très efficaces en repoussant un
adversaire de NN. née de NN., chacune d’entre elles assurant sa protection.
»149
Les divinités
Les génies
Un seul génie est figuré sur cet ivoire (n° 7), ce qui n’est
pas toujours le cas. Au contraire, on rencontre souvent
plusieurs génies sur ce type d’objet magique. Celui qui nous
intéresse se présente comme un homme à tête de serpent
tenant deux reptiles dans ses mains. On rencontre parfois
ce type de génie sur les parois des demeures d’éternité
royales thébaines en tant que gardiens de portes de l’au-
delà.
Les couteaux
La purification post-partum
C’est une coutume courante dans de nombreuses
sociétés, passées ou modernes, que de permettre à la
femme venant de donner la vie de se remettre, durant
quelques jours, de l’épreuve de l’accouchement, surtout
lorsque celui-ci s’est révélé difficile ou a été suivi de
complications. Dans certaines civilisations, ce temps de
repos où la nouvelle mère se tient à l’écart de la société
peut être assorti d’une période de purification destinée à lui
permettre de réintégrer pleinement la communauté avec
son nouveau statut de mère. C’est ce que l’on appelle la
période des « relevailles ».
« J’étais enceinte dans l’ouryt. Je t’ai mis au monde dans le netcher. Je me suis
purifiée pendant que tu étais au lac des rois de Basse-Égypte. »174
L’ouverture de la bouche
À la naissance, la bouche du nouveau-né est emplie de
mucus qu’il faut rapidement retirer de manière à ce qu’il
puisse respirer correctement. Si l’enfant avale cette
substance visqueuse, des complications peuvent survenir et
même entraîner son décès prématuré. Le mucus est ôté
simplement avec les doigts que l’on peut également insérer
à l’intérieur de la bouche du nouveau-né afin de vérifier s’il
existe une quelconque anomalie du palais.
Dans la partie consacrée au statut social du fœtus, nous
avons vu que le défunt égyptien est considéré comme un
fœtus en gestation et en attente de sa renaissance au
royaume d’Osiris. Il n’est, de ce fait, pas étonnant de
rencontrer parfois dans les textes funéraires des évocations
de rituels ou d’actes accomplis sur des nouveau-nés, mais
pour l’occasion, mis en scène pour un défunt adulte. Il
semblerait que la cérémonie de l’Ouverture de la Bouche,
parfois illustrée dans certains Livres des Morts ou sur les
parois des tombes, soit la transposition symbolique d’une
action bien réelle. Ce rituel a vocation à rendre au défunt
toutes ses facultés physiques. À l’aide d’un outil appelé
l’herminette, les prêtres touchent des points rituels précis :
la bouche, pour permettre au mort de pouvoir à nouveau
manger et parler, le nez, pour qu’il puisse respirer le souffle
de vie, les oreilles, pour qu’il puisse entendre, et les yeux,
pour qu’il puisse à nouveau voir. Parfois, les prêtres utilisent
leur index et leur auriculaire à la place de l’herminette177.
D’ailleurs, un extrait des Textes des Pyramides, traitant du
devenir céleste des pharaons défunts, souligne l’importance
de ce geste :
« … Ta bouche a été ouverte par Horus à l’aide de [c]e d[oigt qui est sien].
Formule à réciter : "Ce petit doigt qui est sien avec lequel il avait ouvert la
bouche de son père (et) avec lequel il avait ou<vert> la bouche d’Osiris". »178
« Alors vint Horus à la recherche du cordon ombilical d’Osiris. On lui dit qu’il le
trouverait en présence du scribe du nilomètre (?) à Oxyrhynque. Alors Horus
partit pour Oxyrhynque et le trouva en possession de Seth. Alors Seth prit la
forme d’un hippopotame quand il vit Horus au loin, tandis qu’Horus avait
l’aspect d’un jeune d’une grande force. Ils se battirent. Quelque temps après,
Horus le renversa en lui coupant la jambe. Il l’expédia (?) à Hérakléopolis Magna
et la donna au scribe qui était au-dessus du nilomètre (?) […] Puis Horus prit le
cordon ombilical d’Osiris qui fut retrouvé en sa présence et (ensuite) enterré
dans sa place à Hérakléopolis Magna. L’endroit où il repose est appelé Neref
jusqu’à aujourd’hui. »181
Le devenir du placenta
Dans le conte du papyrus Westcar, il n’est fait aucune
allusion au placenta et à son devenir, ce qui est assez
étrange puisque lui aussi est intrinsèquement lié au
nouveau-né qu’il a nourri durant sa gestation intra-utérine.
Son nom même mout remetch (mw.t rmT)
signifie littéralement « mère des hommes » et atteste de
l’importance que lui témoignent les Égyptiens. D’ailleurs, le
placenta est considéré comme ayant un grand pouvoir
magique associé à l’individu royal183 ou non184. À l’instar du
cordon ombilical, il peut être conservé et pieusement
inhumé. En attestent la découverte de placenta momifié185
et la possible identification à du placenta de résidus et
déchets organiques, découverts dans des fosses du
cimetière de Gournet Mourraï, l’une des nécropoles du
village de Deir el-Médineh186. En contrebas de la colline,
Bernard Bruyère mit au jour des sépultures d’enfants en bas
âge et de périnatals, ainsi que des déchets qu’il identifia à
des résidus de momification (linges souillés de sang, restes
de viscères). Il n’est pas impossible que certains
correspondent à des résidus d’accouchement. En effet, les
linges peuvent tout aussi bien avoir été ensanglantés au
moment de la mise au monde de l’enfant. En outre, les
matières organiques non identifiées par Bernard Bruyère ont
pu être, dans certains cas, des restes de placenta. Si, un
jour, des découvertes confirment cette hypothèse, nous
aurions là un lien significatif avec une pratique qui perdure
encore aujourd’hui dans les campagnes égyptiennes, où le
placenta du nouveau-né est enterré précautionneusement
sous le sol de la maison, dans un champ, dans un cimetière,
ou bien confié au Nil ou à un canal187. Selon une croyance
populaire, une femme craignant de devenir stérile à la suite
d’un accouchement doit enterrer le placenta du nouveau-né
sous le seuil de sa porte et passer au-dessus un nombre de
fois impair (3, 5 ou 7 fois)188. L’origine de cette pratique
semble s’être perdue dans la nuit des temps. Certains
parlent du pouvoir magique du placenta lié au devenir de
l’enfant quand d’autres croient qu’il assurera une nouvelle
grossesse favorable. C’est en tout cas le témoignage que
livra, dans les années 80, un obstétricien américain qui eut
l’occasion de séjourner dans un village proche de Médinet
Habou :
« Une des femmes fit un trou à côté du lit de Fatimah et y enterra son placenta,
avec une mixture de sucre brut et d’épices "pour assurer une bonne grossesse
la prochaine fois". » 189
La purification de l’enfant
Comme nous l’avons vu à l’occasion du rite de passage
nécessaire à l’Égyptienne pour prendre ou retrouver
pleinement ses prérogatives de mère, la femme
nouvellement accouchée doit subir un rituel de purification
destiné à ôter toute trace de souillure causée par
l’accouchement. Une cérémonie similaire est organisée pour
le nouveau-né dans le même but, ainsi que nous l’apprend
un passage du Livre des Morts :
La nomination de l’enfant
Le dernier rituel de séparation dont les sources antiques
font état consiste à donner un nom au nouveau-né. Celui-ci
passe alors de l’anonymat à une reconnaissance sociale, un
statut, un nom qui l’identifie et, par là même, lui permet
d’exister et d’être reconnu aux yeux de tous. Là encore, on
ignore comment et quand se déroule cette étape. Certains
égyptologues ont avancé le fait que l’enfant soit nommé dès
sa naissance afin que son nom le protège et surtout parce
que, sans nom, l’individu n’est rien. D’autres ont avancé
l’hypothèse qu’au contraire, on attend que passent les
premiers jours de l’enfant, particulièrement cruciaux dans
l’Antiquité, avant de lui donner un nom. À l’heure actuelle, il
est bien difficile de trancher car les sources traitant de ce
sujet sont rares ; par ailleurs, un document tend à suggérer
que l’enfant puisse être nommé avant même sa naissance.
Il s’agit d’un chapitre du papyrus Berlin 3027 :
« […] Ce créateur s’en est allé, sachant à ton sujet qu’en ton nom, Meskhenet,
tu créeras le ka de cet enfant qui est dans le ventre de cette femme.
Pour lui, j’ai édicté un ordre royal à Geb pour qu’il crée le ka. […]
Nout accueille tous les dieux, ses étoiles sont une armée d’étoiles et ne
s’éloignent pas comme ses étoiles. Que leur protection vienne pour NN. et
qu’elle protège P.
Prononcer ces mots au-dessus d’une paire de briques… […]. »191
Le dieu Chaï
À partir du Nouvel Empire, apparaît dans l’horizon
religieux le dieu Chaï, personnification de la notion abstraite
de destinée, dont le nom signifie « Celui qui détermine »197.
Son rôle consistant à calculer le temps de vie des êtres
humains, Chaï est présent à leur naissance ainsi qu’à leur
mort198. Il n’est pas rare de voir, dans les Livres des Morts,
le dieu assister à la pesée du cœur du défunt dont il a lui-
même déterminé le temps de vie.
Chaï est très rarement évoqué ou représenté seul. La
plupart du temps, il est accompagné de l’une ou de l’autre
de ses parèdres, Meskhenet et Renenoutet, voire des deux.
La déesse Meskhenet
La part active que joue la déesse Meskhenet au moment
de l’accouchement et de la naissance a été soulignée à
maintes reprises. Invoquée dans les incantations pour veiller
sur la parturiente et protéger l’enfant à naître ou tout juste
né, Meskhenet a un rôle fort dans la vie de l’Égyptien
puisqu’elle fixe également son destin. Rappelons-nous que
l’un des chapitres du papyrus Berlin 3027 livre un charme
afin que « Meskhenet n’expose l’enfant à quelque mauvais
sort » 199.
À l’époque ptolémaïque, Meskhenet apparaît sous la
forme d’un collège de quatre déesses : Meskhenet-la-bonne,
Meskhenet-la-puissante, Meskhenet-la-grande et
Meskhenet-l’efficace.
Ainsi que nous l’avons observé à propos des briques de
naissance200, le chiffre 4 évoque souvent les directions
cardinales et exprime l’idée de totalité. Ici, la
démultiplication de la déesse permet d’exploiter au mieux
ses diverses facettes et de renforcer son pouvoir
magique201.
Les épithètes des quatre Meskhenet rappellent
respectivement celles d’autres puissantes déesses : ainsi,
Meskhenet-la-bonne est-elle assimilée à Isis, Meskhenet-la-
puissante à Tefnout, Meskhenet-la grande à Nout, et
Meskhenet-l’efficace à Nephthys.
À l’époque ptolémaïque, leur rôle dépasse celui de la
Meskhenet originelle : non seulement elles assistent à la
naissance d’Horus et du pharaon, mais elles jouent
également le rôle de nourrice divine et royale, et
déterminent tout à la fois l’héritage, la royauté ainsi que la
durée de vie du nouveau roi. Une inscription rédigée dans le
temple d’Esna résume ainsi leurs attributions :
« Ce sont elles qui comptent le temps, qui conjurent le mal, qui embellissent les
lieux de naissance sur les quatre briques de naissance. Elles (fixent) son destin
auprès du maître du tour de potier [= Khnoum] pour créer ta famille dans […].
»202
« 3e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par le crocodile.
6e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra piétiné par un
taureau.
11e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là ne vivra pas.
13e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par
aveuglement.
16e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par le crocodile.
23e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là ne vivra pas.
24e jour du 1er mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là ne vit pas209 (var.
mourra de vieillesse)210.
4e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra d’éruption
cutanée.
5e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra en copulant.
6e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra en étant saoul.
7e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra en terre étrangère.
9e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra à un âge avancé.
23e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par un crocodile.
27e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra par un serpent.
29e jour du 2e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra comme un
homme honorable parmi [ses gens].
14e jour du 3e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra de […]
20e jour du 3e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra dans l’année de
contagion.
23e jour du 3e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là mourra sur le fleuve.
3e jour du 4e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là, ses oreilles le feront
mourir.
10e jour du 4e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là, mourra (ayant à la main)
du pain et de la liqueur haq à la bouche, et l’œil dessus.
21e jour du 4e mois d’Akhet : quiconque naît ce jour-là meurt aveugle.
4e jour du 1er mois de Peret : quiconque naît ce jour-là mourra comme un
homme honorable parmi [ses gens].
20e jour211 (var. 23e jour212) du 1er mois de Peret : quiconque naît ce jour-là
mourra à un âge avancé et riche de toute bonne chose.
[…] jour du troisième mois de Peret : quiconque naît ce jour-là mourra de noyade
(?) pendant l’inondation du Nil.
22e jour du 4e mois de Peret : quiconque naît ce jour-là vit et meurt le même
jour.
[…] jour du 1er mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là mourra […]
22e jour du 1er mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là mourra de vieillesse.
10e jour du 2e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là sera noble.
15e jour du 2e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là mourra grand en tant
que magistrat parmi les gens.
23e jour du 2e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là ne vivra pas.
8e jour du 4e mois de Chemou : quiconque naît ce jour-là aura un honneur
noble. »
« Voici d’autres choses dont la découverte remonte aux Égyptiens : à qui, parmi
les divinités, appartient chaque mois et chaque jour ; ce qu’il adviendra à un
homme d’après le jour de sa naissance, comment il mourra, quel il sera. »214
« Autre : déterminer le sort d’un enfant le jour où il est mis au monde. S’il dit ny,
cela veut dire qu’il vivra, s’il dit embi, cela veut dire qu’il mourra. »216
« Autre détermination. Si on entend sa voix plaintive, cela veut dire qu’il mourra.
S’il place son visage en direction du sol, cela veut dire encore qu’il mourra. »217
Le recours à la magie
« Autre (sort) :
"Que s’éloigne celui qui est venu des ténèbres, celui qui entre en rampant, celui
dont le nez est derrière lui, dont le visage est tourné en arrière, après qu’il ait
échoué à ce pourquoi il est venu.
Que sorte dehors celle qui est venue des ténèbres, celle qui entre en rampant,
celle dont le nez est derrière elle, dont le visage est tourné en arrière, après
qu’elle ait échoué à ce pourquoi elle est venue.
Êtes-vous venus pour embrasser cet enfant ? Je ne vous laisserai pas
l’embrasser !
Êtes-vous venus pour [le] calmer ? Je ne vous laisserai pas le calmer !
Êtes-vous venus pour lui nuire ? Je ne permettrai pas que tu lui nuises !
Êtes-vous venus pour le prendre ? Je ne vous laisserai me le prendre !
J’ai fait sa protection contre vous avec la plante-âfai, puisqu’elle constitue un
obstacle (contre vous), de l’ail pour qu’il vous nuise, du miel doux aux gens,
mais amer aux morts, de la sécrétion (?) du poisson-abdjou, de la mandibule de
l’animal-meret (?) et la colonne vertébrale d’une perche du Nil". »237
« "Salut à vous, (les fils) qu’Isis a tissés et que Nephthys a enroulés en un (seul)
fil, et dont elles ont fait des nœuds du fil divin avec sept nœuds.
Puisses-tu être ainsi protégé, (toi) enfant sain, P., né de NN., afin que tu restes
en bonne santé et bien portant, afin que, pour toi, chaque dieu et chaque
déesse soient satisfaits, pour que soient écartés l’ennemi, le voyageur, et
l’ennemie, la voyageuse. Et que soit interdit le nom à celui qui se plaint à ton
sujet, que la bouche soit fermée, comme fut muselée la gueule des soixante-dix-
sept ânes dans le canal de Desdès. Si je les reconnais (= les ânes), je connaîtrai
leurs noms. Celui qui rendra cet enfant malade ne peut pas les reconnaître et il
continuera à en souffrir".
On doit réciter cette formule quatre fois sur sept perles en pierre-ibehti, sur sept
(graines ?) en or et sept fils de lin, fabriqués par les deux tantes ; l’une est celle
qui a tissé, l’autre, celle qui enroule les (fibres) en fil. On y fixe une amulette
avec sept nœuds. On met le tout au cou de l’enfant. [C’est] la protection du
corps [de] l’enfant (?). »238
Dans une étude consacrée à ce charme, Sylvie Donnat a
établi qu’il ne fallait plus considérer la « femme rouge »
comme une créature éprouvant des difficultés à procréer et
à accoucher, victime du dieu Seth auquel cette couleur est
souvent associée, mais comme la mère de l’astre solaire, de
teinte jaune mais également rouge, auquel le nouveau-né
est assimilé239. Une formule du papyrus Ramesseum XVI
confirme d’ailleurs sa démonstration :
Chaque dieu est celui qui protégera ton (?) nom […]. Tout le lait que tu tètes,
chaque bras dans lequel tu es placé, chaque giron sur lequel tu t’étires, les
vêtements dont tu es habillé, chacun […….] dans lequel tu as passé le jour,
chaque protection qui est faite pour toi, chaque protection (instrument ?) sur
lequel tu es mis, <chaque nœud> qui est noué pour toi, chaque amulette qui
est mise à ton cou, elle te protégera avec eux, elle te gardera sain et indemne,
et te donnera la faveur de chaque dieu et chaque déesse. »244
« Je suis Rerit, celle qui attaque au moyen de sa voix, qui dévore, quand elle
s’approche, celui qui élève la voix et qui pousse des cris, mais qui protège celui
qui sort de son corps. »255
Les amulettes
En égyptien, les termes « amulette » et « protection »
sont non seulement homonymes – ils s’écrivent tous deux
qui se lit sa (sA) – mais également quasi synonymes. En
effet, l’écriture de ces deux termes n’est pas toujours suivie
du hiéroglyphe déterminatif permettant de les distinguer et
de savoir à quel mot précisément le texte fait référence. Ce
fait souligne étroitement l’association entre les deux termes
et le rôle fondamental confié aux amulettes.
Si en français, le terme « amulette » se réfère à un objet
spécifiquement doté d’une valeur magique, en Égypte
ancienne, il est probable qu’il faille élargir l’utilisation de ce
terme à toute la gamme des bijoux, comportant ou non des
pendentifs en lesquels nous reconnaissons des amulettes.
Dans l’Antiquité, les bijoux revêtent certes une fonction
décorative indéniable, mais également apotropaïque. Leurs
représentations, couleurs, matériaux et parfois leur nombre
sont chargés de connotations symboliques et de valeurs
magiques qui passent pour veiller sur la personne les
portant. Les pendentifs ne sont donc pas les seuls à jouer un
rôle prophylactique : les perles, les fils, les nœuds réalisés
sur les colliers ou les bracelets, ou tout simplement les
parures faites d’une seule pièce, tous ont vocation, à leur
manière et peut-être avec des échelles de puissance
diverses, à protéger leur détenteur.
« … chaque amulette qui est mise à ton cou te protégera avec eux, elle te
gardera sain et indemne, et te donnera la faveur de chaque dieu et chaque
déesse. »261
« Faire en sorte que l’enfant qui ne tète pas accepte (le sein). (Paroles à réciter
:) "Horus ingurgitera et Seth mâchera […]". »269
« Examen d’un lait bon : son odeur est semblable à celle des râpures de rhizome
de souchet comestible. C’est le moyen de trouver cela. »271
« "As-tu chaud [dans] le nid ? As-tu chaud dans les broussailles ? Ta mère n’est-
elle pas avec toi ? Une sœur n’est-elle pas là, pauvre abandonné ? N’y a-t-il pas
de nourrice pour préparer une amulette ?
Que l’on m’apporte une perle en or, une perle en grenat, un sceau avec un
crocodile et une main, pour abattre et éliminer ce désir (?) de chauffer le corps,
et abattre cet ennemi et cette ennemie de l’Ouest.
Disparais !
La protection/l’amulette est là".
On doit réciter cette formule sur une perle en or, une perle en grenat, un sceau
avec un crocodile et une main. Elle est élaborée sur le fil le plus fin, (et)
constitue une amulette qui est mise au cou de l’enfant. Bon. »273
« On doit réciter cette formule pendant que l’on fait manger une souris cuite à
cet enfant ou à sa mère. Ses ossements doivent être attachés à son cou (au
moyen d’) une bande de lin fin et sept nœuds doivent être noués. »277
« "… Voici que je sortis des marécages […], confesse Isis la déesse. J’ai battu
mes mèches, défait mes cheveux, ayant retrouvé mon fils Horus le cœur affaibli,
les lèvres livides, les genoux sans force (après qu’il eut) tété le bââ qui était
dans ma poitrine, l’agent pathogène […] qui était dans mon sein.
– Assieds-toi pour […] Ô Isis ! dit Horus.
– Va-t’en, Bââ malin, en ce tien nom de Bââ, (toi qui) dérobes le cœur, rends
atoniques les genoux de celui dans lequel il s’éternise.
– Viens (lutter) contre le mal avec moi, ô ma mère ! dit Horus. (Et toi aussi) sœur
de ma mère, Nephthys. (Rendons-nous) au poste des nourrices et des
puéricultrices de Nout afin qu’elles nous indiquent comment elles ont agi contre
(le mal) pour leurs enfants. Ainsi, nous pourrons procéder de la même façon
pour les enfants de […]
– […], [dit] Isis, la déesse, avec Nephthys. Je suis venu pour mon fils Horus, dont
le cœur est affaibli, les genoux [atoniques] […], [après qu’il eut tété le bââ qui
était dans] ma poitrine, l’agent pathogène qui était dans mon sein.
Sa prévention : sceller avec sept fils de lin tressés et enroulés en pelote [par]
(une femme) qui vient d’accoucher. Aller chercher une hirondelle qui est dans
son nid. Que l’on farde (ses yeux) avec […] et de la galène […] cet enfant et sa
mère. (Alors) sa maladie-bââ (passe) à l’hirondelle".
Dire cette formule sur sept fils de lin tressés et enroulés en pelote (par une
femme) qui vient d’accoucher. En faire sept nœuds que l’on placera contre la
gorge de l’enfant. Aller chercher une hirondelle […] instiller du lait dans son bec
[…]. »286
Ce passage, moyennement bien conservé, fait allusion
au mythe d’Isis lorsqu’elle doit s’enfuir et se cacher avec
son fils Horus dans les marécages de Khemmis pour se
soustraire à la cruauté et à la malveillance de Seth. La
référence à une légende mythologique permet d’établir un
parallèle fort entre une mère égyptienne dont l’enfant
souffre de cette maladie et la propre histoire d’Isis. Pourtant,
bien que cette déesse soit considérée comme LA
magicienne par excellence, elle est ici impuissante à se
débarrasser de la maladie-bââ qu’elle a involontairement
transmise à son fils. Elle est donc contrainte de solliciter
l’aide de sa sœur Nephthys et des nourrices de sa mère
Nout. Bien que le passage du rituel soit fort lacunaire, il est
manifeste que c’est l’intervention de l’hirondelle, prenant le
mal-bââ de l’enfant par magie sympathique, conjuguée au
pouvoir de l’amulette à sept nœuds et à la récitation de
l’incantation qui interviennent dans la guérison d’Horus.
Plusieurs symptômes du bââ sont cette fois clairement
détaillés : l’enfant a le cœur affaibli, les lèvres livides et il
est extrêmement faible, au point de ne plus pouvoir se tenir
debout. Le passage induit par ailleurs que l’allaitement est
considéré comme la cause première de la transmission de la
maladie. D’un point de vue médical, le lait étant stérile à
son émission, l’infection est toujours d’origine exogène. En
revanche, les crevasses et l’engorgement mammaires
peuvent être sources d’infection. La mère est donc
indirectement responsable de l’affection de son enfant mais
n’en ressent pas elle-même les effets néfastes (pl. 34). Elle
n’est que le conducteur entre le bââ et le nourrisson.
Dans le papyrus Berlin 3027, c’est la médecine qui tente
de faire face à la maladie-bââ à travers la délivrance de
trois recommandations évoquées successivement :
« Ce qui doit être préparé pour un enfant qui souffre d’incontinence d’urine :
glaçure-tjehenet bouillie (et mise) sous la forme d’une boulette. Si c’est un
enfant grand, il l’ingurgitera (tel quel) en l’avalant. S’il est dans les langes, cela
lui sera broyé dans du lait par sa nourrice, et il en sucera quatre jours de suite.
»291
« … L’enfant qui est dans le giron de sa mère, son désir est d’être allaité.
"Vois", dit-il, il trouve (l’usage de) sa bouche pour signifier : "Donne-moi de la
nourriture". »313
L’un des enseignements du même Ani rappelle
également à l’Égyptien le dévouement de sa mère durant sa
petite enfance :
« Elle s’attela alors, ses seins dans ta bouche pendant trois ans, sans faiblir.
»314
« Ta mère t’a conçu en dix mois, elle t’a nourri durant trois ans. » 315
« … Aussi a-t-il dit : "C’est le lait qui sert d’aliment à la bouche jusqu’à ce qu’elle
produise des dents !". »316
« Ramener le lait à une nourrice que tète un enfant : épine dorsale d’un poisson-
combattant. (Ce) sera bouilli dans de la graisse/huile. Enduire avec (cela) son
dos (= celui de la nourrice). »319
« Tout le lait que tu tètes, chaque bras dans lequel tu es placé, chaque giron sur
lequel tu t’étires, les vêtements dont tu es habillé… » 347
La tête rasée
Si la tête entièrement rasée est la coupe de cheveux par
excellence des nourrissons dans l’iconographie
égyptienne 349 (pl. 34, 38 et 39), il demeure plus difficile de
savoir dans quelle proportion cette coiffure est réellement
envisagée dans la vie quotidienne, tant l’iconographie offre
une image figée et stéréotypée des enfants en bas âge. De
même, il nous est impossible de savoir si cette tonte est
adoptée de manière sporadique – par exemple pour lutter
efficacement contre toutes sortes de parasites capillaires ou
cutanés – ou sur une longue durée. Des considérations
d’ordre hygiénique, voire de pureté, ont très probablement
motivé le choix de cette coupe de cheveux.
1.a. Ostracon. Calcaire. Tombe de Ramsès IX (KV 6), Vallée des Rois. Nouvel
Empire. Le Caire, Musée égyptien, CG 25074. Dessin de l’auteur.
1.b. Collier-menat. Faïence. Nubie (?). Basse Époque. New York, Metropolitan
Museum of Art, 41.160.104. Dessin de l’auteur.
1.c. Poupée plate. Bois. Thèbes. Deuxième Période Inter- médiaire (?).
Londres, British Museum, EA 22627. Dessin de l’auteur.
2. Relief. Temple de Dendérah. Époque ptolémaïque. Mariette (A.),
Dendérah. Description générale du grand temple de cette ville, t. III,
1871, pl. 76a.
3. Brique de naissance découverte à Ouah-Sout. Boue séchée. Ouah-sout
(Abydos-sud). Moyen Empire. Dessin reproduit avec l’aimable autorisation
de J. Wegner et J. H. Wegner. (Cf. Wegner (J.), « A decorated birth-brick
from South Abydos : new evidence on childbirth and birth magic in the
Middle Kingdom », in Silverman (D.), Simpson (W.) et Wegner (J.),
Archaism and Innovation, 2009, fig. 4).
4. Bas-relief. Mammisi d’Ermant. Période ptolémaïque. Lepsius (K.),
Denkmäler aus Aegypten und Aethiopien, vol. IX, 1973, pl. 60 (= Abth. IV
Bl. 60).
5. Brique de naissance découverte à Ouah-Sout. Boue séchée. Ouah-sout
(Abydos-sud). Moyen Empire. Dessin reproduit avec l’aimable autorisation
de J. Wegner et J. H. Wegner. (Cf. Wegner (J.), « A decorated birth-brick
from South Abydos : new evidence on childbirth and birth magic in the
Middle Kingdom », in Silverman (D.), Simpson (W.) et Wegner (J.),
Archaism and Innovation, 2009, fig. 2).
6. Ivoire magique. Ivoire d’hippopotame. Thèbes. Moyen Empire. Londres,
British Museum, EA 18175. Dessin de l’auteur.
7. Peinture. Tombe n° BH 15 de Baket à Béni Hassan. Moyen Empire.
Rosellini (I.), I monumenti dell’Egitto e della Nubia, I, 1834, pl. MCXXVII.
8. Frise apotropaïque décorant un petit bol à embout. Dessin de l’auteur
d’après Friedman (Fl.), Gifts of the Nile, 1998, p. 207.
9. Vaisselle. Calcaire. Tombe n° SK-18608 H/1 (ELEP n° 91-28) d’Éléphantine.
Moyen Empire. Dessin de l’auteur d’après Von Pilgrim (C.), Elephantine
XVIII, AV 91, 1996, p. 141.
10. Petite statuaire. Ivoire. Tell el-Farkha. Période thinite. Dessin de l’auteur
d’après Teeter (E.), Before the Pyramids, 2011, fig. 6.5.
11. Ostracon. Matériau non mentionné. Tombe de Maya et Meryt à Saqqarah.
Nouvel Empire. Dessin reproduit avec l’aimable autorisation de M. Raven
et H. Schneider (Cf. Raven (M.), The Tomb of Maya and Meryt, 2001, pl.
48).
GLOSSAIRE
3. Dieu Bès.
© Courtoisie de M. Détrie-Perrier.
4. Déesse Isis.
© Auteur.
5. Déesse Hathor.
© Auteur.
6. Déesse Thouéris.
© Courtoisie de D. Berrubé.
7. Déesse Heqet.
© Fr. Gourdon.
8. Déesse Nout.
© Fr. Gourdon.
9. Contrepoids de collier-menat, © Courtoisie de M.
Détrie-Perrier.
10. Figurine de femme allaitant un nourrisson.
© Musée du Louvre, Paris, DIst RMN-Grand Palais/Georges Poncet.
11. Femme couchée et allaitant un enfant.
© Courtoisie du Musée égyptien, Le Caire.
12. Femme couchée avec un enfant auprès d’elle.
© Courtoisie de R. Lichtenberg.
13. Femme couchée avec un enfant auprès d’elle.
© Auteur.
14. Figurine de fertilité sans enfant
découverte
enveloppée dans un morceau de tissu.
© Fr. Gourdon.
15. Figurine de fertilité sans enfant en faïence.
© Courtoisie de Y. Lacaze.
16. Figurine de fertilité sans enfant en terre cuite.
6© Fr. Gourdon.
17. Statuettes et figurines enfantines découvertes dans
les temples d’Éléphantine et de Tell el-Farkha.
a, b et d. © Courtoisie du DAIK, Le Caire.
c. © Courtoisie de K. Cialowicz et M. Chlodnicki.
18. Statuette portant un message adressé à un mort.
© Fr. Gourdon.
19. Flacon figurant une femme enceinte.
© Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais/Christian Decamps.
20. Flacon figurant une femme enceinte.
© Musée du Louvre, Paris, Dist. RMN-Grand Palais/Christian Decamps.
21. Flacon figurant une femme enceinte.
© Musée du Louvre, Paris, RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Franck Raux.
22. Ostracon figurant le fœtus de l’astre solaire au travers
du ventre de sa mère.
© Courtoisie du Musée égyptien, Le Caire.
23. Ostracon en trois-dimensions peint et figurant Nout
enceinte de l’astre solaire.
© Musée du Louvre, Paris, Dist. RMN-Grand Palais / Christian Decamp.
24. Fœtus féminin découvert dans la tombe de
Toutânkhamon.
© Courtoisie du Griffith Institute, Université d’Oxford.
25. Scène précédant la naissance d’un enfant mâle.
© Courtoisie de J. Wegner et J. H. Wegner.
26. Supposés lits d’accouchement découverts par Bernard
Bruyère et encore visibles aujourd’hui.
© Auteur.
27. Structure prise en vue plongeante.
© Auteur et hiéroglyphe de la maison d’après Jsesh.
28. Village de Deir el-Médineh.
© Auteur.
29. Ivoire magique invoquant sur
deux colonnes distinctes
une protection diurne et nocturne.
© Courtoisie du MMA, New York.
30. Ivoire magique destiné à assurer la protection d’une
femme enceinte.
© Courtoisie de Y. Lacaze.
CHAPITRE I
LE DÉSIR DE MATERNITÉ
L’imploration des dieux
Les divinités les plus couramment sollicitées
Les statuettes et figurines de fertilité
Les offrandes de petite statuaire enfantine
Les décrets oraculaires
Le rôle des revenants
Le rôle bénéfique des revenants
Le rôle maléfique des revenants
Le recours au médecin
Les tests de grossesse
Les prescriptions médicales
CHAPITRE II
LE TEMPS DE LA GROSSESSE
Le suivi médical
Le recours à la magie
Le statut du fœtus
La protection du foetus
Des foetus modestement mais soigneusement enterrés
Et des foetus momifiés
CHAPITRE III
LE TEMPS DE LA NAISSANCE
Les protections déployées lors de
l’accouchement
Les incantations aux dieux
Les recommandations médicales prénatales
L’accouchement
L’accouchement dans les textes
L’accouchement dans l’iconographie
L’accouchement dans la lexicographie
Les briques de naissance
Les recommandations médicales post-natales
Le lieu de naissance de l’enfant
La naissance : un rite de passage pour la mère
et l’enfant
Le recours aux briques de naissance
L’utilisation d’un ivoire magique
Les actes rituels liés à la nouvelle mère
Les actes rituels liés au nouveau-né
CHAPITRE IV
L’AVENIR ET LA PROTECTION DU NOURRISSON
Les prédictions livrées à la naissance de
l’enfant
L’avenir révélé par les dieux
L’établissement de l’horoscope de l’enfant
Les tests de viabilité du nouveau-né
Le recours à la magie
Les ivoires magiques
Le choix du nom de l’enfant
Les incantations de protection
Les amulettes
Les talismans d’heureuse maternité
Les prescriptions iatromagiques
CHAPITRE V
LE SOIN ET L’ENTRETIEN DU NOURRISSON
La considération de l’enfant handicapé
Les sources épigraphiques
Les sources iconographiques
Les sources anthropologiques
L’alimentation des enfants en bas âge
Les sources de notre connaissance
Le lait est-il toujours d’origine humaine ?
Existe-t-il des biberons ?
L’entretien de l’enfant en bas âge
Les enfants en bas âge sont-ils généralement vêtus ?
Les enfants en bas âge portent-ils des sandales ?
Comment coiffe-t-on les enfants en bas âge ?
CONCLUSION
NOTES DE FIN
TABLE DES PLANCHES
TABLE DES FIGURES
GLOSSAIRE
INDICES
Index des noms de divinités, génies égyptiens
Index des noms de lieux
Index des sources antiques
ABRÉVIATIONS CONVENTIONNELLES
ABRÉVIATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Achevé d’imprimer par XXXXXX,
en XXXXX 2015
N° d’imprimeur :
Imprimé en France